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TRAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités


NUMÉRO 043 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 16 avril 2007

[Enregistrement électronique]

  (1535)  

[Traduction]

    Bonjour tout le monde et bienvenue à cette 43e réunion du Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités.
    Je sais qu'il y en a beaucoup parmi vous qui étaient absents, de sorte que je voudrais faire le point à votre intention.
    Vendredi, vous avez reçu une note de ma part pour vous aviser que la séance d'aujourd'hui n'aurait pas lieu, mais que nous nous réunirions plutôt pour étudier les travaux futurs du comité. Il y a également deux motions dont nous devons discuter.
    J'ai jugé qu'il était important d'expliquer au comité pourquoi j'avais pris cette décision et permettre aux membres de donner leur avis afin de voir ce qu'il convenait de faire. J'ai pensé qu'il était important que le comité se réunisse en séance plénière avant d'aller plus loin, en particulier en ce qui concerne cet examen de la sécurité ferroviaire. Je ne pense pas que qui que ce soit ici puisse nier qu'il s'agit là d'une étude importante et qui doit être réalisée.
    J'ai attendu aussi longtemps que possible pour le faire. Lorsque nous nous étions quittés, le différend syndical-patronal était provisoirement réglé, mais pendant la relâche de Pâques, il est apparu clairement qu'il n'y avait pas entente. Au milieu de la semaine dernière, nous avons entendu dire qu'en raison de ce conflit de travail, le CN et le CP, qui devaient comparaître mercredi, ne pourraient pas venir.
    En apprenant cela, j'ai pensé, comme la dernière fois — lorsque M. Bell avait présenté cette motion, il y avait un conflit de travail, et j'avais jugé que nous avions sursis à la chose, en partie, pour laisser le temps aux parties d'arriver à un règlement, quitte à les faire comparaître ultérieurement parce que nous devons les entendre pour pouvoir examiner ce dossier important — qu'il était préférable de surseoir à la chose.
    Je laisse au comité le soin de décider, mais à mon avis, étant donné le conflit de travail actuel, il est important, si nous décidons d'aller de l'avant, de fixer certains paramètres afin de ne pas nous immiscer dans des questions syndicales-patronales, de ne pas nous immiscer dans l'actuel différend.
    Cela dit, je vous présente mes excuses. Je sais que certains d'entre vous sont partis de chez eux vendredi afin d'être à Ottawa pour la réunion de lundi, de sorte que l'avis que j'ai envoyé ne leur est pas parvenu avant leur départ. Vous voudrez bien m'excuser pour ce désagrément.
    Mais une fois encore, je pense qu'il est important que nous discutions entre nous quelques instants, voire plus longuement, selon ce que voudra le comité, de l'orientation que nous voulons prendre dans le cadre de cet examen.
    Je vais m'en tenir à cela. Comme je l'ai, je crois, toujours fait, cette fois encore je vais demander au comité d'exprimer sa volonté, et je vais commencer en donnant la parole à M. Bell.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à vous dire que cette décision m'a beaucoup déçu.
    J'ai écouté votre explication. J'ai appris la chose... Pour commencer, d'après ce que je sais, les intéressés ont passé plusieurs coups de téléphone vendredi après-midi entre 13 et 14 heures. À ce moment-là, rien ne permettait de croire qu'il y aurait un changement, de sorte que les trois témoins sont partis pour Ottawa. Depuis lors, l'un d'eux est rentré chez lui. C'est à 17 heures qu'ils ont appris que la réunion avait été annulée, ce qui est un manque flagrant de respect à l'endroit de nos témoins. En effet, ils ont dû prendre toutes sortes de dispositions pour venir ici, ils ont dû se préparer à répondre aux questions des membres du comité.
    Je comprends fort bien votre souci en ce qui concerne la question de la grève et du lock-out, mais il est manifeste qu'avec tous vos talents de président, avec tout le savoir du comité en matière de procédures, nous aurions facilement pu aller de l'avant et avoir cette réunion sans nous engager dans cette question de grève et de lock-out, sans qu'il y ait chevauchement. Ça aurait été très simple. Si une question va trop loin, en réalité, ce qui nous intéresse ici, c'est essentiellement tout ce qui tourne autour des deux rapports que nous avons — l'audit en matière de sécurité et la phase un et la phase deux de l'étude sur la gestion de la sécurité qui a été effectuée par Transports Canada — et il faut impérativement que nous mettions le processus en route. Il y a encore et toujours des déraillements, des vies sont encore et toujours en jeu.
    L'un des messieurs qui sont ici aujourd'hui, M. Gordon Rhodes, a lui-même frôlé la mort. Il faisait partie de l'équipage de la locomotive qui a déraillé à Lillooet, causant la mort de ses deux camarades. Sans la vigilance d'un de ses collègues sur un autre convoi, il est fort possible qu'il n'aurait lui-même pas été ici aujourd'hui. C'est donc quelque chose de très pénible, de très stressant pour lui de venir ici et de se préparer à nous parler de tous les problèmes qui, à son avis, ont fini par surgir dans ce qu'il a vécu, et dans d'autres incidents également dont il a connaissance.
    Je pense qu'en l'occurrence ce que nous devrions faire... Il y a M. Anderson, qui vient de Sioux Lookout et qui est en ville je crois, et M. Gordon Rhodes qui vient de Colombie-Britannique. John Holliday est également venu de Colombie-Britannique, mais il est rentré chez lui parce qu'il avait appris que la réunion avait été annulée. Mercredi, la direction du CN vous a indiqué qu'il lui serait impossible de comparaître. Si nous voulons que ces dirigeants comparaissent, je pense qu'ils n'auraient pas le choix, à moins de vouloir se rendre coupable d'outrage au Parlement — puisque nous les citerions à comparaître — mais loin de moi l'idée d'envenimer davantage le conflit de travail actuel, la situation de grève et de lock-out que nous connaissons.
    Je pense donc que nous devons aller de l'avant, et je proposerais par courtoisie de le faire immédiatement en entendant M. Rhodes, qui est dans la salle, et en déterminant ensuite si MM. Anderson et Holliday, ainsi bien sûr que M. Rhodes, veulent comparaître une nouvelle fois. Si le CN est absent mercredi, je proposerais d'inviter les représentants des travailleurs, dans un premier temps, puis ensuite de demander à Transports Canada de comparaître dans la foulée, après quoi nous entendrions le CN si c'est cela que nous voulons. J'aurais préféré, dans l'ordre, entendre les travailleurs, le CN et Transports Canada pour terminer.
    Mais je ne tiens pas à ce que nous retardions les choses. Je sais que le ministre attend un rapport, mais c'est quelque chose d'important pour le comité. Nous avons bien dit que la sécurité ferroviaire, la sécurité aéronautique et la sécurité maritime allaient être des priorités du comité, c'est ce que nous avons dit au début de l'année. Nous avons déjà étudié certaines questions relatives à la sécurité aérienne, mais le nombre de déraillements qui continuent à se produire est tout simplement impensable. Peut-être y en a-t-il moins, je veux bien, mais il y en a quand même encore beaucoup trop à notre avis, au comité, ainsi que de l'avis de la population, et j'imagine que la plupart des membres du comité sont préoccupés par les risques en matière de sécurité pour les collectivités touchées. Il y a des convois qui transportent des marchandises dangereuses qui traversent des quartiers résidentiels, il y a le problème de la sécurité des cheminots eux-mêmes, il y a la sécurité du public, il y a la sécurité de l'environnement, comme nous avons pu le voir lors des accidents de Cheakamus et du lac Wabamun, des accidents qui ont fait que, dans le cas de celui de la rivière Cheakamus, les populations de poissons ont été décimées pour des dizaines et des dizaines d'années.

  (1540)  

    Je proposerai donc d'inviter les deux autres témoins — ainsi que M. Rhodes, s'il souhaite comparaître une deuxième fois — pour mercredi, et d'inviter M. Rhodes à témoigner tout de suite, puisqu'il est ici même et qu'il a pris la peine de répondre à notre invitation initiale.
    Monsieur Laframboise.

[Français]

    Monsieur le président, je vais appuyer la motion de M. Bell. Je veux simplement revenir sur l'explication que vous avez donnée. J'aime bien travailler en équipe, et on l'a toujours fait ici, au Comité permanent des Transports. Nous sommes en présence d'un gouvernement minoritaire. Ce n'est pas une situation facile.
    Monsieur le président, j'essaie de suivre le fil de ce que vous dites. Vous dites que vous avez discuté de la situation. En tout cas, vous n'en avez pas discuté avec moi. Je suis un de vos vice-présidents. Je n'ai pas participé à cette discussion et je tiens à ce que vous le sachiez.
    La dernière fois, lorsqu'on a fait comparaître Postes Canada, on ne voulait pas faire comparaître les représentants de la société en même temps que les préposés au repostage et les syndicats, parce qu'une négociation de convention collective était en cours. Il fallait faire attention aux questions que l'on posait.
    Aujourd'hui, le Parti conservateur, par l'entremise de M. Fast, dépose une motion qui va intervenir directement dans les négociations de la convention collective, dans les poursuites judiciaires devant les tribunaux. Vous nous dites qu'il ne faudrait pas s'immiscer dans la question de la sécurité. J'ai de la difficulté à vous suivre. Je voudrais simplement qu'on se comprenne bien.
    J'ai respecté les engagements pris en ce qui a trait à Postes Canada, j'ai accepté que les témoins soient séparés, qu'ils ne comparaissent pas en même temps. J'ai même supprimé des questions pour ne pas nuire aux litiges devant les tribunaux et aux négociations de Postes Canada avec ses employés. J'ai essayé de respecter tout cela.
    Aujourd'hui, vous, les conservateurs, déposez une motion qui va carrément à l'encontre de ce que vous disiez vous-mêmes à la dernière réunion. Vous avez décidé de ne pas faire comparaître les témoins au sujet de la sécurité parce qu'il y aurait des problèmes. J'espère que l'on va s'entendre à l'amiable.
    Pour ma part, je veux travailler, je veux qu'on évolue et je veux respecter tout le monde. Cependant, je suis un peu déçu. Je ne pensais pas que vous nous donneriez aujourd'hui une raison comme celle que vous invoquez. Je pensais que c'était parce que les témoins ne pouvaient pas se présenter, pour toutes sortes de raisons, et que cela s'était su à la dernière minute. Vous m'apprenez donc quelque chose en disant que vous avez discuté de la situation et que vous aimiez mieux ne pas les faire comparaître. C'est pourquoi je vais appuyer la motion de M. Bell. J'aurais aimé que l'on en discute tous ensemble auparavant, que l'on s'en parle au téléphone et que l'on connaisse la raison de la décision. Sinon, si des témoins sont ici aujourd'hui, je pense qu'il faut les entendre, par respect pour eux.

  (1545)  

[Traduction]

    Monsieur Julian.
    Monsieur le président, le nombre de déraillements n'arrête pas d'augmenter au Canada. Les Canadiens sont de plus en plus inquiets. Or, nous avons ici M. Rhodes, qui a survécu à l'un de ces déraillements les plus tragiques. Il faut absolument que nous entendions son témoignage afin qu'il nous donne des informations susceptibles, au bout du compte, d'empêcher qu'il y ait d'autres victimes.
    Mais je voudrais consacrer quelques instants à notre façon de procéder. Je suis manifestement favorable à la motion de M. Bell. Je pense que le comité a été fort bien dirigé. Je siège à d'autres comités qui, eux, ne le sont pas, et j'espère que ce qui s'est passé vendredi ne se reproduira pas.
    Si vous estimez devoir changer notre ordre du jour, j'espère que vous en saisirez le comité de direction. Il suffit de passer un coup de téléphone. Je pense que nous avons tous été étonnés et déçus, en tout cas moi je l'ai été, puisque je suis venu par le vol de nuit étant donné que j'avais quitté mon bureau vendredi après-midi pour d'autres engagements et que toute la fin de semaine, nous avons travaillé dans la circonscription — d'arriver ici pour découvrir que notre ordre du jour avait été modifié. J'espère que la prochaine fois, vous consulterez au préalable le comité de direction. Il n'empêche qu'à mon avis, vous êtes un président efficace, mais je suis déçu de ce qui s'est passé vendredi.
    Monsieur Jean.
    Merci, monsieur le président.
    Je comprends parfaitement pourquoi. Je ne suis pas tout à fait du même avis que mes amis, parce que je comprends pourquoi vous avez eu cette intention, ce que vous avez fait en réalité, d'annuler la réunion d'aujourd'hui, étant donné surtout ce qui s'est passé récemment au CN. Mais je suis par ailleurs également enclin à appuyer la motion de M. Bell dans ses grandes lignes, je pense en effet qu'elle est très bonne. Notre comité a fort bien travaillé et pour sa part, le gouvernement a affirmé très clairement que la sûreté et la sécurité de la population étaient pour nous quelque chose de prioritaire. Nous tous qui sommes réunis ici partageons l'avis que c'est la tâche la plus importante qui nous appelle, et c'est la raison pour laquelle, de ce côté-ci, nous nous sommes toujours ralliés à toutes les mesures prises dans ce sens.
    Mais en même temps, nous sommes face à un gros problème et nous ne voulons pas que notre économie s'arrête de tourner. Nous ne voulons d'aucune ingérence dans les négociations entre la compagnie et le syndicat, parce que rien n'est plus important que cela. Et pour cela, je me demande si M. Bell serait prêt à accepter un amendement favorable à ce qu'il veut faire — je ne sais pas au juste comment il voudrait voir tourner la chose ou si même il serait disposé à accepter — en l'occurence que si quoi que ce soit est abordé ici, qui concerne une question de relation de travail ou un conflit de travail, cette question serait jugée irrecevable, qu'il s'agisse d'une question ou d'une réponse d'ailleurs, par le président. C'est la seule chose qui préoccupe le côté gouvernemental dans cette affaire.
    Il ne faut pas que nous nous immiscions dans un conflit de travail ou dans une négociation syndicale-patronale, et il ne faudrait absolument pas que le comité, le gouvernement, la députation, servent de pion pour un camp ou pour l'autre, le risque de perturber les négociations est d'empêcher les parties d'arriver à un règlement. Nous ne tenons pas du tout à ce qu'on puisse penser que nous sommes nous-mêmes de la partie. Nous ne pensons pas qu'il y aille de l'intérêt des Canadiens, pas plus que de l'intérêt de la sûreté ou de la sécurité de la population, et c'est cela qui nous préoccupe.
    Je proposerais donc un amendement favorable qui dirait que si une question ou une réponse concerne non pas la sécurité, mais plutôt les relations de travail, le président la jugerait irrecevable et l'interdirait, parce qu'à mon avis les Canadiens ne veulent que nous nous immiscions dans un conflit de travail.
    Monsieur Volpe.
    Monsieur le président, heureusement que nous sommes au comité des transports, parce qu'on n'arrête pas, j'en ai l'impression, de nous mener en bateau.
    Je n'ai absolument aucun doute quant à vos qualités de président.
    Mais j'aurais deux questions. La première concerne notre façon de procéder et la seconde le fond du débat. Je pense qu'en ce qui concerne le fond du débat, vous avez été injustement attaqué — et je vais vous expliquer pourquoi dans quelques instants — mais en ce qui concerne notre façon de procéder, je pense qu'il est important pour nous de rétablir le processus, celui que tout le monde pensait être le nôtre, qui nous amène à prendre des décisions. Il est regrettable que la décision qui a été prise de modifier notre ordre du jour l'ait été sans que les autres vice-présidents aient été consultés. S'il nous était possible de rétablir cette façon de procéder, je pense que nous serions sur la bonne voie d'une solution au problème, parce que cette façon de procéder qui est la nôtre a manifestement toujours produit, ici au comité, d'excellentes relations, des relations qui font que tout le monde travaille en coopération et sans partisanerie. Revenons donc à cette façon de procéder qui est la nôtre.
    La deuxième est une question de fond. Nous ne sommes pas ici pour discuter de conflits de travail mais bien de sécurité ferroviaire. J'ai plus confiance en vous que certains de vos collègues. En votre qualité de président, vous allez nous obliger tous à nous en tenir à la question de la sécurité ferroviaire; un amendement favorable en ce sens n'est donc pas nécessaire. Le président peut voir à ce que les témoins soient traités avec respect et que les questions soient respectueuses.
    Je pense qu'il faut que nous puissions nous occuper du problème de la sécurité ferroviaire. Le ministre est passé à la télévision, et je pense que nous savons tous de quelle chaîne il s'agit, en disant qu'il ne pouvait pas rendre public un audit parce que la compagnie en question ne voulait pas qu'il le fasse. Alors voilà où nous en sommes: nous avons tous reçu cet audit. Par conséquent, il s'agit simplement pour nous de tenter d'apporter une solution à tous les problèmes mis en lumière par cet audit. Nous avons trois témoins. Oui, ils représentent le camp des travailleurs dans ce dossier. En l'occurence, ce témoin-ci, M. Rhodes, est l'un des survivants de ce tragique accident. Quant aux deux autres, je pense que l'un deux est toujours ici, puisqu'il vient de Sioux Lookout, qui n'est quand même pas à côté de la porte lorsqu'on vient à Ottawa en voiture, et l'autre est à Montréal.
    Je pense donc que nous devons admettre que ces gens sont venus à Ottawa, ou qu'ils ont accepté d'y venir, parce qu'ils voulaient nous parler de sécurité ferroviaire. Lorsqu'on compte plus de 100 accidents par an — un accident tous les trois jours — personne ne peut confondre une question qui intéresse les relations de travail et une question qui concerne la gestion de la sécurité.
    Par conséquent, monsieur le président, je pense qu'il est bon que nous reprenions ce que nous sommes censés faire, et qu'à tout le moins nous entendions M. Rhodes et que nous allions de l'avant.
    Si le CN et le CP ne veulent pas comparaître devant nous, tant pis. Il y a des choses beaucoup plus importantes à étudier que leurs résultats financiers: il s'agit de la sécurité des gens et des marchandises que ces compagnies transportent, c'est la priorité; et ensuite, il y a l'infrastructure d'un réseau qui soude le pays. Ne nous laissons donc pas distraire par quelqu'un qui nous dit que peut-être s'agirait-il là d'une question de relations syndicales-patronales qui est à la table de négociation. Personne n'a jamais dit que nous voulions nous immiscer dans les négociations.
    Et entre parenthèses, lorsque je disais qu'il est bon que nous soyons au comité des transports parce qu'on nous mène en bateau, quel meilleur exemple y a-t-il que le fait que, comme nous le savons, notre collègue, le ministre du Travail, vient de déclarer qu'il allait justement présenter un projet de loi forçant le retour de ces gens au travail? Cela, nous le savions déjà. Ce n'est pas ici qu'il faut en discuter, c'est à la Chambre. Ici, nous parlons de sécurité ferroviaire. Nous avons ici un témoin expert, un survivant — et nous en avons eu d'autres. Nous aurions dû suivre le processus habituel et respecter la procédure en conséquence, et nous ne devrions pas nous refuser à entendre ce témoin aujourd'hui.
    Par conséquent, monsieur le président, un amendement favorable n'est nullement nécessaire.
    Et avec tout le respect que je dois à M. Jean, laissez-le faire son travail, laissons le président faire son travail et saisissons l'occasion qui nous est donnée d'entendre ce que le témoin a à nous dire.

  (1550)  

    Monsieur Fast.
    Monsieur le président, j'aimerais m'exprimer en faveur de l'amendement proposé par mon collègue, M. Jean. Je ne veux nullement dévaloriser ses intentions. Je crois que la suggestion selon laquelle sa motion proposant un amendement constitue une diversion n'est pas exacte.
    En passant, je fais confiance au président, et je crois que tous les membres du comité de ce côté-ci de la table ont confiance en vous, monsieur le président. Vous avez toujours fait un excellent travail, et je sais que vous continuerez à bien nous servir.
    Je suis l'un des trois députés de la Colombie-Britannique et, tout comme les deux autres, je subis probablement la pression la plus directe en raison des déraillements qui ont eu lieu en Colombie-Britannique. M. Bell a déjà soulevé cette question auparavant. J'ai parlé de l'importance de la sécurité ferroviaire et j'ai indiqué que nous devons aller au fond de l'affaire.
    Je veux être tout à fait clair: de ce côté-ci de la table, nous prenons cette question très au sérieux. En fait, le ministre a émis quelque chose de relativement inhabituel, c'est-à-dire une directive à l'intention du CN afin que celui-ci présente au gouvernement un plan de sécurité opérationnel révisé. Après de nombreuses discussions, le plan de sécurité a été présenté. Le ministre l'a déclaré inacceptable. Il l'a renvoyé au CN. Le CN a donc dû reprendre ses travaux et améliorer le plan. On ne peut pas dire que le ministre ne prend pas cette question au sérieux.
    Je peux vous dire que je considère cette question comme étant l'une des plus importantes auxquelles le comité s'attaquera. Cela dit, toutefois, je suis aussi parfaitement au courant du fait que les perturbations du service ferroviaire dans ma communauté seulement ont causé beaucoup de colère.
    Je pourrais vous donner de nombreux exemples, comme les industries de la volaille et des produits laitiers, qui dépendent de la nourriture pour animaux. Dans notre communauté, il existe trois ou quatre provenderies, de grandes usines, parce que nous sommes la principale collectivité agricole en Colombie-Britannique. Nous dépendons donc de ces provenderies pour maintenir notre industrie agricole. Ces usines étaient à une ou deux journées de manquer de nourriture, parce que le produit dont les provenderies ont besoin pour fabriquer la nourriture pour animaux n'était tout simplement pas disponible.
    Il y a pire encore: ce produit avait été commandé par ces provenderies, mais les courtiers qui livrent le produit faisaient le tour du marché afin de tenter de trouver la meilleure offre. Ainsi, même si on commandait le produit, on pouvait ne pas l'obtenir parce que quelqu'un d'autre avait fait une meilleure offre. Voilà les problèmes auxquels nous faisons face, non seulement à Abbotsford, mais partout au pays, et cela ne tient compte que du domaine de l'agriculture. Pour moi, il est donc essentiel de trouver une solution pour résoudre le conflit ferroviaire.
    J'ai entendu dire que la loi de retour au travail déposée par notre gouvernement et qui sera aussi étudiée par celui-ci permettra de résoudre le problème. Ça ne règle pas la question des négociations. Même si nous adoptons une loi de retour au travail, les négociations collectives vont se poursuivre, parce qu'aucun contrat ou convention collective n'aura alors été négocié. Il faut donc poursuivre cela.
    Je veux veiller à ce que rien, au cours de nos délibérations et de l'audition des témoins, ne mette en jeu de quelque façon que ce soit le processus de ces négociations. Nous quatre, membres conservateurs du comité, tendons le rameau d'olivier aux autres partis en disant que nous convenons que le témoignage de ces personnes est important, mais veillons à ce que le président ait des lignes directrices claires afin d'éviter de nuire aux négociations collectives actuelles de quelque façon que ce soit.
    Si nous pouvons le faire, je crois que nous aurons une approche harmonisée de toute cette question de la sécurité. Je ne veux en aucun temps diminuer l'importance de cette question. Je ne veux pas que ce message soit transmis au public, parce que pour moi, comme Britanno-Colombien, c'est très important.

  (1555)  

    Monsieur Laframboise.

[Français]

    Je n'ai aucune difficulté à appuyer la motion de M. Jean voulant qu'on ne s'immisce pas dans les relations de travail. Je l'ai dit, je suis d'accord pour qu'on ne s'immisce pas dans les relations de travail. Par contre, il faudra que le Canadien National comparaisse, parce que selon ce que j'avais compris la première fois, ses représentants ne voulaient pas comparaître parce qu'il n'avaient pas le temps, et ce, probablement parce que les cadres devaient travailler, etc. Alors, il faudra s'assurer que les gens du Canadien National puissent comparaître avec l'assurance qu'il n'y aura pas de questions liées au conflit de travail.
    Monsieur Bélanger.

[Traduction]

    Les Canadiens des autres régions du pays sont également intéressés par cette question. Au cours du dernier mois, il y a eu deux déraillements en Ontario: un dans le Nord de l'Ontario, où il y a eu un déversement d'acide sulfurique dans l'aquifère — nous aurions préféré que ce ne soit pas le cas, mais il y a également eu déversement dans les ruisseaux — et un près de Kingston qui a perturbé tout le système. L'inquiétude va beaucoup plus loin que les frontières de la Colombie-Britannique.
    À titre de membre du comité, je suis tout à fait d'accord avec la motion visant à convoquer les représentants du CN et du CP. Avec tout le respect que je leur dois, je crois qu'ils peuvent faire deux choses à la fois, et qu'ils devraient être ici.
    Monsieur le président, je suis tout à fait d'accord avec votre idée selon laquelle il ne faut pas parler des négociations de travail actuelles que mène le CN avec ses syndicats. Toutefois, j'ai certains problèmes avec la notion selon laquelle certaines questions touchant la sécurité ferroviaire pourraient être liées à des questions syndicales. Comme nous l'avons vu lorsque nous avons étudié le projet de loi C-6, des syndicats ont présenté leurs opinions pour savoir s'il devrait y avoir des inspections aériennes, ou si elles devraient être interrompues, etc. J'ai pleinement confiance en votre jugement pour déterminer si une question ou une observation est adéquate ou non et pour interrompre cette personne. J'aimerais que nous nous tenions à cela et que nous nous donnions la souplesse nécessaire pour examiner la question de la sécurité ferroviaire.
    Que je sache, mon collègue n'a pas présenté de motion officielle. Il a tout simplement formulé une suggestion au sujet de la façon dont nous devrions procéder. Je crois que nous devrions tout simplement poursuivre et nous fier à votre bon jugement afin d'agir de la bonne façon.
    Merci.

  (1600)  

    M. Jean, puis M. Bell, puis nous poursuivrons.
    Allez-y, monsieur Jean.
    Merci monsieur le président.
    Je veux poursuivre dans la même veine que M. Fast. Après le dernier incident portant sur le conflit de travail dans le secteur ferroviaire, j'ai eu la chance de rencontrer l'un des commettants de M. Fast. Je peux vous assurer que ces individus prenaient la question très au sérieux, et pour ces entreprises, il s'agissait presque d'une tragédie dans l'intérieur de la Colombie-Britannique. Je veux simplement être certain que tous sachent à quel point il est important de ne pas de donner à cette question une importance qu'elle n'a pas et de faire en sorte que le comité n'envenime pas la situation et nuise à la communication ou aux négociations de travail.
    Je veux poursuivre l'idée de M. Fast. À l'heure actuelle, la Loi sur la sécurité ferroviaire est révisée par un groupe d'experts indépendant. Ce groupe d'experts doit faire rapport au ministre avant le mois d'octobre. En fait, il a émis des avis, et comme M. Fast l'a mentionné, il a pris des décrets — c'est la première fois qu'un ministre le faisait dans ce domaine en particulier — et un autre décret demandant au CN un plan. En fait, je sais que les députés libéraux pourraient être quelque peu embarrassés, parce que nous avons vu, depuis que les conservateurs ont pris le contrôle de ce dossier, une réduction de 25 p. 100 des incidents ferroviaires en voie principale. C'est une preuve de réussite du ministre et révélateur de ce que le ministre souhaite réussir, soit rendre l'industrie ferroviaire sécuritaire. À l'heure actuelle, elle n'est pas encore assez sécuritaire, mais nous sommes sur la bonne voie.
    Finalement, je pourrais vous dire que la vérification...
    M. Volpe invoque le Règlement.
    Monsieur le président, nous parlions d'un sujet, soit le processus. Je lis le rapport de vérification dont M. Jean a parlé, et je cite: « L’équipe de la vérification n’a rien trouvé qui indique que les données de ces processus sont utilisées régulièrement afin de susciter des évaluations du risque étayées ». Pourquoi? C'est parce que les critères concernant les accidents à signaler sont le nombre d'accidents du Federal Railroad Administrator, aux États-Unis, qui représentent seulement une petite portion du nombre réel d'accidents du CN au Canada, parce qu'ils sont américains — ne nous écartons donc pas du sujet.
    Il n'a pas invoqué le Règlement.
    Vous n'avez pas invoqué le Règlement. Pouvez-vous être bref, je vous prie?
    Mon ami M. Volpe a parlé de la vérification en soi et a dit qu'elle était cachée par le gouvernement, tout en signalant que nous n'agissions pas de façon responsable, et je suis certain que M. Volpe ne propose pas de prendre des renseignements exclusifs et des renseignements recueillis en vertu de la Loi sur l'accès à l'information et d'enfreindre les droits à la vie privée de l'entreprise pour laisser tomber. C'était leur décision de laisser tomber; ce n'était pas la décision de notre gouvernement.
    Je vous demanderais de formuler votre dernière observation.
    Très bien, monsieur le président.
    Monsieur le président, M. Bell n'a toujours pas répondu à ma question de savoir s'il serait prêt ou non à accepter mon amendement favorable. S'il n'est pas prêt à le faire, je proposerai un amendement à sa motion.
    Je vais donner à M. Bell le mot de la fin.
    Merci.
    En réponse au commentaire de M. Jean, je signale que j'espère que nous n'allons pas faire de la partisanerie. Nous parlons de sécurité. Nous devrions examiner cette question en comité.
    Je dois répondre de façon mesurée en disant que le nombre de déraillements a, selon moi, diminué en raison des mesures prises par le ministre du gouvernement libéral, qui a demandé que ces deux rapports soient réalisés, et je peux aussi voir les mesures prises depuis par le ministre actuel afin de faire pression sur les compagnies ferroviaires et pour se concentrer sur cette question.
    Il ne s'agit pas simplement des mesures du ministre actuel; c'est un processus qui avait déjà été entamé — et qui devait être rendu public, et cela faisait partie de nos inquiétudes.
    J'aimerais dire que je suis d'accord pour reconnaître qu'il ne faut pas s'ingérer dans un processus de relations de travail ou de négociation collective, dans une situation de grève ou de lock-out. En toute équité, pour nous attaquer à certaines des questions dont nous sommes saisis — et si je comprends bien, ces questions ne sont pas à la base du conflit actuel... Il y a certains domaines ici ou des rapports ou des recommandations... Par exemple, le rapport G dans la vérification indique que les initiatives d'amélioration de la culture de la sécurité comprise dans la proposition de gestion de la sécurité de Transports Canada n'ont pas été mises en application efficacement dans le secteur des services mécaniques, où de nombreux employés ont indiqué que dans trois des six lieux de travail, un pourcentage élevé d'employés avaient affirmé être réticents à signaler les blessures mineures parce que des mesures disciplinaires avaient été prises.
    Voilà de quoi il s'agit. Cinquante-trois pour cent des locomotives ont des défaillances, y compris des avaries des freins. Il s'agit d'une question d'entretien, et l'entretien peut être lié — en fait c'est bel et bien lié — à la question de savoir s'il y a suffisamment d'employés pour bien faire le travail.
    Je vous demande si vous souhaitez que je formule une motion afin d'entendre le témoin maintenant. Je suis satisfait, peu importe si on s'entend pour dire que vous utiliserez votre pouvoir discrétionnaire comme président ou si vous souhaitez l'ajouter formellement par le biais de la suggestion de M. Jean, afin de nous entendre pour dire que nous n'allons d'aucune façon tenter d'intervenir dans la situation actuelle de grève et de lock-out au CN. Certaines de ces questions sont étroitement liées à des décisions prises par le CN au sujet des niveaux de dotation, des niveaux d'inspection. Selon moi, ces questions ne sont pas au coeur du conflit de travail actuel, mais ce sont des questions qui ont été soulevées ici et il s'agit du coeur de nos préoccupations.
    Quand plus de la moitié des locomotives ont des problèmes mineurs ou majeurs, et que c'est encore pire dans le cas du matériel roulant, et lorsqu'on entend dire qu'il n'y a pas de liste — on les appelle des « bulletins de composition » — de ce qu'il y a dans le train, ni d'où le train se trouve... M. Fast a parlé des effets sur sa collectivité à North Vancouver. Chaque jour, des réservoirs de chlore traversent ma communauté. Je vous parle à titre d'ancien conseiller municipal, pour vous dire qu'il est important que votre équipe chargée des matières dangereuses, les services d'incendie, ou quiconque intervient, sache ce que contient le train et où le train se trouve, si un déraillement ou un accident survient.
    Voilà le genre de choses qui m'inquiètent. J'aimerais avoir la chance de poser des questions aux témoins, j'aimerais poser des questions au CN, et j'aimerais poser des questions à Transports Canada, dans l'ordre approprié.
    Je suis prêt à me fier à votre jugement. Comme je l'ai dit plus tôt et comme d'autres membres du comité l'on dit, j'ai une confiance totale dans la façon dont vous assurez la présidence du comité. La décision que vous avez prise n'était sans doute pas celle que j'aurais préférée, et je comprends votre explication, mais je crois qu'il faut faire avancer les choses.
    Si vous le souhaitez, monsieur le président, je formulerai une motion afin que nous entendions M. Rhodes immédiatement et que nous invitions les autres témoins à revenir mercredi s'ils sont disponibles.
    Pour ce qui est de la question du conflit de travail, je m'en remets à votre discrétion. Je crois certainement que tous les députés de ce côté-ci de la table n'ont aucune intention de s'ingérer dans le conflit de travail actuel ni de poser des questions à cet effet.

  (1605)  

    Monsieur Jean.
    Il a indiqué qu'il n'allait pas accepté l'amendement favorable, alors j'aimerais proposer un amendement, monsieur le président.
    Très bien. Essentiellement, donc, M. Bell a proposé que les témoins qui devaient comparaître initialement — nous avons rédigé ceci d'après vos premiers commentaires — soient invités à comparaître mercredi ou, s'ils se trouvent dans la salle, immédiatement.
    Oui.
    Cette motion est présentée par M. Bell. Cela convient à tout le monde?
    Monsieur Jean.
    J'ai écouté les points de vue de M. Bélanger et de M. Bell, puis j'ai apporté certaines modifications à cet égard. L'amendement que je propose serait que toute question ou réponse qui fait référence au conflit de travail actuel soit jugée irrecevable, à moins que le président ne la considère adéquate.
    Je veux simplement m'assurer que tous ont entendu. S'ils sont d'accord, nous allons rédiger tout cela et le faire traduire.
    Monsieur Bélanger.
    Monsieur le président, si vous me le permettez, j'aimerais poser une question. Ils ont indiqué qu'ils étaient les quatre seuls conservateurs ici. Croient-ils que vous n'êtes pas conservateur?
    Vous êtes tout seul.
    Ils apprécient beaucoup cette impartialité.
    Monsieur le président, j'accepterais cet amendement favorable, à la condition qu'il ne s'agisse que du conflit de travail actuel. S'il y a des questions liées au travail, comme aux locomotives, nous pouvons en parler, et si on commence à parler du contrat, alors nous nous interromprons.
    Je crois que tous comprennent ce qui est suggéré. Si nous sommes d'accord, alors nous pourrons faire autre chose.
    Tous sont-ils en faveur de cette motion et de l'amendement?
    Des voix: D'accord.
    (La motion est adoptée [voir le Procès-verbal].)
    Le président: Je souhaite présenter mes excuses à toutes les personnes dans la salle qui ont été invitées à participer à la réunion et qui ont été prises de court par mon annulation de la réunion.
    Si vous souhaitez vous joindre à nous, nous en serions heureux. Ce ne sera peut-être pas le cas, après avoir entendu tout ceci.
    Monsieur Rhodes, je suis heureux que vous soyez ici. Normalement, nous entendons des exposés de sept ou huit minutes, puis nous passons aux questions.
    Je souhaite informer le comité que deux motions sont à l'ordre du jour. Je vais réserver 10 ou 15 minutes pour ces motions à la fin de la réunion. Cela est-il suffisant?

  (1610)  

    Pourriez-vous reporter ces motions à mercredi?
    Probablement. Avec votre permission, nous pourrions retarder l'étude des motions jusqu'à mercredi. Je poserai la question plus tard. Je ne veux certainement pas l'interrompre.
    Monsieur Rhodes, encore une fois, merci, et mes excuses pour les inconvénients que nous vous avons causés.
    Je m'appelle Gordon Rhodes. Je vais vous décrire rapidement ma connaissance des chemins de fer. J'ai commencé à travailler en 1977 comme manoeuvre dans une équipe de construction de voies ferrées en Colombie-Britannique, sur le tronçon allant de Jasper à Kamloops. J'ai démissionné, puis j'ai recommencé à travailler en 1984 pour une section et j'y suis resté quelques années. Ensuite, j'ai travaillé à l'entretien comme soudeur de rails, puis comme soudeur à la production. J'ai fait ce travail de Jasper à Vancouver, puis à partir du Nord et du Sud de l'Ontario.
    Par la suite, j'ai commencé à travailler comme agent de train en 1988, puis comme agent de triage à Toronto. J'ai fait ce travail pendant deux ans à Toronto, puis j'ai travaillé dans le Nord de l'Ontario dans environ neuf gares différentes de Toronto à Vancouver, pour le CN, sur la ligne principale et les lignes secondaires. En 1992, j'ai laissé mon poste au CN et pour une raison quelconque, j'ai décidé de retourner au chemin de fer en 1993. J'ai alors travaillé pour le merveilleux petit chemin de fer de la Colombie-Britannique, B.C. Rail et c'était comme revenir à une époque révolue. J'y travaille depuis 1993, c'est-à-dire depuis 14 ans et j'ai commencé à conduire des trains en 1994.
    Tout cela pour vous dire qu'étant donné mon expérience, je sais ce que je dis. Le tronçon qui va de Vancouver à Clinton en Colombie-Britannique — et il y a d'autres tronçons comparables dans le Nord — est le plus dangereux et le plus périlleux qui soit au Canada. Après avoir survécu à cet accident, j'ai encore beaucoup de mal même à essayer de monter à bord un train. Cela m'est très difficile en ce moment. Je ne fais plus confiance à l'équipement et je ne fais plus confiance aux gestionnaires. J'ai perdu toute confiance en eux.
    Je ne voudrais pas qu'on pense qu'il s'agit de récriminations syndicales, parce que cela n'a rien à voir avec les syndicats. Je me méfie d'eux et j'ai des raisons pour cela. Les gouvernements ne veulent pas affecter plus de gens pour faire respecter les règlements. Ils ne veulent pas jouer le rôle de la police des chemins de fer ou des entreprises. Ils veulent que les entreprises fassent ce qu'elles ont à faire, n'est-ce pas? Parce que c'est ce qu'elles doivent faire à leur avis, n'est-ce pas?
    Or, voilà justement le hic. La Loi sur les chemins de fer n'oblige pas ces gens — et par là j'entends le CN et le CP — à rendre compte de leurs erreurs. Les déraillements ne se produisent pas sans raison. Ils ont des causes et j'en ai vécu beaucoup. Dans certains cas, je me trouvais à bord d'un wagon qui a quitté les rails. Dans d'autres, nous avons frappé le côté d'un autre train. Dans d'autres encore, le système d'aiguillage s'est brisé et on s'est retrouvé dans le décor. J'étais à bord du train lors du dernier déraillement, qui sera probablement mon dernier. Et je me demande encore comment j'ai pu y survivre.
    Ce que j'aimerais vous faire comprendre, c'est qu'il y a bien des questions à poser à Transports Canada et aussi aux compagnies de chemin de fer. La première question, c'est: où sont les règles qui obligeraient ces gens à rendre compte de leurs décisions?
    Moi, je dois rendre compte de ce que je fais, un médecin aussi, et un avocat aussi. Ils ont tous des titres de compétence et des accréditations. J'ai moi aussi mon certificat, tout comme mon conducteur. Si on me juge incompétent de quelque façon que ce soit, on peut m'enlever mon certificat et par le fait même m'empêcher de faire mon travail. Pourquoi un surveillant de chemin de fer qui doit prendre des décisions capitales en matière de sécurité à 2 heures du matin ou à 13 heures... Quels sont ses titres de compétence? De quelle façon doit-il rendre compte de ses décisions devant Transports Canada ou la population canadienne?

  (1615)  

    Qu'en est-il du suivant dans la hiérarchie jusqu'au chef de gare qui prend quantité de décisions relatives à la sécurité, depuis la manutention du chlore jusqu'à la manutention des conteneurs qui traversent la cour des gens? Et ils traversent beaucoup de cours.
    Comment peut-on faire pour que ces gens aient à rendre des comptes? Parce que je ne vois personne qui a à en rendre. Je ne veux pas avoir l'air vindicatif ou en colère ou quoi que ce soit de ce genre. Je sais que c'est l'impression que je donne, mais ce n'est pas ce que je ressens. Ce que j'éprouve, c'est de la frustration parce que ce n'est pas le premier accident et ce ne sera pas le dernier. Il va y en avoir d'autres. Il faut que ces gens-là aient des comptes à rendre.
    Quand on se met à réduire les budgets, on se met à lésiner sur l'entretien, le nombre d'employés qui font le travail, on en arrive à la situation dangereuse d'aujourd'hui. Nous sommes arrivés à un seuil critique.
     Ce seuil critique, il est évident qu'il se trouve en Colombie-Britannique. S'il y en a tant là-bas, c'est parce que les normes ferroviaires de la province... Avant l'acquisition par le gouvernement fédéral, les normes étaient plus élevées, plus rigoureuses. Aujourd'hui, elles le sont moins qu'avant. Il faut des normes plus exigeantes en terrain montagneux. Nous devons passer par des courbes qui font 12 ou 13 degrés. Des inclinaisons de 2,2 p. 100. Ça n'existe nulle part ailleurs. Les normes, c'est une des causes, et il faut les conserver.
    J'ai des idées de questions. C'en était quelques-unes; en voici d'autres. Comment se fait-il qu'il y ait un conflit de travail dont personne ne veut parler? Je comprends, d'accord. Qui a tort, qui a raison, ce n'est pas ce qui m'intéresse. C'est la sécurité qui m'inquiète. Il y a un problème de sécurité qui s'annonce actuellement et personne ne semble ne s'en rendre compte.
    Il y a des chefs de train qui ne sont pas au travail. Je me trompe ou bien ils ont tous débrayé? Je n'ai pas suivi les actualités.
    La dernière fois qu'ils ont débrayé... Je peux vous dire ceci, c'est quelque chose que je sais, et je vous dis que c'est vrai. Il y avait des superviseurs qui ont leur brevet A, ce que doit avoir un chef de train. Je sais que maintenant au CN, l'examen pour obtenir son brevet A se fait à livre ouvert. Pour moi, c'est inacceptable, mais c'est ainsi. Il y a donc maintenant des superviseurs qui occupent des postes essentiels pour la sécurité, qui conduisent des trains et dont l'expérience va de nulle à cinq jours. Dans certains cas, ils n'ont aucune expérience. Comment peuvent-ils occuper un poste essentiel pour la sécurité, se charger de transporter des milliers de tonnes de matériel sans avoir la moindre expérience? Comment peut-on penser que c'est sûr? Pour moi, ça ne l'est pas.
    Il y a des situations où l'expérience doit primer. Il faut que tout le monde aille sur le terrain. Quand j'étais agent de train à Toronto, à mes débuts, il fallait passer trois semaines à suivre un cours sur les règles et c'était intensif. Quand j'ai fait ma signalisation, il fallait tout écrire au long, mot à mot. Il fallait connaître les signaux. Trois ont été recalés parce qu'ils ne les connaissaient pas. Il fallait obtenir une note de 90 p. 100 à l'examen pour passer le cours sur les règles. Et ce n'était que la première étape.
    Pour la suivante, il fallait faire 65 affectations, c'est-à-dire être affectés 65 fois à des emplois différents, dans des situations diverses avant d'être « lâchés » comme on dit dans le métier, et d'être autorisés à travailler en autonomie.
    Et voilà qu'aujourd'hui, en ce moment même, il y a des gens qui ont au maximum cinq jours de formation. Comment peut-on dire que c'est sûr?
    Ce n'est pas le cas partout pour tous les postes, mais ça se fait. Ça existe. Et ces gens-là sont terrifiés. J'en connais quelques-uns et ils sont terrifiés de perdre leur emploi s'ils dénoncent la situation.

  (1620)  

    Il y a quelque chose qui ne va pas avec la Loi sur les transports au Canada si ces choses-là peuvent arriver. Il faut qu'il y ait des normes de sorte que quand les chemins de fer ont ce genre de problèmes, ils garantissent que ceux qu'ils affectent à ces trains sont capables de faire le travail.
    L'autre problème, ce sont les déraillements. On ne nous dit pas tout sur les déraillements. Ils ne font que les signaler. Il y a ensuite ce que l'on appelle les incidents. Un incident, c'est quand on l'a échappé belle. Ils ne sont pas signalés. S'ils le sont, il est certain qu'on n'en tire pas les leçons. C'est dans la phase II de ce rapport. Tout ce que l'auteur de cette évaluation a dit dans les deux premières pages du rapport sur la phase II concernant la gestion, à mon avis, est pas mal dans le mille. Le contenu de la phase I — je n'ai pu lire que les cinq premières pages et je n'ai pas pu aller plus loin. Ça m'a levé le coeur. Ça m'a rendu malade parce que je me sentais piégé. Je travaille dans le secteur où le matériel était le pire. Ça m'a donné la nausée. On savait tous qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas. On savait tous que les choses étaient de travers. Personne n'écoutait.
    J'en aurais encore à dire mais il serait plus constructif que vous me posiez des questions. Je suis tout disposé à parler.
    Merci, monsieur Rhodes.
    Monsieur Bell.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Rhodes, d'être venu et de nous donner cette occasion de discuter avec vous.
    Dans ce que vous avez dit, j'ai compris deux choses. D'abord, il y a l'augmentation du nombre de déraillements — 2005 étant une année record, où le chiffre a été particulièrement élevé, dans deux régions. La première, c'est un peu partout au pays, pour diverses raisons, ce qui indique peut-être que l'on accorde trop peu d'attention à l'entretien des voies et du matériel au pays. La deuxième, c'est la Colombie-Britannique, depuis la reprise de B.C. Rail par le CN.
    Si j'ai bien compris, les Instructions générales d'exploitation sont en quelque sorte le manuel de fonctionnement des chemins de fer. Les IGE. Pour la plus grande partie du territoire, où les terres sont relativement planes, on parle soit de « terrain de niveau » ou « en pente douce », je crois.

  (1625)  

    On dit toujours en pente douce.
    Les chemins de fer en pente douce sont exploités plus ou moins en terrain plat. Quiconque a déjà essayé de monter un train miniature pour ses enfants comprendra la différence. Si vous élevez trop la voie, que se passe-t-il?
    La différence en Colombie-Britannique, c'est que B.C. Rail avait beaucoup d'expérience et savait s'adapter aux particularités du terrain, aux pentes raides — celle qui part de Clinton en direction ouest fait 13 kilomètres, je pense...
    Non, elle fait 32 milles.
    Il s'agit donc de 32 milles de pente à plus de 2,5 degrés et toutes les locomotives de B.C. Rail qui roulaient dans cette région étaient équipées de freinage dynamique.
    Non.
    Pas sur ces pentes?
    Non, je vais vous corriger sur ce point. Vous avez raison, mais je vais aller plus loin. Toutes les locomotives de B.C. Rail — toutes — étaient équipées de freinage dynamique.
    Toutes les locomotives en sont équipées. Le freinage dynamique, c'est l'emploi de moteurs électriques pour en quelque sorte renverser la polarité, ce qui n'est pas le système de freinage suprême, mais qui ralentit le train et qui peut-être, dans le genre d'accident dans lequel vous avez été impliqué, qui a causé le décès de deux de vos collègues...
    Ça aurait empêché mon accident.
    ... pourrait avoir arrêté le train. Si je comprends bien, le CN a vendu ces locomotives et a amené des locomotives d'autres parties du Canada, sans que ces locomotives disposent d'une capacité de freinage dynamique; ces locomotives sont maintenant utilisées en Colombie-Britannique. Est-ce exact?
    C'est exact.
    Lorsque j'ai lu ces rapports, la partie un et la partie deux — et mes collègues pourront parler des différents domaines — j'ai été particulièrement inquiet de voir le nombre de traverses branlantes, de dégagements des poignées, de tiges inférieures des étriers de sécurité et de triangles de freins défectueux. Je sais que ces problèmes peuvent sembler mineurs, mais ils mettent les travailleurs en danger. Au bout du compte, si les travailleurs sont en danger, c'est aussi le cas pour le train ainsi que pour la collectivité.
    Autre chose: l'émission de ces avis et ordres. Le rapport indique qu'en novembre 2005, 99 avaient été émis et n'avaient pas été réglés de façon satisfaisante — et 24 d'entre eux remontaient au moins à l'an 2000. Le rapport indique que 53,9 p. 100 des 232 locomotives inspectées pendant cette période comportaient des avaries compromettant la sécurité. Certaines étaient mineures et d'autres étaient majeures.
    À la lecture de ce document, je détecte un certain malaise au sein des opérations. Certains des problèmes mineurs deviendront naturellement plus graves. Peut-être qu'on ne fait pas attention au nombre d'inquiétudes relatives à la sécurité. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
    Selon mon expérience, notre effectif a été réduit à un point tel que nous en sommes à peine au minimum partout. Il y a la répartition, c'est-à-dire les CCF, ou contrôleurs de la circulation ferroviaire, ainsi que les superviseurs de chemins de fer. Il faudrait examiner le territoire couvert par un superviseur de chemin de fer. Il couvre beaucoup trop de territoire, à mon avis. Mais je ne suis pas un expert.
    Pour ce qui est de l'entretien des locomotives, le taux de remplacement des locomotives est essentiel; si elles ne servent pas, ils ne font pas d'argent. Je le comprends. Mais ils poussent les employés des ateliers. Ils n'ont pas le temps de tout faire, ils s'occupent de l'essentiel. Ils s'occupent des nécessités, pour faire fonctionner la locomotive et les freins pneumatiques ou autres, puis ils la sortent de l'atelier. Ensuite, nous la recevons et elle est... Depuis notre arrivée au CN, il est extrêmement frustrant d'aller travailler. On va travailler en se demandant combien de nos locomotives ne vont pas fonctionner adéquatement et quels seront les problèmes. C'est très frustrant, et cela crée de nombreuses difficultés.
    Mon collègue, M. Volpe, a mentionné les normes américaines, le Federal Railroad Administrator et l'ARA, je crois, qui sont utilisées dans les deux secteurs différents. Certaines de ces normes portent sur l'établissement de rapports et les autres sont les normes pour l'entretien réel des wagons. Il semble que le CN utilise les normes américaines, qui sont moins strictes que les normes canadiennes. Êtes-vous au courant?

  (1630)  

    Je ne peux pas vous parler des différences entre les normes. Je peux vous parler de mon expérience de travail pour le CN, lorsqu'il appartenait à une entreprise canadienne, et de mon expérience de travail pour B.C. Rail. Nous sommes maintenant revenus au CN, qui appartient maintenant à une entreprise américaine, et le contraste est immense. On parle de tout sauf de sécurité... Lorsqu'il s'agissait d'une entreprise canadienne, on ouvrait nos livrets de règlements et nos cartes de présence, et la sécurité figurait au premier rang; maintenant, elle est au quatrième rang.
    Selon les normes américaines, les incidents de moins de 7 700 $US n'ont pas à être signalés. Je ne sais pas combien cela donne en argent canadien — disons 8 500 $ ou 9 000 $. Vous parlez des incidents. Vous avez mentionné 86 cas de freins défectueux, 28 cas de freins pneumatiques défectueux. Il y a certains problèmes en Colombie-Britannique pour ce qui est du camionnage, et nous inspectons les camions régulièrement pour nous assurer que leurs freins sont sécuritaires. Voilà ce qui m'inquiète.
    Et c'est tout naturel, et c'est quelque chose qui devrait préoccuper tout le monde.
    Il y a quelque chose dont je voudrais vous parler, et il s'agit des normes pour les chefs de train et les mécaniciens. En plus de tout le reste, ils devraient avoir une qualification particulière et devraient être qualifiés tout comme le sont les wagonniers. Ils devraient avoir une qualification de mécaniciens en freins pneumatiques, ce qui leur permettrait en faisant une inspection visuelle de déterminer s'ils sont bons ou pas. Je peux vous dire cela, mais moi je ne suis pas qualifié. Je pense que tous les mécaniciens, tous les chefs de train, devraient être qualifiés afin de pouvoir dire que les freins ne sont pas bons sans risquer des représailles de la part de la direction, sans être intimidés au point de prendre un convoi dont les freins sont défectueux. Parce que c'est cela qui se passe actuellement.

[Français]

    Monsieur Laframboise.
    D'abord, je vous remercie beaucoup de votre présence aujourd'hui. Vous avez dit des choses très importantes, monsieur Rhodes, pour nous qui venons tout juste de conclure une discussion sur le système de gestion de la sécurité, le fameux SGS, dans le milieu aérien. On nous a cité en exemple le secteur ferroviaire, où ce système est en vigueur présentement. Nous avons posé la question au représentant du Bureau de la sécurité des transports. On nous a dit qu'il y avait moins d'accidents dans le milieu ferroviaire, ce que nous a dit M. Jean tout à l'heure. Par contre, le représentant du bureau ne pouvait pas nous garantir que le Système de gestion de la sécurité était responsable de la réduction des accidents, que c'était pour cette raison qu'il y en avait moins.
    Voici pourquoi j'apprécie votre déclaration. Je trouve ça inquiétant: vous nous dites qu'il y a des accidents qui ne sont pas déclarés. Il y a des déraillements au sujet desquels vous ne faites pas de rapport. Le Système de gestion de la sécurité fait en sorte qu'il n'y a plus d'inspecteurs sur le terrain. Donc, vous avez raison, vous n'en voyez plus. Il y en a de moins en moins parce que les inspecteurs de Transports Canada inspectent le système. Ils font des audits du système auprès de la compagnie au lieu d'aller vérifier si les équipements sont en bon état.
    Donc, ce que vous nous dites, c'est qu'il y aurait des déraillements au sujet desquels on ne fait pas rapport. Cela veut dire que le Bureau de la sécurité des transports n'est pas au courant et que ces accidents ne sont pas comptabilisés. Je comprends mieux maintenant pourquoi le représentant du Bureau de la sécurité des transports ne peut me confirmer si le Système de gestion de la sécurité dans le secteur ferroviaire est à l'origine de la réduction des accidents. Vous nous confirmez qu'il y a des accidents, des déraillements, qui ne sont pas comptabilisés. Vous ne faites pas de rapports. C'est ce que vous nous avez dit?

[Traduction]

    Oui, c'est vrai.

[Français]

    En ce qui concerne les inspecteurs, quand vous dites que vous auriez aimé avoir une certaine police du rail — la police à Transports Canada, pour nous, ce sont des inspecteurs —, vous êtes probablement conscient que depuis quelques années, il y a de moins en moins d'inspecteurs sur le terrain pour vérifier vos équipements.
    Est-ce vrai? L'avez-vous constaté?

  (1635)  

[Traduction]

    Oui, et c'est cela qui est inquiétant parce que pendant toutes ces années pendant lesquelles j'ai été chemineau, je n'ai vu que de très rares fois un tout petit nombre d'inspecteurs de Transports Canada ou de la province. Rien que sur la ligne de Lillooet en montagne, c'est un trajet que j'ai fait des milliers de fois dans les deux sens, je n'en ai vu qu'un seul.

[Français]

    Vous travaillez sur un trajet, comme vous l'avez dit, que je ne qualifierais pas le plus dangereux, mais qui est quand même le parcours le plus sinueux dans votre région. Puis-je utiliser le terme « dangereux »?

[Traduction]

    C'est effectivement l'un des trajets les plus dangereux. Il faut une patrouille devant chaque train — et c'est d'ailleurs un autre problème dont je voulais vous parler. C'est un problème de sécurité, parce qu'en parlant aux gens de Transports Canada après un incident survenu en montagne, un incident qui n'était pas un déraillement et donc qui ne devait pas faire l'objet d'un rapport d'accident, même si cela avait failli être un accident, je me suis rendu compte qu'il n'était pas obligatoire de le signaler à Transports Canada. Pourtant, je n'aurais pas voulu friser l'accident ainsi.
    J'ai perdu le fil. C'était quoi encore, la question?

[Français]

    Je vous parlais du système de sécurité en vous disant que le trajet que vous parcourez dans votre région est probablement l'un des plus dangereux de tout le réseau.

[Traduction]

    Oui, je peux vous dire que c'es probablement l'un des plus dangereux. Et je recommanderais d'ailleurs vivement au comité, s'il veut vraiment comprendre toute la portée de ce qui est en cause ici, d'aller lui-même y jeter un coup d'oeil. L'un des plus gros problèmes que présente ce tronçon sur lequel je travaille, c'est que nous sommes particulièrement isolés alors que les décisions sont prises à Memphis, sont prises à Chicago, sont prises à Montréal, à Edmonton, à Winnipeg et à Vancouver, ces décisions sont prises par des gens qui ne sont jamais venus sur place.
    C'est l'enquêteur principal du Bureau de la sécurité des transports qui m'a interrogé après mon accident. C'était la première fois pour lui, et il a volontiers reconnu que ce que nous faisions, c'était un niveau d'activité tout à fait différent, beaucoup plus exigeant que tout ce qu'il avait pu voir auparavant. C'est donc particulièrement difficile.

[Français]

    Vous dites que ceux qui prennent des décisions ne viennent pas constater la situation sur place et qu'il n'y a pas d'inspecteurs de Transports Canada. Finalement, vous êtes laissés à vous-mêmes, n'est-ce pas?

[Traduction]

    On pourrait dire cela, en effet, et c'est effectivement très difficile.
    Monsieur Julian.
    Monsieur Rhodes, vous avez fait preuve avec vos collègues d'un très grand courage le jour en question, le 29 juin, et vous faites preuve de beaucoup de courage aussi en venant ici aujourd'hui témoigner devant nous. Tout ce dossier de la sécurité ferroviaire, toute la question de l'augmentation constante du nombre de déraillements nous inquiète beaucoup.
    Dans votre déclaration vous nous avez expliqué en quoi les choses avaient changé. Cela fait près de 40 ans que vous travaillez au chemin de fer à un titre ou à un autre, et vous avez au fil des ans gravi les différents échelons. Vous nous avez dit qu'il y a quelques années encore, la sécurité était la préoccupation première, mais que ce n'était plus le cas. Quand les choses ont-elles commencé à changer, et est-ce que le système de gestion de la sécurité, le SGS, a eu quelque chose à voir dans ce changement d'attitude de la part de la compagnie de chemin de fer.

  (1640)  

    Je pense que la sécurité a commencé sérieusement à se dégrader en 1989.
    Et cela a continué depuis?
    Cela a été très graduel, mais je pense que nous en sommes maintenant arrivés à un seuil. À mon avis, les accidents qui sont survenus en Colombie-Britannique sont un signal d'alarme parce que, comme je vous l'ai déjà dit, les normes provinciales en Colombie-Britannique étaient beaucoup plus rigoureuses que les normes fédérales, de sorte que c'est à ce niveau-là que cette dégradation commence. Mais si tout demeure en l'état actuel, si c'est simplement une question de marge bénéficiaire, nous allons tous arriver au creux de la vague. L'accident qui est survenu non loin de Toronto aurait pu être une véritable catastrophe s'il s'était produit quelques kilomètres plus loin.
    Pensez-vous que le système de gestion de la sécurité a joué un rôle là-dedans, qu'il aurait contribué à abaisser les normes de sécurité?
    Personnellement, je pense que les normes ne sont pas appliquées correctement. Je pense que Transports Canada a commis une bévue. Je ne pointe personne du doigt. C'est attribuable au système qui n'a pas été configuré pour offrir les garanties appropriées. Je vous le disais tout à l'heure, les superviseurs n'ont pas l'obligation de rendre compte; la reddition de comptes qui s'impose n'existe pas. Je pense que le régime de primes des compagnies, axé essentiellement sur les résultats, doit être modifié pour incorporer le facteur sécurité afin que l'on ne s'attache pas seulement à... Il faut savoir qu'en Colombie-Britannique, je pense qu'il n'y a que quatre inspecteurs pour toute la province. Est-il difficile de savoir où ils se trouvent un jour donné? Il y a le téléphone, et vous voyez ce que je peux faire.
    L'émission W-FIVE a présenté un excellent reportage, dont vous faites la manchette, sur la sécurité ferroviaire et le taux croissant des déraillements. Pensez-vous que l'affaire va aller en plus haut lieu?
    Les choses ne s'arrêteront pas là. On constate certains progrès. Il y a de nettes améliorations, mais l'opposition dans l'ensemble est renversante.
    Quand le gouvernement a ordonné à la compagnie d'installer un freinage dynamique sur toutes les unités descendant la montagne, les protestations ont fusé immédiatement. Qu'exigeait-on?
    Un rapport de Transports Canada signale le fossé qui existe entre la haute direction et les superviseurs de premier niveau. En effet, dit-on, de nombreux employés et certains superviseurs de premier niveau, pour des raisons de productivité, de charge de travail et par crainte de mesures disciplinaires, se sentent poussés à faire le travail dans des conditions qui mettent en danger la sécurité des opérations ferroviaires.
    Corroborez-vous les affirmations contenues dans ce rapport, l'existence d'un véritable danger?
    Absolument, et à cause de ma présence ici, je crains pour mon emploi.
    Craignez-vous que votre comparution devant le comité ait des répercussions?
    Absolument.
    Et d'où viendraient-elles?
    De la gestion.
    Dans votre exposé, vous posez la question: Comment amener les intéressés à rendre des comptes? Bien sûr, nous avons la même préoccupation face au taux croissant d'accidents ferroviaires. Le gouvernement songe à procéder de la même façon dans le transport aérien.
    Quelles sont vos suggestions?
    Je dirais qu'il faut multiplier les vérifications, et non le contraire, dans le cas des infrastructures essentielles comme les ponts. À l'ère électronique, on se demande comment une compagnie peut perdre les dossiers d'entretien d'un pont. Comment expliquer cela? Il serait peut-être utile de le faire.
    Premièrement, il faudrait instaurer un système grâce auquel un ingénieur ferait une inspection et un rapport. Il serait ensuite tenu de l'envoyer dans un délai précis à Transports Canada qui le mettrait sur ordinateur. L'informatique permet de faire cela sur-le-champ. Ainsi, le rapport pourrait être préparé sur place, là où se trouve le pont, et puis être entré sur ordinateur à Transports Canada.
    Si le rapport n'était pas acheminé dans un délai précis, un représentant de Transports Canada devrait se rendre sur place pour inspecter le pont; la compagnie serait facturée pour cela. En outre, on devrait lui imposer une amende. C'est cela la reddition de comptes.
    Comment explique-t-on qu'un pont s'écroule alors qu'un train le traverse? Excusez-moi si je deviens émotif mais j'ai vécu une expérience abominable. Deux de mes amis sont morts sous mes yeux. Pourquoi? Parce que les gens ne veulent pas entendre la vérité. Les gens ont peur de la vérité parce que cette vérité va leur occasionner des frais.
    Je ne suis pas américain, je suis canadien et j'étais autrefois fier de désigner ma compagnie sous le vocable Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, dans les années 80. Désormais, je ne peux plus le faire. Il me faut dire le CNR. À quoi cela rime-t-il?
    Les dirigeants nous expliquent comment ils vont gérer l'entreprise. Je pense qu'il est grand temps que vous, messieurs et mesdames, leur disiez comment le faire.

  (1645)  

    Monsieur Fast.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Rhodes, d'être venu aujourd'hui. Votre témoignage a été plutôt émouvant. J'ai l'impression que vous avez été très affecté par les événements.
    En effet, j'ai été affecté au plus haut point. Il m'est très difficile de monter à bord d'un véhicule qui roule.
    J'aimerais revenir à ce que vous avez dit tout à l'heure. Depuis 1989, la sécurité au CN, du moins, et je pense qu'il nous faut concentrer notre discussion...
    Non...
    Autrement dit, c'est général?
    Je dirais dans les chemins de fer.
    La sécurité en général s'est relâchée dans les chemins de fer, c'est cela, n'est-ce pas?
    Oui. Les chemins de fer ont perdu le respect des gens depuis l'époque des wagons de queue. En effet, les gens ne comprennent pas comment les choses fonctionnent, et ils se disent que tout va pour le mieux. Ils ne comprennent pas la dynamique qui intervient. Ils ne comprennent pas qu'un train ne peut pas stopper tout net. Quand il le fait, c'est abominable. J'ai été témoin de déraillements et vu des wagons être projetés plus loin que la largeur de cette pièce, mais je m'en suis tiré indemne.
    La situation dure donc depuis 1989. Y a-t-il eu des examens publics, des enquêtes officielles ou officieuses, ou encore des délibérations en vertu des dispositions de la Loi sur la sécurité ferroviaire pour cerner toute la question de la sécurité des chemins de fer pendant cette période?
    Je pense qu'il y en a eu, mais je n'en connais pas...
    Avez-vous participé à l'un ou l'autre de ces examens?
    Non, jamais.
    Vous a-t-on jamais demandé d'apporter votre témoignage, outre celui que vous avez fourni au Bureau de la sécurité des transports?
    Vous voulez dire pour d'autres circonstances que celles de mon accident?
    Oui.
    Non. À l'occasion de mon accident, j'ai dû participer à une audience avec les représentants de la compagnie — 180 questions. J'ai dû fournir un témoignage au ministre des Transports et il l'a reçu. C'est un document de 53 pages.
    Je suppose que vous êtes prêt, si on vous le demande, à apporter votre contribution à l'examen que le ministre, actuellement...
    J'en ai un exemplaire. Si vous le souhaitez, je vous le remettrai. Je ne l'ai pas ici même.
    Un exemplaire de quoi?
    J'ai un exemplaire de mon témoignage. Quatre jours après mon accident, j'ai été interviewé.
    Je sais, par le Bureau de la sécurité des transports. Le ministre a constitué un groupe d'examen indépendant de la sécurité ferroviaire au Canada. Je suppose que vous êtes prêt à y participer si nous...
    Absolument.
    Vous me dites que depuis 1989, bien que la sécurité ferroviaire se soit progressivement relâchée, aucune mesure concrète n'a été prise, n'est-ce pas?
    Pas d'après ce que je peux voir. Essentiellement, l'incident de Mississauga a été le dernier événement marquant. J'appelle cela des événements marquants. Il y en a eu deux dans ma carrière, dans l'histoire des chemins de fer. Il y a eu Hinton — je travaillais alors à Jasper sur un tronçon — et ce fut épouvantable et il y a eu l'incident de Mississauga. Ce sont deux événements marquants. La mort de mes amis en sera, je l'espère, un autre qui suscitera de véritables changements, car il y a eu des changements majeurs à la suite des deux autres événements.
    Progressivement, avec l'avènement des UDF pour remplacer les wagons de queue, on a accordé moins de considération à nos tâches — et je dirais qu'aux yeux de la gestion, il y a eu déclassement de nos tâches. J'ai du mal à croire que mon supérieur hiérarchique puisse monter à bord de la locomotive sans même savoir ce qu'est une mâchoire d'attelage. Il s'agit de la pièce qui réunit deux wagons ensemble, et voilà qu'il ne sait même pas ce que c'est et qu'il est mon patron.

  (1650)  

    Depuis combien d'années travaillez-vous dans les chemins de fer?
    Je dirais 24 ans.
    Pendant ces 24 années, avez-vous constaté qu'on avait pris des mesures concrètes pour améliorer la sécurité de votre secteur?
    Oui.
    Pouvez-vous me donner des faits précis?
    Le poste d'alerte situé à la tête des locomotives — c'est ce que les gens appellent d'habitude le disjoncteur de sûreté — a été une bonne amélioration.
    Les règles concernant le repos ont été une grande amélioration. Actuellement, on essaie de les diluer et cela m'inquiète énormément, parce qu'à B.C. Rail, nous ne sommes pas autorisés à travailler plus de 10 heures. Au CN, cette limite est de 12 heures. Dans nos conditions de travail, si nous travaillions 12 heures, nous connaîtrions des situations graves, comme c'est le cas aux États-Unis, en raison de la fatigue. Là-bas, on vient de présenter un rapport sur une collision de plein fouet attribuable, pense-t-on, à la fatigue. En effet, aux États-Unis, les équipes de relève — les remplacements — disposent de seulement huit heures de repos à leur gare d'attache et de six heures, à leur gare de détachement.
    Le CN prévoit tellement serré que ses équipes de relève doivent reprendre le travail dès qu'elles se réveillent.
    Pensez-vous que les règlements provinciaux en Colombie-Britannique sont suffisants ou croyez-vous qu'il faudrait les muscler davantage?
    Je pense que les règlements en Colombie-Britannique sont bien supérieurs aux règlements de Transports Canada. Toutefois, comme pour n'importe quoi d'autre, on peut toujours les améliorer. Il y a certaines insuffisances, mais ils sont de loin supérieurs de façon générale.
    Je voudrais aborder maintenant certaines autres remarques que vous avez faites. Vous dites que le fait de parler de ces questions de sécurité suscite en vous une véritable crainte des conséquences. Cela m'inquiète et devrait inquiéter tous les membres du comité.
    Personnellement, je pense que cela devrait inquiéter tous les Canadiens parce que je ne pense pas qu'il soit tolérable qu'une compagnie puisse vous licencier sous prétexte de « conduite malséante de la part d'un employé ». Quand, en dehors du travail, quelqu'un dénonce ce qui ne va pas, il est licencié pour l'avoir fait et on qualifie cela, sous un vocable générique, de « conduite malséante de la part d'un employé du CN ».
    Cette inquiétude existe-t-elle chez les travailleurs d'autres compagnies ferroviaires?
    Absolument.
    Pouvez-vous les nommer?
    Vous voulez dire les autres compagnies ferroviaires?
    Oui. Faisiez-vous allusion seulement à votre expérience au CN?
    Auparavant, la situation était assez déplorable au CPR, mais si je ne m'abuse, la gestion a changé de style, abandonnant un régime de gestion antagoniste. Je ne sais pas exactement quel terme est le plus juste mais le style de gestion a changé et on découvre maintenant que cela donne des résultats plus heureux.
    Mais le CN n'en a pas fait autant, n'est-ce pas?
    Non. Le CN a pris le contre-pied de cette attitude. La gestion y est très antagoniste. Je qualifie cela de milieu de travail empoisonné car c'est bien cela. Personne ne veut travailler pour le CN. Chacun compte les jours, les mois et les années avant de quitter la compagnie. Ce n'était pas comme cela auparavant et ce n'était pas comme cela à B.C. Rail.
    Monsieur Volpe.

  (1655)  

    Monsieur Rhodes, je vous remercie d'avoir fait l'effort de venir jusqu'ici. Moi aussi, j'ai regardé cette émission. Je n'indiquerai pas le nom de la station de télévision, de peur de passer pour un flatteur, mais cette émission était très intéressante. Vous avez dû trouver l'expérience très traumatisante, et j'apprécie d'autant plus — et je suis sûr que tous les autres sont du même avis — que vous soyez venu nous donner votre point de vue sur ce qui se passe actuellement dans le domaine des chemins de fer en ce qui concerne la sécurité.
    Vous avez parlé à deux reprises de l'acquisition de B.C. Rail par le gouvernement. J'aimerais savoir si j'ai été le seul à faire le rapprochement, ou si vous vouliez parler en réalité de l'acquisition de B.C. Rail pour le CN. Est-ce que vous voulez dire que le gouvernement du Canada et Transports Canada sont devenus responsables des pratiques de gestion de sécurité?
    Je voulais parler de Transports Canada. J'estime que Transports Canada a failli à la tâche lors de la vente de B.C. Rail.
    Je vois les choses de la façon suivante: le CN est une grosse multinationale dont le réseau de chemin de fer va du Mexique au Canada; il a acheté de nombreux chemins de fer qu'il a intégrés à son réseau, et il est passé maître dans ce genre d'opération. Le problème, c'est qu'en l'occurrence, il a absorbé un chemin de fer qu'il ne connaissait pas, alors qu'il croyait le connaître. Ce qui s'est produit résulte de son arrogance, dans la mesure où les gens du CN sont arrivés et ont pris connaissance de nos instructions générales d'exploitation, fruit d'une cinquantaine d'années d'expérience ferroviaire sur cette voie, et ils ont procédé à leur façon parce qu'ils voulaient un réseau homogène. Ils voulaient une formule d'exploitation unique. Ils n'ont écouté personne; ils se sont contentés de lancer leur système.
    Transports Canada n'avait personne en place qui ait pu se rendre compte — ou peut-être n'est-ce pas prévu dans la loi. Je ne sais pas. Mais personne n'a pris le soin d'assurer la transition entre la réglementation provinciale et la réglementation fédérale. Personne n'a tenu compte des différences entre les deux et des mesures qu'il aurait fallu prendre, et c'est pour cette raison que ces accidents se sont produits. Ils auraient pu être évités.
    Il s'agit d'une voie ferrée où nous faisions passer de cinq à sept trains par jour, et le CN a voulu y faire passer deux énormes convois. Si vous regardez les taux d'accidents du CN par rapport aux nôtres, c'est-à-dire ceux de B.C. Rail, c'est véritablement le jour et la nuit.
    Ils peuvent bien venir raconter ce qu'ils veulent ici, mais les chiffres sont là pour le prouver.
    Monsieur Rhodes, vous dites que B.C. Rail faisait passer cinq ou six trains par jour, alors que le CN en fait maintenant passer deux — je suppose que c'est pour faire l'économie de trois convois... Chacun de ces deux énormes convois coûte plus cher, mais ils représentent une économie pour le CN, puisqu'il peut se dispenser des trois autres. Mais certains experts ferroviaires disent que cela ne pose pas vraiment de problème. J'ai évoqué la question que vous avez soulevée, c'est-à-dire le système de frein dynamique, mais ils affirment... 
    À quels experts vous êtes-vous adressé?
    Ce sont des experts du secteur ferroviaire.
    Quels experts? S'ils n'ont jamais travaillé sur cette voie ferrée, ils ne sont pas experts; ils ont des connaissances, mais ils ne sont pas experts. Il faut avoir travaillé sur cette voie ferrée pour être expert, et ce n'est pas leur cas. C'est pour cela qu'il y a eu des déraillements au CN, parce que les experts ont donné le feu vert. Les experts du CN me disent qu'un train peut franchir la montagne avec tous ces wagons. Mais si je n'y arrive pas, je vais devoir le faire en deux fois. Je leur réponds: votre ordinateur dit que c'est possible, mais mes locomotives disent que ça ne l'est pas. Voilà la différence entre un chemin de fer virtuel et un vrai.

  (1700)  

    Êtes-vous en train de nous dire qu'en prenant la décision d'opter pour des méga-trains, la direction n'a pas consulté ceux qui conduisaient ces trains sur ces parcours depuis 25 ans, comme vous l'avez dit, je pense?
    Non. Et s'ils l'ont fait, ils n'ont pas écouté.
    L'ont-ils fait?
    Non, ils ne nous ont pas écoutés. Nous avons essayé de leur dire que ces trains étaient trop longs. Diverses personnes ont essayé de leur dire que leurs trains étaient trop longs et qu'il est impossible de conduire des trains aussi longs. Nous avons tout essayé, et cela était la raison d'être de nos instructions générales d'exploitation. Nos instructions générales d'exploitation indiquent le nombre maximum de wagons qui peuvent remonter la formation de Cheakamus, qui peuvent remonter Kelly Lake, et ce, pour des raisons bien précises, à cause de la configuration de la voie ferrée dans ce secteur, qui est vraiment particulière.
    Mais est-ce que vous-même ou certains de vos collègues avez parlé aux inspecteurs de B.C. Rail ou de Transports Canada?
    Je suis sûr qu'ils l'ont fait. Je sais que Don Faulkner a écrit des lettres. C'est l'un des hommes qui est mort.
    Étaient-elles adressées à B.C. Rail ou à Transports Canada?
    Il a écrit à tout le monde, à tous ceux qui étaient prêts à l'écouter. Il a écrit à Transports Canada et à tous ceux qui étaient prêts à l'écouter. Il y a des gens à New Westminster qui savent qui il était.
    Puis-je intervenir un instant, monsieur le président? Puis-je vous demander ainsi qu'au greffier, de demander au ministère si nous pouvons obtenir une copie de ces lettres, ou devons-nous faire une demande en vertu de la Loi sur l'accès à l'information?
    Vous pourriez probablement téléphoner à l'épouse de Don. Si elle les a conservées sur son ordinateur, je suis sûr qu'elle pourrait vous en remettre une copie.
    Votre temps est écoulé.
    Monsieur Carrier.

[Français]

    Bonjour, monsieur Rhodes.
    Je vous remercie d'être ici et je vous félicite de votre sincérité, même si c'est au détriment de votre emploi, tel que vous nous l'avez mentionné. Je pense que tous les parlementaires vont bénéficier de votre témoignage.
    Je veux revenir sur certains petits détails. Quand vous dites que la sécurité vous a semblé réduite depuis 1995, est-ce que cela correspond à l'introduction du Système de gestion de la sécurité qui a été implanté? Selon ce qu'a dit mon collègue tout à l'heure, c'est un système qu'on veut implanter davantage dans le domaine aérien, et on cite en exemple le domaine ferroviaire. Y a-t-il un lien entre les deux?

[Traduction]

    Je ne suis pas vraiment sûr. Non, je ne pourrais pas vous le dire. Je pense qu'il y a d'autres personnes qui seraient mieux en mesure de répondre à cette question, probablement quelqu'un comme John Holliday.

[Français]

    Vous avez aussi mentionné qu'il y avait moins d'inspecteurs. Le principe du Système de gestion de la sécurité, c'est que l'entreprise établit elle-même son système de sécurité, ce qui fait que les inspecteurs vont vérifier le système plutôt que d'aller vérifier sur place. Vous dites que vous n'avez pas eu connaissance que l'entreprise avait mis en place un système de sécurité. Vous n'avez pas vu d'amélioration de ce côté?

[Traduction]

    Non, la seule amélioration apportée sur le plan de la sécurité... J'ai essayé de faire partie du comité de la sécurité à Lillooet après que notre entreprise a été vendue, et on nous a bloqués pendant des mois et on nous a dit qu'on ne pouvait pas faire partie du comité parce que notre terminal n'était pas suffisamment important et que l'on n'avait pas besoin de nous. Il a fallu que se produise cet accident et la mort de mes camarades avant que je puisse faire partie du comité de la sécurité. C'est là où je suis maintenant: je fais partie du comité de la sécurité et j'essaie d'apporter des changements.
    J'ai de sérieuses préoccupations à propos de mon secteur. On a l'impression qu'ils s'en occupent jusqu'à un certain point, mais vraiment à contrecoeur.

  (1705)  

[Français]

    Vous avez aussi mentionné que les normes de sécurité étaient plus élevées dans les entreprises gérées par les provinces que dans celles gérées par le fédéral. À mon point de vue, ce devrait être l'inverse, c'est-à-dire que les normes fédérales devraient être les meilleures et devraient servir d'exemples pour les provinces.
    Je sais que vous venez de l'Ouest canadien. Je suis de la province de Québec. Quelles informations possédez-vous au sujet des entreprises québécoises de chemins de fer, comme les Chemins de fer Québec-Gatineau Inc.?

[Traduction]

    Je ne sais rien des chemins de fer qui se trouvent dans le nord du Québec. J'ai travaillé avec des gens qui viennent de là et qui travaillaient pour B.C. Rail. Ils considéraient que le mode de fonctionnement de B.C. Rail était très similaire. Pour ce qui est du CN, la situation est tout à fait différente. Le mode d'administration est différent. Il faut que Transports Canada établisse des normes plus sévères.
    Je connais des gens qui conduisent des trains provenant de Kamloops sur le chemin de fer du Canadien Pacifique. Ils s'entraident et utilisent la voie ferrée du CN pour transporter des marchandises jusqu'à Vancouver puis ils ramènent les trains vides sur l'autre voie, sur la voie des chemins de fer du Canadien Pacifique. Un ami m'a dit que la voie ferrée du CN fait peur, et c'est un ancien mécanicien de B.C. Rail. Il dit qu'il est loin d'être rassuré par la voie ferrée du CN qui traverse le canyon.

[Français]

    Tout à l'heure, vous avez dit que le CN était une compagnie internationale, que les trains partaient du Mexique et traversaient les États-Unis jusqu'au Canada.
    Les normes de sécurité ne sont-elles pas plus sévères aux États-Unis, comme on pourrait le penser? Par le fait même, les trains ou les locomotives du CN seraient plus sécuritaires à cause des États-Unis. Est-ce aussi mauvais aux États-Unis?

[Traduction]

    La situation y est pire. Les États-Unis n'exigent pas encore un système d'alerte de sécurité à la tête du train pour le chauffeur-mécanicien — ou un dispositif de l'homme mort. Les États-Unis n'exigent pas non plus d'UDF — mais la situation pourrait avoir changé. L'UDF remplace le wagon de queue.
    Transports Canada a insisté pour qu'il y ait un dispositif d'annulation de secours, ce qui veut dire qu'à titre de chauffeur-mécanicien, je peux desserrer les freins à air, expulser l'air du train et les freins s'activeront. Cette mesure peut être prise à partir de l'UDF à l'arrière du train. Ce dispositif n'est pas obligatoire aux États-Unis, parce qu'il en coûte 1000 $ de plus par unité. Les États-Unis ne l'exigent donc pas. Six hommes sont décédés dans les années 90 aux États-Unis pour cette raison.
    J'ai insisté auprès de la compagnie ici, c'est-à-dire B.C. Rail, pendant deux ans, pour faire changer les règlements concernant le fonctionnement de l'UDF lors de la descente de la montagne. La société nous disait simplement de ralentir sans arrêter, mais j'ai insisté pour que ce dispositif soit installé à l'arrière du train. Je me suis battu avec eux pendant deux ans avant d'obtenir gain de cause. Il s'agit d'un règlement maintenant. Je ne sais pas si les changements ont été apportés. Je ne crois pas qu'ils aient été apportés par le CN et par Transports Canada. Une chose est certaine, ce dispositif sauve des vies.
    Bref, pour répondre à votre question, la situation n'est pas meilleure aux États-Unis. Elle est meilleure ici.
    Monsieur Jean.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie de votre présence aujourd'hui. Nous avons beaucoup appris. Votre témoignage a été très touchant, et restera donc gravé dans la mémoire des membres du comité. Pour être franc, je veux que vous sachiez que le gouvernement conservateur et moi croyons que tous les membres du comité veulent connaître la vérité, et nous vous remercions de nous la donner, parce que c'est ce que nous voulons et c'est ce que nous devons faire à titre de parlementaires.
    D'abord, saviez-vous que le ministre des Transports a annoncé un examen complet de la Loi sur la sécurité ferroviaire, par un groupe d'experts indépendants, le 14 décembre dernier?

  (1710)  

    Oui, je sais qu'il a fait cette annonce le 14 décembre. J'en étais très heureux; j'étais soulagé. Cette annonce était attendue depuis longtemps. Nous en avons grandement besoin. Je ne sais pas ce que je peux vous dire de plus.
    Je suis venu ici parce que je me suis renseigné sur ce comité sur Internet et j'avais l'impression que le comité pourrait travailler de façon très constructive. J'espère pour tout le monde que les travaux du comité mèneront à des changements positifs. Pour moi, il ne s'agit pas seulement d'une question de sécurité pour moi, pour les travailleurs, ou pour le public; il faut fonctionner de façon sécuritaire. Il est plus profitable pour les entreprises de... Je ne comprends tout simplement pas leur raisonnement. Prenons B.C. Rail en exemple. Bien que l'entreprise était efficace, nous, les travailleurs, savions qu'il y avait moyen de faire mieux. Nous avions donc toujours poussé l'entreprise en ce sens. Nous avons fini par devenir la ligne la plus productive en Amérique du Nord, au premier rang. Et ce, parce que nous avons tous travaillé ensemble.
    Je ne comprends rien à ce milieu de travail empoisonné. Je ne vois pas comment il peut mener à la rentabilité.
    Je pense que la plupart des membres du comité seraient d'accord avec vous, et je le suis certainement. Je viens de Fort McMurray, un milieu où la sécurité est prioritaire. Je peux vous assurer que les entreprises de cette région prennent la sécurité très au sérieux. C'est une culture de la sécurité qui y règne.
    C'est facile de blâmer les autres, et je pense que nous tous ici pouvons faire des reproches aux gouvernements libéraux précédents, ou à d'autres. En réalité, toutefois, nous voulons trouver des solutions.
    Vous avez mentionné certaines choses. Vous avez parlé du matériel. Vous avez parlé de l'environnement physique, comme les montagnes et les courbes, des courbes à 12 degrés qui causent de graves problèmes. Vous avez aussi parlé de questions administratives, comme les inspecteurs, la formation et l'expérience.
    Monsieur Rhodes, si vous pouviez changer trois choses, quelles seraient-elles, pour rendre cet environnement plus sûr?
    Si je pouvais changer trois choses pour rendre l'environnement plus sûr, je ferais en sorte que les travailleurs de premier niveau, les surintendants, tous les dirigeants, soient responsables. J'exigerais leur accréditation. Il faudrait qu'ils soient accrédités. Ce n'est pas n'importe qui qui peut faire rouler les trains; pourquoi serait-ce n'importe qui qui puisse les gérer? Il ne s'agit pas de chemins de fer virtuels. Il ne s'agit pas d'un jouet. C'est du matériel réel, qui peut avoir des effets dévastateurs. Il faut donc des gens compétents. C'est la première chose à changer; si vous faites cela, vous éliminez bien d'autres problèmes, parce que les décisionnaires pourront prendre de bonnes décisions et le faire en étant responsables. C'est la première chose à changer.
    Deuxièmement, j'embaucherais davantage de personnel. Il y a un manque d'effectifs au chemin de fer. Il n'y a tout simplement pas suffisamment de gens pour faire le travail à faire. Il y a un surcroît de travail pour ces employés.
    Parlez-en aux contrôleurs de la circulation ferroviaire. Invitez-en un à venir vous parler. C'est ce que vous devriez faire. Vous devez parler aux contrôleurs. Si vous voulez parler d'un poste stressant, c'est le cas de leur poste.
    Et quel serait votre troisième changement?
    Transports Canada doit avoir plus de mordant. Il lui faut plus de pouvoirs. J'ai parlé à nombre d'employés de Transports Canada qui sont frustrés de ne rien pouvoir faire.
    Il y a des années, je travaillais dans le secteur forestier. J'étais technicien forestier. J'allais dans la forêt faire de la vérification des chantiers, entre autres. Rien n'est plus frustrant que de dire à un responsable d'entreprise: « Ce n'est pas ainsi qu'il faut faire, vous devez trouver une solution » et de l'entendre se moquer de vous en vous disant: « Nous paierons l'amende ».
    Il n'y a pas de pénalité, c'est ce que vous dites?
    Oui.
    Il devrait y avoir des conséquences plus lourdes et une reddition de comptes.
    C'est exact.
    Il ne suffit pas de veiller à ce qu'ils aient les qualifications nécessaires. Il faut que les amendes soient conséquentes afin qu'ils y pensent à deux fois avant d'agir, puisque 80 000 $, pour eux, c'est une bagatelle. On pourrait en dire autant de deux millions de dollars.
    Renseignez-vous sur les amendes payées aux États-Unis par les chemins de fer, pour des catastrophes environnementales qu'ils ont causées, et aussi sur l'argent qu'ils ont dû mettre en fiducie pour remettre en état les environnements qu'ils ont dégradés. Nous parlons de millions de dollars. Pas seulement de deux millions de dollars, mais de beaucoup plus.

  (1715)  

    Je tiens à vous remercier, monsieur Rhodes, pour votre témoignage. Nous l'apprécions vraiment. C'était excellent. Merci.
    Monsieur Bell.
    Merci.
    Une dernière question. J'ai constaté que dans le rapport d'étape un, on disait que les facteurs qui avaient contribué aux déraillements sur la ligne principale du CN étaient les rails et le matériel roulant. Le matériel était la cause principale de 37 p. 100 des déraillements sur le chemin de fer principal lorsque le CN était à la fois propriétaire du chemin de fer et exploitant du train. Venaient ensuite les rails, pour 27 p. 100 des déraillements. Vous avez parlé de l'entretien des rails. Cela renforce ce que vous venez de dire.
    J'ai une autre question. À votre connaissance... Ces vérifications ont été faites en 2005 et vous avez eu l'occasion de les lire, n'est-ce pas?
    Oui.
    Pensez-vous que si ces vérifications avaient été faites plus tôt, cela aurait changé les choses, par exemple, dans le cas de l'accident dans lequel vous avez été impliqué? La question est peut-être injuste, mais vous n'êtes pas tenu d'y répondre.
    Je pense que les vérifications ne devraient pas être liées à l'entreprise qui a le choix de les divulguer ou non. C'est une lacune de la Loi sur les chemins de fer et j'ai été étonné d'y lire cela. Je comprends que l'entreprise y est mêlée, et que c'est très embêtant pour elle, mais la sécurité publique devrait être prioritaire. Comme nous payons pour ces vérifications, il devrait nous revenir de décider de ce qu'on en fait, et non à l'entreprise. Eh oui, si le rapport de vérification avait été publié plus tôt, certains accidents auraient pu être évités.
    Il y a une autre chose que j'ai constatée, et qui vient de votre expérience. Nous aurons l'occasion de poser la question au CN, à sa comparution. On a dit que dans une bonne mesure, les procédures de déclaration d'accident sont adéquates, même si elles sont différentes de celles des États-Unis, où la norme est moins élevée. Il reste que les incidents sont déclarés, de même que les déraillements. Après cette déclaration, il semble qu'on puisse se poser des questions sur le suivi, qu'il s'agisse du système de gestion de la sécurité ou du véritable... Il semble y avoir une rupture entre le système de déclaration, qui est adéquat  —même s'il est contesté dans ce rapport, il existe —, et le suivi nécessaire pour que des mesures correctives soient prises.
    Je dirais que c'est vrai. Il semble qu'il y ait une rupture. Autrement, des accidents comme celui que j'ai vécu ne se produiraient pas. Je ne comprends toujours pas. Ce sont des questions qu'il faut poser.
    Personnellement, il y a trois questions que j'aimerais poser, et pour lesquelles je n'ai jamais eu de réponse. À mon audience, j'ai posé une question au surintendant, mais en aparté. Je lui ai demandé: « Comment se fait-il que ces locomotives aient été retirées de notre terminal ferroviaire? Sur quels critères s'est-on fondé? Quels critères a-t-on employés pour décider que ces locomotives qui arrivaient des Prairies devaient nous être confiées?
    Il faut répondre à ces questions. Je crois que les réponses permettront de déceler beaucoup de problèmes intéressants, puisque quiconque a la moindre connaissance des chemins de fer montagneux sait que ce matériel ne convenait pas pour notre secteur. Il s'agissait de matériel des Prairies, censé servir au trafic voyageurs à haute vitesse.
    Merci, j'apprécie beaucoup votre témoignage.
    Comme M. Fast, je vois qu'il y a des préoccupations relatives au climat de crainte, si l'on peut dire, qui régnait chez certains employés. Dans le rapport, j'ai vu qu'on était menacé de perdre des primes ou des promotions, si on déclarait trop de mauvaises instructions ou de défaillances et il y avait même un risque de renvoi. Je pense que nous aurons l'occasion de poser des questions là-dessus à l'entreprise.
    Encore une fois, merci beaucoup.
    Il y a une autre chose que j'aimerais vous dire. Le CN est une grosse compagnie et B.C. Rail est une voie d'embranchement. Ce n'est pas une ligne principale du point de vue de la compagnie. D'après mon expérience, au CN, les voies d'embranchement reçoivent toujours les cochonneries.

  (1720)  

    Monsieur Watson.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie M. Rhodes pour ce témoignage qui ne peut laisser personne indifférent.
    Pour le compte rendu, il y a une différence entre un incident et un accident. Vous semblez dire que la démarcation entre les deux est parfois très ténue, mais vous n'en avez pas donné d'exemple précis. Pourriez-vous nous décrire un cas qui, tout en étant considéré comme un incident, serait à la limite de ce qu'on appelle un accident?
    Prenez le cas de ce qui est arrivé sur la montagne il y a à peine deux mois. Un rocher a déboulé et a écrasé les rails. Il a cassé les rails, fracassé les plaques de jonction et déplacé la voie. Le train s'est approché de l'endroit et il n'y avait pas de patrouilles.
    Comme il n'y a pas de patrouilles sur cette montagne-là, l'équipe de train avait ralenti le train. Ils sont arrivés à cet endroit où les rails étaient brisés. Au lieu d'actionner le système d'urgence, qui a pour effet d'appliquer tous les freins qui risquent de faire dévier les rails et de provoquer un déraillement, le mécanicien a manoeuvré et freiné le train en recourant aux freins dynamiques. Comme il y avait deux wagons qui avaient des freins dynamiques, il a pu arrêter le train, mais pas avant que 24 wagons furent passés sur les rails brisés.
    Il a fallu séparer le train et reconstruire la voie ferrée, puis le train a continué son chemin. Depuis, le CN a rétabli des patrouilles sur cette montagne. Cet événement n'a jamais été signalé à Transports Canada parce que ce n'était qu'un incident.
    Merci.
    Monsieur Volpe, la dernière question.
    En fait, nous pourrions discuter de cette question beaucoup plus longtemps.
    Je suis intrigué par certains de vos propos, monsieur Rhodes. Je vous crois absolument sur parole. Vous me semblez sincèrement troublé par le fait qu'une autorité, qu'il s'agisse d'une compagnie ou de Transports Canada, sache ce qu'il faut faire, se fasse dire ce qu'il faut faire et refuse essentiellement de le faire.
    Je ne peux pas dire que Transports Canada refuserait de le faire. Ils sont bien au courant de certaines choses, mais c'est...
    J'ai signalé cet incident à Transports Canada et c'est comme cela que j'ai appris qu'il n'était pas obligatoire de le déclarer. On m'a dit qu'en vertu de la Loi sur les chemins de fer, les compagnies ne sont pas tenues de signaler de tels événements. Et c'est le problème qui est à l'origine de bien des difficultés à Transports Canada.
    Quant aux gestionnaires de la compagnie, ils ne veulent pas en entendre parler.
    À mon avis, c'est une question très grave et j'éprouve de la réticence à l'aborder, mais la voici. Si les gens ne veulent pas en entendre parler, ou s'ils ne sont pas en mesure de corriger la situation même lorsqu'on leur dit ce qu'il faut faire, ce n'est plus une question de reddition de comptes mais bien de responsabilité civile. C'est de la négligence.
    Je préférerais certainement ne pas avoir à le dire, mais c'est un aspect qui pourrait certainement être examiné.
    À Lillooet à l'heure actuelle, il existe un grave problème concernant la navette que nous utilisons. On s'est débarrassé de notre service passagers. Nous avions ce que nous appelions le « carrosse », c'est-à-dire un élément automoteur et une voiture-coach. Je conduisais cette navette de D'Arcy, le long d'un lac. Le lac est extrêmement dangereux puisqu'il longe une paroi rocheuse d'où tombent continuellement des roches. Essentiellement, nous servions d'autobus scolaire. Nous allions recueillir tous les enfants à différents endroits pour les amener en ville chaque jour.
    Le gouvernement de la Colombie-Britannique a décidé qu'il n'en voulait plus. Il s'en est débarrassé et l'a remplacé par je ne sais même pas comment on appellerait cela. Je ne sais même pas comment on a pu autoriser l'utilisation de ce type de véhicule. Il s'agit d'une navette maison — je ne blague pas, une navette improvisée. Deux de ces navettes transportent les gens d'un point à l'autre le long d'une des voies ferrées les plus dangereuses qui existent. Et ce sont des employés affectés à l'entretien de la voie ferrée qui conduisent ces navettes.
    Comme je l'ai dit à mon député provincial à l'époque, ils devraient utiliser les personnes les plus qualifiées. Ne voudriez-vous pas que les personnes les plus qualifiées conduisent ces navettes qui transportent des passagers?

  (1725)  

    Des enfants en particulier.
    Vous avez maintenant des employés affectés à l'entretien qui conduisent ces navettes, ce qui pose des problèmes à bien des égards. Tout d'abord, ils n'ont pas reçu la formation voulue. Ils sont loin d'être aussi qualifiés que je le suis. Deuxièmement, dans le secteur ferroviaire, ce sont ceux qui possèdent le moins de formation, donc qui sont les plus vulnérables. S'ils perdaient leur emploi, ils auraient de la difficulté à s'en trouver un autre, n'est-ce pas? Étant donné qu'ils sont les plus vulnérables, ils sont les moins susceptibles de se faire entendre. Ils se contenteront de faire ce qu'on leur dit.
    Et ce sont eux qui conduisent ces trains. Une fois, en reculant sur un pont, ils ont précipité une femme dans la rivière. On ne l'a jamais retrouvée.
    Vous ne serez pas en mesure de répondre à cette question, mais vous pouvez deviner là où je veux en venir. Si on essaie de façon délibérée de maintenir des activités dans un environnement où la chose la plus inoffensive que l'on peut dire à propos de quelqu'un c'est qu'il est négligent, je pense que le comité se demandera probablement — et s'il ne le fait pas, je le ferai —, s'il ne faut pas ajouter l'adjectif « criminelle » après le mot « négligence ».
    C'est à vous d'en décider. Il faudra que vous posiez des questions difficiles au surintendant de Prince George.
    Je vous remercie, monsieur Rhodes.
    Je vais indiquer au comité que je demanderais si nous pouvons reporter les deux motions dont nous sommes saisis à la prochaine réunion.
    Je tiens à vous remercier de ce débat franc et ouvert. Cette discussion a été très utile. Elle a été formidable. Je tiens à m'excuser à nouveau de la confusion.
    Je vous remercie de l'avoir fait parce qu'il aurait été très difficile pour moi de revenir ici. Il sera difficile pour moi de rentrer chez moi. Il m'est impossible de vous expliquer ce que je ressens. J'espère que personne ici n'aura jamais à vivre ce que j'ai vécu. Je sais que vous allez faire du bon travail, parce que... J'en suis tout simplement convaincu.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Laframboise.

[Français]

    Étant donné que les témoignages de lundi seront reportés à mercredi, est-ce qu'on va contacter les gens qui devaient venir témoigner mercredi? Il faut les avertir. Je sais qu'il y en a qui viennent du Québec. On doit s'assurer que ce sera fait.

[Traduction]

    Nous allons avertir ceux qui n'ont pas pu être des nôtres aujourd'hui à cause de ma décision. Nous avons également le maire, et quelques autres personnes qui ont été ajoutées et nous allons essayer de communiquer avec elles. Nous aurons un groupe complet mercredi.
    La séance est levée.