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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 22 novembre 2005




Á 1105
V         Le président (M. John Maloney (Welland, Lib.))
V         Rév. Don Schiemann (à titre personnel)

Á 1110

Á 1115
V         Le président
V         M. Stephen Zaccor (représentant, Spécialiste de la Floride "10-20 life program")

Á 1120

Á 1125
V         Le président
V         Mme Tamra Thomson (directrice, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien)
V         M. Adrian Brooks (membre associé, Section nationale du droit pénal, Association du Barreau canadien)

Á 1130
V         Le président
V         M. Rob Merrifield (Yellowhead, PCC)

Á 1135
V         M. Stephen Zaccor
V         M. Rob Merrifield
V         M. Adrian Brooks
V         M. Rob Merrifield
V         Rév. Don Schiemann

Á 1140
V         M. Rob Merrifield
V         Le président
V         M. Rob Merrifield
V         Le président
V         M. Marc Lemay (Abitibi—Témiscamingue, BQ)

Á 1145
V         Rév. Don Schiemann
V         Le président
V         M. Stephen Zaccor
V         Le président
V         M. Adrian Brooks

Á 1150
V         Le président
V         M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD)
V         M. Adrian Brooks
V         M. Joe Comartin
V         M. Adrian Brooks
V         M. Joe Comartin
V         M. Adrian Brooks
V         M. Joe Comartin
V         M. Adrian Brooks
V         M. Joe Comartin
V         M. Adrian Brooks
V         M. Joe Comartin
V         M. Stephen Zaccor

Á 1155
V         M. Joe Comartin
V         M. Stephen Zaccor
V         M. Joe Comartin
V         M. Stephen Zaccor
V         M. Joe Comartin
V         M. Stephen Zaccor
V         M. Joe Comartin
V         M. Stephen Zaccor
V         M. Joe Comartin
V         Rév. Don Schiemann

 1200
V         Le président
V         M. Joe Comartin
V         M. Stephen Zaccor
V         M. Joe Comartin
V         M. Stephen Zaccor
V         M. Joe Comartin
V         Le président
V         L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.)
V         Rév. Don Schiemann
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         M. Stephen Zaccor
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         M. Stephen Zaccor

 1205
V         Le président
V         M. Adrian Brooks
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         M. Stephen Zaccor
V         Le président
V         M. Mark Warawa (Langley, PCC)

 1210
V         M. Stephen Zaccor
V         M. Mark Warawa
V         M. Adrian Brooks

 1215
V         M. Mark Warawa
V         M. Adrian Brooks
V         Le président
V         M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ)
V         M. Stephen Zaccor
V         M. Richard Marceau
V         M. Stephen Zaccor
V         M. Richard Marceau

 1220
V         M. Adrian Brooks
V         M. Richard Marceau
V         M. Stephen Zaccor
V         M. Richard Marceau
V         Le président
V         L'hon. Judy Sgro (York-Ouest, Lib.)
V         M. Stephen Zaccor

 1225
V         L'hon. Judy Sgro
V         M. Stephen Zaccor
V         L'hon. Judy Sgro
V         M. Stephen Zaccor
V         L'hon. Judy Sgro
V         M. Adrian Brooks
V         L'hon. Judy Sgro

 1230
V         M. Adrian Brooks
V         Le président
V         M. Myron Thompson (Wild Rose, PCC)
V         M. Stephen Zaccor
V         M. Myron Thompson
V         M. Stephen Zaccor
V         M. Myron Thompson
V         M. Stephen Zaccor
V         M. Myron Thompson

 1235
V         M. Adrian Brooks
V         M. Myron Thompson
V         M. Adrian Brooks
V         M. Myron Thompson
V         Le président
V         M. Adrian Brooks
V         Le président
V         M. Borys Wrzesnewskyj (Etobicoke-Centre, Lib.)

 1240

 1245
V         M. Adrian Brooks
V         Le président
V         M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, PCC)
V         Rév. Don Schiemann

 1250
V         M. Garry Breitkreuz
V         M. Stephen Zaccor
V         M. Garry Breitkreuz
V         M. Stephen Zaccor
V         Le président
V         M. Joe Comartin
V         M. Adrian Brooks

 1255
V         Le président
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         Le président
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         Le président
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         Le président
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         Le président
V         L'hon. Judy Sgro
V         Le président
V         L'hon. Judy Sgro
V         Le président
V         M. Joe Comartin
V         Le président
V         M. Daryl Kramp (Prince Edward—Hastings, PCC)
V         Le président
V         M. Richard Marceau
V         Le président
V         M. Joe Comartin

· 1300
V         Le président
V         L'hon. Judy Sgro
V         Le président
V         M. Mark Warawa
V         Le président
V         M. Joe Comartin
V         Le président
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         Le président
V         M. Garry Breitkreuz
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         Le président
V         M. Garry Breitkreuz
V         M. Mark Warawa
V         Le président
V         M. Mark Warawa
V         Le président
V         M. Richard Marceau
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile


NUMÉRO 061 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 22 novembre 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

Á  +(1105)  

[Traduction]

+

    Le président (M. John Maloney (Welland, Lib.)): Je déclare ouverte la 61e séance du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile.

    Nous accueillons ce matin M. Don Schiemann, qui témoignera à titre personnel; ensuite, M. Steven Zaccor, expert du programme 10-20-Life de la Floride; et, enfin, M. Adrian Brooks et Tamra Thomson, de l'Association du Barreau canadien.

    En général, nous avons l'habitude d'accorder tout au plus 10 minutes à nos témoins, et de passer ensuite à la période de questions et réponses -- une chose est certaine, il y aura des questions -- , et nous espérons bien obtenir de bonnes réponses de votre part.

    Monsieur Schiemann, voulez-vous commencer, s'il vous plaît?

+-

    Rév. Don Schiemann (à titre personnel): Certainement.

    Je tiens à remercier le comité de la justice de m'avoir invité à parler du projet de loi C-215. Je ne suis ni avocat, ni politicien, ni policier, mais je crois certainement avoir quelque chose à offrir dans le cadre de la discussion sur les peines minimales obligatoires.

    J'ai trois enfants. L'un d'eux, Peter Schiemann, a exercé les fonctions de gendarme au sein de la Gendarmerie royale du Canada. Il avait presque terminé sa cinquième année de service quand, le 3 mars, avec trois autres agents de police, il a été assassiné par James Roszko. Roszko avait en sa possession une arme de poing de 9 mm, une carabine à canon long, et un fusil d'assaut semi-automatique de Heckler and Koch -- une .308 -- , qu'il a utilisé promptement et méthodiquement pour tuer les agents. Presque neuf mois se sont écoulés depuis ce jour fatidique.

    Depuis ce jour, les familles de quatre agents se sont réunies à plusieurs reprises. Initialement, c'était pour assister aux services commémoratifs, mais, à compter du mois d'août, il s'agissait de rencontres plus délibérées: Nous cherchions à comprendre ce qui s'était passé. Nous ne pourrions jamais mener une enquête pour obtenir des réponses, mais nous avons essayé de cerner les facteurs systémiques qui ont mené aux événements du 3 mars. Nous avons consulté un certain nombre de sources, dont les médias, des politiciens, des policiers, des agents de correction et des avocats, et cela nous a permis de comprendre un certain nombre de choses.

    D'abord et avant tout, James Roszko ne souffrait pas d'aliénation mentale. Il n'était pas en proie à un épisode psychotique ce jour-là. Non, cet homme était le mal incarné.

    Oui, je suis conscient du fait que, de nos jours, on ne dit plus qu'une personne est « le mal incarné ». On pourrait avancer, je suppose, que James Roszko était le produit de son environnement, de l'hérédité, de la façon dont il a été élevé, de sa situation, ou d'une combinaison de ces choses. Mais, en réalité, Roszko avait plusieurs frères et soeurs, et chacun est issu du même milieu, mais aucun d'entre eux n'a opté pour la vie de criminalité choisie par James Roszko.

    Sur le plan théologique, je crois à la notion de mal. Dans ma vie personnelle, le mal a envahi ma famille et mon existence, sous la forme de James Roszko et de ses actes. Je sais que je ne suis pas ici pour vous parler de théologie, mais il y a un point très important que j'aimerais soulever plus tard, dans le cadre de mon exposé, à ce sujet, au sujet de James Roszko et d'autres personnes comme lui.

    Deuxièmement, quand le ministère albertain de la Justice a diffusé les résultats de son examen des antécédents judiciaires de James Roszko, il n'était que trop évident pour nous que l'appareil judiciaire avait omis de faire ce que les Canadiens attendaient, à raison, de lui.

    Je pourrais passer beaucoup de temps à fournir des détails du passé criminel de Roszko, mais je passerai plutôt à l'essentiel: à la lumière de ce que nous avons appris, nos quatre familles ont décidé d'exercer des pressions à l'égard des aspects suivants: premièrement, l'adoption d'une stratégie nationale antidrogue efficace; deuxièmement, l'établissement de peines minimales obligatoires lié à la fabrication et au commerce de drogues mentionné dans l'annexe I et du cannabis --- mentionné à l'annexe II -- de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances; Troisièmement, le cas d'agressions sexuelles sur un mineur; quatrièmement, le cas d'une tentative de blesser ou de tuer un agent des forces de l'ordre ou des intervenants d'urgence; cinquièmement, l'importation illicite d'une arme à autorisation restreinte ou d'une arme interdite au Canada, ou la possession d'une arme interdite ou à autorisation restreinte; et, sixièmement, l'utilisation d'une arme à feu au moment de la perpétration d'une infraction.

    Je tiens à signaler que nos familles ne considèrent d'aucune façon cette liste comme une liste exhaustive des crimes à l'égard desquels on devrait prévoir des peines obligatoires ou consécutives. Les éléments que nous avons retenus sont directement liés aux circonstances qui ont mené aux événements du 3 mars, et aux événements survenus ce jour-là.

    En ce qui concerne les peines minimales obligatoires, la question qui se pose, selon moi, est la suivante: est-ce qu'elles fonctionnent? L'argument invoqué le plus souvent, c'est qu'elles n'ont pas d'effet dissuasif sur le criminel, qu'elles ne l'empêchent pas de commettre le crime. Le gouvernement fédéral a récemment suggéré d'augmenter la peine maximale dans un certain nombre de domaines. Le projet de loi C-17, par exemple, prévoit des peines maximales de 10 ans et, dans certains cas, de 14 ans, à l'égard de la récolte de la marijuana, alors que la peine maximale antérieure n'était que sept ans.

    J'ai eu l'occasion de demander à la sous-ministre adjointe en quoi cette mesure serait utile, car personne n'a jamais été condamné à la peine maximale de sept ans. Elle a parlé du principe de l'exemplarité de la peine. Apparemment, si on dit que le fait de commettre un acte donné est mal, si mal que nous allons vous punir très sévèrement -- même si nous ne le ferons pas vraiment -- alors, vous ne commettrez pas cet acte. Alors, la question qu'il faut se poser, c'est si l'exemplarité de la peine a un effet de dissuasion.

Á  +-(1110)  

    Je me souviens de l'époque, au début des années 80, où nous nous rendions de l'Alberta jusqu'en Ontario dans notre Ford Topaz avec trois enfants âgés de moins de 11 ans sur la banquette arrière. Lorsqu'ils commençaient à nous déranger -- c'est-à-dire, en général, après les 10 premiers kilomètres -- , je leur disais qu'ils avaient affaire à bien se tenir s'ils ne voulaient pas que je les abandonne au bord de la route.

    Vers la fin août, cette année, j'étais à l'aéroport international Pearson, j'attendais mon vol pour Edmonton. Deux parents exaspérés tentaient de maîtriser leur fils turbulent. Au moment où les passagers s'apprêtaient à monter à bord de l'avion, la mère a dit à son fils que s'il n'était pas sage, on le laisserait là.

    Inutile de vous dire que, dans les deux cas, les enfants savaient bien que maman et papa n'allaient jamais mettre leur menace à exécution, et ont continué de mal se comporter.

    Le principe de l'exemplarité de la peine est analogue à ces exemples médiocres d'autorité parentale. Cela ne fonctionnera pas s'il n'y a pas possibilité de sanctions réelles.

    Dans l'étude Marihuana Growing Operations In British Columbia Revisited, publiée en mars 2005, les auteurs font remarquer ce qui suit:

En ce qui concerne la détermination de la peine, il est intéressant de voir le sort qui serait réservé aux personnes reconnues coupables d'avoir cultivé de la marijuana en Colombie-Britannique si leur peine avait été déterminée dans l'État de Washington, où des lignes directrices relatives à la détermination des peines sont en place. En vertu des lignes directrices de l'État de Washington relatives à la détermination de la peine, 49 p. 100 des suspects reconnus coupables de production de marijuana en Colombie-Britannique auraient été condamnés à au moins cinq ans d'emprisonnement (voir le Tableau 6.10). En Colombie-Britannique, personne n'a été condamné à cinq ans ou plus d'emprisonnement. De plus, en vertu des lignes directrices, 77 p. 100 des suspects auraient purgé une peine d'emprisonnement d'au moins trois mois. En Colombie-Britannique, seulement 7 p. 100 des peines d'emprisonnement étaient d'une durée de trois mois ou plus. Puisqu'il n'y a pratiquement pas d'installations de culture de la marijuana dans l'État de Washington, et puisqu'on trouve chaque année des milliers d'installations de ce genre en Colombie-Britannique, on ne peut que se demander si la Colombie-Britannique ne pourrait pas lutter plus efficacement contre la multiplication des installations de culture en prévoyant des sanctions plus lourdes pour les personnes reconnues coupables d'avoir participé à la culture de la marijuana. En dernière analyse, les conséquences d'une participation à la culture de la marijuana en Colombie-Britannique, même lorsqu'une personne se voit attribuer une peine d'emprisonnement, sont probablement insuffisantes pour réduire ou prévenir la participation à la culture de la marijuana.

    Un certain nombre de politiciens ont dit que les peines minimales obligatoires ne fonctionnent pas. De fait, le Code criminel du Canada prévoit déjà des peines consécutives et obligatoires en ce qui concerne la perpétration d'un crime au moyen d'une arme à feu. Ainsi, on suppose déjà un besoin et une efficacité en droit.

    Le projet de loi C-215 prévoit une augmentation des peines minimales obligatoires. Il fait état du besoin d'imposer des peines non négociables importantes lorsqu'il s'agit d'un crime si grave que la vie des Canadiens est en jeu.

    Deuxièmement, les peines minimales obligatoires à l'égard d'infractions graves ne fonctionnent que dans la mesure où elles permettent de veiller à ce que les auteurs de crimes graves ne soient pas en liberté. Il vient un temps où il faut séparer le délinquant de la société, en vue de maintenir l'ordre et la paix. Il existe une désignation de délinquant dangereux, mais les critères sont si restreints que, bien souvent, les gens comme James Roszko y échappent.

    Au début de mon exposé, j'ai tenté de décrire Roszko et son comportement. Quelques semaines après l'assassinat de Peter, au moment de nettoyer son bureau à la maison, nous avons trouvé une liste, écrite à la main par Peter, ayant pour titre « criminels dangereux connus dans la région de Mayerthorpe ». Il y avait de 12 à 15 noms sur cette liste, dont celui de James Roszko.

    Depuis, d'autres agents de police m'ont dit que chaque détachement possédait une liste comme celle-là, qu'il y ait deux ou 20 noms sur la liste. Multipliez cela par le nombre de détachements ruraux et de forces policières municipales au Canada, et cela vous donnera une idée des milliers de personnes comme James Roszko qui échappent de justesse à la désignation de délinquant dangereux, mais qui ont prouvé qu'elles sont effectivement capables de commettre des crimes horribles.

    Le projet de loi C-215 jouera un rôle essentiel pour ce qui est de prévoir le genre de peine qui s'impose à l'égard de l'un des crimes les plus graves, et il réduira le risque posé par des criminels comme James Roszko. L'incarcération sera un outil précieux pour protéger la société, et offrira de bien meilleures perspectives au chapitre de la réadaptation, lorsque cela est possible.

    Enfin, les peines minimales obligatoires réduisent effectivement le pouvoir discrétionnaire des instances judiciaires au moment de la détermination de la peine. Les juges jouissent du pouvoir discrétionnaire nécessaire pour prendre de sages décisions, à la lumière des peines minimales et maximales, mais la capacité des juges de prendre des décisions mal avisées est également limitée, comme dans le cas de la peine imposée à James Roszko au moment de sa deuxième condamnation pour agression sexuelle.

    Permettez-moi de digresser un instant. En 1994, Roszko a été reconnu coupable d'agression sexuelle sur un garçon de 10 ans, chose qui s'est produite sur une période de six ans, à raison d'une fois par semaine en moyenne. Il a été condamné à cinq ans. Sachez que cette condamnation était considérée comme si grave qu'on lui a automatiquement interdit de posséder des armes à feu et on l'a considéré comme un délinquant dangereux potentiel. Il a interjeté appel, on a déclaré le procès nul, et on a repris le procès, avec les mêmes chefs d'accusation.

    En avril 2000, il a été de nouveau reconnu coupable des mêmes accusations. Cette fois, le juge a déterminé que le petit garçon n'allait pas souffrir de séquelles à long terme, et, à la lumière de ce constat, il a condamné Roszko à trois ans moins le double de la période passée en détention provisoire, de sorte qu'il n'a passé que deux ans et demi en prison.

Á  +-(1115)  

    Je crois qu'en raison de décisions comme celle-là, l'appareil judiciaire connaît actuellement une perte de crédibilité aux yeux du public.

    Passons maintenant à des éléments particuliers du projet de loi C-215, en ce qui concerne l'utilisation d'une arme à feu au moment de la perpétration d'un crime. Lorsqu'un criminel utilise une arme à feu au moment de la perpétration d'une infraction, le danger s'accroît de façon exponentielle. On suppose que le criminel compte utiliser l'arme à feu, s'il le faut, pour réussir son coup. Il peut avoir tout simplement l'intention de brandir l'arme à feu et de menacer et d'intimider la victime, mais rien ne nous garantit que le criminel ne va pas passer à l'étape suivante et faire feu sur une personne pour la blesser ou la tuer.

    La décision de passer du simple vol qualifié au vol à main armée rend tout à coup le crime grave, et le criminel, dangereux. Si nous voulons que la détermination de la peine soit proportionnelle à la gravité du crime, nous devons accorder de l'importance aux peines minimales obligatoires -- 5, 10, 15 ans.

    J'appuie personnellement le projet de loi C-215, même si je reconnais qu'il ne s'agit que d'un seul morceau du casse-tête. Il y a un très grand nombre d'autres domaines liés aux crimes graves à l'égard desquels il faut prévoir des peines d'emprisonnement minimales obligatoires lourdes, pour les raisons énoncées plus haut. Ce projet de loi constitue un bon début, mais ce n'est qu'un début.

    En tant que père qui a vu son fils travailler pour un appareil judiciaire brisé, en tant qu'ami d'un grand nombre de policiers qui reconnaissent que notre système est brisé et qu'ils doivent quotidiennement composer avec un sentiment de frustration, voire, à l'occasion, de désespoir, en tant que père qui connaît la douleur de perdre un fils parce que notre système ne fonctionne pas, je dis que le changement doit commencer ici et maintenant.

    Winston Churchill a dit que l'inaction de bonnes gens est tout ce qu'il faut pour que le mal l'emporte. Si rien ne change, si nous faisons l'autruche en nous contentant de mener les études et si nous continuons de nous cacher derrière l'opportunisme politique, alors soyez assuré que les événements du 3 mars se répéteront, et que, si aucun changement n'est apporté et que l'horreur du 3 mars survient de nouveau, le sang de ces hommes et femmes sera sur vos mains.

    Merci.

+-

    Le président: Monsieur Zaccor, s'il vous plaît.

+-

    M. Stephen Zaccor (représentant, Spécialiste de la Floride "10-20 life program"): Bonjour.

    Laissez-moi commencer par vous dire que je me sens privilégié de pouvoir comparaître devant votre comité et vous faire part de mon expérience du programme 10-20 Life de l'État de la Floride, plus particulièrement le succès connu par ce programme.

    Premièrement, j'aimerais vous expliquer en détail la loi relative à 10-20-Life promulguée par l'État de la Floride, et je vous présenterai ensuite les points saillants des réalisations de cette loi.

    Dans l'État de la Floride, la loi du 10-20 Life prévoit que si vous utilisez une arme à feu au moment de commettre un crime avec violence, la peine minimale d'emprisonnement est de 10 ans. Si vous déchargez cette arme à feu au moment de commettre ce crime, la peine minimale est de 20 ans dans une prison d'État de la Floride. Si vous faites feu et blessez une personne au moment de commettre ce crime, il y a une peine minimale obligatoire pouvant aller de 25 ans jusqu'à l'emprisonnement à perpétuité. Et croyez-moi: le terme « peine minimale obligatoire » est interprété à la lettre. Le délinquant condamné sous un tel régime purgera la totalité de sa peine -- aucune libération conditionnelle, aucun retranchement du temps déjà purgé.

    L'un des aspects clés de la loi tient au fait qu'elle punit les délinquants qui possèdent une arme. Par exemple, si deux personnes entrent dans un dépanneur et commettent un vol, et que la personne A brandit une arme à feu pendant que la personne B prend l'argent du caissier, les deux seraient accusés de vol à main armée -- le délinquant qui tient l'arme à feu serait accusé d'avoir utilisé une arme à feu, et l'autre serait accusé par principe. Mais seul l'accusé qui a utilisé l'arme à feu serait visé par les peines minimales obligatoires. Le délinquant qui a pris l'argent ou qui conduisait le véhicule d'évasion et qui n'a jamais utilisé une arme à feu ne serait pas visé par la loi du 10-20 Life.

    Les juges n'ont aucun pouvoir discrétionnaire à cet égard. Si une personne est accusée de l'une de ces infractions, et qu'un jury déclare cette personne coupable et conclut spécifiquement qu'elle a possédé ou déchargé une arme à feu ou blessé quelqu'un, alors le juge n'a d'autre choix que d'imposer la peine minimale obligatoire. Mais il y a une exception mineure. Si le délinquant commet le crime avant son 21e anniversaire, la Floride est dotée d'une disposition relative aux jeunes contrevenants qui permettrait au juge d'exclure l'accusé de l'application de la loi du 10-20 Life et de lui imposer les sanctions prévues pour les jeunes contrevenants, lesquelles sont, comme vous pourriez l'imaginer, beaucoup moins sévères.

    Je devrais peut-être revenir en arrière et vous dire que je suis procureur dans l'État de la Floride depuis environ huit ans. Les huit derniers mois de ma carrière ont été consacrés à poursuivre des personnes légalement définies comme des criminels de carrière dans l'État de la Floride. Avant cette affectation, j'étais l'un des deux membres fondateurs du programme 10-20-Life. Mon territoire correspond essentiellement à Fort Lauderdale, en Floride, et, puisque vous êtes nos voisins du Nord, je sais que vous connaissez tous cet endroit, surtout l'hiver.

    D'ailleurs, j'ajouterais qu'il fait plutôt froid aujourd'hui.

    Nous avons fondé cette unité en vue de prêter une attention toute particulière à ces crimes, car, sans exception, les plus dangereux sur mon territoire sont ceux qui choisissent d'utiliser des armes à feu. Ils constituent un problème de taille sur notre territoire, et la loi du 10-20-Life contribue énormément à mettre un frein à cette violence.

    Je vais vous parler de certaines réalisations du programme 10-20-Life. Tout d'abord, nous prévoyons maintenant une sanction qui reflète la lourdeur du crime commis. Comme je l'ai dit, ce sont nos délinquants les plus violents. Un innocent civil qui se fait pointer le canon d'une arme de calibre 45 au bout du nez est changé pour toujours, pas juste pour 10 ans. Je n'ai pas besoin de vous expliquer en détail ce que l'on ressent lorsqu'on est victime d'une arme à feu, ou comment la famille de M. Schiemann a souffert, lorsqu'une personne est tuée.

    L'un des autres avantages de la loi du 10-20-Life, c'est qu'elle limite le pouvoir discrétionnaire des instances judiciaires. Nous étions confrontés à un problème, en Floride: les juges, pour une raison ou pour une autre, imposaient des peines clémentes à l'égard de crimes violents comme ceux-là; grâce à 10-20 Life, c'est chose du passé. La principale conséquence de la restriction de ce pouvoir judiciaire discrétionnaire, c'est l'uniformisation des peines. Par exemple, si une personne à Fort Lauderdale commet un vol à main armée, et qu'une personne à Miami commet exactement le même crime, dans des circonstances similaires, sous le régime de l'ancienne loi, le délinquant à Miami serait peut-être mis en probation pour cinq ans, alors que celui de Fort Lauderdale pourrait être condamné à 15 ans d'emprisonnement. Ce n'est pas juste, et ce n'est pas uniforme. Maintenant, il y a un plancher, il y a une sanction minimale prévue spécifiquement pour le vol à main armée -- 10 ans, comme je l'ai expliqué plus tôt.

    Je peux vous parler de mon expérience professionnelle à titre de procureur, de mes rapports avec les témoins, avec des familles comme celle de M. Schiemann. Grâce à cette loi, l'appareil judiciaire leur inspire confiance, il leur donne l'impression que justice a été faite, et il les aide ensuite à se tenir debout et à jouer un rôle au sein d'un système très frustrant.

Á  +-(1120)  

    Fait tout aussi important, cela incite les témoins à sortir de l'ombre. Quand le témoin est un caissier de magasin victime de vol, et qu'il sait que le délinquant est une personne qu'il a déjà vue et qui vit dans son quartier, il a peur de s'acquitter de son devoir de citoyen et de se présenter comme témoin s'il n'y a aucune chance que la personne qui a violé ses droits soit enfermée. Cela procure aux témoins un sentiment de sécurité; il est plus facile pour eux de sortir de l'ombre, car ils n'ont pas tant à se préoccuper des répercussions, lorsque cette personne sort de prison après six mois ou un an, et cherche à se venger.

    D'après ce que je comprends de l'objet de votre analyse, l'une des grandes questions concerne la dissuasion. La loi du 10-20-Life a, selon moi, un effet dissuasif, mais l'une des principales raisons de son effet dissuasif concerne la tenue d'une campagne de sensibilisation du public. Il y a des annonces. Si vous êtes allé dans l'État de la Floride, vous les avez probablement vues sur la I-95 ou sur le Florida turnpike: de grands panneaux publicitaires où on peut lire: « 10-20-Life ». Nous utilisons une formule accrocheuse: « Use a gun and you're done », essentiellement, « Arme utilisée, prison assurée! » Tous les dépanneurs ont cette affiche à l'entrée: « 10-20-Life -- Use a gun and you're done. »

    Ce n'est pas une panacée. Cela ne règle pas tous les problèmes, mais il est crucial de diffuser l'information. Une autre mesure qui s'est révélée très efficace à certains endroits consiste à aviser les délinquants qui s'apprêtent à sortir de prison, après avoir purgé une peine liée à une infraction en matière de drogue ou autre chose, que s'ils commettent un autre délit et utilisent une arme à feu, la loi du 10-20-Life entre en jeu. Ils ne vont pas purger un an ou deux: on leur imposera une peine en vertu de la loi du 10-20-Life.

    Le taux de criminalité dans l'État de la Floride connaît une baisse intéressante depuis plusieurs années, et je ne veux d'aucune façon imputer cette baisse à 10-20-Life, mais les chiffres sont époustouflants. À compter de 1996, environ, l'État de la Floride a mis en oeuvre plusieurs mesures sévères de lutte contre le crime, et 10-20-Life est probablement celle qui a été le plus médiatisée, ou qui jouit de la plus grande notoriété. Il y a aussi notre règle des 85 p. cent, selon laquelle les délinquants reconnus coupables en vertu d'autres lois que 10-20-Life purgeront 85 p. 100 de leur peine, et n'obtiendront pas la libération conditionnelle.

    Mais au cours de la période de six ans... Ces chiffres proviennent du service correctionnel de la Floride, organisme d'État responsable de l'ensemble de nos prisons. Il exerce un contrôle, non seulement sur les délinquants surveillés, mais également sur ceux qui sont incarcérés. Il a déposé un rapport en août 2005. Depuis l'entrée en vigueur de 10-20-Life, les crimes violents ont baissé de 30 p. 100. C'est époustouflant, car cela veut dire que 10 567 personnes de moins ont été victimes de vol, que 380 personnes de moins ont été tuées, et comme si ce n'était pas déjà suffisamment impressionnant, au cours de la même période, la population de l'État de la Floride a augmenté de 2,5 millions de personnes, ou 16,8 p. 100.

    Je suis procureur. Je suis en cour chaque jour. Ce sont de bonnes lois; ces lois fonctionnent. Et je serai heureux de vous faire part de mon expérience.

    Merci.

Á  +-(1125)  

+-

    Le président: Merci.

    Nous accueillons maintenant Mme Thomson, de l'Association du Barreau canadien.

+-

    Mme Tamra Thomson (directrice, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien): Merci, monsieur le président.

    L'Association du Barreau canadien est heureuse d'avoir l'occasion de vous faire part aujourd'hui de son point de vue sur le projet de loi C-215. L'ABC est une association nationale qui représente plus de 36 000 juristes de partout au Canada. Le mémoire qui vous a été remis a été préparé par la Section du droit pénal de l'ABC.

    Pour commencer, une petite mise au point au sujet de la Section du droit pénal: elle est constituée de procureurs, d'avocats de la défense et d'universitaires spécialisés en droit. Ces trois groupes, dont la contribution à l'analyse de projets de loi liés au Code criminel serait fondée sur des expériences plutôt diversifiées, se sont entendus sur le point de vue que nous allons vous présenter. Il s'agit de principes qui, de l'avis de ces trois groupes, devraient régir notre droit criminel.

    L'association compte parmi ses principaux objectifs l'amélioration du droit et de l'administration de la justice, et c'est à la lumière de ces objectifs que la section présente ses commentaires aujourd'hui.

    J'invite maintenant M. Brooks à aborder certaines questions de fond liées au projet de loi, et ensuite, nous serons heureux de répondre à vos questions.

+-

    M. Adrian Brooks (membre associé, Section nationale du droit pénal, Association du Barreau canadien): Merci, monsieur le président.

    Comme l'a dit Mme Thomson, nous témoignons au nom d'avocats de partout au pays, de procureurs et d'avocats de la défense dont la détermination des peines, dans nos tribunaux, fait partie du quotidien. Nous témoignons également au nom des universitaires qui se penchent régulièrement sur ce qui arrive dans nos tribunaux et ce qui arrive au chapitre de la détermination de la peine. Ainsi, nous sommes heureux de pouvoir vous faire part de cette vaste expérience aujourd'hui.

    Je compte vous présenter six points qui expliquent pourquoi nous nous opposons à ce projet de loi.

    Premièrement, cela ne va pas accroître la sécurité des collectivités. Ce constat tient tout simplement à la considération suivante: vous avez déjà entendu dire que le taux de récidive augmente lorsque les peines sont plus longues. Une personne qui se fait incarcérer a l'occasion d'apprendre de nouvelles choses et de s'enraciner davantage dans la criminalité, cela tombe sous le sens. De telles choses arrivent. C'est la logique derrière la statistique, laquelle est clairement établie. Le taux de récidive augmente. Cela ne favorise pas la sécurité des collectivités.

    Le deuxième argument, c'est que ce projet de loi n'a pas d'effet dissuasif. La dissuasion part du principe selon lequel une personne réfléchit à ce qu'elle va faire avant de le faire. Même si on admettait cette hypothèse, très douteuse, nous devons également songer à ces personnes qui réfléchissent à ce qu'elles vont faire et qui, manifestement, ne croient pas qu'elles vont se faire prendre. Ces personnes se pensent trop intelligentes, et ce n'est pas le cas, Dieu merci, mais c'est ce qu'elles pensent. Il n'y a donc pas d'effet de dissuasion, et si vous avez besoin de données probantes, notre mémoire mentionne des recherches dans le domaine des sciences sociales qui appuient cette hypothèse.

    Le troisième point que je souhaite soulever concerne le fait que ce projet de loi n'est pas conforme aux principes fondamentaux de la détermination de la peine. Il privilégie un seul principe, et néglige tous les autres. Nos principes relatifs à la détermination de la peine prévoient que les peines devraient être fondées sur la situation particulière de chacun, qu'un juge doit exercer son pouvoir discrétionnaire. Cette individualisation de la peine fait partie de notre droit, de notre tradition, et elle est acceptée par la Cour suprême du Canada comme faisant partie intégrante de nos pratiques. Ce projet de loi privilégie la dissuasion et fait fi d'enjeux liés à la réadaptation et d'autres principes de la détermination de la peine qui sont liés à l'individualisation de la peine.

    Quatrièmement, ce projet de loi mènera à l'incarcération de personnes que nous considérons comme susceptibles de se réadapter. Il y aura une divergence d'opinions quant à la proportion de personnes qui se voient imposer une peine minimale susceptibles de réadaptation. Est-ce 5 p. 100, 50 p. 100 ou 95 p. 100? Il y aurait tout un débat si on tentait de déterminer combien de personnes confrontées à une telle peine pourraient être réadaptées. Mais certains vont réussir, et d'autres, il va sans dire, iront en prison, et ils fréquenteront cette académie de formation pendant une période beaucoup plus longue qu'ils ne l'auraient fait autrement, et il s'agit de personnes qui, de fait, auraient pu être réadaptées si on avait appliqué convenablement les principes.

    Mon cinquième argument concerne le fait que les tribunaux de notre pays disposent déjà des lois nécessaires pour réagir à ces enjeux. Il y a un minimum de quatre ans pour l'utilisation d'armes à feu. J'ai lu, dans le compte rendu, que des témoins avaient laissé entendre que des gens ne purgeaient que quelques mois de prison. Ce n'est pas vrai. Ils purgent une peine d'au moins quatre ans dans notre pays.

    Le sixième argument concerne l'application des lois existantes par les tribunaux, et les tribunaux appliquent ces lois. Dans le témoignage que M. Kramp a présenté à titre personnel, il a prononcé la citation suivante, tirée d'un arrêt de la Cour d'appel de l'Ontario, du 25 août 2005: « Les décès par armes à feu dans les lieux publics de Toronto sont un fléau et doivent être endigués et dénoncés et doivent cesser. Seule l'imposition de peines exemplaires pourra dissuader les criminels armés. »

    C'est ce que font nos tribunaux. Nos tribunaux ont entendu ce message, et ils prennent les mesures qui s'imposent pour y donner suite. Notre appareil judiciaire compte parmi les meilleurs au monde, ses membres sont très compétents. De fait, ce sont eux qui forment les magistrats d'autres pays du monde. Nous sommes dotés d'un appareil judiciaire qui mérite notre respect et qui devrait imposer le respect.

    Ils ne demandent pas une telle loi. Lorsqu'ils préparent leurs décisions, ils ne disent pas: « Nous n'avons pas les outils nécessaires pour régler cette question. » Ils appartiennent à un appareil judiciaire autonome qui exerce son pouvoir discrétionnaire. Ce pouvoir discrétionnaire est un élément fondamental d'un système qui applique des principes généraux à tous les cas.

Á  +-(1130)  

    Ce sont là mes six arguments. Pour terminer, je déclare que, si ce projet de loi vise à lancer un message clair, il échoue. Il lance un message confus à ceux qui n'écoutent même pas de toute façon, et le message n'a pas besoin d'être diffusé autrement que dans les lois que nous avons à l'heure actuelle. Nous avons les lois dont nous avons besoin pour donner suite à ces enjeux.

    Merci beaucoup. Je serai heureux de répondre à vos questions.

+-

    Le président: Merci, monsieur Brooks et madame Thomson.

    Monsieur Merrifield, pour sept minutes, s'il vous plaît.

+-

    M. Rob Merrifield (Yellowhead, PCC): Je tiens à vous remercier tous d'être venus, et d'avoir présenté votre point de vue sur cette question. J'ai vu d'assez près les répercussions de tels événements, tout comme Don Schiemann. L'incident dont il a parlé, au cours duquel son fils a perdu la vie, est survenu dans ma circonscription. Je connais très bien les circonstances entourant l'événement, et je connais la dynamique des événements au sein d'une collectivité, lorsque ce genre de chose arrive.

    Monsieur Brooks, vous dites que ce projet de loi lance un message confus: j'avancerais plutôt que ce qui arrive au sein de notre collectivité est un message confus à l'égard de la façon dont les tribunaux appliquent les lois qui, selon vous, sont là.

    Tout d'abord, je tiens à remercier Don Schiemann d'avoir pris la parole, car je sais que ce n'est pas facile pour vous de faire cela. Je sais que notre pays, d'un océan à l'autre, porte le deuil avec vous. Je vous remercie de faire ce que vous faites au nom des Canadiens. Il est très important que vous continuiez.

    Ma première question, à vrai dire, s'adresse à M. Zaccor. Je veux vous interroger, tout d'abord, au sujet du projet de loi dont notre comité a été saisi. Il ne s'agit pas des peines de 10 ans, de 20 ans et à perpétuité dont vous parliez: il s'agit de 5-10-15. Qu'est-ce qui lui manque -- ou est-ce qu'il contient toutes les dispositions nécessaires pour accomplir ce que vous affirmez avoir accompli dans l'État de la Floride?

Á  +-(1135)  

+-

    M. Stephen Zaccor: J'ignore si nous pouvons dire ce qui fait défaut au projet de loi, mais l'essentiel, c'est de laisser savoir à vos citoyens qu'il y a une loi, qu'elle sera appliquée, et qu'elle est appliquée. Comme l'a illustré M. Schiemann en misant sur son expérience à l'aéroport et sur la route, la punition qui ne sera jamais exécutée est une punition inutile. C'est tout à fait cela. C'est une affirmation tout à fait véridique. Les délinquants doivent savoir que la peine va être imposée.

    M. Brooks a fait valoir que ce message sera orienté vers les gens qui ne sont même pas à l'écoute de toute façon, et je suis partiellement d'accord avec lui. Si ces gens n'écoutent pas de toute façon, ils ne sont probablement pas de bons candidats à la réinsertion sociale, et, il vaudrait peut-être mieux les tenir à l'écart pour un bon bout de temps pour assurer la sécurité des citoyens du Canada.

+-

    M. Rob Merrifield: C'est un enjeu avec lequel nous éprouvons des difficultés.

    Je suppose que je m'adresse à M. Brooks. Vous dites que les lois dont nous avons besoin sont en vigueur à l'heure actuelle. Les juges ne demandent pas des lois plus rigoureuses. Nous pouvons bien mettre des gens en détention. Ce projet de loi n'aurait pas un effet dissuasif. Mais il y a deux questions qui se posent: la première consiste à déterminer s'il a un effet dissuasif, et l'autre, si nos quartiers seront plus en sécurité.

    J'ai assisté à presque tous les services commémoratifs tenus à la suite de cet incident tragique, et j'ai eu l'occasion de parler à des agents de la GRC sur le terrain, et ils m'ont dit qu'ils sont de plus en plus la cible de criminels, plus que jamais auparavant. Lorsqu'une société perd la capacité de se protéger contre ses propres criminels, elle est gravement en danger. Il est difficile pour moi de vous entendre dire... même si le projet de loi n'a pas un effet dissuasif, cela ne veut pas nécessairement dire que nous ne devrions pas protéger la société de ces individus. S'il y a des individus qui utilisent des armes à feu pour commettre des crimes, nous devrions protéger notre société, n'est-ce pas?

+-

    M. Adrian Brooks: Oui, nous le faisons déjà avec la peine minimale de quatre ans, et je ne saurais trop insister sur le fait que cette peine a un effet dissuasif important. Mais il est question ici d'établir une peine plus longue que cela. Et dans la mesure où cela pourrait être qualifié d'entreposage, dans la mesure où cela pourrait enraciner des gens dans le mode de vie qu'ils apprennent en prison, il s'agit non pas d'un progrès, mais d'un recul.

+-

    M. Rob Merrifield: J'aimerais seulement que M. Schiemann réagisse à ce commentaire, à la lumière de l'incident impliquant M. Roszko, une personne accusée à 44 reprises d'avoir commis des crimes, et reconnue coupable à 12 reprises, et nous dire si les quatre ans dont parle M. Brooks ont été appliqués.

    J'inviterais M. Schiemann à donner suite à ces commentaire.

+-

    Rév. Don Schiemann: Certainement.

    Premièrement, je tiens à m'excuser d'avoir laissé mes sentiments prendre le dessus tout à l'heure. Je ne veux pas que votre comité pense que ce que nos familles ont présenté n'est qu'une réaction instinctive, fondée sur des émotions. Nous prenons cette question très au sérieux, et nous avons essayé d'y réfléchir, au meilleur de nos capacités.

    Le rapport sur les antécédents judiciaires de James Roszko peut être consulté sur la page Web du ministère albertain de la Justice. Il a été accusé à plus de 40 reprises, et a été reconnu coupable environ une dizaine de fois. Le procureur de la Couronne qui a examiné les antécédents judiciaires de James Roszko a déclaré que la Couronne avait vigoureusement poursuivi Roszko, parce qu'elle savait qu'il était dangereux, mais qu'elle semblait avoir échoué pour ce qui est de protéger la société de Roszko, pour deux raisons. Premièrement, on ne disposait pas des outils de détermination de la peine dont on avait besoin pour le garder derrière les barreaux. Ensuite, il semblait, tout simplement, qu'à certaines occasions, les juges ont vraiment contrecarré les efforts en vue de maîtriser cet homme, comme en témoigne, notamment, la deuxième peine qui lui a été imposée, concernant l'accusation d'agression sexuelle.

    Dire que nos juges font du bon travail est une affirmation assez floue. La réalité, c'est qu'il y a des cas où il faut imposer des limites, afin que nous puissions nous assurer de la qualité du travail des juges.

Á  +-(1140)  

+-

    M. Rob Merrifield: Don Schiemann ne vit pas dans la région de Mayerthorpe; moi, je vis dans cette région. Les histoires les plus horribles étaient celles qui nous provenaient non pas des tribunaux, mais bien de la collectivité, laquelle a été terrorisée par un individu, laquelle a eu peur de dire quoi que ce soit, craignant les représailles de cet individu.

    J'ai déjà dit, et je le répète: une société qui ne réussit pas à se protéger de ses criminels court de graves dangers. Je crois que notre pays est arrivé à ce point. C'est pour cette raison que toutes les personnes ici présentes doivent envisager très sérieusement l'adoption de ce projet de loi. Il est absolument crucial d'agir et de faire quelque chose. Il ne s'agit pas d'un seul incident. Il y a également escalade, compte tenu de ce que nous voyons dans la plupart des milieux urbains ou des villes de notre pays, en particulier dans la région de Toronto et dans la région d'Edmonton, entre autres.

+-

    Le président: Monsieur Merrifield, votre temps est écoulé.

+-

    M. Rob Merrifield: Je tiens à remercier les témoins d'être venus nous rencontrer. Je leur suis reconnaissant.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Schiemann, on ne vous reprocherait pas votre émotivité, tout à fait compréhensible et justifiée. Vous n'avez aucunement à vous excuser de cela.

    Monsieur Lemay.

[Français]

+-

    M. Marc Lemay (Abitibi—Témiscamingue, BQ): Monsieur Schiemann, je vous souhaite la bienvenue. Tout comme le président, je peux comprendre vos sentiments. J'ai été avocat de la défense au cours des 30 dernières années. J'ai eu à défendre des personnes qui avaient des casiers judiciaires et qui ont été remises en liberté, il faut l'admettre, quelquefois trop tôt.

    J'aimerais vous poser une question, en poser une autre à l'Association du Barreau canadien et faire une observation pour notre représentant de la Floride, à qui je poserai aussi une question. Je vais poser mes trois questions et vous y répondrez dans l'ordre. Cela évitera que j'y revienne.

    Monsieur Schiemann, je vois que vous avez étudié, analysé et réfléchi à cette question au cours des dernières années, plus spécifiquement au cours de la terrible dernière année que vous avez vécue. Ne croyez-vous pas qu'au Canada le problème ne provient pas de nos lois mais de la façon dont elles sont appliquées, en d'autres mots des peines imposées par les tribunaux? Un jour, lorsque je plaidais et tâchais de faire réduire une peine que je trouvais trop sévère, un savant juge de la Cour d'appel du Québec m'a dit que si les juges de première instance n'avaient pas été capables de faire leur boulot, il allait faire le sien. Ne croyez-vous pas que la véritable question est celle du travail des juges? Je ne dis pas qu'ils font mal leur travail, je ne voudrais pas être mal cité. Il faudrait peut-être leur donner des explications additionnelles et que les procureurs de la Couronne leur fournissent toutes les informations sur la personne qui est devant eux et à qui ils doivent imposer une peine. On pourrait peut-être éviter qu'un avant-midi commence à 9 h 30 par des sentences de six mois et se termine vers 12 h 20 par des sentences de six ans parce que le juge est fatigué de voir des vols avec effraction, puisque c'est sa journée de vols avec effraction.

    Monsieur Zaccor, après l'adoption du principe des 10 ans, 20 ans et à perpétuité, y a-t-il eu plus de négociations de plaidoyers? Je parle, bien sûr, d'une entente entre le procureur et l'avocat. Y en a-t-il eu plus? Est-ce demeuré semblable? Y a-t-il eu moins de négociations de plaidoyers?

    Ma question pour l'Association du Barreau canadien est celle-ci. À la page 7 de la version française de votre mémoire, il est écrit que vous êtes d’avis que les propositions du projet de loi seront contestées en vertu de l’article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés. Avez-vous fait des recherches plus exhaustive au chapitre de la jurisprudence confirmant cette idée de contestation du projet de loi C-215?

Á  +-(1145)  

[Traduction]

+-

    Rév. Don Schiemann: Merci.

    Si je comprends bien votre question, vous demandez si les lois en vigueur ne seraient pas suffisantes, et si le problème ne tient pas davantage aux juges. Je crois qu'il y a un problème à l'égard de certains de nos juges. Je crois effectivement, comme je l'ai mentionné dans mon exposé, que nous devons limiter le pouvoir discrétionnaire de la magistrature en ce qui concerne la détermination de la peine, en établissant une peine maximale, certes, mais aussi une peine minimale.

    Il y a déjà, bien sûr, une peine minimale obligatoire de un à quatre ans pour la perpétration d'un crime au moyen d'une arme à feu. Mais, vu le danger lié à un crime commis avec une arme à feu, je crois que la peine minimale obligatoire est beaucoup trop modeste. Elle ne lance pas un message assez clair en ce qui concerne le fait que nous, les Canadiens, n'allons pas tolérer ce genre de chose.

    Je crois que les gens de Toronto sont particulièrement conscients du besoin de faire cela. Même les gens d'Edmonton -- en proportion, nous affichons le même nombre de décès liés aux armes à feu que Toronto. Les lois actuelles, les peines minimales obligatoires actuelles, ne lancent pas un message suffisant clair à l'égard de ce genre de crimes.

+-

    Le président: Monsieur Zaccor, avez-vous un commentaire à formuler à cet égard?

+-

    M. Stephen Zaccor: Oui. Concernant la négociation de plaidoyers, sur mon territoire, il y a deux types de négociation de plaidoyers. L'accusé est libre de présenter une demande au juge et d'éviter mon bureau, ou il peut essayer de négocier avec mon bureau.

    Je n'ai pas de statistiques à cet égard, alors je ne peux pas vous fournir de statistiques ou de pourcentages, mais je peux vous dire que, selon mon expérience professionnelle, il y a davantage de délinquants qui sont admissibles à négocier un plaidoyer à titre de jeunes contrevenants afin d'éviter la peine minimale obligatoire de dix ans et de se voir imposer la peine prévue pour les jeunes contrevenants, c'est-à-dire, en Floride, une peine maximale de six ans, et, en général, elle n'est pas imposée pour six ans. De plus, il s'agirait non pas d'un établissement pour adultes, mais bien d'un établissement pour jeunes contrevenants.

    Je dirai que la négociation de plaidoyers dans notre État est devenue plus uniforme. Encore une fois, tous les délinquants sont traités de la même façon, quelles que soient leurs origines, quelle que soit leur identité, quel que soit le quartier où ils ont commis le crime, parce qu'ils sont tous confrontés à une peine minimale obligatoire de dix ans. Cela ne veut pas dire que les avocats de la défense ne continuent pas de nous supplier en vue d'obtenir pour leurs clients une peine inférieure au minimum obligatoire de dix ans, mais je dirais vraiment que l'imposition d'un plaidoyer négocié par l'État et la défense correspond à peu près à la même chose. Sur mon territoire, les vols à main armée, par exemple, sont traités de façon très sévère, de toute façon.

    Je dirais que cela a probablement réduit le nombre de négociations de plaidoyers auprès du juge, car le juge ne peut imposer une peine inférieure au minimum obligatoire de dix ans, à moins que, bien sûr, comme je l'ai déjà dit, l'accusé soit admissible à titre de jeune contrevenant. Alors, en ce qui concerne la négociation de plaidoyers avec les juges, je dirais probablement qu'il y a eu une certaine baisse, et je dirais que le nombre de procès tenus a augmenté.

+-

    Le président: Monsieur Brooks.

+-

    M. Adrian Brooks: Merci.

    En ce qui concerne l'argument selon lequel ce projet de loi contrevient à l'article 12 de la Charte, la principale affaire liée au plancher de quatre ans est l'arrêt Morrissey. Cela découlait de divergences d'opinions à l'échelle du pays. Chaque province interprétait à sa façon les faits liés à cette situation particulière, de sorte qu'il y avait tout un éventail d'opinions, à l'échelle du pays, en ce qui concerne la validité d'appliquer à toutes les circonstances une approche universelle en matière de détermination de la peine. La Cour suprême du Canada a fini par dire qu'une telle approche était valide, et a maintenu le plancher de quatre ans. Nous savons que le plancher de quatre ans est conforme à la constitution, même si, dans le passé, on a invalidé la peine minimale de sept ans pour l'importation de drogues. Alors, nous savons qu'il y a des limites considérables sur la sévérité d'une peine.

    Et pour terminer, puisque les trois questions s'articulent autour du thème général de la dissuasion, j'invite les membres du comité à consulter le site Web du service correctionnel de la Floride, où se trouve une section consacrée à 10-20-Life. Il y a un lien permettant d'accéder à un article de 17 pages sur la détermination de la peine de criminels incarcérés en Floride. Je vous invite à regarder la page 4. À la page 4 de cet article, vous constaterez que le taux d'admission sous le régime de la loi du 10-20-Life est demeuré le même. J'avancerais que la conclusion est claire: l'effet de dissuasion n'a pas été obtenu. Le taux d'admission est demeuré le même dans le temps.

    Merci.

Á  +-(1150)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Brooks.

    Monsieur Comartin.

+-

    M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD): Merci, monsieur le président.

    Je suis désolé, monsieur Brooks, je n'ai pas compris cela. Pourriez-vous y revenir?

+-

    M. Adrian Brooks: Oui, bien sûr.

    J'ai consulté les statistiques qui figurent dans la page Web du service correctionnel de la Floride afin de comprendre exactement ce que ces statistiques voulaient dire, et de comprendre les arguments qu'on était susceptible de me présenter. Or, il y a, dans ce document, une page qui porte sur le taux d'admission. Maintenant, s'il y a effectivement un effet de dissuasion...

+-

    M. Joe Comartin: Puis-je vous interrompre? Quand vous dites « admission », vous parlez de personnes qui sont incarcérées.

+-

    M. Adrian Brooks: Des personnes qui vont en prison.

+-

    M. Joe Comartin: D'accord, et le nombre absolu n'a pas changé.

+-

    M. Adrian Brooks: Le nombre d'admissions qui ont lieu au cours de chaque trimestre -- c'est de cette façon qu'elles sont consignées... et ce que je vous dis, à vous et à votre comité, se résume à ce qui suit: si le message est entendu et qu'on obtient l'effet dissuasif escompté, alors les gens cessent de commettre ces crimes.

+-

    M. Joe Comartin: Jusqu'à quand remonte cette analyse?

+-

    M. Adrian Brooks: Les statistiques du service correctionnel commencent à partir de l'entrée en vigueur de la loi -- c'est-à-dire juillet 1999 -- et vont jusqu'à juin 2005.

+-

    M. Joe Comartin: J'ai moi aussi des statistiques analogues à celles que M. Zaccor a mentionnées, et il y a une baisse d'environ 30 p. 100 du nombre réel de crimes violents perpétrés en Floride entre 1995 et 2004. Ces deux ensembles de statistiques ne semblent pas illustrer la même tendance.

+-

    M. Adrian Brooks: Effectivement. Et je n'ai pas été en mesure de suivre le propos ou l'explication de mon ami, ou les statistiques qu'il a mises de l'avant pour appuyer ses dires, et je m'en tiens uniquement à la page dont j'ai parlé.

+-

    M. Joe Comartin: J'aimerais seulement vous dire une chose, monsieur Zaccor. Je crois que vous devez comprendre que, lorsque nous entendons le témoignage de représentants d'instances américaines, nous le prenons avec un grain de sel. La statistique que j'ai devant moi, en ce qui concerne le nombre de crimes violents par tranche de 100 000 personnes -- et c'est après avoir connu une baisse au cours de cette période d'environ dix ans -- montre encore que le taux de crime violent est de quatre à cinq fois supérieur à celui de notre pays. Si nous sommes à la recherche d'une orientation, nous aborderons la question avec une certaine partialité. Je me demande si vous pourriez nous expliquer, si vous comprenez le propos de M. Brooks, et si vous êtes au courant de ces chiffres relatifs à l'admission. Ils semblent aller à l'encontre de la conclusion selon laquelle il y a eu une baisse du taux de criminalité en Floride.

+-

    M. Stephen Zaccor: Je crois comprendre ce qu'il veut dire. Je ne peux que l'expliquer de la façon suivante: je commencerai tout d'abord par dire que ce ne sont pas mes chiffres; ces chiffres sont tirés d'un rapport produit par le service correctionnel de la Floride. Apparemment, M. Brooks s'appuie sur le même rapport. Je vois son livre d'ici, et je constate que j'ai le même document ici avec moi.

    Tout ce que je peux dire -- et ceci peut vous sembler étrange de prime abord, mais lorsque vous y réfléchirez, vous verrez ce que je veux dire -- c'est que le taux de criminalité, ou le nombre de crimes commis, n'est pas nécessairement en corrélation directe avec le nombre d'admissions dans les prisons. Il y a de nombreuses variables. Est-ce qu'un délinquant a été pris? Maintenant, comprenez-bien que, lorsqu'on mesure le taux de criminalité, chaque fois qu'une victime signale un crime, c'est considéré comme un crime commis. C'est consigné quelque part. Cela ne veut pas dire qu'on a mis une personne en état d'arrestation. Cela ne veut pas dire qu'une personne a fini par être reconnue coupable par un jury. Cela ne veut pas dire qu'une personne a fini par être incarcérée.

    D'autres variables entrent en jeu. Il n'y aura jamais une corrélation directe entre le nombre de crimes commis et le nombre d'admissions dans les prisons de l'État de la Floride. Si c'était le cas, cela voudrait dire que nous avons les meilleurs procureurs du monde, et que nous ne perdons jamais. Nous aurions les meilleurs policiers du monde, ils ne se tromperaient jamais, ou réussiraient toujours à appréhender un délinquant.

Á  +-(1155)  

+-

    M. Joe Comartin: Puis-je vous poser deux questions, au sujet de deux autres variables? Premièrement, quelqu'un a déjà mentionné -- j'ignore si c'était M. Brooks ou vous-même -- le nombre accru de procès qui ont fini par être tenus. Je suppose qu'il y en a au moins un certain nombre qui se sont soldés par un acquittement...

+-

    M. Stephen Zaccor: Pas les miens.

+-

    M. Joe Comartin: J'allais vous inviter à demander conseil à nos procureurs, car notre taux de condamnation au Canada est considérablement supérieur à celui des États-Unis, mais je ne le ferai pas.

    C'est certainement une variable dont il faut tenir compte. Pour ce qui est de la deuxième variable, je reviens aux commentaires de M. Lemay au sujet de la négociation de plaidoyers. Est-ce qu'il y a des négociations de plaidoyers à l'égard non pas des peines de 10 ou 20 ans en particulier, mais bien de l'infraction? Autrement dit, on se montre disposé à plaider coupable à l'égard d'une accusation donnée afin de ne pas être visé par la loi du 10-20-Life. Y a-t-il une augmentation du nombre de négociations de ce genre?

+-

    M. Stephen Zaccor: Je peux répondre à la deuxième question en premier. Nous ne faisons pas cela sur mon territoire. Si une personne est arrêtée et accusée de vol à main armée, il n'y a pas de négociations préalables au dépôt de la plainte ou à la mise en accusation au cours de laquelle on peut soustraire une personne à la loi du 10-20-Life si elle plaide coupable à l'égard d'une accusation de vol qualifié. Si un délinquant est arrêté et reconnu coupable, la loi prévoit qu'il sera poursuivi sous le régime de la loi sur 10-20-Life. Puisque le seul devoir de notre bureau est d'assurer l'exécution de cette loi, nous ne prenons pas ce genre de décisions. Nous portons des accusations en fonction des preuves dont nous disposons, et ensuite, nous allons en cour. Parfois nous perdons, parfois nous gagnons.

    Sur notre territoire, il n'est pas facile de gagner dans le cadre d'un procès devant jury. Il faut prouver, hors de tout doute raisonnable, chaque élément de l'infraction, et ensuite, déterminer, en vertu du régime 10-20-Life, si cette personne était en possession d'une arme à feu ou a déchargé une arme à feu. Je vis dans un comté très libéral, où les policiers ne sont pas bien vus. Obtenir une condamnation dans le cadre d'un procès devant un jury constitué de citoyens du comté de Broward tient de l'exploit. Lorsqu'un jury déclare une personne non coupable, cela ne veut certainement pas dire qu'elle n'a pas fait ce dont on l'accuse, cela ne veut pas dire que nous ne l'avons pas prouvé; il peut tout simplement s'agir d'un pardon de la société, à défaut d'une meilleure expression.

+-

    M. Joe Comartin: Y a-t-il des statistiques permettant de déterminer si le ratio d'acquittements a augmenté depuis l'entrée en vigueur de 10-20-Life?

+-

    M. Stephen Zaccor: Je ne les ai pas avec moi. Je pourrais probablement les trouver. Je sais que notre taux de condamnation est plutôt élevé dans le comté de Broward. Notre bureau est le deuxième en importance dans l'État, derrière celui du comté de Dade, c'est-à-dire Miami. Je sais que nous affichons l'un des meilleurs taux de condamnation dans tout l'État. Pour ce qui est du nombre de condamnations dans le cadre de procès devant jury, théoriquement, la loi du 10-20-Life ne devrait d'aucune façon influer sur l'issue d'un procès devant jury, à moins que, en raison du succès de notre campagne de sensibilisation publique, un membre du jury ne soit au courant du régime 10-20-Life. On ne leur dit jamais que l'affaire à l'étude est visée par la loi du 10-20-Life. On ne dit jamais ce genre de chose au jury. Cette loi ne concerne que la détermination de la peine. On rappelle au jury que les aspects liés à la détermination de la peine relèvent uniquement du juge.

+-

    M. Joe Comartin: Mais votre campagne de sensibilisation est très efficace.

+-

    M. Stephen Zaccor: Elle est partout -- dans tous les magasins, sur toutes les routes. Elle est partout.

+-

    M. Joe Comartin: Je m'excuse, monsieur Schiemann, peut-être pourrais-je vous poser une autre question.

    Je sais que je vous ai dit cela lorsque nous nous sommes rencontrés plus tôt, il y a environ un mois. Notre comité était plutôt préoccupé. De fait, après la première réunion que nous avons tenue après les meurtres, nous avions discuté de l'opportunité de faire quelque chose. Et l'une des idées soulevées concernait la tenue d'une enquête par notre comité. Nous avions décidé d'attendre que les autorités compétentes de l'Alberta présentent leurs conclusions dans un rapport. Je dois vous dire que je ne suis pas satisfait du contenu de ce rapport. Je crois qu'on a omis d'aborder certains points. Et je crois savoir que les familles partagent cette préoccupation.

    Avez-vous demandé qu'on tienne une enquête publique, ou une enquête judiciaire, ou quelque chose comme ça?

+-

    Rév. Don Schiemann: Non, nous n'avons pas demandé cela. Cela ne veut pas dire que nous n'y avons pas pensé. Nous nous sentions si interpellés par certains de ces autres enjeux, que nous avons décidé de nous attacher principalement à ces choses pour l'instant. Mais je crois pouvoir parler au nom des quatre familles quand je dis que nous avons certaines préoccupations à l'égard de l'examen effectué par le ministère de la Justice de l'Alberta, et qu'un certain nombre de questions sont demeurées sans réponse. On donnera peut-être suite à ces questions lorsque l'enquête criminelle et l'enquête médico-légale seront terminées.

  +-(1200)  

+-

    Le président: Monsieur Comartin, aimeriez-vous obtenir les statistiques que M. Zaccor n'avait pas à portée de la main?

+-

    M. Joe Comartin: À vrai dire, j'allais lui demander s'il y a un site Web que nous pourrions consulter.

+-

    M. Stephen Zaccor: De quelles statistiques parlons-nous?

+-

    M. Joe Comartin: Les statistiques relatives au taux d'admission, et à l'augmentation du nombre de procès, ainsi que celles qui concernent les taux de condamnation ou d'acquittement.

+-

    M. Stephen Zaccor: Je peux vous donner l'adresse du site Internet, afin qu'elle figure au compte rendu, concernant ce dont M. Brooks et moi-même avons parlé, c'est-à-dire www.dc.state.fl.us/pub/10-20-life/index.html. Et je peux faire circuler ceci, si quelqu'un veut...

+-

    M. Joe Comartin: Si cela ne vous dérange pas.

+-

    Le président: Monsieur Macklin, s'il vous plaît.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.): Merci beaucoup.

    Merci aux témoins d'être avec nous.

    Je crois qu'il est clair que nous sommes tous intéressés à examiner et à tenter de cerner des moyens de veiller à ce que la collectivité soit plus en sécurité. J'ai remarqué, en écoutant tous vos témoignages sur la question, que la notion d'éducation semble clairement jouer un rôle à l'égard de ce projet de loi. Et je n'ai pas l'impression que c'est quelque chose que ce projet de loi reflète ou représente nécessairement, mais j'aimerais que chacun de vous me dise ce qu'il attend des activités de sensibilisation, et ce que le gouvernement devrait faire au chapitre de la sensibilisation.

    Si votre théorie selon laquelle la sensibilisation est un élément important du processus de dissuasion est bonne, autrement dit, sensibiliser les gens aux sanctions éventuelles et à l'ensemble du processus, j'aimerais entendre vos suggestions en ce qui concerne les mesures que nous pourrions prendre pour rendre notre appareil juridique un peu plus efficace au chapitre de la sensibilisation -- à commencer par vous, monsieur Schiemann, s'il vous plaît.

+-

    Rév. Don Schiemann: Certainement. Je crois que les peines minimales obligatoires offrent une occasion de sensibilisation merveilleuse. M. Zaccor a parlé des affiches dans les dépanneurs, comme les 7-Eleven, ainsi que des panneaux publicitaires, et toutes ces choses. C'était quoi la formule, « Use a gun and you're done »?

    M. Stephen Zaccor: Oui.

    Le rév. Don Schiemann: C'est assez clair, comme message.

    Je crois, toutefois, que la sensibilisation affecte principalement les personnes qui ont déjà fait de la prison, qui ont déjà purgé une peine minimale obligatoire liée à un crime mettant en cause une arme à feu. C'est un message très puissant, quand on se dit que l'incarcération pourrait avoir lieu de nouveau si on décidait de répéter l'infraction.

    Il y a un autre aspect de la sensibilisation qu'il est, selon moi, très important d'envisager. On a parlé de réadaptation à plusieurs reprises. J'ai parlé à des agents de correction, et ils m'ont dit que le genre de peines imposées, de façon générale, par les tribunaux à l'heure actuelle, même les peines de un an ou de quatre ans liées à la perpétration d'un crime avec une arme à feu, ne procurent pas suffisamment de temps pour la réadaptation. Alors, si nous tenons pour acquis que la sensibilisation est un élément très important de la réadaptation, alors la peine minimale obligatoire prévoit le temps qu'il faut pour exécuter un programme efficace de réadaptation et de sensibilisation.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Monsieur Zaccor.

+-

    M. Stephen Zaccor: Lorsque vous parlez de « sensibilisation », je présume que vous parlez de sensibiliser le public à l'égard de la loi.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Oui, et j'aimerais savoir comment, selon vous, le public devrait être sensibilisé à la loi.

+-

    M. Stephen Zaccor: Tout ce que je peux dire, vraiment, c'est qu'une vaste campagne de sensibilisation du public serait appropriée. Parmi les mesures qui ont été prises par des bureaux plus modestes, dans des régions plus rurales de mon État -- pas nécessairement sur mon territoire, car le nôtre est assez vaste -- il y a des procureurs qui, accompagnés d'agents de police armés ou d'enquêteurs, se présentent au domicile de délinquants récemment remis en liberté, et disent: « Bonjour, je m'appelle Stephen Zaccor, je suis procureur dans votre région, et je tiens à ce que vous sachiez que si vous commettez un crime et que vous utilisez une arme à feu, vous êtes cuit. ». Essentiellement, nous les mettons au courant de la loi, en personne, avec une poignée de mains.

    Je sais également que les délinquants qui sont remis en liberté reçoivent une trousse qui vise essentiellement à leur souhaiter un « Bon retour dans le vrai monde ». Une partie de cela consiste à les informer de la loi du 10-20-Life. Nous avons également une autre loi qui chevauche quelque peu la loi du 10-20-Life, et qui porte sur la récidive chez les personnes remises en liberté après une incarcération. Cette loi est également expliquée au délinquant quand on s'apprête à le remettre en liberté.

    Alors, cela suppose de faire tout le nécessaire pour informer le public -- tout le monde, pas seulement le public ou le délinquant éventuel, même si cela constitue certainement une grande part du travail. Il faut également sensibiliser la victime éventuelle afin qu'elle soit convaincue que sa collaboration ne sera pas vaine si jamais elle est victime d'un acte criminel.

  +-(1205)  

+-

    Le président: Monsieur Brooks.

+-

    M. Adrian Brooks: Merci.

    J'aimerais ajouter que la loi prévoit que les victimes pourront témoigner devant les tribunaux, ce qu'elles n'étaient pas autorisées à faire auparavant. Laissez-moi vous dire que les répercussions découlant de la présence des victimes qui témoignent devant le juge et le délinquant dans les tribunaux sont importantes. J'ai été témoin d'une telle situation, j'ai vu l'émotion, j'ai vu le pouvoir que cela apporte dans une salle d'audience.

    Cela représente donc un aspect éducatif très important. Nous comprenons que les témoignages des victimes sont importants, et que ce message, transmis dans nos collectivités, jouera ce rôle éducatif. Il est extrêmement important que les membres des collectivités entendent la souffrance qu'ont connue les victimes, ce qui jouera un rôle éducatif extrêmement important. Bien sûr, on a pris des mesures relatives à la justice réparatrice à ce chapitre également à l'égard des victimes et des délinquants. Ces mesures assurent également une importante fonction éducative.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Merci.

    En ce qui concerne un autre sujet, soit la récidive, monsieur Zaccor, disposez-vous d'études récentes sur le taux de récidive des personnes, ou est-il trop tôt, compte tenu de la période écoulée depuis que votre loi est entrée en vigueur, pour savoir si elle a réellement des répercussions à long terme?

+-

    M. Stephen Zaccor: Il est probablement trop tôt. La loi est entrée en vigueur le 1er juillet 1999, alors toute personne qui s'est vu imposer une peine obligatoire minimale de 10 ans ou une peine plus lourde est toujours emprisonnée.

    Une partie de notre loi 10-20-Life, même si le titre n'en fait pas mention, comporte une peine obligatoire minimale de trois ans pour deux infractions. Cela fait partie de la loi 10-20-Life, mais, manifestement, cela ne correspond pas au titre. J'imagine que le titre 3-10-20-Life était simplement trop encombrant pour qu'on puisse en faire la promotion.

    La possession d'une arme à feu par un criminel condamné entraîne une peine obligatoire minimale de trois ans, tout comme des voies de fait graves commises au moyen d'une arme à feu. En théorie, les personnes qui commettent ces infractions pourraient sortir de prison avant certains des criminels qui avaient reçu une peine d'emprisonnement obligatoire minimale de trois ans; toutefois, on doit se rendre compte que la peine obligatoire minimale de trois ans et celle de dix ans représentent des planchers. Par exemple, dans l'État de la Floride, un vol qualifié commis au moyen d'une arme à feu représente une infraction au premier degré punissable par un emprisonnement à perpétuité. Un délinquant pourrait donc se voir imposer une peine d'emprisonnement à perpétuité assortie d'une peine obligatoire minimale de dix ans. Un criminel arrêté en possession d'une arme à feu pourrait être condamné à une peine d'emprisonnement de 15 ans assortie d'une peine obligatoire minimale de trois ans.

    Je crois donc qu'il est probablement trop tôt pour avoir ces statistiques. Nous pourrions probablement obtenir certaines des statistiques concernant les peines obligatoires minimales de trois ans. C'est l'une des peines les plus souvent purgées par les détenus. Je ne dispose pas de chiffres précis concernant la récidive.

+-

    Le président: Monsieur Warawa.

+-

    M. Mark Warawa (Langley, PCC): Merci, monsieur le président. Merci aux témoins d'être venus aujourd'hui.

    Monsieur Schiemann, j'aimerais commencer par vous et vous remercier d'avoir présenté un exposé réfléchi et de ne pas avoir abandonné la lutte visant à rendre le Canada plus sûr. Je vous remercie du sacrifice que les membres de votre famille ont fait.

    Je trouve vos exemples pratiques. Ma femme et moi avons cinq enfants. Nous avions une camionnette qui nous a permis d'effectuer de nombreux voyages, et je peux comprendre vos exemples. Selon moi, vous devez prêcher par l'exemple. Autrement, sans tarder, les enfants ne vous croiront pas, puis ils constateront très rapidement que... et vous avez parlé du ministre qui faisait mention du principe d'exemplarité et, en général, de la peine minimale... L'enfant doit connaître les conséquences. Les mêmes principes s'appliquent aux adultes. Nous devons connaître les conséquences.

    M. Brooks a parlé d'un message qui prêtait à confusion. Je crois que ce dont vous avez parlé existe au Canada à l'heure actuelle; il y a un message qui prête à confusion, et nous devons régler ce problème. Cela explique en partie pourquoi le système est défaillant. Les gens ne connaissent pas les conséquences, que le projet de loi C-215 énoncera de façon précise. Nous avons entendu M. Brooks dire que le projet de loi prêtera à confusion et qu'il -- comment a-t-il dit cela? -- « lance un message confus ». Je crois que le projet de loi C-215 apportera plutôt des précisions.

    Monsieur Zaccor, j'ai une question pour vous en ce qui concerne votre taux de criminalité. Vous avez mentionné que le taux de criminalité a diminué de 33 p. 100. Jeudi dernier, nous avons entendu le témoignage d'un statisticien, qui nous a fait part de l'évolution du taux de criminalité au Canada au cours des dernières années. Ces statistiques étaient compilées par tranche de 100 000 habitants. Au cours des dernières années, le nombre d'infractions commises au moyen d'armes à feu semble être le même au Canada, par tranche de 100 000 habitants. Mais si vous compariez le nombre d'infractions réel à la croissance de la population, vous constateriez que les chiffres ont doublé au cours des dix dernières années.

    Si je vis dans le quartier x, vous constaterez que je vais entendre beaucoup plus de coups de feu au Canada aujourd'hui qu'il y a dix ans, en raison des chiffres réels. Alors, nous devons faire très attention à la façon dont nous utilisons les statistiques.

    Vous avez mentionné que le taux de criminalité a diminué de 33 p. 100. Utilisez-vous les chiffres réels liés aux infractions ou aux condamnations, ou s'agit-il du chiffre par tranche de 100 000 habitants?

  +-(1210)  

+-

    M. Stephen Zaccor: Je me fie précisément à... Comme on parle de messages confus, j'imagine que le site Web que j'ai mentionné aux fins du compte rendu ne remplit pas les conditions requises; il énonce simplement que -- je peux manifestement partager ces renseignements avec tout le monde -- au cours de la période de six ans allant de 1998 à 2004, ce qu'on appelle la période 10-20-Life, le taux de crimes avec violence commis à l'aide d'armes à feu a diminué de 30 p. 100 et que, de façon générale, notre taux de criminalité indexé est à son niveau le plus bas en 34 ans et que notre taux de crimes commis avec violence est à son plus bas niveau en 26 ans; il faut garder à l'esprit l'augmentation plutôt massive de la population dans l'État de la Floride.

+-

    M. Mark Warawa: D'accord. Merci d'être venu aujourd'hui.

    Monsieur Brooks, ma prochaine question s'adresse à vous. Vous avez dit que le projet de loi C-215 ne permettra pas de créer des collectivités plus sûres. Le taux de récidive augmente lorsque des délinquants sont emprisonnés. De plus, je crois que votre mémoire contenait un commentaire à ce sujet.

    Ma question est la suivante : qu'arrive-t-il lorsqu'une personne est emprisonnée? J'ai, en fait, entendu des personnes invoquer des raisons pour ne pas emprisonner quelqu'un. Il peut s'agir d'un délinquant possédant un lourd casier judiciaire qui a été incarcéré. On justifie le fait de ne plus l'emprisonner pour des infractions subséquentes par la raison suivante : la prison n'a aucun effet sur cette personne. J'ai de la difficulté à suivre une telle logique. Si la personne continue de représenter une menace grave pour les collectivités, pourquoi ne pas l'emprisonner? Eh bien, la prison n'a pas fonctionné pour cette personne.

    Ma question découle des commentaires que vous avez formulés selon lesquels la récidive augmente lorsqu'on emprisonne des délinquants. Nous devons peut-être régler le fonctionnement des prisons.

    J'ai visité plusieurs pénitenciers. Dans certains cas, ou dans les cas que j'ai observés, les prisons semblaient très confortables. Les détenus n'étaient aucunement motivés à suivre une thérapie visant à régler les problèmes auxquels ils font face de façon que, au moment de leur libération, de l'expiration de leur mandat ou de leur libération d'office, ils ne présentent pas de problèmes graves. De plus, lorsqu'ils sont mis en liberté dans nos collectivités, cette expiration de leur mandat n'existe pas. Il n'y a pas de système de soutien. On doit peut-être changer les établissements carcéraux -- la façon dont nous emprisonnons les gens -- afin que, si le projet de loi C-215 devient une loi, les détenus ne présentent plus aucun risque pour nos collectivités au moment de leur mise en libération 10 ans, 20 ans plus tard, peu importe le nombre d'années.

    J'aimerais que vous vous exprimiez à ce sujet : la récidive augmente lorsqu'on emprisonne des délinquants. Comment pouvons-nous régler ce problème et améliorer les prisons pour en faire un endroit où les personnes sont davantage en sécurité et où elles sont en mesure de régler les problèmes auxquels elles font face.

+-

    M. Adrian Brooks: Merci beaucoup d'avoir posé cette question.

    J'ai soulevé la question de la récidive, et il semble, d'après ce qu'a dit un peu plus tôt M. Daubney, du ministère de la Justice... il a fait allusion à un examen de 111 études effectué en 2002 par le solliciteur général du Canada. C'est de là que provient ce renseignement. Il figurait à la page 21 de la transcription que j'ai lue; mon information provient de ce document.

    J'aimerais parler directement de votre problème relatif aux pénitenciers. Ce problème est difficile à régler; cela ne fait aucun doute. J'aimerais partager cette expérience, que vous pourrez examiner. Évidemment, lorsque les gens sont emprisonnés... selon mon expérience, les programmes carcéraux sont remplis à pleine capacité. Si vous voulez suivre un programme immédiatement après avoir reçu votre peine, c'est très difficile, car on vous dit : « Non, il y a d'autres gens avant vous. Nous vous l'offrirons un peu plus tard au cours de votre peine », mais, à ce moment-là, vous ne serez plus motivé à changer de comportement puisque la fin de votre peine approche. Les ressources offertes aux responsables des pénitenciers pour leur donner l'occasion d'en faire un véritable endroit de réhabilitation sont absolument fondamentales. À l'heure actuelle, les pénitenciers sont surchargés, mais les ressources n'existent pas.

  +-(1215)  

+-

    M. Mark Warawa: Voulez-vous dire que les ressources sont trop limitées à l'intérieur du milieu carcéral?

+-

    M. Adrian Brooks: C'est exactement ce que je dis.

+-

    Le président: Monsieur Warawa, merci.

    Monsieur Marceau.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ): Merci beaucoup, monsieur le président. Je m'excuse auprès des témoins d'être arrivé un peu en retard. Je devais régler certaines choses urgentes. Je vous remercie de vos présentations.

    Ma première question s'adresse à M. Zaccor. La semaine dernière, Statistique Canada a fait une présentation sur le taux d'homicides commis avec une arme à feu dans certains pays. On a eu droit à une comparaison entre les États-Unis, représentés par une ligne bleue, et le Canada, représenté par une ligne rouge. On a pu voir que le taux des États-Unis est beaucoup plus élevé que celui du Canada. Toutefois, on constate qu'il y a une baisse marquée à partir de 1993, bien qu'il semble y avoir un plateau, depuis l'an 2000, du taux d'homicides commis avec une arme à feu aux États-Unis.

    Comment expliquez-vous cette baisse? Des lois du genre de celles qui ont été adoptées en Floride ont-elles été adoptées un peu partout aux États-Unis? Est-ce principalement, voire seulement à cause de ces lois qu'on a pu remarquer une certaine baisse à la fin des années 1990?

[Traduction]

+-

    M. Stephen Zaccor: Je crois comprendre que votre question concerne l'ensemble des États-Unis. C'est difficile d'y répondre. Nos 50 États font respecter 50 différentes législations. La Floride a été le premier État à imposer un genre de programme 10-20-Life. Selon moi, la Californie, qui compte probablement la plus vaste population de notre pays, a tenté de promulguer une loi semblable, mais je ne suis pas certain si cela a eu lieu ou non.

    En ce qui concerne la diminution du taux de criminalité partout aux États-Unis, beaucoup de facteurs entrent en jeu, et cela est bien au-delà de mon expertise.

    En ce qui concerne l'État de la Floride, je peux simplement dire que la loi 10-20-Life explique en partie la diminution de la population criminelle commettant des agressions armées avec violence et terrorisant les civils innocents de notre État. Ce n'est pas la seule explication; ce n'est certes pas une panacée, puisqu'on a mené plusieurs autres initiatives en même temps que le programme 10-20-Life, et tout semble bien fonctionner ensemble.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Y a-t-il chez vous quelque chose de similaire pour les armes blanches, par exemple les couteaux? Toujours selon Statistique Canada, le pourcentage des crimes violents — qu'il s'agisse de tentatives de meurtre, d'agressions sexuelles, d'homicides, de voies de fait, de vols qualifiés ou d'enlèvements — commis avec des armes blanches est de beaucoup supérieur à celui des crimes violents commis avec des armes à feu. À l'heure actuelle, y a-t-il chez vous une loi similaire pour les armes blanches? Si non, y a-t-il discussion pour en faire adopter une?

[Traduction]

+-

    M. Stephen Zaccor: Les documents législatifs n'énoncent aucune peine obligatoire minimale quant à l'utilisation d'armes, outre les armes à feu. Depuis très longtemps, la loi floridienne prévoit que, si vous commettez un vol qualifié ou un vol avec effraction et que vous utilisez une arme mortelle -- et cette arme pourrait être un couteau, un fusil, ou vraiment tout ce qu'on pourrait utiliser comme arme mortelle -- le degré du crime augmente. Alors, si un vol avec effraction constitue un crime au deuxième degré et que vous utilisez un couteau, il peut devenir un crime au premier degré. Cette situation pourrait accroître la durée de votre peine d'emprisonnement, mais elle ne suppose d'aucune façon l'imposition d'une peine obligatoire minimale. Je ne connais aucune loi qui permet d'imposer une peine obligatoire minimale pour des crimes commis à l'aide d'armes autres que les armes à feu.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: D'autres gens veulent-ils répondre à ces deux questions?

    Je m'adresse à l'Association du Barreau canadien. J'aimerais que vous m'expliquiez ce qui motive la réaction viscérale qu'a votre organisation contre toute forme de peine minimale. Souvent, les parlementaires se disent très inquiets. Si les peines maximales sont augmentées, cela n'a aucun effet sur les peines imposées. Cela les amène parfois — c'est arrivé dans le cas du projet de loi C-2 comme vous le savez — à se dire que l'augmentation des peines maximales ne sert à rien et qu'il vaudrait mieux imposer une peine minimale afin de signifier le plus clairement possible qu'ils sont insatisfaits des peines imposées dans certains cas. Votre dénonciation des peines minimales se veut-elle universelle ou particulière à ce cas-ci?

  +-(1220)  

[Traduction]

+-

    M. Adrian Brooks: Si je me souviens bien, l'ABC avait pour principe de soutenir les peines minimales liées à l'alcool au volant. J'espère que je ne me trompe pas à ce sujet; je ne crois pas. Elle s'attache précisément à cela et à la durée de l'emprisonnement d'une personne. Cette personne sera incarcérée pendant de nombreuses années, ce qui a des effets négatifs importants sur les détenus qui peuvent se réadapter et qui, nous sommes tous d'accord à ce sujet, pourraient très bien réussir à le faire. C'est pourquoi il faut réagir.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Merci.

    J'aimerais poser une dernière question. Je reviens à vous, monsieur Zaccor. Je ne crois pas que vous ayez ces chiffres, mais j'aimerais que vous nous indiquiez comment les trouver. Quel est le pourcentage du budget de l'État de la Floride qui est consacré au milieu carcéral? D'autre part, depuis l'adoption du principe des 10 ans, 20 ans et à perpétuité, y a-t-il eu une augmentation importante du pourcentage du budget du milieu carcéral? Et si oui, quel est ce pourcentage?

[Traduction]

+-

    M. Stephen Zaccor: Je n'ai pas les chiffres avec moi. Je sais toutefois que, depuis la mise en oeuvre du programme 10-20-Life, le gouverneur de la Floride a approuvé des augmentations dans le budget de l'État au chapitre des services correctionnels. Je ne peux pas vous fournir de chiffres précis. Je sais que, à un certain moment, les représentants de mon bureau et mes collègues procureurs étaient un peu désappointés par le fait qu'il n'y avait pas plus d'argent qui nous était alloué, mais l'argent a été versé aux services correctionnels -- ils en avaient besoin.

    Selon moi, vous devriez être en mesure de trouver très facilement cette information. La Floride a quelques lois gouvernementales facilement accessibles et possède un très bon site Web, myflorida.com, où vous trouverez tout ce dont nous avons parlé un peu plus tôt. Vous devriez y avoir facilement accès.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Merci.

    Pourriez-vous me faire parvenir ces chiffres par l'entremise du service de recherche, monsieur le président?

[Traduction]

+-

    Le président: Oui.

    M. Richard Marceau: Merci

    Le président : Madame Sgro.

+-

    L'hon. Judy Sgro (York-Ouest, Lib.): Merci.

    Je ne sais pas par où commencer, mais laissez-moi tout d'abord dire à M. Schiemann que j'étais présente à l'enterrement et que je vous offre mes plus sincères condoléances. Dans ma famille, nous avons vécu deux incidents distincts semblables, alors je vous comprends très bien. Oui, je jetterais les clés de la cellule et je ne les laisserais jamais sortir.

    J'ai apprécié ce qu'a dit M. Zaccor, de même que les témoignages des représentants de l'Association du Barreau canadien. Toutefois, j'observe les chiffres que vous nous avez présentés, monsieur Zaccor, et la réalité doit être que, dans une certaine mesure, si vous connaissez une diminution de 24 p. 100, les données démographiques de la Floride changent manifestement. J'aurais tendance à penser que les chiffres diminueraient également.

    Mais la question est la suivante. J'ai peut-être pour principe qu'il faut « emprisonner les criminels et jeter la clé », mais, après 10 ans, ils seront mis en liberté. On peut espérer qu'ils soient différents et qu'ils mènent le genre de vie que nous aimerions les voir mener, mais tout porte à croire qu'une peine d'emprisonnement de dix ans dans l'une de ces prisons ne fait que les endurcir et les rend pires qu'avant.

    Qu'observez-vous? Bien sûr, vous n'aurez rien observé de tel en particulier, mais jusqu'ici, n'est-ce pas là une préoccupation que vous pourriez avoir en tentant de bâtir des collectivités plus sûres, ce que nous souhaitons tous?

+-

    M. Stephen Zaccor: Compte tenu la façon dont notre système est établi, je ne peux me permettre le luxe d'être préoccupé. C'est la loi, et je dois l'appliquer. C'est le serment que j'ai prêté au moment d'entrer en fonction.

    En ce qui concerne les préoccupations personnelles, il semble y avoir une différence fondamentale. Les gens prônent soit le fait d'« emprisonner les criminels et de jeter la clé », soit le principe « nous pouvons sauver tout le monde ». Il faudrait peut-être trouver un juste milieu, mais à un certain moment... En tant que fonctionnaire, je dois servir le public, et, si cela signifie emprisonner une personne pendant une longue période afin que nous soyons tous en sécurité, c'est très facile pour moi de prendre une décision.

    Si M. Roszko avait été traité adéquatement, M. Schiemann aurait toujours son fils.

  +-(1225)  

+-

    L'hon. Judy Sgro: Vous avez parlé du fait de se rendre dans un dépanneur et de voir le panneau « Use a gun and you're done ». C'est un excellent message, et je vous félicite pour votre campagne.

+-

    M. Stephen Zaccor: Ce n'est pas moi qu'il faut féliciter, mais je vais transmettre le message.

+-

    L'hon. Judy Sgro: Mais si vous examinez les personnes qui agissent ainsi, qui considérez-vous comme des criminels? Un grand nombre d'entre eux savent qu'ils courent le risque et qu'ils se feront probablement pincer, mais les armes à feu font partie de la mentalité et de l'utilisation acceptées dans bon nombre de ces endroits. Pensez-vous vraiment que certaines de ces personnes y réfléchissent?

    Oubliez la violence familiale; c'est un enjeu différent. Un grand nombre de ces criminels qui utilisent des armes à feu savent très bien, que ce soit aux États-Unis...

    Ici, nous imposons une peine obligatoire minimale de quatre ans. Au Canada, je crois que cela concerne bien plus l'application de la loi qu'autre chose. Nous avons des lois officielles; il faut simplement que notre appareil judiciaire les applique de la façon dont M. Schiemann et moi aimerions qu'elles le soient.

    Mais si la personne veut en tuer une autre et qu'elle se déplace avec une arme à feu dans ses poches, est-ce qu'elle va vraiment se préoccuper de la loi? Si elle se trouve face à cette situation au cours d'un vol qualifié, décidera-t-elle de ne pas avoir recours à une arme à feu simplement parce que vous avez tenté de faire comprendre à tous et chacun la signification du programme 10-20?

+-

    M. Stephen Zaccor: Évidemment, ces personnes existent. Ce sont celles qui ne peuvent être réadaptées et qui ne seront pas touchées par ce message; elles devraient être emprisonnées pendant une période minimale de dix ans, voire pendant une période plus longue.

    J'ai vu moi-même dans des rapports de police -- si ce n'était pas si tragique, ce serait drôle -- des cas où un délinquant arrêté après avoir commis un vol qualifié à l'aide d'un pistolet à plombs ressemblant à un calibre .45 dit à l'agent de police qu'il n'avait pas l'intention d'utiliser une arme à feu en raison de la loi 10-20-Life. Les délinquants connaissent cette loi et ils commettent tout de même leur crime.

    Ces personnes existent, et aucune loi ni aucun programme social ne réglera la question. Ce sont les personnes qui attaquent les citoyens innocents, et nous devons protéger la société de telles personnes.

+-

    L'hon. Judy Sgro: Monsieur Brooks ou madame Thomson, la frustration, au bout du compte -- je devrais simplement parler en mon nom, je crois -- concerne l'application de la loi. On m'a rebattu les oreilles avec le fait que nous disposons des lois, mais qu'il s'agit de faire en sorte que l'appareil judiciaire les applique. En ce qui concerne les deux incidents qu'ont vécus les membres de ma famille, aucun des deux n'a réussi à me donner l'impression que notre appareil judiciaire avait fonctionné de façon appropriée.

    Comment pouvons-nous dire aux responsables de l'appareil judiciaire que nous voulons voir moins de négociations de plaidoyers? Les avocats de la Couronne représentent-ils le problème, ou est-ce les responsables de l'appareil judiciaire qui ont tout simplement une trop grande quantité de cas à traiter ou qui ne disposent pas des ressources nécessaires?

+-

    M. Adrian Brooks: Il ne fait aucun doute que les tribunaux prennent au sérieux ce genre d'événements. C'est pourquoi j'ai lu cette citation particulière. L'idée selon laquelle les juges ne sont absolument pas sensibilisés à ce qui se produit au pays va trop loin.

    Le fait de rapprocher l'applicabilité des peines et les préoccupations de la collectivité est fonction des ressources dont disposent les procureurs pour être en mesure de présenter devant les tribunaux les statistiques qui révèlent la prévalence du crime et d'un crime particulier dans une collectivité particulière. Selon mon expérience, c'est rare, et cela doit être un problème relatif aux ressources des procureurs qui travaillent d'arrache-pied.

+-

    L'hon. Judy Sgro: La question du pouvoir discrétionnaire est importante ici; elle se trouve en fait au coeur de la détermination d'une peine d'emprisonnement d'une durée déterminée. Les juges semblent user beaucoup trop de leur pouvoir discrétionnaire en vue de ne pas emprisonner les gens dans les établissements correctionnels.

    Je représente une région où il y a beaucoup de crimes commis à l'aide d'une arme à feu. C'est très décourageant de voir sans cesse des personnes sortir de prison ou être mises en liberté en vertu d'une détention à domicile. Lorsqu'elles tentaient de voler quelqu'un, elles étaient placées en détention à domicile plutôt que d'être emprisonnées. Au moins, incarcérez-les jusqu'au procès.

    Il semble y avoir un nombre impressionnant de ces jeunes personnes -- et je dis qu'elles sont jeunes, même si elles ne méritent peut-être pas ce titre -- qui semblent sortir de prison en vertu d'une détention à domicile, alors les personnes qui devront témoigner sont bien entendu terrifiées. Nous perdons tout soutien dans la collectivité en mettant ces personnes en liberté en vertu d'une détention à domicile jusqu'au début de leur procès.

    Comment pouvons-nous changer les choses afin que cette situation ne se produise plus? Comment pourrons-nous convaincre ces personnes de venir témoigner si, comme elles savent très bien qui sont les tireurs dans ces quartiers, elles craignent pour leur vie si nous procédons à l'arrestation des criminels et qu'ils sont mis en liberté sous caution le jour suivant?

  +-(1230)  

+-

    M. Adrian Brooks: Si une personne est mise en liberté sous caution, c'est parce qu'on a convaincu un juge de certains faits qui lui permettent d'être mise en liberté sous caution. Manifestement, les contacts avec les témoins représentent l'un des critères qui permettent de garder les criminels en prison de façon régulière. Pour un crime grave commis à l'aide d'une arme à feu, tous les juges de partout au pays examinent attentivement la mise en liberté sous caution.

    Les procureurs doivent-ils fournir ce genre d'information aux juges afin que ces derniers sachent que cet accusé a déjà connu des problèmes en ce qui concerne les témoins? Oui, c'est l'information qui permettra de changer les choses.

+-

    Le président: Merci, monsieur Brooks.

    Monsieur Thompson, s'il vous plaît.

+-

    M. Myron Thompson (Wild Rose, PCC): Merci et bienvenue à tous.

    Monsieur Schiemann, je ne peux vous dire à quel point j'apprécie votre témoignage. Je suis entièrement d'accord avec tout ce que vous avez dit. Je vous souhaite d'atteindre vos objectifs. Si je peux faire quoi que ce soit pour améliorer vos chances de réussite, n'hésitez pas à me le faire savoir.

    Bienvenue au Canada, monsieur Zaccor. Cela doit être assez intéressant pour vous, car je me suis rendu dans votre pays à quelques reprises et je connais la différence de philosophie ou peu importe comment vous l'appelez entre nos pays.

    En Floride, cette loi 10-20-Life s'applique-t-elle à des délinquants d'un certain âge? Y a-t-il un âge minimal?

+-

    M. Stephen Zaccor: Non. Toute personne que nous choisissons de poursuivre en tant qu'adulte pourrait être assujettie à cette loi. Le seul moment où l'âge entre en jeu, c'est lorsque le délinquant a commis le crime avant son 21e anniversaire. Le juge aurait alors le pouvoir discrétionnaire de le déclarer « délinquant juvénile » -- un terme que nous avons établi -- et de ne pas imposer la peine obligatoire minimale de 10 à 20 ans ou de 25 ans à la perpétuité.

+-

    M. Myron Thompson: Qu'en est-il des couteaux? Y a-t-il une différence si le crime est commis au moyen d'un couteau?

+-

    M. Stephen Zaccor: Du point de vue de la victime, manifestement non. Je crois qu'elle serait tout aussi terrifiée. Mais la seule loi que nous avons promulguée concerne les armes à feu. Je crois que les armes à feu sont fondamentalement plus dangereuses, car elles peuvent causer des dommages à distance; c'est pourquoi nous les avons ciblées.

    Je ne sais pas pourquoi l'assemblée législative de la Floride a choisi d'éliminer les couteaux de la loi 10-20-Life, même si je sais que, à ce moment-là, les crimes commis à l'aide d'une arme à feu étaient le sujet de l'heure, un peu comme ici.

+-

    M. Myron Thompson: Alors, vous connaissez bien la situation actuelle dans certaines des villes du Canada, particulièrement à Toronto, puisqu'elle a fait la une des journaux. Croyez-vous franchement que votre règle 10-20-Life, si elle entrait en vigueur dans la région de Toronto, aurait le genre d'effet que nous souhaitons?

+-

    M. Stephen Zaccor: Eh bien, je crois tout d'abord qu'elle a un effet dissuasif particulier, puisqu'elle permettra d'incarcérer un délinquant violent pendant une certaine période et de protéger au moins la collectivité de ce délinquant. Je crois qu'il y aura également une réaction en chaîne en raison de...

    Hier soir, j'ai entendu une histoire horrible au bulletin de nouvelles. Apparemment, un jeune homme a été tué au moyen d'une arme à feu, puis, pendant son enterrement, l'un des invités a été tué de la même façon. Je n'en sais pas plus à ce sujet, mais c'était simplement une histoire horrible.

    Une fois que la collectivité -- et c'est là que la campagne de sensibilisation du public entre en jeu -- est au courant de la situation, et surtout lorsque les membres d'un gang commencent à voir leurs amis se faire emprisonner pendant de longues périodes...

    On débat toujours de la question qui consiste à savoir si une peine obligatoire minimale constituerait ou non un élément dissuasif; cela ne fait aucun doute. Bien sûr, le fait d'incarcérer une personne pendant six mois, puis de l'envoyer chez elle ne la dissuade pas de commettre un crime avec violence. Alors, je peux simplement penser que cela aura un effet positif sur la violence commise à l'aide d'armes à feu dans vos villes.

+-

    M. Myron Thompson: Merci.

    Je suis certainement d'accord avec ce que vous dites concernant la cohérence. Je crois qu'il est extrêmement important que nous tenions compte du fait qu'il doit y avoir une certaine cohérence dans ce qui se produit, peu importe ce que l'Association du Barreau a énoncé en ce qui a trait aux différents groupes ethniques. On semble faire allusion au fait qu'il devrait y avoir une différence en fonction de certains autres facteurs liés à la race ou à l'origine ethnique ou de tout autre facteur. Je crois que c'est une honte qu'on en fasse mention. Selon moi, un criminel est un criminel, et une victime, une victime. Nous ne pouvons pas analyser ces facteurs; cela ne concerne pas les valeurs particulières auxquelles on croit ou le milieu d'où l'on vient. Mais c'est seulement mon opinion.

    J'aimerais être parfaitement honnête envers les représentants de l'Association du Barreau. J'espère que vous ne considérerez pas que ces commentaires vous discréditent d'une façon ou d'une autre, mais honnêtement, je suis député depuis 12 ans et je siège au comité de la justice depuis les 12 dernières années, et si j'entre dans un Tim Hortons ou dans tout autre café-restaurant au Canada et que je déclare que nous avons le meilleur système juridique du monde, je serai la risée du café à ce moment-là. Je ne pense pas que les Canadiens ordinaires croient cela. Nous entendons ces commentaires de la part de gens comme vous, mais je peux vous assurer que le public n'est pas d'accord avec vous.

    M. Warawa a soulevé un point très important. Lorsque nous avons une politique de tolérance zéro en ce qui concerne les drogues dans nos pénitenciers et que nous savons tous que les drogues représentent un problème majeur, il y a quelque chose qui cloche. Par le passé, des gardes et des témoins ont mentionné à notre comité que les gangs qui exerçaient leurs activités au sein des pénitenciers causaient un problème extrêmement grave à l'ensemble de notre système juridique, mais nous n'avons rien fait pour régler la situation; le problème est très grave.

    Je m'offusque vraiment de cette idée selon laquelle nous possédons le meilleur appareil judiciaire auquel nous pourrions croire, comme l'a énoncé le Barreau, puisque je ne pense pas que les Canadiens croiraient un tel énoncé de toute façon. Si vous voulez me prouver que j'ai tort, n'hésitez pas à le faire.

    Ces groupes de victimes ont compté des milliers de membres au cours des années. Il y a eu l'organisation CRY, fondée par Chuck Cadman -- nous nous en souvenons tous -- et Priscilla de Villiers, et des milliers et des milliers d'autres personnes qui ont travaillé auprès des victimes de crime de partout au pays au cours de ces 12 années. Toutefois, si les Canadiens sont satisfaits de l'appareil judiciaire, pourquoi autant d'organismes tentent-ils de changer les choses? Pourquoi insistons-nous pour dire que nous avons le meilleur appareil judiciaire du monde? Je trouve cela vraiment ahurissant.

  +-(1235)  

+-

    M. Adrian Brooks: Bien, nous devons nous réunir au Tim Hortons pour en discuter.

+-

    M. Myron Thompson: Je ne vous conseillerais pas de faire cela à certains endroits.

+-

    M. Adrian Brooks: J'aimerais partager avec vous mon point de vue : oui, il y a des circonstances tragiques, et il y a des situations individuelles qui sont terribles. Dans certains cas, on pourrait faire valoir que justice n'a pas été faite, mais alors, on devrait en appeler de la décision, présenter tous les faits et en faire une analyse pour s'assurer que cela ne se produit plus.

    Cela ne sera pas parfait chaque fois, cela ne se peut tout simplement pas, mais si nous appliquons les principes adéquats et que nous fonctionnons de façon raisonnée, nous aurons plus de chances de tirer la conclusion appropriée.

+-

    M. Myron Thompson: J'imagine qu'il ne reste plus qu'à vous demander pourquoi il existe des pénitenciers très efficaces appliquant des règles rigoureuses de 6 heures à 21 heures et offrant des programmes, une éducation, et tout ça -- à ma connaissance, pas au Canada, mais à Cottonwood, en Idaho, où j'ai passé une semaine -- qui obtiennent des résultats exceptionnels en ce qui concerne la récidive, tandis qu'au Canada, même les gardiens et les directeurs des pénitenciers que j'ai visités au cours de ces 12 années ont mentionné qu'ils voyaient beaucoup trop de détenus se faire emprisonner de nouveau? Ils rentrent et sortent, ils rentrent et sortent et ils recommencent.

    La récidive n'est pas projetée de façon adéquate, ou quelque chose comme ça, d'après ce qu'on vous dit à ces endroits. J'aimerais savoir pourquoi cette différence existe.

+-

    Le président: C'est la dernière question.

+-

    M. Adrian Brooks: Je suis d'accord avec vous pour dire que nous avons bon nombre de choses à apprendre sur la façon de réadapter adéquatement les personnes. Nous avons des choses à apprendre et nous devrons en tirer des leçons; nous ne remettons pas cette idée en question ni ne la rejetons.

+-

    Le président: Merci.

    Borys, c'est à vous.

+-

    M. Borys Wrzesnewskyj (Etobicoke-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

    J'aimerais offrir mes condoléances à M. Schiemann.

    J'aimerais également remercier les membres de votre famille et vous du courage dont vous avez fait preuve depuis ce tragique événement.

    J'aimerais m'adresser à M. Brooks. Malheureusement, en raison du délai imparti, je passerai en revue dix points, après avoir abordé brièvement l'analyse et les commentaires que vous avez fournis. Vous pourrez choisir plusieurs points que vous souhaitez aborder.

    Dans le cadre de votre analyse, vous avez soulevé quatre questions et vous les avez numérotées.

    La première concerne le fait que les peines obligatoires minimales ne servent pas de moyens de dissuasion, et vous avez fait allusion à la recherche internationale en sciences sociales. Selon moi, le problème, c'est que vous traitez de milieux culturels très différents. La plupart des recherches proviennent des États-Unis, et je ne suis pas certain que le milieu culturel et que les conclusions découlant de ces recherches s'appliqueraient nécessairement ici. De plus, le ministre de la Justice a enfin déclaré que, lorsque vous analysez la recherche sur les crimes commis à l'aide d'une arme à feu, c'est ambivalent. Cela ne semble pas nécessairement se diriger dans une direction ou dans une autre, et nous parlons ici de crimes commis à l'aide d'une arme à feu.

    Le deuxième point que vous avez soulevé concerne toujours les peines obligatoires minimales qui, cette fois, ne ciblent pas les délinquants les plus extrêmes ou les plus dangereux. J'aurais tendance à penser que toute personne qui utilise une arme à feu devrait être qualifiée d'extrême et de dangereuse. C'est exactement ce que nous tentons de faire ici. Je ne comprends pas la logique de cette hypothèse selon laquelle les peines obligatoires minimales ne ciblent pas les délinquants les plus extrêmes ou les plus dangereux.

    Votre troisième point concerne le fait que ces peines obligatoires minimales ont des répercussions disproportionnées sur des groupes minoritaires qui luttent déjà contre la pauvreté et la privation. Si vous vous déplacez dans ces quartiers à risque -- et je passe beaucoup de temps là-bas -- en n'éliminant pas les menaces et en ne réduisant pas le nombre de personnes qui commettent des crimes et des crimes avec violence dans ces quartiers, vous ghettoïsez en fait ces derniers. Elles ont effectivement des répercussions sur ces minorités et sur un grand nombre de nouvelles collectivités immigrantes au Canada. En n'éliminant pas ces menaces, vous victimisez ces groupes. En ne réglant pas le problème dans ces quartiers, vous faites de ces groupes minoritaires des victimes.

    Votre quatrième point est le suivant: ces peines obligatoires minimales corrompent d'importants aspects de la détermination de la peine au Canada, notamment en ce qui concerne l'individualisation et le pouvoir discrétionnaire des juges. Bien, non, nous imposons en fait une peine minimale, et il y a une peine maximale. Le juge peut exercer son pouvoir discrétionnaire à l'intérieur de ces limites. Le juge détiendra un pouvoir discrétionnaire.

    En ce qui concerne certains des points que vous avez soulevés, vous avez mentionné que les criminels apprennent à devenir des criminels endurcis en prison. Si vous extrapolez à partir de cette logique, vous pourriez dire que nous ne devrions incarcérer personne. S'il s'agit d'un milieu qui favorisera l'augmentation du degré de criminalité, nous ne devrions en fait emprisonner personne, si vous suivez cette logique. Je crois que les statistiques révéleront que les personnes qui commettent des crimes parviennent au cours des années au degré de criminalité à laquelle ils participeront. C'est la grande majorité; évidemment, ce n'est pas la totalité.

    Vous avez ensuite dit qu'il n'existait pas vraiment d'élément dissuasif, car ils ne croient pas qu'ils se feront prendre. Vos mots exacts étaient les suivants: Ils ne croient pas qu'ils se feront prendre. Ils n'y croient pas, car ils savent que les témoins dans leur collectivité sont intimidés et qu'ils ne parleront pas.

    Toronto en est un parfait exemple. Les témoins ne parleront pas. Beaucoup de témoins ont assisté, il y a un peu plus d'une semaine, au meurtre d'un adolescent de 17 ans, ou de 18 ans, mais ils ne témoigneront pas. Les délinquants commettent un crime parce qu'ils savent entre autres qu'ils ne se feront pas prendre. Les gens sont intimidés et ne témoigneront pas, car ils savent que les criminels ne seront pas retirés de leur collectivité.

    En ce qui concerne le minimum de quatre ans, vous dites que nous avons déjà une peine minimale de quatre ans. On assiste à une négociation de plaidoyers. Il existe également des cas où l'incarcération, la détention avant le procès et la détention préventive comptent pour le double de la peine. À Toronto, cela compte parfois pour le triple de la peine. En fait, quatre ans n'équivalent pas quatre ans. Vous passez plus d'une année en prison, vous avez été condamné et vous retournez dans la rue.

  +-(1240)  

    Je suis heureux que vous ayez en fait avancé la statistique selon laquelle, en Floride, le taux de condamnation est resté fixe. Vous avez ainsi montré l'efficacité -- et d'autres facteurs sont peut-être en cause -- de cette loi particulière. S'il y a 30 p. 100 moins de crimes de cette nature de commis, mais que le taux de condamnation demeure le même, cela représente un facteur de 1,43 -- soit une augmentation de 43 p. 100 au chapitre des condamnations. Si vous tenez compte de l'augmentation de la population de 16 p. 100, le facteur atteint 1,6588, soit une augmentation des condamnations de 66 p. 100, en fonction du nombre de crimes commis.

    J'en déduis que les témoins sont davantage portés à témoigner et que, en raison d'un taux de criminalité plus faible, les agents de police peuvent accomplir leur travail de façon plus efficace en ce qui concerne le fait d'identifier ces criminels et de les traduire en justice.

    Voilà dix points concernant l'analyse que vous avez présentée et certains des commentaires que vous avez formulés. Choisissez ceux que vous aimeriez aborder.

    Merci.

  +-(1245)  

+-

    M. Adrian Brooks: Merci. J'espère traiter des points les plus importants pour vous.

    En ce qui concerne les statistiques de la Floride, l'idée derrière la dissuasion suppose que les gens apprendront l'existence d'une peine plus lourde et qu'ils modifieront leur comportement en conséquence. Nous avons donc -- selon les statistiques que j'ai citées -- l'énoncé suivant : en ce qui concerne les peines obligatoires de 25 ans à l'emprisonnement à perpétuité, la tendance relative aux admissions continue d'être à la hausse. Un plus grand nombre de gens sont donc incarcérés en vertu d'une peine obligatoire de 25 ans à un emprisonnement à perpétuité. S'ils comprenaient le message, ces chiffres diminueraient. Ce n'est pas le cas; ils augmentent.

    À l'égard de la logique, vous avez également mentionné que, si la prison a une mauvaise influence, nous ne devrions incarcérer personne. Ce n'est évidemment pas la position adoptée ici. On admet que les criminels seront incarcérés et que les tribunaux se prononceront à un certain moment -- comme c'est actuellement le cas à Toronto, avec tout le respect que je vous dois -- pour déclarer que les crimes commis à l'aide d'une arme à feu seront punis beaucoup plus sévèrement. Il s'agit du système de détermination de la peine que nous favorisons.

    L'allusion aux groupes minoritaires concernait simplement le fait que les personnes qui proviennent des segments les plus pauvres de la société et celles qui ne sont pas représentées par un avocat en raison des lacunes de l'appareil judiciaire sont celles qui portent le fardeau des peines beaucoup plus sévères.

    Quant à savoir si la recherche en sciences sociales s'applique ou non ici lorsqu'elle est effectuée à l'échelle internationale... Il serait certainement préférable de mener nos propres recherches au Canada, et, à l'heure actuelle, je ne crois pas qu'on mène de telles recherches. Mais en même temps, cela ne veut pas dire que nous devrions rejeter la recherche en sciences sociales menée dans d'autres pays. Cette recherche est approfondie, bien éclairée, et elle est menée par certaines des personnes les plus respectées dans le domaine des sciences sociales.

    Voilà ce que je voulais dire.

+-

    Le président: Merci, monsieur Brooks.

    Monsieur Breitkreuz, c'est à vous.

+-

    M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, PCC): Merci beaucoup.

    J'apprécie également tous les témoignages que nous avons entendus aujourd'hui.

    Pendant que je réfléchis aux différences marquées entre les témoignages de M. Schiemann, de M. Zaccor et des représentants de l'Association du Barreau canadien, je ne peux m'empêcher de souligner que la perception du public à l'égard de notre système juridique est essentielle pour maintenir la sécurité et l'ordre publics. C'est sur cette question que je constate le contraste réel entre nos témoins. D'un côté, vous êtes préoccupés par cette perception du public, et de l'autre côté, on semble mettre l'accent sur l'individualité et la réadaptation.

    Je ne crois pas que les lois aient un effet dissuasif, à moins qu'on ne perçoive qu'elles sont appliquées de façon efficace. Monsieur Schiemann, dans le cadre de vos voyages -- et j'imagine que vous en avez fait beaucoup -- pourriez-vous décrire la façon dont votre message est perçu par le grand public? Croit-il que nos lois sont efficaces pour dissuader ces...? Pouvez-vous formuler des commentaires sur cette prémisse que je vous ai présentée?

+-

    Rév. Don Schiemann: C'est une question très importante à poser. Lorsque vous parlez avec le grand public, vous parlez à des personnes assujetties aux lois, qui sont parfois les victimes, parfois les gens qui vont trop loin et violent la loi.

    Ce que j'apprécie de cette loi, c'est ce que je pourrais appeler sa nature contextuelle. Il s'agit d'un projet de loi émanant d'un député, qui est un ancien agent de police.

    Tous les agents de police avec lesquels j'ai parlé appuient entièrement ce projet de loi. Je n'ai encore jamais rencontré une personne qui m'a dit que ce projet de loi dépassait les limites de la raison et de la compassion. Je crois que c'est très important de le souligner. Il y a des personnes -- et je comprends en quelque sorte leur point de vue -- qui souhaiteraient emprisonner les criminels et jeter la clé. Je n'ai jamais eu à faire face à une telle situation, puisque M. Roszko s'est suicidé. Je n'avais donc pas à penser à lui. Mais bon nombre de personnes victimes d'un criminel ont l'impression qu'on met principalement l'accent sur le bien-être du criminel plutôt que sur le fait de rendre la justice au nom de la victime.

    Alors, je crois que le grand public voit cela comme un véritable déséquilibre au sein de notre appareil judiciaire. C'est la priorité.

    Ensuite, en parlant avec le public, je me suis rendu compte que l'appareil judiciaire n'a aucune crédibilité de façon générale. J'ai donné l'exemple concret de James Roszko, mais vous pouvez parler de n'importe quel cas, et les gens hochent simplement la tête et deviennent songeurs; si les lois sont en place et qu'elles étaient appliquées de façon efficace, nous n'éprouverions pas certains de ces problèmes. Le fait est que les lois ne sont pas appliquées de façon efficace et qu'elles contiennent des lacunes majeures; nous devons les renforcer et offrir les ressources adéquates à l'appareil judiciaire. C'est toujours le message qu'on me transmet. Je n'ai encore jamais rencontré une personne qui a dit que ce que nous proposons en tant que familles des quatre victimes est déraisonnable.

    Je crois qu'un grand nombre de lois doivent davantage tenir compte du contexte. Personnellement, je crois que si nous suivions un agent de police pendant un mois, nous comprendrions mieux la façon dont nous devons rédiger les lois.

  +-(1250)  

+-

    M. Garry Breitkreuz: Merci. Je crois qu'il s'agit d'un bon résumé que nous devons emporter avec nous au moment de quitter cette réunion.

    Monsieur Zaccor, l'appareil judiciaire floridien n'est-il pas davantage axé vers la reddition de comptes que le système du Canada? Il semble que nous faisons face à un énorme problème au Canada, comme vous devez vous en apercevoir en étant ici. Les juges ne doivent-ils pas envoyer au public un message selon lequel on s'occupe des criminels afin qu'ils ne soient plus présents dans les rues?

    Comment pouvons-nous faire en sorte que les tribunaux transmettent ce message? Je ne sais pas pourquoi on ne le fait pas au Canada. J'ai jeté un coup d'oeil aux titres dans les journaux; les agents de police sont contrariés à Toronto. Selon le journal, un policier a déclaré que c'est la détermination de la peine qui déçoit réellement les agents de police. Des habitants de Toronto appellent et demandent que l'armée intervienne, qu'elle règle immédiatement la situation.

    Les gens ne parlent pas. Ils ne sont témoins d'aucun événement, puisque personne n'est incarcéré. Nous faisons face à un véritable problème au Canada. Comment avez-vous renversé la situation en Floride?

+-

    M. Stephen Zaccor: La plus grande crainte des juges dans mon administration, et probablement dans toute administration de l'État de la Floride, c'est d'être considérés comme tolérants à l'égard des criminels. Les juges de nos tribunaux de première instance sont élus par le public. Dans certains cas, ils sont nommés par le gouverneur, mais, au bout du compte, ils devront tous répondre devant le grand public -- nos élections judiciaires ne sont pas parfaites, mais les hommes de loi, essentiellement, ne veulent pas être tolérants envers les criminels. Alors, cela nous permet d'exercer un contrôle sur nos juges.

    Chaque jour, je me présente dans la salle d'audience. Je ne suis pas dans la rue en compagnie des agents de police. Je collabore grandement avec eux, et ils adorent cette loi. Ils l'adorent pour diverses raisons, mais les deux plus importantes concernent le fait que, tout d'abord, ils ont l'impression que leurs efforts en valent la peine, qu'ils réduisent le nombre de criminels dans la rue, et ensuite, ils rendent la collectivité qu'ils patrouillent plus sûre puisqu'ils ont réduit le nombre de criminels qui traînent dans la rue.

    C'est ce que je peux vous dire.

+-

    M. Garry Breitkreuz: Alors, il y a davantage de reddition de comptes.

+-

    M. Stephen Zaccor: Certainement. Cela ne fait aucun doute.

+-

    Le président: Merci, monsieur Breitkreuz.

    Monsieur Comartin, si vous avez une question pertinente à poser, nous vous permettrons de le faire, pourvu que la réponse soit brève.

+-

    M. Joe Comartin: Monsieur Brooks, cette loi sera manifestement contestée si elle ne change pas. Nous examinons des façons de protéger les gens. Certaines modifications proposées visent à atténuer certaines des peines les plus sévères, surtout en ce qui concerne la période supplémentaire ajoutée à la peine d'emprisonnement à perpétuité; c'est pour bientôt.

    J'ai notamment proposé d'y intégrer une disposition de temporarisation, probablement cinq ans, de façon à être en mesure de dire, au bout du compte, si la question se rend devant la Cour suprême, que notre société faisait face à un problème majeur, comme c'était le cas pour l'alcool au volant, que nous avons imposé la peine obligatoire minimale et que vous avez accepté cette situation. Une disposition de temporarisation ne permettrait-elle pas, au bout du compte, de convaincre nos tribunaux que cela ne viole pas la charte?

+-

    M. Adrian Brooks: Une disposition de temporarisation serait extrêmement inhabituelle. Il est rare d'adopter une telle disposition dans une loi. Aidera-t-elle à faire valoir la constitutionnalité d'une telle loi? Elle pourrait aider, oui, mais ce qui nous dépasse dans ce projet de loi, c'est que des peines de cinq, de dix et de 15 ans représentent des peines très strictes.

  +-(1255)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    J'aimerais remercier les experts qui ont témoigné ce matin. C'était une séance très intéressante. Merci d'être venus et d'avoir offert votre aide à l'égard de cette loi.

    Nous avons deux interventions. Je ne vais pas interrompre notre audience pour quelques minutes; j'aimerais que nous passions directement aux interventions en raison du temps qui s'écoule.

    Monsieur Macklin, c'est à vous; nous entendrons par la suite M. Marceau.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Merci beaucoup.

    J'aimerais simplement contre-vérifier la liste des témoins, car deux organismes, je crois, auraient dû figurer sur la liste. Le premier est le Barreau du Québec. Est-ce qu'il se trouve sur notre liste de témoins?

+-

    Le président: Non, il ne s'y trouve pas.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Et la Criminal Lawyers' Association?

+-

    Le président: Nous avons invité les représentants du Barreau du Québec, monsieur Macklin. Ils ne pouvaient pas se présenter aux heures prévues.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Avez-vous invité les représentants de la Criminal Lawyers' Association?

+-

    Le président: Non.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: J'aimerais leur envoyer une invitation, et il y a trois professeurs que j'aimerais entendre. Il s'agit de David Paciocco, de l'Université d'Ottawa, d'Allan Manson, de l'Université Queens, et de Kent Roach, de l'Université de Toronto. Je crois que vous devriez les ajouter à notre liste.

+-

    Le président: Les membres du comité ont-ils des commentaires à faire?

    M. Warawa et M. Thompson, pouvez-vous attendre une minute? L'intervention de M. Marceau est plutôt cruciale.

    Quelqu'un a-t-il des commentaires à formuler à l'égard de la demande?

    Monsieur Comartin.

+-

    L'hon. Judy Sgro: Monsieur le président, nous devons simplement nous rappeler que nous avons jusqu'au 15 décembre pour présenter nos conclusions concernant ce projet de loi devant la Chambre, si tout fonctionne.

+-

    Le président: Si le Parlement n'est pas dissous, nous pouvons respecter cette échéance.

+-

    L'hon. Judy Sgro: Je continue d'être positive.

+-

    Le président: Nous avons prévu un examen article par article la semaine prochaine, alors cela peut être intéressant.

    Monsieur Comartin.

+-

    M. Joe Comartin: Compte tenu de la réalité politique à laquelle nous sommes confrontés -- contrairement à Mme Sgro, je ne crois pas que le gouvernement va reprendre ses sens -- je propose que nous procédions à l'examen article par article jeudi prochain pour tenter de promulguer cette loi avant la dissolution du Parlement.

+-

    Le président: Jeudi, nous accueillons les représentants de la John Howard Society, de l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry, du Conseil des églises pour la justice et la criminologie, de même que, encore une fois, M. Kramp.

    Avez-vous quelque chose à présenter, monsieur Kramp?

+-

    M. Daryl Kramp (Prince Edward—Hastings, PCC): S'il existe une possibilité d'aller de l'avant, je retirerais volontairement ma participation pour vous donner du temps à ce moment-là. En toute honnêteté, je ne sais vraiment pas pourquoi on semble vouloir, à l'heure actuelle, prolonger sans arrêt la présentation de témoignages devant notre comité, témoignages que l'on aurait pu présenter par écrit. Manifestement, il s'agit simplement d'un... franchement, je suis quelque peu dégoûté par la petite politique de cette situation.

+-

    Le président: Monsieur Marceau.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: J'aurais bien aimé recevoir les témoins jeudi. Dans le meilleur des cas, même si on complète l'étude article par article jeudi, penser que le Sénat va adopter automatiquement ce projet de loi, avec des peines minimales comme celles-là, serait rêver en couleur, à mon avis. C'est dommage pour M. Kramp, mais je ne pense pas que le Sénat va accepter quelque chose de semblable. Je propose que l'on continue à faire le travail comme il le faut, avec des témoins intéressants comme ceux d'aujourd'hui, qui m'ont beaucoup aidé. Je voudrais entendre la John Howard Society et le Barreau du Québec, ce qui ne surprendra personne. On continuera ensuite, peu importe ce qui arrive. Il s'agit de quelque chose de très important et ce serait rendre un mauvais service à ce projet de loi que de ne pas faire le travail correctement.

[Traduction]

+-

    Le président: Il semble que nous ne parviendrons pas à un consensus. Voulez-vous présenter une motion qui sera aux voix?

    Nous avons prévu un examen article par article pour mardi prochain. Il se peut très bien que nous ne soyons pas ici mardi prochain.

+-

    M. Joe Comartin: Je ne m'attends pas à être ici mardi prochain, monsieur le président, mais je suis prêt à déposer une motion selon laquelle nous procéderons à un examen article par article dès jeudi de cette semaine.

    Une voix: J'appuie cette motion.

·  -(1300)  

+-

    Le président: D'accord. Avez-vous des commentaires à formuler sur la motion?

+-

    L'hon. Judy Sgro: Je crois comprendre que nous avons discuté de certains amendements avec M. Kramp et que nous devons effectuer du travail supplémentaire afin que bon nombre d'entre nous soyons satisfaits. Je crois que nous devrons travailler un peu plus là-dessus.

    Je veux appuyer le projet de loi. Mais nous savons tous les deux qu'il y avait un problème avec les peines de 15 ans et que nous devons maintenant aborder les peines de cinq et de dix ans. Je veux dire, nous pouvons adopter le projet de loi parce que nous nous sentirons bien -- et je suis honnête -- mais je souhaite adopter un projet de loi qui sera pertinent et qui passera par tout le processus plutôt qu'un projet de loi qui ne sera pas adopté par un comité et qui n'ira nulle part. Nous voulons en faire plus, alors je souhaite déposer un projet de loi qui pourra être adopté.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Warawa, ensuite monsieur Comartin.

+-

    M. Mark Warawa: Monsieur le président, j'appuie la motion selon laquelle nous procéderons à l'examen article par article jeudi, et je suis d'accord pour que l'on invite les témoins. Je crois qu'il est possible de faire les deux, puisque, dans le cadre de la motion, nous voterions pour entendre les témoins et tenir une réunion plus longue. À l'heure actuelle, nous devons nous rencontrer de 11 heures à 13 heures. Peut-être pourrions-nous nous réunir de 10 heures à 13 heures ou de 11 heures à 14 heures, ce qui nous donnerait assez de temps pour entendre les témoins et procéder à l'examen article par article par la suite.

+-

    Le président: Bien, nous devons nous prononcer sur une motion.

    Monsieur Comartin, je suis désolé, vous souhaitiez dire autre chose.

+-

    M. Joe Comartin: Je voulais simplement réagir aux préoccupations exprimées par Mme Sgro. Je crois également que nous devons tenir compte de ces amendements, et c'est ce que nous ferions au cours d'un examen article par article. J'ai certainement l'intention de proposer un amendement, comme je l'ai déjà mentionné, à l'égard d'une disposition de temporarisation. Après avoir parlé à Borys, je m'attends à ce qu'il propose des amendements, et j'ai cru comprendre que M. Kramp est prêt à les accepter. Je m'attends à ce que nous ramenions le projet de loi afin qu'il soit acceptable pour la majorité des membres de notre comité.

+-

    Le président: Monsieur Macklin.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Rappel au Règlement: il n'y a pas d'avis de 48 heures lié à cette motion, de toute façon.

+-

    Le président: Bonne observation. Sans votre consentement, nous avons un problème.

+-

    M. Garry Breitkreuz: Ne vient-il pas de dire qu'il n'y a pas d'avis de 48 heures?

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: J'ai dit: sans avis de 48 heures.

+-

    Le président: Sans votre consentement, la motion serait irrecevable.

+-

    M. Garry Breitkreuz: Nous entendons-nous pour déposer cette motion?

+-

    M. Mark Warawa: Monsieur le président, il faudrait faire parvenir un avis de 48 heures si la réunion, l'examen article par article, se déroulait de 13 heures à 14 heures.

+-

    Le président: Vous devriez peut-être nous envoyer un avis. Nous devrions suivre le Règlement.

+-

    M. Mark Warawa: J'aimerais bien faire cela, envoyer un avis de motion.

+-

    Le président: D'accord, nous continuerons à partir de là.

    La deuxième intervention concerne M. Marceau, président du sous-comité sur les nominations à la magistrature. Il nous a informés que ce comité discutera de ce rapport lundi prochain; il s'agira probablement d'un rapport unanime. Il a demandé que notre comité se réunisse immédiatement après cette réunion, lundi prochain à 11 heures, ce qui va à l'encontre de notre ordre habituel. Afin que le rapport soit présenté devant la Chambre, nous entendons-nous pour dire que nous en discuterons lundi après-midi? Je crois comprendre qu'il s'agit d'un rapport unanime...

+-

    M. Richard Marceau: Un rapport probablement unanime.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Tout d'abord, lisez-le.

-

    Le président: D'accord. Nous sommes tous d'accord: notre comité se réunira à 11 h lundi prochain. Cela pourrait également tenir compte de votre situation.

    D'accord, il n'y a pas d'autres questions dont nous devons discuter. La séance est levée.