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INST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY, SCIENCE AND TECHNOLOGY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 31 mai 2001

• 0904

[Traduction]

La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): La séance est ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, examen des politiques relatives à la science et à la technologie.

Nous avons le plaisir ce matin de tenir notre avant-dernière table ronde. De 9 h à 10 h 30, nous accueillerons quatre groupes de témoins. Le Conseil national de recherches du Canada est représenté par son président, M. Art Carty; la Vancouver City Savings Credit Union est représentée par son président-directeur général, M. David Mowat; du Conference Board du Canada, nous accueillons le directeur Brian Guthrie, et du Canadian Medical Discoveries Fund, le président-directeur général, M. Calvin Stiller.

Je propose que chaque groupe fasse un exposé en essayant de s'en tenir à une durée de cinq à sept minutes, si possible. Nous passerons ensuite aux questions, qui devraient normalement durer une heure et permettre à chacun d'intervenir.

Cela étant dit, je vous donne la parole, monsieur Carty.

• 0905

M. Arthur J. Carty (président, Conseil national de recherches du Canada): Merci beaucoup, madame la présidente.

[Français]

Merci beaucoup, madame la présidente, de m'avoir donné la possibilité de vous parler ce matin.

[Traduction]

J'aimerais parler de transferts de technologie, de retombées et de financement, en vous donnant la perspective du CNRC et en abordant le sujet de façon plus générale.

Le premier acétate donne une version simplifiée des mécanismes des transferts de technologie au sein d'un organisme de R-D. Je précise qu'un tel organisme a plusieurs activités; il produit notamment des connaissances pour l'avancement de la science ou à des fins d'orientation politique et de réglementation. Ces connaissances sont diffusées auprès du public et mises à la disposition des sociétés privées.

Mais il faut aussi—et le Canada a reconnu que ses institutions publiques n'ont pas été très performantes de ce point de vue jusqu'à maintenant—mettre les connaissances et la technologie à profit grâce à des transferts technologiques en direction des sociétés privées, de façon à créer des emplois et de la richesse.

Nous avons trois mécanismes pour le faire. La R-D coopérative, qui fait intervenir l'organisme auprès d'une industrie ou d'une société, par exemple, est une façon très efficace de coopérer et de faire en sorte que la société privée sache ce qui se passe et bénéficie ainsi du transfert de technologie.

L'organisme de R-D peut soumettre une technologie à des sociétés par une licence. Récemment, on a mieux pris conscience de la nécessité de créer de nouvelles entreprises au moyen des retombées. En effet, au Canada, il arrive que personne ne soit prêt à recevoir une technologie. Dans de tels cas, il faut créer de nouvelles entreprises pour pouvoir leur transférer cette technologie. La voie des retombées a donc été consacrée plus récemment en tant que moyen très efficace d'y parvenir. Évidemment, le produit ou le procédé finit par se retrouver sur le marché et par faire fructifier l'investissement. Mais j'insiste sur le fait que ce qui importe, c'est moins le rendement financier que la création de richesse et d'emplois.

Je voudrais vous donner brièvement une idée de la portée de cette démarche à l'heure actuelle. Il est un fait que les universités et les laboratoires gouvernementaux consacrent actuellement beaucoup plus d'efforts à la création de nouvelles entreprises et à l'essaimage. En effet, on estime à 150 le nombre des essaimages des laboratoires gouvernementaux, dont 110, je dois le dire, du Conseil national de recherches. Nous avons toute une structure d'entreprise, y compris des entreprises dérivées, pour le prouver.

Denys Cooper, de notre programme d'aide à la recherche industrielle, a récemment fait une étude des entreprises qui ont essaimé des universités. Il en a trouvé près de 800 au Canada. Elles ont engendré environ deux milliards de dollars de chiffre d'affaires et créé 12 000 emplois. Nos estimations des entreprises qui ont essaimé du CNRC indiquent qu'elles emploient 7 000 personnes—sur une certaine période, évidemment—et qu'elles atteignent un chiffre d'affaires annuel de 1,2 milliard de dollars. Vous voyez donc l'importance de cette activité économique.

En ce qui concerne le CNRC, nous nous efforçons depuis 1995 de créer de nouvelles entreprises à partir de notre propriété intellectuelle, de notre technologie et de nos connaissances. Vous voyez qu'il s'agit là d'une activité en croissance. Nous avons créé environ 45 nouvelles entreprises au cours des cinq dernières années. Environ 40 d'entre elles sont des nouvelles entreprises émergentes et dérivées. Il y a aussi le groupe appelé les entreprises issues d'un essaimage inversé (spin-ins), qui s'adressent à nous parce que nous avons des installations et des spécialistes à proposer. Vous voyez donc qu'il s'agit d'une activité en croissance au Conseil national de recherches.

De quoi les nouvelles entreprises ont-elles besoin? Évidemment, lorsqu'il s'agit d'entreprises de technologie, elles ont besoin d'une bonne base technologique, qu'il faut être en mesure d'évaluer sans retard. Une petite entreprise échoue souvent parce qu'elle n'a pas eu accès à du capital de risque. Les entreprises ont besoin de solides compétences en gestion, qui font parfois défaut au Canada. Elles ont besoin de ressources humaines hautement qualifiées, de conseils et de mentorat.

L'incubation aide considérablement les petites entreprises à trouver l'oxygène indispensable à leur épanouissement et à leur croissance.

• 0910

On constate très souvent que des grappes de petites entreprises poussent autour des installations de R-D, qu'elles soient du domaine universitaire ou du secteur public. Ce regroupement est essentiel car les entreprises technologiques ont besoin de R-D pour prendre de l'expansion.

Au CNRC, nous avons un programme d'entrepreneuriat depuis 1995 et dans le cadre de notre vision de 2001, nous avons résolu de nous améliorer considérablement sur le terrain de la commercialisation de la propriété intellectuelle, des connaissances et de la technologie. Et nous avons abordé cette démarche avec combativité, dans un souci d'entrepreneuriat.

Au nombre de nos activités, nous avons un bureau du programme d'entrepreneuriat, grâce auquel nous formons nos chercheurs pour en faire des entrepreneurs. Nous leur donnons l'occasion de créer des entreprises émergentes et dérivées. Nous avons un ensemble d'outils de commercialisation. Notre programme de reconnaissance de l'invention et de l'innovation s'est réaligné de façon à proposer davantage d'incitatifs à l'innovation et au transfert des connaissances et de la technologie. Nous proposons un congé d'entrepreneuriat pour ceux qui veulent se former à la gestion d'entreprise et établir des liens avec des organismes de financement, etc.

Nous avons des ententes avec des organismes qui proposent du capital de risque, comme le Fonds de croissance canadien de la science et de la technologie, dont Cal Stiller vous parlera certainement ce matin. Nous sommes en relation avec des organismes qui proposent aux petites entreprises du mentorat et des conseils professionnels qui les aident à réussir. Par exemple, nous avons une entente de ce type avec l'Inno-centre, un organisme de Montréal.

Je n'ai pas le temps de passer en revue tous les exemples montrés ici, mais je voudrais vous parler d'un organisme, une entreprise appelée SiGe Mycrosystèmes, qui est une entreprise dérivée du CNRC. Elle a essaimé en 1997. Elle fabrique notamment des puces à haute vitesse pour l'Internet sans fil. Le procédé de fabrication de ces puces de silicone au germanium a été mis au point au CNRC. L'entreprise a elle-même créé une autre société SiGEM, qui est maintenant cotée à la Bourse de Toronto.

À elles deux, ces entreprises emploient plus de 200 personnes. Elles ont bénéficié d'un investissement de l'un des organismes de capital de risque représenté ici, pour lequel travaille Cal Stiller. La capitalisation boursière se chiffre en dizaine de millions de dollars. Il s'agit là d'une entreprise qui résulte d'une incubation au CNRC, qui a connu une croissance rapide et qui est sortie de notre incubateur. Elle dispose de ses propres installations à Kanata.

Je voudrais aussi citer l'exemple d'Optenia, une entreprise dérivée d'un type différent. C'est un exemple d'entreprise en coparticipation avec l'entreprise Mitel d'Ottawa, qui a débouché sur une technologie au potentiel considérable. L'entreprise dérivée a amené 10 employés du CNRC à quitter le conseil pour se joindre à 12 employés de Mitel. La nouvelle entreprise s'appelle désormais Optenia. C'est une véritable entreprise en coparticipation.

L'appareil montré ici sera commercialisé prochainement. Il vise un marché très important et c'est à notre avis une occasion exceptionnelle. Mais il s'agit d'une entreprise dérivée d'un type différent, puisque c'est une entreprise en coparticipation entre une grosse entreprise privée et un organisme gouvernemental.

Je voudrais maintenant vous parler d'incubation. Plusieurs pays disposent d'incubateurs très efficaces. Israël a un programme national d'incubateurs de haute technologie. L'Austin Technology Incubator est une réussite remarquable, et la France et l'Angleterre ont récemment lancé leurs programmes nationaux d'incubateurs.

Au CNRC, nous avons trois installations d'incubation. Nous en avons construit une ici même, à Ottawa, il y en a une à Winnipeg et une autre à Montréal, et nous sommes en train d'en construire d'autres, notamment à Saskatoon. Ces incubateurs sont très utiles pour les entreprises émergentes de haute technologie.

Au centre du processus d'incubation se trouve l'entreprise, l'entreprise émergente ou dérivée. Elle a besoin d'accéder aux réseaux de R-D, elle a besoin de planification d'entreprise, de capitalisation et de développement d'entreprise. Elle bénéficie de la synergie avec d'autres entreprises à l'intérieur de l'incubateur. Évidemment, les capitaux sont là. Elle peut obtenir des services, par exemple de réseautage, d'encadrement et de mentorat. C'est le principe même de l'incubateur, qui apporte l'oxygène et tous les éléments nécessaires à la survie de l'entreprise, qui lui donne son élan et qui lui permet de prendre de l'expansion pour rejoindre les entreprises plus importantes.

Au CNRC, nous avons trois incubateurs d'entreprises spécialisés. Ce sont des installations de partenariat industriel. Nous les appelons des «incubateurs cositués» parce que les entreprises sont cosituées dans nos instituts. C'est une de nos grandes réussites. Ces installations accueillent en incubation de 35 à 40 entreprises, dont 20 qui sont des entreprises dérivées du CNRC.

• 0915

En outre, des entreprises sont aussi cosituées ou en incubation dans chacun des 17 instituts de recherche et centres d'innovation du CNRC, et nous mettons actuellement l'accent sur ces incubateurs. Chacune de nos nouvelles installations construites au Canada, y compris celles qui résultent du partenariat d'innovation de l'Atlantique à St. John's, à Halifax, à Fredericton, etc., aura des incubateurs qui permettront aux entreprises de se cosituer avec nos installations de R-D et nos chercheurs. Le nombre des entreprises en incubation a connu une forte augmentation. Il y en a actuellement 65. Elles représentent une création importante d'emplois et de richesse.

Je voudrais dire quelques mots des éléments de notre réussite. Tout d'abord, le CNRC connaît depuis cinq ans un changement culturel important. Nos chercheurs ont désormais une perspective beaucoup plus entrepreneuriale, leurs découvertes et leurs idées deviennent des possibilités commerciales, ce qui ne signifie pas nécessairement qu'ils vont eux-mêmes créer des entreprises dérivées à partir de leurs découvertes, mais du moins, ils s'efforcent de mettre les connaissances et la technologie à profit.

Dans chacun de nos instituts de recherche, des agents de développement commercial s'intéressent étroitement aux activités de recherche en cours. Nous avons des spécialistes en gestion de la propriété intellectuelle et nous gérons la propriété intellectuelle de 13 autres ministères et organismes fédéraux. Nous proposons des conseils en gestion et en traitement de la propriété intellectuelle à un grand nombre de ministères. Nous avons un programme d'entrepreunariat comportant des outils et des programmes de récompenses, des liens solides entre les chercheurs et les partenaires et collaborateurs. C'est aussi un élément essentiel. Et nous avons adopté des méthodes très souples de transfert de technologie. Nous octroyons des licences exclusives ou non exclusives à des entreprises, nous pouvons créer de nouvelles entreprises ou en accueillir dans nos incubateurs. Voilà notre message et notre environnement.

La présidente: Monsieur Carty, je suis désolée de vous interrompre, mais puis-je vous demander de conclure?

M. Arthur Carty: Oui. Permettez-moi de dire quelques mots du financement, car je pense que c'est un sujet important pour le comité, madame la présidente. L'année dernière a été remarquable en ce qui concerne le financement des petites entreprises au Canada, en particulier des entreprises émergentes. Vous voyez ici qu'à la fin du troisième trimestre de l'an 2000, les nouvelles compagnies avaient bénéficié de 3,4 milliards de dollars d'argent frais sous forme de capitaux de risque. Le fond de capital de risque a atteint près de 20 milliards de dollars en l'an 2000. Il est vrai que depuis lors, il y a eu un ralentissement, mais ce sont là deux chiffres records, et vous voyez ici la courbe de croissance. Je pense qu'on a dû atteindre les 5 milliards de dollars de nouveaux capitaux de risques investis.

Le revers de la médaille, c'est que dans certaines régions du pays, notamment dans le Canada atlantique, on déplore une sévère pénurie de capital de risque pour les nouvelles entreprises en coparticipation, les entreprises émergentes, etc. Il faut absolument y remédier. Les perspectives existent, mais il est très difficile d'orienter les capitaux de risque vers le Canada atlantique. On trouve toujours des banques et des investisseurs qui redoutent le risque et qui ne s'intéressent pas vraiment aux véritables entreprises émergentes, qui n'ont pas d'actifs ni de marge brute d'autofinancement, sinon sous forme de propriété intellectuelle et de ressources humaines. Le Canada a assez peu d'investisseurs providentiels par rapport aux États-Unis, encore qu'il y ait dans ce domaine une amélioration considérable depuis trois ou quatre ans. Pour les véritables entreprises émergentes, il est toujours difficile d'accéder à ces petits montants de fonds de démarrage qui leur permettent de se lancer en affaires.

Madame la présidente, je vous remercie de m'avoir écouté.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Carty.

Je vais maintenant donner la parole à David Mowat, de la Vancouver City Savings Union.

M. David Mowat (président-directeur général, Vancouver City Savings Credit Union): Merci beaucoup, madame la présidente.

Après le vol qui nous amène de Colombie-Britannique, nous avons toujours l'impression que nous devons nous présenter, et je vais le faire en 30 secondes. Notre entreprise, VanCity, est la plus grosse coopérative d'épargne et de crédit au Canada. C'est un organisme unique. Il a un actif de 7 milliards de dollars et sa particularité, c'est qu'il est concentré dans une seule ville. À l'intérieur des limites de Vancouver, nous représentons l'équivalent de la Toronto Dominion ou de la Banque de Nouvelle-Écosse, ce qui nous donne le luxe d'une base solide de bénéfices nets et de capitaux propres. Nous avons récemment créé la VanCity Capital Corporation, un fonds de 25 millions de dollars destiné aux entreprises de haute technologie.

• 0920

Avant de travailler à VanCity, j'ai créé trois fonds de capital de risque de démarrage avec la Banque canadienne de développement et avec des partenaires, notamment Ventures West, la Banque de Montréal, la Caisse de dépôt et le Fonds de pension du gouvernement de Colombie-Britannique.

Au lieu de vous parler de ce que nous faisons, j'aimerais mieux me consacrer à ce qu'il faudrait faire ou ce que vous devriez faire, à mon avis. On entend beaucoup parler des réussites, mais si vous cherchez quelque chose à améliorer, je considère que nous avons toujours trois solitudes. Nous avons des gens, de l'argent et de la technologie. Au Canada, nous disposons des trois éléments en abondance. Mais souvent, nous ne parvenons pas à les faire coïncider, à faire du mentorat, à investir au bon endroit ou à mettre les ressources humaines et les capitaux au service de la technologie.

Pour y parvenir, on peut envisager plusieurs choses. Nous avons créé un environnement, nous sommes allés chercher des montants considérables au Canada grâce à des mesures fiscales particulières, mais les investisseurs s'orientent toujours vers les mêmes secteurs. Si l'on veut véritablement s'intéresser aux nouvelles technologies dès qu'elles apparaissent dans les universités et les organismes publics comme le CNRC, il faut envisager de leur accorder les mêmes faveurs fiscales qu'aux fonds de capital de risque.

Le deuxième élément important concerne les créateurs d'entreprises. Il faut que ces entreprises bénéficient dès le début d'entrepreneurs d'expérience qui vont les gérer correctement. Les modèles de mentorat, les incubateurs sont tous utiles sur le marché, mais rien ne remplace un gestionnaire d'expérience qui s'intéresse à l'entreprise, qui établit un partenariat avec un scientifique et qui pilote l'entreprise en dehors des chemins bureaucratiques, selon les principes du secteur privé.

Mon troisième argument, c'est que si l'on cherche à créer des fonds de soutien, les fonds d'un montant trop modeste n'en valent pas la peine. Dans le domaine du capital de risque, les petits montants ne donnent aucun résultat. On peut investir un petit montant d'argent, mais l'entreprise doit franchir des étapes. On peut s'efforcer de trouver des petits montants de 200 000 $ ou 300 000 $, mais ce n'est qu'une première étape. Si la technologie aboutit, on va avoir besoin de 2 ou 3 millions de dollars rien que pour franchir les étapes suivantes, qui permettront ensuite d'aller chercher 10, 15 ou 20 millions de dollars. Si l'on crée de petits fonds, on constate que les investisseurs initiaux qui ont supporté le risque en sortent perdants et on ne les retrouve plus en fin d'opération. On trouve au Canada un grand nombre de ces petits fonds qui n'ont pas de quoi franchir toutes les étapes et qui sont donc inutiles.

Mon quatrième argument, c'est qu'il faut soutenir les universités. Le CNRC est sans doute devenu expert dans la diffusion de ses technologies. Mais les universités et les sociétés d'État qui disposent d'excellentes technologies ne réussissent pas toujours à en négocier le transfert en direction d'une entreprise dérivée. Bien souvent, l'entente échoue parce que le transfert de technologie n'a pas été bien conçu.

Mon dernier argument concerne les crédits d'impôt pour la recherche. Les entreprises qui prennent de l'expansion commencent à obtenir des crédits d'impôt. Il faudrait que ces crédits d'impôt soient plus faciles à encaisser à la banque. Pour financer la marge brute d'autofinancement des entreprises qui démarrent, pour leur permettre d'élargir leurs activités commerciales et de renforcer leur trésorerie, le gouvernement devrait confier une mission plus précise aux banques et aux coopératives de crédit. Actuellement, on ne sait jamais si l'argent des crédits d'impôt pour la recherche va revenir ou non.

Ceci termine mon exposé. Merci beaucoup.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Mowat.

Nous passons maintenant au Conference Board du Canada, M. Brian Guthrie.

• 0925

M. Brian Guthrie (directeur, Gestion de l'innovation et des connaissances, Conference Board du Canada): Merci, madame la présidente.

Comme vous le savez sans doute, le Conference Board est un organisme indépendant. Nous abordons le sujet selon une perspective très vaste, et je vais l'aborder de la même façon, en commençant par l'innovation.

Nous pensons que l'innovation est quelque chose de systémique. Il ne s'agit pas uniquement du financement des entreprises émergentes. C'est l'un des problèmes, mais ceux-ci ne se limitent pas au financement des entreprises émergentes et dérivées. Pour le Conference Board, il n'est pas douteux que l'innovation est un facteur essentiel de la compétitivité et de la productivité. Nous le montrons dans notre rapport intitulé Performance and Potential. Par ailleurs, le programme du gouvernement actuel en matière d'innovation constitue une excellente initiative, dont nous tenons à le féliciter.

Nous définissons l'innovation en fonction de deux éléments, à savoir la production des meilleures idées, puis la commercialisation de ces idées. Cela me semble important. Le Canada réussit très bien à produire des idées, mais il ne réussit pas à se classer parmi les meilleurs au monde. La commercialisation de ces idées constitue l'une de nos faiblesses, sur laquelle il faudrait travailler.

Par ailleurs, nous avons montré à partir des données de Statistique Canada que la collaboration est un élément essentiel de l'innovation pour la plupart des entreprises et que les manufacturiers canadiens ont plus de chance d'atteindre le peloton de tête lorsqu'ils collaborent. C'est un élément important de la formule clé: les compagnies dérivées, en particulier, n'ont pas nécessairement les bonnes caractéristiques pour se retrouver dans le peloton de tête et pour conquérir les marchés. Les PME, en particulier, ont moins tendance que les grandes entreprises à collaborer au sein de l'économie canadienne.

Il y a pourtant des réussites au Canada en matière de collaboration. Le programme ontarien des centres d'excellence, lancé il y a 15 ans, constituait une première en matière de collaboration entre les universités et les entreprises. Il y a 20 ans, on disait que le Centre national de recherches du Canada était l'un des secrets les mieux gardés dans ce pays. Je pense qu'il est sorti de l'ombre, comme M. Carty vient de le montrer.

À notre avis, la solution comporte trois éléments. Il y a l'ADN des gens et l'ADN des organismes; il y a la recherche et la production des meilleures idées; et enfin, il y a l'entrepreunariat, la conquête des marchés et la gestion. J'estime que le Canada réussit très bien dans la recherche et qu'il produit d'excellentes idées. Il est assez bon en matière de gestion et de collaboration, mais il montre quelques faiblesses en ce qui concerne l'entrepreunariat.

C'est peut-être à cause de l'ADN du pays, si l'on remonte à 1867. Nous réussissons à regrouper de nombreux intervenants, mais notre perspective n'est peut-être pas assez entrepreneuriale. De ce point de vue, on peut regarder dans plusieurs directions, notamment vers les entreprises dérivées, leur financement et leur expansion à l'échelle mondiale.

Mais je voudrais adopter maintenant un autre point de vue. Depuis deux ans, le Conference Board organise une tribune sur l'innovation qui regroupe 25 personnes dont des PDG, des sous-ministres et des recteurs d'université. Nous venons de publier un petit ouvrage sur l'investissement et l'innovation. Encore une fois, nous abordons ces notions dans une perspective très large. La première conclusion de cette tribune, c'est qu'il faut investir dans le prochain trimestre, dans la prochaine génération, et que le capital de risque peut sans doute nous permettre de franchir le prochain trimestre, mais les problèmes de formation de la main-d'oeuvre et les difficultés systémiques d'infrastructure et de fiscalité peuvent mettre un frein à la croissance.

Le groupe parle de l'investissement en R-D—j'en reparlerai tout à l'heure, ainsi que des objectifs proposés dans le discours du Trône—en milieu universitaire et dans le secteur public. Il parle de la diminution des impôts—c'est une vieille histoire—mais de la poursuite du bon travail qui nous a permis de rejoindre notre principal concurrent, à savoir les États-Unis, avec un taux de 21 p. 100 sur les gains en capitaux. Il parle d'investir dans la formation de la main-d'oeuvre, en particulier dans les aptitudes entrepreneuriales et les objectifs de formation, comme le proposait le discours du Trône.

• 0930

Mais surtout, il parle de commercialisation sur le marché mondial. Il parle de collaboration avec les entreprises étrangères et avec nos partenaires américains. C'est toute cette notion de partenariats stimulants.

C'est donc un document très enrichissant, qui émane d'un groupe de personnes remarquables, principalement des PDG des différentes régions du Canada et des gens des milieux d'affaires.

Un dernier mot concernant les objectifs du discours du Trône, où il était question de faire passer le Canada du 15e au 5e rang au sein de l'OCDE en ce qui concerne l'investissement en R-D. Cet effort a des conséquences intéressantes. Si l'on s'en tient aux chiffres et à quelques hypothèses assez simples, il est question de passer de 14 milliards de dollars en 1999 à 34 milliards de dollars en 2010. Pour le secteur privé en particulier, on passera de 8,8 milliards de dollars en 1999 à 21 milliards de dollars en 2010. C'est donc une augmentation de deux fois et demie.

Nous avons demandé aux PDG s'ils étaient prêts à s'engager à le faire. Quelle a été leur réponse? Évidemment, ils n'en veulent pas. Ils ont une responsabilité vis-à-vis de leurs actionnaires. Ils pourraient le faire, ils pourraient se laisser tenter. Je crois que c'est précisément le défi. Mais nous parlons ici d'une croissance réelle d'environ 9,1 p. 100 par an, à partir de quelques hypothèses très simples, s'il n'y a pas d'inflation et si nos concurrents n'augmentent pas leur investissement en R-D dans les mêmes proportions sur la même période. Or, nous savons qu'ils vont le faire. C'est notamment le cas de la Suède, des États-Unis et des autres. Ils sont en train d'augmenter leur effort de R-D.

Je considère donc que c'est la principale question des 12 prochains mois en matière d'innovation: que va-t-on faire de ces 12,1 milliards de dollars et comment peut-on inciter les entreprises à faire un effort? J'irais même plus loin en demandant si c'est un bon objectif. Faut-il miser uniquement sur l'investissement en R-D, ou ne faudrait-il pas plutôt parler d'innovation? Faut-il parler de collaboration? Faut-il parler de main-d'oeuvre qualifiée et de formation?

Il faudrait peut-être tirer davantage parti des atouts du Canada, au lieu de mettre l'accent sur ses faiblesses, car nous savons que nous sommes à la traîne en ce qui concerne l'investissement direct en R-D.

Merci beaucoup, madame la présidente.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Guthrie.

Monsieur Stiller, s'il vous plaît.

M. Calvin Stiller (président-directeur général, Canadian Medical Discoveries Fund Inc.): Merci beaucoup.

Je m'en voudrais de ne pas commencer en vous signalant, madame la présidente, que Art Carty a été décoré aujourd'hui de l'Ordre du Canada.

C'est bien vrai, n'est-ce pas?

M. Arthur Carty: Oui.

M. Calvin Stiller: Il convient de le signaler.

Des voix: Bravo, bravo!

M. Calvin Stiller: Je ne prendrai pas plus de temps à faire son panégyrique, mais je tiens à dire que le Conseil national de recherches du Canada est véritablement un joyau de la couronne. C'est un organisme auquel je ne m'intéressais pas beaucoup il y a quelques années, car il semblait en proie à l'immobilisme, mais il a bien changé ces dernières années et c'est désormais un véritable leader.

Je voudrais faire deux ou trois commentaires qui, je pense, devraient permettre de relancer le débat. Sous la surface des notions dont nous discutons ici, on note des différences importantes.

Permettez-moi tout simplement de dire qu'il faut que nous comprenions ce que c'est que la propriété intellectuelle. Nous avons un mythe selon lequel nous allons transformer le Canada d'une économie fondée sur les produits primaires, qu'on extrait de la terre sous forme de ressources naturelles, et qu'on transforme en produits finis à l'étranger. Et dans l'économie du savoir, soudain nous allons avoir ce phénix. Nous allons renaître de nos cendres grâce à ces merveilleuses découvertes canadiennes de diverses sortes, et puis subitement, nous serons une grande puissance économique, et notre dollar ne sera plus lié au prix des produits de base.

Bien, je vous avertirai tous simplement que la propriété intellectuelle ou le brevet constitue le produit suprême. S'il s'agit de pétrole souterrain, je dois embaucher un foreur pour l'extraire. Ensuite, je dois charger un camion et transporter le pétrole je ne sais où. Or, s'il s'agit de propriété intellectuelle, je peux, en tant qu'avocat, la mettre dans mon porte-documents et traverser la frontière afin d'obtenir le paiement comptant ou les redevances promis. L'important, c'est de transformer notre merveilleuse science, qui a besoin d'un financement permanent et accru, en produits qu'on peut mettre sur le marché. C'est ce continuum qui est tout à fait critique.

• 0935

M. Carty et David proposent qu'on prenne ces idées-là et qu'on les transpose à des entreprises émergentes, qu'on développe ces entreprises-là, et qu'on continue à les appuyer pour que nous ne soyons pas que les meilleurs bûcherons et porteurs d'eau. On pourra dire que ce sont nous qui découvrons, eux qui exploitent, et nous qui rachetons le produit. C'est ainsi qu'on décrira le Canada d'ici 10 ans si nous ne changeons pas notre façon de faire.

On parle de la quantité de capitaux que nous avons actuellement au Canada, et la situation a certes évolué sur le plan du capital de risque, source de financement de ces nouvelles entreprises dérivées. Mais l'empreinte d'une entreprise en difficulté, à l'égard de laquelle le vérificateur a des réserves, et pour laquelle on donne le signal d'alarme, c'est un compte en banque garni pour moins d'un an.

L'industrie des capitaux de risque au Canada dans son compte une réserve bonne pour moins d'un an. Donc, malgré sa croissance, elle est à mon avis dans une situation périlleuse puisque nous assistons à un nombre record de nouvelles entreprises émergentes en pleine croissance, et tout à coup elles vont se heurter à un mur si l'argent n'est pas là. Nous devons donc nous pencher sur cela.

Peut-être que j'ai parlé de façon trop cavalière, madame la présidente, en dictant ceci, mais le préavis que j'ai reçu était court. J'ai énoncé ainsi ma formule simpliste: E=mc2, ou excellence économique égale masse monétaire multipliée par compétitivité dans la recherche à la puissance 2.

L'argent est tout à fait critique. Il faut que l'argent soit disponible. L'argent doit se situer très près de la source de la recherche compétitive, et le concept de l'agglutination est important.

Je dirais qu'il est temps de prendre du recul et de repenser tout cela.

D'abord, je ne suis pas d'accord que l'ADN canadien est dépourvu du gène de l'entrepreneur. Ce n'est pas vrai, monsieur Guthrie. Le gène de l'entrepreneur figure sur la carte génomique canadienne.

Ce n'est pas comme si on se rendait à Brampton à la recherche d'une vedette de la Ligue nationale de hockey. Elles ne sont pas là. Elles sont allées à la Ligue nationale de hockey, et elles jouent à New York. Je passe mon temps, trop de mon temps, dans un avion et dans d'autres villes, mais je peux vous dire que le nombre de Canadiens expatriés aux États-Unis dans des postes de direction... et ce sont des entrepreneurs formidables. Mais ils ont été recrutés par des chasseurs de tête, et ils sont là-bas, et nous devons trouver les moyens de les faire revenir.

Savez-vous pourquoi ils reviennent? Ils reviennent si une occasion prometteuse se présente. Ils aiment vivre au Canada, mais ils ont besoin d'argent pour faire ce qu'ils veulent faire.

Donc le facteur décisif, c'est l'argent. La réponse, c'est l'argent. Il nous faut un afflux d'investissement tolérant à l'égard du risque et qui s'harmonise avec notre science.

Lorsqu'on a demandé à John Doer, le plus grand investisseur en capital de risque du monde, pourquoi il avait investi dans Silicon Graphics et Sun Microsystems, mais non dans Cisco—trois des grands succès technologiques des États-Unis—alors que les trois entreprises sont issues de la même école d'ingénierie et qu'elles ont été créées à peu près au même moment sous la direction du même doyen à Stanford, il a répondu ceci: «Sun se trouve au rez-de-chaussée, Silicon Graphics au premier et Cisco dans le sous-sol; je dirais que je ne me suis pas rendu au sous-sol.»

Tout est donc une question de ressources financières, de recherche compétitive et d'interaction dynamique. Ce ne sont pas des investisseurs de New York qui vont créer des entreprises à Saskatoon. Rien ne sert d'y penser. J'ai travaillé autant dans le domaine scientifique que dans le domaine du capital de risque, et je peux vous assurer que ces deux éléments doivent se trouver réunis.

• 0940

Les ressources financières alliées à de la recherche compétitive rendent tout possible. Nous avons pu le constater maintes fois. Je vous expliquerai plus tard les façons innovatrices par lesquelles nous pourrions nous y prendre en tirant parti des succès que nous avons connus dans le passé dans le secteur des ressources comme les ressources pétrolières.

La présidente: Je vous remercie beaucoup, monsieur Stiller.

Je vous ai inscrit sur la liste, monsieur Alcock.

J'ouvre maintenant la période de questions. La parole est à M. Penson.

M. Charlie Penson (Peace River, Alliance canadienne): Je vous remercie beaucoup.

Quel groupe de témoins intéressants! Je vous remercie, messieurs, d'être venus aujourd'hui comparaître devant le comité.

Monsieur Carty, le grand graphique que vous nous avez présenté montre bien les différents éléments qui contribuent au succès dans ce domaine et on nous a bien expliqué lequel de ces éléments semble le plus faire défaut ces jours-ci, à savoir le capital de risque. On peut investir des sommes énormes dans la R-D, mais s'il ne se trouve pas des gens pour tirer parti de celle-ci et pour la commercialiser, cela ne sert pas à grand-chose.

Comme mon collègue a une question intéressante à vous poser, j'aimerais lui laisser un peu de temps, mais permettez-moi d'abord de vous poser la question suivante.

Monsieur Guthrie, vous dites que la fiscalité constitue un obstacle pour les petites entreprises. Est-ce vraiment le problème? L'argent ne manque pas, semble-t-il, mais les investisseurs hésitent à prendre des risques. Peut-être est-ce parce que nous ne les récompensons pas quand ils en prennent. Voilà la question que je pose. Quel est le véritable obstacle auquel nous faisons face? Je crois que nous avons une assez bonne idée de ce qu'il est, mais ne faut-il pas attribuer en partie la situation au fait que le Canada n'a pas suscité un climat propice aux investissements en prévoyant un régime fiscal avantageux pour les investisseurs?

La rumeur veut que le gouvernement investisse beaucoup d'argent pour stimuler la R-D dans les mois qui viennent, mais si un élément continue de manquer, à quoi cela servira-t-il?

La présidente: Adressez-vous votre question à quelqu'un en particulier?

M. Charlie Penson: Je l'adresse à quiconque veut y répondre. M. Stiller peut peut-être y répondre en premier puisque c'est lui qui a pris la parole en dernier.

M. Calvin Stiller: À qui nous comparons-nous? Nous n'investissons toujours pas autant dans la recherche que nos principaux compétiteurs qui sont maintenant les États-Unis et le Japon. Je ne pense pas que moins investir dans la recherche soit la réponse...

M. Charlie Penson: Mais la question que je vous posais est si vous...

M. Calvin Stiller: ...car ce serait plutôt l'inverse qui s'imposerait.

Les Canadiens ont peut-être le gène de l'entrepreunariat, mais ils détestent aussi prendre des risques. C'est ce qui explique d'ailleurs pourquoi il n'y a pas eu davantage de Canadiens à ressentir l'effet de l'effondrement des cours des actions des entreprises électroniques. Une comparaison des capitaux investis dans ces entreprises aux États-Unis et au Canada nous renseigne sur les caractéristiques des investisseurs dans chacun de nos pays et le problème au Canada, c'est que les investisseurs craignent de prendre des risques.

Parlons maintenant des sciences de la vie. La moitié de nos investissements de recherche porte sur le domaine de la santé et des sciences de la vie. Or, les investissements en capital de risque sont proportionnellement très peu élevés.

À mon avis, il faut atténuer les risques que prennent les investisseurs en leur offrant des conditions fiscales avantageuses. C'est une nécessité absolue.

M. Charlie Penson: Il faut donc rendre la récompense plus alléchante n'est-ce pas?

M. Calvin Stiller: Tout à fait.

Pour ma part, je recommanderais les actions accréditives qui font leur preuve depuis de nombreuses décennies dans le domaine de l'exploitation des ressources terrestres de l'Ouest. C'est un outil merveilleux. Les actions accréditives permettent de reporter l'impôt à verser si une entreprise ne réalise pas de bénéfice. Je ne vois vraiment pas pourquoi nous n'avons pas recours au même mécanisme dans le domaine de la R-D.

En fait, nous avons songé à réunir des investisseurs et à réclamer ce mécanisme. Nous avons proposé la création de fonds de recherche par l'émission d'actions accréditives.

Revenu Canada n'a cependant pas voulu rendre de décision à cet égard en prétextant qu'il s'agirait d'un cumul d'avantages puisque l'entreprise profiterait d'une radiation ainsi que de crédits d'impôt pour R-D.

• 0945

Je propose donc que nous oubliions les crédits d'impôt. Nos crédits d'impôt sont parmi les plus alléchants des pays du G-7 et cela ne suffit pas. Le problème, ce ne sont pas les impôts que paient les entreprises, mais plutôt de trouver les investisseurs voulus. Ce n'est pas ce qui va attirer les investisseurs ici. Pour attirer des investisseurs étrangers, il faut d'abord que des investisseurs locaux s'intéressent à un projet. Il faut trouver les fonds voulus avant même la création de l'entreprise. Je propose donc que nous envisagions sérieusement de recourir aux actions accréditives. Il serait possible de prévenir les abus par une réglementation rigoureuse. Il suffit ensuite de laisser libre cours à l'esprit d'entrepreneuriat des Canadiens.

La présidente: Quelqu'un d'autre veut-il répondre?

Monsieur Guthrie, allez-y.

M. Brian Guthrie: Oui. Le rapport que publiait le Comité technique sur la fiscalité des entreprises de Finances Canada constatait il y a un an que le plus important fardeau fiscal des entreprises n'est pas les impôts sur les bénéfices, mais plutôt les taxes qui n'ont rien à voir avec les bénéfices comme les charges sociales, les impôts fonciers, les taxes de vente et les taxes d'accise. C'est exactement ce que je fais valoir. Il s'agit d'une question systémique et le pays dans son ensemble n'aime pas prendre les risques.

Je vais cesser de faire des généralisations au sujet des gens. Les généralisations sont toujours fausses. En effet, il existe de grands entrepreneurs parmi les Canadiens. Une partie du problème réside dans le fait qu'on finit par les convaincre de s'installer aux États-Unis.

M. Charlie Penson: Monsieur Guthrie, n'est-ce pas exactement ce que faisait valoir M. Stiller? Si le climat est propice...

M. Brian Guthrie: Oui, je dis exactement la même chose que lui. On peut dire que nous sommes violemment d'accord.

M. David Mowat: Oui, mais ce sont les entreprises bien établies qui doivent se préoccuper de facteurs comme les charges sociales. Nous ne discutons pas de ce genre d'entreprises du tout.

Ce qu'il faut faire, c'est créer un climat d'investissement qui vous incitera à sortir votre portefeuille—je ne parle pas de vous personnellement, mais de l'ensemble des Canadiens—et à prendre plus de risques. Cela n'a donc rien à voir avec le fardeau fiscal, les taxes et les charges sociales.

M. Brian Guthrie: D'après le rapport de Finances Canada, «les taxes et charges sociales posent des difficultés particulières pour les nouvelles entreprises dont l'encaisse est fréquemment peu élevée».

M. Calvin Stiller: Qu'est-ce que vous dites? Cela ne fait absolument aucun sens. Si vous pensez pour un instant que ce sont les charges sociales qui nous arrêtent de créer une société pour mettre en marché le fruit de la recherche d'Art Carty... Je peux vous assurer que SiGe ne s'est pas préoccupée des charges sociales. Il s'agissait pour nous de trouver l'argent voulu, et de prendre le risque d'investir, sachant très bien qu'en bout de ligne nous ne pouvions nous attendre à être récompensés pour l'avoir fait. Il y a donc deux phases.

Brian, je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que les entreprises bien établies se préoccupent vraiment des charges sociales. Fort heureusement, je possède plusieurs entreprises de ce genre sinon je ne pourrais pas faire ce que je fais actuellement. Trouver les capitaux voulus est d'abord ce qui importe.

La présidente: Très bien. J'accorde maintenant la parole à l'intervenant suivant.

Monsieur Bélanger, je vous prie.

M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Madame la présidente, je vous remercie. Je dois déposer un rapport à la Chambre à 10 h 05 et je serai donc bref.

Félicitations, monsieur Carty. Je regrette que je ne pourrai pas être présent pour vous applaudir.

Monsieur Guthrie, nous n'avons pas reçu le rapport auquel vous faites allusion. Pendant que je vous écoutais, je croyais entendre le vieux leitmotiv: «moins d'impôt et plus d'argent du public». Je crois que c'est le secteur privé qui a vraiment peur des risques, sachant très bien que s'il ne prend pas les risques, ce sera l'État qui le fera en le faisant partager par tous les actionnaires canadiens, c'est-à-dire par les citoyens canadiens.

Les entreprises canadiennes vont devoir changer leur discours. Elles ne peuvent pas continuellement réclamer que le gouvernement réduise ses impôts, investisse davantage dans la R-D, dans la formation de la main-d'oeuvre et ainsi de suite. C'est inadmissible. Tout cela sans parler de la dette que certaines sociétés prennent maintenant pour acquise et préféreraient qu'on oublie.

Si c'est le message que vous nous transmettez, j'aimerais vous signaler que je m'oppose vivement à cette vision des choses. Je n'ai pas lu le document en entier...

M. Brian Guthrie: Je m'excuse si c'est l'impression que je vous ai donnée car ce n'est pas du tout le message que nous voulons vous transmettre. En fait, nous voulons vous transmettre le message opposé. Le discours que je vous transmets n'est pas celui d'un néophyte, mais de l'un des PDG ayant participé à notre colloque de chefs d'entreprise. Ce PDG disait ceci: «Nous sommes là à pointer du doigt quelqu'un d'autre et comme mon adolescent me dit, lorsqu'on pointe un doigt, les quatre autres doigts sont tournés vers soi.» Ce PDG a dit que le grand problème c'était—et il regardait les PDG en disant cela—dans la mesure où nous ne sommes pas prêts à miser le tout pour le tout comme si...

M. Calvin Stiller: Combien de nouvelles entreprises participaient à ce colloque, Brian?

M. Brian Guthrie: Il n'y en avait pas. Des représentants de grandes entreprises, des universités et du gouvernement qui s'intéressent aux répercussions de la recherche y participaient.

• 0950

M. Calvin Stiller: Nous sommes le principal investisseur dans les nouvelles entreprises du domaine des sciences de la vie au pays. Je n'ai jamais entendu parler de cette étude.

M. Brian Guthrie: De toute façon...

M. Mauril Bélanger: Si vous pouviez répondre à la question que je vous posais.

Peut-on vraiment se fier à vos conclusions sur l'entrepreneurship si aucune nouvelle entreprise n'était représentée à ce colloque?

M. Brian Guthrie: Je n'essayais pas de dire que l'entreprise n'assumait pas une part des responsabilités. En fait, je dirais, sans savoir exactement, que 60 p. 100 des investissements consentis dans la R-D sont le fait du secteur privé et 40 p. 100, du secteur public. Quant aux problèmes et aux défis qui se posent, je dirais que 60 p. 100 se posent dans le secteur privé. En fait, je dirais qu'il y a plus de problèmes et de défis qui se posent à cet égard dans le secteur privé que dans le secteur public. Lorsque j'ai dit qu'il fallait offrir des stimulants au milieu des affaires, je ne disais pas qu'il fallait lui donner de l'argent. Absolument pas. Je parlais d'un climat qui favorise l'innovation, et l'attitude à l'égard des risques est un facteur qu'il faut prendre en compte.

M. Mauril Bélanger: Très bien. Je voudrais maintenant poser une question à M. Stiller.

Parlons des actions accréditives. Si l'ADN des humains et des diverses espèces végétales et animales était du domaine public, comme je crois qu'il devrait l'être, toutes sortes d'entreprises émergentes et d'entreprises bien établies pourraient tirer parti des recherches dans ce domaine. Comment se présenteraient les actions accréditives? Le régime serait-il le même que dans les autres domaines?

M. Calvin Stiller: Oui. Je crois qu'il suffit de reproduire le régime qui a fait ses preuves dans le domaine de l'exploration pétrolière, par exemple. Le génome est un exemple parfait. Un mythe veut que le génome appartienne à quelqu'un. Ce n'est pas le cas.

Nous savons que l'Amérique du Nord se trouve ici et que beaucoup de routes y mènent. C'est à peu près où en est le génome pour l'instant. Ces routes n'appartiennent à personne pour l'instant.

M. Mauril Bélanger: Certaines personnes ont présenté des demandes de brevet.

M. Calvin Stiller: Il y en a qui le font à chaque heure du jour.

M. Mauril Bélanger: Oui.

M. Calvin Stiller: Je vous assure que plus d'Américains que de Canadiens présentent cependant des demandes de brevet. La raison en est qu'au Canada, les gens ne peuvent pas se dire qu'ils investiront dans les recherches sur le génome et si ces recherches ne rapportent rien, ils auront au moins droit à une déduction fiscale.

M. Mauril Bélanger: Quel lien faites-vous avec les actions accréditives et les fonds de capital de risque de travailleurs? Je crois que vous présidez d'ailleurs l'un de ces fonds, n'est-ce pas?

M. Calvin Stiller: Oui. Je pense qu'il s'agit de deux choses distinctes.

M. Mauril Bélanger: Vous feriez en sorte qu'elles le demeurent?

M. Calvin Stiller: Oui. Je ne prêche absolument pas pour ma paroisse. Je disais simplement qu'il faut prendre un peu de recul et étudier toute cette question.

Il s'agit de savoir comment faire des investissements intelligents, qui soient bien gérés, qui acceptent un certain niveau de risque, dont la durée est suffisamment longue, qui correspondent à la politique publique et qui ne peuvent pas donner lieu à des abus.

M. Mauril Bélanger: Si vous me le permettez, j'aimerais poser une dernière question.

Seriez-vous favorable à ce que le gouvernement du Canada et les gouvernements provinciaux et municipaux fassent en sorte qu'un petit pourcentage des fonds publics comme le RPC et l'OMERS servent à ce genre d'investissement?

M. Calvin Stiller: Oui. Le problème, c'est que cela ne fonctionne pas.

M. Mauril Bélanger: Oui.

M. Calvin Stiller: Je regrette. Cela ne fonctionne tout simplement pas.

Est-ce que j'aimerais que cela fonctionne? Vous savez, je suis un monstre à deux têtes. Je suis à la fois un scientifique et un chercheur qui a travaillé toute sa vie dans ce domaine et un financier et un investisseur de capital de risque. Une partie de moi dit donc oui. L'autre partie, que je rêve. J'ai rencontré tous les dirigeants des fonds de pension.

M. Mauril Bélanger: Que se passerait-il si cet investissement était dirigé?

M. Calvin Stiller: Même dans ce cas, la définition de capital de risque ne s'appliquerait pas.

Puis-je pour un instant vous parler à titre de représentant du gouvernement de l'Ontario?

Nous avons participé à une expérience au cours des trois dernières années. L'expérience consistait à savoir comment susciter davantage d'investissements dans la commercialisation des découvertes technologiques effectuées dans nos universités. Nous avons fait deux choses. Nous avons d'abord créé le Fonds ontarien d'encouragement à la R-D qui est un fonds gouvernemental géré par un conseil d'administration privé. Ce conseil investit un dollar sur trois dans les universités. Chaque partie, l'entreprise privée, l'université et le gouvernement, consent le tiers des investissements.

• 0955

Le projet a connu beaucoup de succès. Nous avons tenu hier notre sommet sur la R-D. En moins de trois ans, plus d'un milliard de dollars a été investi dans la R-D. Il s'agit de la R-D menée dans les universités.

Les capitaux de risque sont encore loin d'être suffisants et l'an dernier, le gouvernement de l'Ontario a décidé que les fonds de capitaux de risque des travailleurs qui investiraient 50 p. 100 de leur capital en R-D auraient droit à un crédit d'impôt de 20 p. 100 plutôt que de 15 p. 100. Cette expérience n'en est qu'à sa première année et nous verrons quels en seront les résultats. Je pense que ce sera très intéressant de voir ce qui va se passer parce qu'on fait une distinction entre les capitaux de risque en aval et les capitaux de risque en amont.

M. David Mowat: Puis-je appuyer ce point. Je ne suis pas nécessairement pour cette idée de 50 p. 100 de 50 p. 100, mais il faut mettre l'accent sur les investissements en amont et sur la commercialisation de la technologie. Lorsqu'on met seulement l'accent sur les capitaux de risque, c'est comme si l'on parlait des finances d'entreprise et de toutes les questions qui entourent le financement des petites entreprises. Il s'agit de deux choses tout à fait différentes. Cal vous dira même que les fonds d'envergure confient la gestion des nouvelles entreprises à un personnel qui se spécialise dans ce domaine. Ce sont deux choses tout à fait différentes.

M. Calvin Stiller: Tout à fait.

La présidente: Je vous remercie.

J'aimerais aborder une autre question, monsieur Bélanger.

Monsieur Stiller, j'aimerais une précision de votre part. Le fonds que vous avez créé en Ontario est-il le même fonds que celui qui collabore avec la FCI pour stimuler la recherche universitaire?

M. Calvin Stiller: Non, c'est un autre fonds. C'est le Fonds d'innovation de l'Ontario qui collabore avec la FCI dans ce domaine. C'est un partenariat fantastique.

La présidente: Je voulais le préciser.

M. Calvin Stiller: Le Fonds ontarien d'encouragement à la R-D est un autre fonds de 500 millions de dollars.

La présidente: Je vous remercie.

M. Calvin Stiller: Soit dit en passant, David, l'Ontario a demandé au gouvernement fédéral d'accorder un crédit d'impôt équivalent pour les fonds de démarrage et le gouvernement fédéral a dit non.

La présidente: Madame Desjarlais, vous avez la parole.

Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Je n'ai pas de questions.

La présidente: Vous n'avez pas de questions à poser pour l'instant?

Monsieur Rajotte, à vous.

M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Est, Alliance canadienne): Merci, madame la présidente. Je vous remercie, messieurs, de comparaître devant le comité ce matin. La discussion a été très intéressante. Je vous adresse mes félicitations, monsieur Carty.

J'aimerais vous poser une question au sujet de la propriété intellectuelle en ce qui touche les entreprises dérivées. Je ne sais pas trop si ces entreprises génèrent des idées. Vous avez dit que le CNRC gérait et traitait très bien la propriété intellectuelle. Qu'en est-il donc des entreprises dérivées? Pourriez-vous me dire ce qu'il en est de façon générale.

M. Arthur Carty: Il s'agit évidemment d'abord de protéger la propriété intellectuelle, ce qui se fait par l'entremise de brevets. Diverses ententes peuvent être conclues avec une entreprise dérivée s'il y a transfert de cette technologie.

L'entreprise peut simplement obtenir un permis d'exploitation de la technologie et payer les frais afférents ou elle pourrait décider de procéder autrement parce qu'elle ne peut pas se permettre d'avancer cet argent. L'entreprise pourrait aussi émettre des actions. C'est habituellement de cette façon qu'on procède. On pourrait aussi recourir à une combinaison de ces deux méthodes.

M. James Rajotte: Pourriez-vous nous dire à qui l'entreprise verse des frais de permis?

M. Arthur Carty: Ce serait à la couronne dans ce cas-ci. Nous sommes très souples à cet égard. L'entreprise pourrait avoir un permis d'exploitation exclusif qui lui accorderait un droit d'exploitation exclusif de la technologie ou elle pourrait détenir un permis d'exploitation d'une certaine application, ce qui permettrait au CNRC d'accorder un permis d'exploitation pour un autre domaine d'application de la technologie.

Le permis d'exploitation pourrait également être cédé à l'entreprise si cela s'avérait la méthode la plus indiquée. Nous avons recours à tous ces mécanismes selon les circonstances. Nous devons disposer de cette souplesse. On ne peut pas s'en tenir à une seule méthode.

M. James Rajotte: La méthode serait-elle choisie par le CNRC et par...

• 1000

M. Arthur Carty: Oui, c'est un processus qui va dans les deux sens. Il faut discuter de la question avec l'entreprise visée et trouver la méthode qui convient le mieux. L'entreprise cherchera à obtenir tout ce qu'elle peut et vous poussera dans vos retranchements. C'est dans la nature des affaires.

M. James Rajotte: J'aimerais aborder une autre question.

Monsieur Guthrie, vous avez précisé le niveau de R-D que nous devrions viser. Le gouvernement a établi un objectif à cet égard dans le dernier discours du Trône et vous vous êtes demandé si c'était l'objectif qui convenait. J'aimerais donc vous demander quel est l'objectif qui convient?

M. Brian Guthrie: Je crois d'abord que nous devrions parler d'un objectif en matière d'innovation plutôt que d'un objectif en matière de R-D pour ne pas exclure les entreprises émergentes et l'aspect commercialisation de la technologie. Dans son rapport annuel sur l'innovation, le Conference Board propose un investissement de 6 milliards de dollars plutôt que 12 milliards de dollars répartis selon la formule actuelle qui prévoit un investissement de 60 p. 100 du secteur privé et de 40 p. 100 du secteur public. Je pense qu'il nous faut absolument augmenter les investissements. Je crois cependant que ces investissements doivent viser à stimuler l'innovation et pas seulement la R-D et la production d'idées. L'innovation doit être financée ainsi que la commercialisation de la technologie.

M. James Rajotte: Comment dans ce cas s'assurer que l'investissement public stimule l'investissement privé et ne le remplace pas?

M. Brian Guthrie: C'est la difficulté, et je pense qu'il faut obtenir la collaboration des entreprises. Je ne proposais absolument pas qu'on fasse des cadeaux aux entreprises, mais tout le contraire. Il s'agit de stimuler les entreprises à investir en elles-mêmes et dans les activités dérivées menées par les universités et les instituts de recherche publics.

La présidente: Monsieur Stiller, voulez-vous répondre à cette question?

M. Calvin Stiller: Nous continuons à ne pas faire de distinction entre les entreprises et les gens alors qu'il faut en faire une. Les gens font des investissements et certains investissements sont consentis par des entreprises. Il faut d'abord trouver des moyens d'amener les gens à investir leur argent. C'est ce qui s'est produit aux États-Unis. Ce n'est pas l'une des 500 entreprises de la liste de Fortune qui décide à un moment donné de créer tout un groupe de nouvelles entreprises. Ce n'est pas le cas. Ces entreprises investissent dans les nouvelles entreprises une fois qu'elles sont créées. C'est un recyclage de la richesse. C'est le cycle de la découverte et de la création de la richesse. Je constate chaque jour le lien essentiel entre ces deux composantes.

Il faut donc d'abord trouver des fonds et ensuite créer le climat qui incitera des entreprises à vouloir investir dans la nouvelle technologie et dans l'innovation. C'est une réaction en chaîne.

La présidente: Je vous remercie beaucoup, monsieur Rajotte.

Monsieur Alcock, allez-y.

M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.): Je vous remercie, madame la présidente. J'ai plusieurs questions à poser. Permettez-moi d'abord de demander quelques précisions.

Monsieur Mowat de VanCity, M. Willie Parasiuk a-t-il travaillé pour vous?

M. David Mowat: Il l'a fait. Il a fait des recherches pour nous dans le passé.

M. Reg Alcock: Il travaillait à VanCity.

M. David Mowat: Pendant une courte période.

M. Reg Alcock: Monsieur Stiller, votre fonds est-il un fonds de travailleurs? Les investisseurs qui investissent dans votre fonds ont-ils droit à des déductions fiscales?

M. Calvin Stiller: Je ne sais pas à quel titre je vous parle aujourd'hui. Je suis lié à deux fonds de capital de risque qui sont des fonds de travailleurs. L'un est le Fonds de découvertes médicales canadiennes et l'autre est le Fonds de croissance canadien de la science et de la technologie. D'autres fonds que je gère ne donnent pas droit à une déduction fiscale, mais c'est le cas des deux fonds que je viens de mentionner.

M. Reg Alcock: Il existe donc des crédits d'impôt dans le cadre du Fonds de découvertes médicales canadiennes. Il existe donc un avantage sur le plan fiscal pour les personnes qui contribuent au fonds, en plus des autres avantages qui peuvent en découler.

M. Calvin Stiller: C'est exact.

M. Reg Alcock: J'ai trouvé cette table ronde particulièrement intéressante. J'aimerais poser deux ou trois questions.

Je pense que nous avons présenté une proposition sur la valeur au Canada il y a un certain nombre d'années, selon laquelle si nous renoncions à certains des anciens systèmes, si nous renoncions à certains des investissements, et à des droits entre autres qui ont structuré notre économie au cours des dernières décennies, et si nous nous donnions plutôt comme objectif d'investir considérablement dans notre capacité à bâtir une infrastructure de grande qualité, tant électronique que commerciale, et à innover et créer du savoir, l'autre important aspect...

• 1005

Monsieur Stiller, j'ai trouvé votre commentaire à propos de la proximité particulièrement intéressant. Je viens du Manitoba et j'ai passé beaucoup de temps à travailler avec les investisseurs de capital de risque, tels qu'ils existent dans un petit centre comme celui-là, et notre version d'un fonds de travailleurs s'est avérée assez efficace. Auparavant, en m'entretenant avec certains représentants de grandes entreprises, j'entendais toujours le même commentaire: Vous savez, Reg, je suis allé voir le président de notre fonds—qui se trouve à Toronto ou à New York—et j'ai une excellente proposition à leur faire, et il me répond, oui, mais j'ai 20 autres propositions sur mon bureau et je peux voir toutes ces entreprises de ma fenêtre, je peux m'y rendre en voiture, alors pourquoi m'intéresserais-je à une proposition qui vient de si loin?

Par conséquent la proximité est un énorme problème pour un petit centre.

Monsieur Guthrie, si je me souviens bien, vous bénéficiez aussi de l'appui des provinces. Le rendement de l'économie est une question à laquelle le Conference Board s'intéresse de façon permanente. La question de distribution prend une énorme importance pour nous. C'est bien de dire qu'il faudrait investir considérablement dans certains secteurs... Non pas que nous voulions avoir un centre de recherche médicale dans chaque patelin, ce serait de la folie, mais il est extrêmement important de créer les capacités qui permettent de le faire. La difficulté consiste à trouver les leviers qui permettent de le faire dans les petits centres.

J'ai fait mon commentaire à propos du fonds... Je m'apprête à poser ma question.

La présidente: Vous allez manquer de temps.

M. Reg Alcock: Ça va, mais il faut encore qu'il réponde.

En Ontario, il y a énormément d'argent. La situation est différente en Saskatchewan, au Manitoba ou dans la région atlantique du Canada.

Monsieur Carty, vous avez parlé assez longuement de l'agglutination et du mentorat, et je crois que vous avez tout à fait raison. Il y a beaucoup de choses qui se font en ce sens à Minneapolis. Le mentorat, établir vos compétences puis travailler fort pour les étoffer, ce sont tous des aspects vraiment importants.

M. Arthur Carty: Vous savez, nous avons certains exemples d'agglutinations au Canada qui se sont réalisés parce que la volonté existait dans la collectivité, qu'il y avait des gens dans la localité qui avaient décidé de s'en faire les champions, que des partenariats ont été établis entre le secteur privé, les universités, les laboratoires gouvernementaux pour en faire une réalité. Saskatoon en est un exemple classique. Il s'agit d'une métropole de haute technologie qui est florissante. Ce n'est pas un endroit où on s'attendrait à voir une ville spécialisée dans la haute technologie—regardez où elle se trouve. Mais ils ont réussi à le faire à cause de la proximité, parce que les collectivités ont décidé d'unir leurs efforts, à cause de la présence d'une série de laboratoires en R-D, à cause d'un certain capital de risque et de certains investissements. Cela est possible partout au Canada. Il est possible d'établir une économie axée sur le savoir dans n'importe quelle collectivité à condition qu'il existe des éléments de base. Nous sommes en train de former des agglutinations dans les provinces de l'Atlantique.

La présidente: Monsieur Stiller, vous avez la parole.

M. Calvin Stiller: Vous avez raison, il faut qu'il existe cette proximité entre l'argent et la source de l'investissement. J'ai grandi à Saskatoon et je vis à Arva en Ontario—je n'habite pas à Toronto, donc je tiens à dissiper ce mythe. Le fait est que ce rayon de 100 milles est une réalité car «si je ne peux pas le voir, je n'en veux pas».

Laissez-moi revenir au Fonds des découvertes médicales canadiennes. Nous avons essayé de convaincre le Manitoba, par exemple, de nous laisser recueillir de l'argent au Manitoba, parce que je trouve qu'on y fait de la bonne recherche médicale. Nous n'avons pas réussi à les convaincre. La Saskatchewan, elle, a réussi. Nous avons maintenant recueilli un peu d'argent là-bas. Nous allons faire dans l'innovation. Saskatoon est pour moi une source de fierté et de joie, car cette ville surclasse toutes les autres villes au Canada, et l'esprit d'entreprise y est très présent. Cette ville a pris un engagement envers la recherche et a un créneau particulier. Maintenant, elle a besoin de plus d'argent et elle en a besoin pour investir. Je peux vous dire que si elle n'a pas l'argent et si elle ne tolère pas le risque, ce ne sera qu'un rêve.

M. Brian Guthrie: Tout à fait. Je crois que les données de l'enquête de Statistique Canada sur l'innovation indiquent la même chose avec une réserve. Après le rayon de 100 kilomètres viennent les États-Unis. Pourquoi les États-Unis? Parce que tout le monde prend l'avion pour aller visiter ses partenaires à San Jose, à Austin ou ailleurs. Même dans le cas des jeunes entreprises à Ottawa, j'ai un bon ami qui passe la plupart de son temps en Belgique, donc il connaît mieux les gens là-bas que certaines personnes à Ottawa. Donc il y a cet élément de face à face qui est important ici.

M. Reg Alcock: J'ai une question à propos de l'agglutination.

La présidente: Très brièvement, s'il s'agit uniquement d'une question.

• 1010

M. Reg Alcock: L'agglutination vise à créer un point central pour le développement d'autres initiatives et pour assurer un effet de levier, n'est-ce pas? Pourquoi y a-t-il tant de ressources du CNRC agglutinées à Ottawa?

M. Arthur Carty: Pour des raisons historiques. C'est là où le CNRC a commencé. Pendant la guerre, le CNRC a connu une forte croissance liée à l'effort de guerre des alliés. Donc c'est là où s'effectue une bonne partie de ses activités.

Depuis, il y a eu de nombreux développements à l'extérieur de la région de la capitale nationale. Nous avons des instituts à St. John's, à Halifax, deux à Montréal, trois au Québec—y compris Chicoutimi, puis London en Ontario, Winnipeg, Saskatoon, Vancouver, Victoria. Donc, lorsque l'argent l'a permis, les développements récents ont eu lieu à l'extérieur de la région de la capitale nationale. Mais l'activité centrale dans certains secteurs du moins s'explique par des raisons historiques.

La présidente: Merci.

Merci beaucoup, monsieur Alcock.

M. Reg Alcock: Il nous en faut un à Toronto.

La présidente: Je ne crois pas qu'il y aura un prochain tour parce que j'ai cinq autres personnes qui veulent prendre la parole.

Je vais d'abord céder la parole à M. Lastewka et ensuite à M. Penson.

M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): J'ai entendu M. Carty parler d'ouvrir des bureaux d'entrepreneuriat et des bureaux de commercialisation et ainsi de suite. J'ai participé à une étude à ce sujet avec des laboratoires de tout le Canada il y a cinq ans. Il a alors été établi, et on l'entend encore constamment, que nos bureaux de commercialisation et de transfert et notre savoir-faire dans ce domaine sont très limités dans ce pays. Après avoir visité certains de ces bureaux l'hiver dernier, j'ai pu constater que les choses n'ont pas changé à cet égard.

Là où nous avons de bons bureaux de commercialisation, je ne les entends pas parler de l'insuffisance des fonds. Je vais vous en donner un exemple. Nous avons travaillé avec l'Université de l'Alberta à Edmonton. Ce bureau de commercialisation vient d'augmenter considérablement son effectif et a une foule de projets de commercialisation qui proviennent de cette université. Une bonne partie du mérite en revient à ce bureau.

Vous ne cessez de développer votre bureau. Tout d'abord, que devriez-vous faire à l'échelle du pays pour vous assurer d'améliorer les bureaux de commercialisation dans chacun de ces secteurs?

Vous avez dit qu'il n'y a pas d'argent pour le capital de risque dans les provinces de l'Atlantique, mais les gouvernements fédéral et provincial ainsi que les banques ont investi 30 millions de dollars il y a un certain nombre d'années en capital de risque pour cette raison précise et n'ont toujours pas dépensé... Je pense que nous avons investi six millions de dollars. Vous pouvez peut-être répondre à cette question. Ce sera tout pour l'instant.

M. Arthur Carty: Très bien, je vais répondre à la première question. Le fait que nous devons consolider les bureaux de transfert technologique dans les universités pour faciliter l'accès aux technologies en milieu universitaire et la circulation des technologies en provenance des universités et la circulation du savoir, a été reconnu dans une étude effectuée par le Conseil consultatif des sciences et de la technologie.

On reconnaît qu'il faut investir dans ce genre de bureau—ces mécanismes qui permettent d'améliorer les capacités de transfert technologique des universités—mais notre gouvernement n'a pas encore donné suite aux recommandations du groupe d'experts du comité consultatif. Mais j'espère que cela se fera. C'est un bon argument. L'un des éléments clés, c'est qu'il faut consolider ces bureaux.

En ce qui concerne votre deuxième question à propos des provinces de l'Atlantique, je ne connais pas la situation du fonds dont vous avez parlé. Mais je sais d'après les conversations que j'ai eues avec beaucoup de gens là-bas l'année dernière, qu'il n'est pas très facile d'attirer l'attention des investisseurs en capital de risque sur les occasions qui existent dans les provinces de l'Atlantique. Les occasions sont peut-être moins nombreuses là-bas, mais M. Alcock a déjà mentionné que lorsque vous avez de nombreuses possibilités dans d'autres régions du pays, il n'est pas très facile de convaincre quelqu'un d'aller s'y installer. Yorkton Securities vient d'établir un bureau à Halifax, et va examiner les possibilités à cet égard. Mais jusqu'à présent, le capital de risque pour le démarrage ou l'essaimage d'entreprises a été rare dans les provinces de l'Atlantique.

M. Walt Lastewka: Ce qui me préoccupe, c'est que les provinces de l'Atlantique, le gouvernement fédéral et les milieux bancaires établissent des fonds de capital de risque dans la région de l'Atlantique, et que cet argent n'est pas dépensé.

M. Arthur Carty: Je ne sais pas quoi vous dire.

• 1015

M. Calvin Stiller: Puis-je commenter, Art?

Cela revient à la question de savoir si on a quelqu'un sur le terrain qui se rend dans ces institutions. Est-ce le cas? Nous étions exaspérés de ne pas vraiment arriver à faire fonctionner ce projet. L'année dernière, nous avons versé sept millions de dollars d'un fonds de 20 millions de dollars au Fonds de découvertes médicales canadiennes et nous avons maintenant des gens sur le terrain. Il est stupéfiant maintenant de constater le nombre de possibilités qui nous sont offertes. Mais il faut se rendre dans ces institutions et hanter les couloirs. On ne peut pas le faire si on se trouve à un millier de milles de là.

M. Walt Lastewka: C'était ce que je voulais faire valoir dans le cas des bureaux de transfert de commercialisation, parce que ceux qui réussissent vraiment sont sur le terrain, connaissent les fonds et les chercheurs et sont devenus le point de liaison entre les gens, la recherche et l'argent.

M. Calvin Stiller: Tous ces éléments sont nécessaires.

M. Arthur Carty: J'ajouterai qu'au Canada nous n'avons pas vraiment assuré une formation qui permette aux gens d'acquérir des connaissances en sciences et en génie tout en ayant de l'expérience en affaires et en finances. Il y a un cloisonnement à cet égard. Malheureusement, les personnes les mieux indiquées pour s'occuper du transfert technologique sont les personnes qui comprennent ces deux aspects. Il faut que nous améliorions cet aspect. Il faut qu'ils puissent développer aussi l'esprit d'entreprise.

M. Walt Lastewka: Vous venez de me confirmer que c'est la préparation à l'accès au capital qui est d'une grande importance.

M. David Mowat: Vous avez dit que les bureaux de liaison savent ce que veut l'investisseur en capital de risque. Il y a beaucoup de bureaux de liaison industriels qui ne semblent pas le savoir. Donc ils soumettent constamment à l'investisseur en capital de risque des projets dans lesquels nous n'investirions pas en 100 ans.

Edmonton est un cas intéressant parce que les gens là-bas comprennent de quoi il s'agit et ils ont la confiance des investisseurs en capital de risque. Je pense qu'un aspect très important mentionné par Cal c'est qu'ils créent l'accès. Nous n'irions pas construire une installation du CNRC ou une université sans prévoir quelques bureaux où l'investisseur en capital de risque peut aller travailler. Cela semble peut-être très banal, mais c'est aussi très vrai. Si vous allez voir Jeanne Unetelle et qu'en sortant vous tombez sur Jean Untel, c'est avec Jean Untel que vous finirez par faire affaire. C'est ça le caractère immédiat et opportuniste du capital de risque. C'est ce dont il s'agit.

M. Arthur Carty: J'ajouterais simplement, monsieur Lastewka, que parfois les agents du PARI du CNRC jouent un rôle clé à cet égard car même si leur rôle n'est pas axé expressément sur le transfert technologique, ils ont pour but d'aider les petites entreprises à innover. Ils sont situés sur des campus universitaires. Donc des liens plus étroits entre le PARI et les agents de liaison à l'université représenteront l'un des éléments importants.

La présidente: Dernière question, monsieur Lastewka, je vous prie.

M. Walt Lastewka: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Ce qui m'a préoccupé—et j'ai parlé à un certain nombre d'investisseurs en capital de risque, entre autres—et ils continuent à me faire dire que la préparation de l'accès au capital au Canada laisse grandement à désirer. Comme M. Stiller et M. Mowat l'ont indiqué, il faut qu'il y ait de meilleurs liens entre ces trois éléments car autrement nous continuerons d'être pris avec le même problème.

La présidente: Merci, monsieur Lastewka.

Monsieur Penson, à vous.

M. Charlie Penson: Monsieur Carty, j'aimerais enchaîner sur qu'a dit mon collègue à propos des droits en matière de propriété intellectuelle et des retombées des activités des universités et du CNRC. Quelle est la théorie qui existe à cet égard? Je me demande s'il n'y aurait pas une forme quelconque d'arrangement en matière de redevances. Mais je suppose que ce n'est pas le cas.

M. Arthur Carty: Oui, il y a certaines redevances pour ce qui est des licences. La plupart des universités touchent des redevances provenant des licences de la technologie qu'elles ont transférée au secteur privé.

M. Charlie Penson: Donc si une petite entreprise dérivée fonctionne bien, cela signifie des revenus plus importants pour l'université par exemple. Est-ce que c'est la façon dont cela fonctionnerait?

M. Arthur Carty: Oui.

M. Charlie Penson: Très bien.

M. Arthur Carty: Lorsque les entreprises prennent de l'expansion, alors cela devient très intéressant évidemment.

M. Charlie Penson: Oui. Il me semble qu'il devrait exister un arrangement de ce genre car cela permet à l'université ou même au CNRC de récupérer plus d'argent pour la R-D.

• 1020

Quelqu'un a prononcé le mot confiance. Je pense que c'est vraiment ce dont il s'agit. C'est la confiance dont ont besoin les investisseurs. Qu'il s'agisse d'un investisseur privé ou d'un investisseur en capital de risque, il faut qu'ils sachent qu'il y aura une récompense quelconque en bout de ligne. Il y a le risque et il y a la récompense. S'ils échouent, tant pis, mais s'ils réussissent, ils seront amplement remboursés. La confiance n'est-elle pas un facteur important à cet égard?

M. Arthur Carty: Madame la présidente, puis-je répondre à cette question?

J'estime que les incitatifs sont très importants. On dit que le risque et la récompense vont de pair; l'un ne va sans l'autre. C'est très vrai. Et cela vaut pour le scientifique et pour l'ingénieur autant que pour l'entreprise.

La confiance, effectivement... Je crois que la confiance existe ici à Ottawa car une culture entrepreneuriale est extrêmement importante dans ce secteur, et nous avons besoin de modèles à émuler. Une fois que l'on réunit une masse critique d'entrepreneurs et de capitaux, les choses vont vraiment commencer à bouger. L'année dernière, Ottawa a été un foyer d'entreprises dérivées et de jeunes entreprises. À un certain moment l'année dernière, 2 milliards de dollars en capital de risque ont été investis à Ottawa puisqu'elle offre un environnement propice à l'entrepreneuriat et à l'innovation. À mon avis, c'est un modèle que nous devons aider le reste du pays à émuler.

M. Charlie Penson: Oui. Je vous remercie.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Penson.

Madame Torsney, allez-y.

Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Tout d'abord, j'ai une question technique pour vous, monsieur Carty: J'entends les innovateurs, les chercheurs et les consultants dans ma circonscription me dire qu'ils n'ont pas accès aux divers fonds de recherche qui existent parce qu'ils ne sont pas rattachés à une université et pourtant ils ont d'excellentes idées. Ils ont des choses formidables qu'ils aimeraient créer et inventer. Existe-t-il un processus qui leur permettrait d'avoir accès aux fonds du CNRC s'ils ne sont pas rattachés à une université?

M. Arthur Carty: Eh bien, il existe le programme d'aide à la recherche industrielle du CNRC établi expressément pour fournir des conseils et un appui technique aux petites et aux moyennes entreprises.

Mme Paddy Torsney: Non, je suis désolée. Je parle d'un quidam qui est inventeur et travaille chez lui, qui a des idées formidables mais n'a pas accès aux divers fonds de recherche qui existent, mais qui pourrait être l'auteur d'une incroyable invention.

M. Arthur Carty: S'il est constitué en société, alors la réponse est oui. Je pense qu'il serait très difficile d'obtenir une subvention de recherche en tant que particulier qui n'est pas associé à une institution ou n'est pas constitué en société.

Mme Paddy Torsney: Je crois que votre organisation doit examiner cette question car vous êtes en train de vous priver d'importants chercheurs. Il devrait exister un moyen qui vous permette de faire appel aux personnes compétentes ou aux créateurs en puissance, que vous les engagiez à contrat ou que vous formiez avec eux une forme quelconque d'association. Car vous vous privez d'une importante réserve de talents, et j'en ai quelques-uns dans ma circonscription.

M. Arthur Carty: Il existe une organisation qui évalue les inventions. Il s'agit du Canadian Industrial Innovation Centre de Waterloo. Ce centre existe depuis longtemps et a mis sur pied un programme à l'intention des inventeurs où on examine les inventions et on fait savoir à leurs auteurs si elles sont faisables ou commercialisables.

Mme Paddy Torsney: Encore une fois, non. Si vous tâchez au CNRC de faire de la recherche dans un domaine en particulier—disons par exemple sur de nouveaux modes de transport ou quelque chose du genre—il vous serait utile de pouvoir faire appel à quelqu'un qui est spécialiste des transports, qui pourrait concevoir certains développements futurs mais qui n'a pas accès au groupe de recherche. Cette personne ne peut pas en faire partie parce qu'elle n'appartient pas à une université et n'est pas un employé du CNRC. C'est un expert-conseil à titre individuel. C'est le genre de type dont je parle.

Je ne crois pas que vous ayez un moyen quelconque de le faire et je pense que vous vous privez des compétences de ces gens-là. Jusqu'à ce qu'ils aient une invention à présenter au centre de Waterloo, ils n'ont accès à rien.

Le deuxième aspect dont nous avons beaucoup entendu parler ce matin concerne le financement de début de croissance. Mais d'après ce que m'ont dit beaucoup d'entrepreneurs de toutes petites entreprises, c'est vraiment le financement de l'étape suivante qui est important. Et on a vu disparaître un grand nombre d'entreprises .com qui avaient d'excellentes idées mais auxquelles manquait le financement de deuxième niveau. Je ne sais pas s'il faudrait prévoir un modèle distinct dans ce cas ou une solution distincte mais cela me semble un énorme problème.

M. Calvin Stiller: Puis-je commenter, madame la présidente?

Je suis tout à fait d'accord avec vous sur cette question. J'ai signalé le fait que le capital de risque n'offre un financement que pendant moins d'un an en raison des investissements subséquents. Le drame, c'est de procéder à tous ces transferts de propriété intellectuelle par le biais de bureaux et de préparer tout le monde à passer du secteur universitaire au secteur privé et à risquer leur vie et leur argent pour ensuite se heurter à un mur lorsqu'on leur dit, «désolé, nous n'avons pas d'argent pour la prochaine étape».

• 1025

Cela se produit en permanence, et c'est la raison pour laquelle je recommande que l'on prenne du recul. Cessons de dire, «Oh, voici le problème ce mois-ci; agissons ainsi. Voici le problème le mois suivant; agissons ainsi.» Il faut prendre du recul et envisager la situation dans une perspective quinquennale et se demander, «Que devons-nous faire pour partir d'ici et nous rendre jusque là»—parce qu'il s'agit d'un phénomène permanent.

Le capital de lancement est un type de capital de risque différent du capital d'expansion. Le capital d'expansion diffère du capital-déploiement préalablement au placement initial de titre, et le financement par titres de second rang diffère du financement par titres de premier rang. Y en a-t-il qui sont mauvais? Non. Y en a-t-il qui représentent la solution? Non. Il s'agit d'un continuum. Une recherche solide, des gens ayant l'esprit d'entreprise, un financement de lancement, arriver à éliminer ceux qui n'auront pas de succès sans compromettre votre vie financière... Élargir le capital-déploiement, le financement par titres de second rang, le financement par titres de premier rang... Et avoir des entreprises qui d'ici cinq ans auront une envergure internationale—des entreprises comme Nortel plutôt que ce déplorable...

Une voix: Eh bien...

M. Calvin Stiller: Eh bien, je peux vous dire que Nortel est un excellent exemple à l'échelle internationale d'une technologie canadienne qui avait une vision mondiale et qui a tout fait pour la concrétiser, quel que soit le prix actuel de vos actions. Le fait est...

M. Reg Alcock: Qui était appuyé par le gouvernement.

M. Calvin Stiller: Le fait est qu'il s'agit d'un excellent exemple international d'une entreprise qui a du succès, et prions Dieu que nous en ayons 20 comme elles dans le domaine des sciences de la vie.

Mme Paddy Torsney: Mais en fait l'argent ne manque pas. Tous ceux ici présents, du moins je l'espère, ont de l'argent dans des REER qui pourraient servir à investir dans ces...

Une voix: Cet argent est utilisé.

Mme Paddy Torsney: ...fonds de capital de risque de travailleurs et autres.

Vous avez des enfants.

Le crédit d'impôt est votre récompense immédiate pour le risque que vous prenez, mais je me demande si on ne pourrait pas mieux commercialiser cette idée. Je sais que lorsque, pour des raisons patriotiques, je voulais investir dans l'un de ces fonds, j'ai été vraiment découragée de le faire. J'ai investi très peu d'argent et j'ai dû alors surveiller la situation. Le fonds n'a jamais vraiment conservé sa valeur. Celle-ci a diminué puis s'est stabilisée et je crois qu'elle augmente. Mais je serais très heureuse de faire preuve de patience. Je me demande simplement combien de temps je vais devoir patienter, et comment pouvons-nous faire davantage appel à cette fibre patriotique qui de toute évidence existe? Car je crois qu'elle est aussi forte que l'esprit d'entreprise. C'est tout simplement qu'il faut récompenser la patience et le risque à un certain moment. Tous les responsables de ces fonds devraient revoir leurs méthodes de commercialisation car je suis sûre qu'il y a beaucoup de gens qui seraient heureux d'y investir.

Ma dernière question ou mon autre commentaire, monsieur Carty, c'est qu'il faut inciter les enseignants du secondaire à encourager leurs étudiants à préparer un diplôme dans deux matières à savoir les sciences et les affaires ou le génie et les affaires. Car il est trop tard lorsque vous êtes déjà à l'école pour prendre ce genre de décisions...

M. Arthur Carty: Je suis tout à fait d'accord avec vous.

Mme Paddy Torsney: ...et il y a beaucoup de gens que cela intéresserait vraiment.

M. Arthur Carty: Nous avons pas mal de travail à faire à cet égard.

Mme Paddy Torsney: Pourrions-nous demander à M. Stiller de nous indiquer quand nous constaterons certaines de ces récompenses?

M. Calvin Stiller: Le capital de risque aux États-Unis, selon la règle consacrée, est...

Mme Paddy Torsney: Cela fait quatre ans.

M. Calvin Stiller: ...consiste en fonds de placement sur 10 ans, et les institutions en sont conscientes. Elles comprennent que ces fonds fluctuent selon une courbe en J, parce que la valeur des fonds diminue pendant une certaine période, et les institutions le comprennent, de même que les importants fonds communs de patrimoine des particuliers aux États-Unis. Ils investissent leur argent dans ces fonds et comprennent qu'ils leur rapportent une fois que l'investissement arrive à terme. Il s'agit de fonds de 10 ans. Tous ces fonds de placement à capital fixe ont une durée de 10 ans.

Mme Paddy Torsney: Il faut que vous fassiez mieux connaître ces fonds aux consommateurs.

M. Walt Lastewka: Un exemple de...

La présidente: Très bien, madame Torsney: je dois passer au prochain intervenant. Nous allons dépasser de quelques minutes le temps qu'il nous est alloué. J'espère que personne n'y voit d'inconvénient. Je sais que M. Carty a un autre rendez-vous.

Madame Jennings, vous avez la parole.

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Je vous remercie et je tâcherai d'être brève.

Tout d'abord, félicitations, monsieur Carty.

M. Arthur Carty: Je vous remercie.

Mme Marlene Jennings: Monsieur Stiller, lorsque vous parlez de modifier le système d'imposition pour assurer la proximité du capital de risque des gens, de la recherche et faire sorte que vous disposiez du capital, que les gens sont prêts à investir non seulement au début, c'est-à-dire à fournir le capital de lancement, mais à assurer le financement des étapes suivantes...

• 1030

Avez-vous des modèles que vous pourriez nous présenter... Il n'y a rien dans le discours du Trône à ce sujet. Comme M. Guthrie l'a indiqué, il s'agissait d'accroître les investissements en R-D de sorte que d'ici 2010, nous occupions le cinquième rang parmi les pays de l'OCDE.

M. Guthrie a très clairement expliqué les augmentations d'investissements annuels nécessaires, au niveau des secteurs privé et public, pour réaliser cet objectif. Cela suppose que tous les autres pays n'augmenteront pas leurs investissements et qu'ils conserveront la même sorte d'investissements.

Avez-vous vraiment un modèle qui décrirait les recettes éventuelles que retirerait le gouvernement? Si le gouvernement investissait à un niveau de, disons, 20 p. 100, 10 p. 100, peu importe, il est probable que les investisseurs y placeraient ce montant... et on sait qu'une sur cinq nouvelles entreprises qui survivent et prennent de l'expansion arrivent vraiment à réussir? Le budget, le discours du Trône ainsi que les prévisions pour les cinq et dix prochaines années étaient fondées sur le modèle fiscal actuel. Et vous proposez d'en changer une grande partie.

M. Calvin Stiller: Nous avons réalisé une certaine modélisation, quoique pas de la même façon que vous. Ce qui compte en réalité, c'est le rendement qu'on obtient sur l'impôt différé. J'ai demandé à la société PricewaterhouseCoopers de bien examiner les chiffres, parce qu'ils sont tout à fait remarquables. L'industrie du capital-risque produit également des chiffres. Nous analysons les nôtres.

Mme Marlene Jennings: Pourriez-vous nous les fournir?

M. Calvin Stiller: On ne pas peut dire qu'un investissement de 100 $ dans la R-D va donner lieu à une découverte commercialisable de 100 $. Il faut calculer les proportions.

Nous y consacrons des efforts. J'ai engagé un étudiant de l'université Harvard cet été précisément pour réaliser certaines modélisations parce que je trouve que c'est une question fondamentale.

Comme je l'ai dit dans mes observations préliminaires, tout le monde part du principe: j'ai fait une découverte que j'ai brevetée.

Mme Marlene Jennings: La belle affaire.

M. Calvin Stiller: Eh bien, c'est une belle affaire.

Mme Marlene Jennings: C'est une belle affaire si on ne peut pas s'adresser ailleurs.

M. Calvin Stiller: Il y a une formation géologique et on sait qu'on y trouvera du pétrole. Il faut la faire exploiter. Il faut franchir les étapes, et on a besoin de tout pour ce faire, comme votre collègue l'a dit—les attitudes, ainsi que...

Mme Marlene Jennings: Monsieur Stiller, c'est la raison pour laquelle j'ai posé la question. Avant que ce comité puisse, à la suite de notre consultation, envisager de recommander au gouvernement de modifier sensiblement la politique fiscale à l'égard du capital-risque, notamment le genre de capital-risque dont vous parlez, nous devons avoir une idée de l'effet que va avoir cette modification. Nous savons que la politique actuelle sous-tend notre Discours du trône et nos engagements envers les Canadiens et les Canadiennes au cours de ce mandat.

Si un changement de politique va entraîner une modification importante des recettes que retire l'État, et à partir desquelles il finance ses services et ses programmes, nous devons le savoir.

Alors, pourriez-vous fournir...

M. Calvin Stiller: La réponse est oui. Nous nous ferons un plaisir de collaborer dans un esprit non exclusif avec Art Carty ou n'importe qui d'autre sur cette questio n.

Mme Marlene Jennings: Très bien. Merci.

Ma deuxième question concerne les fonds de travailleurs.

Je ne connais pas vraiment très bien les fonds de travailleurs à l'extérieur du Québec. Celui que je connais bien est le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec, le FTQ. Ces gens sont venus rencontrer certains députés dernièrement et ils ont soulevé plusieurs problèmes de fiscalité en vue notamment d'améliorer les capacités d'investissement de ces fonds.

D'après votre expérience, quels sont les problèmes propres aux fonds de travailleurs dont les politiques fiscales fédérales entravent l'investissement? Si vous croyez qu'il n'y en a pas, alors dites-le-nous.

• 1035

M. Calvin Stiller: Oui, je pense qu'il y a trois problèmes. Premièrement, est-ce le bon modèle? L'expérience sociale a été formidable. Il n'y a pas eu d'abus.

Cela n'a donné lieu à aucun scandale. Depuis qu'on a ramené la période de cinq à huit ans, durée qui était vraiment mal conçue, le nombre de nouvelles compagnies qui ont obtenu de l'aide a été extraordinaire. D'ailleurs, j'ai pris connaissance des taux de rendement des investissements faits à partir des économies d'impôt. C'est tout à fait extraordinaire. Je le répète, il faut réexaminer le modèle parce que les choses évoluent.

Deuxièmement, nous utilisons le capital-risque comme s'il constituait une réserve. Ce n'est pas le cas. C'est comme dire qu'il n'y a qu'une sorte d'opérations bancaires. Il faut faire une distinction.

Le gouvernement de l'Ontario a fait une expérience très intéressante cette année. Il a décidé d'établir une distinction entre les fonds de démarrage—qui sont nécessaires au tout début—et les investissements faits plus tard. Il a simplement décidé de reconnaître la différence. Il a demandé l'aval du gouvernement fédéral, mais ce dernier l'a refusé. À mon avis, il s'agit d'une proposition valable.

Troisièmement, il y a la réglementation. Quel est vraiment notre but ultime? Nous voulons que les fonds soient investis dans les sociétés canadiennes qui demeurent ici. Et si elles quittent le pays, nous voulons le remboursement des crédits fiscaux, n'est-ce pas? C'est ce que nous voulons.

Donc, toutes ces petites contraintes... On sert un peu la vis ici, on sert un peu la vis là, dans le temps de le dire, on se retrouve avec une camisole de force qui ne permet aucun mouvement. Il faut revenir à nos principes de base. Avant d'investir l'argent des contribuables, avant de mettre en place un crédit fiscal, il faut pouvoir prouver que l'on va créer de l'activité économique dans ce secteur qui va payer des impôts. Il faut le démontrer, n'est-ce pas?

Très bien. Je vais entourer d'une clôture électrique ce grand champ d'action. Tous les joueurs doivent respecter le principe dont s'inspire l'expérience. Je pense que c'est possible parce que le tout a été conçu par maints comités ayant des points de vue différents, sur une longue période de temps et dans des situations économiques différentes.

Il faudrait, selon moi, réunir plusieurs individus dotés de sens civique, qui ont une expérience de première ligne, qui comprennent ce que sont des entreprises dérivées, et leur demander d'essayer d'élaborer un système, sans se laisser influencer par leur statut de dirigeant d'entreprise. On leur dirait de l'examiner du début à la fin. Ils arriveraient peut-être à un système identique, ou à quelque chose qui, en fin de compte, serait vraiment supérieur.

La présidente: Merci beaucoup, madame Jennings.

Pour enchaîner, nous avons beaucoup discuté des fonds de capital-risque. On se compare constamment à d'autres pays. Pourquoi les États-Unis semblent-ils avoir un système de fonds de capital- risque qui est si efficace? Leur régime fiscal est-il tellement meilleur? Est-ce la réponse?

M. Calvin Stiller: Je pense que c'est une combinaison de mesures fiscales, mais je pourrais vous donner un très bon exemple. Pourquoi investit-on tant d'argent maintenant ici à Ottawa? C'est grâce à des gens comme Terry Matthews, qui disait «Voilà, c'est comme ça qu'il faut s'y prendre». Il y a eu ensuite John Doer et Kleiner, Perkins, Caulfield & Byers qui ont démarré. Il y avait une concentration de capital à risque élevé dans deux centres. Il y avait un regroupement dans la Bay Area ainsi qu'à Cambridge, au Massachusetts. Ces endroits-là sont devenus les foyers du capital-risque. Ils ont investi dans le côté technologique, et ils sont devenus les plus performants.

Aux États-Unis, la structure fiscale est telle qu'il est effectivement plus profitable de faire de tels investissements. Cependant, les Américains ont aussi leurs chefs de file et leurs bons modèles. Si la rentabilité est bonne après dix ans, ils décident de réinvestir pour dix autres années.

La présidente: Alors, à votre avis, leur système est meilleur parce qu'il est ciblé, ou est-ce parce que les taux sont peu élevés?

M. Calvin Stiller: C'est grâce à une combinaison d'outils disponibles, comme les avantages fiscaux d'une part, mais aussi la perméabilité absolue des établissements de recherche aux milieux financiers. On appelle cela le regroupement ou l'amalgame des activités.

• 1040

La présidente: À ce propos, monsieur Stiller—et il s'agit de ma dernière question ou dernière observation—le comité n'a pas eu l'occasion de se pencher sur le fait qu'il semble avoir une véritable pénurie au Canada de recherche en gestion et savoir-faire. C'est un sujet que le comité voudra peut-être étudier plus en détail à l'automne.

M. Calvin Stiller: J'en conviens.

La présidente: Cependant, en ce qui concerne le regroupement, la proximité et l'argent, il me semble que nous ne tenons pas compte de ce qui se passe dans la société. Je ne sais pas comment on peut y remédier. On se retrouve avec, d'une part, des gens qui nous disent comment dépenser les fonds publics consacrés à la recherche, et d'autre part, des gens de l'industrie. Il y a parfois convergence mais, en général, nous ne tenons pas compte de ce que fait l'industrie.

Mme Paddy Torsney: Vous allez soulever la question des voitures?

La présidente: Bien sûr, et j'espère, monsieur Carty, que vous allez écouter. Lorsque Mme Lapointe du CNRC a comparu devant nous, elle a dit que le prochain centre de recherche dans le domaine de l'automobile serait situé à London. Cela va à l'encontre de tout ce que nous avons entendu aujourd'hui. Il se trouve que London est situé à 180 kilomètres de Windsor. En l'occurrence la plus grande partie de la recherche dans le domaine de l'automobile se fait actuellement à Windsor qui, par hasard, est situé de 50 à 100 kilomètres par la route des grands centres de recherche au Michigan. Il ne faut pas oublier que les sièges sociaux recherchent la proximité et que c'est à Windsor que l'industrie privée a toujours fait les plus grands investissements dans la recherche automobile. Et pourtant on n'en fait aucun cas et on s'oriente dans une tout autre direction disant qu'on se moque éperdument de ce que l'industrie fait et qu'on va agir à notre guise.

C'est une de nos faiblesses en tant que pays. Nous parlons des dollars, nous parlons de la proximité, mais quand allons-nous décider de prêter attention à ce que l'industrie fait et tenir compte du fait qu'un emploi sur sept au Canada dépend de l'industrie automobile? Quand allons-nous décider de devenir autre chose qu'une économie à succursales et de vraiment approfondir la question si tous nos emplois en dépendent? C'est là que nous devons réaliser un profit. Les investissements ont déjà été faits, et pourtant nous continuons de ne pas en tenir compte. Donc il faut consulter l'industrie; on ne peut pas simplement parler de recherche et d'argent, sans reconnaître que l'industrie a son mot à dire.

Monsieur Carty.

M. Arthur Carty: Je pense que ce que vous voulez dire, c'est que l'industrie est très importante. Vous n'avez pas de regroupement. Il faut se rendre compte que la réussite et la croissance des regroupements tiennent à une présence industrielle importante. Règle générale, les regroupements comprennent des entreprises établies ainsi que de nouvelles entreprises émergentes. Ils sont associés aussi avec des établissements de R-D et toutes les choses dont nous avons parlé ce matin. Je crois qu'au Canada, nous venons tout juste de comprendre la signification de cette stratégie ou phénomène de regroupement, et il faut agir en conséquence.

M. David Mowat: La perception canadienne d'un regroupement, cependant, c'est qu'on peut avoir un regroupement dans chaque circonscription ou dans chaque province du pays.

M. Arthur Carty: Ce n'est pas du tout possible.

M. David Mowat: Il y avait autrefois le ministère de l'Expansion industrielle régionale, dont le mandat était de... Nous sommes Canadiens, vous savez, nous tenons à en faire bénéficier tout le pays.

La présidente: Monsieur Mowat, avec tout le respect que je vous dois, je ne suis pas la personne qui a dit en premier que la recherche dans le domaine de l'automobile devrait se faire à Windsor; c'était en fait M. Lastewka, qui est originaire de St. Catherines. Quoique je demeure dans une circonscription avoisinante de Windsor, je ne demeure pas à Windsor et je ne représente ni cette ville ni le comté. On parle ici de l'endroit où se fait la recherche dans le domaine de l'automobile, de l'endroit où se trouve le plus grand centre de fabrication d'outils et de matrices au Canada, et presque dans le monde.

M. David Mowat: C'est ce à quoi je voulais en venir. Si nous...

La présidente: Il devrait y avoir un regroupement. J'ai cru comprendre que vous vouliez m'accuser de dire que, comme c'est ma circonscription...

M. David Mowat: Non, non.

La présidente: C'est là que se situe l'industrie automobile. Dites-moi donc pourquoi le CNRC a choisi un centre qui est situé à 200 kilomètres de l'endroit où se trouve le regroupement naturel?

M. David Mowat: Je n'ai pas l'intention de parler du CNRC.

C'est précisément où je veux en venir. La façon canadienne de faire les choses, c'est peut-être de construire quelque chose de relié à l'automobile à Vancouver. Tout devrait être localisé là où se trouve le centre et alors, on verrait toutes sortes de choses se bâtir autour. Si nous avions un établissement de recherche sur le cancer, il y aurait autour des entreprises, du capital-risque, des universités, des installations de recherche. Tout ce que je dis, c'est que nos regroupements sont en général trop petits.

Michael Porter a rédigé un document de recherche pour le gouvernement fédéral dans lequel il dit que le pays est trop petit pour se permettre trois choses différentes. Si nous voulons faire quelque chose vraiment comme il faut, si ce sont les produits automobiles, il faut que ce soit localisé et concentré en un seul endroit.

La présidente: Merci.

Cette discussion pourrait durer encore une heure, mais il faut arrêter parce que nous avons...

M. Charles Penson: Certains d'entre nous aimeraient bien entreprendre cette conversation.

La présidente: ...un autre groupe de témoins qui s'en vient; trois autres témoins.

• 1045

Nous sommes un peu en retard et je m'en excuse, mais c'est une question qui me fascine, moi et d'autres.

La discussion a été fort intéressante. Nous apprécions votre franchise ce matin. Nous allons suspendre la séance pendant trois minutes pour que nos témoins s'installent.

• 1045




• 1055

Le président: J'invite chacun à prendre place. Nous reprenons.

Nous allons maintenant entamer la deuxième table ronde de la matinée, celle-ci sur les droits de propriété intellectuelle et leur protection.

Nous avons le plaisir ce matin de recevoir trois témoins. Je vous le signale parce que l'ordre du jour n'en mentionne que deux. Du ministère de l'Industrie, nous recevons le sous-commissaire adjoint à la concurrence, politique économique et mise en application, Bureau de la concurrence, M. Gwillym Allen; de l'Université de Toronto, Mme Nancy Gallini, professeure d'économie à la faculté d'économie de l'Université de Toronto ainsi que M. Paul Jones, agent de recherche et de pédagogie, de l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université. Nous allons les entendre dans cet ordre.

Commençons par M. Allen.

M. Gwillym Allen (sous-commissaire adjoint à la concurrence, Politique économique et mise en application, Bureau de la concurrence, Industrie Canada): Merci.

Je tiens à vous remercier de m'avoir invité à participer à cette table ronde. Le thème est tout à fait topique. Ces dernières années, l'intérêt n'a cessé de croître pour la façon dont les lois-cadres facilitent ou entravent l'innovation et l'expansion économique, en particulier dans les secteurs de haute technologie, qui se distinguent par une innovation à fond de train. Les autorités chargées de la concurrence et les pouvoirs publics en général reconnaissent l'importance de la PI dans l'économie du savoir et savent que la véritable concurrence sur les marchés mondiaux est la concurrence pour l'innovation. Comme d'autres pays de l'OCDE, le Canada tente de se doter des lois-cadres appropriées.

Dans le temps qui m'est imparti, je vais insister sur deux points seulement qui, je l'espère, contribueront à dissiper l'idée selon laquelle la tension règne entre la politique de concurrence et les lois sur la PI. Cette tension serait le produit d'une croyance répandue selon laquelle l'objet des lois de PI est d'accorder des monopoles sur le marché tandis que les lois relatives à la concurrence ont pour mission de combattre les monopoles. Je voudrais d'abord montrer comment les connaissances récentes en économie font paraître sous un jour nettement meilleur l'octroi de licences de PI par les autorités de réglementation que cela était le cas dans les années 70 et 80. Deuxièmement, ces nouvelles connaissances ont redéfini l'interface entre le droit de la propriété intellectuelle et le droit de la concurrence, de sorte qu'ils sont aujourd'hui considérés comme complémentaires. La pensée dominante actuelle est que les deux régimes juridiques favorisent l'innovation et la prospérité.

Commençons par les connaissances récentes en matière d'économie. Dans les années 70 et 80, les organismes chargés de lutter contre les trusts et de favoriser la concurrence voyaient d'un mauvais oeil les licences de PI et appliquaient à leur octroi un ensemble volumineux et rigide de règles. Les lois antitrusts et de propriété intellectuelle, estimait-on, évoluaient dans deux univers différents. Le droit de la concurrence protégeait la concurrence et le droit de la PI créait des monopoles. Les deux régimes étaient donc condamnés à s'affronter. Dans les années 70, le département de la Justice des États-Unis a proclamé neuf interdictions. Quatre ans plus tard, le Canada a fait de même. Il s'agissait essentiellement d'interdire des arrangements commerciaux relatifs à la propriété intellectuelle jugés aller à l'encontre des lois sur la concurrence et des lois antitrusts des deux pays.

Les nouvelles connaissances en économie, toutefois, ont révélé que l'octroi de licences de PI présente des avantages. En outre, là où on voyait des actes illégaux ou des ententes de licence qui, automatiquement et en elles-mêmes enfreignaient les lois sur la concurrence, on voit plutôt d'énormes avantages découlant d'un assouplissement et de l'ouverture de l'octroi des licences de PI. On a aussi constaté que les arrangements contractuels comme les accords d'exclusivité, la vente liée ainsi que les restrictions à la commercialisation territoriale pouvaient étouffer la concurrence dans certaines situations. Plus souvent qu'autrement, surtout en ce qui concerne la propriété intellectuelle, les entreprises ont eu recours aux arrangements contractuels en réalité propices à la concurrence.

• 1100

On sait aujourd'hui que les entreprises qui concèdent une licence de brevet sont rarement monopolistes, et que le fait de posséder un droit exclusif, ou un droit de propriété, même s'il s'agit d'un droit de propriété intellectuelle, ne donne pas de monopole ou de position dominante sur le marché.

L'existence d'une position dominante doit être mesurée au moyen d'une analyse de l'application de la loi sur la concurrence—une méthode précise de calcul des substituts viables sur le marché—de sorte que les brevetés ne sont plus considérés comme des monopolistes en soi.

Cette interdiction hostile des arrangements de licences verticales a été remplacée par ce que l'on appelle la règle de raison, ou une formule du cas par cas, où chaque situation est analysée clairement avant de prendre une décision. Cette doctrine repose sur trois principes.

Le premier est que l'octroi de licences de propriété intellectuelle est en règle générale considéré comme étant propice à la concurrence et doit être encouragé.

Le deuxième est que la propriété intellectuelle se compare à d'autres formes de propriété dans le cadre de l'analyse du droit sur la concurrence. Certes, elle a ses particularités propres, mais pour l'application de la Loi sur la concurrence, elle est considérée comme n'importe quelle autre forme de propriété.

Le troisième est qu'il n'est pas tenu pour acquis que la propriété exclusive d'un brevet confère une position dominante ou un monopole dans le cadre de l'analyse des lois antitrusts ou relatives à la concurrence.

Le droit relatif à la PI et le droit relatif à la concurrence sont tous les deux nécessaires au fonctionnement efficace du marché. Les lois de PI accordent des droits de propriété comparables à ceux dont jouissent les autres formes de propriété et encouragent donc les propriétaires à investir pour créer et mettre en valeur la propriété intellectuelle, encourager l'emploi efficace et la diffusion de cette propriété dans le marché.

Bref, nous sommes convaincus que la propriété intellectuelle définit les lois sur la propriété, ce qui permet aux brevetés de mettre cette propriété intellectuelle sur le marché et d'être adéquatement récompensés de leurs efforts. Le marché est un mécanisme efficace de traitement de l'information qui indique aux gens où investir dans l'innovation dans l'espoir de toucher un rendement et donc d'être récompensés. Pour que les marchés fonctionnent, il faut avoir des lois sur la propriété qui soient bien définies, et cela inclut des lois sur la propriété intellectuelle.

Une fois que cette protection existe, la société bénéficie de l'application de la Loi sur la concurrence à la propriété intellectuelle pour les mêmes raisons qu'elle profite de l'application de la loi à d'autre propriété. Appliquer la loi sur la concurrence a des pratiques relatives à la PI peut prévenir des pratiques anticoncurrentielles nuisibles à la production et à la diffusion efficace de produits et de techniques dans la création de nouveaux produits. La promotion d'un marché concurrentiel grâce à l'application de loi sur la concurrence est conforme aux objectifs sous-jacents des lois sur la propriété intellectuelle.

Ceci m'amène à mon dernier point. Le paradigme du marché intégré, comme on l'appelle, nous a aidés au Bureau de la concurrence à définir notre façon d'aborder l'interface entre la propriété intellectuelle et la loi sur la concurrence. La politique sur la concurrence et les droits de propriété intellectuelle, au lieu d'être fondamentalement opposés l'un à l'autre, cherchent maintenant à atteindre un objectif global complémentaire qui est de favoriser la concurrence et l'efficacité sur un marché dynamique. Les deux branches du droit servent l'objectif commun de promouvoir l'innovation et de favoriser la prospérité.

• 1105

La complémentarité de ces deux régimes est l'assise sur laquelle reposent les lignes directrices pour l'application de la loi—que je vous ai remises—relative à la propriété intellectuelle. Vous y trouverez la façon dont le Bureau de la concurrence conçoit le recoupement entre les deux formes de droit ainsi que des exemples d'application du droit de la concurrence à la propriété intellectuelle.

Pour conclure, j'insiste sur le fait que les autorités chargées de la concurrence ont considérablement modifié la façon dont elles conçoivent l'octroi de licences de propriété intellectuelle et l'interface entre les deux régimes juridiques.

Je vais m'arrêter ici.

La présidente: Merci beaucoup.

Je vais maintenant donner la parole à Mme Nancy Gallini, professeure à l'Université de Toronto.

Mme Nancy Gallini (professeure, Faculté d'économie, Université de Toronto): Merci beaucoup. C'est un honneur pour moi d'être parmi vous aujourd'hui.

J'ai une présentation PowerPoint. Je vais essayer de parler beaucoup moins que l'heure et demie que je passe normalement en classe. Arrêtez-moi si je déborde, mais je trouve la question des droits de propriété intellectuelle absolument fascinante.

J'ai cru comprendre que ma tâche aujourd'hui était de réfléchir à la façon dont nous pourrions modifier la politique de propriété intellectuelle—je vais m'attacher en particulier aux brevets—pour aider le Canada a passé de la quinzième à la cinquième place parmi les pays de l'OCDE au chapitre de l'innovation.

Lorsqu'il s'agit de questions comme celle-ci, j'aime bien commencer par le commencement. Premièrement, pourquoi la propriété intellectuelle existe-t-elle? Beaucoup d'entre vous le savent déjà, mais rappelons-le. C'est d'abord un compromis. D'une part, les innovations coûtent cher à créer mais ne coûtent à peu rien à copier. Les brevets encouragent l'innovation, la divulgation de l'information et aussi l'échange de l'information grâce aux licences. Cela signifie que même si nous avions pu bénéficier d'une invention sans brevet, on aurait peut-être quand même voulu des brevets pour que les entreprises révèlent leurs inventions.

En revanche, la propriété intellectuelle accorde des droits exclusifs à son propriétaire, comme Gwill Allen vient de le dire. Les brevets pourraient donc aboutir à l'emploi suboptimal de cette invention. Le compromis que nous avons ici se situe entre les brevets qui favorisent l'innovation mais qui limitent l'utilisation de l'invention.

Pourrions-nous employer quelque chose d'autre? Il existe d'autres régimes d'encouragement qui incitent les entreprises ou les innovateurs à créer. Il y a d'abord les forces du marché, tout simplement. Il pourrait y avoir des obstacles pour les nouveaux venus. Les délais de production pourraient suffire à amener les entreprises à innover sans qu'elles aient de droits sur leur invention.

Par le passé, on a aussi eu recours à des concours dotés de prix. Au XVIIIe siècle, les Anglais ont offert un prix à celui qui le premier concevrait une méthode de mesurer la longitude en mer. Sobel a écrit un livre magnifique là-dessus.

Troisièmement, il y a les contrats, que nous connaissons bien. Ce sont des contrats pour des travaux de recherche fondamentale—accordés aux universités ou à des laboratoires privés, comme le CRSH et le CRM, ou pour inventer quelque chose de bien précis que le gouvernement veut. Il peut y avoir d'autres mécanismes, comme les crédits d'impôt. Le gouvernement pourrait aussi faire la recherche à l'interne. Nous pourrons en parler pendant la période des questions. Voilà seulement les plus élémentaires.

Je dois aussi insister sur le fait que la beauté de la propriété intellectuelle, c'est qu'elle est décentralisée. C'est le marché qui récompense les bonnes inventions et sanctionne les mauvaises.

Depuis 1989, plusieurs changements ont été apportés à la Loi sur les brevets. En voici quelques-uns. Je ne vais pas les commenter maintenant, mais ils sont très intéressants parce qu'ils ont des effets divers sur l'innovation. Leur but n'a pas toujours été de protéger davantage les brevets ou de les renforcer. Leurs effets ont été différents selon qu'il s'agit de petites ou de grandes entreprises. Par exemple, on disait que la divulgation avant l'octroi du brevet nuisait aux petites entreprises. Nous pourrons en discuter.

• 1110

Il me semble qu'avant de commencer à parler d'apporter d'autres changements au régime sur la propriété intellectuelle, pour encourager l'innovation, il faudrait voir quels ont été les effets des changements depuis 1989.

Depuis le milieu des années 80 et jusque dans les années 90, il semble que le rythme d'octroi des brevets au pays se soit accéléré. Certes, pas énormément par habitant, mais ce qui est plus intéressant que le rythme, c'est où l'accélération a eu lieu et qui demande des brevets et donc innove.

Dans une grande mesure, l'accélération est survenue dans les secteurs suivants: haute technologie, télécommunications, informatique, produits pharmaceutiques et médecine. Autre fait notable, les petites entreprises demandent en nombre disproportionné un plus grand nombre de brevets mais en reçoivent moins de façon disproportionnée.

Le rythme des brevets octroyés à l'étranger s'est accéléré considérablement. Voici un diagramme: la courbe supérieure représente le nombre total de demandes de brevets—cela ne signifie pas qu'ils ont été octroyés—et la petite courbe du bas représente les demandes au pays. Si vous agrandissez la ligne du bas, voici à quoi elle ressemble. Il y a donc une augmentation régulière du nombre de brevets octroyés au Canada, et ces deux pics correspondent au moment où les changements ont été apportés à la Loi sur les brevets.

Mais vous voyez aussi que les demandes au pays représentent une très petite proportion des brevets au Canada. Il y a beaucoup de demandes de brevets à l'étranger.

Je pose la question: pourquoi cette augmentation? À quoi faut-il l'attribuer? Les changements à la Loi sur les brevets ont-ils favorisé l'innovation? Sans doute pas. Beaucoup de ces innovations sont étrangères et viennent de l'augmentation du nombre d'inventions américaines—parce qu'à peu près au même moment, depuis le début des années 80, les États-Unis ont beaucoup renforcé la protection de leurs brevets. Ils ont élargi la catégorie des «brevetables», comme les méthodes commerciales, les logiciels et les formes de vie supérieures. C'est ce qui se passe. Ce ne sont donc pas les changements au Canada qui ont soudainement favorisé l'innovation.

Mais ils semblent toutefois avoir accentué la tendance des étrangers à obtenir un brevet au Canada: il y a plus de brevets étrangers qui viennent au Canada que jamais. Encore une fois, est-ce attribuable aux changements apportés à la Loi sur les brevets, ou n'est-ce qu'un phénomène mondial—tout le monde brevette partout?

Voilà le genre de questions qu'il faut poser. Si l'on veut réfléchir au renforcement des protections des brevets au Canada, il faut se demander quels sont les avantages. Eh bien, cela encourage nos entreprises à innover; cela encourage les entreprises étrangères à obtenir un brevet ici; dans les deux cas, cela pourra entraîner des conséquences qui pourront se traduire par plus d'innovations et pourront encourager les entreprises étrangères à investir également au Canada. Ceci est un peu controversé; nous pourrons en parler davantage plus tard.

Quels sont les coûts des brevets solides au Canada? Il faut payer un prix plus élevé pour des inventions qui auraient pu être conçues par des étrangers de toute façon et auraient été mises à notre disposition ensuite. Dans une petite économie ouverte, il est très tentant de profiter gratuitement des innovations des autres pays. Je sais que ce n'est pas l'objectif actuel du Canada.

Mais chose étonnante, des brevets solides réduisent aussi l'innovation si cette innovation est cumulative; autrement dit, si elle s'inspire de recherches antérieures. Cela semble être le cas dans le secteur de la haute technologie. Pour fabriquer un médicament, il faut comprendre la composition génétique; on commence donc par identifier un gène pour pouvoir un jour produire un médicament. Les innovations tablent donc les unes sur les autres. Dans ce cas, les entreprises qui décrochent le premier brevet pourraient retarder l'innovation dans l'avenir.

On craint beaucoup que ce soit le cas actuellement aux États-Unis. Les entreprises qui ont de solides brevets se lancent dans une multitude de procès pour empêcher la recherche consécutive. Texas Instruments est tristement connue pour cela. Certaines entreprises pratiquent aussi ce que l'on appelle le brevetage de gaspillage—quoique je ne suis pas certaine que ce soit vraiment gaspiller—dont le but n'est pas l'innovation mais plutôt d'avoir des jetons de marchandage à échanger avec d'autres entreprises pour éviter les procès. Dans le secteur des semi-conducteurs, par exemple, il y a beaucoup de licences réciproques.

Pour revenir à ce dont M. Allen parlait, les problèmes causés par les brevets solides peuvent être atténués si les entreprises sont libres de conclure des ententes comme les licences réciproques, la mise en commun des brevets, etc. On voit beaucoup de ces alliances stratégiques entre compagnies novatrices et le débat fait rage aux États-Unis sur la question de savoir si ces «bons procédés» devraient être autorisés.

• 1115

Je vais maintenant aborder les questions de fond à poser. La première est de savoir si les inventeurs devraient être autorisés à coopérer entre eux. Je dirais que la réponse à cela ne pose pas de difficulté, pourvu qu'ils collaborent à des inventions complémentaires. Mais ici encore, nous pourrons en discuter plus en détail.

Autre question fondamentale: aux États-Unis, il y a un projet de deux ans à la Direction générale des sciences, de la technologie et de la politique économique de l'Académie nationale des sciences. Ils craignent beaucoup que les brevets soient devenus trop forts et ils se penchent sur de nombreuses questions relatives à ce phénomène.

Une de ces questions est la suivante: Le brevetable devrait-il inclure les méthodes commerciales, les logiciels, les outils de recherche? Au Canada, les méthodes commerciales, certaines formes de logiciels et les outils de recherche comme les bases de données ne sont pas actuellement brevetables. Devrait-on faire un pas de plus et élargir la définition, comme les États-Unis ont fait?

Devrait-on autoriser des revendications plus vastes? Encore une fois, des changements ont été apportés au droit américain pour autoriser les revendications que les entreprises font à propos de leurs inventions à être beaucoup plus vastes et à couvrir beaucoup plus de choses, pour qu'elles puissent résister à de futures inventions. Devrions-nous en faire autant?

Si vous posiez ces deux questions à un grand nombre d'universitaires et de décideurs américains, ils vous répondraient par un non vigoureux. Ils vous diraient que le Canada ne devrait pas aller plus loin, qu'il est sensé de ne pas le faire.

Devrions-nous adopter la Loi Bayh-Dole? C'est la loi américaine qui accorde aux universités des droits de propriétés et des brevets sur les travaux de recherche financés par les deniers publics. Nous n'avons pas vraiment de loi semblable ici et je ne tiens pas forcément à m'en faire le champion. Mais je dirai que toutes les études réalisées aux États-Unis à propos des effets des changements dans le droit sur les brevets relatifs à l'innovation n'ont guère révélé que l'innovation a augmenté—sauf dans les secteurs qui sont actuellement brevetables et qui ne l'étaient pas auparavant, comme les méthodes commerciales, etc. Il y a une foule de brevets dans ces secteurs, mais la véritable innovation n'a pas beaucoup augmenté—en tout cas pas au point où on puisse la déceler—par suite des changements à la Loi sur les brevets.

Ce que l'on a pu constater, toutefois, c'est que le transfert de technologies des universités au secteur privé ainsi que l'utilisation de ces technologies ont augmenté notablement après la Loi Bayh-Dole. Voulons-nous cela au Canada? Nous pourrons en parler.

Devrions-nous créer un tribunal spécial pour contrefaçon de brevets? C'est ce que les Américains ont fait et c'est ce qui semble avoir augmenté considérablement les droits de brevets. Encore une fois, nous pourrons en discuter.

Ma dernière diapo porte le titre «Comment devenir un leader en matière de technologie de calibre mondial». Une conférence internationale magnifique vient de se tenir avec Industrie Canada et l'Université de Toronto précisément sur ce thème. Beaucoup d'Américains y assistaient et le message qui s'est dégagé c'est que le Canada se débrouille pas mal du tout dans le dossier de la propriété intellectuelle. Il est beaucoup plus prudent lorsqu'il s'agit d'équilibrer les encouragements à l'innovation et l'accès public à l'invention. Les États-Unis, eux, semblent insister davantage sur les droits des inventeurs.

Il se pourrait donc que renforcer davantage notre politique sur les brevets—en allant plus loin que ce qui figurait sur la diapositive précédente—soit en fait dommageable. Le résultat pourrait être de réduire l'innovation; nous pourrions aussi obtenir des avantages mais en payant le prix de droits exclusifs accrus pour les inventeurs. En tout cas, on ne peut pas affaiblir davantage notre politique parce que nous avons signé déjà quantité d'accords internationaux, comme les ADPIC. Il est certain que nous ne voulons pas affaiblir le régime.

Il semble que nous nous tirons passablement bien d'affaire, mais que pourrions-nous faire d'autre? Eh bien, augmenter les dépenses publiques en R-D, évidemment, et trouver de nouvelles façons d'attirer et de garder au pays des scientifiques chevronnés. Des enquêtes auprès d'entreprises montrent que le principal obstacle à la recherche est le manque de capital humain. Il est certain qu'il nous faut trouver une façon de régler le problème.

On pourrait financer la recherche fondamentale dans les universités, assortie de la récupération intégrale des coûts—je sais que c'est la priorité des priorités. J'irai même un peu plus loin: sélectionner les chercheurs et pas forcément les projets. Il est parfois important pour l'État de choisir tel ou tel projet qu'il veut voir réalisé; mais il faut s'assurer que les chercheurs de qualité sont bien ceux qui effectuent les travaux. Autrement dit, la qualité de la recherche équivaut à la qualité du chercheur.

• 1120

Profitons également de notre situation d'importateur de technologies et adoptons les brevets étrangers et tirons-en les enseignements qu'il faut. Nous avons déjà vu que le Canada compte beaucoup sur les inventions étrangères puisqu'il est un net importateur d'inventions. Il ne faut pas en avoir honte. Profitons de ces inventions. Mais cela ne signifie pas d'éviter la R-D pour autant. Les entreprises ont besoin d'une assise de recherche très forte pour absorber ces inventions. Des études montrent que les usines canadiennes ont un peu de retard dans l'absorption des nouvelles technologies par rapport aux usines américaines installées au Canada.

La dernière suggestion que je ferai serait de recenser les secteurs novateurs: la biotechnologie, la haute technologie, l'informatique, par exemple créent beaucoup d'innovations. Nous n'avons peut-être pas besoin d'une politique uniforme des brevets. Peut-être devrions-nous accorder des protections différentes—ampleur et durée—à ces innovations-là.

Des exemples: au Japon, il y a des brevets sur les méthodes commerciales, quoique les exigences pour obtenir un brevet soient beaucoup plus strictes que pour d'autres inventions. L'Union européenne autorise le prolongement des brevets pour les produits pharmaceutiques pour tenir compte des délais d'homologation, etc. Peut-être voudrons-nous réfléchir davantage à ces points.

C'est tout ce que j'ai à dire pour l'instant. Merci beaucoup.

La présidente: Merci beaucoup, madame Gallini.

Nous allons maintenant entendre M. Paul Jones, de l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université.

M. Paul Jones (agent de recherche et de pédagogie, Association canadienne des professeures et professeurs d'université): Je vous remercie de l'occasion qui m'est donnée de comparaître devant vous. En particulier, je tiens à remercier le président et le greffier d'avoir accepté que je comparaisse à la dernière minute.

L'Association canadienne des professeures et professeurs d'université est la fédération qui regroupe les associations d'enseignants des universités canadiennes. Ce matin, je veux vous présenter le point de vue de nos membres sur la question de la propriété intellectuelle, et en particulier des liens entre la question et ce qui se passe actuellement dans les universités.

Nos membres, les professeurs, enseignants et bibliothécaires de tout le pays, produisent quantité de documents que l'on peut classer dans la catégorie de la propriété intellectuelle: des découvertes scientifiques, des travaux de recherche en économie, des oeuvres littéraires, des oeuvres d'art, pour n'en nommer que quelques-unes. Non seulement ils sont les créateurs de ces oeuvres, mais ils en sont aussi des consommateurs voraces. Ils s'en servent pour enseigner, étudier, communiquer mais surtout ils s'en servent pour acquérir de nouvelles connaissances.

Tous les jours nous créons de la PI, nous communiquons de la PI, nous consommons de la PI, nous nageons dans la PI. Il n'est donc pas étonnant que les enseignants aient des idées bien arrêtées sur le sujet. Et comme nous sommes des professeurs d'université, vous retrouverez parmi nous tout un éventail de positions.

À une extrémité, nos membres estiment que le corps professoral, voire les universités dans leur ensemble, n'ont rien à voir sur le marché de la PI. Ce camp estime que ni les professeurs ni les universités ne devraient être propriétaires de la connaissance qu'ils créent. Ils sont rémunérés par la population et c'est elle qui devrait en être le propriétaire. Dès sa création, celle-ci devrait être du domaine public.

La première inquiétude de ce groupe c'est que si vous traitez un ouvrage universitaire comme un simple bien, c'est la communication savante qui va en pâtir. Ils craignent que les enseignants ne veuillent rester plus discrets à propos d'une découverte, dans l'espoir d'en tirer profit, que de communiquer les connaissances aux autres. Le paradoxe ici, c'est que la plupart des nouvelles découvertes reposent sur des idées ou des connaissances antérieures. Si nous commençons à étouffer la communication savante, beaucoup d'innovations seront étouffées elles aussi.

Notre groupe a une deuxième inquiétude: quand les universités concentrent tout simplement leurs efforts sur la création de produits ou de propriété intellectuelle, elles renoncent à la tradition universitaire de recherche dans l'intérêt public. Cette recherche ne produit pas nécessairement des avantages économiques immédiats: ainsi en est-il de la recherche sur la pauvreté des enfants, par exemple. Toutefois, cette recherche est très avantageuse pour le bien commun. On craint donc qu'une orientation axée sur la propriété intellectuelle néglige ce genre de recherche dans l'intérêt public et encourage et récompense seulement la production de connaissance privée au profit d'une poignée de détenteurs de droits de propriété intellectuelle.

• 1125

C'est l'opinion d'un groupe de nos membres—je vais lever la main gauche. Par contraste, préconisant un point de vue diamétralement opposé, se trouvent nos membres animés d'un plus grand esprit d'entreprise. Ces gens sont prêts à lutter avec acharnement pour préserver les droits de propriété intellectuelle qu'ils détiennent actuellement. Ils veulent les préserver; ils veulent les exploiter. Selon eux, ces droits sont la reconnaissance légitime de leur labeur, du travail d'érudition qu'ils ont accompli. Ils pensent que l'existence de ces droits encourage sérieusement la créativité. Je pense que le dicton «chaque professeur un millionnaire» est l'un de leurs cris de ralliement.

Ainsi, parmi nos membres nous avons ces deux opinions divergentes. Comment les concilier? Il faut se rappeler avant tout que ce sont là peut-être des extrêmes. La vaste majorité de nos membres a une opinion plus tempérée. Beaucoup appuient et comprennent l'importance de la protection grâce au droit d'auteur et aux brevets. L'organisation n'a pas ménagé son énergie pour protéger ces droits, au nom de nos membres.

Par ailleurs, on s'inquiète vivement de l'imposition dans les universités d'un modèle de recherche axé sur la propriété intellectuelle. Nous avons essayé de veiller à ce que les universités maintiennent leur rôle de sources d'études et d'enseignement indépendant compte tenu de l'accent mis sur la commercialisation ou le développement de la propriété intellectuelle.

Nous avons freiné vigoureusement les tentatives de commercialiser totalement nos universités et, en ce moment, dans certaines universités, nous luttons pour protéger la liberté universitaire des professeurs aux prises avec des intérêts commerciaux trop zélés.

L'Université de Toronto a récemment offert à un scientifique de renom, M. David Healy, un poste prestigieux et prometteur. Ensuite, apparemment, quand on a appris qu'il procédait à des recherches critiquant certains aspects de l'industrie pharmaceutique, on lui a retiré son poste. Il semble que l'intérêt commercial l'ait emporté sur l'intérêt public, et à notre avis, cela n'est pas de bon aloi pour la société canadienne.

Tous les cas où nous intervenons ne sont pas aussi spectaculaires que l'affaire Healy. Mais dans chacun d'entre eux, on constate les problèmes cruciaux qui surgissent quand des résultats commercialisables sur le plan de la propriété intellectuelle deviennent le principe qui guide la recherche universitaire.

Une de nos membres effectue une recherche dans un domaine que l'on appelle la science du pâturage, à l'Université de Guelph. Je suis un citadin et je ne pourrai pas vous dire exactement ce qu'elle fait. Il semble que cela porte sur la façon de déplacer le bétail sur les grands pâturages libres afin de maximiser l'utilisation du fourrage disponible.

Étant donné les difficultés que cause l'érosion des sols, vu la crise dans la collectivité agricole et la sécheresse qui sévit dans le sud de l'Alberta, c'est un secteur du plus haut intérêt public. Mais notre membre pense qu'elle est la dernière de sa race. On n'embauche plus de nouveaux scientifiques spécialistes des pâturages dans son département. Trouver de l'argent pour faire de la recherche en science des pâturages devient de plus en plus difficile.

Pourquoi? Parce que le résultat de son travail n'est pas exclusif. Autrement dit, il est difficile de le transformer en propriété intellectuelle et de le vendre avec un bénéfice. À son département de biologie, on se sert de l'argent pour la biotechnologie, et on embauche exclusivement dans ce domaine, parce que cela aboutit à une propriété intellectuelle commercialisable.

La recherche en biotechnologie est extrêmement importante. Mais, la recherche dans des domaines comme les sciences du pâturage a aussi son importance et il semble qu'elles soient laissées pour compte. De façon plus subtile que le cas Healy, le cas de cette chercheuse prouve que l'exclusivité donnée à la propriété intellectuelle comme seul critère de la recherche universitaire entraîne des conséquences négatives à long terme.

Un biochimiste de l'université Concordia m'a dit, et ce n'était pas totalement à la blague, qu'Einstein n'obtiendrait absolument pas de subventions de recherche par les temps qui courent car l'orientation de sa recherche était trop obscure et n'était pas du tout prometteuse de propriété intellectuelle commercialisable. Cela peut paraître exagéré mais cela illustre nos inquiétudes.

Pour conclure, la recherche universitaire devrait selon nous servir à autre chose qu'à la production de propriété intellectuelle. Elle devrait être qualifiée plus précisément de création de nouvelles connaissances, et non de nouveaux produits. La recherche universitaire est celle qui profite à l'intérêt public général de même qu'aux intérêts privés de ceux qui détiennent les droits de propriété intellectuelle.

Il est important de rappeler que la recherche universitaire, comme toute innovation, s'alimente de communication libre et de franc partage de l'information. Pour la maintenir vivante, il faut se garder de multiplier les conditions sévères de protection des brevets et de prolonger la durée des droits d'auteur. Nous devons éviter de céder à la compartimentalisation de toutes les manifestations de la créativité humaine, voire de la biologie humaine, en leur imposant des droits de propriété intellectuelle.

Merci beaucoup de m'avoir écouté et je vais essayer de répondre à vos questions.

La présidente: Merci, monsieur Jones.

Nous allons passer aux questions. Je veux dire à ceux qui ne connaissent pas bien notre façon de procéder en comité, que s'ils veulent répondre à des questions qui ne leur sont pas adressées, ou s'ils ont quelque chose à ajouter à une réponse, ils doivent me faire signe et je vais essayer de leur donner la parole.

Monsieur Rajotte, allez-y.

M. James Rajotte: Merci, madame la présidente.

Merci beaucoup de vos exposés. Le sujet est très difficile et ils étaient excellents. Je vous sais gré d'être venus ce matin.

• 1130

Ma première question est plutôt philosophique. Si l'on se reporte à l'origine des droits de propriété, plus particulièrement le philosophe anglais John Locke, il semble que l'argument soit avant tout moral. Ce cas-là est un petit peu plus simple que celui de la propriété intellectuelle parce que l'on traite alors de matières concrètes ou encore de matériel de travail. Cela est plus facile à définir que la propriété intellectuelle.

Il semble—et dites-moi si c'est vrai ou faux—que la propriété intellectuelle existe pour des raisons d'ordre plus pratique, c'est-à-dire que l'argument moral ne tient pas dans ce cas-là, mais afin d'encourager l'innovation et la R-D. Est-ce que je me trompe? Je pose la question à tous.

La présidente: Madame Gallini.

Mme Nancy Gallini: Vous avez raison. La propriété intellectuelle repose sur deux idées. D'une part la théorie de la négociation, et l'autre... je ne me rappelle plus de l'autre.

Une théorie, qui rejoint davantage votre approche philosophique, est que ce sont les gens qui produisent cette innovation. C'est leur propriété et ils ont le droit de la posséder. Sans un droit de propriété, cette innovation irait dans le bien commun. Sans vouloir entrer dans des considérations d'encouragement, on s'en tient tout simplement à leur droit de posséder cette propriété. C'est un point de vue sur la propriété intellectuelle.

L'autre—et je pense que c'est celui qui a inspiré les lois sur la propriété intellectuelle adoptées il y a des années—est l'idée de la négociation. En effet, puisque la propriété intellectuelle est constituée effectivement de renseignements qui servent au bien commun, les innovations ne seront pas concrétisées à moins que l'on n'octroie des droits de propriété. C'est une sorte de négociation: nous allons vous donner cette protection pendant un certain nombre d'années si vous concrétisez votre invention et la partagez avec le public. Je pense que vous avez raison. Le point de vue qui prime ici est beaucoup plus le deuxième que le point de vue philosophique.

M. James Rajotte: Devrait-il en être ainsi? J'ai parcouru le document en provenance du Bureau de la concurrence, et je me suis attardé à «l'exemple 8»—je pense que c'est ABACUS—c'est vraiment un argument pratique qui tente d'établir si vraiment on retient les renseignements concernant le développement de feuilles de calcul, entravant ainsi la concurrence, empêchant d'autres compagnies d'avoir accès à ce qu'ils ont développé. Je voudrais obtenir une réponse de vous trois, quant à savoir s'il devrait y avoir plus de négociation en matière de propriété intellectuelle?

M. Gwillym Allen: En ce qui nous concerne, je ne sais pas si je peux vous répondre que oui. Le droit de la concurrence existe pour protéger le processus de la concurrence. Ce processus ne peut pas se dérouler à moins de droits de propriété bien définis. Quand ces droits de propriété sont bien définis, les gens peuvent les exercer et s'en servir lors des échanges de propriété sur le marché pour en obtenir une récompense.

Notre travail est de veiller à ce que lorsque ces transactions se déroulent sur le marché, les bénéfices qui en découlent ne proviennent pas d'un comportement anticoncurrentiel. En ce qui nous concerne, je ne suis pas sûr si c'est un droit mais le négoce est ce qui nous occupe et c'est la responsabilité qui nous a été confiée.

M. James Rajotte: Qui définit ce qui constitue un comportement anticoncurrentiel? Est-ce le Bureau de la concurrence?

M. Gwillym Allen: Le processus est tel que le Bureau de la concurrence se penche sur un cas, l'examine, et mène une enquête. Si le Bureau en conclue que, effectivement, on est en présence d'un comportement anticoncurrentiel, contraire aux dispositions civiles de la loi—et il existe deux articles différents dans la loi, les dispositions pénales et les dispositions civiles. Si c'est le pénal qui est en cause, le Bureau de la concurrence, comme enquêteur, saisit le procureur général de l'affaire et c'est un tribunal pénal qui tranche au bout du compte. Si ce sont les dispositions qui sont en cause, le Bureau de la concurrence mène également l'enquête mais c'est le tribunal de la concurrence qui est saisi de l'affaire, et c'est lui qui détermine si les preuves sont suffisantes pour exiger une ordonnance corrective.

M. Paul Jones: Il y a des composantes du droit ou de la doctrine, de la propriété intellectuelle, qui reflètent l'argument moral que vous avez évoqué. C'est le principe des droits moraux et du droit d'auteur. Ces droits sont considérés comme appartenant directement au créateur ou à l'auteur en raison du travail accompli ou parce que leur art est étroitement lié à eux. Ce sont des droits qui ne peuvent pas être vendus ou transférés.

• 1135

Cela dit, les droits liés à la propriété intellectuelle sont également des outils du marché—une invention du marché. Ils servent à faire tourner les rouages de l'économie plus efficacement. Mais ces droits découlent des lois, de l'intervention des législateurs que vous êtes. Il faut constamment faire des rajustements pour trouver un équilibre. Il est facile de reconnaître sa propriété personnelle, comme sa brosse à dents ou sa voiture. Quand il s'agit d'une idée, c'est beaucoup plus vague.

M. James Rajotte: Ce matin, nous avons entendu le témoignage de M. Carty du CNRC concernant des partenariats publics et privés, et M. Jones, vous avez soulevé de très bonnes questions concernant le partage de la connaissance, la recherche dans l'intérêt public. Je voudrais citer un exemple.

Le Protocole d'Edmonton à l'Université de l'Alberta effectue de la recherche sur le diabète. Ce groupe est rattaché à l'université et en obtient l'appui. Le financement provient du gouvernement de l'Alberta, en partie aussi du gouvernement fédéral, et des sources privées, canadiennes et américaines, y contribuent également. C'est une équipe de chercheurs. Ils ont donc effectué trente ans de recherche fondamentale, et ils sont sur le point de faire des découvertes très emballantes.

Voici ma question. Le résultat devrait-il être breveté? Devrait-il être la propriété de quelqu'un? Qui alors? Je ne sais pas s'il est juste de vous poser cette question mais, selon moi, ce sont les enjeux dont nous devrions discuter. Manifestement, il n'y a pas de réponse toute faite. Si l'un d'entre vous pouvait nous éclairer sur la façon d'aborder la question...

M. Paul Jones: Il y a l'exemple d'un scientifique colombien ou vénézuélien qui a fait un travail véritablement important sur un vaccin contre la malaria. Il a donné les droits sur ce vaccin à l'Organisation mondiale de la santé plutôt que de procéder par brevet privé ou faire mettre son produit au point par une société pharmaceutique. Il y a donc des arguments très percutants qui milite en faveur d'une recherche au bénéfice du domaine public pour reconnaître l'appui public à la recherche et le bien commun qui en découle.

J'ignore si cette approche va s'appliquer dans tous les cas. Je crois que certains de vos collègues qui s'opposent à la propriété intellectuelle font preuve d'une certaine naïveté et n'arrivent pas vraiment à répondre à la question que vous venez de soulever. Si le travail qui a été fait ne fait pas l'objet d'une certaine protection, qu'est-ce qui l'empêche d'être exporté du Canada? Comment pouvons-nous empêcher une entreprise privée de mettre la main sur les fruits de 30 ans de travail financé par les deniers publics? C'est une excellente question. Et je crois que nous devons continuer à essayer d'y trouver une réponse.

Mme Nancy Gallini: C'est une question extraordinaire. Elle se répercute vraiment sur toute la question de la Loi Bayh-Dole. Comme vous l'avez dit, les universités ou les universitaires devraient-ils avoir le droit de breveter les résultats de la recherche financée par l'État? Ça ressemble à un cumul d'avantages, n'est-ce pas? Ces chercheurs reçoivent un financement public, par conséquent, les résultats de leurs recherches devraient être du domaine public, pourtant ces savants obtiennent un brevet.

L'une des raisons qui explique la complexité de la situation, c'est que, aujourd'hui, une bonne partie de la recherche n'est pas financée exclusivement par l'État. Comme vous l'avez dit, c'est une combinaison de financements privés et d'autres sources aussi. Ensuite il y a la question de négociations. Il faut se demande si, à défaut d'un financement public suffisant, la recherche aurait été effectuée sans la certitude de pouvoir obtenir un brevet—un droit de propriété quelconque—à l'avenir. Je crois que pour bon nombre de chercheurs—et, à titre de spécialiste des sciences sociales, je dirais que la recherche dans ce domaine n'est pas aussi coûteuse que le travail en laboratoire—le financement public est très souvent insuffisant, d'où la nécessité du brevet pour récolter les fruits de leur travail. Dans certains pays et dans certaines organisations internationales, on se préoccupe vraiment de l'utilisation des découvertes qui devraient vraiment être du domaine public—les vaccins, par exemple.

Certains économistes ont proposé des moyens de faire tomber des découvertes dans le domaine public une fois le travail fait, ou au moins d'encourager les chercheurs à faire passer leur travail dans le domaine public—je pense, par exemple, à un vaccin contre le sida ou à des médicaments pour le traitement du sida en Afrique du sud. Certains ont suggéré que le gouvernement garantisse un certain volume de ventes plutôt que d'octroyer un brevet.

Un certain Michael Kramer, de l'université Harvard, propose que lorsqu'un vaccin contre le paludisme et la tuberculose dans les pays en développement est mis au point, les États membres d'une organisation internationale garantissent la vente de ce vaccin. Il est alors du domaine public, mais le paiement provient essentiellement des trésors publics.

• 1140

En d'autres mots, les brevets semblent très utiles pour promouvoir l'innovation. Mais lorsqu'une découverte est si précieuse que nous souhaitons qu'elle soit du domaine public, le gouvernement voudra peut-être trouver le moyen de l'acheter.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Rajotte.

Monsieur Alcock, s'il vous plaît.

M. Reg Alcock: Madame Gallini, ma collègue affirme qu'elle veut suivre un cours avec vous parce que c'est vous qui remportez le prix du professeur le plus intelligible aujourd'hui.

Je souhaite explorer cette question. J'ai été très intéressé, madame Gallini, par vos observations sur la question de savoir si les chercheurs devraient ou non avoir le droit de collaborer entre eux. Je trouve que c'était une question intéressante. D'instinct, j'y ai répondu par l'affirmative. Pourquoi même se poser la question? Je vous demande donc d'abord, pourquoi se poser cette question? Aidez-moi à comprendre pourquoi il y a lieu de s'interroger à ce sujet.

Ensuite, dans son intervention, M. Jones a touché à un aspect de la question qui me préoccupe en ce moment. Il s'agit de la pression pour commercialiser les fruits de la recherche. Si j'ai bien compris, vous dites que cette pression entrave la collaboration—c'est là l'un des aspects que vous avez soulignés. Je me demande donc si cela recoupe en partie ce que vous dites, madame Gallini. Mais je voudrais faire une autre observation.

Peter Nicholson, qui est agent de stratégie de la recherche à BCE et qui a beaucoup travaillé avec nous depuis le début il y a environ cinq ans à cette politique, a dit que BCE faisait un gros effort pour lier sa capacité de recherche à ses secteurs d'activité. L'entreprise croyait—c'était il y a environ 8, 9 ou 10 ans—qu'il fallait se concentrer sur le développement de ses produits. Elle voulait en extraire plus de valeur. Il semble que cela ait très bien fonctionné pendant à peu près cinq ans. Mais, selon lui, l'entreprise a fini par réduire sa capacité intellectuelle, et il n'y avait pas de relève. Il appelle ça le pipeline de possibilités—la recherche pure. C'est ce qu'on appelait autrefois la recherche jugée par les pairs.

Je me demande donc si, en plus de la collaboration dont vous avez parlé, on peut aussi dire... Je sais qu'il n'existe pas de distinction nette entre ce qu'on appellerait la recherche fondamentale et l'étape suivante sa transformation en produits.

Mme Nancy Gallini: Ce sont toutes de très bonnes questions. Je crois que la première s'adresse surtout à Gwill. Pourquoi ne voudrions-nous pas nécessairement que les entreprises collaborent? J'ai ma propre réponse à cela, mais comme Gwill est du Bureau de la concurrence...

M. Reg Alcock: Je peux comprendre pourquoi les entreprises ne voudraient peut-être pas collaborer, mais pourquoi ne voudrions-nous pas qu'elles le fassent?

M. Gwillym Allen: Je vais vous donner un exemple d'une situation de collaboration, non pas au début du développement d'une propriété intellectuelle et d'un processus, mais plutôt vers la fin, et de la collaboration dans la vente du produit. En fait, c'était aux États-Unis et non pas au Canada. Il s'agit de la cause Visex.

Aux États-Unis, il y avait deux groupes au départ qui travaillaient chacun de son côté pour mettre au point la chirurgie oculaire au laser. Plus tard, ils ont collaboré pour mettre au point certaines méthodes pour la perfectionner. Ils ont ensuite créé ce qu'on appelait une communauté de brevets, en vertu de laquelle ils se feraient concurrence pour vendre ou commercialiser la technique, au prix—j'oublie les chiffres exacts—d'environ 400 $ à 500 $. Mais au lieu de faire cela, ils ont créé une communauté de brevets, finalisé le processus, finalisé l'entente concernant la vente au détail et ensuite créé un fonds commun auquel ils contribueraient toujours un certain montant de chaque traitement. Le prix du traitement est donc passé du montant prévu d'environ 400 $ à 500 $ à au moins 2 500 $.

Par conséquent, bien qu'il ait eu de la collaboration pour développer et commercialiser le processus, les prix très élevés qui en ont résulté ont considérablement réduit la capacité du public à bénéficier de la création de cette propriété intellectuelle. La Commission fédérale du commerce est intervenue pour mettre fin à la communauté de brevets, et les prix sont tombés très nettement lorsque les deux entreprises sont entrées en concurrence directe. De nos jours, au lieu d'être accessible à un petit nombre de personnes, la chirurgie au laser fait l'objet de beaucoup de publicité et la concurrence sur le marché est âpre. Selon la publicité dans les journaux, etc., on peut se faire opérer un oeil pour environ 100 $.

• 1145

Voilà donc une situation où la collaboration n'a pas favorisé la dissémination de la propriété intellectuelle. C'est donc une raison pour laquelle on ne voudrait pas permettre la collaboration entre des entreprises.

Mme Nancy Gallini: De plus, la communauté de brevets ou la collaboration entre des entreprises peut créer des obstacles à d'autres entreprises qui veulent pénétrer le marché. On craint que les accords de licence réciproques dans le domaine des semi-conducteurs ne crée une sorte d'obstacle à l'entrée au marché, puisqu'il est maintenant impossible aux entreprises de pénétrer ce marché à moins d'avoir un grand portefeuille de brevets qu'elles peuvent échanger si elles étaient accusées de contrefaçon de brevet.

Par ailleurs, la collaboration entre des entreprises peut freiner l'innovation. On craint une baisse du nombre d'innovations. S'il y avait deux produits de remplacement possible, la communauté de brevets en contiendrait sans doute juste un, alors pourquoi accroître la concurrence sur le marché? Il en résulte des prix plus élevés. On croit que si les entreprises se font concurrence au lieu de collaborer il y aurait peut-être des courses aux brevets et davantage d'innovations.

Cela étant dit, cependant, les communautés de brevets se retrouvent dans des domaines où il est important d'avoir des normes. S'il y a seule de la concurrence agit sur le marché, une entreprise donnée pourrait finir par imposer des normes, ce qui lui donnerait énormément de pouvoir. La communauté des brevets implique la mise en commun de tous les actifs complémentaires, de tous les brevets complémentaires, et il faut bien sûr donner accès à tout le monde aux innovations qui font partie de cette communauté des brevets, ce qui aboutit à une norme qui n'appartient à personne. C'est dans ces cas d'actifs complémentaires qu'il faudrait avoir...

M. Reg Alcock: Pourriez-vous parler de certaines des questions connexes, la distinction qu'on fait généralement entre l'établissement de normes et leur utilisation proprement dite? Est-ce que la ligne de démarcation est tellement évidente?

Mme Nancy Gallini: Vous ne savez pas que vous êtes en train d'établir une norme avant d'y arriver.

M. Reg Alcock: Oui, exactement.

Mme Nancy Gallini: C'est un point intéressant. Ce n'est pas toujours si évident.

Les entreprises sont assez astucieuses. Elles arrivent assez bien à deviner où les choses vont aboutir, par exemple, dans le cas de plusieurs produits informatiques. On a souvent vu aux États-Unis la communauté de brevets pour les DVD, les lecteurs de cédéroms, le MEPEG—je ne connais pas très bien toutes ces technologies.

Il s'avère qu'il y avait 54 brevets détenus par 16 entreprises, et c'était de grosses entreprises comme Sony et Mitsubishi. Toutes les grosses entreprises participaient. Ce qui est un peu inquiétant, c'est que malgré le fait que les entreprises partageaient les brevets de produits complémentaires et avaient établi des normes, elles se faisaient concurrence sur le marché pour des produits de remplacement aussi. Il faut donc s'assurer que les modalités de la communauté des brevets n'a aucune incidence sur la concurrence entre les entreprises à l'égard d'autres produits. C'est donc une question complexe.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Alcock.

Madame Jennings, s'il vous plaît.

Mme Marlene Jennings: Merci.

D'abord, madame Gallini, votre exposé m'a beaucoup plu.

Mme Nancy Gallini: Merci.

Mme Marlene Jennings: J'ai déjà suivi des cours d'économie, mais je ne les aimais pas autant que votre exposé. Si jamais je décide de retourner à l'université pour suivre un cours d'économie, je m'informerais pour savoir si vous enseignez toujours...

Mme Nancy Gallini: Je vous attends l'année prochaine.

Mme Marlene Jennings: ...mais vous êtes à Toronto et moi à Montréal.

Mme Nancy Gallini: Je le sais.

Mme Marlene Jennings: C'est le problème.

M. Reg Alcock: Nous finirons tous par être à Toronto.

Mme Marlene Jennings: Je ne le pense pas. Je suis Québécoise, j'y suis née et j'y ai grandi, et j'ai l'intention d'y mourir dans environ 100 ans.

Monsieur Jones, vous nous avez expliqué qu'il y avait dans votre association une très grande divergence d'opinions. Est-ce que vos membres de l'extrême gauche ont lu les études mentionnées par Mme Gallini concernant les effets positifs de la Loi Bayh-Dole sur l'encouragement à l'innovation?

M. Paul Jones: Je regrette d'avoir employé le terme «gauche»...

Mme Marlene Jennings: Ça va. Je fais une petite blague entre nous.

Disons, à l'un des extrêmes. On ne dira pas de quel côté.

• 1150

M. Paul Jones: De notre point de vue, le débat sur la Loi Bayh-Dole peut se résumer—la question touche surtout nos membres les plus entrepreneurs—à la question de savoir à qui appartiendra la propriété intellectuelle. Est-ce que ce sont les universitaires eux-mêmes qui auront inventé ou découvert l'innovation, ou est-ce plutôt l'université au sens plus large?

Les gens d'un bout du spectre à qui j'ai parlé voient la situation tout autrement. Ils sont d'avis que ce devrait être ni l'un ou l'autre. Ils voudraient que les innovations soient traitées comme étant du savoir au service du public, des choses qui sont dans le domaine public pour le bien de la société. L'ACPPU a déjà dit officiellement qu'elle appuie fermement le droit des universitaires de garder le contrôle sur leurs inventions ou créations. Ceux qui n'aiment pas la propriété intellectuelle ont critiqué ouvertement l'ACPPU d'avoir adopté cette position.

Mme Marlene Jennings: Certaines universités ici ont des politiques en vertu desquelles la propriété intellectuelle appartient à la fois à l'inventeur ou au découvreur et à l'université. Croyez-vous que c'est une bonne approche?

M. Paul Jones: Environ la moitié de nos unités de négociation ont ce genre d'arrangement et en sont très contentes. Cela fonctionne très bien en ce sens qu'il fournit une rémunération équitable à ceux qui créent des innovations, en même temps qu'il reconnaît l'engagement de l'université et du public.

Dans les cas où la propriété appartient aux universitaires, les résultats ont été très positifs aussi en ce qui concerne la commercialisation. L'Université de Toronto et l'Université de Waterloo, qui sont parmi les universités qui produisent le plus grand nombre d'innovations, ont adopté ce modèle.

Mme Marlene Jennings: D'accord.

J'ai une dernière question pour vous, madame Gallini.

Étant donné les lois et les protections actuelles concernant la propriété intellectuelle, notre régime actuel, le Bureau de la concurrence et le Tribunal de la concurrence du côté civil et nos tribunaux criminels du côté criminel, et tenant compte des différents scénarios que vous avez mentionnés, la collaboration, qui pourrait aller à l'encontre de la concurrence ou même créer des obstacles à la concurrence à plus long terme, croyez-vous que notre régime actuel fournit assez de protection, que nous n'avons pas vraiment besoin de le changer parce qu'il protège déjà assez les innovations?

Vous avez dit que les Américains sont d'avis que nous avons un assez bon équilibre ici et qu'ils ne voient pas pourquoi on y apporterait des changements.

Si nous avons un équilibre convenable, il vaudrait mieux ne pas le changer sauf dans le domaine que vous avez mentionné, c'est-à-dire dans le but de renforcer certains secteurs. Vous avez mentionné les produits pharmaceutiques ou d'autres domaines où il faudrait vraiment renforcer la protection.

Mme Nancy Gallini: J'ai un peu de difficulté à cerner les gagnants...

Mme Marlene Jennings: Oui. Moi aussi.

Mme Nancy Gallini: ...parce qu'on ne sait pas vraiment qui ils sont. Au fond, je ne voudrais même pas deviner qui ils pourraient être.

À mon avis, ce qui pose problème dans la politique sur les brevets ici au Canada et partout au monde, c'est que les politiques sont uniformes. Ce n'est pas une mauvaise idée de songer à des changements possibles; mais le Canada devrait éviter d'émettre des brevets pour des pratiques d'affaires, etc., puisque dans beaucoup de cas il s'agit de choses très simples, un peu dans le genre Amazon.com. Donner vingt ans de protection serait ridicule. Voilà donc le genre de cas dont il faut tenir compte si on décide d'ajouter des protections. Il vaudrait mieux être prudents.

Dans le cas des produits pharmaceutiques, il y a toujours ces délais réglementaires qu'on pourrait peut-être prendre en considération pour ce qui est du prolongement d'un brevet. Il existe déjà une sorte de prolongement, c'est-à-dire qu'on peut renouveler un brevet pour un plus grand nombre d'années que la première fois. On paie une taxe périodique. C'est un processus qui est efficace, au fond. Je crois qu'il vaut mieux être prudents et éviter de renforcer la protection en ajoutant à la liste des produits brevetables.

On a déjà proposé la création d'un tribunal fédéral qui passerait en revue toutes les demandes de brevets, puisqu'en ce moment—et je ne dis pas qu'il faut ne rien faire—l'OPIC, l'Office de la propriété intellectuelle du Canada, a une énorme charge de travail. Les technologies sont nouvelles, nous ne les comprenons pas trop, les demandes sont à la hausse, et je crois qu'il faut faire quelque chose pour administrer tout cela. Il leur faut des ressources supplémentaires ou quelque chose afin de faire étudier ces brevets par des experts.

Mme Marlene Jennings: Merci.

La présidente: Merci beaucoup, madame Jennings.

Monsieur Bélanger.

M. Mauril Bélanger: Merci, madame la présidente.

• 1155

Je voudrais tout simplement faire un bref commentaire sur l'exposé de M. Jones. Je suis heureux de voir qu'il reconnaît que le mieux qu'on puisse espérer, c'est d'atteindre un équilibre, et il a indiqué les problèmes qui pourraient survenir dans les universités d'ici dix ou quinze ans, où on aura encouragé les recherches plus commercialisables, si vous voulez. Cela n'est pas nécessairement un problème en soi, mais si cette tendance vient à entraver ou à miner le rôle traditionnel joué par les universités dans la société, cela devient en effet un problème. Il s'agit de trouver un juste équilibre.

Je ne vais pas vous dire que j'ai des solutions à proposer dans le domaine universitaire—même si j'ai des idées là-dessus—mais je voudrais revenir au dilemme auquel on fait face dans les organismes de recherche du gouvernement du Canada, que ce soit dans les conseils subventionnaires, qui assurent la liaison, en quelque sorte, entre les universités et le gouvernement, ou dans nos propres laboratoires, c'est-à-dire au Conseil national de recherches du Canada, dans les divers ministères, comme le Centre de recherche sur les communications. Ces laboratoires aussi subissent des pressions croissantes pour créer des centres de transfert de la technologie. On a naturellement tendance à favoriser le transfert de la technologie, puisque, comme vous l'avez dit, tout millionnaire ferait la même chose, et ce désir d'obtenir de l'argent se voit ailleurs aussi. Il y en a même qui accusent les députés ces jours-ci de faire la même chose—là aussi il faut trouver un juste équilibre.

Voici un exemple. La majorité des membres du comité ont indiqué clairement que nous voudrions que le gouvernement du Canada investisse dans le plan à long terme de la Société royale d'astronomie du Canada. Cela rejoint aussi ce que vous avez dit. Aujourd'hui Einstein ne trouverait pas de subventions pour ses recherches, comme ce n'est pas un domaine à la mode, ce n'est pas la biogénétique, etc. J'espère que notre étude, nos efforts, aboutiront à l'établissement de principes et de paramètres qui nous permettront de maintenir un équilibre, à la fois dans nos universités et dans nos organismes de recherche gouvernementaux. Je crains que, si nous ne nous attaquons pas à cette question, dans dix ans il sera trop tard. On aura perdu tellement de terrain que nous ne pourrons plus produire des recherches à long terme, des recherches pures et non appliquées, qui sont essentielles pour permettre à l'espèce d'évoluer, de faire des progrès et de produire la richesse que nous pouvons ensuite partager et redistribuer pour améliorer le sort de tout le monde.

Voilà ma conclusion d'après ce que j'ai entendu ce matin et au cours des dernières semaines, madame la présidente.

M. Paul Jones: Est-ce que je pourrais faire un commentaire?

La présidente: Bien sûr.

M. Paul Jones: Je vais aborder aussi un point soulevé par M. Alcock, la question de la recherche fondamentale. Certains administrateurs, vice-présidents et chercheurs nous disent qu'ils reçoivent maintenant beaucoup de fonds, mais qu'il y a des conditions qui y sont rattachées, ou que l'argent est lié à certains produits ou à certains projets. Afin de maintenir cet équilibre, il faut investir des sommes comparables dans la recherche fondamentale, dans le travail qui va produire des résultats dans 15 ou 20 ans et non dans deux ou trois ans. Il s'agit de financement de base pour les universités, de transferts fédéraux aux universités pour les installations, l'enseignement et la recherche de base, ainsi que de l'argent pour les conseils subventionnaires qui n'est pas lié à des initiatives de l'extérieur. La Fondation canadienne pour l'innovation est une réussite extraordinaire.

M. Mauril Bélanger: Non, ce n'est pas vrai.

M. Paul Jones: Eh bien, certains de nos gens l'aiment bien.

M. Mauril Bélanger: Nous avons exclu le Conseil national de recherches du Canada de la Fondation, par exemple, ce qui est illogique.

M. Paul Jones: Oui. D'autres craignent que des organismes comme la Fondation entraînent les universitaires dans une direction pratiquement stérile.

M. Mauril Bélanger: Merci, madame la présidente, de votre indulgence.

Mme Nancy Gallini: Est-ce que je peux ajouter quelque chose? Je suis très heureuse que vous ayez fait ce commentaire. Jones Polanyi serait tout à fait d'accord avec vous, de même que plusieurs de nos meilleurs scientifiques et chercheurs dans les universités.

On a vraiment l'impression qu'on est en train de trop cibler les fonds de recherche et qu'on oublie le secteur de la recherche fondamentale, qui est le pilier des universités. Je sympathise même dans une certaine mesure avec la gauche sur cette question de Bayh-Dole, en ce sens que nous sommes là pour faire de la recherche et que les fruits de cette recherche doivent servir le public.

• 1200

Dans beaucoup de cas, les fonds de recherche sont destinés maintenant à des projets particuliers, et c'est pourquoi nous croyons qu'il faut subventionner les chercheurs, et pas nécessairement les projets. Dans certains cas, il est légitime d'investir dans des projets spécifiques, mais il faut permettre autant de souplesse que possible, et comme vous l'avez dit, même les fonds de la Fondation canadienne pour l'innovation pourraient être affectés à la recherche fondamentale plutôt qu'à des projets qui finiraient par être brevetés.

Je crois qu'on voudrait que tout le monde rende des comptes, et c'est pourquoi nous avons vu cette tendance à vouloir associer l'argent à des projets particuliers. Mais si on pouvait revenir un peu à notre mandat de base, la recherche fondamentale, ce serait merveilleux.

La présidente: Merci.

C'étaient toutes les questions sur notre liste aujourd'hui. Nous vous remercions d'être venus ici ce matin, et d'avoir présenté vos exposés et participé à la discussion. Nous venons de terminer notre étude du projet de loi S-17, sur les brevets, et il est donc opportun d'avoir pu faire cette table ronde aujourd'hui. Nous espérons vous revoir à l'avenir. Merci beaucoup.

Nous allons suspendre la séance pendant environ deux minutes, pour ensuite étudier ensemble l'ébauche de rapport sur la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, que nous ferons à huis clos.

• 1203




• 1208

[Note de la rédaction—La séance se poursuit à huis clos]

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