Passer au contenu
Début du contenu

NDVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS

COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 29 février 2000

• 1531

[Traduction]

Le président (M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.)): Je déclare ouverte cette séance du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants, notre deuxième séance aujourd'hui.

Général, vous savez peut-être que nous avons entendu ce matin un professeur américain et un Russe et plusieurs autres personnes du Project Ploughshares. Nous avons eu un échange de vues animé et intéressant.

Nous sommes ravis d'accueillir aujourd'hui au comité le général George Macdonald, commandant en second du NORAD. Il s'agit évidemment du général canadien George Macdonald. Il est accompagné du colonel David Higgins. Bienvenue à vous aussi, monsieur.

Je veux remercier et le général Macdonald et le colonel Higgins, et aussi tous les membres de votre état-major, qui ont fait preuve d'une grande hospitalité envers quatre membres du comité, et précédemment déjà envers M. Laurin. Cinq d'entre nous au moins avons eu ainsi l'occasion de visiter Colorado Springs et Cheyenne Mountain. Quatre d'entre nous y sommes allés récemment, il y a un mois environ, et nous avons trouvé le voyage extrêmement instructif. Nous avons été extrêmement bien reçus, général, par vous-même et vos collaborateurs. Je vous en remercie encore une fois et vous demande de transmettre notre gratitude à vos collaborateurs à Colorado Springs.

Pour votre gouverne, nous n'avons pas oublié les discussions que nous avons eues avec les membres des FC. Nous travaillons sur une réponse. Nous voulons nous assurer de prendre contact avec les personnes voulues. Nous leur ferons part de notre réponse, par votre intermédiaire, prochainement. Encore une fois, merci.

Vous avez la parole. Nous sommes impatients de vous entendre sur un sujet très important pour ce pays, général.

Le lieutenant-général George E.C. Macdonald (commandant en second, Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord, Base aérienne de Peterson, Colorado): Merci beaucoup, monsieur le président. Permettez-moi de dire tout d'abord que c'est un grand plaisir pour moi d'être ici cet après-midi. Je vous remercie de l'invitation et de cette occasion de m'adresser à cet important comité.

Je pense que la plupart d'entre vous connaissez le NORAD. Il s'agit d'une alliance très fructueuse entre le Canada et les États-Unis, qui existe maintenant depuis 42 ans. Nous avons évolué tout au long des quatre dernières décennies en fonction des circonstances. Tout au long de ces quatre décennies, nous nous sommes adaptés à la politique de défense en évolution du Canada et des États-Unis.

Les difficultés n'ont pas été absentes. Certains pensent que le NORAD a disparu à la fin de la guerre froide et ne connaissent pas notre mission actuelle en l'an 2000. Ils croient que les responsabilités se sont arrêtées avec la guerre froide et ne voient pas les défis auxquels il se trouve pourtant confronté. En fait, nous traversons une période de transition particulièrement importante pour la relation de défense bilatérale entre le Canada et les États-Unis. L'un de ces défis, bien entendu, et le principal sujet de préoccupation, est la défense nationale antimissiles.

Avec votre permission, monsieur le président, j'aimerais d'abord faire un bref tour d'horizon du NORAD, pour faire le point des problèmes actuels qui se posent à lui, avant d'aborder l'un des sujets clés qui nous intéressent à ce stade, à savoir la défense nationale antimissiles. Étant donné que je représente le NORAD, je pense être particulièrement qualifié pour traiter de ces sujets. Nous sommes basés au quartier général du NORAD à Colorado Springs.

[Français]

Je suis devenu commandant en chef adjoint de NORAD il y a deux ans. Auparavant, j'étais commandant de la région canadienne de NORAD, à Winnipeg. Je pense donc que je suis assez au courant des sujets reliés à NORAD. Je suis ici comme officier militaire qui s'occupe des opérations de NORAD au quotidien.

J'ai étudié la présentation de M. Bon et les questions que vous lui avez posées jeudi dernier et j'ai essayé d'inclure des réponses à certaines questions dans ma présentation de cet après-midi.

• 1535

Je suis ici pour répondre à vos questions, pour vous aider à comprendre les sujets relatifs à NORAD et au Système national antimissiles. Mais, naturellement, je ne peux pas parler au nom du gouvernement du Canada ou du gouvernement des États-Unis. Je ne suis pas membre de l'état-major de la Défense nationale ici, à Ottawa.

Je vais faire toute ma présentation en anglais afin d'être en mesure de vous expliquer exactement, efficacement et en détail la nature de NORAD et aussi les termes qui sont communs à NORAD et au système NMD.

[Traduction]

Je vais passer à travers ces diapositives très rapidement, monsieur le président. Elles contiennent des renseignements assez touffus, mais je ne vais aborder que les éléments saillants au fur et à mesure, puisque vous en avez le texte sous les yeux.

Comme vous êtes nombreux à le savoir, le NORAD a vu le jour en 1958, à titre de commandement binational. Il est actuellement installé à la base aérienne de Peterson, située d'un côté de Colorado Springs, et le centre opérationnel du NORAD se trouve à Cheyenne Mountain, de l'autre côté de la ville. Le NORAD est commandé par un général américain quatre étoiles et un adjoint canadien à trois étoiles, moi-même. L'accord lui-même n'impose pas que le commandant en chef soit un Américain, bien que ce soit devenu la coutume. Évidemment, le commandant en chef du NORAD est responsable devant ce que nous appelons les autorités nationales de commandement tant du Canada que des États-Unis, puisquÂil s'agit d'une organisation binationale.

La collaboration en matière de défense entre le Canada et les États-Unis a en fait commencé pendant la Seconde Guerre mondiale avec l'accord d'Ogdensburg, qui a abouti à la création de la Commission permanente mixte de défense et, ultérieurement, du Comité de coopération militaire, qui restent tous deux très actifs aujourd'hui et font un travail utile pour notre défense mutuelle. Le premier accord du NORAD a été signé en 1958 et a été renouvelé huit fois depuis lors, le prochain renouvellement devant avoir lieu en 2001. Il constitue véritablement le fondement de nos activités de défense bilatérales.

La structure du NORAD se décompose en un quartier général à Colorado Springs et trois commandements régionaux au niveau opérationnel, si on veut les appeler ainsi. Le premier de ces commandements est le quartier général d'Elmendorf pour la région Alaska du NORAD. La région canadienne du NORAD a son quartier général à Winnipeg. La région des États-Unis continentaux du NORAD a son QG dans la péninsule de Floride, soit à la base des forces aériennes de Tyndall. Chacune de ces régions comprend un certain nombre de secteurs de défense aérienne, le SDA canadien étant situé à North Bay. Nous collaborons très étroitement avec les commandements qui nous jouxtent, principalement les commandements maritimes sur les côtes est et ouest du Canada et des États-Unis.

La structure de commandement du NORAD rassemble des officiers canadiens et américains. Le commandant en chef du NORAD est le général Ed Eberhart, qui vient d'entrer en fonction le 18 février. Je suis son second canadien. Les trois régions NORAD de l'Alaska, du Canada et des États-Unis continentaux ont pour commandant en chef et second des Canadiens et des Américains. Le commandant canadien de la région canadienne du NORAD est le major-général Lloyd Campbell, basé à Winnipeg, et j'étais son prédécesseur.

On retrouve des Canadiens à tous les niveaux du NORAD, tant au Canada qu'à l'étranger. Je suis responsable des Canadiens qui travaillent au sein du NORAD en dehors du Canada, et qui sont au nombre de 268. Ils sont concentrés principalement au quartier général installé au centre opérationnel de Cheyenne Mountain à Colorado Springs, mais on en trouve également dans plusieurs autres sites des États-Unis continentaux et de l'Alaska et il y en a même un au Groenland. L'abréviation SWS signifie Space Warning Squadron, escadron d'alerte aérospatiale. Vous voyez sur la diapositive le nombre de Canadiens dans chaque site.

• 1540

Cette diapositive vous montre donc que les Canadiens sont dispersés à travers tout le territoire du NORAD et sont affectés à quantité de missions différentes qui toutes tournent autour de la mission nationale de défense antimissiles dont je parlerai tout à l'heure.

Les Canadiens remplissent des fonctions importantes et très diverses à tous les niveaux du NORAD. Nous ne sommes nullement considérés comme des citoyens de seconde zone au sein de l'organisation. Nous travaillons tout à fait sur un pied d'égalité avec nos homologues américains, sachant bien sûr que notre contribution globale au NORAD est proportionnellement plus faible que celle des États-Unis. Nous travaillons également à certaines fonctions liées à l'espace et cherchons à accroître la présence de l'armée de terre et de la marine dans des postes du NORAD traditionnellement réservés aux forces aériennes.

La prochaine diapositive résume les missions du NORAD et je vais les passer en revue tour à tour avec les quelques diapositives qui suivent.

Les missions du NORAD procèdent bien évidemment de l'Accord NORAD et on peut les résumer comme combinant l'alerte aérospatiale et le contrôle aérospatial. C'est évidemment cela qui constitue la raison d'être des responsabilités que nous assumons en matière de défense aérospatiale.

La première grande mission est donc l'alerte aérospatiale. Elle est énoncée au bas de la diapositive: «Surveillance d'objets artificiels dans l'espace», et ce qui importe peut-être encore plus: «détection, validation et avertissement d'attaques dirigées contre l'Amérique du Nord par des avions, des missiles ou des véhicules spatiaux».

Il faut bien voir que la mission du NORAD n'est confinée ni au ciel ni à l'espace, mais couvre les deux, d'où la notion de défense «aérospatiale».

Pour pouvoir donner l'alerte, il nous incombe tout d'abord de détecter et d'identifier toute menace potentielle contre l'Amérique du Nord, puis de fournir une évaluation des menaces aux autorités responsables du Canada et des États-Unis.

Lorsque je parle de menaces aériennes, j'entends les bombardiers ou missiles de croisière, c'est-à-dire les vecteurs volant dans l'atmosphère et sustentés par l'air. S'agissant de la menace des missiles, nous parlons essentiellement des missiles balistiques, ceux qui transitent par l'espace avant de revenir dans l'atmosphère. Et lorsque nous parlons de menace spatiale, nous parlons de véhicules en orbite ou qui menacent l'Amérique du Nord depuis leur orbite ou sont susceptibles de retourner dans l'atmosphère pour une attaque. Ce sont donc aussi bien les aéronefs, que les missiles et les engins spatiaux.

L'autre grand volet de notre responsabilité est le contrôle aérospatial, qui comporte deux éléments: la souveraineté aérienne et la défense aérienne. Il s'agit donc de surveiller et contrôler l'espace aérien—pas l'air et l'espace, mais l'espace aérien, la portion atmosphérique de l'atmosphère, pour le Canada et les États-Unis.

La souveraineté aérienne est le droit traditionnel de tout pays de protéger son espace aérien. Elle met en jeu la détection, l'identification et l'interception éventuelle de toute cible apparaissant sur nos écrans radars. C'est une mission permanente même en temps de paix, et qui incombe à toutes les nations. Vous pouvez voir sur les photos que nous utilisons pour cela des avions de chasse, bien entendu, et l'autre photo montre un radar monté sur dirigeable que nous déployons également pour cette mission.

Le deuxième volet de notre mission de contrôle de l'espace aérien intéresse la défense aérienne. Il s'agit là du rôle de dissuasion, soit la capacité de contrer une menace contre l'Amérique du Nord en réagissant à une attaque aérienne par l'interception et l'identification, puis la destruction de la cible si nécessaire, en cas de guerre. Voici donc, outre la souveraineté aérienne, le volet défense ultime de notre mission de contrôle aérospatial.

La liste des capacités, sur la diapositive suivante, comprend une liste d'éléments dont je vais traiter, sauf deux. Il s'agit tout d'abord d'une liste des capacités dont nous disposons pour remplir notre mission. Je vais les passer en revue, à l'exception du système aéroporté d'alerte et de contrôle. C'est l'avion AWACS, avec le radar protubérant que nous utilisons de temps à autre pour la surveillance aérienne. Je n'entrerai pas dans le détail du système de surveillance ni sur le réseau qui existe.

• 1545

Ce réseau est principalement exploité par les forces américaines qui en sont le propriétaire, mais des Canadiens sont basés dans un certain nombre de sites de détection qui appuient le réseau de surveillance spatiale. On repère ainsi les engins spatiaux pour déterminer lesquels sont amis et lesquels peuvent représenter une menace, afin de pouvoir distinguer l'un de l'autre lors d'une rentrée éventuelle dans l'atmosphère.

J'ai une diapositive pour chacune des capacités qui suivent, en commençant avec le programme de soutien de la défense.

Le programme de soutien de la défense consiste en une série de satellites détecteurs d'infrarouges qui tournent constamment autour de la terre afin de repérer une source d'infrarouge à la surface de la terre, soit tout missile balistique lancé avec un moteur de fusée produisant des infrarouges. Cette série de satellites en orbite très haute nous donne la capacité de détecter les départs de missiles balistiques en n'importe quel point du globe. Ces satellites nous donnent donc la première indication d'un lancement de missile balistique.

Nous avons en outre, un ensemble de radars de surveillance des missiles balistiques détectant principalement un véhicule réentrant dans l'atmosphère ou le missile balistique lui-même lorsqu'il entre dans la zone de balayage du radar. Vous pouvez voir que le déploiement de ces radars privilégie le Nord. Comme vous pouvez le voir dans le coin supérieur gauche de la diapositive, les points jaunes sont situés dans les coins nord et est de l'Amérique du Nord, et il y en a également un au Royaume-Uni et deux dans les États-Unis continentaux, que vous voyez sur la carte dans le coin inférieur droit. Ces radars permettent de détecter les véhicules réentrant ou les ogives nucléaires d'un missile balistique et prédire leur point d'impact. Ils nous donnent la deuxième indication d'une attaque contre l'Amérique du Nord, après le repérage des satellites à infrarouge.

Autre outil, les radars dits atmosphériques. C'est là le réseau de radars de surveillance que les gens associent le plus couramment au NORAD. Ils englobent l'ensemble des radars du système d'alerte du Nord, le nom donné au périmètre nord du Canada précédemment appelé ligne DEW, le réseau d'alerte avancé. Ces radars ont été modernisés depuis. Comme vous pouvez le voir, un autre réseau encercle les États-Unis et l'Alaska.

Ce système de surveillance aérospatial est complété par une série d'aérostats, des radars montés sur ballon situés le long de la côte sud des États-Unis, principalement la frontière avec le Mexique et la mer des Caraïbes. Ces radars permettent de scruter la surface depuis le ciel et ont une meilleure couverture à faible altitude. Ces radars collectivement nous permettent de repérer les avions ou missiles de croisière et de déclencher l'alerte.

Nous avons, bien entendu, des avions de combat. Ils sont situés dans des stations d'alerte disséminées dans toute l'Amérique du Nord. Ces dix sites sont les stations où nous avons des avions en alerte permanente, à raison de deux chacun, pour un total de vingt. Vous pouvez voir qu'au Canada les principaux sites sont Cold Lake, en Alberta et Bagotville au Québec. Nous pouvons nous déployer vers des sites plus au nord et aussi des sites plus à l'est et à l'ouest.

Nous pensons que la distribution de ces dix sites représente un risque raisonnable s'agissant de poursuivre toute cible, c'est-à-dire prendre l'air pour identifier toute cible donnée pouvant apparaître sur nos écrans radar, étant donné le risque relativement mince qui existe en l'an 2000. En temps de guerre, le nombre d'avions de combat pouvant être déployés dans ces sites et d'autres passerait de 20 à environ 330, soit toujours un chiffre très faible comparé aux quelques 3 400 avions de chasse dont disposait le NORAD au plus fort de son activité.

Nous avons également un système de commandement et de contrôle. La photo dans le coin inférieur gauche montre le centre de commandement de Cheyenne Mountain et le centre d'opérations de Colorado Springs, que certains membres du comité ont visité plus tôt cette année.

La diapositive suivante décrit l'évolution de la menace à laquelle le NORAD a été confronté au fil des ans. Initialement, bien entendu, il y avait ce que l'on pourrait appeler la menace traditionnelle, soit celle émanant de l'ancienne Union soviétique et de la Chine, qui englobe leurs arsenaux nucléaires, transportés par des missiles air-sol, mer-sol ou sol-sol intercontinentaux.

• 1550

Bien que ces menaces subsistent—la capacité n'a pas disparu—l'intention a clairement changé depuis la fin de la guerre froide. Nous nous inquiétons donc moins de l'imminence d'une attaque venant de Russie et de Chine que pendant la guerre froide. Nous nous concentrons davantage sur les menaces figurant dans la partie inférieure de la diapositive. Initialement, la prolifération des missiles et armes de destruction massive est une source d'inquiétude pour tous les pays du monde. C'est notre cas aussi, responsables comme nous le sommes de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord.

Nous jouons également un rôle dans la lutte contre le trafic de drogue, l'appréhension et la détection des trafiquants cherchant à faire passer des drogues en contrebande au Canada ou en Amérique du Nord. Nous avons un rôle d'appui. C'est principalement un travail de police et nous appuyons celle-ci avec nos moyens.

Comme tous les grands commandements militaires, nous sommes préoccupés par la menace que représentent les acteurs ou nations non dissuadés. Il s'agit là principalement de mouvements terroristes, susceptibles de poser des bombes ou de lancer une attaque chimique contre une grande ville. Ce n'est pas une menace propre au NORAD, elle vise tout un chacun.

Une activité plus nouvelle est la défense informatique. Comme tous les autres commandements, il s'agit pour nous de veiller à ce que nos systèmes informatiques et télématiques soient adéquatement protégés contre toute infiltration—piratage, destruction ou toute autre menace. Il importe que nous établissions un équilibre entre toutes ces menaces. Il importe que notre réaction soit raisonnable et en rapport avec les ressources dont nous disposons—et bien entendu avec la menace qui pourrait se profiler à l'avenir.

La première menace qui a toujours été là et le sera peut-être toujours émane de la Russie. Cette diapositive montre la triade nucléaire russe, depuis les ICBM jusqu'aux missiles balistiques lancés par sous-marins en passant par les missiles de croisière lancés d'avions. Ce sont toutes là des capacités nucléaires qui représentent les trois piliers de l'arsenal nucléaire russe.

Bien que le stock d'armes nucléaires de missiles balistiques de la Russie ait diminué au fil des ans, sa capacité actuelle reste formidable. Elle possède quelque 800 plates-formes de lancement avec 5 000 ogives nucléaires toujours capables d'atteindre l'Amérique du Nord. La Russie reste résolue à préserver la force de frappe de chaque élément de sa triade nucléaire. Elle poursuit la R-D militaire afin d'assurer le maintien de cette capacité et l'existence des moyens de contrôle et de la modernisation voulue pour que cette triade nucléaire reste efficace.

Elle reste donc pour l'ouest la principale menace, sur le plan de sa capacité, sinon de ses intentions. Nous n'escomptons pas une attaque nucléaire massive, ni même une frappe nucléaire ponctuelle de la part de la Russie. Mais néanmoins la capacité subsiste.

Je signale en outre que la détérioration des forces conventionnelles russes fait que ce pays compte maintenant davantage sur sa capacité nucléaire.

L'autre pays qui a actuellement la capacité d'atteindre l'Amérique du Nord avec des missiles balistiques intercontinentaux est la Chine. Elle dispose de sous-marins lanceurs et de systèmes de lancement terrestre. Son arsenal est beaucoup plus réduit que celui de la Russie, mais la Chine accroît régulièrement sa capacité. Son stock actuel est d'environ 20 missiles balistiques intercontinentaux.

Je dois rectifier une erreur sur la diapositive puisquÂon y dit que les missiles balistiques intercontinentaux sont au nombre de 60. Ce chiffre englobe des missiles de plus courte portée qui ne sont pas intercontinentaux. Donc, le chiffre réel de ses missiles pouvant atteindre l'Amérique du Nord est d'une vingtaine.

Elle aussi poursuit la R-D. Comme on l'a vu, elle possède un SBM, un sous-marin capable de lancer des missiles balistiques. Mais la Chine ne représente pas une menace immédiate. Sa doctrine ne prévoit pas la première frappe. Ses ogives ne sont pas montées en permanence sur les missiles. Elle n'est donc pas en mesure de lancer des missiles armés à tout moment. Néanmoins, nous ne pouvons perdre de vue l'existence de cette capacité.

• 1555

La dimension la plus inquiétante des missiles balistiques pour l'Amérique du Nord réside peut-être chez d'autres pays du monde. La plupart des missiles balistiques sont de courte portée, c'est-à-dire régionale. Néanmoins, cette menace évolue.

La Corée du Nord est peut-être le principal pays aujourd'hui ou dans l'avenir proche à représenter une menace avec des missiles balistiques de longue portée. Son missile Taepo Dong, lancé il y a environ 18 mois, possède une capacité qui nous a surpris. Nous ne pensions pas que la Corée avait une capacité à aussi longue portée que celle qu'elle met manifestement au point.

Nul autre pays n'a encore mis au point un missile balistique intercontinental pouvant frapper l'Amérique du Nord, mais les renseignements qui nous parviennent montrent que la Corée du Nord pourrait bien disposer de cette capacité d'ici cinq ans environ. L'Iran pourrait probablement s'en doter en l'espace de dix ans et l'Iraq peut-être de vingt.

Évidemment, nous ne sommes jamais sûrs de l'évolution des choses et une surprise technologique n'est pas à exclure.

Au bas de la diapositive vous voyez une affirmation vraie, bien qu'elle ne devrait pas figurer sur cette page. En effet, je parlerai des missiles de croisière un peu plus tard.

Pour résumer la menace que représentent les missiles balistiques, vous voyez ici la liste des pays qui possèdent ou mettent au point une capacité de missiles balistiques.

Les missiles balistiques constituent une capacité populaire, visible, capable de rassembler la population d'une nation. Ils dissuadent l'agression. Ils représentent un outil pour ce que l'on pourrait appeler la «diplomatie coercitive», ainsi qu'une menace de frappe sans préavis et à longue portée contre les pays comme le Canada et les États-Unis. Après ce résumé portant sur les missiles balistiques, j'aimerais dire quelques mots des missiles de croisière.

Cette diapositive montre les niveaux de développement des pays du monde en matière de missiles de croisière. Quelque 70 pays du monde possèdent des missiles de croisière. Ce sont généralement de petits engins volant à faible altitude, certains ayant une très longue portée, comme ceux des États-Unis et de la Russie. Ils peuvent être lancés à partir du sol, de la mer ou de l'air. Ce sont des armes à propulsion aérobie. Bien que la technologie des missiles de croisière et leur portée n'aient pas atteint celles des missiles balistiques, c'est une menace à long terme sérieuse pour l'Amérique du Nord.

La majorité des missiles de croisière sont montés sur des navires, autrement dit il s'agit de missiles mer-mer ou mer-sol. Comme vous l'aurez vu dans la diapositive précédente, le Canada possède une technologie de missile de croisière, soit les missiles Harpoon de notre marine.

Ces missiles de croisière ont été principalement mis au point par la Russie et la Chine et d'autres pays avancés, mais la prolifération est en cours et devrait se poursuivre. Ils peuvent être lancés à partir de navires, pas nécessairement à partir du sol ou d'avions. Ils peuvent être lancés presque à bout portant et sans délai d'avertissement. Le NORAD a donc lieu de se préoccuper de sa capacité à nous défendre efficacement contre eux.

Je précise à ce sujet que la défense nationale antimissiles s'adresse aux missiles balistiques. Elle ne représente pas une défense contre les missiles de croisière qui volent plus lentement, à plus faible altitude, dans l'atmosphère.

Cette diapositive décrit la vision du NORAD pour les dix prochaines années. Sans vouloir m'y attarder, vu le manque de temps, j'attire votre attention sur le cercle entourant le faisceau de flèches portant les mots «supériorité de l'information». Cela traduit la nécessité pour nous de disposer des systèmes informatiques et télématiques voulus pour remplir notre mission, car tout en dépend. La mission de défense du réseau informatique que j'ai mentionnée tout à l'heure s'applique évidemment à cette capacité.

J'aimerais également attirer votre attention sur les quelques diapositives qui suivent pour insister sur la dépendance du NORAD à l'égard des capacités basées dans l'espace. De fait, nous utilisons tous les jours au NORAD les cinq capacités montées à bord de véhicules spatiaux. Elles contribuent à la stabilité et à la confiance dans le monde, et notamment à sa stabilité nucléaire.

• 1600

L'alerte antimissiles, soit l'avant-dernière capacité montrée ici, est apportée par les satellites à infrarouge du programme de soutien de la défense dont j'ai fait état tout à l'heure.

Cette dernière capacité, soit le renseignement, la surveillance et la reconnaissance, nous permet de déceler tout développement éventuel pouvant se muer en menace contre l'Amérique du Nord, c'est-à-dire d'être prévenus à temps des agissements d'adversaires.

Comme nous le montre la diapositive suivante, l'espace représente également un centre de gravité économique. De fait, je parie que beaucoup seraient surpris de savoir à quel point nous dépendons dans notre vie quotidienne des capacités spatiales. Le Canada est l'un des pays actifs dans l'espace. Nous avons un certain nombre de satellites en orbite à l'heure actuelle et, d'ailleurs, nous avons été le troisième pays dans l'espace après la Russie et les États-Unis. Nous dépendons des capacités spatiales pour les télécommunications, les renseignements météorologiques, l'action environnementale, etc.

La prochaine diapositive est la dernière que je vais projeter dans cette introduction sur le NORAD. Elle dresse la liste des enjeux auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui. J'ai déjà parlé de la capacité de défense contre les missiles de croisière et mentionné l'évolution de la défense informatique et son importance. J'ai indiqué également que le renouvellement de l'accord NORAD, bien que ne prêtant pas à controverse, devra également intervenir sous peu. J'ai brièvement signalé la nécessité que le public sache ce que fait le NORAD et comprenne qu'il a une mission en évolution, importante pour l'avenir.

Le dernier enjeu, et peut-être le plus brûlant, est la défense nationale antimissiles. Je vais consacrer le restant de mon exposé à expliquer les enjeux et préoccupations à l'égard de la défense nationale antimissiles.

Il faut bien savoir que le programme national de défense antimissiles a été mis au point par les États-Unis pour la protection des États-Unis. Il est fondé sur la menace telle que la perçoivent les États-Unis, sachant que la menace traditionnelle de la Russie et de la Chine subsiste mais, comme je l'ai mentionné, à un niveau d'intention bien inférieur à celui du passé. Mais la prolifération des missiles balistiques dans le monde accroît le risque d'une attaque venant d'un État marginal ou d'un tir accidentel dans un avenir pas trop lointain. Que l'attaque soit intentionnelle ou non, la défense nationale antimissiles fournira une capacité très limitée de se défendre.

Les exigences opérationnelles adressées à ce système de défense nationale antimissiles américain consistent à protéger tous les 50 États, y compris Hawaii et l'Alaska, bien entendu, contre une attaque limitée. Il ne s'agit pas de repousser une attaque massive russe ou un grand nombre de missiles balistiques, mais seulement une attaque limitée. Deux autres critères s'appliquent: le contrôle est confié à un être humain de façon à être soumise à un certain jugement, mais avec l'appui de ce que nous appelons «un système de gestion de bataille hautement automatisé», c'est-à-dire un système informatique automatisé qui seconde le décideur.

Comme M. Bon l'a expliqué la semaine dernière, le système de défense nationale antimissiles va être déployé, si la décision en est prise, progressivement, en commençant avec la capacité de se défendre contre un petit nombre de missiles, jusqu'à cinq, ce chiffre devant atteindre ultérieurement 20.

Les missiles devenant de plus en plus sophistiqués, ils sont maintenant dotés de contre-mesures telles que leurres et autres dispositifs de «déception» montés à bord et de complexité variable. Le système devra évoluer de façon à surmonter ces dispositifs de leurrage. Mais encore une fois, ce n'est pas le système «guerre des étoiles» envisagé dans les années 80. C'est un système limité qui viserait le genre d'attaque représentée sur cette diapositive, soit une attaque intentionnelle d'un État terroriste, c'est-à-dire un petit nombre de missiles, ou un tir accidentel. Il pourrait s'agir d'un lancement russe ou chinois purement accidentel, ou un lancement non autorisé où une personne aurait obtenu les codes et réussi à lancer un missile.

Une centaine d'intercepteurs sont actuellement prévus, comparés aux 20 initialement envisagés, pour des raisons d'économie d'échelle et pour pouvoir déployer un nombre raisonnable d'intercepteurs en vue d'annihiler jusqu'à 20 missiles.

• 1605

La prochaine diapositive décrit l'évolution de la défense nationale antimissiles aux États-Unis, depuis ce que l'on appelait l'Initiative de défense stratégique dans les années 80 jusqu'à ce que l'on appelle maintenant le Programme national de défense antimissiles. Vous pouvez voir que le point culminant de cette activité interviendra très prochainement, avec ce que l'on appelle la décision de préparation au déploiement qui devrait être prise en juin de cette année. Cela pourrait entraîner une décision du président des États-Unis cet automne de déployer ou de ne pas déployer le système ou d'en retarder le déploiement. Si la décision de déploiement était prise, la capacité opérationnelle initiale devrait être atteinte en 2005. Encore une fois, cela viserait une attaque venant d'un État en marge ou d'une attaque non autorisée ou accidentelle et représenterait une dissuasion. On introduit ainsi une conception très différente de la doctrine actuelle de la destruction mutuelle assurée.

À l'heure actuelle, si une attaque est lancée contre les États-Unis, le seul choix est entre accepter l'attaque et subir les conséquences ou bien procéder à des représailles. Avec le système de défense nationale antimissiles, si un petit nombre ou un seul missile se dirige vers l'Amérique du Nord ou les États-Unis, il est possible de se défendre contre l'attaque et de laisser faire ensuite le jeu diplomatique.

La diapositive suivante montre la panoplie de capacités dont le système de défense nationale antimissiles est composé. Je me ferai un plaisir de répondre aux questions détaillées que vous pourriez avoir à ce sujet.

En haut à gauche vous voyez les mêmes satellites que ceux du programme de soutien de la défense dont j'ai parlé précédemment, qui détecteraient la trace infrarouge d'un lancement de missile balistique.

En haut à droite vous voyez un autre élément du système satellite qui améliorerait la détection à l'avenir.

En bas à gauche, vous voyez une série de radars en bande X, comme on les appelle, qui serviraient à la poursuite à haute résolution d'un missile en vol et permettraient de distinguer entre la cible réelle et les leurres, ou de localiser la position exacte d'une cible.

En bas au centre on voit les radars d'alerte lointaine améliorés. Ce sont là les mêmes radars de détection de missiles balistiques dont j'ai fait état antérieurement, qui seraient améliorés afin de leur donner une plus grande finesse de détection.

En bas à droite on voit ce que l'on appelle l'intercepteur basé au sol. Il faut savoir que cet intercepteur ou cette capacité de détruire un missile balistique n'utilise pas d'ogives explosives, nucléaires ou conventionnelles, mais une tête cinétique. Autrement dit ces têtes sont montées sur des missiles lancés vers le missile attaquant pour détruire ce dernier avec la seule force d'impact. C'est donc une destruction physique de la cible, sans explosion d'aucune sorte ni détonation nucléaire. C'est une balle frappant une balle, comme on dit.

La photo du milieu en haut représente le système de gestion de bataille, de commandement, de contrôle et de communication, qui représente l'âme du système de défense envisagé. Il serait installé au centre d'opérations de Cheyenne Mountain, à Colorado Springs.

Nombre des outils de cette panoplie servent aussi à remplir la mission actuelle du NORAD, la mission d'alerte et de contrôle aérospatiale, que j'ai décrite au début.

J'ai indiqué que les États-Unis procéderaient en juin de cette année à ce que nous appelons l'examen de préparation au déploiement, qui représente en fait une évaluation du programme à ce stade. C'est sur cette base que sera prise la décision de déployer ou non les systèmes. Les facteurs qui seront pris en compte sont énumérés sur la diapositive, c'est-à-dire les facteurs clés dont vous voudrez certainement discuter plus avant. Le premier est évidemment la confirmation de la menace, ce qui est chose à peu près faite aux États-Unis depuis l'adoption l'an dernier de la National Missile Defense Act.

Le véritable élément clé aux États-Unis sera l'évaluation de la technologie elle-même. Le prochain essai de missile était prévu pour la fin avril ou le début mai de cette année. Si cet essai est réussi, ce sera un critère important pour la décision de juin. Évidemment, les conditions du Traité sur les missiles antimissiles balistiques seront aussi un facteur majeur de la décision américaine dans ce domaine.

• 1610

Ma dernière diapositive résume la situation actuelle sur le plan des activités bilatérales en cours touchant la défense contre les missiles balistiques. Les États-Unis, donc, mettent activement au point un système et se préparent à le déployer. Ils négocient avec la Russie les aspects mettant en jeu le Traité sur les missiles antimissiles balistiques, mais apparemment sans grand succès jusqu'à présent.

Le Canada poursuit les recherches et consultations, conformément au Livre blanc de 1994. Nous dépensons environ un millions de dollars par an pour ce programme. Nous suivons les progrès réalisés dans les négociations sur les missiles antibalistiques en raison de leur haute importance pour le gouvernement canadien, et nous nous tenons au courant des progrès et enjeux de la défense nationale antimissiles. À l'évidence, une consultation bilatérale étroite s'impose afin que nous restions au diapason des enjeux entourant cette importante initiative de défense aérospatiale de l'Amérique du Nord.

Voilà qui conclut mon exposé, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, général Macdonald.

À l'intention des collègues qui n'ont pas eu la possibilité de se rendre à Cheyenne Mountain, nous y avons eu un breffage très semblable de la part du général Macdonald et de ses collaborateurs et nous avons pu voir sur place tous les équipements pendant nos deux jours là-bas, et observer à l'oeuvre le personnel canadien et américain dans l'exercice de la mission du NORAD. Je recommande hautement à tous ceux qui n'ont pas eu l'occasion d'y aller de saisir la prochaine qui se présentera. Je sais que M. Clouthier sera d'accord avec moi, car il a été de ce voyage passionnant.

Général, vous connaissez notre procédure. Nous allons maintenant passer aux questions des membres des deux côtés de la table. Nous commençons toujours par l'opposition officielle.

Collègues, vous disposez de sept minutes, mais il s'agit de sept minutes de questions et de réponses. Et je vous encourage à poser des questions concises afin de laisser le maximum de temps pour les réponses et davantage de questions—et je dis cela pour nous tous. Je pense que cela facilite réellement la discussion.

Je vais commencer avec M. Hanger, comme d'habitude, pour sept minutes.

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Merci, monsieur le président.

Merci beaucoup de votre exposé, général. Il a été précieux, en tout cas pour moi, et probablement aussi pour les autres membres du comité qui n'ont pas visité les installations du NORAD. Je suis impatient de le faire moi-même.

J'ai une question qui vous concerne. Mon but n'est pas de vous embarrasser ni rien du genre. Le magazine Jane's Defence Weekly cite des propos que vous auriez tenus, à l'effet que le Canada pourrait se retirer du NORAD—c'est une citation que l'on vous attribue—si le MND, le programme de défense nationale antimissiles était adopté. Pourriez-vous clarifier votre position à ce sujet?

Lgén George Macdonald: Absolument, monsieur, et avec grand plaisir. Effectivement, mes propos ont été mal interprétés et le Jane's Defence Weekly l'a reconnu. Il a publié un rectificatif dans le numéro suivant, suite à une lettre que je lui ai adressée.

Je considère la participation canadienne à la défense nationale antimissiles comme un enjeu important du NORAD. Notre réaction à ce programme et la participation que nous aurons ou non à une initiative de défense aérospatiale aussi fondamentale pour l'Amérique du Nord influera très largement sur l'avenir du NORAD.

Le président: Je ne déduirai pas ceci de votre temps, monsieur Hanger. J'ai ici le numéro du 9 février de Jane's contenant la rétraction, où le magazine admet avoir mal interprété la position du général Macdonald—et je distribuerai cela aux membres une fois la traduction effectuée.

M. Art Hanger: Merci, monsieur le président.

J'ai été surpris par votre dernière diapositive. Vous avez dit que le Canada contribue quoi, un million, à toute cette opération? Ai-je bien entendu?

Lgén George Macdonald: Oui, monsieur.

M. Art Hanger: Si le Canada contribue un million de dollars, quelle proportion du coût total cela représente-t-il?

Lgén George Macdonald: Il n'est peut-être pas tout à fait exact de dire que le Canada contribue un million de dollars. Nous, Canadiens, dépensons un million de dollars pour des activités de R-D dans le cadre de nos engagements relatifs aux missiles balistiques. C'est conforme à notre intention déclarée dans le Livre blanc concernant les recherches et consultations dans ce domaine.

Toutefois, c'est un montant minuscule comparé à ce que les États-Unis ont dépensé au fil des ans et prévoient de dépenser dans les années à venir si une décision de déploiement est prise. Entre 2000 et 2005, les États-Unis prévoient d'engager un peu plus de 10 milliards de dollars pour la phase initiale de déploiement, au cas où la décision serait prise de déployer le système. Les estimations sur les montants dépensés jusqu'à présent varient, mais la fourchette que j'ai vue va de 40 milliards à 60 milliards de dollars dépensés pour la technologie qui a permis aux États-Unis d'arriver au stade actuel.

• 1615

M. Art Hanger: Si le Canada disait non à la participation—et nous n'avons d'ailleurs même pas encore été invités—à la défense nationale antimissiles, pensez-vous que les États-Unis seraient toujours aussi intéressés à ce que le Canada participe au NORAD?

Lgén George Macdonald: Comme je l'ai mentionné, c'est un enjeu extrêmement important pour le NORAD.

M. Art Hanger: Oui.

Lgén George Macdonald: Il y a là quelques considérations pratiques. Comme je l'ai mentionné, le système actuel, notre mission d'alerte et de détection des menaces aérospatiales basée à Cheyenne Mountain, à Colorado Springs, est assurée conjointement par des Américains et des Canadiens travaillant côte à côte.

De nombreux éléments des installations servant actuellement à remplir notre mission font appel aux mêmes ordinateurs, aux mêmes écrans d'affichage, à la même infrastructure que celle qui servirait à la mission de défense antimissiles balistiques. La défense antimissiles balistiques, comme prolongement de l'alerte contre les missiles balistiques que nous assurons aujourd'hui, à titre de simple alerte aérienne, représente l'étape préliminaire de la défense aérienne si celle-ci était déployée, si bien qu'il y a des considérations pratiques fondamentales concernant l'utilisation du NORAD ou l'application du NORAD à la structure de contrôle schématique.

Si les Canadiens refusaient de participer, on ne sait pas comment cela fonctionnerait dans la pratique à Cheyenne Mountain, ou comment on confinerait les Canadiens au rôle auquel nous sommes partie prenante et comment on les tiendrait à l'écart du rôle de défense contre les missiles balistiques. J'ai l'impression qu'une fonction comme la mienne dans la chaîne de commandement du NORAD deviendrait non viable, car je ne serais plus en mesure que de participer à la partie de la mission correspondant à la défense aérospatiale d'ensemble de l'Amérique du Nord.

Mais il y a peut-être un enjeu encore plus large, à savoir la perception du refus canadien de participer à un prolongement du rôle auquel nous avons contribué ces dernières 42 années, depuis la création du NORAD. Ce serait la première fois que le Canada et les États-Unis se sépareraient concernant l'évaluation d'une menace commune et la manière d'y réagir. Conjugué à d'autres frictions entre nos deux pays portant sur le niveau de partage du fardeau de la défense entre le Canada et les États-Unis, cela pourrait bien marquer l'étape initiale d'une atrophie du NORAD.

La participation ou non du Canada à la défense nationale antimissiles peut être soit porteuse de promesses soit d'inquiétude pour l'avenir du NORAD. Nous devrons décider le moment venu la position ultime que nous voulons adopter, si et quand les États-Unis décident de déployer le système.

M. Art Hanger: On entend toutes sortes de murmures—et peu m'importe qu'ils proviennent de l'industrie de défense—concernant le mauvais état des relations entre le Canada et les États-Unis, avec la perte de notre statut de faveur dans les appels d'offre pour les marchés de défense. J'ai entendu dire l'autre jours que les Britanniques seraient très intéressés à occuper la position que le Canada détient aujourd'hui au sein du NORAD. Il faut se demander, ou du moins je me pose la question en tant que politique, ce qui cause réellement ce malaise entre nos deux pays. À votre avis, celui-ci ira-t-il grandissant au fur et à mesure que ces frictions, comme vous les appelez, se traduisent par des barrières entre nous?

Lgén George Macdonald: Je ne veux pas spéculer à ce sujet, mais je peux faire état de certains faits annoncés publiquement. Monsieur Hamre, le sous-secrétaire à la Défense, dans une allocution prononcée à Calgary la semaine dernière, a déclaré:

    Nous voulons une puissance militaire plus forte à notre frontière. Et nous craignons, franchement, que les Canadiens ne partagent pas toujours cette perception.

Il estime que le Canada ne contribue pas autant à la défense que les Américains le souhaiteraient. Même si cette perception n'est pas partagée par tout le monde, c'est certainement une source de tension.

• 1620

Du point de vue du partage de l'information, le problème récent avec l'ITAR, le partage ou la divulgation à l'étranger de renseignements sur les échanges entre le Canada et les États-Unis, est préoccupante pour nous. Alors que les Canadiens ont été exclus dans une certaine mesure de l'accès aux renseignements relatifs à la défense nationale antimissiles, nous craignons qu'un pays étranger—autre que les États-Unis—obtiennent accès à certaines données technologiques sensibles. J'engloberais le problème ITAR dans la liste des points de friction, comme je l'ai mentionné, car c'est pour nous un problème véritable et quotidien.

M. Art Hanger: Craignez-vous que nous soyons remplacés?

Lgén George Macdonald: Non, monsieur. Je n'ai entendu parler d'aucun autre partenariat éventuel.

[Français]

Le président: Monsieur Laurin, vous avez sept minutes.

M. René Laurin (Joliette, BQ): Merci.

Au sujet de la mission de NORAD, général Macdonald, en rapport avec la diapositive traitant de la souveraineté aérienne, vous dites qu'une des missions est de détecter, d'identifier et d'intercepter. On parle déjà ici d'interception de tout objet qui pourrait venir de l'extérieur. Est-ce qu'on fait une différence entre un intercepteur et un capteur? Dans le système de défense, le NMD, on parle aussi de capteurs. Quelle est la différence entre les deux?

Lgén George Macdonald: Ici, monsieur, il est question de l'interception d'un avion pour la mission d'air sovereignty, surtout pour identifier une menace potentielle. C'est le terme qu'on utilise habituellement pour indiquer qu'on envoie un intercepteur afin de savoir si une cible est vraiment hostile ou non.

M. René Laurin: Donc, il ne s'agit pas de l'interception d'un missile.

Lgén George Macdonald: Non, pas du tout.

M. René Laurin: D'accord.

Ensuite, dans une autre diapositive, celle qui traite des radars atmosphériques, on voit la ceinture du système DEW. Elle se déploie tout autour de l'Alaska, le long de la frontière nord du Canada, des frontières est du Canada et des États-Unis, de la frontière sud des États-Unis et de la frontière nord des États-Unis. Cependant, à l'ouest, une seule partie n'est pas fermée, et c'est l'Ouest canadien. Pourtant, à l'ouest des États-Unis, on voit des bases de radars atmosphériques qui sont installées. Pourquoi cet espace de l'Ouest canadien ne requiert-il pas de radar atmosphérique?

Lgén George Macdonald: Il y a un radar sur l'île de Vancouver près de Holberg, mais il n'y a pas de radar dans la péninsule de l'Alaska. La décision a été prise par les États-Unis, il y a une quinzaine d'années, de ne pas dépenser d'argent pour y installer des radars. Si vous vous représentez la position des îles Aléoutiennes, au sud de l'Alaska, vous voyez qu'il est très difficile de les contourner et d'attaquer l'Amérique du Nord. La surveillance n'est donc pas si importante du côté ouest du Canada.

Mais nous avons la capacité de déployer quelques radars mobiles à certains endroits sur la côte ouest si c'est nécessaire.

M. René Laurin: Il ne s'agit donc pas d'un refus d'y installer des systèmes de défense, refus qui daterait du passé. Il ne s'agit pas non plus d'une faille dans le système de protection de cette frontière.

Lgén George Macdonald: Non.

M. René Laurin: J'aimerais que vous me fassiez des commentaires sur l'existence de la NMD. Est-ce que ce système de défense vient compléter celui de NORAD? Si les bases antimissiles étaient installées, le rôle que NORAD aurait à jouer serait-il moins important? Est-ce que les deux se complètent ou si l'un vient remplacer l'autre à certains égards?

[Traduction]

Lgén George Macdonald: J'aimerais répondre à votre question en anglais, si vous le permettez.

L'hypothèse, jusqu'à présent, est que le NORAD serait l'organe de commandement contrôlant la défense nationale antimissiles. Cette dernière ne remplacerait pas le NORAD mais pourrait plutôt être, si elle est déployée et si le Canada y participe, un élément de la mission du NORAD.

• 1625

Si la décision était prise par le Canada de ne pas participer à la défense nationale antimissiles, nous croyons savoir que les Américains déploieraient néanmoins le système de gestion de bataille, de commandement et de contrôle à Cheyenne Mountain et dans tous les États-Unis, mais que le commandement et le contrôle de ce système relèveraient d'un autre organisme, pas du NORAD.

[Français]

M. René Laurin: Puisque le Canada n'a pas été invité, jusqu'à maintenant, à faire partie de ce système, comment peut-on voir le Canada jouer un rôle par-devers lui dans NORAD?

[Traduction]

Lgén George Macdonald: Je suis d'accord avec l'avis exprimé par M. Bon jeudi dernier: il suffirait probablement que le Canada se dise intéressé à participer pour que les États-Unis nous y invitent.

Nous ne sommes pas en désaccord là-dessus. Je pense qu'il y a eu suffisamment de consultations à ce sujet pour que, si nous faisions part de notre intérêt, les États-Unis réagiraient avec au moins une invitation à négocier la participation. Je ne pense pas qu'il y ait de risque que nous soyons exclus contre notre gré de la possibilité de participer si les États-Unis décident de déployer le système.

[Français]

M. René Laurin: Il y a quelque chose là-dedans qui est un peu dérangeant, mon général. Pourquoi le Canada, pour être invité, devrait-il manifester son intérêt? Si les États-Unis sont intéressés à ce que le Canada soit présent dans le développement de ses bases, ils devraient eux-mêmes en faire la demande au Canada, puisqu'ils sont les initiateurs du projet. Si les États-Unis sont intéressés à ce que le Canada en fasse partie, il me semble qu'ils devraient prendre l'initiative d'inviter le Canada. Pourquoi le Canada devrait-il lui-même prendre l'initiative de s'adresser aux États-Unis pour les prier de l'inviter à participer à ce système?

[Traduction]

Lgén George Macdonald: Encore une fois, je ne veux pas me livrer à des spéculations sur la position précise des États-Unis, mais il est clair que le programme de défense antimissiles est structuré de manière à défendre les 50 États américains et contenu dans une infrastructure qui n'engloberait pas le Canada, en fonction des intérêts de sécurité nationale tels que les perçoivent les États-Unis. Je ne pense pas qu'ils excluraient la possibilité d'une participation canadienne, comme je l'ai dit, mais je crois aussi qu'ils aimeraient que le Canada fasse part d'un désir de participer.

Le commandant en chef du NORAD part du point de vue, dans ce que nous appelons le concept opérationnel en cours d'élaboration, que le NORAD aura le commandement du système antimissiles balistiques éventuellement déployé, et que le Canada et les États-Unis exerceraient ce commandement de concert à Cheyenne Mountain, etc. Mais ce n'est qu'une hypothèse pour le moment. Il n'y a pas eu de négociation ni d'échanges de vues qui pourraient déclencher une invitation officielle ou une déclaration formelle du Canada de son désir de participer—jusqu'à présent.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Laurin.

[Traduction]

Nous passons maintenant à ce côté-ci de la table, collègues.

Général, pour votre gouverne, M. Proud vient d'être élu président du groupe parlementaire de l'OTAN ici, à Ottawa. Un certain nombre de nos collègues ici participent également à ce groupe. M. Hanger en est le vice-président. D'autres collègues travaillent activement dans cette assemblée, et je vais donc accorder la première question ou le premier tour à M. Proud.

M. George Proud (Hillsborough, Lib.): Merci, monsieur le président.

Bienvenue, général Macdonald. Comme le président l'a dit, nous avons eu le plaisir ce matin d'entendre des représentants de Project Ploughshares. Ils ont répété avec insistance qu'il n'existe aucun système qui puisse arrêter des missiles balistiques. Par ailleurs, nous savons—ou on nous amène à croire—que la menace est réelle. Il y a un danger. Il est réel. Nul, je pense, ne le niera. L'affirmation que la NMD n'est actuellement pas techniquement faisable est-elle fondée? Et si c'est vrai, pourquoi les États-Unis se lanceraient-ils dans ce projet s'ils n'ont pas la capacité technique d'arrêter ces missiles?

• 1630

Lgén George Macdonald: Eh bien, monsieur, il ne fait aucun doute que le programme de défense nationale antimissiles est une entreprise très difficile, de haute technologie et à haut risque, mais les États-Unis ont investi beaucoup de temps et d'efforts et d'argent à mettre la technologie au point. Je crois savoir d'ailleurs que la véritable difficulté ne réside pas dans les technologies individuelles des détecteurs ni du véhicule d'interception, mais plutôt dans l'intégration de toutes les données et la coordination des différents éléments.

Le programme comporte un certain nombre d'essais en vol. Un certain nombre de ces essais ont déjà été réalisés et beaucoup d'autres sont prévus. Le premier vol d'essai, comme vous l'avez peut-être lu dans la presse, a été considéré comme un échec en ce sens que le missile tueur n'a pas réellement intercepté la cible. La réalité est que l'essai a échoué seulement dans les six dernières secondes, lorsque le refroidisseur du dernier détecteur d'infrarouge a fait défaillance, si bien que l'intercepteur a manqué la cible d'un cheveu seulement, d'une très faible marge. De nombreux autres éléments antérieurs du test, tout le lancement et la détection et la séparation de la cible, ont très bien marché.

L'évaluation du directeur du programme de défense antimissiles balistiques est que, s'il est certes regrettable que l'interception effective n'ait pas eu lieu, le système a très bien marché jusqu'à ce stade et la défaillance n'est considérée que comme un pépin mineur dans le programme d'ensemble.

Donc, s'il y a bien eu quelques défaillances et quelques problèmes, tout indique que la technologie finira par être mise au point de telle façon que la décision pourra être prise dès juin de cette année.

En tant que membres du NORAD, nous avons participé à quelques simulations NMD, comme on les appelle, pour examiner les divers scénarios d'attaque de l'Amérique du Nord par des missiles et la manière dont le système de défense fonctionnerait. Je peux vous assurer que le système, bien que très complexe, est très avancé et il est évident que les États-Unis investissent énormément pour qu'il marche, et marche bien.

Je ne sais pas si la technologie sera prête en juin de cette année ou seulement dans un an ou deux, mais je suis sûr qu'elle finira par l'être et que le système actuel est suffisamment prometteur pour réfuter l'affirmation de vos témoins de ce matin.

M. George Proud: Vous êtes donc satisfait des essais effectués jusqu'à présent et espérez que celui d'avril aura plus de succès que les précédents? Et si c'est le cas, le système obtiendra probablement le feu vert des États-Unis?

Lgén George Macdonald: Je ne suis pas Américain et non plus membre du programme, mais d'après ce que j'ai pu observer le système est très prometteur. Même si l'essai d'avril ou de mai ne réussit pas, je suis sûr qu'il y en aura d'autres qui réussiront. Si l'essai d'avril ou mai réussit et aboutit à une interception et remplit les critères énoncés par le nouveau programme, tous les éléments seront réunis pour la prise d'une décision en juin. Ainsi, le président des États-Unis pourrait se voir recommander de déployer le système si ce prochain essai réussit.

M. George Proud: Une autre allégation de ce groupe ce matin est que ce programme n'est qu'une étape vers un autre de plus grande envergure et probablement la Guerre des étoiles II, ou quelque chose du genre. Il pense que cette étape, ce NMD, n'est que le début de quelque chose de beaucoup plus vaste. Avez-vous une opinion là-dessus?

Lgén George Macdonald: Comme je l'ai indiqué dans une des diapositives, il est prévu de déployer graduellement un plus grand nombre de missiles, mais surtout de développer la capacité à surmonter les contre-mesures des missiles. Mais la réalité est qu'il n'y a pas de défense efficace contre une attaque massive.

M. George Proud: Non.

Lgén George Macdonald: On avait estimé le coût des systèmes de la Guerre des étoiles des années 80 à des centaines de milliards de dollars. Il est inabordable et irréaliste de déployer un système pouvant anéantir un nombre important de missiles. Ce système semble donc réellement un système de défense limité contre des tirs accidentels ou non autorisés ou individuels.

• 1635

M. George Proud: Votre système actuel, celui du NORAD, peut détecter les missiles ou avions arrivants, ce genre de chose. Vous avez indiqué dans vos diapositives que le missile de croisière peut être tiré depuis des navires à très courte distance. Pouvez-vous les détecter? Avez-vous la capacité de détecter des missiles de croisière arrivants?

Lgén George Macdonald: Oui, monsieur, nous en avons la capacité, grâce à nos radars atmosphériques. Ce sont ceux mentionnés tout à l'heure par M. Morin qui sont situés à la périphérie du continent. En outre, les AWACS, les radars aéroportés, sont utiles pour cela. Et les radars montés sur aérostats ont également la capacité de surveiller la surface de la terre. Nous pouvons donc les détecter.

Mais un missile de croisière est une cible très difficile. Elle est petite, elle peut voler à très faible altitude et, si elle est lancée d'un cargo ou d'une plate-forme très proche, nous pouvons n'avoir que très peu de préavis de son arrivée. Donc, si nous avons la capacité de le détecter avec de bons renseignements, nous sommes néanmoins exposés à une attaque surprise.

M. George Proud: D'accord. Je vous remercie.

Le président: Nous passons à M. Earle pour sept minutes.

M. Gordon Earle (Halifax-Ouest, NPD): Merci, monsieur le président.

Pour revenir sur la capacité de ce système, vous avez mentionné d'autres essais, et s'ils échouent, d'autres encore. Au cours de ces essais, met-on à l'épreuve l'élément surprise? Parce que je doute, si un État hors-la-loi ou quelqu'un va procéder à un tir non autorisé, que vous ayez un préavis. Alors que pendant un essai, je suppose qu'on est averti et que tout est mis en place pour cela. Il me semble que c'est là un arrangement structuré, alors qu'une attaque non autorisée ne sera pas nécessairement structurée. Est-ce que le système est prévu pour cela?

Lgén George Macdonald: Votre question comporte deux éléments, monsieur.

Pour ce qui est du premier, les essais, une série d'essais est programmée. On en prévoit actuellement, je crois, 17 ou plus. Donc, même après la décision de déploiement, le cas échéant, une série d'essais aura lieu sur plusieurs années de façon à asseoir la confiance dans le système et ses capacités.

Un essai est toujours une affaire très organisée, comme vous dites. On lance une cible, on a un intercepteur, on suit les deux au millimètre et on évalue le résultat. Une attaque non autorisée ou surprise interviendra sans préavis, mais nous avons actuellement la capacité au NORAD de donner l'alerte aérospatiale, c'est-à-dire de détecter une attaque surprise venant de n'importe où dans le monde.

Nous sommes bien renseignés et rarement surpris, mais lorsqu'un missile balistique est lancé, nous le voyons, et nous pouvons déterminer d'où il vient et à peu près où il va. S'il visait effectivement l'Amérique du Nord, nous pourrions donner l'alerte, suivre et évaluer largement en temps voulu. De fait, nous suivons une procédure très stricte et rigoureuse pour déclencher l'alerte aussi rapidement que nécessaire.

Nous sommes donc préparés à cela maintenant, et l'existence d'un système de défense antimissiles balistiques donnerait à l'Amérique du Nord ou aux États-Unis la possibilité de se défendre contre l'attaque, au lieu de simplement en subir les conséquences.

M. Gordon Earle: Vous avez dit que le programme a été mis au point par les États-Unis et pour les États-Unis sur la base de la perception américaine des menaces. À ce stade, est-ce que les militaires canadiens partagent cette perception américaine des menaces? Admettons-nous la réalité ou l'existence de la menace et partageons-nous les préoccupations des Américains à leur égard?

Lgén George Macdonald: Généralement, oui. Il y a toujours quelques divergences d'opinion et d'analyse concernant le temps qu'il faut pour qu'apparaisse une certaine menace, mais il ne fait aucun doute que nous sommes à peu près d'accord sur la capacité existante ou potentielle, vu la prolifération et les échanges de technologie intervenant chaque jour.

M. Gordon Earle: Vous avez mentionné également dans votre exposé que la décision sur le déploiement serait prise au vu de certains facteurs, dont le Traité ABM, Cela semble être un gros écueil. Nous avons entendu ce matin que la Russie est très opposée à toute mesure américaine contraire au traité. Quelle est la position des militaires canadiens à ce sujet? Ne pensons-nous pas qu'il faut régler soigneusement ce problème avant que le Canada ne s'associe à ce projet?

• 1640

Lgén George Macdonald: Le gouvernement canadien a clairement indiqué sa préoccupation concernant le Traité sur les missiles antimissiles balistiques. Nous considérons celui-ci comme un important pilier de la stabilité nucléaire et du maintien de la confiance, et le Canada et d'autres pays ont dit leur inquiétude devant l'éventualité qu'une partie ou l'autre abroge unilatéralement ce traité. C'est donc un grave souci. Les forces armées canadiennes n'ont pas de position. Nous nous rangeons évidemment derrière le gouvernement canadien.

M. Gordon Earle: Enfin, pensez-vous que d'autres mesures pourraient être entreprises, je suppose principalement sur le front diplomatique, pour écarter la nécessité de ce projet?

Lgén George Macdonald: On peut toujours espérer que la diplomatie parvienne à instaurer ou renforcer la stabilité dans le monde.

Les États-Unis restent néanmoins préoccupés. Nous ne parlons pas seulement d'un lancement intentionnel, mais même d'un tir accidentel venant de Chine ou de Russie, ce qui me paraît très peu probable. Mais si la capacité existe de se défendre contre cette sorte de menace, alors les États-Unis jugent qu'il est dans leur intérêt et comme un impératif de leur sécurité nationale de déployer un système qui le permet.

M. Gordon Earle: Savons-nous si la Chine et la Russie mettraient au point un système similaire pour elles-mêmes?

Lgén George Macdonald: Les Russes possèdent déjà un système antimissiles balistiques. Le traité a été signé en 1972 et les Russes ont déployé un système d'intercepteurs pour protéger Moscou. Les États-Unis avaient mis au point un système qui devait être déployé pour protéger les silos de missiles du Dakota du Nord, mais l'ont plus tard démantelé. Donc, il n'en existe pas actuellement en Amérique du Nord, mais il y en a un en Russie. Pour la Chine, je ne sais pas.

M. Gordon Earle: Merci.

Le président: Merci, monsieur Earle.

Incidemment, en tant qu'étudiant et enseignant de l'histoire canadienne, lorsque j'ai rencontré le général Macdonald la première fois, j'avais relevé l'orthographe de son nom, avec le «d» minuscule. Je dis cela à l'intention de Mme Wayne. Je me suis renseigné et il a confirmé être apparenté à un certain Sir John A. Macdonald. Madame Wayne, je savais que cela vous intéresserait, et c'est votre tour de poser des question au général Macdonald.

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Merci beaucoup.

Je dois dire que je suis très heureuse que nous participions au NORAD et collaborions avec les États-Unis, car sincèrement je doute que des pays comme la Russie, la Chine ou la Corée du Nord se doteraient de missiles balistiques s'ils n'avaient pas l'intention un jour ou l'autre de s'en servir. Je pense que nous devons certainement nous préparer à cette éventualité.

Vous dites que la menace des missiles de croisière va croissant et que nous devons absolument nous y préparer. La seule façon de le faire est de nous appuyer sur les États-Unis, qui travaillent là-dessus depuis longtemps.

Pourquoi ces autres pays prendraient-ils la peine de construire ces missiles balistiques s'ils n'avaient pas une raison derrière la tête? Pourquoi prendre cette peine? Les États-Unis le savent et nous le savons maintenant, et il ne fait aucun doute pour moi que nous devons participer. Je m'inquiète donc sérieusement, vraiment, lorsque j'entends dire comme ce matin que nous ne devrions pas participer et nous tenir loin de ce projet. Cela m'indigne réellement.

Vous dites ici que la menace émergente contre l'Amérique du Nord vient probablement de la Corée du Nord. Pensez-vous que ce soit une menace plus grande que la Russie ou la Chine?

Lgén George Macdonald: Oui, madame. Les Russes et les Chinois ont manifestement la capacité aujourd'hui, mais, comme je l'ai dit, ils ne manifestent pas l'intention d'attaquer. La Russie a une relation différente avec l'Occident depuis la fin de la guerre froide et la Chine applique une doctrine de non-premier-emploi, comme nous l'appelons. Elle n'a pas l'intention d'employer l'arme nucléaire de façon offensive.

• 1645

La Corée du Nord, en revanche, a démontré et l'intention et une certaine capacité, ce qui constitue une menace. Elle a lancé le 31 août 1998 un missile Taepo Dong 1 qui tentait de mettre une charge sur orbite. La tentative a échoué, de peu, mais si elle avait réussi elle aurait prouvé la volonté de mettre au point une arme de longue portée pouvant transporter une charge sur plusieurs centaines de kilomètres, peut-être un jour jusqu'en Amérique du Nord.

Mme Elsie Wayne: J'ai informé les témoins de ce matin que j'ai participé à Saint Pétersbourg à une conférence de 54 pays, dont six ou huit ont voté contre une motion demandant la suppression des arsenaux nucléaires. L'un d'eux était la Corée du Nord. Je peux vous dire que c'était assez terrifiant, lorsqu'on se trouvait là. La Russie en était un autre. Tous ces autres pays du monde disaient qu'il est temps de se débarrasser de ces arsenaux, parce que nous n'en avons pas réellement besoin vu que nous voulons tous collaborer entre nous. Six ou huit pays—j'ai le chiffre quelque part dans mon bureau—ont dit non et j'ai été réellement étonnée en voyant desquels il s'agissait.

Je pense donc qu'il est réellement impératif pour nous de participer au NORAD et de continuer à collaborer avec nos collègues de l'autre côté de la frontière. Je suis ravie que vous soyez ici, monsieur, et j'espère que vous continuerez à rester à la page, car je ne veux jamais voir un missile de croisière venir exploser chez nous, ça c'est sûr—au moins pas tant que je serai là.

Le président: Vous ne voulez pas qu'il atterrisse à Saint John.

Mme Elsie Wayne: Non, qu'ils n'essaient pas. C'est sûr.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, madame Wayne.

Nous allons maintenant passer au deuxième tour de questions. C'est un tour de cinq minutes. Nous allons commencer de nouveau avec M. Hanger.

M. Art Hanger: Merci.

Général, je veux m'assurer de bien comprendre. Le site de défense nationale antimissiles sera installé en un seul endroit pour tout le continent. Est-ce exact?

Lgén George Macdonald: L'architecture du système de défense nationale antimissiles envisagé prévoit plusieurs sites, mais un seul site principal de commandement et de contrôle, à Colorado Springs. Les intercepteurs au sol seront groupés dans un autre site, mais manifestement des détecteurs seront déployés un peu partout. Il y aura également des installations de commandement et de contrôle de secours. Donc, la fonction surveillance sera dispersée, mais les intercepteurs seront regroupés en un seul lieu et le centre principal de commandement et de contrôle dans un autre.

Le président: Pour la gouverne de M. Hanger et de nous tous, est-ce que les missiles eux-mêmes seront regroupés dans le site de l'Alaska?

Lgén George Macdonald: En fait, deux sites de missiles sont proposés, un dans le Dakota du Nord et l'autre en Alaska. L'Alaska semble être le site unique le plus approprié pour la protection de tous les 50 États.

M. Art Hanger: Et on a l'intention, au fil du temps, d'augmenter le nombre d'intercepteurs. Est-ce exact? Si le déploiement est décidé pour 2005, on mettra en place initialement un nombre limité d'intercepteurs, et on augmentera le chiffre les années suivantes.

Lgén George Macdonald: Le déploiement initial devrait comporter 100 intercepteurs. La décision de déploiement initiale, si elle est prise, prévoira 100 intercepteurs, donnant une capacité opérationnelle initiale d'un plus petit nombre en 2005 environ.

M. Art Hanger: Si le Canada devait participer au programme de défense nationale antimissiles, combien cela nous coûterait-il, à votre avis? Je suppose que le montant sera conséquent.

Lgén George Macdonald: C'est une question intéressante, monsieur. Je ne peux réellement pas vous donner de réponse précise car nous n'avons pas eu de pourparlers ou de négociations avec les Américains à ce sujet.

• 1650

Mais je ne pense pas qu'il faille sauter à la conclusion que ce serait coûteux. Nous avons la possibilité de contribuer à la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord en collaboration avec les Américains, notamment à la défense antimissiles balistiques, sans nécessairement engager énormément de ressources. Le programme, comme je l'ai dit, est américain et, s'il est adopté, il sera financé par les États-Unis sans nécessairement une participation financière du Canada.

Je pense personnellement que si le Canada choisissait de participer, il est presque trop tard pour apporter une contribution tangible au déploiement initial, ni sur le plan industriel ni sur le plan financier. Peut-être la meilleure solution serait-elle de rechercher quelque autre contribution que nous pourrions faire à nos besoins de défense mutuelle, en remplacement d'une participation directe au déploiement naturel du système. Cette contrepartie pourrait consister en un renforcement de notre capacité de surveillance spatiale ou une autre mesure négociée jugée comme une alternative acceptable à l'investissement direct dans le système de défense nationale antimissiles.

Je ne peux vraiment pas prédire quel serait le résultat d'une négociation à ce sujet, mais il ne faut pas conclure que ce serait nécessairement prohibitif.

M. Art Hanger: Cette explication me donne une idée plus claire de ce qui s'est réellement passé. Si l'on y regarde bien, les États-Unis n'ont pas besoin du Canada du tout pour ce programme. Ils peuvent déterminer le périmètre qu'ils vont défendre et l'ont probablement déjà fait. Je conçois bien pourquoi ils veulent établir un tel système. Le rôle du Canada dans tout cela étant très limité, nous pourrions être mis complètement sur la touche. Ils n'auraient même pas besoin du territoire canadien. Ils pourraient fonctionner à l'intérieur du périmètre qu'ils ont établi et très bien se débrouiller sans le Canada.

Lgén George Macdonald: C'est tout à fait vrai. Ils n'ont besoin de déployer aucun élément du système en territoire canadien. Le territoire canadien ne joue aucun rôle. Nous parlons là d'espace et d'interception d'un véhicule dans l'espace. Le financement est prévu dans le budget de la défense américain. La technologie et tout le contrôle du programme appartiennent évidemment aux Américains.

Peut-être l'anomalie est-elle que nous avons collaboré très fructueusement au sein du NORAD pendant près de quatre décennies a la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord. Ceci est clairement un prolongement de notre mission actuelle, et si la technologie n'existait pas auparavant, elle pourrait exister dans un avenir très proche et la décision être prise de la déployer.

On peut s'attendre, et je confirme la réponse de M. Bon la semaine dernière, que les Américains seraient certainement ouverts à cette idée. Si nous leur faisons part de notre intérêt, nous pourrions trouver une façon d'étendre l'Accord de défense aérospatiale nord-américain appliqué jusqu'à présent à cette mission particulière.

M. Art Hanger: Je pense qu'il serait très sage pour notre pays de le faire.

Le président: Merci, général.

Monsieur Proud.

M. George Proud: Merci, monsieur le président.

Pensez-vous que le Canada devrait prendre l'initiative et demander à participer? Il doit bien y avoir une raison faisant que les États-Unis ne nous l'aient pas demandé. Je ne sais pas quelle est la raison, mais ils n'ont pas demandé la participation canadienne. Pensez-vous que nous devrions prendre l'initiative et devenir un partenaire dans ce projet?

Lgén George Macdonald: Permettez-moi de parler d'abord de la raison pour laquelle les États-Unis ne nous ont pas invités. L'une, je pense, est notre préoccupation déclarée à l'égard du Traité sur les missiles antimissiles balistiques. Franchement, les États-Unis ne vont pas poser une question à laquelle ils risquent de recevoir une réponse négative ou ambiguë.

Pour nous, il s'agit avant tout de bien réfléchir aux conséquences pour le Canada, pour notre accord NORAD, pour notre relation de défense avec les États-Unis.

• 1655

Je ne pense pas que le Canada soit obligé de prendre une décision immédiate. D'ailleurs, le ministre de la Défense nationale a déclaré que nous n'en prendrions pas tant que les États-Unis n'auraient pas décidé de déployer le système. Mais, dans l'intervalle, il importe que les Canadiens connaissent les faits et les répercussions de ce système pour nous, afin que nous fassions une évaluation intelligente des options du Canada. Il incombe à des gens comme moi et au NORAD de veiller à ce que nos dirigeants et notre gouvernement soient informés, afin qu'ils puissent évaluer les possibilités et décider en connaissance de cause.

Nous devons évidemment nous préoccuper en même temps de notre relation de défense globale avec les États-Unis. Nous retirons grand avantage de notre relation au sein du NORAD. Nous avons accès à la technologie, nous pouvons influencer la politique de défense, nous pouvons nous doter de systèmes interropérables avec ceux des États-Unis, tout cela largement grâce à notre relation quotidienne dans le NORAD. Nos échanges de matériel militaire se chiffrent chaque année à environ 1 milliard de dollars dans chaque sens, et 10 000 emplois sont créés au Canada par nos exportations militaires vers les États-Unis. La relation de défense dépasse largement ce seul enjeu.

M. George Proud: Depuis votre poste d'observation en tant que commandant en second, avez-vous connaissance de négociations ou d'interventions diplomatiques de la part des pays européens de l'OTAN? Que pensent-ils de cela? Entrevoyez-vous des points de friction, des problèmes, si les États-Unis décident d'aller de l'avant?

Lgén George Macdonald: Dans mes fonctions, monsieur, je ne suis pas informé des négociations qui peuvent se dérouler dans les coulisses de l'OTAN, mais j'ai évidemment connaissance de certaines des préoccupations exprimées ouvertement par les alliés de l'OTAN concernant le déploiement d'un système de défense nationale antimissiles par les États-Unis. Ils craignent pour le Traité ABM et s'inquiètent de ce qu'ils appellent un découplement de l'OTAN, l'aliénation de l'Amérique du Nord et de l'Europe au sein de l'OTAN, car une partie jouirait d'une protection que l'autre n'a pas. Mais, non, je ne suis pas au courant des interventions peut-être plus feutrées qui ont pu être faites.

M. George Proud: L'une des questions que j'ai posées au groupe qui a comparu ce matin concernait la Russie. Si j'ai bien compris, celle-ci possède un système de défense antimissiles autour de Moscou. Pourquoi cela gênerait-il la Russie que les États-Unis se dotent d'un système de défense nationale antimissiles pour se protéger alors qu'elle en a déjà un.

Lgén George Macdonald: Cela tient au Traité sur les missiles antimissiles balistiques lui-même. Il permet de protéger la capitale du pays ou bien une base de missiles, l'un ou l'autre, mais pas tout le territoire du pays. Les Russes ont donc un système conforme au Traité ABM actuel, mais le déploiement du système de défense nationale antimissiles protégerait la totalité des États-Unis, ce qui est contraire au traité.

M. George Proud: Merci.

Le président: Merci, monsieur Proud.

[Français]

Monsieur Laurin, vous avez cinq minutes.

M. René Laurin: Il n'est pas encore clair dans mon esprit quelle position devrait être celle du Canada par rapport à ces deux problèmes-là: participation à NORAD et participation au déploiement d'une base NMD.

Dans l'hypothèse où le Canada voudrait rester sur la réserve pour tenter de convaincre les États-Unis ou pour les dissuader de donner suite à leur projet de déploiement d'une telle base, est-ce que le Canada... On nous a dit ce matin que le Canada avait l'influence nécessaire, de concert avec ses autres alliés de l'OTAN, pour dissuader les États-Unis d'aller plus loin dans leur projet.

Donc, si on est persuadé que le Canada peut exercer cette influence, est-ce qu'il devrait demander aux États-Unis de l'inviter à participer au déploiement d'une base NMD, ou devrait-il ne pas solliciter l'invitation des États-Unis et se réserver plutôt le rôle de pacificateur ou de négociateur entre la Russie et les États-Unis, ou auprès des États-Unis tout simplement?

• 1700

Quels sont vos commentaires là-dessus?

[Traduction]

Lgén George Macdonald: Je n'ai pas à me prononcer sur les choix que pourrait faire le gouvernement canadien, mais je réitère ma réponse précédente, à savoir qu'il importe que le gouvernement soit informé de la problématique de la défense nationale antimissiles, des raisons qui amènent les États-Unis à la déployer et de leur évaluation de la menace ainsi que des enjeux liés au Traité ABM, etc., de même que des répercussions pour le NORAD et notre relation de défense en général.

Une fois en possession de ces données, les responsables des ministères canadiens concernés pourront évaluer objectivement l'importance pour le Canada de s'associer aux Américains dans ce projet ou bien de choisir une autre voie avec les conséquences qui en découleront.

[Français]

M. René Laurin: Est-ce que votre rôle de conseiller—car vous êtes conseiller du Canada à NORAD—se limite à informer les dirigeants canadiens des propriétés techniques ou de l'existence des armes en cause, ou de la menace qu'elles représentent, ou si vous avez aussi à faire une évaluation politique de cette menace ou du danger?

[Traduction]

Lgén George Macdonald: Je peux décrire mon rôle, monsieur, comme étant de fournir l'évaluation militaire, les renseignements opérationnels et techniques, sachant que nous, au NORAD, sommes à la source d'une bonne partie de ces données. Mais, en fin de compte, il incombe aux ministères de la Défense nationale et des Affaires étrangères, selon leur optique propre et celle des ministres et du gouvernement, d'évaluer les conséquences pour le Canada, sur le plan financier et sur les plans diplomatique et politique.

[Français]

M. René Laurin: J'ai une question d'ordre financier. Quel pourrait être le montant d'une participation du Canada à NORAD lors du renouvellement de l'entente, c'est-à-dire de la participation au déploiement d'une force de missiles antibalistiques? Quelle participation financière du Canada pourrait être considérée acceptable par les États-Unis?

[Traduction]

Lgén George Macdonald: Il n'y a pas de réponse facile à cela. Il n'y a pas eu de négociation détaillée permettant de savoir quelle sorte de participation serait acceptable aux yeux des États-Unis si le Canada se montrait intéressé.

Mon opinion personnelle est qu'il devrait être possible de négocier un arrangement mutuellement satisfaisant qui n'exigerait pas une part directe dans le déploiement du système de défense antimissiles lui-même. Autrement dit, nous pourrions participer d'une manière qui serait perçue comme mutuellement bénéfique pour la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord et comme un substitut à la participation directe au déploiement.

[Français]

M. René Laurin: Est-ce que vous croyez que le Canada pourrait renouveler son entente avec NORAD l'été prochain sans considérer ce qu'il adviendra de son entente éventuelle de participation au déploiement de la NMD?

[Traduction]

Lgén George Macdonald: Il est clair que les deux sont actuellement contradictoires. Si un système de défense nationale antimissiles était déployé, il est clair que cela aurait des répercussions importantes sur l'accord NORAD lui-même.

La position actuelle concernant l'accord NORAD est que l'on pourrait prolonger l'accord actuel jusqu'à ce que les États-Unis prennent une décision sur la défense nationale antimissiles et ensuite, selon le résultat, renégocier l'accord pour l'avenir.

Vous avez donc raison de dire que les deux sont actuellement en conflit, mais il existe un plan pour lever la contradiction et attendre la décision sur ce qui pourrait être un enjeu fondamental de la défense aérospatiale du Canada et des États-Unis, et intégrer ensuite cela dans un accord futur.

Le président: Avant de poursuivre avec M. Earle et Mme Wayne, je vois une occasion de poser moi-même quelques questions, général et j'en ai plusieurs.

• 1705

Nous avons reçu ce matin des témoins experts de Project Ploughshares, comme vous le savez, et je leur ai posé la même question. Estimez-vous qu'un tel système de défense antimissiles réduirait la probabilité de...? Je ne veux pas employer l'expression échange nucléaire. Est-ce qu'elle réduirait la possibilité d'une agression ou d'un échange de ce type, ou bien l'accroîtrait-elle?

Lgén George Macdonald: Je pense que la plupart diraient que cela amoindrit cette possibilité. Un système de défense antimissiles dissuade un agresseur, qu'il s'agisse d'un État en marge ou de qui vous voulez.

Comme je l'ai déjà indiqué, la capacité de se défendre contre un petit nombre de missiles modifie la conception qui règne aux États-Unis depuis l'apparition de l'arme nucléaire. Au lieu de passer immédiatement à des représailles en cas d'attaque, l'existence d'un système de défense antimissiles permet de parer le coup, et de songer ensuite aux conséquences.

On peut espérer que les conséquences prendront une forme diplomatique et préviendront à l'avenir tout lancement accidentel ou non autorisé. En soi, cela élèverait le seuil pour tout échange nucléaire potentiel.

Le président: Merci.

Les témoins de ce matin ne partageaient pas ce point de vue. À leur avis, si les États-Unis optaient pour ce système de défense antimissiles, avec ou sans le Canada, la probabilité augmenterait. Cela m'a un peu surpris, mais c'est ce qui ressort de leur témoignage.

Je leur ai même demandé pourquoi il en serait ainsi, et ils ont répondu qu'un système de défense antimissiles accroîtrait le sentiment de vulnérabilité de la Russie et la pousserait à instaurer un état d'alerte ou de préparation supérieur. À leurs yeux, cela fragilisait la paix. Je serais intéressé de connaître votre réaction à cela.

Lgén George Macdonald: De toute évidence, un système de défense nationale antimissiles est un outil défensif, et ne représente pas une menace offensive pour l'auteur d'une attaque par missile balistique. Comme je l'ai dit dans mon exposé, les Russes possèdent quelque 5 000 ogives nucléaires qu'ils peuvent acheminer par différents types de vecteurs. L'envergure du système de défense antimissiles envisagé—avec une centaine d'intercepteurs—ne nous permettrait de détruire qu'une très petite partie de l'arsenal nucléaire russe.

Je ne vois donc personnellement pas le lien entre un système défensif et un état d'alerte supérieur ni la notion que cela anéantirait la puissance de l'arsenal nucléaire russe.

Le président: Merci. Général, supposons que les États-Unis mettent en place ce système antimissiles et que le Canada n'en soit pas partenaire, qu'en résulterait-il pour ce mécanisme de défense bilatéral appelé NORAD? Pensez-vous qu'il resterait viable pour le Canada? Quelles seraient les conséquences pour le NORAD?

Lgén George Macdonald: Cela dépendrait de la relation de défense globale qui existerait à ce moment-là entre le Canada et les États-Unis, mais je crains que les conséquences seraient négatives pour le NORAD et son avenir.

Tout d'abord, il serait difficile, pour des raisons pratiques, que les Canadiens et Américains continuent à collaborer étroitement, vu que les mêmes systèmes informatiques et la même infrastructure utilisés pour la mission NORAD actuelle serviraient aussi au futur système de défense antimissiles. Ce serait difficile à réaliser. Il serait difficile pour les Américains de trouver une façon d'inclure les Canadiens dans la mission d'ensemble du NORAD, comme par le passé, et d'ajouter à cette mission la défense antimissiles balistiques.

Comme je l'ai indiqué, la hiérarchie, ou la structure de commandement et de contrôle du NORAD, me place en position de commandant en second. Lorsque le commandant en chef n'est pas à Colorado Springs, c'est à moi qu'appartient la responsabilité des opérations au jour le jour. Je ne pense pas que cela resterait possible si la défense antimissiles balistiques était conduite à partir de Cheyenne Mountain dans le contexte de la défense aérospatiale.

Je pense donc que si les Américains déploient le système et que nous n'y participons pas, le NORAD éprouvera des problèmes sérieux.

Le président: Merci.

Je chronomètre mon propre temps; il me reste environ une minute.

• 1710

Général, lors de notre visite à Cheyenne Mountain j'ai retiré l'impression que nombre des Canadiens là-bas se sentent déjà marginalisés. J'ai détecté des vibrations dues au fait que les militaires américains—à tort ou à raison—considèrent que le Canada n'est pas intéressé et que de ce fait les officiers que vous commandez se sentent quelque peu marginalisés. C'est ce qu'ils m'ont dit eux-mêmes. Partagez-vous ce sentiment? Que répondez-vous à cela?

Lgén George Macdonald: Il y a certainement une part de vérité là-dedans. Si les Américains, individuellement, ne cherchent pas à nous exclure de la défense nationale antimissiles ni de toute cette problématique, le fait que le Canada ne participe pas ouvertement leur permet de tirer certaines conclusions qui se traduisent par une certaine marginalisation des Canadiens.

Par exemple, ces dernières années, les Canadiens, en tant que membres du NORAD, participaient à ces simulations de tir dont j'ai parlé, tandis que l'année prochaine, en raison d'un problème lié à la divulgation d'information par le sous-traitant qui travaille pour les Américains sur le système antimissiles, les Canadiens seront relégués parce qu'ils n'ont pas reçu la formation voulue pour participer à la prochaine simulation. Cela limite notre capacité de fournir les renseignements et avis voulus à notre gouvernement sur les capacités du système et sur les répercussions éventuelles sur le NORAD.

Le président: Merci beaucoup, général.

Mon temps est écoulé. Je donne la parole à M. Earle, pour cinq minutes.

Notre collègue, Bill Graham, président du Comité des affaires étrangères et du commerce international vient de se joindre à nous. S'il nous reste du temps une fois que les membres du Comité de la défense auront fini de poser leurs questions, je serais ravi de donner à Bill l'occasion d'en poser quelques-unes.

Monsieur Earle.

M. Gordon Earle: Merci, monsieur le président.

J'aimerais revenir sur la question posée par le président concernant le témoignage que nous avons eu ce matin, soit le surcroît d'inquiétude de la Russie et d'autres pays si les États-Unis adoptent ce système. Cela m'avait également surpris, car s'il s'agit d'un système défensif sans aucun potentiel offensif, pourquoi s'inquiéterait-on? Mais la réponse était que ce n'est pas le système de défense lui-même qui motive la crainte, mais le fait qu'il soit combiné avec la capacité offensive américaine.

Vous avez indiqué dans votre exposé que les missiles balistiques sont devenus un symbole national de puissance et de prestige. Si c'est le cas, il me semble qu'un pays possédant cette capacité, et en plus celle de se défendre contre les missiles d'autres pays, serait plus puissant et plus prestigieux qu'un pays qui n'a que la capacité offensive, sans le système de défense antimissiles.

Cela pourrait donc amener ces autres pays à se doter de leur propre système. On aboutit ainsi à une course aux armements pour voir qui peut devenir le plus fort, avec tant le système défensif que le système offensif. Tout le monde cherche ainsi à se renforcer, au lieu de faire ce que j'aimerais, à savoir l'inverse, que les pays commencent à désarmer.

J'aimerais avoir votre opinion là-dessus. J'ai remarqué que sur l'une de vos diapositives, où vous décrivez l'offre et la demande, vous montrez les clients de ces missiles, l'Iran, l'Iraq, la Libye, l'Égypte, etc.; puis les fournisseurs—la Russie, la Chine, la Corée du Nord et ainsi de suite. Pouvez-vous me dire, tout d'abord, si l'on fait quelque chose pour s'attaquer à ce problème particulier? Et est-ce que le Canada ou les États-Unis fournissent soit des pièces soit des missiles à d'autres pays?

Lgén George Macdonald: Pour commencer avec votre dernière question, non, ni le Canada ni les États-Unis ne contribuent à la prolifération de la technologie des missiles balistiques dans le monde. Mais, comme vous pouvez le voir sur la liste, certains pays vendent manifestement cette technologie. La Corée du Nord met au point cette technologie pour elle-même, mais l'exporte également à un certain nombre d'autres pays. C'est évidemment une source d'inquiétude pour nous tous.

Je pense que nous nous accordons tous à dire que ce serait une bonne chose s'il y avait moins de missiles balistiques ou d'armes nucléaires dans le monde.

Pour ce qui est de la capacité défensive par opposition à la capacité offensive, les États-Unis ne prévoient pas de se doter d'un système de défense contre une attaque massive. La crainte russe de voir l'efficacité de ses systèmes offensifs anéantie ou réduite du fait de l'existence d'un système national antimissiles n'est pas fondée, lorsqu'on compare le nombre des armes nucléaires offensives qu'elle possède actuellement et des missiles qui seront déployés dans ce système défensif.

• 1715

J'ai dit que le nombre d'intercepteurs prévus est de l'ordre d'une centaine d'ici 2005 ou 2007. Cent intercepteurs ne permettent pas nécessairement de se défendre contre 100 cibles, En effet, par mesure de prudence, il pourrait falloir lancer cinq intercepteurs contre une seule cible. Donc, avec une centaine d'intercepteurs, on a la capacité de détruire une vingtaine d'ogives. Ces 20 ogives ne représentent même pas nécessairement 20 missiles balistiques, peut-être pas plus que deux missiles balistiques s'ils sont équipés d'ogives multiples.

C'est donc une parade contre une attaque limitée et qui ne serait pas efficace contre l'arsenal que possède la Russie ou tout autre arsenal appréciable.

M. Gordon Earle: Donc, avec cette capacité limitée, vous considérez néanmoins que c'est une entreprise qui en vaut la peine?

Lgén George Macdonald: Plutôt que de vous donner mon avis personnel, je peux réitérer l'évaluation américaine de la menace actuelle et prochaine. La menace à court terme est celle que présente la Corée du Nord si elle acquiert la capacité d'attaquer les États-Unis.

Les Américains estiment qu'il est dans leur intérêt national de déployer un tel système, car ayant mis au point la technologie et ayant cette capacité, ne pas la déployer contre ce qui serait un événement catastrophique, une explosion nucléaire en territoire américain... Ils pensent devoir le faire dans l'intérêt de leur sécurité nationale. C'est ce qu'ils disent. Ce n'est pas moi qui le dit. C'est leur objectif déclaré.

Je pense que la participation canadienne doit être décidée selon l'optique canadienne, au vu de notre proximité du territoire américain et des avantages ultimes ou des répercussions négatives sur notre relation au sein du NORAD.

M. Gordon Earle: Merci.

Le président: Merci, monsieur Earle.

Nous passons maintenant à M. Proud. Aviez-vous...?

M. George Proud: J'ai une question complémentaire.

Le NORAD actuel, avec sa capacité de détecter les missiles attaquants—je vous ai déjà posé la question... Ce système fera-t-il partie du mécanisme d'ensemble qui serait utilisé? Est-ce là le dispositif qui serait utilisé pour détecter ce genre d'attaque dirigée contre les États-Unis? Est-ce pour cela que vous dites que vous autres, à Cheyenne Mountain, seriez-mis à contribution pour cela?

Lgén George Macdonald: Oui, monsieur. Un tir de missile balistique représente un continuum où l'on détectait initialement le lancement, évalue la trajectoire, transmet l'information et prend les mesures de défense.

Les systèmes mis en oeuvre pour fournir ce continuum de capacité sont ceux installés à Cheyenne Mountain. Certes, la composante défense antimissiles sera un ajout au dispositif d'alerte actuel, mais tout se fera dans la même salle, par exemple. On utilisera les mêmes moyens de communications, les mêmes systèmes informatiques, les mêmes écrans d'affichage. Il est donc difficile de séparer l'alerte et la défense et se serait presque impossible du point de vue militaire, car les mêmes données servent et pour l'alerte et pour la défense. Tout cela fait partie du même processus.

Mon argument tout à l'heure était que si le Canada et les États-Unis ne s'entendent pas pour participer conjointement à ce projet, il faudra chercher à délimiter la participation canadienne à l'exploitation de ces systèmes, en séparant la capacité actuelle de détection des missiles balistiques de la responsabilité exclusivement américaine de la défense.

M. George Proud: Ce serait un peu mal commode, n'est-ce pas?

Lgén George Macdonald: Oui, monsieur.

M. George Proud: Merci.

Le président: Merci, monsieur Proud.

Nous passons à Mme Wayne.

Mme Elsie Wayne: Merci, monsieur le président.

Je crois savoir que la prochaine conférence plénière sur le désarmement se tiendra le jeudi 2 mars à 10 h. C'est après demain. Le Canada y est-il invité?

• 1720

Lgén George Macdonald: Désolé, madame, je ne connais pas la liste des participants.

Mme Elsie Wayne: Un communiqué de presse a été publié à ce sujet: «La Fédération russe et la Chine soulignent l'importance de la prévention de la course aux armements dans l'espace lors de la Conférence sur le désarmement». Je ne sais pas où se tient celle-ci, mais elle a lieu le jeudi 2 mars. On lit ici:

    Si les États-Unis mettaient en oeuvre leur projet unilatéral de système de défense nationale antimissiles, le Traité ABM serait anéanti.

On va donc y parler de cela.

C'est un problème très important. Ce document, ce communiqué de presse et son contenu... J'aurais pensé que, vu le NORAD, le Canada et les États-Unis seraient tous deux invités à participer à cette conférence. Vu le sujet de la discussion de jeudi, les États-Unis devraient s'y exprimer, mais nous aussi.

Lorsque M. Bon était ici, il a dit que vous n'aviez pas reçu encore d'ordre ou d'instruction de vos supérieurs à Ottawa. Si c'est le cas... Vous avez dit que votre commandant en chef du NORAD, dans son concept opérationnel, postulait que le Canada participerait et que le NORAD exercerait le contrôle. J'aimerais savoir si vous avez contribué à ce concept opérationnel et aussi à la position adoptée à cette conférence. Si je me fie à ce document, sa nature est certainement telle que nous devrions nous y exprimer.

Lgén George Macdonald: On m'informe qu'effectivement et le Canada et les États-Unis sont membres de cette organisation. Vu que nous avons participé par le passé, je suppose que nous serons présents également à cette conférence.

Mme Elsie Wayne: Oui.

Lgén George Macdonald: En ce qui concerne le concept opérationnel de la défense nationale antimissiles, l'hypothèse de travail jusqu'à présent est que le NORAD exercerait le commandement et le contrôle du système. Cette hypothèse a été retenue parce qu'il en fallait bien une et parce qu'il a été admis à un niveau assez élevé aux États-Unis, il y a quelques années, qu'elle était la plus plausible. Comme je l'ai dit, la défense antimissiles balistiques est un prolongement de l'alerte antimissiles. C'est donc assez logique.

Nous avons effectivement largement contribué au concept opérationnel, mais j'ajoute une réserve en disant que notre participation devient de plus en plus ténue chaque jour du fait de l'absence de confirmation absolue que le NORAD aura le commandement et le contrôle du système. S'il importe, certes, de continuer à élaborer le concept opérationnel, seule la clarification définitive de la position canadienne et donc du NORAD permettra de mettre la touche finale au concept sur lequel nous travaillons depuis quelques années.

Mme Elsie Wayne: Si les États-Unis adoptent leur projet unilatéral d'un système de défense antimissiles et si le Traité ABM, qui remonte je crois à 1972, était anéanti de ce fait, dans quelle situation cela nous placerait-il? Pensez-vous que la Russie et la Chine et la Corée du Nord se montreraient beaucoup plus agressifs vis-à-vis des États-Unis et de nous, puisque nous sommes membres du NORAD, puisque les États-Unis auraient fait cela unilatéralement et sans concertation avec ces autres pays.

Lgén George Macdonald: Il serait difficile pour moi de spéculer sur le résultat, mais le gouvernement du Canada a clairement fait connaître sa préoccupation devant un retrait unilatéral du Traité ABM. Les États-Unis ont parfaitement le droit de se retirer avec un préavis suffisant, mais si cela devait arriver, ce serait considéré comme un événement déstabilisateur pour la sécurité nucléaire.

Nous encourageons donc les Américains à respecter le Traité ABM et à négocier une modification appropriée avec les Russes. Si c'était le cas, je pense que toute modification mutuellement convenue entre les États-Unis et la Russie serait acceptable pour le Canada.

• 1725

Mme Elsie Wayne: Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Merci, madame Wayne.

Collègues, nous avons ainsi bouclé deux tours complets. Je sais que plusieurs d'entre nous ont d'autres réunions, et avant de lever la séance à 17 h 30, je vais inviter notre collègue, M. Graham, à poser quelques questions.

M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président. J'apprécie votre indulgence.

Ma question s'inscrit dans la même ligne de pensée que celle de M. Earle et Mme Wayne. Je pense que c'est réellement là le noeud du problème. Il y a une sorte d'équilibre de la terreur en ce moment qui, s'il est perturbé... Je vous pose la question en tant que stratège militaire, et non que politicien.

Pour faire suite à la question de Mme Wayne, le président du Comité des affaires étrangères chinois, lorsque j'étais en Chine, m'a catégoriquement déclaré que si les États-Unis se lancent dans cela, il y aura une nouvelle course aux armements car la Chine ne peut se permettre de rester immobile et de voir son système de défense détruit. Comme vous le savez, la théorie est que si vous n'avez pas de capacité offensive contre un autre pays, vous êtes pratiquement sans défense. Elle est préoccupée par une deuxième frappe et il y a toute une série d'autres concepts militaires que je n'ai pas le temps d'aborder ici.

On aboutit en fin de compte à cela, n'est-ce pas? Vous avez dit que si cela nous précipite dans une nouvelle course aux armements... Il faut revenir à votre réponse à l'une des questions antérieures, lorsque vous avez dit que cela accroîtra la sécurité. Mais en réalité, cela réduira la sécurité si une nouvelle course aux armements est enclenchée, n'est-ce pas?

Lgén George Macdonald: Je ne suis pas d'accord. Je pense que le seuil nucléaire, celui où un échange d'armes nucléaires serait déclenché, serait augmenté par le déploiement du système de défense nationale antimissiles car il offre des solutions de rechange à la représaille contre une attaque nucléaire. Évidemment, le système de défense antimissiles proposé par les États-Unis anéantirait un très petit nombre de missiles.

La doctrine chinoise est de ne pas utiliser sa capacité offensive dans une première frappe. Sa doctrine dit clairement qu'elle l'utiliserait en représailles contre une frappe nucléaire contre la Chine. Voilà son optique.

La Chine accroît sa capacité. Elle construit davantage de missiles balistiques. Elle construit des ICBM, des missiles balistiques intercontinentaux, qui seront mobiles et donc moins facilement détectables par nos sources de renseignements. Elle continue à développer sa technologie pour se doter d'armes à plus longue portée et meilleures. Je ne suis pas sûr qu'il y ait un lien entre cette activité et le projet antimissiles américain.

M. Bill Graham: Mais vous avez dit que ce sera une entreprise risquée si le projet contrevient au Traité ABM. Êtes-vous d'avis qu'il ne faudrait procéder à cela que si les États-Unis obtiennent une dérogation au Traité ABM. C'est ce qu'il me semble, car en l'absence d'une dérogation, le Traité ABM sera fini et nous serons précipités dans une nouvelle course aux armements dont nul ne sait où elle conduira. Certes, nous avons une avance technologique aujourd'hui, mais rien ne garantit que celle-ci dure à jamais. Nous allons dépenser énormément d'argent pour rester en tête.

Tout l'argent que le budget récent a consacré à la défense nationale pourrait être englouti dans un ou deux missiles, au lieu de toutes les autres priorités de défense nationale que vous avez. Voilà les préoccupations avec lesquelles nous nous débattons et que nous essayons de mieux cerner.

Lgén George Macdonald: Je répondrai deux choses, monsieur. Ce n'est pas ma position ou mon opinion personnelle concernant le Traité ABM que j'ai exprimée, mais plutôt la position déclarée du gouvernement canadien face à une éventuelle abrogation unilatérale du traité.

Deuxièmement, il n'y a pas de niveau de contribution ou d'engagement financier confirmé que le Canada devrait consentir pour bénéficier de ce système ou participer à notre défense mutuelle avec les États-Unis. Aucun montant n'a été fixé ou négocié entre nos deux pays.

Le président: Merci.

Général Macdonald et colonel Higgins, merci à tous deux d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. Vous avez contribué votre savoir à ces délibérations, qui sont très importantes. Comme vous le savez, nous entamons tout juste nos audiences sur la RAM, dont la défense nationale antimissiles est un élément. Je sais que ce sera un sujet de haut intérêt ici à Ottawa. Je vous remercie infiniment d'avoir partagé avec nous vos connaissances cet après-midi.

Lgén George Macdonald: Merci encore, monsieur le président, de votre invitation. Je répète que je suis à votre disposition à l'avenir pour vous donner tout renseignement supplémentaire dont vous auriez besoin.

Le président: Nous vous en sommes reconnaissants. Merci beaucoup.

Collègues, la séance est levée.