Passer au contenu
Début du contenu

FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 5 juin 2001

• 1532

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte et souhaite la bienvenue à tous cet après-midi.

Nous sommes réunis aujourd'hui dans le cadre de l'une des tables rondes que nous avons décidé de tenir. Nous discuterons d'un sujet qui intéresse les membres du comité, à savoir celui des régimes d'actionnariat des salariés. C'est un sujet qui a été soulevé à plusieurs reprises. Même du temps où j'étais secrétaire parlementaire du ministre du Développement des ressources humaines, bien des gens discutaient de ce sujet, et je suis sûr que nous le débattrons quand il s'agira de faire des recommandations au ministre des Finances concernant le prochain budget.

Je voudrais souhaiter la bienvenue à MM. Sherman Kreiner et Robert Hilliard, respectivement président-directeur général et président du conseil d'administration de Crocus Investment Fund. Nous accueillons également M. Nick Logan, président du National Leasing Group Inc., M. Perry Phillips, représentant ESOP Builders Inc. ainsi que Mme Julia Markus et M. John Kidder, respectivement directrice générale et directeur de la Employee Share Ownership and Investment Association.

Bienvenue à tous. Étant donné que vous avez tous déjà comparu devant le comité des Finances, vous savez que vous disposez de cinq à sept minutes pour faire vos exposés, après quoi nous passerons aux questions.

Nous commencerons par Sherman Kreiner.

M. Sherman Kreiner (président et directeur général, Crocus Investment Fund): Je vous remercie. Bonjour, monsieur le président, membres du comité.

Crocus Investment Fund est un fonds d'investissement des travailleurs du Manitoba avec un actif évalué à quelque 200 millions de dollars et 30 000 actionnaires manitobains.

Le but de mon exposé aujourd'hui est d'encourager le comité à élaborer une loi fiscale appropriée et à apporter des changements législatifs connexes pour accroître l'actionnariat des salariés dans les entreprises canadiennes. Ainsi, nous engageons le comité à apporter les changements législatifs nécessaires pour faciliter la création de comptes en fiducie d'actionnariat des salariés inspirés du modèle américain de régimes d'actionnariat des salariés (RADS). Aux États-Unis, ces comptes en fiducie permettent aux entreprises d'utiliser des éléments de leur actif pour emprunter du capital pour le compte de leurs employés. Un grand nombre d'employés deviennent ainsi propriétaires grâce à un mécanisme qui n'exige pas de frais d'investissement de leur part. Le modèle américain offre des incitatifs fiscaux aux actionnaires qui vendent leurs actions aux employés de cette manière, aux entreprises détenues par les employés afin de rembourser leur dette en dollars avant impôt et, parfois, aux bailleurs de fonds qui financent les RADS. Les RADS ont connu un vif succès aux États-Unis, où plus de 10 p. 100 des avoirs des entreprises sont détenus par des employés, d'où la productivité extrêmement forte de ces entreprises.

• 1535

Les avantages de l'actionnariat des salariés sont considérables. Le partage de la richesse peut réduire le fossé sans cesse croissant entre riches et pauvres, plus encore que la simple création d'emplois. L'actionnariat des salariés peut être un outil précieux dans nos efforts pour réduire l'écart de productivité. De plus, les entreprises dotées d'un régime d'actionnariat des salariés qui pratiquent la gestion participative affichent un rendement supérieur à celui des entreprises traditionnelles sur les plans de la productivité, de la croissance des ventes et de la création d'emplois. L'actionnariat des salariés est un mécanisme efficace pour assurer le transfert des entreprises familiales d'une génération à l'autre, et garantit que les décisions touchant les entreprises locales sont prises au niveau local.

Outre les avantages économiques associés à l'actionnariat des salariés, nous croyons qu'une analyse du rendement de l'investissement des contribuables grâce aux RADS serait extrêmement favorable. C'est ce que ne cessent de confirmer de récentes études faites aux États-Unis, notamment une étude exhaustive effectuée dans l'État de Washington en 1993. Au Manitoba, l'actionnariat des salariés suscite beaucoup d'intérêt. Parmi les 55 entreprises clientes du Fonds Crocus, 20 sont déjà dotées d'un régime d'actionnariat des salariés, notamment Cando Contracting, Wellington West Capital, Online Business Systems et National Leasing Group.

Dans un article paru dans le National Post, le journaliste Arthur Andersen a classé ces trois dernières entreprises parmi les 50 sociétés privées les mieux gérées au Canada l'année dernière. Vous entendrez sous peu le témoignage de Nick Logan, le président de National Leasing. J'ai apporté avec moi aujourd'hui des lettres d'appui provenant d'Angus Reid, anciennement président d'Angus Reid Group, récemment acheté par Ipsos, qui est le neuvième groupe d'experts-conseils au monde, de David Friesen, président et directeur général de Friesens Corporation, une importante imprimerie d'Altona, au Manitoba, de Terry Smith, p.-d.g. de Boyd Group, grande chaîne manitobaine spécialisée dans la réparation d'automobiles présente partout au Canada et aux États-Unis, ainsi que de Brian Klaponski, président de Carte International, fabricant manitobain de transformateurs électriques distribués en Amérique du Nord et outre-mer. Ce sont toutes des entreprises manitobaines locales qui ont à coeur l'actionnariat des salariés et qui se sont même dotées de régimes d'actionnariat des salariés en s'associant à Crocus.

Avant d'établir un régime d'actionnariat des salariés au Canada, on se heurte à de nombreux obstacles, le plus important étant le manque de législation en matière de régimes d'actionnariat des salariés. Étant donné que le Canada n'a pas de lois à ce chapitre, on a jusqu'à présent été obligé de faire de l'improvisation en adaptant des structures d'avantages sociaux pour créer des régimes d'actionnariat des salariés. Pis encore, dans certains cas, la loi interdit catégoriquement l'utilisation de ces structures pour créer un régime d'actionnariat des salariés. Dans d'autres, les structures utilisées sont inutilement complexes.

Nous croyons que l'expérience américaine peut être adaptée avec succès au Canada. Pour le Canada, il est clair que tout changement législatif et traitement fiscal connexe doivent être uniformes tant à Ottawa que dans les provinces. C'est dans cette optique que nous avons exploré une stratégie qui permettrait au Manitoba d'apporter des changements législatifs à son régime fiscal pour accorder un traitement fiscal préférentiel aux RADS. Les discussions avec le gouvernement du Manitoba ont été positives. Dans une lettre envoyée aujourd'hui au ministre fédéral des Finances, M. Paul Martin, le ministre des Finances du Manitoba, M. Greg Selinger, dit ceci:

    Depuis un certain temps déjà, les gouvernements successifs du Manitoba ont estimé que l'actionnariat des salariés est un outil important pour garder les entreprises dans notre province et leur permettre de prendre de l'expansion. Le Crocus Investment Fund a été créé avec pour mandat de faire la promotion de l'actionnariat des salariés.

    Il est temps que les gouvernements canadiens se penchent sérieusement sur d'autres mécanismes pour faire la promotion de l'actionnariat des salariés. Plusieurs exemples en Amérique du Nord montrent que les possibilités de réussite sont bonnes. Les régimes d'actionnariat des salariés (RADS) méritent d'être étudiés sérieusement.

    Ici, au Manitoba, les pouvoirs publics ont commencé à étudier la faisabilité des RADS dans notre province. Je crois comprendre également que vous avez exprimé un certain intérêt pour les RADS lors d'une récente visite au Manitoba. Ensemble, nous pourrions réaliser des progrès plus considérables si nous collaborions à la recherche de solutions possibles.

Au Crocus Investment Fund, nous croyons fermement que l'adoption d'une bonne loi sur l'actionnariat des salariés au Canada et dans les provinces serait bénéfique pour tous les Canadiens. C'est pourquoi nous vous encourageons à considérer les mérites considérables de cette proposition.

Je demanderais maintenant à Rob Hilliard, le président de notre conseil d'administration et président de la Manitoba Federation of Labour de poursuivre.

Le président: Je vous remercie.

M. Rob Hilliard (président, Manitoba Federation of Labour): Merci de me donner l'occasion de m'adresser au comité pour défendre une proposition de modifications législatives visant à élargir les prises de participation des employés dans les entreprises canadiennes. Bien que je sois également président du conseil de Crocus Investment Fund, je vous présente mes observations aujourd'hui en tant que président de la Manitoba Federation of Labour (MFL).

Le Crocus Investment Fund a vu le jour par suite d'une résolution adoptée en 1983; à partir de cette date, les membres de la direction de la Manitoba Federation of Labour ont joué un rôle central pour lui donner forme. Dès le départ, le mouvement ouvrier a travaillé à ce projet en se fixant deux objectifs centraux et connexes: la création d'emplois au Manitoba et l'augmentation de l'actionnariat des employés dans les entreprises. Nous sommes heureux de constater qu'il en a découlé un nombre important de nouveaux emplois au Manitoba, et nous sommes enthousiastes quant aux avantages manifestes de l'actionnariat des salariés.

• 1540

À titre de président du conseil de Crocus, j'ai eu la chance de constater les avantages réels et directs pour les 2 500 employés des entités détenues de Crocus, syndiquées et non syndiquées, où le système a été institué. L'un des problèmes en ce qui concerne l'actionnariat des syndiqués est le fait que, souvent, ils n'ont pas les ressources personnelles nécessaires pour faire un investissement important dans leur propre entreprise. Pourtant, les recherches indiquent très clairement que les résultats liés à l'actionnariat des salariés, du point de vue des affaires et de la satisfaction au travail, sont meilleurs lorsque les plans à cet égard ont une vaste portée et permettent une participation importante des employés. Trop souvent, au Canada, de tels régimes se limitent aux cadres supérieurs.

La structure proposée par Crocus corrige ces distorsions. Le travail qu'effectue le Crocus Investment Fund avec bon nombre de ses entités détenues a permis de renforcer l'attachement de la MFL à la notion d'actionnariat des employés. Il est clair que les sociétés dans lesquelles les employés détiennent des actions sont plus productives et, par conséquent, plus susceptibles de demeurer concurrentielles et d'être prospères à l'avenir. Cela se traduit par une plus grande sécurité d'emploi, ce qui, dans un monde de plus en plus compétitif, représente un avantage important pour tous les Canadiens.

Mais ce qui importe tout autant pour le mouvement ouvrier, c'est que l'actionnariat peut aussi se traduire par une richesse additionnelle des travailleurs qui peut répondre à de multiples besoins au sein des familles canadiennes. Aux États-Unis, l'employé moyen accumulera des participations équivalant à deux fois sa rémunération annuelle en l'espace de dix ans. Cette nouvelle richesse est importante pour les employés, mais à notre avis il ne faut pas y voir un substitut aux salaires versés ou aux régimes de retraite.

La Manitoba Federation of Labour appuie les modifications législatives qui élargissent les possibilités d'actionnariat des salariés dans les entreprises manitobaines.

Merci de votre temps et de votre attention.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Hilliard.

Nous allons maintenant écouter Perry Phillips, de ESOP Builders Inc.

M. Sherman Kreiner: Excusez-moi, mais est-ce que Nick Logan pourra parler également?

Le président: Absolument. Voulez-vous prendre la suite?

M. Nick Logan (président directeur général, National Leasing Group): Certainement, merci, monsieur le président, membres du comité.

Je suis Nick Logan, je suis le président et directeur général du National Leasing Group. Notre compagnie s'associe à cette proposition, car, elle est effectivement la preuve de l'efficacité de ces propositions, propositions qui donnent d'excellents résultats.

Le Crocus Investment Fund est actionnaire du National Leasing Group depuis 1996. À la même époque, il a financé un régime d'actionnariat des salariés qui a donné d'excellents résultats. Aujourd'hui, environ 50 p. 100 de nos 170 employés sont des actionnaires. Cela comprend des employés à tous les niveaux de l'organisation. National Leasing en a tiré des avantages considérables et durables.

À l'heure actuelle, la clé du succès d'une entreprise, c'est de pouvoir attirer et retenir des employés de qualité. À National Leasing, nous avons obtenu d'excellents résultats sur les deux plans. Le roulement parmi nos employés est inférieur à la moyenne dans l'industrie. Nous avons toujours réussi à attirer les employés qualifiés dont nous avions besoin pour assurer pendant toutes ces dernières années une expansion importante.

Nous exigeons une excellente performance, et nous l'obtenons. Chaque année, nos actionnaires sont agréablement surpris de voir à quel point leurs efforts supplémentaires et les soirées passées au bureau se traduisent par des bénéfices qui sont une véritable récompense. Chaque année notre croissance a dépassé 20 p. 100 et, chaque année, le rendement du capital investi dépasse les attentes de notre conseil d'administration. En même temps, je pense que nous avons gagné la bataille de la productivité avec nos concurrents.

Tous nos succès ne viennent pas directement de l'actionnariat des salariés, mais je suis convaincu que c'est un élément clé. Nous n'avons pas seulement souscrit au principe, nous examinons des moyens de l'étendre. Depuis des années, j'encourage mes collègues à penser comme des propriétaires et non pas comme du personnel.

Je tiens à vous dire que depuis quatre ans, c'est-à-dire pendant toute la transition d'une compagnie axée sur le papier en 1997 à une compagnie complètement électronique que nous sommes aujourd'hui, pendant toute cette période il a été beaucoup plus facile de travailler avec des propriétaires. Un propriétaire s'attend à ce que les choses changent. Un propriétaire s'épanouit dans le changement. En fait, je pense qu'un propriétaire exige le changement.

Au cours de la dernière année, notre directrice des ressources humaines a obtenu un certificat de gestion participative, dans le cadre d'un cours mis sur pied par Crocus en coopération avec l'Université du Manitoba. Au départ, cette personne était assez sceptique, mais finalement, elle a trouvé l'expérience extraordinairement positive. Nous avons déjà eu l'occasion de constater à quel point les connaissances supplémentaires qu'elle a acquises sont utiles à la compagnie. Cette expérience nous a confirmé que la combinaison actionnariat des salariés et participation à la prise des décisions était un outil formidable en affaires.

Si National Leasing s'est heurtée à une difficulté avec des employés, c'est à cause des incertitudes associées aux mécanismes fiscaux. En matière d'impôt, il faut que les choses soient bien claires. Que se produirait-il si nous devions démanteler le régime pour une raison ou pour une autre? Cela aurait eu des conséquences désastreuses. Il aurait mieux valu pour nous que la loi et les dispositions fiscales soient en place, ce qui nous aurait évité beaucoup de préoccupations, et aurait permis d'offrir une gamme d'options élargie.

• 1545

Par l'entremise de la législation, notre société doit proclamer clairement qu'elle approuve le principe de l'actionnariat des employés. J'ai souvent eu l'occasion de parler à des collègues dans d'autres compagnies un peu partout au Canada, et j'ai pu constater que le financement de ces programmes était souvent un obstacle majeur.

Notre expérience nous a montré qu'il importait de fournir les incitatifs financiers nécessaires pour permettre aux employés d'accéder à la propriété. On peut le faire soit en faisant des investissements supplémentaires, soit en facilitant la transition de la propriété d'une génération à la suivante. Il n'est pas réaliste de s'attendre, comme le font les banques, à ce que les actionnaires actuels financent la période suivante pour les actionnaires qui suivront.

Je suis le président actuel de l'Association canadienne de financement et de location. C'est un secteur que je connais fort bien. Je tiens à vous dire que dans notre compagnie, notre plus grosse crainte est d'être rachetés par nos concurrents américains. À l'heure actuelle, il s'agit de quatre multinationales, des compagnies présentes partout dans le monde. À un moment ou à un autre, elles ont toutes offert de racheter notre compagnie.

Lorsque ce sont les employés qui sont actionnaires, ils ne sont pas aussi tentés de vendre à un autre propriétaire que d'autres actionnaires le seraient. Nous sommes la seule compagnie importante qu'il reste au Canada dans ce domaine, et je tiens particulièrement à ce que nous perdurions. À l'heure actuelle, 14 p. 100 seulement des actions appartiennent à nos employés. Mon travail est d'augmenter cette proportion pour assurer notre avenir.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Logan.

Je vais maintenant donner la parole à Julia Markus et John Kidder de la Employee Ownership and Incentives Association. Nous passerons ensuite à Perry.

Mme Julia Markus, (directrice exécutive, Employee Owner and Incentives Association): Merci.

Je tiens à remercier M. Bevilacqua, M. Cullen et les autres membres du comité d'avoir accepté de nous recevoir et de continuer à examiner cette question de l'actionnariat des salariés. Nous sommes tous très heureux d'avoir eu cette possibilité.

Je suis Julia Markus, je suis directrice exécutive de ce qui est aujourd'hui la Employee Ownership and Incentives Association. Monsieur le président, nous avons élargi notre mandat pour comprendre également les options et les régimes d'achat d'actions. Nous sommes une association nationale.

Nous avons aujourd'hui près de 300 compagnies membres d'un océan à l'autre, certaines très petites, d'autres très grandes, des compagnies qui comptent des dizaines de milliers d'employés. Si elles s'adressent à nous, c'est que l'actionnariat des salariés suscite beaucoup d'intérêt. Tout cela date des cinq dernières années. Nous n'avons pas cherché des membres, ils sont tous venus frapper à notre porte.

Il est intéressant de noter que notre bureau central se trouve en Colombie-Britannique et non pas à Toronto, c'est peut-être difficile à croire. Si nous sommes en Colombie-Britannique, c'est que cette province a été la première à offrir des crédits d'impôt pour actionnariat des salariés il y a 12 ans.

Il est important de noter que ces crédits d'impôt pour régime d'actionnariat ouvrier ont été institués par le gouvernement du Crédit social et maintenus par le gouvernement NPD. Le critique libéral pour les questions financières est l'un des membres fondateurs de notre conseil d'administration. Nous pensons que cela va continuer. À cet égard, le régime d'actionnariat ouvrier n'a jamais posé de problèmes.

Aujourd'hui, j'aimerais vous parler de la politique générale, des raisons pour lesquelles il serait bon de développer encore l'actionnariat ouvrier au Canada. Je vais commencer par deux suggestions qui seront mon point de départ. Mais auparavant, un court historique de l'actionnariat ouvrier, de ce principe, serait utile, comment cela a-t-il commencé, à quoi cela devait-il servir.

Louis Kelso, un avocat américain qui est également banquier et spécialisé dans l'investissement, s'est dit un jour que le capitalisme fonctionnerait encore mieux si les employés pouvaient posséder des actions. Il voyait cela comme une forme de pension de retraite pour les employés, ce qui diminuerait d'autant les obligations financières du gouvernement envers les retraités. Au Canada, nous avons les REER, mais ce n'est pas à cela qu'il pensait. Il se disait que si les employés devaient acheter eux- mêmes leurs actions, trop de gens n'auraient pas les moyens d'en profiter. Comme il était spécialiste des investissements, il pensait que si les compagnies pouvaient emprunter de l'argent pour acheter des actions à leurs employés, cela pourrait être considéré comme une transaction commerciale à d'autres égards. En effet, si on leur permettait de déclarer cela comme une dépense commerciale, les actions pourraient alors être versées dans un fonds de fiducie destiné aux employés. Elles seraient détenues au nom des employés jusqu'à leur départ de la compagnie ou, idéalement, jusqu'à leur retraite.

Après que les États-Unis eurent finalement adopté la première d'une série de dispositions fiscales pour encourager les RADS, en 1974, là-bas aussi le système a pris de l'expansion rapidement, et comme vous pouvez le voir, aujourd'hui il y a 11 000 RADS, et 10 millions d'employés qui détiennent des actions.

L'actionnariat des salariés se développant, on a commencé à faire des recherches pour déterminer quels effets cela pourrait avoir, dans quelle mesure cela encourageait les employés à s'impliquer. On s'est aperçu que la productivité avait augmenté, que la main-d'oeuvre était plus stable, et que les compagnies se développaient plus rapidement et créaient plus d'emplois. D'autre part, elles payaient également de meilleurs salaires et offraient des avantages sociaux plus intéressants à leurs employés.

• 1550

Pour comprendre la réaction des employés, il suffit de penser à la différence entre quelqu'un qui loue sa maison et quelqu'un qui est propriétaire.

Par exemple, imaginez que vous louez un chalet au bord d'un lac pour l'été. Vous vous reposez, vous vous amusez, et avant de partir, vous faites un peu de ménage. Toutefois, vous n'avez pas un instant l'idée de faire des travaux d'entretien et des réparations, c'est la responsabilité du propriétaire. Maintenant, imaginez que vous achetiez ce chalet. Immédiatement, vous décidez de construire une véranda tout autour et de jardiner. L'année suivante, vous décidez de réparer les quais. Est-ce que cela vous ennuie de faire tout ce travail supplémentaire? Pas du tout, parce que vous savez que cet investissement augmente la valeur de votre propriété, et qu'en fin de compte vous serez récompensé de vos efforts. Un employé propriétaire subit à peu près la même transformation, je l'ai souvent constaté.

Est-ce que l'actionnariat des salariés augmente vraiment le nombre des emplois et profite vraiment aux entreprises canadiennes? Oui. La création d'emplois est certainement une des grandes priorités de notre pays, et tout aussi certainement, l'actionnariat des salariés est une des solutions.

En voici certains résultats. D'après certaines statistiques, d'après des données du gouvernement de Colombie-Britannique, 8 000 emplois ont été créés directement grâce à des programmes gouvernementaux d'actionnariat des salariés. Or, ces programmes n'ont coûté que 6 millions de dollars en crédits d'impôt sur une période de 10 ans. En règle générale, les programmes d'actionnariat des salariés permettent aux compagnies de se développer, un développement qui est supérieur du tiers à celui de leurs concurrents qui n'ont pas de programmes d'actionnariat des salariés, d'après une étude américaine.

De toute évidence, ces programmes contribuent à créer des emplois, ce qui est la marque d'une entreprise en plein essor. Toutefois, pour prendre de l'expansion, une entreprise a besoin d'argent, et traditionnellement, les compagnies canadiennes ont plus de mal à trouver de l'argent que les compagnies au sud de la frontière. Serait-il possible, donc, de financer la croissance des entreprises grâce à des plans d'actionnariat ouvrier? Oui, et il y a deux moyens d'y parvenir.

Le premier, qui existe déjà, c'est un régime d'achat d'actions par les employés. Au Canada on le désigne comme étant un régime d'actionnariat ouvrier, mais en réalité, c'est un régime d'achat. On vend des actions aux employés. Dans une compagnie privée typique, une petite entreprise, chaque fois qu'on fait une offre d'actions, on peut recueillir plusieurs centaines de milliers de dollars. En Colombie-Britannique, 70 compagnies, profitant des crédits d'impôt pour régime d'actionnariat ouvrier du gouvernement qui offre aux employés un crédit d'impôt de 20 p. 100 sur leur investissement, ont réussi à recueillir plus de 30 millions de dollars.

Je suis convaincu que les régimes d'achat d'actions par les employés ont des objectifs similaires à ceux des fonds d'investissement des travailleurs, comme le fonds Crocus de M. Kreiner, et qu'ils ont de plus l'avantage d'offrir un crédit d'impôt fédéral de 15 p. 100. Pour être justes, les régimes d'achat d'actions devraient bénéficier des mêmes conditions et on devrait pouvoir leur offrir ce même crédit d'impôt de 15 p. 100. Cela suffirait à encourager les provinces qui n'ont pas encore de programmes à en créer un, et dans les provinces qui ont déjà un programme, cela encouragerait les compagnies à s'en prévaloir. À l'heure actuelle, seule la Colombie-Britannique, la Saskatchewan et d'une certaine façon, la Nouvelle-Écosse, ont un programme.

La seconde méthode de financement des entreprises qui comporte un système d'actionnariat des salariés, c'est un modèle semblable à celui dont M. Kreiner vous a parlé. Il s'agirait d'adopter une loi semblable à celle qui existe déjà aux États-Unis et qui permet aux compagnies de tout simplement déduire la partie intérêt de leurs prêts pour pouvoir acheter des actions destinées à un régime pour les employés. Un tel régime n'exige aucun investissement de la part de l'employé.

Ces deux méthodes sont bonnes, et elles profitent à tous les intéressés. Elles ne s'excluent pas mutuellement, elles se complètent. D'un côté la compagnie peut emprunter de l'argent à un coût (après impôt) avantageux, et en échange, les employés reçoivent des actions gratuitement. En plus de cela, grâce à l'autre programme, les employés pourraient investir volontairement s'ils pensent que la compagnie a de bonnes chances de succès. La compagnie obtiendrait ainsi des fonds supplémentaires, mais ce ne serait pas un emprunt. Grâce à cette injection de fonds, les compagnies pourraient prendre de l'expansion et, par voie de conséquences, créer de nouveaux emplois.

On s'est toujours demandé si les régimes d'actionnariat ouvrier et les syndicats étaient des ennemis naturels. Voici une diapositive qui vous donnera une idée du nombre de syndicats qui ont fait l'expérience des RADS, à la fois au Canada et aux États- Unis.

• 1555

Ce n'est pas donc pas un des problèmes, mais il y a d'autres problèmes, importants, que les RADS peuvent contribuer à résoudre. Ce sont d'énormes problèmes, dont il va falloir s'occuper, mais j'ai seulement le temps de les mentionner rapidement.

Il y a par exemple la sécurité de la retraite. Nous savons tous que les baby boomers vont être un fardeau considérable pour notre régime de pensions. Le principe des RADS, au départ, devait être une forme de pension. Aux États-Unis, il arrive fréquemment que des employés possèdent, au moment de leur retraite, des actions qui représentent de trois à cinq années de salaire.

D'autre part, il y a le dilemme des successions, et là encore, c'est une conséquence du baby boom. Un grand nombre de propriétaires d'entreprises approchent de l'âge de la retraite, et trop souvent, leurs héritiers ne s'intéressent pas à l'entreprise ou encore ils n'ont pas pris de disposition pour assurer leur succession. Bref, un grand nombre de compagnies vont fermer leurs portes parce que leurs propriétaires ne trouvent pas d'acheteurs, ou encore un concurrent les rachètera pour avoir accès à leur clientèle, après quoi il fermera la compagnie, car il n'en a pas besoin. Le rachat d'une compagnie par les cadres et par les employés va devenir une des rares possibilités dans ce genre de circonstance et il va falloir l'examiner attentivement.

On m'a demandé également quels problèmes se posent pour développer le principe de l'actionnariat des salariés au Canada. Voici les trois problèmes qui, à mon avis, doivent trouver une solution.

D'une part, il faut encourager les compagnies à offrir des actions à leurs employés. Pour ce faire, il faudra offrir un encouragement financier, soit au propriétaire soit à la compagnie, sinon cela ne les intéressera pas. Je pense que pour le gouvernement ce serait un investissement judicieux. En Colombie- Britannique, les crédits d'impôt pour régime d'actionnariat ouvrier permettent au gouvernement de percevoir 7 $ de plus en nouveaux impôts provinciaux pour chaque crédit d'impôt d'un dollar. C'est tout à fait renversant.

Le deuxième problème, c'est de réduire le risque financier pour les employés. Personnellement, j'ai vu des compagnies achetées par leurs employés qui ont fini par faire faillite. Non seulement ont-ils perdu leurs économies, mais également leurs emplois. C'est une véritable tragédie. Avec les meilleures intentions du monde, ils se sont retrouvés dans une situation impossible. C'est le meilleur argument qui puisse exister pour encourager un type de propriété des employés qui permette à ceux-ci d'acquérir des actions sans que cela leur coûte autre chose que de travailler fort et de faire preuve d'ingéniosité. Pendant ce temps, ils peuvent investir leurs économies ailleurs, et cette diversification est une protection.

Notre troisième problème, bien sûr, c'est de s'arranger pour que cela vaille la peine. Un des arguments, c'est que même avec des régimes d'achat d'actions destinés aux employés, la plupart d'entre eux n'ont pas les moyens d'acheter suffisamment d'actions pour être propriétaires d'un bloc substantiel ou pour changer de façon notable leurs circonstances au moment de la retraite. Tout comme Kelso, je pense que nous devrions considérer les RADS comme un complément des REER.

En conclusion, je ne sais pas si vous le savez, mais tous les pays européens, la majeure partie de l'ancien bloc soviétique, l'Égypte, l'Argentine, l'Afrique du Sud et le Japon ont tous adopté des lois pour encourager l'actionnariat ouvrier. Nous savons que cela accélère la création d'emplois, favorise la performance des compagnies, et que cela est bénéfique à la sécurité financière de tous les participants, et pour toutes ces raisons, il va vraiment falloir que nous nous intéressions à ce système, sinon nous allons rester à la traîne d'autres pays qui possèdent cet avantage-là. Je pense que le moment est extrêmement bien choisi. Nous pouvons profiter de l'expérience de ces autres pays et élaborer une politique législative de pointe pour instaurer des régimes d'actionnariat ouvrier.

Je sais que le reste du pays suivra votre exemple, et je pense qu'il faudrait commencer par deux étapes, très simples: permettre que les prêts RADS soient traités comme des dépenses d'affaires ordinaires et appliquer le crédit d'impôt pour fonds d'investissement des travailleurs de 15 p. 100 au régime d'achat d'actions par les employés.

Je vous remercie, et je vous encourage vivement à vous doter de cet outil remarquable.

Le président: Merci beaucoup, madame Markus.

Je passe maintenant à M. Perry Phillips. Vous êtes le bienvenue.

M. Perry Phillips (membre du conseil d'administration, ESOP Builders Inc.): Merci, monsieur le président, membres du comité, de m'avoir invité cet après-midi.

Je tiens à féliciter Julia pour cet excellent exposé. Elle a réussi à résumer la majeur partie des questions importantes relatives aux RADS au Canada.

Le Canada est le seul pays du G-8, à part la Russie, qui n'ait pas de loi sur les RADS, pas de politique dans ce domaine. Comment cela se fait-il?

• 1600

Voilà maintenant environ huit ans que je viens à Ottawa. J'ai rencontré les deux derniers ministres des Finances et un grand nombre de représentants officiels dans l'administration, ainsi que des sous-ministres. Je suis parvenu à la conclusion que si le Canada n'a pas de régime d'actionnariat d'ouvrier, c'est principalement pour deux raisons.

La première, c'est que cela ne fait pas partie du programme des politiciens. Ils sont quelques-uns seulement à comprendre ce concept, à véritablement comprendre ce que cela pourrait signifier pour notre pays. Mais cela ne suffit pas, vraiment pas.

Deuxièmement, et c'est peut-être plus important encore, et je le dis avec le plus grand respect, les hauts fonctionnaires du ministère des Finances sont hostiles dès qu'on mentionne une loi sur un régime d'actionnariat des salariés. Je ne sais pas pourquoi. J'en ai parlé à d'autres personnes, et j'ai essayé de comprendre cela, mais la seule conclusion que je puisse tirer, c'est que les RADS donnent aux Canadiens un moyen de contrôle sur leur destinée économique. Cela leur donne les moyens de contrôler... personnellement, j'ai l'impression que les spécialistes des finances n'ont pas confiance dans les Canadiens, ils ne les pensent pas capables de contrôler leur propre destinée. Bref, ils n'ont aucune confiance dans les gens qui vous ont élus à cette fin.

Autrement dit, il n'y a vraiment aucune raison pour que le Canada n'ait pas une législation dans ce domaine. Cela n'a rien de nouveau. C'est quelque chose qui existe aux États-Unis depuis 25 ans. Là-bas, un billion de dollars sont investis dans des compagnies qui ont un programme d'actionnariat des salariés. Aux États-Unis, un employé sur trois possède des actions dans la compagnie où il travaille. Au Royaume-Uni, la loi existe depuis 10 ans. Elle a été mise en place sous Margaret Thatcher et élargie sous Tony Blair. Par conséquent, c'est un système qui transcende les partis politiques. Aux États-Unis, ce sont les Républicains qui ont commencé, et les Démocrates ont donné de l'expansion au système, et tout récemment encore, les Républicains l'ont encore élargi.

Je pose donc la question encore une fois, pourquoi le Canada ne fait-il pas partie de ce mouvement?

Les RADS que nous suggérons pourraient résoudre toutes sortes de problèmes. Au Canada, on assiste à un exode des cerveaux, on concurrence des pays qui sont de plus en plus à la pointe du progrès, et si jadis nous réussissions à faire venir dans ce pays des techniciens de pointe et des spécialistes de l'industrie de la connaissance, aujourd'hui nous nous voyons forcés de concurrencer des pays étrangers où les compagnies de haute technologie sont en pleine expansion.

Il y a également le problème du baby boom, le fait que des gens qui ont démarré une compagnie il y a 20 ou 25 ans commencent à penser à leurs remplaçants. Où vont-ils les trouver? Comme Nick l'a dit, ce seront des compagnies américaines. Une fois qu'on a vendu, il est extrêmement difficile de recommencer.

La raison pour laquelle je suis ici aujourd'hui, c'est pour vous prier instamment de prendre les mesures politiques nécessaires, car c'est le seul moyen d'instaurer un tel régime, il faut qu'il y ait une volonté politique. Aux États-Unis, on doit tout le système au sénateur Long, qui était à l'époque président du Comité des finances au Sénat, et qui a décidé qu'il ne voulait pas vivre dans un pays où 1 p. 100 de la population possédait 90 p. 100 de la richesse. Il a donc fait adopter cette loi, justement pour cette raison, et les résultats sont tout à fait probants.

Le moment est venu d'envisager une forme quelconque de législation dans ce domaine. Il faudra examiner la situation dans de nombreux pays afin de voir ce qu'ils ont fait, ce qui marche et ce qui ne marche pas. Mais ici encore, il faudra une détermination politique. Je vous encourage à le faire.

Je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur Phillips.

Monsieur Kidder.

• 1605

M. John Kidder (directeur, Employee Share Ownership and Incentives Association): Monsieur le président, je m'appelle John Kidder. Je tâcherai d'être bref parce que les autres membres de la délégation ont réussi mieux que moi à aborder un grand nombre des points généraux. J'aimerais vous présenter certaines données que vous trouverez à mon avis intéressantes et j'espère convaincantes.

Perry a parlé de la nécessité d'une volonté politique. La volonté politique est nécessaire pour mettre en place une politique publique et la politique publique est nécessaire pour tâcher de mettre en oeuvre les mesures souhaitées par le pays.

Je considère qu'il est tout à fait évident, comme vous pourrez d'ailleurs le constater dans les données que je vais vous présenter, qu'un régime d'actionnariat des salariés est une mesure qui présente d'incroyables avantages pour les entreprises, pour le employés et pour l'ensemble du pays. Donc, j'aborderai très rapidement ces aspects qui ont tous déjà été traités.

Je crois que vous savez tous, et je suis d'ailleurs persuadé que toutes les personnes ici présentes appuient ces objectifs—que le régime d'actionnariat des salariés est une bonne chose pour l'employé puisqu'il offre des gains potentiels intéressants à long terme; le coût d'accès au régime est faible; l'employé comprend clairement la position de l'entreprise puisque la plupart des entreprises appartenant aux employés adoptent une approche transparente; et l'occasion d'avoir un morceau du gâteau qu'ils confectionnent, ce qui représente un élément de satisfaction très important, un élément d'un niveau de vie satisfaisant.

Les intérêts des employés actionnaires correspondent à ceux des autres actionnaires, ce qui est un facteur de motivation au travail à long terme. Le rendement est influencé par la réussite générale et toute l'entreprise profite de l'amélioration de la productivité, ce qui est un élément extrêmement important à cette époque.

En ce qui concerne la perspective de l'employeur, j'en traiterai brièvement. Perry a dit quelques mots de la concurrence que se livrent les entreprises pour recruter du personnel. Je suis moi-même dans cette situation. J'ai une petite entreprise de technologie à Vancouver et je peux vous dire que chaque jour j'entends parler de gens qui ont été recrutés par des entreprises américaines.

Cela nous incite beaucoup à attirer des candidats et à maintenir notre effectif en offrant des avantages équivalant à ceux offerts aux États-Unis. Il est extrêmement important que les entreprises au Canada offrent ce genre d'avantages. Nous ne parlons pas ici d'une énorme réduction des taux d'imposition ou de ce genre de chose. Je ne crois pas que ce soit important. Ce qui est important pour nous, c'est d'offrir aux employés un emploi de qualité équivalente qui offre les mêmes types d'avantages.

En ce qui concerne le rendement, il s'agit d'un incroyable facteur de motivation. Comme Nick l'a dit, lorsque les employés adhèrent pleinement aux objectifs de l'entreprise, cela a une énorme influence au niveau du rendement. Nous savons tous qu'en ce qui concerne la productivité, le Canada est à la traîne des pays du G-7, d'une bonne partie du monde. Nous savons qu'il s'agit d'un important facteur d'amélioration de la productivité, entre autres choses. Cet effort collectif contribue à l'essor de l'entreprise.

Je traiterai rapidement de la situation des nouvelles entreprises, ne serait-ce que parce que je représente une nouvelle entreprise. Nous manquons de liquidités, ce qui est généralement le cas à court terme pour les nouvelles entreprises. Le marché de la main-d'oeuvre est extrêmement concurrentiel à l'heure actuelle. La situation ne fera que s'aggraver au fur et à mesure que les baby- boomers prendront leur retraite. Les actions et les options sont utilisées comme moyen de rémunération concurrentiel. Il ne fait aucun doute que le régime d'actionnariat des salariés est un important facteur à cet égard.

Je ne m'étendrai même pas sur le mérite des actions par rapport aux options. Les options peuvent être compliquées. Les actions sont simples. Les avantages financiers ne sont qu'une partie de l'équation ici. Le sentiment qu'ont les employés d'être en partie propriétaires de l'entreprise est tout à fait différent parce qu'ils ont la possibilité de faire des profits. Je le sais d'expérience car tous les employés de mon entreprise sont propriétaires d'actions dans l'entreprise. Cela est absolument fondamental quant à la façon dont ils considèrent l'entreprise. Ils ont tous aussi des options, ce qui les incite à examiner chaque jour le cours des actions. Cela entraîne une façon tout à fait différente de voir les choses.

Je ne sais pas si vous pouvez le voir, mais vous avez les diapositives dans votre trousse d'information quelque part. Laissez-moi rapidement résumer certains des résultats de la recherche, qui sont d'une énorme importance.

Tout d'abord, une étude a été faite par Rutgers. Les entreprises qui ont en place un RADS ont connu une croissance supérieure de 2,35 p. 100 par année. Les chiffres sont peut-être plus importants, mais sur dix ans, on attribue à l'existence de régimes d'actionnariat des salariés une croissance supplémentaire de 26 p. 100. Dans l'État de Washington, les entreprises qui offrent des régimes d'actionnariat des employés offraient une rémunération de 5 à 12 p. 100 supérieure à celle des entreprises n'offrant pas de RADS, et les prestations de retraite étaient environ trois fois plus élevées. Cela représente un avantage très important pour les employés.

L'université Northwestern évalue que le rendement des actifs des entreprises qui offrent des RADS—je suis un directeur général donc ces choses sont importantes à mes yeux—augmente de 6,9 p. 100 après la mise en place du RADS. Si ce pourcentage est composé sur dix ans, il s'agit de 95 p. 100.

Selon l'étude Rutgers, la croissance du prix des actions dans les entreprises qui offrent un RADS était de 133 p. 100 supérieure à celle des entreprises qui n'offrent pas de RADS. Ces données ont trait à la période de 1992 à 1997 au cours de laquelle les marchés boursiers fluctuaient assez rapidement. Bien sûr, on peut ergoter sur le fait de savoir si le prix des actions est une bonne façon d'évaluer le rendement d'une entreprise, ce qui n'est certainement pas le cas à bien des égards, mais de toute évidence le rendement de ces entreprises a nettement dépassé celui d'autres entreprises à ce chapitre.

Une étude a été faite à la Bourse de Toronto dont j'ai trouvé les résultats ahurissants. On a constaté une productivité de 24 p. 100 plus élevée; un taux de croissance des bénéfices sur cinq ans de 123 p. 100 plus élevé; des marges bénéficiaires nettes de 95 p. 100 plus élevées; et un rendement du capital de 65 p. 100 plus élevé. Ce sont des chiffres incroyables. Si vous trouvez un élément dans la politique gouvernementale qui vous permet de faire aussi rapidement la distinction entre les entreprises à haut rendement et celles dont le rendement laisse à désirer, je suggère que vous l'utilisiez sans tarder, tout comme je vous suggère d'opter sans tarder pour cette solution.

En ce qui concerne les marges d'exploitation, elles affichent une hausse de 2 p. 100 par année, ce qui équivaut à une croissance composée de 23 p. 100 sur dix ans. Je ne peux pas résister à ce genre de chose, pas plus que mes actionnaires. Je veux que tous les actionnaires de mon entreprise, tous les employés, soient propriétaires afin qu'ils ne puissent pas y résister non plus. Il s'agit de toute évidence d'une mesure extrêmement incitative et je considère que le gouvernement peut lui aussi y recourir à très peu de frais.

• 1610

Donc, il est évident qu'un régime d'actionnariat des salariés présente des avantages pour l'employé autant que pour l'employeur. J'aimerais maintenant vous parler des avantages pour le contribuable, car nous sommes tous des contribuables. En plus d'avoir divers intérêts personnels, nous vous faisons tous des chèques dont nous vous confions l'administration.

Pour le contribuable, ces crédits d'impôt sont des mécanismes extrêmement efficaces de création d'emplois—je vais me servir surtout des données de la Colombie-Britannique dont Julia a parlé plus tôt—et des mesures extrêmement efficaces de production de recettes.

Voici les données du gouvernement de la Colombie- Britannique que j'ai sous les yeux. Je n'ai pas l'étude directe mais je m'inspire de sources secondaires. Un programme RADS de dix ans a permis de créer 8 000 nouveaux emplois et de produire environ 30 millions de dollars de recettes. Le crédit d'impôt est de 20 p. 100. Par conséquent, des dépenses fiscales de 6 millions de dollars ont permis de créer 8 000 nouveaux emplois. Je signalerai que cela représente 750 $ par emploi. Vous voudrez peut-être demander à DRHC et Industrie Canada et certains autres ministères comment ils se débrouilleraient avec 750 $ par emploi. C'est une façon de travailler extrêmement efficace.

Le gouvernement a calculé qu'en Colombie-Britannique, il reçoit 7 p. 100 de nouvelles recettes fiscales sur une période de dix ans pour une dépense fiscale de 1 $. Il s'agit d'un taux de rendement interne de 33 p. 100. C'est difficile à battre. Je sais quels sont les taux de rendement minimal pour les investissements du gouvernement et il ne fait aucun doute qu'ils sont inférieurs à 33 p. 100. C'est une façon extrêmement rentable de créer des emplois, en plus de s'avérer un investissement remarquablement solide.

Il s'agit de la situation en Colombie-Britannique. Si vous extrapolez ces chiffres pour l'ensemble du Canada et vous faites quelques hypothèses, disons par exemple que le gouvernement fédéral offre un crédit de contrepartie de 20 p. 100. Donc, nous tâchons de surestimer les dépenses fiscales conformément à la direction donnée par notre ministre des Finances. Cette direction fédérale détermine le programme national, c'est-à-dire que les autres provinces disent: «Très bien, nous avons une certaine direction provenant du gouvernement fédéral, nous pouvons suivre la Colombie-Britannique, le Manitoba et la Nouvelle-Écosse», qui sont les trois à l'heure actuelle. Et partons du principe alors qu'à la suite de cette participation nationale, il dépasse de 20 p. 100 le taux en vigueur en Colombie-Britannique.

Les chiffres sont assez clairs. Pour obtenir ce résultat, les dépenses fiscales fédérales devraient être de 5,4 millions de dollars par année. Ce montant ne représente pas précisément une bagatelle pour une petite entreprise, mais ce n'est pas une dépense fiscale très importante. Il suffit de comparer ce montant avec vos programmes FODER, de comparer avec le montant de tout autre programme de crédits d'impôt—et vous constaterez qu'il s'agit d'une très petite somme d'argent.

Le résultat c'est que sur 10 ans, l'investissement total produit, en fonction des chiffres de la Colombie-Britannique serait de 268 millions de dollars. Il s'agit d'un effet multiplicateur stupéfiant. Il n'y a pas beaucoup d'autres programmes qui donneront ce résultat, ni beaucoup d'autres moyens de gérer votre politique financière. Si vous suivez le modèle en vigueur en Colombie- Britannique, cela permettrait la création de 71 000 nouveaux employés, ce qui représente ici encore 750 $ par emploi. Et selon le modèle de la Colombie-Britannique, on obtiendrait 375 millions de dollars en nouvelles recettes fiscales au cours de cette période.

Je me ferais un plaisir de discuter avec ceux que cela intéresse ou de fournir les données que j'ai aux attachés de recherche afin qu'ils puissent vérifier la chose. Je tiens à indiquer que même si vous réduisez de moitié ces chiffres, cela demeure un moyen extrêmement efficace d'influer sur le comportement.

Il ne fait aucun doute que cela entraîne une amélioration du rendement des affaires; il suffit d'examiner les chiffres de la Bourse de Toronto, des entreprises locales. Il ne fait aucun doute que cela améliore la sécurité des employés et accroît la productivité parce que les employés s'impliquent dans leurs entreprises; un régime d'actionnariat des salariés plus répandu au Canada permettra de remédier à certaines des choses dont Nick a parlé et à parer à une menace constante; et bien sûr à améliorer les recettes gouvernementales. Tous ces résultats découlent d'une série relativement simple de mesures telles que celles recommandées par Julia.

En résumé, les RADS sont efficaces. Ils représentent un moyen rentable de favoriser la croissance économique. On peut s'attendre à un appui dénué de partisanerie envers une telle mesure, et je dirais que tous les membres de la table ronde en ont parlé. Je crois que ce type de programme répond aux besoins généraux des citoyens, des entreprises, des pauvres et des riches—tout le monde peut appuyer ce genre de programme parce qu'il est tout simplement logique. Les dépenses fiscales nécessaires sont faibles et les résultats sont mesurables et considérables. Vous pouvez tabler là- dessus. Vous pouvez établir un certain programme de dépenses fiscales et vous pouvez dire «En fonction de l'expérience antérieure, voici les résultats que nous escomptons», et vous pouvez alors évaluer si ces résultats se sont concrétisés ou non. Et vous comprendrez qu'il s'agit d'un programme qui mérite votre appui, et que votre comité doit encourager par le biais de ce projet de loi.

Merci beaucoup.

Le président: Je vous remercie, monsieur Kidder.

Nous allons maintenant passer aux questions. Chaque membre dispose d'un maximum de 10 minutes pour poser des questions.

M. Ken Epp (Elk Island, AC): Je vous remercie, monsieur le président.

Je trouve ce sujet vraiment très intéressant. Je me demandais comment nous pourrions incorporer ce régime au gouvernement fédéral et faire en sorte que les employés du gouvernement deviennent davantage des actionnaires dans le pays qu'ils ne le sont à l'heure actuelle. Dans un certain sens nous sommes tous des actionnaires de ce pays.

J'ai quelques questions. C'est une étrange coïncidence que vous comparaissiez devant nous aujourd'hui car il y a à peine trois jours, je parlais à deux types qui travaillaient pour les Lignes aériennes Canadien. C'est intéressant car un type m'a dit que toute cette histoire lui a coûté 100 000 $ parce qu'il possédait des actions dans sa propre entreprise.

• 1615

Comme vous le savez, les Lignes aériennes Canadien avaient un programme de participation des employés très solide simplement pour permettre à l'entreprise de survivre. Il m'a dit qu'il a perdu 100 000 $. Il avait payé ses actions 110 000 et à la fin, elles lui ont rapporté 10 000 $. Il a dit que ce n'était pas une bonne affaire, mais le seul avantage qu'il pouvait faire valoir, c'est qu'il a conservé son emploi environ trois ans de plus que cela n'aurait été le cas s'il n'avait pas conclu cette entente particulière. Donc il a effectivement indiqué que ce programme lui a été d'une certaine aide indirectement.

J'aime l'enthousiasme que vous manifestez pour cette question. C'est très bien. Mais aucun d'entre vous n'a émis la moindre mise en garde à l'intention des membres du comité des finances quant aux inconvénients et aux risques que présente un tel régime. Vous n'en avez mentionné aucun mais vous devez savoir qu'ils existent.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Je pense que vous avez dû piquer un roupillon.

M. Ken Epp: Absolument pas.

Mme Carolyn Bennett: C'est indiqué ici sous «risques».

Mme Julia Markus: C'est l'un des problèmes, le risque que les employés perdent leur investissement.

M. Ken Epp: Très bien.

Mme Julia Markus: Puis-je répondre à cette question?

M. Ken Epp: Bien sûr, allez-y.

Mme Julia Markus: Je suis assez bien au courant du rachat de Lignes aériennes Canadien par les salariés. De fait, l'un des secrétaires au trésor du conseil d'administration avait été le secrétaire au trésor international des machinistes qui avait pris l'initiative du rachat pour assurer la survie de la compagnie aérienne. Je me suis bien renseignée sur cette initiative et je peux dire qu'elle a été très mal conçue. Le programme a été établi de façon à ce que les employés n'avaient aucun contrôle sur le capital et n'avaient aucune participation réelle à la prise de décisions. Il s'agissait d'une situation très difficile qui aurait pu être évitée si un règlement avait prévu l'établissement de régimes d'actionnariat des salariés, ce qui bien sûr aurait été rendu possible s'il avait été financé par les recettes fiscales. Je crois que la participation du gouvernement joue un rôle très important en ce sens qu'elle permet de prévenir ce genre de situations.

M. Ken Epp: Mais on court toujours des risques, lorsqu'on a des actions dans une entreprise, que l'entreprise n'affiche pas le rendement prévu. Je sais que la participation des employés, telle que vous la proposez, améliorerait certainement les probabilités de succès parce que cela motive vraiment les employés à unir leurs efforts.

J'ai travaillé dans les deux genres d'entreprises, c'est-à- dire les entreprises dont les employés sont propriétaires et d'autres entreprises qui ne comptent que des employés. Une chose que j'ai constatée, c'est que s'il y a deux ou trois personnes qui travaillent ensemble et qui sont propriétaires de l'entreprise, celui qui ne fait pas sa part subirait vite la pression des pairs et serait invité à faire un effort, tandis que lorsqu'il s'agit simplement d'employés vous préférez ne pas faire de vagues et ne rien dire.

Il y a donc cet aspect, mais il y a aussi de nombreux facteurs qui ne relèvent absolument pas du contrôle ou même de l'influence des employés ou des actionnaires qui ne sont pas des employés. C'est donc un risque supplémentaire dans ce sens-là.

J'aimerais passer à une autre question. Vous avez indiqué quelques mesures en particulier que les gouvernements devraient prendre. Vous avez parlé d'autoriser des prêts pour l'achat d'actions pour les employés et d'offrir la possibilité d'inscrire l'intérêt comme dépense d'entreprise. Avez-vous songé à d'autres mesures d'encouragement fiscal?

M. Sherman Kreiner: Je peux peut-être répondre à cette question.

Le modèle américain dont Julia et moi-même avons parlé tâche essentiellement d'offrir une série d'encouragements fiscaux alignés pour tous les actionnaires dans le cadre de la transaction. Cela permet donc de créer un encouragement fiscal pour l'actionnaire- vendeur. L'actionnaire-vendeur peut vendre à n'importe qui. Mais si l'actionnaire-vendeur vend à un groupe d'employés, on a alors affaire à un traitement fiscal différent des gains en capital que si l'actionnaire-vendeur vend ailleurs. Si 30 p. 100 ou plus de l'entreprise est vendue aux employés, alors l'actionnaire-vendeur n'a à payer aucun impôt sur les gains en capital. Il s'agit d'un transfert libre d'impôt qui permet de prendre le produit d'une vente et de l'investir dans une entreprise admissible, il peut s'agir d'IBM ou d'une jeune entreprise, et cette personne n'a pas à payer d'impôt sur les gains en capital jusqu'à ce qu'elle dispose de l'investissement qu'elle fait par la suite. Donc on veut inciter les actionnaires à vendre aux employés.

En ce qui concerne l'entreprise même dont les employés sont propriétaires, le mécanisme est un mécanisme d'emprunt, un mécanisme d'endettement externe. Pour s'assurer que l'entreprise n'est pas trop financée à crédit, les paiements de l'intérêt et du capital sont déductibles d'impôt. C'est une façon d'encourager l'entreprise à procéder de cette façon.

Ensuite, pendant une douzaine d'années au cours des années 70 et 80, la loi américaine prévoyait également des mesures d'encouragement à l'intention des prêteurs pour faciliter leur participation aux transactions. Une fois que la transaction est devenue habituelle ou normale, ils ont cessé de le faire. Mais ils ont accordé un crédit d'impôt de 50 p. 100 sur l'intérêt au prêteur qui consentait des prêts dans le cadre de transactions qui facilitaient la vente par un actionnaire-vendeur de 30 p. 100 ou plus de l'entreprise aux employés. Par conséquent toutes les parties qui participaient à cette transaction étaient encouragées à y participer par une série de mesures d'encouragement qui correspondaient à leurs besoins.

• 1620

Une fois que cela est devenu pratique courante, il n'était plus nécessaire de fournir ces mesures d'encouragement aux prêteurs. Il s'agissait alors d'une transaction de prêts courante et la mesure d'encouragement fiscal à l'intention des prêteurs a été éliminée de la loi américaine, sans que cela ait de conséquences sur le taux ou l'ampleur de la participation à ces régimes.

M. Ken Epp: Est-ce que ce n'est pas un cauchemar pour le IRS des États-Unis, pour ce qui est d'attirer ces différents éléments?

M. Sherman Kreiner: Les entreprises qui offrent un RADS remplissent des déclarations standard ordinaires. Il y a 11 000 entreprises qui font ces déclarations et il semble exister des mécanismes de protection appropriés sur le plan administratif qui permettent de suivre les programmes, les avantages pour les employés et les avantages fiscaux qui s'y rattachent.

M. Ken Epp: C'est une question que je voulais en fait poser en premier. Pour revenir à Crocus, vous êtes un groupe-cadre qui gère les actions de différents employés de différentes entreprises. Est- ce bien votre rôle?

M. Sherman Kreiner: Non, nous sommes un fonds de placement. Nous sommes une société à capital de risque de travailleurs. Les actionnaires du Manitoba investissent auprès de nous, puis nous investissons notre argent dans de petites et moyennes entreprises du Manitoba, en leur donnant surtout des capitaux propres pour favoriser leur croissance.

Nous avons considéré entre autres qu'il était important, pour aider les entreprises à prendre de l'expansion et pour assurer la survie de ces entreprises dont le Manitoba est propriétaire, de nous donner comme l'un de nos objectifs de tâcher de faciliter pour ces entreprises la transition vers l'actionnariat des salariés.

La question soulevée par Julia était comment procède-t-on pour transférer ces entreprises d'une génération à l'autre car il existe un grand nombre d'entreprises familiales. Il n'existe aucun plan de succession. Les enfants ne sont pas là. Ils sont devenus médecins ou avocats ou quoi que ce soit. Ils ne sont pas intéressés à prendre la relève. Ceux qui veulent exploiter l'entreprise et assurer sa survie sont les gestionnaires et les employés de l'entreprise, mais personne ne les considère comme des acheteurs sérieux parce qu'ils n'ont pas suffisamment de ressources pour pouvoir acheter l'entreprise.

L'idée de Crocus Investment Fund était de créer un fonds supplémentaire de capitaux de façon à ce que leur argent et notre argent puissent faciliter une transition graduelle, au lieu que le propriétaire ferme définitivement son commerce le jour où il prend sa retraite ou le vende à un propriétaire extérieur, qui achète pour la part de marché et non pas pour la capacité d'exploitation. Comme nous sommes très éloignés des centres commerciaux, à la première occasion de rationalisation, l'entreprise manitobaine fermera ses portes. Nous tâchons de faciliter un processus qui favorise la participation des employés à l'entreprise, parce qu'ils en assureront le fonctionnement d'une génération à l'autre.

Comme l'actionnariat des salariés a des répercussions commerciales positives, vous pouvez commencer à mettre en oeuvre ce régime lorsque le propriétaire a 45 ans, 50 ans ou 55 ans. Il n'est pas obligatoire que cela se fasse au moment même de la transition. Si les employés ont des intérêts dans l'entreprise, cela augmentera la valeur des actions du propriétaire au cours des 20 ou 25 prochaines années. Les employés auront alors un investissement suffisamment important pour que cela devienne une autre option de planification successorale. Il pourra décider de leur vendre l'entreprise ou non, mais s'ils sont propriétaires à 15 p. 100, 20 p. 100 ou 25 p. 100 de l'entreprise, cela devient une autre option réelle et une solution de rechange à vendre les actifs et à fermer l'entreprise lorsqu'il atteint l'âge de 65 ou 70 ans et n'arrive à trouver aucun autre acheteur.

Notre objectif est de fournir des capitaux pour favoriser la croissance de ces entreprises; pour aider à les transformer en entreprises dont les employés sont des actionnaires minoritaires, qui s'intéressent à leur expansion; et ensuite de faciliter une importante transition vers l'actionnariat des salariés à l'âge de la retraite, si cela intéresse le propriétaire.

Le président: Madame Markus.

Mme Julia Markus: J'aimerais situer les choses dans leur contexte. L'un des grands cabinets d'experts-comptables a récemment fait une étude dans laquelle il indique que c'est une situation à laquelle vont faire face les entreprises canadiennes qui représentent une valeur de 1,7 billion de dollars. Selon différentes études, entre 50 p. 100 et 80 p. 100 de ces entreprises n'ont aucune idée de la stratégie de départ qu'elles vont adopter. C'est une situation assez effrayante si nous considérons que ce sont les entreprises qui sont les productrices de richesse dans notre pays.

Le président: Monsieur Epp.

M. Ken Epp: Vous avez également parlé de productivité. Notre comité a fait une étude sur ce sujet et j'ai trouvé intéressant de voir qu'on y faisait la corrélation entre la productivité et le niveau de vie sans les considérer comme équivalents. On parlait de la production économique par employé. Cela signifie qu'on ne tient aucun compte des chômeurs dans le calcul de la productivité, même si le chômage influe sur le bien-être économique de tout le pays.

Quand vous parlez de productivité, je suppose que vous parlez d'une augmentation de la production par employé. Cela semble être le thème de votre exposé. Vous nous avez débité rapidement des chiffres, mais je me demande si vous avez des données concrètes venant des États-Unis, par exemple, où ces choses-là ont fait l'objet d'expériences plus poussées qu'ici—des chiffres sur la productivité réelle, plutôt que sur la production par entreprise, etc.

Mme Julia Markus: Comment définissez-vous la productivité réelle?

M. Ken Epp: D'après notre définition—et c'est la meilleure que j'ai pu trouver—la productivité se définit comme la production économique par employé.

• 1625

Mme Julia Markus: Vous voudriez qu'on tienne compte également du chômage dans ce calcul?

M. Ken Epp: Au sujet du chômage, d'après vos travaux, vous dites qu'il faut embaucher plus de travailleurs, mais si vous embauchez davantage de gens, la production de l'entreprise doit croître à un taux supérieur au pourcentage des nouveaux employés.

M. Sherman Kreiner: C'est ce qu'a révélé l'étude. Il y a deux effets. La croissance des revenus et la croissance de l'emploi augmentent. En outre, il y a une augmentation de la production par employé, même si l'on tient compte de la croissance de l'emploi.

Il y a donc deux résultats simultanés. L'entreprise croît plus rapidement, le nombre des emplois augmente et la production par employé est également accrue, si l'on tient compte de l'augmentation du nombre des employés associés à la croissance de l'emploi.

M. Ken Epp: Je voulais simplement m'assurer que c'était bien la définition de la productivité.

M. Sherman Kreiner: Oui, et les études sont vraiment très perfectionnées parce qu'on en fait maintenant dans ce domaine depuis 27 ans. On examine des paires d'entreprises correspondantes—des entreprises traditionnelles particulières qui possèdent des caractéristiques identiques ou aussi identiques que possible sont appareillées à d'autres entreprises qui ont un régime d'actionnariat des salariés, de gestion participative, ou une combinaison des deux.

Mme Julia Markus: Vous trouverez un résumé de toutes les recherches pertinentes dans la trousse de documents que nous vous avons remise.

M. Sherman Kreiner: Nous avons fait de même.

M. Ken Epp: Nous venons de les recevoir.

M. Sherman Kreiner: Il existe à l'heure actuelle 43 études aux États-Unis. Il est intéressant de constater qu'à peu près toutes en arrivent à la même conclusion.

M. Ken Epp: D'accord, merci.

M. Nick Logan: Le problème, lorsqu'on mesure la productivité d'une entreprise, c'est que si l'entreprise n'est pas productive, elle n'existera plus lorsque vous finirez de la mesurer.

Je travaille sur les marchés monétaires, et si nous n'arrivons pas à prêter notre argent, nous devrons fermer boutique. La productivité n'est donc pas un très bon point de mesure.

M. Ken Epp: J'ai une dernière question à poser au sujet de votre relation avec les employés. Avez-vous constaté une augmentation du niveau d'inquiétude chez les employés? C'est un peu le revers de ce que je disais tout à l'heure; si l'entreprise appartient à tous les employés, il semble qu'ils exercent des pressions entre pairs et que les employés doivent rendre des comptes les uns aux autres.

Dans les entreprises en régime d'actionnariat des salariés, j'ai l'impression que cela pourrait également entraîner une augmentation des conflits entre les employés parce que tous les employés ne produisent pas autant les uns que les autres. Certains auront des difficultés. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Perry Phillips: Je crois pouvoir répondre à cette question. Dans les entreprises où on a adopté un RADS, tous les employés de la société ne participent pas nécessairement. C'est d'émotions et de comportements humains qu'il est question. Il y a généralement un certain pourcentage d'employés, environ 10 p. 100, qui n'investissent pas dans l'entreprise en raison de leur profil de risque. Ces personnes font l'objet de certaines pressions par leurs pairs pour qu'ils investissent. Ils quittent généralement l'entreprise et celle-ci attire d'autres employés plus entreprenants.

Vous avez raison, ce n'est pas un régime qui convient à tout le monde, mais parce que les taux de participation sont suffisamment élevés, il crée au sein de l'entreprise le sentiment que tous les employés sont dans le même bateau et qu'ils doivent tous ramer dans la même direction.

Le RADS n'est pas une panacée. Vous avez mentionné CP. Quand la conjoncture économique pousse une entreprise vers la faillite, elle fait faillite. Rien ne peut l'empêcher. Vous pouvez toujours la soutenir artificiellement, mais c'est un usage fautif de l'économie.

Le RADS est excellent pour les entreprises en croissance qui veulent encore s'améliorer. Aux États-Unis, les études ont révélé que sur 10 entreprises en situation de réorganisation, comme c'était le cas de CP, neuf ont réussi à redresser la barre grâce au RADS. CP a sans doute été seule sur les 10 qui n'a pas réussi.

Le président: Monsieur Kidder.

M. John Kidder: Permettez-moi de répondre à la dernière question et à la première.

Je ne peux pas imaginer de programme gouvernemental qui éliminerait tous les risques dans le milieu des affaires. Aucun d'entre nous ne préconiserait une telle chose. Il est certain qu'il existe une sélection naturelle très importante qui fait le tri entre les bonnes sociétés et les mauvaises, les bons plans d'affaires, etc. Mais dans une certaine mesure, la participation des employés, sous quelque forme que ce soit, atténue ce risque. Cette participation réduit grandement le risque.

• 1630

Je suis certain que mon entreprise est bien différente de celle de Nick, parce que nous travaillons dans le domaine de la haute technologie, que nous venons de démarrer et que notre situation n'est pas sans péril. L'échec nous guette à tout moment et tous les employés en sont conscients.

Lorsque les employés travaillent à salaire et qu'ils savent que l'entreprise pourrait devoir fermer ses portes à un moment donné, cela crée des pressions. Lorsque les employés sont actionnaires, les mêmes pressions existent. Cet élément ne change pas. L'employé peut perdre son gagne-pain, ses avantages, son régime d'assurance médicale, etc. Mais il existe par contre des incitatifs différents. Il y a donc moins de chances d'échec. Je ne sais pas s'il y a des données à ce sujet dans les très nombreuses études réalisées aux États-Unis, mais il doit bien y en avoir, ou on pourrait les trouver ailleurs.

C'est un élément très important. Rien ne peut éliminer le risque. Mes employés—et c'est une anecdote tirée de mon expérience personnelle—me demandent constamment comment on pourrait améliorer notre travail, comment nous pourrions atténuer ou réduire le risque. Ou alors ils me disent: «Vous avez vu cela? J'ai trouvé un nouveau concurrent sur le Web. Mais que font-ils donc?».

Leur réaction est différente d'employés qui ne sont pas propriétaires de l'entreprise. Leur degré de tension est probablement plus grand, je suppose, parce qu'ils auront leur part du résultat et qu'ils ont l'impression de bâtir l'entreprise. D'après mon expérience, cela crée une mentalité bien différente.

Le président: Merci.

Madame Markus.

Mme Julia Markus: Je tiens à répéter que si nous recommandons la création d'un régime d'actions sans frais pour les employés, c'est en partie à cause de la différence au niveau financier et la différence au niveau du risque entre les employés. J'ai vu se développer dans une entreprise une mentalité de pauvres et de bien nantis qui peut être divisive.

Si vous mettez en place un RADS dont les actions sont versées aux comptes des employés, tous les employés sont traités de la même façon. Tous participeraient et recevraient l'incitatif, mais cela éliminerait une partie du risque.

Le président: D'accord.

Monsieur Cullen, puis madame Barnes.

M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.

Merci à tous nos témoins. J'en connais certains parmi eux. Merci d'être venus nous rencontrer et je vous encourage à garder patience. Je suis bien content que vous soyez venus.

À mon avis, la productivité est une question importante. Je sais que le président et notre comité s'y intéressent beaucoup. Si vous examinez les tendances de la productivité au Canada comparativement aux États-Unis, même s'il y a eu une augmentation de la productivité ici, nous avons toujours eu de la difficulté à atteindre le rythme des États-Unis. Et cela est très révélateur de notre niveau de vie et de notre revenu disponible, entre autres.

Monsieur Kidder, vous avez parlé de l'étude faite par Northwestern. Si l'on veut obtenir un rendement de 6,9 p. 100 de plus sur l'actif après la mise en place d'un RADS, il me semble que de nombreux indicateurs révèlent qu'il y a effectivement un gain de productivité. Si vous regardez tous les facteurs de productivité, le rendement sur l'actif est un assez bon indicateur pour tirer davantage de l'actif, il me semble. L'étude faite par la Bourse de Toronto... une augmentation de 24 p. 100 de la productivité. Je suppose qu'il s'agit de la productivité par employé. Mais je sais... cet argument de la productivité me semble fort convaincant.

Monsieur Kidder, vous avez parlé des dépenses fiscales fédérales de 5,4 millions de dollars par année et vous avez offert de communiquer ces renseignements au comité et à nos attachés de recherche. Cela nous serait très utile car je sais que lorsque Perry, Julia et moi-même avons essayé d'obtenir des renseignements auprès du ministère, nous avons obtenu des chiffres beaucoup plus élevés que cela. Évidemment, c'est logique si le ministère n'est pas d'accord avec l'idée. Lorsqu'on fait des estimations, on peut être plus ou moins modéré. Ce serait intéressant de savoir comment vous en êtes arrivé à ce chiffre car il est beaucoup plus bas que celui que nous avons obtenu. Cela dépend évidemment de la mesure fiscale qui est mise en oeuvre.

J'ai deux questions à poser. Pourriez-vous expliquer la différence entre les régimes d'achat d'actions par les employés et les régimes d'actionnariat des salariés—pour ceux qui veulent répondre à cette question? Les régimes d'achat d'actions par les employés touchent-il plus particulièrement les grandes sociétés cotées en bourse? Pourriez-vous définir la différence?

M. Sherman Kreiner: Le principe de base est différent. Dans un régime d'achat d'actions par les employés, on encourage les employés à prendre de l'argent de leurs poches, à acheter des actions de l'entreprise et à obtenir le plus grand bénéfice possible. Pour cela, on leur offre un crédit d'impôt qui leur permet d'avoir un meilleur rendement sur leur investissement.

Un régime d'actionnariat des salariés est une façon pour l'entreprise de financer son actif. C'est un régime qui finance l'actif de l'entreprise. Les employés font un emprunt collectif sur l'actif de la société pour créer un régime d'actionnariat.

• 1635

Il y au une différence fondamentale entre les deux et le régime d'actionnariat des salariés est le modèle qui existe aux États-Unis. S'il existe un modèle au Canada, c'est celui du régime d'achat d'actions par les employés. Une structure de propriété aussi étendue que possible influe grandement sur la productivité et d'autres facteurs.

Il est intéressant de voir qu'au Canada, dans les sociétés privées moyennes en régime d'actionnariat des salariés—et il y en a moins qu'aux États-Unis—les employés possèdent 11 p. 100 des actions. Aux États-Unis, dans le même type d'entreprise, les employés possèdent 35 p. 100 des actions. Dans les sociétés canadiennes cotées en bourse, les employés possèdent 5 p. 100 des actions contre 14 p. 100 aux États-Unis. Aux États-Unis, dans les entreprises où existe un régime d'actionnariat des salariés, le taux de participation est si élevé que dans bien des cas, 80 à 90 p. 100 des employés participent au régime. Au Canada, dans plus du tiers des régimes d'actionnariat des salariés, moins de la moitié des employés non cadres participent au régime.

Si vous examinez la structure et l'étendue de la propriété, le modèle de régime d'actionnariat des salariés montre une bien plus grande participation et un pourcentage beaucoup plus élevé de la propriété. Dans les modèles d'achat d'actions, beaucoup moins d'employés participent et le pourcentage de propriété est beaucoup moins élevé. Si l'on veut augmenter l'emploi, les ventes et la productivité, il faut avoir une structure de propriété plus étendue et des pourcentages plus élevés. Il est beaucoup plus efficace de financer l'actif de l'entreprise que les actifs personnels pour augmenter la propriété.

M. Roy Cullen: Bien. Chacun des membres du groupe pourrait peut-être faire des observations sur ce qui suit. En ce qui concerne les régimes d'actionnariat des salariés, voulez-vous dire que les employés seraient tenus, ou obligés également, de contribuer? Je pense en effet à l'argument de M. Epp au sujet du risque, ainsi qu'à celui de Mme Markus concernant le sentiment d'un plus grand engagement et d'une grande participation. Quelle formule envisageriez-vous?

Perry, voulez-vous essayer de répondre?

M. Perry Phillips: Certainement. Nous sommes probablement d'un avis un peu différent. D'après notre expérience, si quelqu'un fait un placement et doit effectivement signer un chèque, il s'intéresse davantage à l'entreprise concernée. Il n'est pas nécessaire de vider son compte en banque pour investir dans l'entreprise, mais il faut une forme d'investissement, c'est-à-dire qu'il faut faire un chèque, car nous constatons que le placement devient alors réel pour la personne. Lorsqu'on donne quelque chose à quelqu'un, c'est parfois la valeur que la personne attribue à la chose en question. Nous n'irions cependant pas jusqu'à suggérer qu'il faudrait encourager les gens à investir une grande partie de leur argent dans leur propre entreprise.

M. Roy Cullen: Merci.

Vous avez mentionné un grand nombre des avantages qui découlent des régimes d'actionnariat des salariés. Si vous pensez à la situation démographique, à la génération du baby boom, et aux pressions que ces gens vont exercer sur notre régime de retraite... Nous avons examiné cette question de la génération du baby-boom, de la planification des successions, et certaines idées qui sont ressorties de cet examen ont un certain sens.

En ce qui concerne les sources de capitaux, pour les PME par exemple, qui représentent toujours un défi, pourriez-vous donner au comité un peu plus d'explications? Si des employés, par exemple, n'investissent rien de leurs poches, évidemment si le placement est déductible de l'impôt... L'un des témoins a mentionné que le principal et les intérêts seraient déductibles aux fins de l'impôt. Vous pourriez peut-être expliquer comment cela fonctionnerait. C'est une disposition plutôt généreuse. Mais est-ce que c'est un financement par emprunt exempt d'impôt qui fournirait une nouvelle source de capitaux, d'où viendraient effectivement ces nouveaux capitaux?

Perry, pourriez-vous répondre?

M. Perry Phillips: Sherman peut répondre à la question concernant le capital de risque.

Nous avons constaté qu'il y avait du financement ordinaire disponible pour ces émissions. Autrement dit, les employés investissent certainement une portion de leurs capitaux. Cet argent peut provenir de leurs REER. Il peut provenir aussi de contributions courantes ou passées, et ensuite le vendeur peut effectuer une reprise. Autrement dit, comme dans le cas d'une hypothèque... si l'entreprise est vendue 10 millions de dollars, le vendeur pourra reprendre 4 millions ou 5 millions de dollars et obtenir ainsi son financement. Il y a aussi des institutions financières qui examinent les questions liées à la succession et qui financent des marchés à même des emprunts fondés sur l'actif de l'entreprise.

M. Roy Cullen: Vous pourriez peut-être m'expliquer ceci, Sherman. Je pensais que vous aviez parlé de déductibilité du principal et des intérêts. Pourriez-vous m'expliquer? Disons que des employés n'investissent rien de leurs poches. D'où viendront les capitaux?

M. Sherman Kreiner: Ils viendraient d'un prêteur traditionnel. C'est le prêteur traditionnel qui prêterait l'argent au fonds d'avantages sociaux des employés, un prêt souvent garanti par des biens durables de l'entreprise. Le fonds utilise alors cet argent pour acheter des actions d'un actionnaire. La société s'engage à contribuer au fonds une somme équivalente à ce que le fonds doit en vertu du prêt. Ainsi, la société paie la somme au fonds des avantages sociaux des employés. Et comme il s'agit d'une contribution au régime de prestations aux employés, elle est déductible au même titre qu'une cotisation à un régime de soins médicaux ou à un régime de pension. Le fonds prend alors le chèque, et l'endosse à l'intention du prêteur.

• 1640

Étant donné que c'est structuré comme une cotisation à un régime de prestations aux employés, la contribution totale à ce régime d'avantages est déductible. Et c'est l'équivalent du paiement du capital et des intérêts sur l'emprunt. Le modèle américain fonctionne donc ainsi: l'emprunt fait dans l'intérêt des employés est remboursé en raison de l'engagement pris par la société de contribuer à un régime de prestations aux employés. L'argent versé à ce titre est déductible au complet. Ainsi, le paiement du capital et des intérêts se fait avec des dollars avant impôt.

En vertu de ce modèle, on achète les actions d'un actionnaire. Je parlais de l'incitatif offert à cette personne. On n'utilise le même mécanisme dans de nombreuses transactions aux États-Unis. Au lieu d'acheter les actions d'un actionnaire, on les achète de la trésorerie. C'est donc une façon normale pour une société de se financer, l'argent passant par un fonds d'avantages sociaux des employés, dans l'intérêt des employés. On élargit ainsi le nombre de propriétaires. On dilue la part des propriétaires actuels dans la mesure où on élargit le nombre de propriétaires. L'entreprise ou ses propriétaires actuels obtiennent comme avantage le remboursement en dollars avant impôts.

Le nombre de propriétaires de l'entreprise est ainsi dilué, mais on s'attend en tant que contrepartie à voir augmenter la productivité, les ventes et les emplois. En dépit de la dilution de la propriété de l'entreprise, le propriétaire actuel devrait s'attendre à un rendement aussi bon ou même meilleur que dans le passé, parce que dorénavant tout le monde s'active dans le même sens, en s'efforçant d'améliorer le rendement.

Quant à votre autre question, bien qu'on pense intuitivement que le sentiment de propriété vient de ce que les gens font un chèque, d'après l'expérience vécue aux États-Unis, dans tous les cas, on a choisi des régimes non contributifs. Ils sont fondés sur le fait que les gens acquièrent leur part grâce au mécanisme d'emprunt que je viens de décrire. Les résultats découlent d'un sentiment de propriétaire qu'éprouvent les employés dans leur travail quotidien.

La propriété seule ne suffit donc pas. Il faut l'associer à la gestion participative, parce que c'est ce qui amène quelqu'un à agir et à penser comme un propriétaire. Ainsi, l'employé agit et pense comme un propriétaire dans tout ce qu'il fait à son travail tous les jours, dans les décisions qu'il prend et la capacité qu'il a de participer. Cela a un effet à plus long terme que le simple fait de faire un chèque.

Pour les entreprises appartenant aux employés, les résultats en fait de rendement sont à court terme. On constate l'effet Hawthorne. Le rendement commence par s'améliorer, puis il diminue. On fait le chèque et on a le sentiment d'être un propriétaire pendant quelques semaines, mais si l'on n'a pas voix au chapitre quant à ce qui se passe quotidiennement, ce sentiment disparaît. Si l'on peut participer tous les jours, alors il se maintient.

M. Roy Cullen: Très bien.

Mme Markus a parlé de l'idée d'un crédit d'impôt semblable à celui qu'on accorde aux fonds de capital de risque financés par les employés, mais qui s'appliquerait au régime d'actionnariat des salariés. Une organisation comme la vôtre appuierait-elle cette idée?

M. Sherman Kreiner: Oui. Je ne pense pas qu'elle soit contraire à nos principes. Comme il s'agirait d'un emprunt garanti par des biens personnels, l'effet serait moindre que dans le cas d'un mécanisme d'emprunt sur les biens de l'entreprise, qui ressemble davantage au modèle américain. Je ne pense pas qu'un tel crédit soit nuisible ou préjudiciable aux crédits d'impôt accordés aux investisseurs des fonds d'investissement des travailleurs.

M. Roy Cullen: Lorsque vous parliez de l'inventeur des régimes d'actionnariat des salariés aux États-Unis, M. Kelso, cela ressemblait à une sorte de mouvement contre le capitalisme, une mesure pour faire partager la richesse et les biens... bien que plus tard l'argument de la productivité se soit probablement renforcé. Le mécanisme permet manifestement de répartir la richesse afin d'encourager plus de gens à faire des gains de productivité et des gains personnels.

Même au Royaume-Uni, Margaret Thatcher, cette ardente conservatrice, a instauré un certain nombre de mesures visant à accroître la propriété des entreprises par les employés. Même le conseil du logement—a accordé aux gens une part de propriété, afin qu'ils se sentent plus responsables.

Au Canada, on dit toujours qu'il faut commencer par accorder des allégements fiscaux généralisés, parce que chaque fois qu'on envisage des mesures fiscales précises—et notre comité a entendu des milliers de suggestions qui semblent très bonnes. Si l'on avait additionné le coût de toutes ces mesures et si on les avait toutes mises en oeuvre, notre gouvernement n'aurait pas été en mesure d'offrir des allégements fiscaux d'une valeur de 100 milliards de dollars dans le budget de l'an 2000 ainsi que dans la mise à jour économique et financière.

Il me semble que nous avons déjà fait des progrès. Au Royaume-Uni, on me dit que le gouvernement de Margaret Thatcher a commencé par accorder un allégement fiscal général, pour ensuite accorder graduellement des incitatifs à l'actionnariat des salariés. Vous pourriez peut-être me dire si j'ai raison ou non.

Je crois savoir qu'on a instauré dernièrement des incitatifs fiscaux pour les régimes d'actionnariat des salariés et tous les employés doivent avoir le droit de participer, mais ils ne sont évidemment pas obligés. Les employés peuvent recevoir des actions en franchise d'impôt d'une valeur pouvant aller jusqu'à 13 500 $, et sans avoir à payer d'impôt sur les gains en capital qu'ils feront, s'ils gardent les actions pendant au moins cinq ans.

• 1645

Pourriez-vous nous parler, Perry, de l'expérience du Royaume-Uni et de la façon dont le mécanisme a été instauré, si on l'a fait graduellement, et si ce type de disposition aurait du sens au Canada?

M. Perry Phillips: Vous avez tout à fait raison. C'est essentiellement ainsi que le régime a été instauré au Royaume-Uni. On a commencé à petites doses et ensuite le régime a été modifié au fur et à mesure.

Tony Blair a annoncé publiquement qu'il voulait tripler le nombre d'entreprises à régime d'actionnariat des salariés. On a donc étendu le programme existant, car on en a élargi les limites.

M. Roy Cullen: C'est donc une simple expansion du programme, cette exemption d'impôt sur les actions et les gains en capital, si les employés gardent les actions pendant cinq ans. Il ne s'agit pas d'une nouvelle mesure fiscale.

M. Perry Phillips: Si j'ai bien compris, on a simplement combiné en une ou deux mesures plusieurs mesures qui relevaient précédemment de plusieurs compétences. Dans ce sens, il y a donc un changement de rôle, mais on utilise encore plusieurs des éléments fondamentaux instaurés il y a dix ans.

M. John Kidder: Je suis persuadé que vous entendez formuler des centaines et des milliers de propositions, et je sais que dans les nombreuses lettres que vous recevez, on formule un plus grand nombre encore de propositions. Je vous informe cependant que les données provenant de diverses études semblent remarquablement uniformes. Je n'ai pas examiné cette question d'une façon aussi approfondie que Sherman, mais je suis certainement d'accord avec lui. Je trouve cela très stupéfiant.

Avant de décider de vivre vraiment ma vie, j'ai été économiste. Je suis étonné de voir autant d'uniformité dans les résultats d'un si grand nombre d'études différentes. C'est vraiment quelque chose. On est donc porté à croire à la véracité de ces résultats, pour une fois.

En supposant que certaines de ces extrapolations soient même raisonnablement justes, du simple point vue de la dépense fiscale directe, le taux de rendement d'une telle mesure est vraiment étonnement élevé. Je dirais qu'il dépasse de loin ce que vous auriez fixé comme taux de rendement minimal pour faire progresser les choses, et vous constaterez que c'est extrêmement concurrentiel. Les chiffres concernant la création d'emplois, s'il faut en croire l'expérience de la Colombie-Britannique, montrent encore une fois que c'est une mesure remarquablement rentable.

Je crois donc que vous devez effectuer un processus de hiérarchisation pour tout cela. À mon avis, un bref regard sur ces données vous convaincra que cette mesure devrait se situer tout près du sommet. Et je n'inclus pas ici les retombées concrètes sur l'économie en général, soit sur la productivité, l'emploi et la possibilité de sauver des entreprises au Canada, qui pourraient autrement se retrouver entre des mains étrangères, par exemple. On peut voir dans tout cela des effets externes très positifs d'un programme de cette nature, mais si l'on pense aux effets directs mesurables d'une politique fiscale, je pense que cette mesure obtient une cote assez élevée.

M. Roy Cullen: Je suis d'accord avec vous. Les données sont assez convaincantes. Si l'on pense en termes de création d'emplois et d'augmentation de la productivité ou de croissance économique, proportionnellement aux dépenses fiscales, cela semble plutôt convaincant.

Dans le budget de l'an 2000, nous avons instauré le transfert en franchise d'impôt. On peut transférer des gains en capitaux, à condition d'investir dans une entreprise admissible, et une entreprise admissible est essentiellement n'importe quelle petite entreprise. Une telle mesure serait-elle égale ou équivalente à ce que le Royaume-Uni a fait? Autrement dit, si un employé détenait des actions dans une entreprise, ne pourrait-il pas profiter de ce transfert en franchise d'impôt?

M. Sherman Kreiner: À mon avis, cela ressemble davantage aux dispositions de transfert des lois américaines visant l'actionnaire vendeur. L'article 1042 relative au transfert est justement cela, mais elle est déclenchée par la vente d'au moins 30 p. 100 des actions d'une compagnie à un groupe d'employés.

M. Roy Cullen: Nos dispositions à nous n'exigent pas cela. Ça ne veut pas dire que ce que nous avons suffise, mais par rapport à ce qui a été fait au Royaume-Uni, il me semble que si un employé détient des actions, on pourrait au moins lui permettre de reporter ses gains en capitaux. Le problème tient au fait qu'en matière de longévité et de transfert, la plupart des gens ne tiennent pas à ce que les employés transfèrent systématiquement leurs actions et passent à d'autres entreprises, mais au moins ce qu'on propose est un progrès.

Je ne suis pas sûr que ces propositions réussissent vraiment à surmonter le problème que vous avez évoqué ici.

C'est tout pour le moment, monsieur le président.

Le président: Madame Barnes, vous avez la parole.

• 1650

Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui. C'est la première fois que je participe à une réunion de comité portant sur le sujet, mes questions seront donc assez simples et directes, ou pour essayer de comprendre.

D'abord, certaines provinces ont adopté une législation en cette matière. Pouvez-vous me dire lesquelles?

Mme Julia Markus: La Colombie-Britannique et la Saskatchewan ont toutes les deux créé un régime d'encouragement fiscal à l'actionnariat des salariés, bien que sous des formes différentes. La Nouvelle-Écosse elle a créé un régime qui ne cherche pas directement à favoriser l'investissement des employés mais plutôt la participation dans les entreprises provinciales.

Mme Sue Barnes: Les États américains ont tous leurs régimes fiscaux distincts, qui sont tous très complexes et différents. Je me demandais si certains régimes adoptés dans d'autres pays pourraient nous servir de modèle sur le plan législatif.

M. Sherman Kreiner: Les législations des États américains ne sont pas très pertinentes. Aux États-Unis, ce qui compte vraiment, ce sont les lois relatives à l'impôt fédéral et aux avantages sociaux. Cela dit, nous préconisons l'adoption dans les lois sur l'impôt et les avantages sociaux de certaines des dispositions américaines. Je reconnais toutefois qu'au Canada, pour qu'une telle initiative donne des résultats, il faudrait que les provinces elles aussi adoptent des lois correspondantes, ce qui explique pourquoi nous étudions la possibilité d'accorder le même traitement fiscal aux employés qui détiennent des parts dans leurs entreprises au Manitoba. Cela veut donc dire que les dispositions fiscales seraient uniformes aux niveaux fédéral et provincial.

L'une des choses utiles à nos yeux pour faire un essai de ce genre de disposition et en comprendre les conséquences fiscales ainsi que les avantages non liés à l'impôt serait l'adoption dans une province d'un projet pilote de Régime actionnariat des salariés. Si la province en question choisissait de faire relever le projet du régime provincial, alors la loi fédérale de l'impôt se calquerait sur la provinciale. Il serait alors possible de démontrer certaines choses à petite échelle, car on pourrait effectuer une analyse financière du rendement obtenu par l'investissement des contribuables sans que cela ne coûte trop cher. On pourrait ensuite étendre davantage le modèle.

Mme Sue Barnes: Je jetais un coup d'oeil sur la lettre provenant du Groupe Boyd, où il est question d'aspects transfrontaliers. Dans son cas, est-ce que l'entreprise est assujettie aux lois fiscales américaines?

M. Sherman Kreiner: Oui.

Mme Sue Barnes: Ainsi qu'à la loi provinciale?

M. Sherman Kreiner: Oui, précisément.

Mme Sue Barnes: Bien. Il y a beaucoup d'entreprises multinationales, et elles sont en pleine croissance, ce qui crée des problèmes transfrontaliers. Est-ce qu'il serait plus facile pour ces compagnies de recourir à l'option sur actions pour faire participer les employés, ce qui leur éviterait ce qui vous semble être un problème, c'est-à-dire de relever de régimes fiscaux étrangers?

M. Sherman Kreiner: Je pense que c'est une question plutôt théorique...

Mme Sue Barnes: En effet.

M. Sherman Kreiner: ... au sujet de ce qu'on peut réaliser en offrant des options sur actions. Il est peut-être plus facile d'administrer un programme d'options sur actions, mais on peut se demander s'il peut réaliser ce qu'on souhaite.

Mme Sue Barnes: Cela demeure cependant le principal programme d'avantages offert par les multinationales, lesquelles sont en pleine croissance. Pouvez-vous me donner des exemples d'entreprises où on offre à la fois les options sur actions et l'actionnariat des employés?

Mme Julia Markus: Oui, et cela est d'ailleurs de plus en plus fréquent. Ainsi par exemple, la compagnie Celestica s'est dotée d'un plan assez vaste d'actionnariat facultatif des salariés et un autre d'options sur actions.

Mme Sue Barnes: À l'intention des cadres?

Mme Julia Markus: Non, de tout le personnel de l'entreprise. Elle a cependant offert un appui financier aux gestionnaires afin de les inciter à investir considérablement.

À l'heure actuelle, bon nombre d'entreprises de technologie sont en pleine croissance, et vous n'ignorez sans doute pas le soulèvement des actionnaires contre les programmes d'options sur actions. Les options sur actions semblent nécessaires pour recruter du personnel parce que d'autres entreprises les offrent aussi. Toutefois, il semble qu'un régime d'achat d'actionnariat soit un bon moyen de garder les employés, en dépit du fait que cela ne représente pas vraiment d'avantages pour l'employé, sauf si l'entreprise ajoute à cela une somme en contrepartie.

M. John Kidder: J'aimerais faire une brève remarque là-dessus, si on me le permet.

Dans notre entreprise, de taille très modeste, et dont les données ne pourraient probablement pas s'appliquer au reste du monde, nous offrons à la fois les options sur actions et un régime d'actionnariat, ce qui me satisfait pleinement. Cependant, certaines des données présentées par Sherman et illustrant les écarts très sensibles entre les entreprises canadiennes et américaines sont pertinentes par rapport à ce dossier. Les petites entreprises de notre pays peuvent offrir un choix plutôt limité d'options sur actions. Avant la réglementation de ce genre de chose, en général, le PDG et ses amis avaient accès à un choix bien plus grand de titres que les simples actionnaires. Cette possibilité est maintenant limitée par le Canadian Venture Exchange et divers autres organismes de réglementation comme les commissions des valeurs mobilières, à tel point qu'il est devenu très difficile pour les petites entreprises d'accorder plus de 5 p. 100 des actions émises et en cours sous la forme d'options sur actions.

• 1655

Cela signifie qu'on s'efforce de trouver un mécanisme plus approprié de faire participer les employés à l'entreprise, à cause de cette limite imposée aux petites entreprises pour ce qui est des émissions d'options sur actions.

M. Nick Logan: Me permettez-vous d'ajouter quelque chose ici?

Il semble y avoir une progression logique dans les styles de gestion. Ce que nous aimerions obtenir de vous, c'est un plus grand nombre d'outils qui nous permettraient d'améliorer nos entreprises. On offre d'abord une rémunération fixe et des responsabilités stables à nos employés, et ces derniers nous disent qu'ils aimeraient des mesures d'encouragement pour les stimuler à dépasser un peu ce qui est attendu d'eux. On crée donc des programmes d'avantages plus intéressants à accorder seulement en cas de réussite, et par conséquent, si les employés ne se dépassent pas les attentes, ils n'obtiendront pas ces avantages supplémentaires.

Puis les gestionnaires affirment avoir besoin de lancer un emprunt pour acheter des actions. L'entreprise emprunte donc des capitaux et achète des actions, car elle n'est pas rentrée dans ses frais lorsqu'elle était en plein démarrage. À l'étape suivante, on dit qu'il faut adopter un régime permettant de distribuer des actions à tous les employés en cas de succès, comme nous faisons dans le programme Crocus, et cela transforme la mentalité des employés qui commencent à envisager les choses comme des propriétaires.

Ensuite, les employés des entreprises de haute technologie réclament des options sur actions parce qu'ils travaillent sans relâche pour concevoir des logiciels d'Internet, et que si les choses réussissent, ils aimeraient bien en profiter. On offre donc des options sur actions, mais les règlements limitent le nombre qu'on peut émettre, ou qu'on voudrait même émettre, car cela dilue trop la propriété.

Mme Sue Barnes: Cela dilue aussi le prix pour vos actionnaires.

M. Nick Logan: Pourquoi donnerait-on autant d'avantages à un nouveau venu dans une entreprise? Dans ces cas-là , les nouveaux viennent nous voir John et moi pour nous dire qu'ils viennent d'hériter et qu'ils aimeraient acheter certaines actions et ils sont étonnés de ne pouvoir le faire dans l'entreprise où ils travaillent.

On se retrouve donc au bas de l'échelle, jusqu'au moment où on a beaucoup de clients. C'est très difficile d'administrer une clientèle aussi diverse, mais on suit ainsi une progression beaucoup plus logique et méthodique, jusqu'à ce que les gens de l'entreprise connaissent vraiment bien les enjeux liés à leur participation.

Mme Sue Barnes: Cela ressemble à la situation des propriétaires d'entreprise, ils peuvent acheter les actions des autres, mais ils n'ont pas le droit d'investir dans leur propre entreprise au moyen de leur régime de retraite autogéré.

Dans la même lettre, M. Graham parle du problème causé par une grande entreprise de fiducie qui ne voulait pas agir comme fiduciaire des actions, et cela m'étonne. Est-ce que ce genre de chose est rare? La loi régissant les fiducies remonte à il y a assez longtemps.

M. Sherman Kreiner: Ce qui a causé ces réticences, c'est la nature même du plan de participation, son cadre, ses détails et sa légalité. Chez nous, nous avons pu éviter ce genre de problème en recourant aux services d'un administrateur qui ne fait pas partie de la fiducie.

Cela dit, le problème tient à l'absence de cadre régissant l'actionnariat des employés et d'une orientation gouvernementale qui appuie ce genre d'initiative. Les entreprises et tous les intervenants connexes ne savent donc pas à quoi s'en tenir et ils se demandent si la transaction résistera à un examen approfondi et quels sont les risques de chacun, car la loi ne comporte rien qui définisse tout cela.

Mme Sue Barnes: Ce problème n'existe pas cependant dans les autres pays où on a adopté une législation pertinente.

M. Sherman Kreiner: C'est exact, parce que ces lois définissent le contenu du document relatif à la transaction, qui peut agir comme administrateur et quelles sont les responsabilités de ces derniers par rapport à ce genre de plan.

Mme Sue Barnes: Bien, C'est tout pour le moment.

Le président: Docteure Bennett.

Mme Carolyn Bennett: Je m'intéresse aux entreprises familiales et à celles qui sont en transition à cause de l'évolution de la vague démographique de l'après-guerre. Est-ce que votre organisation aide les gens aux prises avec ce genre de problème? Évidemment, la plupart des entreprises familiales sont fermées, et on ignore donc ce qui s'y passe. Cela dit, comment peut-on aider des compagnies fondatrices à adopter de tels régimes? Est-ce que la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante a des idées là- dessus? Comment s'y prend-on lorsqu'on veut partager la richesse d'une entreprise?

Mme Julia Markus: Le sujet est intéressant et nous remarquons qu'il attire de plus en plus de gens. En fait, en ce moment, nous travaillons à organiser des séminaires d'une demi-journée sur la gestion et le rachat des entreprises par les salariés aux fins de la cession des entreprises, ce en collaboration avec un bureau de comptables, un bureau d'avocats, une compagnie de fiducie et une autre se spécialisant dans les questions financières.

Lorsqu'on envisage de vendre une entreprise aux salariés, on demande soit une transaction financée à même une part importante de la valeur nette soit que le propriétaire reporte rétrospectivement certains des coûts. Une fois qu'une participation suffisante se retrouve entre les mains des nouveaux gestionnaires-propriétaires, ces derniers peuvent offrir des actions aux employés, et les profits de cette transaction servent à abaisser les coûts d'emprunt.

• 1700

Une telle transaction comporte aussi beaucoup d'aspects émotifs et psychologiques, mais nous n'abordons pas vraiment ce genre de choses. C'est l'industrie du counselling qui s'en charge.

Cela dit, dernièrement la Colombie-Britannique a modifié ses mesures d'encouragement fiscal à la participation des employés à la propriété de l'entreprise. Auparavant, les employés ne pouvaient investir que jusqu'à concurrence de 10 000 $ par année et obtenir un crédit d'impôt de 20 p. 100 pour un maximum de cinq ans. Dans les cas de succession d'entreprise, on a modifié les règles de telle façon qu'un employé puisse maintenant investir jusqu'à 50 000 $ d'un seul coup et obtenir quand même le crédit d'impôt de 20 p. 100, même si ce dernier s'étalera sur la période de cinq ans. Cela n'a eu aucun effet négatif dans la province et a encouragé de façon très réelle les employés à acheter leur entreprise.

Mme Carolyn Bennett: Dans le cas des compagnies qui n'étaient pas des sociétés ouvertes au départ, qui étaient des entreprises familiales, il doit y avoir toute une adaptation à faire sur le plan de la transparence puisque ces gens ne sont pas habitués à partager l'information.

Mme Julia Markus: Oui, c'est parfois le cas. Parfois des personnes assez jeunes participent également à la gestion de l'entreprise. Mais le propriétaire fondateur ou l'actionnaire principal actuel doit pouvoir encaisser son investissement pour sa propre retraite, alors il songe à offrir les actions aux employés.

Cela soulève de nombreuses questions, telles que quand doit-on céder le camion de la compagnie et ainsi de suite. Habituellement, il n'y a pas de transparence financière ultime, du moins dans les rachats à l'occasion d'une succession auxquels j'ai assisté. La loi en Colombie-Britannique exige que les actionnaires-employés aient le droit de voir les états financiers annuels—l'état des résultats et le bilan.

Mme Carolyn Bennett: Qui exige cela?

Mme Julia Markus: La Loi de la Colombie-Britannique sur les sociétés. On fonctionne à partir de cette base. On ne divulgue pas immédiatement les données sur la rémunération ou les régimes de retraite ou autres données de ce genre. Je pense que la transition se fait un peu plus en douceur.

Mme Carolyn Bennett: Comme vous le savez, notre président est obsédé par la productivité. C'est un mot qui est omniprésent dans la salle. Lors de tout exposé où ce mot est prononcé, on voit ses pupilles se dilater.

Le président: C'est l'orthographe qui est difficile.

Mme Carolyn Bennett: Est-ce que la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante s'intéresse à travailler avec vous pour aider les entreprises qui en sont membres à devenir plus productives, si effectivement les chiffres... indiquent que c'est le cas?

Mme Julia Markus: Comme je l'ai dit plus tôt, nous venons à peine d'entreprendre cette démarche et nous sommes en pourparlers avec la Canadian Association of Family Enterprise, parce que c'est là la cible la plus logique.

J'aimerais bien revenir à cette question de la productivité et la mettre sur la table. Plutôt que de simplement partager l'information financière de toute la compagnie et ensuite devoir se préoccuper de l'impact que cela pourrait avoir sur les employés, généralement on procède par étape et les employés doivent assister à la préparation des budgets pour leur propre division.

Ce qui importe vraiment c'est de partager l'information financière sur les centres de profit car ce sont là les chiffres sur lesquels les employés peuvent avoir une influence. Les employés n'ont pas beaucoup d'impact sur les recettes de façon générale. Mais ils ont certainement un impact sur leur propre productivité et rentabilité. En fait, il s'agit d'une énorme industrie aux États-Unis qu'on appelle le grand jeu de l'entreprise, où les employés se réunissent en équipe et se donnent un mot d'ordre: réussir. Ils fixent des objectifs et voient comment ils peuvent les atteindre. Ils apprennent énormément de choses sur la gestion d'entreprise sans mettre en péril la confidentialité des dispositions financières du propriétaire. Jamais nous ne proposerions qu'ils les mettent en danger.

Le président: C'est tout, docteur Bennett?

Mme Carolyn Bennett: Oui, merci, monsieur le président.

Le président: Je tiens à vous remercier beaucoup pour votre exposé. Sans parler précisément de productivité, c'est très important si en tant que pays, nous désirons maintenir notre niveau de vie. C'est une question très sérieuse. Nous nous penchons toujours sérieusement sur toute nouvelle idée visant à mettre cela en valeur.

Je pense que vous avez fait valoir d'excellents points de vue sur toute une gamme de questions. Premièrement, pour ce qui est de la question de la productivité, de la concurrence, des profits, car le mot profit n'est pas à proscrire. Plus les entreprises d'un pays réalisent des profits, plus on génère de richesse. Pour ceux qui se préoccupent des programmes sociaux au Canada, c'est ainsi qu'on doit procéder, et non pas le contraire. On doit d'abord créer la richesse avant de pouvoir la redistribuer.

• 1705

Pour ce qui est de toute la question du nombre d'emplois et du niveau de revenu, les revenus ont tendance à augmenter si l'on assiste à des gains de productivité, sans mentionner que de façon générale, les occasions d'affaires se font plus nombreuses. Cela constitue une partie très importante de la dynamique productivité/niveau de vie. C'est pourquoi j'estime que cette table ronde est importante.

Je tiens à remercier Roy Cullen, parce que c'est lui qui a suggéré que l'on tienne une table ronde sur cette question précise.

M. Roy Cullen: Et Reg.

Le président: Oui, Reg Alcock l'a également demandé. Alors cela a bien valu la peine.

Monsieur Cullen, avez-vous d'autres commentaires?

M. Roy Cullen: Très brièvement, si vous me le permettez, monsieur le président.

Nous avons parlé de planification successorale. Une des idées dont nous avons discuté, comme vous vous en souviendrez, Perry, était que si une société privée canadienne voulait faire de la planification successorale avec ses employés, elle pourrait transférer des actions selon un régime pré-planifié qui n'enclencherait pas des gains en capitaux. Actuellement, si vous transférez des actions aux employés selon un régime donné, il y aura gain en capital. Il s'agira d'une disposition présumée. Je crois qu'il existe des moyens de faciliter le transfert d'actions entre les mains des employés.

Monsieur le président, j'aimerais revenir à une question en particulier. M. Epp a parlé des risques et des défis et certains d'entre eux ont été présentés ici. Nous pouvons apprendre beaucoup de ce qui s'est fait aux États-Unis. Il y a eu certains abus, et certains risques ont été créés.

Que pouvons-nous apprendre de l'expérience américaine, et comment pouvons-nous gérer la situation ici au Canada? Comment pouvons-nous l'adapter à nos circonstances pour qu'elle fonctionne encore mieux?

Perry, avez-vous des mots de sagesse à ce sujet?

M. Perry Phillips: Eh bien, je suis impliqué dans le domaine des RADS depuis environ 10 ans, et j'étais très actif dans l'association américaine des RADS. Ce qu'ils me disent constamment c'est que si on doit adopter une loi à ce sujet ici au Canada, qu'elle soit très simple.

J'ai vu des petites entreprises dépenser plusieurs centaines de milliers de dollars pour essayer de s'extraire d'une situation de RADS à cause du nombre de lois les régissant aux États-Unis. Il est très important que la législation soit très simple. Je pense qu'elle peut l'être. Je pense que nous pouvons instaurer le modèle américain en évitant les dispositions les plus onéreuses et en adaptant le système au Canada. Je ne crois pas que l'on puisse prendre le modèle américain intégralement et le parachuter au Canada. Nous avons des préoccupations et des besoins précis ici. Mais c'est un bon modèle à utiliser comme base.

M. Roy Cullen: Monsieur le président, une question très brève. En examinant la politique fiscale fédérale, on voit qu'il y a certaines provinces qui ont adopté une loi à ce sujet. Une des préoccupations qui revient toujours est que le fédéral prévoit des mesures et cela donne la chance aux provinces de se retirer et dire eh bien, c'est le gouvernement fédéral qui s'occupe de cela maintenant.

Devrions-nous songer à harmoniser le tout afin que la situation soit à peu près comparable? Comment prévoyez-vous que cela se déroulera?

M. Sherman Kreiner: Je pense qu'il serait bon d'avoir le plus grand nombre possible d'outils dans le plus grand nombre possible d'endroits. Je pense que vous avez posé une question plus tôt à savoir si les gens devaient payer de leurs poches ou non afin d'avoir un résultat particulier. J'ai mon opinion à ce sujet, mais tout le monde en a une et cela veut dire que les propriétaires d'entreprise en ont également. Je pense que les gens vont être plus à l'aise avec certaines structures différentes, que ce soit d'une perspective philosophique ou selon leurs circonstances particulières et les résultats qu'ils désirent atteindre. Je crois qu'il serait bon d'avoir le plus d'options possible pour répondre à la vaste gamme de missions, d'objectifs et de préoccupations qu'ont les gens, plutôt que d'essayer d'harmoniser tout en une structure unique.

Malgré tous les avantages des modèles américains qu'on vient de décrire, s'il a une faiblesse, c'est que la structure des RADS est tellement envahissante qu'il est très difficile de mettre en oeuvre d'autres modèles qui peuvent rencontrer d'autres besoins précis. Les RADS présentent des défis, que ce soit la complexité ou le coût ou toute autre préoccupation. Des questions se posent à propos du contrôle des votes, par exemple, dans les RADS. Aux États-Unis, on transfère de plus en plus le droit de vote aux bénéficiaires de la fiducie, en faisant du même coup de ces derniers des actionnaires véritables, même s'ils font partie de la structure interne de la fiducie. Les progrès sont lents. C'est un grand défi. Je crois que les syndicats s'y sont opposés de temps à autre. En l'absence d'autres structures, c'est ceci ou rien.

• 1710

M. Roy Cullen: Julia, avez-vous quelque chose à ajouter? Sinon je le ferai pour vous.

Mme Julia Markus: Nous nous livrons à une concurrence.

Le président: Cela fait partie de notre productivité.

Mme Julia Markus: Je crois qu'il est très important de déployer tous les efforts nécessaires pour introduire de nouveaux programmes au niveau fédéral qui viennent compléter les programmes provinciaux qui se poursuivront, plutôt que d'essayer de les reproduire ou de les appliquer. J'ai parlé à de nombreuses compagnies qui ont passé beaucoup de temps avec des avocats parce qu'elles essayent de se conformer aux différentes lois sur les valeurs mobilières dans chacune des provinces et à tous les différents régimes de réglementation. Ce serait très utile d'essayer de bâtir quelque chose au niveau fédéral qui viendrait corriger cette situation. À ce moment-là, si les programmes individuels existaient, les compagnies pourraient choisir d'en profiter ou non si elles ont des employés dans différentes provinces.

M. Roy Cullen: Merci.

Le président: Merci, monsieur Cullen.

Et je remercie tous nos participants. Cela s'est avéré très intéressant. Nous allons également utiliser ce matériel pendant nos consultations prébudgétaires. Cela crée une base de connaissances pour les députés. Les membres du comité qui sont absents recevront également vos exposés afin qu'ils puissent étudier les avantages des RADS.

Encore une fois, nous vous remercions et au nom du comité, j'espère que nous aurons le plaisir de vous revoir pendant les consultations prébudgétaires quelque part dans ce pays. Bon retour.

La séance est levée.

Haut de la page