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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 007 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 6 juin 2006

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Je déclare ouverte cette séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne, et je vous rappelle que nous examinons les articles 25.1 à 25.4 du Code criminel, en ce qui concerne la protection des personnes chargées de l'application et de l'exécution de la loi.
    Nous avons la chance cet après-midi, d'accueillir, par voie de vidéoconférence, M. Grégoire Webber, qui se trouve à Londres, en Angleterre. Il est boursier Trudeau à l'Université Oxford, et, puisqu'il a étudié à fond ces articles, c'est l'une des rares personnes à posséder des connaissances approfondies dans ce domaine. Ce sont des dispositions législatives un peu différentes et assez nouvelles.
    Monsieur Webber, bienvenue au comité. Est-ce que tout va bien à Londres?
    C'est très bien.
    Conformément à notre procédure, vous disposerez de 10 à 12 minutes pour votre témoignage, qui sera suivi d'une série de questions posées par les députés de tous les partis représentés autour de cette table.
    Si vous voulez bien commencer, nous sommes à votre disposition.
    Très bien. Merci beaucoup.

[Français]

    Bonjour à tous. Je tiens à remercier le comité de m'avoir accordé la parole aujourd'hui et d'avoir facilité mon témoignage au moyen de la vidéoconférence.
    Membre du Barreau de l'Ontario, je poursuis un doctorat en droit constitutionnel à l'Université d'Oxford, tel que mentionné par le président. Mon témoignage d'aujourd'hui est cependant le mien. C'est-à-dire que je ne tiens pas à représenter l'Université d'Oxford ou la Fondation Trudeau, dont je suis membre.
    Le coeur de ma présentation s'inspire d'un texte que j'ai rédigé et qui s'intitule: Legal Lawlessness and the Rule of Law: A Critique of Section 25.1 of the Criminal Code. Ce texte examine la constitutionnalité du régime prévu aux articles 25.1 et suivants, et conclut que ce régime présente d'importantes difficultés constitutionnelles. Cette étude a été publiée en 2005 par le Queen's Law Journal, volume 31, et peut être téléchargée du site Internet de la Fondation Trudeau sous la rubrique « Quoi de neuf ».
    Permettez-moi de vous fournir un survol des trois points que je tenterai de couvrir dans le cadre des 10 à 12 minutes qui mon sont accordées. Par la suite, je donnerai des détails sur chaque point. Mais auparavant, je tiens à souligner que je suis favorable, en principe, au régime d'exception à l'étude. Mes commentaires cherchent plutôt à identifier quelques difficultés dans la façon dont ce régime est encadré et à suggérer des solutions alternatives.
    Passons maintenant à mon premier point.
     La justification des articles 25.1 et suivants du Code criminel repose principalement sur le besoin d'accorder aux forces policières de nouveaux pouvoirs d'exception afin de mieux s'attaquer au crime organisé et aux opérations d'infiltration. Or, rien dans la loi n'indique que ces pouvoirs d'exception ne peuvent être utilisés qu'aux seules fin de la lutte contre le crime organisé et pour les opérations d'infiltration.
    Deuxièmement, le processus de désignation d'un « fonctionnaire public » au sens la loi est insuffisant dans la mesure où la désignation l'autorise par la suite à commettre des actes criminels qui n'ont pas été spécifiquement autorisés par le ministre ou par un fonctionnaire supérieur. Une fois désigné, le fonctionnaire public est lui-même la source de son autorité pour commettre des actes criminels. On dirait en anglais qu'il devient a law onto himself.
    Troisièmement, les deux points précédents sont importants non seulement en eux-mêmes, mais aussi sur le plan constitutionnel. Le jugement de la Cour suprême dans l’arrêt Campbell et Shirose ne semble pas se prêter à une interprétation qui serait favorable au régime tel qu'il est formulé. Autrement dit, la portée du régime tel qu'il est actuellement formulé est trop vaste, et les règles pour l'autorisation d'actes criminels, trop souples pour être jugées constitutionnelles, à mon avis.
    Il y a un quatrième point que je n'aurai pas le temps de commenter dans le cadre da ma présentation mais dont nous pourrions discuter par la suite s'il vous intéresse. Il concerne les moyens d'accroître la protection contre les abus de ces pouvoirs d'exception par le biais de changements à la surveillance civile et aux rapports annuels, et aussi par l'ajout d'une obligation de divulgation plus générale.
    Je vais maintenant donner plus de détails sur mon premier point, soit la justification du régime d'exception et la lutte contre le crime organisé.
    Quand les articles 25.1 et suivants du Code criminel ont été adoptés en 2001, ils faisaient partie du projet de loi C-24, intitulé Loi modifiant le Code criminel (crime organisé et application de la loi). Aujourd'hui, le titre de votre étude fait référence à « la protection des personnes chargées de l'application et de l'exécution de la loi ». La référence au crime organisé n'y est plus, et c'est juste, parce que la loi à l'étude ne fait aucune référence au crime organisé. Cependant, dans les témoignages que vous avez entendus, on a mis beaucoup l'accent sur le crime organisé, la lutte contre le terrorisme et les opérations d'infiltration. On n'a pas mentionné l'utilisation de ces pouvoirs pour les enquêtes policières non liées au crime organisé ou aux opérations d'infiltration, à l'exception, je crois, d'un exemple concernant un bateau ou un avion qui doit poursuivre sa course la nuit en fermant ses lumières afin de ne pas être détecté.
    Voilà qui m'amène à ma première recommandation au comité: modifier la loi afin de restreindre sa portée aux enquêtes liées au crime organisé et aux opérations d'infiltration, ainsi qu'à quelques autres domaines d'activité policière ciblés. De cette façon, la portée de la loi serait en accord avec sa justification.

  (1535)  

    Je passe à mon deuxième point: l'absence de procédure pour autoriser l'acte criminel lui-même.
    Il y a deux régimes prévus par la loi pour autoriser un acte criminel par un fonctionnaire public. Le premier est le régime d'application générale. Il est prévu à l'article 25.1, au paragraphe (8). Cette disposition exige que le fonctionnaire public soit désigné par le ministre, mais la loi n'exige pas que la désignation soit assortie de conditions telles que sa durée ou les infractions à la loi que le fonctionnaire public peut commettre. Une fois désigné, le fonctionnaire public est justifié de commettre un acte criminel s'il croit, pour des motifs raisonnables, que la commission de l'acte est juste et proportionnelle. Autrement dit, il n'y a pas de supervision préalable à l'acte criminel lui-même.
    Il y a cependant un deuxième régime. Il est prévu à l'article 25.1, au paragraphe (9), et s'applique seulement dans les cas où une infraction entraînerait vraisemblablement la perte de biens ou des dommages importants à ceux-ci, ou si le fonctionnaire public vise à autoriser une tierce personne à commettre une infraction. Dans ce cas, les deux critères du premier régime y sont: le fonctionnaire public doit être désigné, et il doit croire, pour des motifs raisonnables, que son acte est juste et proportionnel. Cependant, il y a un troisième critère: avant de commettre l'acte criminel, il doit y être personnellement autorisé par écrit par un fonctionnaire supérieur. Le fonctionnaire supérieur doit, lui aussi, croire pour des motifs raisonnables que l'acte serait juste et proportionnel. Il y a certaines exceptions à l'autorisation écrite préalable, et il s'agit de cas urgents prévus, eux aussi, au paragraphe 25.1(9).
    Je propose que ce deuxième régime soit le seul régime pour la justification d'actes criminels commis par un fonctionnaire public. Je propose ceci pour les motifs qu'aucun individu, voire même aucun fonctionnaire public, ne devrait être en mesure de décider lui-même s'il peut commettre un acte criminel. Il doit, avant même de commettre l'acte, y être spécifiquement autorisé.
    Si mon objection est d'ordre conceptuel, j'ai été bien heureux d'apprendre que la GRC avait établi l'obligation d'autorisation préalable dans ses opérations. Le commissaire adjoint de la GRC, M. Souccar, a confirmé dans son témoignage devant vous qu'un fonctionnaire public ne pouvait commettre un acte criminel sans avoir une autorisation écrite d'un fonctionnaire supérieur de la GRC. Autrement dit, la GRC a adopté une version du régime d'autorisation préalable pour toutes ses opérations, même si la loi ne l'exige pas.
    Ma recommandation est donc de changer la loi afin d'exiger, à moins qu'il s'agisse d'une situation urgente, qu'un fonctionnaire public détienne une autorisation par écrit d'un fonctionnaire supérieur avant de commettre l'acte criminel.

  (1540)  

[Traduction]

    J'ai une dernière observation à faire, et je vais la faire en anglais.
    Ayant établi que le contexte dans lequel ces pouvoirs peuvent s'exercer n'est pas de nature à les limiter aux enquêtes sur le crime organisé et les opérations secrètes d'infiltration, et ayant évalué la portée de l'autorisation accordée aux fonctionnaires publics de commettre certains actes qui autrement seraient considérés des actes criminels, je fais valoir mon troisième argument, qui porte sur la question constitutionnelle.
    Vous vous demandez peut-être pourquoi nous devrions incorporer les modifications que je propose, plutôt que de laisser ces questions au bon vouloir des forces policières. Pour moi, il y a deux réponses, et aucune d'entre elles ne remet en question l'intégrité de nos forces policières. La première consiste à reconnaître que les pouvoirs accordés à nos forces policières en vertu de l'article 25.1 et suivants sont important -- en fait, ils sont exceptionnels. Et dans la mesure où nous autorisons quiconque à commettre des actes qui seraient autrement considérés comme des actes criminels, nous devons chercher à encadrer suffisamment l'exercice de ses pouvoirs et à prévoir le contrôle de tels pouvoirs. Et cet encadrement devrait être inscrit dans la loi. Autrement dit, une telle mesure doit avoir force de loi, au lieu de prendre simplement la forme d'une directive interne destinée à une force policière.
    La deuxième réponse est tout aussi importante. Si le cadre d'exercice de ces pouvoirs exceptionnels n'est pas suffisamment bien défini, la constitutionnalité de ce dernier peut être en cause.
    Permettez-moi de vous lire un bref passage du jugement de la Cour suprême du Canada dans Campbell et Shirose, le jugement qui a été la principale source d'inspiration de ces dispositions législatives: « Invoquer comme justification le principe général de l'application de la loi serait contraire aux principes fondamentaux de notre Constitution ». Et là la Cour suprême du Canada faisait allusion au principe constitutionnel de la primauté du droit, soit le principe énoncé au paragraphe 25.1(2) des articles à l'étude.
    L'inquiétude que suscitent les articles à l'étude, c'est qu'ils appuient la justification générale de l'application de la loi contre laquelle la Cour suprême du Canada nous a prévenus -- « générale » en ce sens qu'elle ne se limite pas aux enquêtes relatives au crime organisé et à d'autres activités criminelles ciblées, et englobent donc les enquêtes menées sur toute activité criminelle, et « générale », dans le sens que normalement, un fonctionnaire public n'a pas besoin de demander une autorisation préalable avant de commettre un acte qui serait autrement jugé criminel.
    Je passe donc tout de suite à ma conclusion, en vous faisant remarquer en passant qu'il existe un quatrième argument concernant la protection accrue contre les abus potentiels, que je me ferais un plaisir d'aborder avec vous pendant la période des questions.
    Je vous remercie de votre bienveillante attention, et je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.
    Merci, monsieur Webber.
    Vous avez fait des observations intéressantes. Je voudrais vous poser une question, pour la gouverne des membres du comité. Que savez-vous au sujet des enquêtes sur le crime organisé? Vous avez soulevé un certain nombre de points qui influeraient certainement sur la condition de telles enquêtes, s'ils devaient être retenus. S'agissant des exemples qui ont été présentés, c'est-à-dire les rapports soumis par les agents de police -- notamment les agents de la GRC, si je ne m'abuse -- au sujet des enquêtes qu'ils ont menées, savez-vous comment les agents concernés ont mené leurs enquêtes et dans quelle mesure vos propositions influeraient sur les points que vous avez soulevés aujourd'hui?
    En réponse à votre question, je possède à cet égard autant d'information que le citoyen canadien moyen. Par contre, je trouve réconfortant de savoir, ayant examiné les témoignages des avocats du ministère de la Justice que vous avez reçus à votre première réunion, ainsi que ceux des membres de la GRC qui ont comparu à votre deuxième réunion, qu'ils ont tous les deux insisté sur l'importance de cette loi dans le contexte de la lutte contre le crime organisé et des opérations d'infiltration.
    Ma suggestion repose donc sur leurs témoignages en ce qui concerne l'important de cette loi pour les fins en question et l'absence de toute mention de l'éventuel emploi de cette loi pour d'autres fins.
    Merci, monsieur Webber, pour cette réponse.
    Je voudrais maintenant ouvrir la période des questions en donnant la parole à M. Bagnell.
    Pourriez-vous nous indiquer encore une fois où nous pourrions trouver votre communication? Nous avez-vous dit que cela se trouve dans le Queen's Law Journal?
    Oui, c'est exact. Cela se trouve au volume 31 du Queen's Law Journal de 2005.
    Vous avez dit dans vos remarques liminaires que vous n'auriez pas assez de temps pour finir d'expliquer quelque chose. Si on vous en donne le temps durant notre temps de parole, auriez-vous d'autres arguments à avancer?

  (1545)  

    Je voulais simplement vous faire part de mes idées sur la façon de prévoir une protection plus musclée contre l'abus potentiel de ces articles, et je suis tout à fait disposé à en discuter.
    Très bien; nous allons vous laisser le temps de le faire plus tard, en vous adressant une question.
    Ma première question ne concerne pas un acte précis... disons que l'objet de l'enquête ne fait pas l'objet de suffisamment de détails. Il y a deux éléments. Premièrement, évidemment, puisqu'ils doivent déposer des rapports annuels et que ces rapports sont publics, s'ils se livrent à des activités frivoles ou involontaires à l'égard d'un acte qui ne constituait pas un crime grave, ce serait clair pour tous ceux qui liraient les rapports, et à mon avis, ni la police ni personne d'autre ne voudraient être, ni assujettis à ce genre de transparence, ni critiqués du fait de ne pas avoir fait enquête sur quelque chose de grave.
    Deuxièmement, la nature du crime dont l'intéressé est accusé compte-t-elle vraiment, surtout qu'ils vont le plus souvent cibler des criminels invétérés? Par exemple, n'est-il pas vrai que Al Capone a finalement été accusé de fraude fiscale, par opposition à un crime grave qui aurait pu être spécifié dans le cadre d'une enquête comme celle dont vous parlez maintenant? Je pense que les gens étaient bien contents que Al Capone finisse en prison.
    C'est vrai. Je ne conteste pas le bien-fondé de votre dernière conclusion.
    Vous avez posé deux questions: la première concernait les rapports publics, et la deuxième portait sur les difficultés potentielles d'une mesure législative qui ne viserait que le crime organisé. Je vais donc répondre à vos deux questions l'une après l'autre.
    Comme vous le savez peut-être, il n'est pas nécessaire de divulguer dans les rapports publics les mesures d'application précises de ces articles. En réalité, ils sont obligés de divulguer le recours à seulement certaines dispositions exceptionnelles, à savoir quand la police autorise le recours à ces articles, articles qui entraîneraient des dommages matériels importants ou encore quand la police autorise un agent qui n'est pas un policier à invoquer ces articles.
    Par conséquent, en temps normal, s'il n'est pas nécessaire de recourir à ces articles pour des situations où il est question de dommages matériels ou pour autoriser un tiers à faire certaines choses, il n'est pas obligatoire de déposer un rapport. En fait, l'une des recommandations que je voudrais faire consiste à renforcer les exigences en matière de rapports pour que ces dernières visent l'ensemble des activités, et pas seulement ces deux-là.
     Deuxièmement, sur la question de l'opportunité de limiter l'application de ces articles au crime organisé, je pense qu'il serait possible de répondre à votre préoccupation dans le libellé même de l'article concerné. Par exemple, il n'est pas nécessaire de faire mention de loi précise. On pourrait simplement incorporer dans le Code une disposition indiquant que, de l'avis de tel haut fonctionnaire, il est nécessaire de prendre telles mesures pour les fins de l'enquête en cours. À l'heure actuelle, aucune restriction de ce genre ne vise les dispositions en question.
    Donc, vous nous dites que si une force policière invoquait cette exemption et commettait des actes criminels, à moins que ce ne soit dans un contexte qui soit conforme aux deux conditions que vous avez précisées -- la première étant qu'elle ait autorisé la présence d'un témoin... et l'autre qu'il y ait eu dommages matériels -- nous n'en saurions jamais rien. Par conséquent, la police pourrait avoir enfreint la loi à maintes reprises sans que personne ne le sache.
    C'est exact. Nous pouvons examiner ensemble cet article -- et en fait j'ai le libellé exact devant moi. Nous regardons l'article intitulé « rapport annuel », soit l'article 25.3. Il y a trois alinéas pertinents, soit 25.3(1)a), b), et c), qui exigent la divulgation des renseignements suivants:
a) le nombre de désignations effectuées au titre du paragraphe 25.1(6) par les fonctionnaires supérieurs;
    Là il s'agit de désignations d'urgence. En d'autres termes, lorsqu'un ministre n'a pas déjà désigné un fonction public, un fonctionnaire supérieur -- par exemple, un membre de la GRC comme ce que vous disiez il y a quelques minutes -- peut désigner une telle personne pour une période de 48 heures. Donc, cette information-là doit être divulguée.
    Aux termes de l'alinéa 25.3(1)b)--
b) le nombre d'autorisations accordées par les fonctionnaires supérieurs au titre de l'alinéa 25.1(9)a);
    -- il s'agit-là des dommages matériels que je viens de mentionner.
    Et enfin l'alinéa 25.3(1)c):
c) le nombre de fois où des actes ou omissions ont été commis sans autorisation par les fonctionnaires publics au titre de l'alinéa 25.1(9)b);
    Et encore une fois, il s'agit d'une délégation faite à un informateur.
    Donc, selon ces dispositions, il n'est pas nécessaire normalement de divulguer d'autres renseignements dans le rapport annuel.
    Je présume que vous êtes content du fait que la GRC ait décidé de son propre chef de limiter la durée de la désignation à trois ans. Vous nous dites donc que ce genre de choses devraient être d'une durée limitée, n'est-ce pas?
    En fait, je trouve très réconfortant que la GRC prenne ses responsabilités vis-à-vis de ces dispositions. Je suis d'avis qu'il convient de s'appuyer sur l'exemple de la GRC pour inscrire dans la loi les paramètres que la GRC elle-même s'est fixés.

  (1550)  

    Encore une fois, pour ce qui est de limiter ce qui peut faire l'objet d'une enquête, une fois que la personne a été désignée et a commencé à participer à un certain nombre d'opérations d'envergure, n'est-il pas vrai que la police peut ne pas savoir quand, ni dans quelles circonstances, cette dernière serait obligée d'enfreindre une loi? Elle ne saurait pas nécessairement de quel type d'activités criminelles il s'agit ni des méthodes qu'il faudrait employer, si bien qu'elle ne pourrait pas demander ce genre de préautorisation ou de limites dont vous parlez.
    Cette autorisation préalable ne vise que les cas où les actes doivent être divulgués dans le rapport annuel, c'est-à-dire des dommages matériels importants et la délégation du pouvoir d'enfreindre la loi à un tiers qui n'est pas agent policier, tel un informateur. Si j'ai du mal à accepter ce qui est actuellement prévu, à l'exception des deux cas que j'ai cités, c'est parce qu'aucune autorisation préalable n'est exigée de la part de personne. Autrement dit, une fois que le ministre a désigné un agent ou un membre d'une force policière, c'est à ce membre individuel de faire preuve de jugement en déterminant si l'acte criminel est raisonnable et proportionnel dans les circonstances. Je vous dis simplement qu'il conviendrait à mon avis de prévoir l'obligation d'obtenir l'autorisation préalable d'un fonctionnaire supérieur.
    Je vous disais qu'au fur et à mesure qu'une situation évolue, il peut ne pas avoir le temps d'obtenir une autorisation préalable. Parfois la situation évolue très rapidement.
    Vous avez parfaitement raison. C'est pour cette raison que là où la loi prévoit des exceptions en matière d'autorisation préalable pour des situations d'urgence, je suis tout à fait en faveur de conserver ces exceptions.
    Merci, monsieur Bagnell.
    Monsieur Ménard.

[Français]

    Je voudrais échanger avec vous à propos de deux aspects de votre témoignage. Lorsque nous avons cherché à comprendre la portée de la loi et les circonstances dans lesquelles on avait eu recours à ce régime de justification, on nous a, bien sûr, beaucoup parlé du crime organisé et des opérations d'infiltration, ce qu'on peut comprendre. Par ailleurs, on nous a également parlé d'opérations liées davantage à l'immigration.
    Vous savez qu'il y a beaucoup de débats en ce moment, au Canada et au Québec, concernant toute la question de la traite humaine, même si on a adopté le projet de loi C-49. Pourquoi croyez-vous qu'il faille rigoureusement limiter la portée de la loi aux activités liées au crime organisé? Ne craignez-vous pas qu'il y ait là quelque chose d'indûment restrictif au regard de l'objectif poursuivi?
    C'est une très bonne question.
    Je vais revenir à la recommandation que j'ai formulée dans mon témoignage, soit de modifier la loi afin de restreindre sa portée aux enquêtes liées au crime organisé et aux opérations d'infiltration, ainsi qu'à quelques autres domaines d'activité policière ciblés.
    Je ne dis pas qu'il faut limiter cela au crime organisé et aux opérations d'infiltration, et fermer les yeux sur les autres besoins. Cependant, déterminons les circonstances dans lesquelles c'est vraiment nécessaire et limitons la portée de la loi à ces circonstances. La difficulté que je vois, c'est que la loi telle qu'elle est formulée présume que ces pouvoirs sont nécessaires dans tous les cas. Dans les témoignages que vous avez entendus du ministère de la Justice et de la GRC, on n'a pas prétendu que c'était nécessaire dans tous les cas. Je suis d'accord avec vous, et les rapports annuels le démontrent, que ce sera souvent nécessaire dans les cas d'immigration. Je serais très heureux que la loi puisse être appliquée dans de telles circonstances.
    D'accord. Un de vos collègues était très préoccupé par les libertés civiles et les droits de la personne. Il nous a parlé d'un régime d'aménagement pour un contrôle judiciaire.
    Vous n'avez pas employé ce terme; vous avez plutôt souhaité qu'il y ait une autorisation des fonctionnaires en toutes circonstances. Avez-vous réfléchi à la possibilité d'une autorisation judiciaire proprement dite? En d'autres termes, il faudrait s'adresser à un juge dans des circonstances très précises et faire valider par une cour de justice toutes sortes d'opérations qui seraient visées par ces articles. Avez-vous envisagé cette possibilité?
    Je crois qu'il relève de votre compétence d'étendre ce projet de loi de manière à ce qu'on exige une autorisation préalable d'un juge. Il faut d'abord se demander si cette exigence est nécessaire et, ensuite, si elle est souhaitable. Veut-on vraiment que les juges s'impliquent à ce niveau dans les opérations policières relatives au crime organisé, aux opérations d'infiltration, etc.?
    Je ne sais pas si vous y êtes favorables ou non. Il faudrait probablement consulter la GRC à ce sujet. Cependant, une telle autorisation n'est pas toujours nécessaire dans la mesure où un jugement de la Cour suprême du Canada, R. c. Campbell et Shirose, faisait référence au règlement adopté en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
    La Cour suprême a statué qu'il y avait un régime établi qui n'exigeait pas une autorisation préalable par un juge, mais plutôt un certificat délivré par un fonctionnaire supérieur d'une force policière. Il s'agit là d'un exemple où le Parlement, en vertu de certains règlements adoptés par le ministre, exige un certificat délivré par un fonctionnaire supérieur. La Cour suprême en a pris connaissance, même s'il ne s'agissait pas d'une question qui lui avait été soumise. On ne pourrait donc considérer ses dires comme un jugement sur la constitutionnalité de ces dispositions. Elle n'a quand même pas pris le temps de dire qu'elle n'était pas d'accord. Elle a simplement pris connaissance de ce régime. Ce serait donc un autre régime qui serait disponible.

  (1555)  

    En tant qu'étudiant en droit au doctorat — ce qui n'est pas rien dans la vie d'un individu —, vous êtes à la recherche d'un équilibre, tout comme ce comité, entre les pouvoirs qu'il faut donner à des corps policiers afin de démanteler des réseaux liés au crime organisé et la nécessaire responsabilité qu'on souhaite en tant qu'élus.
    Ce qui m'apparaissait intéressant dans l'idée d'un contrôle judiciaire, c'est qu'on fait intervenir un tiers, entre autres un juge, afin de s'assurer qu'il n'y ait pas d'excès. Est-ce compatible avec le caractère confidentiel de certaines enquêtes policières? Vous croyez que telles qu'elles sont libellées, ces dispositions sont trop généreuses et ne respectent pas le jugement rendu par la Cour suprême du Canada en raison de leur imprécision.
    N'est-ce pas là un exemple d'un contrôle judiciaire qui viendrait refermer une porte? Il y a un risque potentiel d'abus ou que parfois on s'en remette à la bonne foi d'un fonctionnaire, un officier de la GRC, notamment. Finalement, ce que vous redoutez, ce sont les abus, n'est-ce pas?
    Il y a non seulement les abus, mais aussi un problème d'ordre constitutionnel si on n'encadre pas ces pouvoirs de manière suffisante. Vous avez mentionné la question de la confidentialité et du rôle des juges. Déjà les juges ordonnent des mandats de perquisition, et il y a tout un régime qui prévoit un équilibre entre la confidentialité d'une enquête policière et la nécessité d'impliquer les juges afin d'autoriser un mandat.
    Les outils sont là. C'est à vous de décider s'il est opportun d'impliquer les juges. Si vous jugez que c'est opportun, il n'y aura aucun problème à s'assurer de la confidentialité des enquêtes policières.
    Monsieur le président, je ne sais pas si j'ai le temps de poser une dernière question.

[Traduction]

    Vous pouvez poser une question très courte.

[Français]

    S'il y avait des abus et qu'ils donnaient lieu à une récolte de preuves qui n'auraient pas dû être récoltées, croyez-vous que l'article 24, qui porte sur le régime d'exclusion de la preuve, s'appliquerait à ces dispositions du Code criminel?
    Les dispositions du Code criminel à l'article 24.3 ou 21.4 précisent que ce projet de loi — ce n'est plus un projet de loi puisqu'il a été adopté — ou ces articles n'affectent aucunement la collecte de la preuve. Les mêmes règles de preuve seront appliquées, qu'on ait recours à ces pouvoirs ou non.
    Je vous souhaite bonne chance. J'espère que vous vous égarez dans les pubs de temps en temps.

[Traduction]

    Merci, monsieur Ménard.
    Monsieur Comartin.
    J'allais vous poser les mêmes questions, monsieur Webber, sur le contrôle judiciaire, mais vous y avez déjà répondu. Donc, si vous voulez profiter de mon temps de parole pour faire les deux autres observations que vous souhaitiez faire tout à l'heure, sentez-vous libre de le faire.
    Très bien. Merci beaucoup, monsieur Comartin.
    Je voudrais vous parler de certaines autres recommandations concernant une protection accrue contre les abus.
    Les deux premières recommandations que je vous ai faites sont évidemment parmi les plus importantes: c'est-à-dire, premièrement, réduire le champ d'application de la loi, de sorte que cette dernière ne concerne que des actes qui sont absolument nécessaires pour le bon déroulement des opérations policières; et deuxièmement, il faut prévoir une autorisation préalable obligatoire par un haut fonctionnaire de la police, un juge, ou peut-être une autre personne. Peut-être pourrait-on envisager d'accorder ce pouvoir à un membre d'une autre force policière qui ne participe pas au même titre à l'enquête sur le crime proprement dit, de façon à faire passer cela par quelqu'un de plus indépendant. J'estime ces deux changements seraient d'une grande utilité pour ce qui est de protéger les citoyens contre les abus.
    Ma deuxième proposition concerne la possibilité de faire préparer par le fonctionnaire public qui a recours à ces pouvoirs exceptionnels un rapport écrit, chaque fois qu'il les exerce. À l'heure actuelle, nous n'avons à cet égard que la disposition prévue au paragraphe 25.3(2): c'est-à-dire que l'obligation de divulguer certains renseignements n'existe que lorsqu'on a recours aux pouvoirs exceptionnels que confèrent ces dispositions, à savoir lorsqu'il y a dommages matériels et lorsqu'il faut autoriser une personne qui n'est pas agent policier à y avoir recours. Je pense qu'il faudrait faire en sorte que cette obligation vise chaque exercice des pouvoirs en question, et que le fonctionnaire public devrait expliquer les raisons pour lesquelles il estimait qu'il était raisonnable et proportionnel d'invoquer ces dispositions, conformément aux critères énoncés dans loi. Voilà donc ma deuxième observation.
    Quant à ma troisième observation, je pense qu'il devrait y avoir moyen d'accroître les responsabilités de l'organe de surveillance civil. Aux termes du paragraphe 25.1(3.1), le Code prévoit actuellement que le ministre ne peut procéder à la désignation d'un agent que s'il existe un organe de surveillance civil ayant compétence « pour examiner la conduite des fonctionnaires ». Je pense que votre comité pourrait envisager d'étendre les pouvoirs de l'organe civil en l'obligeant à faire l'examen — autremeent dit, en en faisant une obligation plutôt qu'une possibilité, par la formulation « chargée d'examiner la conduite des fonctionnaires qui seront désignés ».
    Enfin, je vous ai déjà fait part de ma quatrième proposition, en réponse à une question d'un de vos collègues, qui consiste à étendre les obligations de divulgation relatives au rapport annuel à tous les cas où ces pouvoirs sont invoqués, alors qu'à l'heure actuelle cette obligation ne concerne que les cas de dommages matériels importants ou encore une situation où il faut autoriser une personne qui n'est pas agent de police à exercer les pouvoirs que prévoient ces dispositions.
    Voilà donc les quelques propositions que je voudrais vous faire pour protéger davantage les citoyens contre les abus possibles.

  (1600)  

    Monsieur Comartin, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Non, merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Webber.
    Monsieur Thompson.
    Merci de votre exposé.
    J'ai écouté attentivement vos remarques, et je doit absolument vous poser la question que voici: comprenez-vous vraiment la nature des opérations policières, et ce que la police doit faire quand elle monte ce type d'opérations majeures, qui doit lui permettre de faire des arrestations et de porter des accusations contre les auteurs des actes en question?
    Pour ma part, je sais que j'ai déjà eu l'occasion de discuter avec des agents de police par le passé, et je me rends compte que les activités qui sont nécessaires pour permettre à la police d'aller au fond des choses sont souvent multiples et de nature très variée. Ainsi il peut être nécessaire de réagir immédiatement à un incident, de telle sorte qu'il peut être difficile à un agent de police d'avoir à faire ce qu'il doit faire si la loi en vigueur n'est pas appropriée -- et je crois savoir que la GRC est très satisfaite de ce qui existe et qu'elle estime pouvoir mener à bien ses opérations tout en y adhérant.
    Mais si l'on remonte à l'époque qui a précédé l'adoption de cette loi, il est clair que ces opérations d'infiltration étaient tout de même assez fréquentes. Il y avait énormément d'enquêtes. Et la police savait ce qu'elle avait à faire et participait à différents types d'activités qui lui permettaient ensuite d'arrêter et de condamner les coupables. C'est uniquement quand les tribunaux sont intervenus, par suite du dépôt d'une plainte, ou de quelque chose de ce genre, que cette loi a finalement été adoptée il y a quelques années, mais le fait est que la police a mené à bien ses opérations pendant des années en l'absence d'une telle loi.
    Je ne dis pas que c'est votre opinion, mais j'ai l'impression que certains croient que la police n'est pas capable de bien faire son travail sans les conseils des juges et des élus politiques. Je rejette totalement cette optique-là.
    Pour moi, les policiers sont des gens très bien qui savent parfaitement ce qu'ils font. Bien sûr, ils peuvent faire des erreurs, mais il y a toujours moyen de régler ce type de problèmes. Mais nous voulons constamment ajouter d'autres dispositions législatives à cette brique qui est déjà tellement remplie de lois qu'on a du mal à la suivre. Nous voulons toujours en mettre davantage et, ce faisant, peut-être lier les mains des personnes qui font un excellent travail dans la lutte contre la criminalité et qui veulent simplement arriver à mettre la main sur les auteurs d'actes criminels graves. À mon avis, nous devrions faire davantage confiance à leurs compétences et attacher moins d'importance aux opinions de personnes comme vous -- mais ne prenez surtout pas ça en mauvaise part -- ou comme nous, qui sommes des élus. Il faut permettre à la police de faire son travail.
    Je ne suis pas sûr de vous comprendre, quand vous dites qu'il convient peut-être de faire participer les juges. Les faire participer à quoi? Je pensais que le rôle des juges était d'entendre les témoignages et de rendre une décision. Je ne savais pas qu'ils pouvaient faire plus que cela.
    Je me demande où tout cela va nous mener. Si la police est satisfaite de la loi telle qu'elle est actuellement rédigée, et si elle peut mener à bien ses opérations et que tout va bien -- en fait, elle nous a même dit qu'il conviendrait d'élargir de beaucoup le champ d'application -- je me demande ce qu'ils peuvent bien avoir à faire.
    Quand est-ce que nous allons commencer à faire confiance à une force policière qui sait ce qu'elle a à faire et cesser de dire: « Eh bien, avant qu'elle fasse telle chose, ou si elle veut faire telle chose, il faudrait qu'il y ait des rapports écrits et que cela soit autorisé par telle personne ou par telle autre personne. »
    J'entends dire toutes sortes de choses qui me donnent presque l'impression que nous ne faisons plus confiance à nos forces policières. Quant à moi, je leur fais entièrement confiance.
    Vous pouvez répondre, si vous le désirez.

  (1605)  

    Merci.
    Au tout début de mon exposé liminaire, j'ai indiqué que j'étais favorable en principe à ce qui est proposé ici, mais que je voulais élargir un peu ce cadre. En fait, le Parlement a déjà proposé une sorte de cadre. Par exemple, certains actes sont tout à fait exclus: le meurtre; toute tentative volontaire d'entrave à la justice ou de détournement du cours de la justice; ou encore toute conduite qui aurait pour résultat de violer l'intégrité sexuelle d'une personne. Voilà donc un exemple.
    De plus, nous avons décidé d'exclure tout recours à ces dispositions qui soit contraire au rassemblement des éléments de preuve. Et enfin, nous avons exclu le recours à ces dispositions pour les fins de la loi réglementant certaines drogues et autres substances. Il y a donc tout un ensemble de dispositions qui portent là-dessus.
    Par conséquent, ce qui m'inquiète, ce n'est pas la possibilité qu'on ne puisse pas faire confiance aux policiers -- pas du tout. En réalité, je me fonde sur les témoignages que vous-mêmes avez reçus de la part des policiers, et notamment les membres de la GRC. Je vous ai dit que cette dernière a décidé elle-même d'adopter des directives internes qui lui semblent importantes pour s'assurer que tout marche comme il faut. Suivons donc son exemple en les inscrivant dans la loi, non pas parce que nous ne leur faisons pas confiance, mais parce que c'est une bonne idée, idée que cette dernière a décidé elle-même d'adopter. Peut-être que ces directives pourront guider le travail d'autres forces policières -- n'oublions ce détail essentiel -- qui ont le droit d'invoquer ces dispositions, telles que les forces policières provinciales.
    Donc, je recommande simplement que nous suivions l'exemple de ces policiers, comme vous l'avez dit, et que nous tenions compte des mesures qu'ils ont prises. Voilà ce que je propose.
    Je n'ai pas d'autres questions.
    Merci, monsieur Thompson.
    Madame Barnes.
    Merci beaucoup.
    Merci infiniment de votre présence aujourd'hui. Il n'y a pas beaucoup de gens -- en fait, vous êtes sans doute le seul -- qui font de la recherche dans ce domaine, et nous apprécions donc le temps que vous y avez consacré et la nature de votre travail.
    Je vous ai écouté avec grand intérêt. J'estime, pour ma part, qu'il faut permettre à la police de faire son travail, mais en écoutant les propos de mon honorable collègue, je me suis dit qu'il est tout de même étonnant qu'on ne dise pas la même chose de la magistrature -- c'est-à-dire, permettons donc aux juges de faire leur travail sans ingérence aucune. Vous savez, vous ne pouvez pas avoir le beurre et l'argent du beurre.
    J'aimerais donc vous poser quelques questions.
    Nous avons déjà reçu des témoignages et les témoins qui ont comparu précédemment nous ont dit que, selon eux, notre système judiciaire n'a encore jamais eu à traiter des causes qui portent là-dessus. Puisque vous faites de la recherche dans le cadre de votre programme de doctorat, j'imagine que vous devez faire très attention et être au courant de tout ce qui se passe sur le terrain. J'ai demandé l'autre jour aux représentants de la GRC et des forces policières si elles avaient de l'information anecdotique ou factuelle sur des cas d'abus intéressant cet article ou n'importe quel autre article du Code.
    Malheureusement, ma réponse va être la même que la leur. Je n'ai jamais entendu parler de quoi que ce soit qui puisse aider le comité.
    Ce n'est ni heureux ni malheureux. Je voulais simplement savoir s'il existe d'autres renseignements à ce sujet que nous ne possédons pas à l'heure actuelle.
    Le fait est que, dans sa grande sagesse, le Parlement a créé de tels pouvoirs et ce, malgré les inquiétudes de certains intervenants clés et les conseils qui nous avaient été donnés. Cela remonte à il y a trois ans. C'est assez normal quand on n'est pas sûr de l'incidence d'une loi... après tout, il n'est peut-être pas exact de dire que l'on n'était pas certain -- ce serait une exagération -- mais quand c'est une nouvelle mesure législative, on préfère être prudent, notamment lorsqu'on confère des pouvoirs comme ceux-ci qui sont inhabituels, d'où la disposition de réexamen tous les trois ans.
    Je voudrais vous demander votre avis sur quelque chose. Le comité devra préparer des recommandations qui seront soumises à l'examen du Parlement. D'autres personnes nous ont parlé de diverses formules d'encadrement, et vous-même avez fait certaines suggestions à cet égard. Mais j'aimerais savoir ce que vous pensez de la possibilité que ce comité recommande au gouvernement de réexaminer la loi habilitante dans une autre période de trois ans. Autrement dit, il ne s'agirait pas d'un réexamen permanent, mais plutôt de prévoir un autre réexamen quand un peu plus de temps se sera écoulé. Nous constatons que certaines administrations canadiennes n'ont encore jamais invoqué cet article du Code.
    Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez? Je ne suis ni pour ni contre; je me contente de mettre cette possibilité sur le tapis.

  (1610)  

    Je vous en remercie.
    Il est clair qu'il n'y aurait pas d'opposition à la possibilité de prévoir que ces dispositions soient réexaminées encore dans trois ans. Pour moi, la nécessité d'invoquer ce genre de disposition dépend en partie de la mesure dans laquelle nous voulons limiter le champ d'application de la loi, telle qu'elle existe actuellement. Si nous y inscrivons suffisamment de directives, il serait peut-être possible de prévoir un système de contrôle permanent qui passerait par des rapports publics, l'examen par un fonctionnaire supérieur, ou encore, comme certains de vos collègues l'ont suggéré lors des discussions antérieures, par un juge. Ainsi nous pourrions obtenir des rapports au jour le jour, de mois en mois, et d'année en année, au lieu d'avoir à attendre trois ans.
    Si nous décidons de laisser la loi telle qu'elle est actuellement, je serais assez favorable à votre proposition -- sans nécessairement laisser entendre que vous vous penchez d'un côté ou de l'autre. Mais il serait peut-être important de revoir la situation dans trois ans, car comme beaucoup de témoins qui ont comparu devant le comité vous l'ont fait remarquer, y compris les responsables de la GRC, nous disposons actuellement de très peu d'information nous permettant de porter un jugement sur ces dispositions du Code.
    J'ai cru vous avoir entendu dire, vers le début de vos témoignages, que vous recommandez qu'une autorisation préalable soit obtenue chaque fois qu'il est question d'un acte criminel. Pour ma part, je pense à l'aspect pratique, et surtout à la sécurité de l'agent sur le terrain qui peut hésiter pendant un quart de seconde parce qu'il pense aux modalités juridiques, au lieu de se concentrer sur son opération d'infiltration. Même si ce n'est qu'un moment d'inattention, cela peut finalement mettre en danger une vie humaine ou encore toute une opération. Je songe donc à l'aspect pratique de votre suggestion et je me demande si, selon vous, il y a moyen de contourner cette difficulté.
    Qu'en pensez-vous?
    Non; je suis tout à fait d'accord avec vous.
    Comme je l'ai mentionné à certains de vos collègues, le régime actuellement en vigueur force les agents à obtenir une autorisation préalable quand il est question de dommages matériels considérables ou encore quand il faut autoriser quelqu'un qui n'est pas un agent de police à recourir à ces dispositions. Dans ces cas nous exigeons une autorisation préalable, mais en même temps cette disposition prévoit que dans certains cas ou dans certaines situations, comme ce que vous avez évoqué -- par exemple, une urgence, la nécessité de sauver une vie ou d'éviter de démasquer un agent d'infiltration, par exemple -- aucune autorisation écrite ne doit être obtenue au préalable si vous êtes agent de police.
    La recommandation que je fais à ce sujet est déjà incorporée en partie dans le Code, et ce dernier prévoit déjà certaines exceptions, qui répondraient à mon avis à votre inquiétude. De plus, en ce qui concerne les modalités pratiques, si j'ai bien compris ses témoignages, la GRC a affirmé qu'elle exige une autorisation écrite préalable pour chaque acte de ce genre, ce qui cadre tout à fait avec ma recommandation, et je suis sûr qu'elle prévoit également une autre procédure dans des circonstances exceptionnelles.
    Très bien; merci beaucoup. Je vous ai donc mal compris. Merci.
    Merci, madame Barnes.
    J'ai une question à poser, monsieur Webber. Vous avez passé un certain temps à examiner ces articles. Ils sont inscrits au Code criminel depuis trois ans déjà; de toute évidence, vous les avez analysés en profondeur, de même que les différents scénarios possibles; mais il est clair que vous avez tiré un certain nombre de conclusions en vous fondant, je l'espère, sur ce qui se produit ailleurs. Quels autres pays ont des lois semblables, et quelles plaintes ont été formulées à ce sujet?
    Je crains de ne pouvoir vous fournir plus d'information à cet égard que celles que vous avez obtenues des responsables du ministère de la Justice ou de la GRC. Comme eux, je sais que l'Australie a des dispositions législatives qui sont semblables à celle-ci. C'est le seul cas que je connaisse, mais je ne sais absolument rien sur ses effets pratiques là-bas.
    Excusez-moi de vous interrompre. Je croyais que vous prépariez une analyse sur cette question précise. N'est-il pas vrai que vous préparez une thèse ou un rapport sur ces dispositions en particulier?
    En fait, le rapport est déjà paru et a donc déjà été publié. Ma thèse concerne le même domaine, soit le droit constitutionnel, mais ne porte pas sur ces dispositions en particulier.
    Très bien. Merci.
    C'est maintenant à Mme Freeman.

[Français]

    D'abord, je vous remercie de votre présentation.
    J'aurais simplement un commentaire à formuler à la suite de la remarque de mon distingué collègue M. Thompson. Tout comme vous, je considère que l'article 25.1 a une portée extrêmement large et que les gens de la GRC que nous avons rencontrés ont fait preuve d'une grande sagesse dans l'exercice de leurs fonctions en établissant des balises. Cela les honore.
    Cependant, je crois que c'est à nous, parlementaires, d'exercer le pouvoir que nous avons. C'est à nous d'adopter des lois et des règlements. Ils ont la sagesse de bien les appliquer, mais nous avons la responsabilité d'instaurer des balises.

  (1615)  

    Je suis entièrement d'accord avec vous, madame.

[Traduction]

    Merci, madame Freeman.
    C'est maintenant à M. Petit.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Webber, la question que j'aimerais aborder avec vous est assez simple. En tant qu'avocat, je sais qu'on pratique souvent en se servant de cette matière, et je peux vous dire qu'au cours des trois années pendant lesquelles les articles 25.1 à 25.4 ont été utilisés, les avocats de la défense ont généralement démontré au tribunal qu'il y avait un problème concernant le recueillement de la preuve. On mentionne que cela déconsidère la justice, et toute la preuve est automatiquement balayée.
    Donc, les balises existent déjà. Il y a beaucoup de jurisprudence qui a établi des balises aux articles 25.1 à 25.4. Dès qu'un policier tente, de quelque façon que ce soit, avec autorisation ou pas, de recueillir plus de preuve que ce qui lui est demandé ou permis, le juge retire généralement la preuve et, bien souvent même, le prévenu est acquitté.
    Avez-vous considéré cet aspect? Lorsque l'on fait la révision des articles 25.1 à 25.4, il faut tenir compte du fait que tous les juges utilisent cette méthode afin d'assurer un contrôle dans le cadre de l'application des articles 25.1 à 25.4.
    En effet, les articles 25.1 à 25.4 n'ont aucune incidence sur les questions de preuve. Elles demeurent les mêmes, qu'on parle de l'article 25.1 ou non.
    Par contre, si j'étais avocat de la défense, que mon client avait été accusé d'une infraction en vertu du Code criminel ou d'une loi pénale et que je savais que la police a eu recours à ces articles, la question serait de savoir pourquoi le policier a jugé que son acte, qui autrement serait considéré criminel, était juste et proportionnel. Il serait donc question de la crédibilité du policier, peut-être trois ou quatre ans après qu'il ait commis l'acte en question, puisque ces infiltrations peuvent prendre beaucoup de temps. On peut mettre beaucoup de temps à recueillir la preuve nécessaire dans le milieu du crime organisé. Ce policier témoignerait devant le juge et sa crédibilité serait peut-être remise en question, puisque les événements se seraient déroulés trois ou quatre ans plus tôt.
    Par contre, si le policier avait une autorisation écrite au préalable, on aurait là une preuve. Le procureur de la Couronne pourrait dire qu'on lui a permis de commettre l'acte en question, parce que cela a été autorisé soit par un fonctionnaire supérieur, soit par un juge.
    Si j'étais avocat au criminel et que j'aie à défendre un client, j'aimerais beaucoup les articles en question, d'un côté ou de l'autre. Une fois le procès entamé, je dirais que ces articles présentent de grands problèmes et qu'ils n'encadrent pas suffisamment les pouvoirs policiers. Ainsi, je m'attaquerais soit à la crédibilité du policier qui a commis un acte en vertu de ces articles, soit à la constitutionnalité du régime en soi. Je dirais qu'il y a tellement peu d'encadrement en vertu de ces articles qu'on autorise n'importe quoi et que cela est inconstitutionnel.
    Je crois que pour le bien-fondé des opérations en question qui sont commises en vertu de ces articles, le Parlement aurait intérêt à restreindre la portée de la loi pour éviter des attaques comme celles qu'un avocat de la défense pourrait formuler en vertu du régime actuel.

[Traduction]

    Merci, monsieur Petit.
    Monsieur Lee.
    Permettez-moi de vous dire, tout d'abord, que je suis très content de pouvoir profiter d'une analyse éclairée d'une politique gouvernementale qui émane d'une fondation basée au Canada, comme celle-ci, et fondée en mémoire du regretté ancien premier ministre Trudeau.
    Si ces dispositions législatives ont été adoptées, c'est parce que nous sommes un pays où prime le droit et parce que les tribunaux ont déterminé que les agents de police n'avaient pas le droit d'enfreindre la loi pendant qu'ils la font respecter. Je suppose que nous savons tous que depuis des siècles, les policiers sont obligés d'enfreindre indirectement la loi pour pouvoir l'exécuter -- par exemple, lorsqu'ils dépassent la vitesse limite, ne s'arrêtent pas là où il faudrait s'arrêter ou encore agressent une personne afin de pouvoir l'arrêter, et nous avons tous accepté ce genre de choses. Dans bien d'autres pays du monde fondés sur la primauté du droit, ce genre de choses se produit tout le temps. Or je ne pense pas qu'ils aient cherché à codifier ce domaine du droit.
    M. Thompson a fait cette même observation. Combien de codification nous faudra-t-il avant que toutes ces dispositions législatives ne remplissent toute une bibliothèque et que nous cessions de nous intéresser à l'application de la loi?
    Vous avez indiqué que ces dispositions ne s'appliquent qu'au crime organisé. Mais êtes-vous prêt à reconnaître qu'il est très difficile de définir le crime organisé? En théorie, il s'agit d'un minimum de deux personnes qui travaillent ensemble pour enfreindre la loi en vue de faire des profits. Mais comme il est difficile de définir le crime organisé, et que c'est un facteur dont nous devrions sans doute tenir compte, ne croyez-vous pas que ces articles, et notamment celui que je vais vous citer maintenant, prévoient déjà suffisamment de contraintes? Vous allez tout de suite le reconnaître; il s'agit de l'alinéa 25.1(8)c). Cet article prévoit que les moyens employés par la police doivent être justes et proportionnels, compte tenu de la nature de l'infraction ou de l'activité criminelle qui fait l'objet de l'enquête.
    Cet article a pour objet d'imposer certaines contraintes à la police pour ce qui est de l'exercice des pouvoirs qu'il prévoit. À votre avis, cet article n'est-il pas assez musclé? Et si un juge devait porter un jugement sur une situation particulière à un moment donné ou dans un cas particulier, à votre avis, ces dispositions seraient-elles insuffisantes du point de vue des contraintes qu'elles imposent à la police?

  (1620)  

    Merci pour votre question.
    Je devrais préciser une chose dès le départ, à savoir que je ne me présente pas devant vous en tant que représentant de la Fondation Trudeau. Je suis membre de la Fondation Trudeau, et fier de l'être, mais je ne prétends pas la représenter aujourd'hui. Je voulais simplement apporter cette petite précision.
    Vous parlez d'actes tels que l'excès de vitesse ou le fait de ne pas s'arrêter quand il le faut. Vous avez parfaitement raison de dire que tous les jours, sans doute plus que nous souhaiterions l'admettre le plus souvent, les agents de police enfreignent la loi. En fait, ils sont bien obligés de le faire. Si quelqu'un dépasse la vitesse limite, la seule façon pour un policier de l'arrêter est de lui-même dépasser la vitesse limite.
    Ce qui m'inquiète, c'est que si nous ne décidons pas de limiter le champ d'application de ces mesures en y précisant des exemples de ce genre -- en d'autres termes, si nous laissons le texte actuel, qui laisse supposer que ces questions relèvent de la common law, eh bien, à notre avis, l'arrêt Shirose et Campbell ne va pas suffisamment loin pour exclure ce genre de situations. Voilà donc ce qui pourrait se produire:
    Supposons que je sois avocat au criminel et que mon client se soit fait attraper pour excès de vitesse. L'agent de police l'a suivi, a donc dépassé la vitesse limite et a dû brûler un certain nombre de feux rouges. L'agent de police en question n'était pas désigné aux termes de l'article 25.1. Par conséquent, la police a non seulement enfreint la loi en dépassant la vitesse limite et en brûlant des feux rouges, mais elle a violé les dispositions législatives qui l'auraient autorisé à le faire.
    Donc, peut-être voudrons-nous invoquer ces dispositions pour désigner les agents de la circulation, ce que nous voudrons peut-être faire, mais à mon avis, ce n'est pas ce qui se passe à l'heure actuelle. Les témoignages des responsables du ministère de la Justice et de la GRC laissent supposer que ce n'est pas du tout l'usage qu'ils en font actuellement. Par conséquent, je crains que si nous ne cherchons pas à limiter le champ d'application de ces dispositions, on va nécessairement s'appuyer là-dessus pour justifier toutes sortes d'activités auxquelles elles ne devraient pas normalement s'appliquer, en ce qui nous concerne. Voilà donc un premier élément de ma réponse à votre question.
    S'agissant du deuxième élément, vous faites allusion à l'alinéa 25.1(8)c). Vous avez raison de dire que cette disposition impose des contraintes importantes. Par contre, je trouve préoccupant que nous demandions à l'agent lui-même de porter un jugement là-dessus. Il devrait le faire, mais quelqu'un d'autre devrait également être appelé à porter un jugement là-dessus avant que l'agent ne se trouve dans cette situation.
    Pour répondre à la question de votre collègue, j'admets qu'il y aura nécessairement des situations d'urgence où l'agent de police devra porter un jugement là-dessus tout seul. Mais à part ces situations d'urgence, l'article 25.1(9) exige que non seulement l'agent lui-même porte un jugement là-dessus avant de commettre les actes en question, mais qu'un fonctionnaire supérieur l'autorise à le faire par écrit au préalable. Là on crée une deuxième contrainte, qui aide l'agent de police. L'agent de police n'aurait pas alors à penser à ces critères ou à ces aspects juridiques au moment critique, ce que nous préférons peut-être éviter. Il pourra se dire: « J'ai déjà obtenu l'autorisation. Je peux donc commettre cet acte sans avoir à m'inquiéter de la possibilité qu'on m'accuse après coup de n'avoir pas eu de motif raisonnable d'agir ainsi. »

  (1625)  

    Merci, monsieur Lee.
    Monsieur Bagnell, vous avez suffisamment de temps pour poser une question rapide.
    J'ai une autre question. Je suis sensible à vos préoccupations en ce qui concerne les rapports présentés après coup. Mais il y a encore deux choses qui m'inquiètent au sujet de l'autorisation préalable, étant donné la conversation que je viens d'avoir avec mon collègue.
    Un crime, c'est un crime, et nous voulons réprimer la criminalité. La Cour suprême n'a pas dit que la police doit obtenir l'autorisation de commettre des actes criminels graves avant de les commettre. Elle a dit qu'elle doit obtenir l'autorisation de commettre quelque crime que ce soit. Dans ce cas, pourquoi ne voudrions-nous pas réprimer la criminalité en laissant cela ouvert?
    Mon autre préoccupation relative à l'autorisation préalable -- et j'en ai parlé lorsque les organisations policières ont comparu -- concerne les situations graves, comme le crime organisé. Il s'est déjà produit par le passé qu'il y ait des agents d'infiltration dans une force policière. Ces dispositions législatives ne visent pas uniquement la GRC; elles sont beaucoup plus larges que cela. Mais le moindre renseignement ou la nécessité d'une autorisation préalable peut avertir les criminels organisés. S'il y a un responsable de niveau élevé qui est en réalité un agent d'infiltration, cette personne aura nécessairement accès à toutes sortes d'information et pourra donc savoir cela et mettre en danger la vie de nos agents d'infiltration.
    Vous avez raison, et c'est une préoccupation valable. Je suis sûr que la GRC doit avoir mis en place un certain nombre de mesures de protection dans le cadre de ces opérations actuelles. Je ne peux pas vous en parler, évidemment, n'ayant jamais travaillé pour la GRC, et surtout n'ayant jamais travaillé à un niveau où ce genre d'information serait disponible.
    Par contre, d'après les témoignages des responsables de la GRC, seulement trois responsables supérieurs ont été désignés, et donc la GRC, de son propre chef, a déjà décidé qu'il n'y aura que trois désignations, et que les trois personnes désignées ne pourront faire confiance à d'autres en dehors de leur petit groupe. Par conséquent, cela constitue déjà une restriction, et je suis sûr que la GRC a dû mettre en place certaines autres mesures de protection relatives à la collecte et à la sauvegarde d'information de ce genre.
    S'agissant de votre argument au sujet de la Cour suprême, qui a déclaré que rien ne justifie la commission d'un acte criminel et que le Parlement doit toujours autoriser cela, eh bien, vous n'avez pas tout à fait tort. En réalité, il faudrait étudier en détail le jugement avant de pouvoir dire quelle doit être l'étendue de cette exigence en matière d'autorisation. Faut-il faire autoriser les poursuites à grande vitesse? Dans l'affirmative, il faudrait qu'ensemble, nous songions à chaque situation où la police pourrait potentiellement enfreindre la loi afin de mieux l'appliquer, et les repérer avec précision.
    Mon problème, c'est que ces dispositions autorisent essentiellement à peu près n'importe quoi, à condition que vous, le fonctionnaire public ou l'agent de police, estimiez que la commission des actes concernés est juste et raisonnable dans les circonstances. Je pense qu'il y aurait moyen, sans compromettre gravement l'importance de ces dispositions législatives pour la bonne conduite de leurs opérations, de limiter leur champ d'application, du moins par rapport à la formulation actuelle, afin que le texte corresponde à l'usage qu'on en fait actuellement dans la pratique.
    Dans une certaine mesure, il s'agit donc de dire: ce n'est pas un problème d'ordre pratique, puisque dans la pratique, la police a recours à ces dispositions seulement lorsqu'il le faut. L'autre problème, me semble-t-il, du point de vue constitutionnel, concerne ce qui va arriver lorsqu'il y a contestation -- si contestation il y a -- car là les tribunaux s'intéresseront davantage au libellé précis des dispositions concernées plutôt qu'à l'usage qu'on en fait.
    Il arrive fréquemment qu'un avocat se présente devant un tribunal en disant: « Ne vous en faites pas, messieurs et mesdames les juges; je sais que ce texte de loi donne l'impression de tout autoriser, mais nous ne nous en servons que dans telle ou telle autre circonstance », et les juges répondent: « Si vous ne vous en servez que dans ces circonstances-là, que la loi reflète la réalité ».
    Merci, monsieur Bagnell.
    Monsieur Lee, une question rapide, s'il vous plaît.
    Trouvez-vous préoccupant -- je crois que vous y avez fait allusion dans vos remarques -- que, même s'il existe un document public qui prend la forme de rapport annuel, de désignations et d'autorisations, consignant les actes ou omissions de fonctionnaires publics, nous n'ayons pas un document public, dans ces rapports annuels d'actes ou d'omissions dont les auteurs sont des personnes désignées par des fonctionnaires publics ou qui relèvent directement d'eux? Là, je fais allusion à tout ce qui est fait par des tierces parties selon les instructions d'un fonctionnaire public, dûment autorisé, alors que ces actes ou omissions ne font l'objet d'aucun document public.
    Cela devrait-il nous inquiéter, ou faut-il se dire que ces activités constituent un mal nécessaire dans ce domaine? Ou encore, faut-il se dire que ces renseignements sont importants et qu'il nous les faut?
    Je ne me suis peut-être pas exprimé très clairement tout à l'heure. Il y a trois situations qui doivent être consignées dans les rapports annuels: premièrement, une désignation d'urgence -- autrement dit, lorsqu'un ministre n'a pas désigné quelqu'un, un fonctionnaire supérieur peut le faire pour une durée de 48 heures; deuxièmement, lorsqu'il y a une autorisation préalable à l'égard de la commission de certains crimes, ou d'actes qui seraient autrement considérés comme des actes criminels qui occasionnent de graves dommages matériels, et troisièmement, lorsqu'une autorisation a été accordée à une tierce partie -- en d'autres termes, une personne qui n'est pas membre d'une force policière -- qui lui permet de commettre de tels actes. Là c'est l'exemple de l'informateur.
    Je vous fais donc remarquer que tous les autres cas -- autrement dit, tous les autres actes qui ne seraient pas des actes criminels, qui ne concernent pas un informateur, et qui n'occasionnent pas des dommages matériels importants -- sont exclus de l'exigence en matière de rapports publics. Nous n'avons donc aucune idée du nombre d'actes commis dans toutes ces autres situations.

  (1630)  

    Oui. Dans la catégorie des rapports publics, je fais allusion au rapport annuel. L'article 25.3 exige que le nombre de désignations soit publié...
    C'est exact.
    ... ainsi que le nombre d'autorisations, le nombre de fois où des actes ou omission ont été commis par certaines personnes sous la direction de fonctionnaires publics. L'absence d'une telle statistique pourrait nous empêcher de savoir vraiment ce qui se passe.
    Je ne veux pas mettre des bâtons dans les roues de nos forces policières, mais je ne comprends pas très bien pourquoi les actes et omissions commis par des personnes agissant sous la direction de fonctionnaires publics ne sont pas consignés dans le rapport annuel. Peut-être n'aviez-vous pas remarqué cela, ou vous le remarquez seulement maintenant -- je n'en suis pas très sûr. Mais ayant...
    Je vais vous demander de vous reporter tout de suite à l'alinéa 25.1(9)a), que je vais vous citer:
    a) il y est personnellement autorisé par écrit par un fonctionnaire supérieur
    Autrement dit, on parle ici d'une situation où le fonctionnaire ordonnerait la commission d'un acte; donc en nous rappelant cela, reportons-nous maintenant à l'alinéa 25.3(1)b) dont vous venez de parler:
    b) le nombre d'autorisations accordées par les fonctionnaires supérieurs au titre de l'alinéa 25.1(9)a);
    Donc, l'autorisation accordée à un tiers qui n'est pas un policier -- par exemple, l'informateur, pour reprendre votre exemple -- doit être consignée dans un rapport. À l'heure actuelle, cette information est publiée dans un rapport.
    Merci, monsieur Lee.
    Très bien. Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Webber.
    Voilà qui termine la période des questions prévue pour interroger le témoin. Je vous remercie d'avoir pris le temps de rencontrer les membres du comité.
    La prochaine partie de cette séance de comité se déroulera à huis clos, et je demanderais donc que...

[Français]

    Monsieur le président, j'aimerais faire appel au Règlement et je souhaiterais le faire en comité plénier plutôt qu'à huis clos. Je vous demande donc la parole.

[Traduction]

    Quel est votre rappel au Règlement, monsieur Ménard?

[Français]

    Il y a trois semaines, le ministre a comparu pour défendre ses crédits provisoires. Vous vous souvenez sans doute que j'avais beaucoup insisté...

[Traduction]

    Je me permets de vous interrompre, monsieur Ménard, parce que notre témoin est toujours parmi nous, et je ne pense pas qu'il s'intéresse vraiment à notre cuisine administrative.
    Permettez-moi de vous remercier encore une fois, et bonne chance.
    Très bien. Merci, monsieur le président.
    Bon.
    Monsieur Ménard, vous avez la parole pour nous expliquer votre rappel au Règlement.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Vous vous souvenez sans doute qu'il y a trois semaines, le ministre a comparu pour défendre ses crédits provisoires. J'ai été très insistant bien que très courtois, comme toujours, lorsque je lui ai demandé de nous soumettre les statistiques concernant la criminalité au Canada qu'il avait en sa possession. La greffière devait s'efforcer d'obtenir ces statistiques le plus rapidement possible. Elle a bien fait son travail et je l'en remercie.
    Néanmoins, j'ai reçu une note aujourd'hui, et j'ai eu l'impression que le ministère de la Justice était en train de revoir, trafiquer ou commenter tout cela. Je m'explique mal, alors qu'on parle d'imputabilité et de transparence dans le cadre d'un projet de loi, qu'on mette des semaines à nous soumettre un tableau qui était en possession du ministre lorsqu'il a comparu à ce comité. Je crains qu'il ait donné des directives voulant qu'on revoie certaines statistiques, de façon à ce qu'elles nous soient présentées comme il souhaiterait que nous les interprétions. Je voudrais que le secrétaire parlementaire et vous-même insistiez pour que le ministre nous les fasse parvenir.
    Dans la note que la greffière nous a aimablement fait parvenir, on nous a dit qu'il y avait beaucoup de travail à faire. Je ne comprends pas. Le ministre avait en sa possession un tableau qu'il s'est engagé à nous faire parvenir. J'aimerais donc qu'on nous le soumette avant notre prochaine réunion, faute de quoi, si le ministre faisait preuve de mauvaise foi, nous devrions prendre les mesures qui sont à notre disposition. Je dois dire cependant que cela me crèverait le coeur.

[Traduction]

    Nous avons bien compris votre argument, monsieur Ménard. Nous allons nous renseigner et vous faire un rapport à ce sujet à la prochaine réunion.
    La portion publique de la présente séance est maintenant terminée.
    [La réunion se poursuit à huis clos]