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NDVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 25 septembre 2003




Á 1105
V         Le président (M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.))
V         Mme Elsie Wayne (Saint John, PC)
V         Le président
V         M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ)
V         Le président
V         Lieutenant-général Richard Evraire (à la retraite) (président, Conférence des associations de la défense

Á 1110

Á 1115
V         Le président
V         Mme Cheryl Gallant (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Alliance canadienne)
V         Lgén Richard Evraire
V         Colonel Howard Marsh (à la retraite) (analyste principal de la défense, Conférence des associations de la défense)
V         Mme Cheryl Gallant
V         Col Howard Marsh
V         Mme Cheryl Gallant
V         Lgén Richard Evraire

Á 1120
V         Colonel Alain Pellerin (à la retraite) (directeur exécutif, Conférence des associations de la défense)
V         Le vice-président (M. David Price (Compton—Stanstead, Lib.))
V         M. Robert Bertrand (Pontiac—Gatineau—Labelle, Lib.)
V         Lgén Richard Evraire

Á 1125
V         M. Robert Bertrand
V         Lgén Richard Evraire
V         Col Alain Pellerin
V         M. Robert Bertrand

Á 1130
V         Lgén Richard Evraire
V         Col Alain Pellerin
V         Le vice-président (M. David Price)
V         M. Claude Bachand
V         Le vice-président (M. David Price)
V         Mme Elsie Wayne

Á 1135
V         Mme Elsie Wayne
V         Lgén Richard Evraire

Á 1140
V         Mme Elsie Wayne
V         Le vice-président (M. David Price)
V         M. Claude Bachand
V         Lgén Richard Evraire

Á 1145

Á 1150
V         Le vice-président (M. David Price)
V         M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.)

Á 1155
V         Lgén Richard Evraire
V         M. Ivan Grose

 1200
V         Le vice-président (M. David Price)
V         Mme Cheryl Gallant
V         Col Howard Marsh
V         Mme Cheryl Gallant
V         Lgén Richard Evraire

 1205
V         Col Howard Marsh
V         Lgén Richard Evraire
V         Mme Cheryl Gallant
V         Lgén Richard Evraire
V         Mme Cheryl Gallant
V         Lgén Richard Evraire
V         Col Howard Marsh
V         Le vice-président (M. David Price)
V         Col Howard Marsh

 1210
V         Le vice-président (M. David Price)
V         M. Ivan Grose
V         Le vice-président (M. David Price)
V         M. Claude Bachand
V         Lgén Richard Evraire

 1215
V         Col Alain Pellerin
V         Le vice-président (M. David Price)

 1220
V         Lgén Richard Evraire
V         Col Howard Marsh
V         Le vice-président (M. David Price)
V         Col Howard Marsh
V         Le vice-président (M. David Price)
V         Col Howard Marsh
V         Lgén Richard Evraire
V         Le vice-président (M. David Price)

 1225
V         Mme Cheryl Gallant
V         Lgén Richard Evraire
V         Le vice-président (M. David Price)
V         M. Ivan Grose
V         Lgén Richard Evraire

 1230
V         Col Howard Marsh
V         Le vice-président (M. David Price)
V         M. Claude Bachand
V         Lgén Richard Evraire

 1235
V         Col Alain Pellerin
V         Le vice-président (M. David Price)

 1240
V         Lgén Richard Evraire
V         Le vice-président (M. David Price)
V         Lgén Richard Evraire
V         Col Alain Pellerin
V         Col Howard Marsh

 1245
V         Le vice-président (M. David Price)
V         Lgén Richard Evraire
V         Le vice-président (M. David Price)










CANADA

Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants


NUMÉRO 035 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 25 septembre 2003

[Enregistrement électronique]

Á  +(1105)  

[Traduction]

+

    Le président (M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.)): Je déclare ouverte cette séance du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants.

    Nous recevons aujourd'hui des gens que nous connaissons très bien—du moins notre comité les connaît très bien. Il s'agit des représentants de la Conférence des associations de la défense, dont le président est le lieutenant-général à la retraite Richard J. Evraire. Il est accompagné du colonel retraité Alain Pellerin et du colonel retraité Howard Marsh.

    Au nom du comité, je vous souhaite la bienvenue à tous, messieurs.

    Avant que vous nous présentiez votre exposé, général Evraire, je voudrais aviser le comité qu'on m'a demandé de participer à une conférence de presse de tous les partis sur la situation du tribunal spécial au Sierra Leone. Je devrai donc m'absenter dès que le général Evraire nous aura présenté ses observations. J'espère que vous excuserez mon absence. C'est plutôt inévitable dans les circonstances. J'avais certainement espéré être ici pour toute la durée de nos échanges avec les représentants de la Conférence.

    Cela dit, général Evraire, je vous donne la parole afin que vous nous présentiez vos observations.

+-

    Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le président, moi aussi je dois partir. Je dois me rendre à une réunion à l'édifice du Centre à midi moins le quart. Je suis désolée.

+-

    Le président: Très bien. J'espère qu'il y aura suffisamment de députés autour de la table pour que nous puissions continuer à poser les questions et à obtenir davantage d'information dans le cadre de notre étude sur les relations canado-américaines en matière de défense.

    Oui, monsieur Bachand.

+-

    M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Monsieur le président, je voudrais dire, aux fins du compte rendu, que je resterai.

+-

    Le président: Monsieur Bachand, je pense que vous avez la réputation d'être l'un des piliers de notre comité et on en a encore une fois dûment pris note.

    Très bien, général Evraire, à moins que quelqu'un d'autre ne veuille intervenir, vous avez la parole.

[Français]

+-

    Lieutenant-général Richard Evraire (à la retraite) (président, Conférence des associations de la défense:

    Merci, monsieur le président.

    Membres du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants, je vous remercie de m'avoir invité à contribuer aux discussions sur les relations de défense entre le Canada et les États-Unis.

[Traduction]

    La Conférence des associations de la défense a, déjà eu l'occasion d'informer le comité de l'état des Forces canadiennes. Ce matin je vous parlerai de l'état des Forces militaires canadiennes à nouveau et aussi de la coopération en matière de défense avec les États-Unis.

    Je ferai d'abord trois observations. Premièrement, après l'attaque terroriste du 11 septembre contre les États-Unis, le Canada ne peut plus être considéré comme étant à l'épreuve de ces problèmes. Deuxièmement, le risque pour la sécurité nationale augmentera à mesure que les Forces canadiennes continueront d'être insuffisamment financées. Troisièmement, les relations entre le Canada et les États-Unis en matière de défense sont fondamentales pour permettre au Canada d'atteindre ses trois objectifs de politique de défense, soit la sécurité nationale, la sécurité de l'Amérique du Nord, et la stabilité internationale.

[Français]

    La relation entre le Canada et les États-Unis est unique en termes de complexité et de portée. Les deux pays ont en commun un vaste réseau de liens dans des domaines allant du libre-échange à la défense, en passant par l'environnement. Ils ont aussi des intérêts similaires en matière de politique économique et étrangère, ainsi qu'à l'égard des questions de sécurité nationale.

    Il existe cependant des politiques sur lesquelles les deux pays ne s'entendent pas, et ce sont elles qui exigent une attention constante. Plus que tout, le facteur général de préoccupation est, pour les Canadiens et les Canadiennes, la perception selon laquelle leur souveraineté est en jeu.

    Les relations commerciales du Canada avec les États-Unis sont parmi les plus importantes du monde. Les échanges bilatéraux se chiffrent quotidiennement à plus d'un milliard de dollars: quelque 87 p. 100 des exportations du Canada et plus de 70 p. 100 de ses importations se font avec les États-Unis. Le Canada est de plus en plus dépendant des exportations aux États-Unis pour préserver sa prospérité et son bien-être.

[Traduction]

    Les ententes en matière de défense que le Canada a conclues avec les États-Unis ont une bien plus grande portée que celles conclues par n'importe quels autres pays. La Commission permanente mixte de défense prévoit une consultation au niveau de l'orientation stratégique sur les questions bilatérales en matière de défense. Il existe plus de 250 ententes bilatérales individuelles portant sur toute une gamme de questions allant des plans canado-américains de défense navale, terrestre et aérienne jusqu'aux installations mutuelles d'essai d'armes et à la coordination des opérations grâce au comité de coopération militaire.

    Le 1er octobre 2002, en réponse à l'attaque terroriste de l'année précédente, les États-Unis ont constitué un nouveau commandement du Nord. Sa principale mission consiste à appuyer les organismes civils dans les situations d'urgence. Elle serait par ailleurs responsable de la coopération avec le Canada et le Mexique en ce qui concerne les opérations militaires et leur coordination. En réponse à ce changement au niveau de la défense continentale, le Canada a détaché un officier ayant le grade de général au commandement du Nord.

    Si les Canadiens ne sont pas prêts à contribuer de façon significative et viable à la défense du Canada, et qu'une menace pour notre pays est considérée par les États-Unis comme étant une menace à leur intégrité territoriale, alors les États-Unis défendront leur territoire, ainsi que le nôtre, de la façon qui leur conviendra. Cela, monsieur le président, ne pourrait qu'aboutir à une perte grave de notre souveraineté. La coopération du Canada à la sécurité continentale sur une question comme celle de la défense balistique n'est pas, à notre avis, une abrogation de souveraineté mais plutôt l'exercice de la souveraineté.

    Une question des plus importantes pour le Canada découlant des changements apportés au système de commandement américain est celle de la fusion du commandement spatial américain et du commandement stratégique. Alors qu'auparavant des membres des Forces canadiennes étaient employés à des opérations spatiales et des fonctions de planification du commandement spatial américain, étant donné que les actifs spatiaux américains étaient sous le commandement du NORAD, les Canadiens n'ont dorénavant plus accès aux actifs spatiaux puisqu'ils ont maintenant été transférés au commandement stratégique.

    À l'heure actuelle, les Forces canadiennes ont toujours accès aux actifs de surveillance spatiale, mais étant donné qu'on est en train de relier les actifs de surveillance aux actifs d'acquisition, il est probable que l'accès des Forces canadiennes au réseau spatial dépendra de la participation du Canada à la défense contre les missiles balistiques. Étant donné que la surveillance territoriale du Canada est essentielle à la défense nationale, cette question en particulier doit être examinée lors d'un examen complet de la politique de défense.

    Outre le changement apporté par les États-Unis à la structure du commandement, le programme de transformation des forces armées américaines rend la coopération entre les forces militaires de plus en plus difficile. Les forces armées américaines investissent considérablement dans leurs systèmes de combat futurs à un moment où les ressources militaires du Canada arrivent à peine à maintenir les capacités actuelles.

    Alors que les États-Unis investissent dans leur utilisation de la force, un écart professionnel des compétences futures se dessine. Les membres des Forces canadiennes pourraient se trouver exclus du dialogue entre pairs alors que les forces armées américaines transforment et modernisent leur doctrine, leur structure et leur matériel.

    Ce qui est assez évident, c'est que le maintien de la capacité d'opérer avec les forces américaines pose un défi à la plupart des pays membres de l'OTAN. Si le Canada souhaite un jour pouvoir, avec l'appui des États-Unis, commander une coalition alliée, alors la modernisation des capacités du Canada en matière de commandement et de contrôle devrait certes devenir une priorité de la politique de défense.

    Une large gamme d'entrevues qui ont été menées par la Conférence des associations de la défense à Washington l'an dernier dans le cadre de notre étude intitulée Une nation vulnérable révèle que les relations entre le Canada et les États-Unis sont tendues. Les Américains ont exprimé de fortes préoccupations au sujet des sentiments anti-américains exprimés au Canada et ont l'impression que le Canada est un parasite en ce qui a trait à sa politique nationale de défense. Il se peut que l'attitude des États-Unis à l'égard du Canada soit en train de passer de l'aimable indifférence à une hostilité émergente.

    Le délabrement des Forces canadiennes au cours des 30 dernières années affaiblit notre capacité de réagir aux menaces tant au pays qu'à l'étranger. Cela a par ailleurs dilapidé la réputation enviable que les Canadiens s'étaient méritée grâce à leurs sacrifices au cours des guerres du XXe siècle et aux tout premiers jours de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord.

    Comment les États-Unis traitent-ils avec un pays ami qui n'a pas de moyens de défense efficaces, surtout si cette faiblesse nuit à leurs intérêts sur le plan de la sécurité? La répugnance du Canada à remédier à cette faiblesse irrite les États-Unis.

Á  +-(1110)  

    Les Canadiens devraient s'inquiéter de la façon dont les questions de sécurité nuisent aux relations commerciales canado-américaines. Les États-Unis sont d'avis que le Canada ne semble pas reconnaître un problème de sécurité, encore moins affecter les ressources adéquates pour le résoudre. Les États-Unis fondent leur politique commerciale sur l'accommodement; d'où, un plus grand effort au niveau de la défense pourrait aider à résoudre certains des problèmes commerciaux actuels.

    Dans cette veine, la Conférence des associations de la défense est encouragée par les observations faites récemment par l'honorable Paul Martin concernant les questions de sécurité et de défense, notamment la nécessité d'avoir une politique étrangère mieux disposée envers les États-Unis; un appui pour la participation canadienne au programme américain de défense antimissile; le besoin de dépenser davantage pour la défense; le besoin de faire un examen de la politique étrangère et de défense; la nécessité de créer un comité permanent du cabinet sur les relations canado-américaines pour surveiller et gérer tous les aspects de ces rapports extrêmement importants; et le besoin de créer un comité de la Chambre des communes sur les relations canado-américaines.

    Bref, le Canada profite toujours d'un très grand nombre d'ententes bilatérales qui ont été établies lorsque les forces militaires du Canada avaient plus de poids. À mesure que les forces armées américaines se transforment, les possibilités d'établir de nouvelles relations bilatérales risquent de diminuer à moins que le Canada ne dispose de recherche, de doctrine et d'expérience suffisantes à partager avec son plus proche allié.

    Les déclarations de Paul Martin sur le renforcement des relations canado-américaines ont encouragé la Conférence des associations de la défense. Dès le début de ce dialogue, nous croyons que la question de la sécurité et de la défense sera abordée. Les options du Canada sont limitées à l'heure actuelle étant donné que ses principales capacités militaires sont rapidement en train de disparaître.

    La Conférence des associations de la défense est fermement convaincue que le Canada a besoin de faire un examen de sa politique de défense qui s'accompagne d'un engagement financier envers ses forces armées si le Canada espère redonner crédibilité et pertinence à sa politique étrangère et de défense. Nous croyons qu'un tel examen aura une influence positive sur les rapports canado-américains en matière de défense.

    Monsieur le président, mesdames et messieurs, merci.

Á  +-(1115)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, général Evraire.

    Nous allons maintenant donner la parole à Mme Gallant qui dispose de sept minutes.

+-

    Mme Cheryl Gallant (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.

    Et merci pour votre exposé. Vers la fin, vous avez mentionné qu'une augmentation importante des crédits budgétaires est nécessaire pour être crédible aux yeux des États-Unis et pour rafistoler nos rapports. Quel niveau de financement témoignerait d'un effort véritable pour remettre notre défense nationale sur la bonne voie et améliorer les relations avec les États-Unis?

+-

    Lgén Richard Evraire: Je ne veux pas éviter de donner un chiffre. Permettez-moi tout d'abord de dire que peu importe les crédits affectés au ministère, l'objectif devrait viser une politique de défense viable.

    La première chose à faire, c'est entreprendre un examen de notre politique de défense—non pas un examen des programmes et toutes les autres choses qui ont été faites au sein du ministère ces dernières années. Sans un examen formel de notre politique de défense, tous montants dépensés pour se procurer des articles importants d'équipement pourraient, à long terme, s'avérer inappropriés. À l'heure actuelle, il est nécessaire d'entretenir le matériel existant qui est utilisé au cours d' opérations et à d'autres fins de formation.

    Si vous me le permettez, je vais demander à mon collègue, le colonel Marsh, de vous donner une idée du montant total qui est nécessaire pour entretenir les plates-formes actuelles et le matériel important qui est utilisé.

+-

    Colonel Howard Marsh (à la retraite) (analyste principal de la défense, Conférence des associations de la défense): Je serai bref et je répondrai à la question directement.

    Pour maintenir la structure actuelle des forces qui comptent 60 000 membres, pour combler les lacunes opérationnelles, celles au niveau de la formation, les lacunes de quatrième génération, et toutes les lacunes qui existent au niveau de la capacité du commandement, il faudrait un budget de 18,5 milliards de dollars par an. Si le gouvernement souhaite élargir la capacité des Forces canadiennes afin qu'elles puissent maintenir le niveau actuel d'activité opérationnelle, alors à mon avis, il faudrait augmenter le nombre de membres des Forces canadiennes à environ 75 000 à 80 000 personnes par an. Dans ce cas, nous aurions besoin d'un budget de défense d'environ 23 milliards de dollars par an.

+-

    Mme Cheryl Gallant: Une augmentation de 23 milliards de dollars.

+-

    Col Howard Marsh: Non, dans le premier cas, pour combler les lacunes actuelles, il faudrait faire passer les crédits actuels d'environ 13 milliards de dollars à 18,5 milliards de dollars, soit une augmentation de 5,5 milliards. Et dans le cas où une expansion serait nécessaire pour maintenir le niveau de nos opérations actuelles de maintien de la paix et de soutien international, il faudrait passer à environ 1,7 p. 100 à 2 p. 100 du PIB, soit un peu plus de 20 milliards de dollars par an, c'est-à-dire une augmentation annuelle de 10 milliards de dollars.

+-

    Mme Cheryl Gallant: Merci.

    Pour ce qui est de l'examen de l'ensemble de la défense, comme vous le savez, nous avons le Livre blanc de 1994 qui est déjà dépassé avant même d'avoir été totalement réalisé. À votre avis, qu'est-ce qui occupe le rôle principal dans cet examen? Et quels paramètres inséreriez-vous pour vous assurer que cet examen de la défense ne soit pas désuet avant même d'avoir pu être mis en oeuvre?

+-

    Lgén Richard Evraire: Tout d'abord, il me semble évident que ce sont le ministre et le ministère qui, dans le cas de ce dernier, pourraient entreprendre un tel examen si on le leur demandait. À notre avis, votre comité aurait un rôle de premier plan à jouer dans cet examen de la défense. Et comme nous l'avons dit maintes fois ces dernières années, si cet examen de la défense n'est pas vraiment le reflet des forces armées dont l'ensemble des Canadiens estiment que le Canada devrait se doter, alors cet examen doit être totalement public, et il prendra du temps. Nous en sommes conscients. Il est certain que le Parlement... Enfin, ce sont les principaux éléments de cet examen.

    Très franchement, les paramètres ne seraient pas différents de ceux des précédents examens de la politique de la défense. Il s'agit d'examiner les objectifs et les buts de notre politique étrangère et, à partir d'un énoncé de politique étrangère, on pourra déterminer ce que le Canada s'attend à mettre en place ou doit mettre en place pour réaliser les objectifs de cette politique étrangère.

    Donc, de cette politique de défense découle la structure et les exigences en matière d'équipement. C'est pourquoi nous trouvons assez regrettable qu'on soit amené à l'occasion à envisager des changements importants de notre programme ou la mise à l'écart d'éléments importants de notre matériel. Il nous est difficile de nous prononcer sur le bien fondé de ce genre de choses car nous savons bien que le Livre blanc de 1994 ne s'est pas complètement réalisé. Il y a de nombreuses lacunes au niveau de son application. Mais nous pensons que cette espèce de bricolage avec les éléments d'équipement ou le niveau de nos forces laisse un peu à désirer alors que ce qu'il faudrait, c'est un examen sérieux et approfondi pour savoir exactement ce que le Canada attend de ses forces armées.

Á  +-(1120)  

+-

    Colonel Alain Pellerin (à la retraite) (directeur exécutif, Conférence des associations de la défense): Permettez-moi d'ajouter un commentaire. Je pense que les forces armées sont dans une situation pathétique actuellement et que cela ne va faire qu'empirer au cours des 5, 10 ou 15 prochaines années. Nous faisons beaucoup de recherche là-dessus. Le nouveau premier ministre lui-même va devoir s'occuper activement de réagir aux lacunes des forces armées ou à la crise à laquelle il va être confronté, et il ne pourra pas se contenter d'être un simple spectateur comme c'est le cas actuellement.

    Je pense que l'Australie sera un bon exemple à suivre. Souvenez-vous que ses forces armées se sont trouvées dans la même situation que les nôtres. L'Australie a procédé à un examen approfondi de sa politique de défense, en consultant l'ensemble de la nation, et le premier ministre y a participé personnellement. Le document qui en a résulté, le Livre blanc, a été signé non seulement par le ministre de la Défense, mais aussi par le premier ministre et le chef de l'opposition ainsi que le ministre des Finances. Le gouvernement s'est donc engagé à s'occuper de ces priorités et a pris l'engagement sur dix ans de débloquer 23 milliards de dollars pour l'acquisition d'immobilisations. Cela dure depuis quelques années déjà, les Australiens suivent la situation, et le premier ministre s'occupe activement de l'état des forces armées.

    Je crois que c'est l'exemple que nous devrions suivre.

+-

    Le vice-président (M. David Price (Compton—Stanstead, Lib.)): Merci beaucoup.

    Bob.

[Français]

+-

    M. Robert Bertrand (Pontiac—Gatineau—Labelle, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

    J'aimerais, moi aussi, vous souhaiter la bienvenue et vous remercier sincèrement pour votre témoignage. Général Evraire, j'aimerais vous poser quelques questions brèves.

    Vous avez dit que le gouvernement dépensait présentement environ 13 milliards de dollars par année pour le budget de la Défense. Vous avez mentionné aussi qu'il faudrait au bas mot le faire passer à 18,5 milliards de dollars. Est-ce sur une période d'un ans, deux ans ou trois ans?

    Avant de parler de finance, j'aimerais poser ma deuxième question, qui est la suivante. On a parlé du Livre blanc de 1994. J'étais présent quand on a fait l'étude; or, est-ce qu'à votre avis, on devrait attendre qu'une autre étude soit réalisée avant de dépenser ces montants?

+-

    Lgén Richard Evraire: Merci beaucoup.

    En ce qui concerne la première question, on mentionne que 5,5 milliards de dollars sont nécessaires pour maintenir la viabilité des capacités opérationnelles des forces armées actuelles.

    On reconnaît également que même si on donnait tout l'argent au monde au ministère, il aurait une énorme difficulté à dépenser cet argent-là, compte tenu quand même d'un manque de personnel dans le domaine, par exemple, des programmes. Les programmes sont gérés par des équipes. Il n'y a pas suffisamment de gens, non seulement en nombre mais en termes de compétences, pour entreprendre tous les projets nécessaires pour remettre à un niveau viable toutes les pièces majeures d'équipement qui ont besoin de remplacement ou d'améliorations quelconques.

    Donc, l'échéancier, quant à ce nouvel argent, est assez embêtant à décider. Si on donne 5,5 milliards de dollars, il se pourrait que dans un an on puisse le dépenser, mais j'ai certains doutes.

    En ce qui a trait à la deuxième question...

Á  +-(1125)  

+-

    M. Robert Bertrand: Peut-être devrions-nous attendre une autre étude avant de dépenser.

+-

    Lgén Richard Evraire: Le danger de suggérer une révision en profondeur de la politique de défense, c'est justement, comme plusieurs le pensent, que cela va tout arrêter, qu'il va y avoir une espèce d'interruption embêtante et que la déchéance va continuer.

    Dans notre étude de l'an dernier, Une nation vulnérable: le déclin des Forces canadiennes, on a recommandé que le besoin soit vu en deux volets.

    Premièrement, on devrait dépenser un montant d'argent, environ deux milliards de dollars, pour tamponner l'hémorragie actuelle et permettre aux forces armées de continuer de fonctionner au niveau opérationnel actuel, sans l'augmenter, avec l'équipement qui existe en ce moment, sans en acheter d'autre, sauf là où c'est absolument essentiel, et en même temps, entreprendre une révision de la politique de défense. On ne peut pas--comme vous le suggérez, je n'en doute pas--tout arrêter jusqu'à ce que cette étude soit terminée.

    Donc, il y a deux volets: tamponnons et entreprenons la révision.

+-

    Col Alain Pellerin: J'aimerais ajouter un commentaire.

    Même si le gouvernement du jour décidait de donner la priorité à la défense et d'améliorer la situation, cette dernière est telle que probablement très peu de choses pourraient être accomplies au cours des prochains sept ou huit ans. Il y a toute la question du personnel. Si on décidait, par exemple, d'acheter des pièces majeures d'équipement, historiquement, au Canada, cela prend de 10 à 15 ans. Dans le cas du Sea King, cela a pris encore plus de temps.

    Ce qui arrive maintenant, à cause de toutes les tâches opérationnelles que les forces armées ont eues, c'est qu'on a sacrifié le futur des forces armées pour les missions opérationnelles actuelles. Les forces armées sont donc hypothéquées. Même si le gouvernement voulait prendre des décisions très sérieuses concernant les forces armées et le faire maintenant, cela ne serait pas possible.

    Il faut bien comprendre que c'est un problème à long terme, qu'il n'y a pas de solution rapide et qu'on va devoir y faire face dans les prochains cinq à dix ans, par exemple.

+-

    M. Robert Bertrand: Vous avez mentionné, général, dans votre présentation qu'il existait un certain sentiment anti-américain chez les Canadiens maintenant.

    Vous le savez, et on le sait aussi autour de cette table, les liens avec les Américains sont très étroits. Pour ma part, j'essaie toujours, comme politicien, de me mettre dans la peau de M. Tout-le-Monde. Or, je remarque, surtout dans mon coin de pays, les problèmes qu'on a avec le bois-d'oeuvre et avec la vache folle. Il y a plusieurs fermiers qui viennent me voir et qui m'en parlent.

    Je me demande s'il y a une façon... Si on pouvait trouver une solution à ces problèmes-là, je n'irais pas jusqu'à dire que le sentiment anti-américain disparaîtrait, mais il serait sans doute moins vif, d'après moi. Je pense que toute l'aide qu'on pourrait avoir serait appréciée, comme l'occasion de parler à vos collègues lors de vos voyages aux États-Unis et de leur mentionner comment nous, au Canada, on trouve ces petits problèmes-là importants et irritants.

    J'aimerais avoir vos commentaires.

Á  +-(1130)  

+-

    Lgén Richard Evraire: Monsieur le président, j'apprends avec beaucoup de plaisir l'intention de ce comité de faire une visite aux États-Unis. J'espère que cela se fera. C'est clair--tout le monde le constate--, multiplier les échanges et les contacts ne peut qu'améliorer les relations. Je ne sais pas si le règlement des problèmes quant aux échanges économiques et commerciaux avec les États-Unis constitue une façon de régler les différends militaires ou si c'est l'inverse, mais chose certaine, on a constaté l'importance qu'attachent les Américains à la viabilité de nos forces armées; ils nous l'ont dit. Bien sûr, ils ne l'ont pas crié sur les toits; ils nous l'ont dit dans le cadre de rencontres privées. Ils se demandent pourquoi le Canada a réduit son appui aux forces armées autant qu'il l'a fait.

    On sait qu'on ne pourrait jamais en arriver à un point d'équivalence avec les États-Unis, c'est de la foutaise. Personne d'autre ne pourrait le faire non plus. Mais on constate que les Américains sont généreux au point où, s'ils constatent qu'on fait un effort raisonnable et qu'on les appuie dans leurs propos--pas tous mais quand on est en mesure de le faire--, les relations s'améliorent à grands pas.

    Nous, nous faisons le lien entre la viabilité militaire et la situation économique embêtante dont vous parlez. C'est peut-être naïf de le faire, par contre, je me dis que c'est peut-être trop évident pour qu'on constate la véracité de cet énoncé. On ne peut pas s'attendre à ce que le voisin soit gentil envers nous si nous passons notre temps à l'ignorer ou à ne pas contribuer à un effort qu'il voudrait commun. Donc, je pense--j'en suis presque persuadé--que la visite de ce comité à Washington serait d'une importance capitale pour éliminer ce problème que l'on perçoit, cette d'une déception assez importante vis-à-vis nos forces armées.

+-

    Col Alain Pellerin: Et pour appuyer le commentaire du général, il faut se rappeler que depuis le 11 septembre--il l'a mentionné au début--, pour les Américains, la première priorité, c'est la sécurité nationale. Par conséquent, si on n'accepte pas ce concept et qu'on parle de la vache folle, etc., la sécurité nationale chapeaute tous les autres problèmes. Si votre comité peut aller à Washington écouter les commentaires directs et s'il peut influencer le nouveau premier ministre du Canada, je crois qu'un rapport du Comité de la défense nationale et des anciens combattants qui tiendrait compte du point de vue des personnes importantes à Washington serait vraiment crucial pour le bien-être futur de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes.

+-

    Le vice-président (M. David Price): Merci.

    Je pourrais vous annoncer--on en a convenu à la dernière réunion--qu'on va justement avoir la visite de plusieurs membres du Congrès de même que celle du président de l'OTAN. Je n'avais invité que lui, mais il a retourné mon appel afin de demander s'il pouvait se faire accompagner d'autres membres du Congrès. Alors, on va avoir la visite de sept ou huit membres du Congrès. Ils prennent donc de plus en plus intérêt, surtout que l'un d'entre eux est Joel Hefley, le membre du Congrès pour Colorado Springs, qui a inclus NORAD. C'est juste une petite annonce en passant.

    Monsieur Bachand, est-ce que...?

+-

    M. Claude Bachand: Est-ce que c'est possible, avec ma grandeur d'âme, que je laisse parler madame, parce qu'elle doit quitter.

+-

    Le vice-président (M. David Price): C'est très gentil. Cela ne me pose aucun problème.

[Traduction]

+-

    Mme Elsie Wayne: Je l'aime bien. Il est toujours gentil avec moi.

    Pour ce qui est du financement, comme vous le savez, le comité sénatorial a examiné la situation de l'armée et je crois qu'il a recommandé d'ajouter immédiatement 5 milliards au budget, car les sénateurs ont bien compris cette nécessité.

    Je crois que le gros problème, c'est que ces hommes et ces femmes en uniforme ne peuvent pas venir manifester sur la Colline, vous le savez bien. Il n'y a que des gens comme vous et notre comité qui peuvent faire entendre leurs voix.

    J'ai bondi de joie en voyant la recommandation du Sénat, mais on n'en a tenu aucun compte et cela m'a vraiment scandalisée.

    Nous avons 800 millions de dollars supplémentaires dans le budget, mais il faut maintenant en trouver 200 à rendre.

    J'étais à Terre-Neuve il y a à peine trois semaines. Le dernier jour de mes réunions, quand je suis sortie de l'hôtel, il y avait trois hommes qui m'attendaient, un pilote de l'armée de l'air et deux membres de l'armée de terre. Le pilote m'a dit : « Madame Wayne, nous avons besoin de pièces de rechange pour nos Hercules mais nous n'avons pas d'argent dans notre budget ».

    Je suis vraiment inquiète, vraiment. Il faut que vos voix et les nôtres se fassent entendre. Comment faire? Comment pouvons-nous nous faire entendre pour que le gouvernement, quel qu'il soit...?

    Aux États-Unis, ces hommes et ces femmes en uniforme n'ont aucune inquiétude à se faire car l'armée est une priorité absolue dans ce pays. Peu importe la santé, les problèmes du boeuf ou du SRAS ou quoi que ce soit d'autre, l'armée est une priorité absolue et on y veille dans le budget. Comment faire pour qu'il en soit de même ici? Avez-vous des suggestions? Dites-nous si vous pensez que nous pouvons aller manifester. Je crois que c'est ce que je vais devoir faire. Je ne sais pas.

    Une voix: Une grève de la faim.

Á  +-(1135)  

+-

    Mme Elsie Wayne: Oui, c'est peut-être ce que je pourrais faire.

+-

    Lgén Richard Evraire: Monsieur le président, le travail de ce comité et du comité sénatorial est certainement important, cela ne fait aucun doute. J'imagine que, même si ce n'est pas la solution idéale évidemment, c'est seulement en se plaignant qu'on finit par obtenir gain de cause, et je crois que c'est justement ce qui motive la Conférence des associations de la défense, même si elle n'a pas réussi depuis des années à obtenir une amélioration sérieuse de la situation, et c'est pour cela que nous continuons à frapper à la porte et que nous nous réjouissons de vous voir en faire autant.

    Voici ce qui risque malheureusement de nous arriver. Étant donné l'état de nos forces armées aujourd'hui, la prise de conscience des Canadiens va se faire de la pire façon possible. Nous allons être incapables d'exécuter des fonctions opérationnelles. Il y a déjà des dérapages en ce moment. Nous allons nous apercevoir que des membres de nos Forces canadiennes en situation opérationnelle sont victimes de l'insuffisance et de l'inadaptation de leur équipement. Espérons que cela n'arrivera jamais, mais c'est un risque, d'autant plus que la situation et l'environnement opérationnel actuels sont beaucoup plus dangereux dans bien des cas pour nos soldats que dans le passé.

    Ce qui est inquiétant au même titre, c'est la difficulté de maintenir ces contextes ou ces engagements opérationnels. Vous savez tous que, pendant qu'il y a 2 000 personnes en Afghanistan, il y en a 2 000 qui se préparent à y aller et 2 000  qui en reviennent ou qui rentrent d'autres opérations. Donc, comme nous avons des effectifs importants engagés dans un ensemble particulier d'opérations, notamment des effectifs de l'armée de terre, nous savons qu'il serait impossible de demander à ces forces de prolonger cet engagement au-delà de l'année pour laquelle le gouvernement s'est engagé à envoyer ses troupes en Afghanistan.

    Alors que va-t-il se passer? Nous savons qu'il y a un problème considérable d'épuisement professionnel et qu'il y a aussi de nombreux autres problèmes. Beaucoup de gens quittent les forces armées.

    Donc voilà. Malgré tous les plaidoyers, le problème demeure et ne va faire qu'empirer.

    Nous allons continuer à soulever la question et à venir témoigner à votre comité, et nous allons continuer à essayer de sensibiliser les Canadiens aux questions de défense. Nous sommes très heureux de voir votre comité faire exactement la même chose.

Á  +-(1140)  

+-

    Mme Elsie Wayne: Je vais terminer par ceci, si vous le permettez. J'ai parlé à trois membres des forces armées, et l'un d'eux m'a dit : « Vous savez, madame Wayne, je suis dans l'armée depuis 20 ans. Quand je me suis engagé il y a 20 ans, je m'attendais à y passer 20 années. Mon fils est maintenant entré lui aussi dans les forces armées, mais il ne s'attend pas à y passer 20 ans compte tenu de la situation actuelle ». Je crois qu'il faut absolument faire de l'armée une priorité absolue, et que notre comité doit trouver une solution.

    Je vais aller au Colorado dans deux semaines avec le ministre de la Défense. Je ne sais pas trop, mais je vais parler positivement aux gens des États-Unis. J'ai deux frères qui sont des hommes d'affaires là-bas, donc je ne veux pas qu'ils soient trop furieux contre moi, eux aussi.

    Enfin, je tenais à vous remercier.

+-

    Le vice-président (M. David Price): Ivan, êtes-vous d'accord pour que nous passions à Claude tout de suite avant de revenir à vous?

    Monsieur Bachand.

[Français]

+-

    M. Claude Bachand: D'abord, monsieur le président, j'aimerais remercier nos collègues, qu'on connaît très bien, pour leur présentation. J'aimerais peut-être aussi dire à Robert que c'est effectivement une bonne idée, parce que dans le dernier rapport du Comité de la défense nationale et des anciens combattants, l'opinion dissidente du Bloc consistait à dire qu'avant de procéder à d'autres investissements majeurs en défense, il fallait qu'on ait un plan clair qui précise où on va. C'est le sujet que je veux aborder avec vous.

    Cette semaine, on a eu la présentation de M. Cohen. Selon moi, bien que sa présentation ait été très schématique, elle était bien à point, car nous, du Bloc québécois, demandons depuis un certain temps une nouvelle politique de défense nationale. Or, il a semblé mettre un concept supérieur à celui de la défense nationale; il s'agit d'une nouvelle politique de sécurité. Certaines personnes, dont moi-même, pensent que si on était capables d'établir une nouvelle politique de sécurité, on pourrait peut-être même maintenir le budget de la Défense nationale à son niveau actuel, car on se ferait peut-être une idée différente de la façon d'assurer la sécurité au Canada et d'assumer nos responsabilités face à nos voisins américains.

    Entre autres, il y a beaucoup de choses qui circulent sur la possibilité, par exemple, d'armer notre Garde côtière. Il y a beaucoup de discussions aussi sur la possibilité d'armer nos douaniers. Il y a beaucoup de discussions aussi pour rendre notre Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés beaucoup plus musclée. Je pense que ce sont des choses que les Américains aimeraient entendre. Je trouve que c'est un peu court pour eux que de dire que nous n'investissons pas suffisamment dans la défense nationale. Je trouve aussi que le mérite d'une nouvelle politique de sécurité pourrait brasser à nouveau l'ensemble des cartes.

    Il y a aussi tout l'aspect de la coordination. D'ailleurs, j'ai posé cette question au ministre Manley lorsqu'il est venu devant le comité. M. Manley fait face au secrétaire d'État du Homeland Security aux États-Unis, Tom Ridge, qui a son portefeuille, son ministère et qui est décisif. M. Manley n'est pas décisif. Il coordonne un ensemble de ministères dont les ministres peuvent dire qu'ils refusent d'aller au-delà d'un certain point, sans qu'il puisse y faire quoi que ce soit.

    Alors, convenez-vous avec moi qu'il y a un concept supérieur à la politique de la défense? Ce n'est pas vrai qu'il faut investir continuellement des sommes d'argent pour la défense nationale. On aurait peut-être intérêt à développer le concept d'une politique de sécurité qui engloberait l'ensemble des ministères, ce qui ferait en sorte qu'on pourrait donner un rôle beaucoup plus spécifique à l'armée pour les relations internationales et pour la protection du territoire. Cela pourrait aussi être compensé par une évolution d'autres ministères dans le sens d'une plus grande sécurité canadienne et dans le sens d'une plus grande responsabilité vis-à-vis nos voisins américains.

+-

    Lgén Richard Evraire: Monsieur le président, je remercie le député pour sa question.

    Il est clair que l'on fait face à une différence culturelle sur le plan de la gestion gouvernementale et politique au Canada. L'idée d'un comité de sécurité nationale a plané à plusieurs moments à divers endroits au fil du temps ici, au Canada, et on sait que sur le plan constitutionnel, compte tenu de notre système parlementaire, toutes ces choses-là s'avèrent ou se sont avérées compliquées, difficiles, pas tellement voulues par l'un ou l'autre des premiers ministres et des ministres qui, comme vous l'avez très bien mentionné, perdraient un certain montant d'autonomie si une telle chose existait.

    Eh bien oui, cette idée de parapluie de sécurité, de politique globale est une excellente idée. En même temps--et c'est pourquoi je mentionne l'importance d'une révision de la politique de défense à l'intérieur d'une révision encore plus globale--, il est important de ne pas diminuer les capacités militaires actuelles, au cas où on aurait éventuellement besoin de ces mêmes capacités.

    Sur le plan de la sécurité nationale du continent nord-américain, il est clair qu'au-delà de ce qu'on a aujourd'hui, on n'a probablement pas tellement besoin d'une dépense énorme du côté des Forces armées canadiennes. On a certainement besoin davantage de militaires pour entreprendre des tâches qui s'imposent, mais je m'en tiens à cela sur la question de la sécurité continentale en coopération avec les Américains.

    Si le Canada est sérieux dans son désir de contribuer à la paix mondiale, on a laissé planer l'idée qu'il pourrait choisir certaines choses à faire. C'est une idée qui a plané à l'intérieur de l'Alliance Atlantique depuis ses débuts, et on l'a toujours rejetée: les pays ne voulaient pas se retrouver à dépendre d'un autre pays pour telle et telle capacité militaire par crainte que cet autre pays ne soit pas en mesure de la fournir au moment voulu. Il se peut aussi, si le Canada choisit de faire une chose plutôt qu'une autre, en en laissant tomber bien d'autres, que cette capacité militaire-là ne serve à rien ou ne soit pas requise, selon les besoins des alliances.

    Je ne veux pas suggérer par là qu'on devrait tout faire. C'est un peu la politique actuelle. Il y a des choix à faire, c'est évident, mais ces choix-là doivent être faits de façon judicieuse et basés sur une évaluation des besoins, qui changent constamment. Donc, on ne peut pas être absolument convaincu d'un choix; il faut qu'on se permette un certain montant de flexibilité. Il faut donc se permettre des capacités militaires qui ne sont pas requises à tous les jours ou à tout moment, parce qu'on ne peut pas reconstruire ou développer des capacités militaires perdues ou non existantes en un rien de temps.

    En résumé, je dis bravo à l'idée d'un plan global de sécurité au Canada impliquant tous les ministères. Il est joliment temps qu'on entreprenne cette chose-là. On ne peut pas le faire de façon plus ou moins sérieuse ou regrouper des gens au besoin au moment d'une crise. Ce n'est pas, à mon avis et de l'avis de plusieurs de nos membres, de cette façon que l'on devrait agir: on répond trop lentement dans de telles circonstances, ou pas du tout. Ça doit être fait suite à l'énoncé d'un plan global qui, bien sûr, s'en tiendra aux exigences de la politique étrangère du Canada, d'où découlera une politique de défense.

    Je termine sur ce qui suit. Je l'ai déjà dit devant ce comité et devant le Comité des finances, et M. Chrétien l'a mentionné aux Nations Unies, il y a un lien entre la capacité des affaires étrangères et les capacités des forces armées dans un pays. Si on fournit de l'argent, de l'aide financière à un pays d'Afrique par exemple, et que la paix ne règne pas dans ce pays, eh bien, ça ne sert pas à grand-chose. On devrait être en mesure de contribuer à rétablir la paix dans ce pays ou dans son voisinage avant de s'attendre à ce que l'argent soit bien dépensé.

Á  +-(1145)  

    Donc, l'ordre est parfait: globale, étrangère, défense. Et de là découleront les décisions des budgets militaires pour les équipements, les structures et le nombre de personnes. C'est ça que l'on cherche, plutôt que de grignoter les coins.

    Merci.

Á  +-(1150)  

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. David Price): Monsieur Grose.

+-

    M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Soyons un peu réalistes. Vous n'aurez jamais 5 ou 10 milliards de dollars supplémentaires pour les forces armées. Les Canadiens ne paieront pas. Nous avons beau leur dire que ce que nous faisons actuellement laisse beaucoup à désirer à cause de la décrépitude de notre équipement, ils répondent : « Oui, mais on y arrive quand même. Moi, j'ai mon hypothèque à payer et l'équipement de hockey de mon fils à acheter, et je ne veux pas payer plus d'impôts ».

    Tout ce que nous avons à leur dire, c'est qu'il faut donner plus d'argent à l'armée, sinon... Sinon quoi? Sinon nous allons perdre le respect de nos alliés? Cela laisse froid le contribuable. Il s'en fiche. Il n'a pas envie de payer plus cher pour avoir le respect de nos alliés.

    Nous pourrions dire que nous n'allons pas être prêts en cas d'invasion, mais il ne voit pas d'invasion à l'horizon. Traditionnellement, les Canadiens n'ont jamais été prêts. Nous ne pensons jamais que cela va arriver. Quand les grandes guerres débutent, nous faisons un plus gros effort que tous les autres, mais entre-temps, nous ne le faisons pas.

    Au lieu de ce nébuleux « ou sinon » que nous adressons aux Canadiens, pourquoi ne pas leur dire : Écoutez, vous consacrez actuellement 13 milliards de dollars par an à la Défense nationale et cela ne marche pas, nous n'obtenons pas les résultats souhaités. Disons aux Canadiens ce qu'ils pourraient avoir pour 13 milliards de dollars. Peut-être devrions-nous avoir une armée de 25 000 soldats. Nous pourrions les équiper correctement, les payer convenablement, nous occuper de leur logement familial, etc. Nous aurions 25 000 soldats qui auraient de l'allure pour 13 milliards de dollars. Mais peut-être que 25 000 soldats, ce n'est pas viable. Peut-être qu'il vaudrait mieux y renoncer totalement et économiser ces 13 milliards de dollars.

    Mais dire aux Canadiens que nous n'en faisons pas assez et que si nous n'en faisons pas plus, il va arriver quelque chose, cela ne prend pas. Pourquoi ne pas leur dire—vous devriez le faire, je ne comprends pas pourquoi vous ne le faites pas—ce qu'on pourrait faire avec ces 13 milliards de dollars. Voilà les opérations qu'on pourrait couvrir avec ce montant. Voilà ce qu'on ne peut pas faire. Entre-temps, nous aurions une armée bien équipée, bien entraînée, soignée, de 25 000 soldats. Dites-nous si c'est viable ou pas?

    Mais là, nous essayons d'avoir plus de 13 milliards de dollars, ou sinon... Vous n'allez jamais obtenir plus d'argent. Aucun parti, personne ne se fera élire sur la promesse électorale de donner 5 milliards de plus à l'armée.

    Je me moque totalement de me faire réélire. Je l'ai déjà dit. Je suis venu ici faire le travail que j'estime devoir faire. Je suis aussi ici pour présenter aux contribuables canadiens des options viables et pas des menaces latentes. Cela ne passe pas.

    Je ne critique pas ce que vous faites. Je sais ce que vous essayez de faire et vous avez raison. Je suis d'accord avec vous, mais cela n'a aucune importance. C'est le contribuable canadien qui doit être d'accord avec vous, mais jusqu'à présent cela ne lui fait ni chaud ni froid.

    J'aimerais bien que vous obteniez votre argent. J'aimerais bien rajouter 5 milliards de dollars dans le prochain budget et je serais prêt à payer, mais mon voisin ne sera pas d'accord. Cela ne va pas se faire, donc il faut leur proposer une autre solution. Nous pouvons leur dire que pour 13 milliards de dollars, nous pouvons avoir une petite armée légère en perdant tout notre prestige. Nous ne pourrons plus mener des missions de maintien de la paix ou autre. L'armée servira uniquement pour les troubles civils ou des choses comme cela. Dites-leur ce qu'ils pourraient avoir pour 13 milliards de dollars. Ce que vous leur dites actuellement—et nous aussi—c'est que pour 13 milliards de dollars nous ne faisons pas le travail comme il devrait être fait.

    J'ai eu ma propre entreprise pendant 30 ans et je peux vous dire que si vous n'êtes pas capable de faire le travail correctement, ne le faites pas. Épargnez l'argent pour autre chose que vous pouvez bien faire.

    C'est un casse-tête, mais c'est la réalité. Nous pouvons rester ici à discuter à l'infini, mais nous n'avancerons pas tant que nous n'aurons pas l'appui de nos concitoyens, et pour le moment nous ne l'avons pas.

Á  +-(1155)  

+-

    Lgén Richard Evraire: Monsieur le président, j'aimerais vraiment répondre et je vais le faire.

    Ce que nous avons ici, c'est un problème de leadership. Ce n'est pas aux forces armées de déterminer les capacités qu'elles devraient avoir, elles accomplissent les missions fixées par le gouvernement. Ce qu'il faut faire, c'est informer les Canadiens de l'état réel de la situation. On le fait de façon fragmentaire, mais le Canadien moyen n'a pas la moindre idée de la façon dont l'argent est utilisé et de tout ce qui nous manque ou de la difficulté que cela entraîne pour les soldats qui accomplissent ces missions. D'ailleurs l'une des choses que nous devons faire, c'est de réussir à persuader la presse et les médias en général, de parler de tout cela et de faire passer le message.

    Nous parlons ici de souveraineté nationale. Ce sont des questions extrêmement difficiles à discuter et à faire comprendre parce que nous ne le faisons pas. Comme on l'a dit tout à l'heure, il est fréquent qu'on ne tienne pas compte de ce que dit ce comité. On n'a pas tenu compte, en grande partie, du rapport du comité sénatorial. Si tous les gens importants du Parlement ne discutent pas constamment de ces questions, quel espoir pouvons-nous avoir d'intéresser le Canadien moyen aux questions de défense?

    L'année dernière, à part quelques déclarations de notre prochain premier ministre en mai, je n'ai jamais entendu parler de questions de défense sauf lorsqu'il y avait une crise à propos du matériel ou le décès d'un militaire, ce genre de choses. On ne parle jamais du problème. Tous les autres problèmes, la santé, l'éducation et tout le reste occupent le devant de la scène, mais la défense, pratiquement jamais.

    Voilà pourquoi nous proposons à votre comité d'appuyer ses efforts, dans l'espoir qu'on va élargir le débat sur les questions de défense, pas seulement au Parlement, mais dans tout le pays.

    J'ai dit au départ que ce qu'il nous fallait, c'était un leadership, et la manifestation concrète de ce leadership serait une politique de défense. Le Canadien moyen ne sait pas par où commencer pour établir les besoins. Le gouvernement le sait et doit le faire, et c'est par cela qu'il faudrait commencer.

    J'ai passé 42 ans et demi dans les forces armées, depuis 1954, et il y a eu un recul constant au cours de toute cette période—dans certains cas pour de bonnes raisons, car nous avions plus de 100 000 soldats et nous n'avions plus besoin d'une armée aussi nombreuse. La guerre froide a pris fin et on a ordonné des restrictions. Mais si l'on regarde les choses à l'heure actuelle, on constate que ces restrictions nous ont amenés à un point où il n'est plus possible de soutenir les engagements actuels. Si les Canadiens moyens ne sont pas au courant de cette situation, ce n'est pas à l'armée d'aller leur expliquer la situation. C'est aux représentants élus.

    Merci.

+-

    M. Ivan Grose: Je suis tout à fait d'accord avec vous : c'est notre travail, pas le vôtre ni celui des forces armées, mais vous êtes tout de même là pour nous conseiller. Pour revenir à ce que je disais, pourquoi ne faites-vous pas le contraire pour changer? Vous pouvez nous dire ce que nous pouvons faire avec 5 milliards ou 10 milliards de dollars supplémentaires. Dites-nous plutôt ce que nous devrions pouvoir faire avec 13 milliards de dollars. Cela va peut-être plonger les Canadiens dans l'embarras et ils finiront par écouter et dire : « Quelle piètre image de notre pays ». Mais pour l'instant, ils s'attendent à ce que nous fassions des choses colossales avec 13 milliards de dollars. Dites-leur exactement ce que nous pouvons faire : peut-être avoir 25 000 soldats, peut-être 10 000, je ne sais pas, je ne suis pas expert militaire. Pour une fois, essayez de prendre le contre-pied, car ce que nous faisons actuellement ne marche pas.

    Je fais partie de toutes sortes d'organisations militaires—j'ai été dans l'armée de l'air pendant quelques temps après la guerre— et je suis perdu. Ils ne veulent pas m'écouter; ils veulent parler des problèmes d'aujourd'hui, pas de ceux de la semaine prochaine. Si nous leur disions ce qu'on devrait pouvoir obtenir pour 13 milliards de dollars, je pense que ce serait plus convainquant. En fait, nous en accomplissons beaucoup plus que ce que nos moyens nous permettent de faire. L'armée réussit à s'en sortir. Je voudrais qu'elle arrête. Peut-être que quelqu'un écouterait à ce moment-là.

    Merci, monsieur le président.

  +-(1200)  

+-

    Le vice-président (M. David Price): Cheryl.

+-

    Mme Cheryl Gallant: Tout à l'heure, vous avez dit qu'à cause du commandement stratégique et de la NASA notre agence spatiale allait être privée de l'utilisation de certains actifs. Est-ce purement théorique ou avez-vous entendu dire que l'Agence spatiale canadienne ne pouvait plus avoir accès à certains actifs?

+-

    Col Howard Marsh: D'après mes entretiens avec des officiers supérieurs que je connais et que nous connaissons, nous savons que pendant longtemps nous avons pu avoir accès aux dispositifs de surveillance spatiale par le biais du NORAD, parce que les dispositifs de surveillance spatiale relevaient du commandement du NORAD. Les Américains sont en train de regrouper leurs dispositifs de surveillance spatiale avec leur commandement de réseaux appelés CINC-21 pour pouvoir les utiliser pour l'acquisition et la destruction de cibles. Ce travail sera terminé d'ici trois à cinq ans.

    J'imagine que si le Canada ne fait pas partie de la défense nord-américaine contre les missiles balistiques, le commandant stratégique ne va plus autoriser les agents du QG de la défense nationale à venir regarder à n'importe quelle heure ce que les Américains sont en train de suivre et quels dispositifs de défense ils sont en train d'activer. Je ne vois pas le commandement stratégique nous autoriser à le faire si nous ne sommes pas des participants.

+-

    Mme Cheryl Gallant: J'aimerais en venir à l'interopérabilité dans divers domaines. Comme vous le savez sans doute, nous sommes en train de réduire notre corps de blindés au Canada. Les Américains font-ils la même chose dans ce nouveau contexte asymétrique par opposition à la guerre traditionnelle et sinon, quels sont les risques que nous courons si nous avons une armée qui n'est pas formée à se battre avec l'appui d'un corps de blindés?

+-

    Lgén Richard Evraire: Il y a eu un débat sur la question de savoir s'il fallait remplacer ou non le char d'assaut. Cela fait partie du problème dont je parlais tout à l'heure quand je disais que nous pourrions discuter ad nauseam de ces importants éléments de notre équipement. Tant que le débat ne s'inscrira pas dans une doctrine précise énoncée dans notre politique de défense, je ne suis pas sûr que nous parlerons des bonnes choses.

    Votre exemple illustre néanmoins très bien la question de notre aptitude à fonctionner avec les Américains. De toute façon, il nous reste très peu de chars d'assaut. Je ne sais plus combien.

  +-(1205)  

+-

    Col Howard Marsh: 114.

+-

    Lgén Richard Evraire: C'est 114, contre des milliers pour les Américains.

    Le problème, entre autres choses, c'est l'entretien et la formation. Il y a une éternité que nous n'avons pas eu de grandes manoeuvres, et par conséquent notre aptitude à fonctionner avec les Américains dans une situation de combat intense exigeant la présence de blindés—et notamment de chars d'assaut—n'est certainement pas à la hauteur.

    Il y a de nombreux autres domaines d'incompatibilité potentielle et probablement actuelle. Nous avons eu un problème d'incompatibilité avec leur armée de l'air qui n'est pas complètement réglé. C'était une incompatibilité des dispositifs de télécommunications qui empêchait nos CF-18 de communiquer avec les Américains. Nous sommes en train de rectifier le problème, mais pendant un certain temps nous n'avons pas pu fonctionner avec les Américains en utilisant les dispositifs sécurisés qu'ils exigent.

    Les Américains sont en train de mettre au point toutes sortes d'autres choses alors que nous ne le faisons pas, ce qui fait que nous allons avoir de plus en plus de difficulté à fonctionner sur le même champ de bataille et dans le même contexte militaire qu'eux.

    C'est un problème qui ne va faire que s'aggraver, car comme on l'a dit tout à l'heure, nous consacrons notre argent aux activités présentes de notre armée au lieu de l'utiliser à mettre au point l'armée et les forces de demain. Nous perdons du terrain sur le plan du développement technique et les difficultés ne vont faire que s'accroître au fil des ans.

+-

    Mme Cheryl Gallant: Vu les points chauds actuels sur la planète et les conflits qu'on peut envisager à l'horizon, pensez-vous qu'on puisse s'attendre à une guerre conventionnelle ou s'agira-t-il plutôt qu'une guerre aérienne suivie de l'intervention de troupes spéciales?

+-

    Lgén Richard Evraire: La Conférence des associations de la défense a dit publiquement qu'on peut s'attendre dans le monde d'aujourd'hui à tout l'éventail des conflits, depuis de simples missions relativement bénignes de maintien de la paix jusqu'à la guerre conventionnelle totale. En fait, même si nous avons pu échapper à la menace encore plus effroyable d'un échange nucléaire entre le Pakistan et l'Inde—dieu merci,ce conflit est en veilleuse pour l'instant—nous avons néanmoins pu voir tout récemment en Iraq une guerre conventionnelle de forte intensité avec des chars d'assaut, l'artillerie, les bombardiers, et tout le reste. Le risque de guerre là et ailleurs est bien réel.

    Je crois donc qu'il est très dangereux de prétendre que les guerres traditionnelles de grande intensité sont une chose du passé. Évidemment, le risque d'un conflit de ce genre en Amérique du Nord, est à peu près nul.

    Mais si nous souhaitons contribuer à la paix et à la sécurité dans le monde, nous allons devoir, soit nous équiper de façon à pouvoir participer à ce genre de guerre, soit dire que nous sommes désolés, mais que nous ne pouvons y participer parce que nous n'avons ni l'équipement, ni la formation, ni l'expérience nécessaires.

+-

    Mme Cheryl Gallant: Vous voulez dire que nous ne pourrions pas nous spécialiser dans un autre créneau?

+-

    Lgén Richard Evraire: Non. Je crois que l'idée des créneaux est vraiment dangereuse. Où commence-t-on, ou s'arrête-t-on? Si nous disons par exemple que nous n'allons pas participer à un conflit de haute intensité et que nous allons nous contenter d'opérations de maintien ou d'imposition de la paix... je pense que traditionnellement, le Canada ne s'est pas simplement occupé de venir faire le nettoyage une fois que le sale boulot a été fait, durant toutes les années de maintien de la paix et de la sécurité. Cela ne serait pas conforme à notre statut de nation du G-8 ni à notre philosophie qui consiste notamment à essayer de répandre nos valeurs canadiennes dans le reste du monde.

+-

    Col Howard Marsh: Vous permettez?

    De la manière dont les guerres semblent se dérouler aujourd'hui, il y a une très forte période d'activité pendant les 10 ou 100 premiers jours, caractérisée par des bombardements, des tirs de missiles guidés au laser, tout le matériel que nous avons pu voir déployer, suivie d'une très longue période de maintien de la paix ou de stabilisation. Or, ironiquement, aujourd'hui, les opérations de paix et de stabilité réclament un degré beaucoup plus élevé de protection passive. Si vous vous déplacez en convoi en Afrique protégé par un HUMVEE, un véhicule militaire tout terrain équipé d'une mitrailleuse, il y a de fortes chances pour que vous soyez attaqués par un Toyota équipé d'un canon de 20 mm et que vous perdiez le convoi.

    Donc, ironiquement, pour les opérations de stabilisation et de maintien de la paix vous avez de plus en plus besoin de véhicules blindés et d'une plus grande puissance de feu pour vous défendre. Il est vraisemblable que demain, les populations devenant de plus en plus urbaines et les actes de guerre de plus en plus urbains—comme nous pouvons le voir en Israël—il faudra des véhicules blindés pour les patrouilles.

+-

    Le vice-président (M. David Price): Nous amenons aussi, comme en Afghanistan, du matériel d'artillerie pour des opérations de maintien de la paix. Beaucoup de gens lèvent les bras au ciel, mais c'est nécessaire.

+-

    Col Howard Marsh: Oui, car il faut pouvoir couvrir une distance de 20 kilomètres pour être sûr que personne ne se mette à vous tirer dessus des missiles à 20 kilomètres de distance.

  +-(1210)  

+-

    Le vice-président (M. David Price): Je tiens à m'excuser du peu de députés présents. C'est le sort qui en a décidé. Les comités siègent à différentes heures d'une période de l'année à l'autre. La demande de salles de comités est telle que le tirage au sort a déterminé que jusqu'à Noël, l'heure de midi sera maintenant notre créneau, et bien entendu, cette heure du midi est très chargée pour les députés. Il va falloir nous en accommoder. J'espère que la prochaine fois nous aurons un meilleur créneau. Le précédent était très bon.

+-

    M. Ivan Grose: Cela montre l'intérêt porté aux forces armées et à la défense.

+-

    Le vice-président (M. David Price): Non, c'est chacun son tour. Je suis membre du Comité de l'immigration et c'était notre créneau. Je connais ça.

    Monsieur Bachand.

[Français]

+-

    M. Claude Bachand: Je veux revenir, général Evraire, sur ce que vous avez soulevé plus tôt à l'effet que peu importe la politique, que ce soit une politique de sécurité ou la politique de défense nationale, il faudrait, pour une fois, que ce soit basé sur les besoins.

    J'ai lu l'autre jour un ouvrage intéressant d'un dénommé Bland, qui est un spécialiste militaire, où il disait que ça ne s'est jamais fait comme ça. Il disait que les ressources militaires ont toujours été dépendantes des ressources budgétaires, finalement. C'est sûr que les besoins peuvent être immenses, mais si les ressources budgétaires ne peuvent pas suivre, on essaie de trouver une façon tronquée de dire qu'on va se contenter de cela, que c'est bien dommage mais que telle est la situation. Je voulais juste vous signaler cela.

    Maintenant, je veux revenir sur un autre sujet plus préoccupant. Pour la défense du territoire par les Forces canadiennes, il y avait NORAD, Northern Command, etc., et on est peut-être en train de mettre tranquillement ces officiers-là de côté, ce qui pourrait peut-être réduire la participation canadienne. Je me demande jusqu'où les Américains vont pouvoir aller, parce que je pense qu'une menace traditionnelle ne peut pas venir du sud ni du nord. Quand je dis « menace », je parle d'une invasion, tout simplement. Vous l'avez dit plus tôt, je pense, la menace d'une invasion est inexistante. Ce n'est quand même pas la Russie qui va traverser le détroit de Béring pour venir nous envahir.

    Par contre, il y a deux types d'attaques actuellement du côté de la sécurité intérieure, au Canada comme aux États-Unis et comme en Amérique, auxquelles il faut porter plus d'attention depuis le 11 septembre. Vous comprendrez que ce sont les attaques terroristes. Il y a aussi la possibilité des attaques balistiques, mais je me demande si, au sujet des attaques balistiques, on n'est pas en train de nous monter un gros bateau en disant que la Corée du Nord pourrait envoyer un missile sur les États-Unis. Moi, je n'y crois pas du tout parce que ce serait la fin de la Corée du Nord.

    Par contre, il y a une donnée géographique qui est extrêmement importante: il y a une immense zone tampon entre Washington et une attaque balistique qui passerait probablement par-dessus la calotte polaire. Cette zone tampon, c'est le Canada. Alors, je me demande jusqu'à quel point les Américains vont pouvoir dire que nous ne contribuons pas, que ce que nous faisons n'est pas à leur goût et choisir de nous exclure, car ça risque de se passer chez nous.

    Êtes-vous d'accord sur mon analyse à l'effet que s'il y avait une attaque balistique et qu'un missile se dirigerait vers Washington, dans une doctrine de contre-attaque visant à contrer l'attaque de missiles balistiques, cela se passerait au-dessus du territoire canadien, et qui si c'est le cas, il faudrait quand même qu'il y ait des officiers canadiens qui soient impliqués dans toute la planification? Est-ce qu'on peut écarter complètement le Canada en sachant qu'il aura un rôle important à jouer, compte tenu de l'ampleur du territoire, dans l'interception d'un missile balistique?

+-

    Lgén Richard Evraire: J'abonde dans le même sens, mais ce qui me trotte dans la tête, à vous entendre décrire cette situation hypothétique, c'est qu'en tant que Canadien, je suis un petit peu trop fier pour accepter de servir de cobaye ou de serviteur pour les besoins des États-Unis, qui veulent assurer leur sécurité. Il me semble que le Canada, comme pays qui se tient sur bien des plans, devrait pouvoir le faire également sur le plan de la sécurité et de la défense, et contribuer à quelque chose. On ne peut quand même pas appartenir à une alliance sans contribuer d'une façon importante.

    Le scénario que vous décrivez est peut-être celui qui existe depuis un joli bout de temps. On fournissait des avions, des centres de commandement à travers le Canada, et les Américains ne se gênaient pas du tout. Nous n'étions pas gênés non plus, parce que nous étions là et que nous contribuions à quelque chose de viable. Mais de là à dire que malgré le fait qu'on ne contribue absolument rien, ou très peu, les Américains vont se servir de nous quand même, c'est tout à fait logique, mais moi, ça me répugne parce que je pense qu'un pays doit avoir plus de cran que cela et contribuer à la défense d'une façon positive plutôt que--c'est ce que je retiens de votre description--d'une façon très négative.

  +-(1215)  

+-

    Col Alain Pellerin: Monsieur le président, peut-être pourrais-je ajouter deux commentaires à cela.

    Je crois qu'il y a deux volets à la question que vous soulevez. Premièrement, il y a la question de la défense anti-missile. Il n'y a aucun doute que les Américains ont établi cette priorité et ce besoin et qu'ils vont poursuivre, avec ou sans le Canada. C'est à nous de décider si nous voulons être à bord du train qui s'apprête à quitter la gare. Mais il n'y a aucun doute que si les États-Unis veulent se protéger contre les missiles qui peuvent tomber sur leur nation, ils vont vouloir le faire aussi loin que possible du territoire américain, que ce soit en territoire canadien ou dans l'océan Atlantique ou l'océan Pacifique. Alors, il ne faut pas rêver, c'est le but visé. C'est une raison de plus pour monter à bord du train et s'assurer que cela ne se fasse pas au-dessus du Canada, mais plutôt ailleurs.

    L'autre dimension à ce volet, c'est la question du contrôle, de la maîtrise de l'espace au XXIesiècle. L'importance que les Américains vont attacher... Toutes les grandes puissances vont faire la même chose parce qu'une guerre moderne est contrôlée par des satellites qui sont dans l'espace. Par exemple, le succès des bombardements aériens des Américains relève des missiles qui sont contrôlés de l'espace. Par conséquent, il faut protéger l'espace et les satellites. Encore là, c'est une raison de plus pour être à bord du train lorsqu'il s'apprête à quitter la gare.

+-

    Le vice-président (M. David Price):

    Merci, monsieur Bachand.

[Traduction]

+-

     Permettez-moi de poursuivre. Claude vient d'ouvrir une porte qui m'intéresse tout particulièrement, celle du Grand Nord.

    Je crois que le Colonel Pellerin a rappelé qu'un de nos gros problèmes a toujours été la planification à long terme, les acquisitions à long terme, etc. Dans beaucoup de cas, planifier sur un minimum de dix ans est tout à fait normal.

    Nous avons reçu un groupe de l'OTAN qui nous a informés de l'évolution de la situation dans le Nord, surtout au niveau du Passage du nord-ouest. Ils sont pratiquement certains que d'ici dix ans le Passage du nord-ouest sera ouvert pendant tout l'été. Cela veut dire que nous allons avoir un grave problème de protection ou de sécurité dans cette région où pour le moment nous ne faisons pratiquement rien.

    J'en ai parlé également aux Danois à propos du Groenland. Ils se trouvent exactement dans la même situation parce qu'ils ne font que deux patrouilles par an. C'est tout ce qu'ils font dans le Grand Nord. Nous n'en sommes pas loin.

    Nous allons avoir un très gros problème dans dix ans. Il faut commencer dès maintenant à y réfléchir. Nous n'avons vraiment pas fait grand-chose pour le moment.

    Je sais que dans certains de vos rapports précédents vous parlez du minimum de surveillance que nous exerçons dans le Grand Nord. Encore une fois, cela nous ramène à notre coopération avec les Américains parce que cette région a aussi une énorme valeur pour eux. Elle a une énorme valeur pour nos partenaires de l'OTAN à cause de l'impact économique que l'ouverture de ce passage aura sur toute l'Europe, l'Amérique et en particulier la côte ouest de l'Amérique.

    Nous n'avons toujours pas réglé le problème de la délimitation des eaux internationales. C'est encore tout un dossier qu'il faudra régler. Une fois que nous l'aurons réglé, il faudra patrouiller toute la région.

    Vous avez parlé de surveillance par satellite. Nous savons tous que dans le Grand Nord c'est plus difficile. En fait, il y a une grande partie de cette région qui n'est pas couverte.

    Vous avez des suggestions?

  +-(1220)  

+-

    Lgén Richard Evraire: Merci, monsieur le président.

    Comme observation générale, je dirais que cette région mérite toute notre considération dans un examen de notre politique de défense. Nous parlons beaucoup de nos trois océans mais nous ne faisons pratiquement rien. Nos moyens de patrouille aérien et maritime sont pratiquement inexistants.

    Pourrais-je demander au colonel Marsh s'il n'a pas des choses intéressantes à nous dire sur ce sujet?

+-

    Col Howard Marsh: Merci beaucoup.

    Oui, je suis d'accord. Je sais très bien que depuis 10 ans, depuis 1992, l'Arctique a perdu 40 p.100 de son volume de glace. Et il y a tout juste deux semaines, nous avons perdu 343 kilomètres de calotte glacière. D'ici 2010 ou 2015 il sera effectivement possible d'utiliser le Passage du nord-ouest.

    Pour l'essentiel, je crois qu'il va se passer trois choses dans l'Arctique qui auront une influence sur la défense.

    Premièrement, il y a à peu près 1 800 bateaux qui quittent chaque jour l'Europe pour l'Asie. Pour ces 1 800 bateaux, passer par le Nord canadien réduirait la distance de 4 000 kilomètres. Donc pour commencer, nous allons nous retrouver avec un énorme problème de contrôle de trafic maritime.

    Deuxièmement, pour toutes sortes de raisons, l'Arctique est très riche en nodules et en minerais. Il est possible qu'il y ait des actes de piratage ou que des gens réclament de grandes parties de l'Arctique pour extraire les minerais parce que cela représente des milliards de dollars. Je songe aux Américains, aux Britanniques, dans cet ordre, et ensuite aux Japonais.

    Troisièmement, c'est une énorme étendue pour dégazer hors de tout contrôle européen et avant tout contrôle asiatique. Nous allons nous retrouver inévitablement avec un problème écologique.

    Il n'y a pas 36 solutions. Il faut qu'en priorité nous puissions suivre le déplacement quotidien de ces 1 800 bateaux. Le seul système qui le permet à l'heure actuelle est le système américain. Nous ne voulons pas nous couper du système de surveillance de 10 milliards de dollars américains qui balaie notre part de l'Arctique toutes les 90 minutes. Nous allons devoir, comme nation, assurer une surveillance rapprochée de l'Arctique avec des avions sans pilote. Quand le satellite nous avertira de quelque chose de pas catholique, nous devrons lancer une opération de surveillance tactique. Cette surveillance tactique devra être soutenue par une présence de reconnaissance ou présence militaire, avec des hélicoptères embarqués.

    Vous avez tout à fait raison, nous aurions dû y penser il y a déjà 10 ou 15 ans. Il faudra 20 ou 30 ans pour construire un navire capable de naviguer dans les eaux arctiques neuf mois sur douze, avec des hélicoptères embarqués à long rayon d'action et des troupes pouvant sauter des ces hélicoptères sur le dos de gens qui font des choses répréhensibles dans l'Arctique.

    Voila, c'est tout.

+-

    Le vice-président (M. David Price): C'est une de ces choses. Il faudrait penser à long terme. C'est une réalité assez proche mais, aussi surprenant que cela puisse paraître, nous ne semblons pas beaucoup y penser. Je m'engage personnellement à leur rappeler.

+-

    Col Howard Marsh: D'après moi, nous avons déjà cinq ans de retard.

+-

    Le vice-président (M. David Price): Tout à fait. Le problème est que cela concerne autant les États-Unis que nous. Même si, à strictement parler, ce territoire est canadien, comme vous l'avez rappelé, nous n'avons pas les moyens de le faire seul. Et bien entendu, les Américains ont tout intérêt à nous aider.

    C'est une des choses dont nous n'avons pas vraiment discutée avec eux. Le simple fait d'aborder le sujet déclenche la discorde. Ils ont des prétentions. Nous avons des prétentions. Je suppose que c'est le premier point à régler.

+-

    Col Howard Marsh: Monsieur le président, je parierais que c'est dans l'intérêt à long terme des Américains que nous n'y participions pas.

+-

    Lgén Richard Evraire: Pour revenir à un point précédent, nous semblons penser que seules les forces armées peuvent remplir ces tâches de surveillance. Si certains sont contre, nous pourrons les faire remplir par la garde côtière ou par quelqu'un d'autre, cela ne pose pas de problème. Au moins, nous saurons comment les responsabilités sont partagées et nous saurons quelles tâches supplémentaires ou non seront imposées aux forces armées.

+-

    Le vice-président (M. David Price): Là encore, le commandement du Nord semble vouloir faire travailler pour lui la garde côtière. Il faudra bien faire attention.

    Oui, Cheryl.

  +-(1225)  

+-

    Mme Cheryl Gallant: Merci, monsieur le président.

    J'aimerais revenir sur un point mentionné par le colonel Marsh à la fin de sa réponse à ma dernière question, et il porte sur Israël. Monsieur le président, si vous voulez bien être patient c'est une question de défense. Je dois commencer par une petite explication.

    Le Canada fait actuellement tout ce qu'il peut pour prévenir la haine et la violence dirigées contre certains groupes. C'est la priorité actuelle du gouvernement, au point même de mettre en danger la liberté de religion et la liberté d'expression. Étant donné notre volonté d'intolérance totale pour toute expression de haine quelle qu'elle soit, nous avons une décision à prendre relativement au conflit israélien. Les États-Unis ont proposé une proposition condamnant ces expressions de haine qu'on retrouve dans les livres scolaires, qu'on voit dans les réclames à la télévision, dans les histoires pour enfants, dans la musique pour les adolescents—c'est de la haine programmée.

    Étant donné que les valeurs canadiennes s'opposent à de telles activités et que lorsque cette résolution a été proposée le Canada a choisi de s'abstenir, je me demande, au vu de cette contradiction, s'il est possible que cette négligence organisée de notre appareil militaire dont les moyens n'ont jamais été aussi limités, signifie que c'est l'état de notre appareil militaire qui dicte aujourd'hui, dans une certaine mesure, notre politique étrangère?

+-

    Lgén Richard Evraire: Nous sommes, de facto, limités dans notre capacité à intervenir et à participer étant donné l'état de nos forces armées. Comme je l'ai déjà dit tout à l'heure, oui, des forces armées viables permettent un éventail d'options de politique étrangère. Si nous réduisons la viabilité et la capacité de nos forces armées, nous réduisons nos options de politique étrangère. Il est possible que nous voulions participer mais nous ne le pouvons pas pour des raisons d'effectifs et de moyens. Donc, oui, la réduction de nos moyens militaires réduit proportionnellement nos options de politique étrangère.

+-

    Le vice-président (M. David Price): Monsieur Grose.

+-

    M. Ivan Grose: Merci, monsieur le président.

    Cette dernière question me rappelle que quelqu'un a dit que la politique étrangère se faisait par la bouche du canon. Ce n'est pas moi qui l'ait dit.

    C'est une chose à laquelle je n'avais pas pensé avant mais qui m'a été dite. Voyez-vous l'ABCA, pour ceux qui ne le savent pas, et je ne le savais pas il y a un instant, ce sont les États-Unis (amérique) la Grande-Bretagne, le Canada et l' Australie plus la Nouvelle-Zélande— jouer de plus en plus un rôle au niveau de l'uniformisation du matériel et de la doctrine entre l'armée canadienne et l'armée des autres nations participantes? Quels changements dans nos relations avec l'ABCA en favoriseraient la viabilité? C'est une question qui m'intéresse vraiment. Élargir le mandat de l'ABCA pour y inclure aussi l'aviation et la marine. Je trouve assez bizarre que cela ne soit pas encore fait.

    Pendant la Seconde Guerre mondiale l'uniformisation du matériel entre les alliés était catastrophique. Les Britanniques et les Américains avaient du matériel différent, des fréquences différentes, tout était différent et dans une large mesure, c'était pareil pour nous.

+-

    Lgén Richard Evraire: Monsieur le président, beaucoup d'efforts ont été faits à l'OTAN dès le départ dans le but d'uniformiser non seulement le matériel dans les trois services, mais aussi dans les questions de doctrine pour que les nations alliées participantes puissent toutes comprendre la position des autres sous l'angle des moyens opérationnels. Ces efforts ont abouti entre autres à la création de l'ABCA qui s'était fixé pour objectif—et j'ai présidé pour l'armée une réunion de l'ABCA il y a quelques années—de discuter pour se mettre d'accord plus sur la doctrine que sur le matériel. Du moins, quand j'étais là les discussions portaient plus sur la doctrine. Je dois avouer ne pas savoir où en sont actuellement ces discussions. Le colonel Marsh qui a quitté le service beaucoup plus tard que nous en sait peut-être plus.

    Il reste que l'utilisation de matériel et de techniques opérationnelles analogues est depuis longtemps une réalité dans l'aviation et dans la marine. Les avions ne pourraient atterrir et décoller des bases des autres et les navires ne pourraient pas mouiller dans les ports des autres, sans ce genre de standardisation du matériel et de la formation. Pour l'armée, dans une certaine mesure, cela posait un plus grand problème compte tenu de la variété de l'origine des types de matériel et de doctrine des alliés, et c'est une des raisons pour laquelle l'ABCA a été créée, pour essayer d'éliminer ces différences.

    Je pourrais demander au colonel Marsh de nous dire si ces réunions se poursuivent toujours et à la même cadence.

  +-(1230)  

+-

    Col Howard Marsh: L'ABCA ou les groupes quadripartis d'uniformisation continuent de se réunir tout comme se poursuivent les réunions d'uniformisation de l'OTAN. Mais dans les deux cas ces réunions sont dominées par deux autres normes.

    La première est la norme de l'Institute of Electrical and Electronics Engineers. Les normes de cet institut régissent aujourd'hui 80 à 90 p. 100 de toutes les interfaces électroniques, des voltages, des fréquences du monde. La deuxième est la norme de la Society of Automotive Engineers adoptée par 43 constructeurs automobiles du monde et qui est virtuellement à la base de toutes les bandes de serrage de transport.

    La SAE et l'IEEE sont, ipso facto, la nouvelle norme, et ces deux sociétés sont largement présentes dans les pays de l'ABCA. Les normes de L'ABCA et de l'OTAN finiront par être remplacées par celles de l'IEEE et de la SAE.

    Merci, monsieur le président.

+-

    Le vice-président (M. David Price): Monsieur Bachand.

[Français]

+-

    M. Claude Bachand: Je veux revenir sur la question de la vision négative, monsieur Evraire. Peut-être que j'aurais dû, avant de faire mon intervention, citer un extrait de votre document Une nation vulnérable: le déclin des Forces canadiennes, où vous dites:

Dans l’ensemble, la perspective qu’ont les États-Unis du Canada, passe de «négligence bénigne», à celled’«hostilité croissante».

    Je trouve que c'est un état de fait qui est très négatif aussi, mais c'est un état de fait. C'est pour cette raison que je voulais dire que finalement les Américains essaient toujours de nous pousser dans le sens de leurs intérêts, et je trouve qu'on aurait parfois peut-être intérêt à résister un peu plus. On a parlé de Northern Command plus tôt, on a parlé de NORAD aussi. On parle de Central Command. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de Canadiens qui ont une influence majeure à Central Command. D'ailleurs, on est allés à Tampa Bay pour voir l'ensemble des opérations.

    Il y a une autre chose vers laquelle je pense qu'ils sont en train de nous pousser et j'aimerais avoir votre opinion là-dessus. Il s'agit du Defence Authorization Bill. Je ne sais pas si vous avez entendu parler de cela, mais je suis intervenu personnellement auprès des PDG des compagnies américaines qui ont un siège social ici, au Canada, et ils sont en train de nous pousser en dehors, finalement, de la base industrielle américaine, ce qui est terrible, parce que cela faisait une centaine d'années qu'on avait presque un accès illimité au marché américain. Cela marchait très bien, mais maintenant, ils sont en train de dire qu'ils vont acheter uniquement des produits américains, sans tenir compte du libre-échange, etc. D'ailleurs, je vais vous lire juste un petit extrait de la lettre que j'ai envoyée:

[Traduction]

L'année dernière, plusieurs compagnies de munitions américaines ont joint leurs efforts pour demander à leurs représentants au Congrès et à leurs sénateurs d'adopter une loi qui limiterait la participation canadienne au marché américain des munitions. Cette position n'est appuyée ni par l'armée américaine ni par le Bureau du secrétaire de la défense qui tous deux reconnaissent la contribution industrielle canadienne au programme de munitions américain. Malheureusement, la version de la Chambre du 2004 Defense Authorization Bill... contient certains termes... qui élimineraient le Canada de la base industrielle et technologique nationale.

[Français]

    Alors, est-ce que vous partagez mon avis, même s'il est un peu négatif, selon lequel les Américains sont en train, non seulement du côté économique, de dire qu'ils vont restreindre leur marché, mais aussi, du côté des officines militaires, gouvernementales et législatives, de vouloir donner une leçon au Canada? Est-ce que vous avez cette impression?

+-

    Lgén Richard Evraire: Oui, c'est une interprétation que je partage jusqu'à un certain point. C'est clair dans certains cas. On se souvient de ITAR, où dans le domaine de l'équipement des satellites et des ogives de lancement des satellites et tout le reste, on nous a complètement empêchés, pour une période de presque deux ans, d'échanger de la technologie et des équipements américains. On ne pouvait pas obtenir de renseignements d'eux, etc. On a été exclus jusqu'à ce que, il n'y a pas tellement longtemps, on laisse planer la possibilité de nous permettre de réintégrer ce système-là. Mais au même niveau que tous les autres, on avait cet avantage, cette ouverture à l'industrie militaire américaine, qui datait d'ailleurs des années 1940.

    On n'y peut pas grand-chose, dans les circonstances. Les Américains ont tellement de pouvoir de ce côté-là que s'ils choisissent de nous exclure, on est perdants, très malheureusement.

    Mais je reviens à ce que j'ai soulevé plus tôt. La seule façon, à mon sens, de réintégrer la faveur des Américains ou de participer davantage sur le plan industriel avec eux à l'industrie militaire tout spécialement, c'est quand même en contribuant d'une façon valable. Si les Américains ont l'impression que le Canada devient un consommateur de sécurité et de défense, pourquoi nous donneraient-ils des avantages?

    En revanche--et je l'ai mentionné dans mes commentaires--, si on était en mesure d'apporter de l'eau au moulin du côté de la recherche ou du côté des contributions concrètes en matière de matériel et de personnel du côté de la sécurité et de la défense de l'Amérique du Nord, je pense que cela pourrait permettre aux Américains, logiquement, de nous ouvrir la porte. On est quand même à côté et on a été favorisés pendant des années.

    Qu'est-ce qui s'est passé pour qu'on nous claque la porte au nez? Je pense que cela a été--et on s'évertue à le dire--une diminution importante dans la capacité à contribuer à la défense en commun. Et jusqu'à ce qu'on redresse cette situation-là, je pense que les Américains vont continuer à nous traiter un peu comme cela.

  +-(1235)  

+-

    Col Alain Pellerin: J'aimerais ajouter un commentaire ou deux à cela.

    Premièrement, vous avez mentionné CENTCOM. Il faut se rappeler, pour appuyer ce que le général mentionnait, que notre seule contribution aux forces sous ce commandement, c'est un navire, essentiellement une frégate, le HCMS Calgary, qui va être retiré au mois d'octobre. Alors, il ne faut pas se leurrer lorsqu'on parle d'influence. Si on ne contribue pas de troupes au Central Command, soit en Irak ou en Afghanistan... Les troupes en Afghanistan ne sont pas techniquement sous le contrôle de CENTCOM, elles sont maintenant sous le contrôle de l'OTAN. Alors, on a perdu cette influence à CENTCOM, ça ne fait aucun doute.

    Pour ce qui est du projet de loi, qui a seulement été présenté à la Chambre des représentants, qui n'a pas été voté et qui n'a pas l'appui du Sénat ni de la Maison-Blanche ni du Pentagone, c'est une raison de plus. Si les relations entre Washington et Ottawa étaient meilleures, je crois que ce genre de malentendu ne prendrait pas le profil qu'il a pris. Celui qui a présenté ce projet de loi, c'est le président du comité de la défense des États-Unis. C'est lui qui a présenté ce projet de loi et qui l'a poussé d'ailleurs. Or, peut-être que si votre comité avait l'occasion d'aller à Washington, vous pourriez avoir ce genre de discussion avec lui.

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. David Price): Thank you, Mr. Bachand.

    Nous pourrions peut-être terminer en disant quelques mots sur l'Afghanistan, notre mission là-bas, et ce qui se passe... Nos deux principales missions actuellement sont la Bosnie et l'Afghanistan.

    À l'OTAN nous avons commencé une étude...en réalité, cela fait déjà longtemps qu'on en discute... sur le retrait de nos troupes et la prise en charge de toute l'opération par les Européens. Pour beaucoup de nos soldats, c'est une bonne nouvelle. Soyons honnêtes, je crois qu'ils en ont assez d'être là-bas, et ils ont l'impression de ne pas faire ce qu'ils devraient être en train de faire.

    Par contre, la mission en Afghanistan revêt un intérêt réel. J'ai eu l'occasion de m'y rendre quand ils installaient leur camp. Nous sommes très bien équipés. J'ai parlé à plusieurs soldats et ils ont vraiment l'impression de faire leur travail. Nous avons également une excellente réputation. Il suffit de parler aux habitants pour s'en rendre compte.

    La seule petite chose que je trouve un peu regrettable, et j'aimerais avoir votre opinion, est qu'il va y avoir une rotation et qu'un autre groupe va remplacer le premier. Ils doivent rester jusqu'à l'été prochain, et c'est l'été prochain que doivent avoir lieu les élections. Le camp est impeccable. Le site est idéal. C'est nous qui prenons le commandement de l'opération. Pour le moment nous assumons le commandement en second, mais à compter du 1er janvier, c'est nous qui assurerons le commandement pour l'OTAN.

    J'aimerais donc savoir quel rôle nous devrions jouer d'après vous.

  +-(1240)  

+-

    Lgén Richard Evraire: Monsieur le président, s'agit-il d'une prolongation de la mission sous sa forme actuelle ou sous une forme élargie?

+-

    Le vice-président (M. David Price): Assumer le commandement revient en quelque sorte à assumer une mission élargie. En conséquence, ne devrions-nous pas rester plus longtemps, compte tenu du fait, bien entendu, que nous nous retirons d'autres missions?

+-

    Lgén Richard Evraire: Le problème d'une prolongation de la mission, selon moi, c'est qu'étant donné le nombre de troupes disponibles, du point de vue de la soutenabilité ce serait catastrophique pour l'armée. La marine est en train ou est sur le point de prendre un repos bien mérité. L'armée en a tout autant besoin.

    Oui, le déploiement en Bosnie doit passer normalement de 1 300 à 800 ou à peu près, mais je ne sais pas exactement quel est le calendrier. Personnellement, je n'ai pas entendu parler d'un retrait de toutes nos troupes. C'est peut-être une option discutée, comme toutes les autres, d'ailleurs.

    Une prolongation perpétuerait le problème actuel. Nos effectifs actuels ne sont pas suffisants pour les périodes d'instruction nécessaires non seulement pour les nouvelles recrues—comme vous le savez, le recrutement a très bien marché—mais aussi pour les membres de l'armée et des autres services actuellement déployés.

    Nous avons discuté, et je le mentionne dans mon texte d'aujourd'hui, du danger de saturation pour nos militaires à force d'être déployés. Si nous continuons à les déployer au même rythme, nous aurons de plus en plus de mal à trouver des effectifs à déployer dans l'armée, la marine et l'aviation.

    C'est là tout le problème. Nos effectifs sont actuellement au strict minimum, et les choses ne pourront qu'empirer si nous ne faisons pas l'effort concerté de recruter et de former du personnel supplémentaire. Bien évidemment, cela prend du temps et cela prend aussi de l'argent pour équiper ce personnel supplémentaire.

    Enfin, je ne vois pas comment il serait possible de prolonger cette mission au-delà de la période de temps prévue à l'origine.

+-

    Col Alain Pellerin: Permettez-moi d'ajouter un mot ou deux à ce que vient de dire le général. En termes d'effectifs, l'armée a peut-être de 9 000 à 10 000 soldats qu'elle peut déployer sur le terrain; ça c'est la réalité, même si ses effectifs sont de 19 000. Cela fait à peu près 95 ou 100 baïonnettes. Avec les deux missions de cette année, tous les effectifs de l'armée, plus ou moins, sont engagés sur une période d'un an, soit qu'ils se préparent, soit qu'ils sont sur place, soit qu'ils reviennent.

    Si vous prolongez de six mois, cela veut dire que les troupes qui sont là-bas ou en Bosnie maintenant, pourraient très bien se retrouver de nouveau en Afghanistan dans six mois. Vous connaissez la politique des 12 mois. C'est ça la réalité actuelle.

+-

    Col Howard Marsh: Monsieur le président, si vous me le permettez, j'aimerais donner un peu de couleur à ce tableau.

    Une voix : C'est votre spécialité.

    Col Howard Marsh : Afin de remplir son engagement actuel en Afghanistan, l'armée a dépouillé le système de génération des forces de 50 p. 100 de ses ressources. Elle a accaparé 50 p. 100 des instructeurs, 50 p. 100 de l'équipement, etc. En conséquence, quand les soldats reviendront en 2004, l'armée n'aura vraisemblablement plus que 50 p. 100 de ses effectifs actuels car il n'y aura plus de caporaux formés pour remplacer les caporaux qui prendront normalement leur retraite. Elle ne peut remplacer les nouveaux soldats qui en ont assez et qui s'en vont. Nous avons fait des petits calculs, et si l'opération en Afghanistan se prolongeait jusqu'en 2005,les effectifs de l'armée seraient réduits à 25 p. 100 et d'ici 2007, ils seraient pratiquement réduits à 0.

  -(1245)  

+-

    Le vice-président (M. David Price): Il est malheureux que nous en soyons arrivés à de telles extrémités alors que c'est probablement la mission idéale pour nous si nous étions dans l'état dans lequel nous devrions être...malheureusement, nous n'y sommes pas.

    Je vous remercie infiniment, messieurs d'être venus. Vos témoignages sont toujours très intéressants. Je suis sûr que nous pourrions encore continuer longtemps. Il y a beaucoup de choses à discuter et je suis sûr que vous reviendrez. Encore une fois, merci beaucoup.

+-

    Lgén Richard Evraire: Monsieur le président, au nom de la CAD, permettez-moi de vous remercier, ainsi que les membres de votre comité, de votre aimable invitation. Nous sommes toujours prêts à venir vous rencontrer.

    Merci.

-

    Le vice-président (M. David Price): Merci beaucoup.