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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 20 avril 2005




· 1305
V         Le président (L'hon. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.))
V         Mme Catherine Ronahan (conseillère en d'emploi, Prince Edward Island Association for Newcomers to Canada)
V         Le président
V         Mme Michelle Jay (conseillère en emploi, Prince Edward Island Association for Newcomers to Canada)

· 1310

· 1315

· 1320
V         Le président
V         Mme Helena Guergis (Simcoe—Grey, PCC)
V         Mme Michelle Jay
V         Mme Helena Guergis
V         Mme Michelle Jay
V         Mme Helena Guergis

· 1325
V         Mme Michelle Jay
V         Mme Helena Guergis
V         Mme Michelle Jay
V         Mme Catherine Ronahan
V         Mme Helena Guergis
V         Mme Catherine Ronahan
V         Mme Michelle Jay
V         Mme Helena Guergis
V         Mme Michelle Jay
V         Mme Helena Guergis
V         Mme Michelle Jay
V         Mme Helena Guergis
V         Mme Michelle Jay
V         Le président
V         M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD)
V         Mme Michelle Jay

· 1330
V         M. Bill Siksay
V         Mme Matilde Longaphee (travailleuse sociale, Pérou, Prince Edward Island Association for Newcomers to Canada)
V         Le président
V         M. Lui Temelkovski (Oak Ridges—Markham, Lib.)
V         Mme Michelle Jay
V         M. Lui Temelkovski
V         Mme Michelle Jay
V         M. Lui Temelkovski

· 1335
V         Mme Michelle Jay
V         M. Lui Temelkovski
V         Mme Michelle Jay
V         M. Lui Temelkovski
V         Mme Michelle Jay
V         M. Lui Temelkovski
V         Mme Michelle Jay
V         M. Lui Temelkovski
V         Mme Michelle Jay
V         M. Lui Temelkovski
V         Mme Michelle Jay
V         M. Lui Temelkovski
V         Mme Michelle Jay
V         Le président
V         M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, PCC)
V         Mme Michelle Jay

· 1340
V         M. Rahim Jaffer
V         Mme Michelle Jay
V         M. Rahim Jaffer
V         Mme Michelle Jay
V         M. Rahim Jaffer
V         Le président
V         Le président
V         M. Kevin Arsenault (directeur général, Prince Edward Island Association for Newcomers to Canada)

· 1350

· 1355
V         Le président
V         M. Wimal Rankaduwa (professeur agrégé, départment d'économie, Université de l'Île-du-Prince-Edouard, à titre personnel)

¸ 1400
V         Le président
V         M. Wimal Rankaduwa
V         Le président
V         M. Wimal Rankaduwa
V         Le président
V         Mme Gunay Kelly (membre du personnel, Nations Unies, à titre personnel)

¸ 1405

¸ 1410
V         Le président
V         M. Rahim Jaffer
V         M. Kevin Arsenault
V         M. Rahim Jaffer
V         M. Kevin Arsenault
V         M. Rahim Jaffer
V         M. Kevin Arsenault
V         M. Rahim Jaffer
V         M. Kevin Arsenault
V         M. Rahim Jaffer

¸ 1415
V         Le président
V         M. Bill Siksay
V         M. Wimal Rankaduwa
V         M. Bill Siksay
V         M. Wimal Rankaduwa
V         M. Bill Siksay

¸ 1420
V         M. Wimal Rankaduwa
V         Le président
V         M. Wimal Rankaduwa
V         Le président
V         Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest, Lib.)
V         Mme Gunay Kelly
V         Mme Colleen Beaumier
V         Mme Gunay Kelly
V         Mme Colleen Beaumier

¸ 1425
V         M. Kevin Arsenault
V         Mme Colleen Beaumier
V         M. Kevin Arsenault
V         Mme Colleen Beaumier
V         M. Wimal Rankaduwa
V         Mme Colleen Beaumier
V         M. Wimal Rankaduwa
V         Le président
V         Le président

¸ 1435
V         Mme Virginia Gundaker (à titre personnel)

¸ 1440
V         Le président
V         M. Gary Luhowy (à titre personnel)

¸ 1445
V         Le président

¸ 1450
V         Mme Helena Guergis
V         Le président
V         Mme Helena Guergis
V         Le président

¸ 1455
V         M. Ron Barrett (à titre personnel)
V         Le président
V         M. Edward Guergis (à titre personnel)
V         Le président
V         Mme Helena Guergis
V         M. Gary Luhowy

¹ 1500
V         Mme Helena Guergis
V         Le président
V         M. Bill Siksay
V         Mme Virginia Gundaker

¹ 1505
V         M. Bill Siksay
V         Virginia Gundaker
V         M. Bill Siksay
V         Virginia Gundaker
V         M. Bill Siksay
V         M. Gary Luhowy
V         M. Bill Siksay
V         M. Gary Luhowy

¹ 1510
V         Le président
V         M. Lui Temelkovski
V         M. Gary Luhowy
V         M. Lui Temelkovski
V         M. Gary Luhowy

¹ 1515
V         M. Lui Temelkovski
V         M. Gary Luhowy
V         M. Lui Temelkovski
V         Le président

¹ 1520
V         M. Gary Luhowy
V         Le président
V         Mme Helena Guergis

¹ 1525
V         M. Gary Luhowy
V         Mme Helena Guergis
V         Le président
V         Mme Helena Guergis
V         Le président
V         M. Edward Guergis
V         Mme Helena Guergis
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 050 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 20 avril 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

·  +(1305)  

[Traduction]

+

    Le président (L'hon. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.)): Nous reprenons nos audiences, et nous allons parler des titres de compétences internationaux.

    J'aimerais vous souhaiter la bienvenue.

    Comme vous le savez, nous faisons une tournée pancanadienne. Nous sommes dans les Maritimes, vendredi nous serons à Montréal et certains d'entre nous se rendront à Halifax et à Québec la semaine prochaine, ce qui complétera nos consultations pancanadiennes.

    J'aimerais maintenant inviter Cathy Ronahan à prendre la parole. C'est vous qui allez présenter l'exposé?

+-

    Mme Catherine Ronahan (conseillère en d'emploi, Prince Edward Island Association for Newcomers to Canada): Non, c'est Michelle Jay qui présentera l'exposé.

+-

    Le président: Michelle Jay, vous avez la parole pour sept minutes. Par la suite, nous passerons à une période de questions.

+-

    Mme Michelle Jay (conseillère en emploi, Prince Edward Island Association for Newcomers to Canada): Oui, et nous sommes trois ici à représenter l'association. La période de questions me semble être un peu longue, et j'ai pensé que, Cathy étant une collègue, elle sera donc également ici avec Matilde. Vous pourrez nous poser des questions à toutes les trois à la fin.

    Tout d'abord, j'aimerais vous remercier tous d'être ici et d'avoir fait un arrêt à Charlottetown. Je ne sais pas si Charlottetown est toujours l'une des destinations des comités permanents, mais c'est merveilleux d'avoir la chance de parler immigration ici même.

    Comme je l'ai dit, je m'appelle Michelle, et je travaille au service d'emploi de la P.E.I. Association for Newcomers to Canada depuis sept ans. Nous sommes la seule agence à l'Île-du-Prince-Édouard dont le mandat est de fournir des services aux nouveaux arrivants au Canada. Nous offrons des programmes d'établissement et d'accueil, des services de liaison pour les étudiants, des programmes d'évaluation linguistique et une aide aux clients pour les nouveaux immigrants qui arrivent à l'Île-du-Prince-Édouard. Jusqu'à l'an dernier, le service d'emploi ne comptait qu'un employé, mais récemment nous avons eu un contrat pour un autre employé à temps partiel.

    Comme je l'ai mentionné, ma collègue du service de l'emploi, Catherine Ronahan, est ici aujourd'hui, tout comme une cliente nouvelle arrivante, Matilde Longaphee. Elle attend son accréditation comme travailleuse sociale, et nous avons bon espoir que ce sera positif. Elles pourront toutes les deux répondre aux questions à la fin de l'exposé.

    Je ne parlerai pas de la recherche qui a été faite dans le domaine de la reconnaissance des titres de compétences pour les nouveaux immigrants. J'aimerais plutôt mettre l'accent sur les connaissances personnelles. Mes observations se fondent sur l'expérience de Catherine et de moi-même qui avons travaillé avec les nouveaux arrivants et l'expérience personnelle de ces derniers face aux obstacles qui les empêchent d'utiliser leurs compétences dans l'économie canadienne.

    Il faut vraiment souligner l'importance de la question des titres de compétences internationaux pour la société canadienne, comme le démontre notre présence ici. Nous savons tous qu'il y a au pays des médecins qui sont chauffeurs de taxi, et je pourrais citer de nombreux exemples de situations semblables dans diverses professions.

    Je voudrais cependant faire quelques observations au sujet du contexte à l'Île-du-Prince-Édouard. Encore une fois, votre comité connaît déjà bon nombre de ces problèmes, car ces observations sont pertinentes pour bon nombre de petites collectivités des régions rurales du Canada.

    À l'Île-du-Prince-Édouard, nous avons besoin de nouveaux immigrants dans nos collectivités; nous en avons désespérément besoin. Comme dans les autres provinces de l'Atlantique, non seulement notre population ne se maintient pas, mais en fait elle diminue. Bon nombre de jeunes quittent l'île pour aller travailler ailleurs, et la population de l'Île-du-Prince-Édouard continue de vieillir. Notre population est constamment celle dont l'âge moyen est le plus élevé au Canada. Nous sommes une province de retraités, un endroit où les gens reviennent, mais nous avons besoin de travailleurs plus jeunes pour maintenir notre économie et nos institutions sociales. Nous avons besoin que des nouveaux arrivants viennent s'installer à l'Île-du-Prince-Édouard.

    Par ailleurs, ce n'est pas une coïncidence si les villes et les provinces dont l'économie est florissante sont celles où l'on retrouve le plus de nouveaux immigrants. Les immigrants ont toujours été le moteur économique du Canada, et c'est toujours le cas aujourd'hui. Il est évident que les nouveaux arrivants enrichissent nos collectivités tant sur le plan financier que culturel. De nouvelles idées, de nouveaux travailleurs, un investissement accru, une assiette fiscale additionnelle, et une démographie durable signifient des collectivités renforcées.

    Ce n'est pas tout le monde à l'Île-du-Prince-Édouard qui est conscient des avantages et des retombées économiques de l'immigration. Nous avons certainement des progrès à faire à cet égard, mais la population de l'île en devient de plus en plus consciente. Nous avons tout intérêt à nous assurer que des immigrants viennent à l'Île-du-Prince-Édouard et qu'ils y restent. Ceci étant dit, je tenterai de faire en sorte que mes observations soient le plus possible propres à l'Île-du-Prince-Édouard.

    Je vais vous lire quelques défis et recommandations.

    Le premier défi est l'intégration dans des petites collectivités. Comme je l'ai dit plus tôt, les petites villes et les petites provinces au Canada présentent des obstacles précis pour les nouveaux arrivants. Bien que vos audiences portent sur la reconnaissance des titres de compétences, les nouveaux arrivants ont d'autres défis à relever. Ils ont de la difficulté à faire reconnaître leurs compétences en général, qu'elles aient été acquises dans le cadre d'une formation formelle, informelle ou sur le tas. De façon générale, on doit mettre l'accent sur la reconnaissance de toutes les catégories de nouveaux arrivants car ce sont des gens dont la contribution a une incidence positive sur le marché du travail canadien.

    La grande majorité des emplois dans notre économie actuelle ne se trouve pas dans les professions réglementées, et j'ai du mal à comprendre que l'on mette uniquement l'accent sur les immigrants qualifiés. Cela laisse entendre que d'autres ne le sont pas. D'après mon expérience, ce n'est pas là une distinction valable. Il y a peut-être des travailleurs qui ont toute la formation et toute l'expérience nécessaires dans des domaines spécialisés mais qui sont tout à fait insupportables et qui auraient de la difficulté en milieu de travail. Ensuite, comment peut-on évaluer les compétences ou les titres de compétences d'une veuve qui a réussi à faire vivre ses sept enfants malgré la famine et une guerre dévastatrice—et comment pouvons-nous ne pas le faire?

·  +-(1310)  

    L'un des principaux obstacles auxquels les nouveaux arrivants doivent faire face est l'apprentissage de la langue. La formation linguistique au niveau professionnel est essentielle pour que les immigrants puissent trouver du travail dans leur domaine. Elle est essentielle, mais elle n'existe pas à l'Île-du-Prince-Édouard. Nous avons tout au mieux une formation linguistique de niveau 5 qui est à peine suffisante pour la communication de base. Citoyenneté et Immigration offre un contrat à une école, et c'est tout. Les clients qui obtiennent leur diplôme du cours de langue pour les immigrants au Canada ont besoin de beaucoup plus de formation linguistique pour accéder à des postes professionnels.

    Tant au fédéral qu'au provincial, il semblerait qu'on mette manifestement l'accent à l'heure actuelle sur le gain financier. Dans notre province, cela veut dire que nous acceptons beaucoup plus d'entrepreneurs immigrants et d'investisseurs immigrants que de travailleurs qualifiés. La plupart du temps, les immigrants de la composante économique apportent de l'argent et repartent immédiatement ou peu après leur arrivée. Essentiellement, ils achètent leur entrée au pays, ou leur citoyenneté canadienne. Et qu'avons-nous gagné en tant que collectivité? Rien du tout, ou rien de durable qui profite à tous les citoyens. Il faut que des immigrants viennent à l'Île-du-Prince-Édouard pour y rester—des immigrants qui connaissent la collectivité et qui s'y plaisent. Ce que je trouve le plus décourageant, c'est de voir des nouveaux arrivants qui veulent vraiment s'installer pour longtemps à l'Île-du-Prince-Édouard mais qui n'arrivent pas à y trouver du travail, ou un travail qui leur permet d'utiliser leurs compétences et leur expérience et de gagner leur vie. Souvent, ils peuvent trouver un tel travail ailleurs au Canada.

    La recommandation à cet égard est que la province devrait s'engager à accroître l'immigration. Je pense qu'Elaine Noonan du Secrétariat à la population a comparu devant votre comité ce matin, de sorte que vous savez que la province a fait des efforts et commence à prendre des mesures à cet égard. Cependant, la province de l'Île-du-Prince-Édouard doit encourager, par des services réels à des gens réels, l'établissement d'immigrants non investisseurs, de gens qui viennent pour retrouver leur famille en tant que travailleurs qualifiés, et des étudiants, etc.

    Nous avons besoin de programmes nationaux qui normalisent les services. Le financement national devrait offrir des niveaux de service semblables ou identiques à ceux que l'on retrouve dans les centres plus grands. Les besoins des nouveaux arrivants sont les mêmes ou encore plus grands lorsqu'ils arrivent dans des centres plus petits. Cependant, il semble qu'on a tendance à offrir moins de services en général au sein du gouvernement et des associations professionnelles. S'il vous plaît, ne créez pas davantage de ressources sur le Web, car cela n'est pas vraiment une aide utile. Nous avons tous besoin de vrais services offerts par de vraies personnes.

    Par ailleurs, nous avons besoin d'un financement continu pour les organismes sans but lucratif. Les organismes qui fournissent des services linguistiques et d'établissement aux nouveaux arrivants offrent une aide essentielle. Ces organismes devraient recevoir un financement accru, plutôt que de voir leur financement réduit et leurs services confiés à des bénévoles.

    Il devrait y avoir des incitatifs de financement nationaux pour influer sur la politique provinciale. Bien que la reconnaissance des titres de compétences, l'éducation et un certain nombre de questions prioritaires pour les Canadiens relèvent de la compétence provinciale, notre gouvernement national a un rôle à jouer. Le financement aux provinces est souvent conditionnel ou à frais partagés, et dans de nombreux cas, les compétences se chevauchent. Je veux que mes impôts servent à encourager la province de l'Île-du-Prince-Édouard à adopter des normes plus élevées en matière de services aux immigrants et de rétention des immigrants, y compris la reconnaissance des titres de compétences internationaux.

    Par ailleurs, nous avons besoin de projets appropriés et propres à la région. Nous avons besoin d'initiatives locales pertinentes axées sur des contextes régionaux particuliers. Ce qui fonctionne à Toronto et dans les grandes villes canadiennes ne fonctionne pas nécessairement dans de plus petites villes comme Charlottetown. Des projets pilotes qui investissent des millions de dollars pour 25 médecins ou ingénieurs ne sont pas très rentables ni transférables dans les régions rurales du Canada. Il y a un certain nombre d'exemples de projets de mentorat qui fonctionnent bien. L'Île-du-Prince-Édouard a besoin d'un projet qui tient compte de notre contexte propre et qui n'est pas fondé uniquement sur le nombre d'immigrants qui arrivent dans la province. Par exemple, nous pourrions avoir un projet de mentorat qui ne porte pas uniquement sur les ingénieurs ou les infirmières, mais qui englobe divers domaines professionnels.

    Il devrait y avoir un programme national pour les travailleurs qualifiés fondé sur les réalités régionales. Encore une fois, le programme de travailleurs qualifiés admet à l'heure actuelle les immigrants en se fondant sur des études pertinentes au contexte canadien en général, mais les besoins régionaux sont souvent extrêmement différents. Les gens peuvent donc comprendre qu'on a besoin de vétérinaires au Canada, mais que ce n'est pas le cas à l'Île-du-Prince-Édouard.

    Pour ce qui est des programmes d'éducation, nous devons faire ressortir les avantages économiques et culturels des nouveaux immigrants dans les milieux nationaux, provinciaux et municipaux.

    Le deuxième défi est le régime d'assurance-emploi de RHDCC. Les critères de RHDCC excluent le sous-emploi, ce qui veut dire que tous ces médecins qui sont chauffeurs de taxi et qui illustrent si bien le potentiel humain que l'on gaspille au Canada ne sont pas admissibles à l'assurance-emploi.

·  +-(1315)  

    Cela ne pose-t-il pas un problème pour les nouveaux arrivants dont nous parlons? Mais, c'est également un problème pour nombre de travailleurs nés au Canada.

    Instinctivement, nous savons que le sous-emploi est un problème pour notre économie, mais notre propre programme d'emploi national ne reconnaît pas ce fait. De plus, le financement de l'acquisition des compétences s'adresse uniquement à la formation non universitaire, ce qui maintient les gens dans des postes peu rémunérés. Il est également difficile pour des fonctionnaires de RHDCC de penser différemment, de comprendre, par exemple, que la langue anglaise est la barrière la plus importante à laquelle se heurtent beaucoup de nouveaux arrivants en ce qui concerne l'emploi et qu'ils devraient par conséquent obtenir un soutien, par l'intermédiaire du financement du perfectionnement des compétences.

    À l'heure actuelle, des exceptions sont créées pour les jeunes et les Autochtones, et on devrait également y inclure les nouveaux immigrants. Les nouveaux arrivants au Canada sont dans une position unique qui leur permettrait de faire croître nos collectivités et notre économie. Des programmes et de l'aide sont nécessaires pour les intégrer rapidement et avec succès à la société canadienne.

    Un dernier point en ce qui concerne le régime d'assurance-emploi. Comment pouvons-nous exiger que les employés internationaux à contrat et les travailleurs saisonniers dans le secteur de l'agriculture, qui n'ont pas accès à l'a-e lorsque leur travail est terminé, de cotiser au fonds de l'a-e? Comme nous l'ont expliqué des fonctionnaires de RHDCC, les avantages du programme sont axés sur les employeurs, et non sur les travailleurs.

    Nous avons plusieurs recommandations. Tout d'abord, RHDCC devrait offrir un financement ciblé sur le marché du travail pour les immigrants de toutes les catégories, et fournir des incitatifs aux employeurs afin qu'ils acceptent de nouveaux arrivants dans leurs entreprises. Ensuite, nous devrions reconnaître les défis uniques auxquels font face les nouveaux travailleurs canadiens. Les programmes devraient comporter un soutien financier pour la formation linguistique, des cours à l'université, une mise à niveau des compétences non traditionnelles. On devrait reconnaître que les nouveaux arrivants font face à des obstacles supplémentaires, tels que la reconnaissance des titres de compétences, la race, la langue et la culture. Ils sont plus susceptibles d'avoir des difficultés à trouver un travail à temps plein qui leur donne droit aux prestations de l'a-e. Enfin, nous avons besoin de reconnaître que le sous-emploi est un problème important—un problème grave pour les travailleurs au Canada. Nous gâchons trop de notre capital humain dans le secteur des services peu rémunérés, dans lequel tant les immigrants que les femmes sont nettement surreprésentés.

    Je vais maintenant passer à l'évaluation des règles d'équivalence canadiennes. Pour les nouveaux arrivants, avoir accès aux mécanismes de reconnaissance des titres de compétences internationaux est le défi le plus important. Les associations professionnelles n'ont jamais de bureau à l'Île-du-Prince-Édouard ou même dans la région de l'Atlantique, de sorte que l'accès physique ou géographique n'existe pas. Le processus est exagérément prohibitif et vorace en temps. Vous ne pouvez pas rejoindre une véritable personne par téléphone ou par courriel sur les différents sites Web. Les organismes professionnels disposent d'un pouvoir discrétionnaire très important, selon les gens que vous connaissez, votre race et des facteurs déterminants, comme le sexe.

    Se concentrer sur l'évaluation et la reconnaissance des acquis, connues sous le sigle ÉRA, n'aide pas. Le « R » de reconnaissance n'existe pas, tout particulièrement pour les nouveaux arrivants. Les organismes de réglementation professionnelle ne sont pas intéressés, les employeurs ne sont pas intéressés, alors à qui servent-elles? Peut-être, les évaluateurs.

    Tout d'abord, nous recommandons qu'un soutien financier soit débloqué, pour aider les nouveaux arrivants qui en ont besoin, dans le processus de reconnaissance de leurs titres de compétences acquis à l'étranger. Idéalement, des prêts individuels pourraient être offerts par l'intermédiaire du prêt d'études canadien déjà en place.

    Deuxièmement, nous avons besoin d'être plus souples et plus accommodants dans notre évaluation des qualifications internationales, car il n'est souvent pas possible de présenter les documents d'origine. Nombre des réfugiés avec lesquels nous travaillons n'ont pas les documents d'origine ou même n'ont aucun document sur eux lorsqu'ils quittent leur pays. Au lieu d'avoir le choix entre oui ou non, un « oui » qualifié, avec le détail des cours et des programmes de mise à niveau expliqué, serait utile. Pour de nombreuses professions, une évaluation s'appliquant à la pratique serait une mesure plus exacte de la compétence d'une personne. Nos évaluations professionnelles doivent refléter la tendance vers une évaluation basée sur les compétences, qui gagne du terrain dans l'environnement professionnel.

    Troisièmement, le gouvernement du Canada doit prendre en charge l'établissement de normes nationales de reconnaissance des titres de compétences et encourager les organismes de réglementation professionnels ainsi que les gouvernements provinciaux à établir des moyens concrets d'évaluer les titres de compétences internationaux.

    Quatrièmement, il doit y avoir un recrutement significatif et mesurable de professionnels formés en vertu des besoins de l'économie locale. Cela fonctionne au niveau provincial et on peut en trouver des exemples au Manitoba, en Saskatchewan et en Colombie-Britannique. Avoir un agent de recrutement de médecins est loin d'être suffisant, si cet agent de recrutement ne daigne pas rencontrer un médecin immigrant qui vit à l'Île-du-Prince-Édouard.

·  +-(1320)  

    Et le dernier défi est de trouver une solution au racisme. Il existe, dans ce pays, un profilage racial insidieux au niveau de l'emploi et de la reconnaissance des titres de compétences. On ferme les yeux sur le racisme, on l'accepte et on ne peut pas appeler ça différemment. On a dit cela à certains de nos clients, même s'ils étaient des enseignants qualifiés, qu'ils n'obtiendraient jamais de travail à l'Île-du-Prince-Édouard, parce que les parents ne les accepteraient pas du fait de leur accent et parce qu'ils sont étrangers.

    On a dit à certains de nos clients que leur accent était inacceptable dans les centres d'appel américains, qui préféraient des accents canadiens.

    Une de nos clientes a étudié pendant des années pour apprendre l'anglais et a réussi l'examen national de soins infirmiers, seulement pour être exclue de tout poste à l'île. Le plus ironique, c'est qu'à cette époque-là, notre premier ministre se lamentait à qui voulait l'entendre de la pénurie d'infirmières et d'infirmiers à l'Île-du-Prince-Édouard et suppliait les diplômés de rester et de travailler ici, mais cette infirmière qualifiée de 14 ans d'expérience est partie dans une autre province.

    Toutes ces expériences sont très réelles et très douloureuses, elles me choquent et me convainquent que le racisme est chose courante et qu'il faut s'y attaquer.

    Tout particulièrement pour la reconnaissance des titres de compétences, il existe encore une norme qui s'applique et qui sent le préjugé racial. Les immigrants qui ont reçu leur formation aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Australie, en Nouvelle-Zélande et en Afrique du Sud avant la fin de l'apartheid—des pays du Commonwealth à prédominance blanche—ont une reconnaissance privilégiée de leurs diplômes professionnels. Parfois, les évaluations se fondent sur des normes éducatives et de formation, et souvent ce n'est pas le cas.

    Nous avons deux recommandations : en ce qui concerne l'éducation, nous avons besoin de combattre cette idée beaucoup trop répandue selon laquelle les bons emplois sont pour nous, c'est-à-dire le travail respecté et bien payé est pour les insulaires de souche et les Canadiens, mais pas pour les nouveaux immigrants, tout particulièrement ceux qui n'ont pas la peau blanche. Ce qui serait un bénéfice pour tous, ce serait une campagne de sensibilisation pancanadienne sur les avantages d'embaucher des nouveaux venus, chose qui est évidente pour ceux qui habitent la grande agglomération de Toronto ou des endroits du genre. Nous recommandons également la reconnaissance du préjugé actuel. Il nous faut reconnaître que le modèle de marché du travail actuel est plein de préjugés à certains égards, notamment le sexe, la race, avant de pouvoir passer à l'élimination de la discrimination.

    Merci.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Nous allons commencer avec Helena. Je vous demanderais d'être brève, afin que nous puissions faire un tour de table.

+-

    Mme Helena Guergis (Simcoe—Grey, PCC): Merci, monsieur le président.

    Je voudrais remercier Michelle et ses collègues d'être venues aujourd'hui. Nous apprécions votre présence.

    Ma première question est la suivante, pouvez-vous me rappeler de nouveau qui vous finance? Disposez-vous d'un financement de base ou devez-vous en refaire la demande chaque année?

+-

    Mme Michelle Jay: Nous travaillons pour la P.E.I. Association for Newcomers to Canada, qui est un organisme communautaire à but non lucratif, basé ici à Charlottetown.

    Nous sommes financés par un certain nombre de contrats fédéraux et, l'année dernière, nous avons reçu également des fonds du gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard.

+-

    Mme Helena Guergis: Dans le cadre de ce financement, y a-t-il de l'argent sur lequel vous pouvez compter chaque année?

+-

    Mme Michelle Jay: Il n'y en a pas cette année.

+-

    Mme Helena Guergis: Il n'y en a pas cette année.

·  +-(1325)  

+-

    Mme Michelle Jay: Il y en a plus certaines années que d'autres, mais il n'y en aura absolument pas cette année.

+-

    Mme Helena Guergis: D'accord. Merci de cette réponse.

    Une question que je pose souvent, connaissez-vous d'autres modèles ou avez-vous considéré d'autres modèles, peut-être dans d'autres compétences, dans d'autres pays, qui ont fonctionné pour aider à l'intégration des nouveaux venus et à la reconnaissance de leurs titres de compétences?

    Vous avez mentionné des mentors. Peut-être, si on regarde l'autre côté de la médaille, existe-t-il certaines professions ou certains organismes de réglementation professionnelle qui ont fait un travail exceptionnel d'intégration de nouveaux immigrants et de reconnaissance de leurs titres de compétences?

+-

    Mme Michelle Jay: Dans notre bureau, 1,35 personne s'occupe d'emploi : vous comprenez que nous n'avons pas les moyens de nous lancer dans beaucoup de projets. Mais nous avons déjà fait certains efforts.

    Je ne crois pas que cela pose véritablement problème encore à l'Île-du-Prince-Édouard. Bien sûr, nous avons à coeur chacun des immigrants qui nous arrivent, mais le problème n'est pas encore assez grave pour que la province réagisse.

    Je me réjouis d'ailleurs de vous voir ici, car cela permet de mettre cette problématique sous les feux de la rampe provinciale.

    Cathy voudrait mentionner les domaines qui ont été couronnés de succès.

+-

    Mme Catherine Ronahan: Nous avons réussi à faire reconnaître les titres de compétences dans la formation d'apprenti dans les corps de métiers. Nous avons réussi à développer d'excellentes relations de travail avec les gens qui s'occupent de la formation d'apprenti au ministère de l'Éducation. Il suffit pour nous de les appeler, et ils répondent avec plaisir à nos questions; ils sont même prêts à nous rencontrer pour parler de la faisabilité d'effectuer des examens avec l'aide de traducteurs, entre autres choses.

+-

    Mme Helena Guergis: Donc, vous pourriez aisément embaucher quelqu'un dans le cadre d'un programme de mentorat? Êtes-vous allés jusque là?

+-

    Mme Catherine Ronahan: Nous n'avons pas de programme de mentorat.

+-

    Mme Michelle Jay: Nous serions ravis d'en avoir, et si ce type de programme pouvait susciter suffisamment d'intérêt chez certains des employeurs de l'île, je vous assure que c'est dans ce sens que nous irions.

+-

    Mme Helena Guergis: Oui, vous l'avez déjà dit, et vous avez même mentionné toute une série de domaines professionnels autres que les professionnels de la santé. Pouvez-vous nous donner quelques exemples?

+-

    Mme Michelle Jay: Le problème, c'est que plusieurs des programmes subventionnés à l'échelle nationale qui proposent certaines professions particulières ne sont pas facilement applicables à une province aussi petite que la nôtre, puisque nous n'avons jamais 15 ingénieurs en formation en même temps. Nous n'avons, par exemple, qu'un seul médecin et un technologue de laboratoire. Nous avons aussi une infirmière, mais nous n'avons jamais beaucoup de gens au même moment dans l'une ou l'autre des professions. Par conséquent, pour que ces projets puissent être transférés avec succès dans des milieux plus petits comme le nôtre, il faut les orienter autrement que lorsqu'il s'agit de projets nationaux d'envergure.

    Ai-je répondu à votre question?

+-

    Mme Helena Guergis: Plus ou moins.

+-

    Mme Michelle Jay: Je n'étais pas sûre de me rappeler la question.

+-

    Mme Helena Guergis: Vous y répondez, mais vous n'y répondez pas non plus.

    Je me demandais dans quelles autres professions il vous faudrait acquérir un ou deux professionnels. Si nous devons mettre sur pied un programme de mentorat, il faut bien évidemment avoir une idée des secteurs qui vous intéressent.

+-

    Mme Michelle Jay: Vous voulez des suggestions précises... Comme je l'ai déjà expliqué, nous avons actuellement des techniciens, des médecins, des infirmières, des travailleurs sociaux... D'ailleurs, Matilde attend son accréditation... Ça dépend du moment, je suppose. Ce que nous voulons, c'est un programme qui pourrait s'adapter aux professions qui, à un moment donné, font l'objet d'un mentorat.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Siksay.

+-

    M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD): Merci, monsieur le président.

    Merci aussi à nos témoins. Nous devrions aborder toutes sortes de sujets, mais nous n'avons malheureusement pas le temps. Ce qui me frappe, lorsqu'on parle de mentorat, c'est que bon nombre des programmes de mentorat en sont encore à l'étape de projets pilotes. Vous avez dit à quel point il était frustrant de voir les projets pilotes se succéder les uns aux autres, sans qu'il y ait d'infrastructure générale, et ce n'est pas la première fois que nous entendons les témoins s'en plaindre. Il me semble que nous en sommes arrivés au point où il devrait être possible de lancer un programme national de mentorat, puisque nous savons à quel point ce genre d'initiative permet de résoudre au moins un de vos problèmes.

    Vous avez dit, ce qui est intéressant, que les ressources sur le Web ne sont pas nécessairement ce qu'il y a de mieux pour aider les gens, puisqu'ils ont besoin de se faire offrir des services par des êtres humains en chair et en os. Pourriez-vous nous en dire un peu plus là-dessus? Le gouvernement fédéral ne cesse de se vanter de son nouveau portail informatisé en prétendant qu'il réglera toutes sortes de problèmes, mais je me demande toujours qui est en mesure d'avoir accès à ces renseignements et si c'est vraiment efficace. N'oublions pas que nous nous adressons ici à des gens qui lisent l'information sur le Web et dont l'intention de quitter leur pays ou de s'établir au Canada est remplie soit d'optimisme soit d'inquiétude.

    Pourriez-vous nous parler un peu plus de la nécessité d'établir un contact personnel.

+-

    Mme Michelle Jay: Depuis sept ans que je travaille dans ce domaine, j'ai vu le gouvernement fédéral transférer beaucoup de ses services sur Internet. Or, ce sont des organisations comme la nôtre qui en font les frais, puisque la demande pour nos services augmente considérablement.

    Prenons notre bureau local de l'immigration : il ne dessert plus les gens, et on ne peut plus y rencontrer un agent. Par conséquent, toutes les personnes intéressées se tournent vers nous, puisque nous sommes la seule autre organisation en ville. D'ailleurs, nous sommes la seule organisation inscrite dans les pages jaunes sous la rubrique « services d'immigration ». Par conséquent, lorsque les gens essaient d'avoir accès à... Vous savez qu'à moins de détenir un visa, vous ne pouvez obtenir de rendez-vous au bureau des visas pour les États-Unis, et à moins de savoir utiliser l'ordinateur et de savoir assez parler l'anglais... Or, plusieurs de nos clients n'ont pas assez de connaissances ni en anglais ni en informatique. Mais nos clients ont quand même le droit d'aller visiter leur tante à Chicago ou d'assister au mariage de leur frère.

    Nous ne permettons pas de renvoyer qui que ce soit, mais les gens n'arrivent pas à recevoir tous les services voulus sur Internet, et pourtant, beaucoup de services deviennent uniquement informatisés, comme dans le secteur de l'emploi.

    Nous savons bien qu'il existe des projets nationaux de mentorat, mais nous avons parfois nous-mêmes de la difficulté à les trouver. Cathy et moi sommes pourtant très habiles sur Internet, mais nous avons pourtant parfois beaucoup de difficulté à trouver l'information voulue. Même pour les gens habiles, il est parfois difficile d'avoir accès à un ordinateur. À mon avis, la conséquence bien réelle de cette évolution c'est qu'il est parfois impossible d'obtenir le service. Or, les gens avec qui nous faisons affaire ont besoin de rencontrer un être humain et de parler directement à quelqu'un pour être sûrs d'être bien compris et pour bien comprendre.

    L'évolution vers Internet représente une demande accrue pour notre organisation et pour les services communautaires. Beaucoup de bénévoles essaient d'aider nos clients à trouver l'information voulue sur la façon d'obtenir la carte de résident permanent, etc.

·  +-(1330)  

+-

    M. Bill Siksay: Matilde accepterait-elle de nous faire part de son expérience et de nous parler de son accréditation comme travailleuse sociale?

    Vous avez maintenant l'occasion de nous expliquer.

+-

    Mme Matilde Longaphee (travailleuse sociale, Pérou, Prince Edward Island Association for Newcomers to Canada): Avec plaisir. Obtenir l'accréditation implique beaucoup de formalités administratives, et je m'y suis mise dès mon arrivée au Canada il y a maintenant cinq ans. Je n'avais pas apporté tous mes papiers avec moi et j'ai même dû à une occasion retourner au Pérou pour obtenir un document que j'ai dû faire signer par le doyen de mon université pour confirmer le nombre d'années d'études, alors que toute l'information se trouvait déjà dans le diplôme. Ça n'avait aucun sens.

    J'écoutais Michelle parler du programme de mentorat, et cela me semblerait merveilleux comme programme. J'ai déjà rencontré quelqu'un qui est arrivé d'Ukraine au Canada en ne parlant que très peu l'anglais. Il m'a expliqué qu'il était inutile d'apprendre l'anglais comme on le fait à l'école et qu'il suffisait d'apprendre l'anglais dans le domaine de votre profession. Or, la personne qui m'a donné ce conseil travaillait à l'université comme assistant. C'était un homme brillant, mais il m'a dit de consacrer mon énergie à apprendre le vocabulaire nécessaire pour obtenir un emploi correspondant à mes titres de compétences. C'était une excellente suggestion.

    Mais j'attends toujours que l'on reconnaisse mes titres de compétences.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Temelkovski.

+-

    M. Lui Temelkovski (Oak Ridges—Markham, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à Michelle Jay de son témoignage.

    Avez-vous l'impression que la suite de projets pilotes, comme l'expliquait mon collègue, servent à trouver de la main-d'oeuvre à bon marché?

+-

    Mme Michelle Jay: Je n'en connais pas assez les détails pour pouvoir l'affirmer. Je pense que ces projets pilotes servent à dire que nous déployons certains efforts, mais ces efforts ne servent qu'à aider une poignée d'immigrants.

    Je n'ai jamais senti que les projets pilotes destinés à faire reconnaître les titres de compétences ont réussi tant que cela à aider les nouveaux arrivants dans toutes les régions du Canada de façon concrète. Toutefois, je ne pourrais affirmer qu'ils servent à trouver de la main-d'oeuvre à bon marché ou pas. Je crois que la plupart de mes clients seraient heureux de travailler pour un projet pilote.

+-

    M. Lui Temelkovski: Mais ce sont des projets subventionnés qui versent à l'employé un revenu inférieur à celui qui serait normalement payé.

+-

    Mme Michelle Jay: En effet. Il n'y a pas eu de projet dans l'Île auquel j'ai participé directement. Je connais beaucoup de clients qui seraient ravis d'offrir leurs services si le projet pilote leur permettait d'acquérir de l'expérience, puisque les employeurs leur reprochent souvent de n'avoir aucune expérience au Canada. Par conséquent, si le projet pilote leur permettait d'obtenir de l'expérience au Canada, même s'ils devaient offrir leurs services bénévolement, ils le feraient. Je sais que cela peut sembler sans doute menaçant pour les travailleurs canadiens qui occupent déjà ces emplois, mais pour les nouveaux arrivants, c'est souvent la seule façon d'obtenir de l'expérience dans leur domaine. Pour eux, c'est la seule façon de mettre un pied dans la porte professionnelle.

+-

    M. Lui Temelkovski: Je trouve surprenant de vous entendre affirmer que la catégorie des immigrants économiques ne contribue pas beaucoup.

·  +-(1335)  

+-

    Mme Michelle Jay: Je disais cela dans le contexte de ce qui se passe à l'Île. Ces immigrants ne demeurent pas généralement dans l'Île, et ne contribuent donc pas d'une façon ou d'une autre... Si, j'imagine qu'ils contribuent financièrement au programme des candidats de la province, mais on ne peut pas dire qu'ils contribuent à la collectivité en s'y intégrant et en prenant part à la vie culturelle de l'Île.

+-

    M. Lui Temelkovski: Serait-ce parce qu'ils ne sont pas les bienvenus?

+-

    Mme Michelle Jay: Peut-être. Ceux qui ne sont pas blancs ne se sentent pas nécessairement les bienvenus à l'Île, car ils appartiennent manifestement à la minorité. Je pense que beaucoup d'immigrants viennent ici sans avoir l'intention d'y demeurer. Ils atterrissent ici, mais ils partent.

+-

    M. Lui Temelkovski: Diriez-vous que je suis blanc?

+-

    Mme Michelle Jay: Je dirais que visiblement vous êtes blanc,oui.

+-

    M. Lui Temelkovski: Eh bien, j'ai essayé de donner un stylo canadien à quelqu'un aujourd'hui et elle m'a répondu « J'en ai beaucoup comme ça. J'aimerais en avoir un de votre pays ». J'ai répondu « Mais c'est mon pays ». Elle a dit « Non, ce n'est pas votre pays ».

+-

    Mme Michelle Jay: Ah bon? Donc je suppose que vous ne vous êtes pas vraiment senti le bienvenu à l'Île-du-Prince-Édouard.

+-

    M. Lui Temelkovski: Non. Mais j'ai connu pire. Ce n'est pas grave.

+-

    Mme Michelle Jay: Mais c'est grave. Je suppose qu'à l'Île-du-Prince-Édouard, lorsque l'on parle de « minorité visible »... dans un certain contexte, dans certaines villes du Canada, lorsqu'on parle de « minorité visible »... Qu'est-ce qu'une minorité visible à Toronto?

    À l'Île-du-Prince-Édouard, il ne fait aucun doute que toute personne qui n'est pas blanche est une minorité visible, mais quiconque porte un nom qui n'est pas un nom de l'île est assez bien connu aussi, ou quiconque parle avec un accent qui n'est pas un accent de l'Île-du-Prince-Édouard...

+-

    M. Lui Temelkovski: Je suis ici depuis 40 ans. J'ai effectivement un accent, et j'en suis fier...

+-

    Mme Michelle Jay: Précisément.

+-

    M. Lui Temelkovski: ... mais je pense que c'est un accent canadien.

    Vous avez mentionné que les provinces auraient à faire du travail, et qu'il existe du financement pour un projet que vous êtes en train d'exécuter à l'échelle provinciale. Une partie de ce travail relève de la compétence des provinces. Prenez-vous des mesures particulières pour inciter le gouvernement provincial à améliorer certains des programmes qui permettront aux immigrants de se sentir plus à l'aise, comme des programmes de lutte contre la discrimination raciale ou linguistique ou une analyse comparative entre les sexes? De toute évidence, cela ne relève pas de la compétence fédérale.

+-

    Mme Michelle Jay: Nous avons l'intention de continuer à exercer des pressions sur la province. Cette année a été importante pour nous puisque nous avons réussi à obtenir du soutien financier, étant donné qu'en ce qui concerne nos programmes quels qu'ils soient, même si le travail a été fait ici avec des gens qui vivent ici, qui sont des immigrants à l'Île-du-Prince-Édouard, qui apportent leur contribution à la province, on est toujours parti du principe que l'immigration est un domaine de compétence fédérale, donc qu'est-ce que cela a à voir avec nous?

    Donc le fait que notre organisation ait obtenu une aide financière est un grand pas dans la bonne voie. Il ne fait aucun doute que nous entretenons de bonnes relations.

    Le programme d'Elaine Noonan, le Population Secretariat, est tout nouveau. Il vient de recevoir une aide financière ce mois-ci. Donc il ne peut qu'y avoir des améliorations dans ces domaines.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Jaffer.

+-

    M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, PCC): Je vous remercie, monsieur le président.

    Lui, en ce qui vous concerne, j'ai toujours fait abstraction de la couleur de votre peau. Donc ne vous en faites pas. Je ne vous jugerai jamais en fonction de quoi que ce soit.

    J'aimerais enchaîner sur un aspect qui a été soulevé. Michelle, vous avez parlé de certaines solutions pour tâcher d'intégrer les gens, surtout dans la population active. J'avais demandé au groupe qui a comparu juste avant—je crois que c'était la Chambre de commerce—ce qu'il pensait particulièrement de l'idée d'incitatifs, et vous avez parlé de subventions salariales ciblées.

    Le présentateur parlait surtout des ingénieurs lorsqu'il a dit que dans de nombreuses professions, la demande est telle ici au pays qu'en fait nous n'avons pas forcément besoin d'incitatifs ou de subventions salariales, ou de tout autre type de subventions ou d'allégement fiscal, qu'en fait nous devons simplement rationaliser le processus afin que ces personnes puissent être accréditées dans ce pays de manière à pouvoir travailler sans tarder.

    J'ignore s'il existe une différence entre, disons, les gens qui ont un titre professionnel ou les autres qui cherchent du travail—quoi qu'il en soit, qui arrivent au pays et cherchent du travail. J'aimerais que vous nous donniez un peu plus de précisions sur cette question particulière, parce qu'il semble que c'est une observation qui a été faite à quelques reprises, à savoir que parallèlement à la rationalisation du processus de reconnaissance des titres de compétences acquis à l'étranger, il faudrait aussi prévoir certains incitatifs pour supprimer d'autres obstacles qui viennent d'être mentionnés, lorsqu'il s'agit de l'aspect des gens, ou quoi que ce soit, simplement pour pouvoir les encourager à s'intégrer à la population active et inciter les employeurs à le faire. Je me demandais si vous pourriez faire des commentaires à ce sujet et parler un peu plus des incitatifs.

+-

    Mme Michelle Jay: D'après mon expérience comme conseillère en emploi, même dans le cas de personnes qui travaillent comme manoeuvres, l'employeur me demande « Quel est l'avantage ou l'incitatif pour moi? »

    Je suis sûre qu'en grande partie cela est attribuable à notre économie ici à l'Île-du-Prince-Édouard, mais beaucoup de personnes reçoivent l'assurance-emploi ou font partie des groupes ciblés comme les Autochtones et les jeunes. Par conséquent les employeurs partent du principe qu'il y a un avantage ou un incitatif pour eux d'embaucher un membre de l'un de ces groupes. Lorsqu'ils parlent à un nouvel arrivant, ils se disent : « Ce type vient d'arriver », ou « J'ai un peu de difficulté à la comprendre; de toute évidence il doit y avoir un incitatif ». Il m'est donc difficile de dire : « Non, il n'y a rien. Ce que vous obtenez, c'est un excellent travailleur qui fera du vraiment bon travail chez vous ».

    Ils peuvent donc embaucher des résidents de l'Île-du-Prince-Édouard pour lesquels des incitatifs sont prévus. Leurs salaires sont subventionnés. Ils préfèrent donc les embaucher que de prendre le risque d'embaucher une personne d'un autre pays qui n'a pas d'expérience de travail ou qui a une certaine difficulté à parler la langue.

    Je considère que cela ne fait que défavoriser davantage les nouveaux arrivants. En fait ils ne sont même pas sur le même pied que les autres travailleurs canadiens.

·  +-(1340)  

+-

    M. Rahim Jaffer: Vous avez parlé de subventions pour ceux qui étaient ici. Existe-t-il à RHDCC des programmes ou des initiatives qui permettent de subventionner des travailleurs éventuels ici?

+-

    Mme Michelle Jay: Oui, il existe des subventions salariales ciblées et des projets de création d'emplois.

+-

    M. Rahim Jaffer: Intéressant.

+-

    Mme Michelle Jay: En fait, les nouveaux arrivants ne sont pas admissibles aux subventions salariales ciblées.

+-

    M. Rahim Jaffer: Je vous remercie.

+-

    Le président: Merci beaucoup. Ce tour a été vraiment rapide.

    Nous commencerons par vous la prochaine fois, Colleen.

    Nous sommes un peu en retard, mais je tiens à vous remercier. Vous nous avez présenté ce qui s'apparente pratiquement à un centre d'accueil. Ils existent dans tous nos quartiers, et ils jouent un rôle très important.

    Comme vous le savez, nous allons préparer un rapport sur toute cette question. Malheureusement, la question de la reconnaissance des titres de compétences acquis à l'étranger est un sujet un peu plus difficile, mais nous nous assurerons que vous obteniez un exemplaire du rapport. Je tiens à vous remercier de votre exposé.

    Nous terminons donc avec ce groupe et commencerons avec le prochain dans environ une minute.

    Je vous remercie.

·  +-(1342)  


·  +-(1345)  

+-

    Le président: Nous reprenons la séance.

    Monsieur Arsenault, pourriez-vous nous faire votre exposé? Vous avez cinq minutes. Nous passerons aux questions une fois que tout le monde aura fait son exposé.

+-

    M. Kevin Arsenault (directeur général, Prince Edward Island Association for Newcomers to Canada): Je tiens tout d'abord à vous dire à quel point le conseil d'administration et le personnel de la P.E.I. Association for Newcomers du Canada est reconnaissant au Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration d'être venu à Charlottetown.

    Vous avez déjà entendu un exposé d'un membre du personnel il y a un instant. J'aimerais simplement dire quelques mots à propos de notre organisation également.

    Nous sommes l'une des deux organisations qui offrent des services d'établissement à l'Île-du-Prince-Édouard, l'autre étant le collège Holland, qui assure le programme CLIC. Nous nous occupons essentiellement de tout le reste. Nous obtenons du financement des deux secteurs de Citoyenneté et Immigration, la Direction générale de l'établissement et la Direction générale de l'immigration. Vous êtes probablement bien au courant de l'ensemble des programmes—le PAR, le programme d'accueil et le PEAI—et nous nous occupons également de l'évaluation linguistique pour le collège Holland. Nous avons aussi un programme de counselling en matière d'emploi, qui est financé par RHDCC.

    Je mentionnerai simplement que je trouve curieux que certains de nos homologues, même dans la région atlantique du Canada, reçoivent leur financement de programmes d'emploi par l'intermédiaire de la Direction générale de l'immigration, par l'entremise de Citoyenneté et Immigration, tandis que dans notre cas cela se fait par l'intermédiaire de RHDCC. Nous constatons souvent une absence d'uniformisation au niveau des sources de financement et des lignes directrices relatives à ces programmes respectifs.

    Je suis ici essentiellement pour vous dire quelques mots à propos de la réunification des familles. Nous faisons partie du Conseil canadien pour les réfugiés et je crois que vous avez déjà entendu le témoignage du Conseil sur la question de la réunification des familles ainsi que d'autres représentants d'organisations—d'agences d'établissement, qui font aussi partie du Conseil canadien pour les réfugiés. Comme je n'ai pas l'intention de répéter tout ce qui a déjà été dit, je tiens simplement à préciser que notre association partage les mêmes préoccupations que celles qui ont été exprimées par le Conseil canadien pour les réfugiés en ce qui concerne la réunification des familles, et ainsi à indiquer que nous appuyons les recommandations formulées par le Conseil pour donner suite à ces préoccupations.

    Donc très brièvement, voici certaines de nos préoccupations.

    La première, c'est d'éliminer la taxe d'établissement pour l'ensemble des immigrants et pas simplement pour les réfugiés parrainés. Les frais d'administration de 550 $ pour les adultes et de 150 $ pour les enfants peuvent être, ayant été dans bien des cas, un important obstacle pour les réfugiés établis au Canada qui veulent parrainer l'entrée au pays de membres de leur famille.

    Deuxièmement, il semble également nécessaire et difficile pour le gouvernement d'uniformiser le traitement des demandes dans différents bureaux canadiens des visas. Nous recommandons que cette uniformisation vise à réduire au minimum les exigences bureaucratiques concernant les formulaires à remplir et le traitement des documents. D'après ce que nous avons entendu, les procédures et les formulaires de traitement posent plus de problèmes dans certains centres, et une évaluation devrait permettre de déterminer les procédures les meilleures et les plus justes, qui pourraient alors être utilisées dans tous les bureaux des visas.

    Troisièmement, il faut régler le problème de la règle des membres des familles exclues, c'est-à-dire l'alinéa 117(9)d) du Règlement qui énonce qu'une personne n'est pas un membre de la famille si elle n'a pas été rencontrée par un agent des visas au moment où le parrain a émigré au Canada. Étant donné qu'en fonction de cette évaluation une personne n'est pas considérée comme un membre de la famille, elle ne peut pas être parrainée, ce qui empêche la réunification de certaines familles.

    Il existe des circonstances où il est facile de comprendre comment une telle chose peut se produire. Des gens pensent que des membres de leur famille ont été tués, par exemple qu'ils fuient une guerre civile et se retrouvent dans un camp de réfugiés. Ils n'ont plus de nouvelles de leur fils, de leur fille, de leur père ou de leur mère. Ils ne présentent pas cette information. Ils arrivent au Canada et ils constatent ensuite grâce à des réseaux, que cette personne a effectivement survécu et veut venir au Canada, mais ils sont coincés.

    Quatrièmement, il faudrait élargir la définition de famille pour reconnaître que dans d'autres pays et d'autres cultures, la famille ne se limite pas forcément à des parents par le sang. Carolyn Vanderlip, une journaliste pour le Hamilton Spectator a rapporté dans un article il y a quelques semaines, le 9 avril, les efforts déployés par un réfugié pour amener des orphelins au Canada—des enfants avec lesquels il n'a pas de liens de sang mais qui ont fait partie de sa famille au cours des cinq dernières années qui ont précédé son arrivée. Lorsqu'il est arrivé ici, on lui a indiqué qu'il pourrait les faire venir au Canada, mais ensuite cette interprétation très rigide de « membre de la famille » a depuis mis fin au processus. Pourtant, on lui avait confié la garde de ces enfants et maintenant ils doivent se débrouiller seuls.

·  +-(1350)  

    Cette situation est extrêmement répandue dans certains pays africains ravagés par le VIH, où il existe des collectivités qui ne se composent que d'enfants et de leurs grands-parents, par exemple, lorsque le groupe intermédiaire, c'est-à-dire de l'âge des parents, a été pratiquement décimé par le sida. Je suis sûr qu'au nom des principes humanitaires et de la justice, notre système ne peut pas être strict au point d'empêcher une telle réunification de la famille.

    Mis à part ces problèmes et ces préoccupations concernant la réunification de la famille, il existe un problème particulièrement important auquel il faut porter une attention immédiate, et ce sont les délais irréalistes de traitement des demandes des dossiers de réunification des familles. Je suis sûr que le comité a déjà entendu à maintes reprises que cela représente le plus grave problème auquel font face les immigrants en ce qui concerne la réunification de la famille. Le rapport du Conseil canadien pour les réfugiés, intitulé « No faster Way? » traite de la lenteur du traitement des demandes d'immigration, et les recommandations qui y sont formulées sont pertinentes et devraient être mises en oeuvre.

    J'aimerais faire quelques recommandations à cet égard.

    Tout d'abord, le gouvernement canadien devrait attribuer des ressources supplémentaires aux bureaux de la citoyenneté et de l'immigration pour accélérer le traitement des demandes de manière à réduire les retards dans la réunification des familles.

    Deuxièmement, étant donné que la région atlantique du Canada a récemment perdu environ la moitié de son effectif à la citoyenneté et à l'immigration au profit de l'agence de services frontaliers, effectif qui est passé de 160 à 80, et étant donné qu'un grand nombre de ces employés transférés possèdent de l'expérience dans le traitement des demandes d'immigration, un système devrait être instauré pour permettre le transfert de certains de ces dossiers d'immigration au personnel qualifié de l'agence des services frontaliers durant des périodes où les questions de sécurité et d'application de la loi ne sont pas prédominantes. Cette façon de procéder nous permettrait de réduire l'arriéré des demandes et de raccourcir considérablement les délais de traitement des demandes.

    Je ne lirai pas tout ce qui se trouve ici car je vais manquer de temps.

    La troisième recommandation, je crois, offre une réelle possibilité de collaboration entre les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral. Il s'agit d'établir un système qui permettrait aux gouvernements provinciaux d'envoyer des demandes au gouvernement fédéral pour prélever parmi les 7 ou 8 000 dossiers en attente des demandes particulières qui pourraient répondre aux exigences de la catégorie des travailleurs spécialisés dans le cadre du programme des candidats des provinces. À l'heure actuelle, il semble légèrement bizarre que nous ayons des milliers de personnes, dont probablement un grand nombre possèdent ces compétences, qui attendent que leur demande soit traitée, et nous avons des gouvernements provinciaux qui dépêchent des délégations à des foires d'emplois pour recruter des personnes de pays étrangers. Il devrait exister un moyen de régler conjointement ces deux problèmes et de partager ces dossiers. Cela permettrait non seulement de réduire le temps d'attente pour certains mais accélérerait en fait le traitement d'autres demandes au niveau provincial.

    Pour terminer, j'aimerais simplement faire une digression pour dire à quel point j'ai été impressionné, après avoir fait un exposé devant le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration en février 2003, par le rapport final qui a été présenté au Parlement. Ma confiance envers les comités permanents a augmenté considérablement car les recommandations qui ont été formulées étaient tout à fait pertinentes.

    Ce qui me préoccupe en faisant un autre exposé ici aujourd'hui c'est que... je me demande, étant donné qu'aucune de ces recommandations très prudentes n'a été, à ma connaissance, effectivement mise en oeuvre, particulièrement en ce qui concerne la reconnaissance des problèmes de financement de l'établissement pour des petits centres comme l'Île-du-Prince-Édouard... Les recommandations étaient remarquables, mais ceci est la réalité.

    Il vous étonnera peut-être d'apprendre que le taux d'établissement des immigrants a doublé de 2003 à 2004 et que notre financement au chapitre de l'établissement est identique à celui que nous avons reçu l'année dernière. Nous avons deux fois plus de personnes à servir, mais avec la moitié de l'argent nécessaire pour le faire à une époque où le gouvernement fédéral déclare à quel point les services d'établissement sont importants pour créer des collectivités accueillantes et retenir les immigrants. Ce montant est fondé sur une moyenne mobile de trois ans qui ne tient pas compte des augmentations radicales que nous avons connues en 2004, et je crois que c'est vraiment un problème dont il faut s'occuper.

    Je vais terminer. J'ai parlé sept minutes alors qu'on m'en avait accordé cinq, donc je suppose que j'ai dépassé de deux minutes mon temps de parole.

    Je vous remercie.

·  +-(1355)  

+-

    Le président: Non, c'était plus que cela.

    Je vous remercie.

    Nous allons maintenant entendre le professeur Rankaduwa.

+-

    M. Wimal Rankaduwa (professeur agrégé, départment d'économie, Université de l'Île-du-Prince-Edouard, à titre personnel): Je tiens à remercier les membres du comité d'être venus ici dans ma ville pour me permettre de comparaître devant vous.

    J'aimerais tout d'abord vous parler brièvement de mes antécédents. Je suis un immigrant de la première génération au Canada. Je suis né au Sri Lanka et je suis arrivé au Canada en tant que chercheur-boursier en économie en 1981. Après avoir terminé mes études supérieures à l'Université Dalhousie, j'ai décidé de m'installer au Canada avec ma famille. J'avais plusieurs raisons de le faire. J'ai habité à Halifax de 1987 à 1996 et j'ai déménagé à l'Île-du-Prince-Édouard en 1996. À l'heure actuelle, je suis professeur agrégé en économie à l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard, et je suis aussi professeur auxiliaire honorifique d'économie à la faculté des études supérieures de l'Université Dalhousie.

    À l'Île-du-Prince-Édouard, je suis membre du conseil des gouverneurs de l'université et du Sénat de l'université. À titre de membre du Comité consultatif sur l'internationalisation, je travaille étroitement avec des étudiants internationaux et leur collectivité.

    Dans la collectivité, je suis aussi vice-président du conseil multiculturel de l'Île-du-Prince-Édouard. À titre de chercheur, je travaille sur des questions d'immigration en tant que membre du comité du domaine économique du Atlantic Metropolis Centre for Immigration Research.

    Au cours de ma brève présentation, j'aimerais plaider en faveur d'une politique fédérale qui met davantage l'accent sur les régions et en faveur d'une plus grande souplesse de l'immigration en ce qui concerne la catégorie du regroupement familial.

    J'ai l'intention de mettre l'accent sur la réunification des familles, en ce qui concerne ma propre région, ses difficultés socio-économiques et la nécessité de tenir compte d'une politique proactive en matière de population et d'immigration. Je considère que des politiques et des stratégies nationales efficaces en matière d'immigration doivent avoir une claire orientation régionale qui tient compte non seulement des réalités nationales dans l'ensemble mais aussi des réalités régionales. Pour que ces politiques et stratégies soient efficaces, elles doivent tenir compte des aspirations et besoins sociaux, économiques et culturels du pays et de ses régions. Pour que ces politiques et stratégies soient efficaces, elles doivent évoluer avec le temps pour s'adapter aux nouvelles réalités. De telles politiques et stratégies doivent être formulées et conçues en fonction d'une vision à court et à long terme, en tenant compte de l'évolution des contextes régionaux, nationaux et internationaux.

    Vous vous trouvez ici dans une région où les questions d'immigration ont reçu beaucoup d'attention ces derniers temps, en tant que solution aux graves problèmes démographiques auxquels fait face la région, et à leurs conséquences.

    Vous êtes arrivés à un moment où les gouvernements provinciaux dans la région considèrent sérieusement l'immigration comme solution à la baisse de population et à ses conséquences socio-économiques. Compte tenu de la perspective d'une croissance démographique naturelle pratiquement nulle ou négative, une émigration accrue et des taux négligeables d'entrée nets d'immigrants, les gouvernements de la région craignent que la diminution de la population s'aggrave dans un avenir prochain.

    La région atlantique du Canada est en grande partie une région rurale. La dépopulation accrue des régions rurales est un autre aspect inquiétant du problème démographique que connaît la région. Ce phénomène inquiète particulièrement les décideurs de la région de l'Atlantique. Les gouvernements, les entreprises et la population sont gravement préoccupés par les conséquences négatives possibles de ces problèmes.

    Il n'y a pas longtemps que les gouvernements de la région manifestent ce niveau d'intérêt dans l'immigration comme solution aux problèmes régionaux. Il s'agit d'une évolution très positive de la politique nationale d'immigration. Je vous demande d'en tenir sérieusement compte et de profiter de cette occasion de travailler avec les provinces de manière à intégrer une plus grand orientation régionale dans la politique et les stratégies nationales d'immigration.

    À l'heure actuelle, la région atlantique du Canada ne représente qu'environ 1 p. 100 du flux d'immigration. Il est devenu de plus en plus difficile, pour diverses raisons, d'attirer et de conserver les immigrants dans la région. Des chercheurs au Atlantic Metropolis Centre et au Conseil économique des provinces de l'Atlantique ont déterminé l'existence de plusieurs facteurs qui font en sorte qu'il est difficile d'attirer, d'intégrer et de retenir les immigrants dans la région atlantique du Canada. Il s'agit entre autres du plus grand nombre de collectivités rurales et de petites villes qui sont moins intéressantes au yeux de la majorité des immigrants; d'une absence de liens internationaux; d'une absence de connaissances à propos de la région atlantique du Canada dans d'autres régions monde; d'une économie qui n'offre pas de débouchés économiques aux nouveaux immigrants; d'une discrimination consciente et inconsciente contre l'immigration de la part des résidents, des employeurs et des institutions établies, y compris les institutions du secteur public; d'une insuffisance des ressources consacrées à l'immigration de la part des gouvernements provinciaux et fédéral; de l'absence de participation du secteur privé et du public dans le processus d'immigration; et de la concurrence que se livre la communauté internationale pour ce qui est d'attirer les immigrants.

¸  +-(1400)  

    Ces difficultés ne seront pas faciles à surmonter à court terme. Cependant, il est impossible de concevoir des politiques novatrices pour les surmonter dans un délai raisonnable. À mon avis, le moment est venu de réorienter la politique fédérale pour qu'elle mette l'accent non seulement sur ceux qui viennent ici mais aussi sur l'endroit où ils vont s'établir. Étant donné que les gouvernements provinciaux et même municipaux manifestent un intérêt accru pour l'immigration, je vous demande d'encourager les municipalités et les provinces à élaborer et mettre en oeuvre des politiques et des stratégies destinées à attirer les immigrants vers des destinations rurales et à les y retenir, et de travailler en collaboration avec elles.

    J'aborderai maintenant l'immigration en ce qui concerne la catégorie du regroupement familial. J'aimerais vous présenter certaines de mes réflexions concernant la façon dont cela pourrait contribuer à régler certaines des difficultés que nous avons à attirer, à intégrer et à garder les immigrants. J'ai travaillé avec de nombreuses collectivités d'immigrants et j'ai constaté qu'une grande majorité d'entre eux pense que c'est la catégorie d'immigrants la moins prisée ou jugée la plus indésirable par les autorités et la majeure partie du public. Cette perception est créée, en partie, par la façon dont les politiques et les procédures ont été conçues et mises en oeuvre par les autorités. Il est important de constater que les perceptions ont effectivement de l'importance lorsqu'il s'agit d'attirer, d'intégrer et de garder les immigrants.

    En ce moment même, le gouvernement fédéral a pris des mesures pour accroître l'immigration dans la catégorie du regroupement familial et pour corriger la lenteur du traitement des demandes. Je tiens à en remercier le gouvernement fédéral.

    À mon avis, la catégorie du regroupement familial peut et doit jouer un rôle important pour ce qui est d'attirer et de garder les immigrants dans les régions rurales du Canada. L'une des principales raisons pour lesquelles il est difficile d'attirer et de conserver les immigrants dans ces régions, c'est l'absence d'enclaves linguistiques ou ethnoculturelles, ou de grandes collectivités d'immigrants dans les régions rurales. L'existence de ces collectivités permet d'offrir des produits dits ethniques : qu'il s'agisse d'aliments, de lieux de culte et de choses de ce genre qui contribuent à attirer, à intégrer et à garder les immigrants. Leur absence dans les régions rurales crée une difficulté, en ce sens qu'il y a très peu d'immigrants qualifiés susceptibles d'offrir des services essentiels dans de petites collectivités rurales. Il n'est pas facile de développer en peu de temps une collectivité dans ce genre d'endroits. Cependant, je crois que la présence d'un petit nombre de familles ou de membres de la famille ou de parents proches, peut remplacer avantageusement les enclaves ethnoculturelles ou les produits ethniques. Le contexte historique de cette province et le grand nombre de familles immigrantes qui restent dans les régions rurales...

+-

    Le président: Professeur, pourriez-vous conclure? Nous avons dépassé le temps écoulé et je tiens à nous assurer que nous puissions poser des questions.

+-

    M. Wimal Rankaduwa: Je tâcherai de formuler certaines recommandations mais j'arrêterai ici, si vous le préférez. S'il y a des questions, je...

+-

    Le président: Vous pouvez également remettre votre mémoire au comité. Nous aimerions beaucoup si vous pouviez nous écrire...

+-

    M. Wimal Rankaduwa: Bien sûr. C'est ce que je ferai. Je suis désolé d'avoir...

+-

    Le président: Non, non, c'est bien. Merci beaucoup, professeur.

    Madame Kelly.

+-

    Mme Gunay Kelly (membre du personnel, Nations Unies, à titre personnel): Merci.

    Je m'appelle Gunay Kelly. Je suis une immigrante de la catégorie de la famille. Mon époux, Daniel, est né au Canada. J'aimerais aujourd'hui vous faire part de mon expérience du processus d'immigration et formuler quelques suggestions. Merci de me donner l'occasion de le faire.

    Comme je n'ai que cinq minutes, je vais vous donner un bref aperçu des événements, puis vous pourrez me poser des questions.

    Mon dossier était assez simple, mais il y a eu des complications. Mon mari était en poste en Afghanistan pendant le traitement de mon dossier. J'étais en visite chez ma soeur, à Cleveland, avec un visa de touriste, ce qui était logique, puisque c'est plus proche du Canada. Notre mariage était prévu pour le 31 juillet. Nous nous sommes mariés dans une cérémonie civile dans mon pays d'origine en novembre et j'ai immédiatement présenté une demande d'immigration.

    Hier, pendant que je préparais des notes, j'ai bien réfléchi à ce que je pourrais dire de positif au sujet du processus. Ce qu'il y a de bien, c'est que la trousse de demande est très bonne et contient suffisamment d'information. J'ai pu remplir tous les documents seule, sans l'aide de mon mari. Les ressources sur le site Web sont formidables. Ma seule observation concerne les outils en ligne, comme la vérification du statut de la demande. Le guide d'immigration indique qu'il y a une mise à jour hebdomadaire. Ce n'est certainement pas mis à jour toutes les semaines puisque j'avais de l'information qui est apparue sur le site Web seulement plus tard.

    La véritable difficulté et ce qui m'a frustrée c'est que je n'arrivais pas à obtenir de l'information. Bien sûr, il y un numéro sans frais et il y a le numéro de téléphone de l'ambassade, il y a les outils en ligne, mais on n'arrive pas à parler à une vraie personne. À un moment donné nous nous sommes trouvés obligés de nous adresser à notre député pour lui demander de communiquer avec l'ambassade. Puis on m'a donné un numéro et je devais suivre le cheminement de ma demande en ligne, sans beaucoup de succès puisque l'information n'était pas à jour. À un moment on m'a dit que je devais fournir des documents additionnels, ce que j'ai fait.

    Une autre difficulté à laquelle j'ai fait face est qu'il n'y a pas de délai de traitement défini. Le site Web de l'ambassade indique un délai de trois à six mois. En fait, il faudrait des délais de traitement. J'ai présenté ma demande en décembre. Quand puis-je m'attendre à recevoir un accusé de réception de la part de l'ambassade? Six mois c'est long, et on ne sait pas ce qui se passe pendant cette période.

    Il y a des inefficacités évidentes dans le processus. Après avoir fourni la documentation additionnelle, j'ai appris sur le site Web que mon dossier allait être examiné le 23 mai. Puis, tout à coup, encore sur le site Web, j'ai appris que le traitement de mon dossier était mis en attente, sans qu'on me fournisse la moindre explication. Je devais être au Canada pour mon mariage le 31 juillet. Que pouvais-je faire? J'ai écrit à l'ambassade et n'ai obtenu aucune réponse.

    Plus tard, j'ai décidé qu'il n'y avait pas d'autres solutions que d'écrire au ministre de l'Immigration, ce que nous avons fait. Nous avons reçu une lettre formulaire indiquant qu'on s'occupait de la question. Je pense que c'est surtout grâce à l'intervention du député local que le processus a débloqué.

    En mai, je pense, j'ai reçu une lettre de l'ambassade à Vienne m'informant que ma demande était approuvée et que j'allais être admise à titre de résidente permanente. Dans cette lettre, on me demandait de fournir mon passeport, la couleur de mes yeux et ma taille. Il n'y était aucunement question des droits de 945 $ que je devais acquitter pour devenir résidente permanente. J'ai envoyé ce qu'on me demandait par FedEx immédiatement et grâce au numéro de l'envoi j'ai pu confirmer que l'ambassade l'avait reçu. Je n'ai pas obtenu de réponse de l'ambassade. En fait, j'ai téléphoné.

    Je bénéficiais d'un net avantage puisque je connaissais le nom de la personne qui traitait mon dossier. Je pouvais donc appeler mine de rien et demander à parler à cette personne. Le numéro de téléphone de l'immigration donnait accès uniquement à une boîte vocale et personne ne retournait mes appels. J'ai pu téléphoner et parler à la personne responsable de mon dossier. Néanmoins, c'était très frustrant. Elle m'a dit qu'il y avait un droit à acquitter et qu'elle ne pouvait rien faire tant que ce n'était pas réglé. Pourquoi ont-ils attendu que j'appelle pour me le dire? Je ne le sais pas.

¸  +-(1405)  

    Elle voulait que je paie en ligne. Mon mari était en Afghanistan. Il ne pouvait pas payer au Canada. J'étais à Cleveland, alors j'ai utilisé ma carte de crédit.

    J'ai même écrit une lettre et j'ai envoyé par télécopieur les reçus que j'avais imprimés, mais je me demande vraiment comment ils vont confirmer le paiement, puisqu'il n'y a aucun moyen d'identifier la personne qui paie. C'était un reçu en blanc avec un numéro de référence. C'était donc une autre embûche. On ne m'a pas dit d'envoyer le paiement à un centre de traitement des dossiers. Je leur ai envoyé les reçus et c'est tout. Plus tard, j'ai découvert que j'aurais dû l'envoyer à un centre de traitement des dossiers. Je l'ai fait de ma propre initiative. À chaque étape, je devais prendre l'initiative. Je n'ai obtenu aucune instruction claire.

    Enfin, le 13 juillet, j'ai su que j'allais obtenir mon passeport. Le 16 juillet, j'ai atterri à l'Île-du-Prince-Édouard, deux semaines avant mon mariage.

    Le processus a duré un peu plus de six mois. C'est très bien, c'est plus ou moins le délai normal. Mais si je n'avais pas tant insisté, j'aurais raté mon mariage. Je ne pouvais pas venir avec un visa de touriste. Le traitement de ma demande d'immigration en aurait été retardé et elle aurait même pu être rejetée.

    C'était une situation très frustrante et l'ambassade ne m'a donné aucune aide. J'avais accès à Internet, je parle anglais, il y a certaines choses que je pouvais faire moi-même. Mais que font les personnes qui n'ont pas ces mêmes ressources? Je ne sais pas et je n'ose même pas l'imaginer.

    C'est difficile de blâmer une personne en particulier pour ce qui s'est passé. C'est probablement un manque de leadership à un certain niveau, un manque de coordination.

    Quoi qu'il en soit, cette expérience frustrante a connu une fin heureuse. Si je devais décrire en un mot comment je me suis sentie dans mes rapports avec l'ambassade et tout au long du processus, je pense que je dirais que je me suis sentie « humiliée ».

    Je serai heureuse de répondre à vos questions.

¸  +-(1410)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Nous allons commencer par M. Jaffer.

+-

    M. Rahim Jaffer: J'apprécie votre histoire personnelle. Ça aide à situer certains des défis dont on nous parle. Je sais qu'en tant que députés nous nous occupons d'un grand nombre de dossiers d'immigration et cela indique qu'il y a un vrai problème au ministère qui doit être réglé.

    Monsieur Arsenault, vous avez mentionné que le nombre d'agents de traitement des demandes d'immigration dans la région était passé de 160 à 80. Est-ce exact?

+-

    M. Kevin Arsenault: Oui

+-

    M. Rahim Jaffer: Est-ce exact également qu'ils ont été transférés aux services frontaliers?

+-

    M. Kevin Arsenault: Oui.

+-

    M. Rahim Jaffer: C'est intéressant. Cela touche l'ensemble de la région atlantique. Est-ce exact?

+-

    M. Kevin Arsenault: Les quatre provinces de l'Atlantique. C'est ce que Tony Marshall, directeur général, CIC, région de l'Atlantique, a dit lors de sa comparution devant le Comité permanent de l'Île-du-Prince-Édouard qui a tenu des audiences il n'y a pas longtemps.

+-

    M. Rahim Jaffer: C'est bon à savoir, car des fonds additionnels devaient servir à renforcer les services frontaliers, mais pas au détriment des services existants. Je suis donc heureux que vous ayez précisé cela. Nous allons vérifier cela tout de suite.

    Vous avez mentionné que certaines demandes de réunification des familles devaient être traitées plus rapidement que les autres. Est-ce que vous songiez en particulier à la région de l'Atlantique? Quels dossiers au juste devaient être traités plus rapidement d'après vous?

+-

    M. Kevin Arsenault: On ne semble pas accorder une très grande priorité à réduire les longs délais de traitement des dossiers de réunification de la famille. Tant au niveau provincial que fédéral, on semble supposer qu'il est préférable de faire venir des immigrants de la composante économique qui aideront à régler plus rapidement les problèmes de l'économie.

    Mes recommandations s'adressaient au niveau fédéral. Les provinces, comme le Manitoba, réussissent à retenir des immigrants qui participent au programme des candidats des provinces parce qu'elles imposent deux conditions aux demandeurs : qu'ils aient un emploi et un membre de leur famille dans la province. Nous n'avons pas d'importantes enclaves ethniques ici et un grand nombre de personnes que nous faisons venir ici s'en vont ensuite ailleurs.

    Il serait possible d'utiliser la liste d'attente du gouvernement fédéral pour aider les provinces à attirer des immigrants ayant certaines compétences. Ainsi, nous pourrions accélérer le processus pour faire venir des gens à l'Île-du-Prince-Édouard.

    Mon autre recommandation s'adresse davantage aux provinces. Le gouvernement provincial veut attirer les investisseurs. Il pourrait leur imposer comme condition de créer des emplois qui pourraient être occupés par des personnes appartenant à la catégorie de la réunification de la famille. Ainsi, un plus grand nombre de personnes resteraient.

+-

    M. Rahim Jaffer: Eh bien, il semble, comme le disait le professeur, qu'il faut agir sur deux fronts. Les gouvernements des provinces de l'Atlantique cherchent ensemble les moyens d'attirer des immigrants, mais une fois qu'ils sont là, comment les retenir? Il me semble que si l'on envisage d'accélérer le traitement des demandes de réunification de la famille, c'est ici qu'il faudrait le faire, tout en créant des enclaves. Je crois que le professeur a parlé de conserver des enclaves de collectivités et je pense que c'est la seule solution. Je suis curieux de voir ce que vous en pensez.

    Je n'ai pas d'autres questions pour le moment.

¸  +-(1415)  

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Siksay.

+-

    M. Bill Siksay: Merci, monsieur le président, et merci à vous tous de vos exposés.

    Madame Kelly, merci de nous avoir fait part de votre expérience personnelle. Je sais que ce n'est pas toujours facile et je l'apprécie. Cela m'a rappelé les 18 années pendant lesquelles j'ai été adjoint de circonscription d'un député et pendant lesquelles j'ai aidé un grand nombre de personnes dans des circonstances semblables. Je me rappelle avoir eu une rencontre avec Immigration Canada : les adjoints de circonscription ont entouré le gestionnaire du bureau de Vancouver et lui ont dit : « Vous auriez des choses à apprendre de Revenu Canada ». À l'époque, Revenu Canada recevait très peu de plaintes au sujet de ses services. Il avait un système pour percevoir les impôts—pas vraiment le poste le plus populaire au monde—et s'attirait très peu de plaintes, alors que l'Immigration, qui a une clientèle beaucoup plus petite, recevait énormément de plaintes. Je pense que la qualité du service à CIC n'est toujours pas très bonne, et c'est peu dire. Nous devons régler ces problèmes, et vos suggestions à cet égard sont très appréciées.

    Je voulais poser une question au professeur Rankaduwa. Vous avez mentionné toute la question de la migration de sortie, de l'établissement des immigrants et de la manière d'attirer et de retenir les immigrants. Il me semble que ces choses sont reliées. Si nous ne pouvons pas retenir les immigrants dans les régions, c'est probablement pour les mêmes raisons qui se posent en matière d'immigration, à savoir le genre d'emplois disponibles, l'attachement à la collectivité, la vie culturelle, l'attachement familial, etc. Il me semble que ces choses sont reliées.

    Avez-vous examiné ces deux questions comme étant des phénomènes reliés? Je ne suis pas étonné de constater que les provinces qui perdent le plus d'immigrants sont également celles qui ont le plus de mal à les attirer. Comment peut-on attirer des immigrants alors qu'on n'a pas encore réglé le problème de la migration de sortie?

+-

    M. Wimal Rankaduwa: En fait, ils sont liés, et c'est pourquoi j'en ai parlé dans mon exposé. Comme je le disais, la migration de sortie s'explique essentiellement par l'absence de... Lorsque les personnes nées dans une province quittent celle-ci, c'est parce qu'elles cèdent à deux forces : l'une qui les pousse à partir et l'autre qui les attire à l'autre endroit. Les deux sont donc liées.

    Les gouvernements provinciaux ont maintenant compris que l'immigration est la seule solution raisonnable, du moins à court terme, ce qu'ils n'avaient pas compris auparavant. Je pense qu'il est important de savoir que nous ne pouvons pas attendre d'avoir créé des enclaves de collectivités et des groupes ethnoculturels plus importants.

    L'expérience de la province montre que bien des gens qui sont vécu ici... Selon un rapport récent du Conseil municipal de Charlottetown, il y a 7 500 immigrants qui habitent à Charlottetown mais qu'il y a parfois juste une ou deux personnes, ou juste une famille provenant d'un même pays, et qu'elles n'ont pas... Ceux qui vivent ici depuis longtemps sont ceux qui comptent une ou deux familles de la même origine ou de la parenté. Au début, ces familles peuvent très bien remplacer une collectivité plus nombreuse; avec le temps, elles contribuent à la création de collectivités. À long terme, les stratégies d'immigration s'imposent d'elles-mêmes.

+-

    M. Bill Siksay: Ainsi une définition plus large de la catégorie de la famille aiderait à attirer des immigrants et à les retenir. Si les gens pouvaient venir avec leur famille élargie...

    J'ai déposé au début de l'année un projet de loi d'initiative parlementaire visant à permettre aux immigrants de faire venir un plus grand nombre de membres de leur famille élargie mais, malheureusement, il a été rejeté.

+-

    M. Wimal Rankaduwa: Précisément. C'est l'une de mes recommandations, soit d'élargir la catégorie de la famille pour inclure les membres de la famille et la parenté. Si nous voulons que la population augmente, nous devrions pouvoir...

    Moi, par exemple, je peux seulement faire venir mes parents ou mes grands-parents ou une personne à charge de moins de 18 ans. Mais pourquoi pas mes frères qui sont médecins, qui sont dans la trentaine ou au début de la quarantaine, qui ont de jeunes enfants et qui voudraient venir au Canada? La reconnaissance de leurs titres de compétence leur permettrait de venir vivre avec moi; c'est le genre de famille que nous avons. S'ils étaient avec moi, je resterais longtemps dans cette province.

+-

    M. Bill Siksay: Voulez-vous formuler d'autres recommandations que vous n'avez pas eu le temps de faire?

¸  +-(1420)  

+-

    M. Wimal Rankaduwa: Oui.

+-

    Le président: C'est la dernière question. Nous allons manquer de temps.

+-

    M. Wimal Rankaduwa: Très bien, je serai rapide.

    Si on élargissait la catégorie, la question du parrainage se poserait. Il faudrait alors permettre le parrainage partagé des familles, et même un parrainage partagé entre le gouvernement et les familles, car les enfants qu'on accueille contribueront à la vie de ce pays lorsqu'ils auront fini leurs études.

    Dans un rapport très récent de Statistique Canada, présenté au forum stratégique Canada 2017 tenu en mars, le statisticien en chef a révélé que les enfants d'immigrants réussissent mieux à l'école que les autres enfants et je pense que cela s'explique essentiellement par des facteurs culturels. Au début, le gouvernement devrait partager la responsabilité à l'égard de ces enfants, puis ils s'occuperont eux-mêmes de leur avenir.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Nous passons maintenant à Mme Beaumier.

+-

    Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest, Lib.): Merci. Je vais rapidement lancer quelques idées.

    Nous avons un arriéré de 700 000 dossiers. Pour éviter des frustrations comme celles que Mme Kelly a connues, devrions-nous accepter moins de demandes, afin de pouvoir offrir à chacun un service personnel à chaque étape? Je pense qu'il faudrait probablement réduire de 60 p. 100 le nombre de demandes que nous acceptons. Est-ce une solution?

    Franchement, on ne peut pas vraiment comparer Revenu Canada et l'immigration. Revenu Canada s'occupe de chiffres. Vos chiffres sont justes ou ils ne le sont pas, et la plupart des gens ont trop peur de se plaindre.

    Si nous devions redéfinir la catégorie de la famille, est-ce qu'on inclurait uniquement les personnes qui ont des liens de sang—vous parlez de villageois.

    J'ai embauché trois adjoints de circonscription qui ne font rien, absolument rien d'autre que de l'immigration. Nous savons que la fraude existe. Nous savons qu'il y a des dossiers qui nous touchent tellement qu'on ne peut pas les oublier lorsqu'on rentre à la maison le soir.

    Comment arrêter la commercialisation...? Quelles définitions adopter? Comment empêcher l'asservissement? Nous savons qu'il y a des personnes qui font du mariage un commerce. Il y a un homme qui s'est marié trois fois et qui a fait venir ses trois femmes sous des noms différents. Comment pouvons-nous empêcher cela de se produire, si nous élargissons la définition pour inclure le village? Comment faire la part des choses?

    Je ne m'inquiète pas de fraude contre le Canada. Je m'inquiète de l'asservissement. Nous savons que cela arrive. Nous savons qu'un passeport ou un visa canadien peut valoir jusqu'à 30 000 $ ou 40 000 $ US dans un pays du tiers monde.

    Voilà mes deux principales questions.

+-

    Mme Gunay Kelly: J'aimerais répondre à une de vos questions. Lorsqu'on parle de réduire le nombre de demandes acceptées, nous recevons des messages contradictoires. Dans les ambassades canadiennes il y a des affiches qui disent « Le Canada multiculturel vous accueillera ». Vous dites que vous souhaitez que des immigrants viennent au Canada parce que la population n'est pas très élevée, étant donné l'étendue du pays; il faudrait alors peut-être embaucher plus d'agents plutôt que d'accepter moins de demandes.

    Le gros problème, ce n'est pas tellement l'arriéré. Ma demande a été traitée dans un délai plus ou moins normal. Ça n'aurait sans doute pas été le cas si je n'avais pas tellement insisté, mais le véritable problème c'est le paternalisme qui est tellement frustrant. Ce n'est pas une question de temps; c'est la manière dont on est traité.

    Pour la première fois de ma vie, et j'espère que ce sera la dernière, j'ai fait l'objet de discrimination dans cette ambassade, pas en tant qu'immigrante, mais lorsque j'ai demandé un visa de touriste. La dame a refusé de prendre l'argent que je lui tendais parce qu'elle pensait que je devais changer les billets avant de les lui donner. Mon mari a pris son passeport canadien, l'a ouvert et l'a collé contre la fenêtre. Il a montré son passeport et a dit à la préposée qu'elle devait accepter l'argent que je lui tendais.

    Où est la logique? Où sont les normes éthiques?

+-

    Mme Colleen Beaumier: C'est un peu comme Air Canada.

+-

    Mme Gunay Kelly: Oui, plus ou moins.

+-

    Mme Colleen Beaumier: La personne avec qui on traite, c'est le hasard qui l'a choisie, pas nous.

¸  +-(1425)  

+-

    M. Kevin Arsenault: J'aimerais aborder une autre question, tout en appuyant la même idée, c'est-à-dire qu'il ne s'agit pas de faire un choix. Je pense que c'est ce qui est arrivé à l'ancien ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. Lors de la création de la nouvelle agence frontalière après les événements du 11 septembre, on a fait des compromis lorsqu'on a séparé la citoyenneté et l'immigration d'une part et l'application de la loi et de la sécurité d'autre part. Nous avons perdu 80 personnes alors qu'il y a 700 000 personnes qui attendent de pouvoir venir au Canada.

    la solution ce n'est pas de réaffecter les ressources d'un service à un autre. Il faut reconnaître que l'immigration nous rapporte de l'argent. En 2000-2001, les droits de traitement et les droits exigés pour l'établissement se sont élevés à 464,2 millions de dollars. Pendant la même période, nous avons investi seulement 336,4 millions de dollars pour l'établissement. Pourquoi ne pas prendre ces 100 millions de dollars de purs bénéfices provenant des droits de traitement et les donner aux députés—s'il n'est pas possible de le faire au niveau de CIC—pour commencer à réduire cet arriéré? Les ressources réaffectées à l'agence frontalière devraient être remplacées.

    Je suis entièrement d'accord avec cette idée, car l'argent existe. Quiconque se donnerait la peine d'examiner la question verrait qu'il y a des avantages économiques et sociaux à long terme à faire maintenant ce qui doit être fait.

    Je suis sûr que Wimal doit avoir la ventilation des données économiques pour les dix prochaines années. Nous avons travaillé ensemble sur ce dossier.

+-

    Mme Colleen Beaumier: Ce dont j'aimerais vraiment parler c'est plutôt l'exploitation et la possibilité d'asservissement. Croyez-moi, personne n'est plus frustrée que moi.

+-

    M. Kevin Arsenault: Il n'y a pas vraiment d'organisme ou de groupe de défense des droits des réfugiés sur l'île, mais nous nous occupons souvent de ces questions et je vais donc vous donner mon point de vue en tant que défenseur des droits des réfugiés.

    Nous devons respecter les conventions internationales sur les droits des enfants. Si nous pêchons, pêchons par excès de prudence après avoir éliminé les principaux risques d'atteinte à la sécurité . Dans la plupart des cas où les dossiers sont bloqués, les familles sont séparées, les gens sont malheureux, les grands-parents meurent avant d'avoir eu la chance de voir leurs petits-enfants sans raison. Ce ne sont pas des menaces.

+-

    Mme Colleen Beaumier: Non, je suis d'accord avec vous, mais ça ne répond pas à la question de l'asservissement. C'est trop facile de nier que cela se produit.

    S'il vous plaît, professeur.

+-

    M. Wimal Rankaduwa: En fait, la catégorie de la famille est celle qui présente le moins de risques de ce genre, car il y a quelqu'un ici qui a de l'information sur la personne qu'on veut faire venir. Surtout depuis le 11 septembre, depuis que nous essayons de tout faire pour assurer notre sécurité, ces personnes, déjà sur place, peuvent nous aider. En outre, la période de parrainage est de trois ans ou plus.

    C'est donc la catégorie de la famille qui présente le moins de risques de ce genre.

+-

    Mme Colleen Beaumier: Vous parlez de personnes liées par le sang.

+-

    M. Wimal Rankaduwa: Oui.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Nous n'avons plus de temps. Je vous remercie d'être venu.

    Je vous signale, monsieur Arsenault, qu'il existe ure réponse à la recommandation visant l'augmentation du financement et les sources de financement. Nous vous la montrerons, pour que vous puissiez peut-être y donner suite. Il s'agit de la réponse déposée par le gouvernement en octobre 2003 à la recommandation 7 du rapport du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration.

    Merci d'être venu. Nous veillerons à ce que vous obteniez un exemplaire de notre rapport.

    Nous allons suspendre la séance pendant deux minutes avant de passer au tour suivant.

¸  +-(1429)  


¸  +-(1433)  

+-

    Le président: Reprenons.

    Pourriez-vous s'il vous plaît placer les cartes avec votre nom face à nous pour que nous puissions les voir? Puisque nous parlons de réunification des familles, je veux être sûr de bien savoir qui est M. Guergis.

    Nous commençons par Mme Gundaker, vous avez cinq minutes.

¸  +-(1435)  

+-

    Mme Virginia Gundaker (à titre personnel): Bon. Je vais faire de mon mieux. Je ne suis pas là pour faire un discours mais plutôt pour vous parler spontanément de notre expérience. Notre famille est arrivée dans l'île. C'est notre quatrième année. En fait, nous entamons notre quatrième saison. Nous sommes arrivés au début de 2002 et nous avons acheté une ferme biologique de 120 acres. Nous sommes arrivés forts de plus de 25 ans d'expérience dans le monde des affaires et nous avions l'intention de faire venir notre famille pour qu'elle s'installe ici à l'Île-du-Prince-Édouard.

    Nous avons alors commencé à remplir tous ces papiers pour obtenir le titre d'immigrant reçu. Cette pile de documents à côté de moi n'est qu'une partie de toute cette paperasse. J'ai deux boîtes pleines de dossiers interminables que nous avons dû remplir. Nous nous présentons maintenant dans la catégorie des gens d'affaires immigrants.

    Ce que nous trouvons frustrant, ce n'est pas tout le processus de traitement ou de détermination de l'admissibilité ou toutes les procédures normales auxquelles on doit se soumettre. C'est la redondance. C'est l'éternel cycle : Dépêchez-vous, présentez votre dossier, payez, attendez. Nous avons payé des frais de près de 5 000 $ et nous n'en voyons toujours pas la fin.

    Tous les six mois, nous devons renouveler notre visa de visiteur. C'est toute une aventure de passer la frontière parce que notre dossier n'est pas là, donc on nous fait attendre, on nous interroge et nous nous demandons ce que nous faisons là, nous avons l'impression que nous n'avons aucun droit, et c'est vrai, puisque nous ne sommes pas encore des immigrants reçus.

    Nous avons fait tout ce qu'il était possible de faire. Pendant deux ans et demi, nous avons cessé de faire la navette avec toutes sortes de papiers, parce que dès qu'on en avait rempli un, on nous le renvoyait en nous disant qu'il fallait modifier ceci, rajouter cela, payer tel montant parce que les frais avaient changé.

    Finalement, le 14 juin 2004, après deux ans de ce va-et-vient administratif, nous avons fini par obtenir notre numéro B. Les services de l'immigration à Buffalo nous disent que nous commençons à voir la lumière au bout du tunnel, mais quand nous nous présentons à la frontière dans l'espoir de réussir finalement à obtenir notre statut d'immigrant reçu, ce n'est pas évident du tout. Nous ne pouvons toujours pas vivre en paix et être des citoyens productifs ici. Nous n'en avons toujours pas fini avec les papiers pour sans cesse remplir à nouveau en payant des frais et encore des frais, simplement pour pouvoir vivre dans cette merveilleuse province qu'est l'Île-du-Prince-Édouard.

    Nous adorons cette île. Ma famille y est très heureuse. Nous nous sommes tous installés ici. Nous voulions venir pour être productifs, pas pour être un fardeau sous quelque forme que ce soit pour le gouvernement. Nous sommes autonomes. Nous sommes des gens d'affaires. Nous avons payé des frais supplémentaires pour être des gens d'affaires immigrants et monter notre entreprise ici. Il n'est pas question pour nous d'être un fardeau pour la société ou pour le gouvernement, encore une fois.

    En fait, nous voulons au contraire apporter des emplois à cette province. Nous voulons donner des compétences à des travailleurs ici. Nous voulons employer des Canadiens. Nous voulons être autonomes. Mais nous n'avançons pas. J'ai rencontré des autorités locales. J'ai rencontré Lawrence MacAulay. J'ai rencontré des agents de l'immigration et je leur ai demandé comment on pouvait commencer à travailler ici. J'ai rencontré un comité provincial de proposition de candidature. Nous pourrions revenir en arrière et recommencer tout le processus en perdant tous les frais que nous avons payés, simplement pour qu'on propose que nous implantions notre entreprise ici. Nous repartirions à zéro.

    Nous sommes très frustrés. On impose un fardeau énorme à notre famille. Nous sommes stressés à la limite parce qu'il n'y a pas de protocole pour régir notre situation actuelle. Nous attendons d'en avoir fini avec toute cette procédure. Nous avons notre numéro B. C'est très bien. Nous sommes patients. On nous a dit en juillet qu'il faudrait encore six à huit mois. Nous en sommes à dix mois et nous n'avons même pas eu une réponse, alors que Lawrence McAulay essaie de savoir exactement où nous en sommes.

    Ce qui est frustrant pour moi, qui représente la moitié de l'apport de revenu de notre famille, c'est que nous ne pouvons même pas travailler ici. Si nous voulions prendre un emploi ici à l'Île-du-Prince-Édouard, il faudrait suivre un protocole pour obtenir un permis de travail. Mais personne n'a été capable, y compris mon député ou Pat Binns qui est mon voisin—de me dire quel était le protocole quand on est travailleur autonome, pour remplir les papiers et verser les frais qui sont de 150 $ par personne pour obtenir le permis de travail. Cela n'est valable que pour obtenir un emploi chez un autre employeur, et à ce moment-là, je crois que c'est la Direction des ressources humaines ou DRHC qui doit déterminer si nous n'allons pas prendre un emploi à dix autres Canadiens qualifiés. L'employeur doit attendre que toute cette procédure fasse son chemin, et ensuite nous devons présenter une demande à Buffalo pour obtenir un permis de travail et repasser la frontière pour faire valider ce permis de travail.

¸  +-(1440)  

    Personne ici—personne n'a été capable de nous dire, dans tous les bureaux auxquels nous nous sommes présentés, quel était le protocole à suivre quand on est travailleur autonome. J'ai entendu dire qu'il y avait des gens qui arrivaient des États-Unis ou d'autres pays—nous venons des États-Unis, d'ailleurs—et qui montaient des entreprises ici. Ils ont des entreprises artisanales ici.

    Nous sommes dans la cinquantaine. Nous ne voulons pas prendre le risque de nous lancer dans quelque chose ou de tomber en disgrâce ou de voir notre demande d'immigration rejetée. Nous ne voulons pas jouer à la roulette. Nous voulons savoir avec certitude qu'il n'existe pas de protocole pour les travailleurs autonomes qui veulent implanter une entreprise ici.

    Nous avons une entreprise qui date de 25 ans et nous sommes prêts à amener notre matériel, notre entreprise et nos connaissances ici; nous sommes prêts à exploiter une ferme biologique de 120 acres, à amener notre affaire dans cette province et à créer 10 ou 20 emplois immédiatement. Mais il n'y a pas de format pour le faire. Ce qui est frustrant, c'est que nous sommes pour ainsi dire en suspens.

    Je ne viens pas ici vous dire : « Y a-t-il quelqu'un parmi vous qui soit capable de me dire exactement quel est mon statut? » ou « Quand allons-nous obtenir nos papiers d'immigrant reçu? Quand allons-nous passer la procédure d'homologation? » Je ne vous demande pas de réponse toute faite. Je vous demande simplement de réfléchir à ce problème.

    J'ai entendu dire que l'Île-du-Prince-Édouard perdait des résidents, et qu'elle souhaitait accueillir de nouveaux immigrants; qu'elle voudrait attirer de nouvelles entreprises. Nous sommes prêts à faire tout cela. Nous l'avons proposé, mais personne ne nous écoute. Je peux vous dire, et pardonnez-moi de me répéter, que cela impose un fardeau énorme et un stress incroyable à toute notre famille. Nous sommes cinq ici, dont trois sont des adultes prêts à travailler, prêts à mettre à contribution notre expertise, à transposer ici nos connaissances et à employer des travailleurs. Il faut nous que puissions le faire.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Nous passons à M. Luhowy.

+-

    M. Gary Luhowy (à titre personnel): Merci.

    Shirley Ji est sur la liste, mais elle n'a pas pu venir aujourd'hui, donc si vous me le permettez, monsieur le président, j'aimerais très brièvement vous dire ce qu'elle vous aurait dit si elle avait été là. Je sais que vous êtes à court de temps, donc je m'arrêterai si vous me faites signe.

    Je suis un avocat à la retraite de Barrie. J'ai pratiqué le droit pendant 25 ans en Ontario, et il y a deux ans je suis allé travailler pour une entreprise chinoise. Ces deux années d'expérience, ainsi que la connaissance que j'avais déjà de la communauté asiatique, m'ont permis de voir sous un angle nouveau l'immigration en provenance de la Chine. Comme vous le savez, la Chine est notre principale source d'immigrants et le sera encore probablement pendant des années. En fait, non seulement nous allons avoir des immigrants, mais comme vous le savez peut-être, on prévoit que d'ici 15 ans, nous aurons 100 millions de touristes chinois par an, d'après les organismes touristiques internationaux.

    Je suis ici en tant qu'avocat. Shirley est agente immobilière. M. Barrett, à côté de moi, est agent immobilier, de même qu'Edward Guergis. C'est donc l'histoire de trois agents immobiliers et d'un avocat; je ne vais pas vous dire que c'est l'histoire de ces quatre personnages qui se rencontrent dans un bar, car vous savez où tout cela nous mènerait.

    Quoi qu'il en soit, je vous remercie, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.

    Nous sommes ici pour vous parler principalement de l'immigration, mais il y a un lien avec la citoyenneté. Bien que deux d'entre nous soient de l'Ontario—je suis arrivé par avion aujourd'hui—nous voulons nous placer dans la perspective de l'Île-du-Prince-Édouard, mais l'essentiel de ce que nous allons dire est transposable à la majorité sinon la totalité des provinces du Canada.

    Quand on parle d'immigration, on parle de partenariat. Je vais m'en tenir à cela pour l'instant, mais ce n'est pas vraiment ce que nous souhaitons. Ce que nous vous suggérons, c'est que le Canada cesse d'être la source d'immigration pour les catégories des entrepreneurs, des investisseurs, des travailleurs spécialisés et des travailleurs professionnels. Il faudrait que ce soit les provinces qui s'en occupent. En écoutant la dame qui vient de parler, je me suis dit que si elle avait affaire simplement à la province et à une seule administration, elle aurait beaucoup moins de problèmes.

    Prenons par exemple les professionnels. Ils sont régis par les provinces. Pourquoi ne pas avoir une simple procédure à quatre paliers pour les quatre catégories que je viens de mentionner en laissant le Canada s'occuper de la répartition des personnes proposées et du statut de réfugié? La procédure à quatre paliers, comme vous le savez peut-être, comporte deux paliers au niveau de la province. Le recrutement et la présentation de la demande constituent le premier palier, l'évaluation et la recommandation le deuxième. Ensuite, il y a les deux paliers au niveau fédéral, l'enquête et l'examen final et l'approbation.

    Ce que nous suggérons, c'est de laisser les provinces s'occuper du recrutement. Si l'Île-du-Prince-Édouard ou le Manitoba ou la Colombie-Britannique ont besoin d'infirmières, laissons-les recruter des infirmières.

    Les États américains font un excellent travail de recrutement. Dans le rapport Pink d'il y a un an, George Pink souligne que les infirmières formées au Canada qui exercent en Caroline du Nord sont 40 p. 100 plus nombreuses que dans toute l'Île-du-Prince-Édouard. Le Texas, la Floride et la Californie excellent aussi en matière de recrutement.

    Pourquoi ne pourrions-nous pas recruter de la même façon au niveau provincial? Pourquoi ne pas avoir des missions internationales d'immigration? Nous avons bien des missions commerciales. Développons les missions d'immigration. Envoyons un groupe de députés provinciaux et quelques députés d'Ottawa aux Philippines, par exemple, pour recruter des infirmières. C'est bien plus facile que de les former ici. On dirait que nous les formons pour qu'elles partent aux États-Unis, alors pourquoi ne pas aller les chercher ailleurs nous-mêmes?

    Les provinces sont bien mieux placées que le gouvernement fédéral pour déterminer leurs besoins au niveau local, ce qui ne veut pas dire que le gouvernement fédéral doit abdiquer ses responsabilités. C'est lui qui doit encadrer tout le processus. C'est lui qui doit se charger de l'enquête. C'est lui qui doit s'occuper des dossiers concernant la santé, le casier judiciaire et les antécédents. Mais il devrait consacrer ses ressources uniquement à cela en laissant le reste, l'évaluation, aux provinces.

    Nous avons actuellement un processus de nomination des candidats, mais c'est insuffisant. Il faudrait à mon avis que le gouvernement fédéral cesse totalement de s'occuper de ces catégories d'immigrants et laisse les provinces s'en occuper. Le gouvernement fédéral peut très bien répartir pour un an ou pour cinq ans les postes attribués à ces personnes et laisser les provinces se charger elles-mêmes du recrutement.

¸  +-(1445)  

    En plus, si on le fait, on aura un système pour filtrer les futurs citoyens. Si ce sont les provinces qui s'occupent du recrutement et de l'évaluation dans ce domaine, elles connaîtront de beaucoup plus près les immigrants qu'elles approuveront ou qu'elles proposeront pour des certificats. Si le gouvernement fédéral peut consacrer ses ressources au travail de police, à l'enquête sur la santé, les activités terroristes, les antécédents criminels ou autres, on filtre beaucoup mieux les futurs citoyens.

    Le troisième filtre, c'est l'expulsion, qu'on est loin d'utiliser autant qu'on le devrait, comme vous le savez, exception faite d'un ou deux cas notoires qui ont fait les manchettes récemment. Le Canada a une réputation de mauviette, si je puis utiliser cette expression, en matière d'expulsion. C'est très bien. Nous sommes un pays généreux. Je suis d'accord pour qu'on nous considère comme un pays généreux, mais pas comme un pays faible, et je crois que la plupart des canadiens sont de cet avis.

    Si on laisse entièrement aux provinces le processus d'évaluation, si on leur laisse la responsabilité des nominations et de l'immigration, on pourrait avoir un bien meilleur système d'immigration.

    Comme nous n'avons pas beaucoup de temps, nous vous avons remis un résumé de huit pages.

    J'ai parlé tout à l'heure de partenariat, mais on pourrait peut-être voir les choses sous l'angle d'une société. On pourrait peut-être avoir la société de la citoyenneté et de l'immigration où vous, le gouvernement fédéral, seriez la direction et auriez un service chargé de vérifier les sources de ces clients potentiels, les immigrants. Les provinces créeraient leur succursale et détermineraient le nombre d'employés dont elles ont besoin pour faire fonctionner leur succursale de façon efficace ou, pour paraphraser, le nombre d'immigrants dont elles ont besoin. À notre avis, avec une organisation de ce genre, le système d'immigration fonctionnerait mieux.

    Je ne peux pas tout vous dire en cinq minutes, mais je suis prêt à répondre à vos questions.

    Merci du temps que vous m'avez accordé.

+-

    Le président: Merci

    Madame Guergis.

¸  +-(1450)  

+-

    Mme Helena Guergis: Ils vont répondre aux questions? Je croyais qu'ils allaient présenter des mémoires.

+-

    Le président: Je croyais qu'une personne allait présenter leur mémoire pour le groupe. Si quelqu'un d'autre veut prendre la parole, allez-y, mais cela va vraiment réduire le temps réservé aux questions

+-

    Mme Helena Guergis: Je veux bien écouter les autres mémoires.

+-

    Le président: Allez-y.

¸  +-(1455)  

+-

    M. Ron Barrett (à titre personnel): Merci. Je serai très bref.

    Je m'appelle Ron Barrett et je suis né et j'ai grandi dans une petite ferme de cette merveilleuse province qu' est l'Île-du-Prince-Édouard. Je suis devenu instituteur et je suis ensuite passé dans le privé, et le reste, c'est de l'histoire. Maintenant, 20 ans plus tard, je suis encore dans l'immobilier.

    L'Île-du-Prince-Édouard est une province semblable à plusieurs autres provinces canadiennes, mais j'aimerais vous parler des retombées économiques de l'immigration et des nouveaux citoyens sur une province comme la nôtre.

    Récemment, nous avons vendu une propriété à la lisière de notre ville, dans Linkletter. C'est un hôtel de 80 chambres sur un terrain de 50 acres de terre vierge surplombant le port. C'est un investissement époustouflant. Un monsieur chinois, M. Shi Zhong Liu, est venu voir cette propriété avec des amis. En 48 heures, il avait décidé de ce qu'il voulait en faire. C'est quelqu'un que je connais maintenant très bien, même s'il ne parle pas un mot d'anglais. C'est grâce à son esprit d'entreprise et à sa détermination qu'il est devenu ce qu'il est aujourd'hui, l'un des hommes d'affaires les plus respectés de Chine.

    Notre communauté et notre ville sont obsédées par l'idée de nouveaux emplois, de nouvelles perspectives, d'une nouvelle vision, d'un meilleur avenir et d'une croissance continue. Les investisseurs s'en rendent bien compte. Les gens à travers le monde ont entendu parlé de notre potentiel. Pouvons-nous l'exploiter? Nous n'en sommes qu'au début d'une grande expansion.

    Il y a des exploitants d'entreprise touristique qui appellent M. Liu pour travailler avec lui. Les nouveaux immigrants et les nouveaux citoyens apportent de nouvelles idées de commercialisation de notre province à travers le monde. C'est la même chose ailleurs au Canada.

    Le développement va se poursuivre et rapporter des taxes qui permettront de financer de meilleurs services et une meilleure infrastructure dans nos villes. Les gens sont le dénominateur commun du succès. Des villes comme la nôtre partout au Canada ont tout à gagner d'un accroissement de l'immigration. Nous prévoyons déjà des journées multiculturelles et nous tenons des réunions pour essayer de voir comment on peut donner aux immigrants le sentiment qu'ils sont davantage les bienvenus parmi nous.

    Notre chambre de commerce et ses membres se sont lancés avec passion dans une collaboration avec nos nouveaux amis sur toute sorte de projets et d'initiatives pour l'avenir.

    Tous les secteurs de la communauté peuvent prospérer quand on aborde la bonne démarche. L'une de nos principales exportations actuellement, ce sont nos enfants. Nous leur donnons une éducation et ensuite ils partent ailleurs chercher du travail et contribuent au développement d'autres collectivités. Si nous ouvrons plus nos portes à l'immigration de façon à accroître notre population, nous pourrons peut-être offrir plus d'emplois dans notre province. Toutes les familles rêvent de voir leurs membres rester sur place pour y travailler et de voir grandir les petits-enfants dans un climat favorable.

    Je crois que les Canadiens sont respectés dans le monde entier. Nous sommes un pays chaleureux avec de bonnes qualités et des gens sincères. Quant on voyage et qu'on dit qu'on est Canadien, on est toujours accueilli avec un grand sourire.

    M. Liu est venu à l'Île-du-Prince-Édouard non pas pour demander la charité, mais avec une vision, avec l'espoir de monter une nouvelle entreprise et de faire venir sa famille ici un jour. Il a amené de l'argent. Il n'en a pas demandé. Il a entamé un investissement de 10 millions de dollars à Summerside. Je peux vous assurer que cela transforme la vie quotidienne de notre collectivité. Nous avons rencontré plusieurs groupes communautaires et des représentants de tous les paliers du gouvernement, et tout le monde est passionné.

    Nous sommes très fiers d'être nés à l'Île-du-Prince-Édouard. Chaque jour, il y a une occasion à saisir pour ceux qui sont prêts à le faire. Aujourd'hui, les Canadiens peuvent profiter de toutes ces occasions, profiter du multiculturalisme, de l'immigration et de l'arrivée de nouveaux citoyens canadiens pour construire un Canada meilleur et assurer l'avenir de nos familles.

    Merci du temps que vous m'avez accordé.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Guergis.

+-

    M. Edward Guergis (à titre personnel): Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, je suis sûr que M. Barrett a regardé par-dessus mon épaule quand je rédigeais mes notes, car nous sommes vraiment sur la même longueur d'ondes.

    Je vis actuellement à Summerside mais je suis né et j'ai grandi en Ontario. Depuis 15 ou 20 ans, j'ai vu aussi des immigrants arriver au Canada par Toronto et Vancouver, mais sans vraiment comprendre leur importance, du moins jusqu'à récemment, quand j'ai eu la chance de participer à un groupe qui a fait venir un immigrant chinois particulier chez-nous. Je suis absolument certain que de nombreuses autres villes comme la nôtre pourraient fort bien profiter du même genre de bienfait que nous à Summerside.

    Par exemple, ce monsieur est arrivé ici par Toronto. Il ne parle pas anglais, mais il va investir plus de 10 millions de dollars en un an. Cet investissement va avoir des retombées énormes sur les valeurs sociales et économiques de notre région. Il va falloir un an pour boucler ce projet qui a créé de très nombreux emplois dans toutes sortes de métiers, et déboucher sur 80 emplois à plein temps quand l'entreprise démarrera, ce qui accroîtra nos recettes fiscales.

    Il faut développer cela partout au Canada, comme à Summerside. Les frais d'infrastructure et d'entretien ne cessent d'augmenter, et nous devons donc élargir nos horizons partout au Canada. Depuis qu'on a annoncé ce projet—précisons qu'il s'agit d'un établissement hôtelier cinq étoiles en bord de mer—de nombreuses personnes m'ont déjà téléphoné pour se renseigner sur un emploi éventuel.

    Les gens veulent des emplois, des emplois de meilleure qualité et mieux payés. Ils veulent acheter une voiture plus récente, une maison. Ils veulent avoir quelque chose de mieux pour leur famille, et c'est bon pour l'économie et pour toute la collectivité. Trop souvent les jeunes, nos enfants, sont obligés de partir de chez-eux pour se trouver du travail et uniquement pour cette raison. J'ai personnellement une fille de 20 ans qui a quitté l'île pour aller prendre un meilleur emploi à Calgary.

    Je crois que si nous assouplissons nos restrictions à l'immigration, par exemple les restrictions linguistiques, qui auraient pu empêcher M. Liu de venir à l'Île-du-Prince-Édouard—et il ne serait plus là aujourd'hui, il serait parti à Toronto pour s'y installer—nous consoliderons l'économie de nos collectivités partout au Canada et nous pourrons atteindre nos objectifs.

    Merci.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Helena, allez-y.

+-

    Mme Helena Guergis: Merci, monsieur le président.

    Je dois dire évidemment que je suis très fière de voir des gens très sympathiques en face de moi, dont deux en particulier que je connais depuis longtemps—M. Luhowy et naturellement mon cousin Eddie Guergis. Merci beaucoup d'être venus vous adresser à nous aujourd'hui. Nous vous en sommes reconnaissants.

    À propos de ce projet à Summerside, quels sont les obstacles actuels? Je ne l'ai pas très bien compris quand vous nous en parliez. Vous avez du mal à faire venir certains travailleurs ou des gens pour travailler à ce projet?

    Mais avant que vous répondiez, j'ai aussi une question pour Garry. Pour revenir sur ce que nous disions plutôt, pourriez-vous nous parler un peu des critères qu'il faudrait utiliser à votre avis pour l'immigration, à propos notamment de ce disait Eddie au sujet des critères linguistiques, ou même d'autres critères en matière d'éducation?

+-

    M. Gary Luhowy: L'exemple de M. Liu est parfait. Il y a 20 ans, il était marchand de chaussures. Il avait à peu près 300 $ en poche. Aujourd'hui, c'est le principal propriétaire d'une usine où l'on produit quelque chose que nous portons. Sa compagnie approvisionne 30 p. 100 du marché mondial des composés chimiques aromatiques, que l'on retrouve dans les parfums des shampoings, des pâtes dentifrices et des détergents à lessive.

    Il n'a pas d'instruction et ne parle pas un mot d'anglais. Il ne peut donc entrer dans un pays comme le Canada et y être jugé conforme aux critères d'immigration, sans d'abord passer par la longue filière du programme d'immigration des entrepreneurs. Et il ne satisferait pas non plus aux exigences d'une candidature parrainée par une province.

    Nous accordons des points aux entrepreneurs titulaires de doctorat. Eh bien, combien de titulaires de doctorat connaissez-vous qui lancent des entreprises? La plupart de ceux que moi je connais dirigent les services de recherche de sociétés créées il y a longtemps.

    Il est aussi question de langue. Ce matin, je réfléchissais à cela en avion, et, à cause des événements d'hier, je pensais à Leonard de Vinci, à Michael-Ange et à notre nouveau pape, Benoît XVI. Je me suis dit que selon nos règles actuelles en matière d'immigration, ni Leonard ni Michael-Ange ne seraient autorisés à immigrer au Canada et à y fonder des écoles d'art, car ils ne répondraient pas à nos critères.

    Si un candidat comme Henri Ford mettons, venait d'un pays du bassin méditerranéen, lui non plus ne répondrait pas à nos critères. Pourquoi faut-il satisfaire à tant d'exigences linguistiques pour mettre sur pied des entreprises ici? Bon nombre des hommes d'affaires qui ont fait cela à Toronto venaient d'Italie et ne parlaient ni l'anglais, ni le français, seulement l'italien. Leurs fils les aidaient en leur servant d'interprète et de traducteur pour les besoins de l'entreprise.

    Si nous nous en remettons aux provinces, elles adapteront les exigences linguistiques à leurs besoins. Elles pourraient faire de même avec les exigences en matière d'éducation. À l'heure actuelle, les bons entrepreneurs, mais ayant peu d'instruction et aucune connaissance de l'anglais, ont énormément de difficulté à entrer, même s'ils pouvaient se révéler d'excellents employeurs. Si nous cédons ces pouvoirs aux provinces, elles pourront fonder les exigences en matière d'instruction, d'expérience et de connaissances linguistiques sur des besoins réels.

    Confions donc la plupart des pouvoirs liés à l'immigration aux provinces plutôt qu'au gouvernement fédéral, tout en veillant à ce que ce dernier conserve son droit d'entériner les choix des provinces.

    J'espère avoir répondu à votre question.

¹  +-(1500)  

+-

    Mme Helena Guergis: Oui, je vous en remercie.

+-

    Le président: Monsieur Siksay, la parole est à vous.

+-

    M. Bill Siksay: Madame Gundaker, je comprends la frustration que vous éprouvez avec la situation actuelle. Lorsque je m'occupais des problèmes d'immigration, le personnel de Citoyenneté et Immigration me disait souvent qu'on encourageait les gens à faire leur demande d'immigration à l'extérieur du Canada plutôt qu'à l'intérieur. C'est ce que vous avez attaqué de front, il me semble.

    Qu'en pensez-vous?

+-

    Mme Virginia Gundaker: Non, car en fait, nous avons fait notre demande à l'extérieur du Canada. Je suis restée chez nous la première année après l'achat de notre exploitation biologique, qui était aussi une entreprise .Nous avons donc payé les droits d'adhésion à l'IRAC et obtenu l'autorisation d'acheter ce terrain. Je suis restée pour exploiter l'entreprise familiale. Vous savez, nous ne sommes pas des adolescents, ni même au début de la vingtaine, nous devons donc assumer nos responsabilités financières, et parfois cela nous oblige à prendre des décisions un peu amères.

    Cela dit, je savais que je pouvais exploiter l'entreprise familiale et faire en même temps mon travail et celui de mon mari, je l'ai donc envoyé au Canada avec les enfants pour qu'ils y aillent à l'école et pour devenir admissible. En revanche, j'étais moins sûre de pouvoir pelleter assez vite toute cette neige qui tombe à l'Île-du-Prince-Édouard, mais je savais comment exploiter notre entreprise chez nous. Je suis donc restée là-bas la première année, j'ai fermé notre maison, mis de l'ordre dans nos propriétés, fait avancer ce genre de choses puis j'ai commencé à remplir les formulaires.

    Nous avons donc fait notre demande à l'extérieur du Canada. La deuxième année, c'est mon mari qui s'est rendu là-bas pour exploiter l'entreprise et c'est moi qui suis restée ici.

    Monsieur Siksay, si vous me permettez de revenir à certains propos de M. Luhowy, nous parlons la langue, nous. Nous ne maîtrisons pas le français, mais mes enfants l'étudient et je l'apprends un peu moi aussi. Nous sommes instruits, nous avons des compétences en affaires, nous avons investi ici à l'Île-du-Prince-Édouard, nous répondons aux critères imposés, et malgré cela, après trois ans d'attente, nous demeurons dans l'incertitude, nous ne sommes pas plus avancés que M. Liu.

    Il y a donc d'une part, un homme qui investit des millions de dollars, d'autre part une famille qui, tout en apportant un investissement plus modeste, investit tout de même. On a jugé que nous réunissons les conditions prescrites, nous avons payé les droits supplémentaires exigés dans la catégorie des gens d'affaires et entrepreneurs immigrants, en espérant, non pas d'éviter les chinoiseries administratives, mais plutôt d'accélérer les choses afin de pouvoir assumer nos responsabilités financières le plus tôt possible, sans nous contenter simplement de profiter de ce nouveau paradis. Eh bien, nous ne sommes pas plus avancés que cet autre homme.

    Le mécontentement est généralisé. J'ignore quelles sont les solutions à apporter, mais il faut que quelqu'un les trouve. Notre frustration se manifeste lorsque je rencontre notre député, ou notre remarquable premier ministre provincial, que j'admire d'ailleurs, et que personne ne sait vraiment ce que nous devrions faire. Bien sûr, je le répète, il faut remplir tous ces formulaires afin de pouvoir gagner notre vie ici, passer par les procédures courantes, par toute cette filière administrative et payer les droits supplémentaires, mais personne ne peut nous dire quels formulaires précis il faut envoyer, ni quels droits il faut payer, ni si nous pouvons légalement devenir travailleurs autonomes et transférer notre entreprise des États-Unis au Canada, car nous ne lançons pas simplement une entreprise ici, en fait nous déplaçons une entreprise existante. Nous la transférons de la Georgie à l'Île-du-Prince-Édouard.

    Nous ne nous sommes pas ennuyés depuis notre arrivée. Nous avons travaillé dans notre exploitation, nous avons fait le repérage des lieux, nous avons trouvé un créneau et des gens qui ont besoin de travail et qui doivent être formés. Il manque seulement quelque chose, et tous les jours, nous courons à la boîte aux lettres afin de voir si le ministère de l'Immigration nous a envoyé quelque chose.

    Hier, j'ai justement reçu quelque chose, mais qui nous a franchement effrayés.Tous les six mois,je le répète, nous payons 75 $ de plus pour demeurer ici, et je paie 250 $ pour que mes enfants aillent à l'école ici. Or hier, on nous avisés de nous rendre à une réunion avec communication téléphonique au bureau de la rue Kent, et on nous a demandé d'apporter tous nos documents. Qu'est-ce que ça signifie? Nous l'ignorons.

    Cela crée donc beaucoup de stress et de crainte, et nous aimerions simplement savoir pourquoi.

¹  +-(1505)  

+-

    M. Bill Siksay: Je suis très étonné d'apprendre que votre dossier est encore bloqué, compte tenu de vos appuis prestigieux. Il me semble que vous répondez aussi tout à fait aux critères qu'une province comme l'Île-du-Prince-Édouard recherche.

    Je suis donc plutôt effaré d'entendre ce qui vous arrive. Je me réjouis que vous ayez apporté la liasse de vos documents. Je sais aussi qu'il doit y en avoir beaucoup d'autres encore, comme vous le disiez.

+-

    Virginia Gundaker: Oh, oui, il y en a encore deux autres caisses.

+-

    M. Bill Siksay: J'espère simplement que votre situation sera réglée. Ça me renverse vraiment de savoir que vous avez encore des problèmes.

+-

    Virginia Gundaker: Je ne pense pas que ce soit un problème. Comme le disait un autre intervenant, si vous remettez des pouvoirs aux provinces...

    Ça ne conviendrait peut-être pas à tous, mais si les provinces disposaient de pouvoirs leur permettant d'aider des gens comme nous, qui pouvons venir ici sans être un fardeau pour la société, en apportant quelque chose au contraire, des compétences, de l'argent, des emplois, une entreprise—alors nous nous conformerions volontiers aux exigences.

    Je tiens aussi à préciser que nous n'avons pas de problème. Personne ne nous a dit, « Eh bien, vous êtes des gens odieux », ou « Vous avez commis un crime ». Non, rien de cela, et c'est justement ce qui nous laisse perplexes. Nous ne comprenons pas.

+-

    M. Bill Siksay: J'ignore s'il me reste du temps, mais, monsieur Luhowy, au sujet de votre proposition voulant qu'on donne un droit de regard élargi aux provinces ou davantage de pouvoirs, quelle place faites-vous à la mobilité.

    Si les provinces ont davantage voix au chapitre, et si un immigrant s'installe dans une province mais choisit ensuite de déménager dans une autre, il me semble que cela crée un problème par rapport à votre proposition.

+-

    M. Gary Luhowy: Je le reconnais. Toutefois, j'aimerais dire deux choses à ce propos, si vous me le permettez. Premièrement, on semble toujours insister sur l'aspect négatif des choses. Si un immigrant entrepreneur, par exemple, s'installe à l'Île-du-Prince-Édouard, où il passe une semaine à Cavendish puis est invité par un ami à se rendre chez lui à Markham, ou à Burnaby, et l'endroit lui plaît, il décidera d'y vivre.

+-

    M. Bill Siksay: À l'heure actuelle, Calgary connaît ce genre de problème. Elle reçoit... je ne connais pas les chiffres exacts, mais quelque 20 000 immigrants par an. La ville en accueille aussi 20 000 autres provenant d'autres provinces, et elle ne reçoit pas de sommes correspondant à ces réinstallations, contrairement à ce qui se passe avec les immigrants lors de leur première arrivée au pays, et cela crée donc un fardeau assez lourd pour la province.

+-

    M. Gary Luhowy: C'est peut-être ainsi dans le cas des réfugiés et de certains travailleurs qualifiés immigrants, mais je suis sûr que si je parlais au voisin de l'intervenante qui m'a précédé, l'honorable M. Binns, si je lui disais que nous verrons arriver neuf gens d'affaires en provenance de l'Ontario, qu'ils ont payé leurs droits d'établissement là-bas et qu'ils vont venir à l'Île-du-Prince-Édouard mais que leurs droits de résidence demeureront en Ontario, qu'ils seraient quand même favorables. Ils diraient, « ils vont lancer des entreprises ici, tant mieux ».

    Ça peut aussi fonctionner dans le sens contraire. Les deux provinces peuvent bénéficier de ces migrations internes, car si des gens s'installent d'abord à l'Île-du-Prince-Édouard considérant cela comme la porte arrière, les droits d'établissement qu'ils ont payés vont y rester ainsi que la garantie exigée pour lancer une entreprise et même, si ça se trouve, une caution linguistique, et la province en tire au moins un avantage financier. De plus, si vous augmentez la proportion de candidats parrainés par les provinces, on peut penser qu'au moins quelques-uns d'entre eux vont venir. Or une fois qu'on est entré, une fois que la province a accueilli un dentiste et un comptable—on n'a pas besoin de conseillers fiscaux ici, car même ceux qui maîtrisent l'anglais et le français ne comprennent rien à notre législation fiscale, ni moi non plus d'ailleurs—vous pourrez vous implanter, et l'Ontario accueillera ces gens d'affaires. Des deux manières, les provinces s'en sortent gagnantes.

    La question de la mobilité concerne les professions. Vous n'ignorez pas que plutôt, il a été question de normes nationales. À mon avis, si on dit à un médecin ayant fait quatre ans d'études à l'Université de Shanghai qu'ici, nous en exigeons sept, on devra lui dire ensuite quels sont les critères en vigueur. Le médecin immigrant pourra venir ici, faire son internat pendant tant d'années puis passer un examen d'évaluation des compétences et obtenir son permis d'exercer. On pourra ensuite lui dire qu'on éliminera les conditions auxquelles son visa est assujetti, et il pourra alors déménager dans une autre province. Rendu à cette étape, il aura peut-être déjà ouvert un bureau privé, ou il se sera associé à un autre médecin local, dont il partagera la clientèle, et il ne sera peut-être pas tenté d'aller s'installer en Ontario. Si toutefois il le fait, et si les normes professionnelles de l'Ontario sont différentes, quelle que soit la profession, il devra s'y conformer comme tout le monde.

    Nous insistons trop sur les côtés négatifs de la migration interne, or elle comporte des aspects positifs.

¹  +-(1510)  

+-

    Le président: Je vous remercie.

    Monsieur Temelkovski, à vous.

+-

    M. Lui Temelkovski: Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à tous nos témoins de leurs exposés.

    Je crois que vous avez un excellent porte-parole en la personne de M. MacAulay. J'ignore la raison pour laquelle on vous a convoqué rue Kent demain, mais essayez de voir le côté positif.  

    Monsieur Luhowy, vous estimez que nous devrions avoir un partenariat avec les provinces. À mon avis, c'est déjà le cas pour le gouvernement fédéral. J'ignore si les provinces se sont acquittées de leur responsabilité pour recruter les gens dont elles ont besoin. Je suis toutefois sûr qu'elles ont rabattu les oreilles du ministre de l'Immigration au sujet du genre d'immigrants qu'elles aimeraient attirer chez elles, mais ce qui est sûr, c'est que c'est au gouvernement provincial qu'il incombe certainement de s'occuper des compétences de ces gens.

    On dit que les gens peuvent venir et que la province leur accorder une accréditation , trois ans de résidence de plus. C'est facile—trois ans de plus de résidence—si toutefois on dispose des espaces de résidence. Le problème c'est justement les places. Et pourquoi est-ce ainsi, c'est parce que les ordres professionnels de toutes sortes, celui des médecins, celui des avocats, comme le Barreau et celui des infirmières ne veulent pas tant de médecins ou d'autres professionnels de plus. La difficulté pour les provinces, c'est d'organiser un dialogue entre les associations, le gouvernement fédéral et les employeurs. La reconnaissance des titres professionnels n'est pas une solution magique. Quant à vouloir remettre au gouvernement fédéral seulement les pouvoirs d'enquête, de poursuites au pénal et d'expulsion, c' est superflu car cela existe déjà.

+-

    M. Gary Luhowy: Non, je reconnais que cela existe déjà. Ce que je dis cependant, c'est qu'on devrait affecter davantage de ressources fédérales à ces activités et moins à l'immigration au sens strict.

    Quand un médecin arrive ici, la province doit négocier avec l'Ordre des médecins ou une société quelconque—en Ontario, il s'agit de l'Ontario Medical Association—mais il faut négocier. Le gouvernement fédéral ne connaît pas vraiment l'Ordre professionnel des médecins. Remettons-nous en donc à la province et à l'ordre pour négocier et s'entendre sur les critères. Laissons-les discutailler jusqu'au bout, s'entendre sur ce qu'il faut pour être un membre en bonne et due forme de l'ordre professionnel.

    Je ne préconise pas que le gouvernement fédéral doive renoncer à ses responsabilités; je dis simplement qu'il doit occuper un poste de direction et laisser la filiale s'occuper des problèmes d'employés. Occupez-vous simplement des contrôles de sécurité et décidez qui doit être embauché et licencié.

+-

    M. Lui Temelkovski: Je crois que nous sommes sur la même longueur d'onde. Nous sommes simplement...

+-

    M. Gary Luhowy: Nous nous exprimons différemment, oui.

¹  +-(1515)  

+-

    M. Lui Temelkovski: Des négociations de ce genre sont en cours, et nous y participons. Il y a certaines frictions entre les provinces et les associations. Nous nous efforçons de faire démarrer tout le processus, vous savez, et c'est pour cela que nous participons, parce que les choses évoluent trop lentement. Nous observons encore un manque de congruence entre les emplois à combler et les candidats aux emplois, c'est-à-dire que des gens surqualifiés sont obligés de faire du travail manuel. Nous y perdons à la fois sur le plan de la main-d'oeuvre et de l'aspect financier.

+-

    M. Gary Luhowy: Je suis certainement d'accord avec vous. Par exemple, dans le domaine médical, le gouvernement pourrait certainement jouer le rôle d'arbitre, ou tout au moins enfermer les provinces et l'Ordre professionnel des médecins dans une salle verrouillée jusqu'à ce que les deux parties réussissent à s'entendre. Ce serait une façon de résoudre le problème.

    Selon le Dr O'Brien-Pallas, l'Ontario peut s'attendre à une pénurie de quelque 12 000 infirmières au cours des trois prochaines années. Le problème n'est donc pas lointain. Il faudra que nous commencions à remédier à la pénurie d'effectifs médicaux dans les plus brefs délais.

    Je le répète, le seul moyen de résoudre le problème serait peut-être de forcer les provinces et les ordres professionnels de médecins à se mettre à la tâche dès maintenant, avec le gouvernement fédéral comme arbitre et usant alternativement de la carotte et du bâton à l'endroit des deux parties, mais de façon civilisée.

+-

    M. Lui Temelkovski: Oui. Je suis d'accord pour qu'on envoie des missions commerciales, il devrait d'ailleurs y en avoir davantage. Toutefois, si on se rend aux Philippines pour y recruter un grand nombre d'infirmières, sans s'occuper en même temps de la reconnaissance de leurs accréditations, on ne fait qu'amener ici des bonnes d'enfants surqualifiées et sous-payées.

    Pour ce qui est de M. Liu, je crois que c'est une grande réalisation dont vous avez parlé, cela montre à quel point votre province est attirante. C'est d'ailleurs pour cela que Virginia est venue ici, à cause des perspectives de succès, du beau paysage et des gens sympathiques qu'on trouve à l'Île-du-Prince-Édouard. On devrait éliminer tous les obstacles auxquels ces gens font face, qu'ils parlent l'anglais ou non.

+-

    Le président: Je vous remercie beaucoup.

    Il y a beaucoup de titulaires de doctorat qui lancent des entreprises. Ma collectivité de Kitchener-Waterloo et la région de Waterloo en sont de parfaits exemples, étant donné la présence d'universités dans leur milieu.

    Cela dit, vous mettez vraiment en relief l'un de nos dilemme, car lorsque je rends visite aux gens de ma collectivité et que je rencontre les hommes d'affaires qui ont du succès, je vois souvent des gens qui sont allés seulement jusqu'à leur sixième année, et malgré cela, ils ont lancé des entreprises, soit un restaurant, soit une entreprise dans l'immobilier, ou encore autre chose. Comment dénicher ces gens-là parmi tous ceux qui veulent venir dans notre pays? Nous leur rendons la tâche vraiment difficile. Il est presque impossible pour eux d'entrer, à moins qu'ils ne fassent partie des demandeurs du statut de réfugié ou qu'ils soient parrainés par leur famille et cela crée un problème. Je ne sais vraiment pas comment nous allons le résoudre.

    Je sais que le système actuel de points nous cause beaucoup de problèmes, car il cherche surtout à attirer des professionnels. Nous avons de la difficulté à obtenir des gens de métier, or il y a justement une pénurie dans cette catégorie. Lorsque nous ne réussissons pas à aider les gens parce que nous ne reconnaissons pas leurs titres de compétence ou pour d'autres raisons, nous créons des conditions qui ne mènent qu'au mécontentement. Supposons qu'une personne soit acceptée au Canada après avoir été parrainée par un membre de sa famille et qu'elle gagne 30 000 $, elle est contente. Si toutefois un autre immigrant gagne 40 000 $ par année mais qu'il faut partie de l'élite intellectuel et professionnel de la société et qu'il n'a pu faire reconnaître ses diplômes, la personne en question sera très mécontente.

    À moins de commencer à résoudre ces problèmes, il y aura encore des gens mécontents. Il ne fait aucun doute que l'immigration est d'une importance tout à fait primordiale pour notre avenir, tout comme elle l'a été dans le passé; c'est la source de notre dynamisme et il faut donc que nous trouvions une meilleure formule.

    Vous avez mentionné la pénurie d'infirmières qu'on prévoit en Ontario. Ma femme était infirmière, et elle ainsi que bon nombre de ses consoeurs ont quitté leur emploi. Certaines d'entre elles n'ont pas nécessairement occupé d'autres postes d'infirmières ailleurs, dans un autre pays; elles ont tout simplement changé de profession. La profession d'infirmière devient de plus en plus problématique, et il est de plus en plus difficile d'y attirer des étudiants canadiens; nous en avons déjà des preuves. Encore une fois, le collège Algonquin recrute des infirmières à l'étranger, leur offre un perfectionnement professionnel afin qu'elles répondent aux normes canadiennes, et il obtient plus de succès de cette manière qu'en s'adressant aux étudiants et étudiantes canadiennes.

    La situation est difficile, par conséquent si vous pouvez nous proposer quelque chose... et je connais tout à fait votre situation; elle existe aussi dans ma circonscription. Il y a des M. Liu dans ma circonscription, c'est-à-dire des gens qui disposent de ressources considérables à investir dans notre pays et qui ont de la difficulté à le faire. D'une manière ou d'une autre, il faut que nous nous écartions d'un système ne nous offrant pas suffisamment de souplesse.

    Si les provinces pouvaient choisir davantage de candidats, à part les questions de sécurité ou autres, ce serait merveilleux, mais comment les faire entrer? Là est le problème.

¹  +-(1520)  

+-

    M. Gary Luhowy: Ceux qui peuvent donner du Canada l'image la plus avantageuse, ce sont les Canadiens eux-mêmes, pas les Anglo-Canadiens comme moi, mais, auprès de la Chine, par exemple, des Canadiens d'origine chinoise.

    Ma femme est d'origine chinoise.

    À l'heure actuelle, trois groupes de gens sont dans la filière de l'immigration, et la frustration est incroyable. Ces immigrants administrent leur propre clinique de 11 médecins en Chine, et leur chirurgien-chef et leur administrateur ont acquis énormément d'expérience. À en juger d'après le travail qu'ils ont accompli, ils jouissent aussi d'une excellente réputation en Chine, et sont peut-être même de calibre international. Or, nous avons de la difficulté à les faire entrer.

    M. Liu a réussi à s'installer au Canada il y a quelques années, mais après de nombreuses difficultés. C'est d'ailleurs ce que me disent éprouver tous les Chinois qui souhaitent émigrer chez nous.

    J'ai aussi discuté avec les candidats à l'immigration provenant de l'Inde et avec beaucoup d'autres de l'Asie de l'Est et de l'Asie du Sud-Est, et ils ont tous fait part de problèmes identiques. Les préoccupations ne varient pas d'un pays à l'autre, elles restent les mêmes.

    Quoi qu'il en soit, pour attirer ces gens, rien ne vaut le témoignage d'un Chinois ou d'une Chinoise établis ici et heureux ou heureuse de l'être.

    C'est Shirley et moi qui avons fait venir M. Liu à l'Île-du-Prince-Édouard. Il a ainsi échappé aux pressions qu'on subit dans les milieux d'affaires en Chine. Ça me paraît toujours assez paradoxal de parler des « pressions des milieux d'affaires » au sujet de la Chine, puisqu'il s'agit d'un pays communiste, mais les Chinois sont de grands entrepreneurs.

    Lorsque j'étais là-bas en mars dernier, le gouvernement chinois a annoncé un plan visant à créer 300 000 nouvelles entreprises d'ici la fin de l'année. Encore une fois, cela me paraît surprenant, s'agissant d'un pays à régime communiste, mais les Chinois sont des hommes d'affaires exceptionnels, et ils aiment beaucoup venir ici pour y faire des affaires. Ils sont d'ailleurs prêts à consacrer les heures qu'il faut—franchement trop, mais c'est mon avis personnel, au lancement réussi de leur entreprise.

    Nous pouvons les faire venir ici, et l'une des raisons qui les attirent chez nous est notre système politique, qui leur plaît énormément. Ils se soucient du sort de leurs enfants. Vous savez sans doute qu'en raison de la stricte réglementation des naissances en Chine, la plupart des couples n'ont qu'un seul enfant. Parfois, ils en ont deux, mais aux yeux de l'État, il s'agit d'un neveu. Ils veulent que cet enfant vienne au Canada afin de profiter de ses possibilités, et eux-mêmes tiennent à notre stabilité politique.

    Toutefois, ils ne déracinent pas d'un seul coup une entreprise rapportant $5 millions par an pour l'implanter à l'Île-du-Prince-Édouard. Ils s'y prennent progressivement. Dans bien des cas, c'est la famille qui s'installe en premier. Le monde des affaires chinois étant encore surtout un milieu d'hommes, la femme vivra ici et l'enfant étudiera à l'école secondaire ou à l'université, pendant que le mari restera chez lui un certain temps pour administrer ses affaires, car il n'abandonnera pas une entreprise de 5 millions de dollars. Dans un tel cas, il construit progressivement sa nouvelle entreprise canadienne, tout en réduisant petit à petit ses opérations en Chine, et nous nous retrouvons donc enrichis d'une nouvelle entreprise au Canada.

    Compte tenu du régime actuel, il faut procéder par à-coups. Nous ne facilitons pas assez la réduction des opérations dans le pays d'origine.

+-

    Le président: Je vais maintenant donner la parole à Helena.

+-

    Mme Helena Guergis: Vos propos sur les provinces sont assez justes.

    En Ontario, ainsi qu'au Québec à bien des égards... vous savez, lorsque le Québec a négocié l'entente avec le gouvernement fédéral, il s'agissait d'obtenir davantage d'argent et de pouvoirs en matière d'immigration, comme celui de choisir les immigrants à faire entrer dans la province. Cela fait quelques années que l'Ontario s'efforce d'obtenir la même chose. L'objectif faisait même partie du dernier programme électoral, il y a deux ans.

    Vous avez donc visé assez juste.

¹  -(1525)  

+-

    M. Gary Luhowy: Je vous remercie, Helena.

    J'espère que cela sera accordé à toutes les provinces.

    Lorsqu'on envisage la répartition des immigrants à parrainer, on devra peut-être établir des sous-catégories, par exemple, pour les infirmières et les médecins afin que chaque province soit en mesure de combler ses besoins précis. Cela empêcherait qu'une seule province reçoive tous les médecins.

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    Mme Helena Guergis: Nous voulons un programme de soins de santé national, mais nos médecins ne peuvent même pas passer d'une province à l'autre.

    Si je me souviens bien, c'est le président de l'Association médicale canadienne qui a dit que si une province mécontentait un médecin, pour ainsi dire, il pouvait déménager aux États-Unis plutôt que d'aller dans une autre province, parce qu'il y est plus facile d'aller à l'étranger que de changer de province, dans son propre pays.

    Du point de vue fédéral, je dirais comme vous que dans une certaine mesure, il faut peut-être faire davantage pression sur les provinces pour qu'elles agissent.

    Je vous remercie encore une fois d'être venu. Je l'apprécie beaucoup.

    Je ne sais pas si le président va me laisser conclure ou s'il veut le faire.

+-

    Le président: Vous pouvez dire le mot de la fin, mais je tiens particulièrement à remercier Patti Devine pour l'aide qu'elle nous a donnée aujourd'hui.

    Merci, Patti.

    Vous pouvez conclure.

+-

    Mme Helena Guergis: Nous nous assurerons de vous faire parvenir une copie du rapport.

    Merci encore. J'apprécie beaucoup que le comité soit venu à l'Île-du-Prince-Édouard. Mon père est né ici et il a grandi ici et je ne saurais oublier la présence de mon oncle Eddie, au fond de la salle.

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    Le président: Puis-je poser une question à votre cousin. Le mettre sur la sellette?

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    M. Edward Guergis: Je pourrais la mettre dans l'eau chaude, elle.

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    Mme Helena Guergis: Je pense que nous allons nous arrêter ici. Merci beaucoup d'être venu.

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    Le président: Avant de nous retrouver en difficulté.

    La séance est levée.