NDVA Rapport du Comité
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HOUSE OF COMMONS
CHAMBRE DES COMMUNES
OTTAWA, CANADA
K1A 0A6
RAPPORT SUR LES PLANS ET LES PRIORITÉS
Conformément
aux paragraphes 81 (7) et (8) du Règlement, le Comité permanent de la défense
nationale et des anciens combattants de la Chambre des communes a l’honneur de
présenter son
DEUXIÈME RAPPORT
Le
Comité, après avoir examiné la Partie III – Rapport sur les plans et les
priorités du Budget des dépenses 2001-2002 du ministère de la Défense
nationale, a convenu de déposer le rapport suivant :
Pour
les Forces canadiennes, la période de l’après-guerre froide comportait du bon
et du mauvais. Dès le début des années 1990, la guerre en Europe, à laquelle
nous nous étions préparés pendant si longtemps durant la Guerre froide, avait
cessé d’être même une vague possibilité. Sans pour autant couper nos liens avec
l’OTAN, nous avons finalement pu procéder au retrait de nos forces puisque la
désintégration de l’Union soviétique avait mis fin à la menace qui pesait sur
le « front central ». En outre, nos alliés européens étaient de plus
en plus en mesure de se défendre eux-mêmes et de définir leurs propres besoins
de sécurité. Certes, l’OTAN demeurait l’alliance la plus importante, mais il
était de plus en plus question de sécurité et de défense en fonction des
besoins de l’Europe dont les intérêts ne rejoignaient pas toujours
nécessairement ceux de ses partenaires outre-Atlantique. Toutefois, le Canada demeure préoccupé au
sujet des questions de sécurité en Europe et continuera de jouer un rôle de
premier plan au sein de l'OTAN.
Cette
nouvelle réalité comportait un autre aspect important. Elle laissait aux
décideurs le champ libre pour se concentrer davantage sur d’autres questions
urgentes. Pour beaucoup d’entre eux, dont les nôtres, cela signifiait œuvrer à
la reconstruction d’économies stagnantes, criblées de dettes. En l’absence de
la menace soviétique, il n’était que normal de sabrer dans nos structures
militaires plutôt onéreuses. L’encre « rouge » des déficits annuels
était devenu le nouveau cheval de bataille.
Toutes
les forces armées de nos alliés ont vu leurs budgets et effectifs militaires
réduits. Les Forces canadiennes (FC) ont toutefois peut-être contribué plus que
leur juste part à la réduction de la dette. D’aucuns ont fait valoir que les
Canadiens avaient déjà bénéficié du « dividende de la paix » du fait
des réductions des années 1970 et de la fin des années 1980. Les compressions
des années 1990 étaient perçues par plusieurs comme un fardeau trop lourd à
assumer pour les FC, compte tenu plus particulièrement de nos attentes.
L’intensification
des activités des FC durant l’après-guerre froide est l’un des aspects
particulièrement ironiques de l’époque. Les compressions budgétaires étaient
accompagnées de déploiements de troupes plus fréquents et de pertes plus
grandes. Les Canadiens demeuraient le premier choix pour les opérations de
maintien de la paix, opérations auxquelles ils acceptaient invariablement de
participer sur invitation. Mais, comme l’opération de la poche de Medak l’avait
démontré, une opération de maintien de la paix risquait fort bien maintenant de
se terminer en manœuvres de combat.
Au
cours de la dernière décennie, les FC ont d'ailleurs pris part à des combats à
deux reprises, la première fois contre l’Iraq et la seconde durant la campagne
du Kosovo. Elles ont également participé au cours de la même période à de
nombreuses opérations de maintien de la paix dans des conditions difficiles et
à des déploiements nationaux, durant la tempête de verglas, par exemple, tout
en continuant d’assumer leurs responsabilités habituelles de recherche et
sauvetage, de protection de la souveraineté canadienne et, en partenariat avec
les États-Unis, de la défense de l’Amérique du Nord. Pendant toute cette période, nous n’avons cessé d’exiger que les
FC en fassent plus avec moins.
En
raison des problèmes avec lesquels sont aux prises les Forces canadiennes,
notre Comité a décidé d’entreprendre une série d’études pour s’assurer qu’elles
allaient être bien préparées à relever les défis qui les attendent. Nous nous
sommes acquittés de cette tâche pleinement conscients de la nécessité de
procéder à des compressions budgétaires afin de réduire le déficit. Or, une
fois réglé le problème du déficit, et l’économie de nouveau sur une base
solide, il est devenu raisonnable de s’attendre à une injection de nouveaux
fonds dans les FC. Nous avons noté un certain progrès à cet égard, mail ce
n’est pas assez.
La
première étape importante a été d’étudier la qualité de vie des Forces
canadiennes, étude qui a été déposée en octobre 1998. À la suite des réductions
budgétaires et du gel des salaires, bon nombre de militaires éprouvaient de
plus en plus de difficultés à s’occuper du bien-être de leurs familles et à
jouir d’un niveau de vie raisonnable. L’augmentation du rythme des opérations
militaires a été une source de stress énorme pour les militaires et leurs
familles, et vu la nature fondamentalement différente des opérations de
maintien de la paix, on a eu de plus en plus de cas de syndrome de stress
post-traumatique ainsi que des morts et des blessés.
Nous
avons décidé que notre priorité consistait à nous assurer de garantir à nos
militaires une rémunération équitable pour leur travail et leur sacrifice, et
que l'on prendra soin de leurs familles. Les blessés devaient pouvoir compter
sur les meilleurs soins possibles.
Notre
rapport sur la qualité de vie a changé beaucoup de choses, et nous avons tous
été encouragés par la réaction du ministre ainsi que par ses efforts en vue de
mettre nos recommandations en application. La première étape du renouvellement
des FC consistait à faire en sorte que nos militaires et leurs familles soient
traités, respectés et soignés comme il se doit. Nous sommes confiants que le
gouvernement poursuivra ses efforts en ce sens. Nous avons pris l’engagement de
suivre le dossier de près.
Nous
nous sommes ensuite penchés sur la question des acquisitions. Au fil des
années, nous avons beaucoup entendu parler de la lourdeur du processus
d’acquisition et des délais injustifiés qu’entraînent les achats d’équipement.
Nous avons toujours convenu à l’unanimité que les membres des Forces canadiennes
méritent le meilleur équipement disponible pour accomplir leur travail et que
cet équipement devait leur être fourni de la façon la plus efficiente et la
plus rapide. En guise de témoignage de
notre engagement à cet égard, notre rapport sur les acquisitions a recommandé
que le gouvernement adopte une politique nationale de construction navale.
Le
gouvernement n’a toujours pas fait connaître sa réaction officielle à notre
rapport sur les acquisitions, mais nous avons l'espoir sinon la confiance qu’il
accordera à nos recommandations l’attention qu’elles méritent. La lourdeur du
processus d’acquisition n’a pas sa raison d’être, et il y va de l’intérêt de
toutes les parties prenantes que sa rationalisation se fasse dans les plus
brefs délais.
Notre
projet actuel comprend un examen en profondeur de « l’état de
préparation » des Forces canadiennes. La troisième étape de l’étude
consiste à nous assurer que les FC sont prêtes à s’acquitter des missions que
leur confie le gouvernement et qu’elles sont équipées pour s’en acquitter. Les
membres des Forces canadiennes doivent être confiants que nous nous occupons
d’eux et de leurs familles, que nous leur fournissons l’équipement nécessaire
au moment opportun et que nous leur donnons la formation et l’accès à l’équipement
dont ils ont besoin pour accomplir leurs tâches. Nous ne pouvons nous permettre
de minimiser l’importance de l’un ou l’autre de ces trois éléments.
Les
FC devront être prêtes à faire face à une variété de situations allant de leur
participation à des opérations humanitaires à la suite de catastrophes
naturelles à des opérations de combat de grande envergure. Nos engagements de
défense multicouches exigent que nos militaires soient prêts à participer à des
manœuvres partout dans le monde ainsi qu’au Canada.
Relever
ces défis signifie que nos FC doivent également composer avec les exigences de
la Révolution dans les affaires militaires (RAM) et celles de la participation
à des campagnes avec nos alliés, plus particulièrement les États-Unis. L’interopérabilité
est un élément important de la préparation opérationnelle, et l’état de cette
préparation est crucial pour déterminer le genre de missions auxquelles nous
pourrons participer. Il faudra prévoir des ressources considérables pour
assurer l’interopérabilité avec nos alliés et répondre aux exigences de la RAM.
Il
va sans dire que d’aucuns s’interrogent au sujet de la capacité des FC de
relever ces défis. En fait, de plus en plus de personnes s’interrogent sur la
question fondamentale du rôle que nous voulons voir les Forces canadiennes
exercer. Ou, comme les membres des FC l’ont dit eux-mêmes :
« Dites-nous ce que vous attendez de nous, puis donnez-nous les ressources
pour le faire! » Nous l’avons entendu d’innombrables fois durant l’étude
sur la qualité de vie.
La
politique officielle du gouvernement à cet égard demeure le Livre blanc sur la
défense de 1994. Pourtant, d’aucuns prétendent que les FC auraient beaucoup de
difficulté à respecter les engagements qu’il contient si on le leur demandait.
La
question de savoir si les FC sont aussi en état de combattre qu’il y a dix ans
a aussi longuement été débattue. Bien que cette question soit toujours à
l’étude, nous pouvons avancer une opinion. En parlant de « forces en état
de combattre », nous devons faire une distinction entre la personne et la
structure dont cette personne peut faire partie.
Assurément,
les membres des FC ont acquis une expérience précieuse à la suite des diverses
opérations auxquelles ils ont participé au cours de la dernière décennie,
expérience que n’ont jamais eu plusieurs de ceux qui ont servi durant la Guerre
froide. Les militaires d’aujourd’hui ont relevé des défis que n’ont jamais eu à
relever les hommes et les femmes prêts à défendre le front central de l’OTAN.
Il est donc raisonnable de conclure que les membres des FC d’aujourd’hui, à
titre personnel, sont autant sinon davantage en état de combattre que leurs
camarades des années passées. Cela ne veut pas dire pour autant que le
« système » dans l’ensemble, faute d’un meilleur terme, est aussi en
état de combattre qu’il y a dix ans.
Il
a également été question de l’absence de ressources de formation et des
problèmes de cohésion des unités parce que nos contingents de forces terrestres
ont souvent été constitués à partir d’unités diverses qui s’adonnaient à être
disponibles. Une formation insuffisante conjuguée au manque de cohésion de
l’unité peut présenter toutes les garanties d’un échec. Si nous voulons que les
FC continuent de s’acquitter de leurs tâches avec les compétences et le
professionnalisme que nous leur reconnaissons, elles doivent aussi pouvoir
recruter et retenir le personnel nécessaire. Des données récentes indiquent
qu’elles ont des problèmes de recrutement et de rétention.
Pour
être utiles à nos alliés, nous devons aussi être capables de nous rendre là où
nos services sont requis. « Tôt engagé, tôt parti » ne veut pas dire
grand chose si notre participation repose sur la capacité des autres de nous
transporter jusque sur le terrain des opérations. Et, une fois nos forces
d’intervention déployées, nous devons pouvoir assumer notre engagement. D’où la
nécessité d'avoir accès à une capacité de transport stratégique.
C’est
dans ce contexte que nous avons examiné le Budget des dépenses de l’exercice
2001-2002 du ministère de la Défense. Ce sont ces fonds qui, à terme,
détermineront si nous disposons des ressources nécessaires pour assurer la
qualité de vie de notre personnel, le former et lui fournir les munitions
requises.
En
raison de l’urgence des questions dont nous sommes saisis, nous avons décidé de
nous prévaloir du Règlement qui habilite les comités « […] à examiner les
plans et priorités des ministères et organismes dont ils étudient le budget,
pour les années financières futures ».
Nous
sommes tous d’accord sur au moins un point : notre personnel mérite le
meilleur équipement possible. Les risques de piloter de vieux hélicoptères
embarqués dans l’Atlantique Nord ou l’Océan Pacifique sont bien connus et ne
requièrent aucune description. De même, les capacités opérationnelles de nos
frégates demeurent limitées en l’absence d’hélicoptères modernes. Conformément
à la recommandation 38 de notre Étude sur les acquisitions concernant les
appels d’offres en vue de remplacer les hélicoptères Sea King, nous
recommandons :
1.
Que le
gouvernement donne suite le plus rapidement possible au Projet d’hélicoptère
maritime afin que la livraison des hélicoptères qui remplaceront les Sea King
commence en 2005.
et
2.
Que le
gouvernement explique pourquoi les étapes actuelles du Projet d’hélicoptère
maritime ont été reportées de plusieurs mois par rapport aux dates indiquées
dans le Budget des dépenses de 2001-2002 déposé au Parlement.
Si
nous voulons que les Forces canadiennes soient bien équipées, elles doivent
pouvoir compter sur un budget d’acquisition stable. Par conséquent, nous
recommandons :
3.
Que les
dépenses en immobilisations soient fixées dans les plus brefs délais à au moins
23 % du budget du ministère, mais que cet objectif ne soit pas atteint au
détriment d’autres programmes tels que la qualité de vie ou la rationalisation
des effectifs.
4.
Que durant
l’exercice 2002-2003, le ministère soit disposé à se présenter devant le CPDNAC
pour lui expliquer le calendrier précis qu’il entend respecter pour atteindre
cet objectif.
Le
budget des immobilisations est essentiel à la planification et à l’efficacité
de la défense, mais les effectifs, eux, sont indispensables. Certaines
indications récentes laissent croire que les Forces canadiennes sont aux prises
avec un grave problème de recrutement et de rétention. C’est une question sur
laquelle nous ne nous sommes pas encore penchés en profondeur. Notre expérience
collective suffit toutefois pour nous convaincre que les FC ont besoin d’un
effectif d’au moins 60 000 membres pour demeurer efficaces. Malgré
la rhétorique au sujet du potentiel d’amélioration de notre capacité au combat
grâce à la technologie et à la RAM, il ne faut pas oublier que le maintien de
la paix est assuré par des soldats sur le terrain. Puisque la responsabilité de
maintenir la paix incombe de façon disproportionnée à l’armée, il faut
absolument qu’elle puisse compter sur des effectifs complets. Nous recommandons
par conséquent :
5.
Que le
ministère déploie tous les efforts possibles pour rétablir à 60 000 d’ici
la fin de l’exercice 2003-2004 les effectifs de sa force régulière.
6.
Qu’un
effort particulier soit fait pour éviter la baisse des effectifs de la force
régulière des forces terrestres.
Enfin,
les FC se sont toujours enorgueillies de leur capacité expéditionnaire. En
fait, nos opérations militaires ont toujours été menées avec des alliés dont
nous partageons les valeurs et les objectifs. De nos jours, toutefois, alors
que le déploiement est un aspect essentiel de l’état de préparation au combat, le
Canada ne possède pas une capacité suffisante de transport aérien ou naval
stratégique pour transporter l’équipement outre-mer. Nous nous retrouvons dans
l’infortunée situation de devoir recourir à la location ou de compter sur nos
alliés. Cette situation sera aggravée lorsque nos navires ravitailleurs
atteindront la fin de leur vie utile d’ici la fin de la décade. Cette
situation, conjuguée à l’absence de capacité de ravitaillement air-air, brosse
un tableau plutôt sombre de notre capacité à nous déployer rapidement. Nous
recommandons par conséquent :
7.
Que le
gouvernement accorde priorité à la question de doter les Forces canadiennes de
capacités stratégiques en matière de transport naval, aérien et de
ravitaillement air-air pour leur permettre de respecter les engagements pris
dans le Livre blanc de la défense de 1994.
Doter
les Forces canadiennes de capacités dont elles ont besoin pour respecter leurs
engagements exigera des immobilisations importantes. Entre-temps, en raison de
leur importance, l’amélioration de la qualité de vie du personnel militaire, le
financement adéquat pour l’achat de l’équipement nécessaire afin de suivre le
rythme de la révolution des affaires militaires et la formation nécessaire
viennent gruger une partie considérable du budget de la défense, qui ne s’est
pas encore relevé des conséquences des compressions de la dernière décennie.
Nous remarquons néanmoins que le budget de l’exercice 2001-2002 indique que les
dépenses prévues en 2002-2003 sont en réalité inférieures au budget de
l’exercice en cours alors que celui de 2003-2004 indique qu’elles seront plus
élevées qu’au cours des deux exercices précédents. Cette augmentation ne
suffira peut-être pas toutefois en raison de toutes les exigences auxquelles
doit satisfaire le budget de la défense. Nous recommandons par
conséquent :
8.
Que le
gouvernement réexamine son plan de dépenses des deux prochains exercices dans
la perspective d’augmenter le budget du ministère de la Défense nationale.
La
capacité de déployer des forces d’intervention à court préavis et de les
soutenir aussi longtemps que cela est nécessaire est un aspect essentiel du
principe « Tôt engagé, tôt parti ». Nous devons être en mesure de
nous déployer rapidement si nous voulons continuer d’être les chefs de file du
maintien de la paix dans le monde. Il ne s’agit pas d’un titre que nous nous
sommes attribué ou de se vanter, mais bien un compliment que les hommes et les
femmes qui servent dans les Forces canadiennes méritent et un compliment que
leur font les gardiens de la paix d’autres pays qui ont participé aux mêmes
opérations.
Nos
recommandations contenues dans ce bref rapport sont des balises. Elles
reflètent des points de vue que nous continuerons de défendre et d’élargir au
fil de notre étude sur l’état de préparation opérationnelle des Forces
canadiennes. Si elles marquent un précédent, il s’agit d’un précédent que nous
espérons confirmer.
Un
exemplaire des Procès-verbaux pertinents (séances nos 11, 14, 15,
16, 17, 18 et 20) est déposé.
Respectueusement soumis,
Le président,
David Pratt
DEMANDE DE RÉPONSE
DU GOUVERNEMENT
Conformément
à l'article 109 du Règlement, le Comité demande au gouvernment de déposer dans
les 150 jours une réponse globale à ce rapport.
Un
exemplaire des Procès-verbaux et témoignages pertinents du Comité permanent de
la défense nationale et des anciens combattants (séances nos 11, 14, 15, 16,
17, 18 et 20 qui comprend le présent rapport) est déposé.
Respectueusement soumis,
Le président,
David Pratt