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SRID Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SUB-COMMITTEE ON HUMAN RIGHTS AND INTERNATIONAL DEVELOPMENT OF THE STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

SOUS-COMITÉ DES DROITS DE LA PERSONNE ET DU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL DU COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 24 novembre 1999

• 1547

[Traduction]

La présidente (Mme Colleen Beaumier (Brampton- Ouest—Mississauga, Lib.)): Je déclare ouverte la séance du Sous- comité des droits de la personne et du développement international du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.

Je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie de votre patience.

Comme vous le savez, lors de sa comparution devant le comité principal en février dernier, le ministre Axworthy a laissé entendre qu'il serait peut-être utile que le comité se penche sur les questions de sécurité humaine en Afrique. La réunion d'aujourd'hui a donc pour objet de commencer à définir le cadre d'une pareille étude grâce à des séances d'information données par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, l'ACDI et le CRDI, c'est-à-dire le Centre de recherches pour le développement international. Nous projetons également de rencontrer avant le congé des fêtes des groupes d'ONG qui se consacrent à l'Afrique.

Votre participation aujourd'hui est d'une très grande importance pour nous. Nous avons besoin de vos lumières, car nous aimerions produire un rapport convaincant dans un domaine où nous pouvons avoir une influence. Je vous remercie donc beaucoup d'avoir accepté notre invitation.

La réunion d'aujourd'hui se déroulera comme une table ronde, de sorte que tous auront la possibilité de poser des questions.

L'un d'entre vous avait-il prévu de nous faire un exposé pour aider à nous orienter? Je crois que nous connaissons la plupart d'entre vous, mais je vais tout de même faire les présentations d'usage. Du ministère des Affaires étrangères, nous accueillons Sandelle Scrimshaw—bonjour, madame—et Jill Sinclair, de l'Agence canadienne de développement international, Michel Archambault, et du CRDI, Tim Dottridge et Stephen Baranyi.

Madame Scrimshaw, êtes-vous la première à prendre la parole?

Mme Sandelle Scrimshaw (directrice générale, Bureau de l'Afrique, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Oui, je le suis.

La présidente: Je vous remercie. La parole est à vous.

Mme Sandelle Scrimshaw: Merci beaucoup, madame la présidente. Je tiens aussi à vous remercier, vous et les autres membres du comité, d'avoir convoqué cette réunion sur la sécurité humaine en Afrique, un des principaux prismes à travers lequel nous évaluons la situation en vue de gérer nos relations et nos intérêts en Afrique actuellement. J'espère que nous pourrons vous aider à définir les questions auxquelles vous travaillerez au cours des prochains mois.

[Français]

Si vous êtes d'accord, je vous présenterai un très bref aperçu du contexte africain et j'inviterai ensuite ma collègue Jill Sinclair à vous expliquer de façon plus approfondie l'approche que nous souhaitons adopter face à la sécurité humaine, toujours dans une perspective africaine. Michel Archambault, de l'ACDI, pourra vous renseigner au sujet de l'orientation des programmes de l'ACDI en la matière, tandis que Tim Dottridge, du CRDI, vous entretiendra de l'approche de son institution dans ce domaine.

• 1550

Nous souhaitons vous donner l'idée la plus précise possible de la façon de traduire un concept de sécurité humaine sur le terrain.

[Traduction]

Vous savez tous, je crois, que le premier ministre revient tout juste de sa première visite bilatérale en Afrique, une visite qui a braqué les feux sur une partie du monde où la sécurité humaine est de plus en plus préoccupante. De bien des façons, les trois pays qu'il a visités, soit le Sénégal, le Nigéria et l'Afrique du Sud, ont une feuille de route relativement bonne ou, du moins, prometteuse sur ce plan.

En effet, le Sénégal est un régime démocratique multipartite qui a joué un rôle important dans la région, en raison de sa stabilité politique et de sa diplomatie active. Par contre, le Nigéria, qui a vécu plusieurs régimes militaires successifs, vient tout juste d'éviter l'autoritarisme et le marasme économique. Il y a aussi l'Afrique du Sud, où le premier ministre a bien sûr assisté à la réunion des chefs de gouvernement du Commonwealth. Ce fut l'occasion pour Thabo Mbeki et son gouvernement non seulement d'accueillir cette réunion, mais également de mettre en valeur le rôle que l'Afrique du Sud s'apprête à jouer dans la sous-région et un programme très avant-gardiste de renaissance africaine.

Toutefois, ce n'est là qu'un des visages de l'Afrique. Un des principaux messages que je tiens à vous communiquer aujourd'hui, c'est qu'il existe plusieurs Afriques.

On vous aura remis deux cartes, une en anglais et une en français, intitulées «Categorizations—Plusieurs Afriques» que je vous invite à examiner quand vous en aurez le temps.

Ces cartes montrent qu'il y a des pays émergents et d'autres qui aspirent au succès politique et économique. Il existe des zones grises où se trouvent des pays vraiment en marge dont l'avenir est incertain. Malheureusement—et c'est très dommage—, il reste actuellement en Afrique de nombreux pays où il ne fait pas bon vivre, où la population souffre d'un manque chronique de sécurité. Elle est victime d'attaques fréquentes contre lesquelles ni son gouvernement ni la communauté internationale ne peuvent la protéger. Les conflits se poursuivent dans de très nombreux pays, dont le Sierra Leone, la République démocratique du Congo, le Soudan et l'Angola, pour ne mentionner que quelques exemples évidents où le Canada a tenté d'intervenir.

Cette carte est particulièrement éloquente, selon moi. Je crois qu'elle a été produite par le Bureau du Conseil privé. Elle a été mise à jour ce matin. Voyez cette bande rouge qui traverse le continent, de l'Algérie au Soudan, ainsi que, bien sûr, toute la région des Grands Lacs et de l'Angola. Pendant que vous examinez la carte et que vous réfléchissez aux conflits africains, il conviendrait de garder à l'esprit que la moitié des conflits actuels dans le monde se trouvent en Afrique.

[Français]

Une vingtaine de pays sont affligés par des conflits.

[Traduction]

Cela a créé une situation humanitaire très difficile et posé bien des problèmes sur le plan des réfugiés. En effet, l'Afrique compte probablement quelque huit millions de réfugiés et jusqu'à 20 millions peut-être de personnes déplacées.

Une de nos constatations en ce qui concerne les conflits d'Afrique, comme ailleurs dans le monde, c'est qu'ils sont maintenant plus complexes que jamais. Jusqu'à cette année, ou il y a un an ou deux, la plupart des conflits en Afrique étaient internes plutôt qu'externes. Les combattants sont souvent des forces irrégulières, composées de rebelles, de mercenaires, de miliciens, d'intérêts non étatiques dont les chaînes de commandement sont très floues et qui se divisent fréquemment selon l'ethnie ou la religion. On force aussi des milliers d'enfants à participer à ces conflits en tant que combattants, espions ou esclaves sexuels.

Les armes légères, une question dont Jill va vous entretenir tout à l'heure, sont habituellement les armes de prédilection. Elles font particulièrement des victimes au sein de la population civile. En fait, huit victimes sur 10 des conflits africains sont des civils.

Enfin, ces conflits sont financés par le trafic illégal de diamants, de pétrole et d'autres ressources. C'est ce que le ministre Axworthy appelait la nouvelle économie de guerre.

• 1555

Ce sont donc les genres de conflits avec lesquels nous sommes aux prises aujourd'hui. Ils sont très différents de ceux que nous avons connus dans le passé. Si l'on établit un lien avec ce que le comité étudie, c'est-à-dire la sécurité humaine, ce sont exactement ces régions, ces régions de crise, où la sécurité humaine est le plus compromise, où la violence est à la hausse, où les gouvernements tombent et les criminels agissent en toute impunité.

Toutefois, sur une note plus positive—c'est ce que nous sommes constamment en train de faire en Afrique, essayer de voir les bons comme les mauvais côtés—, nous assistons à une croissance de la volonté africaine de prévenir les conflits et d'y mettre fin. À titre d'exemple, mentionnons les efforts déployés dans la région d'Afrique de l'Ouest par des États voisins en vue de faciliter la conclusion d'un accord de paix au Sierra Leone. L'accord de cessez- le-feu encore fragile au Congo est un autre exemple de situation où, grâce à l'OUA et à la Communauté de développement de l'Afrique australe, on est parvenu à un accord. Il y a aussi le développement d'un système d'alerte rapide par la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest.

Ce sont là simplement des exemples d'initiatives africaines, d'Africains qui prennent conscience du fait qu'ils ne peuvent pas dépendre de la communauté internationale pour résoudre leurs problèmes, qu'ils doivent se prendre en main, mais qui simultanément comptent sur nous, les membres de la communauté internationale, pour les appuyer.

Autre note positive en Afrique actuellement, les droits de la personne et les principes de la démocratie sont mieux respectés. De plus en plus de pays tiennent des élections parlementaires démocratiques, et nous sommes témoins de réformes judiciaires et administratives—des domaines dans lesquels l'ACDI offre de l'aide à plusieurs pays.

Voilà donc un petit tableau du paysage politique qui servira de toile de fond pour examiner la sécurité humaine en Afrique. Toutefois, j'aimerais vous parler pendant quelques instants de la dimension économique, car j'estime que les deux questions sont liées.

L'Afrique est, malheureusement, probablement le seul continent où, au début du prochain siècle, la pauvreté augmentera. Des 48 pays les moins développés, 33 se trouvent en Afrique. C'est le continent où l'espérance de vie est la plus basse—54 ans en moyenne—, et manifestement il y a des variations. Cette espérance de vie décroît en règle générale.

C'est le continent où la croissance démographique—de plus de 2,6 p. 100—est la plus forte, où 40 p. 100 de la population vit avec moins de 1 $ par jour. Il est particulièrement inquiétant de constater que le fossé qui sépare les riches des pauvres s'agrandit.

Enfin, j'aimerais ajouter qu'en 1998, quatre millions des 5,8 millions de nouveaux séropositifs et 22,5 millions des 33,4 millions de sidéens se trouvaient en Afrique subsaharienne. À bien des égards, ce facteur est presque aussi important, si ce n'est plus important, que le nombre de victimes des conflits sur ce continent.

Il est donc clair, j'espère, d'après ce très bref cliché, que l'Afrique continuera de représenter le plus important défi du XXIe siècle, sur le plan du développement, et qu'il faudra en tenir compte lorsqu'on examinera le programme du Canada en matière de sécurité humaine en Afrique.

J'ai encore un ou deux commentaires à faire, après quoi je laisserai Jill vous entretenir du véritable coeur du problème de la sécurité humaine.

L'autre point sur lequel je souhaitais insister, c'est qu'il faut, lorsqu'il est question de sécurité humaine en Afrique, l'examiner sous l'angle du leadership africain et du partenariat Canada-Afrique. Il est question ici d'un continent où les mines terrestres tuent et mutilent plus de personnes qu'ailleurs dans le monde. Ce sont les Africains qui ont pris l'initiative de faire campagne en faveur d'une interdiction des mines antipersonnel, naturellement, de concert avec le Canada et d'autres amis.

• 1600

Bon nombre des 100 à 500 millions de fusils d'assaut et autres armes légères actuellement en circulation dans le monde se retrouvent dans les zones de conflit africaines. À nouveau, ce sont des Africains de toutes les couches de la société qui sont aux prises avec ce fléau.

Quand le ministre Axworthy se trouvait à Durban, il y a tout juste deux semaines, pour assister à la réunion du Groupe d'action ministériel du Commonwealth, il s'est joint à la sous-ministre de la Défense d'Afrique du Sud, une femme, pour brûler symboliquement des armes légères. L'événement avait été organisé par une nouvelle ONG appelée International Network on Small Arms. Bon nombre des ONG qui ont pris part à l'événement étaient africaines.

Quand on voit le genre d'engagement et de partenariat qui existe entre les ONG et le gouvernement et entre les différents gouvernements d'Afrique et des pays comme le Canada, il est permis d'espérer.

Voilà. J'ai plus ou moins fait l'introduction à ce dont vous parlera Jill.

Madame la présidente, voilà qui met fin à mon exposé.

La présidente: Jill Sinclair.

Mme Jill Sinclair (directrice générale, Direction générale des enjeux humains et mondiaux, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Merci, madame la présidente.

[Français]

Je vous remercie de m'avoir invitée à faire une brève présentation.

Je ferai un rapide survol du concept de la sécurité humaine et je vous donnerai par la suite quelques exemples. Sandelle a déjà soulevé maintes initiatives très pratiques qu'on peut entreprendre en Afrique.

[Traduction]

Je commencerai simplement par vous décrire ce qu'est la sécurité humaine, parce que j'estime que beaucoup d'entre nous avons de la difficulté à comprendre la notion. Il ne s'agit pas tant d'un concept que d'un moyen d'élaborer la politique étrangère. Il s'agit d'une nouvelle approche à la mise en oeuvre de la politique étrangère.

L'individu prime sur tout le reste. Ce n'est pas plus compliqué que cela. Cela semble simple, mais bien sûr auparavant, lorsqu'ils élaboraient la politique étrangère et examinaient les relations internationales, les gouvernements n'avaient pas tendance à faire primer l'individu; ils privilégiaient plutôt l'État. Le concept global de la souveraineté de l'État a toujours été l'approche primordiale. L'objectif premier était de protéger l'État.

Le Canada propose depuis quelque temps d'adopter une approche différente aux relations internationales et de faire passer l'être humain en premier. Voilà ce dont il est question quand on parle de sécurité humaine. Il s'agit de protéger la sécurité et le bien-être des personnes. Il s'agit d'accroître la sécurité personnelle, de protéger la population contre les actes de violence. Sandelle vient de vous énumérer des régions d'Afrique où la population est menacée chaque jour. C'est pourquoi, quand il est question de sécurité humaine, l'Afrique nous vient immédiatement à l'esprit comme étant la partie du monde sur laquelle il faut vraiment concentrer ses efforts.

La sécurité humaine repose également sur la promotion, la défense et la mise en place de mécanismes de protection des droits de la personne et de respect des normes du droit humanitaire international, plutôt que sur la simple signature et ratification d'une convention. La signature de pareilles conventions est toujours bien, mais ce n'est pas l'objet de l'exercice, qui a plutôt pour objectif de réaliser une véritable mise en oeuvre des conventions—par des moyens qui ont un impact positif et avantageux sur la population de ces pays.

Cela signifie aussi que nous exigerons des comptes de ceux qui violent ces principes. C'est là qu'entre en jeu notre initiative concernant la Cour pénale internationale. À nouveau, Sandelle vous a parlé d'impunité. Nous ferons réellement en sorte que les gens répondent de leurs actes, à l'échelle internationale comme à l'échelle nationale. On ne peut pas agir en toute impunité. Les gouvernements et les dirigeants devront répondre de leurs actes.

Cela signifie qu'il faudra adapter nos relations bilatérales, nos organismes régionaux, et changer le fonctionnement des Nations Unies si nous avons vraiment pour principe non pas de protéger les gouvernements, mais de protéger les personnes. Comme je l'ai dit tout à l'heure, cela peut sembler simple, mais cette façon de faire représente en réalité un énorme changement dans la manière dont nous menons nos relations internationales.

Toutefois, j'aimerais préciser que, bien que le concept puisse sembler radical, il existe des régions du monde où depuis longtemps on met l'accent sur les personnes ou on tente de régler les questions humanitaires. À titre d'exemple, mentionnons, si l'un de vous assis à cette table se souvient de la guerre froide, la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe. Au pire moment de la guerre froide, elle avait comme moyen de régler le conflit ce qu'elle appelait la dimension humanitaire, la grande ligne de partage entre l'Est et l'Ouest. Il avait été reconnu que, même si les grandes puissances ne pouvaient s'entendre pour rendre le monde plus sécuritaire, on pouvait autoriser certaines interventions restreintes qui rendraient la vie plus facile aux populations.

• 1605

Le concept n'est donc pas tout à fait nouveau, mais nous en faisons un point central des travaux des Nations Unies et nous tentons de le faire adopter comme pratique standard dans tout ce que nous faisons. Cela signifie que, si nous examinons les opérations de maintien de la paix par exemple, nous souhaitons faire en sorte que, lorsque nous rédigeons le mandat des forces de maintien de la paix, les Casques bleus des Nations Unies qui effectuent ces opérations peuvent agir en vue de protéger les civils.

En réalité, nous avons réussi à le faire dans quelques crises survenues récemment, par exemple au Timor-Oriental et au Sierra Leone. C'était une toute nouvelle façon de faire. À nouveau, il semble aller de soi que, si vous vous embarquez dans une opération de maintien de la paix, vous allez pouvoir défendre la population civile. Cela n'a pas été forcément le cas. C'est donc là un domaine sur lequel nous insistons beaucoup.

J'aimerais vous donner quelques exemples très concrets du programme de sécurité humaine quand vient le temps d'adopter un mécanisme de mise en oeuvre. À nouveau, Sandelle vous en a parlé un peu, mais la liste était loin d'être complète, et j'aimerais simplement vous donner une idée de certains enjeux, dans l'espoir que nous pourrons en discuter quand nous entamerons la seconde partie de la réunion.

Le premier enjeu à nous venir à l'esprit est, naturellement, le dossier des mines terrestres, et ce n'est pas dû simplement au fait que certains d'entre nous y ont travaillé. Sandelle l'a mentionné comme étant l'un des principaux enjeux qui touchent l'Afrique. Si vous examinez la question de la sécurité humaine, l'impact des mines terrestres sur la vie quotidienne de la population dans toutes les régions d'Afrique, qu'il s'agisse de sa capacité de se rendre au travail, d'aller à l'école, d'avoir des terrains de jeu pour les enfants... Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de vous donner les détails. On connaît l'enjeu. À nouveau, l'Afrique a mené le processus visant à faire interdire les mines terrestres, de concert avec le Canada et un certain nombre d'autres pays.

La clé maintenant, pour clore le dossier des mines terrestres d'une manière qui accroît la sécurité de l'individu, est de mettre en oeuvre la convention. Dans le cas de l'Afrique, cela ne signifie pas simplement de détruire les stocks de mines, un objectif extrêmement important, mais également d'obtenir que la communauté internationale se rallie autour de certains moyens utiles d'aider les pays à se débarrasser des mines et à procéder à une très nécessaire réadaptation, tant psychosociale que physique, et réintégration des victimes.

Sandelle a parlé de la question des armes légères. C'est un grave problème en Afrique et c'est un autre exemple de dossier où les pays d'Afrique ont pris l'initiative de façon très positive. Le Mali, par exemple, a pris l'initiative de promouvoir les efforts de micro-désarmement, en essayant d'enrayer l'afflux des armes de petit calibre dans ce pays. On a imposé un moratoire et les dirigeants disent maintenant: «Nous ne voulons pas que ces armes soient importées dans nos pays, les pays d'Afrique occidentale». Ils en appellent aux pays fournisseurs, leur demandant de ne pas envoyer d'armes dans cette région du monde. C'est un autre exemple positif de pays africains qui unissent leurs efforts pour s'attaquer à un problème qui les préoccupe vivement. Il y a un partenariat étroit avec des pays comme le Canada qui appuie ces efforts.

Sur une plus grand échelle, le Canada a fait la promotion de la protection des civils dans les conflits armés, par l'intermédiaire des Nations Unies. En fait, sous notre présidence, le Conseil de sécurité a amorcé à notre initiative un débat sur cette question. Il en est résulté un rapport très complet du secrétaire général des Nations Unies, renfermant 40 recommandations sur ce que l'ONU et d'autres intervenants pourraient faire pour protéger les civils en cas de conflits armés. Ce rapport traite de nombreuses questions très diverses.

Sandelle a évoqué le problème des réfugiés en Afrique, ce qui me rappelle l'une des recommandations de ce rapport, à savoir que les réfugiés qui se trouvent dans des camps de réfugiés doivent se sentir en sécurité. Il ne devrait jamais y avoir d'éléments des forces de guérillas dans ces camps, menaçant la sécurité des réfugiés et rendant d'autant plus difficiles les efforts de relogement et de réinstallation. C'est ce que dit le rapport du secrétaire général, que nous devons nous soucier de la protection des réfugiés légitimes qui se trouvent dans des camps de réfugié. Nous devons aussi nous occuper des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays. Et, je le répète, nous devons nous pencher sur la question des mandats des opérations de maintien de la paix et d'édification de la paix pour qu'elles accordent la priorité aux femmes et aux enfants.

L'établissement du Tribunal pénal international est une autre initiative d'ordre pratique qui découle d'un programme de la sécurité des êtres humains; dans ce dossier, nous avons besoin de l'appui de tous, en particulier des parlementaires, pour obtenir le respect des ordonnances du tribunal. C'est extrêmement important si nous voulons vraiment faire progresser le monde dans le dossier de l'impunité.

• 1610

Je voudrais consacrer quelques minutes au thème des enfants dans les conflits armés, parce que c'est un problème généralisé en Afrique. Presque aucun pays d'Afrique n'est épargné. Quand on parle des enfants dans les conflits armés, nous évoquons non pas seulement ceux qui vivent actuellement dans une situation de conflits, mais aussi ceux dont la situation est le résultat de nombreuses années de conflits.

Le problème ne se limite pas aux enfants soldats, qui représentent évidemment une dimension très importante du phénomène, et il faut s'attaquer aux groupes de rebelles qui «recrutent» des enfants—le mot est trop bénin, disons plutôt qui forcent des enfants d'un très jeune âge, des enfants âgés d'à peine 8, 10 ou 12 ans, non seulement à aller combattre au front, mais aussi à devenir les porteurs d'eau ou les esclaves sexuels ou encore les renforts des forces de première ligne. Nous devons trouver des moyens de nous attaquer à ce fléau, mais il faut aller encore plus loin. Nous devons chercher à prendre des mesures de prévention. Nous devons trouver des mesures de prévention des conflits, afin qu'il n'y ait plus d'enfants qui se retrouvent dans des situations de conflits armés.

Nous devons aussi faire beaucoup de travail dans des situations d'édification de la paix postérieure aux conflits afin de démobiliser, désarmer et réintégrer ces enfants dans la société. C'est un défi énorme, vraiment énorme, parce que les cicatrices psychologiques sont tout simplement inimaginables. C'est le travail de toute une vie.

De plus, les enfants qui avaient un toit et de quoi manger pendant qu'ils étaient membres d'un groupe de combattants se retrouvent sans rien une fois démobilisés. Nous devons les loger. Nous devons veiller à ce qu'il y ait une infrastructure de l'éducation pour les accueillir. Nous devons nous assurer qu'ils aient du travail. C'est un programme immense.

Par conséquent, lorsqu'on parle d'enfants dans des conflits armés, il y a énormément de travail à faire, et l'Afrique est l'endroit où nous devons concentrer nos efforts.

Encore une fois, le Canada fait énormément dans ce domaine. En ce moment, nous collaborons en particulier avec le Ghana pour organiser une conférence qui se penchera sur le problème et les moyens à prendre pour le régler efficacement à tout le moins en Afrique occidentale bien que les problèmes dépassent cette région.

Enfin, j'aimerais vous parler quelque peu de prévention de conflits et des efforts d'édification de la paix.

Il y a l'aspect réforme du secteur de la sécurité. Que faire des forces de combat une fois le conflit terminé? Il faut transformer ces soldats en membres utiles et constructifs de la société. Ce n'est pas chose facile car il n'y a pas nécessairement d'emplois qui les attendent et il faut changer toute une culture de violence, ce qui est une tâche complexe.

Un autre aspect est la formation d'une police civile. Il faut développer des systèmes policiers dans des pays qui émergent d'un conflit où très peu d'autres institutions gouvernementales fonctionnent. Il faut à tout le moins un système de police opérationnel qui a la confiance de la population. C'est un domaine auquel le Canada a apporté une certaine attention. Encore là, nous avons des programmes de formation intéressants au Ghana et dans d'autres pays de l'Afrique.

Enfin, comment concrétiser l'objectif de la sécurité humaine? Il ne suffit pas pour le Canada de faire la promotion de ce nouveau concept, de cette nouvelle démarche. Ce que nous avons essayé de faire consiste à bâtir des partenariats et ce, à divers niveaux.

Nombreux sont ceux qui pensent que nos partenaires traditionnels sont des pays comme la Norvège ou l'Australie mais pour ce qui est du programme de la sécurité humaine, ce qui est intéressant, c'est que nous retrouvons parmi nos meilleurs partenaires, parmi les plus engagés et les efficaces, des pays d'Afrique.

Au risque de paraître trop optimiste, Sandelle, lorsque je songe à des dossiers comme ceux des mines terrestres, des armes légères et de l'édification de la paix, des pays comme le Mozambique, l'Afrique du Sud, le Mali, le Ghana et même le Nigéria, nouvelle version, sont les partenaires qui vont réussir à transformer leur continent. Ce sont eux qui vont être les moteurs du progrès à cet égard par l'entremise de leurs organisations régionales et sous-régionales, et le Canada doit leur apporter son appui.

Ce que je trouve fascinant en Afrique, c'est qu'il y a des pays qui ont décidé se prendre en charge et d'assumer leurs problèmes. Ils ont besoin de pays donateurs, de pays comme le Canada, pour appuyer les efforts et les initiatives qu'ils ont déjà identifiés. C'est différent de ce qui se passe dans d'autres régions du monde, et c'est pourquoi je suis plutôt encouragé.

D'autres partenariats font intervenir la société civile et les ONG. L'exemple classique de cela serait la campagne en faveur du démantèlement des mines terrestres, mais cela va beaucoup plus loin. Encore une fois, Sandelle vient de citer l'exemple de la nouvelle coalition des ONG qui s'est formée autour de la question des armes légères. Il y a une coalition très efficace qui s'intéresse au sort des enfants dans les conflits armés et encore une fois, on constate que les ONG participantes les plus dynamiques et les plus actives viennent de pays d'Afrique. Mais elles aussi ont besoin d'aide pour accroître leur capacité et constituer des réseaux et des liens qui leur permettront de collaborer avec l'ensemble de la communauté internationale.

• 1615

Nos partenariats s'étendent évidemment aux Nations Unies. En effet, l'ONU n'est pas pour nous une simple tribune, un théâtre de la diplomatie, mais un lieu où nous pouvons nouer des liens avec toutes les agences onusiennes. Il y en a toute une gamme, de l'UNICEF au programme de développement des Nations Unies en passant par des partenaires spéciaux comme l'Olara Otunnu, la représentante spéciale du secrétaire général en ce qui concerne les enfants et les conflits armés. Cette tribune nous permet également de collaborer avec des organisations régionales et sous-régionales. Encore une fois, en Afrique, l'Organisation pour l'unité africaine est pour nous un excellent partenaire. Encore là, elle a besoin d'aide pour accroître sa capacité afin de régler les problèmes de la sécurité humaine.

Enfin, je dirais que la sécurité humaine est une sécurité qui vient de la base. Ce n'est pas une sécurité imposée d'en haut, ce qui est l'ancienne façon de faire les choses. Si l'on souhaite instaurer la sécurité à partir de la base, de toute évidence la société civile est le premier partenaire, mais également les parlementaires, les assemblées législatives... ce sont les intervenants sur lesquels il faut compter pour apporter des changements au niveau local et au niveau national, si nous voulons vraiment promouvoir la sécurité individuelle.

C'est tout ce que j'avais à dire en guise d'observations préliminaires.

La présidente: Merci. Je ne voulais pas vous interrompre. Vous êtes tellement enthousiaste que c'est un plaisir de vous écouter.

Michel.

M. Michel Archambault (directeur général pour l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient, Agence canadienne de développement international): Merci de nous avoir invités aujourd'hui.

Je crains que notre intervention ne soit qu'une reprise de celle des fonctionnaires des Affaires étrangères. Ce n'est que normal puisque nous travaillons en très étroite collaboration. J'ai déjà soumis un mémoire et si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je me bornerai à en lire certains extraits et j'insisterai sur une ou deux choses pour réitérer ce qu'ont dit mes collègues.

[Français]

Je commencerai par vous décrire l'approche de l'ACDI en Afrique. L'objectif de l'aide publique au développement est de soutenir le développement durable dans les pays en développement afin de réduire la pauvreté et de rendre le monde plus sûr, plus juste et plus prospère. C'est, comme vous vous en souvenez, ce qu'énonçait le Livre blanc du gouvernement en 1995.

Cet objectif est des plus pertinents pour l'Afrique et le Moyen-Orient, où les impératifs de développement et la réduction de la pauvreté sont étroitement liés à la paix et à la sécurité. En l'absence de paix et de sécurité, toute action contre la pauvreté est fragile et éphémère. Par ailleurs, la violence, les conflits et l'anarchie trouvent souvent leurs racines dans la pauvreté. De plus, une des conditions importantes de la réduction de la pauvreté à long terme est un développement axé sur la personne.

En 1996, immédiatement après la parution du Livre blanc du gouvernement où il énonçait sa politique étrangère, le programme géographique développait un cadre stratégique pour le programme de coopération en Afrique et au Moyen-Orient intitulé Cap sur la sécurité humaine en Afrique et au Moyen-Orient. Ce cadre situe la problématique de la sécurité humaine et de la pauvreté dans un contexte de développement durable. Il permet d'identifier les institutions publiques et les gouvernements comme des intervenants clés dans la mise en place des conditions nécessaires au développement, dont la promotion de politiques publiques saines, ainsi que la reconnaissance et le respect des droits de la personne. La promotion de la paix et de la sécurité est un thème central dans nos efforts de réduction de la pauvreté en Afrique.

La démocratie, la primauté du droit, la protection des droits humains, y compris ceux des minorités, figurent parmi les grandes valeurs que les Canadiens et Canadiennes souhaitent diffuser à l'étranger. Les interventions de l'ACDI dans ces domaines tentent donc de répondre aux aspirations des Canadiens, qui souhaitent que ces valeurs soient propagées et que soient mises en place les conditions favorables au développement durable.

Je fais appel, pendant que je parcours ce document, à

[Traduction]

au graphique que j'ai distribué également, qui indique que les efforts... BHF, ce sont les besoins humains fondamentaux et DPDDBG sont les droits de la personne, le développement démocratique et la bonne gouvernance. Vous constaterez grâce à ce graphique que la plupart des dépenses de la direction de l'Afrique l'année dernière ont été concentrées dans ces secteurs: 32 p. 100 pour les besoins humains fondamentaux et 27 p. 100 pour les droits de la personne, le développement démocratique et la gouvernance.

• 1620

Les initiatives reliées aux droits humains à l'intérieur de la coopération bilatérale: en 1998-1999, le programme géographique a déboursé 254 millions, le Fonds d'initiatives locales exclus, soit une réduction de 7 p. 100 par rapport à 1997-1998. Malgré cette réduction, le programme a enregistré une légère augmentation du nombre total de ces projets de taille réduite, tous secteurs confondus. Cette augmentation s'observe plus particulièrement dans les domaines des droits de la personne, du développement démocratique et du bon gouvernement.

La bonne gouvernance est le domaine de coopération le plus important après le domaine prioritaire des besoins humains fondamentaux. Aux fins de la programmation, la bonne gouvernance comprend le développement démocratique et la promotion des droits de la personne. Au total, nous comptons 91 projets en matière de bonne gouvernance pour un montant totalisant 47 millions de dollars, 12 projets en développement démocratique qui équivalent à 4,2 millions de dollars et enfin, 27 projets en droits de la personne pour un total de 12,5 millions de dollars. Ces chiffres valent pour le dernier exercice financier.

L'ACDI cherche à renforcer les institutions démocratiques gouvernementales et électorales. Aujourd'hui, par exemple, est jour d'élections présidentielles au Nigéria. Des représentants de l'ACDI étaient présents et aidaient la commission électorale à assurer la transparence du scrutin.

L'ACDI cherche à promouvoir l'essor de la société civile et à accroître la compétence et la reddition des comptes du secteur public. L'ACI cherche également à promouvoir la cause des droits humains, y compris les droits des femmes et des enfants, par l'entremise de projets locaux et d'interventions auprès d'instances internationales tels le Commonwealth, la Francophonie et la Coalition mondiale pour l'Afrique.

Je tiens également à souligner le travail formidable que font nos ambassadeurs étrangers dans le contexte du Fonds d'initiatives locales. Comme vous le savez, toutes nos ambassades à l'étranger reçoivent de l'ACDI une modeste somme d'argent qui leur permet de répondre immédiatement, sans passer par la filière bureaucratique et faire appel à l'administration centrale, à de modestes demandes de participation et de prise en charge de la société civile, ce qui ne manque pas d'en assurer le renforcement. La plupart des demandes en question proviennent de groupes de femmes et de défense des droits civils et visent le raffermissement de la société civile.

L'ACDI travaille en collaboration avec la société civile, les organismes panafricains et régionaux comme l'Organisation de l'unité africaine, la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest, la Communauté de développement de l'Afrique australe, l'autorité inter-gouvernementale pour le développement de la Corne, les gouvernements nationaux, les organisations de promotion des droits de la personne ainsi que les autorités politiques qui désirent promouvoir le respect des droits humains et la bonne gestion des affaires publiques.

De plus en plus, le programme bilatéral de l'ACDI travaille directement avec la société civile. Je suis accompagné d'une collègue responsable de l'Afrique centrale, pour les Congos et le Burundi. Si vous avez des questions qui portent précisément sur ce sujet, elle peut vous dire qu'en raison de l'absence de gouvernement dans certains de ces pays et de la difficulté de travailler avec eux, de plus en plus, nous encourageons directement la société civile, que ce soit par l'entremise d'ONG canadiennes, ou directement, afin d'insuffler un peu d'espoir à la population civile de ces pays.

Dans mon mémoire, j'ai dressé une liste d'exemples de notre action dans certains pays. Vous pouvez en prendre connaissance.

En conclusion, je dirai que certains de nos efforts dans le domaine des droits humains fondamentaux contribuent à la mise en place des conditions nécessaires à la promotion des droits de la personne. Par exemple, les programmes portant sur l'éducation de base constituent une autre manifestation de notre préoccupation envers les droits humains. Le renforcement de l'éducation de base est nécessaire à la connaissance, la compréhension et la revendication des droits. Dans ce domaine, le programme géographique de coopération s'est fixé comme but de contribuer à l'accroissement du niveau et du pourcentage de fréquentation scolaire et du nombre d'enfants qui terminent leurs études primaires, particulièrement les femmes et les fillettes.

En dépit de ces efforts, il est vrai que plusieurs pays de l'Afrique font face à des défis encore considérables. Quinze pays africains inscrivent moins de 50 p. 100 de leurs enfants à l'école primaire et 25 affichent des taux d'alphabétisation des adultes inférieurs à 40 p. 100. Les carences en matière d'éducation limitent les progrès pouvant être accomplis non seulement sur le plan des droits civils et politiques mais aussi en matière de développement économique et social.

Merci.

La présidente: Merci. Faites-vous un exposé tous les deux?

M. Stephen Baranyi (agent de programme principal, Programme d'édification de la paix, Centre de recherches pour le développement international): Oui.

La présidente: Allez-y, monsieur Baranyi.

• 1625

M. Stephen Baranyi: Merci, madame la présidente. Nous vous sommes particulièrement reconnaissants d'avoir invité le CRDI à cette table ronde. Le CRDI est un organisme public qui dépense près de la moitié de ses ressources beaucoup plus modestes pour soutenir la recherche sur le développement en Afrique. À ce titre, nous sommes heureux d'avoir l'occasion de faire des commentaires sur un sujet qui, bien sûr, revêt énormément d'intérêt pour nos partenaires dans la région.

Mon collègue Tim et moi-même ferons tous deux de brèves observations sur différents aspects liés à la sécurité humaine et au développement humain dans la région.

Plutôt cette année, le ministre Axworthy a déposé un document fascinant où il faisait valoir que la sécurité humaine a un lien avec le développement humain, mais en est distincte, que la promotion de la sécurité humaine suppose la mise en place d'un environnement favorable au développement humain par le biais de mesures visant à accroître la sécurité de la population, c'est-à- dire sa protection face à des menaces violentes et non violentes. Comme l'ont noté mes collègues, même si nous acceptons cette distinction, le champ des préoccupations relatives à la sécurité humaine en Afrique est extrêmement vaste, à commencer par les causes évidentes d'insécurité comme les guerres prolongées qui font rage dans 12 à 20 pays, selon la façon dont on définit la guerre.

Il y a également le problème des millions de mines terrestres qui ont été et qui sont toujours utilisées dans bon nombre de ces conflits; les atteintes aux droits de l'homme perpétrées par les forces gouvernementales et non gouvernementales; le commerce transfrontière des armes légères, l'incapacité ou la réticence des forces policières publiques à protéger la vie et la propriété des citoyens; l'apparente prolifération de la criminalité, de la corruption et de la violence, y compris la violence conjugale, dans de nombreuses régions du continent, mais pas toutes.

Pourtant, en termes pratiques, vous conviendrez sûrement qu'il est très difficile de séparer ces phénomènes, de distinguer ces préoccupations de sécurité humaine des sources d'insécurité humaine prétendument non violentes comme l'oppressante misère de la majorité des Africains, le chômage et le sous-emploi massif dans la plupart des pays, les épidémies de sida et de séropositivité, la toxicomanie, la migration, les institutions judiciaires lacunaires, le manque de ressources, les catastrophes naturelles, l'inéquitable répartition des ressources et des actifs, la piètre gestion des ressources naturelles, y compris les ressources foncières, etc.

Parmi toutes ces préoccupations pressantes, je veux relever trois séries de problèmes auxquels le CRDI s'attaque en Afrique, en partenariat avec des institutions africaines: l'édification de la paix, le bon gouvernement et les enjeux à la jonction de la sécurité humaine et du développement humain.

Pour ce qui est de l'édification de la paix après la guerre, l'attention consacrée par les médias à la tragédie relègue dans l'ombre des cas de succès relatifs. Pour ce qui est de mettre un terme aux guerres et de bâtir la paix dans certains pays africains, le CRDI a été particulièrement actif dans deux contextes: le Mozambique et l'Afrique du Sud.

Au Mozambique, par exemple, nous avons appuyé des initiatives novatrices menées dans cette société déchirée par la guerre, ce qui nous a permis d'enrichir le débat sur la réintégration des soldats démobilisés, le rôle des médias de masse dans la reconstruction d'après-guerre, la participation au gouvernement local et l'incidence de l'adaptation structurelle dans le domaine de l'agriculture. Tous ces éléments sont absolument essentiels à la reconstruction d'une société après la guerre.

Nous avons également appuyé et continuerons d'appuyer des recherches actives sur les initiatives relatives au démantèlement des mines terrestres.

En Afrique du Sud, nous avons constaté qu'une recherche rigoureuse et opportune peut avoir une incidence positive sur la quête de solutions aux défis considérables auxquels sont confrontés les sociétés dans la foulée d'une guerre. Ces exemples et d'autres de ce que nous pouvons appeler des succès relatifs, y compris le Mali, la Namibie, l'Ouganda, etc., sont extrêmement importants car ils peuvent inspirer d'autres pays de l'Afrique.

Cela dit, dans ces deux contextes, nous avons également appris qu'on ne saurait instaurer la paix et la sécurité humaine à moins d'accorder une attention concertée à deux dimensions particulières de la reconstruction d'après-guerre: la gouvernance démocratique et le développement humain.

La semaine dernière, le CRDI a parrainé à Johannesburg une modeste conférence intitulée «Les priorités pour l'Afrique et l'assemblée onusienne du millénaire». À cette occasion, de nombreux participants africains ont fait valoir cet argument avec beaucoup de conviction. Plusieurs délégués ont mentionné que les carences gouvernementales, sous forme de régimes autoritaires ou voués au culte de la personnalité, les armées prétoriennes, les institutions judiciaires corrompues, la faiblesse des organisations de la société civile, etc. sont les principales causes de l'insécurité humaine sur le continent.

• 1630

Au cours du débat, on a évoqué de nombreuses solutions qui circulent à l'heure actuelle, dont certaines ont été mentionnées par mes collègues, notamment le renforcement de la capacité des organisations régionales et sous-régionales d'offrir une médiation plus efficace, des services préventifs de déploiement et de maintien de la paix, l'élaboration de mécanismes régionaux afin de réglementer la circulation transfrontière des armes légères, la réforme des partis politiques et des tribunaux électoraux, la promotion d'une plus grande participation de la société civile à la vie politique, etc. Certains ont même préconisé ce qu'ils ont appelé un marché d'envergure, en vertu duquel les États africains chemineraient vers la réalisation de ces objectifs alors que la communauté internationale ferait place aux Africains, leur permettant de devenir des partenaires égaux dans l'élaboration des normes internationales par l'entremise, par exemple, d'une réforme du Conseil de sécurité de l'ONU. Le sous-comité voudra peut-être envisager certaines de ces idées dans son étude sur la sécurité humaine en Afrique.

Le CRDI explore pour sa part des moyens d'appuyer la recherche sur certaines de ces questions. À l'heure actuelle, nous oeuvrons avec divers partenaires pour mettre sur pied un projet novateur reposant sur l'utilisation des technologies de l'information et des communications pour promouvoir les droits de la personne dans la région. Nous cherchons des moyens d'appuyer une recherche qui contribuerait à la consolidation de la démocratie au Nigéria. De façon plus générale, nous préparons le terrain pour un nouveau programme sur le bon gouvernement dans l'Afrique du Sud du Sahara. Nous prévoyons mener une recherche sur des stratégies susceptibles de mener à la constitution d'environnements reposant sur la règle de droit, la légitimité de l'État, la représentativité des institutions et la citoyenneté.

M. Tim Dottrigde (analyste des politiques principales, groupe des politiques et de la planification, Centre de recherches pour le développement international): J'aimerais prendre le relais d'autres intervenants et dire quelques mots sur les liens entre la sécurité humaine et le développement humain.

Bon nombre des causes sous-jacentes de l'insécurité humaine sont celles qui se retrouvent dans le cadre du développement humain. Comme Michel Archambault l'a déjà mentionné, la pauvreté sous toutes ses formes est une importante source d'insécurité en Afrique. En fait, ce sont les pauvres qui souffrent de la plus grande insécurité et, que ce soit en raison de la fragilité de leur accès aux ressources essentielles au maintien de la vie, à la nécessité de lutter pour leur survie ou des risques accrus qu'ils courent de succomber à diverses formes de maladie.

Ce qui est dommage pour l'Afrique, c'est que lorsqu'on mentionne certain de ces enjeux du développement humain, cela ressemble toujours à une longue liste de problèmes tragiques et négatifs. J'espère que lorsque le comité en aura l'occasion, il se penchera sur certaines des réalisations très positives qui ont cours en Afrique. Heureusement, nous avons souvent la chance de noter des progrès très positifs liés à certains projets de recherche sur le développement, petits et grands, menés par des Africains courageux, avec des ressources très limitées.

Permettez-moi d'aborder quelques aspects de la sécurité reliés aux problèmes du développement humain dont le plus grave, à mon avis, est tout simplement l'insécurité en ce qui concerne l'accès à la subsistance économique durable. C'est un facteur d'insécurité important ainsi qu'un obstacle significatif au développement.

Pour ce qui est de la sécurité alimentaire, le fait de simplement augmenter la production agricole ne va pas directement aider ceux qui souffrent d'un manque alimentaire, vu qu'ils n'ont pas les moyens d'acheter des aliments. Ceux qui se trouvent dans les régions rurales n'ont pas accès à la terre ou à d'autres ressources pour assurer eux-mêmes la production des aliments. En outre, la dégradation environnementale érode la terre déjà fragilisée.

Cela contribue donc à une migration extrêmement importante de la campagne à la ville ce qui, comme vous le savez, exerce énormément de pression sur la capacité d'autogestion des zones urbaines qui ne peuvent même pas vraiment faire face à l'afflux de la population. Par conséquent, la cession et la distribution des terres sont des questions critiques, tout comme également l'accès à l'eau et la gestion des besoins en eau.

L'Afrique doit prévoir des stratégies afin que les gouvernements travaillent avec les localités pour s'attaquer aux problèmes de développement qui souvent alimentent les conflits internes. Nous appuyons les travaux de recherche sur la gestion locale, la gestion des ressources par la collectivité, étant donné qu'ils permettent de proposer des politiques et des mesures institutionnelles ou locales susceptibles d'assurer un accès, des droits et des responsabilités équitables en ce qui a trait à la terre et à l'eau.

Récemment, la recherche effectuée sur les droits des citoyens au Kenya a montré qu'un meilleur respect des droits fondamentaux, comme l'accès à la terre, aux marchés, à la sécurité—ne serait-ce que la protection contre le vol de bétail—est inextricablement lié à la sécurité et au développement humains.

• 1635

Je vais vous parler juste d'un autre exemple de ce que nous faisons et peut-être que nous pourrons ensuite vous transmettre par écrit des données sur le reste de notre travail en cours. Dans les zones rurales et urbaines, les pauvres, qui constituent la majorité de la population, doivent avoir recours à diverses stratégies peu sûres—en fait, il est exagéré de parler de stratégies, il s'agit surtout de mécanismes d'adaptation—afin de trouver un revenu adéquat pour se procurer les produits et services dont ils ont besoin pour survivre. Nous parlons ici de mesures fort éloignées des possibilités d'emploi que nous connaissons, qui consistent à travailler dans des micro-entreprises ou de petites entreprises et souvent à se déplacer en fonction des opportunités. De grandes questions se posent ici à propos de l'éducation et de l'entrepreneuriat à petite échelle. Les gouvernements sont souvent, sans le savoir, des obstacles au développement à cause de règlements et de modes de soutien qui ne sont pas pertinents.

La recherche, par exemple, sur la subsistance des jeunes... il existe un réseau de connaissances qui relie des gens de la société civile, mais aussi des fonctionnaires et des représentants de groupes de jeunes, lesquels examinent comment on pourrait concevoir—ou comment les gouvernements africains pourraient concevoir—des politiques susceptibles de mieux appuyer ces gens- là, qui autrement contribuent en fait à l'insécurité. Je veux parler de ceux qui vivent dans les bidonvilles et pour qui, vous le savez sans doute, le recours à la criminalité est souvent le seul moyen d'obtenir des ressources. On fait également de la recherche en Afrique du Sud sur la façon dont survivent les femmes qui sont marchandes des quatre saisons et sur les changements que nous pourrions apporter au niveau politique et de l'infrastructure.

Je me ferais un plaisir de vous donner d'autres exemples et de transmettre, en temps et lieu, plus d'information au comité à propos de la recherche sur certains de ces problèmes qui contribuent à l'insécurité; c'est un travail qui change un peu les choses dans le domaine du développement humain. Merci beaucoup.

La présidente: Merci. Vous me faites presque penser au Canada, lorsque vous parlez de pauvreté et de criminalité.

Monsieur Martin.

M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Merci, madame la présidente.

Merci à tous de comparaître devant le comité aujourd'hui. Je suis très heureux que le comité ait choisi d'examiner cette question et je vous remercie beaucoup pour vos interventions.

Avant de commencer, j'aimerais lire une motion dont je voudrais saisir le comité, peut-être à la prochaine séance. Elle sera traduite à ce moment-là. Voici la motion que je souhaite déposer aujourd'hui:

    Que de l'opinion de ce comité, le gouvernement du Canada devrait examiner des moyens de faire parvenir le grain et d'autres produits alimentaires canadiens au peuple de l'Angola via le programme d'aide alimentaire de l'ACDI.

Je présenterai cette motion par la voie hiérarchique et nous pourrons peut-être en débattre la prochaine fois.

La présidente: Merci.

M. Keith Martin: J'ai plusieurs questions à poser. Je m'intéresse à la prévention de bien des problèmes que vous avez clairement exposés et que nous connaissons parfaitement. Tout d'abord, je suis sûr que nous disposons de moyens pour assurer la protection des civils. Nous ne pouvons pas empêcher les conflits meurtriers et nous en payons le prix après coup; c'est le problème. Comme l'ambassadeur Sinclair l'a si bien dit, ce sont non seulement les adultes qui subissent les conséquences de tous ces problèmes, mais aussi les enfants, surtout.

Du point de vue de la Banque mondiale, l'argent dépensé ces 16 dernières années pour le relèvement des pays après les conflits a augmenté de 800 p. 100. Par conséquent, non seulement faut-il agir pour des raisons purement humanitaires, mais aussi pour des raisons financières.

J'aimerais vous demander de quels moyens vous pouvez disposer, en vos diverses capacités, pour tenter de véritablement éviter les conflits; de quels moyens—peut-être économiques, par l'entremise de la Banque mondiale et du FMI—disposons-nous pour influer sur les régimes dont les comportements sont manifestement destructifs à l'égard de leurs citoyens? Comme l'a déclaré l'ambassadeur Sinclair, je crois, il ne s'agit pas aujourd'hui de protéger la souveraineté de l'État, mais de protéger la souveraineté de l'individu, ce que respecte le droit international.

J'ai quelques autres questions. Au sujet de la conditionnalité de l'aide, il semble que l'on mette davantage l'accent sur l'aide nationale que sur l'aide internationale. Peut-être que M. Archambault pourra me répondre. Deuxièmement, pourriez-vous nous dire où en est l'initiative PPTE et comment nous réagissons aux réformes agraires du Zimbabwe qui, je pense, sont dévastatrices non seulement pour le pays mais aussi pour sa sécurité? Enfin, quel est le rôle du registre des armes classiques des NU et quelles mesures ont été prises pour l'améliorer?

• 1640

J'aimerais signaler en passant que M. Steve Simon, représentant de l'UNICEF au Botswana, a proposé un programme très intéressant et je crois très efficace, qui facilite la création d'un partenariat entre le secteur public et le secteur privé. Il n'a pas demandé beaucoup d'argent à l'UNICEF, mais s'est arrangé pour en obtenir beaucoup des groupes privés du Botswana; il a donc réussi à faire intervenir le secteur privé qui aide maintenant les habitants les plus pauvres du pays. Je crois qu'il a parlé de ce programme il y a un mois environ en Malaisie. Cela pourrait intéresser ceux qui parmi vous s'occupent de ce pays.

Je m'arrête maintenant et je serais heureux d'entendre vos réponses.

Mme Sandelle Scrimshaw: Je vais peut-être commencer avant de céder la parole à mes collègues.

Votre première question porte sur les moyens dont nous disposons pour influer les pays de manière à empêcher les conflits au lieu d'avoir à nous occuper de leurs effets très coûteux.

Nous pouvons le faire de plusieurs manières. Nous pouvons le faire dans le contexte de notre dialogue politique régulier avec les pays d'Afrique. Nous pouvons le faire dans le contexte de la conditionnalité de l'aide et je vais céder la parole à Michel sur ce point. En d'autres termes, l'expérience nous a appris que le fait d'investir de l'argent dans un pays où le gouvernement n'est pas solide et où les ressources nationales servent à acheter des armes ou à financer l'armée n'est pas une bonne façon d'assurer le développement. Nous essayons par conséquent d'adapter nos programmes de développement en tenant compte de cette réalité ou idéalement, pour qu'ils soient constructifs.

Lundi soir, je suis rentrée d'Afrique où nous avons rencontré nos chefs de mission—nos ambassadeurs et nos hauts commissaires—de l'Afrique occidentale et de l'Afrique centrale. Nous avons parlé de la République démocratique du Congo (RDC) avec huit ou neuf pays.

La question que nous nous posons est la suivante: que faisons- nous à la Banque mondiale, au FMI et à la Banque africaine de développement lorsque des demandes de prêts sont présentées pour le Zimbabwe, l'Ouganda, ou le Rwanda? Établissons-nous un rapport entre ces demandes et l'argent manifestement dépensé dans les conflits? Agissons-nous de façon équitable—sans avoir de normes différentes pour les attaquants et les attaqués? C'est une question à laquelle nous sommes de nouveau confrontés à la situation en RDC et dans la région des Grands Lacs; nous allons consulter nos collègues du ministère des Finances et de notre propre ministère afin de voir si cela ne pourrait pas nous servir de moyen efficace.

Avec les gouvernements, je crois que nous pouvons agir à divers niveaux. Bien sûr, nous examinons également la façon dont nous pourrions travailler avec la société civile de manière à prévenir les conflits. Nous examinons une proposition à l'heure actuelle—et ce n'est qu'une proposition, mais il s'agit d'une table ronde, si bien que je crois être autorisée à en parler. Lorsque nous étions au Ghana avec le ministre Axworthy en janvier dernier, nous avons demandé au président Rawlings s'il serait possible de réunir les Autochtones du Canada et les chefs de tribus du Ghana afin qu'ils puissent parler de leur expérience au sujet de la prévention et de la résolution de conflits au niveau local.

Des liens ont déjà été créés, bien qu'ils soient davantage de nature culturelle. Sachant toutefois qu'au Ghana une organisation de chefs était très active et essayait de désamorcer les tensions dans le nord du Ghana, nous avons pensé qu'une coopération serait peut-être possible et que nous pourrions la favoriser. Nous travaillons également avec la société civile en Erythrée et en Éthiopie dans cadre du projet des sociétés déchirées par la guerre afin d'encourager le dialogue entre universitaires et ONG pour identifier les véritables causes du conflit—parce que ce n'est pas toujours évident—et trouver les solutions techniques et pratiques possibles.

C'est ainsi que nous essayons de travailler, tant au niveau du gouvernement qu'au niveau de la société civile.

• 1645

M. Keith Martin: Êtes-vous en faveur de la conditionnalité pour certaines de ces activités afin que des pays comme la RDC, l'Angola et d'autres ne continuent pas de se comporter de manière manifestement destructrice à l'égard de leurs sociétés?

Mme Sandelle Scrimshaw: Parfaitement; dans le contexte du dialogue bilatéral et de notre participation à des organismes internationaux, des questions sont posées au sujet de la somme d'argent consacrée à l'effort de guerre—au sujet du financement de la guerre. Il est souvent très difficile d'avoir des chiffres sûrs, mais nous savons que les ressources proviennent de quelque part. Si elles ne proviennent pas du budget national, elles proviennent des industries d'exploitation des ressources des pays où se déroule le conflit, ce qui est très inquiétant, car les pays en cause hypothèquent leur avenir.

Voulez-vous répondre?

Mme Jill Sinclair: Je crois que Michel veut répondre; je prendrai la parole ensuite.

M. Michel Archambault: Oui, au sujet de la conditionnalité, je dois dire que nous y avons recours chaque jour, car nous avons un dialogue politique sur la gestion quotidienne de chacun des projets, de chacun des programmes et de la planification des projets. Chaque fois que nous recevons une demande d'un pays ou chaque fois que nous pensons qu'une ONG canadienne ou locale a la possibilité d'implanter un programme, la planification se fait dans le cadre d'un dialogue au cours duquel nous indiquons toujours que les ressources et l'expertise canadiennes sont offertes à la condition que nous puissions prévoir que les résultats seront positifs.

Je peux vous dire qu'à l'ACDI au moins—et aux Affaires étrangères également, je ne veux pas exclure le ministère—nous annulons des projets lorsque nous nous apercevons que les résultats ne vont pas correspondre à nos attentes. Nous ne le faisons pas très souvent, bien sûr, car nous privilégions le dialogue. Nous faisons affaire à des personnes et des pays qui, la plupart du temps, sont très bien disposés à l'égard du Canada. Nous fonctionnons donc sous le signe du dialogue.

Au plan international—je lisais un rapport de la Banque mondiale pas plus tard qu'hier—c'est la même chose. Il est question de conditionnalité, de la force et de la détermination que nous devrions manifester et des exemples où la conditionnalité a réussi et d'autres où elle n'a rien donné. La plupart du temps, elle a plus de chance de réussir s'il y a un peu plus de coordination au plan international—si les pays donateurs coordonnent leur intervention. Ce n'est pas toujours facile, comme vous le savez, car les pays donateurs ne poursuivent pas les mêmes objectifs.

[Français]

Il y a pour le Canada, si vous me permettez de vous le dire d'une façon qui m'est plus familière, plusieurs façons d'exprimer son identité, et donc d'exprimer les meilleurs modes qui lui permettent d'atteindre les résultats que nous cherchons, que vous, le Parlement, que le gouvernement et que les Canadiens nous demandent d'atteindre.

Cependant, il arrive très souvent qu'on n'appelle pas cela la conditionnalité parce que ce mot risque de faire en sorte qu'on réduise la capacité de dialogue.

[Traduction]

La présidente: Merci.

Nous devons céder la parole à Mme Picard.

[Français]

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur Archambault, dans votre exposé, vous avez dit que l'ACDI cherchait à renforcer les institutions démocratiques, gouvernementales et électorales, à promouvoir l'essor de la société civile et à accroître la compétence et la reddition de comptes du secteur public.

Je voudrais vous laisser entendre que je n'ai rien contre ces objectifs, mais je me demande s'ils correspondent vraiment au mandat de l'ACDI. Je crois pour ma part que le mandat de l'ACDI devrait porter sur l'aide humanitaire et que cette agence devrait faire un suivi des projets afin de nous assurer qu'ils se concrétisent, qu'ils atteignent les objectifs visés et que les sommes investies contribuent au développement et à l'autonomie des différentes régions.

Je me demande si ce mandat qui vise à renforcer les institutions démocratiques et à surveiller les élections électorales ne devrait pas normalement être confié à un autre ministère, comme le ministère des Affaires étrangères ou celui de la Défense. Selon ce que j'ai appris au sujet du mandat ou des objectifs de l'ACDI, ce ne serait pas de votre ressort. Les sommes d'argent qu'on investit dans ce genre de projets sont soustraites de l'enveloppe de l'aide humanitaire des pays qui en ont vraiment besoin.

• 1650

M. Michel Archambault: Nous pourrions peut-être débattre ici de la définition de l'aide humanitaire. On peut considérer que l'aide humanitaire consiste à donner à boire et à manger aux enfants et aux personnes affamées et à les loger. Il y a un aspect plus immédiat auquel l'ACDI attache une grande importance. En effet, nous intervenons beaucoup dans ces pays afin de fournir de l'aide humanitaire d'urgence lors de tremblements de terre, de catastrophes naturelles ou même de conflits.

C'est certainement un des aspects auxquels tiennent beaucoup les Canadiens; c'est du moins ce que les sondages nous révèlent. Donc, nous recueillons encore un assez bon pourcentage d'appui de la part des Canadiens.

Cependant, le développement durable se fonde sur plus que l'aide humanitaire au sens strict. D'ailleurs, je ne crois pas que vous l'ayez vous-mêmes restreint à cela.

L'aide de l'ACDI doit viser un développement durable et donc chercher à assurer la prospérité économique des gens, leur assurer un revenu minimum et favoriser la libéralisation des échanges économiques dans les pays en développement. Il arrive que nous intervenions également au niveau de l'environnement. Nous faisons la promotion du développement du secteur privé dans les pays en développement parce que la libéralisation économique de ces pays va leur permettre un étalement et une croissance.

Ce sont les principes économiques que nous avons au Canada, et nous croyons qu'ils peuvent fonctionner ailleurs, avec certaines adaptations, dans les autres pays. C'est pour cette raison que l'ACDI n'intervient pas uniquement au niveau des besoins humains fondamentaux, soit la santé, l'eau, l'éducation de base, l'habitat et l'hygiène, mais s'engage aussi dans des domaines comme la gouvernance.

Pourquoi la gouvernance? Il faut qu'à un moment donné, les gouvernements de ces pays deviennent représentatifs de la population et aptes à rendre des comptes.

Je vous donnais l'exemple d'un pays où nous sommes intervenus au niveau de la taxation. Il y a eu quelques personnes qui se sont montrées en faveur de la réforme de la taxation dans un pays. Certaines personnes se sont demandé ce qu'était la taxation. On se disait que le gouvernement allait imposer des choses difficiles à des individus. Nous en convenons, mais s'il y a une transparence dans la taxation, cela veut dire que le gouvernement a l'obligation de rendre des comptes, d'être honnête, de répartir la richesse et de faire en sorte qu'il y ait un plus grand nombre de personnes dans un pays qui soutiennent l'effort économique du gouvernement.

Comme vous pouvez le constater, ce n'est pas nécessairement dans tous les pays que nous donnons de l'aide en matière de taxation. Dans un certain pays, on a manifesté une volonté politique à cet égard, et nous avons saisi cette occasion pour apporter à ce gouvernement notre expertise particulière et l'aider à mettre sur pied un processus plus transparent. Pour la première fois, les contribuables avaient en main un document qui leur expliquait ce qu'ils devaient payer et ils ne se faisaient plus dire: «Moi, je pourrais t'arranger cela.» On a pu instituer un système plus responsable.

Nous pensons qu'un système de gouvernement plus responsable se traduit par une croissance économique, une diminution de la pauvreté et donc un bénéfice pour les pauvres. Nous ne mettons pas l'accent sur cette choses dans tous les pays, mais ce sont des actions que nous posons selon la demande, selon notre expertise et selon les intérêts politiques du Canada.

Mme Pauline Picard: Merci.

Le président: Madame Lalonde.

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): J'ai été extrêmement intéressée par vos interventions. Je m'excuse de ne pas être arrivée assez tôt pour entendre la première intervention, mais nous recevions aujourd'hui l'Accueil Bonneau, ce groupe d'itinérants qui est maintenant devenu une chorale très en demande au Québec.

• 1655

Mme Pauline Picard: Et à l'échelle internationale.

Mme Francine Lalonde: Oui, à l'échelle internationale. Il y a aussi du sous-développement ici.

J'ai été tout particulièrement intéressée par les interventions de M. Dottridge et de M. Baranyi, parce que le discours de M. Axworthy à l'ONU m'avait inquiétée. Je trouvais qu'il faisait passer la sécurité humaine devant ce qu'était l'engagement premier de l'ONU. Je me demandais si l'aide internationale allait devenir une forme de police, alors qu'on sait qu'une grande partie des problèmes qui existent sont liés à la pauvreté et à l'absence de développement et de ressources.

J'ai cru comprendre que la recherche que vous menez s'effectue dans des régions précises et que vous essayez d'établir un lien très étroit entre l'émergence de conflits ou le règlement de conflits et l'existence de conditions matérielles et économiques de base qui font en sorte que les conflits se règlent ou, au contraire, éclatent.

Ai-je bien compris le sens de vos interventions?

M. Tim Dottridge: Il peut s'agir d'un des critères, bien que ce ne soit pas le seul. Je vais reprendre certains commentaires qu'avait formulés Mme Scrimshaw. Le CRDI n'intervient pas, que ce soit au niveau de la recherche ou dans un autre domaine, dans un pays qui est carrément en conflit et où règne l'insécurité totale. Cela n'en vaut pas la peine. Nous n'intervenons donc pas dans tous ces pays que vous avez vus sur la carte afin de leur prêter notre aide.

Nous pensons que dans certains contextes, une aide à la recherche permet à tous les intéressés de se rencontrer, d'aborder un problème peut-être un peu moins chaudement qu'on ne le ferait dans d'autres cadres et d'étudier les mêmes données. Il arrive même quelquefois que le fait de se mettre d'accord sur ces données conduit à une résolution de conflit. Stephen pourrait sans doute vous en donner des exemples. Dans certains cas, les projets financés par le CRDI sont de cet ordre-là. Le projet qu'on cible le plus ne touche pas l'Afrique, puisqu'il s'agit d'un projet qui rassemble des chercheurs israéliens et palestiniens pour discuter de l'utilisation de l'eau d'une nappe aquifère que partagent les deux territoires. Ce n'est là qu'un exemple.

Il y a également beaucoup d'espoir du côté de l'Afrique. Je n'ai malheureusement pas de détails très précis, mais nous pourrions les obtenir si cela vous intéresse. Juste avant de venir à cette réunion, j'ai reçu une communication de quelques lignes de la part de ma collègue la directrice régionale de notre bureau à Nairobi, qui nous disait que le CRDI avait financé, la semaine dernière, une petite réunion entre des chercheurs hutus et des chercheurs tutsis. La recherche est parfois un moyen de rassembler des gens pour discuter de questions très difficiles. Nous établissons toujours les premières conditions, c'est-à-dire que les gens ne viennent pas avec des armements pour s'entretuer. Il faut exiger certaines conditions de base avant qu'on entame des discussions.

Nous pouvons quelquefois identifier la possibilité de conflits et prêter notre aide, bien que le CRDI ait pour objectif premier le développement humain. Il arrive, peut-être en raison de notre bon jugement ou parce que nous sommes présents sur les lieux au moment propice, qu'un conflit commence à poindre et que nous contribuions à sa résolution.

[Traduction]

La présidente: Merci.

Madame Carroll.

• 1700

Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): Merci, madame la présidente.

Monsieur Dottridge et monsieur Baranyi, je me demande si le comité pourrait avoir des exemplaires de vos remarques liminaires. Je l'apprécierais.

M. Tim Dottridge: Bien sûr, pouvons-nous les envoyer demain, peut-être?

Mme Aileen Carroll: Certainement.

M. Tim Dottridge: Il s'agit surtout de notes gribouillées.

Mme Aileen Carroll: Je vous ai écouté attentivement et vous avez répondu à plusieurs des questions que je voulais poser, mais je me demande ce que vous avez à dire sur toute la question de la croissance démographique en Afrique et dans quelle mesure cette réalité est prise en compte.

Je sais que Mme Scrimshaw a parlé—et je ne suis pas sûre de l'avoir bien comprise—d'une croissance démographique de 2,6 p. 100. Si l'on prend un pays comme le Mali où 50 p. 100 de la population se compose de jeunes de moins de 15 ans, on peut se demander quel sera l'impact éventuel de la démographie et j'aimerais connaître votre analyse des—je cherche l'expression correcte—courants culturels ou socio-religieux.

M. Tim Dottridge: Eh bien, c'est une question fort complexe.

Nous ne finançons pas pour l'instant de recherche particulière sur les questions démographiques, mais comme vous le dites, elles sont reliées à beaucoup de celles auxquelles nous sommes confrontés. Si nous avons prêté une attention toute particulière ces dernières années à ce que j'appelle la subsistance des jeunes, c'est parce qu'ils représentent un énorme groupe de population.

Je suis loin d'être spécialiste à ce sujet—nous pourrions probablement vous envoyer quelqu'un de plus spécialisé, peut-être quelqu'un de l'ACDI—mais je crois que les pourcentages de la croissance démographique à l'échelle de la planète sont porteurs de bonne nouvelle, même pour l'Afrique. Vous avez parlé de 2,6 p. 100, mais comme vous le savez, cela dépasse les 3 p. 100 dans de nombreux pays.

Je pense donc qu'il y a un côté positif à cet égard, mais il ne fait aucun doute que la rapidité de la croissance démographique est un facteur important qui influe sur bien des problèmes abordés ici. Le nombre d'infrastructures à construire—écoles et cliniques—ne serait-ce que pour répondre à cette croissance, est phénoménal.

Comme nous le savons et comme le confirment certains des indicateurs présentés un peu plus tôt, l'Afrique ne se trouve pas dans une situation d'équilibre satisfaisant. Elle est bien déséquilibrée, si bien que la croissance démographique pose un problème important.

Pour ce qui est des facteurs culturels, tout d'abord, les facteurs économiques et sociaux, je pense qu'il est clair tant pour l'Afrique que pour d'autres pays en développement, que les familles, pour assurer leur sécurité sociale, ont tendance à croire qu'elles doivent avoir six ou sept enfants. Dans le village marocain où j'ai fait de la recherche, c'était absolument la façon de procéder. Si l'un de vos enfants obtient un travail de fonctionnaire, vous n'avez plus aucun problème. Par conséquent, vous avez plus de chances que cela se produise si vous avez sept enfants et non pas deux seulement.

Je ne parle pas de situation extraordinaire; les gens sont à l'aise, parce qu'ils ont accès au crédit au moment de la récolte et que quelqu'un en ville peut l'obtenir pour eux. Ils en ont besoin.

Nous savons donc qu'il existe toutes sortes de facteurs économiques et sociaux qui favorisent tout cela, même si toutes les questions d'insécurité n'interviennent pas de la même façon. C'est ce qui encourage probablement les gens à continuer à avoir des familles nombreuses.

Sur le plan des facteurs culturels, je crois qu'ils sont plus d'ordre économique que social. Bien que de nombreuses cultures préconisent les familles nombreuses, en réalité, nous avons constaté d'après la tendance positive dont je vous ai parlé que cela dépend plutôt de facteurs économiques et sociaux. Maintenant que les gens ont accès à des méthodes de planification familiale et constatent qu'il serait peut-être préférable d'avoir moins d'enfants, c'est ce qui arrivera. C'est inévitable.

• 1705

Mme Aileen Carroll: Merci.

Monsieur Archambault, où voyez-vous les réussites et les échecs, et pouvez-vous faire le lien entre eux et les interventions de l'ACDI qui touchent à la question de la population en Afrique?

M. Michel Archambault: Il me faut fournir une réponse équilibrée à cela. Je pourrais avoir besoin d'aide.

Ma première réaction est d'éprouver le même découragement que laisse entrevoir votre question. J'ajouterais à vos craintes en vous disant que pour la première fois depuis une quarante d'années que l'espérance de vie, ou la longévité, augmentait de façon soutenue, on observe une baisse de l'espérance de vie, à cause du sida.

Chaque jour, en Zambie, trois enseignants meurent du sida. Que faire des enfants qui iront à l'école demain s'il n'y a plus de professeurs? La reproduction est une chose très naturelle, mais en même temps, les ressources deviennent de plus en plus limitées pour bien des raisons.

Les progrès phénoménaux réalisés ont été décrits et mis en valeur par des gens, par exemple, de l'UNICEF, dans le domaine de la population et des enfants. Ils disent bien que depuis quarante ans, il y a eu d'énormes progrès, mais la croissance de la population a atténué la manifestation de cette évolution. Il y a plus de gens, et par conséquent, plus de pauvres. Si l'on regarde le pourcentage de la population défavorisée, il a baissé, mais en chiffres absolus, il y a plus de pauvres.

Où sont donc les réussites? Très franchement, je ne suis pas expert en matière de population. Je ne peux pas vous dire que nous avons réalisé de grandes choses ici et là, mais je peux certainement dire que sur le plan des programmes de soins aux mères et aux enfants, nous avons eu d'excellents projets.

Est-ce que ces projets ont eu une incidence sur la situation générale? Du point de vue du Canada seulement, probablement pas. Par contre, de celui de l'aide au développement offerte par les pays donateurs, je dirais que oui. Mais pour l'ensemble de l'Afrique, le Canada est un intervenant de trop petite envergure. Vous l'avez constaté et le premier ministre l'a mentionné. Avec un programme d'aide qui est passé de 3,1 milliards de dollars en 1992 à 1,9 milliard l'année dernière, il est évident que nous ne pouvons plus nous targuer d'être un intervenant important. Nous devons nous débattre.

Si vous vous souvenez bien, dans les années 70, nous aimions bien être comparés aux pays comme la Norvège et la Suède, mais nous ne sommes plus de ce calibre-là. Par conséquent, nous ne pouvons qu'exercer moins d'influence que dans le passé. D'un autre côté—ici, c'est le fonctionnaire qui répond à votre question—je peux vous dire que parce que nous avons moins d'argent, nous avons été obligés d'agir de manière à obtenir des résultats probants.

Aucune étude n'a été faite pour savoir si nous obtenons maintenant de meilleurs résultats que lorsque nous avions plus d'argent. À mon avis, oui, parce que nous sommes beaucoup plus rigoureux dans notre engagement à investir seulement là où nous pouvons obtenir de véritables résultats.

[Français]

Je n'ai pas de statistiques pour appuyer mes dires et je ne sais pas s'il en existe.

Mme Francine Lalonde: Heureusement que notre collègue est parti.

M. Michel Archambault: Je ne sais pas s'il y a des statistiques au sujet de nos plus grands succès et je ne me souviens pas d'en avoir vu. Sandelle aimerait peut-être ajouter quelque chose.

[Traduction]

Mme Sandelle Scrimshaw: J'aimerais ajouter quelque chose. Depuis quelques années, et même depuis le milieu des années 80, beaucoup de pays africains ont connu une croissance de 4 et de 5 p. 100, ce qui est assez respectable. Le problème, lorsque l'on compare à cette croissance avec celle de la population, est qu'il est très difficile de maintenir ce rythme. Il y a le coût de l'infrastructure et des services sociaux, et il faut trouver de l'emploi. Dans beaucoup de pays, au moins 45 ou 50 p. 100 de la population est âgée de moins de 15 ans, et le sida ne fait que s'ajouter au problème.

Il nous faut donc trouver des moyens de doubler le rythme de croissance tout en réduisant celui des naissances. Selon mon point de vue personnel, une façon d'y arriver est d'investir dans l'éducation, et particulièrement dans l'éducation des filles. Les études démontrent qu'il y a une corrélation entre ce facteur et la planification familiale.

• 1710

[Français]

La présidente: Madame Lalonde.

Mme Francine Lalonde: Vous avez commencé à répondre à ma question. Le Canada est un petit joueur. Comment êtes-vous en mesure d'unir vos efforts à ceux des ONG et des autres pays? Je pourrais vous donner des exemples de projets de développement local ou régional au Québec et au Canada dans lesquels on a investis et où l'on n'a pas obtenu les résultats escomptés parce qu'on n'avait pas établi de stratégie. Il est important de se donner des priorités et de tenir compte des résultats heureux. Comment cela se produit-il chez vous?

M. Michel Archambault: Permettez-moi de souligner que le Canada est peut-être un petit joueur, mais qu'il n'est pas insignifiant. Au contraire, sa contribution est très significative. C'est d'ailleurs, comme vous le savez, pourquoi on est aimés. Par ailleurs, nous n'avons pas beaucoup d'arrière-pensées dans nos interventions.

Mme Francine Lalonde: On n'a pas une tradition colonisatrice.

M. Michel Archambault: Nous avons des objectifs, mais pas d'arrière-pensées. Les gens reconnaissent que nous sommes transparents.

La coordination de l'aide est faite à plusieurs niveaux, y compris à celui des grands organismes internationaux. La Banque mondiale, les Nations Unies et l'OCDE à Paris sont tous des organismes de coordination. Donc, nos représentants au sein de ces organismes coordonnent les grandes visions du développement international.

Il y a également une coordination au niveau de chacune de nos ambassades et de chacun de nos programmes. Dans chacun des pays où nous sommes, les représentants de l'ACDI qui sont à l'ambassade et qui sont responsables du suivi des programmes sur place rencontrent leurs collègues de France, de Hollande, d'Allemagne, des États-Unis et des principaux pays donateurs. Ils disent: «Voici les difficultés que nous avons dans ce pays, voici ce qui nous semble important et voici ce qu'on nous a demandé.» Ils échangent beaucoup.

J'ai en tête l'exemple de l'Égypte, où il y a chaque semaine au moins une réunion de coordination de tous les donateurs. On agit de concert avec les organismes des Nations Unies, ainsi que les représentants du programme des Nations Unies pour le développement, de l'UNICEF et de la Banque mondiale. La même chose se produit dans les territoires palestiniens et dans les pays d'Afrique subsaharienne. Nous avons énormément de dialogues.

Il arrive parfois que les pays hôtes soient un tout petit peu inquiets de ce dialogue parce qu'ils peuvent l'interpréter comme étant une ligue contre leurs intérêts. C'est pour cette raison que nous demandons toujours que les pays soient invités à ces réunions-là, bien qu'ils ne viennent pas toujours.

Permettez-moi, madame la présidente, de souligner un événement récent très important à la Banque mondiale.

[Traduction]

La Banque mondiale vient d'entreprendre de donner une grande poussée à la coordination par l'entremise de ce qui est appelé le réseau de développement de la coordination. M. Wolfenshohn lui-même, le président de la Banque mondiale, s'en est fait le promoteur.

Le principe fondamental est de donner les rênes de leur destin aux pays concernés.

[Français]

Mme Francine Lalonde: J'aime cela.

M. Michel Archambault: On veut faire en sorte que le pays bénéficiaire soit le leader de la coordination. Mais cela exige, pour revenir à votre question précédente, madame Lalonde, qu'on ait des pays bien gouvernés. Il faut donc les aider à se mettre à la place du conducteur. Il faut quelquefois leur apprendre à conduire ou leur dire qu'il y a différentes façons de conduire et les inviter à choisir celle qui est la plus adaptée.

[Traduction]

Même au Canada, comme vous le savez, ceux qui dirigent le Québec ne sont pas les même qui dirigent l'Ouest. Il y a bien des manières de diriger.

Si on leur démontre qu'il y a tellement de modèles, et qu'on les prie de prendre la direction de leurs affaires, cela peut prendre cinq ans avant qu'ils se sentent assez sûrs d'eux pour le faire. Mais nous devons les pousser dans ce sens.

• 1715

Le Canada appuie vigoureusement les initiatives de la Banque mondiale, comme il l'a toujours fait, mais il double d'efforts pour appuyer celle-ci, et nous l'appuyons fermement.

[Français]

Mme Sandelle Scrimshaw: Il faut bien sûr mettre en oeuvre des programmes d'aide en Afrique. Ces programmes émanent d'une influence diplomatique et politique, et nos valeurs en tant que société jouent un rôle de premier plan. Je vous en donne brièvement deux exemples.

[Traduction]

Parlons d'abord du Nigéria, je crois que Mme Augustine y était avec le Premier ministre et elle a entendu de vive voix les Nigériens dire combien ils appréciaient le rôle très important que jouait le Canada dans les pressions exercées et maintenues sur le régime Abacha. Pendant longtemps, nous étions seuls à nous débattre, mais nous avons joué de notre influence au sein du Commonwealth pour créer un groupe qui a affirmé que la situation n'était pas acceptable, et nous avons vu ce qui est arrivé.

Un autre exemple, sur le front politique, est celui de l'Angola. Malheureusement, j'aurais dû en parler lorsque M. Martin était ici et qu'il parlait des leviers. Le Canada est maintenant à la tête du comité des sanctions de l'Angola du Conseil de sécurité des Nations Unies. Ce comité, tout comme celui du Libéria, a été relativement inefficace. Depuis que le Canada s'en est chargé et que l'ambassadeur Fowler le dirige, nous lui avons donné des muscles.

L'ambassadeur Fowler a voyagé beaucoup en Afrique et en Europe. Nous avons mis sur pied deux comités chargés d'examiner la manière dont le conflit qui règne en Angola est exacerbé par le trafic illégal de diamants et le problème du pétrole. Nous nous servons de ces comités, en fait, pour exercer des pressions sur les pays, les acteurs non étatiques et le secteur privé pour qu'ils assument un rôle responsable. Donc, là encore, c'est le Canada qui se sert de son influence dans les rapports bilatéraux et multilatéraux pour exercer un effet positif.

Je suis désolée, ma réponse était un peu longue.

La présidente: Non, ça va.

Nous oeuvrons dans le domaine du développement international, et nous nous intéressons à la sécurité humaine. À ce que je vois, nous faisons du bon travail. Vous parlez d'efforts concertés, mais à ce propos, est-ce qu'il s'agit de plusieurs pays qui versent des contributions à une ONG, et est-ce que ces contributions font en fait l'objet d'une vérification? J'ai entendu dire que nous avons eu des problèmes à obtenir des ONG une reddition des comptes. Je ne sais pas si c'est vrai.

Vous nous avez parlé de l'aspect positif de ce que nous faisons. Nous savons qu'il nous faut plus d'argent, mais nous savons aussi qu'il faut continuer de mieux investir cet argent. Croyez-vous que le développement international peut contribuer à améliorer la sécurité humaine? Dans quel domaine pouvons-nous agir pour être plus efficaces? Nous aimons bien ces audiences. Cependant, je crois qu'au bout du compte, nous voulons avoir l'impression d'avoir peut-être réussi à changer des choses.

Mme Jean Augustine: Avez-vous prévenu ma question?

La présidente: En fait, je vais laisser la parole à Mme Augustine. Elle saura formuler la question.

Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Premièrement, je tiens à vous remercier pour votre exposé, pour sa préparation, et pour la très belle carte mise à jour de l'Afrique, qui affiche les noms des pays en 1999. D'habitude, chaque fois qu'on prend une carte géographique, on y voit des noms différents.

Pendant que vous parliez, j'essayais de voir où nous travaillons, intervenons, ou collaborons avec d'autres sur la question des réfugiés, des personnes déplacées, de la migration, des déplacements de gens d'une frontière à l'autre, comment cela se fait et quelles ressources nous avons dans ce domaine, quels partenaires ou partenariats nous avons.

• 1720

M. Michel Archambault: Si vous nous le permettez, à ce sujet, particulièrement à celui des réfugiés, et pour revenir à votre question, j'inviterais Mme Barbara Brown, la directrice régionale de la région des Grands Lacs, qui englobe le Burundi, le Rwanda, les deux Congo, le Cameroun, le Gabon et le Tchad, à répondre à votre question. Le problème particulier des réfugiés est très pertinent dans ce débat.

La présidente: Très bien. Merci.

Mme Barbara Brown (directrice régionale, Programme de l'Afrique du Centre et des Grands Lacs, Agence canadienne de développement international): Tout d'abord, généralement dans ce domaine, je crois que nous coordonnons beaucoup nos initiatives avec les ONG canadiennes et locales, et avec les organisations des Nations Unies.

Madame la présidente, peut-être est-ce que cela répondra un peu à votre question, parce que nous visons la concertation, mais il reste encore beaucoup à faire.

Je suis sûre que vous connaissez l'existence du Bureau de la coordination des affaires humanitaires, qui a été intégré à la structure des Nations Unies il y a environ cinq ans et qui a été chargé de la problématique d'une meilleure coordination des services aux réfugiés au sein du système des Nations Unies et dans les organismes spécialisés. Nous venons d'affecter un haut fonctionnaire canadien à ce bureau, où il remplira les fonctions de directeur adjoint. De façon générale, nous faisons tout en notre pouvoir pour coordonner nos interventions.

Dans la région des Grands Lacs, il y a un très grand nombre de gens déplacés et de réfugiés venus d'un pays voisin. Donc, si vous regardez des pays comme le Burundi, l'est du Congo et toute la périphérie de la Tanzanie, il y a un mouvement constant de gens qui sont déplacés de leur propre village, au sein de leur pays, puis qui vont du Congo en Zambie, puis du Burundi vers la Tanzanie. Nous les avons ramenés de la Tanzanie chez eux, au Burundi. C'est donc un énorme mouvement de population, et en fait, c'est un véritable défi que de suivre leurs déplacements.

Nous agissons sur divers plans. Nous appuyons le Comité international de la Croix-Rouge qui travaille dans ces régions. Nous investissons directement dans les appels globaux des Nations Unies, mais nous agissons aussi par l'entremise d'ONG canadiennes très efficaces—OXFAM Québec, CARE Canada, CECI—qui travaillent depuis des années avec les communautés dans ces régions. Lorsque surviennent des conflits, ils sont obligés de travailler non plus avec les communautés, mais avec les réfugiés qui se retrouvent dans les camps.

Donc, nous nous efforçons de faire en sorte d'offrir un appui vraiment de fond à nos ONG canadiennes, tout en soutenant l'intervention internationale, d'une manière très coordonnée.

Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question. Je vous vois encore perplexe.

Mme Jean Augustine: J'essayais de voir si nous collaborons au réétablissement des gens qui, disons, sont allés d'un pays à l'autre à cause d'un conflit—comme en Sierra Leone, par exemple, dont la population s'est éparpillée dans les pays environnants. Est-ce que nous essayons d'une façon ou d'une autre de ramener les gens dans leur propre pays maintenant qu'il y a des initiatives de consolidation de la paix? Je me demande si l'ACDI est là-bas, et ce que nous faisons non seulement en Sierra Leone, mais dans d'autres situations dont vous avez parlé.

Mme Barbara Brown: Je ne suis pas responsable de cette région, le Sierra Leone, mais le Rwanda est un très bon exemple. Après que nous ayons tenté de contribuer à l'intervention de la force multinationale, qui n'a pas eu particulièrement de succès, lorsque les camps ont été démantelés, les réfugiés ont commencé à revenir au Rwanda. C'est là que le gouvernement du Rwanda a fait appel au Canada en disant «nous allons avoir un énorme problème, parce qu'en fait, de retour dans leurs communautés, des réfugiés hutus constateront que leurs maisons sont maintenant occupées par des Tutsis, et la situation s'envenimera à nouveau». Nous avons pris un énorme engagement en vue de construire des maisons au Rwanda pour contribuer au réétablissement des réfugiés, et en fait pour aider à réétablir les Tutsis qui s'étaient approprié les maisons des réfugiés, pour que les réfugiés puissent rentrer chez eux.

Donc, oui, ceci est un exemple, et je suis sûre qu'il y en a bien d'autres du même genre.

Michel, je ne suis pas très au fait de la situation en Sierra Leone.

• 1725

Mme Sandelle Scrimshaw: Peut-être puis-je dire un mot. Louis Guay, le directeur adjoint responsable du Sierra Leone, m'accompagne, alors peut-être pourrait-il ajouter quelque chose.

Nous ne voudrions pas encourager un réétablissement à grande échelle de la population, un retour en Sierra Leone, avant que la situation soit favorable à un retour sécuritaire au foyer.

En ce moment, nous essayons de faire deux choses. La première, c'est d'assurer l'accès sécuritaire et sans obstacle de l'aide humanitaire aux gens qui sont encore en Sierra Leone dans les régions qui ont été isolées par les rebelles depuis à peu près un an. C'est donc une très grande priorité.

Deuxièmement, dans ces situations-là, il faut vraiment adopter une approche régionale. Nous connaissons tous les effets que le problème du Sierra Leone a eus sur les pays comme la Guinée et, dans une moindre mesure peut-être, la Côte-d'Ivoire. Les réfugiés sont arrivés, et cela a causé des pressions phénoménales sur le budget national de la Guinée, ne serait-ce que pour assurer la sécurité, même si les organisations des Nations Unies s'occupent de l'hébergement, de l'alimentation, etc.

Donc, l'une des choses que nous avons faites en collaboration avec la Banque mondiale et d'autres donateurs animés des mêmes sentiments a été de donner à la Guinée trois millions de dollars, principalement pour les aider à faire face à ces coûts additionnels.

M. Michel Archambault: Nous leur avons donné trois millions de dollars pour qu'ils puissent consacrer un peu de leurs propres ressources à cette situation.

Est-ce que je peux ajouter l'exemple du rôle que joue le Canada au Moyen-Orient, avec le groupe de travail sur les réfugiés? Là-bas, évidemment, le problème des réfugiés est une question de négociations entre Israël et les Palestiniens, avec le concours d'autres pays.

Le Canada assume la direction du groupe de travail sur les réfugiés, et le ministère des Affaires étrangères, avec l'aide de l'ACDI, s'active beaucoup depuis quatre ans, alors que le processus de paix piétine, pour attiser le feu et pour faire que tous les participants de la région continuent de parler de la problématique des réfugiés. Pour faire participer les universitaires, pour tenter de faire comprendre que les réfugiés poseront un problème... continuons d'étudier la question, continuons d'en parler, cherchons des solutions, même si ce sont les deux parties de la négociation qui doivent décider des solutions.

Il y a un tout petit exemple de familles qui sont retournées à Gaza, c'est celui du Camp du Canada. Des gens ont été bloqués en Égypte lorsque la paix a été conclue entre l'Égypte et Israël, et certains habitants de Gaza sont restés coincés en Égypte. Petit à petit, nous avons pu les ramener à Gaza avec l'aide du Koweit. Le Koweit a donné un peu d'argent, nous avons donné un peu d'argent, et nous avons fait pression sur Israël, sur la Palestine, pour que ces familles soient réunies. Ce sont d'infimes exemples, mais ils illustrent la détermination.

La présidente: Merci. Comme je le disais, nous sommes réunis aujourd'hui pour nous concentrer sur une question. Je me demandais donc, puisque vous êtes les experts en la matière, si vous voulez bien, peut-être, nous faire des suggestions, tant sur le plan géographique que sur celui de l'actualité, du genre d'études que nous pourrions faire qui pourraient peut-être avoir une incidence positive.

Avez-vous le temps d'en discuter maintenant? Je laisse le comité en décider. Avez-vous d'autres engagements?

Une voix: Quand voulez-vous faire cela?

La présidente: Ce serait bien maintenant. Nous pouvons faire vite.

M. Stephen Baranyi: Peut-être pourrais-je donner la première réponse à cette question très difficile. Il est toujours très dur de faire des choix. À notre avis, bien qu'il soit tentant de lancer un très grand filet pour essayer d'y renfermer tous les problèmes sous la rubrique très vaste de la sécurité humaine, nous vous encouragerions plutôt à vous concentrer sur quelques problèmes où le Canada peut faire une différence.

La réintégration et le réétablissement des réfugiés et des personnes déplacées est certainement une priorité pour nous. Nous finançons plusieurs initiatives de recherche appliquée sur la question en Afrique du sud du Sahara. Je serai heureux de vous transmettre des renseignements plus détaillés là-dessus.

Le principe, la raison pour laquelle nous insistons là-dessus, pourquoi nous mettons l'accent sur la consolidation de la paix après la guerre et sur l'exercice du pouvoir dans un certain contexte comme allant de pair, c'est que bien que nous ne préconiserions pas de négliger les crises et de tourner le dos aux autres pays, sociétés et conflits qui ne laissent entrevoir aucun espoir de résolution immédiate, nous prônons certainement la recherche du succès. C'est pourquoi nous recommandons que vous examiniez des situations où un succès relatif a couronné les efforts de consolidation de la paix après la guerre.

• 1730

La présidente: Merci.

M. Michel Archambault: Peut-être puis-je ajouter quelques éléments. J'appuie ce que vont dire mes collègues, parce que je sais ce qu'ils vont dire.

La présidente: Alors pourquoi ne pas les laisser parler.

Des voix: Oh, oh!

M. Michel Archambault: J'ai autre chose à dire aussi.

La présidente: Tout cet appui qui est exprimé me donne à penser qu'il nous faut un peu gratter le vernis de la surface, parce que rien ne peut-être aussi parfait.

M. Michel Archambault: Eh bien, non, j'aimerais ajouter quelque chose. Je crois qu'il nous faut consolider la société civile aux endroits où il y a des conflits. Nous devons infuser de la confiance aux gens, et il y a bien des façons de le faire: par l'éducation de base, bien sûr, où par l'encouragement des ONG dans la société, et tout cela. C'est mon idée, mais j'appuie aussi leurs propos.

La présidente: Mais où faire cela?

M. Michel Archambault: Où? Dans les pays susceptibles d'avoir des conflits ou qui en ont. Je prends l'exemple du Zaïre. Manifestement, il est difficile de travailler avec le gouvernement, mais vous auriez dû être là la semaine dernière lorsque nous avons rencontré les ONG et les partenaires des ONG du secteur privé, les partenaires de l'ACDI. Ils disaient que tout ce qui se passe au Zaïre est incroyable.

La présidente: Nous aurions aimé être là la semaine dernière.

M. Michel Archambault: Vous n'en croiriez pas vos oreilles, et nous sommes avec eux. C'est très bien pour consolider les choses. Il y a des gens qui vivent au Zaïre. Ce n'est pas une vie normale, mais il y a une vie au Zaïre en dépit de la guerre. Nous croyons aussi en leur capacité de prendre leur vie en main lorsqu'ils sont privés de gouvernement.

Mme Sandelle Scrimshaw: Jill ajoutera un autre élément, une autre possibilité pour vous, puis je dirai un dernier mot.

Mme Jill Sinclair: Merci, Sandelle.

Je crois que l'un des problèmes qui a vraiment besoin de notre attention est celui de la participation des enfants dans les conflits armés, mais je suppose que personne n'est surpris que le je dise. C'est un problème qui a déjà fait couler beaucoup d'encre mais, jusqu'ici, il n'y a pas eu beaucoup de mesures pratiques pour le régler. Je crois qu'il serait très utile, vraiment, de faire une étude ciblée sur les enfants et le conflit armé dans le contexte africain.

En fait, cela a un lien avec les arguments qu'ont déjà donnés nos collègues du CRDI, parce que lorsqu'ils parlaient de la réintégration et du réétablissement des réfugiés et des personnes déplacées, ils conseillaient de vraiment orienter les efforts. Si, dans cette optique, vous mettiez l'accent sur les enfants et, même, les jeunes, et sur les moyens de les extraire de ces situations particulières et de les réintégrer dans la société, je crois que ce serait très utile.

Aussi, à propos de la consolidation...

Une voix: [Note de la rédaction: Inaudible]

[Français]

Mme Jill Sinclair: Oui, il y a les enfants-soldats, mais ils ne sont pas les seuls à être touchés.

Mme Francine Lalonde: Ils ne sont pas les seuls, mais il en font partie.

Mme Jill Sinclair: Le problème est plus vaste parce que tous les enfants sont affectés par le conflit. C'est un aspect très important,

[Traduction]

mais il y a aussi une société civile. Si vous vous voulez vraiment vous attaquer au problème de la participation des enfants aux conflits et de leur réintégration, vous devez créer une société civile. Ce sont les compétences locales et les ONG locales qui seront les véritables instruments du changement sur ce plan.

Je crois qu'en fait, plusieurs choses tournent autour de ce thème en Afrique. Il serait facile de mettre l'accent sur plusieurs pays. Il existe des études de cas très positives. Il n'y a qu'à regarder la situation en Afrique du Sud et au Mozambique, par exemple. On peut penser au Ghana, à l'Ouganda ou au Mali. Dans la mesure où ce serait possible, on pourrait même essayer d'intervenir dans un pays qui est en pleine transition ou en plein conflit, comme le Soudan. Vous n'avez qu'à observer ce qui a réussi et ce qui a échoué. Cela revient un peu à ce qui disait Keith Martin: où peut-on prendre des mesures préventives pour éviter le retour à des situations qui mettent les enfants dans ces contextes particulièrement difficiles?

[Français]

Mme Sandelle Scrimshaw: Et le mot de la fin...

[Traduction]

La présidente: Sandelle, j'aimerais entendre ce qu'a à dire M. Dottridge. Si vous tenez à dire le dernier mot, vous devrez attendre que M. Dottridge ait terminé.

Mme Sandelle Scrimshaw: Je n'avais pas vu que sa main était levée.

La présidente: Oh, je vois.

• 1735

M. Tim Dottridge: Je ne voulais pas faire en sorte de nous éloigner du thème central, mais il y a un problème important dont nous entendons parler, et c'est bien sûr celui de l'exercice du pouvoir. Je voulais seulement intervenir après Michel, parce que je crois que c'est la relation entre la société civile et les structures plus formelles de l'État qui est absolument vitale.

La dernière fois que je suis allé en Afrique, c'était en Afrique de l'Est. J'ai entendu des tas de chercheurs exprimer des craintes que la société civile puisse se développer non pas nécessairement en opposition avec l'État, mais qu'elle tente d'assumer une partie des responsabilités, sans forcément en être capable. Au bout du compte, elle ne le peut pas et parfois, même, les responsabilités générales ne sont pas très claires.

Je voudrais seulement ajouter que je crois qu'il faut regarder la situation d'ensemble et la manière dont le pouvoir est exercé, comment il est réparti dans ces sociétés, mais pour cela il faut aussi examiner les institutions formelles, les notions de citoyenneté, les institutions qui sont représentatives de la société. Nous espérons faire partie du tableau d'ensemble dans le futur. Je crois que pour que l'Afrique puisse évoluer, elle doit réussir à tout réunir en un ensemble homogène.

La présidente: Merci.

Madame Scrimshaw, vous pouvez maintenant dire votre dernier mot.

Mme Sandelle Scrimshaw: Merci, madame la présidente.

En fait, je peux très bien continuer dans la même veine. Tout en étant tout à fait d'accord avec les autres idées qui ont été présentées, j'aimerais souligner qu'il existe une autre dimension à la question, et c'est le rôle des parlements et des parlementaires dans l'avènement du changement.

Par exemple, ce qui est arrivé avec les mines terrestres, qui découlait du plan d'action sur la sécurité humaine, a démontré qu'il était possible de changer les choses en faisant un effort concerté. Il ne fait pas de doute que les parlements et les parlementaires ont un rôle à jouer dans la ratification des conventions et la formulation et l'application des lois.

L'une des idées que nous avons eues est d'examiner quel rôle le Parlement et les parlementaires du Canada peuvent jouer pour contribuer au progrès et pour collaborer avec leurs homologues à l'avancement du plan d'action.

La présidente: Je présume qu'une chose qu'il y aurait à faire à ce sujet serait de faire comprendre aux parlementaires qu'il leur incombe à eux aussi de veiller à faire avancer les choses.

Je vous remercie beaucoup d'être venus. C'était très intéressant. Je crois que beaucoup d'entre nous aurions probablement voulu passer encore une ou deux heures, ou même plus, avec vous.

Mme Francine Lalonde: Plus.

La présidente: J'espère que tous les membres de ce comité pourront, au besoin, communiquer avec vous pour obtenir d'autres conseils et des éclaircissements. Je vous remercie beaucoup d'être venus.

J'aimerais signaler que nous avons reçu des réponses d'Ingrid Hall aux questions qui ont été posées à la dernière réunion sur la Birmanie.

Merci. La séance est levée.