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TRAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON TRANSPORT

LE COMITÉ PERMANENT DES TRANSPORTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 13 avril 2000

• 0903

[Traduction]

Le président (M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.)): Bonjour, chers collègues.

Conformément à l'ordre de renvoi de la Chambre en date du 31 mars 2000, nous examinerons aujourd'hui le projet de loi C-26, Loi modifiant la Loi sur les transports au Canada, la Loi sur la concurrence, la Loi sur le Tribunal de la concurrence et la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada et modifiant une autre loi en conséquence.

Ce matin, nous entendrons notre premier témoin, M. Terry Ruffel, président de l'Association canadienne des professionnels de la vente.

Bonjour, monsieur Ruffel. C'est un plaisir de vous revoir.

M. Terry Ruffel (président, Association canadienne des professionnels de la vente): Bonjour, monsieur le président.

Le président: Nous avons hâte d'entendre votre exposé. Vous disposerez de cinq à huit minutes, après quoi nous vous poserons des questions.

M. Terry Ruffel: Très bien, merci beaucoup.

L'Association canadienne des professionnels de la vente (ACPV) est reconnaissante de l'occasion qui lui est donnée ce matin de comparaître devant le Comité permanent des transports pour exposer ses vues sur le projet de loi C-26.

Au cours des derniers jours, le comité a entendu des points de vue pancanadiens reflétant les inquiétudes des municipalités, des universitaires, des syndicats et du Bureau de la concurrence. Tous ces points de vue sont importants et méritent d'être pris en considération. Cependant, l'ACPV voit le projet de loi C-26 sous un autre angle, puisque nous représentons des Canadiens qui voyagent énormément et qui dépendent beaucoup du service aérien pour leurs voyages d'affaires.

Comme il ressort de notre mémoire, l'ACPV est un organisme national dont 30 000 professionnels de la vente sont membres dans toutes les parties du Canada. La gamme d'activités de ces hommes et de ces femmes va d'entrepreneurs indépendants à responsables des ventes et de la commercialisation dans les grandes entreprises.

• 0905

Nos membres, souvent appelés les voyageurs «par nécessité», sont obligés de compter énormément sur les compagnies aériennes canadiennes pour effectuer des voyages d'affaires entre les villes. Par conséquent, l'existence d'un service aérien de passagers fiable, efficace, économique et pancanadien est un impératif commercial pour nous.

Fondée en 1874 sous le nom d'Association des voyageurs de commerce du Canada, l'ACPV s'est engagée depuis longtemps à exposer les vues des voyageurs de commerce canadiens.

À l'époque, c'est-à-dire avant l'invention des avions et des moteurs à explosion, l'association représentait les intérêts de ses membres en ce qui a trait aux voyages ferroviaires et maritimes. Or, les navires à passagers ont depuis longtemps cessé d'être une option pour les voyages d'affaires, et les trains, bien que nous saluions l'engagement de réinvestir dans VIA, deviendront, nous l'espérons, une solution de rechange viable pour les voyageurs d'affaires.

Avant de passer à notre mémoire, il convient de signaler que l'ACPV n'a pas l'intention de s'opposer à l'acquisition des Lignes aériennes Canadien International par Air Canada. Comme le commissaire à la concurrence l'a très bien exprimé, la fusion proposée est préférable à la liquidation des actifs de Canadien International au moyen d'une procédure de faillite.

Notre mémoire abordera cinq thèmes, que je me ferai un plaisir de discuter avec vous.

Premièrement, nous avons exprimé des réserves quant à l'utilisation d'expressions comme «intérêt public» et «questions relatives aux transports nationaux», qui semblent revenir assez souvent dans le projet de loi C-26. Nous recommandons l'élaboration d'un mécanisme à l'avance pour faire en sorte que l'opinion publique soit sondée de façon rapide et précise dès qu'une transaction est proposée au gouvernement.

Deuxièmement, dans notre mémoire nous soutenons que le projet de loi C-26 permet avec une facilité consternante à un transporteur d'interrompre le service à une collectivité donnée. Le projet de loi prévoit actuellement que si un transporteur peut montrer que le service ne sera pas réduit de plus de 50 p. 100 par rapport à la semaine précédant le dépôt de sa proposition, ou qu'il cherchera à rencontrer des responsables locaux le plus tôt possible et que des services de transport public de rechange seront offerts dans les environs, on approuvera alors rapidement sa demande de retrait de ce marché. Le fait pour une collectivité de perdre un service aérien est un enjeu de taille, et l'ACPV croit qu'il faudra renforcer davantage le service dans les régions.

Troisièmement, nous ne pouvons imaginer que le Comité permanent des transports est satisfait des dispositions du projet de loi C-26 relatives aux prix. Ces dispositions ne sont convenables que dans le cas d'un transporteur qui est en situation de monopole. Cependant, si le ministre des Transports est sérieux quand il affirme que le gouvernement ne tolérera pas la majoration des prix, les recommandations du comité permanent relatives à la majoration des prix devraient donc être intégrées au projet de loi C-26.

Dans notre mémoire, nous affirmons que l'ACPV n'est pas en faveur de la restauration d'un régime de réglementation lourde pour l'industrie du transport aérien. Le fait qu'on ne semble pas craindre qu'un seul transporteur puisse avoir le monopole du marché et puisse contrôler les coûts nous inquiète. C'est pourquoi nous pensons avoir raison de demander au comité permanent de recommander aux autorités compétentes d'exiger d'un transporteur se trouvant en situation de monopole de demander, par exemple, à l'Office des transports du Canada d'approuver les tarifs proposés.

Il y a environ 12 ans, je comparaissais devant un comité. L'un des avocats présents ce jour-là s'était approché de moi et m'avait dit: «Écoutez, monsieur Ruffel, si nos frais augmentent, nous devons alors hausser nos prix, n'est-ce pas?» Nous pensons que la loi prévoit quelque chose relativement aux situations de monopole, mais nous craignons sincèrement que dans une telle situation—c'est-à-dire que chaque fois que les frais augmentent, les prix augmentent aussi—, il ne s'agisse peut-être pas de majoration des prix; le problème, c'est que nous ne voyons pas tellement de choses qui inciteraient Air Canada à contrôler ses coûts. C'est ce qui nous préoccupe vraiment.

Quatrièmement, l'ACPV s'inquiète de ce que le projet de loi C- 26 ne traite pas de la plupart des questions se rapportant à la concurrence. Apparemment, ces questions ont été abordées dans le cadre d'une lettre d'entente envoyée par Air Canada au ministre des Transports et au commissaire à la concurrence.

Si les 10 points précis énumérés aux pages 6 et 7 de notre mémoire ne sont pas des engagements pris par Air Canada, ils devraient alors être cernés et étudiés par le Comité permanent des transports.

Ce que nous constatons, monsieur le président, c'est qu'on a pris de nombreux engagements, mais nous ne sommes pas certains que ces engagements seront respectés. Nous voulons avoir la garantie qu'ils le seront.

Des milliers de voyageurs d'affaires qui ont accumulé des points de grands voyageurs offerts par les Lignes aériennes Canadien International vous diront qu'il faudrait avoir une 11e garantie d'Air Canada. Si j'ai bien entendu ce que vous avez dit, M. Milton comparaîtra devant votre comité au début du mois de mai, et j'en suis ravi.

Nous aimerions qu'Air Canada s'engage à transférer les points de grands voyageurs offerts par Canadien International au Programme aéroplan d'Air Canada au pair. Nous pensons qu'il y a des milliers de Canadiens qui ont accumulé ces points offerts par Canadien International, ce qui représente des centaines de millions de dollars, et nous aimerions donc avoir la garantie que cette question sera prise en compte et qu'Air Canada prendra un autre engagement.

Enfin, monsieur le président, l'ACPV souscrit aux sections de la réponse du gouvernement au Comité permanent des transports ayant trait à la surveillance d'une incidence de la restructuration de l'industrie du transport aérien sur les principaux intervenants. Toutefois, nous nous interrogeons sur le sérieux d'un tel mécanisme de surveillance s'il n'est pas prévu dans le projet de loi.

• 0910

Nous remettons en question la légitimité de tout ce mécanisme, puisque ni la façon de s'assurer qu'Air Canada respecte ses engagements, ni le mécanisme de surveillance ne sont inscrits explicitement dans le projet de loi.

J'attire votre attention sur les deux dernières pages. J'aimerais vous signaler que d'autres associations ont appuyé nos travaux et notre mémoire.

Monsieur le président, je suis maintenant prêt à répondre à toutes vos questions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Ruffel, pour cet exposé. Certains de mes collègues m'ont déjà parlé de votre façon d'exposer les choses: d'abord, vous énumérez les enjeux, puis vous recommandez des changements à apporter au projet de loi. Nous vous en sommes très reconnaissants. Votre exposé est très clair, très concis et très direct.

En ce qui concerne le prix des billets d'avion et les taux de fret, je me demande si vous pourriez m'apporter une petite précision. Si j'ai bien compris, le projet de loi C-26 dont nous sommes saisis maintenant prévoit à quatre reprises que l'Office des transports du Canada peut réagir à la majoration des prix des billets d'avion et des taux de fret qui peuvent sembler excessifs, et ce, peu importe la raison invoquée par la compagnie aérienne, etc.

Êtes-vous au courant de ces dispositions? Le cas échéant, pensez-vous que ce n'est pas suffisant?

M. Terry Ruffel: En ce qui concerne les prix, je pense que vous avez fait un assez bon travail, de même que le projet de loi est assez satisfaisant pour ce qui est de protéger les Canadiens de la majoration excessive des prix dans l'éventualité où il y aura un seul transporteur qui aura le monopole des services aériens. Cela dit, ce qui nous préoccupe le plus—et nous souscrivons à vos recommandations—, c'est qu'on ne semble avoir prévu une très bonne protection que dans les cas où un seul transporteur se trouverait en situation de monopole.

C'est donc dans les cas de transporteurs se trouvant en situation dominante ou de presque monopole que nous pensons que la loi devrait être renforcée davantage en permettant à l'Office des transports du Canada de baisser les prix, s'ils estiment que l'augmentation n'est pas justifiée.

Le président: J'en prends note. Je vous remercie.

Roy Bailey.

M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Alliance canadienne): Merci d'être venu témoigner devant notre comité. Je voudrais moi aussi vous remercier pour votre exposé, qui a été concis et bref, ce qui nous permettra de poser plus de questions.

Votre association compte 30 000 membres, et son rôle a traditionnellement consisté à s'occuper de la clientèle canadienne qui est obligée de voyager. Vos membres n'ont d'autre choix que de voyager, n'est-ce pas?

M. Terry Ruffel: C'est bien cela; ce sont des voyageurs par nécessité.

M. Roy Bailey: Le fait que les membres de votre association doivent voyager régulièrement leur permet-il de prévoir leurs dates de voyage, et, donc, de réserver leurs billets à l'avance?

M. Terry Ruffel: Quand on est voyageur par nécessité, on part généralement le lundi matin et on revient le lendemain. Dans ce type de voyage, on bénéficie rarement d'une réduction substantielle.

Comme chacun le sait, si on est disposé à sacrifier sa vie personnelle en se prévalant du séjour du samedi soir obligatoire, on peut certainement bénéficier de réductions substantielles du prix du voyage, mais ce serait probablement trop demander aux voyageurs d'affaires canadiens que de partir de chez eux le samedi pour un voyage d'affaires.

Nos membres sont donc des voyageurs par nécessité, et ils paient généralement le plein tarif.

M. Roy Bailey: Avez-vous une idée du montant que dépensent annuellement les membres de votre association en voyages par avion?

M. Terry Ruffel: Je ne pourrais pas vous donner de chiffre exact, monsieur Bailey, mais le montant est très élevé.

M. Roy Bailey: C'est très élevé.

M. Terry Ruffel: Oui, c'est très élevé. Nous savons que le nombre de nuitées dépasse le million.

Il y a quelques années, nous avons effectué un sondage et nous avons appris qu'ils prennent l'avion en moyenne 12 fois par année. En d'autres mots, ils prennent l'avion au moins une fois par mois. Dans bien des cas, s'il s'agit d'un vaste territoire, on peut passer beaucoup de temps à faire de la route, et ce, toutes les semaines.

M. Roy Bailey: Savez-vous si Air Canada s'est mise en rapport avec des responsables des Milles aériens et ce qu'ils ont l'intention de faire? Comme vous le savez, la compagnie qui offre des milles aériens avait un contrat se terminant en 2006, si je ne m'abuse, avec Canadien International. Comme vous l'avez dit, il n'y aura pas de transition en douceur, étant donné qu'Air Canada n'acceptera de transférer qu'un nombre limité de points, ce qui se terminera en 2002.

Êtes-vous au courant de tout cela?

• 0915

M. Terry Ruffel: Non, je ne le suis pas. En revanche, je sais qu'Air Canada a pris certains engagements, notamment qu'elle continuera à offrir ces programmes, mais ce qui nous inquiète, c'est le sort des dizaines de milliers de voyageurs d'affaires qui ont accumulé des points avec Canadien International. Air Canada a pris dix engagements, et nous le disons dans notre mémoire, mais nous aimerions qu'elle prenne un onzième engagement, à savoir donner à de nombreux Canadiens la garantie qu'ils ne seront pas laissés pour compte.

M. Roy Bailey: Il me semble avoir entendu un représentant d'Air Canada, qui a comparu devant notre comité avant le début de l'étude dont nous sommes saisis maintenant, à savoir le projet de loi C-26, dire que les points seraient transférables. Il semblait que tout allait marcher comme sur des roulettes. Or, on apprend maintenant qu'il y aura une date de péremption, que le contrat arrivera à terme quatre ans à l'avance et, comble de tout, que l'on imposera certaines limites quant à l'utilisation de ces points. À votre avis, cela aura-t-il une grave incidence sur les membres de votre association?

Le président: Je veux vous interrompre pour un instant, si vous le permettez.

Il faut faire attention, Roy, à ce dont il est question ici.

M. Roy Bailey: D'accord.

Le président: Vous avez parlé des Milles aériens, et ce n'est pas la même chose que les points de grands voyageurs offerts par Canadien International.

M. Roy Bailey: Je voulais dire les points de grands voyageurs.

Le président: Je pense que M. Ruffel parlait des points de grands voyageurs que les passagers de Canadien International pouvaient accumuler et transférer, et je crois qu'Air Canada a même publiquement annoncé qu'elle fusionnerait les deux systèmes de points. Mais les Milles aériens, qui appartiennent à la compagnie Loyalty Group, sont un outil de marketing—vous savez, quand on achète une bouteille de boisson, par exemple, on obtient des points—; il s'agit d'un toute autre structure de bonus, et je ne crois pas qu'Air Canada soit obligée d'y souscrire.

M. Terry Ruffel: Monsieur le président, notre position est la suivante: nous aimerions avoir une certaine garantie qu'Air Canada prendra un engagement à ce sujet et que les règles du jeu seront précisées avant que l'on cherche à obtenir une approbation. Je crois que les voyageurs ont le droit de savoir comment on réglera cette question et que le comité recevra certaines garanties à ce sujet.

Je suis d'accord avec votre observation, monsieur Bailey. Au début, les choses semblaient être certaines, mais maintenant on semble tergiverser un petit peu. Or la certitude est importante pour les voyageurs canadiens.

M. Roy Bailey: J'aurais une dernière observation, monsieur le président.

Quand on sait que les voyageurs canadiens ont accumulé des millions de dollars en économies, et je sais qu'il n'y a pas de garantie, si on devait restreindre l'accès à ces économies d'une quelconque façon, il me semble qu'on va offrir aux Canadiens d'un bout à l'autre du pays une véritable déception. En effet, ces voyageurs perdront ce qu'ils auront économisé, il me semble, et ce n'est certainement pas une bonne chose pour l'industrie canadienne du transport aérien.

M. Terry Ruffel: Ce n'est certainement pas une bonne chose ni pour les gens d'affaires, ni pour les voyageurs. Je suis tout à fait d'accord avec votre observation, à savoir qu'il faut dire clairement ce à quoi on peut s'attendre.

M. Roy Bailey: Je vous remercie.

Le président: Merci, Roy.

Murray Calder, allez-y.

M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Terry, c'est un excellent mémoire que vous nous avez soumis ici. Dans votre recommandation numéro 2, vous dites que le projet de loi C-26 fait référence à une évaluation de l'intérêt public et des questions relatives aux transports nationaux et qu'un mécanisme devrait être mis en place pour obtenir l'avis du public à ce sujet rapidement et exactement. Quel genre de mécanisme envisagez-vous?

M. Terry Ruffel: Je n'en suis pas sûr, mais l'Office des transports du Canada devrait certainement réfléchir à la question, en sollicitant évidemment l'avis du public—il y a des dispositions qui le prévoient ici—et celui des représentants élus. Vers la fin de notre mémoire, nous avons même proposé, étant donné que nous sommes une association de voyageurs d'affaires, de faire un sondage rapide auprès de nos membres sur l'incidence de la restructuration des lignes aériennes.

S'il faut changer les choses rapidement, y compris les règles, le gouvernement doit alors élaborer un mécanisme pour jauger la réaction du public très rapidement en conséquence, soit dans le cadre de réunions, de sondages, soit en travaillant de concert avec les groupes touchés, notamment les agences de voyage.

M. Murray Calder: Hier, nous avons demandé à Konrad von Finckenstein, du Bureau de la concurrence, si son organisme voulait assumer ce rôle d'observateur, ce à quoi il a répondu franchement: «Notre rôle n'est pas de trouver les bagages perdus ou de recevoir les plaintes des consommateurs.»

Que pensez-vous de l'idée suivante: si on nommait un observateur indépendant au sein de l'Office des transports du Canada qui aurait comme responsabilité première d'agir à titre d'ombudsman, d'entendre les plaintes et de faire rapport au ministre ou à l'Office des transports du Canada, ou aux deux, selon la nature du problème? Que pensez-vous d'une telle idée?

M. Terry Ruffel: Elle me semble être très bonne, très bonne.

Je me trouvais récemment aux États-Unis, et je peux vous dire que le nombre de plaintes par rapport à l'industrie du transport aérien là-bas a doublé, triplé, sinon quadruplé. C'est en train de devenir un véritable problème. Alors, l'idée d'un ombudsman et les dispositions relatives aux mesures de contrôle proposées sont d'excellentes suggestions si l'on veut assurer le suivi des plaintes et mesurer l'incidence de la restructuration de l'industrie du transport aérien sur le milieu des affaires et sur les petites collectivités.

M. Murray Calder: Très bien.

Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Je vous remercie, Murray.

Michel Guimond.

• 0920

[Français]

M. Michel Guimond (Beauport—Montmorency—Côte-de-Beaupré—Île-d'Orléans, BQ): Monsieur Ruffel, à mon tour, je voudrais m'associer aux commentaires que le président de notre comité a faits au début.

Le président: Excusez-moi. Le micro...

Une voix: Vous allez être obligé de parler...

M. Michel Guimond: Je vais être obligé de parler? C'est comme parler pour ne rien dire. Je ne suis pas habitué à cela.

Des voix: Ah, ah!

M. Michel Guimond: Est-ce que mon temps est compté? Is the clock running?

Une voix: Absolutely.

M. Michel Guimond: On a encore la démonstration d'une tentative des libéraux de nous bâillonner, nous, les pauvres maltraités de l'opposition. Nous sommes bâillonnés. On est obligés de parler pour ne rien dire. On est obligés de tuer le temps.

Des voix: Ah, ah!

M. Michel Guimond: Tout le monde connaît mon humilité habituelle.

[Traduction]

Des voix: Oh, oh!

Le président: Monsieur Ruffel, je vous demanderais de bien vouloir venir vous asseoir près de Murray Calder, de sorte que vous puissiez répondre à M. Guimond.

[Français]

M. Michel Guimond: Tout le monde connaît mon bon caractère. J'étais disposé à ne pas me fâcher ce matin.

[Traduction]

Le président: Entre-temps, nous demanderons à un technicien de vérifier le coin de la table.

Une voix: [Note de la rédaction: Inaudible]... quatre heures et demie d'affilée.

Le président: Non, on apprend généralement vite...

M. Michel Guimond: Dans le cadre de l'étude du projet de loi C-20, j'ai fait de l'obstruction systématique pendant cinq heures 45 minutes. Si tout le monde le veut, je peux commencer à partir de maintenant.

Le président: Vous savez quoi? Allez-y; après tout, on est jeudi!

Des voix: Oh, oh!

Le président: Il vous reste une minute, Michel.

Des voix: Oh, oh!

Le président: C'est une blague!

[Français]

M. Michel Guimond: Monsieur Ruffel, j'aimerais vous dire dès le départ que je souscris aux propos du président du comité, M. Keyes. Ce que je comprends, c'est que des témoins viennent devant nous à ce stade-ci pour nous suggérer des choses à améliorer dans ce projet de loi. Si vous l'avez fait personnellement, je vous en félicite. Sinon, vous féliciterez votre entreprise ou le lobbyiste qui a travaillé pour vous. Il a très bien compris son rôle.

M. Calder a posé ma question concernant le mécanisme et l'ombudsman. Vous y avez très bien répondu et je crois que cela pourra orienter le comité.

J'aimerais vous parler de la recommandation n° 5, à la page 6 de la version française de votre présentation. C'est toute la question relative aux prix et aux taux. Je vais vous poser une question assez pointue. Je ne fais pas cela pour être impoli, mais pour savoir comment on pourrait améliorer l'article 66 de la loi. Premièrement, vous donnez un bon coup de chapeau au comité quand vous dites que le gouvernement devra tout simplement adopter les recommandations 22 à 25 du rapport du comité. C'est flatteur pour nous, et j'aimerais que vous nous indiquiez ce qu'il y a dans l'article 66 qui ne va pas assez loin ou qui ne protège pas suffisamment les membres de votre association.

[Traduction]

M. Terry Ruffel: Merci beaucoup. Je vous remercie des compliments. C'est très gentil!

Notre position, exprimée à la page 5, c'est que le projet de loi est très satisfaisant quand il est question de traiter avec des transporteurs uniques. Dans l'éventualité où un transporteur est en situation de monopole, on s'est doté de mécanismes de contrôle, notamment des prix, pour protéger le public canadien.

Le problème, et je lisais cela dans le journal ce matin même, ce sont les transporteurs qui jouissent d'un quasi-monopole. Je l'ai dit et je le répète, je pense que le comité a fait un excellent travail pour ce qui est des transporteurs qui dominent dans le secteur du transport aérien, notamment en donnant à l'Office des transports du Canada le pouvoir d'annuler les hausses de prix imposées par ces transporteurs. Dans sa version actuelle, le projet de loi C-26 assure une très bonne protection contre les transporteurs en situation de monopole. Cela dit, en ce qui a trait aux transporteurs se trouvant dans ces situations de quasi-monopole ou qui dominent dans le secteur, c'est une tout autre paire de manches.

• 0925

Nous sommes d'avis que les recommandations formulées par le comité protègent mieux le public canadien que ne le fait le projet de loi actuellement. En effet, vous recommandez au gouvernement d'exiger, comme condition d'approbation, que les transporteurs en situation dominante gèlent le prix des billets d'avion, que la loi sur l'Office des transports du Canada soit modifiée pour autoriser celui-ci à approuver ou à rejeter les demandes d'augmentation des tarifs soumises par un transporteur en situation dominante. Monsieur le président, mesdames et messieurs, je pense que le comité propose une meilleure solution que le projet de loi.

M. Roy Bailey: Évidemment, c'est souvent le cas.

[Français]

M. Michel Guimond: Ma deuxième question est davantage un commentaire. Vous pourrez peut-être ajouter quelque chose. On sait qu'Air Canada, dans la lettre du 21 décembre, a pris certains engagements. Vous en avez énuméré 10, et je crois que c'est exact. À la recommandation 6, vous dites:

    Si les 10 engagements pris par Air Canada et énoncés ci-dessus ne sont pas inclus dans le paragraphe 10.1(2) proposé de la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada, le comité permanent devrait les faire connaître au public.

Cela me pose des difficultés: «les faire connaître au public». Je pense que n'importe quel membre du comité pourrait le faire. Vous dites en quelque sorte qu'on devrait modifier le paragraphe 10.1(2) pour inclure ces 10 engagements. Est-ce le sens de vos propos? Peut-être que je vous comprends mal, mais j'aimerais avoir vos explications à ce sujet.

[Traduction]

M. Terry Ruffel: C'est exactement ce à quoi nous voulions en venir. Dans notre déclaration préliminaire, nous nous sommes posé la question suivante: s'il s'agit d'engagements, de quelles garanties le comité dispose-t-il pour s'assurer que les engagements seront respectés? De toute évidence, du point de vue du public canadien... Il se trouve que nous sommes d'accord avec ces engagements, soit dit en passant, mais quelles garanties avez-vous et quelles garanties avons-nous, nous, les voyageurs, que tous ces engagements seront respectés?

Si ces garanties ou ces engagements étaient prévus dans le projet de loi, nous en serions ravis, mais, de toute évidence, s'il existe un autre mécanisme qui pourra nous garantir que ces engagements seront respectés... J'ai déjà vu des fusions dans le cadre desquelles on avait pris toutes sortes d'engagements quant aux niveaux d'emploi et de chômage. Seulement voilà, deux années plus tard, ces engagements ne s'étaient toujours pas concrétisés. Je l'ai vu se produire dans de nombreux cas.

Je crains, et les membres de notre association craignent également, qu'il n'y ait pas de façon de s'assurer que ces engagements seront respectés. Certes, il s'agit d'engagements louables, mais comment faire en sorte qu'ils se concrétisent?

Le président: Y a-t-il d'autres questions?

Val.

Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, Alliance canadienne): Je vous remercie, monsieur le président.

Vos réponses à la recommandation numéro 2, l'interruption des services, m'intéressent particulièrement. Vous avez dit assez clairement que l'avis de 120 jours n'est pas suffisant et qu'il faudrait que le transporteur communique avec la municipalité ou la région dont il veut se retirer. De plus, vous dites que vous n'êtes pas certain que la réduction de 50 p. 100 des services, comme le prévoit le projet de loi, est suffisante. Vous avez des objections à ce sujet.

Étant donné que vous représentez le milieu des affaires, je vais vous poser une question directe. En tant qu'homme d'affaires, pensez-vous que vos clients aimeraient se retrouver dans une situation où le gouvernement insisterait pour qu'ils continuent d'offrir des services même s'ils perdaient de l'argent, même si cela devait mener, à terme, à la faillite de leur entreprise?

Nous avons entendu des représentants de l'industrie du transport aérien, notamment les petits transporteurs, dire que le délai de 120 jours pourrait avoir différentes répercussions. D'abord, ce délai vous oblige à rester sur un marché où vous perdez de l'argent, et vous compromettez, ce faisant, la viabilité de votre entreprise. Ensuite, il vous empêche de lancer des services à titre d'essai. En d'autres mots, vous ne serez pas en mesure de pénétrer un nouveau créneau si vous ne pouvez pas vous retirer du marché avant au moins quatre mois. Il est bon parfois de tester le marché pour voir s'il peut supporter le service qu'on offre. Or, avec ce délai de quatre mois, on ne peut pas prendre de risque pour la simple raison qu'on ne peut risquer autant d'argent en même temps.

• 0930

Alors, en tant que représentant du milieu des affaires, pensez-vous sincèrement que le gouvernement devrait imposer ce genre de conditions à une entreprise qui offre des services?

M. Terry Ruffel: Absolument. D'une manière générale, la plupart des hommes et des femmes d'affaires que je connais voient la vie à plus long terme—qu'il s'agisse d'élaborer des plans d'affaires ou de faire des études de marché. Par conséquent, si une entreprise arrive sur un marché en envisageant déjà qu'elle se retirera dans quatre mois, et si elle veut surtout avoir la possibilité d'annoncer un service et de l'abandonner assez rapidement, je m'interrogerais sérieusement sur le bien-fondé de sa planification d'entreprise et sur ses études de marché. C'est pour cette raison que je crois que le délai de 120 jours est le minimum requis.

Il faut que tout cela contrebalance l'engagement pris envers la collectivité, pour que celle-ci sache qu'elle peut compter sur un service et qu'il y a un mécanisme en place en vertu duquel tout changement fera l'objet d'une discussion avec les membres de la collectivité, notamment s'il s'agit d'un monopole et si l'interruption de service risque de nuire gravement à la collectivité.

Je crois qu'il s'agit là d'un cas où il faut prévoir une certaine protection, des mesures de consultation. Quand j'entends quelqu'un dire que son entreprise a besoin de plus de latitude, je me dis: voilà une entreprise qui n'a pas fait ce qu'elle devait faire.

Mme Val Meredith: Seriez-vous d'accord pour dire que les compagnies aériennes ont besoin d'un peu plus de capital que les entreprises ordinaires? Il n'est pas donné à n'importe qui de se lancer dans l'industrie du transport aérien et d'offrir un service sans investir au préalable des millions de dollars en dépenses d'investissement pour l'achat d'aéronefs, d'autant plus qu'il y a tellement d'impondérables, comme une hausse de 50 p. 100 du prix du carburant, par exemple.

L'industrie du camionnage est en crise actuellement en raison d'une hausse des coûts que personne n'aurait pu prévoir lors de la planification à long terme. Ce sont des choses qui arrivent.

Mais si vous insistez pour qu'une entreprise... et, effectivement, il s'agit d'un transporteur, mais, dans bien des cas, quand on parle de monopole, il ne s'agit en réalité que de petits transporteurs. Je ne parle pas de transporteurs comme Air Canada. Je pense, par exemple, à la compagnie First Air, c'est-à- dire les petites compagnies aériennes. Celles-ci craignent beaucoup que, si l'on devait imposer le délai de 120 jours, il n'y ait plus tellement de concurrence dans le secteur des services aux collectivités.

Je trouve qu'il y a une contradiction entre ce que vous nous dites, vous, en tant que représentant du milieu des affaires, et ce que d'autres hommes d'affaires qui essaient d'offrir un service nous disent.

M. Terry Ruffel: C'est le genre de choses que les comités sont appelés à concilier... l'engagement envers la collectivité, l'avis donné à la collectivité ou l'investissement de capitaux.

Vous avez probablement raison. En étudiant le projet de loi, nous avions toujours à l'esprit Air Canada, mais il pourrait y avoir d'autres éléments qui entrent en ligne de compte et qui se rapportent aux petites compagnies aériennes qui mériteraient votre attention.

Le président: Roy, avez-vous une question?

M. Roy Bailey: Ma question ressemble beaucoup à celle de Val. À l'heure actuelle, des compagnies aériennes signent des contrats entre elles, et on leur accorde un délai de 30 jours, ce qui est évidemment ridicule. Comme nous l'avons dit ici, si on doit appliquer le délai de 120 jours à un transporteur aérien en particulier, il me semble qu'on devrait aussi l'appliquer à tous les autres. Il serait très injuste de permettre à une compagnie aérienne d'agir comme bon lui semble.

Supposons que vos clients ou votre entreprise se trouvent dans les Territoires du Nord-Ouest; vous vous y établissez donc et vous y faites affaire. Si l'avis de 120 jours ne s'appliquait pas à votre entreprise, s'il ne s'agissait que d'un avis de 30 jours, votre entreprise s'affairerait alors à trouver une façon de desservir ce marché, n'est-ce pas?

M. Terry Ruffel: Absolument.

M. Roy Bailey: Ce à quoi je veux en venir, c'est que pour ce qui est des contraintes de temps découlant de contrats signés entre des compagnies aériennes, entre Air Canada, le transporteur dominant, et les autres compagnies aériennes, je ne pense pas qu'on devrait autoriser qui que ce soit à annoncer que le service sera interrompu dans 30 jours. On ne devrait pas permettre à un transporteur de s'en tirer facilement, sous prétexte qu'il s'agit de petites entreprises qui dépendent du service ou de petites entreprises indépendantes desservant la région.

L'un dans l'autre, je crois que le projet de loi C-26 devrait être uniforme, ce qui n'est pas le cas actuellement.

M. Terry Ruffel: Je suis d'accord avec vous.

M. Roy Bailey: Merci.

Le président: Merci, monsieur Bailey.

Monsieur Ruffel, merci d'avoir été si clair et si concis dans votre rapport et dans vos recommandations; veuillez transmettre nos remerciements à vos collègues de l'Association canadienne des professionnels de la vente.

• 0935

M. Terry Ruffel: Merci beaucoup de vos compliments, car nous y avons mis beaucoup d'efforts.

Monsieur le président, il faut comprendre que notre rapport propose des recommandations très solides qui permettraient d'améliorer le projet de loi; nous vous exhortons donc à les mettre de l'avant. De plus, dès que vous aurez l'occasion de rencontrer M. Milton, nous vous incitons fortement à lui parler du onzième engagement et à rassurer la population canadienne au sujet du programme des grands voyageurs, qui est très souhaitable et sans doute nécessaire.

Merci beaucoup de nous avoir accueillis.

Le président: Merci.

Pouvons-nous demander maintenant aux représentants de l'Association internationale des machinistes de venir s'asseoir à la table?

Attendez de voir comment le ministre réagira devant nos propres recommandations. Il croira que c'est nous qui sommes les témoins.

Pardon, messieurs, mais nous avons besoin d'une minute pour faire quelques rajustements techniques.

• 0936




• 0940

Le président: Nous accueillons maintenant l'Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale au Canada.

C'est un grand plaisir d'accueillir à nouveau le vice- président canadien de l'association, M. Ritchie, et le président du district aérien, M. Ron Fontaine. Ils sont accompagnés de Steve Vodi, coordonnateur canadien du service aérien, et de M. Erlichman, directeur canadien de la recherche.

Messieurs, bienvenue de nouveau au Comité permanent des transports. Vous avez de cinq à huit minutes à votre disposition, après quoi nous passerons directement aux questions. Merci beaucoup.

M. Ron Fontaine (président, District aérien, Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale au Canada): C'est moi qui vais commencer. Je m'appelle Ron Fontaine et je suis président national du district des transports numéro 140 du syndicat des machinistes.

Au nom des 52 000 membres canadiens de l'Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale, nous aimerions remercier le comité de nous avoir permis de lui présenter à nouveau nos points de vue sur le projet de loi C-26.

L'AIM est le premier syndicat en importance représentant les travailleurs canadiens et nord-américains de l'industrie du transport aérien. Nous représentons 18 500 membres oeuvrant dans le secteur du transport aérien au Canada, lesquels travaillent pour Air Canada et Canadien International, des transporteurs régionaux, des compagnies de charters et de petites compagnies aériennes, de même que des entreprises de services desservant les transporteurs aériens.

En novembre dernier, lorsque nous nous sommes adressés à vous, nous avions recommandé que ce comité et le gouvernement étudient cette industrie dans une perspective globale et voient plus loin que la fusion des deux principaux transporteurs, et ce, dans l'optique d'élaborer un cadre de travail à long terme pour tous les secteurs de l'industrie. Nous avions incité votre comité et le gouvernement à adopter une position active pour renverser l'attitude passive et réactive des 15 dernières années et à présenter des principes directeurs clairs qui serviraient à bâtir une industrie canadienne solide capable de fournir des services sécuritaires et fiables à des prix raisonnables partout dans ce pays.

Nous sommes déçus de constater que le projet de loi C-26 poursuit la politique gouvernementale passive à l'égard de notre industrie, car c'est cette passivité qui nous a menés à la situation actuelle. Le projet de loi C-26 ne prévoit qu'une série de mesures défensives à portée étroite et à court terme sur l'évolution de l'industrie. Une prolongation marginale des processus de révision des tarifs de l'Office des transports du Canada et d'avis de retrait de lignes de navigation aérienne ainsi que l'octroi de plus de pouvoirs au commissaire à la concurrence ne répondent pas au besoin d'une stratégie active pour assurer l'avenir de ce secteur d'une importance cruciale.

Nous sommes toutefois heureux de constater que le gouvernement n'a pas donné suite à certaines recommandations de ce comité. Il est important de continuer à limiter la propriété étrangère dans ce secteur à 25 p. 100 pour assurer le contrôle intérieur de cette importante industrie. Nous serions d'autant plus satisfaits si le gouvernement retirait de la loi le pouvoir du gouvernement de renoncer à ces restrictions par décret.

Bien que le projet de loi C-26 hausse la limite de propriété individuelle chez Air Canada de 10 à 15 p. 100, nous sommes néanmoins satisfaits de voir que l'exigence qu'Air Canada soit détenue par plusieurs propriétaires sera maintenue. À la lumière de la position dominante qu'occupe Air Canada dans ce secteur, il devient essentiel qu'aucun intérêt ne puisse à lui seul prendre le contrôle de la société.

Nous sommes également heureux de constater que le gouvernement ne propose pas d'ouvrir le marché intérieur du transport aérien à des transporteurs étrangers. Une telle décision aurait des conséquences désastreuses pour l'industrie et pour le Canada dans son ensemble. Bien qu'Air Canada soit un transporteur d'envergure, la société est de petite taille relativement aux transporteurs qui dominent le marché américain. Nous avons constaté que ce dernier marché tend vers la monopolisation et la concentration.

Si les principaux transporteurs américains—disposant d'énormes ressources financières et commerciales—étaient autorisés à pénétrer le marché canadien, ils auraient le potentiel d'anéantir Air Canada et tous les autres concurrents canadiens, et ce, très rapidement. Des milliers de Canadiens perdraient leur emploi. Les collectivités canadiennes et les Canadiens eux-mêmes se trouveraient à la merci des grands transporteurs américains, pour qui notre marché serait d'une importance secondaire. En conséquence, nous pourrions nous attendre à un service de moindre qualité et à des hausses tarifaires, surtout à l'extérieur des grands centres urbains.

Bien que le gouvernement n'ait pas donné suite à la proposition de donner accès aux transporteurs étrangers à notre marché intérieur, nous nous faisons tout de même du souci concernant sa réponse au comité, voulant qu'une telle mesure puisse éventuellement constituer une solution à la concurrence intérieure. Nous devons régler nos problèmes de concurrence intérieure nous-mêmes, et non pas en important des monopoles étrangers.

Je cède maintenant la parole à Dave Ritchie.

M. Dave Ritchie (vice-président canadien, Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale au Canada): Nous sommes particulièrement déçus de constater que le gouvernement n'a pas donné suite à notre recommandation d'assurer un programme étendu de protection des travailleurs dans le cadre des répercussions que la restructuration aura sur l'industrie. L'engagement envers tous les travailleurs de cette industrie a été oublié dans le processus.

• 0945

Le projet de loi C-26 concède des protections pour nos membres qui travaillent pour Air Canada, Canadien International et leurs filiales, protections que nous avions déjà négociées avec Air Canada. Toutefois, le projet de loi ne propose aucun processus à long terme pour protéger les travailleurs pendant la restructuration de l'industrie, laquelle durera plusieurs années. Il ne prévoit aucune protection pour les nombreux travailleurs (représentant environ le tiers des travailleurs de l'industrie) qui ne sont pas employés par les deux principaux transporteurs ou leurs filiales. Les essenciers, les employés contractuels et de nombreux autres seront gravement touchés par la restructuration de l'industrie du transport aérien.

Déjà, nos membres qui travaillant pour Hudson General Aviation Services—une entreprise qui assure des services de manutention des bagages pour Canadien International aux aéroports de Calgary, d'Ottawa, et de Halifax—risquent des mises à pied, car Air Canada se chargera dorénavant de la manutention des bagages. Ces quelque 350 membres, dont plusieurs ont consacré de nombreuses années de leur vie professionnelle à cette industrie, feront face à un avenir plein d'incertitude une fois qu'ils auront reçu leur avis de mise à pied. Pour eux, ainsi que pour les nombreux autres qui seront touchés par la restructuration au cours des prochaines années, le gouvernement doit s'engager à mettre sur pied un programme pour protéger et aider tous les travailleurs de l'industrie du transport aérien.

Nous avons présenté les protections essentielles pour les travailleurs dans notre Charte des droits des travailleurs du transport aérien, laquelle vous a été présentée en novembre dernier. Ces droits incluent les suivants: aucune mise à pied involontaire ou réinstallation des travailleurs contre leur volonté au sein des principaux transporteurs ou des transporteurs régionaux; tout employé jugé excédentaire pendant la restructuration de l'industrie verra sa future sécurité économique protégée par voie d'attrition, d'un programme d'encouragement à la retraite anticipée, d'une entente de départ volontaire, de programmes d'autorisation d'absence et d'autres programmes de compensation offerts équitablement à l'échelle du secteur; le gouvernement mettra sur pied un programme d'aide aux travailleurs comprenant le soutien du revenu, le recyclage, l'aide à la recherche d'emploi et à la réinstallation et un accès prioritaire pour les travailleurs déplacés aux nouveaux postes offerts; les conventions collectives en vigueur devront être respectées et les droits de pension protégés pendant la restructuration; aucun emploi ne devra être exporté hors du Canada; et un processus de consultation devra être mis sur pied auprès des travailleurs touchés par la restructuration, et tout litige survenant dans l'interprétation de cette charte des droits devra être réglé le plus rapidement possible.

Le projet de loi C-26 est loin d'assurer de telles garanties. Nous avons réussi à négocier certaines protections avec Air Canada, mais plusieurs domaines de l'industrie ne relèvent pas de la responsabilité du principal transporteur. Nous demandons au gouvernement de se charger d'assurer l'équité envers tous les travailleurs de l'industrie du transport aérien, et ce, à la grandeur du Canada.

Nous menons actuellement un sondage auprès de nos membres pour évaluer leurs besoins et leurs désirs quant aux programmes de réorientation. Nous espérons que le gouvernement appuiera nos efforts et entreprendra un sondage plus étendu de l'industrie.

Nous vous demandons de recommander au gouvernement un programme qui protégera et aidera tous les travailleurs de l'industrie canadienne du transport aérien, tel que nous l'avons proposé.

Nous vous prions d'agréer nos sentiments les plus respectueux, et c'est signé par moi-même, Dave Ritchie, en tant que vice-président général.

Le président: Merci, messieurs Ritchie et Fontaine.

Madame Meredith.

Mme Val Meredith: Merci d'être là. Au cours des dernières semaines, on a surtout entendu parler des préoccupations des employés de Canadien.

Voici ce que je voudrais savoir: qui représentez-vous? Représentez-vous les employés au sol dans les aéroports? Existe-t-il des divisions distinctes pour Canadien et pour Air Canada? Ces groupes d'employés ont-ils pris des décisions et se sont-ils entendus sur la façon dont ils survivront à la fusion?

M. Dave Ritchie: D'abord, nous représentons les mécaniciens, les préposés aux aires de trafic, les agents—toute la gamme des emplois dans cette industrie aérienne.

Chez Air Canada comme chez Canadien, nous avons ratifié des conventions collectives avec les deux groupes particuliers. Les conventions collectives ratifiées mentionnent, comme cela avait été proposé, qu'Air Canada et Canadien continueront à fonctionner comme deux entités distinctes, du moins jusqu'au 22 juin 2002, date à laquelle les conventions devront être renégociées. C'est en tout cas ce qui avait été entendu en novembre. Elles ont donc été ratifiées par les membres éventuels d'Air Canada et de Canadien. Voilà où nous en sommes aujourd'hui.

• 0950

Il semblerait, à vrai dire, que la compagnie a l'intention de fusionner très rapidement, alors que nous avons encore aujourd'hui deux conventions collectives distinctes. Nous n'avons donc pas encore commencé à négocier avec l'employeur ce que nous pourrions appeler une démarche d'interpénétration.

Mme Val Meredith: Vous avez donc deux conventions distinctes avec les deux compagnies aériennes. Sont-elles vraiment si différentes que cela l'une de l'autre? Entrevoyez-vous des problèmes d'intégration de tous les travailleurs avec l'avènement d'un employeur unique?

M. Dave Ritchie: Il ne fait aucun doute que nous allons avoir un grave problème avec l'ancienneté. Je crois ne pas faire erreur en disant qu'aujourd'hui les gens d'Air Canada ne croient pas qu'il soit vraiment opportun d'intégrer les listes d'ancienneté. Ils sont plutôt d'avis qu'il devrait y avoir substitution. Quant aux gens de Canadien, ils maintiennent que la seule solution, c'est l'intégration. Vous comprenez que la question est une grande épine dans le pied des syndicats, voire de l'employeur.

Mme Val Meredith: De l'extérieur, on a du mal à comprendre comment un syndicat qui représente les intérêts des travailleurs puisse faire deux propositions. Pourquoi les employés de Canadien seraient-ils différents de ceux d'Air Canada? Comment est-il possible qu'un syndicat envisage une telle différence dans le traitement des employés d'une compagnie par rapport à ceux de l'autre, alors que tous font le même travail?

M. Dave Ritchie: Je ne comprends pas votre question.

Mme Val Meredith: Comment pourrait-on ne pas fusionner les deux listes d'ancienneté? Comment pouvez-vous affirmer que, dans un même syndicat, celui qui a 25 années d'expérience auprès de Canadien ne vaut pas tout autant que l'autre employé qui a travaillé tout aussi longtemps, mais ailleurs?

M. Dave Ritchie: Qui prétend que c'est ce que nous avons dit?

M. Val Meredith: Une lettre a été envoyée aux agents de bord, je crois, de Canadien. Vous ne représentez peut-être pas...

M. Dave Ritchie: Je ne représente pas les agents de bord.

Mme Val Meredith: Bien. Je ne savais pas exactement comment se faisait la répartition. Mais une lettre a effectivement été envoyée à ces gens expliquant que la section du syndicat d'Air Canada souhaitait la substitution alors que la section de Canadien du même syndicat la refusait et préférait l'intégration. C'est exactement le problème dont vous avez parlé. Comment le même syndicat représentant le même type d'employé peut-il justifier cette dichotomie? Ne devrait-il pas protéger les intérêts supérieurs de tous ces employés, en les traitant tous sur un pied d'égalité?

M. Dave Ritchie: C'est ce qu'il fait, mais la démocratie lui joue parfois de vilains tours.

Mme Val Meredith: En effet, cela peut arriver.

M. Dave Ritchie: À vrai dire, il s'agit de deux entités distinctes. Jusqu'à ce qu'il y ait véritablement fusion, ces deux entités demeureront distinctes. Nous représentons donc les uns et les autres, les uns relevant d'une compagnie et les autres de l'autre. C'est lorsque les deux se rencontrent qu'il y a friction. Jusqu'à maintenant, les deux n'ont pas eu à se rencontrer, parce qu'il n'y a pas eu de scénario de fusion.

Mme Val Meredith: Si, il y en a un. Alors, comment vos employés pourront-ils s'en tirer? Comment votre syndicat fait-il pour ramener les deux parties à la table et les convaincre de négocier l'une avec l'autre, pour que la démarche soit la plus équitable possible pour tous les employés des deux compagnies aériennes?

M. Dave Ritchie: Laissez-moi vous expliquer ce qu'a décidé notre syndicat. Il semble qu'il y ait conflit d'intérêts, car l'un dit blanc et l'autre noir. Nous, nous disons que non seulement la solution doit être équitable, mais elle doit aussi être perçue comme l'étant. Par conséquent, nous sommes d'avis que l'enjeu que pose l'ancienneté doit être mis entre les mains d'une tierce partie du CCRI; ainsi, les employés d'Air Canada et ceux de Canadien, représentés respectivement par leurs présidents de secteur et leurs avocats pourraient plaider leur cause, en demandant à la tierce partie de prendre la décision.

• 0955

Ainsi, les intéressés ne se sentiraient pas lésés, que la décision aille dans un sens ou dans l'autre. Ils auraient aussi le sentiment que leur point de vue a été exposé. Ils seraient obligés d'accepter la décision, car tout devrait être exécutoire. Tous les employés auraient eu droit à une audition impartiale et seraient obligés de se soumettre à la décision prise par celui qui aurait soupesé tous les pour et les contre.

Voilà ce que nous nous proposons de faire.

Mme Val Meredith: Merci de votre réponse.

Le président: Monsieur Drouin.

[Français]

M. Claude Drouin (Beauce, Lib.): Monsieur Ritchie, membres de l'association, merci et bienvenue au Comité des transports.

Monsieur Ritchie, vous parlez de la protection des employés. Je pense que vous serez d'accord avec moi pour dire que s'il y avait eu une faillite au lieu d'une fusion, il y aurait eu de nombreuses pertes d'emploi. On parle de dizaines de milliers d'emplois perdus. Est-ce que le syndicat a vérifié si, dans la proposition que vous pourriez faire à Air Canada, il n'y aurait pas moyen de faire cela d'une façon plus agréable, si je peux m'exprimer ainsi, afin de permettre aux employés qui ont travaillé pendant de nombreuses années pour les deux compagnies de se retirer grâce à une réduction du personnel par attrition? Est-ce que votre association a envisagé cette possibilité?

[Traduction]

M. Dave Ritchie: Nous nous sommes entendus là-dessus avec Air Canada et Canadien. Nous avons justement négocié des pistes de solution, ce qui me permet de vous répondre par l'affirmative pour Air Canada et pour Canadien. Mais comme le dit mon mémoire, cela n'a pas été possible pour certains groupes, tels que les employés de Hudson General Aviation Services, dont beaucoup ont de longs états de service. Certains des employés d'Ottawa travaillent pour Hudson General depuis 22 ans déjà, et pourtant ils vont perdre leurs emplois. On ne leur offre rien du tout, pas même d'attendre l'érosion naturelle des effectifs. On leur a montré la porte.

Nous avons demandé de prévoir quelque chose qui permette d'assurer une certaine transition pour ces gens, comme par exemple une formation, pour qu'ils puissent espérer se trouver quelque chose dans l'industrie aérienne. N'oublions pas qu'Air Canada a répété à maintes reprises que l'industrie aérienne était un secteur en pleine croissance et qu'il lui faudrait donc, éventuellement, songer à embaucher. Voilà pourquoi nous avons décidé de faire notre sondage dès maintenant, pour essayer d'établir les besoins.

De plus, nous avons besoin d'être financés pour essayer de bien déterminer dans quels secteurs il y a un avenir, pour que nous soyons tout fin prêts et que nous puissions préparer certains des employés qui sont touchés par la restructuration et qui pourraient être intéressés par ces emplois, lorsqu'ils surviendront. La question est à deux volets: oui, nous nous sommes entendus avec Air Canada et Canadien, mais pas avec qui que ce soit d'autre. Nous n'avons pas pu négocier la question en termes de restructuration, car ces gens croient qu'ils sont victimes des circonstances.

[Français]

M. Claude Drouin: Merci. Dans votre charte des droits des travailleurs, vous proposez des mesures que vous jugez essentielles pour les travailleurs. Avez-vous fait une évaluation des coûts que cela pourrait entraîner et avez-vous déterminé qui devrait payer la facture?

[Traduction]

M. Dave Ritchie: Nous n'avons pas encore évalué les coûts, car il faut auparavant établir les besoins. Je crois, pour ma part, que c'est le programme d'assurance-emploi qui devrait assumer les frais. Après tout, le programme est riche, et il a été mis sur pied justement dans cette intention. L'argent accumulé doit servir à permettre aux chômeurs de se replacer sur le marché du travail. Le fonds enregistre d'énormes surplus, et comme c'est ce à quoi l'argent est censé servir, j'estime que c'est au fonds à payer.

• 1000

[Français]

M. Claude Drouin: Merci, monsieur le président.

Le président: Michel Guimond, s'il vous plaît.

M. Michel Guimond: Messieurs, merci.

D'entrée de jeu, je vous dirai que je suis entièrement d'accord sur l'approche que vous exposez à la page 1, où vous soulignez que vous êtes heureux de constater que le gouvernement n'a pas donné suite à la recommandation majoritaire du comité de hausser la participation étrangère dans Air Canada de 25 à 49 p. 100. Si je vous dis que c'est une opinion majoritaire, c'est que mon collègue Gérard Asselin et moi avons, au nom de notre parti, recommandé dans notre rapport minoritaire de maintenir la participation étrangère à 25 p. 100. Vous vous en souvenez probablement.

Je suis aussi d'accord sur la dernière phrase, où vous dites:

    Nous serions d'autant plus satisfaits si le gouvernement retirait de la loi l'autorité du gouvernement de renoncer à ces restrictions par décret.

J'appuie votre syndicat dans cette approche.

Dans un autre ordre d'idées, j'aimerais poser une petite question rapide concernant les employés de Hudson General Aviation Services à Calgary, Ottawa et Halifax. Vous dites: «Ils risquent des mises à pied, car Air Canada se chargera dorénavant de la manutention.» Est-ce que c'est un autre contracteur qui fait cela pour Air Canada ou est-ce que ce sont les employés d'Air Canada qui le font? Quel est le syndicat de ces travailleurs? Ils font partie d'un autre syndicat, si vous déplorez ça. Même s'ils sont syndiqués avec vous, vous déplorez les pertes d'emplois, je suppose.

Je vais terminer là-dessus. On savait qu'avec le scénario qui faisait d'Air Canada un transporteur dominant, il y aurait des pertes d'emplois. Je pense qu'ils l'avaient indiqué. C'est vrai qu'ils parlaient davantage de pertes d'emplois dans les deux compagnies comme telles et c'est pour cela que vous demandez qu'il y ait un engagement envers tous les travailleurs de l'industrie, peu importe qu'il s'agisse d'employés travaillant à bord des avions ou du personnel au sol, incluant les employés travaillant dans des secteurs connexes, comme ceux de Hudson.

[Traduction]

M. Ron Fontaine: Là-dessus, nous avons connu un certain succès. Nous avons réussi à négocier avec la nouvelle Air Canada, et les employés de Hudson General, de même que d'autres aussi, auront le premier choix pour ce qui est des emplois. Après tout, ce sont les gens de Hudson General qui effectuaient le travail pour Canadien à Ottawa, à Calgary et à Halifax. Comme le travail de manutention sera maintenant fait par Air Canada, celle-ci doit donc embaucher, et nous avons négocié avec Air Canada pour que celle-ci fasse appel en premier lieu aux employés touchés.

Certains de ces gens ont des familles et travaillaient pour cette compagnie depuis déjà 22 ans. Air Canada va donc embaucher 50 p. 100 de ces futurs employés parmi ceux qui travaillaient pour Hudson General. Le problème, c'est qu'au lieu de gagner 18 $ l'heure, ils se retrouveront au bas de l'échelle salariale et gagneront à peine 9 $ l'heure. Après 22 ans de service, ils devront apprendre à faire vivre leurs familles en gagnant à peine 9 $ l'heure.

C'est justement pourquoi, dans le cadre de la restructuration de l'industrie aérienne, nous estimons que l'assurance-emploi devrait intervenir pour permettre à ces gens de retrouver leur niveau salarial antérieur. Il est sûr qu'en travaillant pour Air Canada ils finiront bien par remonter dans l'échelle salariale. Mais il est quand même difficile pour celui qui a passé 22 ans chez Hudson de se retrouver au bas de l'échelle et de faire vivre sa famille avec si peu!

Nous avons quand même réussi à aller chercher ces emplois. Nous avons également réussi à convaincre Air Canada de rehausser le salaire de ces gens à 11 $ l'heure, à cause de leur expérience. Mais Air Canada refuse de leur offrir plus tant qu'ils n'auront pas passé quelques années à son service.

De plus, Air Canada n'embauche pas les plus âgés parmi eux. Aussi triste que cela puisse sembler, le gars de 50 ans qu'elle va embaucher devra charger et décharger les aéronefs et grimper dans la soute, ce qui est dur pour le dos et pour les genoux. Et en plus, le gars de 50 ans qui sera nouvellement embauché ne fera certainement pas aussi bonne figure à l'examen médical que le jeune de 22 ans, alors que tous les deux sont considérés comme de nouveaux employés.

• 1005

[Français]

M. Michel Guimond: Monsieur Fontaine, vos commentaires sont très pertinents, mais est-ce que les employés affectés à la manutention des bagages d'Air Canada dans ces trois villes sont des syndiqués de votre association?

[Traduction]

M. Ron Fontaine: Oui, ils sont tous syndiqués.

[Français]

M. Michel Guimond: Donc, étant donné qu'il y a de l'embauche, vous essayez de donner la priorité à ces employés et d'obtenir pour eux, autant que possible, les mêmes conditions qu'ils avaient chez Hudson, parce que lorsqu'ils sont embauchés, ils tombent au bas de la liste d'ancienneté, n'est-ce pas?

[Traduction]

M. Ron Fontaine: À vrai dire, ils finiront par obtenir les mêmes conditions de travail, même si dans certains cas ce sera mieux. Par exemple, ils auront droit à un régime de pension, ce qu'ils n'avaient pas chez Hudson General. Le régime d'assurance médicale sera sans doute légèrement meilleur à long terme. La difficulté vient des conditions qui sont offertes au début. Ces gens-là commenceront à un salaire horaire moindre, c'est-à-dire à 11 $ ou même à 9 $ l'heure, alors qu'ils gagnaient auparavant 18 $. Bien sûr, ils finiront bien par atteindre les 19 $ l'heure, mais cela leur prendra peut-être cinq ans.

[Français]

M. Michel Guimond: J'ai une dernière question. C'est ce genre de cas que vous voulez couvrir quand vous dites au paragraphe précédent: «L'engagement envers tous les travailleurs de cette industrie a été oublié dans le processus».

J'ai été étonné de voir que votre mémoire ne parlait pas des travailleurs et des travailleuses d'Inter-Canadien. Plus d'un millier de travailleurs et de travailleuses ont perdu leur emploi à la suite d'un arrêt des opérations, le 28 novembre, et la faillite a été confirmée il y a environ un mois ou un mois et demi. Pensez-vous que les travailleurs et travailleuses d'Inter-Canadien auraient pu bénéficier de certaines conditions pour qu'ils puissent garder un emploi et exprimer une préférence au moment de reprendre le travail? C'est ma première question.

Vous ne parlez pas d'Inter-Canadien. Est-ce que certains travailleurs d'Inter-Canadien étaient syndiqués avec vous?

[Traduction]

M. Ron Fontaine: Oui, ils étaient syndiqués. Il y avait 450 employés d'InterCanadien qui étaient syndiqués. Nous avons également rencontré Air Canada à leur sujet, et certains d'entre eux qui étaient basés à Québec ou à Montréal ont été embauchés par Air Canada.

C'est gens-là ont le même problème que les autres et doivent passer des examens médicaux. Or, ils n'ont pas tous réussi les examens médicaux préalables à l'emploi qu'Air Canada oblige tous ses nouveaux employés à subir, comme s'ils étaient de nouveaux venus. Je veux bien qu'ils aient la priorité lors des entrevues, mais ce ne sont que certains d'entre eux qui finissent par être embauchés, et pas tous.

À Québec, nous avons eu plus de chance: comme Air Canada avait besoin de gens, elle a fini par embaucher beaucoup d'employés d'InterCanadien. Ceux qui avaient de l'expérience dans la maintenance ont été presque tous embauchés, parce qu'Air Canada avait besoin de gens dans ce domaine. Actuellement, il y a une pénurie de spécialistes en maintenance au Canada, ce qui explique que l'on en cherche.

M. Dave Ritchie: Il faut aussi comprendre que les employés d'InterCanadien n'ont pas perdu leur emploi à cause de la restructuration, mais à cause de la faillite. Nous nous sommes donc occupés de ces employés en deux étapes. Nous sommes toujours devant les tribunaux pour représenter ces 450 employés. D'ailleurs, nous avons intenté des poursuites contre Canadien au sujet de leur emploi. Voilà ce que fait notre syndicat en ce moment.

De plus, ce n'est pas que les employés de Hudson General seront mis à pied; ils ont déjà été mis à pied! Ces gens ont déjà perdu leur emploi, tout simplement parce qu'Air Canada a enlevé cette tâche à Hudson General.

Le président: Merci, Michel.

On peut évidemment regarder les choses différemment et voir que le verre est à moitié plein. Peut-être que quelqu'un viendra acheter InterCanadien, à la suite de quoi ceux qui ont été mis à pied retrouveront leur emploi.

M. Dave Ritchie: Quelqu'un va acheter InterCanadien?

Le président: Non, ce que je dis...

M. Dave Ritchie: Vous êtes un optimiste, et il ne fait pas de doute que... Mais comme on est en train de vendre actuellement les actifs d'InterCanadien, il est toujours possible qu'un acheteur se présente.

Le président: Roy Bailey.

M. Roy Bailey: Merci.

Je suis sûr que rien de tout cela n'est arrivé par surprise pour vous. Étant donné que la restructuration de l'industrie était prévue, vous avez donc pu prévoir les problèmes longtemps d'avance. Notre comité et le ministère, dans toute sa sagesse, peuvent aussi voir venir les choses. Évidemment, on ne peut assister à une vaste réduction du nombre de vols par jour sans escompter que certains pilotes, agents de bord ou équipes au sol seront moins occupés qu'ils ne l'étaient. Nous avions tous prévu ce qui est arrivé.

• 1010

Cela dit, avez-vous l'impression que jusqu'à maintenant l'industrie aérienne a honoré l'engagement qu'elle avait pris oralement l'automne dernier lorsque nous l'avons interrogée, ou avez-vous au contraire l'impression qu'elle s'est rétractée par rapport à ce qu'elle avait promis au début?

M. Dave Ritchie: Non, je crois qu'elle a honoré ses engagements à l'égard des employés des deux sociétés aériennes. Toutefois, elle ne s'est pas prononcée au sujet des autres secteurs. En effet, l'industrie aérienne avait parlé de 2 500 pertes d'emplois, mais nous n'avons toujours aucun chiffre précis. Or, personne n'a encore été mis à pied dans les deux grandes compagnies aériennes.

L'industrie n'a pas parlé non plus des autres emplois qui seraient touchés, comme nous l'avions annoncé au comité. C'est là que cela se fera sentir le plus. En fait, bon nombre des employés ont déjà perdu leur emploi directement par suite de la restructuration, puisque Air Canada a rapatrié une partie du travail qu'elle donnait en sous-traitance. Ceux qui ont perdu leur emploi sont les contractuels. Dans le cas qui nous occupe, il y a beaucoup d'emplois qui seront touchés indirectement.

M. Roy Bailey: Vous ne réfuterez pas... dans ce cas-ci, vous avez mentionné Hudson General, n'est-ce pas? Cette entreprise travaillait en sous-traitance pour Air Canada, n'est-ce pas?

M. Dave Ritchie: Non, pour Canadien.

M. Roy Bailey: Mais Canadien, c'est en réalité Air Canada, et c'est ce qui explique que l'on a annulé le contrat. La difficulté, c'est qu'on ne peut pas empêcher une compagnie de le faire. Elle a parfaitement le droit d'agir ainsi. Mais—et c'est un gros «mais»—vous vous sentez responsables vis-à-vis de ces gens. Je suis d'accord avec ce sentiment, mais pas au point que cela devrait nous aveugler et nous empêcher de voir le grand nombre de mises à pied qui surviendront dans cette industrie, n'est-ce pas? Nous pouvons nous entendre là-dessus.

M. Dave Ritchie: Non.

M. Roy Bailey: C'est comme cela.

M. Dave Ritchie: Non, nous ne disons pas qu'il y aura de nombreux licenciements. Nous avons convenu qu'il y aura une réduction de 2 500 personnes et que cela se fera autrement que par licenciement. Cela se fera par attrition, départs anticipés, etc. Mais ne confondez pas cela avec les licenciements.

M. Roy Bailey: Bon. Je sais bien tout de même que les entreprises vont modifier certains contrats ou y mettre fin; elles le font déjà, et elles en ont le droit. Je ne pense pas qu'on puisse les en empêcher. Que ce soit moralement correct ou non, c'est une autre question.

Que proposez-vous dans votre charte des droits des travailleurs du transport aérien? Elle est terminée, ou vous y travaillez?

M. Dave Ritchie: Mais je l'ai remise au comité.

M. Roy Bailey: Je veux dire, avez-vous modifié ce texte?

M. Dave Ritchie: Non, il n'y a pas de changements. Ce qui nous semblait correct à l'époque nous semble toujours correct. En fait, nous avons même réalisé un film vidéo qui a été envoyé à tous les députés.

M. Roy Bailey: Je dois admettre que je ne l'ai pas vu.

M. Dave Ritchie: Vous devriez peut-être poser la question à votre adjoint. Peut-être qu'il est parti à la corbeille, mais nous l'avons envoyé à tout le monde.

Ce que nous envisageons, c'est une démarche à long terme; autrement dit nous nous plaçons dans la perspective d'une industrie en pleine croissance. Si tout ce qu'Air Canada nous a annoncé se réalise, je suis optimiste et je crois que cela arrivera si les circonstances s'y prêtent—cette industrie va se développer.

Si l'industrie progresse, cela veut dire qu'il y a un potentiel de croissance de l'emploi. Si c'est le cas, commençons tout de suite à former les personnes directement concernées. Commençons à prévoir les remplacements nécessaires, et lorsque l'industrie va se développer ces gens-là seront prêts à entrer en fonction tout de suite. Ils seront disponibles.

• 1015

Il y a des employés qui vont devoir quitter le secteur... Si nous devons former dans un certain délai un mécanicien ou un agent commercial, nous pourrions le faire dans le cadre du programme d'assurance-emploi. Le jour où ces gens-là auront reçu leur formation, ils seront prêts à travailler. Ils auront reçu la formation voulue pour un emploi bien précis.

Le président: Merci, Roy.

Messieurs, merci pour votre exposé et pour vos réponses.

Nous prenons une pause de cinq minutes.

• 1018




• 1023

Le président: Chers collègues, nous reprenons nos délibérations avec les représentants de l'Association du Barreau canadien. M. Tim Kennish est vice-président, Politique, Section nationale du droit de la concurrence.

Monsieur Kennish, bienvenue au Comité permanent des transports. Vous pouvez nous présenter un exposé de cinq à huit minutes, et nous aimerions ensuite vous poser quelques questions. Merci.

M. Tim Kennish (vice-président, Politique, Section nationale du droit de la concurrence, Association du Barreau canadien): Bonjour, monsieur le président. Je vous remercie, ainsi que les membres du comité. La Section nationale du droit de la concurrence de l'Association du Barreau canadien est heureuse de pouvoir vous présenter ses opinions et commentaires sur le projet de loi C-26.

Je regrette de vous informer que Joan Bercovitch, directrice principale des Affaires juridiques et gouvernementales de notre association, n'a pas pu se joindre à nous ce matin parce qu'elle a dû se rendre à un enterrement.

Je dois aussi vous présenter nos excuses, car le mémoire que nous souhaitions vous soumettre ne vous parviendra qu'aujourd'hui et n'a pas encore été complètement traduit. Vous avez une traduction en français du sommaire exécutif. Nous n'avons appris que tout récemment que nous devions comparaître devant vous, ce qui explique ce retard.

L'Association du Barreau canadien est une association nationale représentant environ 36 000 membres des professions juridiques au Canada. Ses objectifs principaux consistent à améliorer le droit et l'administration de la justice. Notre section, la Section nationale du droit de la concurrence, regroupe des juristes soit qui sont des professionnels du secteur du droit de la concurrence, soit qui s'y intéressent. Nous avons environ 800 membres dans l'ensemble du pays.

• 1025

Dans le contexte actuel, c'est notre section qui présente cet exposé. Nos commentaires sont essentiellement axés sur les modifications de la Loi sur la concurrence proposées dans ce document et dans les modifications connexes des autres lois traitant de la concurrence.

Compte tenu de la procédure d'élaboration et d'approbation des exposés de l'Association du Barreau canadien, notre mémoire représente la totalité de ce que nous pouvons dire pour l'instant avec l'approbation de notre section sur les sujets en question. Si certaines questions vont au-delà, je devrai m'abstenir de tout commentaire tout simplement parce que nous n'avons pas examiné en profondeur ces autres questions. J'espère toutefois que notre mémoire répond aux principales questions.

Je ne vais pas avoir le temps de vous présenter la totalité de mon mémoire, mais je vous invite à le lire lorsque vous en aurez l'occasion.

Pour en venir à l'essentiel, ce que nous voudrions dire tout d'abord, c'est que la Loi sur la concurrence est une loi d'application générale qui prescrit des normes de comportement en matière de concurrence qui s'appliquent de manière universelle, et que les remèdes en cas d'écart par rapport à cette norme s'appliquent aussi à la plupart des entreprises du Canada sans mention particulière d'une industrie donnée.

Nous savons que le projet de loi C-26 a été motivé par la fusion de compagnies aériennes. La plupart de ses dispositions s'appliquent à un créneau étroit, c'est-à-dire à une entreprise. Nous estimons qu'il n'est pas satisfaisant de se servir de cette loi générale pour réagir à cette situation particulière. À notre avis, il aurait mieux valu le faire dans le cadre de la Loi sur les transports, et nous avons à ce sujet d'autres suggestions sur lesquelles je reviendrai dans un instant. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire du point de vue constitutionnel de faire cette démarche dans le cadre de la Loi sur la concurrence pour lui donner un pouvoir juridique approprié.

La deuxième raison pour laquelle nous avons une objection à l'inclusion de ces dispositions, c'est le fait qu'elles établissent des normes différentes, plus élevées et plus extrêmes, et qu'elles octroient des pouvoirs plus vastes que ceux qui sont actuellement prévus par la loi en ce qui concerne les entreprises en position dominante. Nous estimons que c'est un problème, car cela laisse entendre que les dispositions normales de la Loi sur la concurrence sont insuffisantes pour faire face à ce genre de situation, et nous ne sommes pas du tout d'accord avec ce point de vue.

Dans le cas des entreprises en position dominante, le bureau a réussi à obtenir des ordonnances correctives dans tous les cas d'abus de position dominante dont il avait été saisi—et il y en a eu six ou sept. À notre avis, la mise en place de ces remèdes exceptionnels dans le cadre de cette loi générale débouchera sur l'exigence d'une généralisation de ce genre de pouvoirs qui devront s'appliquer à d'autres domaines que l'industrie aérienne. En fait, c'est déjà le cas.

La semaine dernière, un projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi C-472, a été présenté. Ce projet de loi propose que les dispositions du projet de loi C-26 qui autorisent le commissaire à émettre des ordonnances temporaires dans tous les cas d'abus ne soient pas limitées au seul secteur aérien. Je crois que cela montre bien que des dispositions de ce genre risquent de saper la confiance du public dans les dispositions existantes.

Dans notre mémoire, nous proposons d'autres solutions. Nous pensons que ces dispositions pourraient relever du nouveau pouvoir prévu dans le projet de loi, selon lequel des ordonnances pourraient être émises en vertu des articles 56.2 et 56.4 de la Loi sur les transports au Canada.

Il y a aussi une procédure en vertu de la Loi sur la concurrence, la procédure d'ordonnance sur consentement, qui peut s'appliquer aux fusions dans le cadre de l'article 105 de cette loi, et qui permettrait d'appliquer des règles spécifiques de ce genre à Air Canada à la suite de cette fusion.

• 1030

Je précise que dans notre mémoire nous parlons de la collaboration des agents de voyage des compagnies aériennes dans certaines circonstances, nous précisons quelles sont les transactions de fusion affectant des compagnies aériennes qui devraient faire l'objet des nouvelles règles proposées en vertu de l'article 64 de la Loi sur les transports au Canada, et nous donnons notre point de vue sur les propositions de modifications des dispositions de l'article 29 de la Loi sur la concurrence en matière de confidentialité. Je passe sur tout cela, mais je vous invite à lire notre mémoire à ce sujet, et j'en viens maintenant aux deux derniers points.

Tout d'abord, l'article 78 serait modifié pour permettre l'énumération d'agissements anticoncurrentiels supplémentaires précis en vertu d'un règlement plutôt que dans le cadre de la loi, comme c'est le cas actuellement. Bien que la proposition vise à préciser ces agissements uniquement dans le cadre du comportement de la compagnie aérienne dominante, la définition actuelle des «agissements anticoncurrentiels» dans la loi, tout en donnant des exemples précis, n'est ni exhaustive, ni finale. Le Tribunal de la concurrence a déclaré que les agissements anticoncurrentiels pouvaient aussi être d'autres formes de comportements qui ne sont pas mentionnées spécifiquement, et il a d'ailleurs déjà appliqué ce principe à plusieurs reprises.

Nous estimons donc qu'il n'est pas nécessaire de modifier la loi uniquement pour cela, car si le comportement visé est véritablement anticoncurrentiel, la Loi actuelle suffit largement pour y remédier.

Deuxièmement, nous avons une objection à ce que la loi soit modifiée par règlement. C'est un nouveau principe qui ne s'applique pas aux autres dispositions de la loi sur la concurrence, et nous ne l'approuvons pas.

On saisit mieux l'importance de ce que constitue un agissement anticoncurrentiel à cette fin lorsqu'on examine les dispositions d'ordonnance provisoire de la loi. En vertu de ces dispositions d'ordonnance provisoire, le commissaire peut rendre une ordonnance provisoire interdisant à une personne d'accomplir des actes qui constituent des agissements anticoncurrentiels et qui peuvent nuire à une tierce partie. C'est beaucoup plus que ce que le Tribunal de la concurrence pourrait ordonner dans les circonstances actuelles, car pour qu'une telle ordonnance soit rendue actuellement il faut qu'il y ait une baisse considérable de la concurrence.

Avec le nouveau projet de loi, c'est le commissaire tout seul qui déciderait. En cas d'agissements anticoncurrentiels susceptibles de nuire à une tierce partie, il pourrait ordonner l'interruption de l'activité en question pour une durée de 80 jours. Le comportement qualifié d'anticoncurrentiel pourrait simplement être un comportement douteux qui ne serait pas nécessairement un véritable comportement anticoncurrentiel. Avec la disposition d'abus, il faut avoir non seulement un agissement qui semble anticoncurrentiel, mais aussi un effet anticoncurrentiel.

Enfin—et c'est le point sur lequel nous insistons le plus—nous ne sommes pas du tout d'accord avec le pouvoir d'émettre des ordonnances provisoires qui serait confié au commissaire. Il y a d'une part le problème que je viens de mentionner, à savoir qu'il pourrait prendre cette décision pour des motifs différents de ce que retiendrait en dernière analyse le tribunal. Deuxièmement, dans le texte actuel, la personne concernée ne reçoit pas de préavis et l'entité visée par l'ordonnance n'est pas autorisée à présenter des arguments réfutant les allégations. C'est tout à fait exceptionnel. La plupart du temps, ces ordonnances ne sont pas rendues ex parte. Il y a un préavis, et la partie concernée peut soumettre une argumentation. On s'écarte donc de l'application régulière de la loi.

• 1035

C'est important, car il s'agit d'une ordonnance qui a la même force qu'une ordonnance du tribunal, et toute infraction à cette ordonnance est passible d'amendes ou d'emprisonnement. Encore une fois, l'ordonnance, qui est au départ de 20 jours, peut être prolongée par le commissaire pendant deux périodes supplémentaires de 30 jours, pour un total de 80 jours, et en cas d'appel elle peut même durer encore plus longtemps.

Le président: Je vais devoir vous demander de résumer, monsieur Kennish.

M. Tim Kennish: Oui, j'en viens au dernier point: le commissaire agit ainsi à la fois en tant qu'agent d'application de la loi enquêtant sur un certain comportement et en tant que juge ou fonctionnaire judiciaire émettant l'ordonnance.

Comme l'avait dit lors d'une affaire jugée il y a une quinzaine d'années le juge en chef de la Cour suprême du Canada, le juge Dickson, si l'on donne à un haut fonctionnaire d'importantes fonctions d'enquête—il s'agissait à l'époque de la Commission sur les pratiques restrictives du commerce—on restreint la capacité des membres de cette commission d'agir à titre d'agent judiciaire. En l'occurrence, la Commission sur les pratiques restrictives du commerce faisait les deux choses à la fois: elle faisait les enquêtes, et quand elle avait besoin d'obtenir un mandat de perquisition, ce mandat pouvait être émis par un autre membre de la commission. La Cour suprême a jugé que ce comportement n'était pas constitutionnel, et j'estime que nous avons la même situation ici.

Qu'une telle chose soit contraire à la Charte ou illégale d'une manière ou d'une autre, nous estimons que c'est tellement contestable que c'est une invitation aux contestations juridiques, et dans ce cas la question pourrait être bloquée devant les tribunaux pendant un bon bout de temps.

Je vous remercie de votre attention.

Le président: Merci pour votre exposé, monsieur Kennish.

Val Meredith, vous avez la parole.

Mme Val Meredith: Merci beaucoup, monsieur le président.

Merci d'être venu nous rencontrer. C'est un excellent mémoire, qui aborde plusieurs questions.

Il y a un véritable conflit ici entre la notion d'application régulière de la loi et le délai nécessaire pour cette application régulière dans le contexte d'une industrie au capital permanent important qui risque de ne pas pouvoir survivre durant tout ce délai.

Je me trompe peut-être, mais je crois que c'est pour cela qu'on a voulu apporter ces modifications à la Loi sur la concurrence: on a voulu tenir compte du fait que dans cette industrie, l'industrie aérienne, il existe des pratiques anticoncurrentielles, ce que certains appellent des pratiques d'éviction, et que si l'on ne dispose pas d'un mécanisme permettant de faire cesser immédiatement ce genre de pratiques, si l'on attend que la loi soit appliquée régulièrement dans le cadre des tribunaux, dans le cadre de toutes sortes d'audiences judiciaires, ce sera trop tard. Dans ce genre d'industrie à forte composante de capital permanent, les pratiques d'éviction ont des effets très rapides, c'est-à-dire qu'elles permettent de pousser très rapidement une entreprise à la faillite.

Si je vous comprends bien, vous dites que c'est une infraction au principe de l'application régulière de la loi, qui est très important dans notre pays. Mais sans cela, comment pourrez-vous ordonner à quelqu'un de cesser immédiatement ces pratiques pour que la loi puisse être appliquée régulièrement? Par quel moyen le ferez-vous si vous ne donnez pas ce genre de pouvoir au Bureau de la concurrence par le biais de la Loi sur la concurrence?

M. Tim Kennish: Le Tribunal de la concurrence dispose du pouvoir d'émettre une ordonnance provisoire. Je pense que cette procédure n'a pas toujours été très rapide, mais elle permet une prise de décision indépendante sur la question. C'est cela qui nous préoccupe: nous estimons que le commissaire n'est pas suffisamment indépendant pour prendre cette décision et que l'ordonnance prive l'entité à l'égard de laquelle elle est émise de sa liberté, et de ses droits en vertu de la loi.

S'il fallait modifier les textes, je pense que c'est celui de la Loi sur le Tribunal de la concurrence, ou des règlements qui l'accompagnent, qu'il faudrait modifier pour accélérer les audiences en vue de l'émission de ces ordonnances provisoires.

• 1040

Je ne pratique pas moi-même dans les tribunaux, et je ne suis donc pas en mesure de vous dire combien de jours il faut pour obtenir une ordonnance provisoire, mais je suis sûr qu'on pourrait accélérer la procédure.

Mme Val Meredith: Quand on s'occupe de politique publique, il faut voir l'ensemble de la situation, et non pas un cas particulier. Quand on regarde l'ensemble du tableau, c'est de la protection des voyageurs canadiens que l'on se préoccupe quand on parle d'accélérer la procédure.

Vous dites qu'il existe des procédures intérimaires, et que vous ne savez pas combien de temps elles prennent. Dans ce cas précis, le gouvernement est intervenu, le ministre est intervenu, et la Loi sur la concurrence a été suspendue pendant 70 jours, je crois, à tort ou à raison, parce qu'on a pensé qu'il serait néfaste, et non pas avantageux, d'attendre que la loi soit appliquée régulièrement. C'est le genre de situation où l'on a d'un côté le souci d'une politique publique axée sur le bien commun, et de l'autre un client particulier. Que faites-vous face à cette contradiction?

M. Tim Kennish: Disons qu'en l'occurrence, indépendamment de la lenteur de la procédure, à laquelle je pense qu'on peut remédier, l'expérience montre que le droit fonctionne bien, que l'on pourrait s'appuyer sur une disposition d'abus de position dominante dans ce genre de situation, compte tenu du contrôle qu'Air Canada exerce sur le marché, et que la définition d'agissements anticoncurrentiels est suffisamment vaste pour couvrir toute situation qui entraverait le bon fonctionnement du marché.

Mme Val Meredith: Finalement, si je vous comprends bien, vous nous dites qu'il ne faut pas envisager la possibilité de modifier la Loi sur la concurrence, qu'elle dispose déjà des outils nous permettant de régler cette situation.

M. Tim Kennish: Nous vous proposons plutôt d'envisager des dispositions précises relatives à cette situation en vertu...

Mme Val Meredith: La Loi sur les transports au Canada.

M. Tim Kennish: ...des nouvelles dispositions permettant d'émettre des ordonnances que prévoit la Loi sur les transports au Canada. À notre avis, c'est l'approche privilégiée.

Il s'agit d'une situation très particulière, qui résulte d'une fusion. La Loi sur la concurrence prévoit l'émission d'ordonnances par consentement afin de régler les préoccupations ou les conséquences découlant d'une fusion. On se sert souvent de ce genre d'ordonnance. On en voit un exemple dans le secteur aérien, où l'industrie des réservations automatisées est régie, en partie, par les règlements établis grâce à une ordonnance par consentement qui s'applique à une compagnie établie par Air Canada et Lignes aériennes Canadien vers la fin des années 80.

Mme Val Meredith: Alors je répète ma question: vous ne croyez pas qu'il serait nécessaire de modifier la Loi sur la concurrence...?

M. Tim Kennish: Non, nous ne croyons pas que cela est nécessaire. Nous croyons qu'il ne serait pas bon de la modifier. La loi dans ce domaine est adéquate d'après nous. On pourrait peut- être améliorer certains aspects de la procédure, mais on ne va pas améliorer la procédure en demandant au commissaire de décider quand il faut émettre une ordonnance. Je crois qu'il devrait plutôt indiquer qu'il revient à l'État de prendre une telle décision.

Mme Val Meredith: Il faut alors prévoir un processus qui permet quelques changements dans le but d'accélérer le processus dans certains cas...?

M. Tim Kennish: Effectivement, je crois que cela pourrait être souhaitable...

Mme Val Meredith: Merci.

M. Tim Kennish: ...et non pas seulement dans ce cas précis, mais aussi sans doute dans d'autres.

Le président: Merci, Val.

Avant de donner la parole à Claude, j'aimerais intervenir très brièvement.

Monsieur Kennish, nous ne pouvons pas nous permettre d'ignorer les circonstances extraordinaires qui menacent... et je vais nuancer. Nous craignons, pour le consommateur, qu'une seule ligne aérienne ne monopolise le marché dans notre pays. Vu les circonstances extraordinaires qui existent, nous croyons—et je crois que notre étude s'est fait l'écho de ce sentiment—que des mesures extraordinaires doivent être mises en oeuvre dans le but de protéger le consommateur.

• 1045

Comme vous l'avez dit, il faut tenir compte de la liberté dans ce cas précis. Selon l'un de vos arguments fondamentaux, vous dites qu'il ne faut pas conférer des pouvoirs élargis au commissaire à la concurrence ou envisager des changements à la Loi sur la concurrence, puisqu'on peut corriger la lenteur de procédure autrement.

En toute honnêteté, monsieur Kennish, je ne sais pas si vous avez déjà participé au processus, ou bien si vous avez déjà témoigné du travail effectué dans le cadre de ce processus, mais je remets en question ce que vous avez dit et je vous signale que la lenteur de cette procédure ne peut pas être corrigée, en raison de tout le travail qu'il faut faire pour cueillir les renseignements, de l'effort que doit faire le commissaire à la concurrence pour d'abord trouver les intéressés, leur parler et ensuite obtenir et photocopier les renseignements. Parfois, les intéressés ne sont pas toujours disposés à lui soumettre exactement ce qu'il veut, quand il le veut. Il existe, par conséquent, un problème au niveau de la procédure qu'on ne peut pas corriger.

M. Tim Kennish: C'est comme dans le cas d'une injonction provisoire. Vous n'avez pas besoin d'établir votre cas au complet, mais vous devez quand même démontrer à une tierce partie judiciaire qu'il serait approprié, vu les circonstances, d'émettre une ordonnance en attendant d'avoir l'occasion d'examiner le cas de façon exhaustive.

Le président: Qui fait cela?

M. Tim Kennish: C'est le Tribunal de la concurrence qui doit émettre les ordonnances en vertu de cette loi.

Il ne s'agit pas d'attendre un an avant d'effectuer le travail préliminaire.

Le président: Faut-il attendre trois ou quatre mois? Sans doute.

M. Tim Kennish: Il faut toujours faire enquête, et je ne crois pas que même le commissaire serait prêt à intervenir avant d'avoir la certitude que les circonstances déclenchant cette intervention existent.

Le président: Mais je dirais que...

M. Tim Kennish: Il s'agit simplement d'une mesure qui va plus loin en demandant à un fonctionnaire judiciaire l'autorisation d'émettre une ordonnance provisoire en attendant l'audience.

Le président: Si vous pouvez démontrer que ce processus peut se dérouler en une semaine, je dirais qu'il n'y a pas de choix, puisque, comme Mme Meredith l'a déjà dit, nous avons affaire à une ligne aérienne et à ses concurrents. Si nous devons faire face à un monopole dans ce pays, j'ose dire que les concurrents ne peuvent pas se payer le luxe d'attendre plus de deux ou trois jours sans subir des pertes financières énormes. C'est précisément pour permettre cela qu'il faut prévoir ces mesures extraordinaires.

C'est bien beau—et je pourrais vous conter des farces au sujet des avocats, mais je ne le ferai pas; je fais preuve de contrôle—mais nous ne pouvons pas nous payer le luxe de suivre votre suggestion quant à l'injonction, ou au processus qui doit se dérouler. On ne dispose pas du temps requis pour un tel processus.

M. Tim Kennish: Comme je l'ai déjà dit, nous croyons que la loi, dans ce domaine, est de façon générale adéquate. Ces mesures risquent de miner la confiance du public dans la loi en vigueur, chose, d'ailleurs, qui s'est déjà produite, étant donné qu'un projet de loi d'initiative parlementaire visant l'élargissement de ces pouvoirs extraordinaires à tout le secteur...

Le président: Je pourrais vous parler du taux de succès de ces projets de loi d'initiative parlementaire, mais c'est une autre paire de manches.

M. Tim Kennish: Mais celui-là pourrait très bien...

Le président: De toute façon, j'imagine qu'on pourrait être d'accord pour ne pas être d'accord sur cette question précise.

M. Tim Kennish: D'accord.

Le président: Claude Drouin.

• 1050

[Français]

M. Claude Drouin: Monsieur Kennish, je vous souhaite la bienvenue et vous remercie de votre présentation. Dans votre sommaire exécutif, vous traitez de plusieurs éléments, dont certains m'apparaissent contradictoires. Dans un premier temps, vous dites que la Loi sur la concurrence est une loi d'application générale et qu'elle n'est peut-être pas l'outil qu'il nous faut à ce niveau. Vous donnez d'autre part l'exemple de la Loi sur les transports au Canada. Celle-ci n'est-elle pas trop spécifique? Dispose-t-elle des éléments nécessaires pour régir une fusion? Croyez-vous que les dispositions de la Loi sur les transports au Canada peut régler cette situation-là?

[Traduction]

M. Tim Kennish: Si vous voulez prévoir des mesures applicables à une industrie en particulier, voire à une société précise, il serait préférable de le faire au moyen d'une ordonnance dans le cadre de la Loi sur les transports au Canada. C'est ce que je pense.

[Français]

M. Claude Drouin: Oui, mais si vous dites que la Loi sur la concurrence est trop générale, la Loi sur les transports au Canada ne serait-elle pas, au contraire, pas assez spécifique pour régler la problématique actuelle? Croyez-vous que la loi, telle qu'elle est conçue actuellement, est apte à répondre à cette situation-là qui, comme vous l'avez indiqué dans vos arguments, est particulière? Est-ce que la possibilité d'une telle situation avait été prévue dans la Loi sur les transports? Est-ce que la loi renferme tous les éléments nécessaires pour répondre à cela?

[Traduction]

M. Tim Kennish: Il y a, dans les projets d'amendements à la Loi sur les transports au Canada, une disposition permettant à un tribunal d'émettre une ordonnance contre un joueur de l'industrie comme Air Canada. Il me semble qu'il serait préférable de prévoir ces règles dans le cadre de cette loi, si vous voulez stipuler une gamme spéciale de règles applicables à Air Canada. En les ajoutant à la Loi sur la concurrence, vous créez un ensemble de normes et de recours qui sont tout à fait différents de ceux qui sont applicables à toute autre industrie. Voilà l'argument que nous avons fait valoir.

[Français]

M. Claude Drouin: Vous disiez d'abord que la loi était trop générale et par la suite que les mesures prévues dans le projet de loi risquaient de miner la confiance du public. À ce moment-là, est-ce qu'on ne démontre pas plutôt toute la souplesse dont fait preuve le gouvernement pour s'ajuster à des situations particulières?

[Traduction]

M. Tim Kennish: Je dirais que la Loi sur la concurrence est, de façon générale, un outil efficace en ce qui concerne ce domaine. En prévoyant un ensemble de règles différentes, plus extrêmes, en prévoyant des pouvoirs particuliers, on laisse croire aux gens, lorsqu'on fait face à un problème dans ce domaine, que la loi en vigueur n'est pas adéquate et que nous devons créer alors des pouvoirs exceptionnels. Par conséquent, les gens vont déclarer que la loi en vigueur n'est pas adéquate et que dès qu'il y a une situation de dominance, il faut avoir recours à des règlements exceptionnels, et ces règles exceptionnelles qui devraient s'appliquer à chaque situation où il y a dominance. Nous avons dit que rien ne le prouve.

[Français]

M. Claude Drouin: Je ne suis pas sûr de bien vous comprendre, monsieur Kennish. Vous semblez dire qu'à toutes les fois que le Parlement adopte un projet de loi en vue de modifier une loi existante, cela veut dire que la loi n'était pas bonne et qu'elle aurait pu être contestée. Au contraire, si on décèle des lacunes ou des situations qui n'ont pas été précisées antérieurement et qui doivent être ajoutées pour le bien de la population, je pense que nous avons le devoir d'y remédier. Cela n'empêchera peut-être pas des gens de contester la loi, mais un gouvernement ou un Parlement a le devoir de faire les ajustements nécessaires et d'améliorer les lois et règles en vue de donner satisfaction à la population.

[Traduction]

M. Tim Kennish: Même si vous êtes d'accord pour dire qu'il faut prévoir des mesures plus extrêmes dans ce cas précis, nous disons que si vous ajoutez ces mesures à la Loi sur la concurrence pour traiter cette situation précise, vous allez soulever des doutes quant au caractère adéquat des dispositions qui s'appliquent à d'autres cas. À notre avis, on n'a pas pu justifier le besoin de changer les dispositions en matière d'abus de position dominante et en matière d'injonction provisoire—sauf qu'il faut peut-être accélérer le processus.

• 1055

[Français]

M. Claude Drouin: Vous affirmez donc que rien ne justifie une modification et que nous avons en main tous les éléments pour prouver que tout est en place pour faire face à la situation.

[Traduction]

M. Tim Kennish: En général, nous sommes d'avis que la loi a fonctionné d'une façon très efficace à cet égard.

Le président: Merci, Claude.

[Français]

M. Claude Drouin: Merci, monsieur le président.

Le président: Monsieur Asselin.

M. Gérard Asselin (Charlevoix, BQ): Le commissaire à la concurrence est venu témoigner devant notre comité. J'ai été un peu rassuré de constater que le Bureau de la concurrence et principalement son commissaire avaient un rôle à jouer face aux pratiques anticoncurrentielles et déloyales ayant pour seul objectif l'élimination d'une autre compagnie aérienne, un phénomène qu'on retrouve surtout en région.

Dans la version française de votre sommaire exécutif simplifié, vous semblez nous mettre en garde en nous disant que les pouvoirs du commissaire, y compris sa capacité d'émettre ce type d'ordonnances, sont limités. Cela ne me rassure pas parce que les représentants du Bureau de la concurrence et son commissaire nous disaient hier que les problèmes relatifs à la qualité des services, par exemple les bagages perdus et le retard de vols, ne relevaient pas de leur compétence. Le Bureau de la concurrence n'intervient que lorsqu'une plainte a été déposée, après quoi il mène une enquête.

Mais entre-temps, il y a de petites compagnies aériennes qui peuvent être en difficultés financières. Avant de porter plainte, elles ont essayé de passer à travers la tempête. Elles font face à une concurrence qui n'était pas là auparavant et qui a surgi avec la venue d'Air Canada.

Je pourrais vous donner un exemple, monsieur le président. Je demeure à Baie-Comeau. Air Nova, une filiale d'Air Canada, offrait un service une fois par jour Baie-Comeau—Montréal. Le passager de Baie-Comeau qui voulait aller à Québec devait d'abord se rendre à Montréal, puis prendre un autre avion à destination de Québec, sans avoir la possibilité de revenir le même jour, ce qui faisait en sorte qu'il devait débourser une somme considérable. Cette situation a amené Régionair à nous offrir des vols Baie-Comeau—Québec à tous les jours et un retour à tous les jours.

Il y a eu la fusion des Lignes aériennes Canadien et d'Air Canada, et le départ d'Inter-Canadien. Régionair nous offre un service Baie-Comeau—Québec aller-retour dans la même journée, et là Air Nova décide de nous offrir deux vols par jour Baie-Comeau—Québec—Montréal aller-retour. Quelle est la place de Régionair dans tout ça? Elle va disparaître. Air Nova, filiale d'Air Canada, va développer un monopole, après quoi nous devrons probablement subir une diminution des services. Elle nous dira alors qu'on n'a pas d'autres choix.

Nous, les députés du Bloc québécois, avons déposé un rapport minoritaire dans lequel nous réclamions la nomination d'un ombudsman ou, comme on dit en français, d'un chien de garde qui examinerait les plaintes des utilisateurs en vue de trouver des solutions aux problèmes soulevés. Il aurait également la responsabilité de chercher à améliorer la qualité des services offerts par les compagnies aériennes et les services dans chacune des aérogares.

Est-ce que vous êtes d'accord sur les propos que je viens de tenir? Mes préoccupations sont-elles fondées? Est-ce qu'il y a lieu de se poser de telles questions? Le projet de loi C-26 ne me rassure pas tellement à ce niveau-là.

[Traduction]

M. Tim Kennish: Un des objectifs de la Loi sur la concurrence dans les cas où il existe un joueur dominant, qu'on pourrait appeler un monopoleur, c'est d'essayer au moins d'empêcher le joueur dominant d'empêcher les autres joueurs de devenir des concurrents. Alors bon nombre des agissements anticoncurrentiels qui sont décrits dans la loi ont pour but d'empêcher le joueur dominant de prendre des mesures qui empêcheraient l'entrée d'autres joueurs dans un marché ou empêcheraient la concurrence dans un marché.

De telles situations constituent la raison d'être du pouvoir de faire des ordonnances. Cependant, les tarifs en vigueur et la qualité du service dépendent plutôt de l'intensité de la concurrence. En théorie, lorsque la concurrence n'est pas assez intense, d'autres joueurs voudront desservir ce marché, et la loi comporte des dispositions qui permet leur entrée dans le marché, sans ingérence de la part du joueur dominant. Si vous vous préoccupez des tarifs en cas de concurrence insuffisante, il me semble que vous devez adopter un règlement qui fixe les prix ou tenter d'établir d'autres normes de service. C'est la raison pour laquelle notre loi essaie d'empêcher l'émergence de parties qui détiennent un monopole.

• 1100

Le président: Très brièvement, monsieur Asselin.

[Français]

M. Gérard Asselin: Dans un autre ordre d'idées, vous dites, au paragraphe 5 de la page 2, que vous n'êtes pas d'accord que les agents de voyage soient exemptés des dispositions de la Loi sur la concurrence lorsqu'ils entament des négociations collectives relatives à leurs primes avec des compagnies aériennes comme Air Canada.

[Traduction]

M. Tim Kennish: Il y a très peu de groupes qui, en vertu de la loi existante, sont exemptés de l'interdiction qui s'applique à la collaboration excessive, c'est-à-dire la fixation des prix. Les conventions collectives en sont exclues. Je crois que les pêcheurs sont également exemptés. Cependant, il existe beaucoup d'autres groupes dans d'autres secteurs dont les membres sont très dispersés, par exemple les pharmaciens et les dentistes, qui seraient très contents de se réunir afin d'établir des niveaux communs de prix ou de services, mais ils n'ont pas le droit de faire cela. Il nous semble que l'exemption des agents de voyage n'est pas mieux fondée que l'exemption de ces autres groupes. En général, c'est tout à fait contraire aux objectifs de la Loi sur la concurrence.

Le président: Monsieur McTeague.

M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Kennish, je regrette de ne pas avoir été ici pour entendre le début de votre exposé.

Je constate que votre mémoire sur le projet de loi C-26 ne va pas dans le même sens que certains de vos commentaires verbaux au sujet de mon projet de loi C-472. C'est la raison pour laquelle je trouve essentiel de vous entendre parler des questions que vous jugez importantes concernant les modifications proposées dans le projet de loi C-26 à l'égard des ordonnances de cesser et de s'abstenir.

Si je comprends bien, vous avez consulté un grand nombre de vos membres pour obtenir leurs avis, qui sont reflétés dans les propos que vous présentez ici aujourd'hui concernant les ordonnances de cesser et de s'abstenir dans le secteur du transport aérien?

M. Tim Kennish: Comme je l'ai expliqué plus tôt, monsieur McTeague, nos opinions se retrouvent dans le mémoire, et dans la mesure où nous avons abordé d'autres sujets, je ne peux pas parler au nom de notre section, parce que nous n'avons pas tenu de consultation sur ces sujets. Cependant, nous sommes arrivés à un consensus sur ces questions à l'intérieur de la section. Il s'agit d'un mémoire de la Section nationale du droit de la concurrence, qui fait partie de l'Association du Barreau canadien, et ce sont les opinions des membres de la direction, c'est-à-dire les représentants de la section.

M. Dan McTeague: La direction serait-elle composée de membres de sociétés telles que Davies, Ward & Beck, dont M. Cal Goldman...

M. Tim Kennish: Il n'en est pas membre.

M. Dan McTeague: ...McMillan Binch, William Rowley, c.r...

M. Tim Kennish: Il n'en est pas membre.

M. Dan McTeague: ...et enfin, Mme Francine Matte, de...

M. Tim Kennish: Stikeman Elliott, non.

M. Dan McTeague: ...Stikeman Elliott? D'accord.

Alors ma question comporte plusieurs éléments. Vous semblez vous inquiéter beaucoup du fait que le commissaire pourrait avoir le droit de rendre une ordonnance temporaire de cesser et de s'abstenir, plutôt qu'une ordonnance permanente. Si je vous comprends bien, vous n'êtes pas d'accord avec le fait qu'il n'y a aucun avis donné aux parties.

Il me semble que vous vous inquiétez de façon plus générale des injonctions. Monsieur Kennish, selon mon interprétation de la Competition Act et de la Clayton Act aux États-Unis, les Américains permettent une demande d'injonction générale pour presque n'importe quelle question, et les parties peuvent amener une question devant un tribunal ou demander à la FTC, au procureur général des États- Unis, ou au ministère de la Justice d'intervenir dans la question. Pourquoi posez-vous des questions au niveau des injonctions alors que d'autres pays avec qui nous faisons affaire—et votre organisme a réclamé à haute voix des règles du jeu équitables pour nous et eux... Pourquoi résistez-vous à quelque chose qui est manifestement disponible en droit américain?

• 1105

M. Tim Kennish: À mon avis, ce qui est anormal ici, c'est que ces ordonnances sont rendues par l'agent d'exécution de la loi qui est responsable d'enquêter. Comme le dit la décision du juge en chef Dickson dans l'affaire Hunter et Southam, il y a incohérence lorsqu'un agent chargé d'exécuter la loi est aussi responsable de la surveillance du pouvoir de rendre des ordonnances. Dans cette affaire-là, il a jugé, et le tribunal a jugé, que la situation allait à l'encontre de l'application régulière de la loi.

M. Dan McTeague: Dans cette affaire, en 1995, le directeur de l'enquête a ensuite amené la question de Southam devant le tribunal et, finalement, devant la cour. La chose la plus intéressante, c'est qu'on a jugé, dans cette affaire, qu'il fallait arrêter la fusion. Enfin, cette affaire que vous citez est intéressante, mais, ironiquement, le résultat a été très différent. On a arrêté la fusion à laquelle participait Southam.

Je m'intéresse aux commentaires du juge Dickson, mais je m'intéresse encore plus au fait que nous ne donnons pas à notre propre commissaire des droits et des pouvoirs équivalents à ceux qui sont disponibles aux États-Unis sous la direction du procureur général, qui a la même compétence et qui est nommé à son poste.

M. Tim Kennish: Je ne suis pas spécialiste, monsieur McTeague, en ce qui concerne le processus aux États-Unis, mais je crois qu'ils doivent demander des ordonnances aux tribunaux. C'est ce que fait leur ministère de la Justice au moins.

M. Dan McTeague: Croyez-vous que le commissaire à la concurrence ferait ses devoirs avant de rendre une ordonnance de cesser et de s'abstenir? Pourquoi êtes-vous d'avis qu'il le ferait de façon arbitraire, sans avoir une preuve solide que quelque chose de fâcheux se produit?

M. Tim Kennish: J'imagine qu'il agirait de façon responsable, mais par contre la partie qui reçoit l'ordonnance n'a pas l'occasion de soumettre son point de vue ni de présenter des faits que le commissaire pourrait ignorer. Cette partie n'a pas d'autre option que d'en appeler.

M. Dan McTeague: Pour terminer, j'ai une question.

Plusieurs de vos membres ont participé à l'examen global de la concurrence. S'agissait-il d'une entreprise de l'Association du Barreau canadien?

M. Tim Kennish: Non. Je crois que cette publication a commandé le sondage de façon indépendante, et je ne sais pas s'il a été diffusé largement et si le taux de réponse a été élevé. Je sais qu'on a aussi invité des avocats dans d'autres domaines à faire des commentaires à ce sujet.

M. Dan McTeague: Monsieur Kennish, vous pouvez vraisemblablement comprendre que nous avons beaucoup de travail devant nous, et que vous et la Chambre des communes et moi-même, nous ne pouvons pas échapper à notre destin. À mon avis, la position que vous avez adoptée sur l'ordonnance de cesser et de s'abstenir, et, ce qui est des plus alarmants, le fait que vous avez mentionné mon projet de loi, soulignent aux yeux de la plupart des députés que le statu quo n'est pas acceptable. Nous cherchons des changements. Pour une fois, ces changements s'adressent aux consommateurs et aux Canadiens et Canadiennes, et non pas seulement à ceux qui appuient ou, pour quelque raison que ce soit, représentent certains groupes d'intérêts dans notre pays.

M. Tim Kennish: Eh bien, j'appuie complètement d'autres dispositions de ce projet de loi—et c'est mon opinion personnelle. C'est cette disposition-ci qui me préoccupe.

M. Dan McTeague: Merci.

Le président: Merci, monsieur McTeague.

Monsieur Bailey.

M. Roy Bailey: Merci, monsieur Kennish, et j'accepte vos excuses concernant le fait qu'on n'a pas eu la documentation plus tôt. Je m'identifie très personnellement avec une partie de ce que vous dites à la page 13 sur la confidentialité. Je ne sais pas si d'autres membres du comité ont eu la même réaction que moi de voir que cela faisait partie de l'exposé du commissaire à la concurrence, mais j'ai trouvé—je ne suis pas avocat—que certains aspects étaient quelque peu surprenants.

On entend souvent dire, en public ou dans les médias, qu'on ne fera pas de commentaires parce que l'affaire est devant les tribunaux. Toutefois, une fois la décision prise, les renseignements qu'on refuse de divulguer deviennent des renseignements publics, j'imagine.

Dans le cas que vous soulevez, surtout au deuxième paragraphe, on lit que cette disposition donne au commissaire le pouvoir discrétionnaire de ne pas divulguer des renseignements confidentiels à d'autres organismes. Je trouve cela un peu étrange dans le contexte de ce projet de loi. Je trouve un peu étrange aussi le fait que le commissaire n'est pas obligé de communiquer ces renseignements au ministre. Il me semble étrange que ces deux personnes puissent garder ces renseignements pour eux, étant donné l'envergure de l'intérêt public visé par le projet de loi. Je ne sais pas s'il s'agit d'une pratique courante dans un projet de loi comme celui-ci, mais j'aimerais entendre vos commentaires là- dessus, puisque cette question de confidentialité me tient vraiment à coeur.

• 1110

M. Tim Kennish: La loi actuelle permet au commissaire de décider s'il veut ou non divulguer les renseignements confidentiels. Les intervenants qui fournissent des renseignements confidentiels sont évidemment ceux qui craignent le plus que ces renseignements ne deviennent publics.

C'est une des raisons pour lesquelles on parle de cet aspect. En réalité, le commissaire reçoit la plupart de ces renseignements parce que la loi exige qu'on les lui fournisse. Il y a peut-être eu un mandat de perquisition ou une assignation; on a peut-être fait une déposition obligatoire concernant un fusionnement. Ces documents sont donc entre les mains du commissaire. En vertu de la loi actuelle, j'imagine que le ministre pourrait les demander et les recevoir. Mais le projet de loi change cette pratique et oblige carrément le commissaire à fournir ces renseignements au ministre.

M. Roy Bailey: Même si les renseignements ont été fournis sur une base confidentielle?

M. Tim Kennish: Oui. Il n'y a pas de réciprocité, c'est-à-dire que si le commissaire examine les mêmes questions afin d'élaborer des commentaires, le ministre n'est pas obligé de lui communiquer des renseignements confidentiels qu'il pourrait avoir; il n'y a pas d'obligation réciproque à cet égard. Cela ne nous préoccupe pas vraiment. Nous l'avons soulevé parce que nous ne croyons pas qu'il y ait lieu de modifier la loi en ce sens; si le commissaire veut fournir des renseignements confidentiels, s'il croit qu'il est approprié de le faire, il a la possibilité d'aller de l'avant en vertu de la loi actuelle.

Le président: Merci, Roy.

Monsieur Kennish, merci beaucoup d'avoir soumis votre mémoire au comité et d'avoir répondu à nos questions. Nous vous en sommes reconnaissants.

M. Tim Kennish: Merci beaucoup de votre attention.

Le président: Merci.

Monsieur Guimond, un rappel au Règlement.

M. Michel Guimond: Je ne sais pas...

Le président: Il s'agit peut-être d'un point d'information.

[Français]

M. Michel Guimond: J'aimerais simplement vous donner un avis de motion relatif à notre réunion du mardi 2 mai. Est-ce que je peux en faire la lecture tout de suite, monsieur le président, afin d'informer mes collègues de la nature de cet avis?

[Traduction]

Le président: D'accord.

[Français]

M. Michel Guimond: Cette motion s'inscrit dans la foulée de la séance que nous avons tenue mardi dernier sur ADM. Je suis d'avis qu'il n'y a ni matière à une mise en tutelle d'ADM, ni matière à enquête publique.

Par contre, on m'a dit que le ministre des Transports a demandé hier à des fonctionnaires de son ministère d'aller fouiller dans les livres d'ADM, et dans cette foulée, je dépose l'avis de motion qui se lit de la façon suivante:

    Que le comité se réunisse dans six mois et convoque de nouveau la direction des Aéroports de Montréal afin de faire le point sur la gestion de cet organisme et d'évaluer les correctifs apportés au niveau des problèmes de relations de travail, de transparence et d'éthique soulevés au cours de la séance du comité du 11 avril dernier.

[Traduction]

Le président: Vous avez déposé votre motion auprès de la greffière, et il faut un avis de 48 heures, mais comme nous serons en congé pour deux semaines, nous allons en traiter à la première réunion du comité au mois de mai.

Y a-t-il d'autres interventions sur la motion? Je n'en vois pas.

Chers collègues, est-ce que je peux vous demander un service? Nous accueillons cet après-midi à 15 h 30 un témoin. Cela ne devrait pas durer plus d'une demi-heure. Si nous pouvions nous assurer d'avoir le quorum pour entendre ce témoin... je ne voudrais pas mettre le témoin dans une situation embarrassante.

Monsieur Drouin.

[Français]

M. Claude Drouin: J'aimerais qu'on précise dans la motion qu'a déposée M. Guimond qu'on ne convoquera dans six mois les représentants d'ADM que si cela s'avère nécessaire. Comme M. Guimond l'indiquait, le ministère des Transports a déjà entamé certaines vérifications. Si les fonctionnaires du ministère jugent que le travail nécessaire a été fait, je ne vois pas la pertinence de convoquer à nouveau les représentants d'ADM.

• 1115

[Traduction]

Le président: Nous n'allons pas ouvrir le débat là-dessus maintenant. Il s'agit d'un avis de motion. Nous en discuterons à notre retour après le congé.

Chers collègues, la séance est levée jusqu'à 15 h 30; elle reprendra ici dans cette salle.