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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 8 février 2005




Á 1115
V         Le président (L'hon. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.))
V         M. Paul Grod (Coalition de la citoyenneté canadienne, Congrès des ukrainiens-canadiens)

Á 1120
V         Le président
V         M. Ulrich Frisse (Kitchener-Waterloo, Congrès germano-canadien, national)

Á 1125

Á 1130
V         Le président
V         Mme Ameena Sultan (Fédération canado-arabe)

Á 1135
V         Le président
V         Mme Avvy Yao-Yao Go (directrice, Clinique d'aide juridique de Chine et d'Asie du Sud-Est du Grand Toronto)

Á 1140
V         Le président

Á 1145
V         M. Khurrum Awan (étudiant en Loi, Congrès islamique canadien)

Á 1150
V         Le président
V         M. Bill Pidruchney (Edmonton, Congrès des ukrainiens-canadiens)

Á 1155

 1200
V         L'hon. David Anderson (Victoria, Lib.)
V         M. Bill Pidruchney
V         L'hon. David Anderson
V         M. Bill Pidruchney
V         L'hon. David Anderson
V         M. Bill Pidruchney
V         Le président
V         Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, PCC)

 1205
V         M. Bill Pidruchney
V         Mme Diane Ablonczy
V         Le président
V         M. Paul Grod

 1210
V         Le président
V         Mme Meili Faille (Vaudreuil-Soulanges, BQ)
V         Mme Avvy Yao-Yao Go

 1215
V         Mme Meili Faille
V         Mme Ameena Sultan
V         M. Khurrum Awan
V         Le président
V         M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD)

 1220
V         Mme Ameena Sultan
V         Mme Avvy Yao-Yao Go
V         M. Bill Siksay
V         M. Khurrum Awan

 1225
V         Le président
V         M. Borys Wrzesnewskyj (Etobicoke-Centre)
V         M. Paul Grod
V         M. Borys Wrzesnewskyj
V         M. Bill Pidruchney
V         M. Borys Wrzesnewskyj
V         M. Bill Pidruchney
V         M. Paul Grod
V         M. Borys Wrzesnewskyj

 1230
V         M. Paul Grod
V         M. Borys Wrzesnewskyj
V         Le président
V         M. Borys Wrzesnewskyj
V         Le président
V         Mme Diane Ablonczy
V         Le président
V         L'hon. Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.)

 1235
V         Le président
V         Mme Diane Ablonczy
V         Mme Avvy Yao-Yao Go
V         M. Paul Grod
V         Le président
V         L'hon. Hedy Fry

 1240
V         Le président
V         M. Bill Pidruchney
V         M. Ulrich Frisse
V         M. Bill Pidruchney

 1245
V         Le président
V         M. Roger Clavet (Louis-Hébert, BQ)
V         M. Ulrich Frisse
V         Mme Ameena Sultan

 1250
V         Le président
V         Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest, Lib.)
V         M. Paul Grod
V         Mme Colleen Beaumier
V         M. Paul Grod
V         Mme Colleen Beaumier
V         Le président
V         M. Bill Pidruchney
V         Le président
V         M. Bill Siksay
V         M. Paul Grod
V         M. Bill Siksay

 1255
V         M. Paul Grod
V         Mme Ameena Sultan
V         M. Bill Siksay
V         Mme Ameena Sultan
V         M. Khurrum Awan
V         M. Bill Siksay
V         Mme Ameena Sultan
V         Mme Avvy Yao-Yao Go
V         Le président
V         M. Lui Temelkovski (Oak Ridges—Markham, Lib.)

· 1300
V         M. Paul Grod
V         Le président
V         Mme Meili Faille
V         M. Ulrich Frisse

· 1305
V         Le président
V         L'hon. David Anderson
V         Mme Avvy Yao-Yao Go
V         L'hon. David Anderson
V         Mme Avvy Yao-Yao Go
V         L'hon. David Anderson
V         Mme Avvy Yao-Yao Go
V         L'hon. David Anderson
V         Le président
V         M. Paul Grod
V         L'hon. David Anderson
V         M. Paul Grod
V         L'hon. David Anderson
V         Le président

· 1310
V         M. Khurrum Awan
V         Le président
V         M. Paul Grod
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 018 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 8 février 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

Á  +(1115)  

[Traduction]

+

    Le président (L'hon. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.)): Je déclare ouverte la présente séance du Comité de la citoyenneté et de l'immigration.

    Aujourd'hui, nous allons nous pencher sur une partie de la Loi sur la citoyenneté qui fait l'objet d'une controverse assez considérable depuis de nombreuses années. L'adoption d'une nouvelle loi sur la citoyenneté constitue la priorité du comité. Depuis 1998, le gouvernement tente de mettre en place une nouvelle loi. Il y a d'abord eu différentes versions du projet de loi C-63, ensuite nous avons eu le projet de loi C-16 et puis le projet de loi C-18, mais nous n'avons toujours pas réussi à mettre en oeuvre une nouvelle loi.

    La loi actuelle sur la citoyenneté, qui était le projet de loi C-29, a été élaborée avant la Charte, alors je crois qu'il est important que cette loi—surtout qu'il s'agit d'une mesure législative qui a une incidence sur l'ensemble des Canadiens, et en particulier sur les Canadiens nés à l'étranger qui sont venus s'établir ici—soit mise à jour.

    De nombreux témoins feront aujourd'hui un exposé à l'intention du comité. Nous allons d'abord les laisser faire leur exposé et ensuite nous passerons aux questions.

    Avant de leur céder la parole, j'aimerais d'abord souhaiter un joyeux anniversaire à M. Roger Clavet. Nous sommes ravis de vous voir au travail même si c'est le jour de votre anniversaire. C'est fantastique.

    Je vais maintenant donner la parole à M. Grod, qui est le président, si je ne m'abuse, de la Coalition de la citoyenneté du Canada.

    Monsieur Grod, la parole est à vous.

+-

    M. Paul Grod (Coalition de la citoyenneté canadienne, Congrès des ukrainiens-canadiens): Bonjour, monsieur le président et membres du comité. Je m'appelle Paul Grod et je représente la Coalition de la citoyenneté du Canada.

    Je suis en compagnie aujourd'hui de représentants de certains des organismes membres de la coalition, c'est-à-dire moi-même, Paul Grod, LL.B., M.B.A; M. Ulrich Frisse, Ph.D., LL.M., du German Canadian Congress; Mme Ameena Sultan, B.A., LL.B., de la Fédération canado-arabe; Mme Avvy Go, B.A., LL.M., de la Clinique d'aide juridique de Chine et d'Asie du Sud-Est du Grand Toronto; M. Khurrum Awan, candidat au baccalauréat en droit, du Congrès islamique canadien; et M. Bill Pidruchney, B.A., LL.B., c.r., du Congrès des Ukrainiens-Canadiens.

    La Coalition de la citoyenneté du Canada, qui a été formée récemment, se compose de groupes ethniques canadiens profondément préoccupés par la Loi sur la citoyenneté du Canada et par la façon inacceptable de procéder du gouvernement canadien dans le cadre du processus de révocation de la citoyenneté.

    La coalition rassemble des membres des communautés chinoise, arabe, ukrainienne, islamique, africaine, allemande, somalienne et sikhe—et cette liste ne cesse de s'allonger—ainsi que des organismes comme le Conseil canadien de lutte contre le racisme de même que des groupes d'aide aux immigrants, de soutien aux réfugiés et de défense des libertés civiles.

    Nous vous remercions de nous donner du temps pour que nous puissions nous adresser à vous.

    Permettez-moi d'abord de féliciter le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration pour l'incroyable travail qu'il a accompli au cours des trois dernières années et pour son rapport intitulé « Actualiser la Loi sur la citoyenneté du Canada : Question à traiter ».

    La Coalition de la citoyenneté du Canada appuie les principes généraux énoncés dans votre rapport, c'est-à-dire que le traitement des citoyens nés au Canada et des citoyens naturalisés doit être égal; qu'il ne devrait pas y avoir de statut de citoyenneté « probatoire »; que la citoyenneté devrait être considérée comme un droit pour les personnes qui possèdent les qualités requises et non comme un privilège; que personne ne devrait être privé de sa citoyenneté canadienne si une telle décision devait rendre cette personne apatride et que toutes les décisions prises en vertu de la loi devraient être prises par un décideur indépendant dans un processus judiciaire exempt de toute influence politique.

    Notre coalition estime qu'il est essentiel qu'elle puisse s'adresser à votre comité en raison des changements attendus depuis longtemps à la Loi sur la citoyenneté et des gestes posés récemment par l'ancienne ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, l'honorable Judy Sgro, qui contribuent à miner les efforts du comité.

    En outre, l'actuel ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, l'honorable Joe Volpe, n'a nullement indiqué qu'il prévoit revoir les recommandations de l'ancienne ministre.

    C'est la décision prise par l'ancienne ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Judy Sgro, au cours de la dernière période des Fêtes qui suscite notre indignation. La ministre avait demandé que l'on avise un certain nombre de Canadiens qu'elle allait recommander la révocation de leur citoyenneté sous prétexte qu'ils s'étaient présentés sous un faux jour lorsqu'ils ont immigré au Canada il y a bien plus d'un demi-siècle.

    Il est très révoltant de constater que le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration fait abstraction de vos recommandations. Malgré le rapport que vous avez présenté, le ministre continue d'entamer des procédures de dénaturalisation et de déportation à l'égard de Canadiens en dépit de l'absence totale de preuves démontrant que les personnes en question ont commis des crimes de guerre ou en ont été complices.

    De plus, le ministre a également fait abstraction des jugements rendus par la Cour supérieure de l'Ontario et par la Cour d'appel fédérale dans le cas de Helmut Oberlander. Ces tribunaux ont jugé déraisonnable la décision du gouverneur en conseil de révoquer la citoyenneté de cet homme. Par ailleurs, le ministre n'a pas respecté non plus les propres politiques de son ministère. Il a aussi agi de façon inconstitutionnelle en assumant à la fois le rôle de juge et de juré.

    Le programme du Canada sur les crimes de guerre est frappé de discrédit et doit faire l'objet d'un examen en profondeur, car il mine de la crédibilité du gouvernement du Canada, du système juridique canadien et de la citoyenneté canadienne. De façon plus importante, il met en évidence que le Canada comporte deux classes de citoyens canadiens : ceux nés au Canada et ceux nés à l'étranger.

    En tant que citoyen de première classe, né au Canada, je m'adresse à vous aujourd'hui sans crainte d'être dénaturalisé ou déporté. Cependant, plus de 20 p. 100 de la population canadienne, soit six millions de Canadiens, qui sont nés à l'étranger ne vivent pas ce même sentiment. En effet, en vertu de la loi actuelle, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration détient le pouvoir de révoquer la citoyenneté d'un Canadien naturalisé et de le déporter dans un autre pays, peu importe s'il a vécu une vie exemplaire et s'il a élevé des enfants et des petits-enfants au Canada au cours des 60 dernières années, sous aucun autre prétexte qu'une fausse déclaration.

    Nous croyons que la citoyenneté canadienne devrait être irrévocable et qu'un citoyen canadien accusé d'un crime par le gouvernement canadien devrait être traduit en justice par un tribunal pénal canadien et devrait avoir le droit de se défendre contre de telles accusations.

Á  +-(1120)  

    Le processus de révocation de la citoyenneté, qu'on appelle souvent le processus de dénaturalisation et de déportation, commence lorsque le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration avise un Canadien qu'il présentera un rapport au gouverneur en conseil qui recommande la révocation de sa citoyenneté, conformément à l'article 10 de la Loi sur la citoyenneté, pour l'avoir obtenue de façon frauduleuse.

    Publiquement, cependant, l'Unité des crimes de guerre qualifie la personne en question de criminel de guerre et ne présente jamais de preuves à cet effet.

    Permettez-moi de souligner que, dans le cadre du processus de révocation, on ne s'occupe pas de la question de fond, à savoir celle des crimes de guerre. En effet, dans chacun des cas qui ont été présentés jusqu'à maintenant, on n'a jamais fourni de preuves démontrant que la personne avait commis un crime de guerre ou en avait été complice.

    Au cours de la deuxième étape du processus, le Canadien accusé a le droit de demander qu'un juge d'une cour fédérale effectue une conclusion de fait, mais uniquement au sujet des accusations de fausse déclaration. Aucun procès n'a lieu au sujet de la question des crimes de guerre et aucune décision n'est rendue à ce sujet. De même, aucune preuve n'est présentée ou entendue à propos de tout acte criminel commis par la personne.

    Le juge effectue une conclusion de fait selon la prépondérance des probabilités afin de déterminer si le citoyen a effectivement effectué une fausse déclaration lorsqu'il est venu au Canada. Ces procédures sont menées en dépit du fait que les employés du gouvernement ont déjà détruit les dossiers d'immigration nécessaires conformément aux politiques gouvernementales sur la destruction des dossiers après une certaine période et malgré le fait également que les témoins pertinents sont décédés depuis longtemps.

    Si le juge détermine que le citoyen a en effet effectué une fausse déclaration, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration peut alors décider de recommander la révocation de la citoyenneté au gouverneur en conseil. Le gouverneur en conseil est souvent formé de quatre membres du cabinet, qui se réunissent en privé pour prendre la décision. Dans le cas récent concernant M. Oberlander traité par la Cour fédérale d'appel, deux des quatre membres du cabinet étaient en fait le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et le procureur général, les deux personnes qui intentaient des poursuites contre ce citoyen.

    Nous sommes d'avis que le comité doit exiger immédiatement que l'actuel ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Joe Volpe, laisse tomber la recommandation formulée à l'intention du gouverneur en conseil par Mme Sgro. Les dossiers litigieux sont actuellement étudiés par votre comité durant ses consultations. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration doit laisser le comité terminer ses travaux avant de permettre que soient passés d'autres décrets de révocation visant des citoyens ayant immigré au Canada il y a une cinquantaine d'années.

    Pour conclure, monsieur le président et membres du comité, je vous rappelle que la citoyenneté est l'un des aspects fondamentaux de toute nation. Au cours de l'histoire, le Canada a ouvert ses portes aux gens du monde entier qui étaient à la recherche d'une société tolérante et libre fondée sur des principes démocratiques. Les propositions formulées par notre coalition visent à renforcer la Loi sur la citoyenneté, à accroître la valeur de la citoyenneté canadienne et à faire en sorte que les principales valeurs de notre système juridique soient utilisées pour garantir l'équité, la transparence et la justice sans égard à la manière dont la citoyenneté a été acquise.

    Je vous remercie beaucoup de votre attention. Je serai ravi de répondre à vos questions.

+-

    Le président: Je vous remercie beaucoup.

    Je cède maintenant la parole à M. Frisse.

+-

    M. Ulrich Frisse (Kitchener-Waterloo, Congrès germano-canadien, national): Merci, monsieur le président et membres du comité. C'est au nom de la communauté allemande du Canada que je tiens à vous dire que le processus actuel de révocation de la citoyenneté menace le statut juridique de tous les Canadiens naturalisés. Il est très préoccupant qu'en vertu de la loi actuelle, la citoyenneté canadienne obtenue par voie de naturalisation soit révocable.

    En Australie, par exemple, après une période maximale de dix ans, la citoyenneté australienne ne peut être révoquée, même si elle a été obtenue de façon frauduleuse. En Allemagne, cette période maximale n'est que de cinq ans. Comme mon éminent collègue l'a expliqué, la loi actuelle permet au gouvernement de retirer la citoyenneté canadienne à des résidents du Canada sous prétexte qu'ils n'auraient peut-être pas répondu honnêtement à une question qu'on leur aurait posée il y a une cinquantaine d'années.

    Le gouvernement n'a pas à prouver que la personne a commis des crimes de guerre ni qu'elle a obtenu la citoyenneté canadienne de manière frauduleuse. La nature précaire du statut qui résulte de cela fait de tous les Canadiens naturalisés des citoyens de seconde classe. Le seul fait que mes éminents collègues et moi-même nous nous adressions à vous non seulement en tant que représentants de nos communautés ethniques respectives, mais également à titre de membres d'une coalition multiethnique, témoigne clairement de l'ampleur de la question dont vous êtes saisis.

    Permettez-moi de revoir brièvement les décisions qui ont été rendues dans le cas de Helmut Oberlander, qui font ressortir les lacunes révoltantes du processus actuel. En 1941, M. Oberlander était traducteur au sein d'une escouade allemande en Ukraine. Il est venu au Canada en 1954, et, six ans plus tard, il a obtenu la citoyenneté canadienne. En 1995, le gouvernement l'a accusé d'avoir participé à des crimes de guerre. En février 2000, le juge MacKay, nommé par le gouvernement fédéral, qui a entendu la cause, a blanchi M. Oberlander de toutes les allégations de participation à des crimes de guerre. Il a déclaré qu'il n'existait aucune preuve que M. Oberlander avait pris part directement ou indirectement à des crimes contre l'humanité. Cependant, selon la prépondérance des probabilités, le juge a déterminé que M. Oberlander n'avait pas dit la vérité à propos de son service militaire durant la guerre lorsqu'il a immigré au Canada.

    S'appuyant sur cette décision, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a recommandé au cabinet de révoquer la citoyenneté de M. Oberlander et de le déporter. Ainsi, en 2001, M. Oberlander a perdu sa citoyenneté. Heureusement, il disposait des moyens financiers nécessaires pour contester la décision du gouvernement, et il a pu finalement obtenir de nouveau la citoyenneté canadienne en 2004.

    Ce qui préoccupe principalement plus de cinq millions de Canadiens, c'est que la loi actuelle donne la possibilité au gouvernement de retirer la citoyenneté d'un Canadien naturalisé sur la base d'allégations non prouvées et que les décisions rendues selon la prépondérance des probabilités ne peuvent faire l'objet d'aucune révision judiciaire.

    Je demande aux membres du comité qui sont nés à l'étranger s'ils voudraient eux faire l'objet d'un processus politique qui pourrait détruire leur famille et tout ce qu'ils ont bâti depuis qu'ils sont arrivés au Canada en toute bonne foi. En tant que résident permanent, le risque que je cours d'être séparé de mon épouse et mes enfants nés au Canada sur la base d'allégations fabriquées de toutes pièces est beaucoup trop grand pour envisager à ce stade-ci d'échanger ma citoyenneté européenne de première classe pour une citoyenneté canadienne de seconde classe.

    Différents tribunaux et des membres érudits du milieu juridique en sont venus à la conclusion que la loi actuelle contrevient à la Charte des droits et libertés. En janvier 2004, le juge Reilly de la Cour supérieure de justice de l'Ontario a prétendu que, en révoquant la citoyenneté de M. Oberlander, le gouvernement était allé au-delà de ses droits en vertu de l'article 7 de la Charte. Cet article se lit comme suit :

    Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

    J'ai été très ravi d'apprendre que vous, madame Ablonczy, en tant que porte-parole du Parti conservateur au sujet des questions d'immigration, aviez fait valoir, dans votre réponse au discours du Trône, que la Charte doit s'appliquer aux questions de citoyenneté également. Rien ne peut justifier que l'on fasse abstraction de la demande légitime de plus de cinq millions de Canadiens naturalisés d'être traités sur le même pied d'égalité que les citoyens nés au Canada, d'autant plus qu'en ce moment, le premier ministre ne cesse de citer la disposition de la Charte sur l'égalité dans le cadre du dossier sur le mariage entre personnes de même sexe.

    Quant aux droits de M. Oberlander en tant que citoyen canadien, le plus haut tribunal du pays, la Cour suprême du Canada, a déterminé que le gouvernement avait activement tenté de s'ingérer dans les travaux des tribunaux. Le juge Reilly de la Cour supérieure de justice de l'Ontario a également mis en question le caractère secret des délibérations du cabinet qui ont mené à la révocation de la citoyenneté de M. Oberlander. Le juge Reilly a aussi signalé que M. Oberlander n'était pas représenté juridiquement à la réunion cruciale du cabinet qui se tenait à huis clos, que le gouvernement n'avait ni examiné ni tenu compte de tous les renseignements qui avaient été fournis et que le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et le procureur général étaient peut-être en conflit d'intérêts.

    Le 31 mai 2004, la Cour d'appel fédérale a redonné la citoyenneté canadienne à M. Oberlander en prétendant que le gouvernement avait violé sa propre politique.

Á  +-(1125)  

    Je renvoie les membres du comité au rapport du gouvernement de 2000-2001 au sujet du programme sur les crimes de guerre. Il est écrit ceci :

Le gouvernement donnera suite uniquement dans les cas où il est établi que l'intéressé a participé directement à des crimes contre l'humanité ou en a été complice.

    La Cour d'appel fédérale a rétabli la citoyenneté de M. Oberlander en présentant l'argument convaincant que le gouvernement n'a pas su expliquer pourquoi une politique qui s'applique uniquement aux présumés criminels de guerre pouvait être appliquée à M. Oberlander après qu'il eut été blanchi de toutes les allégations de participation à des crimes de guerre. Étant donné que le gouvernement doit avoir consulté les avocats de l'administration fédérale dans tous les cas, je ne peux que conclure qu'on a laissé tomber les considérations juridiques pour des raisons politiques.

    Honorables membres du comité, la disposition actuelle sur la révocation viole non seulement la Charte et la propre politique du gouvernement, mais elle va aussi à l'encontre des lois internationales. La façon de procéder du gouvernement contrevient clairement à l'article 15 de la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations Unies, qui stipule que « Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité ».

    Étant donné cela, le German Canadian Congress souhaite formuler les recommandations suivantes à l'intention du gouvernement.

    Il faut suspendre toutes les causes en instance qui découlent de la stratégie en matière de déportation et de dénaturalisation jusqu'à ce que les travaux du comité soient terminés. Sinon, les audiences que tient le comité à l'échelle du pays seront tournées en dérision.

    Il faut mettre en oeuvre les recommandations énoncées dans le rapport du comité du 30 novembre 2004.

    Il faut traduire en justice les présumés criminels de guerre en vertu du droit pénal au Canada seulement. La Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre constitue le cadre juridique approprié pour traiter les cas de criminels de guerre au Canada. S'il n'existe aucune preuve de participation à des crimes de guerre, aucune procédure de déportation ne devrait être entamée. La façon d'agir détournée du gouvernement est inacceptable dans un état de droit moderne.

    Le pouvoir de révoquer la citoyenneté doit être conféré aux tribunaux. Les faits énoncés et le processus de décision du gouvernement doivent faire l'objet d'un processus d'appel clairement défini et transparent. La citoyenneté doit devenir irrévocable après une période maximale de cinq ans à partir de la date à laquelle elle a été obtenue. En raison des graves répercussions qu'entraîne la révocation de la citoyenneté, les faits allégués doivent être prouvés hors de tout doute raisonnable et non selon la prépondérance des probabilités.

    Monsieur le président, honorables membres du comité, je vous remercie beaucoup de votre attention.

Á  +-(1130)  

+-

    Le président: Merci.

    C'est maintenant à Mme Sultan de prendre la parole.

+-

    Mme Ameena Sultan (Fédération canado-arabe): Bonjour, monsieur le président; bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité. Je m'appelle Ameena Sultan et vous parle aujourd'hui au nom de la Fédération canado-arabe.

    J'aimerais commencer par remercier le comité d'avoir invité la fédération et d'autres groupes membres de la Coalition de la citoyenneté à s'exprimer sur cette question très importante.

    La Fédération canado-arabe est une organisation-cadre, qui représente 40 groupes provenant de partout au pays et dont le mandat consiste à évaluer, à formuler, à défendre et à promouvoir de toute autre façon les intérêts de la communauté canado-arabe. Cette communauté est l'une de celles qui connaît la croissance la plus rapide au Canada aujourd'hui, parce que des immigrants et des réfugiés de pays arabophones continuent de venir s'installer au Canada pour se bâtir une nouvelle vie.

    Ce comité s'est vu confier l'importante tâche de déterminer la forme que doit prendre la Loi sur la citoyenneté dans ce pays. J'exhorterais les membres du comité à ne jamais oublier, dans leurs évaluations, que ce pays se fonde sur l'ouverture aux nouveaux arrivants et aux immigrants ainsi que sur la diversité et les principes d'égalité et de justice, qui sont enchâssés dans la Charte des droits et libertés, la loi suprême du Canada.

    Le principal sujet d'inquiétude dont me parlent souvent mes amis de la coalition, c'est la révocabilité de la citoyenneté et le fait qu'elle crée nécessairement une hiérarchie citoyenne. Comme le dictent la loi actuelle et les modifications proposées jusqu'ici, la révocation s'applique exclusivement aux citoyens naturalisés. Cette situation est problématique parce qu'elle laisse entendre que certains Canadiens, soit ceux qui sont nés ici, sont plus canadiens que d'autres.

    J'aimerais vous parler aujourd'hui d'un type de révocation particulier, dont il est question dans des modifications récemment proposées à la Loi sur la citoyenneté. Des propositions antérieures, particulièrement celles contenues dans le projet de loi C-18, prescrivaient la révocation de la citoyenneté des personnes accusées de terrorisme, de crime de guerre ou de crime organisé.

    Comme d'autres dispositions sur la révocation de la citoyenneté, ces dispositions se caractérisent par l'absence des protections les plus fondamentales de l'équité de la procédure. Par exemple, elles dictent que le tribunal n'est pas lié par les règles juridiques ou techniques de présentation de la preuve, que le tribunal peut rendre sa décision ou accepter une décision sur la base d'une preuve qu'il juge crédible ou fiable, qu'il n'a pas besoin de tenir d'audience et que la décision est finale, sans possibilité d'appel ni de contrôle judiciaire. La question est d'autant plus complexe du fait que si la sécurité est en jeu, l'objet de la révocation est essentiellement décrit dans un bref sommaire de la preuve, dont les points les plus pertinents sont souvent exclus.

    Ces propositions reflètent les dispositions sur l'inadmissibilité qu'on trouve dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, qui prévoit que les résidents permanents peuvent être expulsés pour des raisons de criminalité grave, de terrorisme, de crime de guerre ou de crime organisé.

    Chose certaine, dans les trois années du statut de résident permanent, selon la loi actuelle, on peut recueillir de l'information sur les antécédents de la personne pour déterminer si elle présente un risque pour la sécurité. Nous croyons qu'il serait préférable de se pencher sur cette question pendant cette période prévue à la Loi sur l'immigration, période qui deviendrait une sorte de période d'essai avant l'octroi de la citoyenneté complète. Ensuite, nous pensons que lorsqu'une personne a passé cette période d'examen et qu'on lui a attribué la citoyenneté, sa citoyenneté devrait signifier quelque chose.

    Le terrorisme, les crimes de guerre et le crime organisé sont extrêmement graves et ce sont des crimes. Les personnes accusées de se livrer à de telles activités, qu'elles soient nées au Canada ou qu'elles soient des citoyens naturalisés, devraient être jugées par le système de justice pénale et être punies pour leurs crimes si elles sont jugées coupables.

    La révocation de la citoyenneté n'est pas la bonne solution pour punir la conduite criminelle. Le Code criminel et la jurisprudence définissent le système et les recours que le Canada emploie pour juger et punir les personnes accusées de crimes. Il y a aussi des lois sur la sécurité et les crimes de guerre qui sont en vigueur et qui peuvent être appliquées. Les personnes accusées d'actes haineux doivent être jugées devant un tribunal, et les personnes accusées d'infractions graves, comme le terrorisme ou les crimes de guerre, doivent jouir des protections prévues dans les lois canadiennes, soit du droit à une défense pleine et entière.

    Les dispositions sur la révocation n'offrent aucune protection de l'équité de la procédure. La Cour fédérale a statué que même les agents des visas des ambassades et les agents d'immigration des points d'entrée doivent respecter une norme d'équité de la procédure dans leurs décisions. Il ne fait aucun doute qu'un juge chargé de rendre une décision pouvant priver une personne de sa citoyenneté devrait être astreint à la même norme, soit une norme qui assure la protection de l'équité.

    La révocation de la citoyenneté nous porte aussi à nous questionner sur la déportation et les conditions auxquelles un ancien citoyen serait confronté si on le renvoyait dans son pays d'origine. Le Canada a l'obligation de veiller à ce que les personnes—les citoyens comme les autres—ne soient pas victimes de tortures ou de mauvais traitements. En fait, cette obligation est décrite clairement à l'article 12 de la Charte.

    Cette obligation a été clairement exprimée dans la décision récente du tribunal fédéral dans l'affaire Mahjoub. Dans cette décision, la juge Dawson a affirmé qu'il y a des indices puissants que la déportation exposant une personne à la torture est une conduite fondamentalement inacceptable, une conduite qui choque la conscience canadienne et par conséquent, qui contrevient à la justice fondamentale d'une façon qui ne peut se justifier en vertu de l'article 1 de la Charte. Ainsi, le Canada ne peut pas déporter une personne, peu importe l'accusation portée contre elle, vers un pays où elle risque d'être victime de torture.

Á  +-(1135)  

    Les propositions pour la révocation de la citoyenneté, telle qu'elles se présentent et existent dans la loi, sont extrêmement problématiques. Nous estimons que la loi ne devrait pas prévoir de dispositions sur la révocation de la citoyenneté. Celles-ci laissent entendre d'une façon fort peu canadienne et de très mauvais goût qu'il y a deux classes de citoyens au pays. La période du statut de résident permanent devrait servir à régler les accusations de criminalité de toutes sortes, y compris celles de terrorisme et de crimes de guerre.

    Le comité pourrait peut-être se demander comment la période du statut de résident permanent devrait se caractériser pour éviter d'admettre deux types de citoyenneté. Nous sommes aussi d'avis que si le ministre se rend compte qu'une personne a peut-être commis des actes terroristes ou des crimes de guerre, cette personne devrait être accusée devant les tribunaux, par application des lois existantes.

    Cependant, si l'on invoque la révocation dans de nouvelles dispositions législatives, elles doivent sans contredit s'accompagner de recours de procédure permettant à la personne de contester l'accusation et ensuite d'interjeter appel de la décision devant un tribunal supérieur. Compte tenu que des droits fondamentaux sont en jeu, le sujet devrait jouir des protections garanties à quiconque d'autre en vertu de la Charte des droits et libertés.

    Je vous remercie de m'avoir permis de présenter notre point de vue.

+-

    Le président: Merci infiniment.

    Le prochain témoin sur la liste est Mme Go.

+-

    Mme Avvy Yao-Yao Go (directrice, Clinique d'aide juridique de Chine et d'Asie du Sud-Est du Grand Toronto): Merci.

    Je m'appelle Avvy Go et je suis directrice de la Clinique d'aide juridique de Chine et d'Asie du Sud-Est du Grand Toronto.

    Nous avons déjà présenté divers mémoires à ce comité. Plus particulièrement, nous sommes comparus devant le comité sur le projet de loi C-18, le dernier projet de loi visant à renouveler la Loi sur la citoyenneté, en 2003. Nous comprenons que le comité voie le renouvellement de la Loi sur la citoyenneté comme sa priorité. Nous sommes heureux de saisir cette occasion pour présenter au comité certains des enjeux clés que nous voudrions voir pris en compte dans cette révision.

    Nous partageons bon nombre des inquiétudes qu'ont exprimées d'autres membres de la Coalition sur la citoyenneté canadienne au sujet de la révocation de la citoyenneté. Par ailleurs, nous avons étudié le rapport qu'a déposé votre comité en novembre  2004 sur la Loi sur la citoyenneté. Nous sommes favorables à bon nombre des idées et des recommandations que vous avez formulées.

    La Loi sur la citoyenneté est l'une des lois les plus importantes d'un point de vue symbolique et juridique, puisqu'elle définit qui nous sommes en tant que Canadiens. Il est donc fondamental que toutes les valeurs et les principes que les Canadiens ont à coeur se reflètent complètement dans la Loi sur la citoyenneté.

    L'équité pour tous est l'un des principes les plus fondamentaux que partagent tous les Canadiens et c'est l'un des droits enchâssés dans la Charte canadienne des droits et libertés.

    La Charte se démarque aussi, comme on l'a déjà mentionné, par son article 7, qui protège le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne.

    Dans son étude sur une nouvelle loi sur la citoyenneté, le comité permanent doit veiller au respect de ces principes, qui sont enchâssés dans notre Charte. Nous constatons donc, en toute déférence, que la Loi sur la citoyenneté actuelle déroge aux principes de la Charte à divers égards.

    Malgré tout ce que l'on peut entendre, la loi continue de perpétuer deux classes de citoyens au Canada : ceux qui sont nés au Canada et qui constituent des citoyens de première classe, puis ceux qui sont nés à l'extérieur du pays et qui constituent des citoyens de seconde classe.

    Bon nombre des recommandations que ce comité a formulées dans son rapport de novembre 2004 contribueraient grandement à renforcer la Loi sur la citoyenneté et à l'harmoniser aux principes de la Charte.

    Nous aimerions maintenant rappeler quelques-unes de ces recommandations, dont celle sur la révocation. D'abord, le comité recommande comme principe général que le traitement des citoyens nés au Canada et des citoyens naturalisés soit égal. Nous sommes d'accord. Nous recommandons toutefois que ce principe soit appliqué de façon plus large, afin que la future Loi sur la citoyenneté respecte pleinement tous les principes énoncés dans la Charte.

    Ainsi, nous recommandons au comité de revoir la Loi sur la citoyenneté et de rédiger la nouvelle en fonction de la Charte, afin que toutes les dispositions de la nouvelle loi soient conformes aux principes enchâssés dans la Charte, dont le principe de l'égalité, et que ce principe s'applique aussi pour assurer le traitement égal des citoyens nés au Canada et des citoyens naturalisés.

    Au sujet de la révocation de la citoyenneté, nous sommes d'accord avec l'analyse que fait le comité du projet de loi C-18 et de ses diverses dispositions sur la révocation et l'annulation de la citoyenneté. Bien que les mesures radicales proposées dans le projet de loi C-18 ne soient jamais entrées en vigueur, des craintes demeurent quant à l'actuelle Loi sur la citoyenneté, comme d'autres l'ont déjà mentionné.

    À l'instar de beaucoup de personnes présentes aujourd'hui, nous croyons que la procédure actuelle destinée à retirer à quelqu'un sa citoyenneté canadienne est bien loin de répondre aux critères de justice fondamentale garanties dans notre Charte. En effet, une personne accusée de vol à l'étalage jouit d'un plus grand nombre de droits en vertu de notre loi qu'un citoyen menacé de voir sa citoyenneté révoquée.

    La première sera présumée innocente jusqu'à preuve de sa culpabilité hors de tout doute raisonnable et aura plein droit d'appel contre sa déclaration de culpabilité, alors que le deuxième sera assujetti à un processus définitif, pour lequel le gouvernement n'a qu'à prouver son accusation par application d'une norme civile.

    Si une nouvelle loi sur la citoyenneté est proposée, les mesures de révocation de la citoyenneté doivent être modifiées.

    Nous reconnaissons certes que l'État a le droit ultime de décider qui peut ou ne peut pas devenir citoyen, mais il faut viser l'équilibre entre ce droit et les droits des personnes en vertu de notre Charte. Dans l'état actuel des choses, la Loi sur la citoyenneté crée rien de moins qu'un déséquilibre.

    À tout le moins, la norme de preuve pour la révocation devrait être élevée à celle du doute raisonnable, et il devrait y avoir un droit d'appel pour les personnes confrontées à cette éventualité.

    Quant à l'obligation de résidence, nous sommes d'accord avec le comité qu'il faut envisager d'autres moyens de se conformer à cette obligation que la présence effective au Canada. Cependant, nous croyons que cela ne doit pas se restreindre aux lignes directrices contenues dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.

    Le tribunal fédéral a rendu une série de décisions qui constituent la jurisprudence sur la question de la résidence dans le contexte de la citoyenneté, et elles vont bien au-delà des dispositions de la LIPR. Nous recommandons par conséquent que toute obligation de résidence future tienne compte de ces jugements.

Á  +-(1140)  

    Nous recommandons aussi que toute obligation de résidence future admette chaque journée passée par la personne au Canada, peu importe son statut en matière d'immigration, de manière à faciliter l'octroi de la citoyenneté aux personnes arrivées ici à titre de réfugiés au sens de la Convention ou qui détiennent un autre statut de résident non permanent.

    Concernant l'adoption d'enfants, nous sommes heureux que le comité permanent reconnaisse dans son rapport que tous les enfants, qu'ils soient liés à leurs parents par la naissance ou l'adoption, soient traités de façon égale en vertu de la Loi sur la citoyenneté. Pour cette raison, l'inclusion des enfants adoptés dans le processus d'octroi de la citoyenneté sera un pas dans la bonne direction. Cependant, nous demeurons inquiets de toute proposition d'obligation que l'adoption crée un véritable lien de filiation entre l'adopté et l'adoptant. Nous sommes d'avis que ce critère est hautement subjectif et que dans le contexte de l'immigration, il revêt un caractère discriminatoire contre les cas d'adoption où l'adopté et l'adoptant avaient déjà un lien familial auparavant, ce qui est très commun chez certains groupes culturels et ethniques minoritaires.

    En conclusion, notre Loi sur la citoyenneté contribue à définir qui nous sommes. Le Canada se fait une fierté d'être un pays construit par des immigrants venus de partout dans le monde. Nous nous efforçons de préserver notre réputation internationale pour le traitement humanitaire des immigrants et des réfugiés.

    Enfin, le débat sur notre nouvelle loi sur la citoyenneté est un débat sur l'avenir du Canada. Voulons-nous nous doter d'un pays ouvert, accueillant et respectueux de la diversité ou voulons-nous nous entourer de barbelés et créer une société ayant deux classes de citoyens définies par leur lieu de naissance? Ce choix est entre vos mains, et nous espérons que vous ferez le bon.

    Merci.

+-

    Le président: Merci infiniment, madame Go.

    Nous allons maintenant entendre M. Awan.

Á  +-(1145)  

+-

    M. Khurrum Awan (étudiant en Loi, Congrès islamique canadien): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour.

    Je m'appelle Khurrum Awan et je suis ici aujourd'hui au nom du Congrès islamique canadien.

    Le Congrès islamique canadien représente les intérêts et les préoccupations de dizaines de milliers de musulmans qui résident au Canada et proviennent de diverses cultures, de divers pays et de diverses ethnicités.

    Notre communauté a été touchée de façon disproportionnée par diverses mesures législatives prises après le 11 septembre. Nous sommes d'avis que les lois canadiennes sur la citoyenneté et certains projets de loi récents destinés à modifier ces lois ont une incidence disproportionnée sur les groupes minoritaires, dont la communauté islamique. En cette période où le comité et le gouvernement envisagent de réformer les lois sur la citoyenneté, j'aimerais attirer votre attention sur quelques mesures qui inquiètent particulièrement notre communauté et d'autres groupes minoritaires.

    Notre premier point de vue, c'est que les pouvoirs de révocation et d'annulation découlant des lois canadiennes actuelles sur la citoyenneté et des propositions de réforme subséquentes violent les droits à l'égalité enchâssés dans la Charte des droits et libertés. Toute mesure autorisant la révocation ou l'annulation de la citoyenneté et s'appliquant exclusivement aux Canadiens naturalisés établit une distinction entre eux et les autres Canadiens, ce qui leur confère un statut de citoyens de seconde classe. De plus, la plupart des Canadiens naturalisés font partie de groupes minoritaires particuliers, ce qui signifie que ces groupes ressentent de façon disproportionnée l'effet de ces lois.

    Nous nous inquiétons de la possibilité de l'établissement d'un profil ethnique dans le contexte de ces mesures. Beaucoup de Canadiens naturalisés sont de nationalité particulière, et les membres de ces groupes sont plus susceptibles d'être surveillés par application des pouvoirs de révocation. Par conséquent, la loi telle qu'elle se présente actuellement envoie le message que certains citoyens sont plus Canadiens que d'autres. Nous recommandons que toute proposition future de loi sur la citoyenneté se fonde obligatoirement sur le traitement égal des Canadiens naturalisés et des Canadiens non naturalisés.

    Notre second point de vue, c'est que les pouvoirs de révocation, d'annulation et d'attestation de la sécurité contenus dans les lois canadiennes actuelles sur la citoyenneté ou les propositions de réforme violent les principes de justice fondamentale et les règles de droit prescrites à l'article 7 de la Charte des droits et libertés. Nous craignons beaucoup l'effet de pouvoirs d'attestation de la sécurité et d'annulation de la citoyenneté, comme on en trouvait aux articles 17 et 18 du projet de loi C-18. Ces pouvoirs représentent une dévolution de pouvoirs discrétionnaires à l'autorité exécutive du gouvernement, ce qui est contraire aux principes de poids et de contrepoids qui évoluent dans la démocratie canadienne. Ils entachent la transparence du processus d'octroi de la citoyenneté. Ils ouvrent la porte à l'influence politique et remplacent la primauté du droit par la primauté du Cabinet.

    Le risque d'erreur judiciaire est grave, compte tenu des protections de procédure minimales mentionnées par les autres témoins qui ont pris la parole avant moi. Le côté arbitraire et le pouvoir discrétionnaire excessif qu'on trouve dans l'article sur les attestations de sécurité sont d'autant plus graves que cet article s'applique aux personnes accusées de terrorisme, de crimes de guerre et de crime organisé—ni la loi ni le projet de loi ne précisent clairement quelles activités sont comprises dans ces catégories.

    C'est un grand sujet de préoccupation pour la communauté islamique, parce que les membres de notre communauté subissent de façon disproportionnée l'incidence de la terminologie vaste et vague adoptée dans d'autres lois depuis quelques années. Selon la Cour suprême du Canada, l'article 7 de la Charte des droits et libertés prescrit que la punition doit être proportionnelle à la répréhensibilité morale de l'acte. Nous estimons que la punition, soit celle de révoquer sa citoyenneté à une personne puis potentiellement de l'expulser, n'est pas proportionnelle à la punition ordinaire pour une fraude.

    De plus, par application de l'article 7 de la Charte, la Cour suprême a jugé que lorsque la liberté et la sécurité de la personne sont en jeu, le fardeau de la preuve et les protections de procédure consenties à l'accusé doivent être plus élevés. Bon nombre des libertés dont nous jouissons en tant que Canadiens dépendent de notre statut de citoyen, et la révocation de la citoyenneté compromet clairement ces libertés.

    Nous recommandons que toute nouvelle loi rejette l'utilisation de pouvoirs d'attestation de la sécurité, d'annulation et de révocation et qu'elle prévoie des protections de procédure maximales.

    Notre troisième point de vue, c'est que les lois canadiennes actuelles sur la citoyenneté et les propositions de réforme subséquentes créent d'importantes inquiétudes concernant l'accès à la justice et le coût des litiges. Peu de gens dans notre société peuvent se payer un avocat, particulièrement lorsque le litige risque de durer longtemps. Les citoyens naturalisés, qui bien souvent ne sont au Canada que depuis quelques années et sont en train d'établir leur sécurité financière, sont souvent les personnes pouvant le moins se payer les luxes de notre système judiciaire. Il est possible que des personnes soient privées de leur citoyenneté, non pas parce qu'elles ont commis des actes graves, mais parce qu'elles ne peuvent pas se payer la justice dans notre système. Par conséquent, nos représentants doivent veiller à ce que les lois sur la citoyenneté qu'ils promulguent soient rédigées avec prudence et dictent des critères clairs afin que des mesures soient prises seulement lorsque c'est absolument nécessaire et cela, selon les contraintes de la primauté du droit.

    Notre quatrième point de vue, c'est que les lois canadiennes actuelles sur la citoyenneté et les propositions de réforme subséquentes ont des incidences négatives sur la liberté d'expression et les libertés civiles. Les pouvoirs d'attestation de la sécurité, d'annulation et de dénégation contenus dans le projet de loi C-18 sont des exemples de mesures législatives qui deviennent de plus en plus communes et alarmantes depuis quelques années. On peut citer en exemple le projet de loi C-36, Loi antiterroriste; le projet de loi C-17, Loi sur la sécurité publique, en 2002, et le projet de loi C-24, qui comprend des modifications au Code criminel destinées à affranchir les policiers de responsabilités criminelles.

Á  +-(1150)  

    Toutes ces lois ont pour effet cumulatif de miner grandement notre base de libertés civiles et de droit à une application régulière des lois. Il faut mettre un frein à cette érosion. Le dépôt de ce nouveau projet de loi nous offre l'occasion de renverser cette tendance dangereuse, qui menace sérieusement la liberté d'expression et les libertés civiles.

    Notre cinquième point est que la législation canadienne actuelle en matière de citoyenneté et les tentatives subséquentes de réforme vont à contre-courant de la trame multiculturelle de la société canadienne. Des lois iniques qui font de la discrimination fondée sur l'origine nationale et qui accordent un traitement inéquitable aux citoyens naturalisés canadiens entraînent le risque que ce genre de traitement soit légitimé dans l'application de la législation. Un tel traitement inéquitable risque de favoriser la ségrégation en fonction des origines nationales et ethniques, ce qui, de toute évidence, va à l'encontre des valeurs que nous désirons promouvoir au Canada.

    Notre dernier point est que le refus de la citoyenneté sur la base de critères vagues contrevient à l'article 7 de la Charte. Comme je n'ai pas suffisamment de temps pour vous exposer ce point en détail, je vais conclure, monsieur le président, mesdames et messieurs, en vous soulignant que le Congrès islamique canadien et les autres membres de la coalition aimeraient voir le gouvernement et nos représentants élus s'acquitter de leurs obligations quant au respect de la Charte et des principes fondamentaux d'équité et de justice.

    Je tiens à féliciter le comité pour le dernier rapport qu'il a présenté.  On y traite de bon nombre des préoccupations que nous avons soulevées ici aujourd'hui. J'ose espérer que le comité saura poursuivre son bon travail et jouer un rôle concret dans la formulation de la nouvelle loi sur la citoyenneté.

    J'aimerais vous rappeler que l'un des éléments moteurs du rapatriement de notre Constitution en 1982 et de la mise en application subséquente de la Charte a été l'idée que certaines valeurs revêtent une importance telle qu'il est nécessaire de les mettre à l'abri, même des législateurs élus, et qu'elles doivent gouverner non seulement quelques lois à notre convenance, mais la totalité de notre législation. Nous serions déçus de voir nos représentants invoquer une clause nonobstant par des voies détournées en disant simplement que la Charte ne s'applique pas. S'ils ne veulent pas que la Charte s'applique, ils devraient le dire directement et se servir de la clause de dérogation prévue à l'article 33 de la Charte, puis payer le prix politique d'une telle décision. Pour quiconque croit en la suprématie de la Constitution, la Charte doit absolument s'appliquer.

    Merci.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Awan. Je vous prie de m'excuser pour avoir inversé votre prénom et votre nom lorsque je vous ai présenté. Vous pouvez garder en souvenir votre plaque d'identification pour bien montrer que le gouvernement n'a pas toujours raison, pas plus que le Parlement d'ailleurs. Merci beaucoup.

    Nous passons maintenant à M. Pidruchney.

+-

    M. Bill Pidruchney (Edmonton, Congrès des ukrainiens-canadiens): Bonjour, mesdames et messieurs. Comme je suis né en Alberta, la province du boeuf, je veux d'abord vous dire que ces dispositions concernant la dénaturalisation et l'expulsion ne me concernent pas directement en tant que victime possible, mais touchent toutes les personnes qui doivent immigrer au Canada.

    Il y a 16 ans, je me retrouvais de l'autre côté du couloir dans la Salle du Comité des Chemins de fer pour recevoir, en même temps que 24 autres personnes, un certificat du mérite civique du gouvernement du Canada. À l'époque, je considérais cela comme une simple récompense pour mon travail au sein de notre communauté au pays. Au fil des ans, j'ai toutefois pu me rendre compte que cette récompense était davantage un défi : je devais travailler pour faire en sorte que la citoyenneté canadienne soit une marque significative et valide et demeure la citoyenneté la plus recherchée dans toute la planète.

    Je suis un avocat à la retraite. Lorsque j'ai pris ma retraite, j'ai pensé que je pourrais contribuer de cette façon à veiller à ce que notre législation ne comporte pas de loi inéquitable, inappropriée, illégale et inconstitutionnelle, et à ce que les valeurs préconisées dans notre pays soient non seulement préservées par écrit, mais également appuyées de manière proactive.

    Mes collègues vous ont présenté des arguments très probants aujourd'hui : les dispositions touchant la dénaturalisation et l'expulsion devraient être rayées de la loi actuelle et toute tentative visant à introduire ou à ajouter des mesures de cette nature devrait être abandonnée. Deuxièmement, nous devrions mettre en oeuvre les mesures les plus efficaces possible pour régler le problème des gens qui veulent immigrer au Canada et qui ont une bonne raison pour ce faire, mais qui ne seront probablement pas admis en raison des critères en place.

    Plutôt que d'utiliser les termes dénaturalisation et expulsion, je préfère parler de dispositions de retrait et de renvoi—on vous retire votre citoyenneté et on vous renvoie à l'extérieur du pays. C'est une façon de se débarrasser du problème. Je parle donc des clauses R et R.

    Comme de raison, la Charte des droits et libertés a été citée à maintes reprises, mais j'aimerais vous faire lecture du libellé exact des clauses que nous devons respecter dans l'application de toutes les lois de notre pays. Ainsi, l'article 7, déjà mentionné, prévoit ce qui suit :

Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

    J'insiste sur l'expression « justice fondamentale ».

    L'article 15 traite des droits à l'égalité :

La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination.

    Je souligne « indépendamment de toute discrimination ».

    L'article 11 traite du droit de bénéficier d'une application régulière de la loi, ce qui concerne essentiellement le processus judiciaire. On y dit ce qui suit :

Tout inculpé a le droit: a) d'être informé sans délai anormal de l'infraction précise qu'on lui reproche.

    La loi actuelle permet l'envoi d'une lettre à la dernière adresse connue de l'intimé. Si celui-ci ne la reçoit pas, quelqu'un cognera chez lui à 3 heures du matin pour lui dire : « Vous êtes en état d'arrestation pour être dénaturalisé et expulsé ».

    Le paragraphe 11c) stipule que l'inculpé a le droit de ne pas être contraint de témoigner contre lui-même dans toute poursuite intentée contre lui pour l'infraction qu'on lui reproche, alors que la loi en vigueur prévoit qu'une personne est tenue de fournir des preuves contre elle-même. Si vous n'obtempérez pas, vous serez coupable d'outrage au tribunal et on vous enverra derrière les barreaux.

    L'alinéa (d) précise que l'inculpé a le droit :

d'être présumé innocent tant qu'il n'est pas déclaré coupable, conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l'issue d'un procès public et équitable.

    Cette clause s'applique généralement à un tribunal de justice. On ne parle pas d'un Cabinet du gouvernement qui décide s'il doit y avoir ou non expulsion. Le Cabinet n'est pas une instance judiciaire; il a usurpé le pouvoir des tribunaux. Cette usurpation est l'un des problèmes fondamentaux de notre système et nous ne pouvons pas permettre une telle situation.

    L'article 12 se lit comme suit:

Chacun a droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités.

    Qu'est-ce qui est cruel et inusité? La pire sentence dont vous pouvez écoper au Canada pour meurtre est une condamnation à perpétuité avec possibilité de libération après 25 ans. Si vous êtes expulsé, la sentence est permanente. Une condamnation pour meurtre peut être annulée par la suite s'il y a de nouveaux éléments, comme nous avons pu le constater. Une expulsion est irrévocable. Vous ne pouvez jamais revenir au Canada si vous êtes expulsé, alors que si vous êtes un criminel, comme ce M. Olson de la Colombie-Britannique qui a tué 15 filles, vous pouvez demeurer en prison et utiliser notre système, vous rendre aux audiences en hélicoptère, etc.

Á  +-(1155)  

    Voici ce que l'Association du Barreau canadien écrivait dans un mémoire qui a été présenté à ce comité le 22 novembre 2002 et qu'on peut consulter sur le site Web de l'Association : « La révocation ou l'annulation de la citoyenneté comptent parmi les sanctions les plus graves qu'un État puisse imposer à ses citoyens. » Notez bien le terme « imposer ». C'est l'État qui s'en prend à ses citoyens, plutôt que de travailler pour eux, alors que ce sont ces citoyens mêmes qui forment l'État. Une telle mesure peut entraîner la perte de tout statut et le renvoi du Canada. « Ces conséquences sont manifestement graves et exigent un respect total du processus applicable, de l'équité de la procédure et des droits d'appel appropriés. »

    C'est une citation très intéressante parce que la Loi sur la citoyenneté, dans sa formulation actuelle, stipule elle-même à l'article 6 que :

    

Tout citoyen, qu'il soit né ou non au Canada, jouit des droits, pouvoirs et avantages conférés aux citoyens qui ont cette qualité aux termes de l'aliéna 3(1)a); il est assujetti aux mêmes devoirs, obligations et responsabilités, et son statut est le même.

    Essentiellement, cela signifie que, peu importe votre lieu de naissance, vous avez le même statut que tous les autres Canadiens.

    Chose intéressante, l'une des modifications proposées dans le cadre du projet de loi C-18 vient encore consolider cette affirmation. L'article 3 indique ainsi que « La présente loi a pour objet » :

    

d) de réaffirmer que tous les citoyens jouissent du même statut, sans égard à la façon dont ils sont devenus citoyens;

    L'alinéa g) ajoute l'objectif :

    

g) de promouvoir le respect des principes et des valeurs sur lesquels repose une société libre et démocratique...

  +-(1200)  

+-

    L'hon. David Anderson (Victoria, Lib.): Puis-je vous poser une question? Si je vous comprends bien, c'est le libellé du projet de loi qui indique que le statut est le même sans égard à la façon dont une personne a obtenu la citoyenneté?

+-

    M. Bill Pidruchney: C'est exact.

+-

    L'hon. David Anderson: D'accord. Merci.

+-

    M. Bill Pidruchney: Je me ferai un plaisir de vous en fournir un exemplaire si cela peut vous être utile.

+-

    L'hon. David Anderson: Je voulais seulement m'assurer que c'était bien une citation.

+-

    M. Bill Pidruchney: L'article 12 de la nouvelle loi proposée se lit comme suit :

    

Tous les citoyens jouissent des mêmes statuts et des mêmes droits, pouvoirs et avantages et sont assujettis aux mêmes devoirs, obligations et responsabilités, sans égard à la façon dont ils sont devenus citoyens.

    Je vous demande donc, monsieur le président, mesdames et messieurs, s'il s'agit simplement de poudre aux yeux? S'agit-il seulement de belles paroles qu'on a couché sur le papier pour les ignorer et ne pas les prendre en compte à un point tel qu'on en vient à accepter les opinions qui vont à leur encontre?

    Cette loi ne présente aucun risque pour moi. C'est le cas pour bon nombre d'entre nous. La gouverneure générale du Canada pourrait par contre en être victime parce qu'elle est arrivée au pays à titre d'immigrante alors qu'elle était encore bébé. Ne serait-il pas intéressant de voir ce type de disposition s'appliquer dans son cas?

    Je crois bien que je n'ai plus de temps. Nous vous ferons parvenir le reste de ces documents, mesdames et messieurs. Merci beaucoup.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Je pourrais mentionner que la moitié des membres de ce comité ne sont pas nés au Canada.

    Nous allons passer à une première série de questions qui sera divisée en tranches de sept minutes pour chaque intervenant et les témoins qui lui répondent.

    Madame Ablonczy.

+-

    Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, PCC): Merci, monsieur le président, et merci à tous nos témoins. Vos exposés ont été très intéressants; si une personne qui regarde nos délibérations n'a pas encore compris de quoi il en retourne; c'est qu'elle n'a pas été attentive, parce qu'il est très clair qu'il y a quelque chose qui cloche vraiment quand une loi permet de priver les citoyens de leur citoyenneté derrière des portes closes en vertu d'une décision prise par quelques personnes par ailleurs guidées par des considérations politiques.

    En ma qualité de porte-parole de mon parti—et je crois qu'il en va de même des autres partis—je suis d'avis que si l'on doit retirer sa citoyenneté à quelqu'un, il convient de respecter les normes les plus rigoureuses qui soient en matière de droit à une application régulière de la loi et de fardeau de la preuve, c'est-à-dire qu'il faut aller au-delà de tout doute raisonnable.

    Comme il a déjà été mentionné ici, dans le cas de M. Odynsky, maintenant soumis au Cabinet, le tribunal a bel et bien déterminé que cet individu n'avait commis aucun crime de guerre mais qu'il pourrait, suivant la prépondérance des probabilités, avoir omis de divulguer certains renseignements concernant ses antécédents lorsqu'il a été admis au Canada. On ne parle pas ici de norme de preuve la plus rigoureuse possible. La prépondérance des probabilités ne suffit pas à cette fin; il convient d'aller au-delà de tout doute raisonnable.

    Je dirais que le fait de retirer sa citoyenneté à une personne peut raisonnablement être comparé à la peine capitale. La peine capitale prive une personne de sa liberté, et Bill mentionnait que priver quelqu'un de sa citoyenneté, c'est un peu comme une peine capitale du point de vue social et identitaire, parce que vous n'avez plus accès à tout ce qui vous a procuré la liberté jusqu'à maintenant. C'est une question très grave.

    Nous nous sommes donc vivement opposés aux tentatives répétées de ce gouvernement s'inscrivant dans cette ligne de pensée.

    J'ai une question pour vous, parce que vous avez pour la plupart cité la Charte des droits. Pourquoi la Charte n'a-t-elle pas été invoquée lorsque vous avez discuté avec le gouvernement au sujet de cette question de la révocation? Par exemple—et quelqu'un l'a déjà mentionné—dans la loi actuelle sur le mariage, le gouvernement prétend qu'il faut changer la définition du mariage parce que nous ne voulons pas nous retrouver avec deux classes de citoyens et parce que nous voulons nous assurer que la loi s'applique de façon équitable. Pourtant, comme plusieurs d'entre vous l'ont souligné, la Loi sur la citoyenneté et la procédure suivie actuellement par le cabinet créent bel et bien deux classes de citoyens: les personnes qui n'ont aucune crainte de voir leur citoyenneté révoquée et celles qui en courent le risque.

    Les droits à l'égalité n'ont pas été respectés parce que pour la plupart des infractions vous avez le droit, comme Bill l'a signalé, à un procès public et équitable, alors qu'en l'espèce, les audiences ne sont pas publiques; elles se déroulent derrière des portes closes, avec la participation de seulement quelques membres du Cabinet, dont certains ont déjà intenté des poursuites contre la personne visée.

    Lorsque vous soumettez ces arguments aux responsables en place qui s'efforcent de justifier cette façon de faire, quels motifs font-ils valoir quant au fait qu'il y a violation de la Charte, que l'on enfreint les interdits touchant la création de classes de citoyens, et que l'on ne respecte pas le droit à une application régulière de la loi? Est-ce qu'on vous fournit des arguments raisonnables pour justifier de tels procédés?

  +-(1205)  

+-

    M. Bill Pidruchney: Madame Ablonczy, je ne peux vous répondre quant aux réponses que nous aurions pu obtenir du gouvernement, parce que nous nous adressons essentiellement aux représentants élus, c'est-à-dire à vous-mêmes, pour que vous transmettiez notre message; après quoi le processus politique et les processus parlementaires suivent leur cours. Nous savons tous à quel point ces processus peuvent parfois être très lents. Je me réjouis donc de constater que ce dossier demeure actif ici.

    J'aimerais faire un commentaire en réponse au point touchant la Constitution. Le paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle prévoit ce qui suit:

    La Constitution du Canada est la loi suprême du Canada; elle rend inopérantes les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit.

    Je prends cette disposition au pied de la lettre et j'ai l'intention, de concert avec mes collègues et d'autres personnes avec lesquelles j'ai travaillé, de porter cette affaire devant la Cour suprême du Canada pour qu'elle se prononce relativement à la légalité et à la constitutionnalité des clauses de dénaturalisation et d'expulsion parce que selon mon interprétation personnelle de la Constitution, ces dispositions sont totalement inconstitutionnelles.

    J'ai même entendu dire qu'il existait un petit fonds de subvention pour appuyer les gens qui veulent aller devant la Cour suprême du Canada; j'espère donc que vous pourrez m'aider lorsqu'on en arrivera à cette étape. Si votre comité et le gouvernement ne prennent pas les mesures qui s'imposent dans ce dossier, c'est le seul recours qu'il restera aux citoyens. Et c'est celui qui compte vraiment.

    Merci.

+-

    Mme Diane Ablonczy: Je ne le penserais certainement pas. Le premier ministre a dit récemment qu'on ne choisit pas les droits que l'on a et ceux que l'on n'a pas. Je ne vois pas—et on ne m'a jamais dit—comment on pourrait vraiment justifier cela de manière convaincante.

    J'ai une autre question. Prenons le cas de M. Odynsky, dont le Cabinet a été saisi. Le Cabinet décidera derrière des portes closes s'il révoquera la citoyenneté de cette personne en raison de crimes de guerre, même si le tribunal a conclu qu'il n'en avait pas commis. En septembre, le gouvernement a publié un rapport dans lequel on lisait que le nombre de criminels de guerre en liberté ici était passé de 75 à 125 l'an dernier. Je ne comprends pas—et vous pouvez peut-être m'aider à cet égard—pourquoi le Cabinet et le gouvernement prendraient des mesures contre M. Odynsky, qui a été reconnu comme n'étant pas un criminel de guerre, qui a plus de 75 ans, je crois, et qui ne peut constituer une grande menace pour notre société, mais qu'il permettrait en même temps à un nombre croissant de criminels de guerre reconnus de circuler dans nos rues sans qu'il n'y ait, à ce que je sache, des mesures prises pour les expulser. Avez-vous discuté de cela, monsieur Grod, ou tout autre membre de la coalition? Pouvez-vous répondre à cela?

+-

    Le président: Votre temps est écoulé.

    Monsieur Grod, vous pouvez peut-être donner une brève réponse.

+-

    M. Paul Grod: Madame Ablonczy, je dirais que les chiffres que l'unité des crimes de guerre présente aux Canadiens ternissent la réputation du gouvernement du Canada. Il y a des incohérences. Dans le Cinquième rapport annuel : Programme canadien sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre, il est écrit :

En 1985, le gouvernement a créé la Commission Deschênes, commission d'enquête sur les crimes de guerre, qui a dressé trois listes de suspects comptant 883 noms. La principale recommandation du juge Deschênes était que la GRC et le ministère de la Justice obtiennent le mandat de faire enquête sur ces suspects.

    Cette affirmation est inexacte. La commission Deschênes a recommandé que 622 de ces 883 dossiers soient clos immédiatement. Il n'y avait aucune preuve ni aucune justification. On continue ainsi d'exagérer de 400 p. 100 le nombre de criminels de guerre présumés vivant au Canada, exagération qui a conduit à la mise sur pied de la commission Deschênes.

    Nous disons que si le gouvernement du Canada a la preuve que quelqu'un a commis un crime de guerre ou un crime contre l'humanité, cette personne doit alors être poursuivie devant un tribunal pénal. L'unité des crimes de guerre ne devrait pas ternir l'image du Canada en prétendant qu'il existe dans notre pays des criminels de la Seconde Guerre mondiale ou de toute autre guerre, si elle ne peut le prouver. Elle ne devrait pas induire les Canadiens en erreur. S'il y a des preuves, alors faites-les valoir devant un tribunal pénal canadien au lieu de faire des allégations. On ternit l'image des Canadiens lorsque l'on laisse croire que nous accueillons des criminels de guerre.

  +-(1210)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Nous donnons maintenant la parole à madame Faille.

[Français]

+-

    Mme Meili Faille (Vaudreuil-Soulanges, BQ): Je vous remercie de vos témoignages.

    Le Québec accueille un grand nombre de personnes de toutes origines. Vos témoignages sont éloquents et me touchent beaucoup.

    Je suis d'avis qu'on est sur le point de rompre l'équilibre entre les droits individuels et les droits de l'État. Cette tendance, que vous avez observée, doit être considérée sérieusement, et les sociétés québécoise et canadienne ont le droit de s'attendre à ce que des mesures soient prises pour renverser cette tendance.

    En matière de citoyenneté, le Bloc québécois soutient les principes que vous avez énumérés. La citoyenneté est un droit, et non un privilège. On a le droit à un traitement juste et équitable. Nous sommes inquiets des impacts des mesures de révocation de la citoyenneté mis de l'avant par le gouvernement fédéral. Nous déplorons le fait qu'on puisse révoquer l'accès aux droits fondamentaux naturels d'une personne. Cela n'est pas acceptable.

    En outre, nous sommes opposés aux renvois de personnes dans des pays où elles sont susceptibles d'être torturées. Nous déplorons l'inexistence d'un droit d'appel en matière de citoyenneté et le manque d'indépendance des tribunaux administratifs, de l'influence de nominations ou de décisions politiques, voire partisanes.

    Dans la foulée des événements du 11 septembre 2001, une série de mesures et de lois ont été altérées. Il s'agit de mesures sévères qui ne font pas l'unanimité au Québec et au Canada.

    Observez-vous une fragilisation de la confiance des différentes communautés envers nos institutions?

    Ces mesures nuisent-elles au travail d'intégration et de promotion de la citoyenneté?

    Merci.

[Traduction]

+-

    Mme Avvy Yao-Yao Go: Je suis ravie de pouvoir aborder ce sujet puisque, comme certains de nos collègues l'ont dit précédemment, la lutte antiterroriste a entraîné un profilage racial, la révocation des libertés civiles d'un grand nombre de Canadiens.

    Bon nombre de choses se sont produites depuis le 11 septembre et ont été justifiées de cette façon, mais je crois que nous devons aussi reconnaître qu'un grand nombre de ces mesures législatives, notamment la Loi sur la citoyenneté, existaient avant l'événement du 11 septembre. Le gouvernement ne peut pas invoquer le 11 septembre pour justifier ce qu'il fait avec la Loi sur la citoyenneté qui, à elle seule, a ébranlé considérablement la confiance de nombreux groupes communautaires à l'égard de ce que représentent le Canada et la citoyenneté canadienne, tant ici qu'à l'étranger. Quel message sommes-nous en train de transmettre par rapport à la tradition humanitaire que nous nous sommes souvent appropriée?

    J'aimerais également revenir à la question soulevée par Mme Ablonczy au début de son intervention. À mon avis, une des raisons pour lesquelles la Charte n'a pas été invoquée, c'est que bon nombre de ces personnes ne peuvent se permettre d'avoir recours aux tribunaux pour contester la Loi sur la citoyenneté en vertu de la Charte. En effet, ce processus est très coûteux et, comme vous l'avez souligné, un grand nombre de ces personnes sont des septuagénaires. Certaines sont atteintes de la maladie d'Alzheimer. Un citoyen ordinaire sans ressources ne peut entreprendre ces poursuites, et je crois que vous devez aussi en tenir compte lorsque vous recommanderez des changements.

    Même si nous proposons d'établir la norme du doute raisonnable ou le droit d'appel en guise de protection, ces procédures restent tout de même très coûteuses. Une meilleure solution serait peut-être de fixer un délai pour la révocation de la citoyenneté.

  +-(1215)  

[Français]

+-

    Mme Meili Faille: Trouvez-vous qu'il y a des parallèles entre les politiques canadienne et américaine, c'est-à-dire une tendance à l'harmonisation des politiques?

[Traduction]

+-

    Mme Ameena Sultan: Pour faire suite à votre question et aux commentaires de Mme Go, je parle au nom de la communauté que je représente, c'est-à-dire la communauté arabo-canadienne, et elle a le sentiment que la guerre antiterroriste oriente de nombreux changements dans la législation.

    Certes, les mesures législatives dont nous parlons aujourd'hui existaient bien avant le 11 septembre et la guerre antiterroriste, mais il semble qu'on ait redoublé d'efforts non seulement dans l'application des lois, mais aussi dans la mise en place d'outils de lutte antiterroriste. La communauté a l'impression que ces efforts sont dirigés contre elle et ses activités. La Loi sur la sécurité publique et plus particulièrement le projet de loi C-36 puis ces mesures législatives sont donc perçus comme des instruments qui permettent de cibler certaines communautés de façon démesurée et de contrôler leurs activités. Des soupçons peuvent être validés et faire du tort à ces communautés et à ces personnes.

+-

    M. Khurrum Awan: J'aimerais ajouter que même si on nous donne tous ces nouveaux textes de loi, il y a très peu de consultations démocratiques ou publiques sur les risques encourus. Le gouvernement est très peu loquace sur les risques réels posés au bien-être des Canadiens et il y a très peu de consultations démocratiques ou publiques sur le type de mesures qui s'imposent.

    On nous dit constamment qu'une menace existe et qu'une certaine mesure est nécessaire. Il est intéressant de noter que bon nombre des mesures qui sont adoptées existent déjà en droit criminel. Par exemple, le projet de loi C-36 comportait toutes ces infractions liées au terrorisme. Toutefois, le meurtre au premier degré, la participation à un complot et des délits de cette nature étaient déjà couverts par le Code criminel.

    Il y a donc beaucoup de redondance, comme nous pouvons le constater dans les lois actuelles qui touchent à la citoyenneté. Il pourrait arriver que le gouvernement accuse quelqu'un en vertu de la Loi antiterroriste, puis délivre une attestation de sécurité en vertu des lois en matière de citoyenneté. Il y a un risque de poursuivre une personne deux fois pour la même infraction.

+-

    Le président: Merci. Nous allons donner la parole à M. Siksay. Si vous voulez poser une question, veuillez préciser à qui elle s'adresse.

+-

    M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD): Merci, monsieur le président. J'aimerais remercier tous les témoins pour leurs exposés très convaincants. Ils étaient très importants.

    Permettez-moi de dire que je partage votre frustration à l'égard de l'ancienne ministre qui a produit d'autres avis de fausse déclaration, compte tenu surtout des questions que notre comité a soulevées au cours des derniers mois, mais aussi compte tenu du débat que tient la communauté sur ces questions. Lorsqu'un ministre fait fi des dispositions de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés—le refus de mettre sur pied la section d'appel des réfugiés montre bien que la ministre était déterminée à ne pas appliquer certaines parties de la loi adoptées par le Parlement—je crois, compte tenu des questions importantes qui ont été soulevées, que le moment était mal choisi pour aller de l'avant avec ces avis, c'est le moins qu'on puisse dire.

    Je dois dire aussi que je suis frustré que nous soyons ici à imaginer ce à quoi peut ressembler une nouvelle loi sur la citoyenneté. Nous avons tenté tellement souvent d'avoir cette loi devant nous. L'automne dernier, le gouvernement avait promis que si le comité examinait pendant un certain temps le travail effectué par le passé relativement à la Loi sur l'immigration et qu'il présentait quelques recommandations, nous aurions une nouvelle loi sur l'immigration devant nous en février. Or, nous en sommes à la deuxième semaine de séances. Aucun projet de loi ne nous a été présenté, et la rumeur veut que ce ne soit pas avant avril. C'est inacceptable, compte tenu encore une fois des questions incroyables qui ont été soulevées à ce sujet.

    J'ajouterais également que je suis entièrement d'accord avec vous pour dire qu'il existe deux classes de citoyen. Pour utiliser une expression que les parlementaires de l'opposition utilisent souvent, c'est tout à fait inacceptable dans notre pays. Quand je songe à toutes les fois que j'ai assisté à une cérémonie de citoyenneté et à l'importance qu'elle revêt pour les gens, il est impensable que ce soit un exercice préliminaire ou exploratoire ou quelque chose qui pourrait changer plus tard. Il me semble qu'un engagement mutuel est pris à ce moment-là, lorsque des gens font des promesses et prononcent des voeux concernant leur participation à la société canadienne. Or, la société canadienne fait une promesse équivalente à ces gens à cette occasion-là et il me semble que cette promesse n'est pas respectée à l'heure actuelle.

    Je crois également que le processus concernant l'attestation de sécurité doit être aboli. Je ne vois pas comment ça peut fonctionner. Il me semble que bon nombre de ces nouvelles mesures législatives et autres remettent en question l'efficacité de certaines lois canadiennes fondamentales, qui n'étaient pas inefficaces, à mon avis. J'aimerais qu'on me dise ce qui cloche dans le Code criminel pour que nous ayons besoin de cette mesure législative spéciale, ou ce qui cloche dans les dispositions prévues relativement aux crimes de guerre et aux crimes contre l'humanité. Doit-on corriger quelque chose au lieu de passer par la porte de derrière et adopter des mesures comme cette norme de preuve? Il n'y a aucune excuse à cela.

    Je n'ai que quelques questions. Madame Sultan, vous avez parlé d'un processus lié à la résidence permanente comme solution de rechange au délai prescrit. Pouvez-vous donner plus d'explications et nous dire comment vous voyez la chose ou quel genre de questions ne trouvent pas réponse dans le processus lié à la résidence permanente? Je vous prie de préciser davantage cette idée, qui me paraît intéressante et utile.

  +-(1220)  

+-

    Mme Ameena Sultan: Ce que je comprends à l'heure actuelle—ou plutôt ce que je sais—, c'est que la période de résidence permanente permet de déclarer une personne non-admissible. Par exemple, si durant cette période, quelqu'un est trouvé coupable d'un crime grave, de terrorisme ou de crimes de guerre, elle peut être jugée non-admissible et perdre son statut de résident permanent et elle n'obtiendra certainement pas la citoyenneté canadienne.

    Notre coalition en est venue à l'idée que cette disposition vise le même objectif que semblent viser la législation en matière de citoyenneté ou les dispositions sur la révocation, c'est-à-dire empêcher certaines personnes d'entrer au Canada. Si la période de trois ans est insuffisante pour examiner correctement les antécédents d'une personne, alors cette période devrait peut-être être prolongée. Cette mesure peut être pénible pour la personne concernée, mais elle est moins dommageable qu'une disposition qui permet de révoquer la citoyenneté d'une personne après qu'on lui a dit qu'elle était acceptée et membre à part entière de notre société.

    C'est donc peut-être une mesure à envisager—une prolongation, ou des prolongations provisoires. Pareilles choses seraient acceptables, à mon avis, parce que le Canada a certainement le droit de choisir qui deviendra citoyen. Cette mesure pourrait être acceptable, ou peut-être prolongée pour être plus utile au processus.

+-

    Mme Avvy Yao-Yao Go: Puis-je répondre à cela? Bien que je souscrive au principe, j'aurais deux réserves à formuler. Premièrement, en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés qui est en vigueur, les décisions ou les dispositions concernant la non-admissibilité ne donnent pas toutes lieu à un droit d'appel. Pour certaines déclarations de culpabilité, vous n'avez aucun droit d'appel devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, si bien que vous pourriez vous retrouver dans la même situation que sous le régime de la Loi sur la citoyenneté.

    Deuxièmement, bien qu'en théorie il faille attendre trois ans pour devenir citoyen, en réalité, en raison des vérifications de sécurité et tous les autres retards bureaucratiques, il n'est pas inhabituel d'attendre un an et demi ou deux ans après avoir présenté la demande. En fait, on parle de cinq ans.

    Je comprends les préoccupations et la suggestion faite, mais je crois qu'il faut regarder la réalité ainsi que les lacunes du système d'immigration avant d'en arriver à des propositions concrètes.

+-

    M. Bill Siksay: Monsieur Awan, vous avez dit que vous aviez quelque chose à ajouter au sujet du refus de citoyenneté et les raisons invoquées, l'imprécision des propositions et ce genre de chose. Je voudrais simplement vous donner la chance de le faire.

+-

    M. Khurrum Awan: Bien sûr. J'aimerais simplement citer la disposition qui était prévue pour le refus de citoyenneté. Le projet de loi C-18 permettait de refuser la citoyenneté à une personne si le ministre :

    est convaincu qu'il existe des motifs raisonnables de croire qu'une personne a fait preuve d'un grave mépris à l'égard des principes et des valeurs sur lesquels se fonde une société libre et démocratique...

    Cet article est beaucoup trop général. Par exemple, quelles sont les valeurs sur lesquelles se fonde une société libre et démocratique? Quelles sont les valeurs canadiennes? Quel degré de dissension est permis? Les opinions qui ne sont pas populaires ou répandues sont-elles visées? L'imprécision de cette disposition entraîne une incertitude dans la loi et ne satisfait certainement pas à l'exigence voulant qu'un avertissement raisonnable soit donné aux citoyens sur ce qu'est la loi. Encore une fois, on donne un pouvoir discrétionnaire excessif à l'exécutif du gouvernement parce que c'est lui qui décide de ce qui constitue les valeurs d'une société libre et démocratique, au lieu des tribunaux ou du grand public.

    Le projet de loi C-18 permettait de refuser la citoyenneté pour des accusations au pénal et des déclarations de culpabilité à l'étranger—même si la définition de criminalité peut être bien différente d'un pays à l'autre. De nombreux membres de la communauté islamique peuvent attester que dans leur pays de citoyenneté, la moindre dissension est criminelle.

    Je suis arrivé au Canada il y a environ cinq ans et je suis d'origine pakistanaise. Il est intéressant de lire régulièrement dans les journaux qu'un membre de l'opposition est jeté en prison parce que le président Musharraf a décidé que les valeurs de cette personne constituaient une menace à l'ordre public.

    Nous recommandons donc que le pouvoir de refuser la citoyenneté soit assorti de critères précis, d'abord, et qu'il soit attribué aux tribunaux pour que ces derniers puissent établir les faits, et qu'une personne ait tous les droits d'appel. Un mécanisme clair doit être mis en place pour établir la fiabilité si des accusations au pénal sont faites.

    Voilà ce qui me préoccupait concernant la disposition de refus.

  +-(1225)  

+-

    Le président: D'accord, merci beaucoup.

    Nous allons poursuivre avec M. Wrzesnewskyj.

+-

    M. Borys Wrzesnewskyj (Etobicoke-Centre): Merci.

    À l'instar de mes collègues, j'aimerais vous remercier pour votre exposé très concis. Votre argumentation était extrêmement convaincante.

    Vous dites que ce processus particulier crée deux classes de citoyens et qu'il affaiblit la valeur de la citoyenneté canadienne des personnes qui sont nées à l'extérieur du pays. J'ajouterais que même si je suis né ici, j'ai l'impression que ma propre citoyenneté est dévaluée lorsque des concitoyens canadiens n'ont pas les mêmes droits que moi. C'est donc notre citoyenneté à nous tous qui est dévaluée, non seulement celle des personnes qui sont nées à l'extérieur du pays.

    M. Grod, vous dites que dans ce processus particulier, le gouvernement est à la fois juge et juré. Après avoir écouté les exposés, seriez-vous d'accord pour dire que c'est plus que cela, que le gouvernement est en fait le procureur, le juge et le juré?

+-

    M. Paul Grod: Absolument. Vous avez raison : il est le procureur, le juge et le juré.

    Le ministre de la Citoyenneté produit l'avis de révocation et l'unité des crimes de guerre entreprend les poursuites. Cette unité est une initiative conjointe du ministre de la Citoyenneté et du procureur général. Ils écoutent ensuite la conclusion de fait et décident s'ils vont recommander au Cabinet de révoquer ou non la citoyenneté. Ils décident donc de poursuivre en justice, ils décident s'ils doivent recommander la révocation, puis ils siègent également au comité du Cabinet qui détermine si la révocation aura lieu.

+-

    M. Borys Wrzesnewskyj: Merci.

    Monsieur Pidruchney, combien d'articles de la Charte des droits sont violés par ce processus? Vous avez dressé la liste. Avez-vous un chiffre exact?

+-

    M. Bill Pidruchney: Merci, monsieur Wrzesnewskyj.

    J'ai identifié six articles de la Charte que j'ai énumérés ici aujourd'hui, et ce sont ceux qui sont les plus importants dans ce dossier.

+-

    M. Borys Wrzesnewskyj: Je vous remercie.

    Nous avons beaucoup entendu parler de la manière dont ce processus affecte les droits et la nature du processus comme tel, en théorie. Bien que certains cas particuliers aient été mentionnés, je me suis pris d'un intérêt pour la question et je crois que, par souci d'une plus grande clarté, il est parfois intéressant d'examiner un cas particulier, parce qu'il nous met vraiment la réalité sous le nez.

    Est-il exact que le juge MacKay, dans l'affaire Odynsky, a affirmé qu'il n'avait pas constaté de participation directe ou indirecte à la commission de crimes ou de crimes de guerre, qu'il n'avait relevé aucune activité criminelle?

+-

    M. Bill Pidruchney: Je ne puis que répéter ce que j'ai lu dans la presse, mais Paul Grod a vraiment suivi l'affaire de près et la connaît très bien. Je vais donc le laisser vous répondre.

+-

    M. Paul Grod: C'est juste. Le juge a fait un certain nombre de constatations, soit, tout d'abord, qu'il n'y a aucune preuve d'activité criminelle individuelle, qu'il n'y a pas de preuve de complicité, que la personne n'était pas réputée être un collaborateur. En fait, le plus scandaleux, c'est que la poursuite dans cette affaire n'a même pas déposé de preuve d'une activité criminelle individuelle. Dans le cas de M. Odynsky et d'un certain nombre de ces présumés criminels de guerre, les médias les ont qualifiés de criminels de guerre, mais le gouvernement n'a jamais présenté d'élément de preuve établissant qu'ils l'étaient. C'est grotesque, au point d'en être gênant.

+-

    M. Borys Wrzesnewskyj: Pour en revenir à l'affaire Odynsky, je me souviens d'avoir lu les précisions et la preuve présentées au tribunal. En fait, elles ont été vérifiées et semblent tout à fait exactes.

    En réalité, M. Odynsky n'était-il pas une victime de persécutions nazies? Quand elles sont arrivées dans son village, les troupes allemandes ont rassemblé tout le monde. Il s'est enfui dans la forêt et faisait lui-même face à un escadron de la mort. Son épouse n'a-t-elle pas elle-même été une esclave laboureuse?

  +-(1230)  

+-

    M. Paul Grod: C'est juste. D'après les conclusions du tribunal, après avoir entendu le témoignage donné par le juge MacKay dans sa conclusion, il a de fait constaté que M. Odynsky s'était enfui et qu'on l'avait forcé à travailler contre son gré comme garde en menaçant sa famille.

    À nouveau, je préférerais ne pas tomber dans les nuances de chaque cas parce que nous ne sommes pas ici pour défendre une seule personne. Nous sommes ici pour parler des orientations. Celle dont il faut parler, c'est qu'un citoyen canadien qui a vécu toute sa vie ici au Canada, pendant plus de 60 ans, et qui y a élevé une famille est accusé d'être un criminel de guerre sans aucun élément de preuve.

    Si vous me permettez de souligner simplement quel effet cela a sur la collectivité, les gens craignaient de déclarer sous serment qu'en fait, ils avaient été soumis à un processus de présélection analogue et qu'on ne leur avait pas posé ces questions. Des centaines de personnes ont survécu aux camps de personnes déplacées après la Seconde guerre mondiale. Des centaines de milliers d'entre elles sont arrivées au Canada dans le cadre de ce processus. Des centaines avaient des preuves anecdotiques qu'en fait, de pareilles questions ne leur avaient pas été posées, mais elles avaient toutes peur de témoigner. Elles avaient toutes peur de perdre leur citoyenneté.

    C'est effarant quand on pense qu'on a ce genre de collectivité qui contribue...

+-

    M. Borys Wrzesnewskyj: Monsieur Grod, vous avez répondu à ma question.

    J'aimerais en revenir à ma première question...

+-

    Le président: Non.

+-

    M. Borys Wrzesnewskyj: Dans ce cas, je n'ai plus de question.

    Tout ce processus m'a beaucoup perturbé, et je me suis demandé s'il n'y avait pas quelque chose qui m'échappait. Cela ne semble tout simplement pas logique. J'en reviens toujours à l'affaire Odynsky.

    À ce moment-là, elle était censée être soumise à un comité spécial du Cabinet. J'ai eu l'occasion d'en parler avec le vice-premier ministre John Manley à l'époque afin de me renseigner à l'interne sur la façon dont fonctionne ce processus qui se déroule derrière des portes fermées. Il m'a dit qu'une recommandation est faite et qu'on n'en discute pas beaucoup essentiellement. On se prononce sur la recommandation, qui vient de Citoyenneté et Immigration. Quand j'ai appelé le ministre de l'époque, il m'a dit qu'il appuie sa recommandation sur l'avis du ministère de la Justice. Quand j'ai appelé à la Justice, on m'a dit qu'on s'appuie sur l'avis de l'unité des crimes de guerre.

+-

    Le président: Je vous remercie beaucoup.

    Nous allons maintenant passer à la personne suivante, mais vous avez tout à fait raison de dire qu'il n'y a pas de juge au Cabinet.

    Madame Ablonczy.

+-

    Mme Diane Ablonczy: Monsieur le président, le problème a été soulevé, et je crois qu'il faudrait que nous tentions d'y trouver une solution en tant que comité. Je parle de l'état de la nouvelle loi.

    Nos témoins savent que la Loi sur la citoyenneté est entrée en vigueur en 1977, soit il y a 30 ans presque. Pourtant, en dépit du fait qu'elle ouvre la porte à une injustice et à une inéquité manifestes, comme on vient de le montrer, le gouvernement n'a pas déposé de nouvelle loi durant l'actuelle législature. On nous a promis une loi. J'aimerais savoir, monsieur le président, à quel stade en est la nouvelle loi pour que nous puissions parler en connaissance de cause?

+-

    Le président: Je vous remercie beaucoup. J'aimerais connaître la réponse à cette question moi-même.

    Comme vous le savez, le ministre représentant le gouvernement a comparu devant le comité et nous a demandé de faire un rapport incluant des recommandations au sujet des problèmes qu'on pourrait régler dans la nouvelle Loi sur la citoyenneté. On nous avait dit que le projet de loi nous serait renvoyé au début de février. Je remercie les témoins d'avoir appuyé le rapport, car il s'agit d'un rapport qui a été adopté à l'unanimité.

    J'ignore quand le projet de loi nous sera renvoyé. Bien que l'ancienne ministre nous l'ait promis, le nouveau n'a pas indiqué s'il serait déposé prochainement. La secrétaire parlementaire est peut-être mieux renseignée à ce sujet, mais je n'ai certes pas l'information.

+-

    L'hon. Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.): C'est là une question qu'il vaudrait mieux poser au nouveau ministre quand il comparaîtra devant le comité. Qu'il vous donne lui-même la réponse.

    Quand ce sera mon tour de prendre la parole, j'aimerais faire valoir quelques points qui pourraient en réalité jeter un peu de lumière sur ce dont parle Mme Ablonczy.

  +-(1235)  

+-

    Le président: Il nous tarde d'entendre ce que vous avez à dire.

    Madame Ablonczy.

+-

    Mme Diane Ablonczy: Monsieur le président, j'aimerais simplement demander aux témoins, en plus des graves lacunes qu'ils ont soulignées dans la loi actuelle datant de 1977 et de l'injustice qui en a découlé, quels conseils ils auraient à donner à notre comité pour l'étude de la nouvelle loi, étude que nous espérons faire un de ces jours, et quelles autres dispositions ils aimeraient voir modifiées ou incluses dans la nouvelle loi pour dissiper les préoccupations des collectivités et des organismes qu'ils représentent?

+-

    Mme Avvy Yao-Yao Go: Puis-je répondre? J'ai soulevé quelques points dans mon exposé. En fait, bon nombre des problèmes sont inclus dans le rapport qu'a fait votre comité, mais selon nous, l'obligation de résidence est un des problèmes qu'il faut examiner. Comme je l'ai laissé entendre tout à l'heure, nous devrions voir comment la cour a traité cette question d'obligation de résidence pour nous guider. La LIPR est trop spécifique pour qu'on s'y limite. Elle ne traite pas vraiment du contenu qu'a examiné la cour.

    L'autre problème, qui concerne l'adoption, est également important parce qu'actuellement, on fait une distinction entre les enfants biologiques et les enfants adoptés. Le rapport traite assurément fort bien en réalité de la question d'adoption, y compris de certaines des préoccupations que suscite l'absence d'un droit d'appel. J'estime donc que le droit d'interjeter appel du refus de la citoyenneté, en tant que disposition générale, serait également un bon ajout à faire à la nouvelle loi.

    Ce sont là les deux problèmes qui me viennent immédiatement à l'esprit. Il y aurait peut-être certaines nuances au sujet des exigences linguistiques et des connaissances requises que nous pourrions examiner, mais ce n'est peut-être pas dans le cadre de cette loi qu'il faut le faire. Ce serait là une question d'orientation. La question de la lenteur du processus ne peut certes pas être réglée dans le cadre de la loi, mais c'est un énorme problème actuellement pour ceux qui demandent la citoyenneté.

+-

    M. Paul Grod: Pour renchérir, je crois que le thème commun ici de tous les témoins et de la coalition est que l'inaliénabilité de la citoyenneté canadienne est en jeu. Pour l'instant, vous entendez de nombreuses collectivités ethniques dire qu'à leur avis, il existe deux classes de citoyens canadiens. J'estime que votre comité est tenu d'examiner ce fait et de dire comment on va régler la question.

    Nous faisons en réalité quatre grandes recommandations.

    Primo, il faudrait qu'il y ait soit une disposition prévoyant que la citoyenneté est irrévocable une fois qu'elle est obtenue ou bien, au moins, un délai de prescription pour que les gens n'aient pas à s'inquiéter leur vie durant de défendre leur citoyenneté, qu'il y ait eu fausse déclaration ou pas, parce que c'est un fardeau injuste à imposer à tout Canadien et qu'il crée fondamentalement deux classes de citoyen.

    Deuzio, il faut que la norme de la preuve soit plus élevée dans toutes ces procédures, parce que la peine est si sévère qu'il faut prévoir un équilibre—que la preuve soit faite non pas selon une prépondérance des probabilités, mais au-delà de tout doute raisonnable.

    Tertio, il faut prévoir une procédure équitable devant les tribunaux qui seraient les seuls à pouvoir la révoquer. Les dirigeants politiques n'auraient pas voix au chapitre.

    Quarto, il faut prévoir le plein droit d'appel.

+-

    Le président: Le temps accordé est épuisé. Nous allons passer à un autre intervenant.

    Madame Fry.

+-

    L'hon. Hedy Fry: Monsieur le président, ce sont là des exposés fort intéressants qui font, merci bien, ressortir quelques problèmes.

    J'ai beaucoup entendu parler récemment de la résidence permanente et j'aimerais avoir une certaine rétroaction de votre part. J'aimerais savoir ce que vous considérez être une obligation de résidence raisonnable et je vous assure qu'il s'agit simplement d'une question, sans arrière-pensée. S'il faut prévoir des exemptions à cette obligation, quelles seraient-elles?

    Je note également que vous appuyez fermement la Charte. Quand on sonde l'opinion des Canadiens, il en ressort une profonde conviction que la citoyenneté devrait être une responsabilité, mais nul n'a défini quelle serait cette responsabilité au juste. Il serait intéressant d'entendre ce que vous en pensez, mais pour ma part, j'estime que les valeurs des Canadiens sont inscrites dans la Charte. C'est en réalité l'énoncé de nos valeurs.

    Je me réjouis donc de voir que tout le monde autour de la table appuie la Charte et toutes les dispositions de celle-ci concernant les droits des minorités. Il est bon de voir que tous mes collègues l'appuient.

    Ce que j'aimerais préciser, cependant, est ceci. Manifestement, nous disons qu'il faut se demander si la citoyenneté devrait être révocable et, dans l'affirmative, dans quelles circonstances. Ce que j'entends de votre part, c'est qu'en fait, il faudrait prévoir une procédure équitable à cet égard, un point très important que vous faites valoir. Si vous accusez quelqu'un d'un acte répréhensible sous le régime de la loi, il faudrait prévoir une procédure équitable. La personne devrait être présumée innocente jusqu'à preuve de sa culpabilité. Le fardeau de la preuve doit être exigé et il doit être assumé dans le cadre d'une procédure équitable. C'est ce que j'entends tout le monde dire, et je crois que c'est une bonne idée. Toutefois, il faut définir ce que cela représente au juste.

    Or, il est difficile, quand les personnes sont venues ici et ont obtenu leur citoyenneté il y a 50 ou 55 ans, après la Seconde Guerre mondiale, de retourner aux sources et de retrouver les renseignements. Il faut donc parler du problème des criminels de guerre. Depuis le 11 septembre, nous vivons dans un monde très différent et, en tant que gouvernement, il faut que nous prenions les bonnes décisions au sujet de ces questions dans notre Loi sur le citoyenneté. De nouvelles informations voient le jour, et je sais que le Parti conservateur a été sévère à notre égard à ce sujet. Selon lui, il ne faudrait pas laisser personne entrer actuellement à moins d'être sûr que ce ne sont pas des criminels. Eh bien, dans le cas des réfugiés, on n'en sait rien. La question à se poser est donc la suivante : combien de ces personnes sont en fait des criminels de guerre au Kosovo et au Rwanda et ainsi de suite et ne l'ont pas déclaré? Si c'est le cas, faut-il recourir au même processus pour le découvrir? Si c'est le cas, également, faudrait-il que la révocation de la citoyenneté soit une « punition »?

    Voilà les questions que je souhaite poser. Comment le préciser après le 11 septembre, alors qu'il est si difficile d'obtenir des renseignements sur les personnes qui entrent au pays? Comment faisions-nous avant le 11 septembre et faudrait-il recourir aux mêmes méthodes?

    Bill, vous avez beaucoup parlé de la possibilité d'avoir accès à la Cour suprême. Il s'agit là du programme de contestation judiciaire qui est justement prévu à cette fin. Il a été mis sur pied par le gouvernement Trudeau, aboli sous le régime Mulroney, puis rétabli par nous en 1993. C'est la mesure unique la plus importante pour permettre aux gens de faire respecter leurs droits. J'estime qu'il s'agit d'un programme très important.

  +-(1240)  

+-

    Le président: D'accord. Bill et Paul vous avez chacun une demi-minute pour répondre.

+-

    M. Bill Pidruchney: Madame Fry, je vous remercie beaucoup d'avoir posé ces questions. Elles sont excellentes, et je crois qu'il existe des réponses. En fait, je vous offre les services de toute la coalition qui, contre une rémunération décente, rédigerait la nouvelle loi pour vous.

    Comme l'a fait remarquer Avvy, cependant, il importe de tout situer en contexte, parce que l'immigration, la citoyenneté et l'attestation de sécurité, entre autres, ont toutes des effets l'une sur l'autre. Il est en réalité fort difficile de modifier une loi, puis de dire que tout le problème est réglé. On a colmaté une brèche, mais il en reste beaucoup d'autres qui pourraient faire couler le bateau.

    Quoi qu'il en soit, je suis sûr que nous avons tous ici d'excellentes connaissances en la matière et si nous pouvions vous être d'une quelconque utilité, nous le ferions avec plaisir.

    La Suisse exige que vous habitiez au pays pendant 12 ans avant de vous accorder la citoyenneté. J'ai oublié ce qu'exige l'Australie. Ce que l'Allemagne...

+-

    M. Ulrich Frisse: Il faut habiter en Australie pendant cinq ans pour avoir la citoyenneté. Je crois que c'est également cinq ans en Allemagne.

+-

    M. Bill Pidruchney: C'est juste, et il me semble que cela met maintenant en jeu l'immigration. Pouvons-nous organiser notre système d'immigration pour qu'il puisse avec beaucoup d'efficacité approuver les demandes de statut d'immigrant admis et ainsi de suite? S'il faut plus de temps pour le faire, je ne verrais pas d'inconvénient à ce que l'on y mette six, huit ou dix ans. Les gens immigreraient en en étant pleinement conscients.

    En réponse à votre première observation, j'avais cru bien faire comprendre ma position, soit que la citoyenneté, une fois qu'elle est accordée, est inaliénable. Vous ne pouvez pas la révoquer. Il ne s'agit pas d'un simple contrat. Ce n'est pas un contrat commercial pour vendre ou acheter des biens. La citoyenneté est un statut qui vous est accordé, tout comme le fait de naître homme ou femme. C'est tout. J'admets qu'on peut parfois changer de sexe.

    La première responsabilité d'un citoyen est de se conformer à la loi. C'est là une responsabilité légale. La seconde, une obligation légale très onéreuse, est de verser ses impôts. Les autres sont probablement d'ordre plus moral: se comporter en bon citoyen, aider son prochain, et ainsi de suite.

  +-(1245)  

+-

    Le président: Je vous remercie beaucoup.

    Nous avons dépassé le temps prévu dans ce cas-ci. J'encourage les intervenants à poser de brèves questions, pour que nous puissions obtenir plus de réponses.

    Monsieur Clavet.

[Français]

+-

    M. Roger Clavet (Louis-Hébert, BQ): Merci, monsieur le président.

    Je voudrais saluer et féliciter les témoins à cette séance du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration. Je suis reconnaissant des témoignages, mais en même temps ému et troublé par ce qui est dit par le Congrès germano-canadien, à savoir que la révocation de la citoyenneté est d'abord l'affaire des tribunaux, non des politiciens. J'entends aussi la Fédération canado-arabe nous dire qu'il y a des citoyens de premier et de deuxième ordre dans ce pays. La Clinique d'aide juridique de Chine et d'Asie du Sud-Est du Grand Toronto dit qu'un criminel a plus de droits qu'un citoyen naturalisé. Ce sont des témoignages troublants. M. Pidruchney nous parle d'une S and S section, ce qu'il appelle la strip and ship section. Cela commence à être gênant. En même temps, on passe sous silence l'apport des immigrants en région, parce qu'il est très important économiquement et culturellement.

    Ce qui ressort de vos témoignages, c'est que vous avez peur d'être déportés ou de perdre votre nationalité, peur que les autres citoyens n'ont pas. Avez-vous l'impression de vivre, tous et toutes représentant vos communautés, avec une épée de Damoclès au-dessus de votre tête, impression que les autres citoyens de ce pays, protégés par une charte, n'ont pas? Comment pourrait-on améliorer, dans un monde idéal, les procédures de révocation?

[Traduction]

+-

    M. Ulrich Frisse: Si je peux répondre à votre question, je vous dirai que je suis entièrement d'accord avec vous, mais je pense que nous devons également examiner les répercussions sur chaque famille. Nous ne parlons pas uniquement des gens qui se retrouvent devant un tribunal et perdent leur citoyenneté, mais aussi des répercussions très graves sur les enfants et les petits-enfants nés au Canada.

    Quant à ces messieurs plus âgés menacés actuellement d'expulsion, ils sont arrivés au Canada dans les années 50 et, pour certains, dans les années 60. Leurs petits-enfants sont des Canadiens de deuxième génération, facteur dont, je pense, nous devons certes tenir compte.

    Que se passe-t-il? Expulsez-vous simplement cette personne ou, comme l'a déjà proposé le gouvernement et ce dont je me souviens, cette mesure touchera-t-elle également les enfants et les petits-enfants, qui ont obtenu leur citoyenneté par l'intermédiaire indirect de la personne expulsée? Ce sont des questions très graves.

    Je voudrais aborder la question de l'apatridie qui n'a pas encore été examinée et j'aimerais que vous vous penchiez sur elle. Les nouveaux arrivants au Canada n'ont pas tous le privilège de la double citoyenneté. Certains pays exigent que vous remettiez votre certificat de citoyenneté originale lorsque vous devenez un Canadien. Qu'arrive-t-il à ces personnes? En vertu du droit international, de la convention des Nations Unies, ces personnes ne peuvent pas devenir des apatrides. Ce sont là les conséquences les plus graves.

    Je voudrais prier les membres du comité de vraiment en tenir compte lorsque vous prendrez une décision et formulerez vos recommandations au gouvernement.

+-

    Mme Ameena Sultan: Je vous remercie de votre question.

    Au sujet des craintes que peuvent éprouver les citoyens naturalisés, je rappellerai au comité que la plupart de ceux-ci ont vécu également une période de vulnérabilité lorsqu'ils avaient le statut de résident permanent ou auparavant lorsqu'ils revendiquaient le statut de réfugié ou encore simplement celui d'immigrant. Ils ne possèdent pas alors intégralement les droits inhérents à la citoyenneté. Nous considérons que c'est acceptable, parce qu'il s'agit des périodes où les demandes sont traitées, où l'audience n'a pas encore eu lieu et où le statut de résident n'a pas encore été établi.

    Par conséquent, si vous autorisez que la citoyenneté soit enlevée aux naturalisés, ces gens seront vulnérables toute leur vie, ce qui constitue un problème. Il faut imposer une limite à cette période de vulnérabilité.

  +-(1250)  

+-

    Le président: Merci infiniment.

    La période de temps est écoulée.

    Je cède la parole à Mme Beaumier.

+-

    Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest, Lib.): Je vous remercie de votre présence parmi nous.

    Ce n'est pas une question sur laquelle je me suis penchée exhaustivement, mais il y a un élément qui m'étonne. Disons que je suis née au Canada et qu'on découvre que je me suis rendue au Liban il y a vingt ans et suis devenue membre de l'ALS. Si je revenais au Canada et que des accusations étaient portées contre moi pour crimes contre l'humanité, on ne pourrait pas m'enlever ma citoyenneté. Cependant, le gouvernement ne pourrait-il pas me traduire devant un tribunal international ou un tribunal canadien à cette fin? Le cas échéant, pourquoi enlever à quelqu'un sa citoyenneté si nous pouvons encore satisfaire à nos obligations internationales? Je peux voir, à vos signes de tête, que vous êtes d'accord avec moi. Le gouvernement a-t-il répondu à l'un d'entre vous sur ce point?

+-

    M. Paul Grod: Cette question s'est présentée dans l'affaire Finta, alors qu'un accusé a été traduit devant un tribunal pénal mais que l'accusation n'a pas été retenue faute de preuves suffisantes. On a invoqué comme moyen de défense l'obéissance aux ordres d'un supérieur. Le gouvernement a donc décidé de poursuivre les procédures de révocation de la citoyenneté et d'expulsion. Depuis lors, le gouvernement a modifié cependant la portée des dispositions du Code criminel en vertu de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre, ce qui autorise pas la tenue d'un procès devant un tribunal pénal canadien pour les gens accusés d'un crime de guerre ou d'un crime contre l'humanité. En outre, il existe des traités exhaustifs autorisant l'extradition lorsqu'un autre pays traduit quelqu'un devant les tribunaux. Il y a donc tous ces moyens.

    Si nous croyons que la personne a commis un crime et s'il existe des preuves à cet égard, nous avons, comme Canadiens, la responsabilité morale de la traduire devant les tribunaux au lieu de simplement se fier à d'autres. Nous devons le faire. Mais il doit s'agir d'un tribunal pénal canadien, ce que nous appuierions.

+-

    Mme Colleen Beaumier: Quel motif le gouvernement canadien peut-il donner pour justifier le révocation de la citoyenneté de quelqu'un? Je ne comprends tout simplement pas pourquoi il est d'avis que c'est nécessaire.

+-

    M. Paul Grod: Ce qui est scandaleux, madame Beaumier, c'est qu'on justifie l'insuffisance de preuves permettant d'établir la commission d'un crime de guerre, au sens strict du terme criminel, ce qui tourne en dérision notre système juridique. Si nous ne pouvons pas prouver que ces personnes ont commis un acte répréhensible, pourquoi les traduisons-nous alors devant les tribunaux?

+-

    Mme Colleen Beaumier: Voilà.

+-

    Le président: Bill, souhaitez-vous intervenir?

+-

    M. Bill Pidruchney: Ce n'est probablement pas la première fois que vous en entendez parler, mais la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre figure dans les Lois révisées du Canada de 2000. Cette mesure portait intentionnellement sur les génocides, les actes terroristes et les crimes analogues au Canada, comme Paul l'a souligné. Cette loi a été adoptée bien après les dispositions de la Loi sur la citoyenneté régissant la révocation de la citoyenneté et l'expulsion. Le tout avait été élaboré à cette fin précise. C'est pourquoi nous disons que le Canada possède maintenant les outils à cet égard, notamment l'expulsion ou les autres mesures.

    De plus, j'ai appris que l'idée d'ajouter des dispositions sur le retrait de la citoyenneté et l'expulsion émane des États-Unis. Je suis vraiment gêné de le dire, même si je n'en suis nullement responsable, mais la Grande-Bretagne a emboîté le pas l'an dernier. Nous répandons donc le mal.

+-

    Le président: Merci infiniment.

    Monsieur Siksay.

+-

    M. Bill Siksay: Merci, monsieur le président.

    Je veux revenir à la question des accusations et des condamnations au criminel à l'extérieur du Canada, du critère que nous utiliserions et du processus qui pourrait s'imposer dans notre contexte. Comment pourrions-nous trancher dans de telles circonstances? Quelles mesures permettraient d'évaluer une telle situation? Je me demande si l'un des groupes a songé à cet aspect?

+-

    M. Paul Grod: Si j'ai bien compris votre question, vous demandez quelles sont les mesures que nous prenons lorsque nous découvrons que quelqu'un d'entre nous a commis un crime de guerre.

+-

    M. Bill Siksay: Prenons l'exemple des accusations portées au criminel à l'extérieur du Canada. Comment évaluons-nous les problèmes éventuels du système judiciaire et du système juridique en place ainsi que la conformité aux normes canadiennes? Par la suite, comment transposons-nous le tout dans notre système au Canada?

  +-(1255)  

+-

    M. Paul Grod: Je laisserai à Mme Sultan le soin de répondre à cette question.

    Je voudrais dire simplement que le Code criminel du Canada contient des dispositions qui n'ont pas été contestées. Cependant, la législature a mis en oeuvre un processus à cet égard. Si cette preuve existe, nous préconisons d'utiliser ce processus.

+-

    Mme Ameena Sultan: Je m'excuse, monsieur Siksay, mais parlez-vous de quelqu'un qui a été reconnu coupable de crimes à l'étranger ou qui fait l'objet d'une accusation...?

+-

    M. Bill Siksay: Oui, en ce qui concerne l'interdiction et le retrait de la citoyenneté.

+-

    Mme Ameena Sultan: Sauf erreur, les lois sur l'immigration contiennent une sorte d'équivalence. Par conséquent, si quelqu'un est condamné pour un crime à l'extérieur du Canada et si ce crime est considéré grave dans notre pays, il peut alors être jugé inadmissible. C'est donc déjà en place, et il s'agit d'une question contestable. Les tribunaux peuvent en être saisis. Ce n'est pas parfait, mais la question a déjà été abordée par rapport aux lois sur l'immigration. C'est là mon avis.

+-

    M. Khurrum Awan: Vous me permettrez d'ajouter que, selon moi, toutes les fois que les tribunaux ont disposé de tels pouvoirs, ils ont établi les critères pertinents. Par exemple, c'est le cas dans les lois concernant les Autochtones, qui permettaient difficilement d'établir notamment le fondement des revendications territoriales des Autochtones, en raison des difficultés en matière de preuves émanant naturellement de l'obligation pour les peuples autochtones d'expliquer des liens historiques remontant à 100 ou à 200 ans. Les tribunaux canadiens ont élaboré un critère pertinent à cet égard et ont réduit les normes en matière de preuves.

    Selon nous, s'ils disposaient du pouvoir discrétionnaire pertinent, les tribunaux possèdent l'expérience susceptible de leur être utile à ce chapitre. Le problème, c'est qu'on ne leur a pas accordé ce pouvoir discrétionnaire. Selon la loi, une personne qui a été condamnée au criminel à l'extérieur du Canada est privée de sa citoyenneté, ce qui est manifestement inopportun. Nous pensons que les juges canadiens possèdent les compétences nécessaires pour élaborer un critère judicieux, si on leur accorde le pouvoir discrétionnaire à cette fin.

+-

    M. Bill Siksay: Conviendrait-il d'affirmer que l'adaptation des équivalences en matière d'immigration s'est révélée généralement une expérience positive?

+-

    Mme Ameena Sultan: Je ne serais pas encline à le croire.

+-

    Mme Avvy Yao-Yao Go: Parlerons-nous d'immigration pendant encore une heure?

    J'hésite toujours beaucoup à faire passer les problèmes du domaine de la citoyenneté à celui de l'immigration, parce que ce dernier comporte beaucoup. Prenons simplement l'exemple des certificats de sécurité. Depuis le 11 septembre, la plupart des affaires liées au certificats de sécurité émanent de l'immigration. Le gouvernement a invoqué la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés au lieu de la Loi antiterroriste, notamment parce que la norme est moindre en matière de protection.

    Je pense que nous devons être très prudents lorsque nous disons souhaiter trouver une solution et examiner exhaustivement tous les aspects avant d'accorder la citoyenneté. Il y a cependant un problème: avant d'obtenir la citoyenneté, les droits dont disposent les demandeurs sont encore moindres. Je pense donc que nous devons faire preuve de beaucoup de prudence à cet égard.

    En ce qui concerne le crimes de guerre, il y a toutes les compétences éminentes dont les Canadiens font preuve à l'étranger. L'une des expertes canadiennes exceptionnelles en la matière est Louise Arbour, actuelle commissaire aux droits de l'homme qui a engagé des poursuites pour crimes de guerre. Selon moi, le Canada possède beaucoup de compétence pour s'attaquer à ce genre de question. Comme nous l'avons reconnu, le problème n'est pas tant lié aux connaissances comme au fait que nous savons qu'une telle solution nécessite un fardeau de la preuve supérieur, et le gouvernement n'est pas disposé à l'assumer pour faciliter le processus décisionnel en matière de citoyenneté et d'immigration.

    D'après moi, la question n'est pas tant de savoir si nous avons les outils. Il s'agit plutôt de déterminer si nous avons la volonté politique, ou peut-être l'opportunisme politique, parce que nous voulons montrer à la population canadienne, particulièrement en cette ère de l'après 11 septembre, que la sécurité nous tient à coeur et qu'il convient donc pertinent de sacrifier les droits individuels à la sécurité. Je pense que tous ces facteurs se sont conjugués pour déboucher sur ce genre de fiasco.

+-

    Le président: Merci infiniment. Votre temps de parole est écoulé.

    Monsieur Temelkovski.

+-

    M. Lui Temelkovski (Oak Ridges—Markham, Lib.): Merci infiniment, monsieur le président.

    Il est beaucoup question de sécurité. Lorsque quelqu'un veut s'établir au Canada, comme c'est le cas pour cinq ou six autres membres du comité et moi, il faut présenter une demande et faire l'objet d'une vérification de sécurité. À votre arrivée ici, vous devez posséder une carte de sécurité pour quitter le pays, ce qui nécessite une autre vérification. Ultérieurement, lorsque vous demandez la citoyenneté canadienne, une troisième vérification est exécutée. Il s'écoulera donc entre trois et cinq voire dix ans entre la présentation de la première demande et celle pour obtenir la citoyenneté.

    Par la suite, si nous envisageons de retirer à quelqu'un sa citoyenneté—et je veux vous poser directement la question à vous tous—, le gouvernement devrait-il avoir le pouvoir pour le faire. Ce pouvoir devrait-il figurer dans une loi ou devrait-il encore relever des Nations Unies ou d'une autre instance internationale en ce qui concerne les crimes de guerre?

·  +-(1300)  

+-

    M. Paul Grod: Merci de votre question.

    Nous avons répété que nous croyons à l'irrévocabilité de la citoyenneté. Nous avons énuméré et expliqué les outils dont les Canadiens disposent pour s'attaquer à la fraude, à la criminalité et au terrorisme. Et, nous sommes tenus de nous y attaquer.

    C'est tourner en dérision notre citoyenneté canadienne que d'inquiéter les Canadiens avec l'idée que leur citoyenneté pourrait un jour être remise en question. Je vous demande très franchement de songer à tout ce que nous demandons aux Canadiens. Par exemple, la législation fiscale exige que nous conservions nos documents financiers pendant sept ans. Par la suite, il y a un délai de prescription pour les déclarations nécessaires. En fait, des délais de prescription sont imposés à l'égard de plusieurs autres aspects.

    Nous disons que les gens ne sont pas tenus de conserver leurs documents financiers plus de sept ans aux fins de l'impôt, mais nous nous attendons à ce qu'ils conservent pendant toute leur vie leur documentation sur l'immigration. C'est un lourd fardeau. D'après nous, la citoyenneté devrait être irrévocable de sorte qu'il n'y ait qu'une catégorie de citoyens canadiens.

+-

    Le président: Merci infiniment.

    Madame Faille, il ne nous reste que quelques minutes. Je vous demande donc d'être brève. Je veux entendre M. Anderson, il n'a pas encore pris la parole.

[Français]

+-

    Mme Meili Faille: Des témoins, lors des réunions précédentes, s'inquiétaient de la question du profilage, et vous manifestez la même inquiétude. Ils ont évoqué des erreurs et des abus des services de sécurité, y compris la GRC, le SCRS, l'Agence de services frontaliers du Canada et toute autre institution gouvernementale. Je crois qu'il faut s'attaquer à certains préjugés sur les différentes communautés du Québec et du Canada et adopter des mesures concrètes pour lutter contre l'exclusion. D'autres ont demandé que des mesures précises soient prises pour assurer une protection consulaire et juridique des citoyens canadiens de toute origine pendant leurs voyages et séjours à l'étranger.

    J'abonde dans le sens de M. Frisse: il faut évaluer l'impact de nos décisions sur les familles. Je suis moi-même née d'une union entre une mère naturalisée et un père québécois. Je comprends donc la situation qui aurait pu se produire.

    Le Canada a aussi l'obligation de respecter le droit qu'ont les enfants d'avoir accès à leurs parents. Craignez-vous les abus quant au retrait de la citoyenneté canadienne? Souhaitez-vous une analyse critique et transparente pour mettre en lumière les effets sur les libertés et droits publics fondamentaux des citoyens naturalisés, étude qui pourrait se faire sous l'égide du comité ou encore de la Commission canadienne des droits de la personne?

[Traduction]

+-

    M. Ulrich Frisse: Si je peux m'exprimer au nom de tous ici présents, je vous dirai que nous accueillerions certes toute initiative qui conscientiserait davantage les gens à ces questions. C'est très urgent, et vous avez déjà répondu que vous ignorez l'étape à laquelle en est rendue la mesure législative. De toute évidence, le gouvernement fait preuve de procrastination. Qu'il s'agisse de Canadiens de première catégorie ou de deuxième catégorie, tout message que doivent recevoir tous les Canadiens pour les informer vraiment de ce qui est en jeu et de ce qui se passe... On sacrifie le cadre constitutionnel de notre pays, les gens sont marginalisés et leur vie est détruite sans aucune justification. Je le répète, nous accueillerions n'importe quelle mesure qui conscientiserait les gens, et je vous encouragerais à prendre cette initiative au sein du comité.

·  +-(1305)  

+-

    Le président: Merci infiniment.

    Je cède maintenant la parole à M. Anderson. C'est vous qui poserez la dernière question aujourd'hui.

+-

    L'hon. David Anderson: Ma première question portera sur un sujet que vous avez tous abordé de diverses façons et à différents moments : la période de résidence permanente avant l'obtention de la citoyenneté. Cette période varie entre 12 ans en Suisse et cinq ans dans d'autres pays. Vous semblez convenir que trois ans constituerait une période inadéquate si nous devions accorder une citoyenneté irrévocable à la fin de la période de résidence permanente.

    En êtes-vous arrivés à une décision officielle collectivement? Si non, avez-vous examiné cette question exhaustivement?

    Ma deuxième question est similaire. Elle porte sur l'expiration de la période de prescription, c'est-à-dire lorsque les dossiers peuvent être vérifiés ou que le gouvernement peut examiner... il peut s'agir également de fausses déclarations précédentes. Je pense que les termes sont « obtention de la citoyenneté par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels ».

    Quelle pourrait être la longueur de ce délai de prescription que vous souhaiteriez?

    Les deux questions ont donc rapport avec le temps et sont, naturellement, similaires à certains égards.

+-

    Mme Avvy Yao-Yao Go: Puis-je répondre à la première question sur la résidence permanente?

    Deux aspects me préoccupent à cet égard. Premièrement, trois ans n'équivaut pas à trois ans. Cela équivaut souvent à cinq ans, et cinq ans peut déboucher sur 10 ans, en raison de la bureaucratie...

+-

    L'hon. David Anderson: Oui, vous l'avez déjà dit. Si vous n'avez pas d'objection, vous en avez déjà parlé, et j'aimerais...

+-

    Mme Avvy Yao-Yao Go: Ce n'est pas tellement la question de la résidence qui est un problème, mais le système que nous utilisons actuellement pour déterminer quand et comment retirer à quelqu'un le droit...

+-

    L'hon. David Anderson: Mais votre groupe en a-t-il discuté? C'est ce que je veux savoir. Je veux que vous répondiez à cette question, pas que vous répétiez ce que vous avez déjà dit.

+-

    Mme Avvy Yao-Yao Go: Je ne peux pas parler pour les autres, mais je ne pense pas avoir décidé si ce devrait être trois ou cinq ans. Je ne crois pas que le problème réside dans le fait que ce soit trois ou cinq ans.

+-

    L'hon. David Anderson: D'accord.

+-

    Le président: Monsieur Grod.

+-

    M. Paul Grod: Je répète que la coalition n'a pas discuté concrètement d'une durée. Cependant, en principe, nous sommes tous d'accord pour qu'il y en ait une. Autrement dit, il faut qu'il y ait une limite de temps.

    Pour ce qui est de la durée de la période, je pense qu'elle devrait être raisonnable, quelle qu'elle soit. Qu'elle soit de trois ans ou de cinq ans, c'est à discuter mais, à mon avis, le comité devrait prévoir un délai en principe. Que ce soit avant ou après que la citoyenneté est accordée, il devrait y avoir un moment précis où en fait on devient un citoyen canadien à part entière et que c'est irrévocable.

+-

    L'hon. David Anderson: Pour reprendre le terme « raisonnable », est-ce que cinq ans pour la résidence permanente et sept ans par la suite, après quoi la révocation ne serait plus possible, pour un total de 12 ans, vous semble être dans les limites du raisonnable?

+-

    M. Paul Grod: Je ne peux pas me prononcer au nom de la coalition parce que la question n'a pas été examinée à fond, mais je peux vous dire que, personnellement, cela ne me semble pas déraisonnable. Peu importe que le délai soit trop long ou trop court, il faut déterminer un moment.

+-

    L'hon. David Anderson: Merci.

+-

    Le président: Après que vous en aurez discuté, vous pouvez peut-être informer le comité de ce que vous en pensez par lettre ou autrement.

    J'ai une dernière question pour vous, parce que nous devons clore la séance. Notre temps est écoulé.

    Le comité est un peu dans l'impasse actuellement. Nous avons prévu nous déplacer d'un bout à l'autre du Canada en mars et en avril et une nouvelle Loi sur la citoyenneté était censée être déposée, mais ce n'est pas le cas. Nous allions tenir des consultations sur la citoyenneté, les titres de compétences et la réunification familiale. Le comité doit vraiment se poser la question et trancher. Comme vous êtes ici, je vais vous demander conseil. Vous serez les derniers à nous conseiller avant que nous prenions une décision.

    Pensez-vous que nous devrions traverser, comme prévu, le pays même sans nouvelle Loi sur la citoyenneté, ou devrions-nous aller essentiellement discuter de notre rapport et de ce que la loi devrait en retenir?

·  -(1310)  

+-

    M. Khurrum Awan: Je pense qu'il est très important que vous obteniez le point de vue des gens de l'ensemble du pays. C'est une excellente idée, un vent de changement. Une des choses qui nous inquiète, c'est le fait que la population soit si peu consultée ou la participation démocratique si peu sollicitée au sujet de mesures qui ont vraiment une grande incidence sur les droits canadiens.

    En fait, je ne connaissais pas vraiment cette mesure législative il y a encore quelques mois même si ces propositions doivent sûrement circuler depuis un certain temps. Ce qui montre tout simplement jusqu'à quel point beaucoup de Canadiens ignorent quelque chose d'aussi important. Mes parents ne savaient rien à ce sujet avant que je leur en parle il y a un mois.

    Je pense que c'est très important que vous alliez rencontrer les gens pour promouvoir la légitimité du Parlement. Je ne pense pas que les Canadiens élisent des députés pour qu'ils restent à Ottawa et n'aillent pas les rencontrer pour connaître leur point de vue.

    Je trouve donc que c'est une excellente idée. J'espère seulement que cela se traduise... et que les points de vue exprimés vont être pris au sérieux par les membres du Cabinet et le ministre de la Citoyenneté.

+-

    Le président: Merci.

    Êtes-vous tous d'accord là-dessus?

+-

    M. Paul Grod: Je pense qu'Awan exprime ce que nous pensons tous. Nous saluons tout ce que le comité fait parce que c'est une énorme entreprise. Vous avez un horaire chargé qui est très exigeant pour vous, en tant que parlementaires, et pour vos familles. Nous vous félicitons de votre travail.

    Comme je l'ai dit, c'est vraiment nécessaire, parce que nous discutons de questions cruciales, comme l'irrévocabilité de la citoyenneté. Vous formulez des recommandations en vue de modifier la loi de façon importante et je pense qu'il est très significatif que vous les présentiez au ministre concerné avec l'appui des Canadiens.

    Bravo et merci beaucoup de nous avoir écoutés.

-

    Le président: Je tiens à vous remercier d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer. Nous avons indiqué dans notre rapport que nous cherchions des réponses auprès des citoyens. Nous vous sommes reconnaissants du temps et de l'énergie que vous avez consacrés au comité. Merci beaucoup.

    La séance est levée.