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NRGO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON NATURAL RESOURCES AND GOVERNMENT OPERATIONS

COMITÉ PERMANENT DES RESSOURCES NATURELLES ET DES OPÉRATIONS GOUVERNEMENTALES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 16 mai 2000

• 1535

[Traduction]

Le président (M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.)): La séance est ouverte. Notre ordre du jour est l'examen du projet de loi C-11, Loi autorisant l'aliénation des biens de la Société de développement du Cap-Breton et permettant sa dissolution, modifiant la Loi sur la Société de développement du Cap-Breton et apportant des modifications corrélatives à d'autres lois.

Nous recevons aujourd'hui le ministre des Ressources naturelles, M. Ralph Goodale. Il est accompagné de hauts fonctionnaires du ministère. Je vais demander au ministre de nous les présenter.

Je tiens à prévenir mes collègues qu'il y aura une sonnerie pour annoncer un vote. J'en ai discuté avec mes collègues et avec notre whip, et il a été entendu que nous n'irons pas voter. Tant que la composition du comité reste la même, cela ne causera pas de difficulté. Si la main du whip pèse plus lourdement sur le ministre que sur nous, il pourrait partir dès qu'il aura terminé son exposé.

Des voix: Oh, oh.

L'honorable Ralph E. Goodale (ministre des Ressources naturelles): Merci, monsieur le président. C'est à nouveau un plaisir pour moi de comparaître devant le comité, cette fois à l'occasion de l'examen du projet de loi C-11.

Je suis accompagné aujourd'hui de Mme Linda Keen, sous-ministre adjointe, Secteur de minéraux et des métaux à Ressources naturelles Canada; de M. Bob Lomas, spécialiste principal des produits minéraux; et de M. Norman Bayne, avocat-conseil du ministère.

Comme vous le savez, monsieur le président, le projet de loi C-11 autorisera la vente du secteur privé de la Société de développement du Cap-Breton. Pour discuter de la question, j'ai préparé un document synoptique à l'intention des membres du comité qui pourra leur être utile.

La cession au secteur privé des charbonnages du Cap-Breton marque de toute évidence un point tournant pour une entreprise qui a été une société d'État fédérale depuis près de 33 ans. Comme chacun d'entre vous, je suis très sensible aux préoccupations socio-économiques qui entourent la fermeture de la mine de Phalen et la vente des autres divisions de la société. C'est surtout là-dessus qu'ont porté un grand nombre d'interventions faites à la Chambre lors du débat en deuxième lecture.

Je vous invite à vous reporter à la première page du document, intitulée «Historique», car avant d'aborder le projet de loi proprement dit, j'aimerais retracer la genèse de la société. Depuis sa création en 1967, celle-ci dépend des crédits publics pour maintenir son activité. Vous trouverez à la page 1 les crédits parlementaires qui couvrent cette période. Comme vous pouvez le constater, les charbonnages ont obtenu environ 1,7 milliard de dollars d'ici à la fin de l'exercice financier 1999-2000, 86 millions de dollars étant réservés pour l'exercice courant. De plus, la Division du développement industriel de la SDCB, devenue la Société d'expansion du Cap-Breton en 1988, a reçu 157 millions de dollars entre 1967 et 1989. Depuis la création de la SECB et de l'APECA, près de 350 millions de dollars ont été investis dans divers efforts destinés à soutenir l'économie du Cap-Breton au-delà des charbonnages.

À l'automne 1998, j'ai demandé au conseil d'administration de la SDCB de revoir l'orientation future de la société après avoir reçu d'elle une demande de fonds supplémentaires en vue d'exploiter l'entreprise jusqu'en mars 1999. La demande de rallonge s'expliquait en grande partie par des difficultés de nature géologique rencontrées à la mine Phalen. Après avoir envisagé un certain nombre d'options, le conseil d'administration m'a communiqué une série de recommandations.

• 1540

Après en avoir discuté avec mes collègues du Cabinet, il a été décidé de procéder à la restructuration de fond en comble de la SDCB. Ces décisions ont été très difficile à prendre et ne l'ont été qu'après une longue et très minutieuse analyse de toutes les options possibles.

En janvier 1999, j'ai annoncé un certain nombre de mesures. La première a été la fermeture de la mine Phalen d'ici à la fin de l'an 2000. La deuxième a été le déblocage de 111 millions de dollars pour un programme de réaménagement des effectifs visant 340 employés admissibles à un encouragement à la retraite anticipée et 650 admissibles à une indemnité de départ et à une allocation de formation. La troisième a été la création d'un fonds de rajustement économique d'une valeur de 68 millions de dollars assorti d'une contribution de 12 millions de dollars venant de la Nouvelle-Écosse destiné à diversifier l'économie du Cap-Breton à la suite de consultations de la population.

L'annonce de janvier 1999 faisait également état d'une remise de dette de 69 millions de dollars et de la privatisation des biens de la SDCB, l'objectif étant d'en arriver à une exploitation commerciale durable.

Depuis, plusieurs étapes ont été franchies, monsieur le président. Tout d'abord, le processus de vente a été enclenché en juin dernier. Deuxièmement, les conditions géologiques qui avaient suscité d'importantes craintes pour la sécurité ont forcé la fermeture de la mine Phalen plus tôt que prévu, c'est-à-dire en septembre 1999.

Troisièmement, en octobre dernier, un groupe de consultation sur le développement économique, composé de sept membres, a été créé. Celui-ci a tenu neuf jours d'audiences au Cap-Breton et entendu 214 témoignages venant de particuliers, d'administrations municipales, d'hommes d'affaires, de groupes locaux, de syndicats, de collectivités des Premières nations, d'universitaires, de jeunes, et j'en passe. Nous tenions en effet à faire participer les habitants du Cap-Breton à un débat de fond sur l'emploi le plus judicieux des 68 millions de dollars du fonds de rajustement économique.

Le groupe a remis son rapport final aux ministres dans la première semaine de mai, et un programme s'en inspirant devrait être prêt dans le courant de l'été. Je signale aux membres du comité que des exemplaires du rapport final du groupe de consultation sont à leur disposition ici aujourd'hui. Je serais heureux de les déposer au comité pour que les membres apprécient la minutie du travail du groupe.

Enfin, monsieur le président, en janvier de cette année, la SDCB et ses syndicats ont créé un comité mixte de programmation en vertu du Code du travail du Canada pour négocier les modalités du programme de réaménagement des effectifs de la SDCB. Malheureusement, le comité mixte et la médiation n'ont pas réussi à résoudre les désaccords, et, le 27 avril, le ministre du Travail a nommé un arbitre. L'arbitrage est en cours, et je crois savoir que la décision finale, obligatoire pour les deux syndicats et la société, est attendue pour la fin du mois de mai.

Si vous voulez bien maintenant passer à la page suivante, intitulée «Processus de vente de biens de la SDCB», j'aimerais maintenant aborder cette question. M. Joe Shannon, président de la SDCB, qui comparaîtra après moi, pourra vous en parler de façon plus détaillée.

Je me contenterai de vous faire la chronologie des événements. Comme je l'ai déjà dit, en juin 1999 la SDCB a lancé le processus en retenant les services de la société Nesbitt Burns (NB), qui sera son conseiller financier et sera chargée de la vente. En août dernier, Nesbitt Burns a d'abord décrit le processus de la vente lors d'une série de séances publiques au Cap-Breton avec la population et les intéressés afin de connaître leur avis. En octobre 1999, Nesbitt Burns a communiqué avec 60 acheteurs éventuels. En décembre, sur les conseils de Nesbitt Burns, la SDCB a établi une liste de sélection de repreneurs potentiels, qui ont par la suite été invités à présenter une proposition définitive.

• 1545

Celles-ci ont été reçues par le conseil d'administration, et la SDCB est actuellement en train d'évaluer et de préciser le sens de l'une d'entre elles pour mettre la dernière main aux modalités générales d'un accord de vente éventuel, qui pourrait se concrétiser dès le mois de juin. Des négociations sur les conditions précises du contrat de vente se tiendraient par la suite. Il va sans dire, monsieur le président, que l'entente finale sera soumise à l'approbation du conseil d'administration de la SDCB et du gouvernement du Canada.

Il existe des chances très réelles de pouvoir céder les biens de la SDCB au secteur privé et de conserver des emplois de charbonnage dans une entreprise privée rentable, et il est important d'aller de l'avant.

S'agissant plus particulièrement du projet de loi C-11, je rappelle que celui-ci confère le pouvoir de vendre la quasi-totalité des biens de la SDCB conformément au paragraphe 90(2) de la Loi sur la gestion des finances publiques, prévoit la liquidation des affaires de la SDCB ainsi que sa dissolution à terme. Cela ne se fera sans doute pas avant plusieurs années, vu le passif dont il faudra s'occuper. Le texte autorise également que les poursuites contre la société soient prises en charge par l'État lorsque celle-ci n'existera plus. Enfin, le texte maintient la disposition relative à «l'intérêt général du Canada» de l'actuel SDCB, de sorte que le Code du travail du Canada continuera de s'appliquer aux repreneurs du secteur privé. Vous vous souviendrez peut-être, monsieur le président, que cela revêt une importance particulière pour la population du Cap-Breton et les employés, qui tiennent à ce que la législation fédérale du travail continue de s'appliquer.

Le projet de loi C-11 est relativement simple. Il ne crée aucun pouvoir ministériel ni pouvoir délégué. Les cinq premiers articles du projet de loi portent sur l'aliénation et la liquidation et sont assez standards dans ce genre de loi. Suivent une série de modifications de l'actuelle SDCB, qui sont surtout des questions d'intendance et prévoient la réduction dans l'avenir du nombre de membres du conseil d'administration, et d'autres qui ne s'appliquent qu'à la version anglaise. On trouve enfin des modifications corrélatives à d'autres lois.

Monsieur le président, il est important d'aller de l'avant et de saisir l'occasion de garantir les charbonnages et les emplois dans une entreprise privée. C'est une mesure importante dans la redynamisation de l'économie du Cap-Breton. L'objectif est de conclure l'affaire le plus tôt possible pour éliminer un des éléments d'incertitude qui planent sur les employés de la SDCB et la population du Cap-Breton. Chacun connaît l'énormité des difficultés auxquelles fait face cette population. Le gouvernement du Canada est déterminé à faire tout ce qui est raisonnable pour bâtir un avenir sûr et durable.

Je récapitule les principaux éléments de notre démarche: premièrement, grâce au projet de loi C-11, la vente prochaine de l'entreprise pour mettre d'aplomb les charbonnages et les emplois; deuxièmement, un programme raisonnable de réaménagement des effectifs pour venir en aide à ceux qui doivent quitter l'exploitation houillère—question actuellement entre les mains d'un arbitre; enfin, de nouvelles initiatives de développement économique d'origine locale et ouvertes sur de nouveaux horizons, comme la création annoncée récemment du centre de service à la clientèle, qui fait appel à la technologie de l'information pour créer des emplois pour l'avenir.

Je rappelle que les programmes et services courants de la SECB, de l'APECA et du ministère du Développement des ressources humaines continuent d'être offerts et s'ajoutent aux initiatives dont j'ai parlé aujourd'hui.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur le ministre.

Avant de passer aux questions des collègues, je vous précise, monsieur le ministre, au cas où vous ne le sauriez pas, que nous commençons par les députés de l'opposition et que chacun dispose de cinq minutes. Je vais ensuite alterner de chaque côté de la table. Je vais commencer par le porte-parole en chef de l'opposition officielle, M. Chatters.

• 1550

M. David Chatters (Athabasca, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.

Je vous souhaite la bienvenue au comité, monsieur le ministre. Je vous remercie d'être venu répondre à certaines de nos questions. J'en ai un certain nombre, et je n'arriverai sans doute pas à les poser toutes pendant le premier tour.

Notre parti était certes d'accord avec l'idée que le gouvernement vende la SDCB et se retire du charbonnage. Je vois peut-être les choses sous un angle légèrement différent, comparativement aux autres membres du comité, mais je m'inquiète de la façon dont la vente est réalisée.

Plus précisément, ce projet de loi exempte cette transaction de l'application de la Loi sur la gestion des finances publiques, loi qui offre la seule garantie de transparence et d'imputabilité. Ce qui m'inquiète, c'est que l'appel d'offres est restreint plutôt que général. Comment les Canadiens peuvent-ils vérifier que le marché conclu est le meilleur pour les Canadiens et les habitants du Cap-Breton?

M. Ralph Goodale: C'est pour des motifs techniques que ces dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques ne s'appliquent pas. Je devrais peut-être demander à M. Bayne de vous l'expliquer, puis j'aurai d'autres remarques à faire.

M. Norman Bayne (avocat-conseil, Services juridiques, ministère des Ressources naturelles): Merci beaucoup.

L'exemption relative aux fonctions liées aux paragraphes 99(2) à 99(5) vient de ce que ces fonctions s'appliquent aux sociétés où la vente fait partie des affaires courantes. Dans ce cas-ci, c'est tout l'actif qui est vendu, et il n'existe pas sous le régime de la LGFP de règlements semblables aux règlements généraux des sociétés de la Couronne afin que l'argent soit réinvesti dans la société pour être utilisé dans la collectivité. C'est pourquoi il est nécessaire d'accorder une exemption de l'application des paragraphes 99(2) à 99(5).

La même mesure a été prise à au moins deux reprises, récemment, dans le cas de lois visant la fermeture et l'aliénation de sociétés: premièrement, lorsque les Arsenaux canadiens Limitée ont été privatisés, en 1986, et, deuxièmement, dans le cas de la Loi autorisant l'aliénation de Nordion et Theratronics, en 1990.

M. David Chatters: Ce qui me préoccupe, c'est que la SDCB est une société d'État et qu'il n'est pas possible d'avoir l'information en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Le processus d'appel d'offres était restreint, ce qui signifie que seuls les soumissionnaires et le Cabinet connaissent les conditions de la vente. Comment peut-on garantir aux Canadiens et aux habitants du Cap-Breton que la vente est tout à fait honnête et que c'est la soumission la plus intéressante pour les habitants du Cap-Breton qui a été accepté?

M. Ralph Goodale: Je ne sais pas quels articles du projet de loi touchent directement le fond de votre question, mais c'est une question importante, et je m'attacherai donc au fond plutôt qu'aux questions de procédure.

Dans le projet de loi on trouve une disposition selon laquelle les actionnaires, c'est-à-dire le gouvernement du Canada et le conseil d'administration de la SDCB, doivent approuver l'entente finale, l'achat proposé et le contrat de vente. C'est l'ultime mesure de protection.

Nous avons constamment répété que notre objectif est de trouver le meilleur acheteur possible, un acheteur qui puisse maintenir les opérations au maximum, y compris le plus d'emplois possible.

M. David Chatters: Comment l'opposition ou le grand public pourront-ils le vérifier?

M. Ralph Goodale: C'est au conseil d'administration qu'il incombe, légalement, de traiter ce marché et les affaires de la société, sous réserve des approbations que doit donner le gouvernement. Parmi ces choses, il y a l'aliénation d'à peu près tout l'actif.

• 1555

Monsieur Chatters, il est certain que je veux pouvoir garantir aux habitants du Cap-Breton et au grand public que le marché que nous conclurons sera en fait le meilleur possible. Ni moi ni le gouvernement n'avons quelque intérêt que ce soit à cacher.

Nous avons entamé un processus commercial qui comprend des négociations avec des acheteurs éventuels. Nous espérons qu'une des propositions soit adoptée, mais durant les négociations commerciales, pour des raisons de concurrence et pour obtenir le meilleur marché possible, il est nécessaire de protéger le caractère confidentiel des renseignements commerciaux.

À la fin des négociations, lorsque nous aurons approuvé une transaction, j'espère que la valeur de cette transaction s'expliquera d'elle-même. À cette étape, bien sûr, une fois le marché réalisé, les gens seront informés des modalités de la transaction.

M. David Chatters: Je l'espère bien, monsieur le ministre, parce que lorsque je suis allé au Cap-Breton, deux organismes locaux différents souhaitaient présenter une offre et exploiter la mine; on a refusé d'accepter leurs offres. Si vous voulez convaincre les habitants du Cap-Breton et les Canadiens que ce projet de loi protège l'intérêt des habitants du Cap-Breton, vous avez encore bien du chemin à faire, si c'est de cette façon que vous entendez procéder.

M. Ralph Goodale: Comme je l'ai dit, les administrateurs ont reçu jusqu'à 60 manifestations d'intérêt. Toutes ont été analysées soigneusement par Nesbitt Burns quant à leur valeur relative et aux problèmes qu'elles posaient, et Nesbitt Burns a élaboré une liste abrégée qui a ensuite été approuvée par le conseil d'administration, sur la recommandation de Nesbitt Burns.

Le but de Nesbitt Burns et du conseil d'administration de la SDCB est de réaliser la meilleure transaction possible. Il s'agit d'un processus commercial. Il est normal, dans un tel processus, de protéger le caractère confidentiel des renseignements afin de conclure la meilleure transaction possible. Une fois cette transaction conclue, les gens pourront vérifier la valeur de la transaction et en juger par eux-mêmes. Mon objectif, c'est de faire la meilleure affaire possible.

M. David Chatters: Les modalités de la vente seront-elles rendues publiques?

M. Ralph Goodale: Monsieur Chatters, le gouvernement veut rendre publique le plus d'information possible. Toutefois, on m'a dit que du point de vue légal l'autre partie également a son mot à dire à ce sujet. À cette étape, je n'ai pas encore de réponse absolument définitive, puisque certaines modalités restent à négocier et qu'il faut tenir compte des voeux de l'acheteur éventuel. Mais je puis vous assurer, à vous et aux membres du comité, que je suis prêt à me montrer aussi ouvert que je le peux et à fournir autant de renseignements que possible.

Le président: Merci, monsieur Goodale.

Monsieur Bélair.

M. Réginald Bélair (Timmins—Baie-James, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'ai quelques questions à vous poser, monsieur le ministre. Premièrement, avant que l'on décide de dissoudre la SDCB, des fonctionnaires ont bien dû évaluer les effets d'une telle fermeture, et je suppose qu'on a également évalué diverses options avant de prendre cette décision. Pourriez-vous nous informer des options qui ont été évaluées?

• 1600

M. Ralph Goodale: La SDCB et le gouvernement avaient en fait trois options. Il y avait d'abord la fermeture de l'entreprise, le statu quo et la privatisation de l'actif. Voilà quels étaient nos trois choix.

Pour des raisons évidentes, la fermeture n'était pas particulièrement intéressante. Nous avions conclu qu'il fallait restructurer en profondeur les opérations relatives au charbon au Cap-Breton, mais nous n'avions pas conclu que cette restructuration entraînerait nécessairement une fermeture. Nous cherchions donc d'autres solutions.

Pour ce qui est du statu quo, notre longue expérience montrait qu'il faudrait, pour le maintenir, un montant indéfini de subventions à long terme. Les chiffres que j'ai montrés au comité lorsque j'ai fait mon exposé montrent que ce modèle remonte à 1967.

Pendant un certain nombre d'années la société d'État a essayé de se bâtir une viabilité commerciale considérable, en tant que société d'État. Le conseil, l'équipe de gestion et les employés de la SDCB ont fait de grands efforts pour atteindre cet objectif de viabilité commerciale, surtout durant les quatre ou cinq dernières années. Malheureusement, cet objectif n'a pas pu être atteint dans une structure de société d'État, surtout en raison des conditions géologiques.

Dans cette évaluation, on a examiné divers scénarios en matière d'exploitation minière, d'hypothèses de productivité, etc. Mais après avoir configuré toutes ces variables, des hypothèses les plus défavorables jusqu'aux plus favorables, on a constaté qu'il y aurait toujours un déficit important et qu'il faudrait un financement constant à très vaste échelle.

Nous nous sommes donc penchés sur la troisième option, celle qui consistait à trouver un acheteur du secteur privé qui pourrait maintenir les opérations de charbonnage, fonctionner dans le monde de l'entreprise privée et conserver un maximum d'emplois.

Parmi les trois options dont nous disposions, c'est celle que nous essayons de réaliser maintenant grâce au projet de loi C-11 qui était la plus intéressante.

M. Réginald Bélair: Compte tenu du nombre important d'emplois qui seront perdus, le gouvernement assortira-t-il la vente de la SDCB d'une condition pour garantir un certain nombre d'emplois?

M. Ralph Goodale: Monsieur le président, il faudrait pour répondre à cette question que je discute d'un élément qui fait peut-être partie des négociations. Je puis cependant dire qu'un de nos objectifs, lorsque nous avons demandé les propositions du secteur privé, et comme je l'ai dit à plusieurs reprises à la Chambre des communes, a été de conserver un nombre maximum d'emplois. Je ne saurais toutefois pas vous donner davantage de détails aujourd'hui, si ce n'est pour dire que la conservation des emplois est une préoccupation importante.

M. Réginald Bélair: Voici ma dernière question. Pourquoi sommes-nous aujourd'hui aussi pressés de vendre la SDCB?

M. Ralph Goodale: Le processus a été entamé en juin dernier, comme je l'ai dit, dans le cadre du processus général que j'ai décrit en janvier 1999. Le conseiller financier a fait son travail. On a distribué les renseignements sur la société aux acheteurs éventuels. Nous avons reçu un certain nombre de manifestations d'intérêt. Certaines de ces propositions ont été évaluées de façon très détaillée, et il est possible qu'une transaction soit conclue à court terme.

• 1605

Il me semble qu'il est très important d'exploiter au maximum ce potentiel. S'il y avait des retards importants, les possibilités qui s'ouvrent maintenant pourraient bien disparaître. Cela laisserait la population du Cap-Breton, et plus particulièrement les employés de la SDCB, dans une incertitude beaucoup moins favorable que ne pourrait l'être une vente.

Le président: Merci.

Monsieur Cardin.

[Français]

M. Serge Cardin (Sherbrooke, BQ): Ce qui me préoccupe le plus, c'est la privatisation. Quand on regarde les statistiques et les chiffres des années précédentes, on constate qu'il y avait des pertes. On sait, entre autres choses, que pour l'exercice se terminant le 31 mars 1999, il y a eu des pertes d'exploitation de 29,5 millions de dollars. Qu'est-ce qui nous permet de croire qu'en privatisant l'entreprise, elle aura une meilleure rentabilité et les emplois seront maintenus?

Il y avait quand même plus de 1 600 personnes qui y travaillaient autrefois et il y avait des pertes. Près d'un millier d'entre elles vont partir. Donc, quelles garanties avons-nous qu'une entreprise privée pourra rentabiliser la mine et maintenir les emplois?

On sait que le principal client est la Nova Scotia Power Corporation et qu'il y a des contrats renouvelables. Je pense même qu'il y en a un qui le sera en l'an 2000. Cela peut aller jusqu'à 2011. Donc, il faut que l'entreprise privée ait un incitatif. Il faut qu'elle ait l'espoir de faire des profits pour maintenir les emplois dans la communauté.

[Traduction]

M. Ralph Goodale: Comme je l'ai dit en réponse à une question précédente, nous devions faire un choix entre le statu quo, qui, comme M. Cardin l'a indiqué, nécessitait un financement constant à très large échelle, la fermeture totale des installations ou la possibilité de transférer les opérations au secteur privé.

Compte tenu de tous les facteurs énoncés par le conseil d'administration de la SDCB et après l'examen de ces facteurs par le gouvernement et le Cabinet, nous en avons conclu que la meilleure solution, pour l'avenir, était de vendre l'actif de la SDCB. Un exploitant du secteur privé sera peut-être mieux en mesure d'atteindre l'objectif de viabilité commerciale qui ne pouvait pas être atteint autrement.

Dans le cadre de cette transaction, le nouvel acheteur aura sans doute une grande expérience du secteur privé. Pour ce qui est des emplois, comme je l'ai dit en réponse à une autre question, notre objectif est que l'exploitant du secteur privé conserve un nombre maximum d'emplois.

Pour préciser les chiffres, monsieur Cardin, lorsque nous avons entamé ce processus, l'entreprise comptait environ 1 500 à 1 600 employés. D'après le programme de réaménagement des effectifs, quelque 340 employés auraient droit à un encouragement à la retraite anticipée et quelque 650 autres auraient droit à une indemnité de départ et à une allocation de formation. Il en resterait environ 500 qui, nous l'espérons, seraient repris par l'exploitant du secteur privé.

• 1610

Il s'agit évidemment de chiffres et d'estimations très généraux. Puisque le programme de réaménagement des effectifs est en arbitrage et que les négociations de la vente ne sont pas terminées, il n'est pas possible à cette étape-ci de produire des chiffres définitifs. Mais notre objectif a été de veiller à ce que l'acheteur du secteur privé conserve autant d'activités économiques liées au charbon que possible et autant d'emplois que possible.

Parmi nos trois options, c'est celle-là qui offre les meilleures chances de réussite. Le gouvernement tiendra certes compte de ce facteur lorsque le moment arrivera d'approuver une transaction.

[Français]

M. Serge Cardin: Même s'il l'on maintient un nombre important d'emplois, est-ce que l'entreprise privée va garder les mêmes conditions de travail ou si elle va tenter de rentabiliser ses opérations en les modifiant?

[Traduction]

M. Ralph Goodale: Eh bien, cela inquiétait les employés. Ils m'ont dit très tôt et à plusieurs reprises qu'ils souhaitaient que les règles du gouvernement fédéral en matière de main-d'oeuvre continuent de s'appliquer une fois l'entreprise privatisée. C'est pourquoi on dit dans le projet de loi C-11 que les ouvrages de la société sont déclarés être des ouvrages à l'avantage général du Canada. De cette façon, on garantit que le régime fédéral de relations de travail continue de s'appliquer. C'était un élément important de ce que les employés m'ont dit à diverses reprises.

Le président: Merci, monsieur Goodale.

[Français]

M. Serge Cardin: J'avais encore du temps.

Le président: Soyez très bref.

M. Serge Cardin: À moins que l'entreprise privée ait des façons complètement différentes de rentabiliser l'exploitation, où trouvera-t-elle l'espoir de faire des profits un jour si elle maintient les emplois et les conditions de travail?

[Traduction]

M. Ralph Goodale: C'est une question qu'il vaudrait mieux poser aux acheteurs éventuels, mais je comprends que vous n'en avez pas maintenant la possibilité.

Les acheteurs éventuels trouvent bien sûr l'entreprise intéressante, sinon ils ne s'y intéresseraient pas. Par contre, le gouvernement du Canada doit tenir compte de divers facteurs qu'il juge importants pour décider si les transactions proposées sont acceptables.

Notre but, c'est que l'entreprise repose sur une assise solide et viable à long terme—d'après les chiffres que j'ai mentionnés, l'exploitation serait plus petite, mais continuerait d'exister. Il est fort probable que le secteur privé est mieux en mesure qu'une société d'État d'atteindre cet objectif, car malheureusement, au cours des 33 dernières années, les sociétés d'État ont nécessité un financement considérable qui n'est tout simplement plus possible.

Le président: Merci, monsieur Goodale.

Monsieur St. Denis.

M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.): Merci, monsieur le président.

Merci d'être venu nous rencontrer, monsieur le ministre.

Permettez-moi d'aborder la question du développement économique. Comme le sait le ministre, j'en suis sûr, dans ma propre circonscription d'Algoma—Manitoulin, dans le nord de l'Ontario, près de 5 000 emplois ont été perdus au début des années 90 dans le secteur minier, dans la petite ville d'Elliot Lake. Les dirigeants locaux, avec l'aide d'un grand nombre d'intervenants, ont entrepris de corriger la situation et ont réussi à faire de grands progrès dans la diversification de l'économie locale. Ils estimaient que les meilleures solutions sont les solutions locales, qu'il est impossible à des gens d'Ottawa, d'Halifax ou d'autres capitales éloignées de dire aux gens comment résoudre leur crise.

• 1615

Un observateur impartial dirait qu'on a pris d'excellentes mesures pour favoriser le développement économique et exploiter les possibilités qui existent dans les localités du Cap-Breton. Pourriez-vous nous parler un peu des mesures de développement économique qui ont été mises en place et financées en partie avec l'aide de la province?

M. Ralph Goodale: Monsieur St. Denis, lorsque nous avons fait notre première annonce, en janvier 1999, nous avons dit que nous étions prêts à investir 68 millions de dollars dans ce projet, et plus tard la province de la Nouvelle-Écosse a ajouté 12 millions de dollars à cette somme, ce qui a porté le total à 80 millions de dollars.

Au départ, et dans tout ce qui a été fait au sujet du développement économique, les habitants du Cap-Breton ont toujours insisté sur le fait qu'ils souhaitaient, comme vous l'avez dit dans votre question, participer à l'élaboration de la stratégie et au mécanisme d'investissement de ces capitaux. Ils ont signalé qu'ils avaient connu d'autres problèmes de développement économique par le passé—certaines solutions avaient donné de bons résultats, d'autres pas—et ils souhaitaient tirer des leçons de ces expériences et profiter des meilleures méthodes utilisées. Pour eux, la solution tenait à un mélange de facteurs dont certains étaient liés à des activités économiques traditionnelles et d'autres à de nouveaux domaines qui n'avaient pas encore été exploités, plus particulièrement ceux qui nécessitent l'utilisation de technologies. Ils étaient très intéressés par les secteurs de l'énergie et de l'environnement, ainsi que par les possibilités en matière de tourisme.

Étant donné tout ce capital intellectuel local très précieux sur lequel on pouvait tabler depuis le début de ce processus, nous nous sommes engagés à tenir des consultations exhaustives sur les meilleures façons d'utiliser les sommes allouées au développement économique. Ces sommes étaient supplémentaires en ce sens que les 68 millions plus 12 millions de dollars allaient s'ajouter à tout ce que la SECB, l'APECA ou tout autre organisme des secteurs public ou privé pourraient faire.

On a entamé des consultations et tenu de nombreuses audiences l'automne dernier. On a recueilli les témoignages de plus de 200 groupes représentatifs différents, après quoi on a rédigé un rapport très utile, à mon avis, intitulé Growing the New Economy, que j'ai soumis au comité aujourd'hui.

Il me semble que quand on lit ce rapport on retient deux choses: d'abord, on y trouve une analyse franche de l'ampleur du problème auquel nous faisons face, mais en même temps on y découvre clairement la créativité, la détermination et la véritable ténacité des gens du Cap-Breton ainsi que leur volonté de prendre les choses en main, de faire du mieux qu'ils peuvent avec les fonds dont ils disposent, de faire fructifier ces fonds et, somme toute, de franchir une étape économique historique. Je pense que grâce aux consultations qu'on a tenues, aux idées qui en sont nées et au travail qui en découlera, les assises qu'on a jetées sont très solides.

• 1620

Je voudrais vous rappeler la toute première annonce que nous avons été en mesure de faire il y a quelques semaines dans le nouveau centre de service à la clientèle, au Cap-Breton, annonce qui promettait notamment des sommes provenant du fonds de développement économique et des sommes supplémentaires provenant d'ailleurs. Cette annonce comporte différents aspects. Elle concerne manifestement la technologie. Elle promet un type d'activités futuriste dont le potentiel est énorme. De plus, on a réussi à recueillir des fonds de sources différentes, ce qui nous a permis d'accumuler un pécule plus substantiel.

J'ai été très ravi et très reconnaissant de constater que ce genre d'annonce a été bien accueillie non seulement par le gouvernement du Canada, mais aussi par tous les responsables et représentants locaux au Cap-Breton, y compris les députés et le gouvernement provincial, qui ont tous jugé cette étape utile. J'espère que nous pourrons voir d'autres étapes utiles de ce genre découler des 68 millions de dollars.

Le président: Je vous remercie.

Madame Dockrill.

Mme Michelle Dockrill (Bras d'Or—Cape Breton, NPD): Je voudrais vous remercier d'être venu ici, monsieur le ministre. Je dois dire que cette occasion est bien plus plaisante que les 35 secondes à la Chambre.

Le président: Il est encore tôt.

Mme Michelle Dockrill: Monsieur le ministre, il ressort de certains avis juridiques concernant la Loi sur la Société de développement du Cap-Breton que cette loi dispose clairement que le gouvernement fédéral ne peut abandonner une société que si celle-ci n'est pas viable sur le plan commercial. Dans ce contexte, je voudrais vous poser quelques questions.

En 1995, on a commandé une étude communément appelée le rapport Boyd. Dans ce rapport, on a soumis trois études de cas au conseil d'administration de la Société de développement du Cap-Breton et au gouvernement fédéral. Les trois études de cas montraient qu'il était possible de rendre ladite société viable et de réduire sa dépendance à l'égard des fonds publics. Malheureusement, comme nous le constatons aujourd'hui, aucune de ces études de cas n'a été prise en considération par le gouvernement fédéral, ni par le conseil d'administration de la SDCB.

Cela étant dit, vous avez dit dans votre déclaration préliminaire qu'on vous a fait de nombreuses suggestions. Nous sommes tous assez conscients des nombreuses suggestions qui ont été faites par les syndicats et par leurs membres. L'une des suggestions qui vous ont été faites—et je suis sûre que vous la connaissez très bien—figure dans un document intitulé Making it Work. Dans ce document, les syndicats ont mentionné la partie supérieure de la mine Phalen et ont formulé des suggestions se rapportant au charbonnage.

Dans votre réponse aux syndicats, vous dites reconnaître que l'on peut extraire 5,2 millions de tonnes de charbon réutilisable, mais vous affirmez également qu'il n'est pas rentable de mettre en valeur les sections supérieures de la mine.

Fait intéressant, dans le document de vente préparé par Nesbitt Burns, on fait allusion au même minerai de charbon. Dans votre lettre aux syndicats, vous signalez que le minerai a une forte teneur en cendre et par conséquent qu'il n'était pas commercialisable. Dans ce document cependant, et c'est là que je suis embrouillée, on affirme qu'il est possible de mettre ce minerai en valeur et qu'il s'agit d'une proposition commerciale intéressante.

Pouvez-vous nous donner des précisions, étant donné que votre ministère, dans une lettre, nie catégoriquement la viabilité économique d'une telle entreprise alors que Nesbitt Burns, dans un document de vente, en fait un argument pour attirer un acheteur potentiel?

M. Ralph Goodale: Manifestement, Nesbitt Burns a le souci de donner aux acheteurs potentiels une description exacte de tous les actifs qui pourraient les intéresser, si bien qu'on a fourni une liste complète de ce qu'ils sont. Les acheteurs éventuels s'intéresseront à divers éléments de tout un ensemble. C'est ce que l'on pourra constater au cours du processus de négociation.

• 1625

Aujourd'hui, je ne suis pas en mesure de me prononcer sur la façon dont un acheteur éventuel considérerait un actif donné et de dire si, oui ou non, il voudra qu'il soit inclus dans l'ensemble, et, le cas échéant, à quel prix et quelle valeur il lui attribuera, etc.

Je dirais deux choses. Durant les nombreux mois au cours desquels j'ai discuté avec les représentants des syndicats et d'autres intervenants, recevant de leur part des suggestions, des idées, des interrogations quant à savoir quel choix nous devions faire, j'ai toujours tenu à ce que chaque élément soit analysé avec soin pour garantir que rien ne serait laissé au hasard au cours de ce processus.

On a fait un grand nombre de propositions, si bien que j'espère que nous parlons de la même. Lors de l'analyse, il fallait supposer une certaine qualité de charbon, les moyens de l'extraire et d'en faire un produit commercialisable, y compris le lessivage et toutes les autres opérations, tant et si bien que, tout compte fait, les coûts révélaient que cette mise en valeur en particulier n'était pas rentable. En d'autres termes, le coût de l'extraction dépassait le produit de la vente.

On a formulé plusieurs hypothèses propres à chacun des modèles, y compris toute une gamme de niveaux de productivité, notamment des niveaux que pouvait maintenir régulièrement la main-d'oeuvre de la SDCB, ainsi que d'autres niveaux plus ambitieux si on les comparait aux normes du passé. Malheureusement, et c'est regrettable, chacune des analyses menées à bien nous a prouvé que l'exploitation n'était pas rentable.

Si un exploitant du secteur privé prenait les choses en mains, certains éléments changeraient. Il s'agirait de sang neuf, ou de nouvelles technologies adaptables à la situation. Il pourrait s'agir de méthodes de décision entièrement nouvelles qui sont à la portée du secteur privé, mais qu'une société d'État ne peut pas appliquer. Assurément, le secteur privé peut compter sur des sources de capital qui lui sont propres pour poursuivre l'exploitation ou pour le démarrage. Il y a donc divers éléments qui pourraient très bien permettre à un acheteur de s'adonner à une exploitation rentable alors que cela ne serait pas possible pour une société d'État.

Toutefois, madame Dockrill, je peux vous garantir que chacune des suggestions présentées par les syndicats—et je sais qu'ils se sont acharnés à trouver de bonnes idées—a été analysée avec soin pour que rien ne soit laissé au hasard dans la recherche d'une solution viable sur le plan commercial, solution que nous espérions tous trouver. Malheureusement, ce fut en vain.

Le président: Madame Dockrill, vous constatez que l'avantage de disposer de plus de 35 secondes s'annihile avec le temps, et c'est pourquoi je vais donc fermer les yeux.

Mme Michelle Dockrill: C'est ce qui arrive quand vous me permettez de ne poser qu'une question.

Le président: Non, je vais vous permettre de poser une autre question. Mais attention; vous aurez ce que vous demandez. La question déclenchera peut-être une autre réponse brève.

Mme Michelle Dockrill: Je ne suis pas tout à fait d'accord avec le président là-dessus.

Monsieur le ministre, j'accepte votre réponse avec respect, mais, puisque la Loi sur la Société de développement du Cap-Breton dit précisément que la société ne peut être démantelée qu'en cas de non-viabilité commerciale, d'aucuns, et assurément pas vous, diront qu'on est en présence ici d'un manque de volonté politique, car ce ne sont pas les scénarios et les suggestions pour rentabiliser la société qui ont manqué au cours des cinq dernières années.

Cela dit, j'ai une brève question. Mon inquiétude est que malgré le projet de loi C-11 le gouvernement ne cesse de parler de son engagement à l'égard de l'île du Cap-Breton. Je sais que mon honorable collègue ne cesse de parler d'Elliot Lake. Un des membres de mon personnel est de là-bas, et il me dit qu'aucun habitant d'Elliot Lake n'a moins de 65 ans. Je signale cela en passant.

• 1630

M. Brent St. Denis: J'habite là-bas.

Le président: Vous venez de célébrer votre 66e anniversaire.

Mme Michelle Dockrill: L'inquiétude que suscite pour moi le projet de loi C-11, et les syndicats la partagent, tient à la motivation du gouvernement quand il décide de supprimer l'article 17 de la loi actuelle. Cet article est le fondement juridique des obligations du gouvernement fédéral non seulement à l'égard des employés, mais également à l'égard de la collectivité.

Cela dit, j'ai entendu la réponse que vous avez donnée à propos des 68 millions de dollars. On a cité des chiffres, et on prétend que cela représentera une perte de 300 millions de dollars par année pour la collectivité. S'il est vrai que le gouvernement fédéral, qui le dit fréquemment, a un engagement à l'égard des employés et des collectivités de l'île du Cap-Breton, dites-moi pourquoi il estime nécessaire de supprimer par les dispositions de ce projet de loi le fondement juridique de cet engagement.

M. Ralph Goodale: Madame Dockrill, je voudrais souligner le point que vous venez de soulever. Le processus de vente est un des éléments d'un ensemble. Nous pensons que tous les éléments de cet ensemble seront couronnés de succès afin que nous puissions maintenir l'exploitation minière du charbon et les emplois sur une base solide, à long terme, avec l'intervention du secteur privé, de sorte que nous puissions optimiser les 68 millions de dollars pour réaliser des choses intéressantes et innovatrices de longue durée et offrir de l'espoir et des débouchés pour l'avenir. En outre, grâce au processus d'arbitrage, nous espérons parvenir à un résultat satisfaisant sur le plan des ressources humaines, conjointement avec l'activité de la SECB et de la coopérative.

Pour revenir plus particulièrement à l'amendement qui vous préoccupe, en supprimant le paragraphe 17(4) de la Loi sur la Société de développement du Cap-Breton, nous reconnaissons essentiellement deux choses. Premièrement, le Code canadien du travail, de même que les conventions collectives conclues entre la SDCB et les syndicats, contiennent les dispositions nécessaires pour l'adaptation de la main-d'oeuvre. Deuxièmement, l'amendement reconnaît que les responsabilités réelles en matière de développement économique incombant à ce qui était autrefois la Division du développement industriel de la SDCB ont été en fait cédées par la SDCB à la SECB dès 1988. Tout à l'heure, j'ai fait allusion aux crédits: jusqu'à 1998-1999, les crédits pour l'exploitation du charbon et pour le développement industriel étaient tous versés à la SDCB. En 1988, il y a eu une nouvelle répartition.

Ainsi, la SDCB se consacrait essentiellement à l'exploitation du charbon, les opérations de développement industriel incombant à la SECB. Dès 1998-1999, des fonds pouvant servir précisément à cette fin ont été versés à la SECB, et non plus à la SDCB. Ainsi, tout simplement, la disposition législative en vigueur au cours des 10 ou 11 dernières années ne reflétait malheureusement plus la réalité. Par conséquent, cette modification, qui touche le paragraphe 17(4), vise tout simplement à décrire clairement la situation.

Dans une certaine mesure, les modalités qui s'appliquent se trouvent dans le Code canadien du travail et dans les conventions collectives en vigueur, et certaines sont aussi explicitées dans les directives concernant le maintien des opérations de la SECB.

Mme Michelle Dockrill: Quelle est la part du train de mesures qui se trouve déterminée dans les ententes contractuelles?

Le président: Vous allez devoir répondre rapidement. Nous sommes sur le point de dépasser...

Mme Michelle Dockrill: Quelle part du train de mesures au titre du développement des ressources humaines, notamment pour ce qui est de l'encouragement à la retraite anticipée, se trouve déterminée dans les ententes contractuelles? Tout est régi par les conventions collectives.

M. Ralph Goodale: Je vais demander à Bob Lomas de répondre.

M. Robert Lomas (spécialiste principal, Secteur des minéraux et des métaux, ministère des Ressources naturelles): Si je me souviens bien, sur les 111 millions de dollars, une partie est destinée à répondre aux exigences relatives à l'encouragement à la retraite anticipée qui sont prévues dans la convention collective.

• 1635

L'autre partie est destinée aux indemnités de départ. Je crois que le total à ce chapitre représentait une amélioration considérable par rapport à ce qui était prévu dans les conventions collectives. Peut-être que la SDCB pourra vous donner plus de détails, mais, si je me souviens bien, il s'agissait d'un montant de 25 à 30 millions de dollars pour bonifier les mesures relatives aux indemnités de départ et à la formation.

Mme Michelle Dockrill: Il s'agissait donc de 25 millions de dollars de ce total?

M. Robert Lomas: C'était entre 25 et 30 millions de dollars.

Le président: Merci.

Monsieur Keddy.

M. Gerald Keddy (South Shore, PC): Merci, monsieur le président.

Je tiens, moi aussi, à souhaiter la bienvenue au ministre. C'est toujours un plaisir de l'accueillir à notre comité.

Je voudrais poursuivre un peu sur la lancée de Michelle et vous interroger sur la fermeture de la mine Phalen et sur l'entente qui a été conclue entre le gouvernement fédéral et les syndicats en vue d'exploiter les couches supérieures de la mine plutôt que les couches plus profondes.

En 1999, quand la mine a fermé, il était question de continuer à l'exploiter pendant une période de 18 à 24 mois. La SDCB avait alors décidé d'exploiter les couches plus profondes de la mine plutôt que les couches supérieures. J'aimerais savoir pourquoi on a pris cette décision, pourquoi on a choisi d'exploiter les couches plus profondes, alors que les conditions géologiques n'étaient pas propices à l'exploitation minière. On a dû commencer par dépenser des millions de dollars pour dégager les couches à exploiter et on ne les a pas exploitées assez longtemps pour pouvoir récupérer ces dépenses initiales. On a fini par fermer complètement la mine.

M. Ralph Goodale: Malheureusement, monsieur Keddy, même si j'aimerais bien pouvoir discuter avec vous des détails de la chose, je ne suis pas géologue et je ne m'occupe pas non plus de la gestion de la société. Nous avons toutefois ici M. Shannon, qui est président du conseil.

Ce n'est pas du tout que je cherche à éviter la question...

M. Gerald Keddy: Non, je veux bien attendre de pouvoir poser la question à M. Shannon.

M. Ralph Goodale: À vrai dire, M. Shannon peut vous donner une explication technique bien meilleure sur les raisons pour lesquelles la société a choisi d'exploiter une partie de la mine plutôt qu'une autre et sur les facteurs géologiques et commerciaux qui ont influencé sa décision.

Naturellement, ces décisions reviennent au conseil d'administration et à la direction, et il serait donc bien mieux placé pour vous les expliquer.

M. Gerald Keddy: Je vais certainement poser la question à M. Shannon.

M. Ralph Goodale: Il sera devant vous d'ici peu.

M. Gerald Keddy: Il semble un peu incongru en tout cas, étant donné les renseignements dont disposaient tous les décideurs, qu'on ait pris cette décision et qu'on se soit empressé de fermer la mine Phalen, à tort ou à raison.

J'ai plusieurs autres questions. Je vais essayer de me concentrer sur le train de mesures prévu pour les mineurs en tant que tels, pour les employés. Je ne suis pas contre ce que disait le député allianciste au sujet du fait que la SDCB avait connu des jours meilleurs et qu'il était temps de passer à autre chose. Cependant, dans tous les cas où une société d'État a été privatisée au Canada, les employés ont été traités avec beaucoup plus de respect que ne l'ont été les employés de la SDCB. C'est à tout le moins l'impression qu'on en a.

J'ai beaucoup de mal à accepter le facteur 75, à savoir 50 ans et 25 ans de service. Il avait été question de pouvoir toucher une pension après 20 ans de service, ou après 18 ans, ou n'importe quelle autre durée qui aurait été plus acceptable. Il n'y a toujours pas de programme d'avantages médicaux à long terme. Il en avait été question. Vous avez en fait répondu à cette question à la Chambre, et vous aviez confirmé que cela ferait partie du train de mesures.

Où en sommes-nous pour ces deux éléments-là: premièrement, la pension après 20 ans de service et, deuxièmement, une assurance médicale à long terme pour les mineurs dont la santé est gravement compromise?

M. Ralph Goodale: Monsieur Keddy, vous voudrez peut-être entrer dans les détails de ce qui est prévu dans les conventions collectives tout à l'heure avec M. Shannon, quand il sera à la table, mais, bien entendu, toutes les questions pertinentes relatives aux ressources humaines font périodiquement l'objet de négociations entre la partie patronale et les syndicats. Un certain nombre des questions dont vous avez parlé sont en fait traitées explicitement dans les conventions collectives existantes.

Ce que le conseil d'administration a recommandé, dans le cadre de l'étude qu'il a faite des questions de ressources humaines à la fin de 1998 ou au début de 1999, c'était un train de mesures où on trouverait à la fois un encouragement à la retraite anticipée ainsi que des indemnités de départ et des allocations de formation qui étaient, sans exception, entièrement conformes aux dispositions des conventions collectives existantes. Dans certains cas, notamment au chapitre des indemnités de départ, les mesures prévues étaient beaucoup plus généreuses que ce que prévoyaient les conventions collectives. Aussi l'ensemble des mesures prévues étaient plus avantageuses que ce qu'exigeaient les conventions collectives.

• 1640

Si vous faisiez la comparaison avec les mesures mises en place dans d'autres cas semblables, vous constateriez que, bien souvent, elles se fondent sur les conventions collectives déjà existantes. Les circonstances ne sont jamais exactement pareilles d'un cas à l'autre.

Je devrais sans doute m'arrêter là, pour tout vous dire. Toutes ces questions doivent faire l'objet d'une décision arbitrale, et je ne crois pas que cela servirait l'intérêt du public ou de qui que ce soit que je me mette à conjecturer sur l'issue de l'arbitrage en question.

Bien entendu, c'est à la suite d'une demande expresse en ce sens de la part des syndicats que ces questions ont été soumises à l'arbitre. C'est d'ailleurs aujourd'hui même qu'elles ont été soumises.

M. Gerald Keddy: Je vous suis reconnaissant pour votre réponse et je comprends que tous les renseignements ne soient pas disponibles, bien qu'il soit ainsi difficile d'en arriver à savoir s'il y a des renseignements qui existent, mais qui ne sont pas disponibles.

L'autre question que je veux aborder avec vous concerne la privatisation des biens. Avons-nous maintenant une liste de tous les biens qui ont été vendus...?

M. Ralph Goodale: Tous les biens qui font partie de la transaction?

M. Gerald Keddy: Oui.

M. Ralph Goodale: Oui, c'est là quelque chose qui est du domaine public depuis...

M. Gerald Keddy: Mais avons-nous cela dans les documents que nous avons sous les yeux? Non.

M. Ralph Goodale: Je peux certainement vous faire parvenir cette information. Nous pouvons vous faire savoir ce qui est à vendre.

M. Gerald Keddy: A-t-on envisagé d'exploiter, à un moment donné, les réserves encore inexploitées de Donkin? Serait-ce possible qu'elles soient exploitées?

M. Ralph Goodale: Le terrain de Donkin, qui n'a bien sûr pas encore été exploité, fait partie des biens qui sont à vendre. Il appartiendrait, évidemment, à l'acheteur éventuel d'en déterminer la valeur. Il appartiendrait ensuite à la SDCB, bien entendu, de déterminer si elle était d'avis que la valeur ainsi fixée serait suffisante pour que le bien en question fasse partie de la transaction.

Encore là, cela fait partie de ce qui doit être négocié par le vendeur et l'acheteur éventuels, et il leur appartiendra de déterminer s'ils peuvent s'entendre sur la valeur de tel ou tel bien. Au bout du compte, ce sera au gouvernement du Canada de décider s'il trouve la proposition acceptable.

Je devrais aussi signaler qu'il pourrait y avoir une poursuite judiciaire découlant d'un litige antérieur relativement à Donkin, qui devra, naturellement, être réglé par les parties en cause et les tribunaux.

M. Gerald Keddy: D'accord. Merci.

Le président: Monsieur le ministre, je tiens à remercier très sincèrement vos collaborateurs et vous-même d'avoir donné le coup d'envoi à nos audiences sur le projet de loi C-11.

Je vais suspendre la séance pendant deux minutes, le temps de changer de témoins.

Oui, monsieur Goodale.

M. Ralph Goodale: Vous me permettrez peut-être de faire deux observations, monsieur le président.

Tout d'abord, je tiens à remercier les membres du comité et vous-même de m'avoir donné l'occasion de venir vous rencontrer aujourd'hui.

Deuxièmement, si au cours de vos travaux les membres du comité ont des questions sur les détails—M. Keddy a, par exemple, demandé une liste des biens qui sont à vendre—et que vous avez besoin de plus amples renseignements, n'hésitez pas à communiquer avec moi, soit directement, soit par l'entremise de mon secrétaire parlementaire. Nous ferons tout notre possible pour fournir au comité tous les renseignements dont nous disposons.

• 1645

Le président: Je vous remercie, monsieur le ministre. Vous avez jusqu'à maintenant fait tout votre possible pour nous aider.

Je tiens à faire savoir aux membres du comité que le document que le ministre a déposé n'est pas encore disponible dans les deux langues, si bien que je ne vous l'ai pas fait remettre. Le communiqué de presse est toutefois disponible dans les deux langues, et je le ferai remettre aux membres du comité plus tard.

Deuxièmement, monsieur Goodale, si vos collaborateurs pouvaient lui faire parvenir la liste que vous a demandée M. Keddy, notre greffière veillerait à ce qu'elle soit remise à tous les membres du comité.

Merci encore.

M. Ralph Goodale: Merci, monsieur le président. Il serait peut-être plus commode et plus rapide de demander simplement à M. Shannon de lire la liste des biens qui sont à vendre, pour qu'elle soit consignée au compte rendu.

Le président: Merci.

• 1646




• 1648

Le président: Revenons à nos moutons.

Nous avons commencé avec quelques minutes de retard. J'ai permis qu'on dépasse un peu le temps qui était alloué parce que je crois que les députés de l'opposition notamment souhaitent profiter pleinement de la présence d'un ministre quand ils en ont un devant eux. Je tiens toutefois à prévenir les membres du comité que, dans chaque cas, nous avons dépassé de beaucoup les cinq minutes qui étaient allouées. Je ne pense pas qu'il sera nécessaire de faire preuve d'autant de latitude pour l'audition des témoins experts, si bien que je rappelle aux collègues que, s'ils souhaitent faire une déclaration en guise de préambule à leurs questions, ou si leurs questions produisent une longue réponse, je m'en tiendrai strictement aux cinq minutes.

Nous allons essayer de nous arrêter avant que la sonnerie ne cesse de se faire entendre pour le prochain vote, qui doit avoir lieu vers 17 h 30, puis nous reviendrons. On nous servira à manger, parce que nous aurons une table ronde.

Nous allons donc essayer de poursuivre sans plus tarder. Comme vous le savez déjà, nous accueillons aujourd'hui les représentants de la Société de développement du Cap-Breton. M. Joe Shannon est président du conseil d'administration, et M. Merrill Buchanan est président par intérim.

Je sais que vous étiez déjà là tout à l'heure, messieurs, si bien que vous avez assisté à une partie de la séance. En règle générale, nous demandons à nos témoins de se limiter à une dizaine de minutes pour leur exposé, après quoi nous passons aux questions des députés des deux côtés de la Chambre et de tous les partis politiques. Vous pouvez prendre les dix minutes au complet. Il vaut sans doute mieux cependant que vous mesuriez bien vos propos et que vous preniez beaucoup moins de temps que cela.

M. Joe Shannon (président du conseil d'administration, Société de développement du Cap-Breton): Merci, monsieur le président.

Je m'appelle Joe Shannon. Comme vous l'avez dit, je vous signale aux fins du compte rendu que je suis président du conseil d'administration de la Société de développement du Cap-Breton. Je suis accompagné aujourd'hui de Merrill Buchanan, président par intérim de la société.

• 1650

Je ne veux pas reprendre tout ce qu'a dit le ministre, et je me contenterai donc de dire que j'appuie entièrement ses propos, de même que le processus et la direction que nous suivons pour la société.

Permettez-moi de commencer simplement par vous faire un peu l'historique de la situation. Je crois que c'est en 1990 que le gouvernement au pouvoir et le ministre qui était alors responsable de la Société de développement du Cap-Breton ont décidé qu'ils n'allaient plus continuer à appuyer la société, qui devait donc se diriger tranquillement vers la privatisation sur une période de cinq ans. Ils avaient prévu un budget de 30 millions de dollars par an à cette fin. Je crois que le total des fonds qui ont été accordés pendant les cinq années pour que la société puisse devenir une société privée s'élevait à 155 millions de dollars.

Au terme des cinq ans, il n'y avait plus d'argent. Malheureusement, on n'avait pas prévu, dans le processus de planification budgétaire à Ottawa, d'accorder quelques fonds que ce soit à la SDCB pour l'année suivante. On supposait que la société serait rentable et financièrement autonome. Il n'en fut pas ainsi, malheureusement. Au même moment, il y a eu un changement de gouvernement et un changement de ministre.

Quand je suis entré en fonction à la société, c'est Anne McLellan qui était la ministre responsable de la SDCB. Je me suis rendu au Cap-Breton pour parler aux gens là-bas, et j'ai parlé avec autant de nos employés que j'ai pu rencontrer. Notre position à ce moment-là était que nous allions essayer encore une fois de nous lancer dans l'exploitation du charbon au Cap-Breton. Nous avions décidé d'essayer de convaincre le gouvernement de continuer à appuyer nos opérations. Sinon, la société fermerait ses portes ou serait privatisée.

Je suis aussitôt entré en fonction en 1995 comme président du conseil d'administration et président par intérim de la société. Nous avons mis au point un programme selon lequel, tous les deux jeudis, je rencontrais les membres de la presse pour une séance d'information, afin que la population locale puisse être informée et tenue au courant de ce qui se passait à la société. Nous avons mis sur pied à ce moment-là un processus de consultation, auquel participaient un comité de membres du clergé, un groupe représentant l'administration municipale, un groupe de gens d'affaires locaux ainsi que les membres du bureau des syndicats.

Nous rencontrions ces groupes à intervalles réguliers, sans doute trois ou quatre fois par an, ou peut-être plus souvent s'il se passait quelque chose de spécial. Quand le ministre venait chez nous, il rencontrait les groupes en question. Quand Nesbitt Burns venait chez nous, les représentants de la firme rencontraient aussi tous les groupes en question. Nous essayions de tenir la population locale aussi informée que possible et de faire en sorte que nos opérations soient le plus transparentes possible. Voilà donc le processus que nous avons suivi.

Malheureusement, les résultats que nous attendions ne se sont pas concrétisés. Nous avons connu toutes sortes de problèmes, des problèmes d'ordre géologique, des problèmes de livraison, ainsi qu'une multitude d'autres difficultés. Je pourrais passer le reste de l'après-midi à essayer d'évaluer la part de blâme de chacun dans les difficultés que nous avons connues. Je ne crois toutefois pas que cela serait utile. Il y a suffisamment d'erreurs qui ont été faites à la SDCB au fil des ans pour que chacun prenne sa part de blâme, depuis les ministres et le gouvernement jusqu'aux présidents des conseils d'administration, aux administrateurs, au président, à la direction, aux dirigeants syndicaux et aux employés. La situation dans laquelle la société se retrouvait et dans laquelle elle se trouve toujours aujourd'hui était suffisamment désastreuse pour que chacun puisse assumer sa part de blâme.

Nous avons fait de notre mieux. C'est pourquoi nous sommes à cette réunion aujourd'hui. Maintenant que je vous ai présenté ce bref aperçu historique, je ne veux pas vous faire perdre plus de votre temps, monsieur le président, et je vous invite à me poser des questions.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Chatters.

M. David Chatters: Merci, monsieur le président.

Soyez le bienvenu, monsieur Shannon. J'ai essentiellement deux questions, et je vous les pose toutes les deux tout de suite parce qu'il ne semble pas que nous aurons le temps de passer à un deuxième tour de questions.

Le 7 février 1996, dans un article du Chronicle-Herald de Halifax, on rapporte que vous avez tenu les propos suivants: «La société est sans cesse la proie de difficultés attribuables à une gestion incompétente—sans parler des manipulations politiques—depuis que le gouvernement en a pris le contrôle en 1967.»

• 1655

Le ministre a signalé, avant que vous n'arriviez, qu'il est d'avis qu'un intervenant du secteur privé peut avoir une entreprise commerciale viable et exploiter les mines.

Lorsque j'étais au Cap-Breton et que j'ai rencontré des gens qui travaillent dans les mines depuis très longtemps, ils m'ont fait part des différences qui existaient entre ce qui est présenté dans votre rapport annuel et ce qui se passe vraiment dans cette entreprise minière, et qui fait état de cette mauvaise gestion. Les choses ne semblent pas avoir changé depuis que vous occupez votre poste de président du conseil et du président de la SDCB. J'aimerais savoir pourquoi, après avoir reconnu qu'il existait un problème, vous n'avez pas pu y remédier.

Je poserai également une autre question, parce que je crois qu'il y a des dangers de conflits d'intérêt graves en ce qui a trait à votre rôle. J'aimerais savoir comment, à titre de propriétaire exploitant de Seaboard Trucking, vous avez reçu un contrat pour le transport de charbon pour la SDCB alors que vous étiez président du conseil d'administration. Comment pouvez-vous occuper ce poste lorsque vous avez un tel rapport fiduciaire?

M. Brent St. Denis: Rappel au Règlement! Je me demande si cette question est recevable.

Le président: Je ne le crois pas.

M. David Chatters: Pourquoi pas?

M. Brent St. Denis: Parce que nous étudions le projet de loi C-11.

Le président: C'est une question qui touche la situation personnelle de M. Shannon et ses rapports professionnels. Je crois que le secrétaire parlementaire a raison. Si la question touchait directement le projet de loi C-11, elle serait acceptable.

M. David Chatters: Elle porte sur le projet de loi C-11, monsieur le président. Enfin, vous verrez, cela touche le projet de loi qu'étudie actuellement la Chambre.

Le président: Alors venez-en au point.

M. David Chatters: Très bien.

M. Réginald Bélair: On a quand même porté une accusation.

M. David Chatters: Eh bien, cette accusation, pour utiliser ce terme, est bien simple. Comment M. Shannon peut-il être membre du conseil d'administration avec Nesbitt Burns et analyser les offres proposées en ce qui a trait à l'achat de la SDCB alors qu'il a un rapport fiduciaire avec celle-ci? Je crois que cela touche le projet de loi C-11.

Le président: Monsieur Shannon, voulez-vous répondre à la première question?

M. Joe Shannon: Je répondrai à la première question, puis j'aimerais poser une question sur le deuxième commentaire qu'on a fait.

Le président: Vous n'êtes pas tenu de répondre.

M. Joe Shannon: Les opinions sont toujours très partagées en ce qui a trait à la gestion d'une entreprise. La direction prend des décisions en fonction des meilleures connaissances dont elle dispose quand elle doit agir. C'est ce qu'a fait la direction de cette entreprise.

Vous pouvez faire des conjectures ou jouer le rôle de stratège de salon après chaque partie de hockey comme le fait Don Cherry à la fin de la première période le samedi soir à la télé. Il a toujours une opinion différente de tous les entraîneurs. Qui a raison et qui a tort? Je ne le sais pas. Mais celui qui prend les décisions, c'est le gérant ou l'entraîneur. S'il perd la partie, c'est lui qui s'est trompé. S'il gagne la partie, il avait raison. C'est tout ce que je peux vous dire.

Pour ce qui est du deuxième commentaire qu'a fait le député, je sais que les commentaires faits à la Chambre par les députés sont protégés par... Comment appelle-t-on cela?

M. Réginald Bélair: Il s'agit de l'immunité.

M. Joe Shannon: C'est ça. Ici, est-ce qu'il existe également une protection assurée par l'immunité?

Le président: Oui, les salles de réunion des comités font partie de la Chambre des communes.

M. Joe Shannon: Suis-je protégé par l'immunité, ou cette protection est-elle seulement accordée aux députés?

Le président: Eh bien, vous devriez l'être. Mais je ne sais pas à quoi on veut en venir.

Une voix: C'est une bonne question.

M. Gerald Keddy: Monsieur le président, il s'agit d'une immunité parlementaire. Elle ne vaut que pour les députés.

Le président: Un instant. Lorsque des témoins... Je suppose que M. Shannon veut savoir ce qui se passe si des personnes autres que les députés portent des accusations... Est-ce qu'elles sont passibles de poursuites? Je demande à la greffière de se renseigner.

Je ne crois pas que ce genre de question soit vraiment utile. J'ai déjà dit à M. Shannon que la deuxième question n'était pas recevable. Il n'a pas besoin d'y répondre. Je crois qu'il faudrait peut-être retirer cette question, si vous êtes disposé à le faire. Je ne veux certainement pas qu'il y ait ce genre d'échange.

M. Joe Shannon: Eh bien, c'est un des problèmes qu'ont les gens comme ce député. Je ne sais pas pourquoi la question préoccupe ces gens. Si j'ai le droit de lui demander de retirer ce qu'il a dit, à la fois ici et à la Chambre, je lui demanderai de le faire. Dans la négative, je dirais que la meilleure façon de régler le problème, si j'ai un conflit d'intérêts, c'est de se tourner vers les tribunaux. S'il veut que nous nous retrouvions tous les deux dans ce genre de situation, je serais disposé à régler la question de façon juste et équitable.

• 1700

Le président: Comme je l'ai dit, ce n'est pas du tout productif, et je comprends pourquoi vous réagissez de cette façon. La greffière se renseignera sur la question, mais je sais que les députés jouissent de l'immunité parlementaire. Cela ne veut pas nécessairement dire qu'ils peuvent porter de fausses accusations ou faire de fausses allégations. J'ai jugé que la question était irrecevable. C'est le cas, et tenons-nous-en à cela.

Nous passerons maintenant à M. Cardin.

[Français]

M. Serge Cardin: Bonjour et merci d'être là.

Je vais poursuivre un peu dans le même sens que plus tôt, lorsque j'ai posé la question au ministre. Vous qui êtes là depuis 1995, croyez-vous vraiment à la possibilité de rentabiliser l'entreprise par la privatisation tout en conservant, bien entendu, les emplois?

[Traduction]

M. Joe Shannon: Oui, monsieur. Je crois sincèrement qu'il est possible d'avoir une industrie du charbonnage rentable au Cap-Breton, et qui ne soit pas exploitée par le gouvernement, mais bien par le secteur privé.

[Français]

M. Serge Cardin: Pensez-vous qu'il faudra qu'il y ait des changements majeurs? Même si le gouvernement était impliqué, il y avait quand même des administrateurs qui, à un moment donné, pouvaient agir dans le but de rentabiliser les équipements. Est-ce qu'il faudra qu'il y ait des changements extrêmement importants, des changements qui affecteront peut-être les conditions de travail des employés ou qui auront pour effet d'en diminuer le nombre ou s'agira-t-il tout simplement de faire des changements technologiques ou d'une autre nature? Qu'est-ce qui sera vraiment différent? Qu'est-ce qui va assurer la rentabilité de la mine?

[Traduction]

M. Joe Shannon: Nombre de ces choses se produiront. Actuellement nous employons plus de 600 personnes. Le secteur privé pourrait probablement exploiter la même infrastructure avec 500, ou peut-être 520, employés. Chaque emploi représente un salaire d'environ 50 000 $. Si on peut réduire de 100 le nombre d'employés, à raison de 50 000 $ par employé cela représente 5 millions de dollars. S'il y a une production d'un million de tonnes par année, c'est 5 $.

L'autre avantage, c'est qu'ils ont un accès plus facile aux capitaux. Lorsque nous venons à Ottawa chercher des capitaux, nous présentons les meilleurs arguments possible, mais nous devons quand même livrer concurrence à tous les autres organismes gouvernementaux et ministères canadiens pour cet argent. Je voudrais dire que nous avons bien su défendre les intérêts de la SDCB à Ottawa. Vous avez vu les chiffres qu'a présentés le ministre. Je l'ai entendu à la radio. Il nous a donné tous les chiffres des montants qui ont été payés par les contribuables pour la SDCB. Nous avons reçu beaucoup d'argent, beaucoup d'argent au cours des cinq dernières années pendant notre période de restructuration.

Mais ce n'est pas facile d'obtenir de l'argent. Le secteur privé a un accès plus facile aux capitaux. Son processus décisionnaire est beaucoup plus rapide et beaucoup plus facile que le nôtre. Pour apporter des changements importants, nous sommes gênés parce que le propriétaire est le gouvernement. Le secteur privé n'est pas tenu de comparaître devant des comités comme le vôtre. Il ne doit pas peser chaque mot qui est prononcé par un employé de la compagnie; ou si des représentants élus décident de s'en prendre à eux pour quelque raison que ce soit, ils ne sont pas tenus d'encaisser. Il y a des dépenses et des frais généraux, et tout cela bouleverse la compagnie.

• 1705

Pour ce qui est des questions de sécurité, nous ne mettrons pas la sécurité en péril, et c'est pourquoi nous avons convenu, avec les employés de l'entreprise, qu'il y aurait des droits de succession associés aux conventions collectives et qu'il faudrait respecter les normes fédérales en matière de travail plutôt que les normes provinciales, que bien des gens préféreraient.

Ce sont là certaines des raisons pour lesquelles nous croyons que le secteur privé réussirait.

[Français]

M. Serge Cardin: J'écoute la plupart de vos arguments. Êtes-vous en train de nous dire indirectement que vous n'aviez pas pleine liberté d'action ou que vous n'aviez pas tous les moyens à votre disposition pour rentabiliser l'entreprise depuis cinq ans?

[Traduction]

M. Joe Shannon: Non, monsieur, je n'irais pas jusque-là. Je parle de façon générale de l'infrastructure associée à une entreprise qui appartient au gouvernement. Comme je l'ai dit, nous avons été chanceux. Nous avons eu de bons ministres. J'ai travaillé pour Anne McLellan et pour Ralph Goodale, et ils ont appuyé la SDCB. Le processus que nous devons suivre est fort complexe; c'est ça la différence. Les choses seraient plus rationalisées si ces activités au Cap-Breton relevaient d'une entreprise du secteur privé.

[Français]

M. Serge Cardin: D'accord. Merci.

Le président: Merci.

[Traduction]

Monsieur Mancini.

M. Peter Mancini (Sydney—Victoria, NPD): Merci, monsieur le président.

Joe, je serai bref. Le président agit un peu comme mon grand-père le faisait à la table au dîner. Vous disposez de cinq minutes pour présenter votre position.

L'article 17 de la loi stipule clairement que la société doit prendre toutes les mesures raisonnables—et vous connaissez le texte, Joe—pour réduire dans la mesure du possible le chômage ou les répercussions économiques qui pourraient découler de la fermeture de la mine ou de la réduction de la production.

Voici ma question. Tout semble indiquer que les employés, lors du retrait du gouvernement, se retrouveront avec un emploi dans le secteur privé, une indemnité de départ ou une pension, mais pas plus d'un de ces éléments. Ai-je raison? Est-il possible qu'un employé obtienne à la fois une indemnité de départ et un emploi dans le secteur privé?

M. Joe Shannon: Je ne peux pas vous dire que cela est impossible; je ne peux pas dire cela. Je peux simplement vous dire que notre programme prévoit 340 retraites anticipées, 650 indemnités de départ et 500 emplois, ce qui inclut tous les employés de la société.

M. Peter Mancini: Très bien.

M. Joe Shannon: Si l'acheteur dit vouloir avoir un plus grand nombre d'employés et embauche par exemple Peter Mancini, qui vient de toucher une indemnité de départ, nous n'y pouvons rien.

M. Peter Mancini: C'est justement ce que je ne comprends pas. Comment exiger d'un intervenant du secteur privé qu'il respecte cette entente? Comment lui dire, une fois qu'il a acquis l'entreprise: «Vous devez embaucher 500 personnes, et les 500 premiers employés ne peuvent pas être ceux qui ont déjà reçu une indemnité de départ ou ceux qui touchent une pension de retraite»

M. Joe Shannon: Cela est couvert dans les dispositions sur l'ancienneté de la convention collective. Il existe une protection dans la convention collective.

Le président: Puis-je vous interrompre? Cette entente sur l'ancienneté touche également ceux qui reçoivent l'indemnité de départ... ou jugez-vous que cette disposition sur l'ancienneté ne touche que les 500 personnes qui ne reçoivent pas cette indemnité?

M. Merrill Buchanan (président intérimaire, Société de développement du Cap-Breton): La disposition sur l'ancienneté sera transférée dans les nouveaux contrats.

Le président: Très bien. Je m'excuse, monsieur Mancini.

• 1710

M. Peter Mancini: Ça va, pourvu qu'on m'ajoute cinq minutes de plus.

Le président: Non, vous pouvez avoir cinquante secondes de plus.

M. Peter Mancini: L'entente proposée par la société et par le gouvernement fait actuellement l'objet d'un arbitrage. Je ne sais pas si vous pouvez répondre à cette question, Joe, mais je vais la poser quand même. Si l'arbitre juge que cette entente est injuste, a-t-on prévu des montants pour donner suite à cette décision? Supposons que l'arbitre décide d'offrir des indemnités plus élevées. A-t-on prévu un fonds d'urgence?

M. Joe Shannon: Non.

M. Peter Mancini: Non!

Donkin Resources... Si j'ai bien compris, il y a un protocole d'entente touchant le droit de premier refus qui est actuellement étudié par les tribunaux.

M. Joe Shannon: Il s'agit d'une lettre d'intention.

M. Peter Mancini: Une lettre d'intention, merci; c'est le mot que je cherchais. Il y a actuellement un différend à cet égard entre la société et Donkin Resources Limited. Je suppose qu'on a mentionné le problème au nouvel acheteur. A-t-on indiqué clairement au nouvel acheteur qu'un des principaux actifs de la société fait l'objet d'une contestation, ou pourrait faire l'objet d'une contestation?

M. Joe Shannon: Oui.

M. Peter Mancini: En 1998, et vous vous en souviendrez si j'ai oublié, lorsqu'on a annoncé que le gouvernement fédéral se défaisait de la société, l'UMWA et les syndicats ont proposé un plan mettant en vedette Phalen qui portait sur l'exploitation de la partie supérieure de la mine parce qu'il y avait des problèmes dans la partie inférieure de la mine. Cette proposition a été rejetée par la société, qui ne la jugeait pas viable. Savez-vous si ce plan est inclus dans les documents portant sur la vente des actifs de la société?

M. Joe Shannon: Comment puis-je répondre à cette question? Le problème, c'est que quand on nous pose des questions directes sur le processus de vente, nous devons nous rappeler que tout le monde a signé des ententes de confidentialité, comme c'est habituellement le cas dans une transaction commerciale de ce genre. Je crois que je peux vous dire que... Comment puis-je répondre?

M. Peter Mancini: Nous pouvons éteindre les micros, Joe, et vous et moi pouvons aller prendre un verre.

Le président: Cela ne se trouvera pas dans les journaux du lendemain—vous le promettez, Peter?

M. Peter Mancini: Je le promets.

M. Joe Shannon: Les biens de Phalen font clairement partie des biens qui sont à vendre. La société que nous avons choisie pour ces négociations ne veut pas nécessairement acquérir tous les actifs qui ont été mis en vente. C'est à peu près tout ce que je peux vous dire.

Le président: Très bien.

M. Peter Mancini: Reconnaissez-vous que le principal actif de la Société de développement du Cap-Breton est le contrat conclu avec Nova Scotia Power?

M. Joe Shannon: Non.

M. Peter Mancini: Quel est le principal actif d'après vous?

M. Joe Shannon: Prince Mine.

M. Peter Mancini: Vous trouvez que Prince Mine est plus importante que Donkin?

M. Joe Shannon: Certainement.

M. Peter Mancini: Pourquoi?

M. Joe Shannon: Parce qu'il s'agit d'une mine qui est exploitée, qui est en bon état, et que les capitaux existent. Les activités s'y déroulent toujours, et on y trouve actuellement du charbon.

M. Peter Mancini: Mais Prince représente quel pourcentage du contrat du charbon nécessaire pour que Nova Scotia Power offre ses services?

M. Joe Shannon: Nova Scotia Power aurait probablement besoin chaque année, selon la quantité de gaz utilisée... Par le passé il aurait fallu de 2,4 à 2,5 millions de tonnes de charbon, et si cette société exportait, il leur faudrait peut-être plus.

Le président: Dernière question, monsieur Mancini.

M. Peter Mancini: Je poserai donc une question à deux volets.

Combien de charbon Prince Mine peut-elle fournir? Pensez-vous comme moi que si Prince Mine ne peut pas fournir tout le charbon nécessaire, ce dernier sera probablement importé de l'étranger, de mines non canadiennes?

M. Joe Shannon: Par le passé, Prince Mine a produit environ de 1,1 à 1,2 million de tonnes. Cette mine peut probablement produire un petit peu plus, peut-être 1,5 million de tonnes, tout dépendant évidemment des problèmes environnementaux qu'éprouve la société d'énergie et de la qualité du charbon canadien par rapport à la qualité du charbon qui serait importé. Il est évident que la société d'énergie devra importer le charbon qu'il lui faut et que ne peut produire Prince Mine, à moins d'aller le chercher auprès d'autres fournisseurs. Il y a d'autres fournisseurs, mais ils ne représentent qu'environ 200 000 ou 300 000 tonnes.

• 1715

Le président: Monsieur Keddy.

M. Gerald Keddy: Les 200 000 ou 300 000 tonnes, quel pourcentage représentent-elles de l'utilisation totale? Connaissez-vous ce chiffre? S'agit-il de 10 ou 20 p. 100?

M. Joe Shannon: Vous parlez de la quantité qui serait obtenue des autres fournisseurs?

M. Gerald Keddy: Oui.

M. Joe Shannon: Eh bien, s'ils utilisent 2,4 millions de tonnes et qu'ils obtiennent 200 000 ou 300 000 tonnes des autres fournisseurs, vous pouvez calculer; c'est à peu près 10 p. 100.

M. Gerald Keddy: Y a-t-il une disposition dans un contrat de vente éventuel qui autoriserait tout acheteur de SDCB à importer un certain pourcentage de charbon?

M. Joe Shannon: Y a-t-il une clause...

M. Gerald Keddy: Oui; a-t-on prévu dans l'accord de vente une clause autorisant 30 p. 100 ou 20 p. 100 de charbon étranger?

M. Joe Shannon: Cela n'aurait rien à voir avec nous. C'est l'entreprise qui achèterait les actifs de la SDCB qui négocierait un contrat avec l'entreprise.

M. Gerald Keddy: Mais il y a déjà un contrat en vigueur jusqu'à 2011, pour alimenter la Nova Scotia Power en houille. Ce contrat est censé être vendu avec les actifs de la SDCB.

M. Joe Shannon: Pour l'instant nous ne savons pas si c'est exact ou non.

M. Gerald Keddy: Bon.

M. Joe Shannon: Mais il y a un certain nombre de choses que vous devez savoir à propos de ce contrat. Effectivement, nous avons un contrat avec la Nova Scotia Power Corporation, mais il y a plusieurs clauses de ce contrat qui en font en réalité une entente sur cinq ans.

Tout d'abord, tous les cinq ans il y a renégociation du prix, de la quantité et des variations de cette quantité. Si l'on ne peut pas s'entendre sur un prix, on fait appel à un arbitre, qui le fixe. Si l'on ne peut pas s'entendre sur la quantité et les variations de cette quantité, on peut donner un préavis de fin du contrat dans un délai de 24 mois. Ils se sont servis de cette clause en 1995, car quand je suis arrivé là-bas la SDCB avait entamé le compte à rebours pour cette annulation au bout de deux ans.

M. Gerald Keddy: Ma dernière question est celle que j'ai posée au ministre, qui m'a suggéré de m'adresser à vous. Avant la fermeture de la mine Phalen, le gouvernement avait déclaré publiquement qu'il n'allait continuer à exploiter cette mine que pendant 18 ou 24 mois encore. Nous savions, et tout le monde dans ce secteur le savait, qu'il y avait une faille géologique importante dans les niveaux inférieurs dans cette mine, et pourtant on a pris la décision d'exploiter ces niveaux inférieurs, ce qui a manifestement entraîné la fermeture de la mine Phalen.

Ce qui m'intéresse, moi qui suis un profane, et non un mineur, c'est que l'entente que les syndicats avaient proposée avant tout cela visait à abandonner cette partie de la mine et à remonter à la surface, aux couches supérieures. Je ne peux pas vous dire de tête de combien de centaines de milliers ou de millions de tonnes de charbon on parlait, mais il s'agissait d'un programme d'exploitation en toute sécurité de filons accessibles sur deux à quatre ans. De toute évidence, ce charbon est toujours là, et on peut toujours l'exploiter si on le veut. Pourquoi a-t-on décidé de retourner à la zone initiale?

M. Joe Shannon: Je tiens tout d'abord à dire très clairement que nous n'aurions pas exploité le parement numéro sept ou numéro huit s'il y avait eu du danger. Je tiens à ce que ce soit très clair. Nous n'avons jamais mis l'existence de qui que ce soit en danger. Nous avons d'énormes programmes de sécurité, des comités de sécurité, et nous n'avons jamais envoyé quelqu'un travailler dans un endroit qui pouvait présenter un danger.

M. Gerald Keddy: Je comprends.

M. Joe Shannon: Il faut donc écarter cet argument.

M. Gerald Keddy: Ce n'est pas ma question. Ce que je veux savoir, c'est pourquoi on a décidé d'aller exploiter une zone de la mine où il y avait une faille géologique qui risquait d'entraîner la fermeture de la mine, au lieu d'exploiter les couches de surface. Je crois qu'on a dépensé aux alentours de 7 millions de dollars simplement pour aménager cette partie de la mine pour pouvoir l'exploiter.

M. Joe Shannon: Quand nous avons pris nos décisions sur la mine Phalen, nous savions que nous étions...

M. Gerald Keddy: Qu'il y avait un certain élément de risque.

M. Joe Shannon: Il y avait plus de risque sur le plan de la rentabilité économique.

M. Gerald Keddy: Oui, et c'est ce que je...

M. Joe Shannon: Pas un risque sur le plan de la sécurité, mais un risque économique.

M. Gerald Keddy: Oui, d'accord.

• 1720

M. Joe Shannon: Ce n'est pas la même chose.

M. Gerald Keddy: Certes.

M. Joe Shannon: Nous étions évidemment convaincus, d'après les informations dont nous disposions et tout ce qui se passait, que la meilleure façon de rentabiliser la mine, c'était d'exploiter les gros filons du numéro 7 et du numéro 8.

Un plafond s'est effondré sur le parement numéro 8, et j'ai commencé à rencontrer régulièrement un groupe de travailleurs que nous appelions les gars du huit est. Je rencontrais les représentants du syndicat et la direction, et nous commencions à discuter avec les mineurs qui travaillaient sur ce parement, à 5 h 30 du matin, quand ils partaient au travail alors que les autres remontaient. J'ai essayé de savoir ce qu'ils pensaient de tout ce qui se passait, et ils m'ont convaincu de nettoyer ce parement. À leur avis, s'ils pouvaient le déblayer, et ils en étaient convaincus, on pouvait exploiter ce filon.

Chaque fois qu'on est confronté à ce genre de situations, on en apprend un peu plus. Les géologues et tous les ingénieurs avaient de plus en plus d'information et d'expérience. Tout le monde était convaincu que si l'on pouvait déblayer cet endroit, on pouvait avancer. Donc, nous avons approuvé la suggestion de ces travailleurs, et c'est ce que nous avons fait.

Je ne sais plus trop combien de temps après, il y a eu un nouvel effondrement du plafond. Je suis allé discuter avec les mineurs du parement huit est à 5 h 30 du matin. Ce jour-là, j'ai rencontré la direction du syndicat, et nous avons eu une réunion du conseil d'administration. Je suis retourné discuter avec les travailleurs du huit est, juste après la réunion du conseil d'administration, et nous avons ensuite eu une autre rencontre avec la direction du syndicat pour lui faire part de notre décision. Nous avions décidé de fermer la mine Phalen. À ma connaissance, personne ne s'est opposé à cette décision.

Quand ils sont allés là la première fois, ils étaient absolument convaincus de pouvoir le faire. J'étais d'accord avec eux, le conseil d'administration aussi, et les actionnaires aussi les ont appuyés, et nous avons dépensé énormément d'argent pour cela. Et nous avons aussi tiré beaucoup de charbon de ce filon. Je n'ai plus les chiffres à l'esprit—Merrill les a peut-être—mais cela nous a coûté environ 7 millions de dollars, et nous avons retiré pour 5 ou 6 millions de dollars de charbon. Donc, relativement parlant, nous n'avons pas perdu beaucoup d'argent dans cette entreprise pour essayer de relancer la mine. C'est ce que nous avons essayé de faire, et nous avons perdu.

Je pense que tout le monde a été d'accord ce jour-là, en particulier les mineurs du huit est, ceux qui taillaient dans le filon, ceux qui travaillaient au fond. Ils ont dit: «Oh là là, c'est fini. Il faut fermer cette mine.» Et c'est ce que nous avons fait.

Dieu merci, nous sommes passés au travers de cette difficulté. C'était risqué sur le plan économique. Je ne sais pas si j'y aurais investi mon fonds de REER, mais nous avons essayé. Les mineurs pensaient que c'était possible. Ce sont des durs à cuire, ces gars-là, de sacrés travailleurs. Cela n'a pas marché, mais nous avons essayé, et eux aussi. Ils ont donné tout ce qu'ils pouvaient. Cela a été une journée très dure sur le plan émotif. Cela a été très difficile à accepter pour tout le monde, l'idée de fermer cette maudite mine. Mais de toute façon, c'est une mine qui nous a donné du fil à retordre dès le premier jour, et bien des gars qui ont travaillé là vous diront qu'en toute honnêteté cela n'a pas été facile, pendant tout le temps où cette mine a été en exploitation.

Le président: Merci, monsieur Shannon.

M. Gerald Keddy: Merci.

Le président: Je suis désolé de devoir couper la parole à tout le monde, mais j'y suis obligé.

Au nom du comité, je vous remercie pour vos réponses. Le début de la séance a été un peu difficile, mais cela arrive en comité.

Nous allons poursuivre nos audiences. Nous reprendrons à 19 heures. Vous ne serez pas là, monsieur Shannon, ni M. Buchanan non plus, mais nous vous remercions d'être venus passer presque une heure avec nous. Merci beaucoup.

• 1725

Nous reprendrons à 19 heures ici même. La séance est levée.