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NRGO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON NATURAL RESOURCES AND GOVERNMENT OPERATIONS

COMITÉ PERMANENT DES RESSOURCES NATURELLES ET DES OPÉRATIONS GOUVERNEMENTALES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 23 mars 2000

• 1109

[Traduction]

Le président (M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.

• 1110

Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous faisons un examen des pratiques d'aménagement forestier au Canada dans une perspective de commerce international. Nous avons récemment entendu de bonnes interventions et de bons intervenants, et nous sommes donc impatients d'entendre nos témoins aujourd'hui.

Même si je ne me suis pas présenté personnellement, messieurs, je vous souhaite la bienvenue au nom de tous mes collègues du comité.

Nous recevons M. Peter deMarsh, président de la Fédération canadienne des propriétaires de boisés. Nous recevons également Jean Claude Nadeau qui est président de la Fédération des producteurs de bois du Québec et M. Victor Brunette, qui est secrétaire-trésorier et directeur général de cette même association ou fédération.

[Français]

Je ne sais lequel des trois veut commencer, mais si vous le voulez, monsieur deMarsh, on peut commencer par votre présentation. On donne habituellement 10 minutes pour la présentation, puis on passe aux questions des députés. Est-ce que vous avez une présentation conjointe?

M. Peter deMarsh (président, Fédération canadienne des propriétaires de boisés): Oui. Il n'y a qu'une présentation.

Le président: Il y a une présentation seulement. D'accord. Merci.

[Traduction]

M. Peter deMarsh: Merci beaucoup, monsieur le président. Nous sommes très heureux d'avoir été invités à comparaître devant votre comité.

Comme nous vous avons adressé un mémoire écrit, nous ne voulons certes pas vous faire perdre votre temps à le lire. Nous allons simplement le résumer et en souligner les principaux points. Je présenterai la première partie de l'exposé et je donnerai ensuite la parole à M. Brunette pour qu'il présente la seconde partie.

En fait, comme on peut le voir dans l'introduction, le Canada n'est pas le seul pays au monde qui tente de rehausser la norme des pratiques d'aménagement forestier. Nous avons pris des engagements internationaux très sérieux, et je suppose que ce sont les pressions venant de l'extérieur du pays qui expliquent en partie la raison pour laquelle le comité a choisi d'examiner les pratiques d'aménagement forestier.

Nous sommes ici parce que nous voulons vous faire part de certaines circonstances particulières qui touchent les petits propriétaires de boisés de notre pays. Nous avons présenté un genre de profil des propriétaires canadiens de boisés. C'est une question de portée nationale qui ne se limite pas à l'est du Canada, comme on semble parfois le laisser entendre, bien que certains groupes, comme celui que représentent mes collègues du Québec, soient parmi les plus anciens et les plus forts au Canada.

À mesure que l'approvisionnement en bois se raréfie dans bien des régions du pays, et à mesure qu'augmentent les pressions environnementales pour que nous prenions davantage soin de nos forêts, pressions issues à la fois de préoccupations internationales et plus particulièrement—d'après nous—des habitants des grandes villes—nous sommes d'avis que nous aurons un rôle de plus en plus important à jouer pour trouver une solution globale aux difficultés de l'industrie forestière au Canada. Nous sommes donc très heureux d'avoir aujourd'hui l'occasion de vous faire part de nos points forts et de nos points faibles en tant que membres de l'industrie forestière.

Notre contribution à l'heure actuelle est très importante, surtout dans certaines régions. J'attire votre attention sur les statistiques qui révèlent que la forêt privée, qui représente 8 p. 100 de la forêt canadienne, fournit collectivement 17 p. 100 de la récolte annuelle de bois au Canada. Voilà qui vous donne une idée assez impressionnante que les boisés font plus que leur part, si je puis m'exprimer ainsi, dans leur apport à l'économie forestière nationale.

À notre avis, il y a une autre chose qu'il est extrêmement important de ne pas oublier, alors que le Canada tente de recueillir un consensus plus raisonnable au pays sur la façon d'aménager nos forêts... La plupart du temps, lorsqu'ils voient des forêts, la majorité des Canadiens songent aux boisés. Nous n'avons aucun mérite à cela; cela tient tout simplement à notre situation géographique. Nous pouvons nous engager à jouer un rôle plus significatif pour en arriver à un meilleur consensus, et c'est ce que nous ferons, et nous le faisons déjà. Les défis que nous devons relever tiennent au fait que nos forêts appartiennent à 425 000 familles. C'est un point fort, mais c'est également un point faible, dans certains cas.

• 1115

Il est absolument nécessaire d'améliorer le niveau d'aménagement de bon nombre de boisés. Comme nous le disons dans notre exposé, nous commençons à avoir des problèmes d'approvisionnement en fibre dans certaines régions.

Je viens du Nouveau-Brunswick. L'on admet de plus en plus que cette province fait face à une crise réelle et immédiate au niveau de l'approvisionnement. La province dépend de plus en plus de sources extérieures pour l'approvisionnement en fibre de l'industrie, devant notamment importer de la fibre d'autres provinces, mais aussi du Maine. Il s'agit là d'un problème qui prend de l'ampleur presque à vue d'oeil.

Nous pouvons jouer un rôle beaucoup plus vigoureux pour relever le défi de l'approvisionnement en bois. Nous avons dit que moyennant des investissements adéquats, il nous serait possible de doubler, et même dans certains cas de tripler, notre production de matière ligneuse. Nous avons cependant besoin de mesures de soutien plus fermes et certaines d'entre elles relèvent de la compétence du gouvernement fédéral. C'est pourquoi nous sommes si heureux d'avoir l'occasion de venir vous rencontrer aujourd'hui.

La première mesure que nous voulons signaler vise la fiscalité dans la mesure où elle touche les propriétaires de boisés. En tant que Canadien, si je veux lancer une petite entreprise, un dépanneur ou autre, la politique fiscale au Canada me permet de déduire certaines dépenses au cours des premières années pour mettre sur pied cette entreprise. Si je peux démontrer à Revenu Canada que je mets sur pied cette entreprise dans l'attente d'en tirer un profit raisonnable, c'est là un principe fondamental de la politique fiscale de notre pays. Si je suis un propriétaire de boisé, dans la plupart des cas, je ne peux pas le faire.

Une deuxième priorité que nous voulons porter à votre attention relativement à la politique fiscale est ce qui arrive lorsqu'il y a transfert de terre entre générations. Si je suis propriétaire d'une exploitation agricole familiale et que ma terre passe à la prochaine génération, l'impôt sur les gains en capital peut-être reporté indéfiniment, pourvu que la terre reste dans la famille et soit activement exploitée. Nous sommes d'avis que la même politique devrait s'appliquer aux boisés puisque les mêmes principes sont clairement en jeu, de sorte que cette même politique devrait s'appliquer à nous. C'est en partie une question d'équité.

En ce qui concerne la politique fiscale, on nous dit que le concept d'équité veut que l'on traite des groupes de contribuables de la même façon lorsque ces groupes se ressemblent ou qu'ils sont généralement semblables. Nous avons beaucoup de points communs avec la communauté agricole. Bon nombre d'entre nous sommes des agriculteurs, de sorte que le principe d'équité devrait s'appliquer en l'occurrence.

L'autre aspect de la question de la politique fiscale, c'est qu'elle doit être sensée pour la société canadienne, peu importe notre intérêt personnel à cet égard. Permettez-moi de vous expliquer ce qui se passe à l'heure actuelle lorsqu'un boisé est transmis d'une génération à l'autre dans une famille qui n'a pas d'argent en banque pour payer l'impôt sur les gains en capital exigé sur cette propriété. Dans l'est du Canada en particulier dans bien des cas la terre est rasée, car c'est la seule façon qui permet à la famille de la garder. C'est une solution qui ne plaît à personne. Ce n'est pas une bonne pratique forestière et ce n'est pas non plus dans l'intérêt de l'approvisionnement futur en bois. C'est une conséquence de la politique fiscale actuelle, et nous sommes d'avis qu'il faudrait corriger la situation.

La bonne nouvelle, monsieur, c'est que M. Martin nous a écrit récemment pour dire qu'il avait ordonné au ministère des Finances d'examiner nos préoccupations et d'y trouver des solutions. Nous sommes très encouragés de voir que l'on cherche à résoudre le problème, et nous exhortons le comité à encourager le ministère à agir rapidement pour trouver des solutions et les mettre en place.

La deuxième question que nous aimerions vous signaler porte sur tout le domaine du transfert technologique. Pendant de nombreuses années, le gouvernement fédéral a participé avec les provinces à des ententes fédérales-provinciales sur l'aménagement forestier. Cette époque est révolue, et nous le comprenons. Nous comprenons, par ailleurs, les questions de compétence provinciale que soulève cette situation. Mais nous voulons tout simplement souligner qu'à mesure que la responsabilité de certains services, notamment le transfert technologique aux propriétaires de boisés, est passée exclusivement aux gouvernements provinciaux, dans de nombreux cas au pays, ces services ne sont plus offerts. Les provinces ne peuvent pas—et nous préférons dire «ne peuvent pas» plutôt que «ne veulent pas», car nous croyons que, dans bien des cas, il s'agit strictement d'une question financière—se permettre de remplacer les services qui étaient fournis dans le cadre des ententes fédérales-provinciales.

• 1120

Il faut mettre en place de solides programmes éducatifs pour répondre aux besoins des propriétaires de boisés afin d'améliorer leurs compétences, leur capacité à faire face à un marché de plus en plus complexe. Il s'agit-là d'un investissement clé que nous devons faire si nous voulons réaliser pleinement notre potentiel pour la société canadienne. Nous exhortons le gouvernement fédéral, plus particulièrement le ministère des Ressources naturelles, à consacrer un budget à cette fin.

Cela étant dit, nous allons maintenant entendre l'exposé de M. Brunette, du Québec.

[Français]

M. Victor Brunette (secrétaire-trésorier, Fédération canadienne des propriétaires de boisés; directeur général, Fédération des producteurs de bois du Québec): Bonjour. Nous souhaitons nous adresser à votre comité pour vous parler des activités et des préoccupations des propriétaires de boisés du Québec et d'ailleurs au Canada, qui se ressemblent beaucoup d'ailleurs, et plus particulièrement de l'aménagement forestier.

Il faut bien comprendre que l'aménagement forestier, une activité qui suit souvent la récolte au Canada, a été détachée de la récolte, par la façon dont se font les allocations de bois et les activités forestières, pour en faire un investissement d'avenir. Dans ce contexte, tant pour les forêts publiques que privées, nous avons des conditions de vente et de mise en marché des bois qui sont particulièrement détachées de l'aménagement, et la concurrence est grande pour les propriétaires de boisés privés.

Présentement, au Québec, la tarification des bois se fait par des méthodes de parité. Le bois est tarifé en fonction d'échantillons qui sont pris dans la forêt privée et ensuite on a des méthodes de réduction des droits de coupe dans les forêts publiques en fonction de la méthode de parité. C'est une façon résiduelle de tarifer les bois.

Les forêts privées ont donc perdu les avantages relatifs à la proximité des usines: les coûts de transport moindres ou un meilleur accès aux forêts. Les propriétaires privés de tout l'est du Canada subissent cette concurrence qui est très grande. La contrepartie, c'est que si on a tenté, en parlant des gouvernements, d'établir des conditions relativement bonnes pour l'industrie afin de s'approvisionner dans les forêts publiques, parfois au prix de certains avantages pour la forêt privée, les gouvernements doivent par ailleurs s'impliquer dans la planification future de la ressource. Donc, on s'attend à ce que les gouvernements, autant fédéral que provinciaux, nous donnent un coup de main pour que l'on puisse mieux planifier les récoltes de l'avenir.

Dans ce contexte, nous avons souvent des difficultés attribuables à des sinistres naturels; vous connaissez la tempête de verglas d'il y a deux ans. Nous avons des difficultés à mettre en marché des feuillus, à remettre nos forêts en production. Nous avons perdu certains avantages de programmes qui avaient été mis en place précédemment et nous avons trouvé de nouveaux partenaires. Nous souhaitons que le fédéral trouve des moyens d'être aussi un partenaire.

Plus particulièrement, la Stratégie nationale sur les forêts, à laquelle nous avons participé, recommandait le reboisement des terres agricoles peu productives. Nous en avons beaucoup au Québec et dans l'est du Canada. Grâce à des mesures incitatives et à des programmes judicieux, on pourrait mieux planifier l'utilisation du territoire privé.

Par exemple, dans un sondage que notre fédération canadienne a effectué l'an passé, nous avons calculé qu'en 1998, le reboisement s'est limité à quelque 5 000 hectares de terre en friche. Pourtant, le potentiel existe pour une intensification de l'aménagement et un rendement accru de nos boisés et de nos forêts.

On pourrait facilement reboiser 35 000 hectares par année pendant 10 ans pour les forêts privées. On parle des boisés privés de tout le Canada.

La Fédération canadienne des propriétaires de boisés et ses organisations provinciales membres pourraient gérer de tels programmes. Plusieurs organismes de propriétaires ont prouvé par le passé leur capacité de relever des défis dans le domaine du reboisement et de l'aménagement. Les bénéfices et retombées de tels programmes sont clairs: on crée des bassins d'accumulation du carbone, on augmente l'approvisionnement en bois pour l'industrie et on reboise des terres qui devraient retourner à leur vocation première, soit une vocation forestière.

• 1125

D'autre part, les engagements des partenaires du secteur forestier, par souci d'assurer la pérennité de nos ressources et d'optimiser leur utilisation, nous obligent à revoir nos modes de gestion. Je vous ai parlé tout à l'heure de la tarification forestière. Il faut déterminer qui est responsable de la récolte, du reboisement et de l'aménagement. Nous devrions également réviser notre gestion des terres publiques. Nous pensons que les propriétaires pourraient exploiter des unités un peu plus grandes et gagner un revenu suffisant pour faire vivre leurs familles. Nous avons déjà développé un modèle, celui de l'Union des producteurs agricoles du Québec, qui regroupe la forêt, l'élevage du boeuf, la culture des céréales, l'acériculture et l'exploitation d'érablières. Nous pouvons regrouper ces activités afin de nous doter d'unités de production diversifiées. Si nous avions davantage accès à certaines terres, qui sont souvent des terres publiques, nous pourrions créer des unités de production intéressantes. Il faut à la fois procéder à une révision des modes de gestion et se doter d'outils qui nous permettront de mettre en place un système de planification à long terme.

Afin d'engager les propriétaires forestiers du Canada dans le développement durable de leurs boisés, il faut s'assurer d'appuyer leurs programmes d'aménagement à long terme et de façon permanente, ainsi que dans des situations de risque. Lorsqu'on investit en acériculture, nos investissements s'échelonnent souvent sur une période de 50 ans et nous devons pouvoir compter sur des partenaires, qui ne seront sûrement pas des compagnies d'assurances. Les gouvernements ont un rôle à jouer. Ils s'acquittent relativement bien de leur rôle au niveau des forêts publiques. Ils pourraient jouer un rôle de partenaires et assumer certains risques au niveau des forêts privées. Les pays d'Europe sont de très bons exemples. La France, l'Allemagne et les pays scandinaves ont su assumer une part des risques et appuyer les propriétaires privés. Leur contribution a permis la stabilisation de la production d'une part, et celle des investissements d'autre part.

Si on veut attirer des partenaires externes, que ce soit des gens qui ont des fonds de retraite au pays ou des investisseurs étrangers, et les inciter à investir dans nos forêts privées et publiques, il faudra leur donner certaines assurances contre certains facteurs de risque. On n'a qu'à penser aux récents événements climatiques, qui vont sans doute se répéter. Ici, au nord d'Ottawa, dans la vallée de la Gatineau, nous sommes aux prises avec une nouvelle infestation de tordeuse de l'épinette. Pour affronter ces infestations d'insectes ou autres événements naturels, nous devons pouvoir compter sur la présence de partenaires. Le gouvernement fédéral est un partenaire de choix qui pourrait nous appuyer dans ce domaine. Il peut également prévoir des mesures fiscales particulières dans l'éventualité de dommages causés par la nature.

À la suite de la tempête de verglas, le gouvernement du Québec a permis aux producteurs d'augmenter leurs récoltes parce qu'il y avait beaucoup de travail à faire et leur a donné la possibilité d'étaler leurs revenus sur plusieurs années; c'est ce qu'on appelle en anglais income averaging. Il est important d'avoir la possibilité de se prévaloir de mesures fiscales qui tiennent compte de désastres tels qu'une épidémie ou un verglas. Ainsi, un producteur dont la récolte de bois lui permettra de toucher des revenus de 60 000 $ cette année et qui n'en récoltera pas pendant huit ou dix ans méritera qu'on lui accorde un traitement fiscal approprié.

Ce sont là des outils divers qui pourraient être assurés par une sorte de fonds d'ensemble, que nous appelons un fonds forestier national. Ce pourrait être un moyen d'accompagner les provinces et les autres partenaires dans une démarche d'aménagement des boisés privés.

Je parlerai maintenant des mécanismes de financement à long terme. La Fédération canadienne des propriétaires de boisés recommande au ministre des Ressources naturelles du Canada de favoriser, en collaboration avec les ministres des provinces, la mise en place d'un fonds forestier national qui assurerait la disponibilité du financement nécessaire à l'intensification de l'aménagement en forêt privée, ainsi que la mise en place de mesures permanentes, le partage des risques forestiers et la mise en oeuvre de mesures compensatoires pour venir en aide aux propriétaires dont les boisés sont endommagés par des sinistres naturels.

• 1130

Un autre sujet, celui de la certification forestière, rappelle tout ce qui a été dit jusqu'à présent. La certification sert à démontrer que ce que l'on fait sur le plan de l'aménagement est bien fait, mais elle sert aussi à autre chose. Elle s'applique à l'utilisation polyvalente; elle porte sur la faune et touche à la diversité des décisions sur les boisés privés. Elle confirme souvent l'utilisation judicieuse d'une machinerie bien adaptée aux conditions forestières.

La certification devrait aussi permettre la démonstration de tout cela publiquement et sur la scène internationale. Les avenues qui nous sont proposées actuellement par les grands systèmes de certification, que vous avez déjà étudiés, ne sont pas conformes et ne constituent pas des avenues intéressantes pour la petite forêt privée.

Nous croyons que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ont un rôle important à jouer pour nous assurer que nous serons en mesure de démontrer, en même temps que le secteur industriel et celui de la forêt publique, que nous appliquons des mesures de bonne gestion. Nous estimons qu'il nous faut rapidement établir la certification des boisés privés. Dans certaines régions, il y a près de 50 p. 100 des propriétaires qui ont des plans simples de gestion de leur propriété, mais ce n'est pas le cas en général.

Comment allons-nous, soit collectivement, soit individuellement, donner la chance aux petits propriétaires d'obtenir la certification? Les boisés doivent être évalués pour démontrer que nous faisons déjà de la gestion durable. Les propriétaires ont confiance en ce qu'ils font déjà. Ils ont, par ailleurs, une grande crainte, celle que des agents de l'extérieur ne viennent leur dire quoi faire, comment faire, comment changer leurs pratiques, et aussi d'avoir à payer pour se le faire dire.

Ils ont peur de devoir changer leurs modes de gestion, particulièrement si le marché n'est pas prêt à payer plus cher le bois de la forêt privée, et souvent sans même être certains qu'on ne va pas continuer à acheter le bois sur n'importe quel marché, sans même que la certification des boisés devienne un prérequis.

Ces certitudes étant encore inexistantes, les producteurs ne se sont pas aventurés à ce jour dans le processus de certification. Il faut que nos partenaires nous aident à définir de meilleurs indicateurs de gestion durable. Des efforts importants ont déjà été consentis dans les forêts modèles, par exemple. On doit en faire aussi dans les situations courantes qui sont celles des terrains privés.

Cela doit aussi être fait en comparaison avec les méthodes d'ailleurs, celles de nos pareils européens, par exemple. Les propriétaires privés ont mis au point eux-mêmes une méthode importante de certification, le système de certification paneuropéen ou le Pan European Forest Certification Scheme. Ce système-là mérite d'être examiné pour comparer les méthodes préconisées aux nôtres et afin d'établir des équivalences.

De l'avis de la Fédération canadienne des propriétaires de boisés, les méthodes retenues à ce jour par l'industrie canadienne peuvent difficilement s'appliquer. Nous devons donc chercher à mettre au point des méthodes adéquates. Depuis 1993, nous avons participé à l'élaboration de la norme CSA. Nous en sommes très satisfaits, mais elle ne peut s'appliquer qu'aux grands territoires.

Nous sommes particulièrement inquiets au sujet de la compétition qui existe entre les systèmes de certification. Les grands systèmes sont le CSA, ISO 14000 et le FSC. Nous craignons que les seuls bénéficiaires des rivalités qui existent entre ces grands systèmes, qui ne servent qu'à défendre d'autres intérêts, soient l'acier, le plastique, l'aluminium ou le béton, qui font l'objet d'importantes campagnes de promotion.

Nous sommes satisfaits de certaines campagnes, comme Wood is good, que nous allons appuyer, mais nous voulons davantage. De par l'emplacement et la nature de leur activité, les propriétaires de boisés privés sont à la vue de tous les Canadiens et Canadiennes. Nous sommes localisés dans des campagnes près des villes. Les propriétés privées sont très en vue et nos membres sont appelés à jouer un rôle important dans l'obtention d'un consensus sur les bonnes pratiques.

Donc, notre fédération recommande que le gouvernement du Canada encourage l'établissement de systèmes de gestion durable mieux adaptés à la réalité des boisés privés et susceptibles d'assurer l'accès de leur bois aux marchés.

• 1135

Je laisse M. deMarsh vous présenter la conclusion.

Le président: Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur de Marsh, ou si nous devons passer aux questions des députés?

M. Peter deMarsh: Nous aimerions répondre à vos questions.

[Traduction]

Nous avons traité l'ensemble du sujet.

Le président: Merci beaucoup.

Je donne d'abord la parole à M. Schmidt.

M. Werner Schmidt (Kelowna, Réf.): Merci, monsieur le président.

Merci beaucoup, messieurs, de comparaître ici ce matin. J'ai été très impressionné par la clarté et la concision de vos exposés.

Je voudrais vous poser quelques questions. La première concerne vos relations avec les différents groupes écologistes comme Greenpeace, le Sierra Club, et les gens de cette mouvance. Avez-vous des relations avec eux, et dans ce cas, quelles sont-elles?

M. Peter deMarsh: Nous avons avec eux les mêmes relations qu'avec tout autre participant à des consultations tous azimuts, qui sont de plus en plus à la mode ces temps-ci. Voilà la portée de nos relations, du moins de nos relations directes.

J'estime que nos membres représentent le point de vue de l'ensemble de la population canadienne. Certains ont un point de vue très écologiste, tandis que d'autres sont situés à l'opposé de l'éventail des opinions. La plupart d'entre nous nous situons à mi-chemin entre les deux. Mais au niveau de l'organisation, il n'y a aucune relation officielle.

M. Werner Schmidt: Je vous pose cette question car, comme vous le savez sans doute, les produits forestiers provenant de certaines régions du Canada font l'objet d'un boycott. Est-ce que cela vous préoccupe? À l'origine du mouvement, on trouve notamment des groupes écologistes comme Greenpeace, et il a pour thème la gestion durable des forêts.

M. Peter deMarsh: J'aimerais insister sur le dernier argument de la partie de l'exposé présenté par Victor. Nous considérons que les groupes écologistes méritent de sévères réprimandes parce qu'ils ne semblent pas se rendre compte qu'en attaquant l'industrie forestière, ils livrent, sur un plateau d'argent, une bonne part du marché aux industries qui fabriquent des produits de remplacement du bois.

Nous avons tous vu les publicités télévisées sur le «nouvel acier» depuis environ six mois. Celui qui ne connaît rien du recyclage de l'acier s'imagine peut-être que ce métal est en quelque sorte un don du ciel et qu'il est gratuit d'un point de vue environnemental.

M. Werner Schmidt: Nous savons tous à quoi nous en tenir.

M. Peter deMarsh: Ce qui nous frappe, c'est l'image de l'Oregon, ou d'une région voisine, peut-être la Colombie-Britannique, où l'on voit une zone replantée en Douglas taxifolié. On a abattu un acre au milieu de la forêt. C'est la quantité de bois nécessaire à la construction d'une maison, d'après cette annonce du «nouvel acier».

Les produits de remplacement ne sont pas gratuits. Les écologistes sérieux seront d'accord avec nous pour dire qu'ils sont même beaucoup plus préjudiciables à l'environnement. Cette réalité doit être prise en compte dans notre souci commun d'améliorer les pratiques forestières et de progresser sans cesse.

M. Werner Schmidt: C'est bien l'essentiel, et c'est pourquoi j'ai posé la question de cette façon. C'est précisément un problème de certification.

J'ai remarqué que vous avez parlé d'un régime paneuropéen de certification qui serait peut-être plus pertinent que ceux de l'ISO, de l'Association canadienne de normalisation ou du FSC. Apparemment, il existe encore tout une foule d'autres régimes. Quelle que soit la procédure de certification, elle doit être scientifiquement exacte et on doit pouvoir prouver qu'elle applique des pratiques d'aménagement durable des forêts.

M. Peter deMarsh: Je voudrais dire un mot à ce sujet, puis j'inviterais Victor à compléter la réponse.

Je ne pense pas qu'il y ait de contestation sur le plan scientifique entre le FSC et l'Association canadienne de normalisation, puisque les principes et les critères sont les mêmes que ceux du Conseil canadien des ministres des Forêts. Je ne pense pas qu'il y ait de contestation au niveau scientifique, pas plus qu'il y en a en Europe entre le PEFC, qui représente les associations de propriétaires de boisés, et le FSC. Tout le monde utilise les principes et les critères d'Helsinki, qui sont équivalents à ceux que nous appliquons au Canada. Il n'y a donc pas matière à polémique.

• 1140

Ce que nous constatons, et qui nous laisse un peu perplexe, c'est que l'on crée une industrie de la certification en mettant différentes marques en concurrence. En tant que propriétaires de boisés, nous ne pouvons pas nous permettre d'entrer dans ce jeu, qui ne nous semble pas opportun, ni pour l'industrie, ni pour l'ensemble du pays. Nous demandons instamment au comité de promouvoir la mise en valeur des intérêts de l'industrie forestière et de l'environnement. Il faut mettre un terme à toutes ces rivalités. Évidemment, il convient d'améliorer les pratiques forestières, mais il faut le faire d'une façon moins dommageable.

M. Werner Schmidt: Voilà qui est très intéressant. C'est certainement la déclaration la plus explicite que j'ai entendue depuis qu'on a entamé de ce débat sur la certification.

Le président: Vous devriez venir ici plus souvent.

M. Werner Schmidt: Nous avons de la chance d'avoir ces témoins parmi nous.

Mais à ce propos, comment pourra-t-on parvenir à un consensus? Nous avons recueilli toutes sortes de points de vue, et si les considérations scientifiques ne sont pas matière à polémique, où est le problème? Est-ce une question politique? Le gouvernement pourrait-il se contenter de choisir au hasard la norme de l'ISO ou le régime du FSC, puisqu'il n'y a pas contestation sur le plan scientifique? Est-ce cela que vous nous dites?

M. Victor Brunette: Les responsabilités sont partagées à tous les niveaux. Les représentants des propriétaires de boisés doivent prendre leurs responsabilités, mais les autorités provinciales et municipales également. Les responsabilités sont partagées par les différents niveaux de gouvernement et les individus s'arrangent habituellement pour mettre en place un bon système, à condition que chacun fasse correctement sa part.

Actuellement, nous ne sommes pas particulièrement visés en tant que propriétaires de boisés. Comme nous sommes 425 000, il y a 425 000 façons d'aménager un boisé, ce qui crée une grande diversité, mais aussi un grand nombre de décisions qui ne sont pas toutes prises en fonction de l'évolution du marché ni de la demande de bois. Certains ont plus besoin d'argent une année que l'année suivante. Certains réservent leurs boisés à d'autres fins que la production de fibre. Finalement, tout cela constitue un environnement général très favorable à la durabilité.

Il faut que les responsabilités soient bien réparties, et qu'on puisse déterminer si nous avons un bon inventaire sur les terrains privés. Y a-t-il de bons indices de durabilité sur les terrains de grande superficie? Il peut s'agir de bassins versants ou d'entités municipales assez vastes. Il faut également s'intéresser aux secteurs spéciaux consacrés à des programmes d'usages multiples ou à des mesures de reforestation. Si nous sommes ici aujourd'hui, c'est notamment pour favoriser toutes ces activités marginales.

M. Werner Schmidt: Nous nous occupons de...

M. Victor Brunette: Et cela nous amène à la certification.

M. Werner Schmidt: Bien sûr, mais prenons l'exemple de Home Depot, qui a donné son accord à tous les produits certifiés par le FSC. Pourquoi ne pas choisir ce régime-là?

M. Victor Brunette: Surtout pas, et d'autres pays...

M. Werner Schmidt: Pourquoi pas?

M. Victor Brunette: D'autres pays vont refuser également.

M. Werner Schmidt: Pourquoi? Quel est le problème?

M. Victor Brunette: Les consommateurs veulent pouvoir choisir. Ils veulent avoir le choix entre différents prix pour différents produits qui leur seront proposés sur les étagères. La plupart des distributeurs vont constater qu'ils doivent mettre plusieurs produits en rayon. Certains de ces produits porteront l'indication de leur provenance. Ils peuvent venir de forêts publiques ou de forêts privées, aménagées ou non, mais généralement, dans ce domaine, tout est fondé sur des considérations commerciales, et c'est le consommateur qui choisit. Évidemment, il faut évoluer dans la bonne direction et inciter le consommateur à favoriser un aménagement durable des forêts.

M. Werner Schmidt: Une dernière question sur ce sujet; j'en ai plein sur d'autres sujets. Quels sont les critères que le gouvernement devrait appliquer pour choisir un régime de certification qui soit accepté par vous et par les grands producteurs?

• 1145

M. Victor Brunette: Les critères ont déjà été fixés par le gouvernement canadien; ce sont des critères et des indices de durabilité. En ce qui concerne...

M. Werner Schmidt: Non, non. Excusez-moi. Je n'ai pas bien posé ma question. Quel est le régime de certification que le gouvernement devrait appuyer en tant que régime acceptable? Quels sont les principes directeurs à respecter dans le choix de ce régime? Voilà ma question.

M. Victor Brunette: Ce devrait être des critères qui font appel à tous les intervenants, de façon que chacun assume sa responsabilité de la bonne gestion des forêts. Si on met en place un régime en Europe ou aux États-Unis, il convient de l'évaluer en fonction de ce qu'il représente pour toutes sortes de groupes, notamment l'industrie, les gouvernements, les propriétaires de boisés privés et les écologistes. Si tout le monde est satisfait du régime, de sa définition et de son application, le gouvernement n'aura qu'à emboîter le pas.

Au cours des étapes suivantes, il va falloir assurer l'équivalence des différents régimes. Pourquoi faudrait-il que je sois obligé de ne porter mon bois qu'à une seule scierie certifiée dans le cadre d'un seul régime? Le propriétaire de boisés, qui est exposé à la concurrence, doit pouvoir accéder à plusieurs scieries, même si elles fonctionnent selon des régimes de certification différents. Pour nous, ce serait la formule la plus équitable.

M. Werner Schmidt: Vous voulez donc que la concurrence joue à tous les niveaux, au niveau de la certification aussi bien qu'au niveau de la production et de la gestion; n'est-ce pas?

M. Victor Brunette: Oui.

M. Werner Schmidt: D'accord. Je voulais simplement m'assurer de votre opinion à ce sujet.

M. Peter deMarsh: Je voudrais ajouter brièvement qu'en principe, rien ne s'oppose à ce que plusieurs régimes cohabitent sur le marché. Lorsqu'on fréquente les magasins en Europe, on voit que chacun d'entre eux annonce les cartes de crédit qu'il accepte. Je ne sais pas si on peut faire le rapprochement, mais rien ne s'oppose à une pluralité de régimes.

Nous voulons insister sur deux aspects. D'abord, du point de vue de la protection de l'environnement, qui est invoquée par la plupart de ceux qui interviennent dans ce domaine, il n'est pas bon de laisser perdurer cette intense rivalité où chacun essaie de s'assurer un monopole sur le marché. Ce n'est pas bon pour l'environnement, et il ne faut pas hésiter à le dire.

Ceux qui défendent les pratiques actuelles, comme si toutes les améliorations nécessaires avaient déjà été apportées, devront admettre que le souci des Canadiens pour la santé et l'avenir des forêts n'est pas une mauvaise chose. On peut rester perplexe en voyant la façon dont certains groupes exploitent ce souci, mais le seul fait qu'on puisse l'exploiter n'est sans doute pas mauvais. Il s'agit simplement de lui permettre de s'exprimer de façon positive.

Ce que nous reprochons à la certification, c'est qu'aucun des différents régimes n'est pleinement satisfaisant pour les nombreux petits propriétaires. Ce que nous souhaitons, c'est un système semblable au régime européen PEFC, qui a été conçu par les associations de propriétaires de boisés et qui devait être reconnu par les grands régimes concurrents. Nous voulons signaler à votre attention le fait qu'en Europe, ce régime a reçu un appui vigoureux d'un certain nombre de gouvernements nationaux. À notre avis, nous avons besoin ici d'un même effort de collaboration et de partenariat.

Le président: Merci, monsieur deMarsh.

Je passe maintenant à M. Reed.

M. Julian Reed (Halton, Lib.): Merci, monsieur le président.

Vous mettez en lumière l'un des grands paradoxes auxquels nous sommes confrontés: un boisé bien aménagé est généralement beaucoup plus productif qu'un forêt sauvage et peut le rester pendant plusieurs générations, à condition que les exploitants et les petits propriétaires aménagent leurs boisés correctement. Il serait bien dommage que vous vous retrouviez coincés dans ce problème de certification, qui risque de coûter très cher au plan individuel et de se traduire par de nombreuses dichotomies au plan des pratiques de gestion, car ce qui convient dans une exploitation ne conviendra pas nécessairement dans celle d'à côté.

Dans ma propre exploitation, il a fallu faire de la reforestation sur des terres où le bois n'aurait sans doute jamais dû être coupé, car elle se trouve sur un bassin versant, etc. L'aménagement des terrains de ce genre est différent des zones situées ailleurs, qui n'ont pas de problème de bassin versant. C'est pourquoi je compatis avec vous.

• 1150

J'ai été très étonné par cette histoire de taxe sur les gains en capital. L'exploitant d'une ferme laitière, qui a un boisé de 50 acres, considère l'ensemble de sa propriété comme une exploitation agricole.

M. Peter deMarsh: C'est exact.

M. Julian Reed: Oui, c'est toujours exact. Le problème dont vous parlez concerne le cas d'une exploitation strictement sylvicole.

M. Peter deMarsh: Oui.

M. Julian Reed: Nous sommes donc en train de créer, malgré nous, une situation qui... Je suis bien content que le ministre des Finances se penche sur la question, et nous allons veiller avec lui à ce qu'elle aboutisse.

En ce qui concerne la reforestation des terres agricoles, j'aimerais savoir si on a déjà envisagé d'utiliser le nouveau système d'échange des droits d'émission comme source de revenu. On n'a pas besoin d'être astrophysicien pour calculer le nombre de tonnes de dioxyde de carbone qu'une nouvelle plantation peut absorber en permanence. Je pense que c'est là un facteur à considérer.

L'échange de droits d'émission n'est pas très courant au Canada. On le pratique à titre expérimental en Ontario, mais le principe devrait se généraliser. C'est une question déjà très importante aux États-Unis pour le dioxyde de carbone. L'une de nos compagnies ontariennes d'électricité vient d'acheter des droits pour plusieurs milliers de tonnes de dioxyde de carbone à 14,85 $ la tonne, et je pense que ce n'est qu'un début. On devrait assister à une augmentation progressive des prix.

Je n'ai pas encore lu tout le rapport sur l'industrie forestière dans le dossier de Kyoto, mais je crois que cette formule pourrait être utile. Je sais bien que, lorsqu'on fait de la reforestation sur une ancienne terre agricole, il faut attendre. Il faut plusieurs années avant que le boisé soit productif. Mais c'est simplement une idée.

Le président: Je ne sais si vous attendez une réponse.

M. Julian Reed: Si, j'aimerais savoir si on a envisagé cette possibilité pour l'avenir.

Le président: M. deMarsh.

M. Peter deMarsh: Comme l'a expliqué tout à l'heure M. Brunette, plusieurs provinces ont déjà des programmes de reforestation de terres agricoles marginales laissées à l'abandon. Chez moi, au Nouveau-Brunswick, nous avons dépensé environ un million de dollars l'année dernière à cet aspect du programme de sylviculture.

Par rapport à l'année dernière, il se pourrait que l'on multiplie par deux cet élément de notre programme. Les organismes chargés de l'administrer sont en place et peuvent intervenir plus efficacement que quiconque. Ce qui manque, ce sont les fonds supplémentaires, que l'on pourrait aller chercher dans des programmes d'échange de droits d'émission ou ailleurs. L'essentiel, à notre avis, c'est que le gouvernement fédéral accepte de jouer un rôle, ne serait-ce que de courtier ou de coordonnateur des différents fonds, même si aucun d'entre eux ne provient directement de la trésorerie fédérale.

La possibilité d'établir des liens entre les investisseurs privés et les propriétaires de boisés fait actuellement l'objet de discussions. La formule peut porter fruit dans certains cas exceptionnels, dont on peut sans doute trouver des exemples dans l'ensemble du pays sur une période de dix ans. Il y en a peut-être une centaine. Chacune des ententes de ce genre nécessite beaucoup de travaux préparatoires et se traduit chaque année par la reforestation de quelques milliers d'hectares de terres agricoles à l'abandon.

Nous disons que si l'on veut vraiment exploiter le véritable potentiel qui existe maintenant... Nous supposons une superficie de 35 000 hectares par année, pour au moins 10 ans. Si l'on veut travailler à ce niveau, nous pouvons vous dire comment faire. L'infrastructure est en place dans les organismes pour assurer ce degré d'activité. C'est malheureusement une activité coûteuse, 1 000 $ l'hectare minimum. Les propriétaires de boisés ne peuvent pas se permettre cette dépense. Nous pouvons en payer un pourcentage, mais pas tout.

• 1155

Mis à part l'argent, nous disposons des éléments pour définir la provenance et comment assurer la coordination. Si c'est le puits de carbone qui est l'objectif premier, cela y contribuera. Pour ceux qui ne croient pas encore que les changements climatiques sont la grande priorité, il y a d'autres raisons de le faire, l'approvisionnement en bois étant la raison qui s'impose en premier lieu. La troisième étant les avantages qui en résulteraient pour l'ensemble de l'environnement, le retour de terres qui peut-être auraient toujours dû appartenir à la forêt.

M. Julian Reed: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci.

Monsieur Canuel.

[Français]

M. René Canuel (Matapédia—Matane, BQ): Je vous remercie d'être ici et je vous félicite. Dans l'ensemble, je suis d'accord avec vous et je voudrais que mes collègues autour de la table puissent revenir sur vos propos. Quand vous parlez de fiscalité, je suis tout à fait d'accord avec vous que les gouvernements devraient se décident à faire quelque chose.

Je suis d'accord aussi pour l'établissement de partenariats, car il est très important que les gouvernements aident à l'occasion. Il existe sûrement des modalités dont on pourrait discuter.

En ce qui a trait à la répartition des revenus, je vous dis bravo quant à l'aspect fiscal. J'espère que tous mes collègues autour de cette table, ceux du parti au pouvoir en particulier, en ont pris bonne note afin qu'on agisse le plus rapidement possible.

J'ai deux ou trois courtes questions à vous poser. J'entends souvent dire, autour de cette table, que nos forêts sont les meilleures du monde, alors que pour ma part, je considère qu'il y a tout un problème. Quand on dit que certains groupes qui cherchent à protéger les forêts vont un peu trop loin, je me dis que, de leur côté, les industriels dépassent souvent les limites permises dans le seul but de faire de l'argent. Alors, je suis bien aise qu'il y ait une contrepartie, car autrement, personne ne nous aurait réveillés.

Je répète très souvent que mon ami Richard Desjardins fait peut-être un peu de poésie sur certains points, mais que sur d'autres, il faut lui donner raison. Ceux qui connaissent très bien la Réserve faunique de Dunière, en Gaspésie, s'aperçoivent facilement que certaines coupes autour de certains lacs n'auraient pas dû être faites.

Cela dit, en tant que secrétaire-trésorier et directeur général de vos fédérations, avez-vous des recommandations à faire vis-à-vis de la situation suivante? J'ai vu, sur des plateaux d'une forêt privée de ma circonscription, Matapédia—Matane, des gens du Nouveau-Brunswick acheter des lots et les raser.

Vous me direz qu'il appartient aux municipalités de se donner une réglementation. Heureusement, certaines municipalités l'ont fait. Votre fédération a-t-elle une certaine autorité pour dénoncer ces pilleurs? Peut-elle faire des recommandations? Je dois admettre que cela se fait même dans le privé, même si je me porte à la défense des propriétaires privés.

C'est donc là ma première question. Avez-vous au moins un pouvoir moral? Est-ce que vous dénoncez de tels cas de temps à autre? Peut-être le faites-vous et que je n'en suis pas informé.

J'ai une autre question.

Le président: Monsieur Canuel, pouvez-vous attendre la réponse avant de poser une autre question?

M. René Canuel: Oui, je vais attendre la réponse. Je vais le laisser répondre.

M. Jean-Claude Nadeau (président, Fédération des producteurs de bois du Québec): Vous parlez de dénonciations. Je ne crois pas qu'il appartienne à une fédération ou à un syndicat de producteurs de dénoncer ses membres. Cela étant dit, je reconnais volontiers qu'il y a aussi des abus qui se commettent dans les forêts privées, dans certains cas.

• 1200

Mais posons-nous ensemble la question: pourquoi les producteurs, dans une situation donnée, vendent-ils leur lot à un jobbeur? C'est pour avoir de l'argent. Ils n'exploitent pas eux-mêmes leur terre d'une façon rationnelle. Encore là, on peut s'interroger. Peut-être ne le font-ils pas parce que leur concurrent est le gouvernement, qui ne laisse pas une vraie place aux producteurs pour leur permettre de vendre leur bois.

Si notre plus grand concurrent est notre propre gouvernement, cela fait en sorte que les producteurs vendent à un jobbeur et en obtiennent des prix qu'ils n'ont pas, dans certains cas, à révéler. Ils en obtiennent donc davantage. Est-ce que nous, représentants des producteurs, devons dénoncer nos propres gens qui essaient de vivre de leur forêt? On peut se poser la question. C'est là qu'est le problème.

M. René Canuel: Faites-vous au moins de l'éducation?

M. Jean-Claude Nadeau: On en fait.

M. Victor Brunette: La question de M. Canuel vise nécessairement et particulièrement des cas précis de coupes abusives dans une partie du Québec. Il faut voir l'importance que cela peut avoir par rapport à un plan d'ensemble qui peut être d'intérêt général pour le reste du pays.

Nous avons, avec des partenaires, choisi certaines façons de faire dans la forêt privée, qui a une importance économique, et nous avons décentralisé certaines responsabilités. Celle de la protection minimale du territoire appartient aux gouvernements locaux. Donc, normalement, c'est aux MRC à se prendre en charge, à se donner des lois et règlements et à avoir des gens pour les faire respecter.

Cette façon de faire respecte tout à fait les citoyens d'une province ou d'un pays, parce que là où se pratique de l'aménagement intensif, on se donne certaines règles du jeu, alors que là où on se trouve plus près des villes et des villages, on se donne d'autres règles du jeu. Donc, les règles sont censées être assez bien adaptées pour que la population locale les accepte.

D'autre part, comme organisation de propriétaires, nous avons une mission principale. La Fédération des producteurs de bois du Québec regroupe des syndicats et offices qui font de la mise en marché et tentent d'obtenir de bonnes conditions de marché. Dans ce contexte, nous avons nos propres lois et règlements. Une règle importante, c'est le partage du marché entre les producteurs. Tout comme on le fait en agriculture, nous partageons un marché donné entre de multiples producteurs. Nécessairement, il y a un effet bénéfique sur le plan environnemental. Le partage d'un grand volume entre plusieurs petits producteurs devrait empêcher que des lots complets soient rasés.

Nous nous sommes également aperçu que, bien que nos règles de mise en marché, qui sont incluses dans nos structures, aient été adoptées au départ pour des motifs sociaux, elles ont aujourd'hui un effet environnemental. Il y a 25 ans, on disait que le producteur qui se trouvait à 100 kilomètres de l'usine devait aussi avoir accès au marché. On a voulu, au départ, partager le marché entre des milliers de producteurs et permettre aux producteurs d'avoir accès au marché, peu importe où ils se trouvaient sur le territoire. Cela a empêché une trop grande pression de s'exercer autour des usines, d'avoir des cercles concentriques de récoltes autour de certaines usines en territoire privé.

Donc, nos propres lois et règlements sont déjà très bénéfiques en vue d'une foresterie durable.

Le président: Monsieur Canuel.

M. René Canuel: Vous savez que dans le Bas-Saint-Laurent, il y a des fermes forestières. À Nicolas-Rioux, particulièrement, et à Métis également, dans ma circonscription, les choses vont relativement bien, pour ne pas dire très bien.

Il est certain que, si les gouvernements ne cèdent pas une partie—je dis bien une partie—de la forêt publique, on ne pourra pas multiplier ces fermes forestières modèles. Puisque vous êtes près des producteurs, je vais vous poser la question suivante: pourrait-on demander aux gouvernements—je parle pour le Québec, mais cela pourrait s'appliquer également au Nouveau-Brunswick—de concéder 10 ou 12 hectares de la forêt publique pour en faire des fermes forestières?

• 1205

Les municipalités sont souvent un peu chatouilleuses. Très souvent, cela relève d'elles, et leur population de contribuables n'est pas très nombreuse. Si elles peuvent retirer quelque chose de cela, tout en respectant les règles d'aménagement forestier... En général, je crois qu'elles les respectent. Le problème n'est pas là. Je parle de la forêt publique qui, elle, a été trop souvent massacrée.

Ce serait quoi? Je veux le demander au gouvernement du Québec personnellement. Est-ce qu'il serait abusif de demander une bande de 15 hectares prise sur la forêt publique, le long des villages?

Par ailleurs, ces propriétaires, qui vivent de cette forêt, d'un érablière, de la chasse et de la pêche, de tout ce qu'on connaît, peuvent se faire un revenu décent. Ayant suivi cela de près, je trouve le modèle intéressant. Il faudrait multiplier ce modèle. Toutefois, les gouvernements, même celui du Québec, sont réticents.

Est-ce que ça nuirait tellement aux compagnies, aux industriels? Le bois qui passe, il faut qu'ils l'envoient à l'usine. On sait bien que chaque petit propriétaire ne peut pas avoir son moulin sur sa terre. C'est impossible.

Je voudrais donc avoir votre point de vue sur l'envergure que cela peut prendre. Très souvent, on se demande si 10 ou 15 kilomètres, c'est trop et on est hésitant là-dessus. Pour ma part, je voudrais en faire une demande officielle à un moment donné, le plus vite possible, et je voudrais que vous m'éclairiez.

[Traduction]

Le président: D'accord. Qui demande la parole?

[Français]

Monsieur Brunette.

M. Victor Brunette: Je dois vous mentionner que nous sommes à réviser le régime forestier qui existe au Québec. Dans ce contexte, notre fédération a des positions bien arrêtées. Une de celles-là est de favoriser, là où c'est possible, la privatisation des ressources forestières ou des territoires forestiers autour des villes et des villages. On parle souvent d'un rayon économique et social de 40 kilomètres.

Là où ce n'est pas possible, on proposerait de favoriser la gestion collective des ressources, soit par la municipalité, soit par des coopératives, des groupements forestiers ou des organismes de propriétaires. Ce ne serait pas seulement pour la production de fibre. Ainsi, nous avons même proposé qu'on réserve 75 000 hectares de forêt au Québec pour une production acéricole accrue. Nous pourrions doubler au Québec la production de sirop d'érable grâce à un meilleur accès aux forêts publiques. Ce n'est pas vrai que parce qu'on produit du sirop d'érable, on ne peut pas produire de la fibre en même temps.

Donc, on doit envisager des modes de tenure et de gestion un peu différents de ceux qu'on a connus il y a 20 ans. C'est la raison pour laquelle nous avons des positions sur la révision du régime. Mais pour cela, nous devons nécessairement nous adresser à notre gouvernement provincial.

M. René Canuel: Mais pourquoi les industriels ne sont-ils pas d'accord?

M. Victor Brunette: Monsieur Nadeau.

M. Jean-Claude Nadeau: Vous savez que les industriels ont beaucoup plus de facilité à faire affaire avec le gouvernement. Ils ont le bois pour rien chez nous, au Québec.

M. René Canuel: Très bien. Merci.

Le président: Madame Parrish.

[Traduction]

Mme Carolyn Parrish (Mississauga-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

Le problème des gains en capital m'intéresse beaucoup et je suis heureuse que le ministre des Finances l'examine.

J'aimerais revenir aux deux autres questions d'ordre fiscal. D'abord, les mesures concernant l'impôt sur le revenu. Je suppose que j'ai bien compris quand vous dites que si quelqu'un possède un boisé qui fait partie de son exploitation agricole et qu'il veut se procurer de l'équipement pour commencer à récolter des arbres, à effectuer des plantations ou à faire quoi que ce soit, pour l'instant il ne peut pas défalquer le coût de cet équipement.

M. Peter de Marsh: Dans le cadre d'une exploitation agricole, on peut faire ce que nous croyons que la politique fiscale devrait permettre de faire. Le problème, c'est que 90 p. 100 au moins des propriétaires de boisés ne sont pas des agriculteurs reconnus, et c'est pour la grande majorité de ces propriétaires de boisés que le problème se pose.

Mme Carolyn Parrish: Vous êtes donc en train de me dire que maintenant, si je possède seulement un boisé, je ne pourrais pas défalquer les montants que pourrait soustraire quelqu'un qui exploiterait aussi une entreprise agricole.

M. Peter deMarsh: Comme nous l'avons appris—et nous en discutons depuis longtemps avec Revenu Canada—en matière fiscale tout varie d'un cas à l'autre. C'est ainsi que le personnel traite toutes déclarations. Mais, de façon générale, ce qui nous préoccupe c'est la possibilité de déduire de revenus extérieurs des montants que nous dépensons pour la sylviculture. C'est à la fois une question d'équité envers nous et une question de bonne pratique commerciale pour la société canadienne. Dans la grande majorité des cas on ne peut tout simplement pas le faire.

• 1210

Il y a à cela deux ou trois raisons précises. L'une d'entre elles tient au fait que la pratique sylvicole la plus courante consiste en ce que nous appelons l'éclaircie précommerciale—c'est-à-dire qu'on éclaircit les jeunes peuplements pour mieux les espacer en vue d'une croissance maximale. Revenu Canada considère actuellement cette pratique comme une dépense d'équipement et non pas comme une dépense de production, qui n'est donc pas déductible.

Il nous a fallu dix ans d'effort auprès de Revenu Canada et du ministère des Finances pour amener ces services à enfin comprendre la question. Ce n'est pas qu'ils ne comprennent pas...

Mme Carolyn Parrish: Vous vous en êtes bien tirés, s'il ne vous a fallu que dix ans.

M. Peter deMarsh: Ce n'est pas qu'ils ne comprennent pas qu'il n'y a pas de différence entre le fait d'éclaircir des plants de carottes et d'éclaircir des peuplements d'arbres. Ils le comprennent maintenant. Toutefois la loi est rédigée de telle manière qu'elle ne tient tout simplement aucun compte d'une production qui n'exige pas une activité annuelle.

Mme Carolyn Parrish: D'accord. Puis-je maintenant parler de l'étalement du revenu sur les années suivantes? Vous avez cité en exemple les tempêtes de verglas. Y a-t-il d'autres secteurs où on le permet et auxquels vous pourriez vous comparer?

M. Victor Brunette: Il y a assurément d'autres entreprises comparables—si l'on est joueur de hockey, je suppose.

Mme Carolyn Parrish: Ne nous parlez pas de joueurs de hockey.

M. Victor Brunette: C'est autre chose.

Pour ce qui est des sommes qu'il faut rapidement réunir dans ces cas—après une infestation ou une tempête de verglas—il serait logique sur le plan commercial d'appliquer le meilleur traitement possible rapidement, sans égard au revenu. Habituellement, il est inférieur à ce qu'il aurait été si des conditions favorables avaient existé. Donc, habituellement les gains pour les gouvernements sont très élevés à court terme. Ils touchent les mêmes recettes fiscales, mais la perte est subie par le propriétaire du boisé pour ces raisons.

On pourrait établir des partenariats pour alléger le fardeau. Par exemple, habituellement quand survient une catastrophe, les autorités municipales peuvent déclarer la zone sinistrée. Il n'est pas nécessaire que la catastrophe soit aussi grave que ce que nous avons vu lors de la tempête de verglas. Il peut s'agir d'arbres déracinés par le vent. L'été dernier, il y a eu un bon nombre de cas de déracinements par le vent dans la Haute Gatineau, par exemple.

Certaines autorités municipales ont déclaré leurs zones sinistrées. Par ailleurs, il y a des experts-conseils et des conseillers techniques en matière de foresterie qui évaluent les dommages. Si ces deux conditions sont réunies, la municipalité se déclare zone sinistrée et les professionnels présentent un rapport—cela devrait suffire pour inscrire dans la déclaration d'impôt sur le revenu ce qu'il faut pour demander l'étalement du revenu en l'occurrence.

Mme Carolyn Parrish: Dois-je comprendre que vous travaillez avec acharnement pour que toutes ces questions fiscales soient constamment portées à l'attention du ministre des Finances?

M. Victor Brunette: Certaines devraient être réglées facilement. Par exemple, le Québec l'a déjà accepté après la tempête de verglas. Nous n'avons qu'à effectuer des comparaisons, d'une certaine façon, et régler le tout, harmoniser notre fiscalité, dans ce cas précis.

Mme Carolyn Parrish: Si vous le permettez, monsieur le président, j'aimerais passer à un autre sujet.

J'ai été frappée par l'exemple que vous avez donné—mais je ne sais pas si j'ai bien saisi—soit que pour produire le nouvel acier, il faudrait couper un âcre de forêt pour produire l'énergie nécessaire. Est-ce bien ce que vous avez dit?

M. Peter deMarsh: Non. Je crois que la publicité—c'était dans une revue, et cela a peut-être paru aussi à la télévision—montrait une plantation au milieu de laquelle on avait complètement abattu un âcre de bois, et on disait que c'était la quantité de bois nécessaire pour bâtir une maison, une maison courante.

Mme Carolyn Parrish: Et qu'est-ce qu'il arrive au Douglas taxifolié? J'aimerais vous parler d'une chose qui m'est arrivée. Mon père avait fait construire notre maison, et on venait juste de faire rénover la cuisine. Il devait bien y avoir quatre couches de plancher dans la cuisine, et l'humidité s'était infiltrée sous chacune d'entre elles. À mesure qu'on enlevait des couches on nous disait: «Ma foi, le plancher du dessous va devoir être remplacé». C'était du Douglas taxifolié, et le plancher avait l'air tout neuf. Apparemment, on ne sert plus de contreplaqué de Douglas taxifolié pour bâtir des maisons. C'est plus solide que l'acier, et cela vous permet d'économiser à long terme. Cependant les constructeurs disent qu'ils ne peuvent plus s'en procurer. Qu'est-ce qui se passe?

M. Peter deMarsh: Je ne sais pas si l'un d'entre nous peut répondre à cette question. Peut-être que certains de vos collègues de la Colombie-Britannique le pourraient, mais ce n'est pas quelque chose que nous connaissons très bien ici dans l'est du Canada.

• 1215

Mme Carolyn Parrish: Cela m'a beaucoup impressionnée. À mesure qu'on enlevait toutes ces couches de plancher, on pouvait voir l'humidité provenant de fuites de lave-vaisselle et d'autres accidents qui peuvent se produire dans une cuisine. L'humidité avait stagné là pendant 25 ans, mais aussitôt sec le bois était en parfait état. Il a suffi de poser le plancher dessus. Ce bois me semble donc supérieur à l'acier. Il est fantastique. En produit-on toujours?

Le président: John vous pourriez peut-être répondre à cette question. Avez-vous terminé, Carolyn?

Mme Carolyn Parrish: Oui.

Le président: John Duncan.

M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Réf.): Le Douglas taxifolié apte au déroulage est si recherché pour sa qualité de sciage qu'il fait monter le prix du contreplaqué. On ne produit plus pour ainsi dire du tout de contreplaqué de Douglas taxifolié. Je pense que Richply en fait encore un peu, mais il est très difficile de s'en procurer.

Une voix: Je peux me rendre à votre boisé.

M. John Duncan: D'accord. Je veux bien.

J'aimerais obtenir une précision car un détail m'a peut-être échappé; vous dites en effet que 90 p. 100 des boisés au Canada ne sont pas reconnus en tant qu'exploitations agricoles. Donc, pour ces 90 p. 100 et plus de propriétaires de boisés, est-ce que l'exemption pour gains en capital de 500 000 $, s'applique ou non?

M. Peter deMarsh: Elle ne s'applique pas à ceux qui ne sont pas des producteurs agricoles.

M. John Duncan: Autrement dit, à plus de 90 p. 100 des propriétaires de boisés. D'accord.

J'ai étudié cette question fiscale, et il me semble qu'un grand nombre de problèmes tiennent à la définition qu'on donne d'un boisé. Je sais que vous en avez parlé dans votre exposé. Est-ce que votre organisation a tenté de rédiger, pour fins d'impôt, une définition de boisé de ferme ou de boisé de forêt? Le cas échéant, pourrions-nous obtenir la proposition que vous avez rédigée.

M. Peter deMarsh: Nous avons des propositions écrites eu égard à la définition qu'il faudrait trouver dans la Loi de l'impôt sur le revenu pour régler les problèmes que nous avons soulevés. Nous ne nous contentons plus de dire tout simplement que nous pensons que ces problèmes se posent. Leur existence est déjà reconnue par Revenu Canada et le ministère des Finances. Le tout est de savoir quel est le meilleur moyen de résoudre le problème.

Le nouveau bulletin d'interprétation publié l'été dernier nous a déçu car il montrait que ces problèmes ne peuvent pas être réglés en faisant simplement comprendre à Revenu Canada comment poussent les arbres. C'est ce qu'on avait espéré au début: à savoir que si Revenu Canada comprenait que l'éclaircissement des peuplements ne différait pas en principe de l'éclaircissement des plants de carotte, cela devrait ainsi régler le problème. À la fin du bulletin, on pouvait lire en conclusion: «nous comprenons les questions, et nous reconnaissons qu'il y a un problème à régler. Malheureusement, le libellé de la loi nous empêche d'appliquer aux exploitations sylvicoles l'interprétation que nous appliquons aux exploitations agricoles. Nous ne pouvons tout simplement pas le faire à cause du libellé de la loi.»

Voilà où nous en sommes maintenant: trouver le meilleur moyen de changer la loi ou quelqu'autre moyen de régler le problème.

M. John Duncan: Je comprends que le bulletin d'interprétation ne modifie pas la loi, et ce qu'il faut c'est modifier la loi.

Cette lettre du ministre des Finances est déjà à la disposition du comité, n'est-ce pas?

M. Peter deMarsh: Certainement.

M. John Duncan: Votre organisation a-t-elle une position définie sur l'Accord sur le bois d'oeuvre résineux?

M. Peter deMarsh: À l'échelle nationale, pas plus que dans la plupart des provinces, nous n'avons pas directement participé aux discussions ni aux négociations touchant cet accord. Je pourrais peut-être demander à mes collègues du Québec de se prononcer, mais, de façon générale, ce qui nous intéresse c'est de maintenir la libre circulation des exportations. Nous comptons naturellement sur le marché de consommation finale pour vendre nos produits aux scieries et à d'autres utilisateurs.

M. John Duncan: Je me rendrai à Washington dans une semaine environ pour traiter de cette question, et quiconque a un intérêt véritable dans ce dossier et fait la promotion du libre-échange devrait se faire entendre, parce que plus de gens se prononceront plus on fera avancer cette cause.

Je vous écoute.

• 1220

M. Victor Brunette: Nous, au Québec, sommes ambivalents face à l'Accord de libre-échange, et je vais vous dire pourquoi. Le gouvernement de la province nous impose des droits de coupe qui ne sont pas ce qu'ils devraient être. Nous essayons de négocier avec nos partenaires, que ce soit l'industrie ou le gouvernement, pour que les choses changent.

La révision du régime forestier en vigueur pourrait entraîner ces changements. Pour nous, ce serait le meilleur moyen de régler les problèmes que nous avons dans la province relativement au prix équitable du bois provenant des terres domaniales. Nous espérons pouvoir arriver à régler ces questions.

Par contre, la United States Lumber Coalition for Fair Lumber Imports nous a dit qu'elle partageait notre désir de voir un peu augmenter au Québec le prix du bois provenant des terres de la Couronne et nous a demandé si nous étions prêts à collaborer avec elle. Je ne crois que nos motifs soient les mêmes. Nous n'avons même pas encore rencontré les représentants de la coalition.

Nous sommes d'accord pour que les prix soient équitables, mais nous sommes contre les droits compensateurs parce qu'ils touchent également les propriétaires de boisés. Peu importe si, dans notre province, une scierie s'approvisionne en bois provenant d'une terre de la Couronne ou d'un terrain privé; une fois qu'elle atteint un certain contingent, elle doit payer des droits supplémentaires pour exporter le bois, et très souvent, il s'agit de bois provenant de terres privées. Le propriétaire de la scierie peut décréter, une fois qu'il a atteint son contingent, qu'il offrira 200 $ de moins qu'avant, par 1 000 pieds-planches, par exemple. Dans de tels cas, le propriétaire de boisés est pénalisé en raison des droits compensateurs. Il fait partie de ceux qui doivent absorber le coût de ces droits. Dans ces cas-là, nous disons constamment que nous sommes d'accord avec le libre-échange et que nous appuierons le gouvernement et l'industrie dans la libéralisation des échanges commerciaux.

Par contre, nous avons à résoudre certains problèmes à l'intérieur de la province, qui touchent à la fois le bois tendre et le bois dur. Actuellement, au Québec, les propriétaires de boisés perdent 100 millions de dollars par an parce que le prix du bois sur pied les désavantage. Nous espérons pouvoir améliorer le prix du bois sur pied dans les terres de la Couronne grâce à nos négociations avec le gouvernement de notre province.

M. John Duncan: Mais vous perdez également des recettes à cause du contingent imposé sur le bois de résineux, n'est-ce pas?

M. Victor Brunette: En partie...

M. John Duncan: Vous ne pouvez peut-être pas définir ou quantifier cette perte, et les distorsions s'accroîtront avec le temps.

M. Victor Brunette: Oui. Nous perdons également des recettes parce que nous ne sommes pas en mesure de commercialiser du bois provenant de lots privés à cause de la concurrence. C'est un problème qui nous touche plus gravement. Mais à l'heure actuelle, les problèmes des propriétaires de boisés ne viennent pas vraiment du bois tendre; le bois dur pose un problème dans tout l'est du Canada, qui s'est aggravé par suite de la tempête de verglas.

M. John Duncan: D'accord. Je suppose qu'un problème interne devrait être résolu à l'interne.

J'ai une brève question à poser sur le rétablissement en terres forestières des terres agricoles peu productives. Avez-vous une estimation de ce que cela représenterait, pour ce qui est des terres privées, dans les différentes régions du Canada?

M. Peter deMarsh: Nous pouvons vous fournir des chiffres. Nous les transmettrons au comité. Nous avons une estimation de ce que cela pourrait représenter dans chaque province.

Le président: Veuillez envoyer ces renseignements à notre greffière, qui veillera à nous les transmettre à son tour.

M. John Duncan: Merci beaucoup.

Le président: Monsieur Reed, aviez-vous des observations pour conclure?

M. Julian Reed: Non, merci, monsieur le président.

Le président: Je suis content que vous ayez saisi l'allusion.

Merci beaucoup, messieurs. Vos réponses nous ont beaucoup éclairés. Vous avez en tout cas répondu à deux des questions que nous examinons. Merci de votre patience. Les membres du comité ont eu un peu plus de temps pour pouvoir poser toutes leurs questions. La réunion a été très intéressante. Merci d'être venus nous rencontrer.

• 1225

La séance est levée.