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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 5 avril 2005




· 1305
V         Le président (L'hon. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.))
V         Dr Peter Barrett (président, Forum médical canadien)

· 1310

· 1315

· 1320
V         Le président
V         Mme Nina Grewal (Fleetwood—Port Kells, PCC)
V         Dr Stewart Hamilton (président, Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, Forum médical canadien)
V         M. Calvin Gutkin (directeur général et chef de la direction, Collège des médecins de famille du Canada, Forum médical canadien)

· 1325
V         Le président
V         M. Roger Clavet (Louis-Hébert, BQ)
V         Dr Peter Barrett

· 1330
V         M. Roger Clavet
V         Dr Peter Barrett
V         Dr Stewart Hamilton
V         Dr Dennis Kendel (registraire, Collège des médecins et chirurgiens de la Saskatchewan, Forum médical canadien)
V         M. Roger Clavet
V         Le président
V         M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD)

· 1335
V         Dr Dennis Kendel
V         Dr Jason Kur (président, Comité de direction sur IMGs et vice-président Professionel, Association canadienne des médecins résidents, Forum médical canadien)
V         M. Bill Siksay
V         Dr Dennis Kendel
V         M. Calvin Gutkin

· 1340
V         Le président
V         L'hon. David Anderson (Victoria, Lib.)
V         Dr Dennis Kendel
V         L'hon. David Anderson
V         Dr Dennis Kendel
V         L'hon. David Anderson
V         Dr Dennis Kendel

· 1345
V         L'hon. David Anderson
V         Dr Dennis Kendel
V         L'hon. David Anderson
V         Dr Dennis Kendel
V         L'hon. David Anderson
V         Le président
V         M. Calvin Gutkin
V         M. Todd Watkins (directeur, Bureau des services professionels et coordinateur, Forum médical canadien)
V         Le président
V         Dr Jason Kur
V         Le président

· 1350
V         Dr Peter Barrett
V         Le président suppléant (M. Lui Temelkovski (Oak Ridges—Markham, Lib.))
V         M. Kebrom Haimanot (membre, Conseil d'administration, Saskatchewan Intercultural Association)

· 1355

¸ 1400
V         Le président suppléant (M. Lui Temelkovski)
V         M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, PCC)
V         M. Kebrom Haimanot

¸ 1405
V         M. Rahim Jaffer
V         M. Kebrom Haimanot
V         M. Rahim Jaffer
V         M. Kebrom Haimanot
V         Le président suppléant (M. Lui Temelkovski)
V         M. Kebrom Haimanot
V         Le président suppléant (M. Lui Temelkovski)
V         M. Roger Clavet
V         Le président suppléant (M. Lui Temelkovski)
V         M. Bill Siksay

¸ 1410
V         M. Kebrom Haimanot
V         Le président suppléant (M. Lui Temelkovski)
V         M. Kebrom Haimanot

¸ 1415
V         Le président suppléant (M. Lui Temelkovski)
V         Le président suppléant (M. Lui Temelkovski)
V         M. Joseph Garcea (professeur, départment des études politiques, Université de Saskatchewan, à titre personnel)

¸ 1425

¸ 1430

¸ 1435
V         Le président suppléant (M. Lui Temelkovski)
V         M. Rahim Jaffer
V         M. Joseph Garcea
V         M. Rahim Jaffer
V         M. Joseph Garcea

¸ 1440
V         Le président suppléant (M. Lui Temelkovski)
V         M. Roger Clavet
V         M. Joseph Garcea
V         M. Roger Clavet
V         Le président
V         M. Bill Siksay

¸ 1445
V         M. Joseph Garcea
V         M. Bill Siksay
V         M. Joseph Garcea

¸ 1450
V         Le président
V         L'hon. David Anderson
V         M. Joseph Garcea

¸ 1455
V         L'hon. David Anderson
V         M. Joseph Garcea
V         L'hon. David Anderson
V         Le président
V         M. Joseph Garcea
V         Le président

¹ 1500
V         M. Joseph Garcea
V         Le président
V         M. Joseph Garcea
V         Le président

¹ 1510
V         M. Pat Fiacco (maire, Ville de Régina)

¹ 1515
V         Le président
V         Mme Nina Grewal

¹ 1520
V         M. Pat Fiacco
V         M. Larry Hiles (directeur génréal, Regina Regional Economic Development Authority, Ville de Régina)
V         Le président
V         M. Roger Clavet
V         M. Pat Fiacco
V         M. Roger Clavet

¹ 1525
V         M. Pat Fiacco
V         M. Roger Clavet
V         M. Pat Fiacco
V         M. Larry Hiles
V         M. Roger Clavet
V         Le président
V         M. Bill Siksay
V         M. Pat Fiacco

¹ 1530
V         M. Bill Siksay
V         M. Pat Fiacco
V         M. Larry Hiles
V         M. Pat Fiacco

¹ 1535
V         M. Bill Siksay
V         M. Pat Fiacco
V         M. Bill Siksay
V         M. Larry Hiles
V         M. Bill Siksay
V         Le président
V         L'hon. David Anderson
V         M. Pat Fiacco

¹ 1540
V         M. Larry Hiles
V         L'hon. David Anderson
V         M. Larry Hiles

¹ 1545
V         L'hon. David Anderson
V         Le président
V         M. Rahim Jaffer
V         M. Pat Fiacco

¹ 1550
V         Le président
V         M. Pat Fiacco

¹ 1555
V         M. Larry Hiles
V         Le président
V         M. Pat Fiacco
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 031 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 5 avril 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

·  +(1305)  

[Traduction]

+

    Le président (L'hon. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.)): Bienvenue à notre réunion.

    Docteur Barrett, je vous en prie.

+-

    Dr Peter Barrett (président, Forum médical canadien): Bonjour, je suis Peter Barrett, président du Forum médical canadien et urologue de Saskatoon, en Saskatchewan. Je suis très heureux de comparaître devant vous aujourd'hui pour le compte des neuf organisations médicales nationales qui constituent le Forum.

    J'aimerais vous présenter les autres membres du Forum qui m'accompagnent aujourd'hui. Cal Gutkin, du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada; Stewart Hamilton, du Collège royal des médecins et chirurgiens; Dennis Kendel, de la Fédération des ordres des médecins du Canada et Jason Kur, de l'Association canadienne des internes et des résidents. Comme vous pouvez le constater, nous sommes un groupe assez représentatif.

    Enplus des quatre organisations que je viens de nommer, la Fédération en compte cinq autres : l'Association médicale canadienne, le Conseil médical du Canada, la Fédération des étudiants et des étudiantes en médecine du Canada et l'Association canadienne des institutions de santé universitaires.

    Le Forum offre aux organismes membres une tribune où ils peuvent discuter de l'avenir des soins de santé, des enjeux et des politiques en matière de soins de santé, et en particulier, des politiques ayant trait aux ressources humaines et à la formation en santé. Des questions tout à fait pertinentes pour nos discussions d'aujourd'hui.

    Je sais que votre comité a déjà entendu certains de nos organismes membres. Nous avons demandé à comparaître devant vous aujourd'hui à la fois à cause de l'importance que la profession médicale attache à l'intégration des diplômés de facultés de médecine étrangères, les DFME, aux effectifs médicaux, et aussi parce que nous nous entendons tous sur la meilleure façon de relever ces défis tout en garantissant une norme de soins à la population canadienne et en protégeant les droits de médecins éventuels.

    Dans mon propos d'aujourd'hui, je vous décrirai le processus complexe qui garantit que mes petits-enfants recevront les mêmes soins médicaux dans toutes les régions de notre grand pays, dispensés par une multitude de médecins formés dans différents programmes de formation médicale d'innombrables régions du monde entier. Je veux plus précisément traiter principalement : de l'importance de maintenir une norme nationale; de la distinction importante entre l'autorisation et la certification; des besoins critiques en capacité de notre système d'éducation en médecine afin d'assurer que l'on répond à nos besoins continus en formation.

    Comme je l'ai déjà mentionné, je suis de la Saskatchewan, province où plus de 50 p. 100 des médecins sont des diplômés de facultés de médecine étrangères. Aussi, je suis en mesure d'évaluer la contribution inestimable de ces médecins qui dispensent des soins de santé à la population de notre province, de la formation à nos étudiants en médecine, diplômés et non diplômés, ainsi que pour le leadership dont ils font preuve dans la collectivité.

    Je dois d'abord et avant tout dissiper tous les mythes et perceptions erronées selon lesquels la « profession médicale » constitue un obstacle à l'évaluation et à la formation des DFME. L'Association médicale canadienne a témoigné devant le comité en février, je crois, et a répété son appel constant en demandant au gouvernement fédéral d'investir davantage dans l'évaluation et la formation des DFME.

    À cet égard, il semble que l'engagement de 75 millions $ que le gouvernement a pris dans le récent budget fédéral aidera à faire passer au stade de l'évaluation quelques-uns des milliers de professionnels de la santé qualifiés qui ont reçu leur formation à l'étranger et se trouvent au Canada. Presque le quart des médecins actifs au Canada sont des DFME et l'effet positif de cette diversité sur la santé de la population canadienne est indéniable.

    Toutefois, même si nous comptons énormément sur les compétences spécialisées et le dévouement de ces médecins formés à l'étranger, nous ne devons jamais oublier que beaucoup des pays d'où ils immigrent ont un besoin criant de leurs services. Nos politiques sur les effectifs médicaux ne doivent pas reposer sur le recrutement systématique de ces médecins alors que nous avons, dans notre pays riche, la capacité nécessaire pour assurer une plus grande autosuffisance.

    Le Canada demeure néanmoins une destination attrayante pour beaucoup de DFME et c'est pourquoi beaucoup des organismes membres du Forum ont été si heureux de participer aux travaux du Groupe de travail canadien sur le permis d'exercice de diplômé international en médecine et sont heureux de l'investissement annoncé par l'honorable Hedy Fry afin d'améliorer les ressources en information, l'évaluation et le processus d'intégration des DFME intéressés.

    Permettez-moi de passer sans plus tarder à mon premier sujet d'intérêt—l'importance de maintenir une norme nationale. J'ai fait allusion plus tôt au privilège dont nous jouissons en recevant, d'un bout à l'autre du Canada, des soins médicaux comparables dispensés à la fois par des médecins formés au Canada et à l'étranger. Cette affirmation est étayée par une étude publiée par l'Institut de recherche en services de santé, —vous en avez une copie dans votre brochure—selon laquelle les soins dispensés aux victimes d'une crise cardiaque par les médecins formés à l'étranger sont comparables à ceux que fournissent les médecins formés au Canada.

    Cette constatation vient confirmer ce que la profession médicale reconnaît depuis longtemps, à savoir la valeur d'une norme nationale de compétence et de l'évaluation qui assure en fin de compte l'admissibilité transférable au permis d'exercice d'un bout à l'autre du Canada. Cette norme repose sur la réussite à un examen d'aptitude à deux volets du Conseil médical du Canada auquel il faut se présenter après avoir terminé ses études en médecine. L'examen précède au moins deux ans de résidence à la suite de laquelle l'intéressé doit réussir les examens de spécialité qui permettent d'obtenir la certification du Collège des médecins de famille du Canada ou du Collège royale des médecins et chirurgiens du Canada.

    Cette norme d'évaluation intégrée aux examens d'aptitude repose sur le programme approuvé à l'échelle nationale de formation en médecine prédoctorale des 17 facultés de médecine du Canada, de même que sur le programme de formation postdoctorale. Conjuguée à un processus détaillé et rigoureux d'accréditation de la formation prédoctorale, postdoctorale et médicale continue, cette norme révèle la planification et l'intégration complexes qui se produisent à tous les niveaux de la formation en médecine et de l'évaluation au Canada.

    Et maintenant, en ce qui concerne mon deuxième sujet d'intérêt, le permis d'exercice et la certification des DFME. Je viens de décrire la voie que les diplômés de facultés de médecine canadiennes doivent suivre afin d'obtenir le permis d'exercice et la certification. Il est extrêmement important de comprendre que, même si l'on confond souvent ces deux processus que l'on cite de façon interchangeable, ils sont très distincts. Il importe aussi de signaler que la voie que les DFME doivent suivre pour obtenir le permis d'exercice et la certification correspond à celle que suivent tous les autres candidats et qu'elle doit continuer d'y correspondre. Les médecins reconnaissent que l'autoréglementation de la profession constitue un privilège accordé aux ordres pour le bien public et qu'ils doivent mériter de conserver ce privilège. Le rôle principal des organismes de réglementation consiste à servir le public en assurant que les médecins qui dispensent des soins ont la compétence nécessaire.

    Il en découle un défi et, dans certains cas, une diversité d'un bout à l'autre du Canada lorsqu'on établit un équilibre entre ce rôle et les réalités qui consistent à répondre aux besoins en soins de santé de la population canadienne en période de pénurie d'effectifs médicaux. Il y a un an, la Fédération des ordres des médecins du Canada a comparu devant le comité et décrit la voie à suivre pour faire reconnaître les titres et les qualités que des médecins ont obtenus à l'étranger, en vue de permettre d'obtenir le permis d'exercice. J'estime qu'il vaut la peine de vous présenter ce tour d'horizon de nouveau aujourd'hui.

    Un médecin qui a fait ses études en médecine ou sa résidence ailleurs qu'au Canada ou aux États-Unis et qui veut pratiquer au Canada doit demander la reconnaissance de l'équivalence de ses titres à une province ou à un territoire. Les ordres de médecins de chaque province et territoire ont établi des procédures à cette fin. Dans la plupart des administrations, le DFME doit d'abord réussir l'examen d'évaluation du CMC conçu spécifiquement pour évaluer les médecins possédant des titres obtenus ailleurs qu'au Canada et aux États-Unis. Le DFME doit ensuite réussir la Partie I de l'examen de qualification du CMC, comme tous les diplômés de facultés de médecine canadiennes.

    L'intéressé peut alors obtenir la reconnaissance de l'équivalence du diplôme en médecine, parce qu'il a réussi une évaluation équivalente de ses connaissances et compétences. Il importe de signaler qu'un diplômé d'une faculté de médecine canadienne ne peut pratiquer la médecine sans avoir terminé la phase suivante de la formation. L'étape suivante consiste à reconnaître la résidence ou la formation postdoctorale. Cette étape critique permet de déterminer les options disponibles à l'égard du permis d'exercice parce que la pratique sécuritaire de la médecine dépend non seulement des connaissances, mais aussi de la capacité de les appliquer dans la réalité et de faire preuve d'un jugement approprié.

·  +-(1310)  

    Même si cette étape varie considérablement d'une province à l'autre, la tendance est la suivante : on étudie le dossier du candidat pour déterminer si la formation postdoctorale qu'il a acquise équivaut à celle des médecins de famille ou des spécialistes reconnus dans la province en cause, conformément aux règlements. Si la province détermine que la formation est équivalente, une période d'observation directe en contexte clinique suit habituellement, tout comme pour n'importe quel diplômé canadien.

    Dans les provinces ou les territoires qui comptent énormément sur la disponibilité de DFME pour répondre aux besoins de santé de la population, il peut y avoir des exceptions, et un permis d'exercice restreint peut être accordé aux candidats qui ne répondent pas tout à fait aux critères requis pour obtenir la certification. Ces candidats peuvent alors pratiquer sous surveillance dans un domaine très défini pendant une période déterminée, après quoi, ils sont encouragés à faire en sorte d'obtenir le permis d'exercice complet et sans restrictions et la certification. Il est clair qu'il faudrait encourager et appuyer les DFME qui pratiquent grâce à un permis restreint en leur offrant des incitations et d'autres ressources pour qu'ils obtiennent la certification dans leur spécialité dans un délai prescrit après avoir commencé à pratiquer.

    Le Collège royal et le Collège des médecins de famille—les deux collèges de formation—devraient avoir suffisamment de ressources humaines et financières pour aider les DFME à se préparer à la certification afin d'optimiser, au moment de l'examen, leur possibilité de réussir à obtenir la certification. Ce n'est pas juste de seulement les inciter à entamer ce processus, il faut aussi les encourager à réussir.

    Ceci dit, chaque ordre de médecins peut établir des exceptions à la règle pour des raisons valables, sous réserve de son obligation de mettre en place des moyens de contrôle pour protéger la sécurité publique.

    Les organismes devraient collaborer pour mettre au point une norme nationale d'évaluation, l'appliquer et la maintenir afin d'évaluer les DFME pour faciliter leur passage à la pratique. À cette fin, les initiatives découlant du Groupe de travail sur les DFME que diverses organisations du Forum médical canadien sont en train d'élaborer ont beaucoup aidé à diffuser de l'information sur les exigences qui régissent la pratique de la médecine au Canada et à les faire mieux connaître.

    Il serait important que les immigrants souhaitant obtenir le permis d'exercice de la médecine au Canada soient informés entièrement du processus à suivre pour obtenir ce permis avant leur arrivée, plutôt qu'après.

    Troisièmement, et pour conclure, je vais aborder la question de la capacité. Comme l'ont déjà dit les représentants de certains organismes membres du Forum, le Canada ne fait tout simplement pas sa part comme pays dans l'éducation et la formation des futurs médecins. Parmi les pays de l'OCDE, nous ne faisons pas très bonne figure. En effet, je pense que nous arrivons en vingt-et-unième place sur 26 pour ce qui est du nombre d'étudiants en médecine par rapport au nombre d'habitants. Nous comptons la moitié moins d'étudiants que le Royaume-Uni, toutes proportions gardées.

    Ainsi, des étudiants canadiens répondraient aux normes d'admissibilité, mais faute de places dans les facultés de médecine... Les fils et les filles de Canadiens font actuellement leurs études de médecine en Irlande notamment, parce qu'ils n'ont pas réussi à se faire admette dans nos facultés, ici au pays. Ils font partie des diplômés des facultés de médecine étrangères dont nous venons de parler.

    Le Forum médical canadien a recommandé, pour 2007, un objectif de 2 500 places en première année de médecine, et pour le moment, on approche des 2 300 places, et ce chiffre s'explique par l'augmentation des admissions dans les facultés de médecine d'un peu partout au pays, depuis deux ou trois ans.

    On a calculé que quelque 400 DFME arrivent au Canada chaque année avec un emploi préarrangé, ce qui équivaut à la production de quatre facultés de médecine canadiennes. Il y a donc un nombre important de médecins qui font leur arrivée au pays et qui doivent être évalués.

    L'évaluation constitue toutefois un volet seulement de l'équation, parce que la grande majorité des DFME, y compris les citoyens canadiens ayant fait leurs études dans des endroits comme l'Irlande, auront besoin de formation et malheureusement nous n'avons pas suffisamment de places pour eux dans le système canadien où ils auraient la possibilité d'atteindre les exigences requises pour être admissibles au permis d'exercice.

    L'augmentation bien accueillie de l'inscription au niveau prédoctoral a alourdi les pressions qui s'exercent sur les enseignants cliniciens et sur l'infrastructure de formation, toutefois les ressources financières requises pour étendre adéquatement le système de formation postdoctorale sont insuffisantes. Il nous faut davantage d'enseignants et un élargissement de l'infrastructure pour répondre aux besoins futurs.

    Il faut absolument faire quelque chose pour augmenter la capacité si nous voulons réussir à régler le problème des DFME.

·  +-(1315)  

    Pour conclure, le Forum médical canadien reconnaît le rôle critique que jouent depuis longtemps les diplômés de facultés de médecine étrangères dans les effectifs médicaux du Canada, et offre les observations suivantes.

    Le FMC reconnaît qu'il faut créer un plan pancanadien d'effectifs médicaux qui soit fondé sur les besoins et continue de tenir compte des DFME, mais nous devons tendre vers une plus grande autosuffisance et ne pas compter sur le recrutement systématique ou, dans certains cas, le braconnage contraire à l'éthique, des DFME dans des pays qui ne peuvent vraiment pas se permettre de les perdre.

    Le FMC reconnaît que la liberté de choisir le lieu où ils vivront et travailleront constitue une considération importante pour attirer et conserver des médecins.

    Troisièmement, le FMC appuie les efforts déployés par le Groupe de travail canadien sur le permis d'exercice de diplômé international en médecine pour créer de l'information et la diffuser aux DFME, offrir des possibilités d'évaluer les nouveaux DFME au Canada et à l'étranger et les aider à commencer à pratiquer après avoir franchi un processus normalisé d'évaluation afin d'obtenir le permis d'exercice et la certification.

    Les collèges d'éducation ont besoin de financement pour aider les DFME à mieux se préparer aux examens de certification. Les gouvernements doivent intervenir immédiatement pour améliorer la capacité du système de formation médicale en augmentant le financement qu'ils lui accordent. On a besoin immédiatement de plus d'enseignants cliniciens. Il faut aussi améliorer l'infrastructure institutionnelle et augmenter le nombre de postes de formation postdoctorale. Nous avons constaté une amélioration en ce qui concerne les postes au niveau prédoctoral, mais il faudrait que les postes au niveau postdoctoral suivent le mouvement. C'est l'une des conditions de réussite pour les diplômés des facultés de médecine étrangères.

    Le Canada doit maintenir une norme nationale visant à assurer la sécurité du patient. En effet, la sécurité du patient doit toujours être au coeur des discussions relatives aux modifications à apporter à notre système d'enseignement.

    Je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de comparaître devant le comité. Mes collègues et moi seront heureux de répondre à vos questions.

·  +-(1320)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Madame Grewal.

+-

    Mme Nina Grewal (Fleetwood—Port Kells, PCC): Merci, monsieur le président.

    Merci d'avoir pris la peine de venir nous présenter votre témoignage.

    Ma question est très simple. À votre avis, quels sont les principaux critères de reconnaissance des titres étrangers? Comment devrions-nous procéder pour éliminer ces obstacles et venir en aide aux nouveaux immigrants?

+-

    Dr Stewart Hamilton (président, Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, Forum médical canadien): Je vais vous répondre au nom des spécialistes, et ensuite, le Dr Gutkin pourra vous parler au nom des médecins de famille.

    Le Collège royal supervise la délivrance des certificats pour tous les domaines de spécialité au Canada, à part la médecine familiale. Nous avons mis sur pied trois programmes destinés à venir en aide aux diplômés des facultés de médecine étrangères. J'ai le plaisir de vous informer que ces trois dernières années le nombre de diplômés étrangers s'étant inscrits dans ces programmes a beaucoup augmenté, au point que cette année il y aura 169 diplômés des facultés de médecine étrangères de plus que le nombre de diplômés canadiens autorisés dans le cadre du système canadien. Ce chiffre représente une augmentation de 12 % par rapport au groupe canadien de base. Tous ces diplômés seront admissibles aux examens. Ces examens sont administrés dans le cadre d'un programme maison du Collège, mais aussi en collaboration avec les autorités réglementaires, et en particulier en Ontario, au Manitoba, en Colombie-Britannique et à l'Île du Prince-Édouard.

    Nous avons aussi créé une voie que les universités peuvent emprunter pour recruter des étudiants par l'entremise d'un processus à l'intérieur du système universitaire. Le défi se trouve dans l'infrastructure et le financement. Je pense qu'il est important de comprendre que les personnes qui procèdent à l'évaluation des diplômés et à leur formation sont des bénévoles. Personne ne les rémunère pour l'enseignement qu'ils dispensent ou pour le travail qu'ils effectuent auprès de ces diplômés, qu'ils soient Canadiens ou qu'ils aient fait leurs études à l'étranger. Bon an mal an, environ 1 600 médecins donnent entre cinq et six journées de leur temps au Collège en participant à divers comités, etc. Il s'agit donc d'un engagement assez considérable, et d'un investissement dans le système de soins de santé qu'ils consentent parce que cela fait partie de leur rôle de le faire. Mais il y a des limites à ce que les bénévoles sont prêts à faire en plus de leur pratique quotidienne. Cet aspect représente évidemment l'une de nos principales difficultés.

    Je pense qu'il est encourageant de constater qu'il y a des programmes en place. Nous travaillons également à la mise sur pied d'un processus concernant l'admissibilité à la pratique pour ceux qui sont déjà au pays mais qui ne possèdent pas la certification complète de spécialiste, afin de les aider à l'obtenir sur la base de leur pratique et après avoir passé les examens. Il demeure un principe non négociable toutefois, et c'est celui de l'équivalence. Pour être reconnus comme des spécialistes au Canada, les diplômés étrangers doivent prouver qu'ils sont équivalents aux diplômés ayant fait leurs études dans les facultés de médecine canadiennes.

    Docteur Gutkin, avez-vous quelque chose à ajouter?

+-

    M. Calvin Gutkin (directeur général et chef de la direction, Collège des médecins de famille du Canada, Forum médical canadien): Merci.

    En médecine familiale, depuis un bon bout de temps déjà, nous éprouvons d'énormes difficultés, et la situation est la même pour toutes les autorités médicales du Canada , à obtenir ne serait-ce que les renseignements dont nous avons besoin de la part des diverses nations autour du monde concernant leurs programmes d'enseignement et de formation. À cette difficulté s'ajoute celle d'avoir à vérifier les titres de compétence des personnes qui terminent ces programmes et à obtenir plus de précision sur le contenu des programmes.

    J'ajouterais que dans le cadre de notre travail en médecine familiale—et de plus en plus, au moment où l'on se parle—nous avons récemment établi le contact avec l'Organisation mondiale des médecins de famille afin d'essayer de nous faciliter les choses dans nos démarches visant à nous procurer davantage d'information sur le contenu des programmes dans les facultés de médecine familiale dans tous les pays du monde entier. Nous savons pertinemment que pas plus de deux douzaines de pays dans le monde ont des programmes d'enseignement structurés en médecine familiale en tant que discipline, comme chez nous au Canada et aux États-Unis ainsi que dans les pays du Commonwealth. C'est par conséquent assez difficile de clarifier la situation des diplômés qui ont terminé leurs études en faculté de médecine, mais qui n'ont pas reçu d'autre formation en médecine familiale.

    Cela fait plus de trente ans maintenant que nous avons résolu le problème par la mise en place de ce que nous appelons l'admissibilité par la voie de la pratique donnant droit à la certification. Il n'est pas obligatoire pour un diplômé d'avoir suivi une formation pratique. Nous évaluerons chaque cas individuellement et donnerons aux candidats la possibilité de passer notre examen donnant droit à la certification. Il ne faut pas oublier, comme l'a mentionné le Dr Barrett dans son exposé, qu'un diplômé peut obtenir d'un organisme réglementaire un permis d'exercice lui permettant de pratiquer au Canada, et à tout le moins un permis d'exercice restreint, sans avoir reçu la certification de notre collège, s'il s'agit d'un médecin de famille ou encore du Collège royal, s'il s'agit d'un spécialiste. Mais pour obtenir l'autorisation complète d'exercer la médecine, il faut avoir obtenu la certification.

    Nous avons donc mis en place cette admissibilité par la voie de la pratique qui permet d'accepter les candidats de toute provenance, du moment qu'ils ont au moins un permis d'exercice temporaire d'une autorité réglementaire. Les diplômés doivent ensuite suivre un programme débouchant sur un examen de certification, et nous essayons de les aider à se préparer à cet examen. C'est un autre point que vous a souligné le Dr Barrett. Les ressources nécessaires pour aider ces diplômés à se préparer à l'examen sont importantes. Nous pensons qu'il serait très bénéfique pour les diplômés des facultés étrangères d'obtenir une certaine aide de la part de nos deux collèges durant le processus de certification.

    C'est l'approche que nous avons suivie en médecine familiale.

·  +-(1325)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Clavet.

[Français]

+-

    M. Roger Clavet (Louis-Hébert, BQ): Merci, monsieur le président. Je remercie le Dr Barrett pour la présentation, de même que ses collègues.

    J'aimerais faire quelques observations de nature un peu humoristique. D'abord, je félicite l'ensemble de la profession qui, selon un sondage récent, a été jugée la plus crédible au Canada. Nous, politiciens, sommes classés derniers, soit au 20e rang. Pour ma part, je n'ai pas voté. L'avant-dernier rang a été remporté par les journalistes. Cela revient à dire que j'occupe à la fois le 19e et le 20e rang. J'éprouve donc une grande admiration pour les médecins, qui occupent le premier rang au Canada.

    Malheureusement ou heureusement, selon le point de vue, je suis député depuis moins d'un an. J'ai vécu dans l'Ouest, au Manitoba. Or, depuis que je suis député et après plus d'un an de recherche, je n'ai toujours pas accès à un médecin de famille, encore moins à un omnipraticien.

    Je suis venu en politique précisément à cause de l'immigration. Je crois en effet qu'elle constitue l'avenir du peuple, qu'il soit canadien ou québécois. Vos présentations dénotent une attitude qui me surprend. Vous dites que selon une étude, dans un cas de crise cardiaque, peu importe que le médecin intervenant soit étranger ou non, le résultat est le même. Par contre, vous dites aussi être en faveur d'une plus grande autosuffisance au sein des effectifs médicaux au Canada. Je vois là une contradiction. Vous nous dites, de façon très angélique, vouloir accueillir les médecins étrangers, mais vous dites aussi qu'il faut être autosuffisant. Expliquez-mois cela.

[Traduction]

+-

    Dr Peter Barrett: Je vais vous donner des explications, et ensuite mes collègues pourront intervenir, s'ils le désirent.

    D'abord et avant tout, nous pensons que le Canada ne dispose pas d'un nombre suffisant de postes au niveau prédoctoral pour répondre aux besoins des Canadiens. Il y a déjà un bon bout de temps que nous essayons de nous défiler et de ne pas assumer cette responsabilité. Nous avons réussi à nous en sortir jusqu'ici parce que le Canada est un pays attirant pour les immigrants. Nous aimerions que le Canada soit le pays le plus attirant du monde pour les médecins, assurément. Toutefois, nous éprouvons certaines difficultés avec le recrutement systématique des médecins. Autrement dit, le problème ne vient pas de ce que certains sont tentés de venir s'installer au Canada, mais plutôt des gouvernements et des décideurs qui choisissent la voie de la facilité en recrutant des médecins étrangers plutôt qu'en décidant de former nos propres médecins. À une époque où l'on constate une pénurie de médecins à l'échelle mondiale, ces pays sont parfois laissés sans ressources. Nous ne trouvons pas que cette politique nationale démontre beaucoup d'équité.

    Nous sommes en faveur d'encourager les diplômés des facultés de médecine étrangères à venir s'installer ici, mais nos politiques nationales ne devraient pas reposer sur le recrutement systématique des médecins des autres pays. Nous préférerions une situation où les médecins des autres pays pourraient venir s'installer ici, et les nôtres pourraient faire de même à l'étranger.

·  +-(1330)  

[Français]

+-

    M. Roger Clavet: Chaque année, 400 diplômés provenant de facultés de médecine étrangères arrivent au Canada. C'est une réalité. Vous dites dans votre présentation que ce nombre équivaut à celui de quatre facultés de médecine. Voir entrer au pays 400 diplômés de facultés de médecine étrangères n'est-il pas une menace pour la profession?

[Traduction]

+-

    Dr Peter Barrett: Cette situation ne représente une menace que dans la mesure où notre capacité d'évaluer et de former ces diplômés—et particulièrement en ce qui a trait à la formation postdoctorale qui comporte une période d'observation avant la délivrance du permis d'exercice—nous pose un énorme problème, parce que nous arrivons à peine à suffire à la demande pour nos propres diplômés à l'heure actuelle. Ajouter un certain nombre de médecins chaque année représente un véritable défi pour nous, à moins que les ressources en provenance du Collège royal et du Collège des médecins de famille du Canada n'augmentent, de même que celles des facultés de médecine visées.

    Depuis quelques années, d'un bout à l'autre du pays, nous avons constaté une augmentation du nombre des inscriptions au niveau prédoctoral, et cela se poursuit, mais en revanche, cette augmentation n'a pas eu d'écho dans le nombre de postes offerts en formation postdoctorale. Il arrive souvent en effet que les postes pour la formation postdoctorale, qui conduisent à la certification, deviennent le goulot d'étranglement pour les diplômés des facultés de médecine étrangères. Alors que le nombre de ces postes est à peine suffisant pour nos propres besoins, il devient très difficile de former les DFME.

    Mes collègues voudront peut-être ajouter quelque chose sur le sujet.

+-

    Dr Stewart Hamilton: De nombreuses autorités s'occupent de la reconnaissance des titres des diplômés des facultés de médecine étrangères. Le Collège royal a entrepris d'examiner de nombreuses autorités internationales, et il n'y en a que 22 ou 23 avec lesquelles nous avons conclu des accords de réciprocité. Les autres autorités ne nous facilitent pas les choses lorsque nous voulons obtenir des renseignements en vue d'établir si les normes de formation sont les mêmes qu'ici.

    Nous essayons néanmoins d'établir l'équivalence dans la formation de ces diplômés avant qu'ils n'arrivent au pays, parce que nous croyons vraiment dans l'importance de maintenir une certaine norme et qu'un spécialiste qui arrive de l'étranger et qui obtient la certification en suivant notre processus devrait posséder les mêmes compétences, qu'il ait fait ses études de médecine dans une faculté canadienne ou étrangère, et qu'il exerce sa pratique dans la province de Québec ou dans l'Ouest canadien.

    Nous éprouvons toujours certaines difficultés à obtenir des renseignements auprès des autorités étrangères. Même des pays de l'Europe occidentale nous mettent parfois des bâtons dans les roues pour ce qui est d'établir l'équivalence de la formation. Mais nous y travaillons; nous poursuivons nos efforts en ce domaine. Le nombre d'autorités avec lesquelles nous avons conclu des accords de réciprocité devrait continuer d'augmenter, selon nous.

+-

    Dr Dennis Kendel (registraire, Collège des médecins et chirurgiens de la Saskatchewan, Forum médical canadien): J'aimerais faire une autre observation concernant le bassin de diplômés des facultés de médecine étrangères. Il y a en fait deux bassins distincts. Il existe en effet au pays une offre de médecins dont beaucoup sont aujourd'hui devenus des citoyens canadiens, après être arrivés ici il y a dix ans peut-être, mais sans avoir eu la possibilité d'entreprendre une stratégie d'évaluation et d'intégration. Ces médecins se sont, par conséquent, morfondus dans des emplois n'ayant aucun rapport avec la pratique de la médecine, et malheureusement cette situation a compliqué leur existence et a eu pour effet de rendre encore plus difficile leur retour à la pratique de la médecine.

    Pour tous les médecins, et pour la majorité des organismes réglementaires... je suis le registraire de l'organisme de réglementation en Saskatchewan. Nous avons un règlement voulant que si vous n'avez pas exercé la médecine depuis deux ans, vous devez subir une évaluation afin que l'on détermine si vos compétences et vos connaissances sont toujours actuelles.

    Je pense que certaines initiatives récentes—l'augmentation du financement destiné à créer une capacité en matière de formation et d'évaluation—ont été très bien accueillies. Supposons pour un moment que nous rattrapions le retard que nous avons pris—tous les diplômés ne pourraient se qualifier, mais disons que nous pourrions au moins leur donner la chance d'être évalués équitablement—et ensuite, nous nous retrouverions dans un état d'équilibre, dans le sens que tout dépendrait de la politique canadienne en matière d'immigration pour ce qui est du flot d'immigrants acceptés au Canada, dont un certain nombre seront des médecins, et aussi de l'offre de médecins canadiens.

    Pour ce qui est des organismes de réglementation, nous ne pensons pas que ce soit une bonne idée d'exercer quelque discrimination que ce soit. Si les diplômés répondent aux exigences, dans ce cas on devrait leur permettre d'exercer la profession. Par la suite, ce seront les règles du marché qui joueront, à savoir s'il existe ou pas des possibilités d'exercer la médecine selon les régions du Canada. Mais du strict point de vue réglementaire, nous pensons que l'on devrait mettre en place un système qui traite sur le même pied les médecins canadiens et ceux ayant fait leurs études à l'étranger.

+-

    M. Roger Clavet: Merci.

+-

    Le président: Monsieur Siksay.

+-

    M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD): Merci, monsieur le président.

    Merci, messieurs, de votre déclaration et de vous être déplacés pour venir témoigner.

    J'aimerais poser une question concernant la norme nationale en matière de pratique. Je crois comprendre que l'examen d'aptitude est l'un des outils que vous utilisez pour l'établir. Pourriez-vous m'expliquer comment vous procédez pour élaborer l'examen en question? Où est-il dispensé? Quand avez-vous discuté de ses éléments pour la dernière fois? À quel moment avez-vous discuté des caractéristiques de cette norme pour la dernière fois?

·  +-(1335)  

+-

    Dr Dennis Kendel: Je vais m'efforcer de vous répondre très rapidement.

    C'est intéressant parce que le Conseil médical du Canada a été créé en vertu d'une loi du gouvernement fédéral en 1912 parce que l'on craignait une balkanisation de la médecine au pays si chaque province adoptait une norme différente. Par conséquent, le Conseil médical du Canada est devenu l'organisme de normalisation pour ces examens d'évaluation débouchant sur le droit de pratique.

    La Partie II de l'examen repose sur l'application des connaissances dans la réalité. Elle comporte l'utilisation d'acteurs qui jouent le rôle de patients et reproduisent les situations que l'on retrouve dans les cliniques, et ensuite les candidats sont évalués en fonction de leur comportement. Cette partie de l'examen n'existe que depuis 12 ans, ou peut-être moins. Il est intéressant de constater qu'elle a été ajoutée parce que les organismes de réglementation dans chaque province et territoire avaient déclaré qu'un examen qui se contente de vérifier les compétences sur papier était insuffisant, et qu'il fallait mesurer ces compétences dans le contexte clinique.

    Donc, l'examen est mis au point par des comités indépendants qui déterminent la norme à laquelle le grand public peut s'attendre. Ces examens sont très complexes pour ce qui est des mesures psychométriques afin que l'on puisse s'assurer qu'elles sont justes et valables, parce qu'il arrive parfois que les résultats soient contestés devant les tribunaux. Les cas qui sont présentés font toujours l'objet d'un examen et ils sont mis à jour au fur et à mesure que l'on reçoit de l'information nouvelle à intégrer dans la base de données des examens. Il s'agit donc d'un processus très dynamique; l'examen n'est pas établi une bonne fois pour toutes, il est régulièrement modifié.

+-

    Dr Jason Kur (président, Comité de direction sur IMGs et vice-président Professionel, Association canadienne des médecins résidents, Forum médical canadien): Je voudrais seulement ajouter quelque chose, comme je suis probablement celui qui a suivi les étapes de ce processus le plus récemment.

    J'aimerais vous rappeler que le processus d'examen du CMC ne remplace d'aucune manière la formation ou l'évaluation de la formation; il vient plutôt confirmer tout ce que l'on a appris à la fin de cette formation.

    Nous subissons régulièrement un processus d'évaluation, que ce soit aux deux semaines ou chaque mois, et nos résultats nous sont transmis par l'entremise des établissements d'enseignement. L'examen sert ensuite de dernière étape de vérification, et ne se substitue d'aucune manière à l'évaluation de notre formation. Il s'agit d'une évaluation composite. L'examen du CMC fait partie du processus d'ensemble, mais il ne remplace aucune de ses étapes.

+-

    M. Bill Siksay: Ce matin, la ministre responsable de l'Immigration en Saskatchewan, Mme Atkinson, s'est présentée devant le comité. Elle a déclaré notamment—sans viser un groupe professionnel particulier—que les « normes régissant la délivrance de permis sont trop restreintes au contexte de notre propre système d'enseignement et de commerce et à notre propre réalité du marché du travail ». Elle a ajouté que les « organismes réglementaires et les établissements d'enseignement postsecondaires doivent adopter une perspective plus globale ».

    Que pensez-vous de cette déclaration, et quelle incidence pourrait-elle avoir sur la profession médicale?

+-

    Dr Dennis Kendel: Naturellement, le corps humain est partout le même, sur le plan de l'anatomie et de la physiologie, aussi certains aspects de l'étude de la médecine ont un caractère universel.

    Mais ce qui est d'une importance cruciale, en revanche, c'est le contexte dans lequel les services de soins de santé sont dispensés et celui dans lequel la médecine est exercée. Par conséquent, certaines pratiques culturelles et éthiques doivent être apprises, à moins que l'on n'ait fait ses études dans le pays. Et en réalité, elles sont probablement les plus importants obstacles pour les médecins qui arrivent d'autres régions du monde; si l'exécution d'une certaine procédure est la même dans le pays d'origine, en revanche plusieurs noms de médicaments peuvent être complètement différents. Les méthodes de travail avec les autres professionnels de la santé peuvent aussi être très différentes. Dans certains pays, les médecins travaillent davantage en solitaire, si on veut, tandis que dans d'autres, on privilégie davantage le travail d'équipe pour la prestation des soins de santé.

    Donc, je pense que je serais assez d'accord avec la remarque de Mme Atkinson comme quoi il faudrait adopter une perspective plus globale. Mais en fin de compte, la tâche des organismes réglementaires est de s'assurer que les personnes qui exercent une profession le font d'une manière qui est sans danger pour les citoyens qu'elles desservent, et pour y arriver, elles doivent connaître le contexte de pratique du pays où elles l'exercent.

+-

    M. Calvin Gutkin: Si vous me permettez un commentaire, les quatre principes régissant l'enseignement ainsi que la formation détaillée spécifique et les objectifs éducatifs de la médecine familiale reposent sur le fait que le médecin de famille doit démontrer, avant d'obtenir la certification, qu'il est un clinicien compétent, que tout ce qu'il fait est axé sur le patient, qu'il reconnaît travailler au sein d'une collectivité, et qu'il est prêt à répondre aux besoins d'une population en constante évolution.

    Le terme « population », tel que nous le redéfinissons et le précisons d'année en année a fini par recouper bien plus que le patient que l'on soigne à titre individuel, mais aussi la population au sein de laquelle on exerce—que ce soit à l'échelle locale, régionale, provinciale, nationale ou internationale. Cet aspect a tendance à occuper de plus en plus de place dans le programme d'études, parce que nous nous efforçons de l'aborder auprès des étudiants de niveau prédoctoral, postdoctoral ainsi que dans les normes relatives à la formation continue des médecins de famille.

·  +-(1340)  

+-

    Le président: Merci beaucoup de votre intervention.

    Monsieur Anderson.

+-

    L'hon. David Anderson (Victoria, Lib.): Merci.

    Merci, messieurs, d'être venus témoigner devant le comité aujourd'hui. Je suis heureux de vous voir—et dans certains cas, de vous revoir. J'apprécie l'intérêt que vous portez aux travaux de notre comité.

    Pour ce qui est des chiffres, on nous a dit que la Saskatchewan accueillait 50 p. 100 des DFME. Sur ce 50 p. 100, pouvez-vous me donner plus de précisions? Par exemple, combien viennent de l'Europe occidentale, combien sont issus des facultés traditionnelles, et à cet égard, vous devez avoir acquis une expérience assez considérable au fil des années parce qu'il y a eu des diplômés de ces endroits, et combien sont issus des pays en développement pour lesquels vous avez moins d'expérience? Autrement dit, pourriez-vous me donner un peu plus de précisions au sujet de ce groupe de médecins qui exercent ici aujourd'hui et de leurs antécédents?

+-

    Dr Dennis Kendel: Comme je suis le directeur général pour la Saskatchewan, je vais essayer de vous donner un aperçu de la situation.

    Il y a eu trois vagues d'immigration vers la Saskatchewan. Durant les années 50 et 60, les arrivants étaient majoritairement des personnes ayant fait leurs études au Royaume-Uni et y ayant grandi. Et par la suite, de la fin des années 60 jusque durant les années 80, nous avons accueilli une vague importante de médecins en provenance de l'Inde et du Pakistan qui avaient suivi leur formation postdoctorale au Royaume-Uni. Donc, ils pouvaient avoir fait leurs études de médecine en Inde et au Pakistan, mais ils avaient fait leur résidence ou leur formation postdoctorale au Royaume-Uni. Et ce groupe représente toujours un très fort pourcentage de notre population de DFME.

    Mais depuis les années 80, cette vague arrive majoritairement de l'Afrique du Sud. Présentement, je dirais qu'environ 23 p. 100 des médecins qui exercent dans cette province sont originaires de l'Afrique du Sud. Dans les régions rurales de la province, monsieur Anderson, on ne retrouve pour ainsi dire que des Sud-Africains, dans les petites localités. Il y a relativement peu de diplômés des facultés de médecine canadiennes dans les très petites villes et les villages parce qu'il semble que les diplômés canadiens n'apprécient pas beaucoup exercer dans ce contexte, alors que beaucoup de Sud-Africains semblent au contraire avoir une prédilection pour ces endroits.

    Donc, voilà pour la répartition.

+-

    L'hon. David Anderson: Alors, —sans vouloir trop généraliser, parce qu'alors l'information serait moins utile—vous devez néanmoins avoir une très bonne connaissance de la valeur particulière des facultés de médecine sud-africaines, peu importe combien il y en a, simplement de par l'expérience acquise; et de même, vous devez avoir acquis une très bonne connaissance des institutions du Royaume-Uni.

+-

    Dr Dennis Kendel: Cette connaissance vient en partie du nombre de personnes qui sont arrivées au fil des années de ces endroits. Par conséquent, la preuve de leur compétence réside dans leur performance au fil du temps, dans une certaine mesure.

    Il est aussi intéressant de souligner qu'il existe des données sur le rendement comparé que l'on peut tirer des examens d'aptitude dispensés par le Conseil médical du Canada. Les diplômés de certaines facultés de médecine ont statistiquement plus de chances de réussir que ceux d'autres facultés.

    L'autre grande différence, à mon avis, tient à la présence d'une certaine uniformité dans les normes d'enseignement à l'intérieur d'un pays donné. Par exemple, en Inde seulement, il y a plus de 200 facultés de médecine; certaines sont superbes et d'autres, sincèrement, assez décevantes. Donc, il est difficile de généraliser pour un pays qui ne dispose pas vraiment d'un système pour garantir l'uniformité de ses propres méthodes d'enseignement, contrairement au Royaume-Uni, à l'Afrique du Sud, à la Nouvelle-Zélande et à l'Australie. Et cela fait une énorme différence, parce que, sachant de quelles facultés ils sont issus, nous avons de bonnes raisons de croire qu'ils vont respecter les normes ou pas.

+-

    L'hon. David Anderson: Autrement dit, le fait que vous vous soyez concentrés tellement—pour diverses raisons, peut-être—sur les médecins de certains pays, en l'occurrence l'Afrique du Sud, signifie que vous êtes en mesure d'obtenir les renseignements nécessaires pour établir quelles sont les facultés les plus susceptibles de produire des diplômés de qualité. Vous pouvez par conséquent avoir confiance dans ces facultés, tout comme vous avez confiance dans, disons, les douze premières facultés de médecine des États-Unis.

+-

    Dr Dennis Kendel: Oui, en effet. La difficulté s'est posée du point de vue des droits de la personne. Comme il faut s'y attendre, certains diront : « Ne me jugez pas seulement en fonction de mon pays d'origine, mais sur la base réelle de mes connaissances et de mes compétences. » Aussi, lorsqu'il est question de la capacité d'évaluer, ce dont nous avons eu désespérément besoin dans le passé, c'est de la capacité de mesurer objectivement les connaissances et les compétences d'une personne en particulier qui arrive dans notre pays.

    Supposons que l'on ait des schémas de migration atypiques et que les immigrants arrivent de l'Europe de l'Est; les systèmes d'enseignement de cette région nous sont beaucoup moins connus que ceux des pays que je viens de mentionner. Nous devrions avoir la capacité, d'une manière très efficace et rentable, de mesurer leurs connaissances et leur niveau de compétence, d'évaluer leurs lacunes et de décider s'il est raisonnable ou pas pour nous, en tant que société, d'investir dans leur formation d'appoint afin de combler les éventuelles faiblesses de manière à pouvoir utiliser leurs compétences dans notre pays.

    Ce sont ces capacités que nous n'avons pas encore réussi à mettre en place. Nous sommes en voie d'améliorer les choses, mais nous n'avons pas encore assez de personnel pour répondre aux besoins de tous les arrivants.

·  +-(1345)  

+-

    L'hon. David Anderson: Je pourrais peut-être reformuler ma question, et dire que le temps requis pour être admissible au permis d'exercice en Saskatchewan, pour un diplômé sorti de l'une des trois ou quatre principales facultés sud-africaines qui aurait fait sa résidence dans des hôpitaux que vous connaissez serait sensiblement le même que pour un diplômé d'une faculté de médecine canadienne ou américaine que vous connaissez bien et qui se classe parmi les meilleures.

+-

    Dr Dennis Kendel: Il y a des variantes, d'un bout à l'autre du pays, mais vous avez parlé de la Saskatchewan, aussi je vais vous répondre pour cette province. Si nous avons évalué tous les titres—et c'est possible de le faire pendant que le diplômé est encore à l'étranger—et si le candidat a suivi une formation postdoctorale que nous reconnaissons, alors il peut arriver en Saskatchewan et exercer dès le lendemain sous réserve d'un permis spécial qui tient pour acquis que le candidat réussira les examens qui lui ont été décrits auparavant.

    Par mesure d'équité envers les diplômés canadiens, si nous exemptions les diplômés étrangers de ces examens, il y aurait deux poids, deux mesures. Par conséquent, ils doivent passer ces examens. Mais ceux qui ont rempli les conditions rattachées à la formation postdoctorale peuvent littéralement exercer dès leur arrivée.

+-

    L'hon. David Anderson: Vous avez mentionné que sur les 200 facultés de médecine qui existent en Inde certaines ne sont pas du même calibre que les meilleures et aussi que vous les connaissez moins bien. Par conséquent, un diplômé qui aurait fait ses études dans une faculté moins bien connue ou dont la réputation est moins enviable, devrait passer des examens d'évaluation, parce que vous ne possédez pas toute l'information nécessaire sur la faculté où il a étudié.

+-

    Dr Dennis Kendel: Oui. La partie la plus difficile à évaluer est justement celle qui fait appel à l'observation directe en contexte clinique, ce qui revient à reproduire la résidence qu'effectue Jason en ce moment. La résidence consiste justement à observer le diplômé canadien sur une période de quatre ans, pour les spécialistes, et de deux ans pour les diplômés en médecine familiale. Il faut tenter de comprimer ces observations durant une période de temps relativement courte. Les facultés qui tentent de le faire actuellement s'y prennent sur une période de six mois. C'est un processus très gourmand en ressources.

+-

    L'hon. David Anderson: Merci.

+-

    Le président: Merci beaucoup, messieurs. Chaque fois que j'ai des médecins devant moi, je ne peux m'empêcher de penser qu'il y a des patients dehors qui ne les verront pas aujourd'hui, et je sais que c'est un énorme problème dans ce pays.

    J'ai une question pour conclure. Combien de nos médecins nous quittent pour les États-Unis chaque année?

+-

    M. Calvin Gutkin: Je pense que ce nombre a chuté depuis un bout de temps. Todd Watkins a peut-être les chiffres à jour, mais je pense que c'est autour de 300 ou 400. Mais il arrive aussi que des médecins reviennent, de sorte que la perte nette par année se situe autour de 180. Et ce chiffre pourrait inclure tous les pays qui accueillent nos médecins, mais de loin, le plus grand nombre des médecins qui nous quittent le font à destination des États-Unis. Donc, je crois que—et Todd, pourra me corriger—la perte nette se situe autour de 180 à 190 par année, depuis quelques années.

+-

    M. Todd Watkins (directeur, Bureau des services professionels et coordinateur, Forum médical canadien): Je pense que le nombre de médecins se situait autour de 400 à 500 vers 1995, et il a chuté à moins de 100 en 2004, pour ce qui est des départs nets à destination des États-Unis.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

+-

    Dr Jason Kur: Les raisons qui expliquent cet exode sont très variées. Il arrive souvent que les médecins canadiens s'expatrient parce qu'on leur offre des opportunités de se perfectionner ou d'acquérir des compétences qui n'existent pas au Canada, et ils finissent par revenir. Donc, il ne s'agit pas toujours de pertes définitives. Il y en a beaucoup qui reviennent aussi.

+-

    Le président: J'aimerais remercier chacun d'entre vous pour sa participation. Il est évident que la profession médicale nous a consacré beaucoup de son temps précieux, et nous l'apprécions énormément dans ce comité. Merci encore.

·  +-(1350)  

+-

    Dr Peter Barrett: Merci à vous de cette occasion de nous faire entendre.

+-

    Le président suppléant (M. Lui Temelkovski (Oak Ridges—Markham, Lib.)): C'est un plaisir d'être le président.

    Nous accueillons M. Kebrom Haimanot qui représente l'Association interculturelle de la Saskatchewan.

    Voulez-vous commencer, je vous prie?

+-

    M. Kebrom Haimanot (membre, Conseil d'administration, Saskatchewan Intercultural Association): Aujourd'hui, nos discussions porteront sur la réunification des familles d'immigrants. C'est une question épineuse. J'ai interrogé le responsable de la citoyenneté et de l'immigration à Saskatoon pour en savoir davantage. Je voulais me préparer en prévision de cette réunion. Durant la fin de semaine, nous avons aussi participé à une discussion organisée par le Parti conservateur histoire de les aider à mettre en forme cette question de la citoyenneté et de l'immigration.

    À la suite de cette réunion, j'ai appris qu'en ce qui concerne la catégorie de la famille, à l'heure actuelle, il est possible de parrainer vos parents et vos enfants, mais pas vos frères et soeurs ni vos cousins. Comme le disait avec éloquence le ministre, une personne peut immigrer dans ce pays, et surtout dans un endroit comme la Saskatchewan, et si elle se sent seule, elle n'a qu'à se rendre dans les grands centres comme Toronto ou en Colombie-Britannique où elle trouvera bon nombre de ses compatriotes qui parlent la même langue et qui la comprendront mieux, autrement dit.

    Afin d'éliminer ce genre de problème, nous suggérons que les frères et soeurs soient inclus dans la définition de la catégorie de la famille.

    En outre, nous demandons qu'il n'y ait pas de limite d'âge imposée pour les enfants. Si vous dites que vous avez 23 ans, vous ne pouvez pas venir, mais si vous avez 21 ans, vous le pouvez. Dans une famille, il ne devrait pas y avoir de discrimination fondée sur l'âge. Tous les membres de la famille devraient être autorisés à venir.

    Le confort du citoyen immigrant que nous nous efforçons de protéger doit être global. Il ne devrait pas être morcelé. D'un côté, il est à la recherche d'un emploi, mais d'un autre, il a aussi une famille à laquelle il doit envoyer de l'argent. Sur le plan économique, ce n'est même pas envisageable parce qu'il doit nourrir cet enfant de 23 ans, il doit envoyer de l'argent là-bas, au pays.

    En résumé, nous affirmons que la définition de la catégorie de la famille devrait inclure les frères et soeurs et les enfants de cette famille, peu importe leur âge. Il ne devrait pas y avoir de situation où l'on refuse de vous accueillir sous prétexte que vous êtes âgé de 22 ans, alors qu'il n'y aurait pas de problème si vous n'aviez que 21 ans.

    Par-dessus le marché, il y a un autre problème. J'ai moi-même parrainé ma famille en 1986. J'ai parrainé ma mère, et comme mes soeurs et mes frères étaient jeunes, ils ont pu venir eux aussi. Mais depuis lors, le gouvernement a décidé qu'il y aurait un prix à payer. À l'époque où j'ai parrainé ma famille, c'était gratuit. Je n'ai pas déboursé un sou parce que vous avez payé par l'entremise de vos impôts. C'était l'entente. La raison d'être du fonctionnaire était de servir les citoyens canadiens.

    De nos jours, ces fonctionnaires doivent appliquer certaines dispositions. Ainsi, il faut verser un montant de 500 $ en droits d'établissement et près de 1 000 $ viennent s'ajouter ensuite. Par la suite, vous devez verser un cautionnement de 10 000 $. Puis vous devez payer un autre 1 500 $ par personne pour les tests d'ADN qui prouvent que vos enfants sont bien les vôtres, et je le sais pertinemment, parce qu'une de mes connaissances a dû passer par là. Le processus devient de plus en plus complexe. Si vous additionnez toutes ces sommes vous en arrivez à 25 000 $.

    Combien d'entre nous ont les moyens de payer 25 000 $ pour se rapprocher de leur famille? Je veux parler de vos propres enfants et de votre femme. C'est de ça qu'il est question. Ça devient vraiment ridicule.

·  +-(1355)  

    Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, j'ai parrainé les membres de ma famille et aujourd'hui, l'une travaille comme infirmière, son mari est médecin, l'autre est chercheur scientifique, et l'autre enfin travaille comme auxiliaire dans un hôpital. Donc, ils paient leur dû à long terme.

    C'est la raison pour laquelle nous pensons que ces droits et ces frais sont inutiles et qu'ils commencent à ressembler à la taxe d'entrée que l'on imposait jadis aux Chinois, pour les décourager de venir s'établir dans ce pays. Un coeur brisé est un coeur brisé. La moitié des membres d'une famille restés au pays, et l'autre moitié ici, voilà une situation qui brise une existence. Le Canada est un pays humain, mais cette humanité ne transpire pas dans ces exigences. Elles devraient être levées, ou alors il faudrait faire en sorte qu'elles soient plus raisonnables pour que les gens puissent s'y conformer.

    Et en plus de tout cela, il y a la marche à suivre. Lorsque j'ai moi-même franchi les étapes de ce processus, je me rappelle que les choses étaient allées rondement, et que la coopération avait été excellente. Je n'avais aucune raison de me plaindre du système d'immigration canadien à l'époque. Mais de nos jours, le moins que l'on puisse dire c'est qu'il est ridicule.

    Pour commencer, tout relève d'un centre situé quelque part en Nouvelle-Écosse ou en Alberta, et vous devez communiquer par téléphone avec cet endroit et parler à une machine. Vous n'êtes jamais sûr... C'est ainsi qu'un problème mineur finit par prendre des proportions inimaginables. Dans le passé, nous avions des bureaux à Saskatoon ou à Regina, dans un centre. Il suffisait de s'y rendre, de discuter avec quelqu'un de ce qui clochait, de rectifier la situation, et le tour était joué. Le parrainage pouvait se faire sur place. Mais maintenant... C'est très difficile de discuter avec une feuille de papier—d'expliquer ce que vous voulez dire exactement—alors qu'en personne, c'est tellement plus facile.

    Les bureaux, du moins ceux de Saskatoon et de Regina—pas beaucoup, nous ne demandons rien de plus que ce qui existe déjà... Il faut les garder. Au moins, après un trajet de trois, quatre heures on peut rencontrer ces fonctionnaires et s'expliquer. Nous avons besoin de ces bureaux; autrement, les choses deviennent vraiment d'une complication insurmontable, une montagne à franchir.

¸  +-(1400)  

+-

    Le président suppléant (M. Lui Temelkovski): Merci beaucoup.

    Nous allons commencer la période de questions avec Rahim.

+-

    M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, PCC): Merci, monsieur le président, et merci au témoin de s'être déplacé pour venir témoigner devant le comité.

    J'aimerais poursuivre sur la question des droits. La raison que l'on nous donne souvent pour expliquer l'augmentation de ces droits est que les frais d'administration ont monté en flèche avec les années. Il faut aussi tenir compte de l'aspect des programmes d'intégration, comme la formation linguistique et divers services offerts par le gouvernement fédéral. Une partie des droits est censée servir à payer pour ces services, même s'il n'y a aucun moyen de le vérifier. Mais c'est l'une des raisons pour lesquelles ces droits sont perçus.

    J'aimerais poser deux questions à ce sujet. J'aimerais avoir votre avis. Devrait-il y avoir des droits à payer? Avez-vous discuté avec d'autres personnes du montant qui serait raisonnable?

    Deuxièmement, s'il était possible de justifier une certaine portion de ces droits, et si l'on pouvait démontrer clairement qu'ils sont consacrés à l'administration ou à certains services d'intégration, qu'il s'agisse de formation linguistique ou autre, pensez-vous qu'un certain montant pourrait être perçu, en toute justice, afin de venir en aide à ces immigrants potentiels?

+-

    M. Kebrom Haimanot: Comme je le disais tout à l'heure, d'après mon expérience, ne percevoir aucun droit serait la solution idéale; c'est tout naturel. Et le gouvernement fédéral n'est pas au bord de la faillite en ce moment, d'après ce que nous pouvons constater en tant que Canadiens. Je pense que plutôt qu'un manque d'argent, c'est plutôt à une mauvaise gestion que nous avons affaire. On voit l'argent dépensé à tort et à travers, que ce soit pour des hélicoptères qui ne volent pas ou pour des sous-marins qui ne plongent pas.

    J'essaie seulement de vous dire que, selon moi, l'argent est gaspillé ou mal utilisé, c'est ce que je constate. Mais, pour commencer, laisser le personnel dans les bureaux régionaux, ce serait déjà de la rationalisation; parce que l'on éliminerait ainsi toutes les conneries d'étapes intermédiaires, pour dire les choses crûment. Il paraît qu'il ne faut pas parler comme ça.

    Et aussi, d'après ma propre expérience... Ma famille est ici, et aucun d'eux ne vit aux dépens de l'État. Bien au contraire, nous sommes tous des contribuables—des contribuables au système de santé, pour certains d'entre eux. Mon frère est un médecin qui affirme que la moitié de son salaire sert à faire vivre d'autres personnes.

    Mon argument est qu'en fin de compte, c'est le pays qui en bénéficie. Par ailleurs, toutes ces personnes seront d'heureux membres de la société, plutôt que des personnes qui souffrent parce que leurs enfants sont au loin, alors qu'elles sont ici, ou encore que leur femme est à l'étranger, et... Comment voulez-vous être heureux dans ces circonstances? Ce n'est pas bien difficile à comprendre.

    Les choses devraient aller rondement pour cette catégorie de personnes. Le processus devrait être accéléré. Que le gouvernement fasse toutes les vérifications qu'il veut—enquêtes, vérification de sécurité, de santé—et qu'on les laisse entrer au pays. Que cette personne—disons le mari, si c'est lui qui est arrivé le premier—puisse vivre au sein d'une famille heureuse, et les aider avec le reste.

    Mais il y a aussi la question des services. Les services dites-vous? Il y a beaucoup de failles—beaucoup de lacunes—des services ont été créés pour ceci ou cela, mais que se passe-t-il en fin de compte? L'anglais langue seconde? C'est le maximum que l'on puisse obtenir. Et même avec ce programme, il est impossible de s'inscrire en arrivant. Il y a toujours des listes d'attente.

    À mon avis, il ne sert à rien de mettre de l'argent dans ce genre de programmes, parce que selon moi il n'est pas bien utilisé. Il ne devrait pas y avoir de droits à payer. Mais si on veut vraiment qu'il y ait des droits à verser, ne serait-ce qu'à titre symbolique, pourquoi ne pas exiger 100 $ par personne, ou même pas de droits du tout, ce serait à mon avis l'idéal. Mais, d'après ma propre expérience... ? Je n'ai payé aucun droit, je suis très heureux, et je suis un citoyen productif de la nation.

¸  +-(1405)  

+-

    M. Rahim Jaffer: J'ai une autre question à poser sur les aspects liés à l'intégration. Nous avons parlé de ces droits exigés pour des services d'intégration, et comme vous l'avez dit vous-même, les services dont les gens peuvent effectivement bénéficier sont négligeables. Est-ce que votre organisation est une organisation bénévole?

+-

    M. Kebrom Haimanot: Oui, c'est une organisation bénévole.

+-

    M. Rahim Jaffer: Il me semble, d'après ce que j'entends de la part de nombreuses personnes, qu'il existe beaucoup d'organisations de ce genre d'un bout à l'autre du pays. Est-ce que ce ne serait pas une bonne idée que le gouvernement fédéral établisse une certaine collaboration avec des organisations comme la vôtre afin de faciliter l'administration de certains de ces programmes d'intégration culturelle, par exemple? Il me semble que notre système d'immigration cesse pratiquement d'exister à partir du moment où les immigrants sont arrivés au pays. Le système fonctionne bien dans ses efforts pour attirer des gens au Canada—il y a des problèmes, évidemment, que nous sommes en train d'élucider—mais, une fois arrivés ici, on les laisse se débrouiller pour trouver ces organisations, ou encore pour faire des demandes d'emploi, ou pour obtenir de l'aide quelconque, et soit les immigrants se regroupent avec leurs compatriotes dans des collectivités, soit ils essaient de trouver ces organisations bénévoles qui font de leur mieux pour les aider, mais on ne peut pas dire qu'e l'on fasse grand-chose pour les aider.

    J'aimerais vous demander, étant donné les difficultés que votre organisation et d'autres du même genre éprouvez, est-ce que ce serait une bonne idée d'essayer de trouver des moyens de venir en aide à ces organisations dans le cadre du processus d'intégration de bon nombre de ces immigrants, ou trouvez-vous que les choses sont bien comme elles le sont?

+-

    M. Kebrom Haimanot: C'est intéressant que...

    Je vous demande pardon?

+-

    Le président suppléant (M. Lui Temelkovski): Soyez bref, s'il vous plaît.

+-

    M. Kebrom Haimanot: Oui.

    C'est intéressant que vous posiez la question de cette manière. Parce que, personnellement, tout ce qui concerne le gouvernement... Habituellement, il y a un fonctionnaire et une servitude correspondante : on vous donne l'argent, et vous êtes censés faire quelque chose en retour. Si j'étais payé par le gouvernement fédéral, ou si mon organisation recevait du financement, je ne serais pas capable de vous dire ce que je viens de dire, en fait : tout cela risquerait d'influencer notre relation avec les bureaucrates ou encore avec ceci ou cela. Parfois, ce genre d'organisations n'a rien à gagner, mais il existe néanmoins des organisations comme celle que représentait ce monsieur ici, aujourd'hui—la Open Door Society—qui a établi ce genre de relation. Je n'ai rien contre. Mais dans notre cas, nous représentons l'organisation culturelle comme nous la voyons.

    Et pour le compte rendu, comme je l'ai déjà mentionné auparavant, nous voyons le Canada comme un orchestre symphonique, où chaque instrument devrait jouer, devrait être entendu, et devrait avoir un son différent—que ce soit le piano, la guitare, peu importe. Ils sont tous différents, mais pour jouer en harmonie, tout comme une nation multiculturelle, c'est toujours préférable d'avoir un chef d'orchestre.

    Et c'est précisément ce qui manque dans le tableau, dans ce grand casse-tête : le chef d'orchestre, dont le rôle pourrait être joué par le gouvernement fédéral. Sinon, il y a des gens merveilleux dans ce grand pays.

+-

    Le président suppléant (M. Lui Temelkovski): Monsieur Clavet, avez-vous une question à poser?

+-

    M. Roger Clavet: Je n'ai pas de questions.

+-

    Le président suppléant (M. Lui Temelkovski): Monsieur Siksay, je vous en prie.

+-

    M. Bill Siksay: Merci, monsieur le président.

    Monsieur Haimanot, je tiens à dire que je suis entièrement d'accord avec vous en ce qui concerne la définition de la famille et que l'on devrait l'élargir, et que la situation actuelle est inacceptable. J'ai mentionné ce matin que j'avais présenté un projet de loi d'initiative parlementaire sur le sujet, qui malheureusement n'a pas été retenu à la Chambre. Mais, je suis d'accord avec vous que c'est un problème qui mérite notre attention.

    Je suis également d'accord avec vous comme quoi les droits d'établissement fonctionnent sur le même principe que les taxes d'entrée, sur le même modèle que celles qui étaient imposées aux Chinois naguère. Et dans les cercles de l'immigration que je fréquente, ces droits sont perçus comme des taxes d'entrée. Je suis d'accord avec vous que c'est une autre modalité de notre système d'immigration qui n'est pas acceptable. Si nous voulons vraiment encourager les gens à immigrer au Canada, ce n'est pas la bonne façon de procéder.

    Par ailleurs, en ce qui concerne les difficultés éprouvées par les immigrants qui s'établissent au Canada et qui ont besoin de ressources à cette étape de leur existence, il me semble vraiment inacceptable de les priver de cet argent. C'est clair qu'en Colombie-Britannique les immigrants ne récupèrent pas leur investissement en services, alors que c'était la raison d'être invoquée pour la perception des droits, à l'origine.

    Voici ma question : à la lumière de votre expérience au sein de l'Association interculturelle de la Saskatchewan, et de votre expérience personnelle à titre d'immigrant au Canada, je me demande si vous ne pourriez pas nous dire quels sont, à votre avis, les groupes d'immigrants qui s'en tirent le mieux au Canada. Est-ce que ce sont les gens qui arrivent en famille, parrainés par des membres de leur famille dans la catégorie des parents, ou est-ce que ce sont les gens d'affaires immigrants ou encore les immigrants qui sont des travailleurs spécialisés? Quel est le groupe qui s'intègre le mieux, et quel est le groupe le plus satisfait en ce qui a trait à la décision de venir immigrer au Canada, si on considère leur situation depuis qu'ils sont ici, et la mesure dans laquelle ils ont réussi à gagner leur vie et à vivre décemment au Canada? Est-ce qu'un groupe s'en tire mieux que les autres? Pourriez-vous nous faire des commentaires à ce sujet?

¸  +-(1410)  

+-

    M. Kebrom Haimanot: C'est très intéressant que vous me posiez cette question.

    En Saskatchewan, qui n'est pas une destination de choix, à cause du froid et d'autres facteurs—l'emploi, les groupes culturels—je dirais que la catégorie de la famille a des chances d'avoir du succès, parce que l'on peut compter sur un groupe de soutien au départ. Si je n'étais pas encore au pays, et si quelqu'un me demandait : « Pourquoi venir en Saskatchewan? Pourquoi pas en Colombie-Britannique ou même à Toronto? » Les membres de certaines familles me posent la question. Parce que, à cause du réseau de familles, il y aura tout de suite en partant quelqu'un parlant votre langue pour vous aider.

    Maintenant, pour parler des services. Je vous mets au défi, tous et chacun d'entre vous, de vous retrouver en Allemagne et de vous y débrouiller, alors que vous ne parlez pas la langue. Soudainement, de personne intelligente que vous étiez vous devenez un peu comme un imbécile, parce que vous ne parlez pas la langue. C'est ce qui attend les gens qui arrivent ici. Ce sont des gens intelligents, mais ils sont incapables de communiquer. Je me suis retrouvé dans cette situation, en Grèce, à un moment donné, aussi je peux les comprendre. C'est ce à quoi ces gens sont confrontés. Parfois, on me fait la réflexion, « Pourquoi ne prennent-ils pas un dictionnaire, et ensuite ils pourront passer leur permis de conduire? » Si la barrière linguistique qui existe entre moi et quiconque parle une autre langue que la mienne pouvait disparaître grâce à un simple dictionnaire—formidable!—je pourrais parler toutes les langues du monde. On ne peut pas se fier sur un dictionnaire pour régler tous les problèmes.

    Comme vous l'avez dit, la catégorie de la famille et partout où l'on retrouve une collectivité bien soudée... C'est pourquoi M. Rahim disait que l'on a besoin d'une communauté de base. Même notre organisation-cadre... et la majeure partie de nos coûts proviennent des salaires aux employés qui accordent les subventions, remplissent les demandes, et ainsi de suite. Je me suis battu dans le passé avec le Saskatchewan Multicultural Council, et je leur ai expliqué que 90 p. 100 de notre financement est englouti par l'administration. Cet argent ne se rend pas jusqu'aux membres. J'aimerais bien qu'il nous reste quelque chose à distribuer au niveau des collectivités—que ce soit les Érythréens, les Ukrainiens, les Écossais, peu importe—c'est à ce niveau que l'argent devrait aller parce que ce sont ces gens qui influencent directement ou qui aident directement ceux qui parlent une autre langue, qui ont une culture différente ou des façons différentes de faire les choses, les affaires, et tout le reste.

+-

    Le président suppléant (M. Lui Temelkovski): Merci beaucoup.

    J'aimerais poser une question au sujet de l'ADN. Êtes-vous au courant s'il y a de l'abus en ce qui concerne les recours aux tests d'ADN ou le nombre de demandes?

+-

    M. Kebrom Haimanot: Il ne s'agit pas vraiment d'un abus. Je peux comprendre pourquoi on se sert de l'ADN. Il faut s'assurer de la paternité de ces enfants. Je n'ai rien à redire à ce sujet. En revanche, ce sont des tests vraiment coûteux, mais bien entendu, les autorités doivent s'assurer que les enfants que l'on fait venir ici sont ceux que l'on pense, et pas d'autres. Je n'ai rien contre ces tests, c'est simplement que je les trouve assez chers. Je ne sais pas exactement en quoi ils consistent, sauf que si j'ai quatre enfants, par exemple, il m'en coûtera 6 000 $ pour passer ces tests.

    Tout ce dont nous avons parlé auparavant, l'accréditation internationale et tous ces autres aspects, entrent en ligne de compte. Peut-être que je suis sans travail, que je n'ai pas d'antécédents et que j'ai seulement cherché du travail. Tout à l'heure, un médecin expliquait avec éloquence que les titres des médecins sont vérifiés tous les deux ans. C'est vrai. Mais que se passe-t-il avec ce type qui cherche un emploi depuis trois ans, il n'a pas d'antécédents. On lui demande de faire son curriculum vitae, et il doit écrire qu'il est sans emploi depuis cinq ans ou même trois ans depuis qu'il est au Canada. C'est un peu comme dans l'histoire de l'oeuf et de la poule—qu'est-ce qui vient en premier? C'est ça la situation.

    En tant que législateurs, c'est vous qui faites les lois. Vous devez simplifier les choses; par exemple, vous pourriez décider qu'il y a un examen national, et laisser le meilleur l'emporter, peu importe si... Les ressortissants de l'Afrique du Sud savent en quoi consiste l'apartheid. Pourquoi préfère-t-on les Sud-Africains? Parce qu'ils sont noirs? Non, bien sûr. Leur cas est différent. Alors qui... ? Ces gens arrivent ici, ils représentent 23 p. 100 des médecins. Le racisme joue un grand rôle dans toute cette histoire.

    Alors, choisissons les meilleurs et les plus brillants et demandons-leur de nous servir comme ils devraient le faire, sans égard à leur couleur, à leurs croyances, à leur pays d'origine, ou à l'endroit où ils ont reçu leur formation, ou encore à qui ils sont.

¸  +-(1415)  

+-

    Le président suppléant (M. Lui Temelkovski): Merci beaucoup.

    C'est sur cette note que nous allons mettre un terme à cette réunion. Nous prendrons une pause de deux minutes, et nous enchaînerons avec le prochain témoin.

¸  +-(1416)  


¸  +-(1422)  

+-

    Le président suppléant (M. Lui Temelkovski): Très bien, nous pouvons commencer.

    Nous accueillons le professeur Joseph Garcea, du département des études politiques de l'Université de la Saskatchewan.

    Professeur Garcea, vous pouvez commencer.

+-

    M. Joseph Garcea (professeur, départment des études politiques, Université de Saskatchewan, à titre personnel): Merci.

    Je me réjouis d'être ici aujourd'hui. Je n'ai pas réussi à vous soumettre mon mémoire à temps, mais j'en ai préparé un. Je suis désolé parce que vous ne pourrez pas suivre le texte écrit.

    Je profiterai du temps qui m'est alloué pour résumer les points essentiels et les recommandations qui figurent dans mon mémoire. Je pourrai ensuite répondre à vos questions et vous donner certains détails qui se trouvent dans le mémoire si vous le désirez.

    Mon exposé sera divisé en trois courts volets, articulés autour des trois thèmes figurant dans le matériel de promotion du comité : la révision de la Loi sur la citoyenneté; le parrainage dans la catégorie regroupement familial et la réunion des familles de réfugiés, ainsi que la reconnaissance des titres de compétences étrangers. Je me prononcerai brièvement sur chacun de ces thèmes.

    Tout d'abord, j'en aurais long à dire au sujet de la Loi sur la citoyenneté. J'ai d'ailleurs écrit un article sur le sujet, qui sera publié sous peu, et j'ai interrogé à ce sujet des hauts fonctionnaires sur la Colline du Parlement. J'ai donc une assez bonne compréhension des problèmes et des solutions possibles faisant l'objet des débats actuels. Je me concentrerai cependant sur trois des principaux problèmes : le processus de révocation et d'annulation de la citoyenneté; le serment de citoyenneté, ainsi que les politiques et les programmes d'orientation des citoyens. Là encore, je pourrais vous donner un exposé très détaillé, mais je vais me limiter à certains énoncés généraux.

    Vous serez d'accord, la question de la révocation et de l'annulation de la citoyenneté est celle qui suscite le plus de controverse en ce moment. On peut même penser que c'est cette question en particulier qui retarde le processus de renouvellement de la Loi sur la citoyenneté depuis des années. Le litige oppose les partisans de la protection des droits constitutionnels et juridiques à ceux pour qui la sécurité, tant personnelle que nationale, passe avant tout.

    Une question se pose : comment faut-il traiter les personnes menacées de révocation et d'annulation de leur citoyenneté? Quelle sera la réponse la plus efficiente et la plus efficace?

    D'un côté, il faut éviter à tout prix que notre système politique bafoue les droits constitutionnels et juridiques de quiconque mais, d'un autre côté, nous devons veiller à la préservation de notre sécurité nationale et personnelle.

    Jusqu'ici, le débat a été beaucoup trop étroit. Il a porté essentiellement sur des modifications mineures à la loi, à certains de ses éléments. Or, nous en sommes arrivés à un point où un examen global s'impose, en vue d'une réforme de tout l'appareil judiciaire et quasi judiciaire canadien. Nous n'avons jamais fait cet examen systématique et exhaustif, mais le temps est grandement venu de s'y astreindre. À mon point de vue, cet appareil souffre de failles qui sont fondamentales.

    Personne ne niera qu'il est primordial de garantir les droits de tous—certainement pas moi. Cependant, il reste à savoir comment on peut donner une telle garantie de façon efficiente et efficace, et comment nos appareils judiciaire et quasi judiciaire peuvent favoriser l'efficience et l'efficacité recherchée. Je n'ai pas la réponse, mais je crois fermement qu'il est grand temps de nous pencher sur ce problème.

    Ma première recommandation va donc dans le sens d'un examen approfondi de la question et d'une réflexion sur les mesures à prendre pour améliorer les processus judiciaires et quasi judiciaires en vigueur.

    Le deuxième volet de mon exposé a trait au serment de citoyenneté. À mes yeux, au coeur du débat se trouve l'obligation de prêter allégeance à quelque chose ou à quelqu'un. Nous savons que des républicains ne veulent pas prêter allégeance à la reine, ni à ses successeurs. Que des souverainistes du Québec sont incommodés par l'obligation de prêter allégeance au Canada et non à l'État québécois, qu'ils voient en devenir. D'autres qui sont athées ou partisans de la non-confessionnalité ne veulent pas prêter allégeance devant Dieu, ni prononcer un serment qui fait référence à Dieu.

¸  +-(1425)  

    Je propose d'abandonner le concept du serment d'allégeance et de le remplacer par un serment de bonne citoyenneté, qui comprendrait simplement les trois engagements suivants : respecter la Constitution et les lois du territoire et s'y soumettre; respecter les droits des autres et accepter de remplir les devoirs que la citoyenneté impose. Je recommande par conséquent de remplacer le serment d'allégeance par un serment de bonne citoyenneté.

    En ce qui a trait aux politiques et programmes d'orientation des citoyens, je vous informe que je participe actuellement avec certains de mes collègues à une vaste étude portant sur notre régime d'orientation et de formation des citoyens, ainsi que sur nos politiques générales en matière de citoyenneté. J'aurai beaucoup plus à dire sur ce thème dans six ou huit mois, mais je puis affirmer pour l'instant qu'il est impératif d'intégrer à toute nouvelle loi en matière de citoyenneté des dispositions obligeant le ministre responsable à revoir et à moderniser le régime d'orientation afin de le rendre conforme à la réalité du XXIsiècle.

    Nous disposons de nouvelles technologies, et notre façon d'envisager et de penser la citoyenneté a changé. Le temps est venu d'en prendre acte et d'aller de l'avant.

    Je vais maintenant vous livrer quelques observations sur le thème de l'immigration dans la catégorie regroupement familial. Ici encore, j'invite le comité à élargir sa façon de présenter ce thème dans son matériel promotionnel. Je vous propose d'examiner trois grands problèmes liés à cette question.

    Premièrement, il importe d'établir la capacité d'absorption réelle du Canada en matière d'immigration. Nous avons fixé les niveaux entre 180 000 et 240 000. J'imagine qu'une intelligence supérieure sait que c'est la capacité d'absorption réelle du Canada. Mais comment en être certains?

    Selon moi, le Canada pourrait absorber beaucoup plus d'immigrants et ses politiques d'admission pourraient être plus généreuses pour ce qui est de l'immigration des familles. Nous pourrions même élargir la définition de « membre de la famille », comme l'a d'ailleurs proposé ce matin la ministre responsable de l'immigration de la Saskatchewan.

    Deuxièmement, pour augmenter la capacité d'absorption du Canada, il faut améliorer la répartition des flux d'immigrants dans les régions. Les préoccupations concernant la catégorie regroupement familial et les niveaux d'immigration en général sont dues en partie à la concentration des populations immigrantes dans certains grands centres urbains. Il est grand temps d'entamer une réflexion sur la régionalisation de l'immigration.

    Troisièmement, je propose de lier les politiques nationales en matière d'immigration à une politique démographique nationale. Au mieux, nous disposons actuellement d'une politique démographique implicite. À ma connaissance, il n'existe pas de politique démographique explicite au Canada. Nous ne savons pas vraiment ce que devrait être la croissance de la population canadienne à tel moment dans le futur, ni à court ni à long terme.

    Tout ce que je peux en dire est que la question démographique a toujours été importante dans le passé, qu'elle est importante aujourd'hui et qu'elle le restera à l'avenir. Les Canadiens doivent se poser des questions sur la taille souhaitée de la population, pour assurer notre compétitivité et notre productivité à l'échelle du continent aussi bien qu'à l'échelle mondiale.

    Je crois que les provinces et les municipalités doivent participer à cette réflexion. Elles doivent examiner leurs propres politiques démographiques afin de déterminer quels sont les niveaux optimaux visés à différents moments, à court et à long terme.

    Mon dernier point a trait aux titres de compétences étrangers. Je vais m'attarder à trois aspects de cette question qui, à mon avis, sont importants non seulement pour les immigrants, mais pour l'ensemble de la population canadienne. Nous devons commencer par éliminer, ou du moins atténuer, les déconvenues liées à des attentes non satisfaites. Trop souvent, les immigrants munis de titres professionnels ne saisissent pas l'ampleur des obstacles qui les attendent et entretiennent certaines attentes en venant chez nous.

    Ces gens profiteraient énormément d'explications et d'orientations plus claires préalables à leur départ pour le Canada. Ils comprendraient mieux ainsi ce que leurs titres de compétences peuvent leur garantir et ce qu'ils pourront faire au Canada pour les mettre à niveau ou obtenir leur reconnaissance en vue d'exercer leur profession.

    Deuxièmement, les gouvernements, les ordres professionnels et les établissements d'enseignement doivent se montrer beaucoup plus proactifs en matière de reconnaissance des titres de compétences acquis. Ils doivent également offrir des services opportuns aux immigrants au chapitre du recyclage, de l'amélioration ou de l'obtention du niveau de compétence requis afin de satisfaire aux exigences canadiennes pour l'exercice d'une profession ou d'un métier.

¸  +-(1430)  

    Le dernier point mais non le moindre concerne le renforcement des fondements éthiques de la reconnaissance des titres de compétences étrangers. J'aborde la question en détail dans mon mémoire, mais je vais tenter de vous faire un résumé rapide des deux principaux points. Je sais que je suis limité par le temps, de sorte que je vais réduire mon résumé à moins d'une minute.

    Nous devons tenir compte de deux considérations relevant de l'éthique. La première a trait à notre responsabilité morale à l'égard des professionnels que nous faisons venir d'ailleurs pour combler des postes ici, alors que des Canadiens n'ont pas eu la chance d'exploiter leur plein potentiel parce qu'ils ont été désavantagés par la vie. À mon sens, le Canada se doit d'adopter des mesures beaucoup plus proactives à cet égard. Je vous enjoins plus particulièrement de profiter de votre passage en Saskatchewan pour réfléchir à la situation de la population autochtone, actuellement en croissance et riche d'un potentiel humain extraordinaire. Nous devons tenter l'impossible pour permettre aux Autochtones d'acquérir les compétences professionnelles et techniques dont le Canada a besoin.

    Comprenez bien que je ne milite pas contre l'immigration. Je suis un fervent défenseur de l'immigration et je souhaite qu'on augmente les niveaux. Seulement, sa légitimité réside dans la façon dont nous traitons les citoyens canadiens eux-mêmes, y compris les plus défavorisés de tous acabits et de toutes couleurs, autochtones et autres.

    En outre, la question de la certification professionnelle met en cause notre responsabilité éthique à l'endroit des pays d'origine des immigrants, et plus particulièrement ceux qui sont en développement. Le Canada doit se demander si ce trafic de personnes ne s'apparente pas en fait à du remplacement des importations, au détriment des pays en développement.

    Nous devons formuler des politiques étrangères, des politiques d'immigration et des politiques d'aide qui prévoient la juste compensation des bénéfices obtenus des pays en développement. Nous pouvons notamment envisager d'augmenter l'aide versée, d'améliorer les possibilités d'étudier au Canada à un coût raisonnable et de poursuivre nos opérations de maintien de la paix. Le Canada fait déjà beaucoup dans ces domaines, je le sais, mais il est impératif d'établir un lien entre ces actions et les bénéfices obtenus de ces pays, et notamment de ceux qui sont dits en développement.

    Je vous remercie de votre attention.

¸  +-(1435)  

+-

    Le président suppléant (M. Lui Temelkovski): Je vous remercie.

    M. Jaffer entamera la période des questions.

+-

    M. Rahim Jaffer: Merci, monsieur le président.

    Merci, monsieur Garcea, de votre présentation.

    Il m'est toujours agréable d'entendre quelqu'un prôner l'augmentation des niveaux d'immigration. Nous devrions commencer à en parler, évaluer précisément les chiffres, comme vous l'avez évoqué.

    Corrigez-moi si je me trompe, mais vous proposez notamment de na pas jeter notre dévolu uniquement sur les immigrants hautement qualifiés, parce que notre économie doit évoluer et que nous devons faire en sorte d'absorber tous les types d'immigrants, pas seulement les plus spécialisés.

+-

    M. Joseph Garcea: Je participe au projet Metropolis, au Centre d'excellence des Prairies pour la recherche en immigration et en intégration, et un certain nombre de mes collègues s'intéressent à cette question. De fait, ce débat concerne l'opposition entre les composantes regroupement familial, économique ou humanitaire, si on peut dire. Le coeur du débat a trait à l'erreur possible que nous commettons en visant les immigrants ayant des titres de compétences particuliers et un certain niveau de scolarité. Certains croient qu'il vaut mieux favoriser la venue de familles solides et saines, qui pourront établir leurs racines et qui, génération après génération, contribueront à la prospérité du pays.

    C'est la mentalité qui a prévalu dans le passé. Beaucoup de nos prédécesseurs, y compris mon père, sont arrivés avec peu d'éducation, et certains étaient même analphabètes. Ils ont fait ce qu'il fallait pour que leurs descendants reçoivent la formation nécessaire et fassent ce qu'eux-mêmes n'avaient pas été en mesure de faire à leur arrivée.

+-

    M. Rahim Jaffer: J'ai eu des entretiens avec certains de vos collègues, dont le professeur Abu-Laban de l'Université de l'Alberta, et ils tiennent le même discours que vous.

    J'aimerais avoir votre point de vue sur un point particulier. Vous suggérez que le Canada pourrait probablement viser un niveau d'absorption plus élevé, et que l'un des moyens d'y parvenir est de faire une meilleure répartition des flux d'immigration dans les régions. C'est un sujet qui m'intéresse. Des tentatives ont déjà été faites, du moins des suggestions ont été lancées, mais nous ne sommes jamais allés plus loin. Parmi ces suggestions se trouvaient entre autres l'octroi de la citoyenneté aux immigrants qui acceptent de rester dans une région moins densément peuplée. Cela a donné lieu à une levée de boucliers des défenseurs de la liberté de circuler et d'autres droits.

    Quelles seraient les suggestions du projet Metropolis ou d'autres études que vous avez examinées... Avez-vous des idées pour attirer plus d'immigrants vers les régions moins peuplées et pour améliorer la relation de travail entre le fédéral et les provinces, qui elles cherchent des moyens pour augmenter les niveaux? Nous n'arrivons pas à améliorer la répartition par les moyens ordinaires dont nous disposons.

+-

    M. Joseph Garcea: Il n'y a pas de solution magique, mais il reste que certains facteurs influent sur la répartition des immigrants dans tout le pays.

    Les universitaires qui réfléchissent sur ce thème arrivent tous au même constat de base : les immigrants ont les mêmes aspirations que les Canadiens en général. Ils aspirent à vivre dans une collectivité viable, saine, sûre, qui leur procure les commodités essentielles et le plaisir de vivre, surtout, mais également des établissements d'enseignement et des perspectives d'emploi pour tous les membres de la famille.

    La répartition régionale des immigrants doit viser certains types de collectivités. Il en existe plusieurs catégories outre celles des grands centres urbains. Il faut penser notamment aux villes moins importantes, comme on les appelle, et aux centres urbains d'une certaine envergure.

    En tout premier lieu, il faut trouver des moyens pour attirer les immigrants vers ces collectivités. Ce ne sera pas aussi difficile que de faire la promotion des petites collectivités ou de celles qui sont plus isolées.

    Si nous voulons vraiment parvenir à une meilleure répartition régionale de l'immigration, le plus important sera de mettre sur pied des initiatives de développement communautaire et économique. On ne peut pas mettre la charrue avant les boeufs. Il faut s'assurer de la viabilité des collectivités, qui doivent offrir aux immigrants des établissements d'enseignement et des perspectives d'emploi si nous voulons qu'ils s'y installent et qu'ils y restent.

    Il nous suffit de nous inspirer de l'expérience de nos propres familles, de réfléchir aux raisons qui les ont attirées à un endroit, qui les ont convaincues d'y rester. Nous devons également chercher à savoir pourquoi d'autres familles sont allées ailleurs et n'y sont pas restées.

    En somme, et j'en reviens toujours à la politique démographique—nous devons nous engager dans des projets de planification et de développement de portée beaucoup plus globale et stratégique.

¸  +-(1440)  

[Français]

+-

    Le président suppléant (M. Lui Temelkovski): Monsieur Clavet.

+-

    M. Roger Clavet: Merci beaucoup, monsieur le président.

    J'aimerais poser une question à M. Garcea. Je m'excuse d'avoir manqué une partie de votre intervention à cause d'une urgence.

    Venant d'un milieu universitaire, je me posais une question quant à la distribution régionale des immigrants. On entend plusieurs personnes qui souhaitent que les immigrants n'aillent pas uniquement à Vancouver, à Toronto et à Montréal.

    Dans une province comme la Saskatchewan, où se trouve déjà une communauté fransaskoise, l'immigration francophone pourrait-elle être une avenue de solution pour freiner le déclin démographique non seulement de la population canadienne, mais de la population francophone comme telle? Pourrait-on mener une réflexion dans cette direction? Cela a déjà commencé au Manitoba. On sait aussi que la ministre responsable de l'Immigration de la Saskatchewan tient des rencontres exploratoires cette semaine. Pensez-vous que ce serait une avenue encourageante à examiner?

+-

    M. Joseph Garcea: J'ai bien compris la question, mais c'est plus facile pour moi d'y répondre en anglais.

[Traduction]

    Depuis 1975, j'étudie les mouvements d'immigration francophone. À l'Université de Victoria, mon travail de baccalauréat portait sur la composante francophone de l'immigration, qui a ensuite servi à la réforme de la Loi sur l'immigration de 1977, laquelle visait l'augmentation de l'immigration. La participation du Québec à l'augmentation du niveau d'immigration faisait partie de cette initiative. J'ai été fort intéressé de constater la résurgence, 30 années plus tard, d'un élément disparu de la politique en matière d'immigration à l'extérieur du Québec.

    Les défis sont nombreux, mais le plus crucial en matière d'immigration concerne les établissements d'enseignement. Les immigrants des pays de la francophonie voudront assurément que leurs enfants puissent étudier dans leur langue, surtout dans un pays bilingue comme le Canada. À mes yeux, c'est primordial.

    L'emploi est un autre facteur important. Des résidents de la Saskatchewan sont venus de France pour travailler pour de grandes sociétés minières, et ils ont fait venir d'autres membres de leur famille. J'oserais dire que si les perspectives d'emploi étaient meilleures, beaucoup d'autres gens seraient intéressés à venir chez nous outre ceux que les immigrants font venir eux-mêmes, de France ou d'ailleurs.

    Le plus important de tout est de ne pas tromper les gens. J'ai entendu des histoires d'horreur concernant des mensonges colportés à l'étranger sur le caractère soi-disant francophone de telle collectivité, ou sur la présence d'établissements d'enseignement postsecondaires importants ou prestigieux. Nos meilleurs atouts sont la vérité et l'honnêteté. Nous devons nous concentrer sur les améliorations à apporter à nos collectivités afin de les rendre plus accueillantes pour les immigrants francophones. Par exemple, il est fondamental d'organiser des activités éducatives et culturelles dans ces collectivités, et de réserver un accueil enthousiaste aux francophones.

[Français]

+-

    M. Roger Clavet: Merci.

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Siksay.

+-

    M. Bill Siksay: Merci, monsieur le président. Merci à vous, monsieur Garcea, de cet exposé. Je l'ai trouvé très édifiant.

    Sur la question de notre capacité d'absorption des immigrants, vous avez indiqué que personne ne la connaissait vraiment. Bien que nous ayons souvent entendu que l'objectif ultime du gouvernement était 1 p. 100 de la population, nous avons également entendu de la bouche de notre ancien président du Comité permanent de l'immigration que l'objectif devrait être de 500 000 immigrants par année. Des statistiques indiquent par ailleurs que d'ici 2011, ou à un moment donné au cours de la prochaine décennie, l'immigration sera le facteur exclusif de croissance de la main-d'oeuvre active et que, aux alentours de 2025, elle sera le seul facteur de croissance de la population en général. Ces chiffres vous apparaissent-ils fondés? En connaissez-vous l'origine et qu'en pensez-vous?

¸  +-(1445)  

+-

    M. Joseph Garcea: Je ne suis pas vraiment qualifié pour me prononcer sur ces prévisions. Tout ce que je souhaite est que les véritables spécialistes du domaine fassent des études poussées des hypothèses et des paradigmes qui alimentent notre réflexion au sujet de la taille souhaitée de la population et du contingent d'immigrants que nous pouvons accueillir chaque année. C'est pourquoi je suis d'avis qu'il faut avant tout nous demander quelle est notre population optimale, ou quels sont nos objectifs à cet égard.

    Deuxièmement, je crois que la capacité d'absorption est fonction d'un ensemble de facteurs. Tout dépend de l'objectif visé. Si notre priorité est le rendement économique, il faut s'interroger sur les mesures à prendre pour augmenter ce rendement dans une optique d'augmentation de la capacité d'absorption.

    Beaucoup d'aspects primordiaux doivent être envisagés de façon globale pour assurer l'efficacité de la planification. Nous devons en premier lieu adopter de bonnes politiques démographiques, des politiques appropriées en matière de développement économique, de portée nationale et régionale et, finalement, des politiques appropriées sur les niveaux et la nature de l'immigration. Ce sont les trois aspects... Il se peut que des équipes s'intéressent à ces trois aspects en même temps, mais je dois formuler un commentaire d'ordre général à cet égard : malgré tous les moyens de communication modernes, il arrive que les gouvernements et leurs fonctionnaires soient tellement occupés à échanger les uns avec les autres qu'ils omettent d'informer ceux qui restent sur certains aspects primordiaux. Nous restons donc ignorants de l'objet de leurs réflexions et des considérations qui les ont menés à telle ou telle décision. Le gouvernement doit ouvrir un débat national sur ces enjeux.

+-

    M. Bill Siksay: Selon vous, il faut à tout prix éviter que les attentes des immigrants soient déçues quand ils arrivent au Canada. Il semble que, pour l'instant, tous les efforts soient tournés vers les immigrants qualifiés, qui s'attendent à travailler dans leur domaine de formation ou à exercer leur profession.

    Faut-il délaisser cette tendance? À mon avis, cela fait partie intégrante de l'intérêt de notre régime d'immigration pour les « meilleurs et les plus brillants ». Nous donnons des points pour telle ou telle compétence, et nous créons chez les immigrants des attentes sur le plan professionnel que nous ne remplissons pas quand ils arrivent au Canada.

    Notre régime actuel est-il en déroute? Faudrait-il revenir à un régime fondé sur la disponibilité des emplois, qui sont offerts à des immigrants qualifiés quand on ne trouve personne au pays pour les occuper? Ou devrions-nous au contraire adopter un régime fortement axé sur la réunion des familles et non sur les travailleurs qualifiés?

+-

    M. Joseph Garcea: Ce sont toutes des questions à 64 000$. Et toutes ces questions tournent autour d'un même axe, auquel a fait référence tout à l'heure le directeur général dans son témoignage : un changement s'est produit. J'en parle dans mon mémoire. J'essaie de me souvenir des mots exacts qu'il a employés. Il a parlé du fait que le ministère délaissait peu à peu l'approche conventionnelle axée sur la compétence professionnelle au profit d'une approche plutôt axée sur le capital humain.

    À mon avis, une question reste irrésolue : quand on a abandonné l'approche axée sur des métiers bien précis... Souvenez-vous du système de points selon les professions. Dans les faits, le système actuel continue d'avantager les immigrants qui possèdent certaines compétences et certains antécédents scolaires. À mon avis, le Canada devrait opter pour une approche—que je pourrais baptiser d'approche chinoise de l'immigration et du développement—pour une approche millénaire, ou du moins centenaire. Il doit voir plus loin que le bout de son nez, cesser de chercher des solutions rapides qui tiennent compte uniquement des besoins immédiats et de demain.

    Quand nous accueillons un immigrant chez nous avec ses 5 enfants en bas âge, tous plus intelligents, capables et bien éduqués les uns que les autres, et qui fréquenteront nos écoles pour devenir dans 10 ou 20 ans d'ici des citoyens formés et capables de satisfaire aux besoins de leur temps, soyez certains que nous ne nous trompons pas. Nous devons améliorer notre planification à long terme, chercher à élargir notre perspective afin d'englober la situation dans son ensemble. L'accumulation de solutions ponctuelles au jour le jour est une voie sans issue.

¸  +-(1450)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Anderson.

+-

    L'hon. David Anderson: Je vous remercie de nous avoir livré un exposé fort complet.

    Pour poursuivre sur la même lancée que mes collègues et dans la foulée de votre suggestion d'établir des objectifs et des buts à long terme, j'aimerais vous donner quelques observations rapides.

    Il m'apparaît que pour un pays comme le nôtre, si dépendant du commerce extérieur et tellement incommodé par le protectionnisme commercial de son principal partenaire, il soit extrêmement difficile de prévoir précisément ce que sera son avenir commercial. De même, des tentatives ont été faites pour doter le pays d'une stratégie de développement démographique et économique à long terme, notamment dans les Maritimes, mais malgré les deniers publics engloutis, le succès a été plus que mitigé. Je soumets cette remarque à votre réflexion : je vois très mal comment un pays comme le nôtre, si diversifié, pourrait se doter d'une telle politique démographique. Je conçois bien que des pays comme la Finlande ou la Suède—de petits pays, beaucoup plus unifiés sur les plans géographique, ethnique, culturel et linguistique—puissent avoir de telles politiques, mais je vois mal qu'un pays comme le Canada puisse jamais y arriver.

    J'aimerais que vous nous expliquiez un peu mieux comment vous vous y prendriez pour élaborer la politique démographique que vous suggérez. Je ne vois vraiment pas comment nous pourrions y arriver. Bien que j'aie été élu à la Chambre bien avant quiconque y siège actuellement, je ne peux vraiment pas dire si le Canada comptera un jour 100 millions d'habitants ou si nous nous arrêterons à 38 ou 40 millions. Je ne le sais pas, et je ne vois vraiment pas comment nous pourrions prédire que nous serons un jour 38 millions ou 100 millions de Canadiens—peut-être bien 120 millions, pourquoi pas? Quand je pense au Lower Mainland, en Colombie-Britannique, je me dis qu'il y a beaucoup trop de monde si je compare avec l'époque où je fréquentais l'université. Mais est-ce que ma vision doit être prise en compte dans l'élaboration d'une politique démographique?

    J'aimerais que vous nous expliquiez un peu comment vous vous y prendriez pour élaborer une telle politique pour un pays aussi diversifié que le Canada, qui subit l'influence de tellement de facteurs externes sur les plans de l'immigration et du commerce, notamment.

+-

    M. Joseph Garcea: Merci de me poser cette question. Comme vous l'avez si bien dit, il est très difficile d'y répondre, mais j'ai quand même des pistes à vous proposer.

    À mon point de vue, le gouvernement doit prendre la question suivante très au sérieux et demander à des spécialistes d'en discuter et d'en faire une étude très attentive : pouvons-nous envisager une telle planification ou est-ce impossible? Il faudra bien que le gouvernement en vienne à répondre à cette question un jour.

    Pour ce qui est des éléments fondamentaux d'une politique démographique, monsieur Anderson, et des arguments que vous avancez, j'en parle justement dans mon mémoire. J'y affirme que beaucoup de gens, y compris des fonctionnaires, ne savent pas si une telle politique existe et de quoi il en retourne au juste. Ce qui existe au Canada, c'est une intention marginale et prudente, qui est loin d'être ambitieuse, de rajuster les niveaux de population. Cependant, une politique démographique digne de ce nom vise deux axes essentiels : la taille et la répartition.

    Il faut également tenir compte de la répartition démographique de la population. Vous avez suggéré que cet aspect posait un problème encore plus aigu pour nous compte tenu de la diversité de notre population, de son caractère multiculturel, si vous voulez. Cependant, malgré leur complexité, il faudra un jour approfondir ces questions, beaucoup plus que ce qui a jamais été tenté. Autrement, notre planification sera toujours parcellaire parce qu'il manquera cet aspect crucial.

    J'oserai dire que, même s'il peut sembler risqué de proposer une politique démographique ambitieuse, il est tout aussi risqué d'en avoir une trop peu ambitieuse, d'une portée limitée.

¸  +-(1455)  

+-

    L'hon. David Anderson: Merci de cette réponse.

    Au cours de ma longue expérience en politique, j'ai souvent assisté à des discussions concernant le point de départ de cette réflexion. Je lirai votre mémoire très attentivement, et d'autres documents également. J'abonde dans votre sens : les sous-facteurs sont nombreux, mais même les aspects de la taille et de la répartition, très intimement liés, m'apparaissent extrêmement difficiles à analyser. Je vais donc lire votre mémoire avec beaucoup d'attention. Je vous assure que toute proposition nouvelle sera la bienvenue.

    Je ne préconise pas la croissance nulle de la population, mais ceux qui défendent cette position sont les seuls que je connaisse qui nous fournissent des données publiques sur la taille de la population et qui nous suggèrent que le vrai problème réside dans les politiques, erronées à la base. Ce sont eux qui font le gros de la réflexion publique sur cette question si j'en juge parce que j'ai lu jusqu'ici.

    Par ailleurs, je suis tout à fait d'accord pour donner une assise éthique à la reconnaissance des titres de compétences étrangers. Cela m'apparaît primordial. Je souscris tout à fait à vos deux propositions. Je crois comme vous que nous avons le devoir de compenser les titres de compétences que nous enlevons aux autres pays, qui la plupart ont grandement besoin de nos contributions. Par ailleurs, il est vrai que des Canadiens sont privés de formation parce que nous préférons nous fier à de la main-d'oeuvre formée à l'étranger.

    Croyez-vous que nous pourrions aborder cette question dans une perspective internationale ou qu'il faille plutôt nous en remettre à des ententes bilatérales?

+-

    M. Joseph Garcea: Dans mon mémoire, je soutiens qu'il faudrait adopter la voie bilatérale, mais également multilatérale. Selon moi, les structures de base sont en place—nous avons des programmes d'aide, nous avons des programmes offrant des possibilités d'éducation au Canada, nous participons à des opérations de maintien de la paix, notamment. Les cadres et l'infrastructure qui nous permettront de compenser les bénéfices que nous recevons de ces pays sont en place. Il nous reste tout simplement à agir de façon un peu plus consciente, à faire attention de ne pas nous empiffrer à même le banquet des compétences sans payer notre juste part des coûts.

+-

    L'hon. David Anderson: Merci.

+-

    Le président: Merci énormément, monsieur.

    J'ai une seule petite question à vous poser, un peu en dehors du sujet. Elle est fort simple : on dénombre 6 millions de Canadiens qui ne sont pas nés ici. J'en suis un, et je ne suis pas le seul au comité. Nous sommes en fait deux réfugiés : moi-même et Rahim.

    Si nous entreprenons la révision du cadre législatif en matière de citoyenneté, faut-il y prescrire la protection de la Charte des droits et libertés—au titre des garanties juridiques?

+-

    M. Joseph Garcea: Dans quel sens? Je ne comprends pas.

+-

    Le président: Actuellement, si quelqu'un comme Clifford Olson est accusé d'avoir commis un crime odieux, son droit à un procès impartial est garanti par l'article 7 de la Charte, qui fait partie des garanties juridiques. Ma question est fort simple : si quelqu'un contestait ma citoyenneté ou celle de l'un des 6 millions de Canadiens qui ne sont pas nés au Canada, devrions-nous être protégés par l'article 7 de la Charte?

¹  +-(1500)  

+-

    M. Joseph Garcea: Sans aucune doute, monsieur Telegdi.

    Quand vous lirez mon mémoire, vous constaterez que j'y déclare qu'il est impératif d'agir ainsi. Le problème de fond, selon moi, vient de ce que nos appareils et processus judiciaires et quasi judiciaires créent des délais et des arriérés. Les gouvernements ainsi que les fonctionnaires doivent trouver des moyens de contourner ou d'expédier certains processus constitutionnels et légaux. Il faut éliminer ces obstacles, nous attaquer aux problèmes causés par nos appareils judiciaire et quasi judiciaire et faire en sorte de protéger les droits constitutionnels de tous.

+-

    Le président: Je vous remercie au nom de mes collègues du comité. Nous serons ravis de vous rencontrer de nouveau, ce dont je suis certain. Merci beaucoup.

+-

    M. Joseph Garcea: Merci beaucoup.

¹  +-(1501)  


¹  +-(1509)  

+-

    Le président: Monsieur le maire, vous êtes notre dernier témoin ici, à Regina, ce qui m'apparaît tout à fait à propos.

    J'ai déjà mentionné que nous avons reçu Pat Atkinson ce matin. Elle nous a laissé matière à réfléchir hors des sentiers battus. Au cours de notre court entretien, vous avez souligné notamment que l'un des principaux moteurs de la prospérité et du développement économique était l'immigration. C'est pourquoi, j'imagine, vous êtes accompagné de votre responsable du développement économique

    Bienvenue à vous deux. Nous allons tout d'abord entendre vos remarques préliminaires, puis nous passerons à la période de questions. Comme vous êtes nos derniers témoins aujourd'hui, nous ne sommes pas pressés par le temps. De toute évidence...

¹  +-(1510)  

+-

    M. Pat Fiacco (maire, Ville de Régina): Merci énormément de me donner l'occasion de comparaître devant le comité. Je vous souhaite la bienvenue dans la capitale de la Saskatchewan.

    Au cours des 20 dernières années, la population de Regina est restée très stable, le taux de la migration de sortie étant à peine compensé par le taux naturel de croissance dans la région. Malheureusement, l'apport de l'immigration a été négligeable.

    Étant donné que le taux naturel de croissance a chuté sensiblement depuis le début des années 80, le potentiel de croissance de notre région sera largement fonction de la migration à l'avenir, en provenance des autres provinces ou de l'étranger. Au cours des cinq à quinze prochaines années, nous nous attendons à une crise dans le marché du travail de Regina, comme à bien d'autres endroits, qui aura deux origines : le nombre croissant des départs à la retraite des baby-boomers et la migration de sortie des jeunes de 15 à 24 ans qui ont fait des études postsecondaires.

    Si rien n'est fait, la ville verra sa capacité à maintenir une main-d'oeuvre hautement qualifiée et stable gravement amputée, ce qui aura des répercussions sur la qualité de vie des résidents. Dans notre collectivité, les employeurs nous parlent constamment de leurs difficultés à trouver des gens de métier qualifiés et de leur incapacité à faire une planification judicieuse de la relève à cause de l'absence de nouveaux investissements et de la pénurie de gens de métier et de professionnels qualifiés.

    Je précise que nous ne sommes pas des spécialistes de l'immigration ni des enjeux liés. J'aimerais souligner par ailleurs que, bien que nous soyons au fait des difficultés liées à l'immigration dans la catégorie du regroupement familial ou des réfugiés, la plupart de nos remarques auront trait à l'immigration de la composante économique.

    Nous sommes certains d'une chose : les collectivités comme la nôtre devront disposer de moyens pour combler les besoins de main-d'oeuvre projetés dans les années à venir. Des taux de chômage qui grimpent rarement au-dessus de 5 p. 100 et les départs à la retraite imminents des baby-boomers nous laissent peu de choix de considérer l'immigration comme une partie importante de la solution.

    Nous pouvons également témoigner du mécontentement des entrepreneurs quand ils apprennent combien de temps ils devront attendre avant d'accueillir des immigrants dans leurs effectifs. Les employeurs ne peuvent se payer le luxe d'attendre huit mois ou plus—le délai d'attente type—qu'un immigrant puisse entrer en fonction. Par conséquent, ils recourent rarement à l'immigration pour combler leurs besoins sans cesse croissants de main-d'oeuvre. Tout va vite aujourd'hui dans le domaine des affaires, et les entrepreneurs ne peuvent pas attendre si longtemps pour engager de la main-d'oeuvre.

    Regina, depuis toujours, compte parmi les villes les moins attrayantes aux yeux des immigrants. En 2001, les nouveaux immigrants—ceux qui ont immigré avant 1991—comptaient pour un peu moins de 2 p. 100 de sa population, contre 17 p. 100 à Toronto et à Vancouver, 7 p. 100 à Calgary et 4 p. 100 à Winnipeg. Compte tenu de l'objectif canadien de 1 p. 100 de la population par année, il est clair que le rendement de notre région est moins que satisfaisant.

    Les taux de rétention des nouveaux immigrants laissent également à désirer dans la région de Regina. Cette difficulté peut être attribuable à des facteurs locaux comme l'absence perçue de possibilités économiques ou la piètre infrastructure de soutien communautaire.

    Sur une note plus positive, je souligne que les nouveaux immigrants âgés entre 24 et 54 ans sont généralement plus scolarisés que les personnes nées au Canada. Cependant, beaucoup des nouveaux immigrants titulaires d'un diplôme universitaire occupent des emplois qui exigent un diplôme d'études secondaires ou moins. Nous pensons que cette situation peut être le résultat des critères plutôt complexes de reconnaissance des titres de compétences étrangers, ainsi que de la réticence des employeurs à s'engager dans les processus à niveaux multiples et laborieux associés à l'embauche de travailleurs étrangers.

    La situation est similaire en ce qui concerne l'immigration des gens d'affaires. La Saskatchewan éprouve d'immenses difficultés à attirer des entrepreneurs étrangers—il n'y en a eu aucun entre janvier et juin 2004—, non seulement par manque de mesures d'encouragement, mais surtout à cause des exigences complexes et de la nature éminemment restrictive du processus de demande.

    Jusqu'ici, nous nous sommes concentrés sur un problème en particulier, soit l'immigration insuffisante dans notre région. Selon nous, une partie de la solution réside dans l'amélioration et la simplification des politiques en matière d'immigration, ainsi que dans l'examen des niveaux de responsabilité respectifs et des partenariats possibles entre les trois paliers de gouvernement.

    Nous souhaiterions que la collaboration soit plus étroite entre le gouvernement et les entreprises dans le domaine de l'immigration. Le gouvernement fédéral devra conserver une partie de ses responsabilités en matière d'immigration, mais il doit viser une plus grande autonomie des provinces et des villes afin qu'elles puissent parer à leurs besoins particuliers. Tout ce qui concerne la sécurité est de compétence nationale et relève du gouvernement fédéral, cela ne fait aucun doute, mais les provinces et les villes doivent jouir d'une plus grande marge de manoeuvre pour trouver des solutions adéquates à leurs besoins.

¹  +-(1515)  

    Par exemple, si on donnait plus de place aux programmes des candidats des provinces, en prenant soin d'éliminer les chevauchements dans les processus provinciaux et fédéraux, non seulement pourrait-on éliminer les listes d'attente du système d'immigration fédéral, mais encore les provinces auraient-elles plus de souplesse pour faire leur propre promotion auprès des immigrants potentiels. Elles pourraient les convaincre de s'installer ailleurs que dans les villes comme Toronto, Montréal ou Vancouver, qui attirent actuellement les trois quarts des nouveaux arrivants. Parallèlement, les gouvernements municipaux assumeraient une plus large part du travail lié à l'attraction et à la rétention, en suivant des stratégies de croissance qui leur sont propres.

    Comme la plupart d'entre vous le savent, après la nouvelle entente entre le gouvernement fédéral et les municipalités, les villes et les collectivités, nous souhaitons maintenant aller de l'avant dans bien d'autres domaines, dont l'immigration fait partie. Je crois que le maire de Toronto, M. Miller, préside le dossier de l'immigration au nom du Caucus des maires des grandes villes.

    J'ai parlé tout à l'heure du mécontentement des gens d'affaires quand ils réalisent qu'ils doivent patienter longtemps avant de pouvoir embaucher un immigrant. Même le processus des programmes des candidats des provinces est d'une longueur inouïe. Dans le système actuel, la première étape correspond à l'annonce d'une possibilité d'emploi dans une entreprise, mais nous somme d'avis qu'il serait beaucoup plus fructueux de faire une préqualification et de faire un traitement accéléré des demandes.

    Selon ce un concept, les immigrants potentiels qui possèdent les compétences exigées seront réputés préqualifiés et prêts à occuper un emploi correspondant à leurs titres de compétences. Notamment, nous vivons actuellement une pénurie de soudeurs. Si les soudeurs étrangers pouvaient se préqualifier, le délai entre l'affichage d'un poste et le début de l'emploi serait considérablement réduit.

    Le Canada étant une destination choyée pour de nombreux immigrants potentiels, nous croyons qu'il serait facile de les convaincre de subir un processus de préqualification. Si les municipalités, en collaboration avec leur province, pouvaient établir les profils de compétences recherchés et les critères à remplir, on pourrait procéder à la préqualification de cohortes de candidats et réduire considérablement les délais que doivent endurer les immigrants, qui n'auraient plus qu'à subir les examens médicaux et les vérifications de sécurité exigés par le fédéral.

    Une fois la préqualification effectuée, dès qu'une possibilité d'emploi ou d'affaires s'ouvre dans une province, les candidats préqualifiés pourraient déposer une demande et les entreprises pourraient procéder à l'embauche. Il resterait aux candidats à démontrer qu'ils satisfont aux exigences fédérales en matière d'immigration, qui concernent en général les aspects médicaux et de la sécurité. Ces composantes du processus d'immigration sont les moins longues, de simples formalités le plus souvent. Un tel système devrait réduire considérablement les délais d'attente qui sont le lot actuellement des travailleurs qualifiés et des gens d'affaires qui veulent immigrer.

    En résumé, bien que nous ne soyons pas des spécialistes en matière d'immigration, nous vous avons fait part des inquiétudes d'une collectivité concernant sa capacité à combler ses besoins estimés de main-d'oeuvre. Nous sommes convaincus que l'immigration devra jouer un rôle beaucoup plus important à l'avenir qu'elle ne l'a fait les 20 ou 30 dernières années.

    Notre province est le fruit de l'immigration. Nous savons qu'un programme d'immigration bien conçu entraîne avec lui l'ambition, l'innovation, les ressources et la diversification culturelle, des atouts inestimables pour une région. Nous attendons avec impatience une invitation à contribuer à un programme visant à accélérer le processus actuel et à faire de l'immigration une avenue viable pour les entreprises de notre région.

    Merci d'avoir pris le temps de m'entendre. Nous répondrons très volontiers à vos questions.

+-

    Le président: Merci beaucoup. Plus je siège à ce comité, moins je suis convaincu que quiconque puisse s'autoproclamer un spécialiste. Tout ce que je sais, c'est que nous devons faire mieux.

    Madame Grewal.

+-

    Mme Nina Grewal: Merci, monsieur le président.

    Merci pour cette présentation et merci de nous consacrer du temps.

    Vous l'avez dit vous-même, 17 p. 100 des immigrants choisissent Vancouver ou Toronto, 7 p. 100 optent pour Calgary, 4 p. 100 pour Winnipeg et 2 p. 100 pour Regina.

    Que faut-il faire pour attirer les immigrants vers la Saskatchewan?

¹  +-(1520)  

+-

    M. Pat Fiacco: Je vais vous donner mon point de vue à titre de maire de la ville, et je demanderai à Larry Hiles de se prononcer sur la question au nom de la Regina Regional Economic Development Authority.

    Les commentaires que nous entendons mettent en cause, de toute évidence, la longueur et la complexité du processus lui-même. Quand des immigrants choisissent Regina, notre travail consiste à les convaincre de rester, et c'est là que le bât blesse. À mon avis, une politique devrait prescrire le temps qu'un nouvel arrivant doit rester dans une ville. Plus cette durée prescrite sera longue, plus il sera difficile pour ces immigrants de décider de déménager à Vancouver, à Montréal ou à Toronto.

    Nous devons également mettre la collectivité locale de la partie afin d'améliorer l'infrastructure. Par exemple, si nous réussissons à intéresser des immigrants venant de l'Allemagne, la collectivité germanique locale peut accueillir ce groupe en particulier. Je sais qu'il existe des îlots d'intégration réussie dans la région de Regina, mais c'est loin d'être la norme. Incidemment et par pure coïncidence, je rencontrerai jeudi quatre représentants de la collectivité germanique de la Saskatchewan pour discuter avec eux de l'établissement d'une telle infrastructure d'accueil des immigrants en provenance d'Allemagne. J'attache beaucoup d'importance à ces initiatives.

    Quoi qu'il en soit, je crois qu'il est primordial de définir des règles très précises afin que les immigrants puissent établir leurs racines ici. Ainsi, ils seront moins tentés de partir sur un coup de tête.

    Je vais maintenant céder la parole à M. Hiles, qui vous parlera de l'angle du développement économique.

+-

    M. Larry Hiles (directeur génréal, Regina Regional Economic Development Authority, Ville de Régina): Merci.

    Il me semble que beaucoup de ceux avec qui nous discutons d'immigration y ont peu réfléchi, ce qui était aussi notre cas jusqu'à tout récemment. Je soupçonne que nombreux sont ceux qui remettent au gouvernement l'entière responsabilité de la question de l'immigration, mais ce n'est pas mon point de vue.

    Chacun a ses propres responsabilités dans le dossier de l'immigration. Il appartient au gouvernement d'établir les politiques et les règlements en matière d'immigration, mais les entreprises doivent assumer le très lourd fardeau de se préparer et de préparer le marché de l'emploi pour accueillir les immigrants Les collectivités doivent elles aussi se préparer à la venue des immigrants. Tous ces gestes feront en sorte que les immigrants se sentiront les bienvenus au Canada et dans les diverses municipalités, ils amélioreront les taux de rétention de ceux qui décident de s'installer chez nous. Les collectivités doivent les accepter comme ils sont et comprendre leurs besoins à leur arrivée.

    Toutes les parties en cause doivent assumer leur part de responsabilité afin de favoriser la réussite du processus d'immigration. Il est extrêmement important, et de plus en plus, pour des collectivités comme Regina de favoriser le succès du processus d'immigration, pour combler les pénuries de main-d'oeuvre qui nous pendent au bout du nez.

    Nous considérons que la participation accrue des populations autochtones au marché du travail est une partie de la solution, mais nous ne pouvons ignorer le potentiel offert par l'immigration.

    Nous sommes tout à fait prêts à faire ce qu'il faudra pour assurer le succès du processus de l'immigration, et nous reconnaissons la grande part de responsabilité qui nous incombe à cet égard.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Clavet.

[Français]

+-

    M. Roger Clavet: Merci beaucoup.

    Je voudrais remercier le maire de Regina pour sa présentation. C'est une ville que je connais pour y être venu l'année dernière et que j'ai beaucoup appréciée.

[Traduction]

    Je vous ai fait des compliments, tout simplement.

+-

    M. Pat Fiacco: Dans ce cas, j'aimerais bien que vous les répétiez.

[Français]

+-

    M. Roger Clavet: Je vais vous poser quelques questions à propos de la population jeune. Vous avez mentionné un taux d'exode assez important chez les jeunes de 15 à 20 ans, ce qui est très préoccupant. Ce n'est pas uniquement le cas à Regina, mais dans plusieurs villes. Je ne connais pas l'ampleur du phénomène ici, mais cela doit être quand même assez important.

    Je voulais savoir si vous aviez envisagé une initiative telle que des programmes d'échanges pour les étudiants. Cela pourrait être une stratégie pour attirer des immigrants par l'entremise de la jeunesse qui voyage et qui revient. Cela serait peut-être une avenue.

    On pourrait aussi considérer le jumelage de villes, ce qu'on appelle twinning. Serait-ce une piste de solution éventuelle pour l'immigration à Regina?

¹  +-(1525)  

[Traduction]

+-

    M. Pat Fiacco: C'est une avenue que nous explorons, sans aucun doute. Par l'entremise de l'Université de Regina, tout d'abord, notre ville est jumelée avec une ville chinoise, Jinan, dont la population est de l'ordre de 6,6 millions de personnes. Nous y sommes allés il y a quelques semaines, avec des représentants de l'Université. Nous avons visité deux universités là-bas, dont l'Université Shandong, avec laquelle notre université est jumelée. Chaque année, nous recevons plus de 500 étudiants de la Chine, et d'autres d'ailleurs. Il y a assurément des possibilités à exploiter de ce côté. Il faut aller encore plus loin, et je sais qu'on s'y emploie actuellement.

    Pour ce qui est de l'exode des jeunes de 15 à 24 ans, vous avez raison, le problème semble toucher le pays tout entier. Si vous posiez la question au maire Campbell, de Vancouver, il vous répondrait lui aussi que les jeunes quittent sa ville, probablement pour Seattle ou Washington. Et si vous parliez au maire Tremblay ou au maire Miller, ils vous diront qu'ils les perdent au profit de New York, ou d'une autre ville du sud.

    Je suis donc de votre avis. Le plus important pour nous est de les faire revenir, dans un premier temps, en leur offrant de bonnes raisons pour ce faire, ou de nous tourner vers l'immigration. Aucun doute que nous avons beaucoup à offrir aux jeunes, que ce soit par la voie des échanges d'étudiants—cependant, c'est l'après qui compte. Nous devons avoir des emplois à leur offrir, en sachant très précisément quels sont ces emplois. Autrement dit, il faut prévoir les compétences requises, et c'est pourquoi la préqualification m'apparaît si cruciale. Une fois que nous avons établi quels domaines seront en pénurie, il devient essentiel de bien cibler les profils d'étudiants étrangers recherchés, de faire des échanges et de nous occuper de l'immigration en général.

[Français]

+-

    M. Roger Clavet: Est-ce que vous pourriez m'expliquer pourquoi il y a plus d'immigrants à Winnipeg? Au cours des dernières années, Winnipeg a réussi à attirer un peu plus d'immigrants que Regina. Pouvez-vous utiliser la même formule, ou la situation est-elle trop différente?

[Traduction]

+-

    M. Pat Fiacco: Non. Je crois que Winnipeg a été très astucieuse. La ville a vraiment tiré profit d'une occasion offerte par le gouvernement fédéral, qui visait plus particulièrement la collectivité philippine, et elle a forgé une stratégie axée sur le secteur de l'habillement. Cette stratégie a donné un sérieux coup de pouce à la croissance. Nous pourrions nous inspirer de Winnipeg dans ce domaine. Elle a une longueur d'avance sur nous. Winnipeg a su nouer un partenariat unique et conclure une entente avec la province et les gouvernements fédéraux. Quelqu'un a parlé de sortir des sentiers battus. C'est essentiel. Nous sommes tellement conventionnels dans nos façons de faire! Il faut aller plus loin.

    Larry, aurais-tu autre chose à ajouter?

+-

    M. Larry Hiles: Non, pas vraiment. Je pense que Winnipeg a plusieurs années d'avance sur nous dans ce processus. C'est l'avenue que nous voulons emprunter, c'est-à-dire que nous voulons vraiment nous mettre à la recherche des régions du globe où nous souhaitons stimuler l'immigration et travailler avec la collectivité culturelle d'ici pour déterminer dans quelle mesure nous sommes prêts à accueillir des immigrants de différentes régions du monde. Il faut cerner les régions à cibler en priorité.

    Winnipeg en a trouvé une qui lui convient très bien, qui est tout à fait compatible avec la région à cause de ses caractéristiques culturelles et de l'industrie qu'elle a choisi de développer. Nous souhaitons faire de même, avec le même succès espérons-nous.

[Français]

+-

    M. Roger Clavet: Merci.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Siksay.

+-

    M. Bill Siksay: Merci, monsieur le président.

    Je vous remercie, monsieur le maire, d'être venu avec M. Hiles.

    J'ai quelques questions à vous poser. Vous avez parlé de prescrire la période durant laquelle un immigrant devrait rester, disons, à Regina si c'était son premier port d'attache. Avez-vous des recommandations plus précises à cet égard? Il m'apparaît assez audacieux pour une société comme la nôtre d'imposer à quelqu'un de rester dans une ville donnée, et de renoncer ainsi à son droit de circuler librement. Pourriez-vous nous exposer vos idées de façon plus détaillée?

+-

    M. Pat Fiacco: Ces exigences existent déjà. Je crois que si les trois paliers de gouvernement travaillent de concert et que si nous demandons l'avis des immigrants déjà installés... Nous devons leur demander ce qu'ils en pensent.

    Ce ne serait pas un problème si nous mettons en place les mécanismes de soutien nécessaires. Pour nombre d'immigrants, pour les nouveaux venus notamment, le défi est de s'intégrer à la collectivité. Avec qui peuvent-ils socialiser s'il n'y a pas d'autres immigrants issus de leur pays? Que font-ils? C'est pourquoi il faut que la collectivité d'accueil instaure des mécanismes d'intégration.

    C'est là où se trouve la responsabilité de la municipalité. Nous devons faire en sorte que tous nos citoyens aient une chance. Il est évident à mes yeux que la responsabilité nous revient de nous occuper de notre collectivité multiculturelle. L'assise est déjà en place, c'est indéniable. Il reste à mobiliser les personnes concernées. Je suis convaincu que l'assise existe. Il s'agit de l'intégrer au cadre réglementaire en vigueur, d'en faire une extension.

    Les règles doivent être justes et équitables partout au pays. Très sincèrement, quand je parle d'immigration, j'en parle comme d'une possibilité à exploiter. Quand j'écoute d'autres maires dont la ville reçoit beaucoup d'immigrants, ils en parlent comme étant un problème. Mais de mon point de vue, c'est nous qui avons un problème. Ce sont deux points de vue opposés. Dans l'Ouest, certains d'entre nous y voient une immense possibilité. Là où les immigrants se concentrent, ils y voient un problème. Nous pouvons le régler. S'il y a une demande, il y a également une offre. J'ai horreur d'assimiler les immigrants à un bien, parce qu'ils n'en sont pas, mais nous avons bel et bien une demande.

    Nous devons unir nos efforts pour élaborer une politique conforme aux besoins du gouvernement fédéral, des gouvernements provinciaux et des municipalités. Il me semble que les gouvernements municipaux pourraient faire beaucoup plus.

¹  +-(1530)  

+-

    M. Bill Siksay: Vous avez parlé de la préqualification des immigrants, en donnant l'exemple du besoin local de soudeurs. Pouvez-vous m'expliquer comment vous avez déterminé qu'il y aurait un manque de soudeurs à l'échelon local? Ne peut-on en trouver ailleurs au Canada? Ou est-ce que les employeurs se plaignent-ils qu'ils ne peuvent s'offrir les soudeurs qui sont disponibles au Canada?

    Nous avons vu beaucoup de ces endroits au pays où des Canadiens sont disponibles pour faire le travail mais où les employeurs ne sont pas disposés à les payer au tarif syndical. Ils sont donc à la recherche de travailleurs temporaires d'autres pays, prêts à travailler à plus faible salaire. Est-ce que c'est ce qui se passe ici, ou est-il vraiment certain qu'il n'y a pas de soudeurs disponibles ailleurs au Canada pour faire le travail?

+-

    M. Pat Fiacco: Larry va élaborer sur l'exemple des soudeurs, et je vous donnerai un autre exemple par après.

+-

    M. Larry Hiles: L'exemple de la soudure vaut pour l'ensemble de la Saskatchewan, pas seulement pour Regina. Dans bien des cas, la pénurie est attribuable à l'exode des 18-24 ans. Je travaillais auparavant pour un fabricant de semi-remorques, et ce problème était récurrent. Nous nous démenions pour former des soudeurs et, aussitôt la formation terminée, ils nous quittaient pour Calgary. Nous étions en situation de formation permanente : nous formions des travailleurs et nous les remplacions.

    Y a-t-il des soudeurs au Canada? Oui, on trouve des soudeurs au Canada. Sont-ils intéressés à revenir en Saskatchewan? C'est le défi que nous avons, de les ramener ou même de les convaincre de rester en Saskatchewan. Les salaires sont-ils moins élevés? Oui, ils sont plus bas dans certains cas, mais ce sont les salaires du marché dans bien des régions. Le coût de la vie est très bas dans beaucoup de régions de la Saskatchewan par rapport aux régions où ces gens partent s'installer. Il ne faut pas comparer des pommes avec des oranges.

    Beaucoup de nos employeurs doivent se battre contre ce problème, et les soudeurs ne sont qu'un exemple parmi d'autres.

    Vous avez également demandé comment nous établissions qu'un domaine de compétences était en demande. Bonne question. Il faudra trouver des moyens d'établir précisément les besoins, et nous entendons demander la collaboration des employeurs locaux à ce chapitre. Nous allons collaborer avec eux pour établir les domaines de compétences qui leur posent des problèmes récurrents d'embauche. Nous entendons souvent qu'il manque de main-d'oeuvre qualifiée dans tel ou tel domaine, mais il faut quantifier les pénuries. Sans données précises, nous pouvons difficilement démontrer la nécessité d'élaborer des programmes visant les soudeurs, les machinistes ou les dentistes. Nous devrons collaborer avec nos employeurs pour prendre des décisions éclairées.

+-

    M. Pat Fiacco: Des entreprises locales ont déjà amorcé ce travail. Une entreprise de camionnage a récemment engagé 60 travailleurs de l'Angleterre, dont 10 viennent tout juste de s'installer avec leur famille à Regina. Il s'agit de camionneurs et de mécaniciens de matériel lourd. L'entreprise ne trouvait tout simplement pas la main-d'oeuvre ici au Canada. Le propriétaire a trouvé cette occasion et il a également trouvé où dénicher des gens compétents.

    C'est là que la municipalité entre en jeu, en prenant les moyens pour que ces dix familles s'installent pour de bon à Regina. Je pourrais vous citer d'autres exemples.

¹  +-(1535)  

+-

    M. Bill Siksay: Je trouve tout à fait intéressant que les deux exemples que vous nous apportez concernent des immigrants allemands d'une part et des britanniques d'autre part. Ces deux groupes viennent de l'Europe occidentale. Je ne crois pas qu'ils soient très représentatifs des immigrants que le Canada accueille actuellement. Là d'où je viens, les immigrants viennent surtout de l'Asie. Est-ce particulier à Regina? Est-ce que l'immigration provient plus de l'Europe de l'Ouest que, disons, de l'Asie?

+-

    M. Pat Fiacco: Non. Les immigrants au Canada sont originaires d'Asie en majorité, et c'est encore plus marqué dans l'Ouest.

    Cependant, les exemples que je vous ai donnés sont intéressants en ce qu'il témoigne d'un nouveau phénomène : toute une génération d'immigrants arrivés au Canada dans les années 40, 50 et 60 voient un potentiel en Europe. Les choses ont bien tourné pour eux, et ils se demandent pourquoi le flot a été interrompu. Ils viennent nous voir pour nous dire que, quand ils ont immigré au Canada dans les années 40, 50 ou 60, c'était à cause des possibilités offertes. Or, il y a plus de possibilités maintenant que dans ces années, pour ce qu'ils en savent. Ils veulent faire leur part, retourner dans leurs pays pour ramener des gens de leurs familles. Cet exemple m'est venu à l'esprit parce que cette communauté est la plus dynamique sur le terrain actuellement.

+-

    M. Bill Siksay: Je crois que Larry voudrait ajouter quelque chose.

+-

    M. Larry Hiles: Beaucoup de ces gens—les professionnels de l'immigration ne sont pas légion en Saskatchewan—ont des contacts en Europe, en Angleterre notamment. Ils tendent à orienter les entreprises vers les endroits où ils ont des contacts. Je crois que c'est ce qui, dans une certaine mesure, explique le phénomène que vous avez relevé.

    Dans le secteur agricole, beaucoup d'Européens nous ont manifesté leur intérêt à déménager au Canada pour y devenir agriculteurs, en raison du coût des terres ici. Ils ont aussi été approchés par d'autres. Des agriculteurs européens sont déjà installés ici et ils ont fait les contacts; cet intérêt se transmet aux gens d'affaires de ces régions, parce que les contacts sont déjà faits. Je crois que cela explique en partie ce phénomène.

+-

    M. Bill Siksay: Merci.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Anderson.

+-

    L'hon. David Anderson: Je vous remercie de ces très intéressantes remarques.

    Vous avez évoqué le problème de la migration de sortie des jeunes. Vous y avez fait de nouveau allusion quand vous avez parlé plus particulièrement de l'exemple des soudeurs. Ils quittent pour Calgary, d'où ils peuvent de toute évidence aller travailler sur le gazoduc, dans le domaine de la soudure ou dans d'autres domaines. Il me semble cependant—j'aimerais avoir votre point de vue à ce sujet—que les problèmes de migration ou d'immigration, selon que les gens sont d'origine canadienne ou étrangère, sont analogues aux problèmes de migration de sortie des jeunes. Autrement dit, certains obstacles apparemment ne sont pas exclusifs à l'immigration, mais relèvent plutôt d'un problème de fond beaucoup plus large.

    Là encore, je ne sais vraiment pas si les salaires vont continuer d'être aussi élevés à Fort McMurray. Je suppose qu'ils vont grimper encore plus si nous y construisons d'autres gazoducs. Je me demande toutefois si ce phénomène touche uniquement les jeunes hautement qualifiés, dont les compétences sont en grande demande en Alberta? Ou ce phénomène est-il généralisé pour tous les jeunes, et même pour votre population entière?

+-

    M. Pat Fiacco: Encore une fois, je vais demander à mon collègue de donner sa propre réponse à la question, pour que vous ayez le point de vue de la municipalité et celui d'un organisme chargé du développement économique.

    Par l'entremise de la Regina Regional Economic Development Authority, nous avons créé un groupe de leaders de l'avenir, qui réunit des jeunes de cet âge—de jeunes professionnels en voie d'être diplômés, qui veulent faire carrière ou qui sont déjà diplômés, qui travaillent à Regina et qui souhaitent y rester. Ils nous ont soumis des suggestions fort intéressantes concernant leurs attentes. La plupart sont de jeunes professionnels, pas nécessairement des gens de métier, mais je crois que leurs suggestions ne sont pas très différentes de celles que nous obtiendrions de gens de métiers pour ce qui est de l'offre de possibilités. Ils nous demandent de leur offrir des perspectives d'emploi, mais également un milieu intéressant.

    Je vous concède qu'il pourrait y avoir quelques petites différences. Pour un soudeur de Fort McMurray, les loisirs recherchés ne sont pas les mêmes parce qu'il peut être limité par ses quarts de travail ou d'autres facteurs. Un professionnel aura d'autres attentes. Ils nous ont suggéré des façons de rendre la ville attrayante, aussi attrayante que Calgary pour ce groupe d'âge. Nous allons y travailler. Cela s'appelle « l'effet ruche » : quand ils ont fini de travailler, les jeunes veulent qu'on leur offre quelque chose à faire après.

    Larry ayant été en contact plus étroit avec ce groupe des leaders de l'avenir, il aura certainement d'autres exemples pour vous.

¹  +-(1540)  

+-

    M. Larry Hiles: La migration de sortie touche presque tous les groupes d'âge. Nous voyons des gens d'affaires qui nous quittent quand ils sont très prospères parce qu'ils sont attirés par des taux d'imposition moins élevés ailleurs. Ils constatent qu'ils peuvent payer beaucoup moins d'impôt ailleurs. C'est un autre facteur déterminant.

    La migration d'entrée et la migration de sortie ont la même origine : les gens aspirent à quelque chose ou quittent quelque chose. Dans la plupart des cas, les jeunes qui nous quittent le font parce qu'ils pensent trouver quelque chose qui n'existe pas chez nous. Cependant, après dix ou quinze ans, ils découvrent que cet Eldorado a disparu ou qu'il n'a jamais vraiment existé, et leur plus cher souhait est de revenir. Par conséquent, nous constatons que beaucoup de ceux qui sont partis reviennent éventuellement. Quand ils ont fondé leur famille et qu'ils pensent à l'extension anarchique des villes, au coût des logements, au style de vie, ils réalisent qu'ils veulent revenir ici. C'est assez courant.

    Le groupe des leaders de l'avenir est axé sur les jeunes—qui, en général, sont en train de bâtir leur carrière, bien que nous soyons tous un peu concernés—de 18 à 35 ans. Ils ont en tête deux principaux facteurs : aller là où des ouvertures les attendent et là où ils trouveront un mode de vie intéressant. Je ne peux pas dire cependant laquelle de ces attentes arrive en tête de liste pour chacun. Je pourrais dire que, en général, l'effet de ruche est ce qui attire le plus les jeunes jusqu'à 21 ou 22 ans, qui ensuite seront plutôt intéressés par les possibilités d'emploi. À ce stade, ils veulent des responsabilités.

    Ce sont les deux aspects qui orientent notre action locale. Nous prenons les moyens pour cibler et faire connaître les perspectives de carrière dans la région de Regina, que ce soit aux jeunes d'ici ou à ceux d'ailleurs, ou à quiconque est intéressé à s'installer ici.

    Ensuite, nous tentons d'offrir un milieu intéressant, cet « effet de ruche » tant prisé par les jeunes. Nous avons mis en marche une initiative locale baptisée « I Love Regina », qui a obtenu un très grand succès. C'est le maire qui a eu cette idée voilà quatre ans environ. Par ailleurs, il se trouve également des gens qui sont des parents. Ils adorent Regina parce qu'ils ne perdent pas leur temps dans les bouchons de circulation et pour d'autres raisons. Les plus jeunes, quant à eux, ont d'autres attentes. Par conséquent, nous avons commencé à explorer des pistes pour rendre la collectivité attrayante pour les jeunes, et nous nous préoccupons tout autant des parents et des aînés.

+-

    L'hon. David Anderson: En un sens, votre situation s'apparente à celle de Victoria, ma ville, qui est également aux prises avec l'exode des jeunes. Ils reviennent après 10, 15 ou même 20 ans, souvent avec leurs propres enfants. Nous vivons d'autres mouvements de population, mais nous sommes confrontés à ce même attrait des jeunes pour l'effervescence des villes plus grandes.

    Si je peux faire un bilan général de vos propos—je me réjouis de votre franchise—, il me semble que le fédéral ne vous sera pas d'une grande aide pour régler les enjeux qui sont les vôtres. Vous avez tous deux très justement insisté sur la nécessité d'instaurer des initiatives locales afin d'attirer des gens et de les retenir. Je me demande si quelque chose ne m'a pas échappé : est-ce que le gouvernement fédéral et notre comité pourraient vous être plus utiles que ce que j'en ai compris?

+-

    M. Larry Hiles: J'espère que vous comprenez que ce n'est pas incompatible avec ce que j'ai dit au sujet de l'autonomie plus grande à donner aux municipalités et aux provinces dans le processus global, de sorte que nous puissions examiner les besoins et les contextes locaux des municipalités partout au pays plutôt que d'imposer des mesures uniformes partout au pays. Nous y voyons une possibilité de développement économique, mais ce n'est peut-être pas le cas de Toronto. Pourquoi Toronto et Regina ne pourraient-elles pas adapter les programmes selon leurs propres besoins?

    Le rôle de notre gouvernement national est d'assurer la sécurité du pays. Le processus doit donc intégrer des mesures à l'échelle nationale. Cependant, dans la mesure du possible, vous devez faire en sorte que les décisions puissent être prises à l'échelon le plus bas. C'est ce qui se passe de nos jours dans le monde des affaires. On ne voit plus d'imposants sièges sociaux centralisateurs, qui prennent toutes les décisions. Pourquoi le gouvernement s'entêterait-il sur cette voie, notamment en matière d'immigration? Pourquoi ne pas déterminer les conditions de base qui doivent être remplies dans tous les cas, et remettre les autres décisions et responsabilités à l'échelon de pouvoir le plus bas possible? Ainsi, la responsabilité reviendra aux principales concernées, les municipalités, qui connaissent leurs besoins et qui pourront se doter des outils nécessaires pour les combler.

¹  +-(1545)  

+-

    L'hon. David Anderson: Merci.

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    Le président: Monsieur Jaffer.

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    M. Rahim Jaffer: Pour donner suite à vos propos, très rapidement, vous me semblez sur la bonne voie. Si j'ai bien saisi, votre objectif est de créer un milieu attrayant. Les témoignages que nous avons entendus aujourd'hui recèlent quelques pistes de solution, notamment de la part de la ministre. C'est une idée tout à fait sensée que j'aimerais approfondir.

    Il est clair que le système de l'immigration accuse des retards et que certaines difficultés doivent être réglées au fédéral. Le gros des demandes proviennent de gens qui veulent aller à Vancouver, à Toronto ou à Montréal. Nous le savons, ce n'est rien de nouveau. Cependant, parmi eux se trouvent aussi des gens qui veulent rejoindre leur famille ou qui, pour d'autres raisons, aimeraient immigrer dans des régions moins densément peuplées. Regina pourrait être l'une de ces destinations. Peut-être le gouvernement fédéral devrait-il faire en sorte d'accélérer le processus pour ceux qui désirent immigrer dans des régions moins populaires plutôt que dans les régions à problèmes. Le comité pourrait sans doute étudier la question et contribuer à la résolution de certaines des difficultés que vous avez soulevées.

    Je crois que c'est le mieux que nous avons à faire, selon ce que j'en saisis, du moins pour des régions comme Regina. Il en est de même pour certaines régions du Canada atlantique, qui ont également de la difficulté à attirer des gens et à les retenir.

    Projetez-vous également d'explorer des pistes pour rendre votre région plus concurrentielle, plus attrayante à ce niveau? Si je ne me trompe pas, votre principal concurrent est l'Alberta, là d'où je viens, où émigrent énormément de citoyens de la Saskatchewan. Nous les accueillons avec grand plaisir, mais nous savons également que cet afflux de travailleurs ne va pas sans effet négatif sur leur région d'origine.

    J'aimerais donc savoir si dans votre effort pour rendre la région plus effervescente—vous avez parlez d'un effet de ruche, je crois—, vous incluez une composante visant à la mettre à niveau avec ses plus importants concurrents? Nous pouvons quant à nous chercher à expédier le processus pour vous envoyer des gens. J'espère que nous y parviendrons, mais il vous revient de les retenir et, à ce chapitre, votre compétitivité est tout aussi importante que la création d'un milieu culturel intéressant, ce à quoi vous avez fait allusion. Selon moi, votre compétitivité est tout aussi importante.

    Est-ce que vous y travaillez également?

+-

    M. Pat Fiacco: Tout à fait. Notre gouvernement municipal a énormément fait dans le domaine, par l'entremise de la Regina Regional Economic Development Authority. Nous avons également établi un groupe de travail du maire sur l'avenir de Regina, qui réunit des représentants de tous les secteurs de la ville. Le groupe de travail réfléchit sur notre avenir et sur les mesures à prendre pour garantir notre viabilité. Notre intention est de mobiliser toute la ville au grand complet autour de ce projet.

    Par ailleurs, nous venons tout juste de signer un protocole d'entente avec 31 municipalités voisines, qui ensemble forment la région de Regina. C'est une première. Nous collaborons plus étroitement à la promotion de toute la région, de sorte à pouvoir répondre à toutes les attentes. Si quelqu'un souhaite s'installer dans un milieu rural, la région en a plusieurs à offrir. Venez chez nous, nous trouverons ce qu'il vous faut. Si c'est la ville qui vous intéresse, venez chez nous. Nous serons en mesure de combler tous les besoins. Nous avons fait un emballage cadeau et nous en faisons la promotion.

    L'aspect de la concurrence relève beaucoup plus du domaine des politiques provinciales que de celles du gouvernement municipal, et je crois que la province s'emploie actuellement à trouver des solutions. Le milieu des affaires a fait connaître haut et fort ce qu'il attendait de la province, qui vient tout juste en fait de créer un comité chargé d'examiner le régime fiscal des entreprises. C'est un pas dans la bonne direction.

    Ensemble, nous pouvons y arriver. Les municipalités n'avaient jamais été invitées à participer au processus mais, avec l'appui du gouvernement fédéral, elles en sont maintenant partie prenante. Je sais qu'un débat philosophique fait rage autour du fait que les municipalités seraient des créatures des provinces, et que le fédéral n'aurait pas voix au chapitre. Je ne suis absolument pas d'accord. Il existe trois ordres de gouvernement. Les gouvernements municipaux sont les plus près des citoyens et, croyez-moi, nous recevons toutes sortes de demandes. À titre de chef municipal, je reçois des demandes qui, dans 50 à 75 p. 100 des cas, ne relèvent nullement du gouvernement municipal, mais du provincial ou du fédéral. Nous aidons nos citoyens à acheminer leurs demandes en les mettant en contact avec les bonnes personnes. C'est pourquoi il est si important de consulter les municipalités pour l'élaboration d'une politique nationale en matière d'immigration.

¹  +-(1550)  

+-

    Le président: Merci beaucoup. Nous avons parlé de migration de sortie. Une personne chère à mon coeur, ma propre fille, a pris la décision à 18 ans de quitter l'endroit le plus merveilleux du Canada, Waterloo, pour s'installer à Toronto. J'espère qu'elle sera de retour dans dix ans.

    En vous écoutant, vous et la ministre—j'aimerais qu'elle soit encore ici—, je me rends compte qu'il est temps de sortir des sentiers battus. Vous avez parlé de la pénurie de soudeurs. Je sais que le Manitoba a accueilli des Mexicains, venus travailler dans les usines de conditionnement des viandes. À Toronto, c'est notoire, une très importante économie souterraine emploie des travailleurs dans le domaine de la construction. Nous en sommes à un point de rupture. Notre politique met l'accent sur les meilleurs et les plus brillants, qui sont confrontés à toutes sortes de difficultés quand vient le temps d'exercer leur profession, notamment en matière de reconnaissance des titres de compétences.

    De toute évidence, quelque chose nous échappe. Si nous retournons en arrière, des immigrants nous arrivaient qui n'étaient sans doute pas parmi les meilleurs et les plus brillants, mais qui étaient animés du désir de faire mieux. Si je prends l'exemple de ma collectivité et de tous les gens qui la composent qui ne sont pas nés au Canada mais qui sont devenus depuis des citoyens canadiens naturalisés, le nombre d'entre eux qui ne réussiraient pas à entrer au pays maintenant est faramineux. Les politiques ont une grande importance. Il faut donner aux municipalités le rôle qui leur revient de droit à cet égard, parce qu'elles sont aux premières lignes sur le plan des services. Si Toronto vit une pénurie dans le domaine des métiers de la construction, et si pour votre part vous ne trouvez pas de soudeurs, il faut en tenir compte.

    Vous avez également souligné qu'il fallait rendre le milieu attrayant. La ministre Atkinson propose d'élargir la définition de la catégorie regroupement familial, parce qu'on ne peut réalistement s'attendre à ce qu'un immigrant venant d'un pays lointain, qui ne connaît personne de son pays ici, viendra s'installer au Canada et y rester. S'il est entouré de sa famille, idéalement de sa famille élargie, il sera plus tenté de rester. Il m'apparaît essentiel d'établir des liens plus serrés avec les municipalités.

    Actuellement, les taux vont comme suit : 60 p. 100 d'immigrants de la composante économique, qui sont les meilleurs et les plus brillants, et 40 p. 100 de la catégorie regroupement familial. Croyez-vous que nous pourrions revoir ces proportions, en demandant aux municipalités quels sont leurs besoins?

+-

    M. Pat Fiacco: Aucun doute que les municipalités pourraient vous fournir de l'information sur leurs buts et leurs objectifs, sur leurs stratégies de croissance. Je crois que cette information serait fort à propos pour l'élaboration d'une bonne politique fédérale.

    Pour revenir à vos commentaires, je souligne que ma mère et mon père, des Italiens, ont immigré au Canada en 1957. Mon père était forgeron, un soudeur, et ma mère était une maman au foyer. Mon frère avait deux ans quand ils ont immigré à Regina. Ils ne parlaient ni ne comprenaient un mot d'anglais, de sorte qu'ils ne pourraient pas se qualifier comme immigrants actuellement. Avait-il des compétences? Oui, mon père était soudeur. Il était parrainé par un vendeur de chaussures, propriétaire d'un magasin de chaussures. Il a été amené à l'hôtel de ville par un vendeur de chaussures, et il a obtenu un emploi à la municipalité de Regina, comme balayeur de rues. Quand il a finalement parlé l'anglais, mon père est devenu le forgeron et il a travaillé pour la ville pendant 32 ans. Ce ne serait plus possible aujourd'hui, à cause des politiques. Qui sait ce qu'il serait advenu de lui. Je suis donc reconnaissant aux politiques en vigueur dans les années 50.

    Je sais que les temps changent, mais il reste que c'est un peu étonnant. Si nous prenons la peine d'adopter des politiques, j'ose espérer qu'elles rendront le processus d'immigration juste et équitable. Si j'ai bien compris, des immigrants vivent à Montréal et à Toronto dans la pauvreté. Ils seraient certainement beaucoup mieux nantis s'ils vivaient dans un endroit comme Regina, si on se fie aux chiffres. Il faut que les choses changent.

¹  -(1555)  

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    M. Larry Hiles: J'ajouterai qu'un employé est productif s'il se trouve dans la collectivité où il désire vivre. Cette vérité s'applique autant aux jeunes qui sont ici et qui rêvent d'aller ailleurs qu'aux immigrants qui vivent ailleurs mais qui voudraient venir ici. Je suis convaincu qu'en permettant à des gens d'intégrer une collectivité de leur choix, où ils se sentent accueillis, nous nous assurons d'avoir une main-d'oeuvre productive. L'immigration et la promulgation de règlements qui donneront la marge de manoeuvre nécessaire aux collectivités pour qu'elles puissent reconnaître leurs besoins et les satisfaire, en attirant ceux qui les aideront en ce sens, feront progresser le Canada.

    Merci.

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    Le président: Je vous remercie énormément d'avoir partagé vos réflexions et votre compétence—vous êtes de toute évidence fort compétents—avec nous. Nous nous réjouissons de pouvoir collaborer avec vous et la Fédération canadienne des municipalités. Il est impératif que nous allions dans ce sens. Merci beaucoup.

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    M. Pat Fiacco: Merci de nous avoir donné l'occasion de témoigner.

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    Le président: La séance est levée.