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TRAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON TRANSPORT

LE COMITÉ PERMANENT DES TRANSPORTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 21 octobre 1999

• 0936

[Traduction]

Le président (M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.)): Bonjour mesdames et messieurs.

Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions l'avenir de l'industrie aérienne au Canada. Nous accueillons ce matin M. Marc Gaudry, qui est professeur de sciences économiques à l'Université de Montréal, au Centre de recherche sur les transports.

Nous vous souhaitons la bienvenue monsieur Gaudry. Nous sommes prêts à écouter votre exposé. Je vous demanderais de faire une déclaration d'au plus 10 à 12 minutes pour que nous ayons assez de temps pour vous poser des questions.

Quand vous êtes prêt, monsieur Gaudry, allez-y.

[Français]

M. Marc Gaudry (professeur de sciences économiques, Centre de recherche sur les transports, Université de Montréal): Merci, monsieur le président. Je vais faire quelques remarques en français et ensuite accepter les questions en français ou en anglais.

Je vais d'abord vous dire quelques mots d'introduction, puis vous dire quelques mots sur l'importance d'une fusion ou d'une intégration bien faite et, troisièmement, vous dire quelque chose sur le processus qui doit encadrer cette fusion que, pour ma part, je souhaite.

Voici mon introduction. Je pars de l'idée que, si le Canada n'existait pas, nos réseaux aériens seraient seulement des lignes de rabattement sur les grands réseaux américains, avec quelques hubs, quelques plaques tournantes régionales. Qu'est-ce qui nous empêche actuellement d'atteindre cette position? Il est clair que c'est la structure nationale, avec les protections diverses, qui a empêché jusqu'à ce jour nos réseaux aériens de devenir seulement de petites lignes de rabattement sur les plaques tournantes américaines.

Mais en même temps, notre structure de contraintes nationales à définir nous donne un outil qui nous permet actuellement de gérer une fusion entre des entreprises. Je crois que nous avons un créneau pour agir et stimuler cette fusion et que, si nous n'en profitons pas, ce créneau va disparaître. Il y a une certaine urgence à le faire.

• 0940

Deuxièmement, que doit-on surveiller dans un cadre de gestion de la fusion ou de l'intégration des entreprises principales concernées ici, Air Canada et les Lignes aériennes Canadien International? Je crois qu'il y a deux types de questions: il y a des questions sur le contrôle canadien et des questions de type économique.

Parmi les questions de type économique, il y a des problèmes explicites ou implicites de subventions publiques. Deuxièmement, il y a des questions importantes reliées à l'efficience économique qu'on peut gagner de la fusion. Troisièmement, il y a des questions sur la concurrence qui sont soulevées par tout projet de fusion ou d'intégration.

En conclusion, comment faudra-t-il gérer les prochaines années pour rester dans le créneau qui nous est offert et qui s'évapore rapidement? S'il y a lieu, je l'expliquerai plus en détail pendant la période de questions.

Je crois qu'il est essentiel de définir un mécanisme qui donne une réponse très rapide aux propositions qui sont faites. Je ne veux pas simplement dire que c'est urgent parce que la situation financière de Canadien International est fragile. Je veux dire que c'est urgent parce que notre créneau pour faire quelque chose afin de nous doter d'un transporteur canadien viable qui pourra résister à la concurrence internationale des 15 prochaines années s'amenuise.

Deuxièmement, la question se pose à savoir si la loi actuelle est suffisante pour bien encadrer et gérer les questions difficiles qui se posent. Pour ma part, je soupçonne premièrement qu'il faut faire quelque chose pour s'assurer que les offres des divers consortiums actuels ou futurs soient gérées rapidement et je soupçonne deuxièmement que le Bureau de la concurrence et même l'Office des transports du Canada sont dans une position difficile lorsqu'ils doivent poser des jugements qui engagent implicitement ou explicitement les traités du Canada.

En théorie, ces organismes ont beaucoup de liberté pour dire au gouvernement ce qu'ils veulent, mais en pratique, lorsque les traités du Canada sont impliqués dans les jugements qu'ils posent, ces organismes ne sont pas nécessairement capables de faire les recommandations qui s'imposent et qu'ils pourraient faire si les traités canadiens avec l'étranger n'étaient pas impliqués.

Telle est la structure de ma présentation. Je suis prêt à expliciter, à vos souhaits, n'importe lequel de ces points, dont je ne vous ai donné qu'une liste.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup de votre exposé, monsieur Gaudry.

Mme Meredith sera la première à poser les questions.

Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, Réf.): Merci monsieur Gaudry de nous avoir donné un aperçu des aspects dont il faut tenir compte.

J'aimerais discuter du tout dernier point dont vous avez parlé. Je vous ai entendu dire que le Bureau de la concurrence et l'Office des transports aériens sont en mesure de régler une situation comme la fusion dont nous parlons, les deux propositions faites. Est-ce exact?

• 0945

M. Marc Gaudry: Oui, à un mot près. Il s'agit du Bureau de la concurrence et de l'Office des transports du Canada.

Mme Val Meredith: Oui.

M. Marc Gaudry: L'Office s'occupe de tous les modes de transport, pas seulement du transport aérien. Mais, pour l'essentiel, oui, vous m'avez bien compris.

Dans le cas du Bureau de la concurrence, autant que je sache, le commissaire a officiellement le pouvoir, quand un problème survient, quand une fusion est proposée, de dire ce qu'il veut au gouvernement. Par exemple, le commissaire pourrait dire: «Je pense que cette fusion est acceptable si telle et telle conditions sont remplies»—si, disons, la compagnie se débarrasse de telle filiale, par exemple.

En théorie, le commissaire peut également dire: «La fusion sera acceptable si on permet unilatéralement aux avions étrangers de desservir tel ou tel endroit». Le commissaire peut dire cela en théorie. Cependant, dans les faits, il propose au gouvernement de changer la structure des traités de réglementation du transport aérien conclus avec les autres pays, ce qui est très gênant.

Prenons le cas d'un conflit dans un autre domaine. Si le commissaire devait examiner une proposition de fusion entre deux entreprises de l'industrie chimique ou d'un autre secteur, pourrait-il dire: «L'ALENA ne m'apparaît pas vraiment satisfaisant. Je vais accepter la fusion si des améliorations sont apportées à l'accord»? C'est très embarrassant. Le commissaire pourrait dire: «Si l'ALENA était différent, je pourrais arriver à une conclusion différente», mais il est peu probable qu'il dise: «Modifiez l'ALENA, aux alinéas c) et d)—c'est-à-dire renégociez ces clauses—et je vais recommander la fusion».

Je ne crois pas que c'est une question de principe. Le commissaire et l'Office des transports du Canada ont la liberté de dire ce qu'ils veulent. Mais, pour régler un problème très rapidement, il faut disposer d'une procédure accélérée du genre de celle qui existe dans les négociations commerciales et qui permet de ne pas suivre toutes les règles, d'agir rapidement pour étudier plus tard si c'est acceptable.

Si l'on suit la procédure accélérée, quand il y a des problèmes liés aux traités, on ne peut les régler sans un certain malaise. On ne pourrait pas dire, par exemple: «Je pense que cette fusion est acceptable, mais il faut offrir à Air France, à SAS et à Thai Airways un accès illimité aux destinations suivantes au Canada. Dans ces conditions, ce sera acceptable, parce que la concurrence sera suffisante.» C'est entrer dans les détails des accords commerciaux, en l'occurrence des accords aériens, des traités bilatéraux que le Canada a conclus avec beaucoup de pays.

Mme Val Meredith: Cela m'amène alors à vous demander ceci: si le Bureau de la concurrence et l'Office des transports du Canada ne s'en occupent pas, qui va le faire?

M. Marc Gaudry: Il y a bien des façons d'examiner la question. C'est une question de nature législative. Je m'explique: les recommandations de ces organismes seraient assujetties à l'approbation du gouvernement, qui pourrait les approuver ou les rejeter dans un délai de, disons, trois semaines, parce qu'il faut pouvoir régler des aspects comme le cabotage unilatéral. Pour régler ce genre de choses, il faut remettre en cause des aspects qui dépassent le mandat du commissaire. Est-ce assez clair?

Mme Val Meredith: Oui. Si je vous comprends bien, vous me dites qu'il pourrait y avoir d'autres moyens de régler un problème de ce genre, comme c'est le cas pour d'autres accords, c'est-à-dire qu'on conclut l'entente et on la fait approuver par la suite.

• 0950

M. Marc Gaudry: Oui, exactement. Par exemple, l'examen très minutieux des pouvoirs de l'Office des transports du Canada—qui pourrait porter sur sa capacité de réunir des fonds ou d'étudier une question rapidement—pourrait indiquer que ses pouvoirs devraient être resserrés de façon à garantir que la fusion ne serait pas contestée et qu'on ne prendrait pas deux ans à répondre aux questions soumises.

Mme Val Meredith: Donc, selon vous, on pourrait avoir recours à ces organismes, mais il faudrait que la loi leur confère de nouveaux pouvoirs pour qu'ils puissent travailler et arriver à une conclusion beaucoup plus rapidement.

M. Marc Gaudry: Je pense qu'un spécialiste devrait examiner la loi pour vérifier si ces organismes ont tous les pouvoirs voulus pour régler rapidement les problèmes qui mettent en cause des traités canadiens. Il faut examiner la loi en raison de l'urgence du problème. S'il n'y a pas urgence, les choses peuvent s'éterniser.

Mme Val Meredith: Merci.

Le président: Merci madame Meredith.

Monsieur Fontana.

M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.): Merci monsieur le président.

Je suis désolé, mais j'ai dû m'absenter quelques instants. Je m'excuse à l'avance si jamais je pose une question que Val a déjà posée.

C'est un document assez considérable que vous nous avez remis et je n'ai évidemment pas eu le temps de le lire. Dans votre exposé, vous ne nous avez parlé que de deux des questions qui y sont traitées.

Je ne vais pas parler du processus, mais j'aimerais savoir ce que vous voulez dire au juste quand vous indiquez qu'il y a urgence au sujet du créneau disponible. Pourquoi estimez-vous qu'il est urgent que nous saisissions ce créneau et, si nous n'agissons pas assez vite, pourquoi pensez-vous qu'il va disparaître? J'aimerais que vous répondiez d'abord à cette question, si vous le voulez bien.

Ensuite, vous avez parlé rapidement du contrôle canadien et je sais, pour l'avoir feuilleté, que votre document traite de la propriété étrangère et d'un contrôle canadien efficace. Je me demande si vous ne pourriez pas nous expliquer brièvement le genre d'environnement qui serait nécessaire pour la propriété étrangère.

Enfin, vous parlez des questions de type économique, comme les subventions publiques, et de l'efficience économique qui peut découler de la fusion et de la concurrence. J'aimerais que vous nous disiez si, selon vous, une fusion est avantageuse pour la concurrence et le consommateur et si l'efficience accrue, qu'une fusion entraînerait, serait profitable pour le consommateur.

Je sais que j'ai posé plusieurs questions, mais vous pourriez...

M. Marc Gaudry: Bien. Je vais répondre à votre première question, celle sur l'urgence d'agir. Qu'est-ce que j'entends par là? Je ne parle pas de l'urgence liée aux ennuis financiers de Canadien. C'est une partie du problème et cela dure depuis un moment. Voici ce que je veux dire.

Le transport est une sphère d'activité qui était très protégée par le gouvernement et qui, progressivement, l'est de moins en moins. Si ce domaine n'est plus réglementé, il sera entièrement assujetti aux règles de l'ALENA ou de l'Organisation mondiale du commerce. Si c'était comme...

M. Joe Fontana: C'est un service et non...

• 0955

M. Marc Gaudry: Oui, c'est un service qui serait assujetti à ces règles.

Je pense que la tendance est de déréglementer les transports pour en faire une sphère d'activité comme les autres. Je vais définir l'environnement pour essayer d'être un peu plus clair.

Apparemment, le premier aspect dont on veut discuter, ce sont les transporteurs. Divers pays demandent qu'on ouvre les espaces aériens. Ils ne disent pas qu'ils veulent aussi apporter des changements au contrôle du trafic aérien ou aux aéroports. Ils veulent plus précisément qu'on discute de libre-échange dans le cas des services de transporteur. Ils ne s'attaquent qu'au premier des trois éléments des systèmes de transport.

Donc, on discute beaucoup du libre-échange dans les services de transporteur. Les protagonistes sont les États-Unis qui, parce que leurs transporteurs sont très efficaces, veulent forcer tous les autres pays du monde à ouvrir leurs espaces aériens ou à conclure des ententes de libre-échange. Vous trouverez dans mon document les données du professeur Oum de UBC sur la productivité des compagnies aériennes, et vous pourrez constater qu'il y a d'énormes différences entre certaines d'entre elles. Si on ouvre les marchés, certaines compagnies vont disparaître. Si elles n'arrivent pas à s'adapter immédiatement, elles vont tout simplement disparaître. Certains pays ne sont donc pas d'accord parce qu'il est clair que les grandes compagnies américaines sont très efficaces et concurrentielles.

Les États-Unis essaient d'ouvrir une brèche dans le mur des contrôles en Europe, par exemple, où 15 pays forment l'Union européenne. Les États-Unis veulent conclure des accords ciels ouverts avec un pays, puis un autre. Ils en ont déjà conclu un certain nombre depuis 1992. Un moment donné, quand ils auront accéder librement aux marchés aériens, même les gros joueurs vont y perdre. Une fois la brèche ouverte, ils auront le champ libre.

À ce moment-là, la valeur de nos traités bilatéraux va beaucoup changer, étant donné que ces traités bilatéraux, qui créent de petits monopoles d'État, valent beaucoup parce qu'ils sont peu nombreux. Si nos voisins du Sud exploitent des corridors concurrentiels entre le Canada et l'Europe ou l'Orient, qu'ils améliorent de façon remarquable le service et baissent les prix, les gens vont pouvoir voyager plus facilement à bord de ces avions et la valeur de nos services va baisser.

M. Joe Fontana: Vous nous dites essentiellement que le Canada a intérêt à agir vite...

M. Marc Gaudry: Oui.

M. Joe Fontana: ...pour conclure des ententes qui libéralisent les services de transporteur aérien avec un certain nombre de pays, sinon nous pourrions être perdants ou mordre la poussière...

M. Marc Gaudry: Je pense que les Américains vont réussir. Il leur faudra deux ou trois ans, peut-être cinq. À la fin du processus, si nos permis spéciaux ne valent plus grand-chose, quel sera l'intérêt d'acheter une compagnie canadienne? On achète une compagnie canadienne pour pouvoir exploiter ces permis maintenant et rentabiliser l'entreprise de façon à ce qu'elle puisse être autonome quand les marchés seront ouverts.

Selon moi, il y a urgence parce que, si nous ne faisons rien, nous n'aurons aucune chance étant donné que—et ce sera le dernier élément de ma réponse à votre première question—même si on limite à 25 p. 100 la propriété étrangère... il y a une limite de 25 p. 100 aux États-Unis, mais déjà on songe à l'éliminer. La libéralisation des services aériens va finir par faire disparaître les restrictions nationales et tout le monde sera assujetti à l'Organisation mondiale du commerce.

J'ai peut-être pris un peu de temps pour répondre à votre première question, mais je voulais être clair.

Le président: Merci, monsieur Gaudry, merci monsieur Fontana.

[Français]

Michel Guimond, s'il vous plaît.

M. Michel Guimond (Beauport—Montmorency—Côte-de-Beaupré—Île-d'Orléans, BQ): Professeur Gaudry, je vous remercie de votre excellente présentation ainsi que du document que vous nous laissez. Il contient des éléments très importants qui nous aideront lors de la rédaction de notre rapport final, parce que ce comité devra soumettre des recommandations finales au terme de ses audiences.

Professeur Gaudry, je ne vous demanderai pas de nous parler du détail des offres qui sont déposées à l'heure actuelle, mais je sais que vous connaissez très bien les règles du Bureau de la concurrence. Selon vous, le Bureau de la concurrence pourrait-il accepter facilement une structure comportant un transporteur national porte-drapeau sur les lignes internationales, comme c'est le cas en Angleterre, en France, en Allemagne, en Italie ou en Grèce, ainsi que deux transporteurs qui se feraient la concurrence sur les routes du marché canadien et transfrontalier avec les Américains? Pensez-vous qu'une telle structure passerait facilement les différents tests imposés par le Bureau de la concurrence?

• 1000

M. Marc Gaudry: Je vois que dans votre esprit, il y a une structure double: l'une qui gère les routes internationales et l'autre qui est plus locale, n'est-ce pas? Ai-je bien compris votre question?

M. Michel Guimond: C'est exact.

M. Marc Gaudry: Le Bureau de la concurrence est dans une position difficile parce que ce sont par définition des monopoles au niveau international et que le gouvernement du Canada a signé des ententes contre la concurrence. C'est cela, un traité bilatéral. C'est une entente contre la concurrence. Je crée des monopoles d'État qui auront des profits excédentaires. Par définition, c'est contraire à la concurrence. C'est toute la structure mondiale qui est organisée suivant ces principes. Je pense qu'il serait très difficile pour un bureau de la concurrence, canadien ou étranger, de contester directement la structure des traités de son pays. Pour moi, la question est un petit peu hypothétique. Ils pourraient accepter la deuxième partie au nom de la concurrence, mais ils sont obligés d'accepter simultanément un monopole donné par l'État, au premier niveau. Donc, pour moi, la question est un peu théorique.

Il y a un deuxième aspect de la question qui va plus loin. Si on voulait réaliser cela, qu'est-ce qu'on devrait faire? Il faudrait faire quelque chose de très violent. Le ministre devrait dire: «Vos traités internationaux appartiennent à tous les Canadiens. Je les reprends car j'en ai le droit et je les réaffecte à une nouvelle entreprise internationale, peut-être en les vendant à cette entreprise qui se constituerait.» Pour qu'il soit facilement possible de faire cela, il faut presque aller jusque-là, parce qu'il n'est pas évident que les négociations de fusions qui ont cours ou d'autres qui pourraient être du même genre produiraient des propositions à deux niveaux, du genre de celles dont vous parlez. Pour être certain d'obtenir cela, le ministre devrait faire quelque chose de très violent.

M. Michel Guimond: Vous parlez de la limite à la propriété étrangère qui est courante dans le monde. Vous êtes d'avis que cette règle pourrait empêcher une mainmise étrangère ou un veto étranger sur l'industrie canadienne des transports et devrait être maintenue et protégée.

M. Marc Gaudry: Je constate que le monde entier est structuré comme cela actuellement, mais que cela a tendance à disparaître. Il faudra peut-être attendre 15 ans avant cela disparaisse, car il y a 1 600 traités de ce genre dans le monde. Il va falloir du temps avant que tout le monde s'adapte. Les États-Unis commencent à le contester. Mon point de vue, c'est que... Excusez-moi, j'ai perdu le fil de votre question. Pouvez-vous me le redonner?

M. Michel Guimond: Est-ce que la règle des 25 p. 100...?

M. Marc Gaudry: Ah, oui. Je pense que le problème immédiat le plus profond est celui du contrôle. Il faut bien définir le contrôle et, pour bien définir le contrôle, il y a des choses qu'il faut faire et qui ne sont pas faites maintenant.

• 1005

Je vais vous donner trois exemples. On ne peut autoriser qu'un participant étranger ait un droit de veto au conseil d'administration d'une entreprise. Pourquoi? Parce que le droit de veto est le droit de définir le réseau, les services et toutes les décisions de l'entreprise. Un droit de veto serait un contrôle effectif entre les mains de l'étranger.

Voici un deuxième exemple. Quand une entreprise canadienne fait des ententes de 5, 10, 15 ou 20 ans avec d'autres entreprises, je pense que ces ententes devraient être publiques. Je vais vous dire pourquoi. Imaginez la situation suivante. Actuellement, il y a une limite de 10 p. 100 à la propriété d'un seul individu, étranger ou national. Supposons que vous voulez faire une entente avec l'étranger. Vous avez besoin de capital. L'étranger vous donne un certain montant et dit: «Contre ce montant, donnez-moi 12 p. 100 du capital.» Vous dites: «Je ne peux pas vous donner 12 p. 100 mais seulement 10 p. 100, mais je vais vous donner une très bonne entente sur les routes internationales, sur le code sharing, et vous aurez la majorité des profits cachés là-dedans parce que je vais mettre vos avions et non les miens. Je vais vous donner l'équivalent des 2 p. 100 qu'il vous manque en privilèges entre nous dans l'entente qui nous lie pour 30 ans.»

Je pense qu'il y a là un problème de transparence. Ce problème de transparence est très important parce qu'à la limite, comme citoyen canadien ordinaire, je voudrais être certain que toutes ces ententes entre partenaires canadiens et étrangers comportent une clause explicite disant que les droits d'usage des routes internationales appartiennent au gouvernement du Canada et peuvent être rappelés n'importe quand. Les gens font semblant de le savoir. Je suppose que dans les ententes d'Air Canada, de Canadien, etc., il y a quelque part une clause qui dit: «Si demain le ministre rappelle les permis sur Hong Kong, Paris, etc., l'entente entre nous sera nulle et non avenue».

En résumé, il faut définir le contrôle. Que ce soit 10 p. 100 ou 11 p. 100, j'y suis indifférent, mais il faut qu'il y ait une définition: par exemple 25 p. 100 sur l'ensemble. En télécommunications, on a 33 p. 100. C'est surtout un problème de design législatif, et ce n'est pas mon domaine.

Je pense qu'il y a certaines propriétés qui doivent appartenir à la définition du contrôle canadien.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup, monsieur Gaudry. Les intervenants ne semblent pouvoir poser qu'une seule question, mais il est parfois nécessaire de prendre plus de temps pour répondre. Dans la mesure où le comité n'y voit pas de problème, je ne vais pas intervenir.

Merci monsieur Guimond.

Monsieur Dromisky.

M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.): Merci monsieur le président. J'ai trois questions à poser; on a plus ou moins répondu à deux d'entre elles, mais j'aimerais aborder un autre aspect.

Je sais que vous avez des opinions arrêtées parce que vous avez beaucoup étudié les traités internationaux, le système en vigueur dans notre pays et la situation de notre industrie aérienne. Je sais que vous avez des impressions très claires.

M. Marc Gaudry: Des impressions.

M. Stan Dromisky: Oui, surtout au sujet du processus. J'aimerais justement savoir ce que vous pensez du processus en ce qui concerne le Bureau de la concurrence ainsi que l'Office des transports du Canada, le ministre des Transports et le gouvernement. J'aimerais que vous nous disiez quels changements pourraient être apportés au processus pour que ces intervenants puissent assurer à notre industrie aérienne un avenir plus favorable.

M. Marc Gaudry: Je vais vous répondre très brièvement. Il faut avoir une procédure accélérée bien définie qui ne peut être contestée indéfiniment devant les tribunaux parce que si les choses prennent trop de temps à se régler—et, dans ce cas, ce pourrait être très long—nous allons perdre notre créneau.

• 1010

J'ai malheureusement le sentiment qu'il n'y a pas de procédure accélérée—mais peut-être qu'un bon avocat pourrait m'expliquer qu'il y en a une qui est cachée. Où est la procédure accélérée?

M. Stan Dromisky: Pourriez-vous définir le mot «accélérée»? Je sais que les méthodes gouvernementales sont lentes et exigent beaucoup de temps, et je sais qu'il y a beaucoup de gens en cause—surtout des avocats. Que voulez-vous dire par «accélérée»? Voulez-vous dire deux ans, trois ans ou un an?

M. Marc Gaudry: Non. Dans le contexte des négociations commerciales, une procédure accélérée prend très peu de temps, quelque chose comme deux ou trois mois. Elle ne peut durer 24 mois comme certaines des causes dont est saisi l'Office des transports du Canada ou le Bureau de la concurrence. Sa durée est définie et garantie. C'est rapide. Les intervenants peuvent formuler des propositions sensées et on ne peut invoquer l'article 47 chaque fois.

J'ai eu le sentiment, sans avoir d'information privilégiée, que la question a été très embarrassante pour le ministre. Jusqu'à quel point faut-il que ce soit rapide? Invoque-t-on la Loi sur les mesures de guerre? C'est une guerre économique dont il s'agit. Quand le président des États-Unis veut une procédure accélérée dans le domaine des négociations commerciales, il l'obtient. C'est clair. Je pense que nous avons besoin de quelque chose de clair, avec une échéance définie, écrite. Quelqu'un doit l'écrire pour qu'on sache à quoi s'en tenir.

M. Stan Dromisky: D'après ce que vous dites, on définirait clairement le rôle de chacun des principaux intervenants.

M. Marc Gaudry: On définirait ce genre de choses, en fait trois choses. On définirait le contrôle canadien que les offres devraient respecter. Ensuite, on préciserait le processus qui serait utilisé pour répondre au problème de la compétitivité. Enfin, on expliquerait dans quelle mesure le processus peut toucher aux traités étrangers, parce que c'est ce qu'il faut faire.

Au sujet de la concurrence, la question des monopoles peut être importante, mais les monopoles n'ont jamais posé de problème. On peut toujours ouvrir notre marché aux transporteurs étrangers, comme on le fait pour les États-Unis depuis quelques années, puisque nous avons conclu un accord ciels ouverts avec eux. On peut toujours dire aux transporteurs qu'ils ont accès à nos marchés. Ce n'est peut-être pas très intéressant si on n'offre pas d'avantages en retour mais, si on pense qu'il y a trop de concurrence au niveau local, on peut le faire de façon unilatérale. Il ne faut pas attendre que les étrangers négocient avec nous. Si on y trouve son avantage, il faut agir. Quelqu'un doit pouvoir le faire.

Le mécanisme accéléré doit donc englober une définition claire de la notion de contrôle; des délais précis pour l'obtention d'une décision sur les conditions de la concurrence; et enfin des procédures bien définies pour ce qui est des autres questions à régler, dans ce cas-ci, les traités conclus par le Canada.

M. Stan Dromisky: Très bien. Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Dromisky.

Chers collègues, la sonnerie d'appel va retentir pendant une demi-heure puisque nous devons participer à un vote. Nous pouvons donc poursuivre la discussion jusqu'à 10:25, puisque cela vous donnera quand même 15 minutes pour aller voter. Il nous reste donc encore 10 minutes.

Madame Desjarlais.

Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): J'ai quelques questions à poser. Je vais essayer d'aller assez vite.

Au paragraphe (2) de la page 2, vous parlez des subventions que les transporteurs reçoivent ou ont reçues. Hier, l'Association de transport aérien a laissé entendre que les transporteurs paient trop pour les services qu'ils reçoivent, que le gouvernement s'est déchargé de ses responsabilités, que les coûts sont maintenant trop élevés. Or, vous dites que les transporteurs reçoivent trop de subventions, et l'Association, elle, nous dit que les coûts qu'elle doit assumer sont trop élevés, qu'elle paie trop.

• 1015

M. Marc Gaudry: Les transporteurs aujourd'hui ne reçoivent plus tellement de subventions. Il n'y a probablement pas de subventions pour le contrôle aérien, en raison du régime de recouvrement des coûts qui a été mis sur pied. Les aéroports, eux, reçoivent des subventions importantes. La commission royale a clairement établi que le système aéroportuaire à l'époque, de même que le système de contrôle aérien, bénéficiaient d'importantes subventions déguisées, essentiellement sous forme de dépenses fiscales, et il y a de nombreux pays qui font la même chose. Il faut donc faire attention quand on aborde cette question.

Par ailleurs, les propositions qui sont sur la table comportent des subventions déguisées. Un des vice-présidents ou porte-parole d'Air Canada a dit, hier, qu'il était à peu près certain que le gouvernement canadien ne laisserait pas Canadien faire faillite si leur offre était acceptée. Qu'est-ce que ça veut dire? Cela ressemble, à mon avis, à une menace. C'est comme s'ils disaient, «Nous savons que les créanciers de Canadien ne seront peut-être pas remboursés intégralement, mais nous ne pensons pas que le gouvernement canadien va les laisser tomber. Nous pouvons donc faire une offre en partant du principe qu'ils ne seront pas remboursés intégralement, ou que le gouvernement va intervenir pour faire en sorte qu'ils le soient.»

Mme Bev Desjarlais: D'accord, mais vous commentez une déclaration qu'Air Canada a fait, hier, au sujet de ce qui pourrait arriver.

M. Marc Gaudry: C'est vrai.

Mme Bev Desjarlais: Ma question porte sur les subventions qui sont accordées actuellement, parce que l'Association du transport aérien a laissé entendre le contraire, hier.

M. Marc Gaudry: Les subventions actuelles versées aux transporteurs aériens canadiens, d'après ce qu'a établi la commission royale en 1992—et les chiffres n'ont pas beaucoup changé—s'élèvent à 20 p. 100 en moyenne, et pour les liaisons importantes comme Montréal-Toronto, à 30 p. 100.

M. Bev Desjarlais: Pourriez-vous être plus précis? Je veux des précisions, car l'Association soutient que les aéroports leur imposent des frais trop élevés.

M. Marc Gaudry: J'ai annexé au mémoire un tableau qui est tiré du rapport de la commission royale. Vous pouvez constater que le gouvernement—et je vous renvoie à la colonne «autres»—a assumé la plupart des coûts liés aux infrastructures, c'est-à-dire les aéroports. Les usagers ne versent rien. En fait, les loyers que paient les aéroports aux contribuables canadiens sont relativement faibles. Ils sont dérisoires. Ils ne remboursent pas le capital. Je suis certain que si j'achetais une maison, que je n'étais pas obligé de rembourser le capital et que je versais un loyer dérisoire, je vivrais très bien.

Mme Bev Desjarlais: Donc, l'argument de l'Association ne tient pas.

Marc Gaudry: Cet argument est indéfendable et insoutenable puisqu'il ne cadre pas avec les calculs formels de la commission royale canadienne. Il serait démoli en cinq minutes par cinq économistes choisis au hasard à l'échelle du pays.

Mme Bev Desjarlais: Puis-je poser une autre question?

On entend beaucoup parler de ce qui va arriver aux liaisons internationales desservies à partir des grands centres. Il y a beaucoup de localités au Canada qui n'entrent pas dans cette catégorie, et c'est une des questions qui me préoccupe. Le service assuré dans les autres régions du Canada, mis à part les grands centres, laisse plutôt à désirer. Alors comment une compagnie aérienne, même si elle n'est pas canadienne, va-t-elle améliorer le service assuré aux autres régions du Canada?

Marc Gaudry: Il est impossible de régler tous les problèmes en même temps. Les questions liées à l'utilisation des terrains et au maintien de services de base dans des régions où ils ne sont pas naturellement rentables n'ont rien à voir avec le problème qui se pose dans la partie centrale du pays, où les réseaux peuvent être rentables. On ne peut pas comparer les subventions dont ont besoin les petites collectivités aux réseaux bien établis qui existent dans la région centrale du pays.

Ce problème a toujours existé et continuera d'exister, tant et aussi longtemps que nous voudrons desservir des localités où les réseaux routier, ferroviaire et aérien ne sont pas rentables. Il s'agit là d'un problème distinct qui doit être traité séparément. Nous allons tout confondre si nous essayons de régler tous les problèmes.

• 1020

Mme Bev Desjarlais: Le comité est chargé d'examiner l'était de l'industrie aérienne et, à mon avis, cela englobe toutes les régions du Canada, pas juste cette fusion-ci.

Marc Gaudry: Oui, mais vous avez parfaitement le droit de dire que les petites collectivités devraient bénéficier d'un programme de subventions parce qu'on ne trouve pas de solutions à leurs problèmes. Si le marché dit qu'il ne peut desservir ces collectivités ou qu'il est trop fragile, il ne reste qu'une seule chose à faire, soit de mettre sur pied un programme de subventions pour les petites collectivités qui se trouvent loin des réseaux bien établis.

Mme Bev Desjarlais: On ne pourrait donc pas dire à un transporteur...

Le président: Bev, je dois vous interrompre. Vous avez...

Mme Bev Desjarlais: D'accord.

Le président: Bien entendu, il est question ici d'une subvention qui est versée par la compagnie aérienne, et non par le contribuable.

Des voix: Oh, oh!

Marc Gaudry: Il s'agit d'une subvention qui est versée par le contribuable.

Le président: D'accord. Je vais vous arrêter ici.

Monsieur Comuzzi, la parole est à vous. Nous aimerions quitter la salle à 10 h 25. Donc, si je vous donne cinq minutes, cela nous amène à 10 h 27.

M. Joe Comuzzi (Thunder Bay—Superior-Nord, Lib.): Allons-nous revenir, monsieur le président?

Le président: Oui.

M. Joe Comuzzi: D'accord. Je vais poser mes questions à notre retour.

Le président: Eh bien, il nous reste encore cinq minutes. Vous avez cinq minutes, monsieur Comuzzi. J'aimerais bien que vous posiez une de vos questions.

M. Joe Comuzzi: Je voudrais en parler à Marc.

Le président: Eh bien, faites-le maintenant, ou votre nom va se retrouver au bas de la liste.

M. Joe Comuzzi: Je vais le faire plus tard.

M. Ovid L. Jackson (Bruce—Grey, Lib.): J'ai une petite question à poser. Il pourrait peut-être ensuite poser les siennes.

Le président: D'accord, monsieur Jackson, allez-y.

M. Ovid Jackson: Monsieur Gaudry, vous avez dit qu'il nous faut un mécanisme de contrôle. Vous avez d'abord mentionné le fait qu'on ne peut empêcher les étrangers d'avoir accès à nos marchés. C'est au gouvernement canadien de décider. Ensuite, vous avez dit que cette règle de 10 p. 100 était floue et qu'il était peut-être possible de conclure une entente secrète. Quel est le troisième élément que vous avez mentionné au sujet de ce mécanisme de contrôle?

Marc Gaudry: J'ai parlé de la nécessité d'assurer la transparence des accords à long terme, parce qu'il est possible de contourner les lois, le mécanisme de contrôle. La transparence nous permettra de régler ce problème, parce que les gens vont dire, «Comment se fait-il que vous cédez cette liaison pour 20 millions? Elle vaut 150 millions». Ils vont dire, «Ce n'est pas possible. On a conclu une entente secrète. Cet échange n'est pas raisonnable.»

M. Ovid Jackson: C'est cela.

Le président: Merci, monsieur Jackson.

Chers collègues, nous allons maintenant nous rendre à la Chambre des communes pour un vote.

Monsieur Gaudry, je vous demanderais d'attendre patiemment notre retour, car nous avons encore quelques questions à vous poser.

Merci beaucoup, mesdames et messieurs. La séance reprendra à la suite du vote. Merci.

• 1023




• 1110

Le président: Merci, chers collègues.

Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous procédons à une étude sur l'avenir de l'industrie aérienne au Canada. Nous poursuivons la discussion.

J'aimerais dire aux téléspectateurs que nous avons dû suspendre la séance en vue de participer à un vote à la Chambre des communes. Nous avons eu droit à un exposé de la part de M. Marc Gaudry, professeur de sciences économiques de l'Université de Montréal, auprès du Centre de recherche sur les transports.

Veuillez nous excuser pour cette interruption, monsieur Gaudry. Nous allons reprendre la discussion. Monsieur Casey, vous avez la parole.

M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC): Bienvenue.

Il y a tellement de questions à aborder. J'aimerais savoir ce que vous pensez de la décision de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie de créer un marché unique. Pourrait-on faire la même chose en Amérique du Nord? Quel en serait l'impact sur l'industrie canadienne? Ils ont complètement fusionné leurs organismes de réglementation aérienne.

M. Marc Gaudry: Ils ont établi ce qu'ils appellent un marché aérien unique. Le problème, c'est qu'il y a un grand marché, l'Australie, et un marché plus petit, la Nouvelle-Zélande, et que presque 90 p. 100 du trafic entre l'Australie et la Nouvelle-Zélande provient de la Nouvelle-Zélande. Ce sont essentiellement les Néo-zélandais qui font la navette entre l'Australie et leur pays. Donc, s'ils libéralisent le marché, les prix diminuent, le service s'améliore, et les consommateurs qui en tirent parti sont tous en Nouvelle-Zélande. Il fallait donc voir ce que pouvaient en tirer les Australiens. Ils ont effectué diverses analyses et ont décidé d'établir un marché unique.

Tout le monde est satisfait, mais je ne sais pas dans quelle mesure les entreprises, elles, le sont. Je sais que les Néo-zélandais sont contents, mais je ne sais pas si les compagnies aériennes sont aussi satisfaites que le sont les consommateurs néo-zélandais.

M. Bill Casey: C'est le plus petit pays qui est sorti gagnant de l'entente. C'est bien cela?

M. Marc Gaudry: Ce sont les consommateurs qui sont les grands gagnants. Les avantages et les coûts ont été partagés entre les différentes compagnies aériennes nationales—Ansett et les autres— mais je ne pourrais pas dire que 90 p. 100 des avantages sont allés à la Nouvelle-Zélande, et 10 p. 100 à l'Australie ou que c'était 50-50. C'était leur plus gros problème quand ils ont négocié l'entente. Il serait plus difficile de négocier un tel accord entre le Canada et les États-Unis, parce qu'on ne peut pas dire que 90 p. 100 du trafic provient d'ici. C'est peut-être plus équilibré.

M. Bill Casey: Quand, au début de cette étude, vous avez témoigné devant notre autre comité, en septembre, vous avez dit que l'idéal serait d'élaborer une politique aérienne qui engloberait les aéroports, Nav Canada, les compagnies aériennes, l'ensemble de l'industrie, et ensuite de permettre à celle-ci de s'adapter aux grandes lignes de cette politique. Pouvez-vous nous dire ce que vous entendez par cela?

M. Marc Gaudry: Cela fait 20 ans que nous parlons de la déréglementation du transport aérien. Le choix de mots laisse à désirer, car le transport aérien englobe les transporteurs, le contrôle de la circulation et l'infrastructure. Or, on met l'accent ici sur la déréglementation du transport aérien, qui était assujetti à l'ancien régime de subventions. Je crois, comme de nombreuses autres personnes, que les discussions, au fur et à mesure qu'elles progresseront, vont finir par porter sur les subventions déguisées dont bénéficient le système de contrôle aérien et les aéroports, selon les pays.

Au Canada, quand la commission royale a fait ses calculs pour l'année 1991, elle a calculé conjointement les subventions importantes versées au système de contrôle aérien et aux aéroports. Elles n'ont pas été établies séparément dans les comptes. Ces subventions sont manifestement très importantes. Comme les transports sont de plus en plus intégrés à la politique et aux discussions commerciales, on ne peut absolument pas dire, «Arrêtez de subventionner 2 p. 100 des activités de votre transporteur national», mais subventionnez 30 p. 100 des droits d'atterrissage. La composante infrastructure va graduellement être intégrée aux discussions. Il en sera de même pour le réseau routier. À l'heure actuelle, vous ne pouvez pas discuter de libre-échange et éviter de parler de l'importance des installations. Vous ne pouvez pas dire que les installations ne peuvent être subventionnées, mais que les produits, eux, peuvent l'être.

• 1115

Le transport va graduellement devenir une composante du commerce et ensuite, les subventions importantes dont bénéficient à l'échelle mondiale non seulement le transport aérien, mais également le transport routier, vont devenir inacceptables, en partie parce qu'elles augmentent et qu'elles coûtent de l'argent aux gouvernements partout dans le monde. Les gens veulent savoir combien d'argent ils consacrent au système de transport, de l'argent qui pourrait être investi dans les hôpitaux.

Ils sont incapables de répondre à la question pour l'instant, mais, à la longue, ils devront trouver une réponse. Au lieu de se quereller au sujet des droits de coupe, qui représentent un très faible pourcentage du prix de livraison, les gens vont commencer à se quereller au sujet des subventions déguisées de 15 ou 20 p. 100 qui sont versées à l'industrie du transport routier. Ce n'est qu'une question de temps avant que cela ne se produise.

Afin d'arrêter de naviguer au jugé, de nombreux gouvernements à l'échelle mondiale exigent de leurs partenaires qu'ils produisent des comptes. Si vous n'établissez pas de comptes, vous ne savez pas ce que vous dépensez, vous ne savez pas combien coûtent les produits, de sorte que vous naviguez au jugé. C'est une situation qui inquiète bon nombre de gouvernements. Ils se demandent, «Est-ce que les routes sont rentables ou non? Quels sont les usagers qui sont rentables? Quels sont ceux qui ne le sont pas?» Ce sont des questions importantes, parce que les subventions sont énormes et que le public veut savoir combien reçoit l'industrie du transport afin d'être en mesure d'établir des comparaisons avec d'autres secteurs où de telles subventions seraient peut-être plus utiles.

Le président: Merci, monsieur Casey.

Monsieur Jackson.

M. Ovid Jackson: Merci beaucoup, monsieur le président.

Monsieur Gaudry, j'ai quelques questions à vous poser. Vous avez dit que l'Office national des transports et le Bureau de la concurrence ne sont pas en mesure de réagir rapidement. Ma question est la suivante: quel devrait être leur rôle, et comment pouvons-nous changer les règlements de manière à faire en sorte, dans le contexte actuel, qu'ils remplissent bien le rôle qu'ils devraient, à votre avis, jouer?

M. Marc Gaudry: Si vous jetez un coup d'oeil aux responsabilités de l'Office national des transports, vous allez constater que certaines de celles-ci sont de nature réglementaire. Prenons, par exemple, les conditions en vertu desquelles les compagnies de chemin de fer doivent évoluer. Il s'agit manifestement d'un cadre réglementaire. L'Office a également pour mandat de définir les règles relatives à la propriété et au contrôle canadien. Ce sont là certains aspects de son mandat.

Je ne sais pas quel est le cheminement critique que doivent suivre l'Office national des transports et le Bureau de la concurrence pour arriver rapidement à une décision importante. Il y a peut-être des gens qui comprennent ce cheminement, et je n'ai peut-être tout simplement pas encore rencontré quelqu'un qui peut me l'expliquer.

Supposons que mon entreprise soit au bord de la faillite et qu'une entente soit en voie d'être conclue. En vertu de quel mécanisme pourrais-je obtenir une réponse rapidement? Je ne le sais pas. C'est un point qu'il faut clarifier.

Je ne crois pas pouvoir en dire plus, parce qu'on touche ensuite à l'aspect juridique du mécanisme qui relève de l'Office national des transports, au rôle restreint du commissaire du Bureau de la concurrence, et je crois que ce sont des questions qui devront être examinées de très si l'on veut mettre sur pied un mécanisme accéléré.

• 1120

M. Ovid Jackson: Vous avez dit que le Bureau de la concurrence se trouve dans une situation difficile parce que le gouvernement, par définition, n'est pas compétitif. S'il possède les droits, qu'il peut transférer à d'autres...

M. Marc Gaudry: Non, je n'ai pas dit que le Bureau de la concurrence se trouve dans une situation difficile. J'ai dit qu'il ne se sentait peut-être pas libre de dire certaines choses... Le commissaire n'est pas le gouvernement. Il ne peut se prononcer sur des ententes et demander en même temps au gouvernement de changer ses politiques, de modifier les dispositions des traités canadiens. Il se trouve dans une situation délicate. Peut-être que, pour certains, cela ne pose aucun problème, je ne le sais pas. Tout ce que je dis, c'est que si nous commençons à discuter de la fusion de deux entreprises qui évoluent dans un secteur autre que celui des transports, par exemple, est-ce que le commissaire peut dire que nous devrions réécrire l'ALENA? Si nous voulons être en mesure de soutenir la concurrence à l'échelle internationale, nous devrons réécrire les ententes bilatérales. Voilà ce que ça veut dire. Le commissaire a-t-il le droit de dire cela?

Vous êtes plus qualifié que moi pour répondre à cette question, ou peut-être posez-vous des questions dont vous ne connaissez pas la réponse, je ne le sais pas.

Le président: Contrairement à un bon avocat.

Merci, monsieur Jackson.

Monsieur Bailey, s'il vous plaît.

M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Réf.): Merci, monsieur Gaudry. L'exposé que vous avez fait devant ce comité est excellent et je dois dire que j'apprécie énormément votre réponse. C'est comme si l'on suivait de nouveau un cours d'histoire canadienne. Nous nous retrouvons aujourd'hui à l'aube du prochain siècle et, d'après vous, que faisions-nous il y a cent ans? Nous parlions d'une voie rapide pourrait-on dire, du Canadien Pacifique, etc.

Je me souviens des propos d'un professeur; il disait que l'existence du Canada est un péché contre nature, ce qui explique en partie notre problème.

M. Marc Gaudry: Oui.

M. Roy Bailey: Je veux parler des lieux d'habitation, de la topographie, etc.

M. Marc Gaudry: C'est exact.

M. Roy Bailey: Je dois dire que j'aime beaucoup l'expression «gestion de la fusion». C'est le problème auquel le comité se trouve confronté. Pour aller plus loin que la gestion... c'est vraiment ce dont il s'agit. Il ne s'agit pas simplement d'une réalité régionale, nationale, mais d'une réalité internationale également.

M. Marc Gaudry: Effectivement.

M. Roy Bailey: Il ne faut pas oublier l'existence de tous ces organismes, comme vous l'avez dit, l'OTC, le Bureau de la concurrence, etc.; on vient de me remettre une note indiquant que le ministre va déposer une loi fédérale qui lui donnera de vastes pouvoirs en matière de fusion des lignes aériennes.

Le président: J'aimerais simplement rappeler au témoin qu'il ne s'agit que de suppositions.

M. Roy Bailey: D'accord.

Si je vous ai bien compris, monsieur Gaudry, vous dites que c'est une mesure qui s'impose; à la page 6, vous parlez d'urgence—ce qui est une supposition, comme vient de le dire le président—et du fait qu'une loi s'impose maintenant. Qu'en pensez-vous?

M. Marc Gaudry: Il est peut-être possible d'envisager un traitement accéléré dans le cadre de la loi actuelle et, à mon avis, c'est une question à laquelle, dans un certain sens, il faut répondre en demandant aux personnes compétentes si, d'après elles, c'est techniquement réalisable. Je partirais de la base. Si je voulais un traitement accéléré, il faudrait me prouver que la situation actuelle le permet sans problème; montrez-moi la voie à suivre, susceptible d'apporter une réponse en l'espace de deux à trois mois. Si vous pouvez le faire, de manière crédible, je n'aurais plus de souci à me faire. Toutefois, si vous ne pouvez pas me montrer la voie à suivre pour régler des situations urgentes, vous demandez, par défaut, que l'on définisse cette voie à suivre en déposant une nouvelle loi. C'est comme cela que je vois les choses. Cela se ferait en quelque sorte par défaut.

• 1125

M. Roy Bailey: J'ai une autre question, monsieur le président.

Monsieur Gaudry, il semble que le mot «subvention» ait mauvaise presse. S'il apparaît clairement, c'est très mauvais; s'il est invisible, cela fait marcher les affaires. Je vous donne une définition à la canadienne, mais je ne sais pas si elle s'applique au plan international. Notre comité a étudié le transport ferroviaire des passagers et nous avons été surpris d'apprendre qu'il n'existe pas de compagnies ferroviaires de passagers qui soient exploitées dans quelque pays que ce soit sans bénéficier de subventions; cela s'applique aux compagnies ferroviaires les plus modernes, les plus rapides et celles qui sont à la fine pointe de la technologie.

Au Canada, nous utilisons l'expression «déréglementation», ce qui laisse entendre qu'il n'y a pas de subvention. Voyez-vous ce que je veux dire?

M. Marc Gaudry: Oui.

M. Roy Bailey: Or, on apprend qu'il y a des subventions.

Ce que je veux dire, c'est qu'il faut comprendre que la déréglementation ne signifie pas que l'on ne tient plus compte des règlements ni que, dans certains cas, il n'y a pas d'appui du gouvernement et que dans d'autres, il y en a plus, pour assurer le service dans un domaine donné. Par conséquent, je ne crois pas que nous puissions jamais nous débarrasser de subventions dans ce contexte. Partagez-vous ce point de vue?

M. Marc Gaudry: À mon avis, deux questions, voire trois, s'entremêlent. Il y a d'abord la question de la transparence: les gens s'aperçoivent maintenant qu'il existe des subventions auxquelles ils ne faisaient pas attention et sur lesquelles ils vont peut-être vouloir s'attarder. C'est un point. Il y a des raisons pour lesquelles la transparence s'impose de plus en plus, bien sûr.

Deuxièmement, étant donné que les gouvernements ont du mal à tout appuyer comme ils le faisaient auparavant, il va falloir qu'ils changent leur façon de faire afin de déterminer les secteurs qui peuvent bénéficier de subventions. Dans ce contexte, on peut facilement montrer du droit le transport, puisque c'est un secteur qui reçoit beaucoup de subventions. Il est donc naturel que dans ce nouveau contexte, les gens se demandent à combien s'élèvent ces subventions et s'il faut véritablement en verser.

Le troisième élément est le suivant: au fur et à mesure que la concurrence internationale s'intensifie et que de plus en plus de secteurs font l'objet de règlements commerciaux, il devient nécessaire d'élaborer des règles communes avec les autres, ce qui nécessairement nous amène à revoir la réglementation.

Il y a quelques mois, je me trouvais au Chili qui est en train de mettre au point les systèmes de son propre réseau. Le Chili vend beaucoup de bois et sait que le Canada en vend beaucoup également. Je le leur ai d'ailleurs confirmé. Ils m'ont demandé si je me rendais compte des subventions dont bénéficient les bûcherons et producteurs canadiens. Dans de telles conditions, qui peut l'emporter sur les Canadiens? C'est un point qui ne va pas manquer d'être soulevé à un moment donné ou à un autre.

Il y a une histoire derrière tout cela. Dans de nombreux secteurs, nous sommes obligés de donner accès aux réseaux locaux aux étrangers. En 1991, on a dit en Europe que l'accès aux réseaux, pouvait être ouvert à tout le monde, équitablement et sans discrimination—les camions, les avions, les trains, etc. Si on veut le faire sans discrimination, il faut commencer par mettre sur pied des systèmes de contrôle, car il faut pouvoir prouver qu'il n'y a pas de discrimination entre la France et l'Allemagne, par exemple. On a alors un problème, car on se met à mesurer les choses et à se rendre compte que ce sont les étrangers qui finalement profitent de beaucoup des subventions, ce qui ne fait pas très plaisir.

Ces trois questions s'entremêlent. Le seul point commun, c'est que les gouvernements se désintéressent progressivement du secteur des transports et le privatisent, morceau par morceau—transporteurs, contrôle aérien et aéroports, dans notre cas. Nous en parlons progressivement au chapitre de l'industrie aérienne ou du camionnage—dont il est question dans l'ALENA.

• 1130

Le président: Merci, monsieur Gaudry.

Monsieur Comuzzi, s'il vous plaît.

M. Joe Comuzzi: Bonjour.

Vous avez parlé des droits de coupe, monsieur, il y a quelques instants. Nous assistons au Canada à la vente quasi-totale de notre ressource naturelle à des sociétés américaines ou internationales, ce qui est vraiment regrettable. Si nous appliquons ce principe à ce dont il est question aujourd'hui, je crois qu'il y a un dénominateur commun entre l'offre publique d'achat de Canadien et la réponse d'Air Canada, dans le sens où ces deux offres ne permettent pas la concurrence. Nous savons que l'accord de libre-échange Canada—États-Unis et que l'ALENA ont évité les questions relatives aux transports. Je crois aussi que nous comprenons que le libre-échange signifie en fait la gestion de l'échange, compte tenu de ces...

Êtes-vous d'accord avec moi, lorsque je dis que nous laissons les transporteurs américains et internationaux s'introduire dans notre industrie aérienne au niveau des sociétés et des directeurs, mais que, par contre, nous ne les laissons pas s'introduire au niveau des consommateurs, ce qui pourrait favoriser la concurrence au bénéfice des consommateurs canadiens? Nous les laissons s'introduire au niveau des sociétés, mais pas au niveau des consommateurs, alors que cela permettrait de stimuler la concurrence.

J'aimerais votre avis sur cette question de gestion du commerce. Ne devrions-nous pas montrer l'exemple à cet égard? Nous avons tiré les leçons de l'expérience. Ne devrions-nous pas décider nous-mêmes de la gestion du commerce dans le secteur de l'industrie aérienne plutôt que de tout simplement réagir à des pressions externes comme celles que nous subissons actuellement?

C'est la première partie de la question. La deuxième est plutôt philosophique, mais je suis curieux de connaître votre point de vue.

Lorsqu'un gouvernement fait preuve de largesse, accorde un droit ou un privilège qui, parfois, a une valeur monétaire très élevée, devrait-on permettre la vente de ce privilège sur le marché? S'il doit faire l'objet d'une vente—peu importe le récipiendaire de ce privilège qui ne veut plus l'utiliser ou qui veut s'en débarrasser—ne serait-il pas normal que les contribuables canadiens en profitent? J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Ce sont les questions que je peux poser, monsieur le président.

M. Marc Gaudry: Pour ce qui est de la première question, je crois effectivement qu'il faut prendre le risque de montrer l'exemple. Sinon, ce créneau va tout simplement disparaître et nous n'aurons pas la chance d'avoir un champion national. Il vaut donc mieux prévoir une structure et des règles claires plutôt que de ne rien faire, car le créneau disparaît lentement. Par conséquent, je crois donc qu'il faut être clair et définir avec précision la présence des étrangers, la façon dont nous contrôlons le tout, etc.

Pour ce qui est de la deuxième question, nombreux sont ceux qui prétendent depuis peu que beaucoup des privilèges du genre dont vous avez fait mention—droits de polluer, par exemple—devraient être vendus, car vous pouvez ainsi prouver que vous pouvez atteindre vos objectifs de façon beaucoup moins coûteuse que si vous étiez assujettis à une réglementation, par exemple. Dans le cas de l'industrie aérienne, le droit de desservir des marchés pairs origine—destination entre pays est traditionnellement accordé gratuitement. Bien que techniquement parlant, le droit lui-même appartienne au gouvernement, l'utilisation gratuite en est permise.

• 1135

Je proposerais donc que ces droits, dans la mesure où ils valent quelque chose, fassent l'objet de soumissions. Il n'y a pas de raison... il est très difficile de faire la différence entre les compagnies. Est-ce que WestJet devrait l'obtenir? Est-ce que Canada 3000 devrait l'obtenir? Est-ce que Air Canada devrait l'obtenir? Beaucoup de compagnies risquent d'être intéressées par ces routes et devraient pouvoir faire des offres, sans compter que les contribuables canadiens devraient pouvoir tirer profit de la vente de ce droit.

Le fait d'accorder un droit de monopole gratuitement équivaut à une subvention invisible. Par conséquent, pour répondre à votre deuxième question, je dirais que oui, ce privilège doit être mis en vente.

Deuxièmement, les paramètres de l'autorité gouvernementale ne sont pas aussi définis qu'auparavant. Le gouvernement précise lentement les choses à cet égard. La vente de privilèges relève de ce processus de clarification qui s'impose en raison d'une redéfinition des paramètres de l'autorité gouvernementale par suite des pressions auxquels sont soumis tous les pays.

Le président: Merci, monsieur Comuzzi.

Si vous permettez, membres du comité, j'aimerais moi-même poser une question au sujet du premier et du deuxième transporteur.

Ce matin, en prenant mon café, je me suis dit: Supposons que le deuxième transporteur qui offre des vols internationaux ainsi que des vols intérieurs se rend compte que tout va bien pour les vols internationaux, mais pas pour les vols intérieurs, vu qu'il doit soutenir la concurrence avec le premier transporteur pour les vols intérieurs. Le deuxième transporteur pourrait-il tout simplement abandonner les vols intérieurs et ne conserver que les vols internationaux? À mon avis, la réponse est oui, vu la façon dont se font les choses dans notre pays.

Monsieur Gaudry, que se passerait-il pour l'industrie intérieure, si le deuxième transporteur disait: «ne nous soucions pas des offres, ne nous inquiétons pas au sujet de ce qui s'est passé pour nous ces trois ou six derniers mois, nous décidons maintenant de n'offrir que des vols internationaux»? Peut-il fonctionner sans offrir les vols intérieurs et céder les passagers visés à l'autre transporteur?

Est-il possible pour moi de prendre le premier transporteur entre Toronto et Vancouver et de passer ensuite au deuxième transporteur pour un vol international, puisque cela serait bien meilleur marché? Y a-t-il une demande à cet égard? Est-il possible pour la ligne aérienne de le réaliser? Quel en serait l'impact?

M. Marc Gaudry: Si les transporteurs maintiennent leurs alliances, c'est pour de bonnes raisons, je crois; si, d'après eux, ce n'était pas une bonne idée et ce n'était pas rentable, ils sortiraient de ces alliances ou les modifieraient.

Les alliances changent fréquemment. Je me souviens de l'époque où Air Canada avait conclu une alliance avec Continental. Nous l'avons oublié, mais Air Canada détenait une part très importante de Continental. Je me rappelle l'époque où Air Canada avait conclu une alliance avec...

Le président: Les transporteurs pourraient toujours se servir de ces alliances pour récupérer les passagers nécessaires pour les vols internationaux.

M. Marc Gaudry: C'est exact. Pourquoi ne s'en débarrassent-ils pas immédiatement? À mon avis, c'est parce qu'ils jugent que le fait de travailler avec leurs lignes subsidiaires est plus rentable que le fait de s'en débarrasser.

Le président: Non, je veux parler de la deuxième ligne aérienne et de son parc intérieur.

M. Marc Gaudry: Le problème de la deuxième ligne aérienne n'est pas très différent de celui de la première. À l'heure actuelle, la deuxième ligne aérienne trouve qu'il est plus rentable d'avoir des ententes avec ses lignes subsidiaires que de ne pas en avoir du tout. En fait, elle craint peut-être que si elle se débarrassait de ses lignes subsidiaires, la concurrence s'intensifierait et que ce serait encore moins rentable. Par conséquent, si la fusion se produit, on pourrait s'attendre à ce que le commissaire envisage s'il ne faut pas détacher certaines de ces lignes subsidiaires des grandes lignes.

• 1140

Je dirais donc qu'il est rentable de les conserver et je crois que la concurrence s'intensifierait beaucoup si les transporteurs étaient obligés de se débarrasser de leurs lignes subsidiaires et de ne garder que les grandes lignes; c'est la raison pour laquelle ils ne le font pas maintenant—les prochains réseaux vont se constituer, comme c'est d'ailleurs le cas au Québec à l'heure actuelle.

Le président: C'est parce que les lignes d'escompte comme WestJet, etc. pourraient devenir les lignes subsidiaires des lignes internationales.

M. Marc Gaudry: Certainement.

Le président: Il y aurait donc un nouveau réseau d'alliances qui se constituerait à l'intérieur du pays.

M. Marc Gaudry: C'est possible, effectivement.

Le président: Faut-il prévoir une réglementation pour faire en sorte qu'une ligne aérienne exploitée au Canada ne puisse pas subventionner ses lignes intérieures d'escompte?

Il faut parfois faire de telles suppositions. Imaginons que l'on opte pour une seule ligne aérienne au Canada. Pensez-vous qu'il serait possible de dire à cette ligne aérienne, pour encourager la concurrence intérieure—qu'il s'agisse d'une ligne aérienne d'escompte, d'un charter, etc.—que nous tenons à ce qu'elle ne subventionne pas ses lignes intérieures d'escompte, etc. avec les profits qu'elle réalise sur les routes internationales. Pensez-vous qu'il y ait une telle demande de réglementation à cet égard?

On arrive ainsi presque au point où l'on se mêle de l'exploitation même des lignes aériennes, mais en même temps, on tient à avoir des transporteurs intérieurs solides, de bonnes lignes d'escompte, une concurrence saine, etc. Le gouvernement interviendrait pour dire, par exemple, que Air Canada ne peut pas utiliser les profits de ses routes internationales pour subventionner ses lignes subsidiaires intérieures ou d'escompte; les transporteurs intérieurs n'auraient alors qu'à se débrouiller, à soutenir la concurrence directe avec les autres compagnies qui se trouvent sur le marché.

M. Marc Gaudry: On ne peut répondre à cette demande qu'en stimulant la concurrence, car il est très compliqué, de l'extérieur, d'examiner de près les calculs de rentabilité; je ne pense pas qu'un gouvernement veuille le faire. On procède donc indirectement. Si la concurrence est bonne, les intéressés prendront les décisions qui s'imposent et n'auront pas recours à ce genre d'interfinancement.

Prenons l'exemple de l'industrie de l'autobus. Actuellement, l'industrie est réglementée et nous savons que certains tarifs sont délibérément trop élevés. Par exemple, le tarif Montréal-Toronto permet de subventionner le service d'autres liaisons. Nous savons très bien que, si nous déréglementons l'industrie, les tarifs vont baisser et qu'il n'y aura plus d'interfinancement. Nous présumons ainsi que la concurrence va empêcher qu'on utilise les profits d'une ligne pour compenser les pertes d'un autre.

Le président: Oui, c'est ce que je veux dire. C'est dangereux de présumer cela.

À mon avis, on craint qu'une compagnie Air Canada renouvelée utilise les profits de ses liaisons internationales pour compenser les pertes des routes nationales ou des compagnies aériennes à rabais, de façon à rendre la situation difficile pour WestJet, par exemple, qui veut lui faire concurrence dans l'ouest du pays. La compagnie va assurer le bon fonctionnement des liaisons nationales en se servant de ses profits pour dominer ce marché. Une compagnie aérienne qui a des routes internationales rentables est grandement avantagée par rapport à un transporteur national qui veut offrir des billets à tarifs réduits.

M. Marc Gaudry: Oui, vous parlez d'un comportement abusif, soit par des pratiques déloyales de fixation des prix ou des excédents de capacité ou d'offre. C'est un aspect qui est régi soit par la concurrence, soit par un organisme de surveillance.

Le président: Oui, un organisme de surveillance.

M. Marc Gaudry: Oui.

Le président: Merci.

M. Roy Bailey: Un organisme de surveillance gouvernemental.

M. Marc Gaudry: Oui.

[Français]

Le président: Monsieur Asselin, s'il vous plaît.

M. Gérard Asselin (Charlevoix, BQ): Monsieur Gaudry, j'aimerais que vous apaisiez mes craintes concernant le service de transport aérien en région. On dit souvent que le passé est garant de l'avenir.

• 1145

En région, on a subi les coupures de NAV CANADA, l'abolition de postes de contrôleurs aériens, les fermetures de tours de contrôle, l'élimination de services de pompiers et la privatisation des aéroports, qui sont déjà déficitaires. La fusion d'Air Canada et de Canadien pourrait réduire de 50 p. 100 le mouvement aux aéroports, ce qui pourrait augmenter leur déficit. Le prix des billets pour ceux qui sont obligés de voyager en avion est déjà très élevé.

Selon vous, s'il y avait fusion, quel serait l'avenir du service aérien en région, considérant que déjà les services en région sont diminués, que la qualité des services est compromise, que la fréquence du service est à la discrétion du transporteur et que le prix des billets pour ceux qui sont obligés de voyager en avion est très élevé? Le seul moyen rapide de se déplacer des région vers les grands centres pour nos gens d'affaires qui doivent avoir accès à des services professionnels et pour ceux qui doivent avoir recours à des soins de santé externes est l'avion. Autrement, on doit se taper de 10 à 12 heures de voiture. Le train n'existe pas en région, principalement sur la Côte-Nord et à Baie-Comeau.

Donc, selon vous, quel serait l'avenir du service aérien en région avec une fusion d'Air Canada et de Canadien? À ce moment-là, on n'aurait qu'un seul transporteur.

M. Marc Gaudry: Ma réponse instinctive est que je ne crois pas que cela change grand-chose au problème du service en région que l'on a déjà. Je pense que le problème de fond du service en région est indépendant de l'absence ou de la présence d'une fusion entre Air Canada et Canadien. Pourquoi? À un moment donné, il devient difficilement rentable d'entretenir des services ou des aéroports dans diverses parties du pays. C'est une décision quant à l'occupation du sol. C'est une décision de présence d'État que celle d'assumer le coût de cette occupation. Si on veut qu'il y ait des gens dans des régions où ils ne seront pas capables de payer les coûts du réseau de transport ou d'autres réseaux, on doit directement faire face à la question et la traiter pour elle-même.

Prenons un exemple. Je n'ai pas fait le calcul pour l'aéroport d'Iqaluit, mais je serais très étonné qu'il fasse ses frais. Voulez-vous fermer Iqaluit, oui ou non? Si la réponse est non, acceptez de donner une subvention aux régions éloignées pour qu'elles puissent vivre et montrez-moi un mécanisme raisonnable pour obtenir une subvention à prix raisonnable. On peut imaginer des appels d'offres. Ce mécanisme est utilisé par le gouvernement du Canada pour assurer le transport des forces armées. Le gouvernement dit: «Vous voulez transporter mes soldats. Faites-moi des offres pour les transporter dans telles conditions.» Dans le cas qui nous occupe, on peut poser la question suivante: «Faites-moi des offres pour assurer tels services dans telle région au prix minimum.» Il faut que ce soit clair. Je pense qu'on ne va pas régler ce problème des subventions nécessaires aux infrastructures, qui sont encore plus importantes que les subventions nécessaires aux transporteurs, sans les traiter par elles-mêmes et sans saisir le problème directement, et non pas comme sous-question d'un problème de fusion d'entreprises, comme c'est le cas cette fois-ci, ou d'un autre problème la prochaine fois.

On ne peut pas chaque fois traiter tous les problèmes ensemble. J'ai un petit jardin. Je ne m'attends pas à ce que mon jardin fasse ses frais. Je suis heureux de payer pour mon jardin pour aller voir les arbres. Si nous voulons un arrière-pays immense occupé par des gens, et pas simplement un endroit vide, payons le prix du chemin dans notre jardin, qui n'est clairement pas rentable. Si on est propriétaire, on doit être capable de se promener sur ses terres sans exiger que tous les terrains et toutes les clôtures soient rentables.

• 1150

M. Gérard Asselin: À ce moment-là, est-ce qu'on pourrait faire ce que le gouvernement a fait pour le transport en commun par autocar? On sait que les autocars ne sont pas rentables. Par exemple, les lignes Havre-Saint-Pierre—Sept-Îles, Sept-îles—Baie-Comeau, Baie-Comeau—Québec ne sont pas rentables, mais on a octroyé à Intercar, un service d'autobus en direction des grands centres, une ligne rentable, celle de Québec—Montréal. On pourrait dire à Air Canada et à Canadien qu'elles sont obligées de desservir les régions à prix raisonnable, ce qui aurait peut-être pour effet d'augmenter leur clientèle, et on les dédommagerait, pas nécessairement en leur octroyant une subvention, mais en leur donnant des lignes rentables.

M. Marc Gaudry: Je pense qu'on obtiendrait une meilleure solution et une solution plus juste pour tous les transporteurs—il y en a des dizaines et des dizaines—en faisant un appel d'offres et en disant: «Pour desservir Montréal—Havre-Saint-Pierre ou Québec—Baie-Comeau—non, Baie-Comeau est rentable—, donc pour desservir une liaison qui n'est pas rentable, qui me fait une offre?» Je ne vois pas pourquoi on supposerait que ce serait Air Canada ou Canadien. Il y a peut-être des transporteurs locaux qui seraient intéressés à entrer dans le marché, des transporteur qui, actuellement, sont de catégorie 3 ou 4 et qui seraient parfaitement prêts à faire une offre ferme avec des fréquences, des prix et une période de contrat. Je ne pense pas qu'il faille faire de discrimination en empêchant ces gens-là d'entrer dans le marché et de construire leurs entreprises et en favorisant ceux qui existent déjà. Cela me paraîtrait poser un problème d'équité entre les entreprises que de lier cela au départ aux grandes entreprises existantes.

M. Gérard Asselin: Merci.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup monsieur Asselin.

Il reste quatre noms sur la liste: M. Fontana, Mme Desjarlais, M. Dromisky et M. Casey.

Monsieur Fontana.

M. Joe Fontana: Je veux explorer un peu plus... Je pense que vous avez dit que, dans la nouvelle politique aérienne que nous avons l'occasion d'élaborer, avec une réglementation surtout sur le plan international, nous pourrions nous engager plus résolument à permettre une circulation plus libre entre les pays. Vous avez aussi dit que la propriété étrangère ne devrait pas nécessairement être limitée à 25 p. 100, qu'en fait même les Américains proposent qu'elle soit un peu plus élevée. Que perdons-nous si elle est plus élevée?

Je veux parler un peu du cabotage—peut-être que vous en avez déjà parlé et que je n'ai pas compris—surtout en ce qui concerne le service transfrontalier... entre le Canada et les États-Unis. De toute évidence, le cabotage est un mécanisme très protectionniste, qui vise à protéger les transporteurs aériens nationaux, et qui est par conséquent contraire à la libéralisation dont vous avez parlé. De plus en plus, dans notre pays, la circulation ne se fait pas seulement d'est en ouest, mais aussi du nord au sud, pour les produits et le reste.

Je me demande si le cabotage n'est pas révolu et que les nouvelles alliances vont peut-être... et si nous cherchons vraiment ce qui est avantageux pour le consommateur, pour qu'il y ait de la concurrence, des prix plus bas, nos aéroports seraient peut-être capables de former de nouvelles alliances avec d'autres aéroports et d'autres compagnies aériennes, pour des liaisons nord-sud... ce qui m'amène à parler de la question de la viabilité de certains aéroports régionaux. Si on libéralisait vraiment le système et qu'on cherchait à offrir aux consommateurs des prix avantageux et concurrentiels, est-il utile de poursuivre...?

Le cabotage ou un nouveau régime transfrontalier n'est peut-être, pas le meilleur moyen d'assurer qu'il y ait toujours de la concurrence et que les prix et l'infrastructure... Qu'y aurait-il de mal à ce que les gens se rendent à Thunder Bay à bord d'un avion américain qui passe par les États-Unis, ou qu'ils voyagent à partir de London en Ontario sur un avion américain? Pourquoi des Américains, pour aller d'un point A à un point B, qui peut être Dallas, la Floride ou une autre destination, ne pourraient-ils pas voyager à bord d'un avion canadien? Ne serait-ce pas avantageux? Nous offririons nos services aériens et nos compagnies aériennes à 250 millions de personnes. Ne serait-il pas avantageux que cette nouvelle politique prévoie des ententes sur le cabotage? Le terme est peut-être mal choisi. Nous devrions peut-être penser à employer un autre mot plus approprié que le mot «cabotage».

• 1155

M. Marc Gaudry: Oui.

M. Joe Fontana: L'ouverture des espaces aériens dans le contexte de la Pologne.

M. Marc Gaudry: Je vais essayer de donner une définition précise. Le cabotage est le droit de prendre et de déposer des marchandises ou des passagers sur des points d'escale intermédiaires entre le point de départ et le point d'arrivée. C'est un des outils de la concurrence dont le président s'inquiétait, c'est-à-dire que, pour accroître la concurrence, on ne peut permettre le cabotage.

Cependant, quand on permet le cabotage, ce qui va se passer va dépendre du contexte. Je vais vous donner l'exemple des 15 pays de l'Union européenne. La première étape de la déréglementation s'est faite à l'échelle nationale et a entraîné l'apparition de nouveaux transporteurs à faible coût auxquels les grandes compagnies ont dû s'adapter. Une fois l'adaptation faite, le cabotage a été autorisé, et on s'est alors rendu compte que, grâce à la déréglementation nationale, les compagnies étaient peu nombreuses à vouloir faire escale dans un autre pays parce que le service était déjà de qualité et parce qu'elles avaient formé des alliances avec des compagnies des pays voisins et qu'il était plus simple de faire voyager les passagers dans le réseau des compagnies étrangères.

Le cabotage est un facteur important quand il y a de grandes différences entre les compagnies de deux pays sur le plan de la qualité et de la concurrence mais, si les compagnies sont bien adaptées et donnent un bon service, on a déjà presque résolu le problème de la concurrence, qui inquiète le président, et ce n'est qu'un élément de plus en faveur de la concurrence, mais le nombre de compagnies ne va pas tellement augmenter.

M. Joe Fontana: En sommes-nous à ce stade? Bien sûr, vous allez me dire que personne ne veut parler de cabotage parce qu'on craint que les compagnies américaines accaparent tous les passagers étant donné que nous ne sommes pas prêts. Selon vous, cela fonctionnerait probablement seulement s'il y a un certain équilibre, ce qui est peut-être le cas en Europe. J'ai entendu dire, par exemple, que KLM allait acheter Alitalia. En Europe, ce n'est pas important qu'il y ait un transporteur national, dans la mesure où les gens peuvent voyager d'un pays à l'autre dans les meilleures conditions.

Je me demande cependant si le cabotage—ou peu importe comment on l'appelle—favorise l'ouverture des espaces aériens, d'autant plus que nous avons déjà réglé une partie des problèmes liés à la concurrence et à la fixation des prix.

M. Marc Gaudry: Je pense que c'est ce vers quoi nous nous dirigeons, comme le montre l'entente que nous avons conclue avec les États-Unis. Nous avons conclu une entente «ciels ouverts» qui permet à toutes les compagnies de se déplacer d'un endroit dans un pays à un autre endroit dans l'autre pays. L'entente est maintenant complètement en vigueur après une mise en oeuvre progressive étalée sur trois ans. L'étalement de sa mise en oeuvre sur une période de trois ans avait été jugé raisonnable. Nous devons maintenant être sur le point...

M. Joe Fontana: Recommanderiez-vous une politique de ce genre?

M. Marc Gaudry: Je la recommande pour répondre au problème soulevé par le président. Si on permet qu'il y ait fusion, ce qui est nécessaire d'après moi, et si la concurrence nous inquiète, il faut l'autoriser immédiatement et il n'y aura pas de problème de concurrence.

Le président: Bien sûr, le mot clé dans nos relations avec les États-Unis est la réciprocité.

M. Joe Fontana: Évidemment, il faut que ce soit mutuel.

M. Marc Gaudry: Bien sûr.

Le président: Il faut que ce soit négocié de façon bilatérale.

M. Joe Fontana: Si on veut élaborer une politique valable, il faut aller aux États-Unis discuter avec nos homologues américains. Votre comité aura peut-être à voyager pour aller vérifier exactement ce que les Américains...

Le président: En fait, c'est exactement ce dont je veux vous parler à huis clos après le départ de notre invité.

Trois autres personnes veulent poser des questions. Si nous pouvions faire vite, chers collègues, il y a quelques points dont nous devons discuter rapidement à huis clos quand le témoin aura terminé.

Mme Bev Desjarlais: La réunion devait finir à midi et certains d'entre nous ont d'autres engagements. Ce sera un peu difficile de se réunir à huis clos après.

Le président: Nous en aurons pour deux minutes; j'aimerais vous donner matière à réflexion pour la fin de semaine. Si vous pouvez poser des questions brèves, Bev, Stan et Bill Casey...

Mme Bev Desjarlais: Je suis contente que vous ayez parlé du cabotage et que M. Keyes ait parlé de réciprocité. Comme nous l'avons déjà constaté, les États-Unis ont absolument tout à gagner d'un accès aux marchés des autres pays, parce qu'ils ont déjà une juste part d'à peu près tout. Mais ils ont aussi beaucoup à perdre en permettant à d'autres de desservir leurs régions densément peuplées. Bien franchement, je serais surprise que les choses changent, parce qu'en général les États-Unis veulent bien accéder aux marchés des autres, mais quand ils commencent à perdre du terrain chez eux...

• 1200

Le président: Bev, vous parlez comme si nous discutions de l'ébauche d'une proposition.

Mme Bev Desjarlais: Non.

Le président: Avez-vous une question à poser au témoin?

Mme Bev Desjarlais: Oui, mais je veux d'abord faire ce commentaire. Le témoin laisse entendre que tout se passe tellement vite et qu'il faut agir parce que nous avons besoin d'un système qui s'adapte rapidement en raison des conséquences économiques. J'imagine qu'il est normal qu'un économiste étudie les conséquences économiques, mais quelles peuvent être les répercussions sur le plan social de ne réagir qu'aux conséquences économiques de la non-rentabilité d'une entreprise? Que va-t-il se passer pour le pays et pour toutes les régions du pays? Vous avez parlé des routes et de l'industrie du camionnage et du fait qu'il faudra commencer à payer pour chaque parcelle de terrain. C'est acceptable autour de Montréal ou de Toronto. En cherchant un peu, il y a beaucoup de possibilités dans ces régions, mais le pays ne se limite pas à ces agglomérations.

Si nous voyageons, nous pourrions peut-être nous rendre dans les autres régions du Canada pour voir ce que les gens pensent, et au diable l'opinion des Américains. À mon avis, c'est plus important de demander aux Canadiens qu'aux Américains ce qu'ils pensent d'un dossier, parce que nos concitoyens ont beaucoup plus à perdre.

Le président: Bev, je vais devoir vous demander de poser votre question. Avez-vous une question à poser?

Mme Bev Desjarlais: En fait, j'ai un commentaire à faire.

Le président: C'est une déclaration. Bien.

Mme Bev Desjarlais: Oui.

Le président: Nous en tiendrons compte dans l'ébauche du rapport.

Monsieur Dromisky, suivi de M. Casey. Je vous prierais d'être brefs.

M. Stan Dromisky: Merci beaucoup. Ce sera très rapide.

J'aimerais parler de toute la question des subventions. Je ne veux pas entrer dans les détails parce que nous n'avons pas le temps. Je ne veux pas savoir où, quand ou comment, mais pourquoi.

Notre pays est vaste. Nous avons 28 aéroports qui reçoivent 95 p. 100 des marchandises et des passagers. Nous avons plus de 700 pistes d'atterrissage au Canada. Devrions-nous envisager une politique de portée générale au sujet de l'octroi des subventions étant donné que, si on applique le principe de l'utilisateur payeur, bien peu de gens vont voyager au Canada parce que les services aériens ne seront accessibles qu'aux riches? Devrions-nous adopter une politique universelle pour l'octroi des subventions parce que tout le monde au Canada profite des avantages d'une industrie aérienne d'envergure? Ne devrions-nous pas tous payer?

M. Marc Gaudry: Il y a deux éléments différents ici. D'abord, il faut vérifier ce qui est subventionné. Ensuite, il faut déterminer ce qu'on fait des subventions. On ne peut agir de façon unilatérale si nos voisins du Sud maintiennent leurs politiques; il y a un problème de coordination ici. On ne peut rien décider sans vérifier ce qui se passe aux États-Unis. Les Américains subventionnent énormément leur système. Nous devons maintenir une position concurrentielle par rapport à quelqu'un qui subventionne massivement ses aéroports.

Ensuite, si on éliminait toutes les subventions, que se passerait-il? Les prix ne monteraient pas tellement. Rappelez-vous combien il en coûtait, en 1950, pour traverser l'Atlantique à bord d'un Super Constellation? Cela coûtait 800 $ US. Aujourd'hui c'est environ 80 $ en dollars constants. Même si les prix montaient un peu pendant un certain temps, il y a une tendance à la baisse et ils continueraient de chuter. Les gens vont payer le plein tarif, mais la situation va continuer de s'améliorer.

Dans les faits, c'est compliqué de convaincre tout le monde d'arrêter de verser des subventions pour les camions lourds, les avions et les autres modes de transport. Par contre, nous devrions au moins avoir une idée des milliards de dollars que nous versons en subventions chaque année et qui ne sont pas utilisés à autre chose, comme réparer les nids-de-poule, par exemple. Il ne faudrait pas agir à l'aveuglette. Nous devrions essayer de nous fixer un objectif à atteindre sur une période de 15 ans. Nous devrions au moins savoir quelle est la situation, ce que nous ne savons pas.

• 1205

M. Stan Dromisky: Non, je sais.

Le président: Merci messieurs.

Monsieur Casey.

M. Bill Casey: Je voudrais simplement formuler une ou deux observations rapidement.

Je suis d'accord avec M. Fontana. Je pense que nous devrions examiner à fond le cabotage et que c'est la première mesure qui va nous faire progresser.

Nous avons reçu l'Association du transport aérien du Canada hier, et son porte-parole nous a dit que le problème numéro un de l'aviation aujourd'hui est la non-viabilité des aéroports régionaux. Vous avez dit qu'on subventionnait trop. Comment combler la différence? Les aéroports disent qu'ils ne sont pas viables parce qu'ils n'ont pas de revenus. Je ne crois pas qu'on puisse augmenter les frais des compagnies aériennes. Vous dites qu'elles sont déjà trop subventionnées. Quelle est la solution?

M. Marc Gaudry: Je vais vous donner les chiffres de la commission royale.

Dans le réseau aérien du Canada, les 98 principaux aéroports reçoivent une subvention d'environ 20 p. 100. Plus les aéroports sont importants—comme Montréal, Toronto ou Vancouver—plus le niveau de subvention est élevé. Proportionnellement, ceux qui profitent le plus des subventions sont les gens qui fréquentent les gros aéroports. Ils en profitent plus que ceux qui fréquentent des aéroports de taille moyenne.

En chiffres absolus, les montants d'argent ne sont vraiment pas les mêmes. La subvention de l'aéroport de Dorval ou celle de l'aéroport Pearson sont énormes par rapport à celles des petits aéroports, et proportionnellement plus élevées en chiffres absolus. Une politique pour le maintien des aéroports régionaux ne coûtera pas tellement cher, parce qu'elle n'engage pas des sommes d'argent énormes.

Ce sont les gros aéroports qui reçoivent d'importantes subventions de la part des contribuables canadiens. La subvention est de 30 p. 100 quand je prends l'avion pour aller de Montréal à Toronto. Mon billet me coûterait à peu près 30 p. 100 de plus si je payais ce qu'il en coûte. Si je fréquente les grands aéroports canadiens, je reçois une subvention de 20 p. 100 en moyenne. Donc le prix du billet Montréal-Toronto serait plus élevé que le prix d'un billet entre les 100 autres grands aéroports canadiens.

Le président: Merci beaucoup monsieur Casey.

Monsieur Gaudry, merci beaucoup d'être venu nous présenter votre exposé et d'avoir répondu à toutes nos questions. Vos propos ont été très utiles et instructifs.

Des voix: Bravo, bravo!

M. Marc Gaudry: Ce fut un plaisir, monsieur.

Le président: Depuis que nous avons commencé cette étude, vous êtes le premier témoin à manifester de l'enthousiaste.

M. Marc Gaudry: C'est un problème important, et nous avons un créneau. C'est pourquoi je suis très heureux d'avoir eu l'occasion de venir vous rencontrer aujourd'hui.

Le président: Merci beaucoup.

Avant de lever la séance, chers collègues, je voudrais vous dire que j'aimerais que nous nous réunissions à huis clos pour adopter notre mandat. Il nous reste trente seconde pour remercier notre témoin et lever la séance. Nous allons nous réunir tout de suite à huis clos.

[Note de la rédaction—La séance se poursuit à huis clos]