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HEAL Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON HEALTH

COMITÉ PERMANENT DE LA SANTÉ

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 3 avril 2001

• 1109

[Traduction]

La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)): La séance est ouverte.

Nous recevons un aéropage d'invités venus nous informer. Je rappelle à mes collègues que nous avons deux autres questions à régler à la fin de la réunion. L'une d'elles est le budget de notre comité, dont devrait s'occuper le comité de liaison aujourd'hui, si nous voulons disposer de fonds pour faire certaines choses. La deuxième est une question au sujet de l'heure de la réunion de jeudi. Je reviendrai à cela à la fin de la réunion.

Pour l'instant, nous poursuivons notre examen du lien entre certaines politiques d'exclusion de donneurs et la sécurité des réserves sanguines du Canada. Je vais me servir de la prérogative du président pour modifier un peu l'ordre des interventions. Nous avons en effet un témoin inscrit près du bas de la liste, mais qui ne peut nous parler que maintenant parce qu'il doit retourner à l'université. Je vais donc d'abord donner la parole au Dr Bill Cameron, professeur de médecine et spécialiste en maladies infectieuses et VIH.

• 1110

Docteur Cameron, à vous.

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Serait-il possible d'avoir les documents avant de commencer, une liste de témoins, par exemple?

[Traduction]

La présidente: Quel document?

[Français]

M. Réal Ménard: Je parle de tous les documents qui nous sont destinés, comme la liste et les mémoires. La dernière fois, nous les avons obtenus à la fin. Si nous les avions au début, cela nous aiderait à mieux comprendre.

[Traduction]

La présidente: Il va vous le trouver.

Merci de votre patience. Nous entendrons maintenant le Dr Bill Cameron.

Dr Bill Cameron (professeur de médecine, spécialiste en maladies infectieuses et VIH, Université d'Ottawa): Merci, madame.

J'ai été invité au dernier instant, et je suis heureux que vous m'ayez permis de parler le premier. On m'a demandé de traiter de la question suivante: la politique d'exclusion généralisée des homosexuels et de nombreuses autres personnes de la possibilité de donner volontairement du sang est-elle rationnelle, si l'on se fonde sur les meilleures connaissances disponibles quant à la protection des malades traités médicalement au moyen de produits sanguins?

Au cours des 15 dernières années que j'ai passées en pratique médicale, j'ai vu la moitié d'une génération d'hémophiles mourir de complications infectieuses découlant des soins médicaux qui leur avaient été prodigués. Si les politiques d'exclusion des donneurs de sang qui existent aujourd'hui avaient existé il y a 20 ans, cela aurait pu ne pas se produire au Canada de façon si tragique. Les politiques d'aujourd'hui constituent une réaction rigoureuse aux dures leçons du passé et aux connaissances acquises relativement aux infections transmissibles par transfusion sanguine. L'expérience est le meilleur enseignant, mais les frais d'inscription représentent un prix exorbitant.

La réaction d'aujourd'hui est-elle exagérée et a-t-elle une quelconque efficacité? Si l'on empêche certains donneurs en puissance de faire des dons de sang en se fondant sur l'existence épidémiologique ou démographique de «groupes à risque», c'est pour protéger au mieux les réserves de sang plutôt que de se fier sur l'aveu de risques sexuels individuels qui représente une chose privée pour beaucoup d'entres nous. Nous continuons de nous servir de l'exclusion de groupes à risque auto-confessés, même si les aveux sont obtenus dans le respect des personnes concernées et en confidence. Cela n'est peut-être pas efficace, mais permet d'exclure d'autres donneurs en puissance, porteurs de risques inconnus ou autrement indéterminés qui, sinon, seraient inclus. Tant mieux si cela peut se faire avec la bonne volonté et dans le respect de ceux qui se trouvent à être des membres des groupes à risque ainsi définis.

À Ottawa, comme dans tant d'autres villes d'Amérique du Nord d'aujourd'hui, on constate cette année la réapparition de la syphilis en poussée infectieuse locale et l'augmentation continue de nouvelles infections par le VIH d'homosexuels et d'autres personnes. Se fier au rejet en laboratoire des échantillons porteurs de maladies infectieuses dont on sait qu'elles sont susceptibles d'être transmises par transfusion, c'est se limiter aux insuffisances techniques des tests et aux limites logistiques de recours aux tests.

Cela nous limite également à l'exclusion des infections connues. Nous connaissons peut-être moins de 5 p. 100 des infections virales humaines, si l'on en croit les évaluations des spécialistes de ce domaine.

Les maladies humaines, même répertoriées depuis longtemps et communes, se révèlent infectieuses. Comment sont-elles transmises? Combien sont transmissibles par transfusion? Nous l'ignorons.

Le Canada a récemment été affligé d'une petite épidémie de la maladie de Creutzfeldt-Jacob en raison de l'injection d'hormones de croissance humaines à des enfants atteints d'une cruelle maladie, l'hypophase des nains. J'ai moi-même été interdit de don de sang cette année, après avoir longtemps et régulièrement donné du sang. Je voulais continuer de le faire, après avoir passé une année en congé sabbatique en Angleterre. J'ai toutefois été exclu avec beaucoup de sensibilité et de respect, et avec beaucoup d'égards pour ma vie privée. J'appartiens aux groupes à risque des personnes qui ont vécu au Royaume-Uni ou en France.

• 1115

Le problème, c'est celui de la maladie de la vache folle et de l'infection humaine qui se manifeste maintenant en Europe. Peu importe que je n'aie pas ingéré de viande de boeuf là-bas, d'après mon souvenir, et peu importe que j'aie séjourné au Royaume-Uni après l'an 2000, donc après que les vaches folles aient été retirées de toute la chaîne alimentaire, du moins d'après ce qu'on nous a dit. Plutôt que de dépendre de mon souvenir ou de mes aveux, on a préféré exclure tout le groupe. Peu importe que nous ne sachions pas si l'équivalent humain de la maladie de la vache folle est transmissible par transfusion ou non. Il pourrait l'être. Chat échaudé craint l'eau froide. J'ai donc été exclu du bassin des donneurs.

La politique d'exclusion générale des groupes à risque fondée sur les aveux, abstraction faite de la présence ou de l'absence de facteurs individuels, est loin d'être parfaite. Mais elle permet éventuellement d'assurer la protection des réserves de sang contre des infections soit connues soit inconnues qui pourraient se produire plus fréquemment chez certains groupes que dans d'autres. Le problème est de savoir comment se servir des déterminants probabilistes avec sensibilité et respect, mais aussi de façon efficace.

Cela est peut-être plus juste pour ceux qui vont être transfusés ou traités au moyen de produits sanguins que respectueux de l'altruisme de nos donneurs en puissance. Selon moi, la question est de savoir comment maintenir cette politique dans le plus grand respect de nos donneurs, mais tout en étant aussi efficace que possible.

Ce qu'il ne faut pas faire, c'est ce qui a été fait dans un pays du Moyen-Orient que l'on ne nommera pas, où le sang donné par des gens perçus comme étant membres d'un groupe à risque identifiable a été subrepticement éliminé des réserves de sang du pays. Lorsque cela s'est su, il y a eu offense, cela a nui aux plans politique et social et a considérablement miné la bonne volonté de nombreux donneurs altruistes. Voilà un exemple de ce qu'il ne faut pas faire.

La question, selon moi, c'est de savoir comment se servir au mieux des déterminants probabilistes de risque de maladies infectieuses connues et de maladies infectieuses encore inconnues, ou pour lesquelles nous n'avons pas encore de tests, déterminants qui peuvent s'appliquer à certains groupes plus qu'à d'autres.

La présidente: Nous pourrions avoir un bref tour de questions pour le Dr Cameron avant qu'il ne nous quitte.

Monsieur Merrifield, je vais vous demander d'être bref parce qu'il n'a pas beaucoup de temps et que nous devons prévoir du temps pour tous les autres témoins également.

M. Rob Merrifield (Yellowhead, AC): Je vais être très bref. Je pense que c'était un excellent exposé. C'était direct, je n'ai aucune question à poser. Je voudrais simplement vous remercier d'être venu.

La présidente: Très bien. Monsieur Ménard, à vous la parole.

[Français]

M. Réal Ménard: Monsieur Cameron, le travail du comité est de voir si le critère d'exclusion qui est en vigueur depuis 1977 pour des hommes qui ont eu des relations sexuelles avec d'autres hommes est discriminatoire. Croyez-vous qu'une telle exclusion soit toujours justifiée quand on connaît les nouvelles technologies disponibles? Nous allons discuter de la technologie PCR plus tard. Croyez-vous que des technologies plus sophistiquées de détection nous permettraient de revoir ce critère?

[Traduction]

Dr Bill Cameron: Merci.

Ce n'est pas moi qui décide ou non de garder ce système, et j'en reconnais les nombreuses carences. La question est de savoir comment faire les choses au mieux.

Cela reviendrait à se fier considérablement à une technologie pour déceler une condition donnée, le VIH. Ce test identifiera-t-il d'autres sortes de VIH qui existent dans d'autres pays aujourd'hui et qui apparaîtront à l'avenir? La réponse à cela est non. Il existe des souches de ce virus et il y a des virus connexes qui peuvent être transmissibles sexuellement, qui ne sont pas décelés de façon fiable ou du moins pas avec la même fiabilité dans nos tests. Il faudrait également évaluer les limites logistiques de la vérification, avec une fiabilité de 100 p. 100, d'énormes réserves de sang donné, constamment renouvelées.

J'estime qu'il nous faut tenir compte de ces deux aspects pour protéger au maximum ceux qui vont recevoir des transfusions sanguines. Il y a peut-être un prix à payer pour avoir été discriminatoire envers certaines personnes prêtes, de bonne volonté et par altruisme, à s'identifier comme appartenant à un groupe à risque. Il nous faut ces deux éléments pour protéger au maximum nos réserves de sang.

• 1120

La présidente: Monsieur Dromisky, vous avez la parole.

M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.): Je crois que nous parlons du VIH, madame la présidente, et je me demande quel processus et quels tests sont administrés pour déterminer si le sang donné est porteur d'éventuels éléments nocifs qui peuvent être transmis au transfusé. Existe-t-il un autre test que vous faites pour déterminer si le sang est contaminé par quelque chose qui pourrait affecter la santé des transfusés?

Dr Bill Cameron: Malheureusement, il y a plus de maladies infectieuses qu'il n'y a de tests de diagnostic.

M. Stan Dromisky: Et que fait la clinique ou le... Jusqu'où poussez-vous les tests, dans ce cas-ci?

Dr Bill Cameron: Eh bien, les tests...

M. Stan Dromisky: Est-ce que vous vous fiez au formulaire qui nous a été distribué, qui porte sur le comportement sexuel de la personne?

Dr Bill Cameron: Si nous parlons du processus de don de sang et de vérification de l'état des réserves de sang, on demande d'abord au donneur de remplir un questionnaire portant sur de nombreuses activités personnelles, dont un bon nombre qui, dans mon cas par exemple, sont faciles à admettre, les voyages, en l'occurrence.

Après cela, on peut ou non demander à une personne de continuer à donner du sang. Ce sang est envoyé à un laboratoire, où il subit une série de tests. Nous disposons actuellement de trois types de tests qui peuvent servir à identifier une infection par VIH. Nous avons un test pour la syphilis. Nous faisons un test pour les autres maladies infectieuses, y compris le virus de l'hépatite C. Mais je peux vous garantir qu'il existe d'autres infections virales transmissibles sexuellement qui ne sont peut-être pas décelées, faute de tests appropriés. La politique générale d'exclusion est donc une réaction à des choses que nous ne connaissons pas plutôt qu'à des choses que nous connaissons.

Cela se fonde sur l'expérience du passé. Faute de connaissances, certaines mesures n'avaient pas été prises, telles que l'exclusion de certaines personnes du bassin des donneurs en puissance. Nous savons aujourd'hui qu'il aurait été utile que cela ait été fait.

M. Stan Dromisky: Très bien. Je vais justement poursuivre dans la veine de ce que vous venez de dire. Pour les phénomènes que vous connaissez et les conditions dont vous êtes conscient, sommes-nous dans la situation où, en supposant que nous disposons des tests nécessaires, nous ne faisons pas les tests appropriés simplement parce que nous n'avons pas les ressources, le matériel ou le personnel?

La présidente: Pardon, monsieur Dromisky. Le Dr Cameron ne représente pas la Société canadienne du sang. Toutes les questions concernant le système de la Société devraient être posées aux représentants de cet organisme.

M. Stan Dromisky: Très bien.

La présidente: Docteur Cameron, est-ce que...

Dr Bill Cameron: Je serais quand même heureux de répondre.

Je crois que, pour les conditions que nous connaissons, nous avons eu recours à tous les tests possibles—probablement, à plus qu'il n'en faut—de la même façon que nous excluons du bassin des donneurs plus de donneurs en puissance que le nombre justifié. Cela n'est pas efficace. C'est conçu pour assurer la sécurité maximale.

Donc, pour les conditions que nous connaissons, je crois que nous avons doublement réagi à la situation, en nous fondant sur les erreurs du passé.

La présidente: Merci. J'invite les autres députés à se demander s'ils ne feraient pas mieux de poser leurs questions aux autres témoins inscrits sur la liste.

Madame Sgro, à vous.

Mme Judy Sgro (York-Ouest, Lib.): Très rapidement, puisqu'il y a beaucoup d'autres témoins. Docteur Cameron, si je comprends bien, vous ne seriez pas en faveur d'une modification du système actuel de vérification de la qualité du sang au Canada?

Dr Bill Cameron: Je crois qu'il faut constamment apporter des changements en se fondant sur l'évolution des connaissances; toutefois, j'estime que le principe d'une exclusion généralisée des groupes à risque épidémiologique est un principe sain et nécessaire.

Mme Judy Sgro: Très bien.

La présidente: Monsieur Owen, à vous la parole.

M. Stephen Owen (Vancouver-Quadra, Lib.): Merci, docteur Cameron.

Si je comprends bien, le groupe social des États-Unis qui connaît l'augmentation la plus rapide de l'incidence de l'infection par la VIH et le sida, ce sont les femmes noires démunies en âge de procréer. Je soupçonne, et certains indices le confirment, qu'il existe une incidence semblable parmi les femmes autochtones indigentes au Canada. Cela montre que le phénomène actuel de l'infection en Amérique du Nord reproduit la pandémie hétérosexuelle qui sévit en Afrique, avec des caractéristiques très semblables quant au pouvoir qu'a une personne sur son propre corps, sa situation économique et l'exposition au risque de maladies.

• 1125

Donc, du point de vue de l'épidémiologie et du risque, nous traitions d'une question d'exclusion excessive. Mais y a-t-il risque d'exclusion insuffisante? Si vous prépariez un questionnaire de vérification de ce type à Kampala, y ajouteriez-vous d'autres catégories d'exclusion? Dans l'affirmative, pourrait-il également être raisonnable de les inclure dans la liste canadienne?

Dr Bill Cameron: S'il s'agit d'assurer la sécurité maximale de nos réserves de sang, oui. Il y a de nombreux groupes à risque pour des maladies infectieuses connues qui pourraient être exclus en se fondant sur des taux de probabilité.

Cela revient à un exercice actuariel de calcul des risques. Cela pourrait être effectué par un épidémiologiste qui connaîtrait, par exemple, l'incidence d'une maladie infectieuse au sein d'un groupe démographique ou épidémiologique identifiable. Ce calcul des risques pourrait ensuite servir à déterminer si une politique d'exclusion serait efficace ou non.

Selon moi, la question n'est pas de savoir si une telle politique serait efficace, autrement dit, combien de donneurs seraient inutilement exclus. Ce qui est d'une importance primordiale, c'est le droit des gens de recevoir du sang en toute sécurité. Nous respectons cela dans la mesure où nous pouvons le faire. C'est pourquoi je réponds que oui, de nombreux groupes à risque pourraient être traités de cette manière, tout en y mettant les formes, bien sûr.

Je ne considère pas cela comme de la discrimination contre un groupe ou un autre. Cela doit toutefois être calculé et se faire de la façon la plus efficace possible, pas de la façon la plus efficiente possible. Par exemple, nous pourrions dresser une liste des groupes démographiquement ou géographiquement identifiables et appliquer des principes qui respectent la dignité et l'altruisme des gens qui sont prêts à donner leur sang.

M. Stephen Owen: La gestion du risque peut être envisagée comme un moyen de mesurer deux choses. L'une d'elles c'est la possibilité d'un événement négatif, l'autre, ce sont les conséquences de cet événement. Pour résumer votre témoignage, je crois que vous dites que les conséquences d'un événement de ce type sont si graves que, abstraction faite du peu de probabilités, il faut que des mesures extraordinaires soient prises.

Dr Bill Cameron: Je ne considère pas cela comme des mesures extraordinaires, mais je suis d'accord avec votre résumé. Je souligne l'expérience tirée de la transmission de la maladie de Creutzfeldt-Jacob à des enfants atteints de nanisme hypophysaire et de la transmission de l'hépatite C et du VIH à de nombreuses personnes, pour montrer de façon tout à fait concrète la gravité de cette question. La sécurité avant tout.

La présidente: Docteur Cameron, merci.

Nous passerons maintenant au premier groupe. Nous commençons par le Dr Donald Sutherland.

Dr Donald Sutherland (directeur, Bureau du VIH/sida, des MTS et de la tuberculose, Centre de prévention et de contrôle des maladies infectieuses, ministère de la Santé): Merci, madame la présidente, et mesdames et messieurs les membres du comité.

À Santé Canada, j'ai la responsabilité d'essayer de dépister les épidémies de VIH et d'autres maladies au Canada, et de signaler les faits susceptibles d'aider votre comité à examiner la question. Aujourd'hui, j'ai l'intention de porter à votre attention trois documents que nous avons produits récemment et qui examinent l'incidence du VIH. J'ai essentiellement limité mon exposé aux questions touchant le VIH.

L'une des questions critiques dans ce cas-ci, c'est la fenêtre sérologique du VIH, c'est-à-dire la période entre le moment de l'infection par le VIH et le moment où il est décelable au moyen des méthodes actuelles de dépistage. Par conséquent, un des éléments dont vous avez besoin, c'est le nombre annuel de nouvelles infections.

• 1130

Dans les estimations nationales de la prévalence et de l'incidence du VIH pour 1999, nous n'avons pas trouvé d'indications d'une baisse de l'incidence générale. La prévalence du VIH au Canada est passée de 40 000 à 50 000 pendant la période comprise entre 1996 et 1999, dernière année pour laquelle nous avons des estimations fiables. Pendant cette période, il y a eu augmentation de l'incidence chez les diverses catégories de risque que nous décrivons.

Je voudrais souligner la différence entre prévalence et incidence. Par prévalence, nous entendons le nombre de personnes atteintes du VIH au cours d'une année donnée; par incidence, nous entendons le nombre de nouvelles infections par le VIH. Le nombre total de nouvelles infections au Canada est resté à environ 4 200, pour les deux années. Toutefois, la répartition a changé.

Le nombre estimatif de nouvelles infections des utilisateurs de drogues par injection est passé de 1 970, chiffre qui correspondait à environ 50 p. 100 de l'épidémie de 1996, à 1 430.

Dans la catégorie des infections des hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes, les estimations ont augmenté, passant de 1 240 à 1 610. Cela révèle une augmentation de l'incidence parmi ces hommes au Canada, comme le Dr Cameron vous l'a dit.

Si l'on examine la situation à partir de la période actuelle en remontant jusqu'au début de l'épidémie, le côté gauche du tableau montre la part de l'épidémie attribuable à l'utilisation de drogues par injection et le milieu indique la part attribuable aux hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes.

Pour ce qui est des tests de dépistage du VIH chez les Canadiens, il se peut que 15 000 infections actuelles par le VIH n'aient pas été diagnostiquées. C'est ce que nous appelons l'épidémie cachée. Il est peut-être vrai que beaucoup de personnes à risque se sont présentées et ont été testées pour le VIH, mais nous évaluons à 15 000 le nombre de personnes séropositives qui n'ont pas encore été testées. Par conséquent, elles ignorent peut- être leur propre condition et ne se prévalent manifestement pas de soins ni de counselling.

Il y a donc une partie de l'épidémie qui est occulte, et cela est très semblable à la proportion cachée aux États-Unis, au Royaume-Uni ou dans d'autres pays où l'épidémie traverse la même étape.

En novembre dernier, nous avons produit un document qui indique l'augmentation des infections par VIH chez les hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes.

La présidente: Pouvez-vous me donner le titre exact du document dont vous parlez?

Dr Donald Sutherland: Il y en a trois, qui portent tous le titre Actualités en épidémiologie sur le VIH/sida. Le premier, celui dont j'ai déjà parlé, s'intitule «Estimations de la prévalence et de l'incidence nationales du VIH». Le deuxième s'intitule «Tests de dépistage de l'infection à VIH chez les Canadiens». Enfin, celui dont je parle maintenant s'intitule «Données récentes: Nombre croissant d'infections au VIH chez les hommes qui ont des relations sexuelles avec d'autres hommes au Canada».

La présidente: Merci. Continuez, monsieur Sutherland.

Dr Donald Sutherland: Merci.

Dans ce document, nous tâchons de présenter les données disponibles à la fin de l'année dernière, données qui indiquent que l'épidémie changeait une fois de plus de nature au Canada: elle augmentait au sein de la population des hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes, alors que cette population avait antérieurement connu une baisse des infections au VIH. C'est donc avec beaucoup d'inquiétude que nous avons constaté que l'infection semblait réapparaître parmi les hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes.

• 1135

Tout d'abord, il était important de comprendre pourquoi cela se produit, de confirmer que cela se produisait et de passer ensuite, évidemment, aux programmes qui permettraient d'intervenir. Voici donc une série d'information quant aux chiffres des nouvelles infections.

Dans les études effectuées particulièrement en Ontario, qui permettent des estimations pour la période de 1996 à 1999, le taux de nouvelles infections est passé de 0,87 infection par 100 années- personnes à 2,07 infections. Dans certaines villes, telles que Toronto et Ottawa, le taux d'infections a été d'environ 2,5.

Il y a eu d'autres études dont nous faisons état, mais elles révèlent toutes à peu près la même chose, bien qu'à Montréal l'étude de la cohorte a révélé que le taux d'infection était stable.

Au milieu de la page 3, à la rubrique «Données sur les comportements à risque», nous avons présenté certaines données issues de déclarations volontaires provenant de la cohorte de Montréal. Comme vous vous en souvenez, cette étude a révélé une absence d'augmentation du nombre d'infections au VIH, mais elle a quand même révélé une tendance croissante à la relation anale non protégée avec un partenaire occasionnel au cours des deux dernières années de l'étude, soit 1998 et 1999. Nous avons essayé de dépister non seulement la présence du VIH, mais également des indices qui révèlent que le risque est peut-être en hausse. Il y a eu d'autres rapports sur la gonorrhée rectale ainsi que certaines poussées de syphilis au Canada qui suscitent également des craintes.

Cela ne se passe pas uniquement au Canada. Au bas de la page 4, il y a des données et des renvois à de la recherche effectuée à San Francisco, à Amsterdam, en Australie et dans d'autres villes des États-Unis en ce qui a trait à l'augmentation du risque pour les hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes.

La seule autre chose que je voudrais dire au comité porte sur la fenêtre sérologique du VIH, c'est-à-dire la période qui sépare l'infection du dépistage au moyen de tests. Des études parues récemment révèlent que les personnes qui sont également infectées à l'hépatite C lorsqu'elles sont infectées au VIH peuvent ne pas révéler le comportement normal de développement d'anticorps. Certaines de ces personnes, et plus particulièrement un travailleur de la santé qui a été infecté simultanément par l'hépatite C et le VIH, n'ont pas manifesté de séroconversion et ne se sont révélées séropositives VIH que six mois après l'exposition à l'infection.

Donc, si la vaste majorité des personnes exposées au VIH obtiennent des résultats séropositifs aux tests sanguins quelques semaines après l'infection, il y a quelques personnes dont le test d'anticorps ne révèle pas de conversion sérologique pendant la période où elles peuvent être infectieuses. Il y a donc de nouvelles informations sur la fenêtre sérologique qui nous poussent à ne pas être aussi confiants que nous l'étions quant au fait que cette fenêtre était très brève, et cela est dû au fait que la personne concernée ne crée pas les anticorps pendant cette période.

Merci.

La présidente: Merci, docteur Sutherland.

Docteur Hindieh, à vous.

Dr Farid G. Hindieh (chef par intérim, Section des composants sanguins, Division du sang et des tissus, ministère de la Santé): Merci, madame,

Certaines de mes observations liminaires reprendront des points que le Dr Cameron a abordés, et j'ajouterai quelques autres observations.

J'appartiens à la Division du sang et des tissus du Bureau des produits biologiques et radiopharmaceutiques; nous sommes la division qui s'occupe quotidiennement de la réglementation du système des dons de sang au Canada.

Dans le système de collecte et de distribution du sang au Canada, l'administration canadienne est évidemment responsable de la réglementation. Notre principal mandat est d'assurer et de maintenir la sécurité du système. La sécurité du système moderne d'approvisionnement en sang, selon nous, repose sur deux piliers: le premier est la vérification des antécédents du donneur pour déceler les facteurs éventuels qui peuvent présenter un risque pour le donneur ou pour les récipiendaires futurs des produits sanguins; il y a également les tests précis pour déterminer les caractéristiques immunologiques du sang et détecter la présence d'un certain nombre de virus qui peuvent être transmis par le sang. Comme l'a signalé le Dr Cameron, nous dépistons un certain nombre de virus connus, mais nous ne pouvons pas faire des tests pour tout.

• 1140

Le test de dépistage des marqueurs de maladies transmissibles a évolué et s'est amélioré depuis qu'il a été introduit au début des années 80. Toutefois, ce test présente encore certaines lacunes et imperfections, malgré les améliorations.

Outre le potentiel d'erreurs, qui est toujours présent, bien que minime dans des conditions de contrôle, même les tests les plus modernes, tels que les tests d'amplification de l'acide nucléique, dont vous allez entendre parler plus tard, sont incapables de dépister toutes les personnes infectées. Je dis bien toutes les personnes infectées. Bien sûr, ces tests permettent de dépister la majorité des personnes concernées, en particulier pendant la phase préliminaire des infections, celle que nous appelons la fenêtre sérologique.

Depuis le début des années 80, le recours à une juxtaposition d'un dépistage complémentaire des donneurs au moyen de questionnaires et des mesures de vérification par test a également eu pour résultat d'améliorer considérablement la sécurité du système de collecte et de distribution du sang dans tous les pays industrialisés. Actuellement, les réserves de sang du Canada sont considérées comme très sûres, et ne contiennent qu'un risque résiduel minime.

Bien que l'on reconnaisse qu'il est impossible de parvenir à une transfusion absolument sans risque, le public canadien et les responsables de la réglementation continuent d'exiger de nouvelles mesures ou des tests qui auraient le potentiel d'accroître par petits degrés la sécurité, parfois, et même souvent, en échange de coûts très élevés.

Après les tragédies navrantes des années 80, le public affiche désormais une tolérance zéro pour toute intervention qui pourrait éventuellement réduire le niveau élevé de sécurité que nous avons atteint.

La vérification initiale des donneurs au moyen d'une liste très longue et détaillée de questions sur les antécédents médicaux et personnels vient renforcer et compléter les tests qui, seuls, sont considérés imparfaits. Il faut se rappeler que l'objectif du questionnaire est double: protéger le donneur et protéger les transfusés en puissance. Les questions visent à identifier les personnes qui appartiennent à des groupes à risque élevé en vue de réduire au minimum la possibilité de collecter du sang auprès d'une personne infectée, en tenant compte des imperfections de nos tests de laboratoire actuels.

Les groupes à risque dont nous parlons comprennent les utilisateurs de drogues, les hémophiles, les receveurs de produits sanguins, les personnes qui reçoivent de l'argent ou de la drogue en échange d'une relation sexuelle, les personnes originaires de certains pays africains ou qui y ont résidé, ainsi que les hommes qui ont eu des relations sexuelles avec d'autres hommes. En se fondant sur les réponses aux questions, on peut refuser le don de sang d'une personne qui pourrait être porteuse d'agents infectieux et pourrait les transmettre.

L'exclusion de donneurs qui appartiennent à ces groupes est fondée sur les données épidémiologiques actuelles que le Dr Sutherland vient de vous présenter, et sur l'observation d'une prévalence plus élevée d'infections transmissibles plus ou moins bien connues chez ces groupes, comme l'a fait remarquer le Dr Cameron.

On reconnaît que ces méthodes excluront malheureusement des personnes en santé qui ne sont porteuses d'aucune maladie. La gravité et les effets potentiellement dévastateurs de ces maladies ont contraint les exploitants et les organismes de réglementation à choisir cette méthode, par mesure de précaution.

Le Canada n'est pas le seul pays à adopter ces critères et cette méthode pour exclure les donneurs appartenant à des groupes à risque élevé. Selon des données épidémiologiques semblables, tous les pays industrialisés, en particulier en Europe et en Amérique du Nord, suivent les mêmes politiques.

• 1145

En plus des raisons de sûreté fondamentales, il est important que le Canada harmonise ses exigences réglementaires relatives aux produits sanguins avec celles de la FDA américaine, car le plasma prélevé au Canada est envoyé aux États-Unis, où il est transformé en produits de fractionnement.

Santé Canada, par l'entremise de sa composante en santé publique, comme vous l'a expliqué le Dr Sutherland, surveille constamment l'incidence et la prévalence d'agents infectieux importants au Canada et partout dans le monde. Il suit également avec diligence les progrès relatifs aux nouvelles technologies afin de mettre à jour ses exigences réglementaires et d'accroître la sûreté de l'approvisionnement en sang.

Santé Canada s'efforce, en toutes circonstances, de prendre les meilleures décisions possible fondées sur des preuves scientifiques solides. Nous sommes conscients des lacunes des questionnaires actuellement utilisés par la Société canadienne du sang et Héma-Québec. La formulation et la pertinence de certaines questions ont été maintes fois remises en cause par différents groupes. Nous reconnaissons que, idéalement, chaque question devrait être validée afin d'en assurer la clarté, la précision et la pertinence.

Malheureusement, des difficultés d'ordre pratique concernant l'utilisation d'outils expérimentaux dans l'environnement de l'approvisionnement en sang et le besoin urgent d'adopter de nouveaux critères en matière de sûreté peuvent présenter un obstacle à la réalisation de cet objectif. De telles préoccupations sont généralement partagées avec d'autres organismes de réglementation aux prises avec les mêmes difficultés; nous allons participer à un certain nombre d'ateliers internationaux afin de trouver les meilleures solutions à ce problème.

L'important, c'est que nous ayons actuellement un système d'approvisionnement en sang très sûr. Avant d'y apporter quelque modification que ce soit, il faudra que ces modifications s'appuient sur des données scientifiques solides.

La présidente: Je vous remercie, docteur Hindieh. Nous avons entendu deux témoins de Santé Canada.

J'aimerais maintenant accorder la parole au Dr Graham Sher de la Société canadienne du sang.

Dr Graham Sher (vice-président, Gestion médicale, scientifique et clinique, Société canadienne du sang): Madame la présidente, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, c'est le chef de la direction, Mme Lynda Cranston, qui fera la déclaration préliminaire.

La présidente: Lynda, allez-y.

Mme Lynda Cranston (chef de la direction, Société canadienne du sang): Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.

Mesdames, messieurs les membres du comité, je vous remercie de permettre à la Société canadienne du sang d'être représentée aujourd'hui. Je suis accompagnée par le Dr Graham Sher, vice- président de la Gestion médicale, scientifique et clinique de la SCS.

Comme vous le savez peut-être, la Société canadienne du sang a été fondée à la suite de l'enquête Krever et est entrée en activité en septembre 1998. La SCS est un organisme national, chargé de la gestion du système du sang dans l'ensemble des provinces et des territoires, à l'exception du Québec. Elle agit en toute indépendance vis-à-vis du gouvernement et jouit de fortes prérogatives, ce afin d'éviter que les événements survenus par le passé ne se renouvellent. Les ministres provinciaux et territoriaux de la Santé ont chargé la SCS d'assurer un approvisionnement en sang, en produits sanguins et en produits de remplacement qui soit sûr, fiable, rentable et abordable. Ils lui ont également confié la responsabilité de veiller à ce que ces produits soient utilisés à bon escient. Comme vous le savez également, la SCS est réglementée par Santé Canada par l'intermédiaire du Bureau des produits biologiques et radiopharmaceutiques.

Depuis sa création, notre organisme est gouverné par le principe suivant: la sécurité est primordiale. C'est pourquoi les donneurs doivent passer par un processus de sélection rigoureux—voire indiscret, il faut l'admettre—avant de pouvoir faire un don. Des questions très personnelles leur sont posées, et ce chaque fois qu'ils se présentent, qu'il s'agisse de leur premier ou de leur centième don. Une fois collectée, l'unité de sang ou de composant sanguin est soumise à une batterie de tests: dépistage du VIH, des virus de l'hépatite B et de l'hépatite C, des HTLV de type I et de type II ainsi que de la syphilis. Tout ce processus vise à réduire, dans la mesure du possible, les risques de transmission de maladies.

Depuis que nous avons assumé la responsabilité du système du sang, nous avons instauré un test d'amplification de l'acide nucléique pour le dépistage du virus de l'hépatite C. Il semble que ce test permette de déceler le virus plus tôt que les épreuves actuelles. Nous nous préparons à mettre en place, au printemps, un test analogue pour le dépistage du VIH. En outre, la SCS a mis en place la réduction leucocytaire systématique avant entreposage. Ce procédé consiste à éliminer les leucocytes par filtration du sang et permet ainsi de réduire l'incidence et la gravité d'effets secondaires, tels que les frissons et la fièvre, chez les receveurs de produits sanguins.

• 1150

De toutes ces mesures de sécurité, c'est le questionnaire de sélection des donneurs qui a fait l'objet de l'examen le plus minutieux. Ainsi, le conseil d'administration de la SCS a reçu des délégations de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants ainsi que du Centre pour les gays, lesbiennes, bisexuels et transsexuels de l'université Carleton. Ces délégations remettaient en question la validité, le contenu, l'objet de l'utilité du questionnaire. Nous avons également reçu, par lettre ou par courriel, des commentaires du même ordre de gens des quatre coins du pays.

En réponse à ces commentaires, la SCS a décidé d'organiser une conférence de concertation sur les critères d'exclusion des donneurs. La structure de cette conférence s'inspire d'un modèle créé par le National Institute of Health des États-Unis. Le comité directeur de cette conférence est composé de représentants de la Société canadienne du sang; des donneurs de sang; de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants; de la Société canadienne du sida; de la Fondation canadienne de la thalassémie et d'Héma- Québec.

La conférence portera sur l'admissibilité des donneurs, au vu des risques de transmission du VIH ainsi que des virus de l'hépatite B et de l'hépatite C. Elle sera l'occasion d'établir des normes quant à la définition des critères d'admission des donneurs. Elle permettra en outre de juger dans quelle mesure on peut équitablement exclure des donneurs en raison des risques qu'ils présentent: comportement à risque, appartenance à un groupe à risque ou autres facteurs. Enfin, cette conférence aura pour objet de déterminer ce que l'on peut et devrait faire afin de concilier les droits, attentes et privilèges des donneurs, d'une part, et des receveurs, d'autre part, dans le cadre du processus de sélection.

Précisément, la conférence sera l'occasion de débattre des questions suivantes: le processus de sélection des donneurs actuellement appliqué permet-il de réduire au minimum les risques pour les receveurs? Quelle preuve existe-t-il que le processus de sélection en vigueur aboutit à retenir les donneurs en santé et à exclure ceux susceptibles de présenter des risques? Quels principes suivre pour orienter la sélection des donneurs au Canada? Dernière question: Quels sont les aspects les plus prioritaires en matière de recherche, en vue d'assurer la sécurité du système du sang au Canada?

Les membres du Comité permanent de la santé sont cordialement invités à assister à cette conférence, qui devrait avoir lieu les 7, 8 et 9 novembre prochains, à Ottawa.

Cette rencontre vise à aider la SCS dans l'étude de modes de sélection qui soient tout aussi efficaces que ceux appliqués actuellement. L'objectif est de maintenir ou d'améliorer la sécurité de l'approvisionnement en sang, en soumettant les donneurs à un questionnaire peut-être plus précis quant à la nature des questions posées ou aux comportements à risque identifiés.

La moindre modification des critères de sélection des donneurs implique un long processus. Nous devons réunir suffisamment d'éléments de preuve d'ordre scientifique et médical, afin de démontrer que la modification de ces critères n'induira pas un risque supplémentaire pour les donneurs ou les receveurs. Puis, il faut constituer un dossier à présenter à Santé Canada. Il incombe à la SCS, à titre de gestionnaire du système du sang, d'établir le bien-fondé de cette réforme, puis à Santé Canada de l'approuver ou non. La conférence de concertation aidera la SCS à réunir des éléments de preuve. Il s'agit d'un long processus; mais la SCS s'est engagée à le mener à son terme, car elle accorde la plus haute attention aux commentaires qui lui ont été adressés quant à la sélection des donneurs.

Le Dr Graham Sher et moi-même nous ferons un plaisir de répondre à vos questions, si vous en avez. Permettez-moi de vous remercier encore une fois de nous avoir invités à prendre la parole devant vous aujourd'hui.

La présidente: Je vous remercie, madame Cranston.

Nous entendrons maintenant M. Germain d'Héma-Québec.

[Français]

Dr Marc Germain (Héma-Québec): Merci, madame la présidente.

J'ai été avisé très récemment de ma comparution devant le comité. Vous excuserez donc la nature un peu improvisée de mon intervention. Je serai heureux de prendre des questions en anglais au passage.

Je vais très brièvement rappeler qu'Héma-Québec est responsable de l'approvisionnement en sang pour le territoire du Québec, à l'instar de la SCS pour le reste du Canada. Héma-Québec est aussi assujetti aux mêmes réglementations fédérales en matière de sécurité sanguine que la SCS.

D'entrée de jeu, je voudrais tout d'abord préciser qu'Héma-Québec considère que, dans le passé pour le moins, le critère actuel visant à exclure les hommes ayant eu des relations homosexuelles avec d'autres hommes était pleinement justifié pour les raisons qui vous ont été exposées en détail par le Dr Cameron. Cependant, Héma-Québec reconnaît aussi que la situation actuelle justifie sans aucun doute qu'on réévalue cette politique afin de déterminer si elle est toujours appropriée. Dans ce sens, Héma-Québec est tout à fait heureux de pouvoir participer à la conférence consensus qui aura lieu en novembre et qui va justement viser à évaluer, non seulement la question spécifique de l'exclusion des hommes gais, mais aussi toute la question du processus de sélection des donneurs de sang, en particulier le questionnaire qui est administré lors de chacun des dons de sang.

• 1155

Je crois que ce réexamen de la situation est justifié pour plusieurs raisons, entre autres l'évolution constante de l'épidémiologie de l'infection du VIH, dont le Dr Sutherland vous a donné un aperçu, et aussi l'introduction toute récente de nouveaux tests diagnostiques qui sont appliqués en banques de sang pour le dépistage des donneurs, en particulier l'introduction des tests d'acide nucléique. Le test d'acide nucléique pour le virus du sida a été introduit à Héma-Québec il y a environ deux mois. Ces nouveaux faits nous forcent à réévaluer la question du screening des donneurs au moyen du questionnaire.

Toute réévaluation ou tout changement qui serait envisagé par les organismes transfusionnels en matière de dépistage des donneurs de sang doit quand même tenir compte du fait que nous sommes présentement à la limite d'un niveau de sécurité maximal pour ce qui est de la transfusion sanguine. Le Dr Hindieh a bien noté le fait que toutes les mesures qui sont présentement ajoutées pour améliorer la sécurité transfusionnelle apportent un bénéfice marginal très minime, mais tout à fait souhaité et souhaitable par la population des receveurs, de sorte que tout changement dans nos politiques actuelles doit faire la démonstration très nette qu'il n'implique aucune diminution quant à la sécurité des produits sanguins qui sont destinés aux receveurs.

Sans entrer dans le détail, je pourrais partager avec vous les efforts que fait présentement Héma-Québec pour analyser cette situation. Il y a quelques mois, nous avons entrepris de faire une analyse à la fois des risques et des bénéfices que comporterait toute modification du critère d'exclusion actuel concernant les hommes ayant eu des relations homosexuelles. C'est une analyse basée sur une méthode de modélisation mathématique. L'analyse se fait en collaboration avec des experts dans le domaine, dont le Dr Robert Remis qui est ici présent aujourd'hui et qui est appelé à témoigner plus tard devant vous. Cette analyse vise, d'une part, à voir quels seraient les risques qui s'ajouteraient dans l'éventualité où le critère actuel serait modifié et, en même temps, à évaluer quels seraient les bénéfices d'un tel changement, en particulier l'ajout de nouveaux donneurs de sang qui pourraient contribuer au pool des donneurs.

Sans entrer dans les détails techniques, je voudrais quand même ajouter qu'il s'agit d'une question fort complexe qui a déjà été débattue à de nombreuses occasions par des comités d'experts internationaux, et très récemment par le Food and Drug Administration américaine à l'automne 2000. À ce moment, les experts américains ont déclaré qu'ils ne pouvaient, en se basant sur les données présentement disponibles, se prononcer sur l'opportunité de modifier le critère de sélection des hommes homosexuels. Devant ce manque de données, ils ont invité la communauté scientifique à essayer d'explorer avec davantage de détails la situation actuelle.

L'étude que nous menons présentement et que nous espérons pouvoir diffuser à la communauté scientifique assez bientôt vise justement à alimenter la discussion scientifique et à essayer de quantifier, dans la mesure du possible, quel serait l'impact d'un tel changement, tant en bien qu'en mal. C'est une question fort complexe. Pour l'instant, nous abordons simplement la question de l'infection par le VIH, mais comme vous l'avez entendu aujourd'hui de la bouche d'autres experts, il y a d'autres considérations à prendre en compte, notamment les autres infections qui sont connues et les infections qui ne sont pas connues. C'est un débat qui risque d'être assez complexe, mais que tant Héma-Québec que la Société canadienne du sang désirent alimenter. Nous espérons en arriver à une conclusion satisfaisante.

Je vous remercie.

[Traduction]

La présidente: Je vous remercie, monsieur Germain.

J'ouvre maintenant la période des questions. Je rappelle à mes collègues que nous devons entendre un autre groupe de témoins qui ne sont pas encore arrivés. Je vous demande donc de ne poser que des questions pertinentes.

Monsieur Merrifield, vous avez la parole.

M. Rob Merrifield: Vous laissez entendre que je pose des questions qui ne le sont pas?

La présidente: Non.

M. Rob Merrifield: J'ai trouvé les exposés qui nous ont été présentés très intéressants.

• 1200

Les réponses données au questionnaire sont-elles volontaires et quel est le statut juridique de ce document? Je ne sais pas si c'est une question qu'il convient vraiment de poser à nos témoins.

Dr Farid Hindieh: Mes collègues peuvent vous dire ce qu'il en est au sujet du statut juridique de ce document parce qu'ils connaissent mieux cette question, mais après avoir rempli le questionnaire, le donneur atteste avoir fourni des renseignements véridiques et comprendre que le fait d'avoir donné de faux renseignements comporte des conséquences.

M. Rob Merrifield: Est-ce un acte criminel...

Dr Graham Sher: Permettez-moi de répondre à la question.

Des donneurs ayant donné de faux renseignements sur ce questionnaire ou ayant fait un don de sang sachant que ce don présentait des risques pour le système ont déjà été poursuivis avec succès au Canada. Il existe donc un précédent juridique.

Outre le questionnaire de sélection et le test de dépistage, il existe un autre processus qui vise à assurer la sécurité de l'ensemble du système en éliminant les donneurs à risque, c'est-à- dire le processus de l'exclusion de l'unité pour des raisons confidentielles. Les donneurs qui ont sciemment donné de faux renseignements sur le questionnaire de sélection ou sur la fiche de don peuvent, s'ils estiment ne pas avoir pu répondre de façon exacte au questionnaire pour des raisons de confidentialité, demander à ce qu'on les laisse seuls et, dans un isoloir, un peu comme les isoloirs qu'on utilise pour les scrutins, ils peuvent cocher la case: «N'utilisez pas mon sang à des fins de transfusion». Lorsque cette unité de sang arrive au laboratoire, elle est alors détruite.

Vous pouvez vous demander pourquoi ce processus est en place. Permettez-moi de vous donner un exemple. Disons que nous allons recueillir du sang dans un bureau et qu'un groupe de personnes à l'heure du déjeuner va donner du sang. Si cette personne a un mode de vie où présente des facteurs de risque qu'elle ne veut pas divulguer à ses collègues, elle ne veut pas donner l'impression de refuser de donner du sang pour cette raison. Ces personnes peuvent donc donner de faux renseignements sur le questionnaire et ensuite demander à ce que l'unité de sang qu'elles ont donnée soit exclue du système.

Ce système a été mis en place en 1985 à peu près au même moment à New York et à Toronto. Il s'agit d'une mesure de sécurité supplémentaire qui s'ajoute à celle du questionnaire de sélection et aux tests de laboratoire.

M. Rob Merrifield: J'aimerais poser une dernière question, madame la présidente.

En ce qui touche le questionnaire et la conférence qui va être organisée, vous mettez évidemment l'accent sur la sécurité. J'ai l'impression que si vous deviez modifier le questionnaire, vous feriez en sorte qu'il soit plus rigoureux plutôt que moins, n'est- ce pas?

Mme Lynda Cranston: Tout dépendra de l'issue de la conférence de concertation. Voilà pourquoi nous utilisons cette approche. Nous devons non seulement tenir compte de l'opinion des donneurs au sujet du questionnaire, mais aussi de leur opinion à l'idée de modifier ce questionnaire, et en particulier leur opinion au sujet des moyens permettant d'assurer la sécurité de l'approvisionnement en sang.

Le questionnaire ne sera donc pas nécessairement modifié, mais nous voulons que les gens qui ont des préoccupations au sujet de ce questionnaire participent aux discussions. Certains estiment que ce questionnaire est discriminatoire. Nous voulons également tenir compte du point de vue des receveurs. Nous devons non seulement tenir compte des préoccupations des donneurs, mais également de celles des receveurs, c'est-à-dire des consommateurs.

Nous essayons de trouver une solution qui fasse l'objet d'un consensus. Nous devons évaluer les données médicales et scientifiques et ensuite les présenter à Santé Canada qui établira si le questionnaire doit être modifié ou non.

M. Rob Merrifield: Une dernière question?

La présidente: Très bien, monsieur Merrifield.

M. Rob Merrifield: Docteur Sutherland, vos graphiques présentent des projections allant jusqu'en 1999. Vous devez avoir une idée des tendances futures en ce qui touche cette infection.

Dr Donald Sutherland: Il est déjà très difficile de donner des chiffres récents en ce qui touche le nombre de nouvelles personnes infectées. Nous avons commencé à nous fier à d'autres indicateurs comme le taux de transmission d'autres maladies sexuellement transmissibles ou la transmission d'autres maladies du sang comme l'hépatite C pour prédire l'évolution des cas de VIH. Mais c'est un peu comme essayer de prédire la nature humaine: il est difficile de savoir si les comportements changeront et si les campagnes en vue d'inciter les gens à adopter des pratiques sexuelles sans risque porteront fruit.

• 1205

Nous avons constaté jusqu'ici que l'épidémie ne recule pas aussi vite que nous l'espérions et c'est pourquoi nous pensons qu'il est très important de faire des études courantes dans la mesure du possible.

La présidente: Je vous remercie, monsieur Merrifield.

Monsieur Ménard, à vous la parole.

[Français]

M. Réal Ménard: D'abord, avant de poser mes questions, j'aimerais demander à Santé Canada si c'est possible de déposer un document sur ce que sont, concrètement, les conditions pour l'octroi d'une licence et sur ce qu'est le processus qui permet à Héma-Québec et à la Société canadienne du sang de détenir une licence. Je m'attendais à ce qu'on nous parle de cela ce matin et je n'ai pas trouvé votre présentation très utile par rapport à nos préoccupations.

J'aimerais aussi demander à la Société canadienne du sang et à Héma-Québec s'ils peuvent déposer la liste des tests qui sont faits, nous dire à quoi ils servent et ce que ça nous permet d'avoir comme information scientifique. Je demande cela à titre d'information seulement; ce ne sont pas là mes questions.

D'abord, pour qu'on se comprenne bien, le test sur les acides nucléiques et la technologie PCR, est-ce que c'est la même chose? J'aimerais que vous nous expliquiez quelles sont les différences et ce qu'on doit en comprendre.

Deuxièmement, est-ce que le test PCR est introduit présentement dans les banques de sang, et est-ce qu'il pourrait, de manière significative, réduire la période d'opportunité où l'organisme produit des anticorps qui ne sont pas détectables?

Quant à vous, monsieur Germain, vous avez fait, quant à moi, une très bonne présentation. J'aimerais que vous nous parliez davantage de votre étude par modélisation. Quand croyez-vous qu'elle va être disponible et allez-vous nous en faire part?

Quatrièmement, qu'est-ce que vous répondez aux groupes qui disent que la difficulté du questionnaire tient au fait qu'il exclut des gens sur la base d'une catégorisation, mais pas nécessairement sur la base d'un comportement, alors que c'est sur la base d'un comportement qu'on doit exclure des gens et que seuls les homosexuels sont exclus collectivement?

Ce sont mes quatre questions et j'espère, madame la présidente, qu'on aura les documents que je demande à Santé Canada.

Dr Farid Hindieh: Je vais d'abord laisser le Dr Ganz répondre à la question sur la technologie du PCR et du test nucléique.

[Traduction]

Dr Peter Ganz (gestionnaire, Division du sang et des tissus, ministère de la Santé): Madame la présidente, pour répondre à la question de M. Ménard et pour vous donner quelques renseignements de base sur les tests d'amplification de l'acide nucléique, je me permets de faire remarquer que les tests actuels de dépistage des maladies infectieuses comme le virus VHC—le virus de l'hépatite C—et le virus VIH ne permettent pas de détecter les infections très récentes.

Ainsi, dans le cas du VHC, le délai entre l'apparition de l'infection et le moment où on peut la dépister—ce qu'on appelle la fenêtre sérologique—est d'environ 60 jours. Dans le cas du VIH, ce délai est d'environ trois semaines dans la plupart des cas, si l'on utilise les tests les plus récents.

Pour ce qui est du test d'amplification de l'acide nucléique qu'on désigne par le sigle PCR, il s'agit d'une nouvelle technologie qui permet de réduire de moitié la durée de la fenêtre sérologique.

[Français]

M. Réal Ménard: Attendez. PCR et NAT, est-ce la même chose?

[Traduction]

Dr Peter Ganz: Oui. Le test d'amplification de l'acide nucléique est un terme plus générique utilisé pour désigner le dépistage des acides nucléiques, qu'il s'agisse de l'ARN ou de l'ADN. Le PCR est un type de test d'amplification de l'acide nucléique.

Les tests auxquels on a maintenant recours pour dépister le VIH ou le VHC chez les donneurs de sang visent à détecter la présence d'anticorps qui se développent dans le sang en réaction à ces infections. Le test d'amplification de l'acide nucléique vise à dépister le matériel génétique de ces virus, étape qui précède celle du développement des anticorps.

Le test d'amplification de l'acide nucléique permet de dépister le VIH de trois à cinq jours plus tôt que les tests sérologiques approuvés actuellement en usage ou que les tests de dépistage des anticorps actuels. La réduction de la fenêtre sérologique grâce au test d'amplification de l'acide nucléique doit permettre de dépister de deux à trois cas d'infection au VIH tous les deux ans au Canada si l'on se fonde sur le taux de prévalence de 1 p. 100 constaté aux États-Unis. On ne peut cependant présumer que le test aura le même impact...

[Français]

M. Réal Ménard: Attendez. Il faut qu'on comprenne ce que vous dites. On n'a pas le background scientifique que vous avez.

Est-ce que vous affirmez devant ce comité que l'introduction du test PCR permettrait de réduire la période de latence et, donc, de réduire la fenêtre d'opportunité de trois à cinq jours? Est-ce que c'est ce que vous nous dites?

• 1210

[Traduction]

Dr Peter Ganz: C'est juste. Cela ne permet pas...

[Français]

M. Réal Ménard: En ce moment, elle est de trois semaines. S'il y avait un NAT dans toutes les banques de sang et dans les tests autorisés présentement au Canada, c'est sûr qu'on pourrait réduire cette période-là de trois à cinq jours. Est-ce qu'on vous comprend bien en disant cela?

[Traduction]

Dr Peter Ganz: Tout à fait. Vous avez raison. Comme je l'ai mentionné, on a recours dans le cas du VIH à un autre test en plus du test d'amplification de l'acide nucléique. Il s'agit de l'épreuve antigène p24 qui dépiste la présence de la protéine du VIH—la protéine qui peut se développer avant les anticorps—mais pas aussi tôt que la présence du matériel génétique du virus.

Le recours au test d'amplification de l'acide nucléique dans le cas du VIH présente un avantage minime dans la mesure où il permet seulement de réduire la fenêtre sérologique de trois à cinq jours. Ce test ne permet pas de dépister le VIH plus tôt.

[Français]

M. Réal Ménard: Mais est-ce que le PCR est utilisé obligatoirement, présentement, auprès des différents organismes comme Héma-Québec et la Société canadienne du sang? Est-ce que le PCR est utilisé systématiquement dans les banques de sang?

[Traduction]

Dr Peter Ganz: Oui. Comme la Société canadienne du sang l'a dit, elle commencera au printemps à utiliser le test d'amplification de l'acide nucléique pour le dépistage du VIH. Héma-Québec l'utilise déjà.

Santé Canada a vraiment incité les organismes de réglementation à utiliser ce test. Bien que ces nouvelles technologies soient toujours en cours d'amélioration, elles sont maintenant utilisées par les organismes de réglementation. Comme je le disais, le test d'amplification de l'acide nucléique permet de ramener la fenêtre sérologique de 60 à 30 jours dans le cas du virus de l'hépatite C, mais ne permet de réduire cette fenêtre que de trois à cinq jours dans le cas du VIH.

Le test est utilisé pour le dépistage du VHC au Canada depuis un an et demi et on estime qu'il permettra de dépister de trois à cinq nouveaux cas d'infection au VHC par année...

[Français]

M. Réal Ménard: Pardon, je ne voudrais pas prendre trop de temps, parce que je suis impatient que M. Germain et madame, votre collègue, s'expriment. Est-ce que vous seriez en mesure d'affirmer qu'avec les nouvelles technologies disponibles, on est justifiés de vouloir revoir le critère d'exclusion? Est-ce qu'à la limite même, Santé Canada se penche sur des critères alternatifs ou pensez-vous que l'état de la science nous commande toujours d'être aussi conservateurs et d'exclure les gens qui ont eu une relation homosexuelle au cours des 25 dernières années?

[Traduction]

Dr Peter Ganz: Nous suivons de très près l'évolution de la technologie. Comme M. Cameron le disait plus tôt, la technologie évolue rapidement. Comme les organismes de réglementation, nous suivons la situation de très près. Lorsque les technologies deviennent fiables comme c'est le cas du test d'amplification de l'acide nucléique pour le dépistage du VHC et du VIH, nous y avons recours.

[Français]

M. Réal Ménard: Ce n'est pas ma question. D'ailleurs, c'est vous, n'est-ce pas, qui établissez des critères pour donner une licence à Héma-Québec ou à la Société canadienne du sang? C'est vous l'organisme de réglementation. Me faire répondre que vous suivez la technologie, je m'y attends, mais à l'instant où on se parle, est-ce que vous seriez capable de suggérer des critères alternatifs comme centre de réglementation, ou est-ce que, au contraire, vous estimez que parce que vous êtes relié aussi à la FDA, aucun autre critère alternatif ne peut être suggéré, et que vous seriez très mal à l'aise à l'idée d'en recevoir d'un comité comme celui-ci, dans l'hypothèse où on serait téméraires et où on s'avancerait sur d'autres critères? Est-ce que vous préconisez une ligne conservatrice pour les prochaines années ou est-ce que vous pensez qu'il y a une ligne de changement qui peut s'ouvrir?

[Traduction]

Dr Peter Ganz: Nous nous intéressons de très près à la conférence de concertation que les exploitants du système du sang organisent. Nous voulons participer à cette conférence, car les discussions et les données scientifiques qui y seront présentées pourront peut-être nous amener à envisager certains changements au...

[Français]

M. Réal Ménard: C'est moi le politicien et c'est vous qui ne répondez pas aux questions. Mais on va écouter vos collègues pour voir.

[Traduction]

La présidente: Excusez-moi, monsieur Ménard. Je peux peut-être vous donner un coup de main.

Nous avons devant nous des représentants de Santé Canada ainsi que les administrateurs du système du sang. À supposer que le ministre de la Santé souhaite modifier le questionnaire, qui le modifiera? Est-ce Santé Canada ou ce groupe de témoins? On ne sait plus trop à qui revient cette responsabilité et il me semble que la conférence de concertation va simplement reporter de 10 mois une décision à cet égard. Si un consensus se dégage de cette conférence, qui va prendre les mesures voulues pour faire modifier le questionnaire?

• 1215

Dr Graham Sher: Permettez-moi de commencer, madame la présidente.

À titre d'exploitants du système d'approvisionnement en sang, nous pouvons recommander des modifications au questionnaire et nous le faisons fréquemment. Un groupe de travail mixte comptant des représentants de la SCS et d'Héma-Québec se réunit périodiquement pour étudier les critères de sélection des donneurs. Les critères régissant la sécurité des donneurs et du produit sont nombreux. Nous recommandons de temps à autre des changements à ces critères. Pour être mis en oeuvre, ces changements doivent cependant être approuvés par Santé Canada. Les exploitants peuvent cependant faire des suggestions à Santé Canada et ils le font régulièrement.

La présidente: Santé Canada a-t-il mis en oeuvre la dernière série de recommandations que vous lui avez transmises?

Dr Graham Sher: Oui. Nous refusions autrefois les donneurs qui prenaient des médicaments pour réduire la tension artérielle. Nous avons présenté un document à Santé Canada établissant que ces dons ne présentent aucun risque pour le donneur ni pour le receveur. Nous avons demandé à Santé Canada de supprimer ce critère et le ministère a acquiescé à notre demande.

La présidente: Très bien. A-t-on modifié le questionnaire pour tenir compte de l'élimination de ce critère?

Dr Graham Sher: On a modifié le processus de sélection, dont le questionnaire ne constitue qu'un élément. Le questionnaire comporte une question portant sur la consommation de médicaments et le manuel indiquait que la consommation de ce type de médicament constituait une raison de refuser le don. Nous avons obtenu l'élimination de ce critère. C'est un exemple de critère et il en existe plusieurs centaines.

[Français]

M. Réal Ménard: Est-ce que l'introduction de la technologie PCR autoriserait des changements potentiels par rapport à la question 17, par rapport à l'exclusion? Pour le centre de réglementation, c'est vous qui vouliez avoir le maximum de preuves scientifiques. Personne ne va remettre ça autour de la table, mais que fait-on avec une situation qui est très discriminante pour un groupe de la société en particulier?

Dr Marc Germain: Pour poser la question autrement: est-ce que le fait d'ajouter le PCR ou les tests d'acide nucléique pour le VIH ou pour d'autres virus fait en sorte que les questions sur le dossier de don de sang qu'on pose aux donneurs pourraient être différentes? La question mérite d'être posée, mais avant de dire qu'on pourrait modifier le critère de sélection pour les hommes qui ont eu des relations homosexuelles, il faut examiner la situation en détail, compte tenu de cette nouvelle information-là. Ce que je peux vous dire, c'est qu'en soi, l'ajout des tests d'acide nucléique pour le VIH n'est certainement pas une raison suffisante pour prononcer d'emblée l'arrêt de mort de la question qui est présentement sur le questionnaire. La question est beaucoup plus complexe que cela. Il faut évaluer beaucoup d'autres facteurs dans l'équation.

Je reviens sur quelques points qui ont été mentionnés, entre autres, par le Dr Hindieh et par le Dr Cameron. Il faut tenir compte de la question de la fiabilité non seulement des tests, mais de tout le processus de sélection et de qualification des produits sanguins, du taux d'erreurs qui surviennent dans l'exécution des tests, de la sensibilité imparfaite des tests. Peu importe les nouveaux tests qui sont mis en place, la sensibilité n'atteint jamais le pourcentage magique de 100 p. 100. Alors, il faut tenir compte de tous ces nouveaux facteurs et voir si le simple fait d'introduire un nouveau test de dépistage basé sur une technique plus sensible justifie la révision d'un critère tel qu'il existe sur le questionnaire de don de sang.

[Traduction]

La présidente: Excusez-moi, monsieur Ménard.

M. Réal Ménard: Vous avez été très généreuse. Vous êtes très aimable.

La présidente: Ce n'est malheureusement pas ce qu'on semble penser de ce côté.

Quelqu'un veut-il poser une question? Madame Scherrer, allez- y.

[Français]

Mme Hélène Scherrer (Louis-Hébert, Lib.): Je vais revenir dans la même lignée, de toute façon. Ce que je veux vraiment comprendre très spécifiquement, c'est ceci. Si j'ai bien compris, au début, les tests qui étaient mis en place faisaient en sorte qu'ils n'étaient pas sécuritaires parce qu'il y avait une fenêtre d'environ trois mois et que cela faisait en sorte qu'on n'était pas capable de déterminer si la personne était infectée ou pas. Les nouveaux tests dont on parle réduisent la fenêtre mais sont incapables de révéler, au moment où la personne donne du sang et au moment où le prélèvement est fait pour la vérification, si elle est effectivement encore infectée.

Dr Marc Germain: C'est un aspect de la question, c'est-à-dire que les nouveaux tests qui ont été introduits visent justement à réduire ce qu'on appelle la période fenêtre où, avec les tests qui étaient en place chez nous jusqu'à tout récemment, on pouvait, en théorie, échapper des donneurs qui venaient de s'infecter récemment. Ce nouveau test—et c'est la raison pour laquelle on l'a introduit—vise à réduire cette fenêtre d'opportunité, donc à réduire davantage le risque d'introduire une unité contaminée dans le système.

• 1220

Cependant, il n'y a pas que ce seul facteur qui puisse occasionner le risque d'introduire une unité contaminée dans le système, et c'est ce qui est important. Autrement dit, le nouveau test qu'on a introduit diminue davantage le risque résiduel, qui est déjà infime, mais en soi, il ne l'amène pas à zéro; il ne l'amènera jamais à zéro. Il y a d'autres facteurs à considérer.

Mme Hélène Scherrer: Si vous réduisiez la fenêtre pour être en mesure d'avoir un test qui permettrait de déterminer si la personne est infectée au moment précis où elle donne du sang, je pense qu'on pourrait, à ce moment-là, penser à enlever plusieurs des questions sur le questionnaire.

Dr Marc Germain: Non. C'est justement ce que j'essaie de vous dire. Le test qu'on vient d'introduire diminue presque à rien la période fenêtre, mais ce n'est pas vrai, il en reste probablement une petite fraction. Même si on amenait cette période fenêtre à zéro, il y a d'autres facteurs à considérer qui font en sorte que l'abolition pure et simple non seulement de la question pour les hommes homosexuels, mais de toutes les questions qui sont sur le questionnaire ne serait pas, tout à coup, justifiée et facile à défendre.

Mme Hélène Scherrer: Ce serait le cas, même avec un test très performant.

Dr Marc Germain: Ce serait le cas, même avec des tests parfaits.

[Traduction]

Dr Graham Sher: Il y a peut-être un autre élément important à mentionner. Nous ne pouvons dépister que les virus que nous connaissons. Le questionnaire de sélection comporte, par exemple, des questions sur la consommation de drogue par voie intraveineuse. Nous savons qu'il s'agit là d'un mode de transmission possible de virus que nous ne connaissons pas. Le fait que le questionnaire comporte cette question permet vraisemblablement de réduire les risques de transmission de virus qui ne font pas actuellement l'objet d'un dépistage. Nous ciblons donc ainsi tant les virus que nous connaissons que ceux que nous ne connaissons pas.

[Français]

Mme Hélène Scherrer: J'ai une dernière question très rapide.

Je pense que vous avez dans vos objectifs, que ce soit Héma-Québec ou l'organisme canadien, celui de voir à la sécurité. Vous vous assurez qu'il y a de la sécurité. Vous vous assurez que les receveurs et les donneurs sont très bien servis. Je pense qu'il y a un élément qu'on oublie souvent: vous avez probablement également l'obligation de vous assurer que vos banques de sang soient toujours très bien remplies et qu'il y ait pratiquement une promotion qui se fasse autour de ça. C'est cet élément-là qui, pour moi, devient parfois problématique, parce que vous devez non seulement vous assurer que le nombre de donneurs ne diminue pas constamment, mais vous devez vous assurer aussi qu'il y a toujours énormément de gens qui alimentent vos banques de sang. Alors, cela peut être très problématique également parce que vous devez faire la promotion et aller chercher de nouveaux donneurs constamment.

Dr Marc Germain: C'est d'ailleurs la raison pour laquelle on ne peut pas exclure d'emblée toutes les personnes qui sont de loin à risque pour n'importe quelle infection. Cela équivaudrait à dire qu'on n'a plus de sang en réserve puisqu'on exclurait tout le monde, toute la population. Tout le monde est potentiellement à risque pour l'une ou l'autre infection.

Alors, le défi pour nous, c'est d'identifier quelle est la façon, pour revenir à l'expression du docteur Cameron, la plus «efficiente» de réduire le risque sans mettre en péril notre approvisionnement, c'est-à-dire éliminer des groupes de personnes qui sont à risque plus élevé, en tant que groupes, pas nécessairement en tant qu'individus, mais sans non plus se tirer à bout portant dans le pied en éliminant 50 p. 100 de la population en général.

C'est ce genre de risque et de bénéfice qu'on doit prendre en considération, et dans le cas particulier du critère d'interdiction pour les hommes homosexuels, c'est un des aspects à considérer; je l'ai mentionné. Est-ce que le bénéfice qui résulterait d'un assouplissement de la politique actuelle dépasserait le risque qui serait celui d'introduire des unités contaminées dans le système de sang? C'est un aspect important de l'équation, effectivement.

Pour répondre très brièvement à votre question spécifique sur l'analyse, je vous dirai que les analyses sont en voie d'être complétées. On prévoit faire une première présentation officielle à la communauté scientifique internationale au mois de juin prochain et il est probable qu'à partir de ce moment-là, les résultats deviendront davantage publics, et ils seront certainement disponibles pour la conférence consensus de novembre. Il ne faut quand même pas espérer que toutes les réponses seront disponibles dans cette analyse. Pour l'instant, la seule question que l'on examine de façon spécifique est celle du VIH.

On n'a pas abordé la question des autres infections: les infections qu'on ignore, le fait que certains groupes sont peut-être à risque pour d'autres infections inconnues. Comme je le mentionnais, c'est une question très complexe.

• 1225

Quoi qu'il en soit, ce premier élément d'information va peut-être aider à la discussion, donc, d'ici deux ou trois mois.

[Traduction]

La présidente: Je vous remercie, monsieur Germain.

Je dois mettre fin à cette partie de la réunion. Je remercie nos témoins de leur contribution. Le comité voudra peut-être les inviter à nouveau à comparaître devant lui un peu plus tard. Je vous remercie d'être venus aujourd'hui.

[Français]

M. Réal Ménard: J'ai un rappel au Règlement, madame la présidente. Est-ce que vous allez vous assurer que Santé Canada produira à notre intention un document sur les conditions d'octroi d'une licence et que nous obtiendrons de nos deux autres témoins la liste des tests, leur valeur scientifique, qui ils rejoignent et à quoi ça sert. Cela sera important pour la production du rapport.

[Traduction]

La présidente: Je crois que le greffier en a pris note.

Le greffier du comité: Nous verrons à obtenir tous les documents qui nous ont été promis.

La présidente: Je vous remercie beaucoup.

J'invite maintenant à venir s'installer à la table le Dr Robert Remis, le Dr Don Kilby, Le Dr Alan Lane et M. Eric Maurier.

Je vous remercie de votre patience et je m'excuse du fait que la première partie de la réunion a été longue, mais le comité a été renouvelé et nous n'avons pas encore une très bonne idée du nombre de témoins que nous pouvons entendre au cours d'une même séance. Je crois que nous avons appris aujourd'hui que nous avions prévu trop de témoins. Vous avez donc dû malheureusement attendre. Je m'en excuse.

Je vais d'abord donner la parole au Dr Remis de l'Université de Toronto.

Dr Robert Remis (professeur associé (expert-conseil en épidémiologie auprès de la Croix-Rouge canadienne de 1988 à 1996), Faculté des sciences de la santé publique, Université de Toronto): Je vous remercie beaucoup de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui devant le Comité permanent de la santé.

La question des infections transmises par le sang et du VIH m'intéresse depuis longtemps. Je témoigne aujourd'hui devant le comité en mon nom personnel et non pas à titre de représentant de l'Université de Toronto ou de la Faculté des sciences de la santé publique. J'ai un mémoire qu'on peut peut-être vous distribuer.

En 1987, on m'a demandé de présider une enquête portant sur des cas d'infection au VIH parmi des hémophiles en Colombie- Britannique. J'ai par la suite été expert-conseil en épidémiologie auprès de la Société de la Croix-Rouge canadienne de 1988 à 1996. J'ai aussi été appelé à comparaître devant des tribunaux au Canada et aux États-Unis comme témoin expert tant pour le compte de la défense que celle de la poursuite dans des cas d'infection au VIH à la suite de transfusions sanguines et d'utilisation de concentrés de facteurs. Enfin, j'ai mené des études pour le compte de Santé Canada et de la Commission d'enquête sur le système d'approvisionnement en sang sur la transmission du VIH et du virus de l'hépatite C dans le cadre de transfusions sanguines. Je compte donc une expérience longue de 14 ans dans ce domaine.

• 1230

La modification de la politique actuelle touchant la sélection des donneurs de sang ainsi que la mise en oeuvre de cette politique comportent des conséquences importantes en ce qui touche la valeur et la sécurité du système d'approvisionnement en sang au Canada.

Le Canada a actuellement l'un des meilleurs organismes bénévoles de collecte de sang au monde, et ce malgré les lacunes du système qu'a fait ressortir la commission d'enquête, et notamment une application inefficace entre 1983 à 1985 des politiques sur l'exclusion de donneurs potentiels et le retard mis en 1985 à procéder au dépistage du VIH.

Les hommes qui ont des relations sexuelles avec les hommes ont clairement été gravement touchés par l'épidémie du VIH comme en témoigne le taux élevé d'infections au VIH de ces hommes par comparaison aux autres hommes au Canada. On estime à 10 p. 100 le taux d'infection au VIH parmi les hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes.

On estime le nombre d'hommes qui ont des relations sexuelles avec les hommes au Canada à 290 000, et 30 000 d'entre eux seraient infectés au VIH. Ce taux est près de 300 fois plus élevé que le taux d'infection constaté chez les hommes hétérosexuels qui ne s'injectent pas de drogues. Ce taux s'élève à 0,04 p. 100. Le taux de risque est donc semblable, soit 300 fois plus élevé.

Permettez-moi un instant de m'écarter de mon texte pour vous donner quelques précisions au sujet de deux questions en particulier.

Nous avons parlé de la fenêtre sérologique et des tests de dépistage ainsi que des unités de sang infecté par le VIH. C'est une bonne façon de présenter le problème de la fréquence et celui de la prévalence. Il s'agit autrement dit de se demander quel problème risque de se poser si l'on ne dépiste pas dans une unité de sang la présence d'un virus pendant la durée de la fenêtre sérologique—ce dont on discutait il y a quelques instants—ainsi que les risques que des unités de sang infecté au VIH soient utilisées par erreur lors d'une transfusion au moment d'une urgence. C'est de ce dernier point dont je veux vous parler.

Je ne m'attarderai pas ici sur la question de l'équité ou des droits de la personne. Il ne me semble pas exister un droit inhérent de donner du sang, à moins que l'exclusion ne soit arbitraire ou fondée seulement sur une discrimination injustifiée. Cependant, je laisserai à d'autres de telles considérations d'ordre juridique et éthique.

J'aborderai plus particulièrement deux questions importantes d'ordre épidémiologique. Ainsi, je me demanderai en premier lieu si l'inclusion à titre de donneurs de sang d'hommes qui se sont abstenus d'avoir des rapports sexuels avec d'autres hommes au cours de l'année précédente ferait augmenter le risque de transmission de pathogènes à diffusion hématogène en général et de VIH en particulier, réduisant ainsi la sûreté de l'approvisionnement en sang et, deuxièmement, dans quelle mesure l'inclusion de ces hommes qui, à l'heure actuelle, sont exclus, accroîtrait le nombre de donneurs potentiels et permettrait ainsi de garantir un approvisionnement suffisant en produits sanguins.

Pour ce qui est de la première interrogation, il est peu vraisemblable qu'un donneur infecté du VIH par rapports sexuels avec d'autres hommes plus d'un an auparavant soit encore dans ce qu'on appelle la fenêtre sérologique. Comme on l'a déjà signalé, le test ELISA dans sa forme actuelle est très sensible, et la fenêtre sérologique se situe vraisemblablement entre trois semaines et probablement pas plus de trois mois.

Je n'étais pas au courant des nouvelles données citées par M. Sutherland concernant la possible interaction entre l'hépatite C et la possibilité de suppression de la production d'anticorps. Il faudrait donc tenir compte de cet aspect également. Cependant, d'une façon générale, on considère que la fenêtre sérologique ne dépasse pas, au maximum, les trois à six mois et que, par conséquent, le risque pour une personne n'ayant pas été exposée au cours de l'année précédente sera vraisemblablement très faible, voire nulle, pour ce qui est de la fenêtre sérologique. Nous parlons donc d'un risque extrêmement faible, bien qu'il puisse ne pas être nul.

Cependant, on a raison de s'inquiéter du risque d'introduction d'unités à sérologie positive au VIH dans le système de collecte et de distribution du sang. Il s'agit de l'aspect de la prévalence dont je parlais plus tôt. À mon avis, compte tenu de la possibilité restreinte mais réelle d'erreurs de laboratoire et de l'utilisation exceptionnelle de sang non contrôlé en situation d'urgence, la probabilité de transmission du VIH augmenterait vraisemblablement si les membres de ce nouveau groupe étaient acceptés comme donneurs de sang.

On peut difficilement évaluer la prévalence du VIH parmi une population d'homosexuels abstinents depuis un an sur le plan sexuel. La prévalence du VIH parmi les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes et s'estimant eux-mêmes comme étant à sérologie négative a été établie à 1,5 p. 100 à Montréal, selon des données de l'étude portant sur la cohorte Oméga. Le chiffre est peut-être un peu plus élevé que pour une population de personnes ayant été abstinentes depuis au moins un an et j'estime plausible—bien qu'il s'agisse d'une évaluation spéculative, mais qui donne tout de même une fourchette—que la prévalence probable pour les donneurs de sang de ce nouveau groupe serait de l'ordre de 0,5 p. 100 à 1 p. 100. Autrement dit, il serait quelque peu inférieur au taux de 1,5 p. 100. Il s'agit là d'un taux nettement inférieur au taux d'ensemble de prévalence du VIH parmi les homosexuels en général, que j'estime à environ 10 p. 100, mais beaucoup plus élevé que le taux de prévalence parmi les hommes hétérosexuels que j'ai déjà cité, soit 0,04 p. 100, et nettement plus élevé que le taux de prévalence actuel parmi les donneurs de sexe masculin. Je m'appuie ici sur les données fournies par M. Sher.

• 1235

Au cours des neuf premiers mois de l'an 2000, la prévalence du VIH—c'est-à-dire, en proportion du nombre d'unités à réaction positive—parmi les hommes qui ont donné du sang au Canada à la SCS a été de 0,0006 p. 100. On a effectivement constaté la présence de deux unités à réaction positive pour 337 000 donneurs de sexe masculin ayant donné du sang entre janvier et septembre 2000.

Dans l'ensemble, parmi le quelque million d'unités collectés chaque année au Canada, entre quatre et huit unités ont affiché une réaction positive au cours des cinq dernières années, de sorte que le taux de prévalence est extrêmement bas. En réalité, au cours des deux dernières années, on n'a constaté que quatre cas par année, au meilleur de ma connaissance, comparativement à sept ou huit au cours des trois années précédentes. Ainsi, le nombre d'unités à sérologie positive est extrêmement restreint.

En supposant que 5 à 10 p. 100 des quelque 290 000 homosexuels du Canada ont été abstinents au cours de la dernière année, ce qui correspondrait aux données d'une étude menée à Toronto il y a un certain nombre d'années, et que, en général, 4 p. 100 des hommes donnent du sang dans une année donnée, selon les données statistiques du Canada et du Québec, nous pourrions nous attendre à ce qu'une nouvelle politique comme celle qui est proposée permette d'obtenir environ de 600 à 1 100 unités additionnelles par année. Il s'agirait d'une augmentation de moins de 0,1 p. 100 du nombre d'unités disponibles au Canada. Ainsi, ajouter ce groupe ne ferait augmenter que légèrement la réserve de sang.

Nous pourrions nous attendre à ce que, sur ces quelque 800 unités, environ quatre à huit afficheraient une sérologie positive, attribuable essentiellement à des rapports sexuels antérieurs à l'année précédente. Ainsi, il y aurait là un doublement ou un triplement du nombre d'unités à sérologie positive au VIH dans le système de collecte du sang, ce qui ferait doubler ou tripler le risque possible attribuable à une erreur de laboratoire ou à l'utilisation d'unités non contrôlées en situation d'urgence. Il faut reconnaître que le nombre absolu de transmissions additionnelles seraient relativement faibles en raison du peu d'importance des erreurs de laboratoire. Cependant, le risque relatif serait de deux à trois fois supérieur.

Ainsi, pour résumer, il semble vraisemblable qu'un changement de politique concernant les donneurs de sang qui aurait pour effet de recruter des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes dans la mesure où ils s'abstiennent de relations sexuelles au cours de l'année précédant le don aurait pour effet d'accroître le risque de transmission de VIH de plus du double, tout en faisant augmenter très peu la réserve de produits sanguins. Compte tenu de ces faits, j'estime que dans l'optique de l'épidémiologie, un tel changement de politique n'est pas souhaitable.

La présidente: Je vous remercie de votre grande clarté.

Monsieur Kilby, vous avez la parole.

Dr Don Kilby (directeur, Services de la santé, Université d'Ottawa): Merci de m'avoir invité aujourd'hui.

Ma perspective est celle d'un médecin de première ligne, d'un médecin de famille qui relève des services de santé de l'Université d'Ottawa et qui soigne environ 400 patients atteints de VIH.

Pour garantir la sûreté de l'approvisionnement en produits sanguins au Canada à une époque où on en connaissait assez peu au sujet du VIH et où il n'existait encore aucun test diagnostique, on avait décidé d'exclure les hommes ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes, en raison de leur orientation sexuelle, de toute participation aux programmes de dons de sang. La politique était fondée sur les meilleurs conseils disponibles en matière de santé publique à l'époque, compte tenu de la technologie dont on disposait et des connaissances qu'on avait sur l'épidémie.

Aujourd'hui, nous pouvons affirmer que le Canada bénéficie d'un approvisionnement en sang des plus sûrs qui s'appuie davantage sur une technologie plus avancée pour garantir l'innocuité des produits sanguins provenant de dons. Ces mesures ont été adoptées au moment où nous traversions la première vague de l'épidémie et les décisions ont été prises au moment où l'épidémie en était à son point culminant. À l'heure actuelle, nous avons déjà traversé une deuxième vague de l'épidémie et certains soutiendraient même que, compte tenu de données récentes, du moins celles qui portent sur certaines populations du Canada, nous en sommes à une troisième vague de l'épidémie, attribuable pour l'essentiel à la propagation par les hétérosexuels.

J'estime donc qu'il convient tout à fait que le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes se penche sur les lignes directrices de la Société canadienne du sang, lesquelles excluent des donneurs en fonction de leur orientation sexuelle. Comme on pouvait le prévoir, l'épidémie s'est transformée et on constate de moins en moins de nouveaux cas de VIH parmi les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes. On a pu constater l'an dernier une transformation directement attribuable aux changements en matière de programmes et de prévention, et à l'affectation du financement davantage aux traitements et moins à la prévention. Pourtant, pour ce qui est de l'évolution d'ensemble au cours des 10 ou 15 dernières années, on a constaté une baisse du nombre d'hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes qui sont devenus infectés par le VIH, et un nombre croissant de cas de VIH parmi les hommes et les femmes hétérosexuels. Nous ne pouvons pas ne pas tenir compte d'un tel fait, et notamment de ses implications pour l'avenir. Il ressort donc clairement que le fait d'être homosexuel ou hétérosexuel ne détermine pas en tant que tel le degré de risque pour une personne de contracter le VIH. Le risque de VIH est déterminé plutôt par les pratiques sexuelles d'une personne et non pas par son orientation sexuelle ou son pays d'origine.

Il deviendra de plus en plus difficile de justifier des exclusions fondées sur l'orientation sexuelle au cours des prochaines décennies, à mesure qu'évoluent les caractéristiques démographiques de l'épidémie de VIH. Si le VIH devenait aussi prévalent parmi les hétérosexuels qu'il ne l'est actuellement parmi les homosexuels, il serait difficile de retenir le raisonnement que l'on applique aujourd'hui, et nous ne pourrions l'appliquer pour exclure des contributions à l'approvisionnement d'urgence en produits sanguins du Canada.

• 1240

Notre plus grande confiance dans notre approvisionnement en sang doit reposer non pas sur l'exclusion continue d'homosexuels déclarés mais sur la disponibilité de tests plus sensibles et plus complets pour dépister le VIH. Lorsque la présente politique a été établie, aucun test n'existait. Nous devons également avoir à l'esprit ce phénomène de l'altruisme dont M. Cameron nous a parlé. C'est l'altruisme des personnes qui étaient des donneurs de sang qui a, d'une certaine façon, engendré le problème. Ce n'est pas le résultat qu'elles souhaitaient. Elles ont agi de la sorte avant même que nous sachions que le VIH existait. L'altruisme qui consiste à s'abstenir d'un don de sang continue d'exister au Canada, notamment chez les homosexuels.

De plus, comme on nous l'a dit, nous avons réussi à réduire le temps écoulé entre l'infection au VIH et sa détection à environ deux semaines et demie. Cependant, l'annulation de la décision d'exclure les homosexuels, adoptée durant les premières étapes de l'épidémie, n'est peut-être pas prudente sur le plan politique. Bon nombre de Canadiens ne seraient pas rassurés. Cependant, il faut bien dire que les inquiétudes reposeraient alors en large partie sur l'homophobie. La politique actuelle n'a d'ailleurs servi qu'à alimenter l'homophobie et elle n'est pas établie en fonction des véritables facteurs de risque qui pourraient compromettre notre approvisionnement en sang ou assurer qu'il soit suffisant au cours des prochaines années.

Toutes mesures d'exclusion doivent être fondées sur les comportements, sur les activités à risque qui pourraient compromettre la santé d'une personne et la rendre susceptible de contracter le VIH. Une exclusion de donneurs de sang ne doit pas être fondée sur l'orientation sexuelle ou l'origine. Même avant que les hommes qui ont des rapports sexuels avec d'autres hommes ne soient au courant de l'existence du VIH et de son mode de transmission, bon nombre d'homosexuels n'avaient pas des comportements qui les rendaient susceptibles de contracter le VIH. Aujourd'hui, un nombre encore plus considérable d'homosexuels ont adopté des pratiques plus sûres. Toute politique qui exclut les homosexuels ne fait qu'alimenter le mythe selon lequel tous les hommes gais menacent notre approvisionnement en produits sanguins.

À ma connaissance, il n'y a pas aujourd'hui au Canada de politique interdisant le don d'organe par un homme gai. Il se peut cependant qu'une politique prévoyant certaines exclusions soit proposée bientôt. Ce sont des entrevues de dépistage et les tests sanguins qui servent à l'heure actuelle à déterminer la possibilité d'utiliser un organe ayant fait l'objet d'un don. Compte tenu de la rareté d'organes à transplanter au Canada, il s'agit probablement d'un domaine où les hommes gais peuvent continuer à offrir le don de vie. Si l'approvisionnement en sang du Canada connaissait une pénurie du même genre, il serait nécessaire de revoir les critères d'exclusion et d'améliorer, dans la mesure du possible, les tests de dépistage pour assurer la plus grande participation possible.

Il me semble opportun à l'heure actuelle que votre comité se penche sur cette question et que la Société canadienne du sang évalue les critères d'exclusion actuels et laisse tomber tout critère lié à la préférence sexuelle. Les nouvelles lignes directrices en matière de sélection doivent être fondées sur des activités à risque précises et sur la chronologie de ces activités. Il serait ainsi possible de permettre au plus grand nombre possible de Canadiens de profiter de l'approvisionnement en sang du Canada ou d'y participer, tout en évitant de marginaliser davantage quelque groupe de Canadiens que ce soit.

La présidente: Merci, monsieur Kilby.

Nous accueillons maintenant deux représentants de Roche Diagnostics. Lequel d'entres vous veut prendre la parole? Monsieur Maurier ou monsieur Lane?

M. Eric Maurier (gestionnaire, technologie PCR, Roche Diagnostics): Je vous remercie de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui. Notre société fournit des services d'analyse aussi bien à Héma-Québec qu'à la Société canadienne du sang en matière d'applications de tests d'enquête. Nous sommes ici pour répondre à toutes questions que vous pourriez poser concernant les activités d'analyse.

La présidente: Merci beaucoup.

Avons-nous des questions? Monsieur Ménard, allez-y.

[Français]

M. Réal Ménard: J'ai quelques questions. Pour dissiper toute confusion, je m'adresse d'abord aux gens de Roche Diagnostics.

Pour autant que vous le sachiez, que pouvez-vous nous dire par rapport à la fenêtre d'opportunité et les investigations scientifiques qui ont été faites quant au sérodiagnostique que vous vous apprêtez à commercialiser, qui est même déjà commercialisé en partie?

[Traduction]

Dr Alan Lane (directeur, Services cliniques et des affaires réglementaires, Roche Diagnostics): Le test de dosage biologique est à l'étude aux États-Unis depuis environ un an. On a vraisemblablement soumis au dépistage quelque 4 ou 5 millions d'unités de sang. Au cours de la période, on a pu détecter une unité où il n'y avait pas eu conversion sérologique chez le patient; autrement dit, l'anticorps n'était pas présent mais le virus était présent dans le sang. On continue d'évaluer le test aux États-Unis et il reste encore beaucoup de travail à faire.

[Français]

M. Réal Ménard: Le test dont on parle, pour que ce soit clair pour tout le monde, est-ce bien le test PCR?

[Traduction]

Dr Alan Lane: Il s'agit en effet du test PCR.

[Français]

M. Réal Ménard: Vous dites qu'aux États-Unis, ce test est présentement à l'étude. Dans les banques de sang canadiennes, ce test-là n'est donc pas encore utilisé, c'est bien ça?

• 1245

[Traduction]

Dr Alan Lane: Nous venons tout juste de lancer ce test pour le VIH à Héma-Québec et nous nous apprêtons à le faire à la SCS. Nous avons l'approbation du Bureau des matériels médicaux de Santé Canada.

[Français]

M. Réal Ménard: Plus tôt, des scientifiques ont dit, à toutes fins utiles, que ça allait réduire à peu près à zéro la période, la fenêtre d'opportunité, où on ne peut pas déceler la présence d'anticorps. Est-ce que vous vous ralliez à une affirmation comme celle-là? Peut-être que le Dr Remis souhaiterait réagir à cela. Je garde de lui, du temps où l'on travaillait à Cohort Oméga, le souvenir d'un scientifique conservateur. Vous pourriez peut-être essayer de nous donner des périodes de temps par rapport à ce à quoi on peut raisonnablement s'attendre quant à l'opérationnalisation de votre test sur le plan de la fermeture de la période d'opportunité?

[Traduction]

M. Eric Maurier: Cette méthode de diagnostic est en voie d'évaluation scientifique et nous estimons qu'elle permettra de réduire la fenêtre sérologique de 60 à 30 jours environ dans le cas de l'hépatite C. Il restera donc 30 jours au cours desquels le donneur pourra transmettre l'infection.

Dans le cas du VIH, la fenêtre pourrait être réduite de 21 à environ 15 ou 16 jours, de sorte qu'il resterait de deux semaines à deux semaines et demie au cours desquelles le donneur pourrait transmettre une infection.

[Français]

M. Réal Ménard: Vous opinez du bonnet ou vous êtes en désaccord?

Dr Robert Remis: Vous avez mentionné qu'il y avait un espoir que ces tests pourraient réduire la fenêtre à zéro. C'est à ça que je veux réagir. C'est impossible, selon les connaissances que nous avons actuellement, que ça la réduise à zéro. On parle de la réduire de quelques jours supplémentaires, mais jamais de la réduire à zéro, donc de 21 jours à 16 ou 17 jours, mais jamais à zéro jour.

M. Réal Ménard: Je comprends ce que vous avez dit. Je me rallie à ça. C'était une mauvaise formulation de ma part. Je m'en excuse.

On comprend ce que l'éventuelle commercialisation du PCR et le fait que différents détenteurs de licence y auront recours à la longue nous permettent d'espérer.

Je reviens au calcul que vous avez fait, docteur Remis. Vous partez de la prémisse qui veut, selon une étude de Toronto, qu'il y ait, à la longue, 280 000 homosexuels au Canada. Selon vous, il y a 4 p. 100 de cet échantillonnage qui pourraient donner du sang, toujours des modèles...

Dr Robert Remis: C'est basé sur les taux nationaux généraux.

M. Réal Ménard: Donc, dans la population, simplement pour information, il y a 4 p. 100 des Canadiens qui donnent du sang, c'est bien ça?

Dr Robert Remis: Disons qu'il y en a entre 4 et 5 p. 100, à peu près. Oui, c'est ça.

M. Réal Ménard: Parfait. C'est une question qu'on se posait.

Dr Robert Remis: C'est par année, par exemple.

M. Réal Ménard: C'est sur une base annuelle, d'accord. Donc, ça ferait, à peu près 1 000 unités supplémentaires de sang.

Dr Robert Remis: C'est à peu près ça.

M. Réal Ménard: Selon vous, ça ne changerait pas considérablement les choses. Le coût-bénéfice ne vous inciterait donc pas à recommander un changement de politique puisque 1 000 unités de sang, somme toute, c'est marginal par rapport aux changements qu'on se propose d'effectuer.

Dr Robert Remis: Évidemment, il faut faire d'autres analyses pour voir les limites de nos précisions. On n'a pas encore fait cela. Donc, chaque estimation est sujette à une certaine incertitude que je n'ai pas encore incorporée dans ces calculs. Mais, comme ordre de grandeur, c'est à peu près ça.

M. Réal Ménard: Parmi les Canadiens et les Canadiennes, à l'instant où l'on se parle, il n'y a pas plus de 4 p. 100 des hommes qui donnent du sang, c'est bien ça?

Dr Robert Remis: C'est à peu près ça.

M. Réal Ménard: Quant à la population générale, est-ce que c'est...

Dr Robert Remis: Les adultes âgés de 18 à 59 ans sont admissibles, si je ne me trompe pas. Donc, on parle d'environ 20 millions d'adultes au Canada. Donc, il y a probablement entre 400 000 et 500 000 personnes, à peu près, qui donnent du sang dans une année donnée.

M. Réal Ménard: J'ai une dernière question, madame la présidente. Je sens que vous êtes à la veille de m'interrompre.

Le Dr Kilby a fait un exposé extrêmement intéressant. Il a fait une comparaison que personne n'avait faite devant ce comité, une comparaison qui invite peut-être à la réflexion. Il a dit que les gais pouvaient faire un don d'organes, mais qu'ils ne pouvaient pas donner du sang. Qu'est-ce que ça suggère comme rapprochement? Évidemment, je comprends que le coefficient de risque n'est pas le même. Mais, qu'est-ce que vous nous invitez à comprendre, Dr Kilby, à partir d'un rapprochement comme celui-là?

Dr Don Kilby: Le point que je voulais surtout soulever, c'est que, bien sûr, quand on est dans une situation où il y a des manques, c'est-à-dire qu'il n'y a pas assez d'unités de sang parce qu'on a pas assez de donneurs, par exemple, on voudrait augmenter le nombre de donneurs. Ce que le Dr Remis est en train de nous dire, c'est que même si on changeait les critères d'exclusion, l'ajout d'unités disponibles pour les Canadiens serait vraiment minime. Ce n'est pas le cas, possiblement, pour les organes, parce qu'on est vraiment à court d'organes. Alors, chaque organe est vraiment important et précieux.

• 1250

M. Réal Ménard: L'hypothèse du Dr Remis ne tient pas compte de l'extraordinaire capacité d'imagination d'Héma- Québec et de la Société canadienne du sang qui font maintenant usage de stratégies agressives—peut-être que je me trompe—positivement agressives. Dans le métro et ailleurs, les campagnes invitent à donner du sang et on est capable d'attribuer un nom à la jeune fille qui apparaît sur les affiches qu'on trouve dans le métro et qui expliquent pourquoi il faut donner du sang. Il s'agit d'une publicité très humanisante. La variable de 4 p. 100 pourrait être augmentée si de telles publicités donnaient des résultats.

Dr Robert Remis: Oui. Justement, dans les derniers trois ou quatre ans, il y a eu une augmentation de 10 à 15 p. 100 du nombre d'unités recueillies et administrées au Canada. Il y a eu une diminution il y a environ quatre ou cinq ans, et ça commence à remonter un peu.

M. Réal Ménard: L'affirmation du Dr Kilby est également intéressante. Celui-ci a affirmé que l'épidémiologie, le profil des gens contaminés et qui s'infectent, change. Santé Canada en a d'ailleurs fait état plus tôt. Ce sont maintenant majoritairement des hommes. Cela dépend peut-être de l'échantillonnage. En ce qui vous concerne, vous avez les yeux sur Montréal et Toronto, mais à l'échelle nationale, peut-on faire le constat que ceux qui se contaminent, qui s'infectent par le sida, ne sont pas majoritairement des utilisateurs de drogue par voie de seringue? Cela ne doit-il pas nous amener à voir les choses un peu différemment? Si la réalité est telle, le questionnaire nous permet-il vraiment d'avoir tous les mécanismes de sécurité auxquels on est en droit de s'attendre par rapport au portrait inédit et actuel de cette épidémiologie?

[Traduction]

Dr Robert Remis: Je tiens à dire très clairement que je ne suis pas d'accord avec ce qu'a déclaré M. Kilby en matière d'épidémiologie. Il est peut-être vrai que l'on constate une certaine augmentation de la transmission du VIH parmi la population hétérosexuelle. Cependant, c'est à un niveau très...

En tout premier lieu, je ne suis pas certain que cela soit vrai. Bon nombre des femmes qui sont infectées sont des utilisatrices de drogues injectables ou des partenaires sexuels d'utilisateurs de drogues injectables, que le questionnaire permettrait de détecter.

En deuxième lieu, même si cela était vrai, nous parlons de risques à peu près 300 fois plus grands. En supposant une augmentation de 20 p. 100 ou de 30 p. 100, même selon les données fédérales, l'augmentation est à peu près équivalente pour la transmission hétérosexuelle et la transmission HRH, mais dans un cas le risque est de 200 à 300 fois plus grand. Il est donc toujours question d'un écart important des risques qui sont tout de même 250 fois plus élevés au lieu de 300 fois.

Je ne suis donc pas du tout d'accord pour dire qu'on puisse assimiler de quelque façon le niveau de la prévalence ou de l'incidence pour une population hétérosexuelle et pour une population homosexuelle, les risques relatifs continuant d'être plusieurs centaines de fois supérieurs dans le cas de cette dernière.

Dr Don Kilby: Je me permets de signaler à M. Remis l'une de ses propres publications portant sur les populations endémiques, pour ce qui est de l'évaluation des risques des hétérosexuels. Si l'on prend la peine de ventiler les risques courus par les hétérosexuels selon diverses populations, on pourrait très bien constater, notamment pour certaines populations endémiques, et certainement celles qu'il a étudiées, qu'il existe des épidémies au sein même de l'épidémie.

S'il nous faut appliquer des normes au Canada, j'estime qu'il faut les appliquer de façon égale. Si nous les appliquons aux hommes gais, nous devons également les appliquer à d'autres groupes et à d'autres populations qui pourraient être à risque.

Dr Robert Remis: M. Kilby soulève un aspect fort intéressant et je dois même dire que je suis d'accord, même s'il ne s'agit pas du sujet dont nous discutons cet après-midi. Il existe en effet un sous-ensemble de personnes provenant de la région subsaharienne de l'Afrique et des Antilles qui présentent un risque qui est supérieur de 40 ou de 50 fois à celui de personnes nées au Canada qui ont les mêmes caractéristiques.

D'ailleurs, le comportement n'est pas le seul indicateur du risque de contracter le VIH. L'hypothèse du lien entre le risque de comportement est passablement réductrice. Le risque de contacter le VIH ne dépend pas seulement de ce que l'on fait mais aussi de la personne avec qui on le fait. Si le partenaire sexuel peut s'attendre à une prévalence de 3 p. 100 à 5 p. 100 au lieu de 0,001 p. 100, alors le risque d'infection est beaucoup plus considérable. Par exemple, il ressort de certaines études menées en Afrique que le fait pour une femme de n'avoir eu durant sa vie qu'un seul partenaire sexuel donne lieu à une prévalence de 25 p. 100 à 30 p. 100. Ainsi, de toute évidence, la prévalence n'est pas simplement le reflet du comportement à risque.

Ainsi, il s'agit d'un autre groupe qui mérite réflexion. Je ne connais pas précisément la politique actuelle. Cependant, il s'agit d'une question qui m'inquiétait passablement il y a de cela un certain nombre d'années, je crois.

[Français]

M. Réal Ménard: Ai-je le temps de poser petite question, madame la présidente?

[Traduction]

La présidente: Mme Sgro a attendu très patiemment. Je vous prie de lui céder la parole.

M. Réal Ménard: Merci.

Mme Judy Sgro: Monsieur Kilby, je suis convaincue que vous souhaitez ardemment que notre approvisionnement en sang soit le plus sûr possible. Êtes-vous favorable à un changement à la règle d'exclusion générale qui caractérise notre système actuel?

Dr Don Kilby: J'estime que nous devons être disposés à en parler et à envisager la chose. Nous devons le faire dans la plus grande ouverture.

Je n'étais pas au courant, mais il semble que l'on va cheminer vers un consensus. Nous avons l'occasion de discuter de la question. Des décisions ont été prises à une époque où on ne savait même pas quel organisme causait le VIH. Nous soupçonnions que le virus était transmis sexuellement, nous savions qu'il touchait surtout les homosexuels, et nous avons pris une décision en conséquence à l'époque.

• 1255

Il convient maintenant de revoir cette décision. Il se peut que nous aboutissions aux mêmes critères. Lorsque nous prendrons une décision, nous devrions demander à Santé Canada, à nos statisticiens et à nos épidémiologistes d'appliquer des normes qui permettront de déterminer à quel moment certains groupes, collectivités et personnes de notre pays ne pourront plus donner du sang en raison de leur appartenance à un groupe à risque, et non pas à cause des activités qu'ils mènent. Je pense qu'il existe un tel groupe à l'heure actuelle.

Stephen Owen a eu raison de s'interroger sur ce que nous allons faire dans le cas de personnes qui proviennent d'une région où le VIH est endémique. Avons-nous le courage d'exclure des personnes du groupe des donneurs de sang en raison du fait qu'elles proviennent d'un pays donné, qu'elles y ont voyagé ou résidé durant un certain nombre d'années? Il s'agit d'une épidémie qui est en évolution. La réalité n'est pas la même ailleurs que chez nous. Nous n'avons pas nécessairement tenu compte de tous ces facteurs lorsque nous avons établi des exclusions.

Mme Judy Sgro: L'hypothèse de base consiste à garantir la sécurité de notre approvisionnement en sang...

Dr Don Kilby: Absolument.

Mme Judy Sgro: ...et de faire tout ce qui est nécessaire pour cela, sans égard au groupe d'où peut provenir un donneur ou à son comportement.

Je vais m'en tenir à cela, étant donné que le temps est écoulé. Merci.

La présidente: Je tiens à remercier mes collègues de leur attention. La séance a été longue.

Je vous remercie beaucoup d'avoir eu la patience d'attendre votre tour et de nous avoir livré des exposés d'une telle clarté. Il se peut que nous vous convoquions à nouveau si nous avons à aborder cette question à l'avenir.

Mesdames et messieurs, collègues, une motion concernant un budget était prévue, mais il semble que nous n'ayons plus le quorum, de sorte que nous ne pouvons pas l'étudier.

J'aurais une autre question à vous signaler. On m'a informée du fait qu'une réunion d'une importance particulière aurait lieu le jeudi 5 avril de 10 h à midi. Il s'agirait d'un exposé de la part d'un groupe d'experts du projet sur le génome humain. MM. Thomas Hudson, Arthur Hanson et Martin Godbout nous parleront des rapports entre la science, l'éthique, le monde des affaires et la révolution génétique. C'est Preston Manning qui a organisé l'événement. Il a invité les membres du Comité permanent de la santé et du Comité permanent de l'industrie, étant donné que ces deux comités auront à traiter de la question.

J'ai demandé au greffier de communiquer par téléphone avec les représentants de Santé Canada qui devaient parcourir avec nous le document des plans et objectifs prioritaires de 11 h à 13 h. Ils sont en mesure de le faire en une heure et je me demandais donc si vous seriez d'accord pour que la réunion débute plutôt à midi. L'exposé dont je vous ai parlé aura lieu dans la salle 200 de l'édifice de l'Ouest, entre 10 heures et midi. Nous pourrions nous réunir de midi à 13 heures pour la deuxième heure de notre séance habituelle, pour entendre les représentants de Santé Canada.

Un tel changement vous convient-il?

[Français]

M. Réal Ménard: Oui.

[Traduction]

La présidente: Il ne s'agit pas d'une obligation, mais plutôt d'une occasion qui vous est offerte.

Par ailleurs, les mêmes personnes seront au déjeuner Bacon and Eggheads, où le conférencier principal, M. Thomas Hudson, prendra également la parole dans la salle à dîner parlementaire entre 7 h 30 et 9 heures jeudi.

Vous pourrez donc l'entendre entre 7 h 30 et 9 heures ou attendre à 10 heures et vous présenter à la salle 200 pour entendre trois des personnes du groupe, et ensuite vous rendre ici ou à côté pour midi. Je veillerai à ce que le greffier vous fasse parvenir l'avis de changement d'heure. Nous allons nous rencontrer en comité à midi jeudi.

Permettez-moi de vous rappeler que nous accueillerons demain après-midi l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Il s'agit d'une réunion supplémentaire. En effet, vous avez soulevé un nombre important de questions concernant leur rôle en diverses matières, comme la fièvre aphteuse, les processus d'approbation, le mode de fonctionnement. Donc, à 15 h 30 mercredi, nous recevons l'Agence canadienne d'inspection des aliments.

Jeudi midi, nous allons rencontrer les représentants de Santé Canada pour l'examen des plans et des objectifs prioritaires. Il s'agit de la première étape du processus d'examen du budget des dépenses.

Puis, vous devez décider du moment de rencontrer M. Hudson, soit au déjeuner, soit à 10 heures, à la salle 200.

Avez-vous des questions?

Mme Judy Sgro: N'allons-nous pas nous réunir jeudi après-midi?

• 1300

La présidente: Nous ne nous réunissons jamais le jeudi après- midi. Nous nous réunissons jusqu'à 13 heures le jeudi et demain après-midi à 15 h 30.

Je vous remercie beaucoup.

La séance est levée.

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