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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 3e SESSION

Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 25 mars 2004




¿ 0910
V         Le président (M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.))
V         Mme Tamra Thomson (directrice, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien)
V         M. William Johnson (président, Association du Barreau canadien)

¿ 0915

¿ 0920

¿ 0925
V         Le président
V         Me Denis Jacques (avocat, Barreau du Québec)

¿ 0930

¿ 0935
V         Le président
V         M. James Caskey (coprésident, Comité chargé des relations avec le gouvernement et des affaires publiques, Barreau du Haut-Canada)
V         M. Julian Porter (coprésident, Comité chargé des relations avec le gouvernement et des affaires publiques, Barreau du Haut-Canada)
V         Le président

¿ 0940
V         M. Julian Porter

¿ 0945

¿ 0950
V         Le président
V         M. Julian Porter
V         Le président
V         M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC)

¿ 0955
V         Le président
V         M. William Johnson
V         M. Kevin Sorenson
V         M. William Johnson
V         M. Kevin Sorenson
V         M. James Caskey
V         M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, PCC)
V         M. James Caskey
V         Le président
V         Me Denis Jacques

À 1000
V         Le président
V         M. Richard Marceau (Charlesbourg—Jacques-Cartier, BQ)
V         M. William Johnson
V         Me Denis Jacques
V         M. Richard Marceau
V         M. James Caskey
V         M. Richard Marceau
V         M. James Caskey
V         M. Richard Marceau
V         M. Julian Porter
V         M. Richard Marceau

À 1005
V         Me Denis Jacques
V         M. Richard Marceau
V         Me Denis Jacques
V         M. Richard Marceau
V         Me Denis Jacques
V         M. William Johnson

À 1010
V         M. Julian Porter
V         M. James Caskey
V         M. William Johnson
V         Me Denis Jacques
V         Le président
V         L'hon. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD)
V         M. James Caskey
V         L'hon. Lorne Nystrom
V         M. James Caskey
V         M. William Johnson

À 1015
V         L'hon. Lorne Nystrom
V         Le président
V         Me Denis Jacques
V         M. Julian Porter

À 1020
V         M. William Johnson
V         Me Carole Brosseau (avocate, Service de recherche et législation, Barreau du Québec)
V         Mme Tamra Thomson
V         Le président
V         Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.)

À 1025
V         M. William Johnson
V         Mme Paddy Torsney
V         M. William Johnson
V         Mme Paddy Torsney
V         M. James Caskey
V         Mme Paddy Torsney
V         M. James Caskey
V         Mme Paddy Torsney

À 1030
V         Le président
V         M. James Caskey
V         Me Denis Jacques
V         Mme Paddy Torsney
V         Le président
V         Mme Paddy Torsney
V         Le président
V         Mme Paddy Torsney
V         Mr. Denis Jacques
V         Mme Tamra Thomson
V         Le président

À 1035
V         Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean, Lib.)
V         Le président
V         M. Kevin Sorenson
V         Le président
V         M. Garry Breitkreuz
V         Le président
V         M. William Johnson
V         Mme Tamra Thomson
V         M. James Caskey
V         Le président
V         Me Denis Jacques

À 1040
V         Le président
V         Mme Marlene Catterall
V         M. James Caskey
V         M. William Johnson

À 1045
V         Le président
V         Me Denis Jacques
V         Le président
V         M. Richard Marceau
V         Le président
V         Me Carole Brosseau
V         Me Denis Jacques

À 1050
V         M. William Johnson
V         Le président
V         L'hon. Stéphane Dion (Saint-Laurent—Cartierville, Lib.)

À 1055
V         Le président
V         L'hon. Stéphane Dion
V         Le président
V         L'hon. Stéphane Dion
V         Me Denis Jacques
V         Le président
V         L'hon. Sue Barnes (London-Ouest, Lib.)
V         Le président

Á 1100
V         L'hon. Sue Barnes
V         Le président
V         L'hon. Sue Barnes
V         Le président
V         M. Garry Breitkreuz
V         Le président
V         M. Garry Breitkreuz
V         Mme Paddy Torsney
V         Le président
V         M. Garry Breitkreuz
V         Le président
V         M. Garry Breitkreuz
V         Le président
V         M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.)
V         Le président
V         Mme Paddy Torsney
V         Le président
V         Mme Paddy Torsney
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile


NUMÉRO 006 
l
3e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 25 mars 2004

[Enregistrement électronique]

¿  +(0910)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.)): Chers collègues, je déclare la séance ouverte. Nous poursuivons notre étude des mécanismes d'examen des nominations à la Cour suprême du Canada.

    Nous accueillons aujourd'hui trois importants témoins représentant le milieu juridique de tout le pays, du moins ceux qu'on a pu assembler ici, et c'est un bon groupe. Nous accueillons des représentants de l'Association du Barreau canadien, du Barreau du Québec et du Barreau du Haut-Canada.

    Merci beaucoup d'être venus. Je comprends que vous n'avez pas eu des semaines pour préparer vos mémoires ou pour mener des consultations, qui étaient peut-être en cours ou presque terminées. Mais merci beaucoup d'être venus aujourd'hui. Votre témoignage sera très utile aux membres du comité.

    Je propose que nous commencions par l'exposé de l'Association du Barreau canadien, qui sera suivi de celui des associations provinciales, si vous le voulez bien.

    Pour les besoins du compte rendu, je présente les témoins. Pour représenter l'Association du Barreau canadien, nous avons son président, Bill Johnson, ainsi que Tamra Thomson, directrice, Législation et réforme du droit; du Barreau du Québec, Denis Jacques et Carole Brosseau, cette dernière coordonnant le Service de recherche et législation; et du Barreau du Haut-Canada, MM. James Caskey et Julian Porter, coprésidents du comité chargé des relations avec le gouvernement et des affaires publiques.

    Nous vous offrons 10 minutes pour chacun des exposés. À la fin des exposés, je suis convaincu que mes collègues voudront vous poser des questions.

    Commençons par l'Association du Barreau canadien.

+-

    Mme Tamra Thomson (directrice, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien): Merci, monsieur le président.

    L'Association du Barreau canadien est très heureuse de présenter au comité son point de vue sur le très important sujet des nominations à la Cour suprême du Canada.

    L'ABC est un organisme national qui représente environ 38 000 juristes dans l'ensemble du Canada, dans chaque province et territoire. Les objectifs prioritaires de l'Association sont l'amélioration du droit et de l'administration de la justice. C'est dans cette optique que nous avons considéré le sujet qui vous intéresse et sur lequel nous présentons aujourd'hui des observations.

    Vous avez reçu notre mémoire et je vais demander à notre président, M. Bill Johnson, de vous en parler.

+-

    M. William Johnson (président, Association du Barreau canadien): Merci, Tamra.

    Monsieur le président et honorables membres du comité, merci de nous avoir invités à vous parler aujourd'hui du processus de nomination à la Cour suprême du Canada. L'ABC est ravie que vous étudiez cette question. Notre philosophie sur la nomination des juges au plus haut tribunal est fermement ancrée dans les principes d'indépendance de la magistrature, de transparence et de mérite. Je vais vous expliquer notre raisonnement.

[Français]

    J'aimerais tout d'abord vous rappeler l'importance que l'ABC accorde depuis si longtemps au processus de nomination des juges. Il y a 18 ans, notre conseil national entérinait la plupart des recommandations formulées dans le rapport McKelvey sur la nomination des juges au Canada. Ce rapport renfermait 27 recommandations qui visaient toutes à améliorer le processus de nomination des juges aux paliers fédéral, provincial et territorial. Le gouvernement a mis en oeuvre bon nombre de nos recommandations, ce qui a abouti à l'excellent système de comités consultatifs affectés au ministre de la Justice en vigueur aujourd'hui dans tout le pays.

    Dans son rapport, l'ABC reconnaît que le pouvoir politique fait partie intégrante du processus de nomination à la magistrature. En fait, pour ce qui est des nominations à la Cour suprême, son rôle est celui d'un décideur. Certes, des noms de candidats sont proposés, les listes de candidats sont examinées à fond, le choix des candidats est examiné à fond et le choix du candidat revient, en dernier ressort, au premier ministre. Cependant, la partie du processus réservée aux consultations demeure encore aujourd'hui secrète.

¿  +-(0915)  

[Traduction]

    Étant donné le processus actuel, il n'est pas étonnant que la perception du public soit si trouble. Le premier ministre a constaté la nécessité d'une réforme et a fait savoir suffisamment longtemps à l'avance aux Canadiens qu'il avait l'intention d'en faire une priorité. Notre association applaudit ce désir de changer le système actuel. Nous avons écrit au premier ministre et aux membres du Cabinet pour leur offrir notre appui, afin que le nouveau système soit transparent, qu'il fasse participer les parlementaires et que les candidats retenus soient les meilleurs possibles pour le poste.

    Nos études sur cette question, notre rapport initial de 1986 et notre réponse aux propositions de réforme du mode de nomination qui est resté lettre morte après l'Accord du lac Meech, et d'autres initiatives, ont découlé de trois problèmes distincts du régime actuel.

    Premièrement, le manque de clarté aux yeux du public. La plupart des Canadiens ne connaissent pas le fonctionnement des nominations à la Cour suprême et soupçonnent, à tort ou à raison, une ingérence politique.

    Deuxièmement, la présence d'un trop grand nombre de cuisiniers gâte la sauce. En raison de la structure de la Cour suprême, la loi prévoit que les nominations se font par région. Cela a laissé croire qu'il y avait une ingérence politique provinciale.

    Troisièmement, la consultation n'est pas cohérente. Sans un processus de nomination formel, la consultation auprès de ceux qui connaissent le mieux la profession et auprès des ministres de la Justice, procureurs généraux et fonctionnaires du ministère de la Justice se fait au petit bonheur.

    Notre proposition de réforme, celle que nous avons envoyée au premier ministre et au Cabinet il y a deux semaines, prévoit un processus représentatif et fonctionnel. Il repose sur la création d'un comité consultatif indépendant, avec représentation parlementaire.

    Précisons au départ que le modèle que nous proposons ne comporte pas d'audiences publiques semblables à celles que tient le Congrès américain pour l'examen des candidats à la magistrature.

[Français]

    Voici les trois raisons pour lesquelles nous nous opposons à ce type d'audience. Premièrement, nous estimons que même si le public devrait connaître le processus de sélection et les critères permettant d'évaluer les candidats et candidates, leur opinion personnelle et leur vie privée ne devraient cependant pas être mises en jeu. Seules les compétences et l'expérience des candidats doivent compter, dans la mesure où ce sont ces aspects qui servent la population canadienne.

    Deuxièmement, selon nous, la gêne ressentie par les personnes soumises à des audiences publiques du type de celles menées par le Congrès américain risquerait de dissuader les candidats les plus qualifiés d'accepter une nomination à la magistrature. Notre système fonctionne bien car il est servi par les membres les plus brillants et les plus qualifiés de la profession juridique, qui apportent à leur charge leur solide expérience pratique.

    Troisièmement et finalement, la société canadienne est fondée sur l'engagement profond envers la séparation des pouvoirs entre les fonctions judiciaires, exécutives et législatives. C'est ce système de répartition équilibrée qui a si bien servi la démocratie canadienne jusqu'à ce jour.

[Traduction]

    Notre proposition table sur le succès des comités consultatifs non partisans pour de nombreux tribunaux provinciaux et supérieurs du pays. J'ai participé à l'un de ces comités, en Saskatchewan, pendant deux mandats. Ces comités se composent de représentants du public, de la profession juridique, de la magistrature et des gouvernements. On encourage les candidatures d'un grand éventail d'horizons. Les comités consultatifs travaillent bien et sont reconnus à l'échelle internationale.

    Je vais être très franc au sujet de la situation. Par suite du rapport de l'ABC, du rapport McKelvey sur la nomination des juges, le gouvernement a adopté la méthode des comités consultatifs aux plans fédéral et provincial. Malheureusement, le gouvernement fédéral n'a pas mis en oeuvre l'une de nos recommandations clés, soit le recours à des comités consultatifs non partisans pour l'évaluation de candidats éventuels à la Cour suprême du Canada.

    Cette méthode, la nôtre, repose sur le principe de l'indépendance du pouvoir judiciaire. Nous croyons fermement que cette indépendance doit être non seulement protégée, mais garantie. Comme l'a dit la Cour suprême dans le renvoi relatif à l'Île-du-Prince-Édouard, l'indépendance judiciaire protège les citoyens et les citoyennes contre les abus de pouvoir de l'État. C'est aussi—et cela est très important à mes yeux—un élément essentiel du fédéralisme, car elle empêche un palier de gouvernement d'empiéter sur ce qui relève de la compétence d'un autre.

    L'indépendance judiciaire fait aussi en sorte que les tribunaux sont les gardiens de la Constitution, de la primauté du droit, de l'égalité et du processus démocratique. Autrement dit, l'indépendance de la magistrature, c'est l'indépendance des juges par rapport à toute manipulation politique.

    Les Canadiens doivent faire confiance au système judiciaire, et être convaincus que les juges qui prennent des décisions si essentielles sont impartiaux, ouverts d'esprit et imperméables à toute influence politique.

    Je le répète, plus tôt ce mois-ci, j'ai écrit au premier ministre pour l'exhorter à adopter un tel processus, qui fonctionnerait comme suit. Chaque fois que se produirait une vacance à la Cour suprême—et nous en aurons bientôt deux—un comité consultatif spécial serait créé.

    Sa composition serait analogue à celle des actuels comités consultatifs concernant les nominations à la magistrature fédérale, c'est-à-dire des membres de la communauté juridique et du public, y compris des représentants du ministre fédéral de la Justice, du ministre provincial de la Justice, du juge-en-chef, du Barreau de la province ou du territoire et du Barreau canadien.

    Chacun de ces comités consultatifs compterait en outre, d'après notre recommandation, jusqu'à quatre députés de votre comité, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes. Nous croyons que ce modèle assurerait une représentation adéquate de tous les intéressés.

¿  +-(0920)  

[Français]

    Le comité se chargerait d'examiner le dossier de chaque candidat ou candidate en fonction de critères publiquement fondés sur le mérite. Il formulerait ensuite des recommandations à l'intention du premier ministre. Ces recommandations seraient subordonnées au devoir de confidentialité, qui fonctionne si bien dans notre système actuel. Ce modèle présente quatre avantages.

    Premièrement, il réalise l'objectif visant à inclure des parlementaires, en l'occurrence vous, dans le processus de nomination.

    Deuxièmement, il reflète le caractère unique de la Cour suprême du Canada à titre de tribunal de dernier recours.

[Traduction]

    Troisièmement, cette proposition réduit la perception qu'on peut avoir du secret ou de la politisation du choix des juges.

    Quatrièmement, elle assure une totale transparence en ce qui concerne les critères et le processus de nomination.

    Permettez-moi de parler brièvement de nos premières réflexions sur les critères de nomination. L'ABC a déclaré que ces critères devaient être publics, objectifs et fondés sur le mérite. Que signifie l'expression « fondés sur le mérite »?

    Depuis 18 ans, l'ABC a dressé sa liste de critères : un grand sens moral, des qualités humaines comme la sympathie, la générosité, la charité et la patience; une expérience du droit; des aptitudes intellectuelles et rationnelles; le bilinguisme, si la nature du poste l'exige; une bonne santé et de bonnes habitudes de travail.

    En conclusion, je sais que c'est ce que vous attendiez tous, la Cour suprême du Canada doit continuer à être représentative des régions et des systèmes judiciaires du Canada. L'ABC soutient la nomination de juges bilingues et encourage les politiques d'action positive relatives à la nomination de femmes et de membres de groupes minoritaires à la cour.

    Nous nous opposons fermement à tout système qui exposerait les juges à des critiques parlementaires à propos de leurs croyances, de leurs préférences ou de leurs opinions judiciaires, de manière hypothétique. Nous sommes contre toute mesure qui donnerait à la population canadienne l'impression fallacieuse que le pouvoir judiciaire relève du pouvoir législatif.

    Je le répète, le régime actuel peut être amélioré de manière à préserver le respect du public envers le système judiciaire. En tant que représentants de la profession juridique au Canada, nous vous exhortons aujourd'hui à envisager l'adoption du modèle des comités consultatifs qui est empreint de succès, dont on a démontré l'efficacité, dans le respect de l'indépendance judiciaire, de la transparence et des résultats.

    Mesdames et messieurs, voilà l'essentiel de notre mémoire. Quand mes collègues auront terminé, je répondrai volontiers à vos questions.

    Merci beaucoup, monsieur le président.

¿  +-(0925)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Johnson.

    Nous passons maintenant au Barreau du Québec.

[Français]

+-

    Me Denis Jacques (avocat, Barreau du Québec): Merci, monsieur le président.

    D'abord, je tiens à vous remercier de nous avoir invités à venir présenter la position du Barreau du Québec sur un sujet aussi important.

    Je m'appelle Denis Jacques. Je suis avocat à Québec et ancien bâtonnier du Québec. Je suis accompagné de Me Carole Brosseau, qui est avocate au Service de recherche et législation du Barreau du Québec.

    Notre mémoire est disponible en français seulement, compte tenu du court délai que nous avions pour venir vous faire cette présentation, mais nous en obtiendrons la traduction au cours des prochains jours. Nous vous la transmettrons pour que vous puissiez l'avoir en main.

    Le sujet sur lequel nous sommes invités à venir vous présenter notre position aujourd'hui est un sujet d'actualité. Je dois vous dire que, même avant que ne se produisent les deux vacances à la Cour suprême à la suite du départ de la juge Arbour et de celui du juge Iacobucci qui aura lieu au mois de juin, nous avions déjà pris la décision, au Barreau du Québec, de traiter du processus de nomination des juges à la Cour suprême du Canada comme thème principal lors de la plénière du congrès du Barreau du Québec, qui se tiendra à Québec entre les 3 et 5 juin prochain.

    D'entrée de jeu, je dois insister sur le fait que la magistrature au Canada est de très haute qualité. On peut être fiers de la magistrature que l'on connaît ici au pays. C'est l'une des meilleures au monde, à tel point que les juristes et les magistrats d'un peu partout au monde viennent voir ce que l'on fait ici. Ils le font pour une bonne raison, je pense: c'est parce qu'on fait du bon travail. La façon de nommer nos juges au Canada n'est d'ailleurs pas étrangère à cela. La qualité de nos juges à la Cour suprême du Canada est impeccable, même avec le système de nomination que nous avons aujourd'hui, système qui est malheureusement peu connu.

    Le Barreau du Québec s'est déjà prononcé, il y a plusieurs années, en faveur d'un comité consultatif formel à la Cour suprême. En 1987, nous nous exprimions de la façon suivante:

Les nominations à la Cour suprême du Canada doivent subir un traitement privilégié par rapport aux autres nominations. En premier lieu, nous ne voyons pas ce qui justifie la présence du représentant du public au sein du comité consultatif qui, selon nous, devrait être composé des personnes suivantes: le juge en chef du Canada; le juge en chef de la province ou ceux des provinces de la région d'origine des nominations; le bâtonnier de la province ou ceux des provinces de la région d'origine des nominations; le président de l'Association du Barreau canadien.

C'est à la page 3 de notre mémoire.

    Et nous continuions ainsi:

Ce comité pourrait approcher des candidats et ceux-ci n'auraient aucune obligation à se soumettre à une entrevue ni à déposer d'actes de candidature. Il agirait vraiment à titre de comité consultatif, c'est-à-dire qu'il serait consulté par le ministre de la Justice et donnerait son avis à ce dernier sur les noms suggérés. Conséquemment, nous estimons qu'il ne devrait y avoir ni de norme minimale ni de norme maximale quant au nombre de recommandations à soumettre au ministre.

    C'est la position que nous avions en 1987 et qui, malheureusement, n'a pas été retenue. À l'heure actuelle, le processus de nomination est un processus non formel, peu connu de la population. Le premier ministre et le ministre de la Justice font des consultations dans le milieu de la justice avant de décider du candidat ou de la candidate qui sera retenu. Les consultations qui sont faites, à l'heure actuelle, par le ministre de la Justice et par le Cabinet du premier ministre sont évidemment en accord avec les propositions de la magistrature, du Barreau de la province, de l'Association du Barreau canadien, bien sûr, et d'autres juristes importants au sein de la communauté.

    Bien que le système soit informel, on doit admettre qu'au cours des dernières années, il a quand même donné de bons résultats. Quand on regarde la composition actuelle de la Cour suprême du Canada, on peut en être fiers. Au Québec seulement, au cours des cinq dernières années, les trois nouveaux juges qui ont été nommés à la Cour suprême du Canada viennent de la Cour d'appel du Québec, où ils ont siégé pendant plusieurs années.

    Malgré tout, on est obligés d'admettre que même si ce système a mené à de bonnes nominations, il ne présente pas les apparences de transparence qui sont demandées par les citoyens. Alors, la question est la suivante: quel est le meilleur véhicule, le véhicule le plus adéquat pour établir le potentiel des candidates et des candidats de manière à rassurer le public, d'un côté, mais aussi à sauvegarder l'indépendance judiciaire de l'autre?

    Il est essentiel, dans le processus qui sera retenu en bout de ligne, de faire en sorte de sauvegarder l'indépendance judiciaire. Pour pouvoir le faire, il est important et essentiel de ne pas même envisager un processus de révision parlementaire public où des candidats auraient à défiler devant un comité pour répondre en comité à différentes questions posées sur leurs valeurs, sur leurs croyances, sur leurs jugements et sur leurs expériences passées.

¿  +-(0930)  

    Il faut mettre de côté tout système de révision parlementaire à l'américaine qui ferait fuir bien des candidats de valeur. D'ailleurs, dans le magazine National du mois dernier, on traite du processus de nomination à la Cour suprême, et les intervenants, dont le juge en chef du Québec, Michel Robert, portent des jugements tout à fait clairs sur ce système qui prévaut chez nos voisins américains. Quel est le meilleur véhicule?

    À mon avis, nous devrions formaliser le processus de consultation en créant un comité consultatif spécial, un peu comme nous souhaitions le faire en 1987. Comme nous l'avions exprimé à ce moment-là, nous croyons que ce comité consultatif devrait être formé chaque fois qu'un poste doit être comblé à la Cour suprême.

    Ce comité consultatif pourrait regrouper les gens suivants: le juge en chef de la Cour suprême, le juge en chef des tribunaux de nomination fédérale de la province, le président du Barreau, que ce soit le bâtonnier, le treasurer ou le président, selon la province, le président de l'Association du Barreau canadien et des représentants du ministère de la Justice. Le comité aurait comme rôle de susciter des candidatures, de les étudier et de faire des recommandations au premier ministre concernant le choix final.

    Nous sommes d'avis qu'un comité composé de cette façon pourrait répondre au souci de transparence exprimé par les citoyens et au souci d'efficacité et d'indépendance judiciaire qui est celui des barreaux. Or, dans un souci de transparence encore plus grand, le Barreau du Québec serait prêt à appuyer la participation de parlementaires au comité consultatif. Nous sommes disposés à appuyer la proposition de nos amis de l'Association du Barreau canadien, qui suggèrent d'ajouter aux membres du comité consultatif trois ou quatre députés élus qui seraient élus par les membres du comité permanent de la Chambre.

    Selon la formule proposée par l'Association du Barreau canadien, les quatre députés qui se joindraient au comité consultatif appartiendraient à des partis. Or, certains pourraient penser que ces députés défendraient une position partisane au sein de ce comité. Dans son mémoire, le Barreau suggère donc une autre option. Il s'agirait d'une participation parlementaire qui, à l'avis de certains, aurait l'avantage de ne pas être partisane. Plutôt que de faire appel à quatre députés qui porteraient les couleurs de leur parti, on pourrait solliciter la présence du Président de la Chambre des communes et du Président du Sénat. En effet, compte tenu de leur rôle, qui exige une plus grande impartialité, ils sauraient, à notre avis, assurer la crédibilité du processus.

    Bien entendu, ces gens assument déjà des tâches importantes. Cependant, on ne fait pas à chaque année des nominations à la Cour suprême et elles sont en outre peu nombreuses. Ainsi, je pense que la participation de ces personnes au comité serait la bienvenue. Il s'agirait d'un processus de recommandation auprès du premier ministre, et ce dernier, bien sûr, aurait toujours le mot final.

    La position que nous avons adoptée et dont nous vous faisons part respectueusement est la suivante: quelle que soit la composition du comité consultatif, la confidentialité de toutes les consultations de même que de toutes les discussions du comité qui mèneraient, en bout de ligne, aux recommandations au premier ministre, est un facteur primordial. En revanche, la tenue d'audiences publiques n'améliorerait pas la transparence mais mettrait en danger l'indépendance judiciaire.

    En guise de conclusion, je dirai également qu'il est important de publiciser davantage le rôle et la composition du comité consultatif. Si, tel que nous le préconisons, cette solution est retenue, il faudra publiciser davantage le rôle et la composition du comité consultatif, de même que les critères que ce dernier prendra en considération pour faire sa recommandation.

    Il n'est pas question ici d'intervenir dans les discussions du comité, mais bien de publiciser le rôle et la composition du comité, de même que les critères examinés, de façon à ce que le public soit assuré que les recommandations sont faites en toute transparence et que les critères utilisés font en sorte que, dans le cadre de ces importantes fonctions, les services offerts à la population soient les meilleurs possibles. Depuis l'avènement des chartes, on n'a plus besoin d'insister sur l'importance du rôle des juges de la Cour suprême.

¿  +-(0935)  

    Donc, on doit faire en sorte que la solution recherchée préserve l'indépendance judiciaire. On doit trouver une solution qui soit durable. Il est important de ne pas agir à la hâte alors qu'une réflexion approfondie et appropriée est de mise. Je vous remercie.

+-

    Le président: Merci. Nous entendrons maintenant les gens du Barreau du Haut-Canada. Monsieur Caskey.

[Traduction]

+-

    M. James Caskey (coprésident, Comité chargé des relations avec le gouvernement et des affaires publiques, Barreau du Haut-Canada): Monsieur le président, messieurs et mesdames les membres du comité, comme on l'a dit plus tôt, je suis James Caskey. M. Julian Porter m'accompagne. Nous sommes les coprésidents du Comité des relations avec le gouvernement.

    Nous représentons le trésorier, qui n'a pu venir aujourd'hui. Il inscrit actuellement au Barreau de l'Ontario un groupe de jeunes gens très brillants, jeunes et diversifiés, qui sont tous des candidats éventuels à des nominations à la Cour suprême.

    J'insiste là-dessus, mesdames et messieurs, parce que la décision que vous prendrez, quelle qu'elle soit, touchera ces gens-là, et sera en vigueur pendant très longtemps, peut-être pas 130 ans, comme le système actuel, mais suffisamment longtemps pour toucher les nouveaux membres du barreau.

    Comme vous le savez, le Barreau fonctionne par l'intermédiaire du Conseil, qui n'a pas eu encore l'occasion de se réunir pour décider de la position qu'il présenterait au comité, mais le Barreau croit avoir beaucoup à vous offrir. Essentiellement, nous voulons vous dire que nous sommes prêts à vous aider, que nous pouvons le faire très bien, mais que vous devez nous donner du temps pour préparer un mémoire très réfléchi, à partir du consensus de la profession juridique en Ontario, afin que vous puissiez délibérer en sachant que vous avez l'appui du Barreau du Haut-Canada, quelle que soit votre décision. Mais malheureusement, le Conseil ne s'est pas encore réuni là-dessus.

    Cette observation étant faite, ce processus prendra du temps, et doit prendre du temps, et nous vous demandons de pouvoir y participer de manière significative.

    Je m'arrête ici et je vais demander à M. Porter d'avoir la bonté de poursuivre.

+-

    M. Julian Porter (coprésident, Comité chargé des relations avec le gouvernement et des affaires publiques, Barreau du Haut-Canada): Avez-vous eu l'occasion...? Notre mémoire vous a-t-il été distribué?

+-

    Le président: Oui, nous avons reçu votre document.

¿  +-(0940)  

+-

    M. Julian Porter: Merci, monsieur le président.

    Même si nous n'avons pas encore consulté le reste du Conseil, vous y verrez que nous nous opposons très fermement à un système à l'américaine, dans sa version actuelle. Il y a des années, M. le juge Frankfurter a déclaré qu'il croyait qu'un candidat ne devrait pas discuter de questions dont le tribunal pourrait être saisi. Cela signifie que si vous envisagez une entrevue, il faudra choisir très prudemment les questions.

    J'ai été très impressionné par les propos des professeurs Weinrib et Russell, mardi dernier. On pouvait constater à quel point cette question est complexe et que les tribunaux ne traitent pas seulement de questions constitutionnelles, mais aussi d'un tas d'autres sujets.

    M. Russell étudie la question depuis 20 ans. Je suis plaideur et j'étais un peu nerveux hier soir, en pensant à ce que le Conseil n'avait pu me dire... En tant que membre d'un caucus, vous savez ce que je veux dire. Si vous prenez position sans avoir vérifié auprès des autres membres du caucus, vous serez bien mal accueilli à la réunion du mercredi suivant. Quoi qu'il en soit, j'ai trouvé que c'était très subtil et que tous les universitaires convenaient du fait que l'intégrité et l'indépendance de la magistrature sont particulières, différentes et essentielles. Ce serait un système bien différent s'il était influencé par le cours de la politique dans laquelle vous vivez. On risquerait alors de nommer des juges politisés. Voilà le risque.

    Je ne suis pas d'accord avec M. Russell sur les interrogatoires publics des juges. Il reste que, comme Anthony Lewis aux États-Unis... des gens qui ne sont pas avocats ont des points de vue très intéressants sur le droit et comptent peut-être certains des meilleurs observateurs du milieu judiciaire. Je ne dirais donc pas que le fait qu'il ne soit pas avocat... Il vaut vraiment la peine de l'écouter. Il a dit qu'il fallait bien faire les choses. Les décisions que vous prendrez bientôt, monsieur le président, auront un effet durable. Il convient que de bons juges ont été choisis, et il dit qu'il ne faut pas se presser, qu'il ne faut pas agir en claquant des doigts. Si vous ne recommandez rien avant que ces deux vacances soient comblées, dit-il, « tant pis ». C'est merveilleux, il a dit « tant pis ». Il vous a dit « Prenez votre temps, travaillez bien, bonne chance. » Il y a une grande sagesse et de la générosité dans ces paroles.

    Les universitaires ont aussi dit clairement que les autres régimes qu'on vous a si facilement donnés en exemple—l'Allemagne, l'Afrique du Sud—convenaient à des contextes et à des restrictions très différentes des nôtres.

    Mme Weinrib a dit que le 19 avril, la Faculté de droit de l'Université de Toronto tiendrait un séminaire d'une journée sur cette question. Mon estimé collègue, maître Denis Jacques, a dit que du 3 au 5 juin, le Barreau du Québec tiendrait une réunion sur ce sujet. Je vous demande donc... c'est très compliqué.

    Hier soir, nous avons parlé à une quinzaine de juges qui étaient rassemblés et nous leur avons dit : « Nous allons à Ottawa ». Ils nous ont demandé : « Qu'allez-vous faire? » « Nous allons à Ottawa ». Les opinions exprimées étaient très variées, il y avait beaucoup d'émotion. Je comprends donc qu'on se trompe en pensant que c'est simple et que cela relève du gros bon sens.

    Il y a une chose dont je peux vous parler, et qui n'a pas été décrite : Le fonctionnement actuel des comités consultatifs pour les nominations aux cours supérieures.

¿  +-(0945)  

    Margaret Rose Jamieson, ici présente, est secrétaire du comité qui conseille le ministre de la Justice. Il faut comprendre comment le processus fonctionne. Tous les avocats ayant 10 ans d'expérience peuvent postuler le poste de juge. Ils nous envoient un texte aussi long qu'ils le souhaitent dans lequel ils nous décrivent pourquoi ils souhaitent être juges. C'est intéressant; ils mentionnent rarement que c'est pour éviter les appels téléphoniques, les querelles avec les partenaires et le recouvrement des factures non payées.

    Quoi qu'il en soit, la plupart de ceux qui présentent une demande sont de véritables idéalistes, et c'est très rafraîchissant. Mais ils nous décrivent aussi leur vie, leur expérience en droit et ce qui compte pour eux à part le droit. Ils nous décrivent en détail ce qu'ils ont fait en droit, leur pratique et leurs clients. Puis, ils nous parlent des organismes de charité auxquels ils sont associés, de leur vie personnelle, de l'endroit où ils sont nés et où ils ont grandi et des influences qu'ils ont subies. Ils nous donnent cinq ou six références et ajoutent une liste d'avocats avec lesquels nous pouvons communiquer pour en savoir un peu plus à leur sujet.

    Je siège au comité de la grande région de Toronto... Il y a 16 comités au Canada—l'Ontario en a trois et le Québec deux, un pour la région est et l'autre pour l'ouest. Chacun de ces comités remplit la même fonction. Il se compose d'un juge de la Cour d'appel, de trois avocats, d'un représentant du Barreau canadien, d'un représentant du Barreau de la province et d'un représentant du ministre de la Justice. Il y a aussi deux profanes qui sont nommés par décret par le ministre de la Justice. Les deux profanes sont ceux qui téléphonent aux personnes qui ont été données comme références. Ces conversations téléphoniques durent une vingtaine de minutes, à moins qu'il y ait un problème, qu'une de ces personnes données en référence nous dise qu'elle n'aime pas ce candidat et a simplement accepté de servir de référence, ce qui se produit parfois. Cela abrège le processus, mais ce n'est pas fréquent. Les trois avocats font aussi des appels aux personnes dont le nom figure sur la liste ou à d'autres. Si nous connaissons le candidat et ceux qui travaillent avec lui, nous pouvons appeler ces derniers pour leur demander, dans le cadre d'une conversation confidentielle, si ce candidat ne risque pas de souffrir de « jugite », pour savoir s'il travaille fort, si c'est un homme intelligent. Cela nous donne une bonne idée du candidat.

    Je vous assure que les seuls qui peuvent vous dire comment se comportera un juge putatif sont ceux qui ont travaillé avec lui dans une affaire judiciaire. À moins que les relations aient été étroites, on ne peut pas dire.

    Nous nous réunissons une fois par mois. Pendant environ quatre heures, nous passons en revue dix candidatures à la fois. Nous consacrons une vingtaine de minutes à chaque candidature, puis nous en débattons. En dernière analyse, nous décidons d'approuver ou de rejeter la candidature et nous transmettons notre décision au ministre de la Justice.

    C'est un assez bon système. Tout est confidentiel; il n'y a pas de fuite d'information. C'est comme cela que le système fonctionne.

    J'aimerais revenir avec M. Caskey pour vous présenter le fruit de consultations plus récentes auprès de nos membres, car il y a beaucoup de grands esprits parmi eux qui ont réfléchi à la question. N'oublions pas que l'indépendance de la magistrature est une plante fragile et que nous regretterions beaucoup qu'elle se fane.

    Les universitaires que vous avez entendus ont tous affirmé que la Cour suprême du Canada jouit d'un respect immense à l'échelle du globe. Il arrive que certains juges ne soient pas à la hauteur de nos attentes. Mais quelles sont nos attentes? Les juges travaillent très fort. Ce qu'on veut comme juge, c'est quelqu'un qui est discipliné, qui se contentera de trancher la question dont il est saisi sans émettre toutes sortes d'opinions sur toutes sortes d'autres sujets. Celui qui devient juge doit aimer la solitude, car c'est un travail solitaire. Les juges sont des êtres particuliers.

¿  +-(0950)  

    Nous pouvons répondre à vos questions, mais si nous allons à la conférence du Barreau du Québec le 3 juin prochain ou à l'Université de Toronto, le 19 avril, nous aurons davantage de bonnes idées.

    Merci.

+-

    Le président: À part une petite question de terminologie, c'était là un excellent exposé. Peut-être que mes collègues voudront s'enquérir du sens de « jugite ».

+-

    M. Julian Porter: La « jugite », c'est précisément cela!

    Des voix : Oh, oh!

+-

    Le président: Je viens de détruire ma dernière chance de devenir juge. Bon, maintenant, il faudra être un peu plus souple, et c'est un ordre.

    Je vais commencer par des interventions de sept minutes, dans l'ordre habituel. J'ignore si c'est le sujet ou les membres du comité, mais on a tendance à aller bien au-delà de sept minutes. Par conséquent, après six minutes, j'attirerai l'attention du député pour qu'il mette fin à son discours, qu'il pose ses questions et qu'il permette au témoin de répondre.

    Sur ce, je cède la parole à M. Sorenson, pour sept minutes.

+-

    M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC): Merci. Je peux vous assurer, monsieur le président, que je n'aurai pas besoin de sept minutes.

    Celui qui dirige ce dossier, pour notre parti, c'est Vic Toews, ancien procureur général du Manitoba. C'est habituellement Peter MacKay, ancien procureur de la Couronne, qui pose la deuxième série de questions.

    Honnêtement, je dois vous dire que quand nous avons amorcé ces travaux, je me suis dit que rien ne pourrait être plus ennuyeux que d'étudier la façon dont on nomme les juges.

    Toutefois, les dernières réunions ont été fascinantes, autant en raison du processus comme tel qu'en raison des témoins que nous avons entendus mardi ou lundi et aujourd'hui. Je remercie chacun d'entre vous d'être venu, de vos remarques et de votre apport à nos délibérations.

    Cette étude a été lancée en fait par mon collègue, Richard Marceau, et par notre comité qui a reconnu unanimement la nécessité de se pencher sur ce processus.

    Je le répète, cette étude s'avère de plus en plus intéressante. Nous avons discuté non seulement de la façon dont nos juges sont nommés, mais aussi de la méthode qu'on emploie un peu partout dans le monde. Certains autres pays ont un mode de nomination qui leur convient très bien et nous reconnaissons qu'il ne serait pas nécessairement adapté à notre situation. Plus notre étude progresse, plus nous constatons que nous avons de la chance d'avoir le système que nous avons, mais que nous pourrions peut-être l'améliorer pour que le public sache mieux comment ce système marche.

    Je n'ai jamais pensé que notre comité avait entrepris cette étude parce que notre magistrature fait l'objet d'une grande insatisfaction. Il s'agit peut-être plutôt de méconnaissance ou de perplexité face au processus.

    Ici, au Parlement, en comité, et ces dernières années encore plus qu'auparavant, nous entendons beaucoup parler de déficit démocratique. Cela soulève diverses questions. Tous les processus devraient-ils être plus démocratiques?

    J'ai plusieurs questions à vous poser. Premièrement, depuis l'avènement de la Charte, il est de plus en plus fréquent que les juges, qui ont été nommés par des politiciens, invalident des lois qui ont été adoptées par les représentants élus du peuple. Nous appelons cela l'activisme judiciaire, et, à tort ou à raison, on estime que l'activisme judiciaire est en hausse, peut-être encore plus ces dernières années que pendant les 20 années qui ont suivi l'arrivée de la Charte.

    Ma question, qui s'adresse à chacun d'entre vous, est la suivante : Que répond-on à ceux qui critiquent la Cour pour son activisme judiciaire? À votre avis, les tribunaux devraient-ils jouer dans les politiques canadiennes? Comment ce rôle, tant pour les cours provinciales et inférieures que pour la Cour suprême, a-t-il changé depuis l'édiction de la Charte?

    J'aimerais faire une dernière remarque avant de vous laisser la parole.

    Monsieur Johnson, vous nous avez entretenus longuement des critères sur lesquels on se fonde pour choisir les juges de la Cour suprême. Vous avez parlé de l'origine ethnique, de la région dont on provient et peut-être aussi du sexe. Je ne crois pas qu'on ait mentionné l'âge, mais si c'est un facteur important, croyez-vous que nous devrions envisager un mandat d'une durée déterminée pour les juges de la Cour suprême?

    Je vous ai posé trois ou quatre questions. Elles s'adressent à ceux d'entre vous qui voudront bien y répondre.

¿  +-(0955)  

+-

    Le président: Monsieur Johnson, vous portez-vous volontaire?

+-

    M. William Johnson: Oui.

    En ce qui concerne l'activisme, ce ne sont pas les juges qui intentent les poursuites dont ils sont saisis. C'est le justiciable ou le gouvernement qui le fait. La Cour suprême du Canada se réserve le droit de n'entendre que les causes d'importance nationale. Ceux qui sont à l'origine de ces causes ne sont pas les juges; ils ne jouent donc pas de rôle dans la politique sociale, ce sont plutôt les instigateurs de procédures judiciaires, aidés de leur avocat.

    Ce ne sont pas les juges qui établissent la politique sociale. C'est votre rôle à vous, les législateurs. Le justiciable a le droit de demander à la cour de trancher une question sociale dans le cadre d'une poursuite particulière, que le justiciable a décidé d'intenter.

+-

    M. Kevin Sorenson: Mais c'est la Cour suprême qui décide des causes qu'elle entendra, n'est-ce pas?

+-

    M. William Johnson: Elle détermine quelles sont les affaires d'importance nationale en fonction des arguments présentés par les avocats au nom de leurs clients. Les citoyens demandent à la cour d'entendre leurs causes mais la cour refuse de se saisir de la grande majorité de ces affaires et ne retient que celles qui sont d'importance nationale.

+-

    M. Kevin Sorenson: C'est bien ce que je croyais.

+-

    M. James Caskey: Monsieur le président, j'aimerais répondre à la question sur le mandat d'une durée limitée. Dans vos délibérations, j'aimerais que vous pensiez aux candidats qui postulent cette charge très importante. Ils doivent abandonner leur pratique pour devenir juges. S'ils le font pour un mandat d'une durée déterminée, que leur restera-t-il à la fin de ce mandat outre les 12 ans, ou quelque soit la période, d'expérience comme juge? Avant d'imposer arbitrairement un mandat d'une durée fixe, je vous demanderais de vous mettre à la place de ces candidats et de vous demander si vous seriez prêts à abandonner votre pratique pour passer 12 ans à la cour.

+-

    M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, PCC): Nous le faisons, nous.

+-

    M. James Caskey: En effet, et j'ai beaucoup d'admiration, comme mon député le sait, pour ceux qui occupent une charge publique.

    Mais être juge, ce n'est pas exactement comme être représentant élu. Les juges doivent renoncer à beaucoup. Je vous prierais donc de ne pas recommander un mandat d'une durée déterminée.

    Cela dit, il ne s'agit que de mon point de vue personnel. Notre Conseil serait peut-être d'un autre avis, mais j'en doute. Je crois que tous seraient d'accord pour que les juges occupent leur charge à titre inamovible.

+-

    Le président: Maître Jacques, vous avez la parole.

+-

    Me Denis Jacques: En réponse à la première question, je dirais que les juges de la Cour suprême ont toujours joué un rôle très important. Même avant de devoir interpréter la Charte, avant 1982, ils devaient rendre des décisions d'importance pour tous les Canadiens sur la répartition des pouvoirs entre les gouvernements fédéral et provinciaux. Ce sont là des questions qui touchent les Canadiens dans leur vie quotidienne.

    La cour joue encore un rôle important. Il l'est peut-être davantage depuis l'avènement de la Charte, mais je ne crois pas qu'il ait beaucoup changé.

    En réponse à la deuxième question sur l'activisme judiciaire, les juges doivent interpréter la Charte. Ils peuvent interpréter la Charte de façon libérale ou de façon stricte. Si la cour adopte une interprétation libérale, on appellera peut-être cela de l'activisme, mais elle ne fait que jouer son rôle. Ce faisant, la cour fait précisément ce qu'elle doit faire. Si c'est de l'activisme, je ne crois pas qu'on puisse dire qu'elle outrepasse ses fonctions. Ce sont là précisément ses fonctions.

À  +-(1000)  

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Marceau, vous avez sept minutes.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau (Charlesbourg—Jacques-Cartier, BQ): Merci beaucoup, monsieur le président. Merci aux témoins pour leurs présentations fort intéressantes. Plusieurs questions me viennent à l'esprit.

    En premier lieu, récemment, on a beaucoup parlé de l'importance que des parlementaires, dont le rôle reste à déterminer, participent d'une manière ou d'une autre au processus. J'aimerais connaître votre avis sur le rôle que pourraient jouer les provinces dans la nomination des juges. Évidemment, les juges de la Cour suprême sont amenés à trancher sur des enjeux fort importants, entre autres celui des pouvoirs des différents ordres de gouvernement. On peut très bien argumenter que le gouvernement fédéral, et même le premier ministre dans les faits, étant le seul à nommer les juges, il peut être considéré comme étant juge et partie parce qu'il y a parfois un conflit entre le fédéral et les provinces. Donc, cela peut laisser entendre que le fédéral se trouve en conflit d'intérêts.

    Étant donné qu'en droit, il doit y avoir non seulement justice mais aussi apparence de justice, ne pensez-vous pas que les provinces devraient avoir un rôle formel à jouer et, si oui, lequel? Doit-on aller aussi loin que dans l'Accord du lac Meech ou même que lors des discussions de la Commission Dobbie-Beaudoin, dont mon collègue a fait partie, qui disait que la liste des personnes devant être prises en considération devait venir des provinces?

+-

    M. William Johnson: Maître Marceau, tout d'abord, dans la Loi sur la Cour suprême, le Parlement a reconnu l'importance des régions. Le Québec a trois places à la Cour suprême. Deuxièmement, nous avons suggéré qu'au moins un et peut-être même deux membres du comité spécial créé pour conseiller le premier ministre proviennent de la région dans laquelle on choisira le juge. Ce sont deux moyens par lesquels les provinces auront voix au chapitre.

+-

    Me Denis Jacques: Évidemment, je pense qu'en plus d'un représentant du barreau de la province--du bâtonnier dans le cas du Québec--, un représentant du ministère de la Justice provincial devrait faire partie du comité. Je pense que cela pourrait répondre à la préoccupation.

+-

    M. Richard Marceau: C'est donc un troisième point. J'aimerais aussi entendre à ce sujet les gens du Barreau du Haut-Canada, dont je fais également partie.

[Traduction]

+-

    M. James Caskey: Nous n'avons pas encore établi de position à ce sujet, et je le regrette. Je ne pourrais vous faire qu'une observation personnelle.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Je vais accepter votre observation personnelle.

[Traduction]

+-

    M. James Caskey: Pour ma part, j'estime que la région devrait être représentée, que ce soit la province, le Québec, l'Ontario, ou la région d'où proviendra la personne choisie. Ainsi, et avec la contribution des parlementaires, on pourrait veiller à l'intérêt public.

+-

    M. Richard Marceau: D'accord.

+-

    M. Julian Porter: Mais vous devriez consulter tous les procureurs généraux. Il me semble que ce serait sage. Ils ont leurs propres systèmes et ils ont certainement une opinion. Il serait bon qu'on les consulte quand il faut choisir quelqu'un de leur province, mais j'estime que vous devriez aussi les consulter dans le cadre de vos travaux.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Le processus actuel est très nébuleux, en ce sens que tout cela semble informel. Il n'y a rien d'écrit. On peut consulter telle ou telle personne. La liste des personnes pouvant être nommées à la Cour suprême apparaît un peu... Oui, on l'a entendu dans les médias, on a lu les jugements de tel juge... Cela semble très nébuleux.

    Quel devrait être le point de départ, selon vous? Qui devrait être chargé d'établir la liste des 10 ou 15 hommes et femmes dont on doit prendre la candidature en considération? Est-ce le comité qui devrait décider que telle ou telle personne est la bonne? Qui doit prendre la responsabilité d'établir la liste des personnes à évaluer? Il faut d'une certaine manière formaliser un processus qui, jusqu'à maintenant, est très murky, pour employer votre expression, monsieur Johnson. Me Johnson et ensuite Me Brosseau ou Me Jacques pourraient me répondre.

À  +-(1005)  

+-

    Me Denis Jacques: D'abord, il y a des gens qui sont intéressés à siéger à la Cour suprême, mais il y a d'autres juges, notamment des juges de la Cour d'appel, qui peuvent ne pas avoir d'intérêt à siéger à la Cour suprême et qui sont tout à fait à l'aise et heureux dans les fonctions qu'ils exercent au sein de la Cour d'appel ou de la Cour supérieure, ou même dans leur pratique privée, puisqu'il pourrait aussi y avoir des candidats qui sont en pratique privée.

    Si la juge en chef de la Cour suprême et les juges en chef des tribunaux supérieurs de nomination fédérale siègent au comité, je pense bien que cela se saura dans la communauté. Les juges ou les avocats renommés qui pourraient être intéressés à siéger à la Cour suprême pourraient l'apprendre tout naturellement par ces personnes qui feront partie du comité.

+-

    M. Richard Marceau: Maître Jacques, je pense que c'est vous qui avez parlé du système américain. Vous avez rejeté tout cela. J'avais moi aussi l'impression que c'était un cirque. On peut se le dire, car c'est un peu la perception publique. Je voudrais avoir vos commentaires sur ce que le professeur Manfredi nous a dit pas plus tard que mardi dernier. Il nous a dit que depuis 1937, il y avait eu 39 postes libres à la Cour suprême des États-Unis, et que 3 nominations ont été rejetées, 1 a été retirée, 15 ont été acceptées par un vote verbal et 24 ont été acceptées par un score moyen de 75 à 15. Sa conclusion à lui était qu'on avait en tête les processus de nomination de Bork et de Clarence Thomas, mais que c'était une très petite partie du processus et que cela teintait de manière négative notre perception du système américain.

    Je veux vous entendre là-dessus. Est-ce que, selon vous, les audiences en public sont vraiment si mauvaises que ça?

+-

    Me Denis Jacques: Mon opinion rejoint celle dont je vous parlais tout à l'heure de gens qui ont été interviewés par le magazine National du mois dernier, où on disait:

Faudrait-il imiter nos voisins américains en convoquant des audiences pour confirmer les choix du premier ministre à la magistrature?Certes, l’expérience américaine n’a pas toujours été salutaire.

    Peut-être que cela a parfois pu être correct, mais cela n'a pas toujours été salutaire.

Ces audiences qui se déroulent dans une ambiance survoltée devant le Comité judiciaire du Sénat américain ont parfois tourné au ridicule et aux excès de langage. À l’approche d’élections, elles ont pu prendre des allures de chasse aux sorcières. On pousse les juges à expliquer leurs jugements antérieurs et à se prononcer sur des causes qu’ils n’ont pas entendues.« Aux États-Unis, c’en est ridicule », observe le juge François Rolland de la Cour supérieure du Québec. « Ils perdent de bons candidats à la Cour… Si les juges commencent à justifier leurs jugements, cela peut devenir un concours de popularité. »

    Je vous parlais du juge en chef Robert. On le citait justement:

Le juge Robert, quant à lui, estime que le processus de confirmation aux États-Unis place les juges dans une situation intenable. Au lieu de dépolitiser le processus, ce genre de forum a plutôt eu l’effet contraire.

    Je suis du même avis. Je pense que ce n'est pas souhaitable et je pense même que, comme M. Duceppe l'a dit récemment, il ne faut pas verser dans ces modèles-là, qui peuvent...

+-

    M. Richard Marceau: N'en faites pas la promotion.

+-

    Me Denis Jacques: Non, non, mais je vous manifeste mon accord avec ce que disait M. Duceppe, à savoir qu'il ne faut pas verser dans l'exemple de nos voisins américains.

+-

    M. William Johnson: J'aimerais ajouter deux points, si vous le permettez. Le premier point, c'est qu'on va clairement décourager les bons candidats. J'ai déjà oublié le deuxième point, mais ça me reviendra dans quelques secondes, monsieur Marceau.

À  +-(1010)  

[Traduction]

+-

    M. Julian Porter: Il est temps pour lui de prendre sa retraite. Trois autres trous de mémoire comme celui-la, et c'est fini.

    Des voix : Oh, oh!

+-

    M. James Caskey: Je ne veux pas trop insister là-dessus, mais ce n'est pas le nombre de candidatures retenues ou rejetées qui compte. Ce qui compte, c'est qu'on pourrait nuire au candidat, même s'il est retenu, puisqu'on empiète sur son indépendance.

[Français]

+-

    M. William Johnson: C'était justement mon deuxième point. Quand nous regardons les juges à la Cour suprême, est-ce que nous pouvons dire d'où ils viennent? Aux États-Unis, oui, à mon avis. Au Canada, non, car nos juges à la Cour suprême sont apolitiques. Et si on examine leurs pensées devant un comité public, même s'ils font le même effort, ils seront colorés d'un côté ou de l'autre. C'est ce qui est arrivé aux États-Unis.

+-

    Me Denis Jacques: Les statistiques, c'est bien beau, mais s'il y a des problèmes, même si ce n'est pas dans la majorité des cas, c'est déjà trop. Il faut que le système soit bon dans son ensemble. Il ne faut pas dire que dans 50 p. 100 des cas, cela donne de bons résultats. Il faut effectivement faire en sorte de ne pas éliminer des bons candidats. Il y a bien des gens qui ne se présenteraient pas, qui ne seraient pas intéressés si on avait un système comme celui-là, et on perdrait évidemment des candidats de valeur.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Nystrom, vous avez la parole pour sept minutes.

+-

    L'hon. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Merci, monsieur le président.

    J'aimerais tout d'abord souhaiter la bienvenue à tous ici ce matin.

    J'ai trois brèves questions à vous poser, mais d'abord, un petit préambule : j'ai consacré 10 ans aux enjeux constitutionnels, du rapatriement de la Constitution en 1982 à l'Accord de Charlottetown en 1992, et je sais que certaines de ces questions sont très compliquées.

    Ma première question fait suite à celle de Kevin Sorenson sur l'activisme judiciaire. Vous avez raison de dire que ce ne sont pas les juges qui intentent les poursuites, mais bien les gouvernements ou les justiciables et que les juges, eux, sont là pour prendre des décisions. Je ne crois donc pas qu'on s'inquiète de l'activisme judiciaire, ou du manque d'activisme de la part de la cour, depuis l'avènement de la Charte. Toutefois, depuis l'enchâssement de la Charte dans la Constitution, il semble que les juges disposent désormais d'un pouvoir accru en matière de politique publique, justement parce que la Charte fait partie de la Constitution. J'estime qu'une part du pouvoir en matière d'élaboration des politiques est passée des assemblées législatives aux tribunaux. J'estime en effet que c'est ce qui s'est passé, Kevin.

    J'aimerais savoir ce que vous pensez de cette interprétation qui est le fruit de mon expérience dans ce domaine. Nous, collectivement, les assemblées législatives, avons pris cette décision en 1981 ou 1982. Bien sûr, le rapatriement s'est fait en 1982, mais ce n'est que trois ans plus tard que la disposition de la Charte sur l'égalité est entrée en vigueur.

    Ai-je raison de croire cela ou est-ce que je me trompe du tout au tout?

+-

    M. James Caskey: Oui, monsieur Nystrom. D'ailleurs, et je parle en mon nom propre, il me semble qu'à partir du moment où le Parlement, par la Charte des droits et libertés, a donné ce droit aux tribunaux, celui d'interpréter la Charte quand des citoyens les saisissaient d'une question, il va de soi que le Parlement savait que c'était précisément ce qui allait se produire, et devait s'attendre à une interprétation judiciaire des mesures prises par les gouvernements. J'ai donc toujours estimé que si les juges voulaient bien faire le travail qu'on leur avait confié, et qu'on voulait changer la situation, il fallait non pas changer le type de juge qu'on avait, en cherchant à connaître leurs idées politiques de manière à exclure ceux qui ne cadraient pas avec les nôtres, mais bien choisir les meilleurs candidats, ceux qui seront justes, objectifs et qui évalueront les dossiers en fonction des faits, en écoutant ces faits, en appliquant la loi telle qu'ils la voient, de manière objective. C'est ce que devait faire le processus, en vue de ce résultat.

    Si le Parlement n'aime pas le rôle que la Charte des droits et libertés a donné à la magistrature, il peut y remédier. Il y a une disposition pour cela. Je suis convaincu que le Parlement a adopté cette disposition précisément parce qu'il s'attendait à ce que certaines décisions ne plaisent pas à l'ensemble du Parlement.

+-

    L'hon. Lorne Nystrom: Vous parlez, bien entendu, de la disposition d'exemption.

+-

    M. James Caskey: Oui, de la disposition d'exemption... Mais le Parlement pourrait ne pas vouloir s'en prévaloir, et cela ne veut pas dire que l'on a des reproches à faire au processus judiciaire.

+-

    M. William Johnson: Si vous permettez, monsieur Nystrom, j'ai deux observations.

    D'abord, je suis de la Saskatchewan comme vous et M. Breitkreuz. En Saskatchewan, nous nous souvenons tous du refrain souvent repris par notre ancien premier ministre, M. Allan Blakeney, à ce sujet : on sait maintenant qu'il avait raison.

    Deuxièmement, le Barreau canadien estime à ce sujet qu'il incombe aux législateurs d'adopter des lois. Ce sont les législateurs qui ont le pouvoir législatif. Vous prenez des décisions dans votre domaine de compétence, c'est votre travail—vous voyez ce que je veux dire.

À  +-(1015)  

+-

    L'hon. Lorne Nystrom: Oui, en effet. Je partage l'idéologie constitutionnelle d'Alan Blakeney. Je crois qu'il avait raison au sujet de l'équilibre entre le judiciaire et les parlements. Il a joué un rôle clé, à l'époque.

    De tout cela, je peux peut-être prévoir que nous aurons un processus plus ouvert pour le choix des juges à la Cour suprême. Nous ne savons pas encore quel genre de processus nous aurons, mais il devrait être plus ouvert. Si nous nous retrouvons dans la situation où nous devons poser des questions à des juges, quelles sont d'après vous les limites des convenances?

    Je vais parler d'une grande controverse dont on traitera bientôt. Deux nouveaux juges seront nommés à la Cour suprême avant qu'on y traite du renvoi sur le mariage des conjoints de même sexe. Est-ce que le point de vue personnel d'un juge, ses écrits passés, ses décisions, peuvent faire l'objet de questions? J'ai un point de vue à ce sujet, et d'autres pensent le contraire. Je ne dis pas que nous devons le faire, mais jusqu'où peut-on aller? Qu'est-ce qui est convenable, qu'est-ce qui ne l'est pas?

    J'ai une autre question. Comme M. Johnson, je suis de l'Ouest. Par tradition ou en pratique, on a trois juges de l'Ontario, deux de l'Ouest et un de la région atlantique. On veut avoir désormais un processus plus ouvert. Avez-vous des conseils à nous donner au sujet de l'équilibre dans la représentation des régions, des sexes, des Autochtones et des minorités visibles? Devrions-nous nous prononcer aussi sur ces questions? On reçoit de plus en plus de questions à ce sujet. Au sujet de l'égalité sexuelle, par exemple, je ne vois pas pourquoi on n'insisterait pas sur l'égalité dans la représentation des sexes dans nos tribunaux. Je pense que c'est ce vers quoi tend la société. Avez-vous des conseils à nous donner sur ces questions?

    Ces deux questions ne sont pas reliées, mais notre comité devra en traiter.

+-

    Le président: Maître Jacques, c'est à vous.

+-

    Me Denis Jacques: Pour la première question, notre réponse va de soi. Pour nous, il ne doit pas y avoir d'entrevue des candidats. Même s'il s'agit de répondre à des questions qui ne se rapportent pas à leur jugement ou à leurs valeurs morales, les candidats se retrouveraient à dire à tous : « Je suis un candidat, je veux aller à la Cour suprême ». Et s'ils ne sont pas choisis, ils doivent revenir à leur tribunal d'attache. Nous perdrions de bons candidats, puisque par le passé, la plupart des juges nommés à la Cour suprême provenaient d'autres tribunaux, surtout de cours d'appel, et ce genre de candidat ne veut pas que tous sachent qu'il s'intéresse à un poste à la Cour suprême. Ils veulent que le processus soit confidentiel. À mon avis, aucune question n'est acceptable.

+-

    M. Julian Porter: C'est une observation personnelle, qui n'a été endossée par personne. Il y a deux éléments à considérer : d'abord, les questions seront-elles posées à huis clos ou en public? Cela pourrait donner deux séries de questions et de règles différentes. Les questions sont-elles posées seulement à la personne proposée par le premier ministre ou à un plus grand bassin? Il y a le début et la fin du processus et vos questions varieront, selon le cas.

    Au sujet du protocole, si cela se passe en public, quelqu'un enfreindra le protocole. Cela se produit pour les avocats et pour les politiciens. Le protocole dit qu'on ne peut pas poser telle ou telle sorte de questions. Immédiatement, quelqu'un dira : « Que pensez-vous de l'avortement? » En soi, cette question suscite la polémique. Une fois qu'elle est posée, tout le monde dira : « Oups! Vous n'auriez pas dû poser cette question. » C'est trop tard, on a enfreint le processus. Mais si les choses se passent à huis clos et que des députés y soient mêlés et s'entendent pour respecter la confidentialité des délibérations, c'est une autre paire de manches. Je suis convaincu que des députés comme vous siègent à bon nombre de comités qui examinent des questions confidentielles, certainement, par exemple, pour les affaires étrangères.

À  +-(1020)  

+-

    M. William Johnson: Monsieur Nystrom, je vous rappelle ce point de départ fondamental dont ont parlé Me Jacques et M. Porter au début, et aussi dans leurs réponses à votre question : à notre avis, il ne doit pas y avoir d'examen public à l'américaine.

    Pourquoi? Parce que ce procédé, ce procédé public, va nécessairement politiser le processus, ainsi que le candidat, et risque, à notre avis, de nuire à la perception qu'ont les Canadiens de l'indépendance de la magistrature par rapport aux politiciens et au gouvernement. Or, les Canadiens doivent faire confiance au système judiciaire.

    Je suis donc d'accord avec eux, il faut être très prudent au sujet de ce point de départ.

[Français]

+-

    Me Carole Brosseau (avocate, Service de recherche et législation, Barreau du Québec): Si je peux me permettre un dernier commentaire, je dirai qu'en rendant les audiences publiques, on risquerait peut-être d'affaiblir notre magistrature et, en fin de compte, la qualité de la justice au Canada. En procédant ainsi, on veut assurer plus de transparence. Or, est-ce que des interrogatoires comme en font les Américains ajouteraient quoi que ce soit? C'est la question que vous devez vous poser.

    Pour ma part, je crois sincèrement qu'ils ne seraient d'aucune utilité. Je pense au contraire, un peu comme le disait plus tôt M. Johnson, que loin d'améliorer notre système de justice, ils l'affaibliraient. C'est pourquoi il faudrait à mon avis aller dans le sens de nos recommandations et maintenir la confidentialité de ces discussions.

    Je pense qu'en termes de transparence, la population serait beaucoup mieux servie si on faisait connaître le mode de nomination et la façon de procéder des comités. À mon avis, on la rassurerait mieux ainsi qu'en lui faisant savoir ce que pensent personnellement les candidats à la magistrature. En fait, je crois que, pour des raisons d'indépendance judiciaire, les juges potentiels ne pourraient pas répondre à de telles questions, surtout ceux qui siègent déjà à des cours inférieures comme la Cour d'appel ou la Cour supérieure. Cela pourrait se produire. À mon avis, il leur serait impossible de répondre à ce genre de questions, sauf s'il s'agissait de faits ou de la preuve qu'on leur aurait soumise.

[Traduction]

+-

    Mme Tamra Thomson: Comme complément à cette réponse, je dois dire qu'en posant ce genre de questions aux candidats, on présume qu'on peut déterminer à l'avance des décisions qu'ils rendront pour une affaire donnée. Or, nous présumons, quand nous comparaissons devant un tribunal, que le juge a l'esprit ouvert et écoutera les faits de l'affaire, dans leur contexte. Si on demande aux candidats leur avis sur des questions sociales, avant qu'ils soient nommés, on pourrait tout à fait présumer qu'ils n'ont pas l'esprit ouvert lorsque des gens comparaissent devant eux.

+-

    Le président: Merci.

    Mme Torsney a la parole, pour sept minutes.

+-

    Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Merci.

    Au sujet du processus et des statistiques citées par M. Marceau, tout dépend du moment auquel on commence l'évaluation. Pour la Cour suprême des États-Unis, les derniers cas sont horribles. Hier, sur CBC, Clarence Thomas affirmait que même s'il avait eu le poste, cela ne valait pas ce qu'on lui avait fait subir. J'ai trouvé cela frappant, que quelqu'un qui a obtenu un poste de ce rang-là puisse dire que le jeu n'en valait pas la chandelle.

[Français]

    Comme Carole et Denis, je pense qu'on doit faire connaître la composition du comité et les critères utilisés par ce dernier. En outre, je suis d'avis qu'il est nécessaire de sensibiliser davantage les Canadiens au rôle du gouvernement et à celui des cours.

À  +-(1025)  

[Traduction]

    Ce sont précisément dans ces causes-là qu'ils doivent prendre des décisions et qui font tant de remous. On dit que c'est de l'activisme, mais...

    Monsieur Caskey, dans votre dialogue avec M. Nystrom, vous avez parlé de la façon dont les juges interprètent les lois, et du fait que nous pouvons avoir recours à la disposition d'exemption pour casser leurs décisions. Parfois aussi, nous pouvons simplement changer la loi. Il arrive que les juges mettent le doigt sur un problème dans une loi que nous avons adoptée.

    Cette protection, dans certains cas des minorités, est fondamentale pour que nous puissions tous être traités justement par les tribunaux, et pour que nos droits et libertés soient respectés. Je pense que beaucoup de gens ne comprennent pas cet aspect des choses et qu'il nous incombe, si leur décision nous déplaît, de revenir à la charge en disant...

    Lorsque j'ai été membre du comité il y a quelques années, c'est ce qu'on a fait pour diverses questions et c'est ce que nous faisons maintenant, pour les lois sur la pornographie. On a constaté qu'il y avait un problème. C'est un problème légitime. Nous trouverons une autre façon d'atteindre notre objectif.

    Je pense moi aussi qu'il faut faire davantage d'éducation sur le processus et sur les critères.

    Je me pose encore quelques questions. Au sujet du comité,

[Français]

je crois, monsieur Jacques, que vous parliez d'avocats. Est-ce qu'un rôle est prévu pour le public? Je ne suis pas avocate, mais je pense qu'il est nécessaire d'avoir la confiance de toute la population.

[Traduction]

Y a-t-il moyen de veiller à ce que le comité soit représentatif du public?

    Désolée, messieurs. Les quatre hommes ont parlé—les deux femmes ont parlé pendant la dernière ronde—mais vous êtes ici pour représenter vos organismes. Vous n'êtes pas représentatifs du public canadien. Je pense que le tribunal pourrait être plus représentatif.

    Comment peut-on s'assurer que le comité qui examinera...? Et comment proposez-vous que nous y arrivions... la représentativité des deux sexes, des Autochtones et des autres minorités doit être respectée, surtout que vous avez déjà songé aux juges en chef de la Cour suprême, aux juges en chef des provinces et aux présidents du Barreau? La plupart seront sans doute des hommes blancs.

+-

    M. William Johnson: Vous avez tout à fait raison. C'était un élément essentiel de la recommandation faite par l'ABC il y a 18 ans : la participation des citoyens au comité consultatif et la participation des minorités. Le comité dont je faisais partie en Saskatchewan comprenait un membre de la communauté autochtone. Le comité consultatif de la Saskatchewan compte maintenant six femmes et un homme.

+-

    Mme Paddy Torsney: Il faut veiller à l'équilibre entre les sexes.

+-

    M. William Johnson: Précisément. Si ce n'était pas clair dans ce que j'ai dit jusqu'ici, ce l'est maintenant. Vous avez raison. Votre comité en parlera aussi.

+-

    Mme Paddy Torsney: Eh bien, monsieur Johnson, oui et non. Bien franchement, seulement 20 p. 100 des députés sont des femmes, et la représentation est insuffisante. On y arrive, mais les minorités ne sont pas bien représentées.

    Maître Jacques, je crois que vous avez parlé de quatre députés. Ensuite, on a parlé des présidents des Chambres qui seraient deux hommes blancs.

    Nous avions cinq partis à la Chambre. Si vous parlez de quatre parlementaires, il ne faut pas oublier qu'il y a la Chambre et le Sénat. Pour maintenir la confiance, comment s'assurer que ce comité n'échappera pas à tout contrôle?

    Il ne me reste probablement plus de temps.

    Madame Thomson, vous avez dit avoir sondé l'opinion des gens à quelques reprises. Hier, on nous a dit qu'on établissait le profil jurisprudentiel des candidats, qu'on déterminait combien de leurs décisions avaient été renversées, combien avaient été confirmées par des tribunaux supérieurs, et le genre de décisions qu'ils avaient prises.

    Il y a deux choses. Ces renseignements ne pourraient-ils pas au moins être rendus publics, plus souvent? On nous a dit hier qu'un étudiant en droit de première année pourrait faire ce genre d'analyse. Même ces renseignements ne sont-ils pas un résumé trop succinct, puisque le candidat aurait dû prendre en compte des questions de droit et des arguments qui lui étaient présentés à ce moment-là, pendant sa carrière, alors que les affaires qu'il sera appelé à juger seront tout à fait différentes?

    Un dossier sur l'avortement ou le mariage entre conjoints de même sexe aurait été tout à fait différent il y a 20 ans ou il y a 15 ans. Aujourd'hui, il y a de nouveaux précédents. Comment s'assurer qu'il y aura reddition de comptes? Quels autres aspects faut-il considérer?

    Je vous ai posé beaucoup de questions, vous pouvez maintenant formuler vos observations.

+-

    M. James Caskey: Puis-je demander à la députée de clarifier sa position? Quand vous parlez de reddition de comptes, est-ce au sujet du comité, ou au sujet des nominations éventuelles à la magistrature?

+-

    Mme Paddy Torsney: Au sujet de la représentation?

+-

    M. James Caskey: Oui.

+-

    Mme Paddy Torsney: Je pense que le comité devrait au moins être représentatif. Avec le temps, on peut espérer que la Cour suprême le soit aussi.

    On sait que les gens ont tendance à choisir des gens qui leur ressemblent quand ils attribuent des postes, et il faudrait donc peut-être s'assurer qu'au départ, le comité qui prendra la décision aura une pensée plus ouverte.

À  +-(1030)  

+-

    Le président: Monsieur Caskey, vous avez la parole.

+-

    M. James Caskey: Merci, monsieur le président.

    Il me semble que votre comité... soyez prudents, évitez qu'il soit trop inefficace. Quand on essaie de plaire à tout le monde, on se retrouve... On pourrait faire un sondage, chaque fois qu'on veut le consensus sur ce que le comité a l'intention de faire. On ne peut pas fonctionner ainsi, cela ne marche tout simplement pas.

    Il me semble que vous êtes très prudents, en façonnant le comité. Je vous ai toujours perçus comme les représentants du peuple. Le peuple vous élit. Vous représentez au Parlement le point de vue des Canadiens. Il me semble que si vous avez un certain nombre, que ce soit trois, quatre, ou cinq... Vous n'avez pas à être très nombreux, puisque vous présenterez à la table le contexte et le point de vue de si nombreux Canadiens.

    Je pense que c'est l'intérêt public que vous défendez dans toutes vos délibérations, et c'est pour moi un élément crucial. C'est important pour moi : il doit y avoir cette représentation au comité. C'est une façon de faire participer le public, puisque vous êtes les représentants du public.

+-

    Me Denis Jacques: Dans notre premier rapport, en 1987, on distinguait entre le Comité des nominations à la Cour suprême et les autres, qui existent actuellement, pour les cours supérieures et les cours d'appel. N'oublions pas que la Cour suprême est très spécialisée : c'est la plus haute cour. Voilà pourquoi nous demandons que des spécialistes fassent partie du comité : le juge en chef de la Cour suprême, les juges en chef des cours provinciales, les présidents des barreaux et le président de l'ABC. Nous étions prêts à ajouter aussi des parlementaires. J'aime bien la réponse de mon collègue de l'Ontario, qui dit que le public peut être représenté par les parlementaires.

    Nous sommes d'accord avec l'ABC qui propose quatre parlementaires. Ce pourrait être cinq, ou trois. Il vous incomberait de choisir ces représentants. C'est la raison pour laquelle nous avons proposé une autre solution, soit la participation du Président de la Chambre des communes et du Président du Sénat, pour avoir des parlementaires qui ont un rôle impartial.

    S'il est trop difficile de décider s'il y en aura trois, quatre ou cinq, et qui seraient ces quatre ou cinq membres, il est toujours possible de faire en sorte que ces parlementaires fassent partie du comité.

[Français]

+-

    Mme Paddy Torsney: Monsieur Jacques, je ne suis pas certaine qu'il y ait...

[Traduction]

+-

    Le président: Toutes mes excuses, madame Torsney.

+-

    Mme Paddy Torsney: Désolée, juste une seconde.

+-

    Le président: Vous avez cinq secondes pour préciser.

+-

    Mme Paddy Torsney: Est-ce qu'il y a des femmes chez les présidents des barreaux des provinces, ou des femmes juges dans les cours supérieures?

+-

    Mr. Denis Jacques: La juge en chef de la Cour supérieure du Québec est une femme et la juge en chef de la Cour suprême est aussi une femme.

+-

    Mme Tamra Thomson: Pour chaque année, les présidents des sections de l'Association du Barreau canadien... pour bien des années, il y a davantage de femmes que d'hommes. La direction du Barreau elle-même devient de plus en plus représentative des femmes. Pour ce qui est de la représentation au Parlement, je crois que c'est le sujet dont traite un autre de vos comités.

+-

    Le président: Merci.

    Nous avons maintenant terminé la ronde des interventions de sept minutes. Il nous reste environ 20 ou 25 minutes. Un autre comité a réservé la salle pour 11 heures. J'aimerais qu'on respecte bien les trois minutes de cette ronde.

    On me rappelle que nous avons adopté une motion sur l'alternance des interventions, pour cette ronde. Je signale toutefois que cinq députés du côté ministériel n'ont pas encore eu la chance de poser une question. Je vais vérifier auprès de la greffière, pendant que nous abordons cette ronde.

    Il est clair que M. Breitkreuz est le suivant, et il a trois minutes.

À  +-(1035)  

+-

    Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean, Lib.): Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Je dois vraiment m'opposer à cela. Il nous reste moins de 35 minutes avec ces très importants témoins et pour les députés de ce côté-ci, il est vraiment inacceptable d'avoir si peu de temps.

+-

    Le président: Nous y réfléchirons pendant les prochaines interventions.

    M. Breitkreuz a trois minutes, et je vais intervenir pour m'assurer qu'il ne dépasse pas ce temps.

+-

    M. Kevin Sorenson: La prochaine fois, arrivez à l'heure!

+-

    Le président: Monsieur Breitkreuz, s'il vous plaît.

+-

    M. Garry Breitkreuz: J'ai sept questions et j'ai l'intention de les poser très rapidement. Je ferai de mon mieux. Vous pouvez choisir les questions auxquelles vous souhaitez répondre.

    Premièrement, est-ce que les comités consultatifs que vous proposez vont simplement examiner les candidatures proposées ou peuvent-ils aussi en recommander?

    Deuxièmement, est-ce que le ministre de la Justice ou le premier ministre serait tenu de faire les nominations à partir de cette liste, ou pourrait-il nommer quelqu'un qui n'est pas sur la liste des candidatures recommandées, ou qui n'a pas fait l'objet d'un examen?

    Troisièmement, puisque ce sont souvent des politiciens qui nomment les juges, est-ce que ce n'est pas déjà politisé? Souvent, les nominations sont faites rapidement, avant que quelqu'un quitte son poste, pour accorder une faveur, par exemple.

    Est-il possible que les avocats et les juges soient si consumés par le droit et ses détails techniques qu'ils en oublient l'effet global de leurs décisions? Je pense à une affaire en Saskatchewan, que vous connaissez peut-être, qui crée actuellement beaucoup d'émoi. Je suis de ceux qui croient que le droit doit faire respecter l'ordre dans la société. Il faut parfois en être bien conscient et notamment, à mon avis, en nommant des juges.

    Ensuite, comme la Cour suprême choisit soigneusement les affaires qu'elle entend, le fait de les rejeter n'est-il pas en soi un jugement? Pourquoi ne pas être très prudents en choisissant ces juges, en tenant compte de leurs opinions, puisque c'est un facteur déterminant quant au choix des causes qu'ils entendront?

    La question suivante...

+-

    Le président: Monsieur Breitkreuz, vous êtes déjà à la marque de deux minutes et 23 secondes et il faut garder du temps pour les réponses.

+-

    M. William Johnson: Il y avait cinq questions. La première portait sur l'examen ou la recommandation de candidats. Dans le fonctionnement actuel des comités, et selon la formule proposée par le Barreau canadien, le comité consultatif spécial recommanderait ou ne recommanderait pas des candidats donnés.

    Deuxième question : le premier ministre peut-il considérer d'autres candidats que ceux de la liste proposée? Dans le fonctionnement actuel des comités, c'est non. C'est la convention, et il n'est jamais arrivé que le ministre de la Justice nomme quelqu'un qui n'était pas sur la liste. Nous estimons que le premier ministre ne doit pas le faire non plus, pour respecter la convention.

    La troisième question portait sur la politisation du processus, je crois. C'était une de nos préoccupations il y a 18 ans, et elle animait le travail de Bob McKercher, de la Saskatchewan. Un comité spécial a été créé et a recommandé de dépolitiser le processus. C'est ce que propose aussi le rapport McKelvey et nous-mêmes.

    Quatrièmement, est-ce que les juges et les avocats sont ou non conscients de l'effet de leurs décisions sur la collectivité? Je crois que oui, mais rappelez-vous que le rôle du juge est de décider d'une affaire, telle qu'elle lui est présentée par les parties; la loi exige qu'il agisse ainsi, et qu'il ne se lance pas dans l'élaboration des politiques sociales.

+-

    Mme Tamra Thomson: Encore une chose. Pour dépolitiser davantage le processus, l'ABC a proposé une période de battement de deux ans, avant qu'une personne qui a beaucoup participé à la vie politique soit nommée à la magistrature.

+-

    M. James Caskey: Si vous permettez, je vais parler uniquement de la question relative au droit d'appel à la Cour suprême. À une certaine époque, on avait un droit absolu de s'adresser à la Cour suprême du Canada, si la question en cause avait une valeur supérieure à 10 000 $. Les lois ont changé cela.

+-

    Le président: Monsieur Breitkreuz, vous avez sans doute d'excellents arguments, mais nous n'avons pas le temps de les entendre.

    Maître Jacques, vous avez la parole.

+-

    Me Denis Jacques: Pour répondre à cette dernière question, je dirai qu'il ne s'agit pas de juger à l'avance, mais de juger, simplement. Avant d'entendre une cause, les juges doivent déterminer si elle a un intérêt national. Ils doivent donc juger de cela. Quand ils décident de ne pas entendre une affaire, ils émettent un jugement, et non un jugement à l'avance.

À  +-(1040)  

+-

    Le président: Merci.

    Nous avons beaucoup de questions et beaucoup de réponses, aujourd'hui.

    Mme Catterall a droit à trois minutes.

+-

    Mme Marlene Catterall: Tout d'abord, à ceux qui n'ont pas vu l'épisode d'hier soir de The West Wing, sur la nomination d'un juge à la Cour suprême, je vous en recommande chaudement le visionnement. C'était brillant, à mon avis, et très édifiant pour les décisions que nous avons à prendre.

    J'ai de nombreuses objections, comme vous, au sujet de l'examen par un comité parlementaire d'un candidat proposé, pour les raisons que vous avez énoncées, mais aussi à cause de l'influence que cela aurait sur le choix au départ, sachant que cette personne devrait comparaître devant un comité.

    Deuxièmement, je ne crois pas qu'un juge sain d'esprit qui voudrait de ce poste de haut rang voudrait répondre aux genres de questions que poseraient les politiciens, puisque cela pourrait compromettre sa position de juge.

    On nous a demandé de traiter très rapidement d'un sujet très important. Beaucoup d'entre vous nous ont recommandé d'agir lentement, et je suis prêt à envisager un processus intérimaire, pour les deux vacances annoncées. Vous avez parlé du fait que ce n'était pas un processus transparent. Bien franchement, j'estime que c'est l'un des plus grands déficits démocratiques, mais j'aimerais avoir votre opinion sur les autres problèmes qu'on a attribués à ce processus, jusqu'ici.

    Deuxièmement, les comités consultatifs sont-ils si purs? J'ai entendu des plaintes sur les préjugés qui animent les comités consultatifs, qu'il s'agisse des opinions personnelles de leurs membres au sujet des personnes à considérer.

    J'en viens presque à la conclusion, pour cette fois, que si nous voulons réfléchir de manière approfondie à cette question constitutionnelle fondamentale, c'est impossible dans les quelques semaines à venir. Il nous faudrait peut-être un processus intérimaire par lequel, par exemple, le ministre de la Justice pourrait venir justifier les recommandations qu'il a faites et expliquer le processus suivi, pour que nous puissions ensuite prendre le temps de changer le processus qui existe depuis 130 ans.

    Quoi qu'il en soit, j'aimerais que vous nous disiez quels sont les problèmes que nous devons régler, et quel degré d'impartialité et de pureté on peut attribuer vraiment aux comités consultatifs.

+-

    M. James Caskey: Je ne pense pas qu'il s'agisse de lacunes réelles, mais seulement de lacunes perçues. Je pense plutôt que le processus lui-même est mal connu. C'est un processus qui existe depuis très longtemps et qui a abouti à la nomination d'excellents juges à la Cour suprême du Canada. Je crois que la population serait rassurée si elle savait à quel point ce processus est rigoureux. Je crois donc qu'il s'agit plutôt de lacunes perçues.

    Quand aux deux prochaines nominations qui vont être faites à la Cour suprême du Canada, la suggestion que vous faites, à savoir que le ministre de la Justice comparaisse devant le comité pour justifier son choix, me semble bonne... Je ne pense pas qu'il serait bon que les candidats comparaissent devant le comité... Il faudrait s'en tenir au système actuel.

    Vous avez raison. L'important, à mon avis, c'est de prendre le temps voulu pour trouver un bon système.

+-

    M. William Johnson: Sauf le respect que je vous dois, monsieur Caskey, je crois que le système comporte deux lacunes fondamentales qui ont poussé le Barreau canadien il y a 18 ans à proposer le système de comité dont nous parlons aujourd'hui. La première est que l'ancien système était trop politisé. On a proposé la création d'un comité consultatif pour dépolitiser le processus des nominations. Voilà donc la première lacune du système actuel.

    La seconde, c'est que le public ne comprenait pas le processus de nomination qui n'était pas transparent. Nous avons proposé un comité consultatif afin de faire participer le public au processus. L'Association du Barreau canadien a beaucoup discuté de cette question, mais pas avec assez de succès, de toute évidence parce que c'est notre idée. Le système n'est pas considéré transparent. Nous l'avons rendu plus transparent. Davantage doit être fait à cet égard.

    Notre recommandation vise donc à rendre le processus plus transparent pour que les Canadiens le comprennent et comprennent les critères du mérite qui sont appliqués. Voilà donc les deux lacunes fondamentales du système actuel.

À  +-(1045)  

+-

    Le président: Je vous remercie.

    Maître Jacques.

+-

    Me Denis Jacques: Je conviens avec mes collègues que la principale lacune est le manque de transparence du système. Comme je l'ai dit dans ma déclaration, de bons juges ont été nommés ces dernières années à la Cour suprême du Canada. Ces nominations étaient bonnes. La Cour suprême est solide à l'heure actuelle. Le principal problème, c'est que le système manque de transparence pour le public.

    Vous avez demandé si les comités qui existent aux échelons inférieurs sont très purs. Aucun système n'est parfait, mais je pense que ce système est assez bon. Sept personnes appartenant à différents milieux font partie de ce comité qui, je crois, a fait de bonnes recommandations.

+-

    Le président: Je vous remercie.

    Je vais maintenant accorder trois minutes à M. Marceau. Comme il a déjà posé des questions lors du tour précédent, je vais lui demander de s'en tenir au temps imparti.

    Monsieur Marceau.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Il semble y avoir un consensus chez les universitaires que nous avons reçus au début de la semaine et les représentants des avocats que nous recevons aujourd'hui sur le fait qu'il doit y avoir un rôle pour les parlementaires et un rôle pour les provinces. C'est une première ébauche de conclusion.

    J'ai trois questions à poser.

    Premièrement, si on veut que des membres du public siègent à un comité comme celui auquel Me Johnson a fait allusion, comment va-t-on les choisir?

    Deuxièmement, si on veut faire les nominations en se fondant sur le mérite du candidat, comment pourra-t-on équilibrer cette caractéristique essentielle et une autre caractéristique, tout aussi essentielle à mon avis, c'est-à-dire que l'on ait un banc qui ressemble à la société, ce qui implique la prise en considération des membres des minorités et d'une représentation équitable des hommes et des femmes?

    Troisièmement, vous avez dit tout à l'heure qu'on ne pouvait pas vraiment prendre en compte les jugements qu'ont rendus les candidats, par exemple à la Cour d'appel. Or, on nous a dit que dans le processus actuel, on faisait déjà un profil jurisprudentiel--Paddy Torsney y faisait allusion tout à l'heure--des candidats potentiels et qu'on en tenait compte dans le processus. Si on veut ouvrir davantage le processus, comment pourra-t-on ne pas tenir compte du profil jurisprudentiel du candidat?

[Traduction]

+-

    Le président: Je vous remercie.

    Madame Brosseau.

[Français]

+-

    Me Carole Brosseau: Si vous me le permettez, je vais répondre à la deuxième question concernant le mérite des candidats. Naturellement, la question des sexes m'interpelle beaucoup, de même que celle de la diversité.

    Quant au mérite des candidats, il faut comprendre qu'un comité de sélection, quel qu'il soit, doit établir ses propres règles. La société a évolué, et l'application de la charte n'appartient pas exclusivement aux tribunaux; elle appartient à tous les citoyens et citoyennes du Canada. On parle à ce moment-là de nos valeurs fondamentales, dont celle de l'égalité de tous.

    Il y avait un problème quant au mérite des candidats, mais il a été corrigé au cours des années. L'Association du Barreau canadien mentionnait ces critères dans son rapport de 1992 sur la diversité. Justement, ce sont les critères dont on se sert pour nommer les juges qui peuvent être défavorables aux femmes et aux minorités. Souvent, pour des raisons très personnelles, on choisit des voies traditionnelles qui pourraient, à toutes fins utiles, porter préjudice à des candidates ou candidats de toutes provenances.

    Lorsqu'on regarde les critères mentionnés dans le rapport de 1999 du commissaire à la Magistrature fédérale, on voit qu'il y a eu une recherche afin de trouver des candidats autant parmi les femmes que parmi les membres des minorités. Les dernières nominations confirment qu'un effort a été fait pour aller chercher des candidats tant chez les femmes que chez les membres des minorités. Donc, on fait des efforts en ce sens. En ce qui a trait à la diversité, le choix devrait se faire de cette façon.

    Quant au mérite proprement dit, je pense qu'il faut considérer tant l'expérience personnelle que l'expérience professionnelle d'un candidat. C'est le caractère pluridimensionnel de l'expérience d'une personne qui fera d'elle un bon juge. À mon avis, le mérite est fondé tant sur les expériences de travail d'une personne que sur son engagement social, etc. Ce sont tous des éléments qui peuvent être pris en compte. Je dirais qu'en ce qui concerne la diversité, ce sont les critères initiaux qui sont importants.

+-

    Me Denis Jacques: Au sujet de la première question concernant les gens du public, ce que j'ai compris de la composition du comité pour les nominations à la Cour suprême, c'est qu'on n'incluait pas directement de gens du public. Outre les parlementaires, les juges en chef et les membres des barreaux et du Barreau canadien, on n'inclut pas des gens directement du public. C'est du moins ce que nous avons compris au Barreau du Québec.

    Deuxièmement, au sujet du mérite, la politique qui existe actuellement concernant les nominations à la magistrature fédérale prévoit déjà une liste de critères, dont la compétence et l'expérience professionnelle, qui sont vérifiés par les comités. Évidemment, tous ces critères--compétence en droit, expérience juridique variée, engagement envers le droit, capacité de jouer le rôle conféré par la charte, normes, réputation professionnelle, maturité et objectivité du jugement--pourraient aussi être appliqués lors de l'examen du mérite des candidatures.

    Il y a un autre volet qu'il faut considérer. On sait que la juge en chef de la Cour suprême siège au sein du comité. Il y a lieu de se demander quels sont les besoins au niveau de la cour. Est-ce qu'on a vraiment des besoins dans un type particulier de droit? Est-ce qu'il y a une lacune en matière de droit public? Cette question pourrait aussi être examinée d'une certaine façon par le comité.

    Pour ce qui est du profil jurisprudentiel, je pense que chaque fois qu'il y a une nomination, le profil jurisprudentiel de la personne est rendu public à la suite de sa nomination. Je pense que les gens qui siégeraient au sein de ce comité pourraient en faire un des points de leur examen avant d'en arriver à leur recommandation.

À  +-(1050)  

+-

    M. William Johnson: Monsieur Marceau, au départ, il faut se poser deux questions: qui seront les membres de chaque comité, et quels critères faut-il examiner quand il s'agit d'évaluer le mérite d'une personne? Nous avons suggéré les critères du mérite dans notre soumission. Ce sont deux bonnes questions à se poser au départ: qui seront les membres des comités et qui seront les candidats évalués par les comités? Ce sont deux questions que vous devez examiner ici, à ce comité, à notre avis. Vous avez nos suggestions.

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Dion, je dois être honnête et réaliste. Il ne nous reste que de cinq à sept minutes. Je vous demande donc de poser des questions au lieu de faire des observations. D'autres députés veulent aussi poser des questions.

    Monsieur Dion, je vous prie.

[Français]

+-

    L'hon. Stéphane Dion (Saint-Laurent—Cartierville, Lib.): Merci beaucoup. Trois minutes, cela donne le vertige, parce qu'on a tellement de choses à considérer.

[Traduction]

    Vous avez trois minutes à partir de maintenant.

[Français]

    J'aurais envie de demander à vos trois organisations combien de temps il leur faudrait pour nous présenter quelque chose de plus détaillé, parce que, voyez-vous, le diable est dans les détails dans ce genre de chose.

    Pour ce qui est de la question des critères, n'est-il pas exact, comme vient de le dire Me Jacques, qu'il y a aussi des critères liés aux circonstances? Là, on va avoir sept juges, parce qu'il y en a deux qui partent. Ces sept juges ont une certaine expertise. La cour a certains besoins qui vont déjà circonscrire un peu le travail. Mais n'est-il pas exact aussi qu'il est difficile, quand un juge de la région de Québec s'en va, de nommer un juge de Montréal? Il faut qu'on indique par écrit quel poids on doit donner aux critères de circonstances par rapport aux critères de diversité et aux critères d'expertise.

    La question suivante porte sur la composition. Qui préside un tel comité? Le rôle du président est tellement essentiel. Est-ce qu'il faut que le juge en chef fasse partie du comité? Est-il possible qu'il ne le préside pas alors qu'il en fait partie? S'il en fait partie, est-ce qu'il ne va pas un peu intimider tout le monde, parce qu'il aura quand même un si grand prestige par rapport aux autres membres?

    Dans sa proposition, l'Association du Barreau canadien parle d'un représentant du juge en chef. Qu'est-ce qu'un représentant du juge en chef? Quand on parle d'un représentant du ministère fédéral, est-ce qu'on veut dire que cela doit être le sous-ministre? Faut-il être plus précis? Puisqu'on parle des provinces, il serait bien d'inclure un représentant du ministère provincial et non pas seulement un représentant du barreau de la province en question. Est-ce que ce ne serait pas une bonne idée que de faire comme dans certains pays où on demande aux doyens des facultés de la région ou de la province en question de choisir un représentant du monde académique? J'aimerais que vous réfléchissiez davantage à la composition.

    Passons maintenant à la méthode de travail. Vous nous dites que tout doit être confidentiel, d'où une certaine ambiguïté dans votre appel à la transparence. Vous voulez que le processus soit connu, mais que le déroulement du processus lui-même soit rigoureusement confidentiel. Vous nous avez dit que ce n'était pas un manque de transparence, mais un besoin. Maintenant, ce que j'ai compris de Me Jacques, c'est qu'il n'y aurait même pas de rencontres, d'entrevues, avec des candidats potentiels. Non seulement ces entrevues ne seraient pas publiques, mais elles n'auraient tout simplement pas lieu. Le comité travaillerait vraiment à huis clos. Il travaillerait en se basant sur des dossiers, des connaissances, des consultations qu'il ferait. Est-ce que le comité ferait des consultations, et quelles seraient-elles? J'aimerais que vous nous parliez des consultations du comité consultatif.

    Ensuite, est-ce qu'on vote? Il est possible, surtout s'il y a des parlementaires au sein du comité, qu'il n'y ait pas d'accord. Si vous y mettez des parlementaires, il y a un risque que les désaccords augmentent. Dans ce cas-là, comment procéderait-on? Est-ce qu'il faut prévoir une formule officielle de décision ou laisser cela dans le vague?

    J'aurais tellement d'autres questions, mais je suis en train d'épuiser mon temps. Je vais vous en poser une dernière. Ne serait-il pas valable qu'on apprenne, que ce soit un processus d'apprentissage? Le comité consultatif, peut-être par la voix de son président, pourrait venir témoigner ici, devant le comité parlementaire, après le processus, une fois que le juge aura été choisi. Sans rien révéler de confidentiel sur le processus, il pourrait nous dire ce qu'on a appris et comment on a procédé pour qu'on continue à s'améliorer. On aurait un compte rendu écrit, formel de la façon dont les choses se sont déroulées.

    Enfin, que fait le comité? Qu'est-ce qu'une recommandation? La question a déjà été posée, mais est-ce une liste restreinte qu'on envoie au ministre de la Justice? Est-ce qu'on lui propose un candidat précis ou si on laisse cela dans le vague?

    J'ai tellement de questions, monsieur le président. Ça prouve à quel point M. Porter et M. Caskey ont raison de dire qu'on doit vraiment étudier le sujet à fond avant de se lancer à toute vapeur dans un changement.

À  +-(1055)  

[Traduction]

+-

    Le président: Je regrette de devoir dire que nous manquerons sans doute de temps avant que toutes les réponses aient été fournies. Je sais que d'autres personnes veulent aussi poser des questions.

    Notre attaché de recherche, M. Rosen, me signale que les témoins peuvent aussi fournir des réponses par écrit.

+-

    L'hon. Stéphane Dion: Aurez-vous le temps de nous envoyer ces réponses?

+-

    Le président: J'invite les témoins à répondre par écrit à toutes les questions qu'ils souhaiteront, qu'elles soient petites ou grandes.

+-

    L'hon. Stéphane Dion: Voici ma question : combien de temps vous faudra-t-il pour nous fournir ces précisions qui sont tellement essentielles?

[Français]

+-

    Me Denis Jacques: Évidemment, nous sommes à la disposition du comité. C'est sûr que nous allons pouvoir fonctionner avec les échéances si on nous donne le temps de le faire. Nous vous avons déjà indiqué que nous aurions la plénière de notre congrès, lors de laquelle il y aura 500 avocats dans la salle ainsi que des juges qui discuteront du processus. Mais s'il y a des délais plus serrés, nous offrons toute notre collaboration au comité, bien sûr.

    Vous avez raison de dire qu'il ne faut pas y aller à la hâte. C'était d'ailleurs ma conclusion et celle de notre rapport. C'est une chose qu'on veut durable et qui est tellement importante qu'il ne faut certainement pas faire les choses de façon précipitée. Les sous-questions que vous avez soulevées dans votre question démontrent à quel point tout ce dossier est épineux.

    Est-ce que les décisions se prennent à la majorité? Doivent-elles être unanimes? Est-ce qu'il y aura de deux à cinq recommandations? On a déjà pensé que le comité pourrait recommander entre deux et cinq personnes au premier ministre. Ce n'est pas le ministre de la Justice, mais bien le premier ministre qui détermine qui seront les juges à la Cour suprême. Est-ce que le représentant du comité pourrait venir témoigner pour faire part de son expérience? C'est une idée à laquelle il y aurait lieu de réfléchir davantage.

[Traduction]

+-

    Le président: Nous pourrions peut-être considérer qu'il s'agit d'un début de dialogue entre les trois témoins institutionnels, les véritables témoins et le comité. Je vais demander à la greffière et à l'attaché de recherche de coordonner l'obtention des réponses aux questions qui ont été posées. Je parle de nouvelles questions et de nouvelles réponses. Ce dialogue commence à peine.

    J'aimerais vous remercier tous d'avoir comparu devant le comité. Il se peut que le comité décide de vous convoquer de nouveau devant lui.

    Madame Barnes.

+-

    L'hon. Sue Barnes (London-Ouest, Lib.): Puis-je poser mes questions même s'il n'y a pas de temps pour qu'on y réponde?

+-

    Le président: Oui, vous pouvez poser vos questions pour le compte rendu. Allez-y.

Á  -(1100)  

+-

    L'hon. Sue Barnes: Oui, j'aimerais pouvoir le faire.

    Il est bien évident que le premier ministre a le droit constitutionnel de nommer les juges de la Cour suprême. Je pense qu'il y a deux questions distinctes et...

+-

    Le président: Madame Barnes, voudriez-vous poser vos questions sans faire de préambule...

+-

    L'hon. Sue Barnes: Très bien. Qu'est-ce qui distingue les personnes qui sont consultées des personnes qui pourraient siéger au comité consultatif? S'agirait-il d'un processus différent? Le dernier candidat comparaîtrait-il devant le comité consultatif? Quelle forme prendrait ce processus par opposition à l'autre—et j'aimerais que vous nous expliquiez les deux—qui comporte un comité comptant plus de membres? Les membres de ce comité pourraient différer des personnes qui seraient consultées. Je pense que cette différence est importante.

    Merci.

+-

    Le président: Je vous remercie.

    Deux autres personnes. Seulement des questions, monsieur Breitkreuz.

+-

    M. Garry Breitkreuz: Oui.

+-

    Le président: Monsieur Breitkreuz, une question se termine par un point d'interrogation.

+-

    M. Garry Breitkreuz: Je vous remercie, monsieur le président.

    Je voulais simplement signaler...

+-

    Mme Paddy Torsney: J'invoque le Règlement. Plusieurs personnes veulent poser des questions. Ne serait-il pas plus simple que nous rédigions nos questions et que nous demandions à la greffière de les transmettre aux témoins?

+-

    Le président: Les députés ont demandé de pouvoir poser leurs questions pour le compte rendu.

    Monsieur Breitkreuz, pourriez-vous poser vos questions rapidement.

+-

    M. Garry Breitkreuz: Je crois qu'il y a une contradiction possible dans votre...

+-

    Le président: Il ne s'agit pas d'une question. Je vous demande de bien vouloir poser votre question.

+-

    M. Garry Breitkreuz: Très bien. N'y a-t-il pas une contradiction dans votre présentation en ce qui touche les critères? Vous soutenez, d'une part, que les opinions personnelles des juges n'influent pas sur les décisions qu'ils rendent mais, d'autre part, vous dites qu'il faudrait tenir compte comme critère de nomination du sexe, de la race, de la couleur, des croyances, de la religion, etc. Si la justice est aveugle, les antécédents d'un juge ont-ils vraiment de l'importance? J'ai l'impression que vous vous contredisez dans cette partie de votre exposé.

+-

    Le président: Voilà votre point d'interrogation. Merci.

    Monsieur Maloney.

+-

    M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.): Ma question s'adresse à M. Porter. Le groupe de témoins que nous avons entendus ce matin avait bon nombre d'opinions communes au sujet des critères de sélection et de la composition du comité. Vous avez dit qu'hier soir vous aviez participé à un dîner où 15 membres de la magistrature avaient exprimé des points de vue très différents sur la question. J'aimerais que vous nous donniez une idée de ces points de vue sans nommer qui que ce soit.

+-

    Le président: Très bien.

+-

    Mme Paddy Torsney: Il s'agit d'une question d'ordre technique.

+-

    Le président: Allez-y. Posez tout simplement votre question, madame Torsney.

+-

    Mme Paddy Torsney: Recommander, ne pas recommander, par consensus, vote ou à la majorité... si ce comité compte des membres de l'opposition, il est très possible que ces membres n'arrivent jamais à s'entendre. Comment est-ce que cela va fonctionner?

-

    Le président: Pour ce qui est du comité consultatif.

    De bonnes questions. Je remercie nos témoins. Merci, chers collègues. Je regrette qu'il ne nous reste plus de temps.

    La séance est levée.