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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 19 février 2003




· 1330
V         Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.))

· 1335
V         M. Phil Rankin (Section Immigration, Colombie-Britannique, Association du Barreau canadien)

· 1340

· 1345
V         Le président
V         M. Richard Kurland (éditeur en chef, «Lexbase»)

· 1350
V         Le président
V         M. Eyob Naizghi (directeur général, MOSAIC)

· 1355

¸ 1400
V         Le président
V         M. Kenneth Tung (vice-président, SUCCESS)

¸ 1405
V         Mme Lilian To (directrice générale, SUCCESS)

¸ 1410

¸ 1415

¸ 1420
V         Le président
V         Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne)
V         M. Richard Kurland
V         Le président
V         Mme Lynne Yelich

¸ 1425
V         M. Richard Kurland
V         M. Phil Rankin
V         M. Richard Kurland
V         M. Phil Rankin
V         Le président
V         M. Phil Rankin
V         Le président
V         Mme Lilian To
V         Le président
V         M. Phil Rankin

¸ 1430
V         Le président
V         Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.)

¸ 1435
V         Le président
V         Mme Lilian To

¸ 1440
V         Le président
V         M. Phil Rankin
V         Le président
V         M. Eyob Naizghi
V         Le président
V         M. Richard Kurland

¸ 1445
V         Le président
V         M. David Price (Compton—Stanstead, Lib.)
V         M. Phil Rankin

¸ 1450
V         M. David Price
V         M. Phil Rankin
V         M. David Price
V         Le président
V         M. David Price
V         Mme Lilian To
V         M. David Price
V         Mme Lilian To
V         Le président

¸ 1455
V         M. Eyob Naizghi
V         Le président
V         M. Phil Rankin
V         Le président
V         M. Phil Rankin
V         Le président
V         M. Phil Rankin
V         M. Kenneth Tung

¹ 1500
V         Mme Lilian To
V         Le président
V         M. Richard Kurland
V         Le président
V         Mme Lilian To
V         Le président
V         Mme Lilian To
V         Le président
V         Le président

¹ 1510
V         M. Jason Gratl (directeur, "B.C. Civil Liberties Association")
V         Le président
V         M. Jason Gratl
V         M. Craig Jones (directeur, "B.C. Civil Liberties Association")
V         Le président
V         M. Craig Jones
V         Le président
V         M. Craig Jones
V         M. Jason Gratl

¹ 1515

¹ 1520
V         Le président
V         M. Richard Rosenberg (vice-président et professeur en informatique, Université de la Colombie-Britannique; «Electronic Frontier Canada»)

¹ 1525

¹ 1530
V         Le président
V         M. W. Wesley Pue (professeur de droit, Faculté de droit, Université de la Colombie-Britannique)
V         Le président
V         M. W. Wesley Pue
V         Le président
V         M. W. Wesley Pue
V         Le président
V         M. W. Wesley Pue
V         Le président
V         M. W. Wesley Pue

¹ 1535
V         Le président
V         Mme Lynne Yelich
V         M. David Price

¹ 1540
V         Le président
V         M. Craig Jones
V         Le président
V         M. Craig Jones
V         M. David Price
V         M. Craig Jones
V         Le président
V         M. David Price
V         Le président
V         M. David Price
V         M. Jason Gratl

¹ 1545
V         Le président
V         M. Richard Rosenberg
V         Le président
V         M. W. Wesley Pue
V         Mme Lynne Yelich
V         M. Richard Rosenberg

¹ 1550
V         Mme Lynne Yelich
V         M. Craig Jones
V         M. W. Wesley Pue
V         Le président
V         M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.)

¹ 1555
V         M. Craig Jones
V         Le président
V         M. Craig Jones
V         Le président
V         M. Craig Jones
V         Le président
V         Mme Sophia Leung
V         M. Richard Rosenberg

º 1600
V         Le président
V         M. Richard Rosenberg
V         Le président
V         M. Richard Rosenberg
V         Le président
V         Mme Sophia Leung
V         M. Craig Jones
V         Le président
V         M. Craig Jones
V         Le président

º 1605
V         M. Richard Rosenberg
V         Le président
V         M. Richard Rosenberg
V         Le président
V         M. W. Wesley Pue
V         M. Craig Jones

º 1610
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 046 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 19 février 2003

[Enregistrement électronique]

·  +(1330)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.)): Chers collègues, nous en sommes à notre sprint final ici, à Vancouver. Cet après-midi, nous allons parler de nos programmes d'établissement et d'intégration. Nous recevons quelques témoins. L'Association du Barreau canadien est représentée par Phil Rankin. Nous accueillons également Richard Kurland, que les membres du comité connaissent bien et qui représente Lexbase. Il a passé tout l'avant-midi avec nous, et nous l'apprécions beaucoup. Nous recevons Eyob Naizghi, de MOSAIC—content de vous revoir, Eyob—et Lilian To, de SUCCESS.

    Nous allons bientôt faire de vous des membres permanents de notre comité. Vous avez énormément d'expérience et vous nous avez donné de précieuses informations. Nous vous remercions sincèrement de prendre le temps de participer à notre séance.

    Passons maintenant à Phil Rankin.

·  +-(1335)  

+-

    M. Phil Rankin (Section Immigration, Colombie-Britannique, Association du Barreau canadien): Je m'appelle Phil Rankin. Je suis avocat à Vancouver et fait partie de divers organismes, mais aujourd'hui, je vous parle au nom de l'Association du Barreau canadien, Section de l'immigration de la Colombie-Britannique.

    Nous avons préparé un très bref mémoire. En général, vous allez constater qu'il y a plutôt consensus entre les organismes d'établissement et le Barreau. Nous avons vu les ébauches des mémoires de MOSAIC et de l'AMSSA, et nous les endossons en général. Je pense que le principe, c'est que le formule de financement actuel n'est pas avantageuse pour la Colombie-Britannique. Nous voulons une formule de financement par tête plus que toute autre formule de décision.

    Nous avons de graves réserves quant au financement global. En cette période de négociations avec les provinces, je me rends compte que les provinces veulent avoir le plus de souplesse possible, mais qu'une grande partie des fonds prévus pour l'établissement va dans un compte d'établissement consolidé, ce qui fait que ces fonds ne sont pas comptabilisés. Nous préférerions un régime de normes nationales. Ainsi, nous voudrions que vous les assortissiez de conditions. Je comprends bien que cela va complètement à l'encontre des revendications des provinces, qu'il s'agisse de soins de santé, d'immigration ou de n'importe quel autre domaine. Elles veulent l'argent et en faire ce qu'elles veulent.

    Toutefois, selon notre expérience, cet argent n'est pas dépensé... Par exemple, il y a tout un débat autour des fonds utilisés pour financer les programmes d'enseignement de l'anglais, langue seconde, à Vancouver. Ces programmes sont de compétence provinciale et font partie du programme d'éducation. Nous ne voulons pas que les fonds prévus pour l'établissement aboutissent dans des écoles, à moins que vous ne vouliez créer une bourse spéciale ou... je crois que la province manque à sa responsabilité lorsqu'elle se cache et dit dépenser de l'argent pour favoriser l'établissement, alors qu'elle s'en sert pour financer des programmes d'enseignement de l'anglais. Elle doit injecter des fonds dans ces programmes, cela ne fait pas de doute, mais elle se vante de favoriser l'établissement en utilisant les fonds de cette façon.

    Je trouve que c'est une bien mauvaise formule qui lui permet d'absorber pratiquement... Par comparaison, il existe en Colombie-Britannique une taxe spéciale pour l'aide juridique, mais l'argent amassé ne va pas à l'aide juridique, il aboutit dans un fonds général consolidé et ne sert pas à financer l'aide juridique. Notre province avait l'un des meilleurs systèmes judiciaires du Canada, mais elle a maintenant l'un des pires systèmes du pays. Il semble que cette taxe, bien qu'elle soit supposée servir à financer l'aide juridique, se transforme en recettes générales. La même chose se passe avec les fonds d'établissement.

    De plus, il y a de nombreux programmes beaucoup trop bureaucratisés en Colombie-Britannique—d'autres personnes vous le diront—et cela nuit au niveau d'anglais enseigné dans la province et aux critères d'admissibilité aux cours. Il y a de grandes différences bureaucratiques entre la Colombie-Britannique, l'Alberta et d'autres provinces. Il n'y a pas de normes. La Colombie-Britannique n'offre des cours d'anglais que jusqu'à un niveau trois. Elle n'offre pas de cours d'anglais aux immigrants à long terme du Canada, qui ne sont pas fonctionnels en anglais. Trop d'obstacles l'en empêchent.

    En fait, les fonds d'établissement visent à aider les gens à s'intégrer, même s'ils sont ici depuis 10 ans. Il y a des dizaines de milliers de personnes d'âge moyen qui restent à la maison, qui ne fonctionnent pas en anglais, dont les enfants fonctionnent à leur place et qui devraient être inscrits à des programmes d'anglais langue seconde. Il y a amplement de ressources pour enseigner l'anglais ici, mais pas suffisamment d'argent. En général, nous croyons que les ONG font un travail vraiment incroyable compte tenu des fonds dont ils disposent.

    La seule chose que j'ai remarquée et qui n'est pas mentionnée dans la plupart des mémoires concerne la réglementation des consultants. Bien sûr, les avocats sont toujours accusés de conflits d'intérêts lorsqu'ils parlent de consultants. Je parle des consultants depuis 1980, mais il n'y a toujours aucun règlement régissant leurs activités. Quels en sont les avantages et les inconvénients? Il y a beaucoup de consultants, particulièrement à l'OPIC, qui ont une excellente formation. Bon nombre d'entre eux viennent du ministère. Ce sont des fonctionnaires à la retraite qui entreprennent une carrière très lucrative et qui font les choses dans les règles de l'art. Dans le domaine des litiges, soit à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, il y a très peu de consultants compétents.

    Hier, j'ai rencontré une jeune femme d'origine chinoise qui travaillait pour un consultant à Vancouver. Ce consultant s'affiche comme avocat canadien. Ce n'est pas vrai; c'est un consultant non chinois. Il fait de la publicité à Hong Kong. Il a un grand cabinet à Vancouver, sur la rue Georgia.

    Elle m'a dit soupçonner la disparition de 700 000 $ en honoraires. Des clients la harcèlent en Chine. Il est hors de leur portée. Parce qu'elle est Chinoise, mais également immigrante reçue au Canada, ils poursuivent sa famille en Chine. Elle affirme que les paiements ont été faits. Les demandes du bureau de Beijing ont été vérifiées, et il manque des demandes pour des dizaines et des dizaines de dossiers.

    Cette personne a donc encaissé des dizaines de milliers de dollars en honoraires. Il n'y a ni fonds de fiducie, ni indemnisation, ni assurance. Je lui ai dit de ne même pas prendre la peine de le poursuivre au Canada. Je peux vous le dire—je pratique beaucoup le droit criminel—il n'aura aucun bien ici. Je le sais. Ce ne serait que perte de temps. Les Canadiens ne poursuivront pas, parce que la plus grande partie de ces faudes ont été commises en Chine. Même si elles ont un volet canadien, ils ne s'y intéresseront pas vraiment.

    Il y a donc des centaines de personnes, dont les dossiers n'apparaissent même pas dans le système. Ces personnes croient qu'ils y sont, mais nous n'avons aucun moyen de les obtenir.

    Ceci dit, s'il s'agissait d'un avocat canadien, même s'il pratiquait à l'étranger, en Chine, nous exercerions des sanctions. Nous aurions un fonds pour indemniser ces gens, nous aurions des comptes de fiducie, des fonds de fiducie.

    Il y a donc un groupe qui n'est absolument pas réglementé. Certains de ses membres font du bon travail, d'autres un travail épouvantable. Il y a aussi des avocats qui font un travail épouvantable. Je ne nie pas que bon nombre d'avocats font un bien piètre travail en matière d'immigration, mais en règle générale, nous avons les moyens de les attraper.

    Ce qui se passe à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié—et j'ai beaucoup travaillé pour la Commission, tant à la Section d'appel qu'à la Section du statut de réfugié—coûte littéralement des centaines de millions de dollars au Canada, j'en suis sûr. J'ai moi-même observé des centaines et des centaines de demandes frauduleuses. Il y a des centaines de demandes de frauduleuses, qu'il s'agisse de demandes de citoyenneté ou de demandes du statut de réfugié. Il y a des centaines de personnes qui entrent au pays clandestinement ou qui ont obtenu leurs documents de consultant—des consultants qui travaillent habituellement en collaboration avec des interprètes et des agents de voyages.

    C'est tout à fait classique. Des agents de voyages de l'étranger établissent des contacts avec des consultants au Canada; des interprètes du Canada dirigent les gens vers certains consultants et, souvent, vers certains avocats. Cette absence de réglementation ne coûte pas seulement des dizaines de millions de dollars à la société canadienne, elle mine la confiance en notre système, elle ruine la vie de gens qui croyaient recevoir des services légitimes et elle ne nous a permis d'épargner aucun sous. Les gens nous disent souvent avares, mais en vérité, si je jette un coup d'oeil du côté des consultants, je ne vois habituellement pas une énorme différence entre les honoraires qu'ils chargent et les nôtres. Je vois la différence entre les notaires et les avocats, mais il n'y a aucune économie à faire en faisant appel à des consultants.

    J'aurais bien aimé que les consultants soient réglementés par la CISR. Cela n'est jamais arrivé—la loi lui conférait le pouvoir de le faire et dictait que seuls les avocats et les procureurs pouvaient mener de telles activités. Mais si on autorise leur participation, ils devront se soumettre à un code de déontologie, respecter des règlements, souscrire une assurance, recevoir de la formation et rendre des comptes d'une manière ou d'une autre.

    Bien sûr, nous savons que M. Augenfeld et un comité étudient actuellement la situation des consultants, mais il me semble avoir déjà vu une dizaine d'études sur les consultants depuis le début de ma carrière, il y a 20 ans. Ce n'est pas la première fois que nous voyons les consultants... Je n'ai aucune idée de la façon dont ils ont pu éviter une réglementation si longtemps. Je ne comprends vraiment pas pourquoi ils ont pu éviter d'être réglementés, parce que je n'ai jamais vraiment entendu quiconque dire qu'une telle réglementation serait néfaste. Pour une raison obscure, on a toujours dit que c'était de compétence provinciale ou de compétence fédérale ou qu'il y avait des problèmes constitutionnels complexes à cet égard.

    Je ne crois pas que ce soit complexe. Je pense que la CISR pourrait très bien avoir adopté un règlement dictant qu'il faut être membre d'une association et se soumettre à un code de déontologie. Il aurait été très facile pour la CISR de les réglementer. Je suppose que ce pourrait être plus difficile de réglementer les consultants à l'étranger.

    De même, il n'y a pas suffisamment d'argent octroyé à la Section de l'immigration et des passeports de la GRC pour l'application de la réglementation afin qu'elle puisse vraiment rechercher ces personnes et les poursuivre. Cela pourrait déjà avoir un effet très dissuasif. Mais en général, nous savons bien qu'une bonne application de la réglementation n'a même pas d'effet dissuasif, parce que c'est trop coûteux. Très peu de consultants ont été poursuivis, deux ou trois, dont un cas bien connu en Colombie-Britannique dans lequel l'accusé a finalement été acquitté parce que les principaux témoin ont été incités à ne pas se présenter; les avocats sont allés en Europe, mais ils n'ont pas réussi rassembler les preuves nécessaires. Il est très coûteux de mener des enquêtes sur les consultants à l'étranger et il est relativement difficile de le faire du Canada, particulièrement si l'on ne veut pas procéder comme les trafiquants de drogue, comme je l'ai dit aux agents de l'immigration et des passeports. Il faut s'entendre avec les réfugiés illégaux et les demandeurs frauduleux et leur dire qu'on ne mènera pas d'enquête sur eux s'ils témoignent contre les consultants.

·  +-(1340)  

    C'est bien malheureux, mais c'est la façon de faire avec les trafiquants de drogue. On se retourne vers les petits trafiquants et on les convainc de témoigner contre ceux qui sont au-dessus d'eux pour que nous puissions les arrêter.

    Nous hésitons à recourir aux techniques utilisées dans les poursuites contre les trafiquants de drogue pour poursuivre les consultants et les demandeurs illégaux. Du coup, nous avons des milliers de plaintes. Ainsi, quiconque est contre l'immigration peut accuser quelqu'un d'autre, parce que nous laissons de telles situations survenir.

    Je vais conclure et laisser mes collègues... En général, nous estimons que les ONG de la Colombie-Britannique font du bon travail et que le système d'établissement des ONG est le seul qui puisse nous permettre de favoriser l'intégration. Il est probablement vain d'espérer convaincre des immigrants de s'établir dans les régions rurales de la Colombie-Britannique. En fait, il y a bien peu d'argent et d'organismes d'établissement dans les régions rurales. Il n'y a pas de programme de DRHC qui s'adresse aux immigrants. Il n'y a vraiment aucun incitatif à aller là-bas.

    Je suppose qu'on pourrait réussir à favoriser l'immigration dans les régions rurales de la Colombie-Britannique si l'on se dotait d'un programme de diversité semblable à celui des États-Unis, qui prévoit 100 000 endroits pour les étrangers qui préféreraient s'établir en région rurale, comme les arrivants de l'Europe de l'Ouest et de l'Est, qui aimeraient probablement s'établir dans des petites villes. Il reste qu'en général, l'immigration va continuer de se concentrer en région urbaine à moins que nous ne mettions en place de vrais incitatifs à aller s'établir ailleurs. C'est une tâche presque impossible, d'après ce que j'ai entendu, que de trouver des moyens d'inciter les gens à aller vivre là-bas. Comme il y a de moins en moins d'argent qui y est consacré, je m'attends à ce qu'il y ait encore moins d'incitatifs à y aller, et non l'inverse.

    Merci.

·  +-(1345)  

+-

    Le président: Merci, Phil.

    Même si nous ne parlons pas de la situation des consultants aujourd'hui, nous nous attendons à des développements en avril ou en mai, parce que ce comité met la touche finale à ses travaux. Il est à espérer qu'après 10 ou 15 ans d'attente, on nous propose enfin quelque chose.

    Richard.

+-

    M. Richard Kurland (éditeur en chef, «Lexbase»): Pour ce qui est de l'établissement, nous recommandons d'augmenter l'immigration francophone dans les régions rurales du pays. L'administration fédérale doit reconnaître qu'elle doit injecter des fonds initiaux pour améliorer substantiellement les infrastructures d'établissement de francophones à l'extérieur des grandes villes de nos provinces. Il s'agirait d'une dépense ponctuelle faite dans l'intérêt national afin de renforcer l'unité canadienne. Nous avons entendu quelques points de vue à ce propos ce matin, et les mots que j'ai retenus sont «un grand rêve». Ils n'ont pas été prononcés dans la même optique que Martin Luther King qui disait qu'il avait un rêve. C'était péjoratif.

    Ces remarques nous rappellent les injustices historiques qu'ont subies autrefois les collectivités francophones, surtout dans l'Ouest du Canada. Les difficultés que vivent ces collectivités aujourd'hui en termes d'assimilation ne peuvent être passées sous silence. Mais il se trouve que j'ai un rêve—et je devrais plutôt dire une vision—que le système d'immigration serve à renforcer les collectivités francophones actuellement établies dans les régions rurales du Canada.

    Je soulignerais qu'il est difficile d'entrer dans les écoles bilingues de Vancouver—je pense aux écoles anglaises/françaises. Notre fille de deux ans, Tiffany Hana Kurland, est confrontée à ce choix. Il est difficile de trouver des places. Bref, en réalité, les Canadiens de la côte Ouest ont un rêve, dont je peux attester personnellement. Même si une partie des gens de la côte Ouest ne sont pas francophones de naissance, ils souhaitent certainement jouir des avantages du statut des langues officielles au Canada. Ils veulent grandir et s'épanouir en tant que citoyens bilingues du Canada.

    Je souligne l'importance de la difficulté d'entrer dans les écoles bilingues de Vancouver. Tous les groupes démographiques y sont confrontés, et c'est là la preuve qu'ils partagent un rêve.

    Je crois, comme mon bon collègue et ami M. Rankin qui déplore le financement indirect, qu'il devrait y avoir des investissements directs. Le financement direct des infrastructures d'établissement francophone existantes dans les régions rurales du pays favoriserait l'arrivée et l'acceptation d'un plus grand nombre de francophones dans les provinces autres que le Québec. Cet investissement ponctuel pourrait améliorer grandement les conditions et permettre à un plus grand nombre de francophones de choisir comme destination une petite ville autre que Vancouver ou Toronto, à l'extérieur du Québec.

    Voilà ce que j'avais à dire pour commencer.

·  +-(1350)  

+-

    Le président: Votre rêve pourrait peut-être s'être réalisé en partie. Je vois que le budget prévoit l'affectation de 114 millions de dollars au cours des deux prochaines années à la mise en place d'un plan d'action pour améliorer les services fournis dans les langues officielles. À votre place, je soumettrais immédiatement votre proposition à quelqu'un, car je crois qu'elle concorde avec le message qu'ont reçu les parlementaires et la volonté de miser sur les valeurs et la culture canadiennes. Nous pouvons en discuter, mais j'ai pensé porter à votre attention cette annonce qui a été faite hier.

    Eyob, je vous souhaite à nouveau la bienvenue.

+-

    M. Eyob Naizghi (directeur général, MOSAIC): Monsieur le président, merci à vous et aux membres du comité. Au nom de notre conseil d'administration, de notre personnel et des collectivités avec lesquelles nous travaillons, je tiens à vous remercier de permettre à MOSAIC de vous présenter quelques commentaires au sujet de la question de l'établissement et de l'intégration des immigrants et des réfugiés.

    MOSAIC, qui est l'un des principaux organismes de services aux immigrants dans la région de Vancouver, facilite l'établissement et l'intégration des nouveaux arrivants grâce à un certain nombre de services et de programmes, mais surtout par l'entremise de la promotion de changements au sein des organismes et des institutions pour tenir compte de la diversité et créer une société ouverte dans le contexte social du Canada.

    Notre mémoire porte sur huit questions, qui correspondent aux sujets dont le comité souhaitait entendre parler. Nous abordons l'orientation avant le départ, les obstacles à l'intégration et à la participation et l'entente de coopération en matière d'immigration conclue entre le gouvernement fédéral et le gouvernement de Colombie-Britannique. Nous parlons aussi de la formule du financement, des questions administratives, de la répartition géographique, de la participation du public et des grands indicateurs sur la santé des réfugiés et des immigrants.

    Habituellement, lorsque nous parlons des nouveaux arrivants, nous aimons faire la distinction entre les immigrants et les réfugiés, car souvent la question des réfugiés se perd dans la discussion sur les immigrants. Chaque fois que vous m'entendrez parler des nouveaux arrivants, souvenez-vous que je fais référence aux immigrants et aux réfugiés, mais il arrivera que je fasse référence précisément aux réfugiés et aux demandeurs du statut de réfugié.

    Étant donné le temps dont nous disposons et le fait que nous savons très bien que le comité a entendu d'autres témoins parler des questions que je viens de mentionner—notamment mes collègues, dont Phil, qui a pris la parole plus tôt— je vais restreindre mon exposé aux domaines suivants : l'orientation avant le départ, les obstacles à l'intégration et à la participation, la perception du public, la répartition géographique et les grands indicateurs sur la santé, si le temps me le permet. J'ai droit à cinq minutes, alors je dois bien calculer mon temps.

    En ce qui concerne la question de l'orientation avant le départ, je me souviens que nous avons discuté avec les bureaux national et régional de CIC pour leur expliquer qu'il est très important que les nouveaux arrivants au Canada obtiennent des séances d'information ou d'orientation avant leur départ sur les valeurs canadiennes et la vie au Canada. Je ne veux pas présumer que les immigrants, particulièrement ceux qui choisissent délibérément le Canada, ne s'informent pas avant leur arrivée au Canada ou avant de prendre la décision de venir s'établir chez nous.

    Cependant, ceux qui nous intéressent en particulier sont les réfugiés, qui constituent un cas différent. La plupart du temps, les réfugiés fuient des situations difficiles, de nature politique, militaire ou autre, et ils ont moins accès à des renseignements.

    Le but d'informer les nouveaux arrivants est de faire en sorte qu'ils disposent de renseignements fiables afin qu'ils puissent se fixer des attentes réalistes, d'amoindrir le choc culturel et de les aider au début de leur établissement. Je crois que quelques économies pourront être réalisées si nous donnons des séances d'information et d'orientation avant le départ.

    Nous faisons un certain nombre de recommandations à ce sujet. L'une de nos recommandations que j'aime bien, c'est celle d'établir un organisme sans but lucratif qui possède une bonne compréhension de la prestation de services d'établissement et d'immigration à l'étranger. Grâce à la technologie, une séance d'information pourrait être donnée par l'entremise d'Internet. Cela serait particulièrement utile pour les professionnels et les gens de métier que nous encourageons à venir s'établir au Canada. Je vais mentionner à plusieurs reprises la question des professionnels et des gens de métier formés à l'étranger qui immigrent au Canada et que nous n'arrivons pas à employer et dont nous n'arrivons pas à satisfaire les attentes.

    Quant aux obstacles à l'intégration et à la participation, je reconnais personnellement que nous avons réalisé des progrès en ce sens que nous avons reconnu le changement démographique qui existe au Canada et que nous avons essayé d'y faire face par l'entremise de politiques multiculturelles afin d'accroître la participation des nouveaux arrivants. Toutefois, nous devons cesser de nous concentrer sur les lacunes personnelles pour mettre l'accent sur les obstacles systémiques.

    Un des facteurs qui compliquent l'intégration et la participation des nouveaux arrivants est le manque de coordination entre les ministères et les gouvernements. MOSAIC voudrait particulièrement insister sur le besoin de coordination entre CIC et Développement des ressources humaines Canada au sujet de l'intégration au marché du travail des professionnels et des personnes qualifiées provenant de l'étranger.

    Par ailleurs, nous nous préoccupons de l'accès aux services d'établissement et d'intégration par les demandeurs du statut de réfugié. À l'heure actuelle, le gouvernement provincial fournit un nombre limité de ressources et ne nous permet pas d'offrir des services de soutien aux demandeurs du statut de réfugié. En plus, le financement du gouvernement fédéral est réservé aux résidents permanents. C'est la réalité à laquelle nous sommes confrontés, qu'il s'agisse de l'accessibilité aux cours de langue anglaise ou de l'accessibilité aux services d'établissement et aux séances d'information. Cela constitue un problème depuis un certain temps et continue d'en être un pour MOSAIC et de nombreux autres organismes.

    L'autre problème—je crois que Phil Rankin en a parlé—concerne l'offre de cours d'anglais langue seconde à l'intention des immigrants adultes. Je crois qu'en Colombie-Britannique très peu de cours sont donnés. En effet, seuls trois niveaux sont offerts. Ce n'est pas suffisant pour permettre aux nouveaux arrivants de participer au marché du travail. Un grand nombre de nos clients prennent des cours d'anglais dans nos centres. Cependant, nous ne pouvons les faire passer à la prochaine étape, à savoir des cours de préparation à l'emploi, car ils ne possèdent pas la capacité nécessaire. Ces gens, particulièrement les femmes, sont très isolés.

·  +-(1355)  

    Bien sûr, j'ai parlé de la coordination entre les parties concernées relativement à la question des professionnels et des travailleurs qualifiés formés à l'étranger. Beaucoup de discussions ont eu lieu. Je participe, en fait, en tant que directeur général de MOSAIC, aux stratégies d'innovation que le gouvernement fédéral a entrepris il y a deux ans. Souvent, la question des professionnels et des travailleurs qualifiés formés à l'étranger est soulevée. Je dois avouer que je suis encouragé, car je viens de recevoir un message électronique précisant que le budget fédéral prévoit l'affectation de plus de 40 millions de dollars à l'amélioration des compétences et de la formation. Nous verrons ce que cette mesure donnera, mais du point de vue de MOSAIC, nous sommes encouragés.

    La question de la participation du public—que nous avons soulevée également dans le mémoire que nous avons présenté au sujet du projet de loi C-18—concerne la participation complète et significative. Comme je l'ai répété dans mon introduction, MOSAIC cherche à promouvoir des changements au sein de la société par l'entremise de recherches au sein de la collectivité et de partenariats avec des organismes communautaires afin que les changements soient effectués en fonction de la diversité et de l'inclusion.

    En fait, nous croyons fermement que ces changements sont essentiels à l'amélioration de l'intégration et de la participation significative des nouveaux Canadiens.

    La tragédie du 11 septembre a toutefois créé des craintes au sein du public, et le soutien et l'empathie du public à l'égard des immigrants et des réfugiés a diminué de façon considérable. Ce changement est exacerbé notamment par le profilage racial, qui touche des groupes particuliers de nos collectivités, précisément les musulmans en général et les gens provenant du Moyen-Orient. Je suis certain que vous avez entendu ces propos à maintes reprises, mais je tenais à les répéter.

    Bien que le Canada possède la réputation à l'échelle internationale d'être proactif en ce qui concerne la lutte contre la discrimination systémique, nous n'avons pas consacré, au cours des cinq dernières années, les ressources nécessaires au maintien et à l'amélioration des gains que nous avons réalisés dans ce domaine au cours des trois dernières décennies. Je parle des ressources et du soutien nécessaires pour sensibiliser le public.

    En ce qui concerne la répartition géographique, nous nous préoccupons de l'existence d'emplois et de ressources. Je crois que Phil Rankin a parlé de cette question. On parle beaucoup d'incitatifs. Cependant, nous devrions faire très attention. Nous craignons que ces incitatifs deviennent des mesures de coercition ou qu'ils comportent un aspect coercitif.

    Nous recommandons donc d'examiner la situation de l'emploi dans les régions rurales et les petites villes ainsi que les ressources nécessaires pour aider les collectivités locales à intégrer les nouveaux arrivants.

    Le gouvernement de la Colombie-Britannique a déjà signé l'entente relative au programme des candidats d'une province. Nous estimons qu'il pourrait être plus approprié de voir à la répartition géographique dans le cadre de ce programme.

    Mon dernier point porte sur les indicateurs en matière de santé.

    Nos propos sur ce sujet portent sur les répercussions d'ordre psychologique que subissent les immigrants et les réfugiés en raison de ce que j'appelle «le syndrome des attentes déçues et des occasions ratées». Cela concerne la façon dont nous recrutons les immigrants, en particulier les immigrants qualifiés, et le type d'attente que nous établissons pour eux. Je crois qu'en tant que pays, nous nous attendons à trop de la part de nos agents d'immigration qui travaillent à l'étranger. Ils sont chargés de mettre la loi en application et de recruter. En même temps, ils sont également chargés de fournir des renseignements sur les attentes que peuvent avoir les immigrants potentiels au Canada. C'est pourquoi je parle d'un syndrome.

    Il y a aussi les réfugiés qui ont vécu des expériences traumatisantes.

    Encore une fois, je tiens à remercier le comité de nous avoir donné l'occasion de présenter notre point de vue.

    Merci.

¸  +-(1400)  

+-

    Le président: Merci, Eyob, pour vos recommandations et vos idées au sujet de notre programme d'établissement. Je suis certain que nous aurons des questions à vous poser.

    Lilian et Ken, la parole est à vous.

+-

    M. Kenneth Tung (vice-président, SUCCESS): Merci beaucoup.

    Monsieur le président et honorables membres, bonjour. Mon nom est Kenneth Tung. Je suis membre du conseil d'administration de SUCCESS. Je suis accompagné de Lilian To, la directrice générale.

    Nous sommes encouragés par la détermination du gouvernement de modifier et d'améliorer les services d'établissement et d'immigration au Canada et leur financement. Cependant, nous voulons vous faire part de nos préoccupations dans les cinq domaines suivants : la formule nationale de financement des programmes d'établissement, les services comparables, la reddition des comptes concernant le financement, l'évaluation des immigrants sur le plan de leur profession et de leur métier et la coordination à l'échelon fédéral.

    En ce qui concerne la formule nationale de financement des programmes d'établissement, bien que le nombre d'immigrants et de réfugiés au Canada ait augmenté de façon constante au cours des cinq dernières années, le financement des programmes d'établissement des immigrants est demeuré inchangé, se situant à environ 173,2 millions de dollars, en excluant le Québec. Un nombre total de 175 000 immigrants ont été admis au Canada en 1998, et ce chiffre est passé à environ 250 000 ces deux dernières années.

    Les immigrants contribuent en fait aux programmes d'immigration et d'établissement par l'entremise des frais d'inscription de 550 $ et de la taxe d'établissement qui s'élève à près de 1 000 $ par personne. Ainsi, une famille de quatre personnes doit puiser près de 4 000 $ dans ses économies. Pourtant, l'augmentation des revenus du gouvernement découlant de l'accroissement de l'immigration ne s'est pas répercutée sur le financement des programmes d'établissement.

    Au contraire, au cours des trois dernières années, les paiements versés à la Colombie-Britannique par le gouvernement fédéral pour les programmes d'immigration, d'établissement et de formation linguistique ont été considérablement réduits. Si le gouvernement du Canada s'est engagé à accueillir des immigrants et à accroître l'immigration dans une proportion qui correspond à 1 p. 100 de la population canadienne, il doit également fournir suffisamment de ressources pour soutenir et faciliter l'établissement et l'intégration des immigrants.

    Une formule de financement juste tient compte de l'augmentation de l'immigration et des demandes ainsi que de l'accroissement des revenus correspondants, comme je l'ai signalé. Les fonds fédéraux destinés aux programmes d'établissement ne devraient pas plafonner lorsque le nombre d'immigrants et les besoins augmentent.

    SUCCESS est ravi que le ministre soit en train d'examiner la formule nationale de financement. Nous recommandons que le ministre fixe un seuil minimum et raisonnable de financement en fonction des données sur l'établissement établies par les collectivités afin de maintenir et d'accroître les services nécessaires pour appuyer le processus d'établissement et d'intégration des immigrants.

    Au sujet des services comparables, la British Columbia Coalition for Immigration Integration a mené un examen complet de tous les services d'établissement et de formation linguistique offerts dans l'ensemble du Canada. L'examen a révélé une disparité des services parmi les différentes provinces et l'absence de programmes et de normes comparables dans l'ensemble du pays.

    Par exemple, en ce qui a trait à la formation linguistique, les cours d'anglais langue seconde sont offerts jusqu'au troisième niveau en Colombie-Britannique, jusqu'au huitième niveau au Manitoba et jusqu'au cinquième niveau en Ontario. La plupart des autres provinces, y compris le territoire du Yukon, offrent de la formation linguistique jusqu'au sixième niveau pour les résidents permanents. Comme les autres témoins l'ont signalé aujourd'hui, la Colombie-Britannique offre des cours d'anglais langue seconde jusqu'au troisième niveau, ce qui équivaut au niveau intermédiaire débutant, ce qui n'est pas suffisant pour de nombreux immigrants indépendants, qui ont besoin d'une formation linguistique de niveau collégial, qui correspond aux niveaux six à huit

    Les immigrants de Colombie-Britannique n'ont donc pas accès à des services comparables à ceux offerts dans d'autres régions. Il ne semble pas exister une norme nationale s'appliquant à toutes les provinces du Canada. SUCESS recommande au ministre d'examiner l'affectation des fonds afin de fournir aux immigrants des services comparables et appropriés dans l'ensemble des provinces et territoires.

    Je vais maintenant demander à Lilian de poursuivre.

¸  +-(1405)  

+-

    Mme Lilian To (directrice générale, SUCCESS): Notre troisième point concerne la reddition des comptes concernant le financement. Je veux simplement dire que nous appuyons l'Association du Barreau canadien, MOSAIC et l'AMSSA. Nous sommes tous des organismes qui s'occupent de l'établissement des immigrants et nous travaillons tous très bien ensemble.

    En ce qui concerne la question de la reddition des comptes, je crois que Eyob et Phil en ont parlé. Lorsque l'entente de coopération en matière d'immigration a été conclue entre le gouvernement du Canada et la Colombie-Britannique en 1997, les fonds destinés aux programmes d'établissement—notamment les programmes de formation linguistique et le programme d'accueil du Programme d'établissement et d'adaptation des immigrants—ont été transférés par le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration à la province. La Colombie-Britannique est l'une des deux provinces auxquelles les fonds destinés aux programmes d'établissement ont été transférés.

    Durant les trois premières années de l'entente, le gouvernement fédéral a alloué environ 46 millions de dollars annuellement à la Colombie-Britannique pour l'administration des programmes d'établissement des immigrants et de formation linguistique à l'échelle de la province. Comme Phil l'a fait remarquer, la province a cependant conservé la moitié de ce paiement de transfert dans le compte des revenus généraux consolidés. En plus, le montant du paiement de transfert a diminué d'environ 7 millions de dollars par an depuis l'année 2000.

    Même si tous les organismes de services aux immigrants et aux réfugiés de Colombie-Britannique fonctionnent déjà avec des budgets restreints et sont aux prises avec un manque de financement, une autre réduction de 7 p. 100 sera appliquée l'an prochain par le gouvernement provincial malgré la hausse prévue du nombre d'immigrants dans la province.

    Le fait que le gouvernement fédéral tire des revenus de la taxe d'établissement tout en maintenant au même niveau le financement des programmes d'établissement, et le fait que le gouvernement provincial conserve la moitié du paiement de transfert dans un compte de revenus généraux consolidés constituent des préoccupations que nous avons exprimées plus tôt. Nous espérons ou plutôt recommandons que le gouvernement fédéral mette en place des normes nationales et exige que les provinces rendent des comptes sur l'utilisation du paiement de transfert destiné aux services d'établissement des immigrants, car ces services profitent à l'ensemble de la province et du pays. Les fonds consacrés aux programmes d'établissement contribuent à accélérer l'intégration des immigrants afin qu'ils puissent apporter une contribution à notre région.

    Le quatrième point concerne l'accès des immigrants aux professions et aux métiers. Un certain nombre de témoins ont abordé ce sujet plus tôt. Les données du recensement révèlent très clairement que, par exemple, environ 21 p. 100 des immigrants qui sont arrivés au Canada entre 1991 et 1996 détiennent un diplôme universitaire, tandis que seulement 13 p. 100 des personnes nées au Canada en possèdent un. En outre, les capacités linguistiques en anglais des immigrants ont augmenté. Cependant, un rapport récent révèle que le revenu de 50 p. 100 des familles immigrantes se situe en-dessous du seuil de faible revenu établi par Statistique Canada. En effet, bien que les immigrants soient plus instruits et qu'ils parlent l'anglais, leurs revenus sont moins élevés parce qu'ils n'ont pas accès aux professions et aux emplois pour lesquels ils ont été formés. C'est la simple réalité.

    Bien sûr, comme vous le savez, d'après une étude récente menée par le Conference Board du Canada, 540 000 Canadiens pourraient gagner de 4,1 milliards de dollars à environ 6 milliards de dollars de plus annuellement, si leur expérience et leurs titres de compétence étaient reconnus dans le milieu du travail. Ce que cela signifie, c'est que nous perdons environ 6 milliards de dollars par année, et le gouvernement perd des impôts parce que nous ne reconnaissons pas leurs titres de compétence. Des immigrants qui sont ingénieurs se retrouvent à laver de la vaisselle. C'est un emploi utile, là n'est pas la question. Le problème c'est que nous n'utilisons pas leurs talents ni leur expérience ni leur formation.

¸  +-(1410)  

    De fait, c'est évident, les immigrants de fraîche date se butent à de multiples obstacles. Certains ont effectivement des problèmes de langue. Il leur faut une formation linguistique jusqu'au niveau huit, etc. Certains ont besoin d'une espèce de formation professionnelle de transition.

    Avec un petit investissement seulement, nous pouvons tirer parti de ce que leur gouvernement a investi en eux—20 à 30 ans d'investissement dans l'éducation, l'information et l'expérience. Il nous suffit ensuite d'y ajouter une mince contribution seulement. D'ailleurs, ils paient pour ça. Chaque personne paie 975 $, plus les droits d'inscription. Pourquoi ne pas nous-mêmes investir et utiliser cet argent pour tirer le meilleur parti possible de ces talents? Pourquoi laissons-nous se perdre tous ces talents?

    Bien sûr, nous le voyons dans les journaux, ils se butent à de multiples obstacles, notamment en étant souvent accusés de manquer d'expérience à l'échelle locale. Leurs compétences ne sont pas reconnues. Les employeurs ont parfois des pratiques d'embauche abusives ou discriminatoires. Il est très difficile pour bien des immigrants de faire concurrence aux autres sur le marché de l'emploi sans un appui et de l'aide appropriés. C'est sûr que nous avons du chômage et du sous-emploi parmi des professionnels très scolarisés et hautement spécialisés. Nous avons essayé de concevoir toute une gamme de services d'intégration et un modèle d'emploi holistique, avec des programmes de formation pour les aider, mais ce n'est pas assez.

    Nous avons sept centres de services d'emploi. Notre taux de succès, à aider ces immigrants à trouver des emplois, est de 80 à 90 p. 100, parce que nous devons y parvenir pour bénéficier de l'aide de DRHC. Mais un quart d'entre eux, seulement, peuvent trouver un emploi dans leur domaine de formation. C'est parce que leurs titres de compétence ne sont par reconnus, que les employeurs ne les embauchent pas, qu'ils n'ont pas de permis, et à cause de tous les autres obstacles dont j'ai parlé.

    Donc, nous travaillons fort là-dessus. Nous avons fait cette étude, et nous travaillons avec d'autres organismes. Nous pensons que l'ensemble des règlements du gouvernement, ou les organes de réglementation, les employeurs et CIC, de concert avec DRHC et le gouvernement, devraient vraiment collaborer pour qu'il leur soit possible d'accéder à des professions et à des emplois.

    Vous devez comprendre, en ce qui concerne les subvention de DRHC verse pour les programmes d'aide à l'emploi, que bon nombre de ces programmes ne s'adressent qu'aux personnes qui reçoivent des prestations d'assurance-chômage. Très peu d'immigrants en reçoivent, parce qu'ils n'ont même pas d'emploi pour commencer. Bien entendu, les immigrants n'ont pas non plus suffisamment accès aux programmes de formation linguistique et de formation professionnelle liées au marché du travail. Aucun des programmes de formation qu'offre DRHC ne cible les immigrants. Ils sont tous axés sur les bénéficiaires de prestations d'assurance-chômage ou de bien-être social. Là encore, très peu d'immigrants reçoivent de l'aide sociale. C'est un cercle vicieux qui fait qu'ils ne peuvent pas utiliser leurs compétences, et c'est un tel gaspillage.

    Il nous faut une stratégie concerté des gouvernements fédéral et de la Colombie-Britannique, avec les organes professionnels et les organisations de service multiculturel. Ensemble, il nous faut non seulement attirer plus d'immigrants spécialisés, mais aussi collaborer pour réduire les obstacles à leur pleine participation.

    Notre recommandation, c'est que les gouvernements fédéral et provinciaux, de concert avec tous ces groupes et institutions, collaborent pour formuler des stratégies qui régleraient ces problèmes de reconnaissance des titres de compétence étrangers, d'évaluation et de reconnaissance des connaissances acquises, des besoins de formation linguistique des immigrants liée au marché du travail, ainsi que de leur accès aux services intégrés et à l'expérience professionnelle.

    Nous croyons que c'est un enjeu très important dont il s'agit. Bien entendu, Eyob a aussi parlé des documents sur l'innovation, et celui de DRHC traite aussi de ce sujet, mais nous espérons que des mesures concrètes sont prises pour composer avec cela.

    Pour terminer, Eyob a parlé tout à l'heure de la coordination fédérale-provinciale. De nombreux organismes communautaires offrent des programmes et services d'établissement pour aider et faciliter l'intégration des immigrants, mais il manque de coordination entre les différents ministères des gouvernements fédéral et provinciaux. Nous recommandons la formulation d'une stratégie plus solide de communication et de coordination entre les gouvernements fédéral et provinciaux, dont CIC, DRHC, Industrie Canada, Patrimoine Canada et d'autres ministères provinciaux pour qu'ils travaillent de concert, comme je l'ai dit, avec d'autres organismes communautaires et organes de réglementation pour régler les problèmes d'établissement des immigrants et les aider non seulement à tirer le meilleur parti possible de leurs compétences, mais aussi pour mettre celles-ci au profit de notre économie et de notre pays.

¸  +-(1415)  

    Pour terminer, nous espérons que le comité réfléchira à toutes ces recommandations que nous avons faites, et nous sommes tous du même avis. Nous pensons qu'il est vital pour les intérêts, non seulement des immigrants mais du pays entier d'aider les immigrants à accéder aux professions, aux métiers, et de subventionner adéquatement et raisonnablement les services d'établissement. Certaines normes nationales doivent être formulées pour la prestation de services comparables dans toutes les provinces de notre pays.

¸  +-(1420)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, Lilian, Ken et tout le monde, pour vos présentations très exhaustives. Je suis sûr que nous avons des questions à poser sur nos programmes d'établissement.

    Lynne.

+-

    Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne): Monsieur Kurland, j'aimerais parler de l'immigration francophone croissante vers le centre du pays. En réalité, même si je sais que vous en rêvez, cela ne fonctionnerait vraiment pas alors que nous offrons si peu de services d'apprentissage de l'anglais, langue seconde et d'établissement. D'importantes compressions budgétaires ont été faites, tant dans le domaine de la formation linguistique que celui de l'établissement. Maintenant, si 114 millions de dollars sont attribués aux langues officielles pour aider les francophones à s'installer dans le centre du pays, c'est presque trop demander pour un seul groupe de personnes lorsqu'il y a si peu de fonds pour l'apprentissage de l'anglais, langue seconde.

    Dans ma région, si les livres pouvaient être en chinois, ce serait bien plus pratique que le français. J'aimerais beaucoup pouvoir parler la langue, mais ça m'est impossible. J'étais là quand notre pays est officiellement devenu bilingue, mais je ne parle pas la langue parce qu'elle n'est tout simplement pas une une langue officielle dans les provinces des Prairies.

+-

    M. Richard Kurland: Je suis ravi d'entendre qu'il y a eu ce cadeau d'anniversaire le lendemain de l'énoncé de la recommandation. Mais si on veut régler directement la question du budget de l'apprentissage de l'anglais, langue seconde et de l'établissement—et, pour être pratiques, plusieurs des interventions—il pourrait y avoir une solution peu coûteuse si on adoptait la perspective suivante.

    D'après moi, tout traitement d'une demande émanant d'un travailleur spécialisé de l'étranger voulant venir au Canada qui entraîne, au bout du compte, des dépenses d'établissement qui dépassent la norme, est un échec du processus de sélection. En resserrant le processus au départ, on peut réduire les dépenses au bout du compte. La recommandation de politique qui suit pourrait faire épargner aux contribuables tout un tas de millions de dollars.

    Il n'y a qu'à voir les zones tampons de sélection aux États-Unis et dans d'autres pays semblables, où les travailleurs étrangers ont fait la preuve de leurs rentabilité économique dans leur profession de choix. Un travailleur étranger asiatique ou européen, aux États-Unis, qui a un H-1B a plusieurs années consécutives de déclarations de revenus positives a fait la preuve de ses aptitudes d'établissement en anglais et de ses intérêts professionnels. S'il veut venir au Canada temporairement ou de façon permanente, il n'y a qu'à lui ouvrir les portes.

    Les réservoirs de travailleurs des États-Unis, d'autres démocraties anglophones et de la France ont la composition démographique appropriée pour que nous puissions respecter les choix multiculturels inhérents à notre politique de sélection outre-mer. Autrement dit, nous pouvons avoir des travailleurs à bon prix, qui représenteraient trois ou quatre régions du globe et réduire les coûts d'établissement, au bout du compte, tout simplement en faisant un choix judicieux dans l'inventaire là-bas. Mais peut-être faudrait-il réfléchir... C'est séduisant.

+-

    Le président: De bon goût aussi.

+-

    Mme Lynne Yelich: Phil, j'aimerais que vous expliquiez cela plus en détail. Selon nous, la Colombie-Britannique devrait recevoir le même montant par habitant pour l'établissement que toute autre province, notamment le Québec. J'aimerais que v vous expliquiez.

¸  +-(1425)  

+-

    M. Richard Kurland: Le Québec, c'est certain, reçoit plus de 50 p. 100 des réfugiés, pour des raisons de politique nationale. Le flux de réfugiés signifie un plus grand, sinon le plus grand, besoin de budget d'établissement, et le Québec a, à juste titre, besoin de plus de 100 millions de dollars, peut-être 200 millions de subventions au total. C'est incontournable.

    D'autres provinces ont, ouvertement ou en coulisses, exprimé leur répugnance à attirer des réfugiés sur leur territoire. En Colombie-Britannique, il y a au moins 4 000 à 5 000 revendicateurs du statut de réfugié, ou quelque chose du genre, cette année.

    Maintenant, les réfugiés présentent un avantage économique pour le Canada après un an, et en tout cas après la septième année ils gagnent plus que la moyenne provinciale. Ils paient plus que la moyenne provinciale et nationale en fait d'impôts, et les enfants des revendicateurs du statut de réfugié excellent sur le plan scolaire. Ce sont là les résultats d'études à long terme, alors ce sont nettement des numéros gagnants pour l'économie, chaque revendicateur du statut de réfugié, si on regarde tout l'ensemble. On fait de l'argent, au bout du compte, avec le flux de réfugiés.

    Et pourtant, le Québec est la seule province à bien vouloir investir dans le bassin de ressources humaines à long terme, en ce qui concerne les réfugiés. Alors, oui, à priori, c'est certain, nous payons plus pour faire l'examen de la demande d'immigration, mais au bout du compte, c'est payant. Ce n'est pas que le Québec a une plus grosse part du gâteau parce que c'est le Québec.

+-

    M. Phil Rankin: Vous venez de la Colombie-Britannique, n'est-ce pas?

+-

    M. Richard Kurland: C'est cela.

+-

    M. Phil Rankin: Je pense que le Québec a signé une entente qui lui garantit, si j'ai bien compris, un tiers du budget d'établissement. L'accord original étant fondé non pas sur des nombres, mais sur une espèce de concept qu'il recevrait un tiers du budget d'établissement même s'il n'accueille pas un tiers des immigrants ou des réfugiés. Il a reçu une plus grosse part du budget. Nous ne voulons même pas qu'il reçoive moins, nous voulons seulement en avoir autant.

    À vrai dire, ce n'est pas que nous voulions que le Québec reçoive moins. Nous pensons que bon nombre des programmes qu'offre le Québec seraient très utiles dans beaucoup d'autres provinces, et particulièrement en Colombie-Britannique. Nous ne tenons pas à les priver de quoi que ce soit, nous voulons seulement dire que nous aimons ce qu'ils font et que nous pensons qu'il serait bon d'en faire autant dans d'autres provinces.

    Je ne sais pas si les statistiques de mon ami sont justes. Je doute que les réfugiés paient plus d'impôt après la première année, mais j'aimerais bien voir ces études. J'ai du mal à le croire parce que je travaille beaucoup avec les réfugiés, ici.

+-

    Le président: Nous vous enverrons les faits.

    Puis-je ajouter quelque chose au sujet de ce budget, bien que je ne tienne pas à entrer dans le détail?

+-

    M. Phil Rankin: J'aimerais bien voir ça. Je suis heureux de l'entendre—si c'est vraiment le cas.

+-

    Le président: Je voudrais vous poser une question particulière, parce qu'en fait, la Colombie-Britannique reçoit—même SUCCESS nous l'a dit—21 078 990 $ pour les services d'établissement et les services linguistiques. La province a accueilli 37 319 des immigrants; ce sont des chiffres de l'année 2000. Elle perçoit 565 $ de taxe d'établissement, mais en fait, vous recevez 45 millions de dollars pour 40 000 personnes, soit environ 1 000 $ par immigrant admis, ce qui représente le montant des droits.

    Vous savez où vous vous faites avoir—excusez l'expression. C'est que la Colombie-Britannique ne vous donne pas l'argent que nous lui versons. Si vous receviez cet argent, vous en auriez tout autant que pratiquement tous les autres. Je suis d'accord—et nous allons parler des ressources—mais les faits et les chiffres bruts indiquent que vous vous faites avoir, parce que la Colombie-Britannique ne vous donne pas cet argent, n'est-ce pas?

+-

    Mme Lilian To: Ça commencé, je crois, en 1998 ou 1999. Au début nous recevions environ 45 millions de dollars. C'était 23 millions depuis bien longtemps, alors la Colombie-Britannique ne recevait pas sa juste part. Nous ne recevions qu'environ la moitié. Ce n'est qu'il y a quelques années que le gouvernement fédéral a commencé à verser l'équivalent, à nous verser ce que nous aurions dû recevoir, et à nous subventionner comme il se doit. Mais le problème, c'est, comme le disait Phil tout à l'heure et comme je l'ai dit aussi, que le gouvernement provincial en garde la moitié pour le bureau central du trésor.

+-

    Le président: Vous êtes beaucoup plus diplomatique que moi, Lilian. Vous l'acceptez tout simplement. Je décris la situation en d'autres termes pour avoir un effet traumatique réel, comme le feraient Richard ou Phil.

+-

    M. Phil Rankin: Si les provinces devaient conclure des accords d'établissement ou tout autre accord avec le gouvernement fédéral, elles useraient du même argument que pour l'assurance-maladie ou toute autre chose—nous sommes mieux placés que quiconque pour décider quoi faire de la subvention. À moins que vous puissiez inverser la tendance et dire que le gouvernement fédéral pourrait intervenir et que nous aurons des normes nationales, vous devez dépenser l'argent et maintenir les normes à un certain niveau, que ce soit pour l'assurance-maladie, les subventions d'établissement, ou quoi que ce soit d'autre.

    Les provinces font bloc pour dire que le gouvernement fédéral a trop de pouvoir, que nous voulons que vous déléguiez plus de pouvoir et que vous nous donniez l'argent, ou l'assiette fiscale, et nous prendrons nous-mêmes les décisions. Nous connaissons mieux que tout autre la situation locale. Nous disons que puisque nous avons vu ce qu'ils ont fait, nous ne pouvons leur faire confiance et compter sur eux pour agir au mieux de nos intérêts. bien. Ils ont trop d'enjeux économiques et de priorités qui ne concordent pas nécessairement avec ceux du programme d'immigration.

    Il y a beaucoup de pressions, je suppose, lors des rencontres fédérales-provinciales entre les premiers ministres et le gouvernement central. La tendance, en fait, semble peu favorable à un système de normes nationales, à un financement conditionnel ou à l'affectation des fonds à des fins particulières. Nous voulons seulement souligner le problème, vous demander de ne pas céder. Que cela leur plaise ou non, nous ne pouvons pas compter sur les provinces pour dépenser l'argent. Peu importe qu'elles disent eh bien, nous le dépensons autrement, pour l'intégration. Nous ne pensons pas qu'en soulageant les pression sur leur budget d'éducation, elles aident les immigrants.

¸  +-(1430)  

+-

    Le président: Il y avait une grande partie du budget, hier, qui portait sur la reddition des comptes à tous les niveaux, pour tous les gouvernement. Plus particulièrement, comme vous l'avez dit, il y a des transferts de fonds du gouvernement fédéral aux provinces, et le public voudrait qu'elles en rendent compte, ou du moins il voudrait savoir à quoi est utilisé cet argent—et si les provinces ne peuvent pas le dire, pour quelle raison? C'est aussi simple que cela.

    Sophia.

+-

    Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Merci, monsieur le président.

    J'aimerais seulement revenir sur notre discussion sur la tendance. Je pense que c'était en 1998 que le ministre Robillard est venu et a signé les accords qui augmenteraient les fonds d'établissement à 45 millions de dollars. Il est bien évident que le gouvernement provincial ne rend pas compte de ce qu'il fait. Nous ne savons rien. C'est pourquoi nous supposons verser l'argent que vous recevez.

    Mais aussi, j'aimerais parler de ce que vous dites sur les titres de compétence étrangers. Je pense que nous avons tous exprimé beaucoup de préoccupations à ce sujet. Je le fais depuis de nombreuses années. J'ai même parlé au premier ministre; bien sûr, et il m'a donné des réponses différentes.

    Quoi qu'il en soit, le fait est que je pense que CIC s'est lancé dans le leadership... J'ignore si vous le savez, mais l'année dernière, le ministre Coderre a tenu la première réunion à Winnipeg. Il a invité tous les ministres des différentes provinces à essayer de coordonner leurs efforts pour voir quel genre de partenariat nous pourrions établir en vue d'un effort concerté. Tout récemment, il a mentionné—je pense que Joe le sait—qu'il va continuer sur sa lancée avec une autre réunion en Colombie-Britannique, au sujet des titres de compétence étrangers. Je pense que c'est très important. Même à Ottawa, il y a beaucoup de chauffeurs de taxi titulaires de doctorat. Nous le savons, Joe. C'est pourquoi nous voulons y mettre fin. De plus, il doit aussi travailler avec les organisations professionnelles, et ce sont là les trois groupes qui ont des préoccupations.

    Je voulais seulement partager ceci avec vous. Après le dîner, j'ai examiné le nouveau budget de plus près, et j'avais beaucoup de questions à poser sur la manière dont nous parviendrons à canaliser les immigrants vers d'autres villes, à part les grandes villes. Le gouvernement fédéral dépensera 3,8 millions de dollars dans les deux prochaines années, en partenariat avec les gouvernements provinciaux, pour diriger des projets pilotes régionaux conçus pour mettre à l'épreuve de nouvelles approches qui pourraient aider toutes les régions à aider les immigrants. C'est assez intéressant.

    Bien entendu, nous savons que le gouvernement a déjà engagé 140 millions de dollars annuellement pour l'offre d'une formation linguistique de base, mais le nouveau budget prévoit 10 millions de dollars ces deux prochaines années pour verser des subventions de démarrage aux partenaires intéressés qui voudraient fournir une formation linguistique liée au marché du travail. Nous parlons de formation linguistique, mais il y a de nombreux niveaux différents lorsqu'on veut poser sa candidature à un poste. Je pense que SUCCESS devrait se mettre au travail pour voir ce que vous et d'autres groupes, comme MOSAIC, pouvez faire avec ces 10 millions de dollars qui ont été réservés.

    J'ai parlé tout à l'heure d'encouragement pour un capital de risque spécial. Le gouvernement investira 190 millions de dollars en valeur nette réelle auprès de la Banque de développement du Canada pour aider les entreprises nouvelles et en expansion. C'est nouveau. Je l'ai appris hier, seulement. Je ne pense que c'est une excellente nouvelle. Ce n'est pas que pour les Canadiens; c'est pour quiconque a des aspirations et veut essayer de...

    Beaucoup de questions se posent sur la manière dont nous allons nous y prendre pour attirer plus de nouveaux immigrants spécialisés. Il y a encore autre chose de nouveau, c'est une somme de 41 millions de dollars, sur les deux prochaines années, pour aider les nouveaux immigrants spécialisés. Cela les aidera à s'intégrer, peut-être à raffiner leurs connaissances linguistiques, ou autre chose. Je pense que c'est très encourageant et cette mesure répond à certaines des préoccupations exprimées.

    J'aimerais vraiment voir l'organisation locale aller de l'avant avec la reconnaissance des titres étrangers. Je sais l'importance qu'y attache Denis Coderre. Cela va venir en Colombie-Britannique, alors peut-être certains d'entre vous pouvez-vous vous joindre au mouvement.

¸  +-(1435)  

+-

    Le président: Vous avez parlé un peu, Lilian et Eyob, de vos expériences à aider des gens à venir ici et à se réinstaller. Nous en avons entendu parler ad nauseam depuis cinq ou six ans. Sept de nos rapports en traitent. Les ministres vont finalement commencer à en discuter un peu.

    Pensez-vous qu'il y ait une volonté politique, au niveau provincial, de le faire? La question ne relève pas de la compétence fédérale; c'est une affaire provinciale, à cause des métiers, des professions, etc. Nous recevons sans cesse des messages contradictoires. Tout le monde en parle, mais je pense qu'il y a beaucoup de gens qui aimeraient que ces titulaires de doctorat continuent de conduire des taxis plutôt qu'ils aient un emploi correspondant à leurs titres. J'aimerais que vous en parliez un peu.

+-

    Mme Lilian To: Tout d'abord, n'y a-t-il pas un adage qui dit quelque chose comme la volonté est guidée par les intérêts financiers? Le gouvernement parle beaucoup de l'intérêt qu'il porte aux immigrants, il dit reconnaître les obstacles, etc., mais s'il n'investit pas vraiment les ressources ou l'argent nécessaires, peut-être sa volonté n'y est-elle pas.

    J'ai été heureuse d'entendre Sophia dire que le gouvernement fédéral engage des fonds pour la formation linguistique liée au marché du travail. Ce sera utile aux nouveaux immigrants. J'ai aussi entendu dire, hier, qu'il va financer la création de programmes ou de centres de formation professionnelle dans certaines régions périphériques. Alors je suis très heureuse d'apprendre que des mesures concrètes sont prises pour résoudre le problème.

    Il reste à savoir est si cela suffira pour tout le Canada? Combien de régions pouvons-nous couvrir avec ce montant de financement?

    Deuxièmement, si les centres de formation ne sont établis que dans les régions périphériques, il reste encore un grand nombre de professionnels et d'ouvriers spécialisés dans les villes qui auront aussi besoin de formation linguistique liée au marché du travail, ainsi que d'une espèce de formation professionnelle pour leur permettre d'accéder aux métiers et professions.

    Vous avez parlé du gouvernement provincial. Je n'ai pas entendu la province parler d'un engagement quelconque pour aider les immigrants à accéder aux métiers et professions. Peut-être faudra-t-il seulement attendre de voir, mais il se peut qu'il nous faille exercer des pressions sur eux par l'entremise du gouvernement fédéral et de groupes communautaires.

    Quoi qu'il en soit, j'aimerais encore qu'on parle de ce qu'a fait le gouvernement provincial de la subvention d'établissement, et du fait qu'il en ait empoché la moitié. Le gouvernement fédéral peut nous aider dans nos négociations avec les provinces, mais le gouvernement fédéral lui-même, je pense qu'il en est question dans le document, a reçu plus d'argent des immigrants en taxes d'établissement et d'immigration. Il l'a empoché et versé dans son trésor central aussi, mais les sommes versées pour l'établissement des immigrants dans tout le pays sont restées constantes depuis cinq ans, ou même plus, et ont plafonné à environ 176 millions de dollars seulement.

    Nous voudrions que le gouvernement examine toute la situation. Je comprends que ce n'est pas le problème de CIC; c'est plus l'affaire du Conseil du Trésor ou du ministre des Finances, qui décident des montants à verser à CIC. S'il y a quelque chose que la communauté puisse faire pour exprimer ses préoccupations et ses opinions ou faire des suggestions, nous aimerions pouvoir le faire.

¸  +-(1440)  

+-

    Le président: Vous vous débrouillez très bien sur ce plan aujourd'hui.

+-

    M. Phil Rankin: Mais la question qui se pose, c'est à qui est-ce que ça profite d'empêcher les gens d'accéder aux métiers et professions? De toute évidence, j'ai moi-même une profession, je suis avocat, et nous avons tout intérêt à nous assurer que seuls les nôtres... Nous ne reconnaissons pas les diplômes de droit étrangers.

    C'est encore pire pour les médecins. Au moins, on peut aller à l'école de droit, ici, et je présume qu'on peut faire un stage, mais par exemple, pour les médecins étrangers qui reçoivent une formation en Colombie-Britannique, il y a un hôpital à Vancouver, St. Paul, qui, je pense, n'a que trois postes de résidence pour les médecins étrangers. Autrement dit, il n'y a que trois places pour les médecins qui ont été formés en Inde, en Arabie saoudite ou ailleurs. Il faut accéder au programme de résidence, faire une année de résidence, et ensuite passer les examens.

    Il n'y a que trois places—trois places, c'est tout. Pourquoi? Nous avons beaucoup d'hôpitaux; pourquoi est-ce que l'hôpital General de Vancouver n'a pas de programme de résidence pour les médecins étrangers, ou l'hôpital Royal Jubilee de Victoria?

    C'est pareil en génie. Nous ne voudrions pas que des gens qui n'ont pas les compétences nécessaires aient une reconnaissance professionnelle, mais nous ne voulons pas de ces obstacles.

    La médecine est un cas évident. C'est pareil pour les infirmiers et infirmières.

    Le problème vient en grande partie, de toute évidence, de l'anglais. Quelqu'un qui ne connaît pas assez l'anglais ne peut pas passer l'examen des infirmiers et infirmières. Mais il y a d'autres problèmes, parce que dans beaucoup de professions, il n'y a pas d'incitatifs; il n'y a pas de raisons de vouloir reconnaître les titres de compétence étrangers. La raison d'être des organisations professionnelles et des syndicats, depuis toujours, depuis le Moyen Âge, est de limiter l'accès et de maintenir la rémunération à un certain niveau. C'est la raison d'être historique des guildes et des syndicats. Mais je pense que s'il y avait certaines formes d'encouragement, particulièrement en région rurale, en Colombie-Britannique, s'adressant aux soudeurs ou autres corps de métiers à venir, que ce soit sous forme de subventions aux employeurs pour qu'ils engagent des gens pour faire une espèce de...une subvention directe de DRHC, pour l'embauche d'ouvriers qui, selon eux, manquent et qui recevront une formation avec les ouvriers de la Colombie-Britannique, et vous pourriez vous entendre avec la Colombie-Britannique pour les reconnaître, dans la mesure où ils atteignent un certain niveau de compétence.

    La médecine est parmi les plus difficiles. Je sais que c'est un obstacle quasi infranchissable en Colombie-Britannique, et je suis sûr que si nous regardions la situation des ingénieurs et de bon nombre d'autres professions, ce serait la même chose.

    Pour les infirmiers et infirmières, c'est évident. Nous avons tous ces programmes concernant les aides familiaux résidants. Ce programme-là vise vraiment à faire venir les infirmiers et infirmières des Philippines au Canada pour s'occuper d'enfants; ce n'est plus pour les gouvernantes professionnelles. C'est pour les infirmiers et infirmières qui veulent éventuellement obtenir le statut d'immigrant reçu et travailler comme infirmier ou infirmière.

+-

    Le président: Nous en parlions justement hier.

    Eyob, vous aviez un bref commentaire?

+-

    M. Eyob Naizghi: Oui. Un bref commentaire pour dire qu'à l'échelle provinciale, comme le disait Lilian, sur le plan pratique, nous ne constatons pas vraiment d'engagement. Il existe toutefois un petit secrétariat, le secrétariat de titres de compétence étrangers, qui travaille avec les organisations communautaires. Il a été créé il y a à peine cinq ans, je crois. Aussi embryonnaire puisse-t-il être, il donne quelque espoir.

    La question que j'aurais à poser, c'est d'où viendrait le leadership? Il y a des associations professionnelles qui sont les garde-barrière. Le gouvernement a un rôle à jouer. Le gouvernement fédéral assume la principale responsabilité de la sélection et de la venue des immigrants, et je pense que c'est de là que devrait venir le leadership.

    Dans notre mémoire, nous parlons de coordination. Nous parlons de partenariat entre les intervenants. Il y a plusieurs initiatives en Colombie-Britannique, dans une certaine mesure, mais surtout en Ontario, qui remporte quelque succès, avec les associations professionnelles, dans le domaine de la santé et aussi du génie. Je pense que le gouvernement fédéral, et particulièrement DRHC, pourrait assumer un plus grand rôle, et aussi CIC.

+-

    Le président: D'accord.

    Richard.

+-

    M. Richard Kurland: Il manque, dans ce décor, un champion provincial des questions d'immigration en Colombie-Britannique—purement et simplement. Et si, au nombre des cérémonies fédérales d'inauguration, il y avait la participation d'un champion provincial de l'immigration, ce pourrait être la formule magique pour que toutes ces préoccupations puissent être adressées à une seule personne. C'est ce qui manque. C'est ce qui fait que le système ne fonctionne pas dans la province.

¸  +-(1445)  

+-

    Le président: D'accord.

    David.

+-

    M. David Price (Compton—Stanstead, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Pour poursuivre sur votre idée, Eyob, cela va beaucoup plus loin. Je travaille dans l'industrie de la construction au Québec et on peut bien parler des provinces, oui, mais il nous faut aussi tenir compte des syndicats et des associations syndicales. Ils font autant d'obstruction que quiconque. La Colombie-Britannique est un excellent exemple. J'ai connu des tas d'électriciens qui ont travaillé pour moi qui, à un moment donné, décidaient de venir en Colombie-Britannique. Ils ont eu beaucoup de difficultés à s'établir ici, et c'est pareil dans l'autre sens. C'est la même chose d'une province à l'autre.

    Nous devons résoudre ce problème d'abord, et malheureusement, ce n'est pas au niveau fédéral que cela se réglera. Je pense qu'il devrait y avoir une norme nationale, mais je comprends, puisque je connais le milieu, que ce n'est pas chose facile. Il faudrait probablement commencer au niveau même des syndicats.

    Mais passons à ce dont je voulais vraiment parler, tout d'abord, je dois dire que je suis probablement le dernier à vouloir défendre le gouvernement du Québec actuel, mais j'estime néanmoins qu'il mérite certains éloges. Il a pris l'argent au fédéral, oui, et il l'a entièrement investi dans l'immigration. Il a même investi de ses propres fonds. Il a beaucoup investi là-dedans. Le Québec prévoit accueillir beaucoup d'immigrants à long terme, et je pense que c'est l'une des premières provinces à le faire.

    D'accord, il y a un petit grain de folie, je suppose, dans les méthodes appliquées. Ils cloisonnent les immigrants dans la langue française. C'est très évident. Ils les font venir et s'assurent de leur offrir une bonne base de formation linguistique. Ils veillent à leur donner une bonne formation dans leur métier, et ils font de leur mieux pour les intégrer à leur domaine. Le gouvernement a une perspective à long terme en ce qui concerne les gens qu'il fait venir.

    Je pense qu'il a réalisé très vite que ce ne sont pas ces gens-là sur lesquels il compte vraiment. Il s'intéresse à leurs enfants, à la génération suivante. Ce sont eux qui feront le succès de tout le programme. C'est pourquoi selon moi c'est à long terme, et c'est sage. C'est risqué de certaines façons, mais c'est très sage. Les résultats ne sont pas époustouflants pour l'instant, parce que, comme je l'ai dit, c'est pour la prochaine génération.

    Je vais vous donner un exemple. Dans ma circonscription, qui est à deux heures au sud de Montréal, juste assez loin de la grande ville pour manquer d'intérêt pour les immigrants, il y a 300 emplois vacants en tout temps. Ce ne sont pas de mauvais emplois. Ils paient probablement 50 à 100 p. 100 de plus que le salaire minimum, et c'est le genre d'emplois qu'à peu près n'importe qui pourrait faire. Il y a aussi des subventions de la municipalité pour faire venir des gens, et ils ne viennent toujours pas. Ils sont encore portés à graviter autour de la grande ville.

    Mais la génération suivante—et nous commençons déjà à le constater—fait ce déplacement. Je suis d'accord, il n'y en a tout simplement pas assez pour l'instant, mais c'est là l'objectif de la vision prospective et je pense que l'orientation adoptée est la bonne.

    Je voulais seulement expliquer cela.

    Je suppose, Phil, que vous parliez des conseillers. Joe l'a dit, nous en avons déjà tellement entendu parler, mais vous avez sûrement vu quelque part, dans un pays quelconque, un cadre créé autour des consultants pour les contrôler d'une certaine manière. Avez-vous des commentaires là-dessus?

+-

    M. Phil Rankin: Je sais que les États-Unis ont des problèmes similaires à ceux du Canada, alors je ne peux pas dire allons aux États-Unis, sauf qu'ils semble beaucoup plus déterminés à les régler, d'après ce que je lis. Mon ami dit que l'Australie a un système d'immatriculation et d'organisation des conseillers.

    Je ne pense pas vraiment que ce soit un problème. En fait, l'OPIC et certaines personnes ont déjà cerné les besoins fondamentaux, soit un registraire, une espèce de système de comptabilité de fiducie, un fonds de solidarité et, aussi, des cours de formation.

    Nous avons déjà les cours, par exemple, en Colombie-Britannique. Tout ce qu'il nous faut, vraiment, c'est la volonté des gouvernements de dire qu'il faut créer... Les éléments sont déjà en place. Il suffit que vous insistiez, et l'industrie n'en serait pas déconcertée. Elle s'y attend depuis des dizaines d'années.

¸  +-(1450)  

+-

    M. David Price: Mais encore, est-ce que cela peut se faire à l'échelle fédérale?

+-

    M. Phil Rankin: Oui, cela peut se faire à l'échelle fédérale. Je pense que la décision, dans l'affaire Mangat, qui était allé jusqu'à la Cour suprême du Canada, démontre clairement que c'est possible. On a toujours entendu non, faites-le vous-même, chargez-vous en. Si nous attendons que chaque province agisse... Je suis très heureux de constater que cela peut se faire à l'échelle fédérale, parce que si devait être province par province, nous serions encore ici au prochain millénaire à en parler.

    Cela peut se faire, et sans grande difficulté. Des conseillers de bonne réputation sont prêts à entrer en action. Exigez-le, ils le feront, parce que cela évincera le groupe de parasites qui se déclarent conseillers. Ils forment tout un groupe parasite. Ils seraient éliminés très rapidement. Ils se précipiteraient tous pour s'intégrer aux organisations de conseillers légitimes. Il nous suffirait de veiller à ce que les conseillers légitimes établissent vraiment une espèce de code de déontologie qui ait du mordant. Autrement dit, nous savons que ceux qui sont moins recommandables se précipiteraient pour se joindre à ces organisations. Ils n'en sont plus membres; ils n'en ont pas besoin, mais il faudrait insister pour que ces gens aient un registraire indépendant et un code de déontologie, et les moyens de surveiller leurs propres membres. Il y aurait encore quelques problèmes, mais au moins vous auriez quelque chose sur quoi vous appuyer. Au moins, il n'y aurait pas tous ces abus que nous avons maintenant.

    De même, la police doit avoir assez d'argent pour... Il vous faut affirmer que c'est une priorité du gouvernement de mettre fin aux abus, aux fausses demandes de citoyenneté, aux fausses revendications du statut de réfugié, aux faux documents. Il faut poursuivre en justice, non pas seulement ceux qui les font, mais ceux qui les ont organisés pour le faire, pas seulement le type qui dit qu'il est au Canada depuis 1 700 jours—il n'est qu'un chaînon—mais vous voulez attraper, c'est celui qui tient toute la chaîne. C'est beaucoup plus difficile d'attraper ceux-là. C'est toujours plus difficile d'attraper la personne qui ne signe pas la demande. Il est simple de poursuivre le signataire de la demande. Ceux qu'on veut attraper, c'est ceux qui les organisent, dans l'ensemble, pour faire les faux.

+-

    M. David Price: Nous avons certainement entendu toutes ces histoires.

    Puis-je poser une autre question, Joe?

+-

    Le président: Allez-y.

+-

    M. David Price: En fait, je voudrais l'adresser à Kenneth. Vous avez parlé de normes nationales sur les niveaux de connaissance linguistique. Est-ce que je dois comprendre que les subventions devraient être liées à cela, à une norme nationale?

+-

    Mme Lilian To: Je pense que ce que nous essayons de dire, c'est qu'il n'y a pas eu de normes nationales relativement aux services qui sont offerts dans diverses provinces. La nôtre est presque la moins sévère. Nous n'offrons qu'une formation linguistique de niveau trois aux nouveaux immigrants. Les professionnels ont besoin de connaissances plus avancées. C'est compris dans la subvention d'établissement que nous recevons du gouvernement de la Colombie-Britannique. Sur 45 millions, 23 millions de dollars sont alloués aux services d'établissement. Et de ces 23 millions de dollars, la plus grande partie est versée à diverses organisations et collèges, aussi, pour la formation linguistique des nouveaux immigrants. C'est pour les adultes. Et bien sûr, il y a une réduction. Nous ne recevons pas 23 millions de dollars maintenant. Nous accueillons plus d'immigrants, mais nous recevons moins d'argent du gouvernement fédéral.

+-

    M. David Price: Voilà où je veux en venir. Si vous dites que, dans tout le Canada, tout le monde devrait recevoir des fonds pour atteindre le niveau six, prenons cela comme exemple, est-ce que la subvention devrait être conditionnelle pour qu'on soit sûr que vous vous arrangiez pour atteindre le niveau six?

+-

    Mme Lilian To: Oui. Je pense qu'il y a certaines normes de reddition des comptes, voulant que lorsque le gouvernement fédéral subventionne la province, elle doit s'assurer d'administrer les fonds de telle manière qu'une formation linguistique de niveau six ou huit soit offerte aux immigrants.

+-

    Le président: Enfin, à propos des conseillers, comme je le disais tout à l'heure, nous espérons en avoir terminé en avril ou mai. On pourrait en dire autant du problème de compétence, en ce qui concerne l'accréditation. L'Australie avait exactement le même problème avec ses provinces, jusqu'au moment où le gouvernement national y a mis le holà en ce qui concerne l'accréditation et a mis sur pied une commission nationale d'accréditation et a collaboré avec les professions pour s'assurer que tout le monde comprenne, avant de présenter la demande, ce qu'étaient les attentes—voici les niveaux, voici ce que vous devez faire pour atteindre ces niveaux d'accréditation, même si vous venez. Les gens savent, alors, qu'ils devront passer un examen. Il se peut qu'ils doivent avoir de l'expérience dans un hôpital. Peut-être devront-ils travailler comme infirmiers ou infirmières, ou qu'ils devront travailler dans un atelier de mécanique pour devenir soudeurs, et obtenir...

    Mais il faut que les gens le sachent. Actuellement, toute l'information est éparpillée et personne ne sait rien. Il y a de l'espoir, je suppose, puisque le comité examine la question, que les provinces et le gouvernement fédéral feront quelque chose. Sinon, on peut toujours fixer des espèces d'objectifs nationaux, ou quelque chose du genre, pour y parvenir.

    Je voudrais poser une question. Vous en avez tous parlé, et nous le savons, parce que nous en avons entendu parler dans tout le pays, le ministère est en train de faire un nouvel examen sur le niveau de financement national, pour déterminer ce que devrait être la subvention d'établissement. Nous avons aussi entendu dire qu'il n'y a pas un seul programme qui réponde aux besoins de tous les réfugiés ou immigrants qui viennent ici, même si tout le monde a aussi dit que le genre de programme de base que nous avons—les programmes PEEI et PAR—sont excellents. Il faut, de toute évidence, de l'argent, et il faut beaucoup travailler avec DRHC et d'autres niveaux de gouvernement pour amener de nouveaux éléments sur la table—l'information, etc.

    Je sais que c'est en cours. J'ai posé la question à d'autres groupes dans d'autres provinces, parce que j'essaie de comprendre la situation. Je sais que vous ne pouvez pas investir un dollar parce qu'un immigrant, par exemple, a peut-être toutes les connaissances linguistiques qu'il faut, et tout le reste, et que l'établissement n'est peut-être pas le véritable grand problème, parce que la période préalable à la citoyenneté est un continuum, d'après ce que nous avons compris. Certaines personnes auront besoin de plus, et d'autres de moins d'argent, etc.

    Je me demande seulement si quelqu'un a pensé au modèle qu'il faut construire. Alors, ce serait une occasion pour nous, en tant que responsables de l'élaboration des politiques, de dire eh bien, combien faudra-t-il d'argent pour établir ceci? Si vous êtes sur la ligne de front, c'est un système axé sur le client, il y a un petit peu de ceci, un petit peu de cela, et encore un peu de ceci. Peut-être Lilian a-t-elle besoin que de peu de choses, mais que David, par contre, a besoin de beaucoup, parce qu'il est dans un autre contexte.

    Là où je veux en venir, c'est quel est la recette de la réussite? Est-ce que quelqu'un a réfléchi à un modèle? Pour que si nous investissons dans les gens, pendant la période préalable à la citoyenneté, on réussisse, parce qu'il s'agit de gens et d'argent? Est-ce quelqu'un a réfléchi à un modèle? Si vous l'avez fait, peut-être pourriez-vous nous faire part de certaines de vos idées. Soyons réalistes, vous êtes tous sur la ligne de front, alors vous devriez le savoir. Si ce modèle existe, peut-être pourrions-nous l'examiner et y réfléchir.

    Lilian, Ken ou Eyob, avez-vous des commentaires là-dessus?

¸  +-(1455)  

+-

    M. Eyob Naizghi: Il sera probablement très difficile d'avoir un modèle unique pour la même raison, monsieur le président, que celle dont vous avez parlé tout à l'heure, parce que cela s'insère dans un continuum. Chacun commence à un niveau différent, de sorte qu'il sera très difficile de trouver un modèle universel. Le seul dont je me souviens est celui du CJC à Toronto, au début des années 80. Je me rappelle qu'il avait un modèle quand il aidait pas mal d'immigrants, polonais entre autres, à s'intégrer à la communauté juive.

    Nous savons cependant qu'une formule gagnante est le suivi.

+-

    Le président: Permettez-moi de vous interroger au sujet de ce qui se passe au début, parce que j'aime compliquer les choses peut-être. Je crois que vous y arriviez. Quand vous évaluez une personne, à son arrivée ou avant son arrivée, vous évaluez ses capacités linguistiques—à savoir si elle se classe au niveau six, plutôt qu'au niveau trois—et décidez si elle va avoir besoin de formation professionnelle, d'autres cours, d'orientation. Vous êtes assurément en mesure, dans le cadre de ce modèle, de savoir combien de temps et d'argent il faudra investir pour intégrer cette personne dans le système. Je suis un homme d'affaires. Je crois que je peux mesurer cela.

+-

    M. Phil Rankin: Il y a tout un écart entre, par exemple, l'immigrant de souche asiatique et le Français ou l'Allemand qui parle une langue romane...

+-

    Le président: L'Italien, Phil.

+-

    M. Phil Rankin: Oh! Celui d'Italie, qui parle italien.

+-

    Le président: Oui, la langue romantique par excellence.

+-

    M. Phil Rankin: Selon la culture ou la langue à laquelle on a affaire, il me semble simplement que les besoins linguistiques de certaines cultures seront beaucoup plus élevés et différents que d'autres qui utilisent le même alphabet, qui parlent par exemple une langue romane. Si vous venez d'Europe de l'Est où l'on utilise l'alphabet cyrillique, vous aurez besoin de plus de cours. Il n'existe pas de modèle unique qui tienne compte de tout cela.

+-

    M. Kenneth Tung: Vous soulignez là un excellent objectif. Selon l'organisme, selon la région, il varie. Toutefois, il faut faire la différence entre l'immigrant seul et celui qui vient ici avec sa famille. Nous avons besoin de services à la famille et à la jeunesse, de certains autres éléments également. Il est important d'en tenir compte. Notre organisme offre selon moi une gamme plus large de services de manière à répondre à ces différents besoins.

    Lilian et Richard, vous pouvez peut-être donner des précisions.

¹  +-(1500)  

+-

    Mme Lilian To: Tout d'abord, le modèle idéal est intégré, ce que nous appelons un modèle intégré de gestion de cas qui aurait plusieurs composantes. Toutefois, tout cela dépend en réalité, comme le disait Eyob, du niveau des besoins. Certains ont à leur arrivée des besoins linguistiques plus élevés, d'autres, des besoins inférieurs. Certains ont besoin d'aide pour se loger, d'autres n'ont pas besoin de plus de programmes d'emploi et certains ont besoin de counselling familial et ainsi de suite. Les besoins et leurs niveaux varient.

    L'idéal cependant est un modèle intégré qui offre toute une gamme de services d'établissement dès l'arrivée. Par exemple, nous offrons à l'immigrant un service d'accueil à l'aéroport, puis des services d'établissement, un service d'orientation pour l'information, un certaine aide à l'adaptation, en matière de logement, d'éducation ou d'assurance-santé. Puis, si l'immigrant a besoin de services d'emploi, on lui offre du counselling, de la formation professionnelle ou encore linguistique, toute la gamme. S'il y a des problèmes au sein de la famille, il a besoin d'un réseau stable de soutien social où il peut trouver de l'aide pour résoudre les difficultés que vit sa famille.

+-

    Le président: Lilian, je crois que nous sommes tous en train de dire la même chose. Nous connaissons tous les ingrédients de la recette. Toutefois, je vais vous parler, puis je céderai la parole à Richard.

    Il n'est pas étonnant que vous ayez autant de difficulté à dire au gouvernement combien d'argent il vous faut, puisque vous n'arrivez même pas à me le dire, à moi. Je regrette d'être aussi critique, parce que je sais que vous voulez répondre aux besoins de tous ces gens, mais il me semble que vous devriez pouvoir au moins nous dire combien cela va coûter, 2 000 $ par personne par exemple. Si vous ne pouvez pas me donner ce renseignement, il n'est pas étonnant que CIC ou le gouvernement fédéral ne veuille pas vous donner d'argent. Moi aussi, si vous me demandiez de l'argent sans pouvoir me dire combien, j'hésiterais. Je sais ce que vous voulez faire. Mais si vous n'arrivez pas à me dire de combien d'argent vous avez besoin, que vous me dites simplement que vous n'en avez pas assez, vous savez ce que je ferais? Je déciderais peut-être de ne rien verser de plus jusqu'à ce que j'obtienne la réponse.

    Richard.

+-

    M. Richard Kurland: Les réponses que vous demandez se trouvent à Ottawa, et Sophia le sait bien. En fait, elles se trouvent au Bureau du Conseil privé. Je crois qu'on l'appelle encore le comité des affaires sociales et le pupitre économique. C'est là qu'aboutit toute l'information du gouvernement, c'est là que se trouve l'analyse du coût par personne fournie par tous les ministères en fonction des communautés culturelles, le montant par personne. C'est là...

+-

    Le président: Peut-être, peut-être pas. Essayer d'avoir accès à des renseignements du Conseil privé... le BCP est une toute autre paire de manches. Ce que je tente de faire valoir, c'est que chacun sait ce qu'il faut faire. Et il existe sûrement un modèle qui permettrait de dire qu'en moyenne, cela coûte ceci ou cela. Actuellement, vous ne touchez que 575 $ parce que le gouvernement de la Colombie-Britannique ne vous verse pas le reste. Or, à moins que vous ne puissiez dire combien d'argent il va falloir par immigrant en moyenne—certains auront besoin de plus et d'autres, de moins—, les gouvernements ne feront rien.

+-

    Mme Lilian To: Oui. Monsieur le président, je crois que vous faites valoir un excellent point et qu'il faut que nous soyons plus précis. Toutefois, je ne crois pas que nous puissions vous fournir un montant global. Nous pourrions vous donner un montant pour l'établissement initial, un autre pour l'orientation. Nous pouvons vous fournir ces chiffres. Pour ce qui est de la formation linguistique à certains niveaux, jusqu'à quel niveau, nous pouvons aussi vous fournir cela. Il en va de même pour la formation professionnelle. Nous pouvons fournir des données précises pour...

+-

    Le président: C'est ce que j'aimerais que vous fassiez. J'aimerais que vous soyez précise. Je ne veux pas d'idées impraticables. J'en ai soupé des baratins. Je veux des données concrètes.

+-

    Mme Lilian To: Nous pouvons assurément vous fournir ces chiffres. Je ne crois pas...

+-

    Le président: Je suis ici depuis trop longtemps. Je suis trop fatigué.

    D'accord. Y a-t-il d'autres questions? Non.

    Je vous remercie beaucoup. Vous nous avez fourni des renseignements importants. Manifestement, l'établissement est très important pour faire en sorte que les immigrants deviennent des citoyens à part entière, et c'est ce que nous faisons. Je vous remercie beaucoup.

¹  +-(1500)  


¹  +-(1504)  

+-

    Le président: Chers collègues et invités, nous en arrivons à la partie de notre séance qui porte sur la carte d'identité nationale. Il nous tarde d'entendre les exposés.

    Nous accueillons aujourd'hui Jason Gratl et Craig Jones, de B.C. Civil Liberties Association, Richard Rosenberg, de Frontière électronique du Canada et, de retour parmi nous, Wesley Pue, de la Faculté de droit de l'Université de la Colombie-Britannique. Je vous souhaite tous la bienvenue.

    Pour vous situer en contexte un peu, vous avez probablement entendu dire, bien qu'il soit possible que vous n'en ayez pas entendu parler, que nous avons carte blanche. Quelqu'un s'est demandé si nous avions besoin d'une carte d'identité nationale au Canada. S'il en faut une, alors on s'est dit qu'il fallait commencer à réfléchir à ce qu'elle devrait être, à son objet, à sa fonction, à se demander qui aurait accès aux données en direct et en différé et à déterminer les besoins en systèmes de données. Un débat fait rage au sujet de la nécessité de protéger la vie privée, d'une part, et d'assurer la sécurité, d'autre part, ainsi que de savoir si la carte faciliterait la vie aux gens ou si elle protégerait leur identité. Nous avons donc carte blanche, et la ministre a décidé de susciter un débat.

    Un débat a donc été lancé à l'échelle du pays—bien que j'ignore ce que font nos collègues dans l'Est. Selon des sondages, il semble que les Canadiens, en règle générale, ne sont pas opposés au principe d'une carte d'identité nationale, mais qu'ils deviennent très nerveux quand on commence à parler des fins auxquelles elle serait utilisée et de ce qui arriverait si vous en aviez une ou n'en aviez pas en votre possession et qui devrait en avoir une. Donc, beaucoup sont venus témoigner pour nous dire d'oublier cette idée complètement. Certains pays en ont une et d'autres, pas.

    Nous aimerions donc vous remercier d'être venus et nous vous invitons à nous faire connaître vos vues au sujet d'une carte d'identité nationale.

    Les premiers à prendre la parole seront Jason et Craig. Soyez les bienvenus.

¹  +-(1510)  

+-

    M. Jason Gratl (directeur, "B.C. Civil Liberties Association"): La présidence pourrait-elle nous dire de combien de temps nous disposons.

+-

    Le président: Nous aimerions que vous limitiez votre exposé à cinq à huit minutes pour que nous puissions avoir le temps de dialoguer et de remettre en question vos hypothèses ou votre position.

+-

    M. Jason Gratl: Je vous remercie.

    M. Jones a quelques observations à faire pour commencer.

+-

    M. Craig Jones (directeur, "B.C. Civil Liberties Association"): Merci.

    Vous avez parlé brièvement du plus gros problème que nous a posé notre témoignage d'aujourd'hui, soit la nébulosité de la proposition. Tout comme vous, nous nageons dans la confusion.

+-

    Le président: Je ne suis pas sûr que nous nagions dans la confusion.

+-

    M. Craig Jones: Non? Il faudrait peut-être que vous preniez cinq à huit minutes pour nous expliquer au juste ce qui va arriver.

+-

    Le président: Je vous en laisse le soin.

+-

    M. Craig Jones: Nous allons essayer de vous exposer certaines de nos objections. Nous tenons à dire, et je suis sûr qu'on vous l'a dit auparavant... Nous avons lu les mémoires de M. Loukidelis et nous allons essayer de ne pas répéter ce qui a déjà été dit.

    J'aimerais pour commencer dire qu'il s'agit d'une question d'équilibre entre la sécurité et la protection de la vie privée. Manifestement, nous le faisons chaque jour à de nombreux égards, mais la première chose à établir, les bases qu'il faut jeter, c'est de savoir quelle est l'étendue du problème.

    Si nous avons bien compris, le problème est double. D'une part, il y a la question d'usurpation de l'identité et, d'autre part, le terrorisme comme tel et les terroristes qui usurpent des identités peut-être ou simplement les méthodes d'utilisation d'une identité centrale pour accroître la sécurité de manière à empêcher le terrorisme.

    Toutefois, ce qui manque à l'équation, c'est une mesure du problème comme tel. Nous ignorons à quel point les terroristes profitent de fausses identités. Si l'on se reporte au plus important incident terroriste survenu dans l'histoire canadienne, par exemple, c'est-à-dire à la bombe placée à bord d'Air India, le fait que les terroristes en cause aient eu des cartes d'identité nationales ou pas n'aurait strictement rien changé. Donc, nous ne sommes pas trop sûrs de ce qu'est le problème, du point de vue du terrorisme, et nous craignons—je crois que Jason en parlera davantage—qu'on n'invoque le terrorisme comme raison alors qu'en réalité, la carte ne contribuera rien sur ce plan.

    Pour ce qui est de l'usurpation de l'identité, notre préoccupation est essentiellement la même. L'information existe peut-être, mais nous n'avons rien reçu du gouvernement qui permette vraiment de quantifier l'étendue du problème dans le secteur public par opposition au secteur commercial, pour lequel, si j'ai bien compris, cette carte n'est pas envisagée.

    Cela étant dit, je cède la parole à Jason, qui va vous parler de nos préoccupations relatives à l'identité nationale.

+-

    M. Jason Gratl: Le comité est peut-être conscient que de commenter cette proposition, c'est un peu comme entrer dans une pièce remplie de fumée et d'essayer d'y voir clair. Cependant, je vais vous décrire quelques-unes des préoccupations qu'a notre organisme, plus particulièrement en ce qui concerne certaines possibilités concernant la forme que prendra la carte d'identité.

    Notre première préoccupation est que la carte d'identité soit assortie de l'obligation de l'avoir sur soi et de la produire sur demande. Nous sommes opposés à l'imposition de toute obligation du genre faite à des citoyens canadiens, quelles que soient les circonstances, sauf dans les cas où il faut déjà la produire actuellement. Nous craignons que la carte d'identité ne serve de prétexte pour contrôler de façon courante l'identité sur demande. Nous ouvririons ainsi la porte à du harcèlement, à l'exécution d'enquêtes sur de simples soupçons plutôt que pour des motifs raisonnables et probables. Notre association y flaire des relents de dictature de l'époque du Rideau de fer. Nous craignons vraiment que la carte d'identité nationale ne mène à ce genre de situation.

    Ensuite, l'association de libertés civiles craint une éventuelle surveillance globale. D'une part, les indicateurs biométriques pourraient servir, en conjugaison avec des programmes de reconnaissance des visages et, peut-être, la télévision en circuit fermé, à suivre en secret les déplacements des citoyens, de sorte qu'un fichier informatique contiendrait des renseignements à ce sujet, à l'insu des citoyens.

    Par ailleurs, nous craignons qu'on n'ouvre la porte ainsi à une surveillance moins secrète—c.-à-d. à l'utilisation d'empreintes du pouce ou d'empreintes rétiniennes quand des personnes sont tenues de franchir des portails, par exemple pour entrer dans un immeuble. S'il est obligatoire de fournir une empreinte du pouce dans pareille circonstance, la surveillance devient alors possible. Bien que ce genre de surveillance soit moins secret et un peu moins abject, il serait tout de même vil.

    Troisième point, notre association craint qu'une carte d'identité du genre de celle qui est envisagée ne soit utilisée simplement pour réunir et conserver des données biométriques sur les citoyens, par exemple la mesure de diverses parties de leur visage et leurs empreintes digitales, des empreintes du pouce et des empreintes rétiniennes. Notre régime actuel ne le permet certainement pas et nous n'avons rien entendu qui justifie le besoin pour le gouvernement d'avoir ce genre de données. La simple collecte et le simple stockage de ces données nous préoccupe.

    En quatrième lieu, nous sommes également préoccupés par les synergies commerciales. En plus de servir lors des transactions avec des fonctionnaires, ce genre de carte pouvait devenir, comme le numéro d'assurance sociale, une porte d'entrée qui permettrait de vérifier le crédit et de louer des appartements. Cette carte d'identité nationale pourrait devenir un passeport pour toutes les transactions commerciales. C'est ainsi qu'elle pourrait permettre de regrouper des données publiques, comme des renseignements médicaux, personnels et policiers, et des données sur l'utilisation des cartes de crédit, sur le téléphone et ainsi de suite.

    En cinquième lieu, nous craignons une prolifération fonctionnelle. L'exactitude des données et le fait que l'information réunie ne serait pas limitée par sa nature, qu'elle pourrait servir à de nombreux autres fins, offriraient une grande souplesse—tout cela pointe vers une prolifération fonctionnelle. Une carte d'identité de cette nature contenant des données biométriques pourrait devenir un point d'ancrage technologique qui permettrait de nombreuses autres utilisations, dont nous en avons déjà mentionné quelques-unes.

    Sixième point, une carte de ce genre offre de nombreuses possibilités d'abus. À pied levé, trois genres d'abus éventuels nous viennent à l'esprit. Ainsi, les données réunies pourraient aboutir dans de mauvaises mains. D'autres que le gouvernement, y compris des criminels, pourraient les obtenir. De plus, des représentants des forces de l'ordre et d'autres fonctionnaires pourraient en faire un emploi abusif. Je songe plus particulièrement à l'exigence de présenter la carte sur demande, ce qui pourrait inciter des fonctionnaires à faire du harcèlement, particulièrement de groupes qui sont privés de leurs droits.

    On craint aussi que le fonctionnaire n'ait parfois accès à des données qui sont sans rapport avec la décision qu'il a à prendre. Un policier pourrait par exemple obtenir des données sur l'aide au revenu dont bénéficie une personne et décider de l'arrêter ou non en fonction de cette information qui, naturellement, est absolument sans rapport.

    Il y a aussi la question d'abus. Une meilleure carte d'identité, plus précise, ouvre la porte à un genre plus dangereux d'exploitation. Si les cartes d'identité sont plus difficiles à contrefaire, alors les masques et les déguisements de ceux qui ont de faux papiers d'identité seront également plus difficiles à percer. Voilà donc une carte qui, selon moi, pourrait aggraver la menace à la sécurité qu'elle est censée atténuer.

¹  +-(1515)  

    Enfin, il existe une préoccupation plus générale. En effet, dans la mesure où la carte d'identité est proposée comme solution au terrorisme, la B.C. Civil Liberties Association craint énormément que les propositions générales de cette nature, sans spécificité, sont combinées à des menaces générales de terrorisme qui, elles non plus, n'ont aucune spécificité.

    On craint que le gouvernement ne tente de contrer une menace de terrorisme, perçue et de la sorte l'alimente dans l'esprit des citoyens. Le terrorisme, il faut bien le dire, se nourrit de terreur. Il faut donc être extrêmement prudent. Notre gouvernement, à notre sens, devrait être très prudent quand il propose des solutions à des menaces nébuleuses qui pourraient nourrir la peur.

    Voilà les préoccupations précises que nous souhaitions exposer au comité.

¹  +-(1520)  

+-

    Le président: Vous venez tout juste d'ajouter 20 ou 30 autres questions à celles que nous avions déjà.

    Professeur Rosenberg, soyez le bienvenu.

+-

    M. Richard Rosenberg (vice-président et professeur en informatique, Université de la Colombie-Britannique; «Electronic Frontier Canada»): Merci. L'organisme que je représente aujourd'hui, c'est-à-dire Frontière électronique du Canada, existe depuis maintenant près de neuf ans. Son énoncé de mission est formulé comme suit sur son site Web:

La Frontière électronique du Canada a été fondée pour garantir que les principes énoncés dans la Charte canadienne des droits et libertés soient protégés, lors de l'introduction dans la société canadienne des nouvelles technologies de calcul, de communication et d'information.

    Je suis sûr que le comité a entendu de nombreux arguments pour et contre la carte d'identité nationale. J'ai néanmoins l'intention—mais je ne le ferai pas ici, vous pourrez le lire dans mon mémoire—de faire un tour d'horizon des tentatives récentes faites dans d'autres pays en vue d'introduire des cartes d'identité et les arguments connexes qui ont servi à contester ces initiatives.

    Après des crises comme celles du 11 septembre, il est inévitable que la sécurité de la nation semble primer sur les droits de protection de la vie privée. Le gouvernement en place a déposé plusieurs projets de loi qui soulèvent de graves questions en la matière et, compte tenu des mesures législatives envisagées, de la base de données de l'Agence canadienne des douanes et du revenu sur les déplacements à l'étranger ainsi que du document de travail sur l'accès légal en relation avec la confidentialité, la proposition d'introduire une carte d'identité nationale donne clairement l'impression à beaucoup de gens que la réaction du gouvernement est excessive.

    Bref, les Canadiens et Canadiennes n'ont ni besoin ni envie d'une carte d'identité nationale. On la présente comme une solution à l'usurpation d'identité et comme un moyen d'accroître les chances d'identifier et d'appréhender les terroristes. On prétend par ailleurs qu'une pièce d'identité unique faciliterait les multiples transactions qu'effectuent couramment les Canadiens et les Canadiennes.

    On nous prévient enfin que, sans carte d'identité nationale, les Canadiens et les Canadiennes pourraient avoir du mal à entrer aux États-Unis. Il convient toutefois de noter qu'en dépit des efforts déployés, peu après le 11 septembre, pour introduire une carte d'identité nationale aux États-Unis, aucun système du genre n'a encore été mis en place ni ne pointe à l'horizon. Nombre de conservateurs et de libéraux se sont d'ailleurs prononcés publiquement contre une telle mesure.

    Pour n'en citer qu'un exemple, le chroniqueur conservateur William Safire a exprimé son désaccord en ces termes, dans le New York Times :

Cela dit, la crainte d'une attaque terroriste est exploitée par les représentants de l'ordre en quête de suspects et par les mercaticiens en quête de clients. Elle stimule plus que jamais les zélotes de l'ingérence à réclamer le Saint- Graal de l'espionite—une carte d'identité nationale obligatoire.

    Pourquoi donc les Canadiens et les Canadiennes devraient-ils être tenus d'avoir une carte nationale? Dans ce qui suit, je compte exposer, brièvement il va sans dire, diverses opinions sur l'introduction d'une carte d'identité nationale, pour finalement conclure qu'une telle carte ne pourrait servir efficacement à certaines fins que sous des conditions techniques bien précises. Je tiens cependant à insister sur le principe même selon lequel une carte d'identité nationale peut s'avérer un instrument dangereux, contraire aux idées fondamentales d'une société démocratique.

    Elle favoriserait en effet la perte de l'anonymat en encourageant les agents d'exécution de la loi à demander à quiconque de la produire en tout temps et en tout lieu. Il est par ailleurs inévitable que ces usages et ces applications viennent à s'élargir sous l'effet de ce qu'on pourrait appeler la «prolifération fonctionnelle», non pas tant par nécessité que parce que la chose est possible.

    Il suffit de se rappeler l'épopée du numéro d'assurance sociale au Canada. L'existence de cet identificateur apparemment unique a en effet donné lieu à une foule d'utilisations vénales, bien au-delà de ce qu'on avait pu imaginer au départ, et le Parlement semble incapable de les contrer, ou du moins peu disposé à le faire.

    Dans ce document, je cite des exemples à l'étranger que je ne vais pas reprendre ici. Mais vous trouverez ces exemples dans différents pays dont la Grèce, Singapour, le Brésil et le Portugal, entre autres.

    J'aimerais maintenant vous parler brièvement de quelques éléments à prendre en compte.

    Par exemple, il y a environ un an, un certain nombre d'organisations, conservatrices et libérales, ont envoyé une lettre au président Bush pour lui exprimer leurs préoccupations à l'égard de la possibilité de convertir les permis de conduire d'État en cartes d'identité fédérales. Pour elles, l'adoption d'une carte d'identité n'empêcherait pas le terrorisme; elle créerait une lourde bureaucratie qui entraverait les libertés fondamentales des citoyens; ce serait un système coûteux qui obligerait à détourner des ressources applicables à d'autres mesures antiterroristes plus efficaces; enfin, cela favoriserait l'usurpation d'identité et la rendrait plus difficile à prévenir. Tout ceci est dans le document que je vous ai remis.

    Par ailleurs, l'adoption d'une carte d'identité nationale obligerait tous les Américains à garder sur eux en tout temps un «passeport intérieur», ce qui menacerait leur droit à la vie privée, réduirait leurs libertés et les exposerait à une discrimination injuste fondée sur leur origine ethnique ou leur religion.

    Ce document contient des exemples de données que renferment les cartes d'identité dans différents pays à travers le monde et qui servent à identifier certaines catégories de citoyens, soit par leur religion, soit par leur statut social ou par toute une série d'éléments figurant sur la carte d'identité nationale. Pour ces raisons et bien d'autres, je pense qu'il faudrait imposer des limites.

    J'ai également essayé d'aborder certaines considérations techniques et professionnelles. Étant donné que je suis informaticien, après tout, je pense avoir une assez bonne connaissance du type de technologie servant de base à l'élaboration de ces cartes mais, une fois encore, il est difficile d'en parler dans le contexte du présent exposé.

    En novembre 2001, je crois, il y a eu aux États-Unis des audiences sur l'adoption éventuelle d'une carte d'identité nationale qui n'ont finalement mené nulle part. Pourtant, durant ces audiences, des informaticiens et des représentants de l'ACLU, l'American Civil Liberties Union, entre autres, ont témoigné et se sont tous prononcés contre. L'un de mes collègues, le professeur Ben Shneiderman, de l'Université du Maryland, membre de l'ACM, une importante organisation professionnelle qui regroupe des universitaires et des scientifiques voués à la recherche informatique, a fait valoir des arguments contre cette carte et il a dit la chose suivante :

Les partisans d'un système de carte d'identité nationale avancent qu'une telle carte permettrait d'authentifier l'identité d'un individu. Néanmoins, le fait d'identifier formellement un individu ne prouve nullement qu'il soit digne de confiance et libre de toute intention criminelle. [Passage mis en évidence dans l'original]... Un système de carte d'identité nationale exige une intégration complexe de structures sociales et techniques, y compris des préposés à la saisie et à la vérification des données, du matériel informatique, des logiciels ainsi que des réseaux de stockage et de transmission. De telles structures socio-techniques sont toujours exposées à l'erreur, aux pannes, au sabotage et à la destruction, que ce soit du fait d'événements naturels ou de personnes mal intentionnées.

    En outre, ce comité aurait tout intérêt à lire un rapport publié en 2002 par le National Research Council, aux États-Unis, après que le gouvernement américain lui a demandé d'étudier le problème. C'est un rapport assez court, mais qui soulève des questions très intéressantes sur l'utilisation de ces cartes. Bien sûr, il aborde plusieurs thèmes dont vous avez déjà entendu parler, particulièrement aujourd'hui. Par exemple :

Compte tenu des coûts économiques envisageables, des défis de taille liés à la conception et à la mise en oeuvre, ainsi que des risques relatifs à la sécurité et à la protection des renseignements personnels, il convient d'obtenir un large consensus quant au(x) problème(s) qu'un système d'identité national viserait à résoudre. Une fois ce consensus obtenu, il conviendrait par ailleurs d'étudier la possibilité de résoudre le(s) problème(s) défini(s) et reconnu(s) par d'autres voies que l'adoption d'un système d'identité national.

    Il dit beaucoup plus de choses, et le comité qui a fait cette proposition se compose d'informaticiens et de spécialistes en sciences sociales de très grand renom, ce qui n'est pas étonnant quand on connaît l'importance du National Research Council aux États-Unis.

    Permettez-moi de tirer directement quelques conclusions.

    Laissez-moi vous dire clairement que La Frontière Électronique du Canada s'oppose à l'introduction d'une carte d'identité nationale, aussi bien en principe qu'en pratique. Une telle carte ne servira pas les buts énoncés par le ministre Coderre, à savoir enrayer l'usurpation d'identité et faciliter le passage de la frontière des États-Unis. De plus, elle n'empêchera pas le terrorisme, dans la mesure où le simple fait d'être en possession d'une carte ne fournit pas les renseignements nécessaires à l'arrestation des personnes suspectées de terrorisme. Il convient en outre de s'interroger sur l'éventuelle perte d'un droit fondamental dans les société démocratiques, à savoir le droit à l'anonymat, le droit d'être «laissé en paix». L'existence d'une CIN amènerait les agents d'exécution de la loi à demander plus souvent à la voir, où et quand bon leur semblerait.

¹  +-(1525)  

    Permettez-moi de vous citer les cinq raisons invoquées par l'American Civil Liberties Union contre l'introduction d'une carte d'identité nationale. Celles-ci devraient renforcer la position de notre association locale des droits civils. Une carte d'identité nationale ne résoudrait pas les problèmes qui semblent justifier son adoption. Cela nous engagerait sur la pente glissante de la surveillance et du contrôle des citoyens. L'adoption d'une carte d'identité nationale nous obligerait à créer une base de données de tous les citoyens américains—il convient de remplacer «américains» par «canadiens» aux fins du présent mémoire. La carte d'identité nationale proposée ferait office de «passeport intérieur» visant à contrôler les déplacements des citoyens et elle encouragerait de nouvelles formes de discrimination et de harcèlement.

    Il est encore trop tôt pour commander une discussion ou un débat sur une éventuelle carte d'identité nationale. Le Parlement n'a pas encore fait ses devoirs à cet égard. Le présent mémoire, comme de nombreux autres—j'en suis certain—soulève une foule de questions importantes quant aux besoins, à l'objet et aux dangers liés à l'adoption d'une carte d'identité nationale.

    Le document que je vous présente contient quelques-uns des travaux réalisés par Stefan Brands, anciennement employé de Zero-Knowledge Systems—une société privée—, mais qui a maintenant sa propre entreprise. M. Brands, auteur d'un ouvrage très connu sur le chiffrement, prétend qu'une telle carte violerait le droit à la vie privée. Il explique comment certains des moyens techniques utilisés limiteraient ce droit si la carte était introduite.

    S'il subsiste un intérêt réel pour une carte nationale à la suite de ces audiences, la Chambre devra entreprendre une étude sérieuse des enjeux techniques, politiques et sociaux qui en découlent. Cela dit, les défis que nous présentons, sans doute à l'instar de nombreux autres mémoires, y compris les résultats d'études effectuées dans d'autres pays et divers éléments de preuves historiques, devraient suffire à décourager toute considération ultérieure de la question.

    Comme je l'ai dit plus tôt, les États-Unis eux-mêmes, la principale cible des attentats terroristes du 11 septembre, ont décidé, une fois de plus, de ne pas donner suite à la mise en place d'un système de carte d'identité nationale. Dans ce contexte, le Canada devrait en faire autant.

    Merci.

¹  +-(1530)  

+-

    Le président: Je vous remercie.

    Nous accueillons maintenant M. Wesley Pue.

+-

    M. W. Wesley Pue (professeur de droit, Faculté de droit, Université de la Colombie-Britannique): Je vous remercie.

    J'ai été ravi d'écouter les propos de mes collègues avec lesquels je suis entièrement d'accord.

    Nous sommes tous confrontés au même problème: de quoi parlons-nous exactement? C'est un peu flou. Je trouve néanmoins habile, de la part du ministre, de lancer une idée et d'attendre les réactions qu'elle suscite. C'est une façon d'obtenir de l'information; je me réjouis donc de participer à ce processus.

+-

    Le président: Quoi qu'il fasse, le Parlement sera blâmé. Habituellement, on l'accuse de réagir après les faits au lieu de, comme je l'ai dit avant la séance, partir de zéro et organiser un débat entre les Canadiens pour dégager un concept ou un point de vue avant que le gouvernement ou qui que ce soit d'autre ne présente quelque chose sur la table. Je crois que je préfère infiniment plus cette idée que celle de devoir répondre à une mesure législative préconçue, préétablie et pré tout ce que vous voudrez.

+-

    M. W. Wesley Pue: Et pouvant être très difficile à retirer une fois mise en oeuvre.

+-

    Le président: Exactement.

+-

    M. W. Wesley Pue: Permettez-moi de revenir aux éléments sur lesquels le Parlement devrait se pencher en examinant ce problème particulier.

    Lorsque le Parlement songe à lancer un nouveau programme, il doit se poser les trois questions suivantes : premièrement, quel est le problème à corriger? Deuxièmement, le programme est-il faisable et rentable? Troisièmement, les avantages sociaux et politiques de ce programme l'emportent-ils sur les coûts qu'il risque d'entraîner?

    Je serais tenté de répondre que nous ne savons pas quel problème la carte d'identité est censée résoudre, ce qui est peut-être une bonne raison en soi pour abandonner cette idée. En ce qui concerne les deuxième et troisième questions, à mon avis, les réponses sont claires : non et non.

    Le gouvernement conservateur britannique de John Major avait envisagé la possibilité d'introduire une carte d'identité nationale, mais il avait dû y renoncer très rapidement après être arrivé à la conclusion que cela ne produirait pas les avantages logiquement attendus.

    Pour dire les choses crûment, le problème de la criminalité ou du terrorisme n'est pas tellement de connaître l'identité des gens, mais plutôt leurs intentions avant qu'il ne soit trop tard. Normalement, les officiers de police n'ont pas de difficulté à confirmer l'identité d'individus appréhendés. Si les gens déclaraient leurs intentions de commettre des actes terroristes, ce serait une chose, mais ils ne le font pas.

    Le coût de la carte d'identité nationale est difficile à déterminer. Selon les chiffres avancés par le Commissaire à la vie privée du Canada, la mise en oeuvre d'un tel programme coûterait entre 3 et 5 milliards de dollars. Le coût d'introduction de la carte intelligente en Ontario a été évalué à environ 500 millions de dollars, sans compter les frais annuels qui viennent s'ajouter à ce montant. En Grande-Bretagne, on a estimé que la mise en oeuvre d'un tel programme coûterait entre 1 et 3 milliards de £ et des centaines de millions de livres chaque année pour en assurer le maintien. Ce n'est donc pas sans conséquences financières.

+-

    Le président: C'est un peu comme pour le registre des armes à feu, n'est-ce pas?

+-

    M. W. Wesley Pue: Je pense qu'il serait maladroit de parler du registre des armes à feu dans une tribune comme celle-ci. Je vous laisse le soin d'en discuter plus tard si vous le souhaitez.

+-

    Le président: Certainement.

+-

    M. W. Wesley Pue: Il faut aussi se demander si cette carte sera utile. Il est tout à fait imaginable qu'une carte d'identité comportant des empreintes digitales soit facilement falsifiée par des criminels ou des terroristes ingénieux. Cette carte n'aurait d'utilité que si elle était reliée à une sorte de base de données permanente qui renfermerait des informations permettant d'identifier les individus. Cela signifie qu'un grand nombre de fonctionnaires de bas niveau auraient accès à cette base de données pour confirmer l'identité de certaines personnes. Si on ne leur donnait pas cet accès, on serait confronté au grave risque de falsification, mais si on le leur donnait, on serait face à une sérieuse menace de violation de la vie privée.

    Mes collègues ont évoqué le problème de la prolifération fonctionnelle. J'aimerais en ajouter un autre : celui de la fuite des données. Une carte qui contient un nombre minimal de renseignements présente des risques minimes de violation de la vie privée, mais elle a peu d'utilité. Pour être utile, du point de vue de la sécurité et de l'identification des individus, notamment, une carte doit renfermer le plus de renseignements possible.

    Le besoin d'obtenir des données alimente l'exigence fonctionnelle et vice-versa. Si on envisage la création d'une nouvelle fonction, on voudra obtenir de nouvelles données pour ajouter sur la carte ou dans la base de données centrale qui y est reliée. Lorsque les nouvelles données seront ajoutées sur la carte ou dans la base de données centrale, les demandes seront plus grandes. C'est ainsi que nous entrerons dans une spirale incessante d'intrusion dans la vie privée des gens.

    La question des voyages internationaux, en particulier vers les États-Unis, est en toile de fond de tout ce débat. Il est important que le Parlement ne perde pas de vue deux éléments essentiels. Le premier est la relation des citoyens canadiens avec leur propre gouvernement, qui est une relation sacrée et très spéciale qu'il conviendrait de respecter et de protéger. D'un autre côté, il y a la relation que des gouvernements étrangers pourraient entretenir avec nos propres citoyens lorsque ceux-ci sont à l'extérieur du Canada. C'est une autre question.

    Si les États-Unis ou d'autres pays tentent de s'ingérer dans notre vie privée lorsque nous sommes en voyage à l'étranger, nous pouvons décider d'aller ailleurs, choix que nous n'avons pas à l'égard de notre propre pays. Le gouvernement du Canada devrait refuser de s'engager sur une voie qui menacerait la vie privée de ses propres citoyens dans le seul but de faciliter les voyages internationaux.

    La seule chose que je voudrais ajouter à ce propos est que si nous nous préoccupons autant des déplacements vers les États-Unis, il ne faut pas perdre de vue que d'autres pays finiront par vouloir appliquer les mêmes conditions que celles que nous aurons fixées avec les Américains. Très franchement, il y a beaucoup de pays qui ne sont pas aussi sympathiques que les États-Unis, dont les gouvernements ne sont pas aussi dignes de confiance que le gouvernement américain et qui n'ont pas les mêmes traditions que nous en matière de respect des libertés civiles. Il pourrait donc être extrêmement dangereux de partager avec eux des données détaillées sur les citoyens canadiens en voyage à l'étranger.

    Je vous remercie beaucoup.

¹  +-(1535)  

+-

    Le président: Merci.

    Permettez-moi de vous rappeler que le commissaire à la vie privée de Colombie-Britannique et ce matin Frank Work, commissaire à la vie privée et à l'information de l'Alberta ont exprimé leur point de vue sur la question. Tous deux sont contre, et je pense que le commissaire de l'Alberta a très bien résumé les problèmes éventuels que certains d'entre vous ont évoqués : ne partez pas sans elle.

    Peu importe, passons aux questions. Lynne.

+-

    Mme Lynne Yelich: J'aimerais bien que David explique à tous les quatre pourquoi il considère que l'introduction d'une carte d'identité nationale serait une bonne chose puis entendre ce que chacun d'eux a à répondre pour sa défense.

    Je cède la parole à David puis je poserai ma question. J'aimerais ensuite que chacun de vous quatre dise pourquoi il pense que ses raisons...

+-

    M. David Price: Tout d'abord, dans ce que je propose, il n'est absolument pas question de base de données. Je me suis surtout penché sur le problème du risque de vol d'identité. C'est ce qui m'inquiétait le plus. Je me suis déjà fait voler mes cartes de crédit deux fois et je sais toutes les tracasseries que cela provoque. Je pensais surtout aux caractéristiques biométriques figurant sur la carte.

    Comme je l'ai dit, c'est davantage dans cette perspective que je vois les choses. Tout d'abord, je crois que ce devrait être un programme provincial. Je ne pense pas que nous puissions le faire à l'échelle fédérale. Cette carte aurait un lien avec le permis de conduire, la carte d'assurance maladie et probablement le certificat de naissance, qui sont tous des documents produits par la même opération au Québec. Je viens du Québec. Une seule et même opération permet de créer trois cartes différentes. J'aimerais une carte contenant certains types de données biométriques, mais qui, au moment du passage devant le lecteur, ne donnerait pas accès à une base de données. Elle ne servirait qu'à prouver mon identité.

    Voilà un peu l'idée que je m'en fais de manière générale.

¹  +-(1540)  

+-

    Le président: Très bien.

    Souhaitez-vous répondre à cela?

+-

    M. Craig Jones: J'aimerais parler du volet concernant les libertés civiles puis je céderai la parole à mes amis.

    Lorsque nous avons débattu de cette question à la BCCLA, j'étais probablement plus favorable à cette position que la plupart des membres du conseil. Permettez-moi de vous dire pourquoi j'ai changé d'avis.

    Nous avons toutes sortes de cartes d'identité. Quand je regarde dans mes tiroirs et dans mon portefeuille, je m'aperçois que j'en ai vraiment beaucoup—celle-ci n'est que ma carte du gouvernement. J'ai aussi une carte d'assurance sociale, qui est un document d'identité unique—pas vraiment unique—, mais elle est en quelque sorte un moyen d'identification biométrique à cause de la signature. J'ai aussi un numéro de sécurité sociale américain, qui m'a été délivré lorsque j'étais étudiant, une carte de citoyenneté canadienne, qui elle aussi contient deux éléments d'identification biométrique : une photographie et ma signature. Je possède également deux passeports et, bien sûr, le document qui est à l'origine de tous les autres, mon certificat de naissance. C'est d'ailleurs probablement celui qui est le plus facile à falsifier et dont on peut obtenir très aisément une copie. Pourtant, c'est le document qui sert de base à l'établissement de tous les autres.

+-

    Le président: Vous pouvez obtenir beaucoup d'argent en échange de toutes ces pièces d'identité quand vous voyagez.

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    M. Craig Jones: Je vais y songer attentivement.

    Si j'ai bien compris, vous proposez simplement une carte autonome qui contiendrait des données biométriques plus poussées qu'une photographie ou une signature pour prouver que la personne que vous avez en face est bel et bien le titulaire de la carte. Le problème est le même que celui que posent actuellement les données biométriques, à savoir que n'importe quel faussaire suffisamment ingénieux peut les falsifier. De nos jours, le niveau de raffinement technique des ordinateurs dans le secteur privé est probablement équivalent à celui du gouvernement.

    Je ne pense donc pas qu'il soit possible de créer un élément d'identification tout à fait autonome. En outre, je considère que si on mettait en place ce type de système, quand on verrait les lacunes qu'il présente, on dirait, eh bien, il suffit de franchir une petite étape supplémentaire. Et cela nous amènerait à créer une base de données centrale qu'on pourrait consulter en appuyant sur un bouton et qui nous permettrait de comparer les données biométriques figurant sur la carte avec celles enregistrées dans la base de données. C'est à ce moment-là que se poserait toute la série de problèmes dont nous avons parlé.

    Ce n'est donc pas d'un point de vue conceptuel que l'idée de créer des données biométriques autonomes me pose problème. Je pense tout simplement que cela ne fonctionnera pas, et une fois que nous l'aurons compris, il nous faudra revoir tout le processus.

+-

    M. David Price: J'irais plus loin en disant que l'une des raisons pour lesquelles... Ma femme est immigrante et elle possède une belle carte de citoyenneté à laquelle je n'ai pas droit, ce qui fait de moi, en quelque sorte, un citoyen de deuxième classe. Elle utilise toujours cette carte; elle n'a pas besoin de certificat de naissance. Elle n'a besoin de rien d'autre. Moi, lorsque je fais une demande de passeport, je dois présenter l'original de mon certificat de naissance. Ma femme n'a pas ce souci puisque tout ce qu'elle doit montrer, c'est cette carte.

+-

    M. Craig Jones: Certes, il n'y a rien sur cette carte qui coïncide avec la proposition actuelle du gouvernement.

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    Le président: Cessez d'appeler ça une proposition. Ce n'en est pas une.

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    M. David Price: Après m'être fait voler mes cartes de crédit à deux reprises, je me suis fait délivrer une carte avec ma photo et ma signature numérisée, ce qui est plus sûr qu'une simple signature apposée au verso de la carte.

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    Le président: On pourrait se poser la question de savoir s'il existe un document pouvant servir de carte d'identité nationale, quelque chose qui aurait déjà été proposé ou pensé—comme une carte d'assurance sociale, un passeport, une carte de citoyenneté, une carte feuille d'érable ou une carte provinciale. Ce serait une autre façon de régler le problème. Y a-t-il actuellement une carte pouvant faire office de carte d'identité nationale?

+-

    M. David Price: Monsieur le président, je crois que le ministre sait que nous voulons écarter le passeport car il indique le lieu de naissance. Nous voulons empêcher le profilage racial ou au moins éviter d'en arriver à ce type de situation.

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    M. Jason Gratl: L'un des problèmes qui a été soulevé, c'est l'utilisation frauduleuse de cartes de crédit. Autant que je sache, toute les entreprises du monde exigent une signature à l'endos de cette carte, parce que les signatures sont généralement très uniques et difficiles à reproduire. Les signatures sont exigées à des fins de sécurité. Il s'agit d'une donnée biométrique essentielle. Une personne peut la reproduire, les autres non, donc la personne qui arrive à reproduire une signature a de fortes chances d'être la même que celle qui a signé à l'endos de la carte.

    Dans ce cas, je crois qu'on omet généralement d'utiliser cet identificateur biométrique. Beaucoup de transactions par carte de crédit ont lieu sans qu'on vérifie la signature. Un système de sécurité est déjà bien en place, mais on ne l'utilise pas. La solution à ce problème ne serait pas de créer une carte d'identité nationale, il suffirait de vérifier la signature à l'endos de la carte. Quelle proportion des utilisations frauduleuses de cartes de crédit est-elle due au fait que le système de sécurité en place n'a pas été respecté? Je ne le sais pas. Il n'existe aucune donnée fiable là-dessus, à ce que je sache.

    Des problèmes du genre se répètent sans cesse. Ces problèmes sont réels, mais la solution ne consiste pas à prendre cette mesure radicale, qui éliminerait efficacement la vie privée et soumettrait la population à une surveillance totale. La solution se trouve plutôt dans les microdonnées. Quelles sont les failles du système? Comment pouvons-nous résoudre ce problème? Dans le cas de l'utilisation frauduleuse de cartes de crédit, la réponse est évidente. Le problème découle du fait...

¹  +-(1545)  

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    Le président: Je dois céder la parole à quelqu'un d'autre, parce que d'autres personnes veulent s'exprimer.

    Richard.

+-

    M. Richard Rosenberg: Ce n'est pas si simple, parce qu'il y a des intervenants dans ces systèmes, est l'une des lacunes dans le cas des cartes de crédit, c'est que les gens ne prennent pas la peine de vérifier la signature avec soin. Même à cela, on ne signe pas deux fois de la même façon. Une signature varie suffisamment pour qu'on puisse décider si l'on veut l'accepter ou non.

    Le National Institute of Standards and Technology des États-Unis, soit l'ancien National Bureau of Standards, a déposé un rapport la semaine dernière. L'institut a comparé deux formes d'identificateurs biométriques, soit les photos et les empreintes digitales, puis il a conclu qu'aucune des deux ne suffisait pour identifier une personne de façon exclusive. En combinant les deux données, il est possible de le faire si la base de données n'est pas trop grosse.

    Toutefois, nous disposons d'un temps limité pour ce faire. On veut obtenir un service, mais on ne veut pas attendre indéfiniment pendant que des inspecteurs consultent de grandes bases de données sur les personnes. Il est difficile de vérifier une photo, parce qu'il faut prendre une photo de la personne et la comparer avec un autre photo. Tout dépend de la façon dont la photo a été prise. La photo sur la carte doit avoir été prise avec beaucoup de soins. Un peu trop de lumière... Il y a toutes sortes de facteurs.

    Voilà où en est la recherche. Lorsque je travaillais en informatique, j'étais spécialisé en intelligence artificielle, d'où certaines de ces techniques ont été tirées. J'aimerais revenir à ce domaine en ce moment, parce le financement des recherches sur la reconnaissance faciale, les empreintes digitales et les autres éléments qu'on peut observer est extraordinaire. Toutefois, il est difficile d'appliquer l'une ou l'autre de ces technologies à grande échelle. Notre population n'est pas aussi élevée que celle des États-Unis. Elle ne représente que le dixième de la leur, nous sommes donc mieux placés qu'eux. Mais nous ne le sommes pas beaucoup, compte tenu de l'avancement actuel de la technologie.

    Bref, la falsification des documents et la difficulté d'établir des correspondances compliquent les choses.

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    Le président: Wesley.

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    M. W. Wesley Pue: Je crois que je préférerais donner mon empreinte digitale à ma banque plutôt qu'au gouvernement du Canada.

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    Mme Lynne Yelich: Je reviens à la prolifération fonctionnelle. C'est un nouveau concept passe-partout vraiment intéressant. On passe de la dérive fiscale à la dérive fonctionnelle. J'aimerais que vous nous expliquiez ce que vous entendez pas prolifération fonctionnelle. Selon vous, combien de fonctions peuvent proliférer dans cette carte?

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    M. Richard Rosenberg: Pourquoi ai-je dû donner mon numéro d'assurance sociale pour louer des chaussures dans un salon de quilles? Est-ce la seule façon de faire?

    J'ai déménagé en Nouvelle-Écosse, où j'ai vécu pendant quelques années. Lorsque je suis arrivé là-bas, j'ai voulu m'abonner à la télévision par câble pour écouter des films. Le distributeur m'a demandé mon numéro d'assurance sociale. Je lui ai demandé pourquoi il avait besoin de mon numéro d'assurance sociale pour m'autoriser à regarder la télévision, il m'a répondu qu'il devait pouvoir me rejoindre si je partais avec le matériel. Je ne pouvais pas lui laisser de dépôt. Il avait besoin de mon numéro d'assurance sociale.

    Quelques semaines plus tard, le CRTC est venu faire enquête sur quelques entreprises de la région. J'ai envoyé une lettre pour dire que j'aimerais comparaître devant le CRTC pour parler du permis du câblodistributeur. Le CRTC m'a répondu que je n'avais pas besoin de lui fournir mon NAS, que le fournisseur pouvait se contenter de ma carte santé. Toutefois, à certains endroits, la carte santé porte le numéro d'assurance sociale, donc on finit par vous demander de donner un numéro de carte de crédit. C'est ce que la plupart des fournisseurs font lorsqu'on veut louer quelque chose. Lorsque vous louez une voiture, vous devez donner votre numéro de carte de crédit, de sorte que l'entreprise puisse vous retrouver si vous filez avec la voiture.

    Du moins est-ce mon expérience personnelle. Pourquoi la carte d'assurance sociale a-t-elle été produite? Pour des raisons de santé. Bien sûr, elle devait également servir à la Commission du blé pour les gens dans les Prairies.

    Un collègue m'a sommé de citer une déclaration célèbre du premier ministre Pearson à la Chambre. Lorsque l'ancien premier ministre Diefenbaker lui a demandé de lui garantir que la carte et le numéro d'assurance sociale ne serviraient qu'aux fins auxquelles ils étaient prévus, le premier ministre Pearson lui a garanti, à lui ainsi qu'à la Chambre et à la nation, que ce serait le cas.

¹  +-(1550)  

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    Mme Lynne Yelich: Oui, c'est un bon exemple. Y a-t-il d'autres exemples?

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    M. Craig Jones: En fait, je crois que n'importe quelle pièce d'identité peut être exigée dans un foule de circonstances. La raison d'être du permis de conduire paraissait évidente lorsqu'il a été mis en place, mais compte tenu des séries de liens qu'il fait—parce qu'il fait le lien entre le nom, le visage et l'adresse de la personne—il est utilisé de façon particulière, surtout dans le commerce. Encore une fois, lorsqu'on loue un vidéo, peut-être ne va-t-on pas devoir donner son numéro d'assurance sociale, mais on va certainement devoir montrer son permis de conduire. Le fournisseur va vouloir connaître votre adresse. Quiconque veut connaître votre adresse va vous demander cette information. Vos coordonnées vont être entrées dans une base de données. Vous allez recevoir des courriels et qui sait quels liens seront tissés ensuite.

    Je pense que peu importe la pièce d'identité, on constate que dès qu'elle renvoie à des renseignements d'intérêt pour quelqu'un, elle donne lieu à une prolifération quelconque. De toute évidence, ce n'est pas seulement de l'administration publique qu'il faut s'inquiéter. Il y a d'énormes intérêts commerciaux en jeu. L'information vaut son pesant d'or.

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    M. W. Wesley Pue: J'aimerais en profiter pour soulever un autre point, soit que les fonctionnaires ne sont pas nécessairement de mauvaises personnes, que la plupart des gens qui travaillent dans les bureaucraties gouvernementales, dans les forces policières et de sécurité ou aux douanes et au contrôle de l'immigration et des passeports estiment faire du bon travail, et c'est ce qu'ils font en général.

    À mon sens, le problème de la prolifération fonctionnelle nous porte à nous demander et à imaginer ce que seront les exigences raisonnables qu'imposeront graduellement de bonnes personnes bien intentionnées sur le système lorsque cette technologie sera déployée.

    Supposons que nous établissions une carte d'identité. Pour qu'elle soit utile, elle devrait être liée à une base de données centrale, faute de quoi elle serait trop facile à reproduire. Il y aurait donc une base de données centrale contenant mon nom, mon âge, certaines de mes caractéristiques physiques et l'empreinte digitale de mon pouce.

    La toute prochaine chose qui va arriver, c'est que les policiers vont commencer à demander des preuves d'identité aux gens dès qu'ils ont à les arrêter. Les policiers ont des tonnes d'excellentes raisons d'arrêter les gens et de leur demander qui ils sont et ce qu'ils font. Ils les arrêtent également pour de mauvaises raisons, mais ils ont des tonnes de bonnes raisons. Lorsqu'un flic arrête quelqu'un pour une bonne raison, il serait naturel qu'il lui demande sa carte d'identité nationale si une telle carte existait. Une fois que les policiers auront cette pièce d'identité, ils vont poser une autre question: comment se fait-il que lorsqu'on consulte les renseignements liés à cette carte, on ne peut pas savoir si une personne est accusée de pédophilie ou de viol ni accéder au reste de son dossier criminel?

    Il s'établira donc immédiatement des liens avec d'autres données, et à toutes les étapes du processus, de bons fonctionnaires canadiens très bien intentionnés feront leur travail en ajoutant quelques renseignements ici, quelques renseignements là, jusqu'à ce qu'on se retrouve avec une énorme base de données, dont on ne pourra plus garantir de l'exactitude complète. C'est là où le terrain est très glissant à mon avis, on risque de multiplier les ajouts et les petites fonctions nouvelles. Chacun paraîtra logique. La technologie semble porter à ajouter telle ou telle fonction.

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    Le président: D'accord. Andrew.

+-

    M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Les gens souhaitent vraiment réduire la taille de leur portefeuille. Bon nombre d'entre nous en avons mal au dos, mais ce n'est pas la bonne façon de le faire.

    Je ne suis pas d'accord avec le président. Je pense qu'avant qu'un ministre lance une idée comme celle-ci et qu'on prenne autant de temps pour en discuter d'un bout à l'autre du pays, il faut plus d'information. Je crois que c'est l'un des commissaires à la vie privée qui en a fait la critique.

    Il y a un problème incroyable avec les bases de données... À plus petite échelle, on voit ce qui est arrivé des assurances Co-operators en Saskatchewan. Hier, dans le National Post, j'ai lu que quelqu'un avait soutiré 3,4 millions de dollars en utilisant les cartes de crédit de 100 000 Canadiens. Les cartes de crédit posent un problème, et certains de ces problèmes sont vraiment stupides.

    Il y a environ six mois, j'ai utilisé ma carte de crédit pour acheter de l'essence dans une station-service, mais je n'ai pas obtenu de reçu. La première chose que j'ai su ensuite, c'est que j'étais en train d'acheter des fleurs à Montréal et partout ailleurs, alors que je me trouvais à un autre endroit. Lorsque je me suis arrêté au problème, j'ai demandé aux gens pourquoi ils inscrivaient le numéro de la carte au complet sur le reçu? J'ai téléphoné à la banque et je lui ai dit combien c'était stupide, et le problème a fini par se régler. Dorénavant, le numéro de carte n'y est plus inscrit au complet, et je suppose que j'y suis pour quelque chose.

    Vous avez parlé de l'Association des droits civils, Craig, et je suis heureux de voir que vous avez une carte de citoyenneté. Votre collègue a fait mention des relents de dictature de l'époque du Rideau de fer, particulièrement en ce qui concerne les laissés-pour-compte. Il se trouve que j'ai déjà senti les relents de dictature à l'époque du Rideau de fer, puisque je viens de là. Il est intéressant de savoir qu'il y avait en Hongrie, à l'époque du Rideau de fer, une carte d'identité nationale, mais que cette carte a disparu dès que le pays est devenu démocratique.

    En entendant vos observations et votre description du rôle de l'Association des droits civils, j'espère sincèrement que vous allez examiner la Loi sur la citoyenneté et nous faire part de vos commentaires, parce que l'on sent vraiment des relents de dictature dans les dispositions sur la révocation de la citoyenneté, et vous pourriez être surpris de constater combien votre carte de citoyenneté est vulnérable. Je doute que les personnes qui ont proposé ces nouvelles dispositions avaient de bonnes intentions en le faisant.

    Je suis d'accord avec vous, c'est une perspective effrayante. Nous retournons en 1984 pour savoir ce que cela signifiera dans l'avenir.

¹  +-(1555)  

+-

    M. Craig Jones: Vous avez relevé une chose dont nous n'avons pas encore beaucoup parlé. M. Pue a évoqué le problème des personnes bien intentionnées qui utilisent cette carte à des fins autres que celles prévues. Bien sûr, il y a également un autre problème, celui des personnes qui l'utilisent de façon illégale à des fins abusives.

    Il y a aussi un troisième problème, que vous avez mentionné dans la deuxième partie de votre question, soit que l'on peut pas nécessairement garantir que dans 10, 20 ou 30 ans, les employés du gouvernement fédéral seront toujours des personnes bien intentionnées. Les gouvernements changent. Lorsque les gens arrivent au pouvoir, ils ont accès à des renseignements qu'avec le recul, nous ne leur aurions pas donnés.

    J'aimerais en savoir davantage sur la Loi sur la citoyenneté actuelle et avoir l'occasion de m'exprimer sur son contenu une autre fois.

+-

    Le président: J'aime bien la façon dont Andrew présente la chose. Non, je le sais, ce n'est qu'une blague.

    Cela pourrait vous intéresser. Je sais que l'Association des droits civils devait comparaître devant nous à quelques occasions, mais qu'elle ne l'a pas fait. Peut-être voudriez-vous y jeter un coup d'oeil.

+-

    M. Craig Jones: S'agissait-il de l'Association des droits civils de la Colombie-Britannique ou de celle du Canada? Le savez-vous?

+-

    Le président: Je crois qu'il s'agissait de celle de la Colombie-Britannique.

+-

    M. Craig Jones: Je ne peux concevoir que nous ayons manqué une occasion de nous exprimer.

+-

    Le président: Je sais. Peut-être voudriez-vous y jeter un coup d'oeil, puis nous faire part de votre opinion.

    Sophia.

+-

    Mme Sophia Leung: Merci, monsieur le président.

    Jusqu'à maintenant, je n'ai entendu aucun commentaire positif sur la carte d'identité nationale. Je suppose qu'il y a consensus. Prenons la chose comme suit.

    Supposons qu'une personne, pour des raisons d'affaires ou pour des raisons personnelles, doit voyager dans le monde. À bien des endroits, y compris aux États-Unis, il est facile de pousser les gens sur le côté pour leur demander leurs empreintes digitales sans qu'ils ne puissent s'opposer. C'est vraiment insultant, n'est-ce pas? Quelles mesures préventives pourrions-nous adopter pour protéger les Canadiens dans leurs déplacements autour du globe?

    Autre chose : monsieur Rosenberg, n'est-ce pas vous qui avez nommé cinq autres pays qui avaient recours à une telle carte? Pouvez-vous nous dire si l'utilisation de cette carte y a eu des effets positifs?

+-

    M. Richard Rosenberg: Les exemples que j'ai donnés sont tirés d'une étude réalisée par Privacy International, un organisme britannique qui s'apparente à notre organisme local. Il m'apparaît évident qu'il a réalisé ce sondage pour obtenir des citations de personnes de différents pays qui se disent insatisfaites de la façon dont leur pays fonctionne. Nous savons tous que Singapour n'est pas le pays le plus démocratique au monde, et il est évident que la carte d'identité sert à des fins qui ne sont pas particulièrement bienveillantes dans ce pays. Bon nombre de pays y incluent des renseignements raciaux et religieux, mais je suppose que ce type de renseignements ne paraîtrait pas sur une carte canadienne.

    Le problème, c'est qu'en temps de grand stress et de grande difficulté, on peut être très tenté d'inscrire sur la carte des renseignements qui semblent utiles à un certain moment pour identifier les gens et pour surveiller les déplacements des personnes d'une nationalité, d'un groupe, d'une couleur ou d'une religion donnée. Comment peut-on y résister? Nous croyons que non, nous ne pouvons pas le faire. Les principes canadiens ne le permettent pas. Nous sommes toutefois dans une situation particulière en ce moment. Il faut faire quelque chose.

    Pour poursuivre dans le même sens que M. Pue, la population va changer dans une génération. L'existence d'une certaine carte pourrait être difficile à accepter à une époque, mais après des années d'utilisation, elle deviendrait partie intégrante de la vie de la génération suivante. Nous n'avons pas à nous en inquiéter outre mesure, nous avons toujours fonctionné de cette façon. Voilà ce que j'avais à dire.

º  +-(1600)  

+-

    Le président: Pour revenir à la question fondamentale que Sophia a posée, une telle carte servirait-elle à protéger davantage les Canadiens?

+-

    M. Richard Rosenberg: Je ne vois pas bien en quoi elle le ferait mieux que le passeport.

+-

    Le président: C'est un bon point. Le passeport suffit-il?

+-

    M. Richard Rosenberg: Je ne suis pas certain. Je n'avais pas pensé à cela. J'ai voyagé à l'étranger à de nombreuses reprises. Mon passeport a toujours été mon document d'identification de base. C'est tout ce qu'on demande. Les hôtels notamment veulent le voir au moment de l'inscription. Ce seul document semble suffire. Le passeport est utilisé à ce moment pour cette fin en particulier, et non pas comme une pièce d'identité universelle.

+-

    Le président: Sophia, vous avez la parole à propos du même point. Ensuite, nous devons passer à un autre membre.

+-

    Mme Sophia Leung: Il est arrivé à plusieurs reprises que des Canadiens soient retenus. Cela me préoccupe.

+-

    M. Craig Jones: C'est ce dont je veux parler. On a laissé entendre qu'une carte d'identification nationale sécuritaire qui ne précise pas, par exemple, le lieu de naissance pourrait permettre aux personnes de circuler plus librement entre le Canada et les États-Unis. Le problème est qu'à l'heure actuelle les États-Unis s'intéressent au lieu de naissance, car ils utilisent cette information comme un filtre dans le contexte du terrorisme. Si le lieu de naissance ne figure pas sur la carte ni dans la base de données qu'utilisent les autorités américaines, celles-ci voudront obtenir ce renseignement. Les États-Unis ont le droit d'assurer un contrôle à leur propre frontière. La carte ne constitue pas une solution à ce problème, selon nous.

+-

    Le président: À deux ou trois reprises, il a été recommandé de supprimer du passeport le lieu de naissance. Ainsi, cette information ne causerait plus de problèmes à personne.

+-

    M. Craig Jones: Je crois que c'est une excellente idée. Mais il reste que les États-Unis seraient encore libres d'essayer d'obtenir ce renseignement par eux-mêmes.

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    Le président: Bien sûr.

    Ce qui m'amène au point que je voulais faire valoir. Quel est l'objectif de la carte? Le Canada a déjà débattu de l'idée de mettre en place une carte d'identité nationale pour différentes raisons. Soyons francs, le gouvernement fédéral n'a pas créé beaucoup de pièces d'identité nationale. La plupart des documents d'identification proviennent des provinces. Le Canada a mis en place le numéro d'assurance sociale, la carte de citoyenneté et le passeport. Ce n'est pas tout le monde qui possède la citoyenneté canadienne, alors que faire? La carte a été proposée comme solution. Ce n'est pas tout le monde non plus qui possède un passeport.

    L'objectif de la carte est-il de repérer les vols d'identité? Si tel est le cas, cet objectif sera-t-il atteint? Si la réponse est non parce que le vol d'identité peut se produire de nombreuses autres façons... Je vais vous donner un exemple. En ce moment, je possède 14 cartes qui m'identifient comme étant Joe Fontana. Si je jetais toutes ces cartes pour les remplacer par une seule, est-ce qu'il serait plus facile ou plus difficile de voler mon identité? Je crois que ce serait probablement plus facile. C'est beaucoup moins pénible de reproduire une seule carte que d'en reproduire 14.

    Le fait de détenir de nombreuses cartes dont les renseignements sont évidemment contenus dans différentes bases de données accroît le travail des voleurs d'identité. Les multiples cartes représentent-elles la protection ultime? Selon l'avis du commissaire, cette unique carte aura beaucoup de valeur dans le monde pour ceux qui veulent voler une identité à des fins criminelles, commerciales ou autres.

    Quel est l'objectif? Si c'est de repérer les vols d'identité, comment pouvons-nous faire face à ces vols s'il s'agit d'un réel problème?

    Deuxièmement, proposons-nous une carte d'identité nationale parce que les États-Unis nous causent certaines difficultés? Une carte d'identité nationale devra être acceptée à l'échelle internationale, sinon on vous demandera non seulement cette carte, mais aussi votre passeport, comme Richard l'a fait remarquer, car il s'agit du document de voyage international accepté partout.

    Une carte d'identité nationale est-elle proposée en raison de la situation qui existe à la frontière et pour apaiser les Américains? Les États-Unis pourraient demander que chaque personne dans le monde détienne une carte d'identité nationale, mais si on leur demandait la même chose, ils refuseraient bien sûr au nom de la protection de la vie privée. C'est ce qu'ils ont déjà dit d'ailleurs. Chaque personne dans le monde devrait détenir une carte d'identité nationale, à l'exception d'eux. C'est plutôt particulier.

    Je voudrais que vous abordiez ces questions. Quels sont les problèmes qui existent selon vous, s'il y en a? Est-ce une question de peur? En cette époque consécutive à la tragédie du 11 septembre dont tout le monde parle, nous réagissons au lieu d'être un peu plus proactifs.

    Richard, selon votre estimation, quel est le taux d'échec de certains des éléments biométriques d'identification?

º  +-(1605)  

+-

    M. Richard Rosenberg: C'est difficile à dire. Le premier test important a été effectué il y a environ trois ans lors du Super Bowl en Floride. Tous ceux qui entraient dans le stade ont été photographiés, c'est-à-dire 80 000 personnes. On a comparé ces photographies à 10 000 autres photographies de personnes suspectes—des terroristes potentiels et des criminels—contenues dans une base de données. Aucune correspondance n'a été établie. De deux choses l'une, peut-être qu'en effet aucune des personnes suspectes n'était présente ou une d'elles l'était, mais la comparaison n'a pas fonctionné. On a beaucoup parlé de ce résultat, qui a été considéré comme un exemple démontrant que la technologie n'est pas aussi bonne qu'on le prétend.

    Depuis, en raison du 11 septembre, beaucoup d'argent a été investi dans la technologie, et les systèmes s'améliorent. Les ordinateurs sont plus rapides et les techniques sont beaucoup plus sophistiquées.

    Lors du test mené par le NIST, si on utilisait à la fois les empreintes digitales et les visages, l'exactitude des résultats s'élevait au mieux à 70 p. 100, ce qui n'est pas mauvais. Ce pourrait être pire.

+-

    Le président: Si nous cherchons un terroriste, 30 p. 100 est une grande marge, n'est-ce pas?

+-

    M. Richard Rosenberg: C'est exact. Il faut que les photographies prises des personnes... Une caméra photographie une personne dont la photo est comparée à d'autres photos emmagasinées dans une base de données. Ensuite, les empreintes digitales sont comparées.

    Soit dit en passant, les empreintes digitales, sur lesquelles sont fondées les poursuites criminelles, ne sont pas non plus un moyen très efficace d'identification. La correspondance d'empreintes digitales implique en bonne partie une opinion personnelle. La correspondance d'empreintes digitales ne peut s'effectuer exclusivement par ordinateur. Les ordinateurs réduisent le nombre possible d'empreintes digitales à examiner. Ensuite, quelqu'un doit les examiner et déterminer s'il y a correspondance à un certain nombre d'endroits. Une décision personnelle est prise.

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    Le président: Sommes-nous aux prises avec un problème? Wesley, si un problème existe, quelle est la solution? Les documents d'identification actuels, d'origine provinciale et fédérale, doivent être modifiés afin de contrer le vol d'identité et d'assurer une meilleure identification. Pouvez-vous commenter cette question, Wesley?

+-

    M. W. Wesley Pue: Je crois que nous avons tous vu ces vieux films dans lesquels le méchant se rend dans un cimetière et repère un bébé né la même année que lui pour voler son identité. Nous devons nous préoccuper des preuves d'identité, mais l'idée qu'il existe une solution facile est une autre question.

    Pour répondre à la question de Mme Leung, je dois dire qu'il est très important de faire la distinction entre ce que nous faisons pour nos propres besoins à nous et ce que nous faisons pour satisfaire un autre pays, que ce soit les États-Unis ou un autre État. Ce qui risque de se produire si nous mettons en place une carte d'identité nationale, c'est que nous finirons par partager d'autres renseignements en plus de ceux qui figurent dans notre document international d'identification, le passeport, avec les États-Unis, mais aussi avec la France, l'Arabie saoudite, le Pakistan et d'autres pays avec lesquels nous ne voulons pas partager autant de renseignements.

    S'il existe un problème au chapitre des déplacements transfrontaliers en Amérique du Nord, où nous avions un accès privilégié par le passé, nous devons l'examiner en face. Nous devrons peut-être accepter le fait qu'à l'avenir nous aurons besoin d'un passeport pour aller aux États-Unis. J'ose espérer que nous n'aurons pas besoin d'un visa, mais si c'est le cas, nous devrons vivre avec cette situation. Les pays dans le monde se sentent peut-être contraints d'améliorer les éléments de sécurité des passeports, mais je crois que cette question doit être traitée sur la scène internationale. Par ailleurs, nous devons savoir que nous ne créons pas un document simplement pour les États-Unis.

    Si nous créons un document seulement pour les États-Unis et découvrons qu'il est en demande dans des pays dangereux, nous aurons rendu un très mauvais service non seulement à nos rapports entre nous-mêmes et notre gouvernement, mais aussi à nos rapports avec d'autres pays où nos citoyens pourraient voyager.

+-

    M. Craig Jones: Je veux simplement ajouter que le caractère peu pratique du passeport, ainsi que des multiples cartes d'identité, comporte une certaine valeur. Il y a des avantages à devoir agrafer un visa dans un passeport ou à y apposer une étampe.

    Premièrement, cela disparaît lorsque vous renouvelez votre passeport. Si vous voyagez avec un nouveau passeport, on ne peut pas y voir tous les endroits où vous êtes déjà allé. Si vous utilisez une seule carte en remplacement du passeport, il faut d'autres renseignements. Il faut fournir un visa et les renseignements de voyage. Cette information peut être comparée aux données que recueillent maintenant les compagnies aériennes. Qui aura accès à cette information?

    Je pense que M. Pue a exprimé certaines préoccupations réelles, car cette information devra être rendue accessible, du moins de façon restreinte, aux forces de sécurité d'autres pays. Cela pourrait s'avérer très dangereux.

º  -(1610)  

-

    Le président: Merci beaucoup.

    Je le répète, nous en sommes seulement au début du débat. Le débat pourrait ne pas être long du tout. Il pourrait se terminer assez rapidement. Nous devrions peut-être examiner l'expérience, positive ou négative, d'autres pays.

    De toute évidence, nous voulons sonder tous les témoins au sujet de la question pour préparer un rapport. Je vous remercie beaucoup d'avoir exprimé vos idées et de nous avoir fourni certains conseils et, de façon plus importante, certaines questions. Merci beaucoup.

    La séance est levée. Merci, Vancouver. On se verra ce soir et demain.