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AANO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord


NUMÉRO 051 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 10 mai 2007

[Enregistrement électronique]

  (1130)  

[Traduction]

    Je déclare ouverte la séance du jeudi 10 mai 2007 du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord.
     Membres du comité, vous avez devant vous l’ordre du jour. Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-44, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne.
     La séance durera trois heures. Comme nous avons deux groupes d’experts, nous entendrons pour l’instant les témoins du premier groupe.
    De la Nation des Cris de Norway House, nous avons le chef Marcel Balfour. De la bande Six Nations of the Grand River, nous avons le chef David General, et l’expert-conseil Richard C. Powless.
    Bienvenue à tous les témoins. Merci beaucoup.
     Nous demanderons une présentation de dix minutes à chacun des représentants, puis nous poserons des questions.
    Je m’excuse pour le retard.
     Monsieur Balfour, voulez-vous commencer?
     Je regrette de ne pas avoir de présentation pour vous. J’ai organisé ceci à la dernière minute, et j’espère pouvoir mettre en évidence certaines de mes notes d’allocution ici et vous en remettre une copie plus tard.
    Tansi, membres distingués du comité. Je m’appelle Marcel Balfour. Je suis le chef de la Nation des Cris de Norway House, ou ce que la Loi sur les Indiens ou le Traité 5 appellerait la bande indienne de Norway House. Nous sommes établis dans la réserve indienne de Norway House, ou sur la terre de réserve de la Nation des Cris de Norway House, située dans le Moyen Nord du Manitoba, à environ 850 kilomètres de Winnipeg. Nous avons maintenant une population de plus de 6 000 habitants, environ 4 500 vivant dans la réserve et environ 1 600 vivant à l’extérieur de la réserve.
     Au fil du temps, plusieurs nous ont désignés comme l’une des premières nations les plus progressives du Manitoba.
    Pour vous mettre en contexte, j’ai été élu chef en mars 2006, et de 2002 à 2006, j’ai été conseiller élu de la Nation des Cris de Norway House. Grâce à cette expérience, j’ai acquis une compréhension intime des droits de la personne dans une réserve, ou plutôt de l’absence de tels droits, car au cours de mon mandat, j’ai dû comparaître devant les tribunaux pour pouvoir accomplir certaines de mes fonctions d’élu.
    En février 2006, la Cour fédérale a déclaré que j’étais victime de trafic d’influence et de chantage de la part de celui qui était alors le chef et de certains de mes collègues membres du Conseil. La Cour fédérale a aussi noté que la primauté du droit n’était pas respectée à Norway House. Heureusement, avec le temps, les choses ont changé et certains membres de mon conseil et moi-même demeurons soucieux de respecter les droits de la personne, de dépenser les deniers de la bande de façon responsable et de protéger les droits autochtones et les droits issus de traités.
     C’est dans ce contexte que je vous fais part de mes préoccupations et de mon enthousiasme mesuré au sujet de l’abrogation de l’article 67 de la Loi sur les droits de la personne du Canada prévue dans le projet de loi C-44. Dans ma présentation, j’aimerais d’abord aborder brièvement la question des droits de la personne, des droits des Autochtones et des droits issus de traités. Deuxièmement, je définirai le besoin d’équilibrer les droits individuels et les droits collectifs. Troisièmement, je vous ferai part de certaines préoccupations relevées par mon peuple dans la réserve de Norway House, lorsque nous nous sommes réunis pour discuter du projet de loi C-44. En dernier lieu, je préciserai certaines solutions possibles pour corriger les lacunes du projet de loi.
    J’aimerais saluer les efforts déployés par le gouvernement actuel du Canada en vue de faire progresser les droits de la personne pour les Indiens et les bandes indiennes, conformément à ce qui est établi dans la Loi sur les Indiens. Il est reconnu que l’article 67, adopté en 1977, était à l’origine une mesure temporaire. Je crois qu’il est plus que temps de se pencher sur les inégalités imposées par l’article 67.
    Malheureusement, cependant, malgré le temps qui a passé, les choses n’ont pas beaucoup changé pour Norway House du point de vue de cette question. Au cours des 30 dernières années, aucune consultation n’a été tenue auprès de la Nation des Cris de Norway House, ni auprès de la bande indienne de Norway House, ni auprès de membres individuels de la bande de Norway House. Ainsi, nous n’avons pas travaillé avec la Commission canadienne des droits de la personne, le gouvernement fédéral, l’Assembly of Manitoba Chiefs, l’Assemblée des Premières nations, l’AFAC, ni aucune autre organisation autochtone qui s’est adressée à vous ou s’est penchée sur cette question en particulier.
    Or, on me presse aujourd’hui de faire une présentation sur un sujet qui a été examiné au fil des ans et qui doit vraiment aller de l’avant. Si je ne m’abuse, la Commission canadienne des droits de la personne vous a fait une présentation et vous a demandé pourquoi l’abrogation était si urgente, estimant qu’elle aurait dû avoir lieu il y a longtemps. Je vous dirais, pourquoi est-ce si urgent maintenant? Je n’ai pas eu la chance d’examiner cette question. Ce programme législatif est extrêmement rapide pour moi en tant que chef, mais aussi pour ma bande. Fait assez ironique, nous n’avons été ni avisés ni consultés.
    J’ai demandé à la Commission canadienne des droits de la personne et à Affaires indiennes et du Nord de bien vouloir faire une présentation à Norway House pour à tout le moins informer mon peuple de ce qui se passe. Les deux ont répondu ne pas avoir suffisamment de ressources pour pouvoir le faire. Heureusement, j’ai pu profiter d’un technicien de l’Assembly of Manitoba Chiefs qui est venu tenter d’expliquer ce qui se passe ici, ce qui était très difficile.
    Lors de cette séance — qui s’est déroulée la semaine dernière seulement — nous avons accueilli 30 personnes pour en discuter. J’ai un peu obligé mon personnel à y assister, parce que je savais que les gens ne seraient probablement pas très intéressés. Des 30 membres de ma bande dans la réserve, 17 sont des femmes et 13 sont des hommes. Il m’est apparu clairement que je devais vous expliquer que bien que nous appuyions l’abrogation de l’article 67, nous n’appuyons pas le projet de loi C-44.
     La LCDP et les répercussions du projet de loi C-44 ne sont pas nécessairement bien comprises par mon peuple, qui n’a pas été consulté. Je suis de tout cœur pour l’abrogation de l’article 67, mais je ne peux appuyer le projet de loi.

  (1135)  

    Je fonde ma position sur deux facteurs interdépendants: ma croyance en l’importance fondamentale des droits de la personne, des droits des Autochtones et des droits issus de traités, et le rôle crucial des consultations au sein du processus démocratique.
     Les premières nations du Canada — tant les particuliers indiens que les bandes indiennes — qui vivent sous la Loi sur les Indiens ont depuis longtemps leurs propres coutumes de gouvernance, dont de nombreuses datent d’avant le Canada lui-même, et qui ont traditionnellement permis un équilibre harmonieux entre les droits de la personne collectifs de la communauté et les droits de la personne individuels.
     Je pourrais poursuivre sur ce point, mais je crois que je pourrai probablement mieux aborder ces enjeux en répondant à vos questions, parce que je suis convaincu que vous les avez déjà entendus d’autres présentateurs.
     Selon mon point de vue, la LCDP, dans sa forme actuelle, intègre une notion essentiellement occidentale ou euro-américaine d’un aspect des droits de la personne individuels, soit l’égalité des droits, et des correctifs et des mécanismes de résolution des conflits occidentaux ou euro-américains pour garantir la protection de ces droits. La LCDP offre peu du point de vue de la protection des autres droits de la personne, qu’ils soient collectifs ou individuels, à l’égard de la communauté, comme les droits issus de traités protégés par la Constitution et les droits autochtones inhérents.
    Chef Balfour, pourriez-vous ralentir le rythme de votre présentation pour que l’interprète puisse vous suivre?
    Nous pouvons vous accorder deux minutes de plus.
    Bien. Merci. Alors je parlerai beaucoup plus lentement, parce que j’avais moi-même de la difficulté à me suivre.
    Des voix: Oh, oh!
    Chef Marcel Balfour: Bien que le projet de loi C-44, peut-être de manière admirable, accroisse la protection de l’égalité des droits pour le peuple autochtone en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, il n’aborde pas la question de l’équilibre entre les droits à l’égalité individuels et la protection des autres droits de la personne individuels. C’est un élément essentiel que vous avez, je crois, entendu souvent des autres témoins.
    Je suppose que lorsque je me penche sur la question, c’est aussi en tenant compte d’un point de vue international. Si on examine le contexte international, on peut citer du point de vue de l’égalité les articles 2 et 3 du Pacte relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies. Ces dispositions, que l’on dit souvent violées par l’article 67, protègent les droits à l’égalité individuels en exigeant que les États assurent à toutes les personnes qui se trouvent dans leur territoire et qui sont assujetties à leur autorité les droits reconnus dans le Pacte, sans aucune distinction que ce soit, comme la race, le sexe, la couleur ou la religion, et en exigeant que les États fournissent des mesures correctives dans le cas de violations. Cependant, du même coup, le Pacte prévoit que ces droits à l’égalité individuels peuvent être limités pour protéger l’existence des États, soit de la collectivité, par exemple, dans des situations de danger public comme on le mentionne à l’article 4.
    Par ailleurs, et c’est très significatif pour les premières nations, l’article 1 du Pacte établit d’importants droits collectifs, notamment que tous les peuples ont droit à l’autodétermination, et que conformément à ce droit, ils peuvent librement déterminer leur statut politique et poursuivre leur développement économique, social et culturel.
    La Constitution canadienne, dans le contexte canadien, reconnaît aussi l’importance des droits individuels, y compris des droits à l’égalité individuels et des droits collectifs. Vous avez entendu l’analyse de l’article 15. D’un point élargi, il protège aussi, bien sûr, les droits collectifs. La Charte, cependant, ne limite pas la protection des droits de la personne ainsi protégés aux droits à l’égalité individuels. Faisant directement référence aux droits collectifs, la Charte reconnaît et protège, en plus des droits collectifs des premières nations, les droits collectifs des communautés linguistiques en ce qui a trait aux langues officielles du Canada.
    Par exemple, la Charte reconnaît que les membres des minorités linguistiques anglophones ou francophones ont droit, dans certaines circonstances, à ce que leurs enfants soient éduqués dans leur propre langue officielle. À cet effet, les droits collectifs accordés aux communautés linguistiques anglophones et francophones du Nouveau-Brunswick sont particulièrement frappants.
    Les articles 16 et 16.1 de la Charte reconnaissent précisément que les communautés linguistiques anglophones et les communautés linguistiques francophones du Nouveau-Brunswick ont une égalité de statut et des droits et privilèges égaux, y compris le droit à des établissements d’enseignement distincts, et que de tels établissements culturels distincts sont nécessaires à la préservation et à la promotion de ces communautés.
    Je reconnais les limites de toute analogie que l’on peut établir avec la situation des premières nations du Canada, mais j’estime que le libellé de la Charte, en ce qui a trait aux communautés linguistiques du Nouveau-Brunswick, constitue un exemple intéressant du rôle important des droits collectifs.
     Dans la même veine, il faut tenir compte du fait que la Charte, tout comme la Loi sur les Indiens, exige que les premières nations soient habilitées à prendre des mesures pour préserver leur existence, leur identité et la culture de leurs communautés.
    Lorsque j’examine la question, je crois qu’il y a peut-être une tendance à considérer que les opposants au projet de loi C-44 dans sa forme actuelle, s’il en existe, sont contre les droits de la personne. Mais je crois que là n’est pas la question, et ce n’est pas mon opinion. La diversité des droits protégés tant dans la Charte que dans les instruments internationaux démontre que le concept de droits de la personne s’étend bien au-delà de l’égalité des droits visée par le projet de loi C-44. Compte tenu de la vaste gamme de droits de la personne reconnus dans le droit canadien et dans le droit international, et de la reconnaissance que l’égalité des droits peut aussi s’appliquer sur une base collective, je crois que d’affirmer que le projet de loi C-44 est pour les droits de la personne et que ses opposants sont contre est à la fois improductif et trompeur.
    Deuxièmement — et je crois que ce point est au cœur de nombre de mes réserves au sujet du projet de loi C-44 dans sa forme actuelle —, le concept des droits de la personne dans son ensemble reconnaît aussi les droits de la collectivité, et le fait qu’il faut concilier les droits de la personne collectifs et les droits individuels.
     Même si je ne veux pas aborder les avantages et les inconvénients de la Loi sur les Indiens — et cela me semble drôle parce qu’à mon dernier passage ici, j’ai abordé la LGPN et nous avions parlé de ne pas bricoler la Loi sur les Indiens — il est plutôt ironique de voir que nous proposons actuellement d’appliquer une loi sur les droits de la personne à une loi fondée sur la race. Dans les faits, nous sommes en train de bricoler la Loi sur les Indiens.

  (1140)  

    Donc si je dis oui à ceci, cela signifie que je dis oui à la Loi sur les Indiens, et je ne peux le faire. En tant que chef, je me trouve dans une position intenable.
     Il existe tout de même des droits reconnus dans la Loi sur les Indiens ainsi que dans la Charte qui sont exercés par les bandes en vue de protéger la culture, la langue et le bien-être, et on y retrouve aussi des pouvoirs précis. Et bien sûr, vous le savez déjà. Il y a toujours des problèmes avec la Loi sur les Indiens, du point de vue du pouvoir d’adopter des règlements, de la désignation des terres et du rôle du ministre. Il y a quelque chose là, malgré sa faiblesse.
    Chef Balfour, je suis désolé, pourriez-vous conclure plus rapidement votre présentation?
    D’accord, je ne vais pas aller plus vite, mais je vais beaucoup abréger.
     Mon peuple a exprimé sa crainte à l’égard du projet de loi C-44. Comme je l’ai mentionné, le petit groupe de travail avec lequel j’en ai discuté — quoi que dans la réserve seulement, je ne parle même pas de mes membres à l’extérieur de la réserve — et certains membres de la bande ont dit craindre qu’ils puissent être exclus du logement dans la réserve. D’autres se préoccupent du fait que la bande pourrait devoir commencer à fournir des services, comme les soins de santé, aux personnes de l’extérieur de la réserve. D’autres membres ont déclaré ne pas comprendre ou ne pas savoir en quoi consiste la Loi sur les droits de la personne, ni quelles sont les mesures correctives disponibles. D’autres craignaient que la mise en œuvre du projet de loi C-44 ne diminue nos droits issus de traités ou nos droits autochtones, et d’autres considéraient que cela nous menait à une assimilation encore plus grande.
    J’aimerais peut-être relever rapidement trois domaines auxquels j’ai pensé mais que je n’ai pas vraiment… Je me suis assis pour présenter ceci, mais je n’ai pas pensé à tout.
     L’une des idées relatives à ce projet de loi en particulier — ou à une approche à l’égard d’un projet de loi, si vous souhaitez aller de l’avant à un autre moment où il y aura une consultation véritable auprès de ceux qui se trouvent dans la réserve et qui seront touchés, de même qu’auprès de ceux qui sont à l’extérieur de la réserve et des bandes — serait une disposition de dérogation pour les premières nations.
    Je sais que vous avez écouté plusieurs présentations, et qu’elles ont été prises en compte de manière appropriée. Assurément, dans la présentation de l’APN, il y avait de bonnes analyses.
    L’établissement d’une disposition de dérogation dans la LCDP permettrait aux premières nations de passer outre aux mesures de la LCDP visant à protéger l’égalité, mais bien sûr une telle disposition exigerait de toute évidence un libellé soigné et nombreux sont ceux qui pourraient la considérer comme inadmissible.
    Bien que la question de la disposition de dérogation soit controversée, l’histoire nous a montré que son existence n’a pas constitué un obstacle insurmontable à la protection des droits de la personne au Canada. Le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux en bénéficient, alors pourquoi les gouvernements des premières nations ne pourraient-ils pas en bénéficier eux aussi?
     La deuxième considération, une autre option qui pourrait être envisagée, serait une disposition de sauvegarde ou de justification qui aurait une fonction similaire à l’article 1 de la Charte, et qui permettrait aux premières nations d’imposer des restrictions aux droits garantis par la LCDP dans la mesure où l’on peut démontrer que de telles restrictions sont justifiées. De nombreuses possibilités doivent être prises en compte. Le libellé devrait en définitive être bien pensé, et ici encore, les consultations seraient sans aucun doute un élément clé.
    Troisièmement, comme l’a présenté l’APN — et nous réfléchissons à ceci avec prudence — on retrouve un mécanisme indépendant pour les premières nations, qui bien sûr mène à ce que nous pouvons en fait faire nous-mêmes.
     Je serai heureux de répondre à vos questions et je suis désolé d’avoir pris tant de temps et d’avoir adopté un rythme trop rapide au début.
     Merci.

  (1145)  

    Merci, chef Balfour.
    Monsieur Lévesque.

[Français]

    Monsieur le président, certains témoins ont parcouru une très longue distance pour venir témoigner. Les bruits avoisinants nous empêchent de nous concentrer sur leur témoignage. Je considère cela comme un manque de respect. Pourrait-on y remédier?

[Traduction]

    Nous l’avons déjà fait. La greffière l’a fait tout de suite. Elle a communiqué avec le sergent d’armes pour voir s’il était possible de faire cesser la musique. Nous pouvons fermer cette fenêtre, mais cela ne fera pas une grande différence dans cette pièce, alors je m’excuse pour le bruit. Est-ce que tout le monde peut entendre? Je ne parle pas de vous concentrer, mais au moins d’entendre.
     Nous cherchons aussi une autre pièce.

[Français]

    Monsieur le président, il faut faire la différence entre entendre et réussir à comprendre. Il faut avoir un certain degré de concentration pour réussir à saisir les sujets. Cela devient difficile.

[Traduction]

    Le président va poursuivre, à moins que le comité ne déclare qu’il ne veut pas poursuivre en raison de la distraction.
    Je veux seulement annoncer à nos témoins, et bien sûr aux membres du comité, que nous prendrons notre dîner ici, parce que nous empiétons sur l’heure du dîner, et que nous invitons les témoins à se joindre à nous, s’ils souhaitent dîner avec nous.
     Nous allons poursuivre avec le chef David General, s’il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Mesdames et messieurs de cet estimé comité, sekoh, sge:no. Sekoh est le terme mohawk pour bonjour. Sge:no est le terme cayuga pour bonjour.
     Je désire d’abord saluer la Nation algonquine, qui nous accueille aujourd’hui sur son territoire pour une discussion très précieuse sur les nations, et cette discussion sur les droits de la personne s’inscrit tout à fait dans la discussion plus générale sur le statut de nation.
    Nous avons fourni un court contexte sur la bande Six Nations dans notre document officiel, remis à la greffière. Je désire tout d’abord énoncer clairement que cette présentation et notre participation au processus du présent comité ne doivent pas être considérées comme une consultation. Il n’y a pas eu de consultation sur le présent projet de loi, ce dont je parlerai plus tard. Je fais référence au fait qu’il n’y a pas eu de discussion en bonne et due forme avec la bande Six Nations of the Grand River sur ce sujet en particulier.
     L’adoption du projet de loi C-44 proposé sera une fois encore une imposition d’une loi externe à notre communauté, ce qui constitue une violation de nos rapports fondés sur des traités avec la Couronne au Canada. Le Canada a été colonisé dans la paix en raison des traités avec les premières nations et des rapports fondés sur des traités qui ont suivi. Ces ententes solennelles sont considérées comme sacrées par de nombreuses premières nations.
    Il faut souligner qu’aucun des traités, avant les exemples d’aujourd’hui, n’a jamais mentionné les droits à l’autonomie gouvernementale. Nous n’avons jamais eu de négociations à ce sujet. Cela se poursuit à ce jour. Permettez-moi d’être clair à ce sujet. Nous nous considérons toujours comme les organismes dirigeants de ceux dont nous avons la responsabilité.
    La bande Six Nations a conclu l’un des plus anciens traités avec la Couronne en Amérique du Nord, appelé Kahswentha, le traité du wampum à deux rangs. Ce traité reconnaît le statut égal, mais distinct, de nos gouvernements respectifs et forme la base de notre relation actuelle. Il signifie que nos gouvernements et nations sont égaux. Le traité du wampum à deux rangs signifie que tout comme les deux rangs ne se recoupent pas, nos gouvernements respectifs conviennent aussi de ne pas interférer les uns avec les autres. Les droits de la personne relèvent de la bande Six Nations. Cette dernière a le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale et elle seule est la mieux placée pour établir un équilibre entre les droits des particuliers et les droits collectifs de nos citoyens.
    Nous proposons que toute loi reconnaisse la compétence des premières nations dans ce domaine, et qu’elle ne soit en vigueur que jusqu’à ce que les premières nations adoptent leurs propres codes de législation sur les droits de la personne. Il est important de souligner que toute nouvelle loi fédérale pouvant toucher nos droits autochtones ou issus de traités peut déclencher l’obligation de consulter, d’accommoder et d’obtenir notre consentement. Cette obligation est reconnue par la Cour suprême du Canada. Cependant, il s’agit également d’une obligation préexistante qui émane de nos rapports fondés sur des traités et de nos alliances avec la Couronne dans le cadre de notre traité du wampum à deux rangs. La Cour suprême du Canada a déclaré que l’honneur de la Couronne exigeait l’obligation de consulter les premières nations, et le principe est ancré dans l’honneur de la Couronne, qui est aussi en jeu dans ses affaires avec les peuples autochtones.
    L’obligation qu’a le gouvernement fédéral de consulter n’a clairement pas été respectée en ce qui concerne le projet de loi C-44. Vous avez entendu les parrains du projet dire que l’article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne fait l’objet de discussions depuis 30 ans. Cependant, bien des choses ont changé depuis ce temps, y compris les relations, l’histoire, et le droit canadien. Durant ce temps, on a adopté une constitution au Canada, laquelle protège les droits autochtones et les droits issus de traités des peuples autochtones du Canada. Le libellé précis dans ce projet de loi est différent des tentatives antérieures.
    Il est peut-être vrai que les gouvernements antérieurs ont consulté des organisations autochtones par le passé, dans le cadre d’autres tentatives visant à modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne. Cependant, l’obligation consiste aujourd’hui à consulter les titulaires de ces droits. Cela signifie que le gouvernement doit consulter les communautés des premières nations représentées par leurs gouvernements, et non pas les organisations autochtones. Cela signifie que des consultations doivent être tenues avec plus de 133 gouvernements de premières nations au Canada qui seront touchés par cette législation. Seule la bande Six Nations parle pour la bande Six Nations. Les consultations tenues auprès de n’importe qui d’autre qui prétend nous représenter sont invalides.

  (1150)  

    Nous estimons que des consultations doivent être organisées avant d’aller de l’avant avec la loi. Un délai de six mois avant la mise en œuvre de la législation ne suffira tout simplement pas; les jeux sont déjà faits. Un délai de six mois ne compte pas si le résultat final est l’abrogation ou la violation de nos droits protégés par la Constitution.
     Toute consultation doit nous fournir une analyse complète et éclairée des incidences possibles de cette loi. Personne ne peut dire avec certitude quel sera l’impact de cette loi sur nos collectivités. Par conséquent, des études d’impacts doivent être effectuées pour que nous disposions de la meilleure information disponible.
     Il faut terminer ces études avant d’aller de l’avant avec la loi. Cela signifie que le calendrier de consultation doit être prolongé à au moins un an. Nous ne voyons pas comment le gouvernement fédéral pourrait consulter 633 communautés dans un aussi court délai. Cela signifie également que des ressources doivent être accordées aux premières nations pour qu’elles puissent participer de manière efficace. Pour être clair, le fait de consulter les organisations de premières nations ne respectera pas l’obligation de consulter.
     Les parrains gouvernementaux de ce projet de loi ont déclaré que tout nouveau report des délais mènerait à encore plus de violations des droits de la personne au sein des communautés de premières nations. Pourtant, j’estime qu’il n’existe aucun besoin pressant ou immédiat en lien avec cette loi. La Commission canadienne des droits de la personne n’a elle-même cité que 20 exemples par année de plaintes déposées par les premières nations. Ce n’est pas un problème important compte tenu des millions de citoyens de premières nations que l’on trouve au Canada.
     La période de mise en œuvre et de transition prévue dans le projet de loi C-44 doit être prolongée. S’il a fallu 30 années au gouvernement pour passer à l’action, il peut certainement en prendre quelques-unes de plus pour faire les choses correctement.
     Il est important de souligner que lorsque l’article 15 de la Charte des droits et des libertés a été adopté, on a accordé trois ans pour sa mise en œuvre. Les premières nations méritent le même traitement et le même délai, soit 36 mois, pour la mise en œuvre et la transition, et pour veiller à ce qu’aucune erreur grave ne soit commise.
     Ce temps additionnel devrait être mis à profit au début du processus, et la loi devra être modifiée après la consultation en fonction des résultats de celle-ci.
     La Loi canadienne sur les droits de la personne traite des droits individuels. Comme d’autres lois fédérales, elle a été établie à partir de systèmes législatifs, de traditions et d’histoire différents, et elle correspond à une vision du monde que les premières nations ne partagent pas et qui met l’accent sur les droits individuels au détriment des droits collectifs. Nos histoires, nos coutumes, nos traditions et nos droits sont fondés sur les droits collectifs, et ceux-ci se reflètent dans nos cultures, nos pratiques, nos traditions et nos langues uniques.
     En termes clairs, nous appuyons pleinement les droits de la personne individuels, mais un équilibre doit être assuré avec les droits collectifs de nos communautés, de nos cultures et de nos sociétés. Nous voulons nous assurer que cette législation ne nuira pas à la fonction de nos gouvernements traditionnels. Cela constituerait une injustice, et irait de plus à l’encontre des documents internationaux qui reconnaissent et protègent nos droits à notre culture, à nos traditions et à nos pratiques.
     Aucun autre gouvernement ni aucun autre peuple n’a le droit d’imposer ses cultures et ses impératifs culturels à nos nations et à nos sociétés. Ici encore, Mesdames et messieurs, on retrouve ce concept des deux rangs.
     L’article 27 du Pacte international sur les droits civils et politiques prévoit que les personnes qui appartiennent à des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques « ne peuvent être privées du droit d’avoir, en commun avec les autres membres de leur groupe, leur propre vie culturelle, de professer et de pratiquer leur propre religion, ou d’employer leur propre langue ». Les peuples autochtones sont, du point de vue du nombre, une minorité, de sorte que les droits des minorités s’appliquent à eux. Cependant, il est important de souligner que nous avons le statut juridique de peuple… et le droit à l’autodétermination en vertu du droit international. Le gouvernement fédéral est dans l’obligation, en vertu du droit international, de respecter et de protéger les droits prévus à l’article 27.

  (1155)  

    La bande Six Nations se préoccupe aussi des groupes et des organisations hostiles aux droits des premières nations qui pourraient se servir de la Loi canadienne sur les droits de la personne pour remettre en cause les programmes et les services existants mis sur pied précisément à l’intention des premières nations, comme l’éducation, le logement et l’exonération fiscale, alléguant une discrimination à l’encontre des non-Indiens. S’ils avaient gain de cause, cela pourrait détruire toute la base des programmes sociaux établis au sein des communautés de premières nations et y créer davantage de pauvreté. Je suis convaincu que ce n’est pas là l’intention du projet de loi. Cela imposerait un programme de nivellement du livre blanc de 1996.
     Cela justifie le besoin d’une disposition interprétative et d’une disposition de non-dérogation dans la législation pour équilibrer les droits individuels et les droits collectifs, et pour protéger les droits issus de traités et les droits autochtones des premières nations. Toutes les premières nations doivent pouvoir continuer de fournir des programmes et des services propres aux premières nations à leurs citoyens sans être accusées de discrimination par des intérêts extérieurs.
     La législation proposée imposerait des coûts non fondés, imprévus et possiblement majeurs à tous les gouvernements des premières nations. Ces derniers devront participer à des tribunaux coûteux. La base de financement actuelle est totalement inadéquate, et nous avons été assujettis à un plafond de financement de 2 p. 100 depuis le début des années 1990. Il est impossible de connaître les incidences à court et à long terme. Cependant, nous savons que la bande Six Nations ne possède pas actuellement les ressources nécessaires pour supporter les coûts possiblement considérables qui découleraient d’une telle loi.
     Ainsi, il est possible que les citoyens handicapés soient les premiers à aller de l’avant et à déposer des plaintes en raison du manque d’accessibilité de nos installations, alors que nous n’avons jamais obtenu de financement adéquat et que nous ne disposons pas des ressources requises pour rendre nos installations accessibles aux personnes handicapées. C’est un exemple très concret d’une situation où des ressources devront être immédiatement accordées aux premières nations. Une formation sur l’ensemble du processus sera requise. Lorsque vous prenez en compte les 633 communautés de premières nations, vous pouvez voir qu’il faudra beaucoup plus de temps que la période de transition de six mois proposée.
     Le gouvernement fédéral a déclaré que les pressions internationales l’avaient poussé à passer à l’action maintenant, et nous trouvons de fait ironique que le gouvernement, qui s’efforce de se dépeindre comme un chef de file en matière de droits de la personne, bloque actuellement l’approbation de l’ébauche de déclaration des droits des peuples autochtones des Nations Unies.
     La Haut Commissaire aux droits de l’homme, Louise Arbour, ancienne juge de la Cour suprême du Canada, a déclaré ne pas comprendre pourquoi le Canada était si opposé à la déclaration. À titre d’ancienne juge de la Cour suprême, elle ne voit aucune menace pour le Canada dans cette déclaration, ce qu’elle a déclaré au gouvernement du Canada. Le présent comité pourrait peut-être plus tard persuader le Canada de mettre fin à son hypocrisie et de retirer son opposition à l’ébauche de la déclaration des Nations Unies, qui vise simplement à protéger les droits de la personne internationaux des peuples autochtones.
     La bande Six Nations se préoccupe également des droits de la personne autochtones et rappelle au Canada et au présent comité que les droits de la personne comprennent aussi les droits à de l’eau potable; à un logement décent; à un emploi; à de l’air pur; à une bonne santé; à une éducation culturellement appropriée; et le droit d’élever nos enfants dans notre propre culture et notre propre langue de premières nations.

  (1200)  

    Cela conclut mes commentaires au comité pour aujourd’hui. Je serai heureux de répondre à vos questions. De notre territoire, je vous dis niawen ko:wa, qui se traduit à peu près par un gros merci.
    Niawen ko:wa.
    Merci, chef General.
     Bon, nous allons passer aux questions. Monsieur Merasty, sept minutes.
     D’abord, je tiens à vous remercier pour vos présentations ici aujourd’hui. Je crois que vos commentaires étaient très bien présentés et que vous avez fait preuve d’une analyse approfondie dans votre façon de vous adresser à nous.
     J’ai entendu de nombreux points de vue différents des communautés autochtones sur le projet de loi C-44 et sur les droits de la personne. Je respecte le chef Balfour pour ses commentaires, selon lesquels nous devons parfois établir une distinction entre l’abrogation et la loi, parce que ce sont deux choses différentes. Vous avez dit que vous appuyiez l’abrogation, mais pas nécessairement la loi, et je crois que c’est une déclaration très valide et appréciable. De ce que j’ai entendu au cours des derniers mois à ce sujet, on assiste à un appui majeur aux questions des droits de la personne et à tout ce qui s’y rattache.
     En 1985, le gouvernement conservateur — de cette époque-là, bien sûr — s’est précipité dans une modification de la Loi sur les Indiens — le bricolage dont vous parliez plus tôt, chef Balfour — qui s’est terminée par le projet de loi C-31. On a précipité les choses, et ce, au nom de la protection des femmes. Je crois qu’à ce moment-là, le gouvernement conservateur estimait que c’était la bonne chose à faire. J’espère qu’il n’y avait pas d’autres motifs; je ne le crois pas. Cependant, le projet de loi C-31 s’est révélé beaucoup plus discriminatoire et il est en fait plus injuste pour les femmes et les enfants sous plusieurs aspects, et de nombreuses études ont dit qu’il mènera à la perte du statut d’Indien d’ici quelques décennies. C’était donc un projet de loi très problématique qui a été établi à la hâte au nom de l’idéologie.
     Aujourd’hui, en 2007, nous observons la même hâte à l’égard du projet de loi C-44. On le précipite, encore une fois au nom de la protection des femmes et des enfants. Je crois fermement que mes collègues de l’autre côté estiment que c’est la bonne chose à faire et, sous de nombreux aspects, j’en conviens, car nous devons faire un certain travail dans ce domaine.
     Des groupes de femmes, d’autres organisations autochtones, des témoins ont comparu devant ce comité et ont exprimé leurs préoccupations. Je souhaite résumer certaines de ces préoccupations.
     Très logiquement, comme vous l’avez mentionné ce matin, nous avons entendu des personnes parler du besoin d’une disposition interprétative, d’une disposition de non-dérogation ou d’une disposition de dérogation; d’une période de transition plus longue que celle actuellement accordée; d’une analyse des incidences plus détaillée d’un point de vue juridique, parce que nos travaux auront des conséquences sur d’autres lois au fur et à mesure que nous progresserons, y compris sur la Loi sur les Indiens en tant que telle; et de l’analyse de l’équilibre entre les droits collectifs de nos peuples, les droits issus de traités et les titres ancestraux, et ainsi de suite.
     Or, ces arguments et ces positions me semblent justes. Je n’ai entendu personne se déclarer contre les droits de la personne, et je crois qu’il est important de mentionner que si vous êtes contre le projet de loi C-44 — je répète à nouveau ce qui a été dit ici — vous n’êtes pas contre les droits de la personne. C’est une façon injuste de dépeindre les personnes qui parlent de leurs préoccupations à l’égard du projet de loi C-44.
     J’ai aussi entendu certaines préoccupations selon lesquelles les conservateurs auraient déclaré que le présent processus constitue une consultation. Je ne sais pas si c’est le cas, car une consultation se déroule habituellement avant qu’un projet de loi ne soit ébauché, rédigé, et ainsi de suite.
     En fait, toutes ces préoccupations peuvent être classées dans deux catégories, à mon avis. La première suppose que nous déchirions le projet de loi et que le gouvernement amorce immédiatement des consultations pour corriger cette lacune dans la protection des droits de la personne, et l’équilibrer avec tous les autres enjeux — les droits collectifs, l’incidence sur la Loi sur les Indiens, toutes ces autres choses — de sorte que nous puissions commencer à aborder cette question de manière juste et raisonnable.
     L’autre catégorie de préoccupations suppose que si le projet de loi n’est pas mis à la poubelle, alors nous avons besoin d’une période de transition plus longue, nous avons besoin de plus d’études, nous avons besoin de dispositions de non-dérogation ou interprétatives, et ainsi de suite.
     J’entends des gens qu’ils appuient l’objectif, mais que le projet de loi C-44 n’est pas le moyen pour l’atteindre. Est-ce exact? Que pensez-vous de ce que je viens de résumer?
     Je ne sais pas qui souhaite commencer.

  (1205)  

    Merci pour la question, monsieur Merasty.
     Je tiens à dire que votre exposé présente une supposition juste et exacte de la façon dont la plupart des membres des premières nations envisageraient la considération des droits de la personne. Je crois qu’ils sont bien conscients que les gouvernements des premières nations à l’échelle du pays, en tentant d’obtenir des choses provisoires comme l’eau potable, des logements adéquats et l’éducation, sont directement intéressés par les droits de la personne. Ce que nous examinons ici est une disposition, une reconnaissance de tous les droits que nous considérons comme conférés par le Créateur et pour lesquels nous avons une responsabilité envers nos semblables. Tout ce que nous envisageons, c’est qu’ils soient appliqués à ce groupe qui a été défini dans les modifications à l’article 67. Nous n’y voyons aucun problème.
     Là où il pourrait y avoir une difficulté, c’est dans la conciliation des droits individuels et des droits collectifs. Je peux vous décrire l’expérience que nous vivons relativement à une situation qui a lieu dans notre territoire en ce moment. Quand notre communauté prend un problème, se l’approprie et en discute, elle met bien plus que six mois. Elle met bien plus qu’une année. Nous avons mis plus d’une année à discuter de cette situation en particulier et je peux affirmer que la discussion sur les droits de la personne, si l’on consulte vraiment notre communauté, les membres de notre population, sera très longue, plus longue que le temps dont dispose le présent gouvernement, à mon avis.

  (1210)  

    Chef Balfour.
    Vous n’avez que 35 secondes.
    Je vais donc tenter de ne pas parler très vite.
     Ma position en tant que chef de la Nation des Cris de Norway House est très claire, et elle est décrite par écrit.
     À mon avis, il faut jeter le projet de loi parce que je ne peux pas, en tant que chef, appuyer ce processus qui n’admet aucune consultation avec moi ou mon peuple, ni aucune participation de notre part. Le simple fait qu’on l’appelle article 67, droits de la personne, ou ce genre de titre, c’est déjà biaisé.
    Merci.
    Monsieur Lemay.

[Français]

    Merci d'être présents. Je ne dormais pas; je vous assure que j'ai écouté avec attention ce que vous avez mentionné. Je voudrais, grand chef General, vous saluer et saluer surtout les femmes autochtones de vos six nations qui vous accompagnent. J'ai eu l'occasion et l'honneur de les rencontrer au cours de la semaine. Je vous souhaite la bienvenue.
    Chef Balfour, je suis content également de vous rencontrer et de connaître votre position. J'ai pris des notes. Vous allez constater que j'ai fait une carrière d'avocat. J'ai une seule question et je veux avoir une réponse. Vous prendrez le temps qu'il vous faudra.
    Nous sommes dans un gouvernement minoritaire. Face à nous, il y a les conservateurs. De ce côté-ci, vous avez les libéraux, le Bloc et le NPD. Nous étudions le projet de loi C-44. Nous pouvons y apporter des amendements considérables. Mon collègue M. Merasty les a nommés avec éloquence. Je ne les reprendrai pas, mais je pense que nous nous dirigeons vers ce genre d'amendements.
    Seriez-vous prêts à prendre le risque que nous suspendions les travaux du comité jusqu'à ce que, selon vous, il y ait une consultation adéquate? Cela peut prendre six mois ou un an, et il peut y avoir des élections. C'est une hypothèse purement farfelue, mais il se pourrait que les conservateurs soient élus majoritairement et qu'ils présentent à nouveau le projet de loi et l'adoptent sans aucune consultation. Ou préférez-vous que nous apportions les amendements que vous, grand chef General, avez proposés?
    J'ai lu votre mémoire. J'aimerais connaître votre position. Que voulez-vous vraiment? Il est maintenant temps de le dire. Je ne considère pas, je vous l'assure, que les travaux de ce comité sont une consultation au sens des arrêts de la Cour suprême concernant le projet de loi C-44. Je sais et nous savons tous ce que signifie une véritable consultation. Je voudrais vous entendre à ce sujet.

  (1215)  

[Traduction]

    Merci.
     Je ne suis pas parlementaire, mais je peux vous suggérer quelques tactiques qui vous seraient probablement utiles. Il s’agirait de terminer l’examen de ce projet de loi le plus rapidement possible puis de voter contre lui. Si vous êtes en minorité, il est permis de croire que vous auriez l’appui de vos trois partis pour le rejeter, sur la foi de précédents très succincts et bien établis au Parlement en matière de reconnaissance des droits autochtones issus de traités.
     Mais si vous me demandez mon opinion, je ne sais pas. Je n’ai jamais envisagé cela auparavant. Je ne peux pas nécessairement dire que, d’une part, j’aimerais voir certaines modifications pour être d’accord avec ce processus. J’ai parlé devant vous précédemment au sujet de la LGPN précisément parce que je voulais qu’il soit écrit que la bande de Norway House n’avait pas participé à ce processus et qu’elle n’était pas d’accord avec ce processus. Cela est très important, selon moi.
     C’est pourquoi je suis ici aujourd'hui: parce que la bande de Norway House n’est pas d’accord avec ce processus. Il s’agit d’un processus parlementaire. Comme cela a été le cas avec le chef Balfour il y a dix ans, vous avez appuyé le projet de loi C-44 et vous avez suggéré certains amendements. Qu’y aurait-il de mal à utiliser une stratégie qu’on sortirait de sa manche dans dix ans, n’est-ce pas? Ce serait établir un précédent très dangereux que de dire, en tant que chef de la Nation des Cris de Norway House, que j’appuie un projet de loi qui, selon moi, ne répond pas aux critères et ne respecte pas mon peuple.

[Français]

    Grand chef General, avez-vous des commentaires?

[Traduction]

    Cela fonctionne un peu comme une échelle mobile. Dans ce projet de loi, il serait idéal que la compétence des premières nations en matière de droits de la personne soit reconnue. Mais sur cette échelle mobile, on voit bien qu’il s’agit d’un processus parlementaire et qu’on ne peut qu’offrir des amendements au projet de loi. Certains points dont a parlé M. Merasty — la disposition de non-dérogation, les dispositions interprétatives — voire une prise en compte dans le calendrier de mise en œuvre pour que nous sachions ce que seront vraiment la mise en œuvre et l’application de ce projet de loi, aideraient beaucoup de premières nations à comprendre de quoi il s’agit.
     Nous prenons des risques tous les jours. Nous prenons des risques tous les jours quand nous demandons au gouvernement de l’eau potable et des habitations. Il en va de même avec cette question. Nous espérons toujours qu’il y aura une volonté politique — de bons esprits, comme nous le concevons dans notre culture. Nous espérons qu’il y ait une volonté, que les droits de la personne ne dépendent pas des gouvernements minoritaires ou majoritaires, qu’ils ne soient pas touchés par les lignes de partis. Les droits de la personne doivent être respectés parce que le Créateur nous oblige à le faire pour nos frères et sœurs.
    Merci.
    Madame Crowder.
    Merci, monsieur le président.
     Je tiens à vous remercier d’être venus soumettre vos opinions au comité aujourd’hui.
     Une précision: il n’y a aucune raison de ne pas mettre le projet de loi C-44 en veilleuse jusqu’à ce que les consultations appropriées aient eu lieu.
     Mais je crois que vous avez tous deux soulevé un enjeu bien plus important. Nous avons entendu beaucoup de témoins déclarer au comité qu’ils appuient l’abrogation de l’article 67. Mais c’est le processus. Je peux affirmer que certains de mes collègues et moi-même avons aussi discuté de la nécessité d’abroger l’article 67.
     Chef General et chef Balfour, vous avez tous deux mentionné le principal problème. Qu’il s’agisse du projet de loi C-44, des biens immobiliers matrimoniaux, du logement ou de tout autre projet de loi soumis à l’attention du comité, le principal problème est le manque de reconnaissance du statut de nation à nation. Si nous nous adressions à n’importe quel autre signataire de traité en tant que gouvernement du Canada, nous ne leur présenterions pas un fait accompli; nous ne leur présenterions pas un projet de loi pour leur demander ce qu’ils en pensent. Si nous voulions modifier un traité dans lequel nous sommes déjà engagés, ou certains droits que nous aurions acceptés dans le cadre d’un processus de traité, nous engagerions un dialogue et une consultation avant d’ébaucher toute modification à la loi ou au traité.
     Je crois que tout le problème est là. Une fois de plus, le gouvernement vous soumet une proposition et vous demande ce que vous en pensez plutôt que de venir vous consulter d’abord en disant: « Nous croyons qu’il faut agir en ce qui concerne l’abrogation de l’article 67. Comment voudriez-vous procéder? »
     Je me demande si vous pourriez faire des commentaires à ce sujet.
    Encore une fois, je vous remercie de me poser cette question.
    Je puis vous dire qu’on aurait dû prendre en considération la norme rigoureuse et l’obligation de consulter. Ce projet de loi, sur l’échelle mobile qui nous a été fournie par les tribunaux, a une incidence sur nos droits ancestraux et issus de traités, et il mérite donc la plus grande attention. Cela exige une importante obligation de consulter et beaucoup de temps à cette fin.
    Cela peut exiger un accommodement. Un accommodement important serait de nous laisser exercer nos pouvoirs comme nation, de les reconnaître, et de nous permettre de nous occuper des codes et des lois sur les droits de la personne dans nos territoires. Cela pourrait même exiger notre consentement.
    Nous devons donc examiner en quoi consistent exactement nos obligations mutuelles. Nous avons une obligation envers notre peuple. L’État a une obligation envers nous dans le cadre de ce processus. Afin de bien comprendre ces obligations et de les faire comprendre à nos concitoyens, nous avons besoin de plus de temps pour le seul volet de ce processus qui concerne la consultation.
    Un projet de loi comme celui-ci, même s’il est justifié et nécessaire, nous force à examiner les questions à la hâte. Le fait que nous l’ayons attendu pendant 30 ans fait oublier les 200 ans que nous avons dû attendre pour résoudre nos problèmes relatifs à la terre et aux ressources, et une partie de l’histoire des pensionnats que notre peuple a endurée.
    Aussi, lorsque vous nous demandez de comparer 30 ans et 200 ans, j’estime que vous devriez nous laisser plus de temps afin que nous puissions nous assurer de bien faire les choses. Nous n’aurons pas alors à nous adresser aux tribunaux par la suite afin d’obtenir des interprétations et des recours judiciaires.
    Prenons le temps, soyons prudents et réfléchis, et procédons de la bonne manière dès le départ.

  (1220)  

    Chef Balfour, avez-vous des commentaires à ce sujet?
    Pourriez-vous reformuler la question? Elle m’a semblé un peu difficile à comprendre.
    Eh bien, pour moi, il s’agit de savoir, d’un point de vue idéologique et juridique, si le gouvernement canadien reconnaît les premières nations dans un esprit de nation à nation. Les gouvernements du Canada ont déjà des traités avec d’autres nations étrangères. Nous n’oserions jamais modifier unilatéralement un traité sans d’abord en discuter avec la nation concernée. Je dirais que dans le cas qui nous occupe, et dans tout autre projet de loi mis de l’avant par le gouvernement canadien, celui-ci a l’obligation d’engager un dialogue de nation à nation avant d’élaborer et de rédiger des dispositions législatives.
    D’après moi, il s’agit d’un exemple de la façon dont les gouvernements canadiens successifs, pendant de nombreuses années, ont pris unilatéralement des décisions, puis nous ont demandé notre avis, au lieu de faire l’inverse. Je voudrais simplement votre opinion.
    C’est cela. Je suis d’accord. Et ce n’est pas seulement le gouvernement en place. Comme je l’ai dit auparavant, la dernière fois que j’ai comparu devant vous, la Loi sur la gouvernance des premières nations, issue de l’ancien régime, a été imposée, et je crois que de nombreuses collectivités, dont celle de Norway House, n’ont pas été très satisfaites de la façon dont le gouvernement fédéral nous a traités.
    Oui, la consultation, c’est bien. C’est logique. La Cour suprême l’affirme. Pourquoi, alors, ne l’utilisons-nous pas?
    Vous avez fait un commentaire concernant la Loi sur les Indiens. Dans le document déposé devant nous, l’Association du Barreau canadien mentionne que le projet de loi C-44 pourrait être utilisé comme approche fragmentée pour démanteler la Loi sur les Indiens sans que la situation d’ensemble fasse l’objet d’un examen approprié. Pourriez-vous commenter cette remarque, du fait que vous avez soulevé la question de la Loi sur les Indiens?
    Oui, certainement. C’est ce que j’allais faire. Je suis tout à fait d’accord.
    Je ne possède pas les ressources de l’Association du Barreau canadien et je me suis occupé de cette question seulement hier et avant-hier, si bien que je regrette de ne pas l’avoir analysée à fond de ce point de vue. Certainement, il est possible de supprimer des parties importantes de la Loi sur les Indiens. C’est bien. C’est tout à fait logique.
    Je comprends cette analyse juridique et cela me préoccupe. Mais je n’en ai pas examiné grand-chose parce que j’ai fait cela pendant mon temps libre, pendant que j’exécutais mes autres tâches. Cependant, je voudrais qu’on prenne le temps, dans la collectivité, de participer à une analyse de cette question à l’échelle locale et d’examiner certains de ces points, parce que c’est dans ce sens qu’allaient certains de mes commentaires concernant la Loi sur les Indiens.
    Merci.
    Nous allons maintenant laisser la parole au parti du gouvernement. À vous, monsieur Bruinooge.

  (1225)  

    Merci, monsieur le président.
    J’aimerais remercier tous les membres ici présents: le chef General, le chef Balfour et M. Powless. Merci d’être venus.
    Monsieur General, je reviens sur votre commentaire concernant les droits de la personne. Vous avez mentionné qu’ils constituent le droit inhérent du gouvernement des Six Nations. J’aimerais peut-être que vous définissiez les droits de la personne. Pouvez-vous donner une définition de ces droits, compte tenu du fait qu’ils sont le droit inhérent du gouvernement des Six Nations?
    Je n’ai rien dans ce cartable pour l’instant, mais nous vous fournirons ultérieurement des détails à ce sujet.
    En fait, lorsque nous mentionnons les droits de la personne, nous faisons davantage référence à la responsabilité qu’au droit, surtout lorsqu’on occupe un poste de chef (élu ou traditionnel), de s’assurer que la qualité de vie — la sécurité et le bien-être — de son peuple est telle que celui-ci puisse tirer le maximum d’avantages des droits que le Créateur lui a accordés. Tout cela est expliqué en détail au peuple iroquois — Haudenosaunee — dans la Grande loi.
    Vous avez peut-être entendu dire que la Grande loi a été instaurée sur notre territoire à la suite de nombreux conflits. Nous étions entourés de tribus en guerre. C’est pourquoi cinq nations se sont alliées, en se rendant compte qu’elles seraient plus fortes si elles concentraient leur énergie, leur temps et leur réflexion sur la recherche de la paix. Le Créateur nous a envoyé un messager afin de nous informer de nos responsabilités.
    Le texte de la Grande loi est très volumineux. Je peux vous en procurer un exemplaire. C’est le principe fondamental que même nous, comme conseil élu... Même si nous ne sommes pas les détenteurs officiels de cette responsabilité imposée par la Grande loi, c’est avec elle que nous avons grandi et que nous grandissons tous. Elle est le fondement de notre conception du monde en ce qui a trait à nos responsabilités envers les êtres humains, la faune, la terre et tout ce que le Créateur nous a donné.
    Voilà donc le fondement de notre sens des responsabilités en matière de droits de la personne.
    Les droits de la personne s’appliquent-ils de la même façon à tous les membres de votre collectivité?
    Oui.
    Richard.
    La distinction que nous faisons, selon moi, et le chef General l’a introduite dans son exposé, c’est la conciliation des aspects individuel et collectif. Dans les collectivités iroquoises, c’est le droit collectif qui prévaut. Il vise le bien collectif et l’on doit trouver cet équilibre dans la collectivité. Voilà la distinction en ce qui concerne les droits de la personne.
    Les droits de la personne relèvent du bon sens. Ce sont des droits naturels. C’est le droit qu’ont les gens de vivre et de grandir dans des collectivités saines et de vouloir travailler, tout ce qui peut faire l’objet d’un consensus.
    Toutefois, dans la perspective du système canadien sur les droits de la personne, la loi est fondée sur l’individu — le droit individuel l’emporte toujours sur le droit collectif —, alors que dans notre collectivité et notre société, c’est le droit collectif qui prime, et nous devons découvrir où est l’équilibre. Le gouvernement des Six Nations est celui qui est le mieux placé pour le déterminer, pour trouver cet équilibre dans notre collectivité.
    Comment déterminez-vous cet équilibre?
    En ce moment, nous avons une société fondée sur le droit collectif, et en cas de besoin, les gens se réunissent. En cas de conflit, les gens se réunissent et en discutent. Nous ne devons pas toujours recourir au tribunal et entamer des poursuites contre des personnes. Nous essayons de trouver un consensus en ce qui concerne les problèmes et les enjeux.
    Et les droits de la personne seraient définis au moyen de ce processus?
    C’est l’un des processus, oui.
    J’aimerais ajouter que, selon moi, il n’existe pas ce genre de séparation entre les droits de la personne. Il y a le droit d’exister, et nous essayons d’inculquer à nos enfants le rapport avec la terre, le Créateur, les rapports mutuels.
    Je pense que nous nous opposons à cette séparation et que nous envisageons cela davantage comme des responsabilités mutuelles que des droits. Nous parlons de droits collectifs et individuels, mais l’envers de la médaille, c’est la responsabilité mutuelle. Nous mettons l’accent sur cette responsabilité plutôt que sur toute cette discussion concernant les droits.

  (1230)  

    Chef General, vous avez également parlé de la façon dont les droits des minorités s’appliquent à « vous  » — « vous » désignant les membres des Six Nations. Je suppose que vous faites référence au contexte canadien, à la façon dont les droits des minorités s’appliquent à vous, et cela est essentiel en ce qui concerne bon nombre de vos droits.
    Y a-t-il des minorités dans votre collectivité?
    Pour répondre à la question précédente, je dirais que les membres des premières nations sont peu nombreux, ce qui justifie notre statut de minorité.
    Mais vous mentionnez les minorités à l’intérieur de notre collectivité.
    Je suppose que tous peuvent se considérer comme minoritaires s’ils ont un autre point de vue, compte tenu des différentes religions qui existent sur notre territoire... Oui, ils feraient partie de la minorité comparativement au tout, à l’ensemble des membres. Le nombre de personnes qui vivent des produits de la terre, comme les agriculteurs, est faible, si bien qu’ils constituent une minorité dans notre collectivité. Quant au nombre de personnes qui vivent toujours de la chasse ou de la pêche, ils forment un petit groupe ou une minorité au sein de la population globale.
    Donc, oui, il y en a. Je ne sais pas s’il faut les appeler des minorités, mais elles ont des points de vue et des intérêts différents, cela oui.
    Existe-t-il des méthodes qui permettent de concilier les droits des minorités dans votre collectivité avec les droits de la majorité?
    Nous avons fait référence à l’article 27 du protocole politique, qui traite des droits des minorités en relation avec l’État, si bien que les Autochtones forment une minorité dans l’État, tel que cela est reconnu dans le droit international et au Canada. C’est à cela que nous faisions référence.
    Vous me demandez s’il existe des minorités raciales. À cela, je réponds que nous sommes tous des membres des premières nations. Le terme Haudenosaunee est celui que nous utilisons pour nous identifier, mais il existe sept nations — Mohawk, Cayuga, entre autres — dans la collectivité.
    Je ne saisis pas bien votre question. Parlez-vous des minorités raciales? De quel type de minorités parlez-vous?
    Votre délai est expiré. La durée des interventions est maintenant limitée à cinq minutes.
    Madame Neville, nous allons commencer par vous.
    Merci, monsieur le président, et merci à vous tous d’être venus.
    La discussion et la conversation ont emprunté deux directions légèrement différentes, j’en suis consciente.
    Nous avons beaucoup entendu parler de consultation et du fait qu’idéalement, elle aurait dû avoir lieu avant la rédaction du projet de loi. Cela n’a pas été le cas. Si bien que nous avons devant nous un projet de loi et que nous devons décider si et de quelle façon nous devons aller de l’avant. Vous avez entendu aujourd’hui une multitude d’options présentées par vos collègues.
    À supposer que nous allions de l’avant avec le projet de loi et que nous recommandions une période de transition de 12, 30 ou 36 mois, ou un délai prolongé avant la mise en œuvre de ce projet, comment, à votre avis, cette période serait-elle utilisée? Comment serait-elle utilisée dans vos collectivités? Comment serait-elle utilisée par le gouvernement?
    Ce que nous faisons ici, ce n’est pas de la consultation, mais de la collecte de renseignements, de mon point de vue. Mais comment ce délai serait-il utilisé, d’après vous?
    Merci.
    Je devrais préciser tout d’abord que depuis que j’ai été nommé chef, j’ai participé à plusieurs assemblées publiques. Je prends la plupart de mes décisions dans le cadre de réunions officielles qui sont enregistrées, comme la présente procédure, et diffusées sur nos ondes locales. J’ai également participé à quatre ou cinq assemblées générales de la bande, auxquelles a assisté l’ensemble de la bande et où les gens sont venus discuter de questions précises.
    Lorsque nous avons discuté de cette question — qui a été enregistrée — et après l’avalanche d’information qui leur a été présentée au début, les gens ont commencé à démontrer beaucoup d’intérêt et d’engagement, et ont tenu à ce que les chefs et les conseils fassent un suivi de la discussion sur les droits individuels par opposition aux droits collectifs, ainsi que sur le contexte général de la gouvernance.
    Ce n’est pas par hasard que j’ai mentionné qu’avant mon élection à ce poste, il existait de réelles préoccupations concernant l’application de la règle de droit et la façon dont les dirigeants s’acquittaient de certaines tâches. Et je pense que la façon de procéder des dirigeants est extrêmement importante pour qu’on puisse traiter cette question.
    S’il y avait un processus de consultation après le fait — ce avec quoi, bien entendu, je ne suis pas nécessairement d’accord —, j’espère qu’on commencerait par sensibiliser les dirigeants à la nature de ce processus. J’ai eu le privilège de me familiariser avec le présent projet de loi lorsque je fréquentais la faculté de droit, contrairement à mes collègues du conseil.
    Par conséquent, il faudrait d’abord mobiliser les dirigeants. Ensuite, je crois qu’il serait raisonnable de sensibiliser les membres de la bande, dans les réserves et hors réserves, au moyen de divers ateliers et de séances d’information, à l’aide de différentes technologies et de matériel.
    On nous a demandé de prendre certaines mesures en relation avec la Loi sur les Indiens, par exemple en ce qui a trait à la terre, sur laquelle nous devons organiser un référendum. Et en ce qui concerne Norway House, je crois que cela serait approprié dans les circonstances.

  (1235)  

    Merci.
    Chef General.
    Tout d’abord, ce serait formidable si, dans ce projet de loi, à condition qu’il soit adopté, on reconnaissait les pouvoirs des premières nations dans ce domaine — encore une fois, je souligne que cela serait ce qu’il y a de mieux. Si on nous accordait plus de temps, 24 ou 36 mois, nous devrions mettre à profit la possibilité d’élaborer nos propres lois au moyen des déclarations qui ont été faites à titre d’information dans la présente discussion sur l’abrogation de l’article 67. Cela démontrerait qu’une première nation, fondamentalement, a la possibilité de s’assurer que tout projet de loi sur lequel nous sommes d’accord est présenté à ses membres et qu’ils y ont accès.
    L’autre aspect de la mise en œuvre d’une mesure législative, c’est de nous assurer qu’elle est applicable. Selon moi, une difficulté que les premières nations ont rencontrée constamment dans le passé est le fait que d’autres pouvoirs sont arrivés sur leurs territoires, s’y sont imposés et se sont attendus à ce qu’elles s’y conforment, mais très souvent, cela ne fait que renforcer la résistance. Si l’on utilisait une démarche ascendante — en consultant les gens et en informant les dirigeants de la façon dont les gens légitiment cette nouvelle façon de reconnaître l’abrogation de cette clause de la Loi canadienne sur les droits de la personne —, elle serait naturellement acceptée. On pourrait obtenir cette acceptation du bas vers le haut. Ce qui importe, c’est qu’au lieu d’imposer quelque chose, on le développe à l’intérieur et on amène les gens à accepter les responsabilités que, je le répète, le Créateur nous a attribuées et qui nous imposent de nous occuper de nos frères.
    À mon avis, c’est de cette façon que nous devrions utiliser le temps et la reconnaissance qui doivent être accordés aux premières nations.
    Passons maintenant au parti du gouvernement.
    Monsieur Storseth.
    Merci, monsieur le président.
    Tout d’abord, je vous remercie de m’avoir permis de venir ici aujourd’hui. J’estime que ces discussions sont toujours ouvertes et instructives.
    Le délai qui m’est alloué est malheureusement limité à cinq minutes et j’ai de nombreuses questions à vous poser.
    J’aimerais d’abord poser une question au chef Balfour. Vous nous avez donné une idée des tribulations que vous avez subies dans votre carrière pour en arriver où vous êtes actuellement. Je vous félicite pour vos efforts et votre dévouement envers votre peuple. Sans entrer dans les détails, si ce projet de loi avait été adopté il y a dix ans, les droits de la personne vous auraient-il permis d’atteindre plus facilement votre stade actuel, sans devoir subir l’ingérence d’autres autorités?
    Je suis content que vous posiez cette question. Merci.
    En fait, absolument pas, et cela, parce qu’il s’agit d’un droit individuel relevant de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Ce que je faisais comme représentant de mon peuple, comme conseiller élu, c’était de faire valoir mon devoir de participer au gouvernement. On m’en a empêché. Si je devais déposer plainte, ce serait au chapitre des droits individuels, mais je ne suis pas certain que cela s’appliquerait à mon cas en tant que représentant élu. J’ai dû malheureusement recourir à cette fin à la Cour fédérale et aux principes du droit administratif. Selon moi, le juge a bien joué son rôle et a relevé les enjeux importants.

  (1240)  

    Merci. Je vais continuer de poser mes questions au chef Balfour.
    Tout d’abord, j’aimerais vous demander si vous êtes satisfait de la coexistence actuelle entre les droits individuels et les droits collectifs dans votre collectivité.
    Sûrement pas, car le gouvernement exige que nous fassions de la discrimination, du fait que nos ressources sont insuffisantes pour subvenir aux besoins de notre peuple.
    Alors, le financement constitue la solution.
    C’est un élément important, mais ce n’est pas le seul.
     Ce qui me contrarie le plus actuellement, dans l’optique des droits de la bande de Norway House, et en particulier après la séance d’information à laquelle j’ai participé la semaine dernière, c’est que les gens ne connaissent même pas ces droits fondamentaux. Je pars à zéro. Mais je peux recourir à mes aînés et à notre histoire pour faire la synthèse de tout cela et amener les membres de la collectivité à comprendre de quoi il s’agit. Ils m’ont posé une multitude de questions. Ils ont demandé ce que cela signifiait réellement, quelle était la véritable portée de cette loi. Dans le contexte de notre identité en tant que Nation des Cris de Norway House, tout cela doit être dépoussiéré et réexaminé.
    Peut-on donc affirmer que dans le cadre de vos consultations auprès des membres de votre collectivité, ceux-ci étaient généralement optimistes à l’égard de cette loi, même si l’on doit faire davantage de sensibilisation à ce chapitre?
    Non, je n’ai pas procédé à des consultations; j’ai participé à une séance d’information de dernière minute avec un technicien de l’Assemblée des chefs du Manitoba. Ce n’était même pas un représentant d’Affaires indiennes et du Nord Canada ou de la Commission canadienne des droits de la personne. Mais à la suite de cette séance, je me suis demandé comment nous pouvions mener des consultations sans même savoir sur quoi elles portent. Il faut d’abord procéder à un échange de renseignements fondamental, susciter la compréhension et faire de la sensibilisation.
    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
    Une minute et quinze secondes.
    Parfait.
     Alors, je vais vous poser ma dernière question, monsieur Balfour.
     Vous avez mentionné la disposition de dérogation relative aux droits fondamentaux de la personne utilisée par les premières nations. Pouvez-vous expliquer cela? Cela semble un peu abstrait et j’aimerais que vous précisiez exactement ce que vous entendez par là et de quelle façon cette notion serait utilisée en pratique. Tout cela en une minute.
    Oui, pas de problème.
    C’est impossible. Si j’examine la loi par rapport à la Charte, j’arrive à le comprendre, mais, selon moi, ce genre de discussion aurait dû être mené au cours des dernières années par la Commission canadienne des droits de la personne ou un autre organisme. J’ai demandé de l’information sur la façon dont ce sujet a été traité au cours des 30 dernières années, où se trouvent les rapports relatifs aux collectivités, afin de pouvoir discuter de ces questions intéressantes. Je n’ai rien reçu. La section du Manitoba de la Commission canadienne des droits de la personne m’a répondu qu’il n’y avait rien.
     Le processus de consultation et de discussion concernant ces questions implique en fait la consultation entre des avocats et des consultants, peut-être aussi avec des organismes « représentatifs » comme l’APN, l’AFAC ou autres, mais cela ne permet pas vraiment de répondre à la question.
    Par conséquent, je ne peux pas vous fournir une explication, mais il s’agit de l’un des éléments vraiment importants de la consultation. Cette notion et toute cette question devraient avoir été traitées depuis longtemps. Cela aurait dû faire l’objet d’un débat permanent et on aurait dû vous présenter, en tant que parlementaires, le résultat d’un décorticage et d’une reconstruction efficaces de certaines de ces idées.
    Avant de passer à la prochaine question, je vous informe que je vais prolonger la séance, car nous avons commencé avec une demi-heure de retard. Je vais donc essayer de répartir ce temps entre les deux groupes de témoins ici présents.
     Nous allons laisser la parole à M. Lévesque.

[Français]

    Bienvenue chez nous, bienvenue chez vous.
    J'ai réellement à coeur l'intérêt des premières nations; ces gens sont mes frères. Il est certain que votre culture et votre vision sont un peu différentes des nôtres. Mon collègue vous a demandé si vous préfériez une démarche visant à faire disparaître l'article 67 et à favoriser les discussions et les négociations avec le gouvernement pour faire adopter des mesures qui pourraient alléger l'application du projet de loi C-44.
    Certains font valoir que l'article 25 de la Charte canadienne des droits et libertés est souvent qualifié de clause de protection. Ils stipulent que le fait que la charte garantit certains droits et libertés ne porte pas atteinte aux libertés et droits ancestraux issus de traités ou autres. Quant à lui, l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît et confirme les droits existants.
    Grand chef General, vous êtes assez bien conseillé par M. Powless. Pour le bien de vos nations, le fait de recommander un délai d'application de la loi assorti de négociations avec le ministère ou le gouvernement pour amenuiser certaines difficultés ne vaut-il pas mieux que de prendre le risque d'avoir un gouvernement majoritaire qui, à un moment donné, décréterait la loi telle qu'elle est présentée actuellement, ce qui ne donnerait rien à vos nations, si ce n'est de les mettre en difficulté?

  (1245)  

[Traduction]

    Je vous remercie de votre question, monsieur Lévesque. Vous nous présentez une multitude de possibilités.
    J’ai la chance d’avoir ici Richard Powless et plusieurs membres de mon conseil, qui ont participé à l’ensemble des discussions sur le projet de loi C-44. Ils sont ici sur la Colline parlementaire.
    Je crois que si nous devions aller de l’avant avec ce projet de loi — encore une fois, je ferais ressortir les pouvoirs comme étant la principale réalisation — pendant votre mandat au gouvernement, cela serait quelque peu rassurant. Mais dans l’ensemble, je crois qu’il serait sage de prendre du recul, d’examiner tout ce qui a été réalisé jusqu’ici et de nous rendre compte que, peut-être — et je ne dis probablement rien de nouveau —, nous allons encore une fois trop vite. Nous devons obtenir plus d’information. Quant au fait de parler de mise en œuvre sans en connaître les conséquences, qu’elles soient positives ou négatives, comme chef, j’estime qu’il serait imprudent d’approuver la poursuite du processus.
    Même si une autre solution serait d’insérer les pouvoirs et un délai plus long dans une modification à apporter au texte législatif actuel, je crois que les 633 premières nations doivent obtenir plus de temps à ce chapitre.
    Je peux vous assurer, et je serai bref, que les Six Nations constituent le plus important groupe de premières nations, et je suis très fier de notre capacité et des experts que nous pouvons affecter à cette question, mais cela même n’est pas suffisant. J’éprouve un profond respect pour le chef Balfour et sa collectivité, et pour les autres collectivités dans l’ensemble du pays qui n’ont pas et n’ont pas eu le temps de se consacrer à cette question.
    Je leur rendrais un mauvais service en disant que nous devons aller de l’avant. Nous avons tous besoin de plus de temps.
    Merci.
    Passons maintenant à l’autre partie. Nous commencerons par Mme Hinton. À vous la parole.
    Merci de me permettre de poser quelques questions. Mon collègue, M. Blaney, partagera son temps avec moi.
    Je vous ai écouté attentivement. Même si je n’ai pas fait partie de ce comité, j’ai travaillé plusieurs années à cette question.
    Chef Balfour, je désire vous assurer que j’ai consacré deux années à cette seule question et que je me suis entretenue avec des Autochtones de l’ensemble du pays. Je suis allée dans des sueries, sur des routes de campagne, dans des réserves. J’ai rencontré les gens dans des restaurants, partout où ils voulaient, afin d’obtenir leurs commentaires. Ceux-ci portaient notamment sur les droits matrimoniaux, les droits de propriété, l’éducation, la hiérarchie au sein des bandes autochtones et l’effet qu’elle a sur les peuples autochtones.
    C’est vrai, je n’ai pas parlé à un seul chef. Mais ce n’était pas à moi de le faire. Mon travail consistait à ne parler qu’avec les membres des bandes, et c’est ce que j’ai fait.
    On a recueilli ces renseignements. Et maintenant que nous sommes au gouvernement, je suis convaincue que toute l’information que j’ai recueillie au cours de ces deux années est maintenant utilisée dans le présent projet de loi.
     Merci de m’avoir donné l’occasion d’assister à cette séance et de m’adresser à vous.

  (1250)  

    Monsieur Blaney.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à ma collègue.
    Bonjour et bienvenue au comité. Je voudrais vous remercier de votre présence. On se penche sur le projet de loi depuis quelques semaines déjà. On a eu la chance, je dirais même le privilège, d'entendre plusieurs témoins, notamment l'Assemblée des Premières Nations, l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, le chef Fontaine et le chef Picard. On sent une grande convergence dans l'ensemble des propos portés à notre attention.
    Grand chef General, je ne peux m'empêcher de souligner votre travail, que ce soit votre allocution, qu'on n'a pas pu entendre en entier faute de temps, ou le document que vous nous avez remis, lequel exprime très bien votre pensée.
    Vous avez souligné l'importance d'équilibrer les droits collectifs et individuels et votre préoccupation concernant les droits aborigènes. Advenant le cas où la loi serait appliquée, vous avez dit avoir besoin de temps pour mesurer les répercussions qu'elle aura sur vos communautés.
    Grand chef General, votre document parle des 633 premières nations. On observe une sorte d'effet de convergence partout au Canada.

[Traduction]

    Il ne pourra pas répondre si vous ne...

[Français]

    D'accord. Merci, monsieur le président.
    On consulte plusieurs groupes. Hormis les délais additionnels que pourrait entraîner un processus de consultation et le risque que celui-ci s'enlise, qu'obtiendrait-on de plus que ce qu'on a obtenu jusqu'à présent concernant les préoccupations dont je viens de vous parler? On amorce un processus de consultation parlementaire qui, j'en conviens, n'est pas aussi exhaustif qu'une consultation de chacune des premières nations. Qu'obtiendrait-on de plus, alors qu'on se propose de modifier et de bonifier la loi en fonction des recommandations que vous nous avez soumises?
     J'ai terminé, monsieur le président.

[Traduction]

    Merci de me poser cette question.
    Dans le cadre de vos processus et responsabilités en tant que parlementaires et de nos processus et responsabilités en tant que chefs des premières nations, nous cherchons tous à améliorer l’existence, les avantages et le bien-être des membres des premières nations.
    Quant à votre question de savoir s’il est difficile de consulter tout le monde, nous devons tenir compte des répercussions. À ce que je sache, personne n’en a encore discuté. On n’a pas précisé quelles seraient les répercussions. Nous essayons actuellement de rétablir notre relation en tant que gouvernements. Les tribunaux nous ont ordonné de vérifier le sens exact de l’article 35. Nous essayons de concilier les compétences, les ressources et la terre, et je ne voudrais pas que cette discussion sur les droits individuels, si importants soient-ils, fasse avorter nos efforts ou nos progrès dans le cadre des discussions sur la terre, les pouvoirs ou la responsabilité financière. Nous devons étudier ce projet de loi et son incidence sur certains des autres travaux et discussions déjà en cours et auxquels on a également consacré des années de travail. Comme je l’ai déjà mentionné, les processus de règlement des revendications territoriales préoccupent tous les membres des premières nations.
    Encore une fois, il s’agit de concilier les droits et les responsabilités. Nous devons également concilier les avantages et les conséquences.

  (1255)  

    Je vais devoir clore la séance.
    Je voudrais préciser que lorsque la Charte a été promulguée à l’origine, ces points étaient quelques-uns des impondérables qui y figuraient aussi. Ils ont été précisés ultérieurement, au moment où les affaires entendues ont établi les conséquences. Donc, cela se produirait également. Je ne suis pas en désaccord avec ce que vous dites, mais je veux simplement dire que ces choses se produisent.
    J’aimerais remercier les témoins et je les prie de m’excuser pour le retard. C’était imprévu et je vous sais gré d’être venus aujourd’hui.
    Je vais faire une pause de deux minutes pour permettre aux témoins suivants de prendre leur place.
     Merci.

    


    

  (1300)  

    Nous allons recommencer.
    Nous passons maintenant au groupe B, qui comprend des témoins de l’Association des femmes autochtones du Canada. Nous avons ici Beverley Jacobs, présidente, et Ellen Gabriel, présidente de l’Association des femmes autochtones du Québec inc.
    Je vous souhaite la bienvenue. Je vous remercie d’être venues et je vous sais gré de votre patience. Nous avons eu plus tôt une allocution de dix minutes. Nous allons maintenant passer aux questions.
     Aimeriez-vous faire une déclaration ou pouvons-nous passer directement aux questions?
    Oui, il me reste quelques points à présenter.
    Très bien.
    Messieurs les membres du comité, nous allons demander aux témoins s’ils veulent prendre quelques minutes pour résumer leurs présentations antérieures, puis nous passerons directement aux questions.
     Nous allons commencer par Mme Jacobs.
    Bon après-midi. Merci de me donner l’occasion de revenir.
     Je crois que lorsque j’ai interrompu ma présentation, nous parlions des réponses aux questions de consultation. Dans le rapport du comité sur le système canadien des droits de la personne, on recommande une abrogation immédiate, ainsi qu’une période de transition de 18 à 30 mois, et le projet de loi C-44 prévoit une période de transition de six mois.
    Vous savez comme moi que nous appuyons l’abrogation, mais on doit prévoir au moins 36 mois. C’est ce que nous avons établi comme période de transition. Selon moi, on ne devrait pas raisonnablement s’attendre à ce que les collectivités soient prêtes à une modification radicale de la loi et, jusqu’ici, le mode de fonctionnement du processus juridique est trop complexe pour qu’on puisse concilier quoi que ce soit en six mois. Nous devons être informés et nous assurer d’avoir des ressources suffisantes dans les collectivités pour résoudre ce problème de façon appropriée.
    Dans le cadre des travaux que nous avons réalisés, nous voulions nous assurer qu’il y aurait une véritable consultation. Au cours du processus relatif aux biens immobiliers matrimoniaux, la nécessité de cette consultation est apparue évidente. Nous nous sommes préoccupés sérieusement, et avec raison, du fait que nous n’aurions pas suffisamment de temps pour mener un processus de consultation valable, étant donné que nous n’avions que trois mois à cette fin.
    Par conséquent, au début des discussions, l’AFAC a demandé au moins une année de consultation. Les femmes autochtones avec lesquelles nous avons parlé ont exprimé cette préoccupation et ont manifesté beaucoup de scepticisme à l’égard du processus, soulignant l’aspect fondamental de la consultation lorsqu’une modification législative importante influe directement sur les peuples autochtones.
    Dans le rapport de la Représentante spéciale sur la protection des droits des femmes des premières nations, une recommandation clé était un consentement libre, préalable et éclairé. Cela est absolument crucial lorsque les droits individuels et collectifs des femmes autochtones sont touchés. Il est précisé dans le rapport que les femmes autochtones jugent la loi difficile à comprendre, et qu’elles seraient mieux en mesure de fournir des commentaires constructifs si elles étaient informées sur les lois qui ont une incidence sur leurs droits collectifs et individuels.
    Le groupe de discussion a recommandé la mise en œuvre d’une stratégie de sensibilisation et d’information dans laquelle les organisations de femmes autochtones fourniraient les outils et les ressources permettant de sensibiliser ces femmes à leurs droits juridiques.
    Puis, en juin 1998, AINC a reconnu l’absence d’une politique ou d’une directive ministérielle explicite qui orienterait la consultation avec les premières nations. Même si la méthode souple et globale utilisée par le gouvernement a été utile pour répondre aux différents besoins, on a noté un manque d’uniformité dans les principes et le partage des pratiques exemplaires.
    Dans son rapport de 2006, la vérificatrice générale soutient qu’une consultation valable donnera une image positive des relations entre les Autochtones et le gouvernement. Une bonne gouvernance et une relation empreinte de confiance entre les collectivités autochtones et les gouvernements sont essentielles à l’amélioration de la qualité de vie des Autochtones.
     Si l’on veut que les mécanismes du système canadien des droits de la personne aient quelque poids dans les collectivités autochtones, une consultation approfondie et valable doit être engagée. Puisque les femmes et les enfants autochtones sont les plus touchés par les violations des droits de la personne en vertu de la Loi sur les indiens, il faut qu’ils soient intégrés dans ce processus.
    Comme je l’ai mentionné au cours de notre dernière réunion, nous avons élaboré un plan de mise en œuvre quinquennal. AINC, le ministère de la Justice et Condition féminine Canada devraient y participer. Par ailleurs, nous avons engagé des discussions officielles avec l’ancienne Commission du droit du Canada et la Commission canadienne des droits de la personne.
     Nous avons également mené des discussions avec le président de l’Association du Barreau Autochtone relativement à des traditions juridiques autochtones particulières qui doivent être respectées dans nos processus.
    Nous n’avons reçu aucune rétroaction d’aucun des ministères fédéraux relativement à notre proposition. Nous croyons que ce plan est judicieux et que les collectivités des premières nations doivent participer activement à la mise en œuvre de l’abrogation.

  (1305)  

    Ce plan de mise en œuvre répond à la plupart des préoccupations exprimées relativement au projet de loi C-44 et à l’abrogation immédiate. On doit mettre à profit les recherches antérieures en vue d’assurer la reconnaissance des traditions juridiques autochtones et d’étudier la meilleure façon de concilier les principes juridiques canadiens énoncés dans la Charte et ceux qui figurent dans la Loi canadienne sur les droits de la personne.
     Le Canada a été proactif en favorisant l’intégration des traditions juridiques autochtones dans certaines collectivités de premières nations par la mise en œuvre de diverses initiatives autochtones de justice réparatrice. Selon nous, les partis au pouvoir, conjointement avec les premières nations, peuvent miser sur cette approche pour aborder également la question des protections en matière de droits de la personne.
    Nous pensons qu’on doit reconnaître la nouvelle base de connaissances des aînés de notre collectivité au chapitre des traditions juridiques autochtones et examiner les responsabilités au sein des collectivités elles-mêmes et le leadership dans les collectivités afin de répondre à ces questions.
    Nous pensons qu’il faut entreprendre une démarche ascendante en sollicitant la participation des premières nations par le renforcement de la capacité. De cette façon, les collectivités auront les moyens d’accéder à la justice et aux ressources, et de les encadrer.
    C’est à peu près tout. Nous avons élaboré un plan quinquennal grâce auquel nous espérions travailler directement avec les collectivités des premières nations, avec lesquelles nous avons établi des relations très positives dans le cadre de nos consultations sur les biens immobiliers matrimoniaux. De plus, il existe déjà des pratiques exemplaires qui traitent sérieusement de cette question.
     À notre avis, les protections en matière de droits de la personne exigent beaucoup plus qu’une modification de la règle de droit immuable. Le processus de mise en œuvre et l’affectation des ressources sont essentiels à la réussite. On doit mener des consultations valables avec les organismes autochtones nationaux, les collectivités de premières nations et les particuliers d’un bout à l’autre du processus.
    Nous devons nous assurer qu’il y aura une période de transition de 36 mois. Moins que cela, ce serait ne pas tenir compte des conséquences à long terme et des causes profondes des violations des droits de la personne.
     Nous insistons auprès du gouvernement pour qu’il entame immédiatement un processus ouvert et transparent afin d’évaluer les répercussions sur les personnes et les collectivités de premières nations et pour qu’il s’engage à poursuivre un plan de mise en œuvre élaboré conjointement par le gouvernement et les collectivités de premières nations, notamment une participation approfondie et valable des femmes autochtones. Ce plan permettra d’instaurer un véritable processus d’engagement par lequel nous nous préparerons aux répercussions de l’abrogation de l’article 67.
     Merci.

  (1310)  

    Merci, madame Jacobs.
     Madame Gabriel, avez-vous quelque chose à ajouter à ce que vous avez dit lors de votre première comparution?
    Non, mais je voudrais savoir si quelqu’un a lu nos deux mémoires.
    Je ne sais pas si tous les membres du comité l’ont lu, mais...
    Une voix: Je l’espère.
    Le président: Nous allons commencer notre série de questions de sept minutes par le Parti libéral...
     Monsieur Lemay.

[Français]

    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Je propose, si mes collègues sont tous d'accord, d'avoir uniquement des tours de cinq minutes. Sinon, on n'aura pas le temps de tout voir, car il est 13 h 15. Ainsi, tout le monde aurait la chance de poser des questions.

[Traduction]

    Certainement.
    Une voix: Pas de problème.
    D’accord. Merci.
    Une voix: Nous avons besoin d’un préavis de 48 heures.
    Des voix: Oh, oh!
    Nous perdons du temps.
    Monsieur Russell, nous allons commencer par vous.
    Bon après-midi à vous tous. Je vous souhaite la bienvenue pour la deuxième fois.
     Je trouve cela assez incroyable. Le gouvernement a soulevé cette question entourant la consultation et il continue de poser des questions aux témoins autochtones en face de nous: « Que pensez-vous des consultations? Comment savoir si elles sont suffisantes? Devons-nous parler à chaque Autochtone que nous rencontrons? » Je dirais que vous devez parler avec au moins un représentant de la collectivité autochtone, pas nécessairement avec tous les Autochtones.
    En ce qui concerne les échéanciers, j’estime que le gouvernement fait preuve d’une grande hypocrisie sur un point en particulier. Pour obtenir des excuses sincères concernant les pensionnats indiens, nous avons dû attendre quatre ou cinq ans que la Commission de la divulgation des faits et de la réconciliation fasse son travail. Mais pour mettre en œuvre le projet de loi C-44, on nous dit que cela doit se faire en six mois sans aucune consultation. Par conséquent, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’au chapitre de la réponse du gouvernement, il existe deux poids deux mesures.
    Le gouvernement a également utilisé les femmes autochtones comme excuse pour adopter et mettre en œuvre en toute hâte le projet de loi C-44. Mais ce que j’ai observé et appris, c’est que les femmes autochtones ont des préoccupations similaires, presque identiques en fait, à celles des autres témoins.
     Que pensent les femmes que vous représentez de la méthode utilisée par le gouvernement? Cela ressemble pratiquement à une stratégie fractionnelle, qui fait ressortir un segment de société en particulier, du fait que les droits de la personne concernent une vaste gamme de questions, non seulement l’égalité entre les sexes, mais aussi différentes situations.
     Par conséquent, j’aimerais avoir votre avis à ce sujet.
    Je suppose que cela s’apparente aux soi-disant consultations sur les biens immobiliers matrimoniaux. On nous a donné trois mois après la signature du contrat, mais en réalité, cela s’est résumé à trois semaines, puis il y a eu prolongation.
    Combien de personnes faut-il interroger pour qu’une consultation soit adéquate? Toutes les personnes en cause jusqu’à la dernière, parce que dans notre culture, nous parlons de droits de la personne et de droits collectifs. Nos traditions sont plus vastes que cela. Il faut tenir compte de la spiritualité, prendre soin de soi en tant que personne et se comprendre, déterminer comment se respecter — son corps, son esprit, son âme. Et puis il y a le respect que l’on accorde aux autres — à leur corps, à leur esprit, à leur âme. Cela s’étend ensuite à toutes les créatures vivantes, à la Terre qui nous nourrit et aux créatures qui nous permettent de nous alimenter et de nous vêtir. Voilà en quoi consistent pour nous les droits de la personne, c’est une obligation. Cela ne peut pas se simplifier à « ceci ou cela ne se fait pas ».
    Nous avons parlé de colonisation. Nous avons abordé le fait que des femmes autochtones ont perdu leurs droits et leur place dans nos communautés, et nous avons toutes les deux exprimé notre accord avec l’abrogation de l’article 67. Nous n’appuyons pas nécessairement les moyens employés en ce moment, le fait que cela se fasse sans consultation adéquate. Donc pour ma part, et du moins pour les personnes que je représente au Québec, il faut un processus adéquat de consultation pour qu’il y ait un semblant de respect de la part du gouvernement.

  (1315)  

    J’aimerais réagir à vos commentaires à l’effet que les femmes autochtones seraient ciblées comme têtes d’affiche.
    En ce qui concerne l’AFAC, nous travaillons en étroite collaboration avec le ministre Prentice pour l’ensemble de l’organisation, l’organisation nationale de l’Association des femmes autochtones du Canada, et le fait que nous devons surmonter à l’heure actuelle une crise au niveau du financement de base. Et je pense qu’il est tout à fait injuste de prétendre que les femmes autochtones seraient ciblées comme têtes d’affiche et se laisseraient manœuvrer. C’est faire fausse route, parce que cela crée une division entre nous en tant que femmes et nos communautés, et ce n’est pas ce que nous voulons. Les femmes de nos collectivités n’ont jamais recherché cela.

[Français]

    Monsieur Lemay.
    Merci d'être présents, encore une fois. Je vais essayer d'être clair. Je vais peser mes mots. Je vais essayer d'être bref, concis, mais cela sera difficile.
    Il évident que le projet de loi, tel qu'il est présenté actuellement, devra être amendé. C'est clair. Nous aurons probablement des propositions d'amendement très précises. Par exemple, il faut qu'il y ait une clause interprétative, il faut qu'il y ait une consultation, etc. De plus, selon moi, le délai d'entrée en vigueur de ce projet de loi devrait être de 36 mois, environ trois ans, parce que c'est la durée du délai, par exemple, qu'a donné la Cour suprême pour l'entrée en vigueur de l'article 15 de la Charte des droits et libertés. On ne peut demander moins que cela, selon moi.
    Madame Jacobs, madame Gabriel, je veux comprendre une chose. Iriez-vous jusqu'à demander la suspension des travaux tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas eu une consultation adéquate, en prenant le risque que ce projet de loi meure — on appelle cela « mourir au Feuilleton » — advenant un déclenchement d'élections au cours de la prochaine année, puisque nous sommes en présence d'un gouvernement minoritaire?
    Ou encore êtes-vous prêtes à accepter que le projet de loi soit adopté avec des amendements très précis, et même avec — c'est la première fois que j'entends cette suggestion mais elle me semble intéressante — des délais pour l'implantation? Vous suggérez un délai de cinq ans; moi, je propose un délai de trois ans.
    Je ne veux pas négocier sur la place publique, mais iriez-vous jusqu'à dire que vous seriez d'accord pour que le projet de loi soit adopté, mais avec des conditions très précises, des amendements très précis, ou préférez-vous prendre le risque qu'on se retrouve de nouveau avec un gouvernement minoritaire, soit conservateur ou peut-être libéral, mais... C'est une hypothèse, farfelue bien, évidemment, mais supposons que le gouvernement dépose un nouveau projet de loi dans lequel il n'est plus question de consultation.
    J'aimerais avoir une réponse. Je suis partagé et j'aimerais vous entendre à ce sujet.

[Traduction]

    Je pense que la situation est la même dans le cas des biens immobiliers matrimoniaux, parce que si nous avions eu des consultations avec le gouvernement fédéral avant qu’une décision soit prise ou qu’une loi soit rédigée... Et si des mesures législatives ont déjà été rédigées, nous voulons encore qu’il y ait des consultations, que nous soyons d’accord ou non quant aux effets que cela aura sur nos droits, parce que devant une mesure législative, vous êtes tenus de par la loi en tant que gouvernement de consulter les peuples autochtones. C’est une obligation selon les lois canadiennes.
    Donc, si un projet de loi visant à modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne ajoute des amendements précis pour abroger l’article 67 et que l’on prévoit des dispositions d’interprétation pour sa mise en œuvre, le fait de permettre à ce processus de se poursuivre permet ce dont nous parlons, à ceux qui seront les plus touchés d’avoir un mot à dire.
    C’est ce que nous disons. Pendant beaucoup trop longtemps, il y eu des lois canadiennes qui ont eu un impact sur nos peuples, qui ont eu des répercussions sur nos connaissances ancestrales, sur nos processus traditionnels, sans qu’on nous demande notre avis. C’est le cas de la Loi sur les Indiens, c’est le cas de la Loi constitutionnelle. Ce sont toutes des lois, des mesures législatives que l’on a rédigées, établies, qui incluaient les peuples autochtones, sans nous consulter.
    C’est ce que nous disons. Cela suffit. Cela suffit, parce que nous voulons faire partie du processus. Si vous allez créer des lois, quelles en seront les conséquences sur nous et comment allez-vous tenir compte de notre opinion quand nos droits sont violés sur une base quotidienne?

  (1320)  

    Nous allons passer à Mme Crowder.
    Merci, monsieur le président.
    Je veux vous remercier toutes les deux d’être revenues devant le comité. J’apprécie que vous trouviez le temps de venir nous revoir, malgré vos calendriers très chargés après cette dernière audience.
    Pratiquement tous les témoins qui se sont présentés devant le comité nous ont parlé de consultation, et cela semble être le point central. M. Lemay cherchait essentiellement à savoir s’il vaut mieux consulter après l’adoption d’une loi ou avant l’adoption de la loi. Évidemment, je soutiendrais qu’il faut consulter avant d’adopter la législation.
    Les biens matrimoniaux ont été soulevés comme exemple d’un processus de consultation, et je vous ai entendu en parler. Je ne vais pas le lire au complet, parce que je l’ai déjà lu pour que cela soit consigné officiellement, mais le rapport de Wendy Grant-John indique que son processus n’était pas une consultation; en fait, dans sa recommandation 18, il est fait état d’un certain nombre de facteurs à prendre en considération en ce qui regarde la consultation.
    À mon avis, on se trouve devant une structure que l’on cherche à imposer, lorsqu’on dit aux gens que c’est un mode de consultation approprié — si vous êtes favorables aux droits de la personne, vous allez appuyer le projet de loi C-44; vous n’avez rien à craindre, faites-nous confiance; nous allons vous consulter après coup.
    Vous avez parlé des mesures énoncées, mais quelle serait la prochaine étape que vous recommanderiez au comité d’entreprendre?
    C’est toute une question que vous me posez là, mais je pense que si vous examinez certaines des recommandations qu’on nous a soumises, entre autres étudier les répercussions possibles sur nos communautés qui sont opprimées par la Loi sur les Indiens depuis tant d’années, cela va changer la façon dont les décisions sont prises dans nos collectivités.
    Nous devons avoir en place des moyens appropriés d’aider nos gens à s’adapter, je le répète, mais je pense que nous devrions aussi nous rappeler qu’en 2006, si ma mémoire est bonne, certaines des commissions des Nations Unies, tel le Conseil économique et social, incitaient le Canada à modifier et à abroger l’article 67. À mon avis, le gouvernement actuel ne devrait pas se baser sur cela pour faire adopter ce projet de loi le plus vite possible. Cela remonte à peine à l’année dernière.
    J’aimerais voir les recommandations qui nous ont été présentées — celles de l’AFAC et de l’Association des femmes autochtones du Québec — parce qu’elles vont avoir un impact sur les règles d’appartenance que les conseils de bandes chercheraient à contourner aux dires de certains intervenants, mais dont ils respectent les quatre principes établis par le ministère des Affaires indiennes. Cela va avoir des conséquences sur les biens immobiliers matrimoniaux. Cela va avoir toute une gamme de répercussions auxquelles je ne pense pas que nos communautés sont prêtes. Nous sommes bien en retard dans le domaine de l’éducation et bien en retard dans nos efforts pour régler certains des problèmes de violence qui frappent nos collectivités. Nous cherchons constamment à nous rattraper; nous sommes toujours en mode de survie.
    Cela garantirait à tout le moins que les droits de la personne s’appliquent un jour, mais cela nous donnerait aussi les outils pour pouvoir les appliquer dans nos collectivités. C’est ce que je souhaiterais.

  (1325)  

    Il est intéressant que vous mentionniez les conventions des Nations Unies. Un des témoins précédents a parlé d’une convention de l’ONU; nous sommes également en violation d’un certain nombre de conventions des Nations Unies, et nous ne semblons pas trop pressés d’aller de l’avant sur ces points. Une d’entre elles est bien sûr la CEDAW (Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes), dans laquelle il est fait mention de l’absence de soutien à l’endroit des femmes autochtones — des femmes victimes de violence, qui n’ont pas accès à l’aide juridique, qui n’ont pas accès à des logements convenables.
    À mon avis, quant à choisir quelles conventions des Nations Unies nous allons appliquer, et si nous étions réellement sérieux et soucieux en ce qui concerne les droits de la personne, nous examinerions certaines de ces conventions, telle la Convention relative aux droits de l’enfant. On peut lire que les enfants autochtones sont les plus défavorisés au Canada. Lorsqu’on examine les chiffres, on constate que le Canada se classe au 78e rang, environ, de l’indice de bien-être des Nations Unies.
    Je partage donc l’avis que nous n’avons pas à choisir parmi les conventions des Nations Unies.
    Nous allons céder la parole au gouvernement. Monsieur Bruinooge.
    Merci, monsieur le président.
    Je dois revenir à une observation formulée par M. Russell. Si le Parti libéral veut se moquer de notre gouvernement parce qu’il s’occupe des difficultés qu’éprouvent les femmes des premières nations, libre à lui de le faire. Libre à vous de nous le reprocher quand bon vous semblera. Si vous voulez nous ridiculiser pour cela, allez-y.
    Maintenant que je me suis exprimé sur ce sujet… Madame Gabriel, permettez-moi de revenir à certains de vos commentaires.
    Comparativement à votre homologue du Québec, Ghislain Picard, qui est résolument contre le projet de loi C-44, qui est tout à fait contre cette abrogation et qui nous a même invités à tout simplement déchirer la proposition et à passer à une autre fonction gouvernementale, votre perspective est évidemment différente. Vous dites que nous devons effectivement aller de l’avant et abroger l’article.
    Vous demandez des modifications, ce qui fait partie de toute procédure parlementaire. Nous sommes réunis en comité ici aujourd’hui, et bien entendu les députés de l’opposition examinent des solutions qu’ils voudraient avancer, tandis que le gouvernement a hâte de concrétiser le projet de loi. Mais vous avez en fait recommandé que nous allions de l’avant.
    Pourquoi pensez-vous qu’il y a une différence entre votre perspective et celle des homologues masculins de votre province que nous avons rencontrés?
    Permettez-moi d’abord de vous corriger. J’ai dit que je favoriserais ou que j’appuierais l’abrogation de l’article 67, mais pas le projet de loi C-44, à cause de l’absence de consultation, à cause du manque d’études, et en fin de compte parce que votre ministre fait valoir les compétences exceptionnelles de la Commission canadienne des droits de la personne tout en faisant fi du rapport et des recommandations de cette commission. Je voulais juste clarifier ce point.
    Je suis pour l’abrogation de l’article 67, parce que si nous avons un Code criminel qui s’applique à nos communautés, pourquoi n’aurions-nous pas un code des droits de la personne?
    La différence entre la position du chef Picard et la mienne est qu’ils parlent eux de droits souverains. Ils parlent de ce que j’ai déjà mentionné — de codes d’appartenance, de biens immobiliers matrimoniaux, de questions sur lesquelles je sais que les chefs au Québec tiennent mordicus à conserver le pouvoir.
    Si nous n’avions pas tous les problèmes que connaissent nos communautés, je ne pourrais pas — je cherche le mot exact — accepter que certains de mes principes soient négociés, parce qu’en tant que femme d’une maison-longue et que porte-parole de ma communauté durant la crise d’Oka à l’époque où le gouvernement conservateur nous a réglé notre cas, je ne serais probablement pas d’accord. Mais si je regarde ce qui arrive aux enfants, ce qui arrive aux femmes, et comme je viens d’une communauté qui a assisté impuissante à l’incendie criminelle de la maison de mon cousin, et comme la Fédération internationale des droits de la personne critique le gouvernement conservateur pour les nombreux cas d’abus survenus dans ma communauté, par exemple il y a des hommes qui ont été arrêtés et brûlés à la cigarette alors que personne n’a pu réagir parce que la Loi canadienne sur les droits de la personne ne s’applique pas aux réserves, je dis oui, je vais compromettre certains de mes principes en tant que femme d’une maison-longue.

  (1330)  

    Vous laissez entendre, alors, que l’on devrait procéder à l’abrogation. Nous avons entamé un processus. Je sais que vous en connaissez pas mal sur le fonctionnement du système parlementaire. Nous avons en place un gouvernement minoritaire. Il semble que les chances de réussite sont minces chaque fois que l’on tente de faire adopter l’abrogation de l’article 67. Ces occasions sont très rares. On aurait intérêt à profiter du moment pour que cela se concrétise. C’est mon avis.
    Étant donné que nous avons un gouvernement minoritaire et que les chances sont si limitées, seriez-vous prête à dire qu’il vaudrait mieux remettre cela à plus tard parce que vous ne croyez pas dans le mécanisme du projet de loi C-44, qui est amendable? Préféreriez-vous remettre cela à une date indéfinie compte tenu de ce que je viens de dire au sujet des rares occasions ou des chances limitées pour l’avenir?
     Rappelez-vous, nous venons de sortir de 13 années de gouverne libérale, et les libéraux n’ont rien accompli sur ce front, quant au système comme tel. Il n’y a aucun doute à cela. C’est un fait, ce n’est pas une question d’opinion.
    Je suis tannée de voir les différents partis se renvoyer la balle au-dessus de nos têtes. Je refuse de jouer à ce jeu-là.
    Entendu. C’est ce que je voulais dire.
    Le point que je veux faire valoir est que si ce que vous dites, c’est que si cette loi n’est pas adoptée telle que le gouvernement conservateur l’a écrite, elle ne sera plus une priorité pour le gouvernement conservateur après cela... vous n’allez pas tenir compte des recommandations que tous nos groupes présentent. Nous voulons qu’il y ait consultation.
    Ce n’est pas ce que je dis.
    Certaines communautés sont obligées d’embaucher des consultants non autochtones pour les aider à s’occuper de leurs finances. À certains endroits, les taux de pauvreté sont si élevés que des enfants ne mangent pas à leur faim. Dans certaines communautés, le taux d’alcoolisme atteint 100 p. 100.
    Le système ne fonctionne plus.
    Comment allez-vous aider ces communautés si vous ne faites aucune consultation adéquate, si vous ne les aidez pas à acquérir des capacités et si vous ne fournissez pas les outils et les fonds nécessaires?
    Je suis d’accord avec vous que le système ne fonctionne plus.
    À mon avis, c’est la volonté du gouvernement qui manque. Il me semble que le gouvernement actuel ne va de l’avant que parce qu’il subit des pressions internationales, parce qu’on l’incite à changer en ce qui concerne la Charte canadienne des droits, qui devrait s’appliquer aux réserves.
    Si c’est bien ce que vous me dites, que vous n’accepterez aucun changement et aucune révision, alors vous dites...
    Je viens de dire que le processus est amendable.
    Excusez-moi. Dans la maison-longue, on se lève quand on prend la parole. Celui qui parle se lève et personne ne l’interrompt.
    Est-ce là le genre de gouvernement et le genre de personnes auxquels vous voulez nous assimiler, des gens qui s’interrompent à tout bout de champ? Beaucoup de nos aînés vous voient agir et disent, « Il n’est pas question que je fasse partie de ce système. » Rappelez-vous qu’il y a des gens qui ne veulent rien avoir à faire avec votre système de gouvernement ou de gouvernance.
    Vous avez ici deux personnes qui essayent de faciliter ce processus, et vous n’avez pas intérêt à nous casser le dos, parce que nous essayons de travailler avec votre gouvernement.
    Monsieur le président, si je peux me permettre un commentaire...
    Merci. Non, en fait, le temps est écoulé.
    Je vais céder la parole à M. Merasty.
    Merci, monsieur le président.
    Permettez-moi de dire tout d’abord que je suis très honoré d’entendre vos points de vue sur cette question et votre présentation ici aujourd’hui.
    Venant moi-même d’une communauté des premières nations, je vais peut-être finir par faire une déclaration plutôt que formuler une question. Les questions que j’ai entendues de la part du gouvernement aujourd’hui et durant les séances précédentes visaient à recueillir des exemples de violations des droits de la personne au niveau de la collectivité; on blâmait les dirigeants ou les collectivités pour ces violations. Je pense que ce ne sont pas les bonnes questions à poser. Oui, il est possible que des violations surviennent à ce niveau, mais la question est...

  (1335)  

    J’invoque le Règlement, monsieur le président.
    Pour clarifier les choses, j’aimerais juste signaler que M. Merasty, malgré qu’il soit un précieux membre du comité et qu’il possède de vastes connaissances sur le sujet, est un remplaçant ici et que sa présence au comité n’a pas été constante au cours du dernier mois.
    Je ne pense pas que cela soit suffisant pour invoquer le Règlement.
    J’ai lu les bleus et tout.
    La véritable question à se poser est pourquoi ces violations se produisent-elles? Pourquoi y a-t-il des inégalités dans nos communautés? Penchons-nous là-dessus.
    En ce qui concerne les violations des droits des personnes handicapées, il n’existe aucune disposition dans la Loi sur les Indiens ni politique des Affaires indiennes qui garantisse les services médicaux, physiques ou psychologiques dont ont besoin les personnes qui souffrent d’incapacité dans une réserve. Le seul moyen pour ces gens d’obtenir des services est de se faire appréhender, parce qu’ils ne peuvent pas obtenir de services à la réserve. Nous le savons aujourd’hui; je dirais donc, faisons quelque chose.
    Le logement est un autre exemple. La plupart des fonds dont dispose une réserve sont basés sur la population qui habite la réserve. Quand un membre de la bande qui vit hors réserve présente une demande de logement et qu’on la rejette, à qui revient la faute? Est-ce la faute de la bande ou du gouvernement?
    En ce qui regarde le projet de loi C-31, une jeune mère donne naissance à un enfant et n’identifie pas le père. Ce bébé perd son statut. À qui la faute? Faut-il blâmer le projet de loi C-31 ou la bande?
    Ce sont des questions de droits de la personne; c’est la réalité. Ce que je constate, c’est que le gouvernement se rend compte de ces lacunes, comme l’indique son étude sur les facteurs de coûts, selon laquelle le financement est nettement insuffisant et on n’apporte pas de solution. Ils essayent de rejeter le blâme sur les communautés des premières nations, ce qui équivaut, à mon avis, à un manque de respect et à un acte abusif en soi.
    Examinons ce cas particulier. Une plainte de violation des droits de la personne est déposée, mettons par une personne handicapée qui habite une réserve. La Commission des droits de la personne reçoit la plainte, l’évalue, détermine qu’elle est fondée, la renvoie à un tribunal, puis le tribunal l’examine. On tranche en faveur du plaignant, la personne handicapée, mais on apprend en même temps que la bande ne reçoit aucuns fonds à cet effet.
    Que se passe-t-il? Le tribunal rend une décision exécutoire par le MAINC. Le ministre va-t-il agir immédiatement? Je ne le sais pas. J’oserais espérer que oui, mais l’expérience du passé ne laisse pas supposer que ce serait le cas.
    La bande aura donc dépensé entre 40 000 et 50 000 $ pour ses audiences et autres rencontres avec le tribunal. Entre-temps, aucun service n’est offert à la personne qui est dans le besoin. Cela crée de l’animosité. Personne en particulier n’est trouvé en défaut, sauf une disposition législative. Il est possible que le plaignant, la personne handicapée, avance elle-même des fonds pour lancer cette plainte et pour essayer de la mener jusqu’au bout.
    Qu’avons-nous accompli?
    Oui, je suis pour l’abrogation de l’article 67. Je pense qu’il faudrait trouver un équilibre entre les droits de la personne et les droits collectifs. Cela devrait être inscrit dans la charte, comme l’a déjà indiqué le président, en tant qu’article d’interprétation, comme tout le reste dont nous avons parlé.
    En fin de compte, nous avons un gouvernement qui refuse de corriger une situation que nous savons aujourd’hui injuste — à preuve les exemples que j’ai mentionnés — et qui vise plutôt une mesure qui ne corrigera peut-être même pas la situation, c’est-à-dire le projet de loi C-31, comme je l’ai déjà indiqué. Je pense qu’il s’agit d’un abus de processus, et c’est ce que j’en pense.
    Ma question, s’il en faut une, serait la suivante: Pensez-vous que ce gouvernement fait montre d’abus en ne réglant pas les problèmes auxquels nous faisons face aujourd’hui?
    Je m’excuse, mais je dois malheureusement vous interrompre parce que je suis le président. Je dois m’assurer que chacun ait une chance égale, et vous n’aurez pas le temps de répondre à cela, donc je passe aux représentants du gouvernement.
    Monsieur Blaney, s’il vous plaît.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci, madame Jacobs, de venir nous rencontrer de nouveau. Merci, madame Gabriel, que j'ai eu l'occasion de rencontrer dans le cadre du Forum socioéconomique des Premières Nations à Mashteuiatsh.
    Des rencontres subséquentes sont prévues au cours des prochains mois. On a soulevé des enjeux importants auxquels nos témoins ont fait référence, notamment pour les premières nations du Québec, entre autres tout le problème de la crise du logement, qui est très importante, criante.
    Je pense que ces problèmes ne nous empêchent pas, quand même, de faire des pas dans d'autres domaines, tel celui qui nous occupe aujourd'hui. Bien sûr, cette façon de procéder n'est pas parfaite, mais on dit parfois que la seule façon de manger un éléphant, c'est de prendre une petite bouchée à la fois. Alors, je pense que ce projet de loi est une petite bouchée en vue de faire en sorte que les premières nations puissent vivre dans une société où elles possèdent des droits égaux.
    Vous êtes engagées dans la promotion des droits des femmes dans les communautés. Alors, si on en venait à abroger le fameux article 67, de quelle façon cela pourrait-il améliorer les conditions de vie des femmes autochtones par rapport à leurs conditions passées?

  (1340)  

[Traduction]

    Je ne sais pas si cela va changer quelque chose, en fait.
    Je serais d’accord avec les propos de Gary Merasty — et cela correspond à ce que j’ai fait valoir dans mon exposé — en ce sens que même si vous changez le texte de la loi noir sur blanc, cela ne veut pas nécessairement dire qu’on verra des changements réels dans la vie de tous les jours.
    Et même lorsqu’il est question d’accès à la justice, vous changez et annulez un article de loi qui permettra à des personnes qui ne pouvaient pas s’en servir auparavant de l’invoquer. Vous avez en place depuis longtemps un système de justice qui a trahi les Autochtones. Cela ne veut pas nécessairement dire que le processus va accorder à des femmes sans moyens financiers les ressources pour porter une question à l’attention de la Commission canadienne des droits de la personne. Le problème de pauvreté demeure; il reste à voir si les femmes pourront utiliser un système sans qu’on leur accorde les ressources nécessaires, parce qu’il faut en tenir compte de cela.
    Je pense qu’un élément de ce dont nous parlons quand il est question de la mise en œuvre est qu’il faut examiner les ressources dont une collectivité a besoin pour surmonter ces problèmes, parce que ce n’est pas le seul qui va se présenter. Nous avons les biens immobiliers matrimoniaux, nous avons le logement, nous avons les effets du projet de loi C-31, et nous avons appris notre leçon suite au projet de loi C-31. Cela fait partie du processus, les répercussions du projet de loi C-31, le fait que des ressources devaient revenir aux collectivités avec l’arrivée massive de populations des premières nations, et que cela ne s’est pas produit. Il s’est donc créé une division dans la communauté entre les personnes qui ont recouvré leur statut et les personnes qui avaient habité la collectivité toute leur vie. Et ce sont les femmes qui ont souffert, parce que ce sont elles qui avaient besoin de revenir à la communauté et que c’est à elles que l’on a collé l’étiquette « Bill C-31 », alors que le projet de loi C-31 touche tout le monde; chacun de nous qui détient le statut est visé par le projet de loi C-31.
    Voilà ce que je pense. Nous avons appris ces leçons-là. Nous devons réellement être conscients du fait que nous parlons d’acquérir des capacités, nous parlons de ressources, nous parlons d’éléments qui sont nécessaires pour que cela soit efficace.

[Français]

    En tout cas, je peux vous assurer que ces éléments ont été présentés par différents témoins qui ont parlé de mesures afin de permettre d'implanter ce projet de loi dans les communautés.
    Madame Gabriel, avez-vous quelque chose à ajouter?

[Traduction]

    En fait, vous avez 30 secondes. Ce n’est pas vraiment juste pour vous, malheureusement, monsieur Blaney.
    Le Bloc a-t-il autre chose à soulever? Monsieur Lévesque, s’il vous plaît.

[Français]

    Je suis un peu nerveux. Après la réponse que Mme Gabriel a donnée tout à l'heure, mon collègue m'a demandé si j'avais d'autres questions à poser.
    Au départ, lorsque j'ai fait une déclaration au sujet du projet de loi C-44 avant même de prendre connaissance des déclarations des Femmes autochtones du Québec, de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, de l'Association des femmes autochtones du Canada et des premières nations du Canada, j'ai remarqué qu'on présentait un projet de loi blanc. Ce n'est pas que je reconnaisse une couleur différente aux Autochtones, c'est une manière un peu discriminatoire de différencier les Autochtones du reste de la population canadienne. Disons que ce projet de loi est une proposition non autochtone qui ne prend pas en considération les cultures et la situation de vie des premières nations. C'est ce qui m'a frappé au départ.
    Aujourd'hui ce qui me frappe, c'est la déclaration de Mme Jacobs en ce qui concerne le plan de mise en oeuvre. Je ne sais pas si, dans celui qu'elle propose, il y aurait une sorte de protocole à chaque étape de la discussion avec le gouvernement. Le plan ne se mettrait en oeuvre que s'il y avait accord quant au mécanisme de mise en oeuvre. Je ne sais pas si cela peut se faire ainsi. Si c'était le cas, madame Jacobs, j'aimerais que vous décriviez un peu le plan que vous envisagez.
    Madame Gabriel, avant de laisser Mme Jacobs répondre, je vous demande ce qui suit. Seriez-vous d'accord sur un tel plan, avec le délai de mise en oeuvre du projet de loi C-44 que propose Mme Jacobs? Cela correspondrait-il à votre vision?

  (1345)  

    Je suis d'accord avec Mme Jacobs sur le plan, mais il y a plus que cela. Je pense que nous devons rechercher une constitution ou un droit humain autochtone qui inclue notre culture et les valeurs des peuples autochtones, sans oublier l'accès à notre territoire et aux ressources.

[Traduction]

    Mon rêve est que nous en arrivions à un processus qui soit dans l’intérêt de tous, parce c’est là l’essence de notre culture. Nous avons dans notre communauté un mécanisme appelé la Grande loi, et les principes de la Grande loi servent de fondement à tout. Si nous respections tous ces principes comme il se devrait, nous n’aurions aucune violation des droits de la personne dans notre collectivité. Nous ne ferions que suivre nos valeurs traditionnelles et nos croyances en notre culture et notre tradition.
    Mais il y a eu des conséquences à l’inaction du gouvernement, qu’il soit conservateur, libéral, ou peu importe le parti au pouvoir. Je parle d’un gouvernement qui n’a jamais pris en considération aucun de nos systèmes de justice traditionnels pour les laisser s’épanouir.
    Laissez-nous nous épanouir; laissez-nous être ce que nous sommes censés être. C’est ce que nous demandons. C’est à cela que je rêve. Ces fondements et des politiques génocidaires ont eu un impact sur les valeurs traditionnelles de nos communautés.
    Je veux remercier les témoins de leur patience au début de la séance et de leur présence ici.
    [La séance se poursuit à huis clos.]