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FOPO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FISHERIES AND OCEANS

COMITÉ PERMANENT DES PÊCHES ET DES OCÉANS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 3 mai 2001

• 0911

[Traduction]

Le président (M. Wayne Easter (Malpeque, Lib.)): J'aimerais commencer. Il manque quelques membres mais je crois que nous allons entendre les témoins. Les témoignages sont enregistrés et nous allons donc commencer.

Nous disposons de deux heures seulement et nous allons entendre des gens de l'Ouest et des représentants du ministère. Au cours de la première heure, nous allons entendre Mike Forrest et Ian Todd, des intervenants à titre personnel. Je crois que tout le monde sait que la séance d'aujourd'hui porte sur le saumon rouge du Fraser et de la rivière Adams.

Nous allons demander à MM. Todd et Forrest de nous présenter leurs points de vue, et de nous dire quels sont les aspects qui font problème. Ensuite, le ministère des Pêches et des Océans leur répondra, après quoi nous examinerons la possibilité d'écrire à ce ministère.

Messieurs, je vous souhaite la bienvenue. Nous sommes heureux que vous ayez pu venir. Notre comité aime que les choses soient dites clairement et sans détour. Vous avez la parole.

M. Ian Todd (témoignage à titre personnel): Merci, monsieur le président. Je vais commencer si M. Forrest n'y voit pas d'inconvénient.

J'aimerais dresser pour le comité un tableau général de la situation du saumon rouge du Fraser. Si vous permettez je vais prendre quelques minutes pour le faire.

La remonte totale du saumon rouge du Fraser regroupe plus de 30 populations différentes. Pour les gérer, on regroupe ces populations en quatre catégories, selon le moment auquel elles arrivent. Il y a la remonte précoce de la Stuart, la remonte d'été précoce, la remonte principale du milieu d'été et les remontes tardives.

Mes commentaires vont porter uniquement sur le chevauchement constaté entre les remontes d'été et les remontes tardives. Les remontes d'été concernent principalement la population du secteur Horsefly-Quesnel et la remonte tardive de la Stuart. Pour ce qui est des remontes tardives, celle qui figure sur votre ordre du jour est la remonte de la rivière Adams. D'autres populations composent également ces remontes, notamment celle du ruisseau Weaver et du lac Cultus, sur lesquelles je reviendrai plus tard.

La remonte de ces diverses populations atteint un sommet à des moments différents, pendant qu'ils se dirigent vers le Fraser, mais il existe un chevauchement important pendant leur migration. Le saumon rouge du Fraser comporte un aspect particulier que l'on appelle la dominante cyclique. Cet aspect est également important pour l'année 2001.

Pour la population de saumon de la rivière Adams, qui est connue mondialement, l'année 2001 représente le point le plus bas de son cycle de population qui s'étale sur quatre ans; 2002 est l'année de la remonte maximum ou dominante; 2003 représente une année moins dominante, la population est moins nombreuse que celle de l'année précédente et en 2004, il y aura une remonte se plaçant au troisième rang dans le cycle des remontes.

Pour ce qui est des remontes d'été, celle de Horsefly et la remonte tardive de la Stuart, 2001 est l'année de leur remonte dominante. Ces populations vont atteindre le sommet de leur cycle de quatre ans en 2001; 2002 est l'année sous-dominante et les deux années suivantes correspondent à des remontes modestes et faibles. Le cycle se répète ensuite.

Je crois que la conjonction d'une remonte très faible dans la rivière Adams en 2001 et de remontes d'été qui vont atteindre un sommet cette année est un facteur important dont il conviendrait de tenir compte dans les plans de gestion de 2001.

Quel est le problème? Le comportement migratoire habituel de ces poissons est le suivant: les remontes d'été s'engagent dans l'embouchure du Fraser sans s'y attarder. Elles se dirigent en amont et respectent leur calendrier.

Les remontes tardives arrivent à l'embouchure de la rivière peu après les remontes d'été mais selon leur comportement migratoire normal, ces remontes marquent un temps d'arrêt dans leur migration, et elles restent de quatre à six semaines au large de l'embouchure du Fraser pendant que ces poissons se développent et se préparent physiologiquement pour leur migration finale vers l'amont de ce fleuve.

• 0915

On a constaté depuis 1995 des anomalies dans les migrations d'été tardives. Les remontes d'été s'effectuent toujours de la façon normale mais les remontes tardives ont cessé de s'arrêter comme elles le faisaient à l'embouchure du fleuve et s'engagent immédiatement dans celui-ci. Cela a entraîné une mortalité très importante au cours de la remonte de la rivière, avant le frai.

Les deux principales remontes de la rivière Adams qui sont redescendues pendant cette période depuis 1995 ont connu des taux de mortalité de 40 à 60 p. 100, environ avant d'arriver aux frayères. Dans le ruisseau Weaver, je pense que ce taux a varié entre 60 et 90 p. 100. Il semble qu'il existe une corrélation entre le moment où le saumon remonte et le taux de mortalité: la mortalité est plus forte lorsque le saumon remonte tôt. La raison de ce phénomène est inconnue.

En février, des scientifiques du Canada et des États-Unis se sont réunis, sous les auspices de la Commission du saumon du Pacifique. Ils ont précisé les secteurs de recherche qu'il convenait d'explorer pour découvrir les mécanismes qui expliquent ce regrettable phénomène. Ces scientifiques espèrent être en mesure de faire des prévisions efficaces. Pour ce qui est des solutions à court terme applicables à 2001, je n'ai guère d'espoir qu'ils trouvent quoi que ce soit qui pourrait être utile cette année.

Pour ce qui est des répercussions de cette situation sur les utilisateurs de cette ressource, on a estimé jusqu'ici qu'environ 2,5 millions de saumons rouges de la remonte tardive étaient mort sans avoir frayé et sans avoir été pêchés. Sur le plan financier, si l'on considère que ces poissons valaient 10$ chacun pour les pêcheurs, cela représente 25 millions de dollars, le double au prix de gros. Cela représente donc un manque à gagner important, et pour ces poissons, cela réduit d'autant leur possibilité de se reproduire à l'avenir.

J'ai mentionné que 2002 serait l'année de la remonte dominante pour la rivière Adams. Si l'on se base sur les prévisions préliminaires pour cette remonte, et si l'on tient compte du fait que le taux de mortalité de 50 p. 100 va demeurer le même cette année, cela veut dire qu'il ne faudrait pas pêcher en 2002 ou 2003 pour être sûr que ces populations dominantes puissent se rendre dans les frayères en nombre suffisant pour assurer la survie et la reproduction au cours des quatre prochaines années. J'estime que si ces prévisions se réalisent, il faudra absolument mettre en place les interdictions que je viens de mentionner pour ces deux années si l'on veut gérer efficacement cette ressource.

Que faire pour 2001? Si l'on utilise une estimation ponctuelle pour les remontes, on peut prévoir que les remontes d'été vont s'élever à environ 11,7 millions, alors que le total du groupe des remontes tardives ne va représenter qu'environ un demi-million de saumons. Pour ce qui est du groupe des remontées tardives, 200 000 saumons environ vont se diriger vers le ruisseau Weaver et 6 000 vers la rivière Adams.

On pourrait penser que c'est un désastre mais si l'on examine le cas de la rivière Adams en remontant jusqu'à 1949, on constate que le nombre record de saumons qui sont revenus dans les frayères au cours d'une année donnée a été de 12 000 environ. La moyenne annuelle s'établit entre 3 et 4 000. Il n'y a donc là rien d'inhabituel.

L'article de journal que j'ai lu laissait entendre que la seule mesure de gestion que l'on pourrait prendre en 2001 serait d'arrêter ou de restreindre fortement les activités de pêche. Je ne suis pas d'accord pour que l'on ferme la pêche pour protéger un nombre aussi faible de poissons. Je sais fort bien que l'on va peut-être m'accuser de vouloir gaspiller la ressource, alors que c'est vraiment quelque chose que je ne veux pas faire. Il faut protéger la ressource mais pour moi, protéger veut dire utiliser judicieusement.

• 0920

Il serait, d'après moi, très mauvais de se contenter de régler le problème des remontées tardives et de laisser de côté des prises potentielles de plus de cinq millions de saumons de remonte d'été qui vont peut-être migrer en même temps. Si l'on laisse ce poisson remonter la rivière jusqu'aux frayères du secteur de Horsefly ainsi que ceux des remontées tardives de la Stuart, cela va surpeupler, d'après moi, les frayères et diminuer la reproduction de ces remontes très importantes pour les quatre prochaines années.

Les gestionnaires se trouvent donc dans une situation difficile. Bien évidemment, ils ne veulent pas que la population de poisson disparaisse mais je ne vois pas pourquoi cela se produirait. Il existe des techniques qu'utilise le ministère et il y a des programmes qui ont été mis sur pied sous l'égide de la Commission du saumon du Pacifique et qui sont en mesure de renforcer à court terme les remontes en danger.

Pour ce qui est des remontées tardives dont nous parlons, il existe déjà une installation en place dans la région de la rivière Adams qui facilite la remonte vers l'amont de l'Adams. Je crois qu'on pourrait l'utiliser cette année pour prélever des oeufs sur les poissons qui remontent la rivière Adams dans le scénario que je vous ai décrit.

Pour le ruisseau Weaver, je ne pense pas qu'il soit nécessaire de faire quoi que ce soit, c'est déjà un secteur de frayères. Pour souligner ce point, je dirais que l'échappée correspondant à l'année initiale, l'année de ponte pour 2001, représentait près de 20 000 poissons, qui n'étaient pas en très bonne santé. On prévoit une remonte de plus de dix pour un cette année, ce qui est assez substantiel. Je ne vois donc pas pourquoi il faudrait assurer une protection particulière à ces populations, et je pense que nous ne sommes pas obligés de faire quoi que ce soit dans ce cas-ci.

Le lac Cultus représente une autre petite remonte, qui est peut-être la pire de tout ce groupe des remontes tardives. MPO y possède un laboratoire, et ils ont mis en place une bordigue de façon à pouvoir compter les poissons qui arrivent dans le lac. Je crois que cela ne coûterait pas grand-chose d'ajouter une unité de prélèvement d'oeufs et une écloserie.

Si l'on replace tout cela dans le contexte, cela représente une dépense très mineure qui permettrait d'assurer à l'industrie de la pêche et aux autres utilisateurs de la ressource un accès qui pourrait varier entre cinq et huit millions de poissons pour 2001. Personnellement, je n'aimerais pas que l'on se prive cette possibilité, parce qu'on risquerait fort de réduire la capacité de reproduction de cette population très importante pendant au moins un cycle complet.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Todd. J'ai oublié de dire qui vous étiez. Je crois savoir que vous êtes le secrétaire exécutif de la Commission du saumon du Pacifique.

Monsieur Forrest, vous avez été membre du comité du Fraser de la Commission du saumon du Pacifique. Avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Mike Forrest (témoignage à titre personnel): Merci.

Ian vous a donné la plupart des renseignements que j'avais concernant la gestion du saumon. Je vais revenir sur certains points. Si les membres du comité veulent poser des questions à la fin de mon exposé pour obtenir des renseignements que nous n'avons pas mentionnés initialement, nous serons heureux de leur répondre.

Remonte précoce de la Stuart, remonte précoce d'été, remonte d'été et remonte tardive, voilà la structure de la migration du saumon rouge vers le fleuve Fraser. Ian a décrit ce processus.

La question qui nous amène à vous parler, après tout ces articles de journaux et ces nouvelles, c'est bien évidemment la situation de la rivière Adams. Ian a très bien décrit ce à quoi on devrait normalement s'attendre pour 2001. C'est une année sans pour la rivière Adams; ce n'est pas l'année dominante du cycle. Ce sera l'année prochaine. Nous voulons en savoir davantage sur la migration précoce des remontes tardives, mais il faudra être très prudent à ce sujet.

• 0925

Ian a parlé du chevauchement qui se produit en août, moment où nous essayons de pêcher pendant la saison de la population dominante, c'est-à-dire la remonte dans le secteur de Horsefly et la remonte tardive de la Stuart, et que l'on constate l'apparition précoce de la remonte de la rivière Adams et des remontes tardives dans tout cela. Nous craignons de trop exploiter une population donnée alors que nous pêchons selon les règles, si je peux m'exprimer ainsi, un autre groupe.

Pour cette année du cycle, habituellement le groupe de la rivière Adams et la remonte tardive de la Shuswap, plus toutes les remontes tardives, ont migré en même temps, lorsqu'ils se sont mélangés. Traditionnellement, ces remontes se séparent des autres parce qu'elles suivent leur propre calendrier. Ces populations arrivent dans le golfe, et y demeurent un moment, elles attendent et elles remontent ensuite un peu plus tard. C'est pourquoi il a été possible jusqu'à tout récemment de pêcher ces poissons, sans pêcher les autres remontes, à cause de leur calendrier particulier.

Ce que l'on constate actuellement, depuis cinq ans environ, c'est que, comme Ian l'a décrit, ces poissons arrivent avec quatre ou six semaines d'avance, pour une raison que l'on ne connaît pas.

Pour ce qui est de l'arrivée précoce de ces remontes, nous disposons d'éléments qui indiquent que la population qui arrive tôt a du mal à frayer. L'on pourrait donc pêcher ces poissons au lieu de les laisser mourir sans qu'ils aient frayé. Nos connaissances scientifiques ne sont pas au niveau où elles devraient être, d'après moi, sur cette question. Il faudra faire d'autres recherches pour démontrer que c'est bien ce qui se produit mais tous les éléments dont nous disposons vont dans cette direction. L'année dernière, on a compté dans le ruisseau Weaver 400 000 poissons dont 20 000 ont réussi à frayer dans ce secteur. C'est une indication, ce n'est peut-être pas la seule, qui nous montre ce qui se passe avec cette remontée précoce dans le Fraser et la cause possible de la mort de ces poissons avant qu'ils ne frayent.

La situation de la rivière Adams est identique. Depuis six ans, les remontes sont précoces, les populations des remontes tardives arrivent tôt dans le fleuve, c'est-à-dire qu'elles arrivent au mois d'août et non pas à la fin du mois de septembre, et ces populations se mélangent avec celles que nous essayons de pêcher en les sélectionnant.

Cette année, c'est dans cette population totale de près de 11 millions composée de la remonte du secteur de Horsefly et de la remonte tardive de la Stuart que nous allons exercer nos activités de pêche. L'on peut prévoir une période de pêche de deux à trois semaines, qui visera principalement ces populations excédentaires et nous devrions être en mesure d'exercer ces activités en sachant que c'est une année sans pour la rivière Adams. La rivière Adams ne devrait pas être un motif justifiant la fermeture de cette pêche.

On a trop souvent vu dans le passé les autorités prendre des mesures improvisées dans ce genre de situation, sans tenir compte des acquis de la science. Lorsque ces connaissances existent, il faudrait s'en servir. Je peux vous dire que la Commission internationale des pêcheries de saumon du Pacifique et la Commission du saumon du Pacifique ont accumulé une banque de données assez considérable au cours de leur existence et qu'elles regroupent des personnes compétentes, sous la direction de Jim Woody, qui sont des scientifiques, purs et durs. Ces gens ne sont pas influencés par le climat politique qui règne aux États-Unis ou au Canada.

Nous devrions donc nous appuyer sur les données de la science lorsque cela est possible et cette année, j'espère que nous aurons les moyens de financer des recherches sur les facteurs à l'origine de ce phénomène, pour essayer de découvrir pourquoi le poisson arrive plus tôt, et trouver une solution qui s'appuiera, nous l'espérons, sur une base scientifique.

Il n'existe, je crois, aucune donnée scientifique qui permette d'affirmer que la fermeture de la pêche est la seule décision de gestion possible. Les responsables de la gestion de cette ressource ont déjà eu des réactions improvisées et ont déclaré qu'il fallait simplement interdire la pêche. Cela me paraît un peu simpliste. Ce n'est pas ce que j'appellerais de la gestion. C'est une réaction. Bien souvent, pendant l'année, on arrête parfois la pêche, c'est une décision de gestion habituelle mais on n'interdit pas la pêche dans tous les secteurs, et encore moins dans ce cas-ci où l'on pourrait prendre de six à huit millions de saumons rouges, ce qui compenserait l'année la plus faible du cycle de la rivière Adams.

Cela ne veut pas dire que nous allons décimer la population de poisson du cycle de la rivière Adams cette année. Il a survécu toutes ces années, comme l'a indiqué Ian Todd. Ces chiffres existent, cela représente 3,7 millions environ en moyenne et cela est déjà tombé à 560. Je veux dire 3 000 en moyenne, j'ai dit 3 millions. C'est une moyenne de 3 à 4 000 et ce chiffre est déjà tombé à 500, pour la rivière Adams et les poissons de la remonte tardive de la Shuswap qui vont frayer. C'est le résultat de l'énumération des reproducteurs.

Je dirais donc qu'il va falloir être très prudent, cela est certain. La conservation du poisson est l'aspect le plus important pour nous qui participons à ce processus depuis longtemps. Cela fait trois générations que ma famille travaille dans ce secteur. Nous sommes tout à fait en faveur de faire de la recherche pour mieux savoir ce qu'il est possible de savoir, au sujet de la remonte tardive et du fait que cela cause un problème pendant la saison de pêche.

• 0930

Il y a quelques sujets sur lesquels j'aimerais attirer votre attention. Il y en a un qui touche la gestion du système; du point de vue des pêcheurs, on constate, en Colombie-Britannique, dans la zone de pêche de la côte ouest, que le processus de gestion a tendance à être réparti entre plusieurs groupes. Il faudrait, d'après moi, revenir à la situation où la gestion était confiée à un seul groupe. À l'heure actuelle, il y en a trois: la communauté autochtone, le MPO et la Commission du saumon du Pacifique.

Pour ce qui est de la saison du saumon rouge, il faut en arriver à confier à un seul groupe la gestion de cette espèce. Il y a un traité, il y a un accord avec les États-Unis. Les autorités américaines participent à cette gestion et le traité répartit les tâches entre le Canada et les États-Unis. Mais pour ce qui est de la gestion du saumon rouge en saison, je crois qu'il suffit de penser à ce qu'a fait la Commission internationale des pêcheries du saumon du Pacifique et des succès qu'elle a connus pour ce qui est de la conservation du poisson depuis les années 60—c'étaient des années où il y avait très peu de poisson, les années 60—aux grandes années qu'ont été les années 80 et 90, pour vous dire que la situation a changé depuis dix ans et qu'il faut revenir à une gestion qui serait confiée à un seul groupe.

Voilà ce que je voulais vous dire et je serais très heureux de répondre à vos questions.

Le président: Merci, messieurs.

Qui veut commencer? Monsieur Cummins?

M. John Cummins (Delta—South Richmond, AC): Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Vous serez le suivant, Sarkis. Je sais que vous devez partir.

M. John Cummins: Je suis tout à fait prêt à laisser ma place à Sarkis s'il doit partir.

Le président: Allez-y, Sarkis.

M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): Merci beaucoup. J'apprécie beaucoup votre courtoisie.

Je ne viens pas de la Colombie-Britannique mais je sais que le fleuve Fraser est très important pour l'économie de cette province.

Ma question porte sur la motion que j'ai introduite ici mardi au sujet du projet qui consiste à vendre de l'eau aux Américains ou à détourner l'eau de certaines rivières vers les États-Unis. Voilà où je veux en venir, si l'on détournait l'eau d'une rivière vers les États-Unis, disons 15 p. 100 de son débit, quel serait l'impact d'une telle opération sur la pêche, le bois, le transport commercial, et le reste, pour ce fleuve et quel serait l'effet général sur la Colombie-Britannique? D'une façon générale, êtes- vous en mesure de nous dire si cela serait avantageux pour les pêcheurs et pour l'économie de la province de détourner cette eau ou si cela nuirait plutôt à l'économie?

Le président: Je ne sais pas si cela tombe dans votre domaine de spécialité, messieurs, mais si vous voulez répondre, allez-y. Cela n'est pas le sujet pour lequel vous avez été invités.

M. Sarkis Assadourian: M. Forrest faisait partie du comité du Fraser, je crois.

M. Mike Forrest: J'en faisais partie, mais pas aujourd'hui. J'ai siégé quinze ans à ce comité.

De quel détournement parlez-vous?

M. Sarkis Assadourian: Le détournement de l'eau d'une rivière vers les États-Unis ou l'eau commercialisée en gros.

M. Mike Forrest: Le détournement d'une rivière vers les États- Unis?

M. Sarkis Assadourian: Oui.

M. Mike Forrest: La vente d'eau?

M. Sarkis Assadourian: Oui, la réduction du niveau d'une rivière, est-ce que cela aurait un impact sur le secteur de la pêche?

M. Mike Forrest: Certainement. Cela pourrait en avoir. C'est toujours une question de degré. Il est déjà arrivé que l'on détourne de l'eau dans le bassin de la Nechako et ailleurs. Ian connaît mieux que moi cette question; il en sait davantage. Je ne crois pas que nous disposions de tous les éléments pour pouvoir vraiment apprécier l'effet qu'aurait une telle opération, mais cela dépendrait certainement de l'ampleur du détournement, c'est là, je crois, le point essentiel.

Le président: Merci, Sarkis.

Monsieur Cummins.

M. John Cummins: Merci, monsieur le président.

Monsieur le président, je devrais peut-être commencer par informer les membres du comité, s'ils ne le savent pas déjà, que je suis directement concerné par ce secteur de la pêche, puisque je suis propriétaire d'un bateau de pêche et d'un permis pour la zone du Fraser. Je le mentionne pour votre gouverne.

Une voix: Il y a conflit d'intérêts.

Une voix: Nous ne vous en voulons pas.

M. John Cummins: Non, mais je pensais que je devais informer le secrétaire du comité parce que je suis sûr qu'il va essayer de découvrir quelque chose.

Monsieur le président, permettez-moi de vous dire que vous n'avez sans doute pas suffisamment souligné la grande expérience que possèdent les deux témoins que nous avons ici.

Monsieur Todd, vous êtes sans aucun doute considéré comme un des plus grands experts sur les poissons du fleuve Fraser. Comme vous l'avez dit, vous avez travaillé 25 ans pour la commission internationale. Je me demande si vous ne pourriez pas nous en dire davantage, tout comme M. Forrest.

• 0935

M. Forrest, comme il l'a mentionné, a passé sa vie sur le fleuve Fraser et il possède à la fois les connaissances qu'il a acquises parce qu'il a grandi sur ce fleuve et les connaissances scientifiques qui lui viennent des 15 années qu'il a passées avec la commission.

Monsieur le président, je crois qu'il serait bon que ces messieurs décrivent brièvement leurs antécédents professionnels pour que les membres du comité sachent que les recommandations qu'ils présentent sont fondées sur des données scientifiques et émanent de personnes qui ont une grande connaissance de la gestion de la pêche dans le secteur du Fraser et de son histoire.

Le président: Messieurs, vous avez la parole.

M. Ian Todd: Eh bien, je vous remercie pour ce que vous venez de dire au sujet de mon expertise.

Je possède une maîtrise en gestion des pêches de l'Université de la Colombie-Britannique. J'ai travaillé plus de 20 ans comme biologiste des pêches pour le ministère des Pêches et j'ai été membre de la représentation canadienne qui a négocié le nouveau traité en 1985.

J'ai passé près de huit ans dans le secteur de la pêche comme directeur général d'une petite entreprise de pêche de la côte ouest de l'île de Vancouver; quand le Traité sur le saumon du Pacifique a été conclu en 1985, j'ai été invité à poser ma candidature au poste de premier secrétaire exécutif de cette commission. À ma grande surprise, et à celle de beaucoup d'autres personnes, j'ai gagné ce concours et cela fait 13 ans et un mois maintenant que j'occupe le poste de secrétaire exécutif de la Commission du saumon du Pacifique.

À ce titre, nous sommes chargés d'apporter un soutien administratif à la commission, mais la principale fonction est de participer, avec le personnel du secrétariat, au groupe scientifique international chargé de la gestion du saumon du Fraser pendant la saison de pêche.

Le président: Merci, monsieur Todd.

Monsieur Forrest, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Mike Forrest: Eh bien, je ne suis pas aussi âgé que Ian.

Ian et moi avons fait partie d'autres organismes et nous nous sommes souvent retrouvés du côté des négociateurs à cause de ma participation au comité du Fraser.

J'ai grandi sur le fleuve Fraser, à l'embouchure de la rivière Pitt sur l'île Douglas, s'il y en a qui connaissent le secteur; je représente la troisième génération de ma famille, et j'ai fait toutes les choses que font les jeunes qui vivent au bord de l'eau et qui grandissent avec des pêcheurs. La pêche a fait partie de ma vie, et de celle de ma famille pendant toute mon enfance, c'est quelque chose de très important pour moi, et c'est en fait un aspect très difficile à vivre en ce moment parce que j'ai été chassé de cet endroit et j'ai dû m'établir ailleurs.

Quoi qu'il en soit, M. Roméo LeBlanc a été celui qui m'a amené à participer à quelque chose d'officiel quand il m'a nommé à la Commission internationale sur les pêcheries du saumon du Pacifique, la commission qui a précédé la Commission du saumon du Pacifique qui existe actuellement. J'en ai fait partie de 1981 à 1985, tout en continuant à faire de la pêche commerciale sur le Fraser et à divers endroits de la côte. J'ai ensuite fait partie du comité du Fraser de la Commission du saumon du Pacifique, en tant que représentant du Canada, jusqu'en 1999.

J'ai essayé bien sûr de participer à la gestion du saumon, je me suis occupé de la question des permis par secteur et du reste, pour ce qui est du fleuve Fraser, et les résultats ont été plutôt mauvais vers la fin des années 90. Il n'y a pas beaucoup de gens qui sont contre la conservation du poisson, ils sont prêts à laisser leurs bateaux à quai et à rester à terre pour la conservation. Mais lorsque l'on attribue à quelqu'un d'autre le poisson qu'ils auraient pu pêcher, c'est là que cela cause des problèmes.

Il y a beaucoup de problèmes de ce genre dans la région du Fraser. J'aimerais beaucoup vous en parler si nous avons le temps de le faire mais je dirais simplement que je m'intéresse de très près à la situation du saumon du Fraser. C'est une réalité très importante du point de vue de ma famille et je dirais aussi du point de vue national; il faut préserver cette remonte.

Le président: Merci, messieurs Forrest et Todd.

Monsieur Cummins.

M. John Cummins: Oui, il m'a paru important, monsieur le président, de savoir que les spécialistes que nous avons ici jouissent d'une grande réputation sur la côte ouest.

J'ai tenu à le mentionner parce que tout récemment, et je crois que M. Todd y a fait référence, on a pu lire dans la presse que les autorités canadiennes et américaines, ainsi que le secrétaire d'État américain, Colin Powell, ont reçu au début de ce mois une lettre émanant de la Commission du saumon du Pacifique qui les invitait à «se préparer à ce que la pêche sur le fleuve Fraser soit fermée dans pratiquement tous les secteurs, pour conserver ce qui reste de la remonte du saumon rouge de la rivière Adams». Ce passage est tiré d'un article du Vancouver Sun dont l'auteur est Scott Simpson.

• 0940

Vous souhaitez peut-être reformuler votre opinion sur cette question. Il me semble, monsieur Todd, que vous n'êtes pas du même avis que la commission, ou peut-être que cet avis vient du MPO. Pourriez-vous nous expliquer cela, s'il vous plaît?

M. Ian Todd: J'ai également lu cet article et c'est ce qui m'a amené à réagir. Apparemment du moins, il semble que la seule mesure envisagée soit la fermeture complète de la pêche. J'ai essayé d'expliquer dans mon bref exposé que ce genre de fermeture serait peut-être nécessaire en 2002, année où la remonte dominante de la rivière Adams va avoir lieu, mais elle n'est pas essentielle pour 2001 et pourrait même nuire si elle avait un effet négatif sur les autres grandes remontes d'été qui vont être dominantes en 2001, pour ce qui est des autres espèces qui migrent en même temps.

M. John Cummins: Pourriez-vous préciser cela, parce que je veux que les gens comprennent votre raisonnement; les témoins du MPO vont intervenir tout à l'heure. Je me demande si vous pourriez reformuler cela. Vous dites que cela sera peut-être nécessaire en 2002, pour le motif qu'en 2002... Eh bien, pourquoi ne pas réexpliquer cela.

M. Ian Todd: Je dois dire que je ne sais pas quelle est la politique actuelle du ministère des Pêches et des Océans en matière d'échappée pour la rivière Adams en 2002 mais auparavant, cela représentait environ deux millions de poissons, il faut que deux millions de saumons arrivent et se rendent dans les frayères pendant cette année dominante. Si l'on compare cela avec les populations de reproducteurs que l'on a enregistrées au cours des années de génération pour 2001, qui comptaient entre 6 000 et 12 000 poissons, on voit l'ampleur de la différence et du problème. En 2002, il ne faudrait absolument pas que cette population soit ramenée à 6 000 saumons ou quelque chose du genre.

La population de saumons de 2001 n'a jamais été très productive. C'est une caractéristique spéciale de la dominance cyclique, un phénomène qui n'est pas très bien compris. On a élaboré quelques théories pour l'expliquer. Il me paraît toutefois dangereux d'aller contre la nature, depuis que l'on enregistre les événements, même avant que l'homme exploite cette ressource de façon intensive, il y a toujours eu dans le Fraser des variations cycliques. On retrouve des variations cycliques dans un certain nombre des principales populations de poissons. Cela veut dire qu'il y a une année où cette population est nombreuse, une année où elle n'est pas tout à fait aussi nombreuse, une troisième année très modeste et la quatrième année représente un creux. En fait, ce rythme n'a pratiquement jamais été perturbé.

Le président: Votre question, John.

M. John Cummins: Essentiellement, vous dites qu'en 2001, la remonte de la rivière Adams atteindra son niveau de le plus faible mais que les remontes d'été seront dominantes.

M. Ian Todd: C'est exact.

M. John Cummins: De sorte que si l'on permet aux remontes dominantes de 2001 de se rendre dans les frayères sans que l'on puisse les pêcher, cela va créer des problèmes dans les frayères. Mais en 2002, la remonte de la rivière Adams va être dominante et les remontes d'été seront...

M. Ian Todd: En décroissance.

M. John Cummins: ... en décroissance.

M. Ian Todd: Pour 2002, je ne pense pas que nous ayons le choix. Si l'on retrouve cette situation en 2002, il va falloir penser à interdire complètement la pêche et renoncer à exploiter les remontes d'été en décroissance pour assurer un bon niveau d'échappées aux remontes tardives.

Le président: Monsieur Forrest, vous pouvez intervenir aussi.

M. Mike Forrest: Il y a deux choses ici. Je ne sais pas ce que vous savez exactement au sujet de la gestion des pêches et des connaissances scientifiques concernant les surplus de reproducteurs sur les fonds de gravier et le reste, mais c'est de cela dont nous parlons.

On a tenté d'expliquer ces variations cycliques. Ce sont des choses qui ressemblent à l'agriculture. D'après moi, et c'est un point de vue un peu simpliste, les lacs doivent contenir une certaine quantité d'éléments nutritifs pour une population donnée, toutes les populations de saumon rouge sont associées à un lac, ces poissons passent une année dans un lac; lorsque la quantité d'éléments nutritifs dans un lac tombe à un certain niveau, le lac ne peut alimenter qu'un certain nombre de poissons. Si l'on augmente le nombre des poissons qui remontent dans ces lacs, il y a le risque qu'un certain nombre d'entre eux meurent faute d'alimentation, s'ils sont trop nombreux. Avec un cycle de quatre ans, si cela se produit tous les ans, il est évident que l'on risque de réduire la quantité d'éléments nutritifs.

• 0945

C'est un argument simpliste. Ce n'est peut-être pas aussi scientifique que cela devrait l'être mais du point de vue de la pêche, c'est ce qu'on a toujours constaté. C'est peut-être la raison pour laquelle la nature agit de cette façon. Par contre, les autres années, cela ressemble à ce qu'on appelle la jachère en agriculture. Cela permet aux éléments nutritifs de se renouveler dans la rivière et il y a ensuite une remonte dominante et une remonte décroissante dans la rivière Adams.

Je crois qu'il n'est peut-être pas exact de parler de surplus de reproducteurs comme on le fait pour les remontes tardives de la Stuart et du secteur de Horsefly qui représentent la plus grande partie de la remonte d'été de cette année-ci. Si l'on ne permet pas de pêcher ces poissons et que l'on interdit la pêche dans tous les secteurs cette année, il va se produire deux choses: les pêcheurs ne gagneront pas d'argent pour la troisième année de suite et, surtout, nous risquons de causer des problèmes pour la remonte dominante qui aura lieu dans quatre ans.

Le président: Avant de vous donner la parole, monsieur Roy, je voulais demander quelles seraient les conséquences de la présence d'un trop grand nombre de reproducteurs dans les frayères si l'on fermait la pêche cette année? Cela s'est-il déjà produit? Existe-t- il des données scientifiques à ce sujet?

M. Mike Forrest: Il y a des données historiques. Ian pourra mieux vous parler que moi de ce qui s'est passé au cours des différentes années car il a mieux étudié la question que moi. Il est arrivé à certains endroits que l'on ensemence trop et que le rendement par géniteur devienne très faible quatre ans plus tard du fait de l'excavation à répétition des bancs de sable servant au frai, par exemple. Nous n'avons pas beaucoup de statistiques susceptibles de nous aider sur ce point. Ian pourra vous donner davantage de précisions sur cette question.

Le président: Ian, vous voulez ajouter quelque chose?

M. Ian Todd: Il est difficile de répondre à cette question. Selon la théorie dynamique de la population qui a cours actuellement, que je ne connais pas à fond, on peut dire de manière générale qu'il y a un point à partir duquel les géniteurs qui échappent aux pêcheurs produisent un fort excédent de population de poissons susceptibles d'être pêchés. Au-dessous et au-dessus de ce point, on n'obtient pas les mêmes résultats. Si l'on se retrouve avec cinq millions de poissons sur un territoire de frai susceptible de donner une grosse productivité avec deux millions de poissons, la production va inévitablement baisser. Cinq ans plus tard, le rendement de ces cinq millions de poissons ne sera pas le même que celui d'une population de deux millions et la pêche sera réduite en proportion.

Le président: Merci, monsieur Todd. Il y a une chose que l'on peut dire au sujet de la situation sur la côte ouest, c'est qu'elle est pour le moins compliquée.

[Français]

Monsieur Roy.

M. Jean-Yves Roy (Matapédia—Matane, BQ): Merci, monsieur le président.

Personnellement, j'ai trois questions à vous poser. Je vous écoutais et, à un moment donné, la question du président est venue préciser certaines choses. Vous dites, entre autres, que les remontes, finalement, sont mélangées. On parle de plusieurs types de saumons et les remontes sont mélangées. Il est donc très difficile de contrôler la pêche et les remontes de certaines espèces.

Dans votre exposé, vous avez parlé de 16 hypothèses susceptibles d'expliquer les remontes précoces et le taux de mortalité qui en découle. Est-ce que vous pourriez préciser quelles sont les 16 hypothèses qui ont été envisagées en ce qui concerne la situation qui prévaut actuellement, c'est-à-dire les difficultés qu'on connaît dans les rivières en question? C'est une première question.

M. Todd, malheureusement, ne m'entend pas, mais...

[Traduction]

Le président: Nous avons quelques difficultés techniques. Il faudrait peut-être que vous repreniez du début, monsieur Roy.

• 0950

[Français]

M. Jean-Yves Roy: Au fond, j'avais trois questions précises à vous poser. Je vais commencer par la dernière parce que j'étais rendu là. Vous disiez, entre autres, qu'il y avait trop d'intervenants. Vous avez parlé du ministère des Pêches et des Océans, des autochtones, évidemment, et de la Commission du saumon du Pacifique. J'ai cru comprendre que vous aviez déjà siégé à la Commission du saumon du Pacifique, et vous semblez privilégier l'intervention d'un intervenant unique, soit la Commission du saumon du Pacifique, pour contrôler de façon efficace la situation actuelle. Ça, c'est une chose.

Voici ma deuxième question. Vous avez parlé de 16 hypothèses susceptibles d'expliquer les remontes précoces des saumons en question. Pourriez-vous élaborer sur ces 16 hypothèses? Je sais que vous en avez nommé quelques-unes. Au niveau du taux de mortalité, entre autres, vous avez parlé de maladies, de parasites, de prédateurs, etc. Mais quelles sont les hypothèses qui sont envisagées? Qu'est-ce qui fait qu'aujourd'hui le saumon remonte plus rapidement? Vous avez dit que c'était peut-être attribuable à la température de l'eau, etc. Est-ce que cela s'est déjà produit dans le passé à une échelle aussi importante? C'est l'autre question que je voulais vous poser.

Finalement, selon vous, est-ce qu'on peut envisager le rétablissement des stocks à court terme? Si j'ai bien compris, vous avez été élevé, vous avez vécu sur les rives de ces rivières et de ces fleuves. Alors, ma question est la suivante: est-ce qu'on peut envisager, à l'avenir, le rétablissement des stocks? Est-ce que les dommages qui sont causés actuellement sont à ce point irréversibles que la diminution des stocks va continuer? Ce sont là mes questions.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Roy.

Qui veut commencer? Monsieur Forrest.

M. Mike Forrest: Essayons d'abord de répondre à votre première question. Vous nous dites que le problème vient du fait qu'il y a trop d'intervenants. Je ne suis pas sûr de bien vous comprendre. Pouvez-vous me reformuler la question?

Le président: Vous avez mentionné tout à l'heure qu'il y avait trop d'intervenants dans le domaine. Il y a les Autochtones, Pêches et Océans et la Commission du saumon du Pacifique.

M. Mike Forrest: Si j'en crois mon expérience, le système de gestion n'a donné de bons résultats que lorsqu'un seul groupe d'intervenants en était responsable. Ces dix dernières années, ce sont plutôt trois groupes d'intervenants qui en ont pris la responsabilité. Dernièrement, les Autochtones sont venus s'y ajouter.

Le groupe du Fraser au sein de la Commission du saumon du Pacifique doit décider pendant la saison d'autoriser la pêche ou de laisser les géniteurs frayer. Il lui incombe de répartir les quantités entre différents groupes d'utilisateurs multiples et son objectif premier est de permettre la remontée des géniteurs. Il faut que la remonte puisse se reproduire. Lorsqu'il y a différentes instances responsables de la pêche et du contrôle des divers groupes de pêcheurs sans qu'elles soient chapeautées par un seul organisme de gestion, il peut se produire—et je l'ai déjà vu—que certains groupes pêchent des populations de poissons qu'ils ne devraient pas pêcher. Nous avons besoin que ces populations puissent aller frayer.

Étant donné que dans le cadre du système de gestion actuel, il nous faut affecter des contingents à toutes sortes de groupes, notamment les pêcheurs à la seine et au filet, les chalutiers, les Autochtones du Canada et des États-Unis, les non-Autochtones, les Autochtones situés en amont et en aval des rivières, les Autochtones de la côte, nous avons besoin qu'un organisme unique se charge de la gestion du saumon rouge et, à mon avis, il faut que ce soit la Commission du saumon du Pacifique dans le cadre du traité sur le saumon du Pacifique.

Le président: Quelqu'un veut-il répondre aux autres questions? Monsieur Todd.

M. Ian Todd: Je vais essayer de répondre aux deuxième et troisième questions de M. Roy. Je laisserai aux témoins représentant Pêches et Océans, que vous allez entendre plus tard, je crois, le soin de vous exposer les causes théoriques de ce changement de comportement.

En troisième lieu, vous nous demandez si cela s'est déjà produit auparavant et si ça va continuer. Je ne pense pas que l'on ait déjà enregistré un tel changement de comportement de la migration des poissons au cours de notre histoire. En fait, je suis sûr que ça ne s'est jamais produit par le passé. On a vu apparaître la chose dès 1995 et c'est certainement ce qui s'est produit tous les ans depuis 1996.

Quant à ce qui va se passer à l'avenir, je ne pense pas qu'on puisse le prévoir dans un sens ou dans l'autre.

• 0955

Il semble qu'il y ait des changements que je juge positifs qui s'opèrent dans le détroit de Géorgie. On nous signale, par exemple, la présence en bonne quantité, pour la première fois ce printemps, de saumon coho, que l'on n'avait pas l'habitude de retrouver en quantité significative à cette époque de l'année dans le détroit de Géorgie. Cela résulte peut-être d'un changement écologique que l'on ne peut pas très bien mesurer pour l'instant, mais qui sait? D'un autre côté, on ne peut pas vivre uniquement d'espoir et l'on doit se préparer à ce que cette situation se poursuive.

Le président: Monsieur Roy.

[Français]

M. Jean-Yves Roy: Monsieur Todd, vous êtes biologiste. Quelle est votre hypothèse quant à la situation actuelle? Vous avez certainement une idée de ce qui se passe, c'est-à-dire que vous avez certainement une opinion sur ce qui se passe au niveau des rivières. Quelle est votre opinion personnelle? C'est ça que je veux savoir.

[Traduction]

M. Ian Todd: Je n'ai pas d'opinion personnelle. Je n'ai aucune idée de ce qui se passe. Je n'en ai vraiment pas la moindre idée et je ne crois pas qu'il y ait un scientifique qui sache vraiment de quoi il en retourne. C'est pourquoi nous avons organisé ce colloque, afin que des scientifiques du Canada et des États-Unis viennent nous parler des enjeux et définir les domaines de recherche. Apparemment, cette rencontre a donné d'excellents résultats. On a défini une série de projets d'études et je souhaite que ça réussisse.

Le président: Merci, monsieur Roy.

Monsieur O'Brien. Lawrence?

M. Lawrence O'Brien (Labrador, Lib.): Ma question—mais je pense que M. Roy l'a déjà posée d'une certaine façon—a trait à la compétence, mais j'aimerais approfondir un peu la question, monsieur Roy.

Tout d'abord, vous m'avez rappelé des souvenirs lorsque vous nous avez dit que vous vous avez grandi au bord d'une rivière. Moi aussi, j'ai grandi au bord d'une rivière, au Labrador, dans la région de l'Atlantique. C'était un grand plaisir pour moi lorsque j'étais enfant de descendre à la rivière pour aller pêcher.

Vous avez évidemment assisté tous les deux à un grand nombre de changements depuis votre enfance et que vous avez acquis aujourd'hui de nombreuses connaissances. Monsieur Todd, vous avez un bagage immense de connaissances tant scientifiques que pratiques.

La question des compétences me laisse quelque peu perplexe étant donné qu'il y a trois autorités compétentes. Cela doit terriblement compliquer les choses. Je vous demanderai—je sais que vous nous en avez déjà exposé les grandes lignes, mais j'aimerais éventuellement que vous traitiez la question de manière un peu plus exhaustive—que vous nous expliquiez comment la situation a évolué lorsqu'on est passé d'une autorité compétente à deux. J'ai retenu, bien évidemment, que vous préconisiez qu'on confie cette responsabilité à la Commission du saumon du Pacifique. Je considère que cette discussion est de la plus haute importance, qu'elle exige que l'on fasse preuve de bon sens et que l'on s'en remette finalement à un décideur unique. C'est essentiellement ce qui me préoccupe.

M. Mike Forrest: Est-ce que la question s'adresse à moi? J'imagine que c'est moi qui ai abordé le sujet.

En fin de compte, il faut que la ressource se renouvelle; il faut la conserver. Si nous avons tout un groupe de gestionnaires agissant différemment pour des groupes d'intérêt différents, nous allons à mon avis mettre la ressource en danger.

Naguère, si l'on remonte aux années 80, au cours des 40 ans d'histoire de la Commission du saumon du Pacifique... Il y a eu de magnifiques réussites à cette époque: le retour du saumon à Horsefly—je crois que c'est Horsefly—où l'on est passé d'un millier de géniteurs à quelque chose comme 2,2 millions. On a enregistré toutes sortes de réussites lorsqu'on est parvenu à contrôler les pêches de façon à ce que les géniteurs puissent remonter jusqu'aux bancs de gravier.

Plus récemment, nous avons éprouvé toutes sortes de difficultés—du moins du point de vue d'un pêcheur. Lorsque je participais pendant la saison au groupe de gestion du Fraser au sein de la Commission du saumon du Pacifique, nous avions constamment des conflits de compétences pour savoir qui devait être responsable, Pêches et Océans ou la CSP.

Ça ne devrait pas exister; on ne devrait pas en être là. Nous avons signé un traité et il nous faut confier la gestion de ce système au groupe de responsables chargés d'administrer le traité entre le Canada et les États-Unis, un point c'est tout.

• 1000

Tout récemment, bien entendu, il y a eu l'arrivée dans le Fraser de ces programmes de commercialisation pilotes. On a entendu aussi Pêches et Océans revendiquer le contrôle de tout ce qui avait trait aux Autochtones du Fraser. Certes, nous ne voulons pas renoncer à notre compétence en faveur d'un pays étranger—il s'agit là bien évidemment d'une question propre au Canada—mais le contrôle de l'ensemble des pêches doit être global et centralisé. C'est de moins en moins le cas, à mon avis.

Pour ce qui est de la gestion pendant la saison, il peut très bien arriver que l'on se réunisse autour d'une table comme celle-ci à Richmond, en Colombie-Britannique, pour s'entendre sur un certain nombre de règles devant s'appliquer à la pêche la semaine prochaine. Toutefois, il se peut que nous ayons planifié cette campagne de pêche avec nos homologues des États-Unis pour nous apercevoir après coup que dans une autre salle, au bout du couloir—et nous avons déjà vu ce genre de situation—que Pêches et Océans a planifié de son côté la pêche avec les Autochtones. Cet accord de pêche passé avec les Autochtones aura priorité sur ce que nous avons planifié, de sorte qu'il nous faudra revenir précipitamment dans cette salle à la dernière minute, faire venir nos homologues des États-Unis et renégocier l'accord de pêche de la semaine à venir parce que nous n'aurons pas réussi à réunir dans la même salle tous les gestionnaires impliqués dans la gestion de ces populations de poissons.

À l'issue de l'enquête effectuée par John Fraser en 1994-1995, il a été recommandé qu'il n'y ait qu'un seul responsable de la gestion. C'est tout à fait logique. Je vous répète que la cogestion, telle qu'elle a été pratiquée aux États-Unis, est très onéreuse et qu'au bout du compte elle ne donne pas d'aussi bons résultats que lorsqu'il n'y a qu'un seul responsable.

Les enquêtes effectuées par Brian Tobin en 1994, à laquelle j'ai aussi participé, ont permis de tirer une conclusion bien particulière. Étant donné la quantité d'utilisateurs ayant participé à cette opération menée par Brian Tobin sur la côte ouest, la première chose qu'ont dites toutes les personnes présentes c'est qu'il fallait qu'il n'y ait qu'un seul responsable de la gestion.

Nous n'y sommes pas parvenus. Il nous faut chercher à l'obtenir. Lorsque nous aurons avancé dans la voie du règlement des traités—et il faut que nous le fassions—je crains que nous nous retrouvions en présence de différents groupes de personnes s'efforçant de gérer et de distribuer des contingents de poissons qui, finalement, ne peuvent pas être distribués. S'ils le sont, je pense que ce sera au détriment de la conservation de la ressource, des populations de poissons.

Le président: Merci, monsieur Forrest.

Au sujet de l'opération Tobin que vous venez de mentionner, est-ce que l'on dispose d'un rapport ou d'une série de recommandations?

M. Mike Forrest: Il y en a. Il y a eu une stratégie de relance—je ne me souviens pas du terme exact—impliquant toutes les personnes que je connais sur la côte ouest. Cette stratégie privilégiait bien entendu le rétablissement de l'industrie et la relance de la flotte. Pendant les années qui ont suivi, nous avons restructuré par exemple la flotte à la suite du plan de Mifflin. Tout le long de la côte, les utilisateurs commerciaux se sont réunis pour essayer de s'accorder sur une planification qui soit logique.

Nous nous sommes réunis, nous nous sommes entendus et nous avons progressé dans le bon sens mais, à mon avis, nous n'avons pas résolu le problème de la gestion.

Le président: Merci. Il nous faudra y venir.

Monsieur O'Brien.

M. Lawrence O'Brien: Dans quelle mesure ce problème de compétence ou encore la compétence en fonction du traité...? Est-ce que cela a découlé de l'arrêt Sparrow?

M. Mike Forrest: Cela a découlé du programme de commercialisation pilote qui a été mis en place en 1992. Lorsque ce programme est entré en vigueur, deux pêches commerciales ont alors été instaurées, une pêche autochtone et une pêche non autochtone. Ce n'était pas le cas auparavant. Nous pêchions comme nous devions le faire dans le cadre d'une seule pêche commerciale au Canada. Dans la pratique, une fois qu'on s'est lancé dans cette entreprise et que tout s'est mis à devenir de plus en plus... si l'on poursuit la mise en oeuvre des traités et si on multiplie ce genre d'opération, nous allons nous retrouver dans l'impossibilité de fournir les contingents que nous promettons aux gens, du moins sans remettre en cause les ressources.

Le président: Merci, Lawrence.

Nous n'avons plus beaucoup de temps. En fait, nous avons déjà dépassé le temps qui nous était imparti, mais nous allons terminer notre série de questions.

Monsieur Lunney.

M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, AC): J'apprécie la déclaration très claire faite par M. Forrest au sujet de la confusion découlant des chevauchements de compétences. Il est indispensable de trouver une solution sur ce point.

Je vais vous poser une question qui n'a pas encore été abordée à mon avis, au sujet des effets de la faible couche de neige sur le niveau des eaux cette année. Quelles sont les conséquences potentielles sur les pêches? Est-ce que vous pouvez nous dire ce qu'il en est?

M. Mike Forrest: Je me contenterai de vous faire un historique pour vous montrer ce qui s'est passé. Je peux prendre par exemple—et vous pouvez choisir l'année, mais je crois que c'était en 1997-1998—une année au cours de laquelle nous avons relevé le pourcentage de poissons devant frayer au cours de la saison parce qu'il y avait très peu d'eau. Nous savions que l'eau était chaude dans le Fraser et nous avons limité la pêche dans une large mesure. Nous avons augmenté de l'ordre de 35 p. 100 le pourcentage de remonte et nous avons éliminé pratiquement toutes les prises pour que tous les poissons puissent remonter pour frayer parce que nous savions que nous allions enregistrer une grande mortalité avant le frai en raison de la haute température des eaux, de leur faible niveau et de l'absence de neige. Voilà donc un exemple de ce que l'on a pu faire par le passé. C'est une chose qui arrive et dont il faut se préoccuper.

• 1005

Le président: Monsieur Todd.

M. Ian Todd: Je n'ai pas grand-chose à ajouter. C'est difficile à prévoir pour l'instant. La quantité de neige tombée a quelque peu augmenté ces derniers mois, d'après ce que j'ai pu savoir. Le temps qu'il va faire cet été va aussi jouer un rôle. Si l'on pouvait prévoir quel temps il va faire cet été, on pourrait peut-être savoir ce qui va se passer. C'est difficile à évaluer pour le moment.

Le président: Monsieur Lunney.

M. James Lunney: Quelles vont être selon vous les quantités qui vont redescendre dans la Nechako et quels seront les effets du niveau des eaux ou de la couche de neige?

M. Ian Todd: Je ne suis pas au courant de ce qui se passe maintenant dans la Nechako.

M. James Lunney: Je vous remercie.

Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet, Mike?

M. Mike Forrest: Non, pas vraiment. Nous savons simplement que le problème se pose, c'est tout.

Le président: J'aimerais revenir sur un point que vous avez soulevé précédemment. Vous nous avons expliqué, monsieur Forrest, que si vous en croyez votre expérience personnelle, l'attribution de contingents aux pêcheurs situés le long de la rivière ne posait aucun problème du point de vue de la conservation. Toutefois, lorsqu'on réaffectait les ressources, le problème était tout à fait différent.

Je sais bien que nous touchons aux affaires autochtones ici, mais vous savez quelle est la situation sur la côte est, qui n'est pas facile à régler en raison de l'arrêt Marshall. Je suis personnellement tout à fait d'accord pour dire qu'il ne faut qu'un seul responsable de la gestion de la ressource, mais il semble que l'on s'éloigne de plus en plus de cette solution. Pouvez-vous nous en dire un peu plus compte tenu de votre expérience personnelle? J'imagine que le ministère des Pêches et des Océans—le gouvernement du Canada—est responsable de la gestion de cette ressource. Compte tenu de toutes les décisions prononcées par la justice en la matière, comment procédons-nous?

M. Mike Forrest: Si je savais comment faire, je pourrais très bien vendre mes services sur la côte ouest.

Le président: Il y a deux questions ici—tout d'abord, que pensez-vous, compte tenu de votre expérience personnelle, de la réaffectation des ressources ailleurs pour des raisons autres que la conservation et, en second lieu, que pensez-vous que nous devrions faire directement.

M. Mike Forrest: Il faudrait certainement que nous nous orientions—je le répète—en faveur d'un système n'ayant à sa tête qu'un seul responsable. Nous nous sommes engagés ici dans une mauvaise voie en signant des traités s'appliquant au saumon rouge. Je comprends qu'il y a l'arrêt Marshall sur la côte est, mais j'en ai fait l'expérience quelques années avant avec des décisions telles que l'arrêt Sparrow.

Si j'en crois mon expérience, il faut bien entendu qu'il n'y ait qu'une seule pêche commerciale. Il ne devrait pas y en avoir deux. Lorsqu'on sait comment fonctionne la gestion du saumon et comment la remontée du poisson se fait le long de la rivière, il n'y a pas suffisamment de jours dans la semaine pour augmenter le nombre de géniteurs qui remontent. Il y a les pêcheries à l'extérieur qui doivent pouvoir vivre—tant autochtones que non autochtones, en différents endroits. Il y a ensuite les pêcheries dans tout le bassin hydrographique. Il y a les pêcheries des États- Unis.

À mesure que l'on fait des prélèvements dans la population des poissons qui remontent le fleuve Fraser—c'est un problème de gestion du Fraser mais la même chose se passe aussi dans la rivière Skeena—on réduit évidemment le nombre de géniteurs potentiels. Il faut donc qu'à un moment donné on laisse une chance à un certain nombre de géniteurs de remonter tout le réseau. Cela englobe aussi la partie autochtone du réseau, dans les régions situées en amont. Il faut qu'il y ait des poissons pour la pêche de subsistance—il s'agit de l'usage traditionnel—c'est la grande priorité. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de pêcheurs qui s'opposent aux objectifs de l'article 35 en ce qui a trait à la pêche de subsistance et aux usages sociaux et traditionnels. Nous sommes tout à fait convaincus que c'est une chose à faire. Nous y sommes tenus par la Constitution, mais il est normal de le faire.

Ce genre de pêche, d'après ce que j'ai pu voir par le passé, ne nous aurait jamais causé de difficulté sur le plan de la conservation, mais lorsque vient s'y ajouter le programme de commercialisation pilote et la vente d'une partie de ces mêmes poissons, on se retrouve alors en présence d'une demande insatiable. À ce moment-là, la quantité de poisson ne suffit plus à la demande et l'on perd tout contrôle. Voilà à quoi aboutit, à mon avis, une pêche sur laquelle on n'a pas suffisamment de contrôle pour que nos géniteurs puissent remonter jusqu'aux frayères, et c'est là un principe sacro-saint. Nous devons y parvenir si nous voulons que cette opération soit viable à long terme.

• 1010

Nous avons passé des ententes, par exemple, dans le cours inférieur du Fraser, avec certains groupes de la communauté autochtone et nous avons alloué des contingents que les intéressés estiment leur être dus. On pourrait ou non respecter nos engagements selon la taille de la population de poissons.

Si effectivement, conformément aux dispositions prévues, les usages «alimentaires, sociaux, traditionnels et conformes aux traités» passent après la conservation, après les géniteurs, et si nous signons des traités comme ceux que nous avons actuellement—ainsi, dans le cadre du programme de commercialisation pilote, deux millions de saumons rouges, 600 000 pour les bandes de Musqueam-Tsawwassen-Burrard, un million pour les Sto:lo, éventuellement jusqu'à deux millions, peut-être 1,5 million... Voilà ce que prévoit à l'heure actuelle le programme de commercialisation pilote. Si nous reprenons cela dans le cadre d'un traité et si nous relevons ce chiffre, si nous augmentons le nombre de poissons susceptibles d'être pêchés dans le cadre d'un traité passé avec les Autochtones—nous n'allons certainement pas abaisser ce chiffre, d'après ce que je peux voir—nous risquons d'avoir déjà alloué, pendant plusieurs années, la totalité des prises admissibles de saumon rouge dans le fleuve Fraser avant même que les pêcheurs sportifs ou commerciaux ou que quiconque d'autre puisse y toucher.

Je ne crois pas que l'on veille en venir là. Je ne crois pas non plus que les différentes communautés autochtones veuillent raisonnablement en venir là. C'est pourtant cela qui nous attend si nous ne réglons pas le problème en faisant preuve d'une certaine logique—il nous faut confier la responsabilité de cette population de poissons à un organisme unique, connaître les réserves dont nous disposons pour pouvoir les distribuer et être en mesure de le faire au profit des personnes intéressées.

Le président: Je vous remercie.

John, je ferai rapidement une observation. Nous avons largement dépassé le temps qui nous était imparti, mais cette question est extrêmement importante. C'est indéniable.

M. John Cummins: Je ferai rapidement un commentaire au sujet de ce que vient de déclarer Mike.

Pour la première fois, en 1999, il n'y a pas eu de pêche commerciale sur le fleuve Fraser, en grande partie à mon avis en raison de problèmes de gestion. Ces dernières années, on avait de la chance lorsqu'on pouvait faire deux ou trois jours de pêche commerciale sur le fleuve Fraser. Il n'y a pas si longtemps, la saison était probablement de 20 ou 30 jours et même davantage.

Je reviens à la question du jour, qui est celle de la remonte hâtive de la rivière Adams. Je pense que la difficulté à laquelle on risque de se heurter du fait de la faible couche de neige... Monsieur Todd, vous avez indiqué, et nous en avons reparlé, qu'il fallait que l'on autorise la pêche pendant que les saumons remontent en été et qu'il y avait des moyens de limiter les conséquences sur la rivière Adams. Vous avez proposé que l'on prélève des oeufs, qu'on les fasse éclore et qu'on élève les poissons en pisciculture. On a aussi pensé à fertiliser éventuellement les lacs.

Pourriez-vous nous exposer rapidement les moyens de limiter les conséquences sur la rivière Adams au cas où l'on procéderait à cette pêche? Pourriez-vous passer en revue les différentes façons dont on pourrait limiter les répercussions de cette pêche?

M. Ian Todd: Je pense en fait que je vous ai exposé tout ce que je savais sur le sujet. Toutefois, je vous répète que l'on peut mettre en oeuvre une technique déjà utilisée dans d'autres secteurs. Je crois savoir d'ailleurs qu'elle est employée dans la région de Shuswap. On prélève les oeufs des saumons rouges qui frayent, et on les fait éclore en pisciculture, ce qui augmente leur taux de survie par rapport aux conditions naturelles. Les alevins sont ensuite nourris pendant quelque temps, puis relâchés dans le lac. C'est une façon d'augmenter la population qui a fait ses preuves, je crois.

On l'emploie depuis maintenant déjà quelques années sur la Stikine dans le cadre d'un projet mené conjointement par le Canada et les États-Unis, qui a produit des résultats spectaculaires. Je crois aussi qu'on l'a utilisé, comme je vous l'ai dit, sur le cours supérieur de la rivière Adams, où l'on trouve une population tout à fait distincte. Pour vous donner une idée de sa résistance, elle avait pratiquement disparu au cours des années 20. Le gros de la remonte au cours des derniers cycles a été de 4 000, 5 000, 3 000 individus par an jusqu'en 1996, année au cours de laquelle on a enregistré un bond avec 25 000 géniteurs ayant réussi à remonter, chiffre qui est passé à 70 000 en l'an 2000. Cette remonte est pratiquement autosuffisante désormais et pourrait produire des résultats spectaculaires à un moment donné au cours des 20 prochaines années. Les techniques de renforcement de la croissance de la population ont aidé cette remonte à se rétablir et désormais à se développer.

• 1015

Les techniques existent donc. Je propose que l'on envisage leur application, si nécessaire, à la remonte tardive de 2001. Je pense que cela pourrait se faire à un coût très modeste comparativement à la perte que risque d'entraîner pour notre économie un manque de cinq à huit millions de poissons.

M. John Cummins: Y a-t-il un intérêt quelconque...

Le président: John, nous aurons...

M. John Cummins: Très rapidement, cependant, y a-t-il un intérêt quelconque à fertiliser les lacs? Est-ce que ce serait utile ou non dans toutes les circonstances?

M. Ian Todd: On a eu recours à cette méthode dans certains cas. Je ne suis pas qualifié pour vous dire si ce serait une bonne chose dans ces cas précis, mais c'est quelque chose qu'il faudrait envisager.

Le président: Merci, messieurs. Nous allons devoir passer aux témoins suivants. J'aurais toutefois aimé avoir plus de temps parce que cette discussion nous a appris bien des choses.

Merci d'être venus, messieurs. Je pense que vous nous avez donné d'excellentes informations.

Puis-je maintenant donner la parole au ministère des Pêches et des Océans, représenté par Mme Richards et Mme James, que d'autres personnes accompagnent éventuellement?

Soyez les bienvenues. Nous savons que vous avez été invitées sans trop de préavis. Il me semble d'ailleurs que l'une d'entre vous était dans un avion et ne savait pas encore qu'elle allait devoir témoigner aujourd'hui. Je ne sais pas qui c'était.

Qui va commencer? Mme Richards?

Mme Laura Richards (directrice régionale, Sciences, région du Pacifique, ministère des Pêches et des Océans): Oui, je vous remercie.

Le président: Je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie d'avoir accepté notre invitation sans préavis. Je sais que vous avez dû vous débrouiller à la dernière minute.

Mme Laura Richards: Je vous remercie. J'ai préparé un texte que je vais vous lire. Certaines des questions dont j'allais vous parler ont déjà été traitées par M. Todd et M. Forrest. Je pense qu'ils vous ont fourni une information très précieuse qui vous permettra de comprendre le comportement biologique global du saumon, mais je vais maintenant vous lire mon texte.

Je poserai le problème au départ en vous disant que nous avons constaté que les stocks de saumon rouge à remonte tardive du Fraser ont commencé leur migration vers l'amont de plus en plus tôt au cours des six dernières années depuis 1995. Les taux de mortalité élevés avant le frai ont été associés au retour hâtif de ce groupe de saumon.

Les mesures de gestion visant à conserver ces remontes tardives ont eu des répercussions importantes sur la perte de production à court terme et les risques à long terme pour les stocks, sur la réduction des prises dans le cadre des pêches commerciales et sportives et sur la dépendance des Premières nations à l'égard des remontées de saumon rouge.

Comme l'a si bien indiqué M. Todd, le saumon rouge du Fraser se divise en quatre grands groupes selon le moment de la remonte: remonte hâtive de la Stuart, remonte hâtive d'été, remonte d'été et remonte tardive. Les impératifs de gestion des pêches et d'échappée sont fixés séparément pour chacun des groupes; cependant, les périodes de remonte de ces quatre groupes se recoupent considérablement. Par conséquent, il arrive que la pêche cible des stocks mélangés.

Je vous l'ai dit, depuis six ans, la remontée tardive du saumon rouge du Fraser a lieu très tôt. Il s'ensuit que le poisson se trouve ainsi dans l'eau douce pendant de plus longues périodes de temps, ce qui augmente les risques de mortalité avant le frai.

L'année dernière, la Commission du saumon du Pacifique a estimé que 90 p. 100 de la composante du ruisseau Weaver de la remonte tardive avait péri avant le frai. Les poissons qui remontent la rivière Adams en ont subi le contrecoup, puisqu'ils font partie du groupe de remonte tardive. Nous savons qu'une partie de ce taux de mortalité a été attribué à une infection parasitaire.

Les mesures de conservation visant à protéger la remonte tardive du saumon rouge ont aussi restreint les possibilités de pêche des saumons de remonte d'été à cause du chevauchement des périodes de retour des groupes.

• 1020

En 2000, le Canada et les États-Unis ont mis en oeuvre toute une gamme de mesures de gestion en vue d'atteindre les cibles d'échappés. Les pêches commerciales, sportives et de subsistance ont été interdites dans les deux pays. Malgré ces mesures, les objectifs n'ont été atteints dans aucun cas à cause du taux de mortalité très élevé avant le frai des poissons de la remonte de la rivière Adams et d'autres saumons rouges à remonte tardive du Fraser. La réduction du nombre de saumons ayant atteint les frayères a entraîné une diminution de la production de jeunes poissons et au moins un stock de moindre envergure se trouve présentement à un niveau d'échappée dangereusement bas.

Nous ne le savons pas précisément, mais il semble probable que le comportement migratoire précoce observé au cours des six dernières années se maintienne. Pour le moment, toutefois, nous ne comprenons pas complètement les causes de cette situation, ce qui complique le choix des solutions.

En février, la Commission du saumon du Pacifique a réuni des chercheurs de renom des États-Unis et du Canada pour examiner ce sujet de préoccupation et formuler des recommandations. Le groupe de 21 chercheurs représentant diverses disciplines, telles que l'océanographie, les contaminants de l'eau, les maladies et les parasites, les prédateurs et la physiologie, ont proposé 16 hypothèses susceptibles d'expliquer les remontes précoces et la mortalité connexe et ont recommandé d'entreprendre des études dès cette année. Pour donner suite à cette initiative, les chercheurs de Pêches et Océans Canada détermineront les sujets d'étude qu'il serait possible d'entreprendre afin de comprendre les raisons pour lesquelles les poissons retournent plus tôt dans le fleuve et les causes de mortalité.

À la mi-avril, le président de la Commission du saumon du Pacifique a écrit au ministre des Pêches et des Océans et aux principaux ministères et organismes des États-Unis, afin de leur faire part des préoccupations que suscite la remontée tardive de saumon rouge du Fraser. Nous sommes tout à fait d'accord avec le point de vue de la commission qui souligne la nécessité pour les deux pays de continuer à gérer la pêche du saumon rouge du Fraser de manière prudente.

Pour ce qui est de l'année en cours, les estimations préliminaires du saumon rouge du Fraser laissent croire à une remonte forte, meilleure que celle des dernières années—M. Todd vous en a d'ailleurs parlé. Cette perspective permettrait d'autoriser des prises importantes dans le cadre des pêches canadiennes. Des restrictions seraient néanmoins nécessaires si la remonte tardive commence dans le fleuve plus tôt que prévu. Le ministère a publié régulièrement des bulletins faisant le point sur le saumon et c'est l'une des questions qui a été soulignée dans ces bulletins.

Selon les données préliminaires, le nombre total de saumons rouges qui retourneront dans le Fraser se situerait entre 6,8 millions et 12,8 millions. M. Todd a effectivement évoqué le chiffre de 12,8 millions—qui constitue le point intermédiaire du cycle—lorsqu'il a présenté son exposé mais, pour les besoins de la gestion, nous avons retenu le chiffre le plus bas comme objectif de planification. Les chances que la remonte se chiffre à plus de 6,8 millions sont de 75 p. 100. Les chiffres de remonte correspondant aux quatre groupes sont les suivants, avec une probabilité de 75 p. 100: 258 000 pour la remonte hâtive de la Stuart; 109 000 pour la remonte hâtive d'été; 6,2 millions pour la remonte d'été; enfin, 274 000 pour la remonte tardive.

La portion de la rivière Adams de la remonte tardive, nous en avons parlé, serait cette année à un point non dominant de son cycle, l'année dominante étant 2002. Le sommet bien connu du cycle du saumon rouge de l'Adams ne serait donc pas touché cette année, soit en 2001. Le groupe de saumon rouge de remonte d'été, cependant, devrait retourner en grand nombre par rapport à la moyenne à long terme et le surplus par rapport aux impératifs de ponte devraient permettre d'autoriser la pêche de tous les secteurs. Ces possibilités seront limitées, toutefois, par la présence d'autres stocks faibles, comme ceux de la remonte tardive, dont la période de remonte recoupe à divers degrés celle des poissons de remonte d'été.

Pour la saison de pêche de 2001, Pêches et Océans Canada et la Commission du saumon du Pacifique surveilleront très attentivement le moment, l'abondance et la composition des stocks de saumon rouge qui remonteront le Fraser. En mars, le ministère a décelé des signes de faibles niveaux d'eau et de températures élevées connexes dans le Fraser, ce qui risque d'entraîner un fort taux de mortalité chez le saumon. Pêches et Océans Canada continuera de consulter les groupes de pêcheurs sportifs, commerciaux et des Premières nations à propos des répercussions possibles de ce facteur parmi d'autres, comme les possibilités de faibles niveaux d'eau et de hautes températures.

À ce stade, le plan de gestion intégré de la pêche n'a pas encore été approuvé, mais il devrait être rendu public un peu plus tard au cours du mois. S'il y avait des signes, pendant la saison, d'un retour précoce de la remonte tardive de saumon rouge du Fraser, le Canada et les États-Unis se pencheront conjointement sur la question par l'entremise du comité du Fraser de la Commission du saumon du Pacifique.

Monsieur le président, j'ai ici quelques diapositives qui illustrent les différentes périodes de remonte. Est-ce que ce serait utile ou voulez-vous que nous vous les passions plus tard?

Le président: Combien de temps ça va prendre?

Mme Laura Richards: Pas très longtemps.

Le président: Bon, passez-les-nous. Mieux vaut que nous ayons tout de suite l'information.

• 1025

Mme Laura Richards: Je pense que vous avez là quelques illustrations qui vous aideront à préciser un certain nombre de questions soulevées par M. Todd.

Le premier graphique fait état du nombre de jours de remonte. Veuillez m'excuser, mais nous n'avons pas la traduction de ces graphiques. Nous ne les avons qu'en anglais étant donné que nous avons été convoqués pratiquement sans préavis. En bleu, nous avons la période de remonte d'été et en rouge celle de la remonte tardive. Cela vous donne une idée du chevauchement de ces deux périodes.

Le graphique qui suit illustre la relation mentionnée précédemment par M. Todd. En abscisse, nous avons le taux de mortalité avant le frai et en ordonnée la date de la migration vers l'amont, dans ce cas pour ce qui est du saumon rouge de la Weaver. Vous pouvez en déduire qu'il y a une relation entre la mortalité avant le frai et la date de migration vers l'amont. Ces dernières années, nous avons enregistré une plus grande mortalité avant le frai en corrélation avec cette date de retour précoce.

Le graphique suivant fait état de la même relation pour le saumon rouge de la rivière Adams, et là encore vous pouvez constater que l'on enregistre une évolution de la corrélation en fonction de la migration précoce lorsqu'on rapproche la date de la migration du taux de mortalité avant le frai des saumons rouges de la rivière Adams.

Le dernier graphique fait état des prévisions en fonction des cinq dernières années et pour ce qui est des deux années à venir. On peut y constater que la remonte de saumon rouge dans le Fraser obéit à des cycles, les parties bleues au sommet représentant la remonte tardive et la partie en vert le reste. Vous pouvez donc constater que le pourcentage de remonte tardive en 2000-2001 est relativement faible mais que nous attendons une grosse remonte en 2002, qui va être l'année dominante dans la rivière Adams, et une remonte un peu plus faible, mais toujours abondante, en 2003.

Voilà donc qui illustre ce dont nous venons de parler.

Le président: Merci, madame James et madame Richards.

Qui veut poser les premières questions? Peter, vous avez manqué le premier tour et je vais vous donner la priorité cette fois-ci. Allez-y.

M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Très bien. Il m'a fallu aller déposer une proposition de loi d'initiative privée qui va tous vous aider à l'avenir.

Une voix: Vraiment?

M. Peter Stoffer: Ne vous inquiétez pas.

J'allais poser cette question à Todd, mais je pourrais peut- être vous la poser à vous. Bien des gens voudraient qu'il n'y ait qu'un seul responsable de la gestion. Le témoin nous a dit que la question du frai était prioritaire pour les besoins de la conservation, mais j'ai toujours déclaré que pour que le poisson puisse frayer, il faut qu'il trouve un habitat convenable une fois qu'il est remonté. Bien évidemment, c'est une condition qui relève elle aussi largement de la province et qui dépend des mines, de la construction routière, du tourisme, etc.

Je me pose alors la question suivante—vous pourriez peut-être répondre pour le témoin, je sais que ce n'est pas tout à fait juste pour lui—quel rôle selon vous devrait jouer la province de la Colombie-Britannique dans la gestion de cette ressource à l'avenir? Doit-elle jouer un rôle quelconque? Si je le dis, c'est parce que lorsque le Traité sur le saumon du Pacifique a été négocié, la province a été tenue à l'écart des discussions. Il y a donc bien des pêcheurs commerciaux que cette situation a bien dérangés. D'ailleurs, le jour où l'annonce en a été faite, je me trouvais à Vancouver en route pour l'enterrement de mon père, et je l'ai entendue à la radio. Je suis alors allé au Pan Pacific, je crois que c'était là, là où l'annonce était faite, et personne ne pouvait entrer dans cette salle, à l'exception du ministre Anderson, de tout un groupe d'Américains et de Terry Milewski. J'ai réussi finalement à me glisser dans la salle, mais on ne laissait pas entrer les pêcheurs commerciaux. Il y a donc beaucoup de méfiance dans cette affaire.

Par conséquent, lorsqu'ils parlent d'un système de gestion unique, les pêcheurs commerciaux, du moins ceux auxquels j'ai pu parler, ainsi que la province, veulent être parties prenantes. S'il n'y a qu'un seul organisme qui chapeaute le tout, je pense que ce serait une bonne chose de manière à pouvoir redéfinir qui est responsable en définitive. Toutefois, quel est le rôle que doit jouer selon vous la province, si tant est qu'elle en ait un?

• 1030

Mme Laura Richards: Vous avez tout à fait raison de dire que la province et même les municipalités jouent un rôle en matière de gestion de l'habitat et des eaux. Le gouvernement fédéral n'est donc pas le seul responsable. Il y a d'autres parties prenantes. Le gouvernement fédéral a en fait élaboré une politique en matière d'habitat qui a été publiée il y a deux ans. Vous avez tout à fait raison de dire que l'élément correspondant à l'habitat est important.

Je ne suis pas prête en fait à aborder la question plus large de savoir comment on peut coordonner l'ensemble—ce n'est pas vraiment la question qu'il nous appartient de traiter ici—mais je comprends bien votre point de vue. Je pense bien que nous reconnaissons que le gouvernement fédéral ne peut certainement pas agir seul en la matière et nous avons besoin que tous les intervenants jouent leur rôle dans le cadre de ce projet.

Nous recherchons une gestion intégrée. Nous examinons l'ensemble du bassin hydrographique et nous tenons compte de son importance. Le ministère met désormais davantage l'accent sur l'ensemble de l'écosystème. Je crois que l'on se rend de plus en plus compte qu'il faut repenser tous les systèmes en fonction de l'écosystème et, dans le cas qui nous occupe, du bassin hydrographique, pour replacer tous les éléments dans un cadre général. Dans cette optique, on ne peut manquer de faire appel à d'autres intervenants et à d'autres juridictions.

M. Peter Stoffer: Je suis d'accord avec les deux témoins précédents lorsqu'ils nous disent qu'on ne peut pas organiser une rencontre pour discuter avec les Américains alors qu'en même temps Pêches et Océans négocie des accords de pêche avec les Autochtones qui contredisent ces discussions, de sorte qu'il faut revenir ensuite à la table de négociations et tout recommencer. On passe alors pour des fous, du moins aux yeux de la communauté internationale. Que fait Pêches et Océans pour éviter ce genre de situation si c'est bien ce qui se passe, comme je le pense? Que fait Pêches et Océans pour s'assurer que la chose ne va pas se reproduire et que les discussions menées parallèlement vont être coordonnées?

Le président: Madame James.

Mme Heather James (chef, Opérations pacifiques, Direction de la gestion des ressources, ministère des Pêches et des Océans): Nous ne nous sommes pas préparés à discuter de la question, mais je sais que le ministère envisage des mécanismes de consultation et que l'on a publié il y a deux mois un document de discussion visant à améliorer les prises de décisions. Par conséquent, le ministère s'efforce d'améliorer la procédure de consultation. Cela fait partie de l'opération, mais je ne crois pas que je puisse vous en parler plus en détail aujourd'hui.

M. Peter Stoffer: Selon le graphique que vous nous avez montré, 2002 semble devoir être une bonne année pour la remonte. Que va-t-il se passer si vous vous trompez?

Une voix: Pêches et Océans ne se trompe jamais, Peter.

M. Peter Stoffer: Non, ce n'est pas la première fois qu'il se tromperait. En fait, si vous vous trompez, que va faire Pêches et Océans pour remédier aux préoccupations financières des pêcheurs des communautés autochtones qui vous font confiance? En effet, ils entendent tous dire que cette année va être mauvaise mais que la prochaine sera bonne. Que va-t-il se passer si vous vous trompez? Que va faire Pêches et Océans pour remédier à la situation de ces gens?

Mme Heather James: Je n'ai pas de projets précis pour l'instant. Je ne crois pas que le ministère ait des projets précis d'indemnisation. Je pense que l'opération que nous avons lancée avec les projets de recherche aura véritablement une grande importance, car nous pourrons vérifier si nous allons continuer à avoir le même problème de mortalité cette année ou s'il va y avoir des changements, et il semble qu'il y ait de nombreuses conditions relatives à l'eau et à l'environnement qui soient en train de changer. C'est donc bien difficile à prévoir. Si la mortalité est moindre cette année, on pourra penser que la situation est en train de changer. Si l'on parvient à mettre en route un certain nombre de ces projets scientifiques, cela pourrait nous montrer la voie. Il est bien important de lancer ces projets scientifiques dès maintenant en prévision de 2002.

Le président: Merci, Peter et madame James.

Nous allons passer à M. Cummins. John, avant que vous commenciez, j'aimerais poser une question.

Je sais que Mme Richards est directrice régionale des services scientifiques et que Mme James est chef de la Direction de la gestion des ressources et que, par conséquent, il y a probablement des réponses que nous aimerions obtenir d'autres services du ministère avec lesquels vous n'avez rien à voir ni l'une ni l'autre. Ma question porte cependant sur le fait qu'on a beaucoup discuté, comme l'ont dit les témoins précédents, pour savoir qui gérait effectivement les ressources et qui en était responsable. On nous a dit qu'il y avait Pêches et Océans, les Autochtones et la Commission du saumon du Pacifique. De votre point de vue, vous est- il difficile, en tant que gestionnaire des questions scientifiques et des ressources, de prendre des décisions alors que vous devez vous demander qui est vraiment responsable?

• 1035

Mme Laura Richards: En fait, je peux vous préciser que le rôle des services scientifiques est de donner les conseils les plus objectifs possibles pour pouvoir aider les gestionnaires. Voilà en fait notre rôle. Nous dispensons ces services avec un maximum d'impartialité à tous ceux qui nous le demandent. Du point de vue des services scientifiques, il ne s'agit pas tant de savoir qui gère les pêches; nous voulons avoir la meilleure information possible et nous nous efforçons d'apporter un maximum d'aide pour faire avancer la question.

Le président: Monsieur Cummins.

M. John Cummins: Pour apaiser notre curiosité, je me demande si les témoins ne pourraient pas nous indiquer quelle est leur formation sur cette question des pêches dans le Fraser. Nous avons laissé les témoins précédents en faire état et nous ne vous avons pas rendu la politesse. J'ai pensé que vous pourriez vouloir le faire de votre côté.

Mme Laura Richards: Très bien, je vous remercie.

J'ai une maîtrise et un doctorat de l'Université de la Colombie-Britannique en écologie des ressources animales. Je travaille au ministère depuis 1982 dans le secteur de l'évaluation des populations de poissons. J'ai une formation scientifique et j'ai publié plus de 40 études dans des revues savantes internationales ainsi que dans un certain nombre d'autres publications. Je n'ai pas une connaissance spécifique du fleuve Fraser et je ne peux pas vous en parler aussi éloquemment. Ma formation relève davantage du domaine général de l'évaluation des populations de poissons.

Mme Heather James: J'ai une licence et une maîtrise en économie. J'ai étudié l'économie des ressources à l'université Simon Fraser et je travaille au ministère depuis 1980. Je me suis penchée pendant très longtemps sur les questions liées au Traité sur le saumon du Pacifique, j'ai pris part aux négociations du traité de 1985 et j'ai oeuvré par la suite au sein du ministère à la mise en oeuvre de ce traité de 1985. Ces deux dernières années, plutôt que de travailler dans le secteur international de Pêches et Océans, je me suis occupée du secteur national de la gestion des ressources.

Le président: Merci, mesdames.

M. John Cummins: Au deuxième paragraphe de la page 6, vous nous dites que la remonte de cette année, en 2001, dans la rivière Adams, est à un point non dominant de son cycle. Sur votre graphique, on voit que l'année 2003 est aussi un point non dominant du cycle, et j'imagine donc qu'il y a une coquille.

Mme Laura Richards: C'est, comme l'a indiqué M. Todd, l'année la plus basse du cycle.

M. John Cummins: Mais cette année ne correspond pas à un point non dominant du cycle.

Mme Laura Richards: Lorsque nous avons procédé à cette analyse, je pense que nous sommes partis du principe que toute année non dominante correspondait à un point non dominant du cycle. Je pense que c'est ainsi qu'on a procédé.

M. John Cummins: C'est du travail un peu bâclé, j'ai l'impression.

Allons au coeur des choses ici, à la question que nous avons probablement tous à l'esprit ce matin. Laissez-moi vous répéter la déclaration faite par la Commission du saumon du Pacifique, qui nous conseille de nous préparer à une fermeture générale de la pêche dans le fleuve Fraser cette année pour conserver ce qui reste de la remonte du saumon rouge dans la rivière Adams. Vous avez entendu ce qu'en pense M. Todd. Je me demande ce que vous en pensez.

Le président: John, est-ce que nous faisons tous la même interprétation des paroles de M. Todd?

M. John Cummins: M. Todd laisse entendre qu'il n'est pas nécessaire, et en fait qu'il serait dommageable, de ne pas pêcher normalement pendant la remonte d'été, parce que l'on se retrouverait au bout du compte avec trop de géniteurs et que cela serait préjudiciable aux remontes d'été par la suite. Pourtant, la Commission du saumon du Pacifique nous recommande d'interdire la pêche pendant la remonte de cet été pour que les saumons rouges de la rivière Adams puissent remonter jusqu'aux frayères. Il y a donc là des avis contradictoires concernant l'ouverture ou la fermeture de la pêche, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Le président: Je vous remercie.

Madame Richards.

• 1040

Mme Laura Richards: Je tiens tout d'abord à donner une précision. L'article de journal auquel vous vous référez ne cite pas exactement la lettre envoyée par la Commission du saumon du Pacifique. On ne parle pas dans cette lettre de fermeture générale. On nous dit en fait que les parties doivent continuer à gérer la remontée tardive du saumon rouge dans le Fraser «avec prudence et en évitant tous les risques». Voilà quels sont les termes qui ont été en fait employés. L'article de journal qui a été publié a donc pris effectivement quelques libertés avec les faits.

M. John Cummins: En fait, vous dites bien dans votre document qu'il faut agir avec prudence, mais vous nous dites aussi qu'il va falloir néanmoins restreindre la pêche en ce qui a trait à la remonte tardive, si les poissons qui remontent tardivement entrent plus tôt dans la rivière, et c'est ce que dit l'article du Vancouver Sun, qui parle de restrictions concernant la pêche. C'est ce que dit l'article du Vancouver Sun et c'est ce que vous dites aussi. Je vous demanderais donc de mettre toutes les cartes sur la table.

Mme Heather James: Pour le moment, nous envisageons une remonte plus importante que l'année dernière. L'année dernière, c'était de l'ordre de cinq millions de poissons. Nous envisageons actuellement une fourchette de six à douze millions de poissons.

En publiant ces statistiques en prévision de la saison, en janvier et à nouveau en avril, le ministère a fait savoir qu'il devrait y avoir des possibilités de pêche commerciale en 2001. La prochaine étape sera l'annonce du plan de gestion intégrée des pêches, qui devrait être faite à la fin du mois. Donc, pour le moment, nous planifions des opérations de pêche commerciale du saumon rouge du Fraser en faisant appel au principe de précaution.

M. John Cummins: Nous savons à quel point vous extravaguez au sujet du principe de précaution. Vous vous abritez toujours derrière ce principe. Toutefois, je vous demande précisément de me répondre en fonction de ce que vous avez déclaré dans votre document, qui est conforme à l'article publié dans le Vancouver Sun et selon lequel il va y avoir des fermetures de la pêche. M. Todd nous a dit bien clairement qu'en interdisant la pêche pour protéger le poisson de la rivière Adams on risque d'aller à l'encontre des objectifs fixés parce que l'on pourrait porter préjudice aux remontes d'été. Pourriez-vous, s'il vous plaît, répondre à cette question?

Le président: John, il faut être juste avec les témoins. Ils vous ont dit que cette lettre était très différente de ce qui était allégué dans l'article de journal. Nous savons tous que c'est une chose courante.

M. John Cummins: On nous parle de restrictions de la pêche, monsieur le président.

Le président: Pourriez-vous consigner cette déclaration dans notre procès-verbal? Est-il possible d'obtenir une copie de cette lettre? Si vous le pouvez, si c'est possible, nous aimerions en avoir une copie. Nous pourrions alors vérifier sur pièce ce qui a été réellement dit.

M. John Cummins: Monsieur le président, si vous me le permettez, j'aimerais que les témoins nous disent sur quoi ils s'appuient lorsqu'à la page 6, au deuxième paragraphe sous la rubrique «Perspectives pour 2001» ils nous déclarent «des restrictions seraient néanmoins nécessaires si la remonte tardive commence dans le fleuve plus tôt que prévu», ce qui est en gros ce que dit l'article du Vancouver Sun.

J'aimerais savoir sur quoi s'appuie cette déclaration. M. Todd, en tant qu'expert, nous avertit que cela pourrait être préjudiciable aux remontes d'été. C'est la raison pour laquelle nous sommes là ce matin.

Le président: Vous pouvez répondre sur ce point.

Mme Heather James: Les restrictions ne se ramènent pas à une fermeture pure et simple de la pêche. L'article du Vancouver Sun parlait d'extinction et de fermetures généralisées. Pêches et Océans ne parle pas d'extinction et de fermetures. Il y a là un article à sensation, qui ne correspond pas à ce qu'a dit Pêches et Océans jusqu'à présent dans ses communiqués de presse. Nous envisageons qu'il y aura une pêche commerciale.

M. John Cummins: Quelle va être l'ampleur des fermetures que vous envisagez?

Mme Heather James: Je ne peux pas vous le dire pour le moment. Tout dépendra, je crois, de l'époque à laquelle le poisson va apparaître dans la rivière, de la possibilité qu'il apparaisse très tôt et remonte immédiatement, ainsi que de l'abondance relative des poissons.

Je pense qu'il y aura une gestion de ce problème pendant la saison, comme ça a toujours été le cas. Il ne s'agit pas là d'un problème tout nouveau apparaissant pour la première fois en 2001. Ça s'est produit l'année dernière, et il y a eu des activités de pêche. Nous n'avons pas tout fermé. Par conséquent, nous envisageons cette année des remontes plus importantes, et nous prévoyons qu'il y aura une pêche commerciale.

• 1045

M. John Cummins: Est-ce que vous avez l'intention d'autoriser la pêche des remontes d'été pour en optimiser le rendement ou est- ce que vous allez mettre en place les restrictions afin de donner lieu à une surabondance de géniteurs de façon à protéger la remonte de la rivière Adams?

Est-ce que vous comprenez la question ou est-ce que vous voulez que je vous la répète?

Mme Laura Richards: Vous comprenez bien qu'il nous faut entre autres suivre l'évolution de la situation au cours de la saison.

M. John Cummins: Je le conçois.

Mme Laura Richards: Pour le moment, nous ne savons pas à quel moment exactement va se faire la remonte. Nous ne savons pas si le profil enregistré au cours des années antérieures va se répéter cette année. Il nous faut pouvoir planifier...

M. John Cummins: Je comprends bien, mais la question est de savoir si vous avez l'intention d'autoriser un rendement optimal—autrement dit, autoriser une pêche commerciale pour que le nombre de poissons qui parviennent jusqu'aux frayères soit optimal, ou allez-vous les laisser arriver en trop grand nombre pour protéger la remonte de la rivière Adams? Quelle est la politique dans ce cas? C'est ce que j'essaie de savoir? Il vous faut avoir un plan avant d'intervenir. Vous devez avoir une politique, et je veux savoir en quoi elle consiste.

Mme Laura Richards: Eh bien, nous sommes en train d'élaborer le plan de gestion intégrée des pêches, qui n'a pas encore été publié, de sorte que votre question est un peu prématurée de ce point de vue.

Toutefois, en ce qui concerne ici la remonte tardive d'été, le problème c'est que nous ne savons pas si nous allons enregistrer la même situation que par le passé. Nous sommes donc obligés de planifier différents scénarios selon ce qui va se passer au cours de la saison.

Le président: Avez-vous arrêté une date pour la publication du plan de gestion intégrée des pêches?

Mme Laura Richards: Nous espérons pouvoir le rendre public à la fin du mois.

Le président: Monsieur Roy.

M. John Cummins: Monsieur le président, je vous rappelle ici...

Le président: Est-ce que c'est un rappel au Règlement?

M. John Cummins: Ou, monsieur le président. Je vous rappelle ici...

Une voix: Coupez-lui la parole.

M. John Cummins: ... que pour élaborer un plan de gestion, il faut se fonder sur certains principes. Je demande alors quels sont ces principes?

Le président: Mais les témoins ont répondu à cette question, John.

M. John Cummins: Non, pas du tout.

Le président: Un plan de gestion intégrée va être rendu public.

M. John Cummins: Je ne crois pas.

Le président: Dominic.

M. Dominic LeBlanc (Beauséjour—Petitcodiac, Lib.): Monsieur le président, j'invoque le Règlement, je suis un nouveau venu au sein de ce comité. Voilà six mois seulement que je siège au Parlement. Je suis surpris de constater qu'alors que notre comité a invité des témoins à comparaître, on dit qu'ils extravaguent et on se croirait dans un jeu de massacre.

Je ne sais pas si c'est là la façon normale d'inviter des témoins à comparaître devant un comité. Ils font un exposé au nom d'un ministère, nous rejetons leur témoignage d'un revers de main et nous les interrompons.

Le président: Dominic, le comité n'a pas rejeté leur témoignage d'un revers de main. John a exprimé une opinion personnelle et il a posé par la même occasion de très bonnes questions. Il faut faire la part des choses.

Monsieur Roy.

[Français]

M. Jean-Yves Roy: Merci, monsieur le président.

Vous nous avez affirmé—et je le conçois très bien, car cela fait suite à ce qui a été dit précédemment—que votre responsabilité est de nous fournir les données de manière à ce qu'on puisse gérer les stocks de façon efficace dans les rivières et les fleuves concernés. Je voudrais savoir ce qui a été fait dans le passé. Vous parlez d'un plan de gestion intégrée. Comment se fait-il qu'on ait si peu de connaissances? D'après ce que j'ai entendu ce matin et d'après ce que j'ai entendu de votre part, on a très peu de connaissances quant à ce qui se passe réellement dans ces rivières, particulièrement dans le Fraser.

Pour ma seconde question, je vais revenir à une question que j'avais posée à M. Todd. Vous parlez de 16 hypothèses susceptibles d'expliquer la remonte précoce et la mortalité du saumon, mais ce sont 16 hypothèses que vous allez étudier. Est-ce que ça veut dire que nous n'avions aucune connaissance dans le passé, et combien de temps ces études-là vont-elles prendre? Est-ce que ces études vont être faites sur deux ans, quatre ans, six ans? Il faudrait peut-être le savoir parce qu'au fond, si on veut finir par acquérir des connaissances et être capables de gérer de façon efficace, il faudra avoir ces connaissances-là. Ma question est la suivante: comment se fait-il que nous n'ayons pas encore atteint ce niveau de connaissances et que nous soyons obligés, face à une catastrophe, de réagir de cette manière-là?

• 1050

[Traduction]

Le président: Madame Richards.

Mme Laura Richards: Vous me demandez tout d'abord pourquoi nous avons si peu de données, mais en fait nous en avons beaucoup. Comme M. Todd vous l'a expliqué, voilà longtemps que nous étudions la question du saumon rouge dans le fleuve Fraser. Nous avons des quantités énormes de données à examiner.

Ce que nous avons constaté ici, c'est une situation quelque peu différente, qui est apparue vers 1995. C'est quelque chose de nouveau et d'inattendu, que nous n'avions encore jamais vu.

Généralement, lorsque quelque chose de nouveau se produit, il faut quelques années pour se rendre compte qu'il y a eu véritablement un changement parce que, vous le savez, ça peut fluctuer dans un sens ou dans l'autre. Il nous faut être plus ou moins certains que le problème perdure avant de se décider de faire de gros investissements pour essayer de l'expliquer.

[Français]

Je peux décrire les 16 hypothèses.

[Traduction]

J'ai ici la liste des 16 hypothèses et, si vous me le permettez, je vais les passer en revue à votre intention. Elles ne sont pas particulièrement détaillées. Lors d'une rencontre informelle, un certain nombre de scientifiques se sont creusé la tête pour essayer d'en dégager les grandes lignes.

La première hypothèse a trait à l'océanographie ou aux pêches et elle renvoie à un éventuel changement des fonds de l'océan.

Selon la deuxième hypothèse, il aurait pu y avoir un changement des modes de migration, de l'horloge biologique des saumons, ce qui entraînerait une migration précoce.

En vertu de la troisième hypothèse, les saumons auraient contracté une infection avant d'entrer dans le Fraser, ce qui entraînerait un changement de comportement.

D'après la quatrième hypothèse, les saumons adultes à l'entrée du fleuve Fraser feraient l'objet d'une certaine contamination chimique qui les inciterait à remonter précocement le fleuve.

Dans la cinquième hypothèse, là encore, le comportement des poissons est changé en raison de facteurs océanographiques.

En fonction de la sixième hypothèse, il y a un lien entre l'infection parasitaire et la mortalité du poisson qui lui sert d'hôte, en l'occurrence le saumon.

Dans la septième hypothèse, on fait là encore appel à une maladie parasitaire, les saumoneaux eux-mêmes étant infectés près de l'embouchure du Fraser.

Comme vous pouvez le voir, ce sont des hypothèses assez générales, que l'on n'a pas particulièrement détaillées.

Le président: Si je puis vous interrompre une seconde, je pense que notre comité est heureux de vous entendre les exposer, mais, je tiens à le souligner, j'espère que personne ne va sortir de cette salle et citer directement l'une d'entre elles en expliquant que c'est ce que les scientifiques ont affirmé. Je tiens à ce que l'on prenne acte que ça peut être selon eux l'une quelconque de ces hypothèses ou plusieurs d'entre elles.

Mme Laura Richards: En effet.

Le président: Donc, nous sommes bien d'accord?

Poursuivez.

Mme Laura Richards: Dans le cadre de la huitième hypothèse, les déplacements des courants dans le détroit de Géorgie auraient changé, de sorte que les mécanismes d'échange dans l'eau auraient modifié ou retardé le comportement des poissons remontant tardivement.

Neuvième hypothèse: il y a eu un changement de la distribution verticale dans l'océan des saumons rouges remontant tardivement, ce qui aurait alors modifié les conditions physiques qui les entourent, dont là encore un changement de comportement.

En ce qui concerne la dixième hypothèse, la migration précoce serait déclenchée par la faible quantité d'énergie emmagasinée. Les poissons manqueraient d'énergie.

Si l'on en croit la onzième hypothèse, il y aurait une interaction des différents circuits. En fonction des circuits, les saumons pénètrent dans le Fraser à partir du nord ou font un détour par le sud en passant par le détroit de Juan de Fuca et il y a une interaction avec les conditions propres à l'océan qui se répercute sur la période de remonte tardive.

La douzième hypothèse veut que le choix de l'entrée dans le fleuve soit lié aux conditions régnant l'année de l'arrivée dans l'océan, de sorte qu'il y aurait un certain lien entre les conditions qu'ont rencontrées les saumoneaux lorsqu'ils sont entrés pour la première fois dans l'océan et celles qui règnent lors de la remonte.

Selon la treizième hypothèse, ils fuient dans le fleuve Fraser pour éviter les prédateurs.

La quatorzième hypothèse, c'est qu'il y a eu un changement de régime alimentaire susceptible d'expliquer leur comportement.

• 1055

La quinzième hypothèse, c'est qu'il y a eu une intensification de la prédation causée par les phoques communs et par les épaulards.

Enfin, la seizième hypothèse veut que les jeunes saumons qui migrent vers l'océan soient exposés à des produits chimiques réduisant ensuite leur capacité à subsister dans les eaux du Fraser une fois adultes.

Je vous le répète, ce sont des hypothèses très générales. Ce sont juste des idées qui ont été avancées. Je ne pense pas que l'on se soit entendu sur l'une d'entre elles en particulier. D'après ce que j'ai pu lire, il est évident qu'il reste du travail à faire pour expliquer ces différentes possibilités.

Le président: Merci, madame Richards.

Monsieur Roy.

[Français]

M. Jean-Yves Roy: Vous avez eu toutes ces hypothèses. À présent, où en êtes-vous dans l'orientation que vous entendez prendre pour vos études? Vous aurez effectivement des choix à faire. Quelles orientations entendez-vous privilégier? Quand entendez-vous commencer à faire des études et dans combien de temps aurons-nous des réponses?

[Traduction]

Mme Laura Richards: Vous demandez à un scientifique quand il pense pouvoir trouver des réponses. Vous savez, je pense, que la science ne va pas toujours aussi vite qu'on le voudrait. N'oubliez pas que nous n'avons pas encore trouvé de solution face au cancer, et certaines de ces questions sont tout aussi difficiles à résoudre. Des progrès sont possibles, cependant, et je pense qu'il y a des choses que l'on peut faire.

Nous avons l'intention ici d'aller un peu plus loin dans ces recherches. Ce n'était qu'une courte rencontre préliminaire ayant permis de brosser quelques idées. Nous avons besoin d'entrer davantage dans le concret et de mieux comprendre les problèmes. Nous avons certainement l'intention de nous pencher sur certaines de ces questions cette année. Il y a des choses que nous pouvons faire. Nous ne manquerons pas d'exercer des activités dans le Fraser pour comprendre quelles sont implications de cette infection parasitaire. Nous aimerions aussi faire d'autres travaux dans le domaine de l'océanographie.

Nous n'avons encore rien arrêté en détail, mais telle est notre intention. Nous aimerions mener un certain nombre de projets pilotes cette année, parce que ça nous aiderait alors à déterminer où il faut faire porter en fait nos efforts, de façon à pouvoir concevoir des projets d'étude plus complets pour les années à venir.

Je vous le répète, nous ne savons pas si nous pourrons trouver rapidement des réponses à tout cela. Dans le cadre d'une étude scientifique de cette nature, il nous faut normalement arrêter des projets qui vont durer de trois à quatre ans. Ce sont les délais auxquels on peut s'attendre normalement lorsqu'on entreprend ce genre d'étude.

Le président: Nous avons le temps de poser rapidement deux questions, et je vais en poser une.

Comment va-t-on prendre la décision d'autoriser ou non la pêche dans le Fraser cette année? Vous vous occupez des questions scientifiques, je le sais, mais dans quel cadre va-t-on prendre cette décision?

Mme Heather James: Je pense qu'il y aura des annonces plus précises touchant plus particulièrement le plan commercial lorsque nous annoncerons le PIGP, ce qui devrait se produire entre la mi- mai et la fin mai. Un mémoire va être prochainement envoyé au ministre sur cette question précise. Les caractéristiques détaillées des accords de gestion prévus seront communiquées au cours du mois.

C'est tout ce que je peux vous dire à l'avance au sujet de ce que nous pouvons faire, et nous nous chargerons ensuite de la gestion au cours de la saison. Nous surveillerons les remontes, nous examinerons la population et les périodes de remonte au cours de la saison, ce qui nous permettra de décider s'il nous faut ou non apporter des changements au régime de gestion au cours de cette saison.

Le président: Est-ce que les scientifiques impliqués recommandent au ministre la fermeture ou l'ouverture de la pêche, la quantité de prises, les contingents, etc.?

Mme Laura Richards: Conformément à leur rôle, les scientifiques se chargent de faire les prévisions. Ils en déduisent alors quel doit être le niveau des remontes. À partir de là, il nous faut collaborer avec les gestionnaires des pêches pour déterminer quel doit être le niveau des prises lors de ces remontes.

• 1100

Le président: Peter.

M. Peter Stoffer: Vous avez indiqué qu'il y aura des activités de pêche commerciale. Je présume qu'elles seront limitées. Ainsi, s'il y a des quantités de poissons qui remontent les rivières l'année prochaine, on peut penser bien évidemment qu'il y aura davantage d'activités de pêche commerciale alors que cette année elles seront plus réduites. Est-ce que c'est exact?

Mme Heather James: Il y a divers problèmes selon les populations de poissons dans le fleuve Fraser. Les saumons coho de la rivière Thompson posent aussi des problèmes du point de vue de la conservation. Je pense qu'il est probable que, quel que soit le scénario, on ne pourra pas optimiser la pêche des populations les plus abondantes sans porter préjudice aux populations plus faibles qui migrent en même temps. Ce genre de compromis fait partie des problèmes de gestion.

M. Peter Stoffer: Si en fait l'article du Vancouver Sun est exact—c'est ainsi qu'il est perçu, de toute façon—si on le considère objectivement, il pourrait y avoir des fermetures massives dans le secteur de la pêche commerciale. S'il avait en fait en partie raison, quelles seraient les conséquences pour le projet de commercialisation pilote? Si vous interdisez la pêche commerciale à la collectivité non autochtone tout en l'autorisant pour la communauté autochtone, dans le cadre de son programme de commercialisation pilote, cela entraînera de nombreuses frictions. Si l'on doit limiter les activités de pêche, est-ce qu'il va y avoir des réductions des deux côtés ou est-ce que l'un des camps va être avantagé par rapport à l'autre?

Mme Heather James: Les accords de commercialisation pilotes seront pris en compte par le PIGP lorsqu'on se sera prononcé, mais la grande priorité reste la conservation. Par conséquent, si la conservation est en jeu, il est évident qu'il faudra limiter aussi les activités de pêche du programme de commercialisation pilote.

M. Peter Stoffer: Vous avez indiqué que d'autres études sont nécessaires, et vous avez évidemment raison. Toutefois, à votre avis, est-ce que Pêches et Océans vous fournit les ressources nécessaires pour que vous puissiez continuer à faire les études dont on a besoin?

Mme Laura Richards: Des crédits supplémentaires ont été affectés au ministère dans le cadre du Traité sur le saumon du Pacifique. Le ministère a bénéficié l'année dernière de 11 millions de dollars supplémentaires pour mettre en oeuvre les nouvelles mesures découlant du Traité sur le saumon du Pacifique. Il est certain que certaines questions relevant de ce traité vont se rapporter à celles dont nous venons de discuter et qu'une partie de ces crédits pourront être affectés à ce genre de questions, que nous avons en commun. De plus, une petite enveloppe de crédits a été affectée à la Commission du saumon du Pacifique pour qu'elle se penche directement sur cette question. Il y a 50 000$ à ce titre.

Nous avons l'intention cette année d'utiliser une partie de ces crédits pour approfondir ces hypothèses et faire des propositions. Il y a aussi des ressources extérieures auxquelles on peut penser. Nous pourrions notamment profiter de l'effet de levier de ces crédits pour aller chercher d'autres ressources, en travaillant avec les universités, par exemple. Il n'est pas nécessaire que tout le travail soit fait par le gouvernement fédéral. Il y a d'autres personnes et d'autres intervenants qui peuvent s'intéresser à un certain nombre de ces questions.

Le président: Tous mes remerciements, madame Richards et madame James. Je sais que vous avez dû venir pratiquement sans préavis. Merci d'être venues et de nous avoir fourni cette information.

Avant de lever la séance—monsieur O'Brien, vous êtes secrétaire parlementaire. La stratégie de revitalisation, l'étude de Tobin, dont on a parlé tout à l'heure, c'était en quelle année, dans les années 90?

M. Lawrence O'Brien: 1994.

Le président: Est-ce qu'il serait possible d'en faire parvenir une copie aux membres du comité?

M. Peter Stoffer: Est-ce qu'il est possible de demander une copie de ces seize hypothèses?

Le président: Elles sont consignées dans notre procès-verbal. Vous pouvez vous procurer le procès-verbal du comité.

M. John Cummins: Et les graphiques?

Le président: Nous les avons. Les graphiques nous ont été remis. Consultez le procès-verbal. Vous pouvez en obtenir une copie si vous le voulez, j'en suis convaincu. Elles ont été lues intégralement afin d'être consignées dans notre procès-verbal. Il n'y a pas de problème. Si vous en voulez une copie, je suis sûr que Mme Richards vous en fournira une. Vous en avez probablement besoin pour les rencontres de Halifax, Peter.

M. Peter Stoffer: C'est exact.

Le président: Merci encore, mesdames.

La séance est levée.

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