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TRGO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON TRANSPORT AND GOVERNMENT OPERATIONS

LE COMITÉ PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES OPÉRATIONS GOUVERNEMENTALES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 25 octobre 2001

• 1058

[Traduction]

Le président (M. Ovid Jackson (Bruce—Grey—Owen Sound, Lib)): Mesdames et messieurs, je constate que nous avons le quorum. J'aime bien commencer à l'heure et nous allons donc commencer tout de suite.

Nous accueillons aujourd'hui Robert Thurger, de l'Association canadienne du contrôle du trafic aérien, et David Glastonbury, de Transport 2000 Canada, qui est accompagné de James Lyon, avocat—j'espère que vous ne le payez pas à l'heure. Messieurs, je vous souhaite la bienvenue.

Comme vous le savez, nous avons deux sujets d'étude. Nous devons étudier la situation des compagnies aériennes, et nous étudions par ailleurs la sécurité aéroportuaire. Nous sommes heureux que vous soyez présents pour nous aider dans cette entreprise.

Normalement, vous faites d'abord vos exposés, après quoi nous avons une période de questions.

Qui va prendre la parole en premier?

M. David Glastonbury (ancien président, Transport 2000 Canada): Monsieur Lyon.

• 1100

M. James Lyon (président, Groupe de sécurité des passagers aériens, Transport 2000 Canada): Monsieur le président, mesdames et messieurs, je m'appelle James Lyon. Je suis le président du Groupe de sécurité des passagers aériens, qui fait partie de Transport 2000 Canada. Dans ma jeunesse, j'ai été pilote, j'ai travaillé dans le secteur de l'aéronautique et, comme le président du comité vient de le signaler, je suis également coupable d'être avocat.

Le sujet dont je veux vous parler est la sécurité des vols et l'aviation commerciale dans l'ère qui fait suite au 11 septembre 2001. J'ai essayé de diviser mon exposé en plusieurs parties, à commencer par le premier siècle d'aviation, qui commence avec le vol des frères Wright en 1903, jusqu'à aujourd'hui.

Pendant ces 100 ans, sauf en temps de guerre, le risque d'aviation suscitait deux questions classiques, et ce sont les questions fondamentales qui se posent toujours quand il s'agit d'évaluer des risques. La première question est la suivante: Quelles sont les probabilités qu'un incident malheureux se produise? Dans le domaine de l'aviation, ces probabilités reposent en grande partie sur ce que j'appelle cinq éléments négatifs: la mauvaise conception, les matériaux de mauvaise qualité, la construction médiocre, les piètres compétences aéronautiques et les mauvaises conditions météo. Tous les incidents sont à des degrés divers attribuables à l'une ou l'autre ou plusieurs de ces catégories. À partir des années 60, il y a eu un sixième facteur négatif, nommément une intervention humaine délibérée, c'est-à-dire détournement, tentative de meurtre, etc.

La deuxième question est la suivante: Si un incident malheureux se produit, dans quelle mesure les conséquences seront-elles néfastes? Jusqu'à très récemment, le pire que nous pouvions envisager était déjà assez terrible, à savoir l'écrasement de l'avion blessant ou tuant quelqu'un ou tuant toutes les personnes à bord, détruisant l'appareil et, chose moins probable mais quand même possible, causant d'importants dommages au sol, aux villes ou aux immeubles se trouvant à l'endroit de l'écrasement.

Des pas de géants ont été accomplis au cours de ces cent années pour réduire les risques qu'un incident malheureux se produise: amélioration au chapitre de la conception, des matériaux, de la fabrication, de la formation des pilotes. Nous n'avons pas pu améliorer les conditions météo, mais nous pouvons compter sur nos amis qui assurent le contrôle des avions en vol, nommément les contrôleurs du trafic aérien. Ces risques et leurs conséquences ont été reconnus de façon générale et on a essayé d'y faire face par de nombreuses conventions, la Convention de La Haye, la Convention de Varsovie, le Protocole de La Haye, la Convention de Rome, qui traitent tous de l'une ou l'autre de ces catégories de dommage.

Le 11 septembre 2001, ces questions étaient toujours d'actualité, mais elles ont pris une toute nouvelle dimension à la suite des écrasements contre les tours du World Trade Centre à New York et sur le Pentagone. Comme il avait été prévu, l'équipage et les passagers ont perdu la vie, les appareils ont été détruits, des personnes au sol sont mortes et des propriétés ont été détruites, mais ce que nous n'avions pas prévu et ce qui s'est passé cette fois-là, c'est que des appareils et leurs tonnes de carburant ont été utilisés froidement et délibérément comme missiles guidés pour tuer des gens et détruire des propriétés. Auparavant, c'étaient des accidents, dorénavant, ce sont des actes délibérés.

Lorsqu'un désastre se produit, il y a souvent quelqu'un à blâmer. En tant qu'êtres humains, nous avons tendance à chercher cette personne. Qui a verrouillé la porte menant à l'escalier de secours? Qui a permis à ce bateau de prendre la mer sans avoir un nombre suffisant de canots de sauvetage? Quel médecin a prescrit le mauvais médicament? Toutes ces questions impliquent la prévisibilité du danger possible et laissent entendre que quelqu'un n'a pas fait son devoir. Dans notre société, on ne pouvait prévoir que quatre avions commerciaux, ou peut-être plus que quatre, et toutes les personnes qui se trouvaient à bord seraient transformées en kamikazes. Il faut reformuler cette phrase: on ne pouvait pas prévoir une telle situation avant le 11 septembre 2001, mais nous pouvons maintenant la prévoir.

Les événements ont donc créé des problèmes qui ne sont pas seulement difficiles, mais sans précédent. Les autorités existent, bien sûr, elles doivent faire leur travail et affronter ces problèmes. Elles doivent maintenant faire des choix et nous soutenons qu'elles ne doivent pas choisir entre la bonne ou la mauvaise réponse, mais probablement entre la mauvaise réponse et la moins pire.

Dans notre analyse, nous avons examiné trois environnements dangereux. Le premier se situe avant le vol, au sol; le deuxième, c'est en vol, jusqu'à ce qu'un incident se produise; et le troisième est en vol, au moment où un incident se produit. Et dans ce contexte, par «incident», nous entendons une tentative de détournement d'un appareil commercial.

• 1105

Je vais commencer par la situation avant le vol, au sol. Il existe plusieurs options. D'un extrême à l'autre, voici une liste d'options non exhaustive. Au premier niveau, il y a des mesures complètes des temps de guerre, et ceux d'entre nous qui ont été militaires savent ce que cela veut dire. Tous les aéroports sont alors considérés comme des installations militaires. Du fil barbelé est installé autour du périmètre et des sentinelles armées le patrouillent. Seules les personnes autorisées sont admises, que ce soit des passagers ou des personnes qui ont des affaires à traiter à l'aéroport. Ces mesures portent bien sûr atteinte de façon importante aux droits et libertés civiles dont nous avons joui jusqu'à maintenant.

Au deuxième niveau—et je suppose que ces niveaux sont choisis de façon plutôt arbitraire—il y a des mesures moins sévères qu'en temps de guerre. Le périmètre de tous les aéroports est patrouillé à intervalles irréguliers, de manière que personne ne puisse savoir exactement à quelle heure la patrouille va survenir. Les pistes sont vérifiées, tous les appareils se trouvant dans l'aire de trafic sont gardés et toutes les personnes à bord d'un appareil sont soumises à un contrôle et identifiées, y compris l'équipage, les passagers, les personnes responsables du ménage, les traiteurs, les mécaniciens, bref, absolument tout le monde, et cela s'applique aussi aux contrôleurs aériens. Des gardes armés patrouillent le hall de l'aérogare, comme c'est déjà le cas dans plusieurs aéroports européens. Tous les articles apportés à bord de l'appareil sont vérifiés, tout comme les bagages à main, les bagages enregistrés, les marchandises, les plateaux de nourriture, etc. L'objectif est de prévenir toute collusion entre l'équipage au sol qui a peut-être fait passer des armes et les passagers qui semblent innocents, qui ont réussi l'inspection des passagers et qui pourraient récupérer leurs armes lorsqu'ils se trouveront à bord.

Le troisième niveau comprend des mesures minimales. Ne rien faire du tout, poster des gardes non armés, en faire le moins possible.

La solution se trouve quelque part entre ces deux extrémités.

Le deuxième environnement se situe pendant le vol. Encore une fois, voici une liste d'options passant d'un extrême à l'autre. Le premier cas de figure extrême est l'isolation totale du poste de pilotage de la cabine passagers. Il n'y aurait aucune porte entre les deux et l'équipage devrait entrer par une porte séparée à l'extérieur de l'appareil. La cloison séparant la cabine de pilotage de la cabine passagers serait blindée. L'équipage devrait donc disposer d'installations séparées pour les toilettes, la nourriture, etc. Si l'on descend d'un cran, on aurait une porte verrouillée et renforcée séparant le poste de pilotage de la cabine passagers. Et le troisième niveau serait une simple porte verrouillée entre le cockpit et les passagers.

Le troisième environnement dangereux, c'est une action terroriste en vol. Dans ce cas, nous avons deux possibilités. La première est de poster à bord des avions des agents de sécurité aérienne armés, et je suppose que l'on a déjà discuté de cette option. Disons-le carrément, leur rôle serait d'abattre les pirates de l'air. Ce faisant, ils peuvent blesser ou tuer des passagers innocents. Comme je l'ai déjà dit, nous n'avons pas à choisir entre une bonne et une mauvaise solution, mais plutôt entre une solution mauvaise et une autre qui est moins pire. Je soutiens que c'est moins pire de tuer un ou deux passagers innocents que de permettre à des pirates d'utiliser l'appareil comme missile guidé servant à la destruction de masse. J'insiste ici sur le mot «guidé» dans l'expression missile guidé. Ce n'est pas accidentel, le missile peut alors être guidé avec une grande précision, comme on l'a vu, pour détruire deux des immeubles les plus en vue du continent nord-américain.

On invoque parfois contre la proposition des agents de sécurité aérienne l'argument que leur arme à feu crée le risque d'une décompression explosive, surtout pour les vols en haute altitude. Nous en avons discuté et avons consulté des spécialistes réputés qui nous ont dit que ce risque est très surestimé. De toute façon, nous ne parlons pas d'un magnum .357 ou d'un automatique 9 mm. Il existe maintenant des armes à feu qui peuvent causer d'importants dommages à une cible souple, comme une personne, mais qui n'endommagerait que très peu ou pas du tout la cloison de la cabine pressurisée d'un avion. C'est donc une proposition qui a soulevé beaucoup de discussions de part et d'autre.

La deuxième option est que le commandant de bord et le copilote soient armés. C'est encore l'option de dernier recours. C'est la dernière chance de sauver l'appareil, l'équipage et les passagers, et la toute dernière chance de sauver les gens qui se trouvent dans les cibles très densément peuplées et choisies avec soin se trouvant au sol. J'ai écouté une émission de radio où des auditeurs ont téléphoné pour dire que les pilotes devraient aller prendre des cours d'arts martiaux, pour qu'ils puissent s'attaquer à mains nues au pirate de l'air, le plaquer au sol et le mettre hors d'état de nuire.

• 1110

M. Darrel Stinson (Okanagan—Shuswap, Alliance canadienne): Ces gens-là ont vu trop de films de Rambo.

M. James Lyon: Une autre suggestion était que les commandants de bord aillent tous suivre un cours intensif de psychiatrie pour apprendre à raisonner les pirates de l'air. Je pense que ni l'une ni l'autre de ces solutions n'est faisable. On parle ici d'une situation désespérée et de dernier recours. La tâche du pilote n'est pas d'être expert en karaté, ni un Rambo, ni un psychiatre. Sa tâche, c'est de piloter l'avion, et en fait ce n'est pas si facile de piloter un avion et de le faire bien. Les armes que nous envisageons seraient déchargées sur un agresseur à partir du siège du commandant de bord, en dernier recours.

Je voudrais maintenant aborder la question de l'analyse coûts-avantages, outil qui est utilisé pour évaluer si le coût des innovations techniques est justifié par rapport à leurs avantages. Cet outil a été utilisé, certains diraient de manière cynique, dans des contextes où il ne devrait pas servir. Par exemple, quand il faut mesurer comme élément de coût la valeur de la vie humaine. Durant une année, combien de personnes vont mourir de telle ou telle cause, et combien les jurys vont-ils accorder de dommages-intérêts? Combien cela coûtera-t-il de s'assurer contre de tels jugements? Si l'on divise ce montant par le nombre de décès, on obtient la valeur de la vie humaine. S'il en coûte moins cher de s'assurer contre les demandes de règlement que de régler le problème, alors il faut laisser le problème tel quel. Voilà un exemple d'un froid calcul actuariel. L'industrie du tabac, par exemple, a été critiquée pour avoir utilisé cet outil de cette manière, mais elle est loin d'être la seule.

Nous ne proposons pas de lancer un débat, moral ou autre, sur cette façon de raisonner, mais je me contenterai de dire qu'à notre avis, un tel raisonnement n'a pas sa place dans l'analyse de la situation actuelle. Même lorsque l'analyse coûts-avantages est utilisée dans le contexte que je viens de décrire, il peut souvent y avoir un lien actuariel entre les données d'entrée et les obligations totales, même si cela peut sembler cynique. Par exemple, il peut y avoir seulement 300 ou 400 personnes au maximum à bord d'un avion. Si cet avion percute le World Trade Center, on ajoute un élément tout à fait impondérable qui fait que l'équation n'a plus aucun rapport avec l'analyse coûts-avantages; cela devient un débat public. Certains diront, par exemple, qu'il serait coûteux d'embaucher des agents de sécurité aérienne. Oui, c'est vrai, ce serait coûteux, mais le coût de ne pas les embaucher pourrait bien être incommensurable.

En pareil cas, le choix doit être arbitraire et nous recommandons, sans être dogmatiques, du moins nous l'espérons, qu'il y ait des patrouilles, armées ou non, dans les halls d'aérogare des principaux aéroports; des gardes qui surveillent tous les appareils dans les aires de trafic de tous les aéroports commerciaux; des fouilles physiques ou techniques de toutes les personnes embarquant dans un appareil à la passerelle; une fouille de tous les bagages à main, des bagages enregistrés et des fournitures embarquées à bord des gros avions commerciaux; une porte verrouillée renforcée entre le poste de pilotage et la cabine des passagers; des agents de sécurité aérienne munis d'armes adéquates à bord de tous les gros avions commerciaux de voyageurs; et enfin nous recommandons que les commandants de bord et les copilotes de tous les principaux vols commerciaux soient munis d'armes adéquates.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Lyon.

Je voudrais seulement boucler la boucle et vous dire que Bishop Wright, qui était le grand-père d'Orville et Wilbur, a prononcé un matin un sermon à l'église dans laquelle il a dit: J'ai entendu dire à Stanford que l'on ferait des transfusions sanguines. Et il a ajouté: J'ai aussi entendu dire que, d'après certains, les hommes seront capables de voler. Laissez-moi vous dire, a-t-il ajouté, que ce sont seulement les anges qui peuvent le faire.

Darrel, vous avez la parole.

M. Darrel Stinson: Je vous remercie pour votre exposé, monsieur Lyon, et je vous remercie d'être venu témoigner aujourd'hui. Je tiens à vous assurer que même si l'on fait bien des plaisanteries sur les avocats, d'après le dernier sondage que j'ai vu, les politiciens se trouvaient beaucoup plus bas dans l'échelle.

• 1115

Comme vous êtes un ancien pilote et que vous avez probablement beaucoup voyagé à l'étranger, au sujet de ce programme d'agents de sécurité aérienne armés, avez-vous des statistiques sur les pays où un tel programme existe, savez-vous quelle est la différence entre les pays qui ont de tels agents et ceux qui n'en ont pas quant au nombre de tentatives de détournement et à la fréquence des activités terroristes?

Par ailleurs, savez-vous quels aéroports ou quels pays ne nous permettraient pas d'atterrir en l'absence de tels agents de sécurité armés? On nous dit que ce n'est pas autorisé dans certaines régions des États-Unis. J'ai aussi reçu un certain nombre d'appels téléphoniques à mon bureau de circonscription de la part de gens qui disent qu'ils vont aller aux États-Unis pour prendre l'avion, parce qu'ils se sentent beaucoup plus en sécurité, sachant qu'il y a à bord des avions des agents de sécurité armés.

M. James Lyon: Je n'ai pas de statistiques, mais il y a un pays en particulier qui utilise depuis longtemps des agents de sécurité aérienne, en fait depuis 1968, à savoir Israël. Depuis cette date, ce pays n'a connu aucun cas de détournement, ni d'attaque en vol.

La deuxième question était de savoir où les avions peuvent atterrir? Je n'en suis pas certain. Je connais les États-Unis, mais je ne suis pas au courant pour les autres pays.

La troisième question était de portée plus générale. Il y a quelque chose de curieux, et cela répond peut-être à la question, dans le fait que même ici, au Canada, nous avons un ministre qui a exprimé des réserves—et je comprends tout cela, car nous n'aimons pas beaucoup avoir des gens armés à bord des avions, et je n'aime pas cela moi non plus, mais je soutiens que des gardes armés représentent le tout dernier recours contre une perte catastrophique. Un autre ministre prévoit faire appel à des appareils de l'armée de l'air du Canada pour abattre les avions en pareil cas. Je préférerais avoir un commandant de bord armé d'un pistolet de calibre 22 que de savoir qu'un F-16 ou un F-18 armé d'un canon de 20 millimètres me tire dessus. Nous sommes en train d'examiner une question et nous nous demandons si nous devrions l'envisager sous tel ou tel angle, alors qu'il n'y a en réalité qu'un seul angle possible.

M. Darrel Stinson: Je n'en suis pas trop certain. Je suis d'accord avec vous là-dessus. Je tiens à vous dire que je suis tout à fait en faveur de la présence d'agents de sécurité armés à bord des avions, mais quand vous évoquez le commandant de bord, je ne suis pas sûr que je serais d'accord pour donner une arme au commandant de bord seulement. Quand un détournement d'avion a lieu, le commandant de bord est parfois le dernier à le savoir. Il faut intervenir avant d'en arriver au pilote.

M. James Lyon: J'ai proposé d'armer le commandant de bord et le copilote. Bien sûr, cela se ferait aussi dans le contexte d'un accès limité au poste de pilotage pour commencer, et l'on pourrait compter en plus sur la présence d'agents de sécurité armés. Les deux mesures ne s'excluent pas mutuellement. Par contre, je ne veux vraiment pas me retrouver au coeur d'une véritable fusillade.

M. Darrel Stinson: Nous non plus.

M. James Lyon: Il faut trouver le juste milieu.

M. Darrel Stinson: Vous avez dit que nous avons un ministre qui a déclaré qu'il était prêt à faire intervenir les avions de chasse, ou qui envisage cette possibilité. En effet, je préférerais de loin qu'une personne armée d'un .22 s'en occupe avant que l'on soit obligé de faire appel à un avion de chasse.

Cela soulève une autre question. Savons-nous à peu près combien de temps s'écoulerait entre le moment où un détournement d'avion a lieu et le moment où cet avion de chasse pourrait décoller pour intercepter l'avion?

M. James Lyon: Oui, cela évoque des images de la Bataille d'Angleterre et de la ruée vers les avions. Je suppose que les chasseurs pourraient décoller assez rapidement, mais je ne pense pas que nous ayons des pilotes prêts à décoller 24 heures sur 24 pour aller abattre un avion civil.

M. Darrel Stinson: Merci.

Le président: Merci.

Monsieur Cannis.

M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Lyon, avez-vous déjà visité l'aéroport Pearson?

M. James Lyon: Non, pas récemment; j'y suis allé il y a plusieurs années.

M. John Cannis: Je vous conseille d'y aller, et je le conseille à tout le monde. La semaine dernière, ce comité a fait la visite de l'aéroport Pearson et des alentours. Vous avez dit des choses très justes concernant la sécurité. J'ai déjà visité d'autres aéroports à l'étranger, et j'y ai vu des gardes. Je crois que l'idée est excellente. C'est la bonne façon de montrer que des moyens de sécurité sont mis en oeuvre, et qu'on ne s'est pas contenté des gardes de sécurité habituels. Mais je recommande à tout le monde de visiter un aéroport comme Pearson. Je me souviens d'un article concernant une entrée secondaire. Apparemment, n'importe qui pouvait la franchir en voiture. Évidemment, les médias ont rectifié après la mise au point.

• 1120

Vous avez évoqué les statistiques. Avez-vous des statistiques sur ces incidents dramatiques, comme les détournements, qui concerneraient des aéroports canadiens et dont vous pourriez nous parler?

M. James Lyon: Non, je n'ai pas de liste statistique, mais je pense que sur ce point, le dossier canadien n'est pas particulièrement mauvais.

M. John Cannis: Est-ce que des avions partis d'un aéroport canadien ont déjà été détournés?

M. David Glastonbury: Oui, il y a eu un cas de détournement. On en a parlé récemment dans les médias, en disant qu'il fallait faire revenir le pirate de l'air—je crois qu'il réside aux États-Unis. Le détournement a eu lieu il y a une vingtaine d'années; j'essaye de me souvenir des détails.

M. John Cannis: Il y en a donc eu un au cours des 50 dernières années. Je ne veux pas justifier les détournements, et un détournement, c'est un détournement de trop, mais compte tenu des événements des 35 ou 40 dernières années, nous sommes parmi les meilleurs.

Quelqu'un a dit tout à l'heure qu'il était moins dangereux de prendre l'avion aux États-Unis, à cause de certaines mesures qui y ont été prises. Il y a quelque temps, une sénatrice, dont je ne me souviens pas du nom, est intervenue devant un comité américain pour dire à quel point la situation était dangereuse, les frontières peu sûres, et ainsi de suite. Les fonctionnaires et leurs experts disaient tout le contraire. On a demandé à cette sénatrice sur quelles données elle se fondait pour faire une telle affirmation et elle a dit qu'elle avait lu tout cela dans les journaux. Évidemment, son argument a été réfuté.

Je pense qu'aujourd'hui, il s'agit de trouver des solutions. Vous avez fait d'intéressantes recommandations et j'ai bien aimé votre formule, choisir entre la mauvaise réponse et la moins pire. Mais j'ai entendu—je ne sais pas si vous l'avez entendu également—que les pilotes ne seraient pas vraiment disposés à porter des armes à feu. Est-ce vrai ou est-ce simplement quelque chose qu'on a dit dans les journaux? Je m'efforce de croire à la moitié de ce que je lis. Est-ce que c'est vrai? Avez-vous entendu la même chose?

M. James Lyon: C'est vrai. Certains sont pour et certains sont contre. Il me semble que les syndicats de pilotes ont tendance à être pour.

M. John Cannis: Est-ce que les syndicats de pilotes ont pris position ou bien les opinions varient-elles d'un syndicat à l'autre? Est-ce qu'ils s'efforcent de parvenir à un consensus?

M. James Lyon: Je consulte quotidiennement divers sites Web à ce sujet. Aux États-Unis, on recrute déjà des agents de sécurité aérienne. Les pilotes américains acceptent d'être armés. Au Canada, je crois que l'ACPL évolue dans le même sens.

M. Robert Thurger (président, Association canadienne du contrôle du trafic aérien): D'après le dernier rapport que j'ai vu à ce sujet, les pilotes canadiens sont contre. La majorité est très mince, mais les membres du syndicat n'ont jamais voté à ce sujet. Les deux personnes les mieux informées que vous devriez consulter sont les présidents des deux syndicats, à savoir Duane Woerth, de l'ALPA, qui représente une association internationale regroupant tous les pilotes, et Don Johnson, le président de l'Association des pilotes d'Air Canada. Ils pourraient vous fournir beaucoup de renseignements.

M. John Cannis: Si vous me le permettez, monsieur le président, voilà une information intéressante...

Le président: Apparemment, ils doivent comparaître devant le comité.

M. John Cannis: C'est parfait. Merci beaucoup.

Est-ce qu'il me reste du temps? Je ne voudrais pas accaparer la séance. Je vais donc m'arrêter là, quitte à reprendre la parole plus tard.

Le président: C'est très bien. Nous allons procéder rapidement. Nous avons quelqu'un d'autre qui voudrait faire une déclaration; je ne m'en étais pas rendu compte. Nous allons donc faire un tour rapide, puis nous pourrons interroger tous les témoins.

Je donne maintenant la parole à Mario.

[Français]

M. Mario Laframboise (Argenteuil—Papineau—Mirabel, BQ): Merci, monsieur le président.

• 1125

Si je vous suis, vous nous faites un historique de la situation. Vous constatez que depuis le 11 septembre, tout a changé. Évidemment, on fait la même constatation, sauf que si je compare la situation avant le 11 septembre—et vous avez dressé un tableau, par exemple, des premier, deuxième et troisième niveaux avant le vol au sol—je constate que ce qui avait lieu au Canada avant cette date, c'était probablement un troisième niveau. C'est ce que je peux constater. Selon les définitions que vous donniez, avant le 11 septembre, on avait des mesures minimales. Ce n'était peut-être pas l'absence de sécurité totale, mais on a vu, avec les analyses et les inspections, que, finalement, il y avait 18 p. 100 d'échec au niveau des mesures de sécurité dans les aéroports. Donc, les mesures n'étaient peut-être pas minimales, mais on était au troisième niveau avant le 11 septembre.

Évidemment, depuis le 11 septembre, vous faites des recommandations. Face à ce qui prévalait avant le 11 septembre, j'ai un problème majeur. Il est vrai qu'on était au troisième niveau et ce, malgré le fait qu'il y avait des avertissements sérieux. Souvenez-nous de l'affaire Ressam qui voulait traverser à Vancouver. Ce n'était pas une question d'aéroport, mais c'était quand même un terroriste, et les Américains nous avaient avisés qu'on avait des problèmes. Or, il n'y a pas eu d'amélioration du niveau de sécurité malgré le fait qu'on savait très bien qu'au Canada, il y avait des terroristes et qu'on pouvait se douter qu'il pouvait y avoir des activités terroristes et des coups d'éclat, peut-être pas aussi importants que celui du 11 septembre. Il y a quand même une dure réalité: on n'a pas, malgré tous les avertissements qu'on avait eu des Américains comme quoi notre sécurité n'était pas adéquate, eu de modifications quant au niveau de la sécurité dans les aéroports, entre autres.

Maintenant, depuis le 11 septembre, on a des conditions nouvelles, et tout le monde panique face aux façons de régler la question de la sécurité. Cela m'inquiète parce que, vraiment, vos recommandations vont d'un extrême à l'autre. Autant avant on avait des mesures qui étaient, je le répète, du troisième niveau, probablement minimales, autant maintenant vous nous recommandez des gardes armés, des patrouilles, armées ou non, des gardes armés dans les aéroports, dans les avions, et des pilotes armés. Moi, j'ai beaucoup, beaucoup de difficulté face à cela parce que, finalement, le problème qu'on essaie de régler avec ça... L'avion ayant servi de missile, vous nous dites que pour essayer de régler tout ça, il ne faut plus jamais qu'un avion serve de missile, et je suis d'accord avec vous.

Vous avez mis de côté une de vos recommandations que je trouvais intéressante, soit de véritablement isoler le poste de pilotage de la cabine des passagers afin qu'il n'existe aucune porte et que, finalement, les pilotes soient complètement indépendants des passagers. À ce moment-là, on ne pourrait jamais se servir d'un avion comme missile.

Si c'est ça le but, pourquoi ne pas avoir tout simplement recommandé que, dans les avions, le poste de pilotage soit complètement indépendant de la section réservée aux passagers. À ce moment-là, on règle le problème: plus jamais l'avion ne pourra servir de missile. Finalement, c'est ça.

Pour le reste, si on veut sécuriser les passagers, je vais vous dire qu'il y a des menaces dans le métro de Montréal; on va entrer des gardes armés dans le métro de Montréal. Si c'est la santé ou la sécurité des passagers qu'on veut assurer, mettons-en dans tous les transports publics à l'échelle de Canada. Mais si on veut empêcher que les avions servent de missile, quant à moi, la solution, vous l'avez donnée. Pourquoi, tout simplement, ne pas isoler complètement le poste de pilotage et faire en sorte que les pilotes puissent entrer par une porte indépendante? De cette façon, personne ne pourra jamais prendre le contrôle du poste de pilotage, et ça ne servira jamais de missile.

Pourquoi n'avez-vous pas choisi cette solution-là?

• 1130

[Traduction]

M. James Lyon: Je n'ai pas choisi cette solution à moi seul, car les choix sont nombreux. Mais c'est une bonne solution. Vous avez parlé du métro de Montréal. Il existe des métros où des gardes armés montent à bord des voitures, précisément à cause du risque auquel les passagers s'exposent, et c'est notamment le cas à New York. C'est un risque différent de celui dont nous parlons aujourd'hui, mais cette formule s'applique depuis au moins 30 ans, car j'ai pu moi-même m'en rendre compte il y a 30 ans.

Conformément à l'une de nos recommandations, nous avons renforcé la porte verrouillée entre la cabine de pilotage et la cabine passagers. Nous essayons de répondre aux dangers par des mesures de plus en plus contraignantes. Tout d'abord, il ne faut pas que des objets dangereux puissent être introduits dans l'avion. Il faut contrôler les personnes et tout ce qui est embarqué. Si un incident se produit, il faut essayer de le contenir. Et c'est précisément ce qu'on essaye de faire en isolant la cabine de pilotage de la cabine passagers.

En même temps, on veut éviter que les passagers soient agressés par les pirates de l'air ou les terroristes. Cette étape intervient avant que l'avion ne soit transformé en missile guidé. C'est tout à fait exact. Je suis d'accord.

Le président: Avez-vous terminé, Mario?

[Français]

M. Mario Laframboise: Oui.

[Traduction]

Le président: Merci.

Plusieurs députés libéraux veulent intervenir. C'est notamment le cas d'Alex, de Marcel et d'André. Vous devrez donc vous partager le temps d'intervention.

M. Robert Thurger: Excusez-moi, monsieur le président, je ne comprends pas très bien comment il faut procéder. Est-ce que je pourrais répondre à la question de M. Laframboise?

Le président: Oui, si ce que vous dites est pertinent.

[Français]

M. Robert Thurger: Je vais parler en anglais.

[Traduction]

Je crois que vous soulevez plusieurs questions. Tout d'abord, effectivement, il faut éviter que les avions deviennent des missiles guidés, mais les compagnies aériennes et les services de navigation aérienne ont pris toutes sortes de mesures pour réduire les coûts car il semble, à raison ou à tort, que le nombre des passagers ait diminué. Je pense que le ministère des Transports devrait avoir pour objectif d'assurer la viabilité de l'industrie. Pour que l'industrie soit viable, il faut que les gens prennent l'avion. Et pour qu'ils se sentent en sécurité, il faut qu'ils sachent non seulement que leur avion ne va pas se transformer en missile guidé, mais qu'ils peuvent le prendre sans danger.

J'ai rencontré dans toutes les régions du Canada des gens qui ont peur de prendre l'avion, et leur crainte est aggravée par de nombreux éléments. Ils peuvent avoir l'impression d'un manque de sécurité dans les aéroports. J'étais hier à Toronto, et je n'ai pas été impressionné par les mesures de sécurité qui y sont déployées. Avant hier, j'étais à Calgary, et j'ai franchi les contrôles de sécurité où se trouvaient cinq personnes qui, à elles cinq, ne devaient pas peser plus de 200 livres. La sécurité doit avoir un effet d'intimidation. C'est l'objectif même de la sécurité: on a peur d'avancer et on n'avance qu'en fonction de ce que permet le règlement, en craignant la réaction des agents de sécurité au moindre comportement suspect.

Il y a donc plusieurs éléments à considérer. Dans son rapport au ministère des Transports, le comité devrait se préoccuper de l'ensemble des transports aériens et non pas uniquement de ce qu'il faut faire pour que les avions ne soient transformés en missiles guidés.

Le président: Merci.

Tous les témoins peuvent répondre s'ils ont des renseignements à donner, car nos travaux visent précisément à leur permettre de nous donner des renseignements.

Pour que tout le monde puisse intervenir et que le temps soit réparti équitablement, je vais maintenant donner dix minutes aux libéraux, après quoi je donnerai la parole à Val.

Je demande à Alex, à Marcel et à André de partager le temps d'intervention.

• 1135

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): En ce qui concerne les gardes de sécurité aérienne armés, je pense qu'il y a deux hypothèses de départ. Tout d'abord, les gardes armés ont pour effet de réduire l'incidence des détournements ou des actes violents à bord des avions et deuxièmement, leur présence renforce le sentiment de sécurité chez les passagers, encore que je n'ai jamais vu de statistique qui puisse le confirmer. Ce que je peux en dire à titre personnel, c'est que j'ai déjà pris, en Inde, un avion à bord duquel se trouvait un garde armé. Je peux vous dire que sa présence a eu précisément l'effet inverse, et je ne me sentais nullement en sécurité. Je me suis tout d'abord demandé pourquoi il était là. On semble accepter l'hypothèse selon laquelle tout le monde se sent mieux s'il y a un garde armé à bord de l'avion. Quant à moi, je n'en suis pas du tout convaincu.

M. James Lyon: Vous vous êtes demandé pourquoi ce garde était à bord de l'avion, et vous avez eu la réponse. Il était là parce que nous savons qu'il y a matière à s'inquiéter. Lorsque vous étiez en Inde, vous étiez dans un environnement qu'on ne connaît guère au Canada, et il existait en Inde des risques qu'on ne courait sans doute pas au Canada. Après tout, il n'y a pas si longtemps que la première ministre de l'Inde a été abattue par ses propres gardes.

M. Alex Shepherd: Avant mon arrivée en Inde, un avion avait été détourné vers le Népal. Et je crois que les pirates de l'air appartenaient au même groupe, à savoir al-Qaïda.

Il me semble que s'il faut recourir à des armes à feu à bord des avions pour éviter les détournements, c'est bien la preuve que les autres mesures qui auraient dû empêcher le détournement ont lamentablement échoué.

M. James Lyon: C'est sans doute vrai. Il arrive que des mesures de sécurité échouent.

M. Alex Shepherd: Ne serait-il pas préférable d'investir dans la prévention, la sélection des passagers et les mesures susceptibles d'empêcher l'embarquement des pirates de l'air?

M. James Lyon: Si.

M. Alex Shepherd: Dès qu'on est en présence d'armes à feu, on court d'autres risques, comme un coup qui part tout seul ou l'arme qui se retrouve dans d'autres mains. En définitive, en essayant d'éliminer un risque particulier, on en fait naître un autre et il faut donc peser tous les éléments pour s'assurer qu'on a fait le bon choix.

M. James Lyon: Vous avez mis précisément le doigt sur le problème auquel les autorités doivent faire face. C'est précisément le dilemme.

Vous dites qu'au départ, il faut éviter de laisser monter à bord toute personne qui présente un danger. Il y aura donc des fouilles, des appareils de détection, des chiens et toutes sortes de mesures auxquelles de brillants esprits réfléchissent actuellement pour empêcher que quiconque puisse monter à bord d'un avion avec une arme ou s'en procurer une qui a été introduite dans l'avion à son intention. C'est un premier niveau d'intervention.

Ensuite vous dites que si ces mesures échouent—et elles ont échoué à au moins trois reprises dans des avions américains—que se passera-t-il ensuite? Que peut-on faire ensuite pour limiter les dégâts? Il faut neutraliser ceux qui essayent de détruire tout d'abord l'avion et, deuxièmement, un objectif au sol, qui pourrait être le centre-ville d'Ottawa. Il y a donc une suite de mesures de protection qui ne s'excluent pas.

M. Alex Shepherd: J'aimerais revenir à ce qu'a dit Mario. Si on a déjà exclu la possibilité que l'avion se transforme en missile guidé, on a réduit considérablement le facteur de risque. Il s'agit ensuite de se prémunir contre un éventuel forcené qui voudrait tuer des passagers. Il peut le faire au sol, il peut aussi le faire dans l'avion. En on revient donc à l'idée des gardes armés dans le métro et partout, car les conséquences des événements de ce genre sont tout aussi graves à bord d'un avion qu'au sol.

M. James Lyon: Dans le métro, les conséquences sont moins graves qu'à bord d'un avion. Si j'assistais dans le métro à des incidents au cours desquels des passagers seraient pris en otage par des fanatiques religieux ou des fanatiques de quelque autre nature, je serais bien content de trouver un policier dans mon wagon.

M. Alex Shepherd: Ma dernière question est la suivante: Ces deux hypothèses ne reposent sur aucune statistique, n'est-ce pas? Aucun fondement statistique ne permet d'établir que des gardes de sécurité aérienne armés à bord des avions permettront de réduire l'incidence des détournements d'avion.

M. James Lyon: Non. On en revient à ce que vous disiez à propos de votre voyage en avion en Inde. Vous avez considéré deux éléments, et le deuxième était un argument subjectif de votre part, à savoir que vous vous êtes demandé pourquoi ce garde était là. Vous ne le saviez pas d'avance et vous n'étiez guère enchanté de le voir là; sa présence a donc eu l'effet inverse. C'est une possibilité.

M. Alex Shepherd: Merci.

Le président: Monsieur Proulx.

M. Marcel Proulx (Hull—Aylmer, Lib.): Merci, monsieur le président.

Merci d'être des nôtres ce matin.

• 1140

Comme mes collègues, je peux vous dire que je ne suis pas favorable à la formule des pilotes armés, des gardes armés, et tout le reste. Personnellement, je considère qu'il faut fixer des limites à cette tendance. Si on met un garde armé à bord des avions, faudra-t-il en mettre un deuxième pour surveiller le premier au cas où il perdrait la tête? On n'en sort pas.

Pourquoi ne pas s'attacher strictement à la prévention, en confiant le contrôle à des préposés qualifiés, spécialement formés, et non pas au premier venu payé au salaire minimum? Si on affectait des agents à la garde des avions au sol, comme vous l'avez mentionné, personne ne pourrait y déposer des armes. Pourquoi ne pas imposer la fouille complète des passagers et des bagages à main? Peut-être est-il temps de décréter qu'on ne pourra plus apporter de bagages à main à bord des avions, et que les passagers n'auront droit qu'aux magazines ou aux journaux fournis par la compagnie aérienne. C'est peut-être vers cela qu'on se dirige. Quand on prend l'avion, on voit des passagers qui peuvent à peine se déplacer dans l'allée, tant leurs bagages sont volumineux. Peut-être est-il temps de mettre un terme à tout cela. Il serait plus facile de contrôler efficacement chaque passager.

Peut-être ne faudrait-il pas se contenter de portes verrouillées et renforcées. La cabine de pilotage pourrait être totalement inaccessible, sauf par une porte extérieure. Dans ce cas, si le contrôle des passagers est défectueux et qu'il se produit quelque chose dans l'avion, celui-ci ne pourra pas être détourné comme il peut l'être actuellement.

Compte tenu de votre expérience, pensez-vous que les mesures actuelles de contrôle sont suffisamment sûres ou pensez-vous que le gouvernement fédéral devrait s'en charger en les confiant à des militaires ou des policiers spécialement formés? Qu'en pensez-vous? Et renonçons aux armes à feu à bord des avions, que ce soit pour le pilote... Vous avez vous-même été pilote, n'est-ce pas?

M. James Lyon: Oui.

M. Marcel Proulx: Êtes-vous habilité à vous servir d'une arme à feu?

M. James Lyon: Eh bien, j'en ai utilisé beaucoup, oui.

M. Marcel Proulx: Ah, tant mieux pour vous.

M. James Lyon: Cela rejoint ce que vous dites.

M. Marcel Proulx: Alors la question sera de savoir si nous voulons que nos pilotes deviennent des policiers ou si nous voulons que nos policiers deviennent des pilotes? Quoi qu'il en soit, que pensez-vous des autres suggestions?

M. James Lyon: Monsieur, je ne parlerai pas des armes à feu.

M. Marcel Proulx: Bien.

M. James Lyon: Je ne nommerai pas de lignes aériennes, je ne vais pas faire ça, mais j'ai travaillé par le passé pour des lignes aériennes qui, pourrait-on dire, étaient ciblées. Les lignes aériennes s'occupent de leur propre sécurité, et je peux vous assurer que les lignes aériennes pour lesquelles je travaillais et qui étaient ciblées consacraient à cette question beaucoup plus de réflexion et d'efforts que les autres.

M. Marcel Proulx: Dans la sélection du personnel?

M. James Lyon: Oui, à savoir qui on engageait, qui on gardait, ce que le personnel faisait, et toutes ces choses dont nous parlons maintenant, dont certaines questions qu'on préfère éviter, comme le profilage et le reste. Et elles faisaient ça parce qu'elles avaient vécu des choses graves par le passé.

C'est facile de critiquer, et on entend dire que les personnes qui procèdent au contrôle des passagers sont payées à l'heure, qu'elles sont au plus bas de l'échelle dans le marché du travail, etc. Est-ce bien juste? Si on engageait des commandos des Fusiliers marins ou d'une autre unité, ils se lasseraient vite de ce genre de travail parce que c'est un travail très routinier. Il faut trouver une sorte d'équilibre et avoir des gens qui vont faire leur travail et qui vont rester éveillés en le faisant. Je ne dis pas ça pour être méchant, après tout c'est un travail de routine, il y a des centaines de gens qui passent en coup de vent, des enfants, etc., et tout cela peut être très fastidieux. Je crois que je serais plus tranquille comme passager—et j'en fais le fondement de mon raisonnement—si le gouvernement s'occupait de cela à la place des lignes aériennes.

M. Marcel Proulx: Merci.

Le président: André, vous pouvez poser une petite question avant de céder la place à Val.

[Français]

M. André Harvey (Chicoutimi—Le Fjord, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

J'aimerais connaître le rôle que votre organisme joue dans l'élaboration, la révision et, possiblement, la modification des règlements quant à la sécurité dans les transports. Quel est votre rôle auprès de Transports Canada? Avez-vous un rôle qui se continue?

• 1145

[Traduction]

M. James Lyon: Je peux peut-être dire une chose au départ. Comme l'a dit un jour Winston Churchill,

[Français]

«Hommes de la France, ayez peur, je vais parler français.» Je m'excuse de parler français parce que je ne le parle pas, mais bon...

Notre organisation prend part aux activités de Transports Canada. Nous sommes invités à CCRAC. C'est un comité, un groupe de discussion. Nous participons aux travaux de ce comité. Nous ne sommes qu'un petit nombre de personnes. Nous nous finançons nous-mêmes. Il est donc difficile parfois de faire tout ce que nous voudrions faire. Nous connaissons nos collègues les contrôleurs. Nous discutons aussi avec Transports Canada, et nous avons un certain input dans les règlements.

M. André Harvey: J'ai une petite question supplémentaire.

Vous devez aussi être en relation avec l'Association des transporteurs européens. Je voudrais vérifier si ce que l'on m'a dit au sujet d'Airbus est exact. Airbus aurait décrété que tous les cockpits seraient hermétiquement fermés du côté des passagers. Si tel est le cas pour toutes les compagnies, c'est-à-dire que les cockpits seront hermétiquement fermés—Boeing aussi est en train de fermer hermétiquement ses cockpits—et s'il n'y a aucun passager qui peut monter à bord d'un avion avec un AK-44 et que tous les passagers sont complètement démunis d'armes, pourquoi, à ce moment-là, aurions-nous besoin de personnel armé pour assurer la sécurité?

M. James Lyon: Vous avez raison en partie.

M. André Harvey: Je vous remercie, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Val.

Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, PC/RD): Merci, monsieur le président.

Je crois que nous parlons de degrés, de degrés de sécurité, de degrés de réaction, de degrés de dissuasion. Mon expérience à moi remonte à l'époque des pilotes de brousse dans le Nord, et il y avait des mesures de protection dans les petits aéroports. Il fallait par exemple un numéro pour avoir accès à l'aire de trafic de l'aéroport. La sécurité d'un aéroport tient à la nature des personnes qui y vont. Je ne crois pas qu'il existe d'aéroports canadiens où il n'y a pas de petits aéronefs qui échappent au contrôle auquel sont soumis les grandes lignes aériennes ou les vols internationaux. On ne peut donc se protéger contre des forces extérieures que jusqu'à un certain point.

Ce que je vois ici—et je ne dirais pas qu'il s'agit d'une réaction excessive—c'est qu'on parle de tout en même temps, et il y a des degrés qui sont nécessaires et d'autres qui ne le sont pas. Je n'éprouve pas la même angoisse à l'idée d'avoir à bord de certains avions des agents de sécurité aérienne, mais je crois encore là qu'il s'agit d'une question de degré. On n'a pas besoin d'agents de sécurité aérienne dans tous les avions qui volent au Canada. Il s'agit donc d'évaluer le risque, d'évaluer ces vols à haut risque, ces secteurs à haut risque. Dans certains cas, on voudra qu'il y ait à bord un agent de sécurité aérienne. Comme d'autres, je répugne à ce que l'on arme l'équipage, et il n'y a qu'à voir la situation qu'on a avec Air Canada et de Lignes aériennes Canadien pour se demander si on veut vraiment que les gens qui sont dans le poste de pilotage, lorsqu'ils sont deux aux commandes, aient sur eux des armes qui pourraient être utilisées?

Je crois donc qu'il faut évaluer les risques, il faut se pencher sur les mesures dissuasives. Qu'est-ce qui dissuaderait quelqu'un, qu'il s'agisse d'un terroriste ou d'un autre, de pénétrer dans le poste de pilotage et de s'en prendre à l'équipage à cette altitude-là? Et il faut vraiment se demander quels moyens l'on peut prendre? Vous avez fait des suggestions. Nous pouvons nous aussi faire des recommandations aux constructeurs d'avions qui feront état de certaines attentes du public voyageur. Ils comprennent qu'ils n'auront d'avenir que si les gens prennent l'avion, et si les gens ne se sentent pas en sécurité, ils ne prendront pas l'avion, et les constructeurs ne vendront pas d'avions. Il y a donc des recommandations que nous pouvons adresser aux constructeurs.

Mon collègue du Bloc a soulevé cette question. Il y a un coût à tout cela. Les gouvernements peuvent faire des recommandations, comme vous l'avez fait, au sujet des agents de sécurité aérienne. Vous êtes tout à fait en faveur de cela, il y en a d'autres qui sont tout à fait contre. Je crois donc qu'il faudra songer à cela.

• 1150

Pour ce qui est de l'évaluation des risques, du degré auquel on peut réagir à une évaluation des risques, de la valeur dissuasive de ces mesures, que recommandez-vous à partir de la liste de sept ou huit points, je ne sais trop combien, pour mesurer le risque, pour que l'on prenne ainsi des mesures dissuasives mais sans réagir à un degré qui ne serait pas acceptable?

M. James Lyon: Notre liste ne dit pas qu'il faut qu'il y ait un agent de sécurité aérienne à bord de chaque avion; nous disons plutôt qu'il faut évaluer l'importance relative du vol. Mais s'il y a une chose qui va sûrement mettre un terme à cette tactique absolument nouvelle, où l'avion devient un missile guidé, il faut faire ce que le monsieur a dit, à savoir isoler complètement le poste de pilotage de la cabine passagers.

Mme Val Meredith: Vous recommanderiez donc cela aux lignes aériennes. J'imagine qu'elles ont déjà pris cette mesure en se fondant sur leur évaluation des événements.

M. James Lyon: Ça ne leur plaît pas, parce que ça leur coûte cher, etc.

Mme Val Meredith: J'imagine que les lignes aériennes tiennent probablement compte des facteurs de responsabilité et qu'elles ont compris qu'il en coûte moins cher d'isoler le poste de pilotage que de remplacer les avions et les personnes.

M. James Lyon: Oui.

Mme Val Meredith: Cela étant dit, vous recommandez principalement que les constructeurs et les gouvernements protègent le poste de pilotage, en renforçant les portes ou autrement.

J'aimerais délaisser la question des avions et revenir à ce que vous avez dit au sujet des aéroports. L'aéroport de Toronto est impressionnant, mais encore là, son degré de protection est tributaire des avions qui y atterrissent. Dans quelle mesure cela peut-il devenir une préoccupation d'ordre international? De quel véhicule disposez-vous, étant donné que votre association se préoccupe de sécurité aérienne, pour rejoindre davantage la communauté internationale, soit ces associations aux États-Unis, en Amérique du Sud, au Mexique, en Europe, dans d'autres parties du monde, qui partagent vos préoccupations?

M. James Lyon: Soit dit en passant, il n'y a pas beaucoup d'associations comme la nôtre ailleurs dans le monde. Nous avons des liens très étroits avec une association mondiale mais basée aux États-Unis qui s'appelle l'International Aviation Safety Association. Soit dit en passant, elle est financée par son président, qui est la veuve de l'un des passagers du vol 111 de la Swissair Air. Elle a consacré sa fortune à la création de cette organisation. Elle a longuement consulté la U.S. Federal Aviation Administration. Elle a travaillé avec l'ancien vice-président Gore. Elle a travaillé avec la radio, la télé, etc. Elle a établi un réseau, où nous sommes présents, de pilotes d'essai, d'anciens mécaniciens navigants, d'experts de toutes sortes aux États-Unis, en Australie, en Angleterre, aux Pays-Bas et en France. Nous partageons des renseignements tous les jours. Nous essayons donc de collaborer avec cette association.

Mme Val Meredith: Donc vous partagez des informations, mais votre organisation n'est toujours pas en mesure d'influencer la communauté internationale en vue de l'adoption de mesures de sécurité uniformes.

M. James Lyon: Je dois vous dire que nous en faisons beaucoup moins que nous voudrions parce que toutes ces activités sont menées à nos frais et dans nos temps libres à nous. Mais cela ne veut pas dire que nous n'obtenons pas de résultats.

Le contexte est un peu différent, mais l'une des personnes que l'IASA a souvent consultées est un expert de la pose de fils dans les avions. Je me rappelle avoir été à Washington, à la FAA d'ailleurs, où j'ai rencontré l'administrateur de la FAA il y a un peu moins de deux ans de cela, à l'époque où l'un des très hauts fonctionnaires de la FAA disait que les fils, ce ne sont que des fils. Nous disions pour notre part que nous n'étions pas tout à fait d'accord; si on emploie un certain genre d'isolant et que celui-ci vieillit, qu'il se fendille et s'expose à l'humidité, et que du courant passe dans les fils, cet isolant cesse en fait d'être un isolant et devient un conducteur, et pas seulement un conducteur, mais un conducteur explosif. L'IASA a donc été invitée à faire connaître ses vues au groupe de travail du vice-président sur le câblage dans les avions, alors qu'il n'y a pas si longtemps que cela, on disait que cette idée était ridicule, fausse, absurde, mais maintenant on y accorde beaucoup d'intérêt.

• 1155

L'IASA a de la chance parce qu'elle a l'argent qui lui faut pour faire ce travail. Il est malheureux que ce pauvre homme ait été tué, bien sûr, mais il est heureux que l'IASA se consacre à cette question.

Mme Val Meredith: D'accord. Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup.

Voulez-vous intervenir rapidement, Darrel, avant que M. Thurger fasse sa déclaration?

M. Darrel Stinson: Oui, j'ai en fait quelques observations à faire.

À mon avis, les gens ont tendance à croire que de telles choses n'arriveront pas au Canada. Je pense que c'est très naïf de leur part de penser une chose pareille. Le 11 septembre a inauguré un chapitre entièrement nouveau. On avait reçu des tas d'avertissements et on disait que ces événements pouvaient se produire. Non seulement on disait que ça pouvait se produire, mais que le Canada, à cause de la sécurité relâchée, pourrait être utilisé, nos lignes aériennes pourraient être utilisées, et étant donné que nous avons des vols intercontinentaux chez nous, on pourrait utiliser nos avions dans un autre pays. J'ai entendu parler de ces gens à bord de nos avions qui avaient des couteaux polyvalents ou cutters—ces gens ont été refoulés. J'ai entendu parler de ces armes à feu qui ont franchi nos dispositifs de sécurité. Voyons les choses en face. Si un terroriste veut monter à bord, il saura comment s'y prendre. J'ai sur moi diverses choses qui pourraient servir d'armes, comme cet étui—vous n'avez qu'à le presser, et ça sort. Quoi qu'on dise, on ne peut pas contrôler à 100 p. 100 ces personnes qui vont monter à bord avec divers types d'armes.

Je reviens donc à ce qu'Israël fait. Ça fait plusieurs années qu'Israël vit avec cette situation, donc pourquoi ne pas aller voir ce que font ces autres pays, voir exactement quelles mesures ils ont en place afin de nous en inspirer?

M. James Lyon: J'imagine, et j'espère, que les Canadiens voient ce qui se fait ailleurs.

En 1890 et 1900, il existait ce qu'on appelait les anarchistes. Ils avaient toujours entre les mains un machin sur lequel il était écrit «bombe» avec une mèche qui en sortait—mais c'était de vrais anarchistes. Et de là, nous avons eu Boys Own Paper et diverses variantes, James Bond, le méchant qui imagine quelque stratagème pour empoisonner tout le réseau d'aqueduc ou autre chose, et bien sûr, le héros arrive toujours au bon moment pour le déjouer. Et tout le monde qui croyait que cela ne pourrait jamais arriver.

Oui, ça peut arriver—et c'est arrivé. Eh oui, le Canada, pour ceux d'entre nous qui vivent ici—et je pense que cela fait partie de l'horizon normal de l'esprit humain—c'est chez nous, nous avons des frontières, et tout le reste est loin. Mais si vous êtes dans l'industrie de l'aviation, il n'y a rien de loin. Vous montez à bord de l'avion et vous allez où vous voulez, que ça vous prenne 10 minutes ou 10 heures, peu importe. Les gens dans l'industrie—et je suis cela quotidiennement—disent, bon, il y a moins d'emplois aux États-Unis depuis qu'on a fait des compressions—est-ce qu'il y a du travail au Canada? Eh bien, il y a peut-être des emplois au Canada. Y a-t-il des emplois en Australie? Les gens sont tout le temps en mouvement. Lorsque j'étais enfant en Grande-Bretagne, l'Amérique, c'était loin, à l'autre bout du monde. De nos jours, les aspirants pilotes du Royaume-Uni qui veulent être formés constatent qu'il est meilleur marché d'aller en Floride pour y être formé. Quand j'étais jeune, quand j'étais dans l'aviation, on n'aurait jamais entendu une chose pareille. L'Amérique était un continent lointain, même si la guerre venait tout juste de se terminer.

Le président: D'accord.

Avant de passer à M. Thurger, j'aimerais faire le point.

Premièrement—je m'adresse à nos attachés de recherche—il faut repérer ces individus. Si on peut empêcher ces individus de monter à bord de l'avion, et c'est le mieux qu'on puisse faire, il faut commencer par avoir de bons renseignements.

Je crois comprendre aussi qu'un certain nombre d'organismes, dont la FAA, ont pris des mesures pour éviter que certaines choses se reproduisent. Ils ont essayé de se protéger contre ces événements.

Mais je crois comprendre autre chose aussi. Peu importe qui s'occupe du contrôle des passagers à l'aéroport, non seulement il faut avoir des gens très bien formés et motivés, il faut aussi qu'il y ait rotation de ce personnel, et cela devrait peut-être faire partie de notre recommandation. On fait la même chose avec les chiens. Quand on a un chien renifleur de drogue qui n'en trouve jamais et qui est quand même récompensé, il se conduit d'une drôle de manière, non? Il faut donc toujours conserver cette comparaison à l'esprit, et une partie du problème tient au fait que ces gens doivent faire une rotation, pour éviter qu'ils s'ennuient, ou il faut faire certaines choses pour qu'ils demeurent constamment en état d'alerte.

Je cède la parole à M. Thurger. Vous avez entre 10 et 15 minutes, et ensuite nous vous poserons des questions, après quoi, tous les témoins pourront répondre aussi.

• 1200

M. Robert Thurger: Je vis dans le monde des contrôleurs aériens; je parle donc très rapidement en me servant de peu de mots.

Tout d'abord, merci beaucoup de m'avoir invité aujourd'hui. Je représente l'Association canadienne du contrôle du trafic aérien, qui s'est récemment jointe aux TCA. Mon association compte plus de 2 100 membres, dont environ 1 700 ou 1 800 sont des contrôleurs aériens en règle. Qu'est-ce que cela représente? C'est grâce à ces personnes que vos avions sont en sécurité. Lorsque vous prenez l'avion au Canada, ce sont ces personnes qui s'assurent que les avions n'entrent pas en collision. C'est notre travail, c'est ce que nous faisons tous les jours. Le 11 septembre, nous avons accueilli 200 avions de plus et les avons fait atterrir partout au Canada le plus vite possible.

Je vais vous expliquer un peu en quoi consiste le système parce que partout où je vais pour parler des contrôleurs aériens, il y a beaucoup de gens qui ne comprennent pas ce que nous faisons. Il y a des couloirs aériens qui partent de la tour de l'Aéroport international d'Ottawa et qui s'élargissent sans cesse jusqu'au point où ils couvrent tout l'espace aérien du Canada dont nous sommes responsables. Ces couloirs ne se chevauchent jamais, ils sont tous voisins les uns des autres. Nous avons 43 tours, 7 centres de contrôle et une unité de contrôle terminal, et chaque installation contrôle un couloir aérien au Canada et elles accueillent les avions qui doivent entrer dans l'espace aérien du Canada.

Donc, lorsqu'un incident comme celui-ci se produit, vous pouvez imaginer la coordination que nous devons assurer, tant pour nos homologues internationaux, qu'ils soient en Europe ou ailleurs, pour les vols transcontinentaux, les vols internationaux ou les vols en provenance des États-Unis, étant donné que nous faisons affaire avec les Américains plus régulièrement sur une base quotidienne.

Notre préoccupation concernant la sécurité est double. Premièrement, le double emploi n'existe pas dans notre travail. En ma qualité de contrôleur aérien, je suis responsable d'un couloir aérien. Ce qui m'oblige à comprendre les règles qui régissent ce couloir aérien, les routes du ciel, qui forment pour nous une sorte de carte routière, mais qui se trouve dans le ciel. Je connais les altitudes, je connais les régions montagneuses, je connais les restrictions. Je sais à quelle altitude, élevée ou basse, les avions peuvent voler à l'intérieur de ce couloir aérien. La personne qui est assise à côté de moi ne sait absolument rien de ce que je fais, elle ne sait rien. Tout ce qu'elle sait, c'est que je vais lui confier un avion à l'intérieur d'un certain délai, et elle va se servir de ce qu'elle sait sur cet avion pour le faire passer dans son espace aérien à elle.

Donc, lorsqu'on considère les éléments de sécurité qui sont associés à notre industrie, on se demande ce qui se serait passé le 11 septembre si l'un de ces avions avait heurté l'un de nos immeubles? Comme vous pouvez le voir dans notre documentation, les contrôleurs aériens se retrouvent essentiellement dans les sept centres de contrôle. Soixante-deux pour cent de nos membres sont logés dans cet immeuble. Si l'un de ces avions frappe l'un de ces immeubles, personne chez nous n'est formé pour dire, je connais ton couloir aérien, je vais prendre ta place. Je ne peux pas me prononcer là-dessus, mais on se demande si d'autres que nous auraient la capacité et la technologie voulues pour faire notre travail aussi bien. Une bonne partie de notre environnement de travail figure sur un radar. J'ai un écran radar qui décrit mon couloir aérien à moi, et il en est ainsi pour les autres contrôleurs aériens du Canada. On se demande donc si le fournisseur de service a la capacité technologique qu'il faut pour transférer ces images radar à nos divers collègues à l'intérieur du système.

Nous nous préoccupons aussi des immeubles eux-mêmes. Dans les sept grands centres que nous avons, il n'y a probablement qu'un seul immeuble protégé. Vous avez parlé de la porte arrière à Toronto. Je crois que la porte arrière à Toronto n'est plus celle que les gens croyaient. Il s'agissait d'une route d'accès qui vous permettait d'entrer dans le centre de contrôle et la tour de Toronto, soit à un jet de pierre des avions. Cette route était ouverte à tous.

M. John Cannis: S'agit-il d'une voie publique?

M. Robert Thurger: Oui, c'est une voie publique.

Donc, mes collègues sont allés voir les autorités pour leur demander qui on laissait passer parce que nous avions de gros problèmes de sécurité ce jour-là. Nous avons voulu savoir combien de gens passaient par là. Les responsables sont allés voir. Ils ont emmené avec eux deux employés qui arrêtaient les gens pour leur demander de s'identifier, mais la seule question qu'ils posaient était, que faites-vous là? Il y avait des gens au volant de grands fourgons blancs qui répondaient simplement: Je suis dans la construction. Il y a beaucoup de construction à Toronto, cela se comprend, mais un accès aussi libre à nos installations pose un problème de sécurité.

• 1205

À Montréal, nous avons une clôture qui cerne le centre de contrôle. Il faut un laissez-passer pour entrer et sortir. C'est le genre de sécurité qui protégerait à tout le moins les personnes qui se trouvent à l'intérieur de ces immeubles. Ces 1 700 personnes sont les seules qui savent comment faire ce travail au Canada. Le taux de succès de ceux qui veulent devenir contrôleur aérien autorisé est d'environ 30 p. 100, et il faut pour cela en moyenne près de deux années d'études.

Notre industrie doit être mieux protégée. Nos permis de travail sont régis par Transports Canada. Je sais que toutes les personnes qui sont engagées sont soumises à une enquête de sécurité. Je ne sais pas à quel niveau elle se situe, mais Transports Canada doit examiner la situation et se demander: L'habilitation sécuritaire de ces femmes et de ces hommes qui font ce travail est-elle suffisante?

Enfin, nous nous préoccupons de la sécurité des personnes qui travaillent à l'intérieur de ces immeubles. De toute évidence, il n'y a pas que des contrôleurs aériens dans les tours et les centres de contrôle, il y a d'autres employés aussi. Ces personnes ont un accès incroyable aux rouages du système. Si vous êtes responsable d'un secteur de l'espace aérien, vous travaillez souvent seul. Il n'y a personne pour vous épauler. Vous êtes la seule personne responsable du maintien d'un écart sécuritaire entre tous les avions. S'il y a sur place des personnes qui ne sont pas des contrôleurs aériens autorisés ou qui n'ont pas le même niveau d'habilitation sécuritaire mais qui ont quand même accès aux salles opérationnelles, alors il y a lieu d'examiner leur niveau d'habilitation sécuritaire et de se demander: Que devons-nous faire pour nous assurer que les personnes qui travaillent à l'intérieur des immeubles sont en sécurité et que les informations que les contrôleurs recueillent dans la salle d'opération ne tombent pas entre les mains de malfaiteurs?

Je n'ai pas une longue liste de recommandations, mais chose certaine, je veux vous faire part de certaines inquiétudes. À mon avis, les grands centres et les tours du Canada doivent être mieux protégés et clôturés. Je sais qu'à Toronto, l'administration aéroportuaire du Grand Toronto a récemment annoncé qu'elle érigerait une clôture autour du centre de contrôle et de la tour. C'est une bonne nouvelle pour nos membres, mais il faudrait en faire autant partout au Canada. Il y a un certain nombre d'installations très importantes au Canada où la sécurité fait problème.

Il faut également avoir des exercices de simulation pour que les contrôleurs apprennent à prendre en charge les autres espaces aériens. Si quelque chose se produit dans l'un de nos centres, il faut que les gens soient formés à la maîtrise des autres couloirs aériens, ne serait-ce que pour les neutraliser, comme on l'a fait le 11 septembre, en écartant tous les avions de l'espace aérien.

Tel est le genre d'approches qu'il faut adopter si l'on veut protéger les personnes qui maintiennent les avions à bonne distance les uns des autres.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Thurger.

Avant de passer à Mario pour les questions, j'aimerais savoir si votre association discute parfois avec les responsables de la sécurité?

M. Robert Thurger: Non.

Le président: Je crois qu'il y a une sorte de fossé ici parce que l'on prend des mesures, il existe des niveaux de sécurité, et on engage des personnes que vous devriez peut-être connaître.

M. Robert Thurger: Je sais qu'il y a des degrés de sécurité dans le processus d'habilitation sécuritaire des contrôleurs aériens. J'ignore en quoi consiste ces niveaux.

Le président: Je crois qu'il devrait y avoir une certaine communication entre les contrôleurs et les responsables de la sécurité, pour que vous sachiez dans quelle mesure vous êtes protégé, ou si vous avez des inquiétudes, vous devriez pouvoir vous adresser à eux.

Mario.

[Français]

M. Mario Laframboise: Je me pose juste certaines questions. Vous avez ciblé Transports Canada pour les problèmes de sécurité et je pense qu'il faudra... Depuis 1987, c'est Transports Canada qui supervise la sécurité dans les aéroports. Avant, c'était la GRC. C'est un choix, une politique, et ce n'est pas le gouvernement libéral qui l'a adoptée. À l'époque, c'était un autre gouvernement.

Vous avez tout à fait raison. Il va falloir que des spécialistes de la criminalité et du terrorisme s'occupent de la sécurité dans les aéroports. Transports Canada est un organisme civil dirigé par des civils, et cela donne ces résultats-là. En matière de sécurité, on s'est beaucoup plus préoccupés des coûts que les compagnies aériennes devaient assumer qu'on s'est occupés véritablement de sécurité. C'est ce qu'a fait Transports Canada au cours des 13 ou 14 dernières années. Donc, la réalité nous rattrape aujourd'hui.

Les compagnies aériennes sont en partie responsables de la sécurité. Les administrations sont en partie responsables de la sécurité. Mais ce sont des organismes civils; ce ne sont pas des organismes spécialistes du terrorisme ou de la criminalité. Je pense qu'il faudra que le gouvernement décide de donner à des spécialistes le contrôle de la sécurité, et vous avez tout à fait raison.

• 1210

Il ne faut pas avoir peur de blâmer Transports Canada. C'est une dure réalité. C'est contrôlé par les civils et on s'est plus intéressés aux dépenses des compagnies aériennes, à leur rentabilité et à ce que ça rapporte aux actionnaires qu'on s'est occupés véritablement de la sécurité.

Pour les programmes de sécurité qui ont été administrés par Transports Canada avec les compagnies aériennes, il faut comprendre que les employés n'étaient pas présents lors des programmes de formation continue ou quoi que ce soit. C'était dirigé par Transports Canada et les compagnies aériennes, et ça a donné les résultats que nous avons aujourd'hui. Il faut comprendre que les employés, tous les employés du secteur aérien—vous en faites partie—sont ceux qui ont été les plus stables de toute l'industrie aérienne au cours des 40 dernières années.

Les compagnies aériennes ont changé de propriétaires à tour de bras. Ça ne finit pas. Il faut véritablement faire confiance à ceux qui travaillent dans le milieu, et je pense qu'il faut faire confiance aussi à des organismes qui sont spécialisées dans la criminalité et le terrorisme. Il faut redonner à la GRC le pouvoir qu'elle avait avant 1987 de contrôler la sécurité dans les aéroports. Je vous demande, dans un premier temps, ce que vous en pensez.

Deuxièmement, en ce qui a trait à la sécurité dans les avions, j'ai de la difficulté à comprendre, avec la technologie par satellite et tout ça, qu'on ne soit pas capables d'avoir un genre de contrôle qui aurait rapport directement avec vous qui êtes au radar, quand il y a un problème. J'ai de la difficulté à comprendre qu'on ne soit pas capables d'inventer une technologie qui permettrait un contrôle rapide, qui pourrait être entre les mains du pilote, pour être capables de réagir tout de suite. J'ai de la difficulté à comprendre cela. On est à l'ère des satellites, des communications sans fil. J'ai de la difficulté à comprendre qu'on n'ait pas inventé ou qu'on ne pense pas à avoir quelque chose qui pourrait directement vous alerter pour dire qu'il y a un problème.

M. Robert Thurger: Le 11 septembre, les contrôleurs aériens savaient qu'il y avait un problème. Immédiatement, quand l'avion a tourné vers le sud, vers Washington, ils savaient qu'il y avait un problème, mais ils ne savaient pas ce qu'il fallait faire. Personne ne savait quelle était l'intention du pilote ou des terroristes, mais on savait qu'il y avait un problème.

Tous les avions traversent des routes et on sait quelles sont ces routes. Alors, s'ils tournent, s'ils traversent ailleurs, on leur demande ce qu'ils font, s'il y a un problème.

Le 11 septembre, s'ils n'ont pas répondu, la seule façon pour le contrôleur de s'assurer que l'espace aérien était sécuritaire, c'était d'éloigner tous les autres avions et de laisser ceux-là faire ce qu'ils voulaient faire. Il n'y avait pas d'indications permettant de comprendre pourquoi ils dirigeaient cet avion sur les tours à bureaux. Pour eux, il n'y avait rien à faire, sauf assurer la sécurité de l'espace aérien.

M. Mario Laframboise: Quant à la possibilité de confier de nouveau tout le concept de la sécurité dans les aéroports à la GRC, trouvez-vous que cela serait raisonnable?

M. Robert Thurger: Je pense que cela ne doit pas être la responsabilité de quelqu'un qui doit assurer un profit. Si c'est quelqu'un qui se préoccupe de savoir combien il en coûte pour avoir six ou sept personnes ou pour avoir telle pièce d'équipement, il va toujours regarder le bottom line.

On voit la même chose dans notre industrie. S'il y a trois personnes ou deux personnes qui peuvent contrôler l'espace aérien, on demande toujours combien ça coûte. L'équipement qu'on utilise, on demande combien ça coûte. Dans notre profession, s'il y a un compromis à faire en matière de sécurité du système de navigation aérienne et que l'on regarde le bottom line, ça ne marche pas. Alors, oui.

• 1215

[Traduction]

Le président: Merci, Mario.

Monsieur Cannis, vous avez la parole.

M. John Cannis: Merci, monsieur le président.

Vous avez parlé de la prise en charge de l'espace aérien. Pouvez-vous me donner plus de détails? En cas de crise ou de problème, qui doit prendre en charge l'espace aérien? De qui parlez-vous, de l'armée?

M. Robert Thurger: Non. Pour ce qui est des couloirs aériens, le 11 septembre, la FAA a fermé son espace aérien. Pour commencer, tous les avions ont été cloués au sol. Tout avion qui était dans les airs devait atterrir le plus vite possible. La FAA nous a téléphoné pour nous dire que personne ne serait autorisé à pénétrer l'espace aérien de la FAA, il fallait donc que tous ces avions reviennent au sol. Les avions internationaux qui avaient parcouru moins de la moitié du chemin ont reçu l'ordre de faire demi-tour et de regagner leur point de départ. Donc, dans un cas comme celui-là, il faut rappeler les avions au sol, et les autorités qui sont responsables de l'espace aérien ont cette responsabilité et font le travail requis.

Si l'une des installations responsables de l'espace aérien devait être attaquée... Prenons Toronto par exemple; l'installation là-bas est responsable d'un espace aérien considérable. Les États-Unis ont accès à une partie de cet espace, et ils contrôlaient une partie de cet espace par le passé. Donc si le CCR de Toronto était attaqué, par exemple, que pourraient faire les CCR avoisinants? Dans d'autres cas, si c'est Toronto qui est attaqué, il vous reste Winnipeg, Montréal et Ottawa. Ces centres connaissent tous essentiellement l'espace aérien entourant Toronto. À ces centres s'ajoutent aussi les autorités américaines au sud. Donc des questions se posent: Que peuvent faire les centres avoisinant le CCR de Toronto pour retracer ces avions et les retirer en toute sécurité de cet espace aérien? Quelle formation a-t-on donnée à ces contrôleurs pour le cas où cela arriverait?

M. John Cannis: D'accord.

Avant de parler des contrôleurs, je voudrais un peu d'explication. Vous avez dit qu'on avait engagé des jeunes gens pour protéger ce secteur. Que voulez-vous dire par là exactement? S'agissait-il d'étudiants universitaires qu'on avait engagés pour quelques jours?

M. Robert Thurger: Les gens que nous avons envoyés là-bas nous ont dit qu'ils avaient l'air très jeunes, peut-être 18, 20 ou 22 ans.

M. John Cannis: Qui a engagé ces jeunes?

M. Robert Thurger: L'administration aéroportuaire du Grand Toronto, je crois.

M. John Cannis: L'AAGT. D'accord.

Aux États-Unis, qui est responsable des contrôleurs aériens? Est-ce le gouvernement?

M. Robert Thurger: C'est la FAA.

M. John Cannis: Qui est responsable au Canada?

M. Robert Thurger: C'est NAV CANADA.

M. John Cannis: Qu'est-ce que NAV CANADA?

M. Robert Thurger: C'est l'organisation qui a remplacé Transports Canada en 1996. C'est une organisation sans but lucratif qui fournit des services de navigation aérienne.

M. John Cannis: Mais une telle organisation doit toujours faire ses frais, n'est-ce pas?

M. Robert Thurger: Il s'agit d'une organisation sans but lucratif, mais le conseil d'administration de NAV CANADA comprend six personnes représentant l'industrie aérienne. Donc si les tarifs que peut exiger NAV CANADA baissent, de toute évidence, l'industrie aérienne devient plus rentable.

M. John Cannis: Le gouvernement n'a pas son mot à dire? Ici, lorsque les choses vont bien, on dit que c'est grâce aux circonstances, au climat, vous savez, et les gens dépensent. Quand ça va mal, peu importe la cause, on blâme le gouvernement. Faut-il donc encore blâmer le gouvernement parce que NAV CANADA est gérée selon un mode sans but lucratif?

M. Robert Thurger: Non. J'estime que la seule responsabilité qui incombe au gouvernement est celle de la sécurité. Si vous me demandiez s'il y a suffisamment de ressources pour s'acquitter de cette responsabilité, je répondrais non.

M. John Cannis: Si le gouvernement n'a pas suffisamment de ressources pour bien faire son travail, qui en paye le prix?

M. Robert Thurger: Bien des gens, notamment les contrôleurs aériens, qui doivent assumer davantage de responsabilités, s'occuper d'un espace aérien plus grand, d'un volume plus important que ce qui serait souhaitable. Mais celui qui paye, en dernière analyse, c'est l'utilisateur.

M. John Cannis: Préférez-vous le système américain ou le système canadien?

M. Robert Thurger: En théorie, je crois que le système canadien est meilleur.

M. John Cannis: Pourquoi?

M. Robert Thurger: Les Canadiens ont prouvé qu'ils sont mieux en mesure d'installer de nouveaux équipements, de nouvelles tours au besoin. Moins de procédures législatives sont nécessaires.

M. John Cannis: D'où proviennent les recettes qui vous permettent d'acheter ce nouvel équipement?

M. Robert Thurger: L'argent provient des frais dont s'acquittent les utilisateurs, les lignes aériennes.

M. John Cannis: Voilà justement où je veux en venir, parce que nous parlons...

• 1220

M. Robert Thurger: J'aimerais d'abord finir ma réponse à votre question sur le système que je préfère. C'est l'avantage d'avoir un organisme à but non lucratif. L'inconvénient se situe au niveau des relations de travail, qui sont très mauvaises. Cela est attribuable en partie à la composition du conseil d'administration qui, à mon avis, devrait être revus.

M. John Cannis: On en revient toujours aux coûts; nous voulons redonner confiance aux consommateurs, aux Canadiens, aux gens en général, les amener à prendre l'avion de nouveau. C'est ce que nous tentons de faire.

Des témoins que nous avons entendus avant vous nous ont dit que ces mesures nécessiteront d'importants investissements. Monsieur Lyon, vous avez dit plus tôt que, pour nous redonner ce sentiment de sécurité, peu importe où nous allons, il faudra de l'argent. Quels sont ces coûts? Qu'est ce qui nécessitera des dépenses? Prenons l'exemple de l'Administration aéroportuaire du Grand Toronto qui perçoit une taxe d'aéroport pour améliorer les installations, l'infrastructure, etc. Si nous rehaussons le niveau de sécurité pour amener les gens à prendre l'avion de nouveau mais qu'il faut pour ce faire augmenter les coûts des déplacements par avion, les voyageurs se diront qu'ils n'ont plus les moyens de prendre l'avion.

Est-ce que vous me suivez?

M. Robert Thurger: Oui.

M. John Cannis: Alors...

M. Robert Thurger: Vous voulez savoir quelle est la réponse?

M. John Cannis: Oui.

M. Robert Thurger: Je reviens à ce que j'ai constaté depuis la prise de contrôle par NAV CANADA en 1996. On a accordé des remises équivalant à des centaines de millions de dollars aux lignes aériennes. J'ignore à quoi a servi cet argent. Il n'a certainement pas servi à réduire le prix des billets, je le sais pertinemment. Je prends l'avion chaque semaine, et les prix n'ont pas changé.

M. John Cannis: Monsieur le président, je vais conclure, si vous permettez.

Ce que je retire de ces deux témoignages, et qui ressortait aussi des observations d'autres témoins, c'est le manque de communication. Vous avez dit qu'une association avait été créée par suite de l'horrible détournement du vol 111. Cette organisation se trouve aux États-Unis. Je ne veux pas faire des Américains les boucs émissaires, mais là-bas, on a un bureau pour ceci, un office pour cela, mais les renseignements ne circulent pas. D'autres nous l'ont dit; ils nous ont dit qu'ils ne pouvaient parler en raison des ordres que leur avait donnés le gouvernement. Le gouvernement ne vous demande pas de ne pas transmettre d'information. Nous avons aussi nos sources, nos organisations qui ne savent pas communiquer les unes avec les autres. Elles détiennent toutes des informations et des idées, mais ne communiquent pas entre elles.

Vous nous avez donné des réponses, et je vous en remercie. J'ai néanmoins une suggestion: je vous conseille, à votre retour au bercail, d'améliorer vos communications avec vos organisations, vos représentants, l'ACCTA, TCA, etc. Si le gouvernement vous a donné des directives, dites-le-nous afin que nous puissions en faire part à nos collègues et aux ministres.

Merci, monsieur le président.

Le président: Val, à vous la parole.

Mme Val Meredith: Merci, monsieur le président.

Je voudrais mieux comprendre: comment obtient-on un poste de contrôleur aérien? Vous avez parlé de la sécurité des lieux, de la possibilité que les gens puissent pénétrer dans la tour ou accéder au centre de contrôle, mais il y a également la sécurité interne. Je voudrais savoir quelles compétences il faut avoir pour devenir contrôleur aérien. À votre connaissance, quelles vérifications fait-on? Combien de temps s'est écoulé entre le moment où vous avez présenté votre demande d'emploi et celui où vous avez été autorisé à occuper le poste?

M. Robert Thurger: NAV CANADA a retenu les services d'une maison de consultants chargée de leur fournir une liste de candidats à des emplois de contrôleur aérien. Ces candidats doivent avoir un diplôme de fin d'études secondaires; c'est le seul critère exigé. Il y a ensuite un processus de vérification aux fins de la sécurité. Lorsque j'ai été embauché—dans mon cas c'était par l'entremise du ministère des Transports—on a pris mes empreintes digitales et la GRC a fait les enquêtes d'usage. Je crois comprendre que c'est toujours ce qu'on fait. Je ne sais pas exactement ce que la GRC cherche à savoir, mais j'ai été jugé admissible. Je pense qu'il est bon que ces vérifications aient lieu.

Ensuite, les contrôleurs nouvellement recrutés vont à Cornwall, à l'Institut de formation de NAV CANADA. La durée du cours varie, mais elle est d'environ six mois. À Cornwall, on dispense la formation de base. Ensuite, selon le programme en vigueur à ce moment-là—il y a eu diverses modifications au fil des ans—les nouveaux employés sont envoyés directement à un centre de contrôle régional ou passent d'abord par les tours avant d'arriver à un centre de contrôle régional. Après Cornwall, la durée du stage peut n'être que de huit mois, ce qui est très court, mais elle peut également être de deux ans, si l'on passe d'abord par une tour, par exemple.

Une fois que le nouvel employé obtient sa première licence—et cela peut se produire lorsqu'il est en poste dans une tour, huit mois après Cornwall—il est autorisé à contrôler la circulation aérienne. Dans certains cas, cela signifie qu'il est déjà dans une tour de contrôle. Je sais que Kelowna et Kamloops ont deux postes de contrôle qui travaillent simultanément, mais, dans les plus petits aéroports, il y a au Canada des tours où il n'y a qu'un seul contrôleur qui travaille pendant de longues périodes, et cette personne détient le contrôle absolu pour l'aéroport en question.

• 1225

Mme Val Meredith: Poussons un peu plus loin. C'est peut-être parce que j'ai vu «À la limite», un film qui m'a dessillé les yeux. Les contrôleurs aériens sont assujettis à d'énormes pressions et à un stress considérable. Dans la formation dispensée à Cornwall, inclut-on la gestion du stress, pour essayer de distinguer les candidats qui ont la capacité psychologique de supporter le stress de ceux qui ne l'ont pas?

M. Robert Thurger: Pendant l'entrevue initiale—je l'ai moi-même vécu au cours de mon entrevue—cette capacité est un peu mise à l'épreuve. On pose des questions aux candidats en chronométrant ouvertement leur temps de réponse. Cela peut être un peu intimidant, mais il s'agit de voir si le candidat peut soutenir la pression.

La véritable épreuve se déroule en deux temps. Le premier, c'est la simulation, mais la simulation, ce n'est que cela, et tout le monde sait que ce n'est pas pour de vrai. Ce n'est donc pas vraiment une vérification de votre capacité à soutenir la pression. L'épreuve réelle, c'est ce qu'on appelle l'instruction en cours d'emploi. Tout contrôleur, une fois qu'il est autorisé à exercer son métier, finit par devenir lui-même un instructeur. Il y a donc une personne qui est branchée et qui peut, à tout moment, prendre le contrôle de la situation si le contrôleur fait des erreurs. Je serai moi-même instructeur, une fois ma compétence vérifiée.

Ce processus dure habituellement cinq, six, sept ou huit mois. Il y a un cours de trois ou six semaines qui précède cela. Comme je le disais, chacun est responsable du respect des règles dans son secteur; ce cours de trois à six semaines porte justement sur les règles. Le reste du temps sert à apprendre à faire le travail. La vérification réelle de la capacité du contrôleur à supporter la pression survient lorsqu'il est aux commandes du contrôle aérien. Personnellement, j'ai travaillé à l'aérogare de Vancouver. Lorsqu'il y a deux avions qui volent à la vitesse de 180 milles à l'heure en direction l'un de l'autre—c'est inévitable, pour parvenir à atterrir—et qu'on réussit à les faire tourner au bon moment, c'est là qu'on apprend si l'on peut ou non faire le travail.

Mme Val Meredith: Quelle surveillance exerce-t-on pour s'assurer que les contrôleurs font bien leur travail et sont efficaces?

M. Robert Thurger: Vous voulez savoir s'il y a un surveillant derrière, qui s'assure que tout le monde est bien éveillé.

Mme Val Meredith: Oui. Y a-t-il là des gens qui surveillent simplement le travail des employés, afin de voir si, par exemple, un de ces employés a besoin d'une semaine de congé?

M. Robert Thurger: Ou s'il a besoin d'aide. Est-ce cela que vous voulez dire?

Mme Val Meredith: Oui.

M. Robert Thurger: Il est censé y avoir quelqu'un, mais très souvent...

Mme Val Meredith: Y a-t-il quelqu'un?

M. Robert Thurger: Non. Très souvent, du fait des compressions d'effectif, ces surveillants se retrouvent eux-mêmes à s'occuper du contrôle de la circulation. Il est extrêmement difficile d'expliquer ce qui se passe lorsqu'on fait directement du contrôle aérien. Il faut prétendre qu'on est là à scruter des tableaux du regard en tout temps. On ne peut pas répondre à un téléphone qui sonne, il faut qu'on se concentre entièrement sur le tableau. Si vous perdez cette concentration, si, pour un instant, vous devez répondre à une question, vous devez revenir à ce tableau, vous devez refaire une image complète de la situation et vous assurer que tout va bien. Par conséquent, si les superviseurs sont en poste de contrôle, ils ne peuvent pas s'occuper de surveiller les autres. Dans beaucoup de tours et de centres de coordination de l'espace aérien, la fonction de supervision discrète n'est pas exercée.

Mme Val Meredith: Cela pourrait donc être un problème ou une préoccupation du point de vue de la sécurité, le fait que vous ayez des employés extrêmement stressés sans que personne ne surveille la façon dont ils travaillent, n'est-ce pas?

M. Robert Thurger: C'est exact.

Mme Val Meredith: La question suivante découle de ce qui précède. À qui appartient la responsabilité. Appartient-il à NAV CAN de s'assurer que la surveillance est exercée? NAV CAN est-elle assujettie à des règlements de Transports Canada? Y a-t-il des communications adéquates—vous ne pouvez peut-être pas répondre à cela—entre NAV CANADA et le ministère des Transports, en ce qui concerne le personnel, les ressources et toutes les questions connexes?

M. Robert Thurger: Je sais qu'il y a communication entre les deux. Pour ce qui est de savoir si elle est adéquate ou non, je ne peux pas vous le dire. Qui est responsable? Y a-t-il des lois? Non, il n'existe pas de lois. NAV CANADA fait une évaluation des besoins en se fondant sur une analyse des risques. Elle gère entièrement les niveaux de dotation des divers centres ou tours. Dans le cadre de la négociation collective, nous avons des discussions très vigoureuses sur la dotation et sur les niveaux appropriés. Je reçois constamment des appels de membres de notre association qui me disent: «On réduit encore le personnel.» Je leur demande: «Que s'est-il produit pendant cet incident?» Ils me répondent: «Eh bien, le surveillant était branché, il n'avait pas la capacité de voir ce qui se passait.»

• 1230

Si les événements du 11 septembre s'étaient déroulés dans l'espace aérien du Canada, un des rôles du surveillant aurait été de s'assurer qu'il y avait une coordination adéquate. Le contrôleur responsable du contrôle d'un avion qui vient tout à coup de dévier de son trajet ne s'occupe pas de ce seul avion. Il peut en avoir huit, dix, quinze ou vingt. L'étendue de la zone qu'il contrôle peut varier, mais il doit tenir compte d'un bon nombre d'autres avions.

Le surveillant est là pour faire la coordination avec la FAA, pour dire à l'oreille du contrôleur: «Eh bien, voici ce qui se passe, il faut stériliser cet espace aérien.» C'est son travail. S'il y a un accident à l'aéroport, il doit effectuer la coordination avec les aéroports avoisinants, et fermer son aéroport si, par exemple, il y a un écrasement d'avion. C'est pour cela qu'il est là. En a-t-on besoin en tout temps? Absolument. Mais pas parce qu'il y a des accidents à chaque instant. Il est l'élément nécessaire pour assurer la sécurité.

Mme Val Meredith: Vous voulez dire qu'elle n'est pas assurée?

M. Robert Thurger: Oui, je pense pouvoir vous le dire.

Mme Val Meredith: Merci.

Merci, monsieur le président.

[Français]

Le président: André Harvey.

M. André Harvey: Merci, monsieur le président.

Je veux remercier nos témoins de leur travail avec notre comité ce matin. Je pense que c'est important d'avoir l'occasion d'échanger. Un ancien premier ministre du Québec, M. Daniel Johnson, disait: «Quand je me regarde, je me désole; quand je me compare, je me console.» C'est vrai pour les individus et je pense que c'est vrai pour les organisations.

Je reviens à l'organisation du transport aérien au pays. Avant les événements du 11 septembre, l'Organisation de l'aviation civile internationale avait dit que le système de sécurité et de sûreté ici, au Canada, était sans pareil dans le monde. J'aimerais vous demander d'abord si vous trouvez que c'est un jugement qui, dans l'ensemble, respecte la réalité.

Deuxièmement, quelle serait l'utilité de l'utilisation des radiophares ici, au pays? Vous me corrigerez si je me trompe, mais je pense que les Américains ont décidé d'utiliser des radiophares. Qu'est-ce que cela apporterait de plus au plan de la technologie? Même si vous faites un suivi très précis des avions qui sont en vol, quand il y a un terroriste à l'intérieur du pays, il n'y a plus grand-chose à faire. Pourquoi les Américains ont-ils décidé d'utiliser les radiophares, s'il est exact qu'ils ont décidé de les utiliser?

[Traduction]

M. Robert Thurger: La sécurité que nous offrons est-elle sans pareille? Je crois que, jusqu'à présent, le Canada a fait du bon travail en matière de sécurité aérienne. De mon point de vue, pour ce qui est du contrôle de la circulation aérienne, nous faisons du très bon travail. Nous avons très peu d'accidents catastrophiques dont la responsabilité repose sur les épaules de contrôleurs ou de pilotes. Je crois que ces personnes sont formées de façon très professionnelle et qu'elles déploient tous les efforts nécessaires pour que l'espace aérien soit sûr. C'est mon devoir premier. L'espace aérien est-il sûr? Est-ce que je pilote les avions? Absolument pas. Il y a des professionnels avec lesquels nous traitons et qui s'occupent de cela. C'est leur responsabilité, mais nous travaillons ensemble pour nous assurer que le système est aussi sûr que possible. Lorsqu'on compare la navigation aérienne au Canada à la navigation aérienne n'importe où ailleurs dans le monde, on se rend compte, selon moi, que notre système est beaucoup plus sûr. Et c'est grâce aux hommes et aux femmes qui font le travail. Je crois cependant que nous pouvons faire encore mieux.

En ce qui concerne l'équipement que nous utilisons, vous avez raison, si un terroriste pirate un avion, l'équipement qu'on a importe peu. Si on ordonne de tourner à gauche et que l'avion tourne à droite, la radio ne vous aidera pas à faire virer l'avion dans l'autre direction. Ce qui me préoccupe, s'il devait arriver quelque chose à l'équipement dans un centre ou une tour, une tour adjacente, qui pourrait se trouver à 300 ou 400 milles de là, c'est la capacité de communiquer avec ces avions. L'onde porteuse est rectiligne et il faut avoir un équipement pas mal puissant pour être en mesure de parler au pilote. C'est là où il faut être prudent lorsqu'on se demande s'il faut donner une formation. Je crois qu'il faut en donner une, si bien que si une telle urgence devait se produire, les hommes et les femmes qui sont responsables de cet espace aérien disposent de la capacité et de la formation voulues pour prendre le contrôle de cet espace aérien et le protéger comme il faut.

[Français]

M. André Harvey: Merci, monsieur le président.

Le président: Marcel Proulx.

[Traduction]

M. Marcel Proulx: Merci, monsieur le président.

Bonjour. Vous êtes membre de l'Association canadienne du contrôle du trafic aérien, n'est-ce pas?

M. Robert Thurger: Oui.

• 1235

M. Marcel Proulx: Je crois savoir que tous les contrôleurs aériens du Canada sont employés par NAV CAN.

M. Robert Thurger: Il y a quelques endroits au Canada, et il s'agit de bases militaires, où les gens sont employés par JobCircle. Nous ne les représentons pas. Mais oui, nos 2 100 membres—si l'on excepte une vingtaine de personnes—sont les seuls contrôleurs aériens au Canada, et tous sont employés par NAV CANADA.

M. Marcel Proulx: En plus d'employer tous nos contrôleurs aériens, NAV CAN s'occupe également de l'équipement. Elle exploite également l'équipement et se sert de vos services pour contrôler tout le trafic aérien au Canada, à l'exception de quelques bases militaires, dites-vous.

M. Robert Thurger: Oui.

M. Marcel Proulx: NAV CAN est-elle assujettie aux lignes directrices du Conseil du Trésor du gouvernement du Canada en ce qui concerne les achats, l'équipement, etc.?

M. Robert Thurger: Je crois savoir que toutes les dépenses en immobilisation sont soustraites aux contrôles gouvernementaux, et toute dépense dépassant les 5 millions de dollars doit être approuvée par le conseil d'administration de NAV CANADA.

M. Marcel Proulx: NAV CANADA est donc indépendante, elle fait ce qu'elle veut.

M. Robert Thurger: Oui.

M. Marcel Proulx: Est-ce elle qui décide du genre d'équipement que l'on vous fournira pour que vous puissiez faire votre travail?

M. Robert Thurger: Oui.

M. Marcel Proulx: C'est elle qui décide quel équipement vous utiliserez pour faire votre travail.

M. Robert Thurger: Oui.

M. Marcel Proulx: Comment savons-nous si cet équipement est le bon? Comment savons-nous si l'équipement qu'elle a acheté n'est pas le moins bon sur le marché? Et je parle ici d'un marché mondial, parce que je crois savoir que NAV CAN ne se soucie pas de savoir si l'équipement a été fabriqué au Canada ou ailleurs.

M. Robert Thurger: Non, pas du tout, et une bonne partie de l'équipement est également assemblé sur place par NAV CAN.

M. Marcel Proulx: Je vois. Vous nous avez dit il y a quelques instants que ce qui compte chez NAV CAN, ce sont les lignes aériennes, parce que tous les frais d'exploitation de NAV CAN sont payés par les usagers, soit les lignes aériennes.

M. Robert Thurger: D'après le mandat que lui a confié le gouvernement, NAV CANADA doit être une organisation sans but lucratif. Elle facture des frais à l'usager selon le coût des services, et cela comprend le coût de la dette pour les dépenses en immobilisation et des choses de ce genre.

M. Marcel Proulx: Mais les usagers qui paient les frais sont en fait des lignes aériennes.

M. Robert Thurger: Oui.

M. Marcel Proulx: Et libre à elles de refiler les économies ou les augmentations aux voyageurs.

M. Robert Thurger: Les voyageurs sont également représentés au conseil d'administration de NAV CANADA.

M. Marcel Proulx: Donc, voici ma question: À votre avis, l'équipement que fournit NAV CAN aux contrôleurs aériens du Canada est-il le meilleur qui soit?

M. Robert Thurger: Le meilleur équipement qui soit? Non. NAV CANADA soumet son propre équipement à un processus d'homologation, et nous avons parlé plus tôt des ressources dont dispose Transports Canada pour effectuer des contrôles de sécurité. Ce processus d'homologation, à l'époque où nous relevions de Transports Canada, était géré par les bureaux du ministère des Transports, et il est maintenant géré par NAV CANADA. Vous avez donc une entreprise qui, même si elle doit se prêter à certaines mesures, homologue son propre équipement. Je crois qu'il y a probablement une meilleure manière de faire les choses.

M. Marcel Proulx: Si je vous comprends bien, vous dites que l'équipement était mieux protégé ou mieux évalué auparavant?

M. Robert Thurger: J'aurais du mal à me prononcer là-dessus. Chose certaine, l'équipement mettait beaucoup plus de temps à nous parvenir. Nous, les contrôleurs aériens, avons parfois été témoins d'un empressement excessif dans l'introduction de nouveaux équipements. Nous avons aujourd'hui un nouveau système qui est à mon avis un des meilleurs qui soit pour la visualisation radar, mais lorsque nous nous sommes mis à l'activer, les cibles étaient un peu instables. Il aurait fallu peut-être faire un peu plus de tests, mais il faut de l'argent pour cela.

Il y a aussi des problèmes au niveau de la formation. Quand on introduit un nouvel appareil, dans quelle mesure assure-t-on une formation? Si c'est peu de chose pour les contrôleurs, ils peuvent s'adapter au pied levé. Mais le public a de quoi s'inquiéter si les contrôleurs aériens s'adaptent au pied levé en dirigeant des avions, et c'est là à mon avis qu'un organisme gouvernemental chargé de la sécurité et de la surveillance doit jouer un rôle, pour qu'il puisse dire, si vous introduisez un nouvel appareil, nous voulons nous assurer que vous dispenserez la formation voulue aux personnes qui vont utiliser cet appareil, et nous voulons voir les tests auxquels cet appareil a été soumis.

• 1240

M. Marcel Proulx: Vous voulez également voir les états de service de cet appareil.

M. Robert Thurger: Dans certains cas, on introduit de nouveaux appareils.

M. Marcel Proulx: Oui, mais il existe des états de service chez le fabricant, l'entreprise, les experts qui ont été consultés.

M. robert Thurger: Oui, mais il y a aussi un système qui existe depuis une vingtaine d'années, mais que nous n'avons toujours pas vu, qui s'appelle le Système canadien automatisé de contrôle de la circulation aérienne. Je pense que tout le monde sait ce que c'est que ce système CAATS, ou en a entendu parler. C'est un système qui existe depuis une vingtaine d'années, mais qui n'a pas encore été mis en service à cause de certaines erreurs qui se sont produites. Je ne peux même pas vous dire pourquoi ou quand ces erreurs ont été commises. Ce système va finir par aboutir entre nos mains, peut-être davantage pour des raisons politiques que fonctionnelles.

Nous voyons parfois arriver de nouveaux appareils et nous demandons: Pourquoi nous donnez-vous cela? Ma charge de travail vient d'augmenter à cause de ça. Vous n'avez pas rendu le système plus efficient, vous avez même compliqué ma tâche. Je ne peux pas gérer plus d'avions, je ne donne pas un meilleur service, alors voulez-vous me dire ce que fait ce nouvel appareil ici? Ces questions devraient toutes être posées par une personne qui ne se soucie pas de la rentabilité et dont l'objectif premier est la sécurité.

M. Marcel Proulx: Votre association est-elle consultée par NAV CAN lorsqu'elle teste ou choisit des appareils?

M. Robert Thurger: Oui et non, si je puis répondre ainsi. On nous demande notre avis, mais si je devais me lever et dire, jamais de la vie, cet appareil n'entrera pas dans la salle des opérations pour les raisons suivantes, on peut quand même m'imposer l'appareil, à moins que je ne prenne d'autres mesures.

M. Marcel Proulx: Même si vous vous prononcez à titre de président de votre association?

M. Robert Thurger: Oui.

M. Marcel Proulx: Je vois. Merci.

Le président: Nous allons passer à Mario.

[Français]

M. Mario Laframboise: Merci, monsieur le président.

Monsieur Thurger, je pense que vous avez très bien cerné le problème. Les gouvernements antérieurs, avant la crise du 11 septembre, ont fait des choix politiques, ceux de réduire les taxes et les impôts et de baisser la dette, et ont pris des décisions en ce sens. On a créé NAV CANADA. On a sorti ce service de Transports Canada pour qu'il s'autofinance.

Dans les aéroports, on a fait la même chose. On a créé des administrations aéroportuaires pour que les aéroports puissent s'autofinancer. On a perçu des taxes et des impôts des passagers, et on les augmente, encore une fois pour que ces opérations s'autofinancent. On a exercé des pressions sur les employés pour réduire le plus possible les coûts.

La réalité, c'est qu'on a laissé à des civils la responsabilité de la sécurité et qu'on a aujourd'hui un problème majeur. Je pense qu'il faut confier la responsabilité de la sécurité aux spécialistes de la sécurité. S'il y a un coût à payer, ce n'est pas nécessairement aux usagers de le faire. La sécurité doit être rehaussée et on aura donc des coûts exceptionnels. Je pense que c'est au gouvernement de faire les choix. C'est à lui de décider si on affecte 17 milliards de dollars à la réduction de la dette ou si on en affecte moins. C'est un choix politique que le gouvernement doit faire.

M. Cannis et M. Harvey, notamment, essaient de nous faire comprendre que ça va bien et qu'il faut faire attention parce que ça va augmenter les coûts pour les usagers. Si on fait ça, on va tuer le service aérien. C'est ce qui va se passer. Si on transfère de plus en plus de coûts aux usagers, ceux-ci vont prendre de moins en moins l'avion. On est arrivé à ce tournant où vous et vos membres ne pouvez plus prendre de surcharge de travail.

Donc, quelque part, pour des questions de sécurité, vous aurez peut-être besoin de plus de personnel. Ce sera la même chose du côté de la sécurité dans les aéroports. Ce sera la même chose dans les avions. On aura besoin de dépenses supplémentaires, cela au nom de la sécurité nationale. On a un problème de sécurité nationale et on devra le régler. Quant à moi, ce n'est pas à l'industrie de supporter entièrement cela, comme le fait le gouvernement présentement.

Les États-Unis ont déjà choisi d'investir et de prendre les fonds de l'État. Il y a d'autres pays qui utilisent les fonds de l'État pour d'aider l'industrie aérienne. Ça, c'est un choix. Tout ce qu'on essaie de nous faire dire aujourd'hui, c'est que ça va bien. Ça allait bien dans un contexte où on ne faisait à peu près rien en matière de sécurité. C'est ce qu'on faisait. On était au troisième niveau. On suivait le plus bas de la vague, mais on a maintenant un problème majeur de sécurité. On est dans une situation terrible à cause des incidents aux États-Unis, qu'on ne voudrait pas voir arriver aujourd'hui.

• 1245

Donc, quant à moi, on aura besoin d'investir pour la sécurité, de confier cela à des spécialistes en sécurité de la GRC et de revenir à la situation d'avant 1987, alors que le gouvernement investissait des sommes énormes pour assurer la sécurité dans les aéroports. Depuis 1987, on voulu épargner de l'argent, on a baissé la sécurité et on a confié cela à des organisations civiles. Je pense qu'on doit revenir à ce qu'on avait avant et prendre dans les coffres de l'État l'argent nécessaire à la réalisation de notre objectif.

On a un terrible exemple dans le domaine de la santé. Le ministre de la Santé avait depuis 14 mois une lettre lui disant de se munir de médicaments pour contrer des actes terroristes. Finalement, il a attendu et il a fallu faire deux commandes en même temps. C'est ce qui est arrivé. On a décidé de ne pas investir, de ne pas dépenser parce qu'on avait pas assez d'argent, mais aujourd'hui, on est dans cette ère. Vous avez bien ciblé cela, monsieur le président.

Si on vous demande plus de sécurité, vous aurez besoin de plus de personnel, et il va falloir que quelqu'un paie. Je pense que ce n'est pas nécessairement à l'industrie et aux utilisateurs de payer, parce qu'on va tuer tout le service aérien au Canada si on fait cela.

[Traduction]

M. Robert Thurger: Est-ce que NAV CANADA peut assumer ces changements? Au cours des quatre dernières années, depuis qu'elle est là, NAV CANADA a accordé aux lignes aériennes des rabais équivalant à des centaines de millions de dollars en frais réduits. Elle se targue d'offrir des tarifs inférieurs à ce que payaient les lignes aériennes avant la privatisation de NAV CANADA.

Est-ce que NAV CANADA peut faire face à l'augmentation de la demande? Pas avec cette approche axée sur les résultats. Il faudrait peut-être examiner la composition du conseil d'administration, pour voir pourquoi on se concentre tant sur les résultats alors que la raison d'être de NAV CANADA, c'est d'assurer la sécurité dans l'espace aérien du Canada, c'est ce sur quoi on devrait concentrer son attention. À cet égard, le gouvernement peut jouer un rôle.

Vous avez peut-être raison; le gouvernement devra peut-être financer certains services. Je ne saurais vous dire, car j'ignore à quoi sert l'argent dont dispose NAV CANADA, mais lorsque je constate que des centaines de millions de dollars sont redonnés aux lignes aériennes sous forme de tarifs réduits, il m'apparaît évident qu'il serait possible d'adopter une approche axée davantage sur la sécurité. Le coût augmenterait, ces réductions disparaîtraient peut-être, mais l'activité aérienne au Canada n'a pas changé depuis que NAV CANADA a été privatisée.

Le président: Merci.

Alex, vous avez la parole.

M. Alex Shepherd: J'aurais besoin d'une précision: à plusieurs reprises, vous avez parlé de rabais ou de remboursement. Comment cela fonctionne-t-il? Est-ce qu'on fixe un taux pour toute l'année et ensuite... Si votre rendement a été bon, on vous accordera... Comment cela fonctionne-t-il?

M. Robert Thurger: On se fonde sur les données des années antérieures. On dispose d'une caisse noire de 50 millions de dollars. En fonction des recettes et des dépenses, on demande un montant donné aux utilisateurs. Si les services deviennent plus coûteux, le tarif d'utilisation augmente. S'il n'y avait qu'un seul avion dans l'espace aérien canadien, c'est cet avion qui couvrirait toutes les dépenses de NAV CANADA. Par conséquent, plus l'activité aérienne augmente, plus le tarif baisse par utilisateur. Toutefois, plus les dépenses de NAV CANADA augmentent, plus les coûts augmentent. Il faut assurer l'équilibre entre ces éléments et c'est pourquoi NAV CANADA est une société à but non lucratif.

M. Alex Shepherd: N'est-il pas vrai que le volume a augmenté pendant cette période et que, le coût unitaire ayant baissé, les rabais sont justifiés?

M. Robert Thurger: Oui, c'est vrai. Si le volume augmente, le coût unitaire baisse et il est possible d'accorder une remise aux utilisateurs.

M. Alex Shepherd: Ce n'est donc pas nécessairement purement psychologique. On tente d'injecter un peu d'argent dans les entreprises aériennes.

• 1250

M. Robert Thurger: Mais il faut voir comment on réduit les coûts. Si la circulation aérienne augmente, vos recettes augmentent aussi, manifestement, et les coûts unitaires baissent. Mais il faut aussi tenir compte des mesures de réduction des coûts qui ont été prises. On a beaucoup parlé du manque de supervision discrète—cela a permis à NAV CANADA de réaliser des économies. On a aussi réduit le budget de formation pour économiser de l'argent. Ce genre de mesures, la réduction de la formation et de certaines dépenses d'immobilisation, entraînent des économies. Le conseil d'administration influe sur ces décisions.

M. Alex Shepherd: Vous avez dit que le conseil d'administration est composé d'administrateurs actuels ou d'anciens administrateurs de lignes aériennes, n'est-ce pas?

M. Robert Thurger: C'est exact.

M. Alex Shepherd: S'agit-il d'un conseil d'administration à structures mixtes?

M. Robert Thurger: Le conseil compte 15 administrateurs: il y a trois ou quatre employés du gouvernement, trois ou quatre membres autonomes choisis par le conseil, deux représentants syndicaux choisis par les huit syndicats et cinq représentants des différentes lignes aériennes.

M. Alex Shepherd: Vous prétendez donc que le conseil d'administration a un parti pris en faveur des lignes aériennes parce que cinq des administrateurs les représentent et que, en outre, elles peuvent choisir les administrateurs provenant de l'extérieur

M. Robert Thurger: C'est tout le conseil d'administration qui choisit les administrateurs indépendants; si vous avez un petit monopole, vous pouvez accroître votre monopole en choisissant la bonne personne.

M. Alex Shepherd: Ces administrateurs indépendants ont-ils des liens avec l'industrie du transport aérien?

M. Robert Thurger: Non, pas nécessairement.

M. Alex Shepherd: Je vois.

Il y a un aspect de l'attentat terroriste que je n'ai jamais bien compris—peut-être pourriez-vous me l'expliquer: il s'agit de ces transpondeurs qu'on trouve à bord des avions et qui permettent au pilote de signaler qu'un détournement est en cours. Peut-être que les journalistes se sont trompés, mais ils ont dit que cela n'avait pas été fait en l'occurrence.

M. Robert Thurger: Des mesures de sécurité sont en place que je ne suis pas certain de pouvoir vous révéler. Chaque avion est doté d'un transpondeur. L'ATC attribue un code particulier à chaque transpondeur. Lorsque vous mettez le transpondeur sur standby, le système peut vous identifier comme étant, par exemple, le vol Air Canada 123.

M. Alex Shepherd: Peut-être ne pouvez-vous me répondre, et je comprends pourquoi, mais je croyais savoir que le pilote pouvait appuyer sur un bouton qui indiquerait aux contrôleurs aériens que son avion faisait l'objet d'un détournement ou d'un attentat.

M. Robert Thurger: Certaines mesures de sécurité permettent aux pilotes et aux contrôleurs aériens de communiquer; nous pouvons ainsi être informés de certaines situations telles que la perte de communication, les urgences, les détournements d'avion, etc.

M. Alex Shepherd: On a laissé entendre que ça n'avait pas été fait lors des attentats du 11 septembre.

M. Robert Thurger: Cela dépend des connaissances des pirates de l'air. S'ils connaissent bien les procédures, ils peuvent certainement empêcher le pilote de signaler la situation aux contrôleurs aériens.

M. Alex Shepherd: Peut-on les en empêcher?

M. Robert Thurger: Pas s'ils ont accès au poste de pilotage.

M. Alex Shepherd: C'est ça qui compte, n'est-ce pas?

M. Robert Thurger: Oui. Tout se fonde sur la communication, et il y a deux méthodes de communication. Il y a la radio et le signal transmis par le transpondeur. Le transpondeur peut donner beaucoup d'information. Il peut transmettre la vitesse et l'altitude de l'aéronef, et indiquer le code. Ce sont là les deux façons qu'ont les pilotes de communiquer avec les contrôleurs.

M. Alex Shepherd: Je m'éloigne un peu du sujet, mais si quelqu'un défonçait la porte du poste de pilotage, cela pourrait-il déclencher le transpondeur de sorte que le contrôleur saurait ce qui vient de se passer?

M. Robert Thurger: Si le système est conçu pour le faire. Je suis certain que la technologie dont nous disposons aujourd'hui nous permettrait de le faire.

Le président: Merci beaucoup, Alex.

Je cède la parole à Val.

Mme Val Meredith: C'est un assez bon préambule à ma question.

• 1255

Supposons que les attentats du 11 septembre s'étaient produits à Toronto. Quelle procédure suit le contrôleur pour informer les divers services de la GRC, de Transports Canada ou de quelqu'autre organisme qui aurait besoin de savoir ce qui se passe? Il ne s'agit peut-être pas de terrorisme. Il peut s'agir tout simplement de difficultés techniques ou d'un passager qui a besoin d'aide. Comment obtenez-vous ce genre d'information de la part d'autres organismes?

M. Robert Thurger: En général, si un attentat comme celui du 11 septembre se produit pendant que vous êtes au poste de contrôle, pendant que vous êtes dans la tour de contrôle, vous appelez votre superviseur tout en espérant qu'il ne travaille pas à ce moment-là. Cette communication est ensuite transmise au gestionnaire de poste qui n'est pas un contrôleur mais un employé de NAV CANADA chargé des communications externes. Si celui-ci est introuvable, des procédures prévoient qu'on informe les autorités locales qui s'occupent du reste. Essentiellement, vous informez d'abord votre superviseur, puis votre gestionnaire et ce sont eux qui prennent alors en charge le processus de communication.

Mme Val Meredith: Par conséquent, au moindre signe de problème à bord d'un des avions que vous contrôlez, vous transmettez automatiquement cette responsabilité à quelqu'un d'autre. C'est instantané?

M. Robert Thurger: Nous transmettons l'information. La responsabilité reste toujours la nôtre. Ce qu'il advient de cet avion demeure sous notre responsabilité. Personne d'autre ne peut l'assumer à notre place à moins qu'on ne lui confie le contrôle de l'appareil ou que celui-ci entre dans l'espace aérien d'un autre contrôleur qui prendra alors la relève. En cas d'urgence, dans des circonstances autres que celles du 11 septembre, il arrive parfois que vous isoliez votre espace aérien de façon à vous occuper seulement de cet avion sans vous laisser distraire par tous les autres. Vous isolez votre espace aérien pour vous occuper uniquement de l'appareil en question.

Mme Val Meredith: Expliquez-nous comment vous isolez l'espace aérien? Envoyez-vous tous les autres avions ailleurs afin qu'il n'y en ait plus qu'un seul pour simplifier la situation?

M. Robert Thurger: Exactement.

Mme Val Meredith: Quand vous le faites, vous envoyez les autres avions dans un autre espace aérien sous le contrôle d'une autre personne?

M. Robert Thurger: Oui.

Mme Val Meredith: Pensez-vous que les mécanismes de communication sont adéquats pour faire face à des événements comme ceux du 11 septembre? Je crois que le même problème se pose si les superviseurs sont sur place.

M. Robert Thurger: Si les superviseurs ne travaillent pas, le mécanisme d'information est là et fonctionne bien. Si un événement comme la tragédie du 11 septembre se produisait à Toronto, la tour de contrôle de Toronto, le centre de contrôle régional ou n'importe laquelle des grandes tours de contrôle du pays ne seraient pas prêts à intervenir. Les gens ne sauraient pas quelles sont leurs responsabilités. Ils n'ont jamais fait de simulation. On ne leur a jamais dit ce qui se passerait en cas de problème à Toronto. Mais je peux vous dire qu'on s'arrangerait pour que ça marche.

Mme Val Meredith: Pensez-vous que quelqu'un examine la nécessité de dispenser ce genre de formation? Est-ce que NAV CANADA ou quelqu'un d'autre a dit qu'il fallait se préparer à faire face à de nouvelles réalités?

M. Robert Thurger: Je ne peux pas vous parler de ce qui se prépare en coulisses et dont on ne m'a pas informé. Ce que j'ai constaté, depuis le 11 septembre, c'est une réduction du personnel. Là où nous avions besoin de trois contrôleurs on nous dit qu'il en faut seulement deux. Je crains qu'il y ait moins de supervision.

Mme Val Meredith: Merci.

Le président: J'aurais une ou deux questions à poser à l'ensemble de nos témoins, si vous le permettez.

Nous avons des vaisseaux spatiaux qui vont dans l'espace et qui sont entièrement téléguidés. La technologie actuelle permettrait d'arrêter à distance le moteur d'une automobile en pleine course ou de la rediriger. Ne serait-il pas possible de prendre le contrôle des avions? A-t-on discuté de la possibilité de télécommander l'avion lorsqu'il se trouve en difficulté et qu'il change de trajectoire? Je sais que c'est plutôt futuriste et qu'il faudrait peut-être modifier les appareils, mais a-t-on envisagé cette solution?

M. Robert Thurger: Pas au sein de notre association.

M. James Lyon: On en parle. C'est certainement une des idées dont on parle sur Internet.

• 1300

Le président: Très bien.

Deuxièmement, tous ceux qui viennent nous voir nous disent que le gouvernement devrait faire plus, qu'il devrait donner plus d'argent, qu'il ne faudrait pas autoriser de bagages dans la cabine. C'est un inconvénient pour les passagers qui doivent rester plus longtemps à l'aéroport alors qu'ils n'ont rien à se reprocher. Cela dissuade les gens de prendre l'avion. Beaucoup de gens, y compris certains de mes collègues, disent qu'ils prendront le train ou même le bateau pour aller en Chine. Y a-t-il une partie du prix du billet d'avion qui couvre le coût de la sécurité ou est-ce le gouvernement qui doit payer tout cela afin que les compagnies aériennes puissent faire un bénéfice?

M. Robert Thurger: Je répondrai à cette question de la même façon qu'à la question de M. Laframboise. Depuis 1996, les compagnies aériennes ont obtenu des centaines de millions de dollars sous forme de rabais. Il est certainement possible d'accroître la sécurité sans imposer ce fardeau au gouvernement. Le gouvernement devrait avoir pour rôle d'augmenter leurs ressources pour leur permettre de superviser la sécurité sans en assumer nécessairement la responsabilité. C'est surtout pour le contrôle de la sécurité aérienne et pas nécessairement pour la sécurité des passagers ou des aéroports. Les ressources que le gouvernement devrait déployer devraient lui permettre de superviser plus activement la sécurité et d'exiger que ces questions soient examinées.

M. James Lyon: Cette question comporte à la fois un élément subjectif et un élément objectif. Un bon nombre de ceux qui s'intéressent aux réponses travaillent, bien entendu, pour l'industrie de l'aviation, à divers titres. Cela représente un vaste secteur de notre économie. Bien sûr, il existe d'autres moyens de transport. Comme je ne travaille pas actuellement pour cette industrie, je peux prendre un peu de recul et dire qu'effectivement, vous pouvez vous rendre à Montréal en autocar. Cela vous coûtera environ 22 $ et ce ne sera pas plus long que d'y aller en avion. Je ne l'avais jamais fait jusqu'à récemment et je sais donc de quoi je parle. Cela m'a coûté 21,70 $, je crois, et j'ai mis deux heures pour me rendre du centre-ville d'Ottawa au centre-ville de Montréal.

Avant le 11 septembre, il y avait une importante capacité excédentaire dans le réseau de transport aérien. Ce qui s'est passé le 11 septembre était un événement particulier, mais cela faisait suite à tout ce qui s'était passé avant. C'est peut-être le catalyseur qui a déclenché de façon très brutale et très soudaine ce qui semblait inévitable étant donné l'importante capacité excédentaire. Boeing est en train de mettre à pied 30 000 employés. Je ne pense pas que Boeing ait pris cette décision suite à un seul incident.

À une certaine époque, j'étais toujours le plus jeune, mais de plus en plus, c'est moi le plus âgé. Je me souviens de la guerre. Les gens ont supporté énormément de choses qu'ils n'aimaient pas pendant la guerre. Vous ne pouviez pas aller là où vous vouliez quand vous le vouliez. Si vous voyagiez, vous aviez froid, c'était très long ou le train arrivait en retard ou encore il n'y avait pas de train. Tout était plutôt déplaisant. Dans toutes les discussions sur les tristes événements du 11 septembre, il y a une dichotomie entre ce que les gens souhaiteraient et ce qui accompagne nécessairement un état de guerre, ce dont ils ne se rendent pas compte. Les Américains reconnaissent plus franchement que nous, que nous sommes en guerre. À bien des égards, c'est ce dont il s'agit, d'un état de guerre. En temps de guerre, la situation n'est pas toujours agréable.

Le président: Merci.

Monsieur Cannis, une dernière question.

M. John Cannis: Merci, monsieur le président.

Je vous remercie de m'accorder la parole à la fin de cette réunion parce que je me suis senti obligé et même dirais-je forcé de prendre la parole suite aux propos de mon collègue du Bloc québécois. Quand j'entends dire des choses qui ne tiennent pas debout, par exemple que nous avons un sérieux problème de sécurité nationale, que nous ne faisons rien pour assurer la sécurité du public, je me demande si une personne raisonnable et logique aurait fait ce genre de déclaration avant le 11 septembre? Nous faisons comparaître des témoins qui nous disent ce que nous pouvons faire, après le 11 septembre, pour améliorer notre système. Vous-même et des témoins précédents avez formulé des suggestions très constructives. Il est regrettable que mon collègue n'était pas avec nous lorsque nous avons pris la peine d'aller visiter l'aéroport Pearson et de poser les nombreuses questions sur lesquelles vous vous êtes sans doute penchés, notamment celle du contrôle à la porte d'embarquement.

• 1305

Je suis donc déçu, car je crois que nous réagissons comme nous le devons, compte tenu de ce qui s'est passé le 11 septembre aux États-Unis. Cela me ramène à la question que j'ai posée tout à l'heure, à savoir si certaines des suggestions que vous formulez aujourd'hui auraient pu être faites il y a un an ou deux. Comment nous comparons-nous aux autres pays sur le plan de l'aviation et de la sécurité? Sauf erreur, je crois que nous avons eu un incident il y a une trentaine d'années. En favorisant un tel climat, en déclarant, comme le Bloc québécois, que nous avons un système très peu sûr, nous rendons un mauvais service à nos concitoyens. Je voudrais vous demander, messieurs, si c'est vraiment le cas.

M. James Lyon: Je vous répondrai en disant ce que j'ai dit ici aujourd'hui ou en tout cas ce que je voulais dire, et c'est ce que j'ai également déclaré à chaque émission de radio ou de télévision sur le sujet à laquelle j'ai participé. On ne peut pas appliquer les normes du XXe siècle au XVe siècle pas plus qu'on ne peut appliquer les normes postérieures au 11 septembre à la situation antérieure au 11 septembre. Jusqu'au 11 septembre—et cela fait partie de ma thèse—le pire que nous puissions envisager c'est que quelqu'un puisse endommager l'avion ou qu'un individu particulièrement mal intentionné cherche à causer la mort d'un des passagers à bord d'un avion et, du même coup, de tous les autres. Personne avait imaginé que quelqu'un transformerait un avion en missile guidé. La chose pouvait sembler possible, mais pas du tout réaliste.

M. John Cannis: Les terroristes ont peut-être vu Arnold Schwarzenegger le faire et se sont dit qu'ils pouvaient en faire autant.

M. James Lyon: C'est le genre d'horreur qu'on voit dans les bandes dessinées.

Malheureusement, certains individus l'ont fait le 11 septembre et nous nous sommes demandé que faire devant ces problèmes entièrement nouveaux. Ceux qui ont du mal à répondre à ce genre de question ont toute ma sympathie, car j'ai essayé moi-même de voir ce que je ferais et il n'est pas du tout facile de trouver des réponses dogmatiques.

Nous avions donc, jusqu'au 11 septembre, un système qui présentait certainement des défauts et des imperfections et qui aurait pu être amélioré et perfectionné, mais nous devons maintenant réévaluer toute la situation.

M. John Cannis: C'est ce que nous cherchons tous à faire, c'est ce que chaque député tente de faire. Quelles que soient les observations de mon collègue au sujet de la profession, toute profession est honorable. Seul celui qui l'exerce peut la déshonorer, que ce soit dans le domaine du droit ou de la politique, malheureusement.

Je crois donc que nous avons l'obligation, envers nos concitoyens et envers chaque être humain, quel que soit l'endroit où il se trouve, d'essayer d'améliorer le système. Ce genre de cacophonie injustifiée ne rend pas justice au système. Vous êtes venu ici nous adresser des suggestions constructives et je vous en remercie. Mais en tant que représentant d'un groupe de gens de ma circonscription, je trouve inacceptable qu'on puisse laisser entendre que notre système est très peu sûr. Je crois qu'il faut faire preuve d'une attitude mentale positive en tenant des propos constructifs et positifs, comme ceux que vous avez tenus aujourd'hui. Je vous en remercie.

Merci, monsieur le président.

Le président: Je voudrais remercier les témoins. Ils nous ont appris beaucoup de choses. Ils ont certainement formulé de bonnes suggestions. Nous apprécions votre franchise. Voilà pourquoi vous êtes ici, pour vous montrer francs avec nous, et non pas pour nous dire ce que nous voulons entendre. Merci beaucoup de votre aide.

Nous reprendrons nos travaux mardi. La séance est levée.

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