Passer au contenu
;

JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 20 septembre 2000

• 1517

[Traduction]

Le président (M. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Cette séance du Comité de la justice est ouverte. Aujourd'hui, nous poursuivons l'étude du projet de loi C-3, Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents, et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence. Nous en sommes à l'étude article par article du projet de loi C-3.

Si ma mémoire est bonne, lorsque nous avons levé la séance hier soir, M. Bellehumeur nous entretenait d'une motion. N'est-ce pas, monsieur Bellehumeur?

En dépit du chahutage des ministériels, nous allons commencer. Monsieur Bellehumeur, nous trépignons d'impatience; allez-y.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Merci, monsieur le président. Je ferai remarquer aux membres du comité que j'ai couru, immédiatement après avoir posé ma question en Chambre, pour être ici à 15 heures, à l'heure, et que le gouvernement n'a pu avoir quorum qu'après 20 minutes. On aurait dû fixer l'heure à 15 h 30 tout simplement.

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): [Note de la rédaction: Inaudible].

M. Michel Bellehumeur: Non. Vous riez, vous de l'opposition. On aurait dû fixer la rencontre à 15 h 30 comme d'habitude pour permettre aux gens qui ont posé des questions et qui travaillent d'avoir au moins 30 minutes après la période de questions pour revenir ici.

Cela étant dit, monsieur le président, je pense avoir des choses encore plus sérieuses à faire valoir aujourd'hui. Je suis une personne très optimiste et je suis persuadé qu'il n'en manque pas beaucoup pour convaincre les gens d'en face qu'ils font fausse route avec le projet de loi C-3. À l'avantage des nombreux auditeurs qui nous écoutent, je vais lire la motion sur laquelle nous nous penchons cet après-midi. Elle se lit comme suit:

    Que le Comité permanent de la justice et des droits de la personne reporte l'étude article par article du projet de loi C-3, Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents, et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence, afin de permettre à la ministre de la Justice et procureur général de comparaître devant le Comité afin d'expliquer ses nombreux amendements et répondre à nos questions.

Il est encore temps, monsieur le président, puisqu'il reste environ cinq heures, si on veut respecter l'ordre de la Chambre. En effet, le gouvernement a décidé de mettre un terme aux travaux de ce comité et, avec l'appui de tous les députés québécois libéraux, a bâillonné le Bloc québécois et, par le fait même, le Québec. De toute évidence, seul le Bloc québécois défend les intérêts du Québec, entre autres pour ce qui est de cette Loi sur les jeunes contrevenants.

• 1520

Monsieur le président, je n'ai pas l'intention de reprendre tout ce que j'ai dit hier à l'intention de ceux qui n'étaient pas là. Ils auront manqué de bons arguments. Il y a toutefois une chose que je vais reprendre pour ceux qui étaient absents; ce sont les deux cas fictifs que j'ai décrits et qui résument extrêmement bien la situation.

J'ai commencé hier par une lettre que la ministre de la Justice avait envoyée aux quotidiens francophones le 25 avril dernier. J'ai relevé dans cette lettre ouverte plusieurs points avancés par la ministre, qui étaient carrément erronés, voire même exposés avec des tournures de phrases malicieuses visant à désinformer la population sur l'objet réel du projet de loi C-3. Cette lettre, comme je l'ai démontré hier, a entraîné une série d'autres lettres en vue de souligner à la ministre l'inexactitude de ses propos.

Je ne lirai pas la lettre de la ministre, mais je peux cependant vous dire que la tactique de la ministre a été reprise hier par une dame nommée Yolande Viau, fonctionnaire du ministère de la Justice. C'est un peu comme si Mme McLellan n'était pas capable de défendre adéquatement son projet de loi et d'en expliquer les tenants et aboutissants. Elle a envoyé un sous-fifre de son ministère pour défendre le projet de loi C-3.

Je dois vous dire que je n'ai peut-être pas l'expérience politique de bien d'autres députés de la Chambre des communes. Cependant, depuis 1993, je siège au Comité de la justice et des questions juridiques. C'est la première fois qu'un fonctionnaire qui est au service de la population se met au service du ministre pour faire de la politique. Je vais discuter plus amplement de l'article de Mme Viau.

Vous savez fort bien, parce que vous siégez au comité depuis déjà quelque temps, monsieur le président Scott—et d'autres collègues y siègent depuis beaucoup plus longtemps que vous—, que je n'ai pas toujours partagé les vues du ministère de la Justice sur ses projets de loi. Pour certains d'entre eux, j'ai rencontré, par exemple, M. Yvan Roy, qui m'a toujours donné l'heure juste, qui a tenté d'expliquer le projet de loi présenté par le ministère sans jamais tomber dans la petite politique. Lorsque que Mme Viau commente des choses qui se passent au Québec, elle le fait de façon erronée et en toute connaissance de cause, en faisant exprès pour assimiler certaines lois provinciales et certaines lois fédérales.

Très sincèrement, j'aurais aimé que Mme Yolande Viau soit présente cet après-midi parce que ce que je m'apprête à vous dire, je l'aurais dit en la regardant droit dans les yeux, parce que ce qu'elle a fait est inadmissible. On peut défendre correctement un projet de loi. On peut même défendre correctement son propre projet de loi, car de la façon dont elle en parle, cela semble la toucher personnellement. Je ne sais pas si elle est effectivement une des rédactrices du projet de loi C-3, mais elle aurait pu le défendre correctement en demeurant dans les limites du mandat du poste qu'elle occupe, c'est-à-dire sans partisanerie et en ne s'attachant qu'aux faits.

• 1525

J'ai même demandé, en rentrant ici, aux gens du ministère si elle était fonctionnaire ou attachée politique. Que je sache, c'est une fonctionnaire payée en partie par les taxes et les impôts des Québécois et des Québécoises. On aurait pu croire qu'elle aurait défendu correctement le dossier, mais dans les limites de sa juridiction. Si la ministre était présente aujourd'hui, je lui poserais des questions là-dessus également, monsieur le président. Je lui demanderais d'expliquer l'attitude de son ministère dans ça.

J'espère que les membres du comité ont lu l'article qui s'intitule «Jeunes contrevenants, qui appuie qui?» Selon un sondage CROP payé par le ministère de la Justice avec les deniers publics, 49 p. 100 des Québécois se disent d'accord avec Ottawa, mais à peine 10 p. 100 sont au courant qu'il y a un projet de loi au fédéral. C'est assez aberrant qu'un fonctionnaire de l'État utilise un sondage carrément bidon pour appuyer une politique de sa ministre. J'aurais aimé demander à la ministre, si elle s'était présentée ici pour témoigner pour expliquer ses nombreux amendements et répondre à nos questions, la justification réelle de ce sondage.

On voit que seulement 10 p. 100 de la population du Québec connaît l'existence du projet de loi C-3, sait que la ministre a déposé un projet de loi, et qu'il n'y a que 10 p. 100 de la population du Québec qui s'y oppose. C'est à se demander si ce sont les 10 p. 100 qui connaissent le projet de loi qui s'y opposent. Le sondage est silencieux à cet effet.

C'est désolant de voir—j'imagine qu'elle parlait au nom de la ministre—qu'elle préfère se soumettre à un sondage bidon et subjectif plutôt que de se fier aux nombreux avis d'experts qui ont pris la peine d'envoyer des mémoires au comité et qui ont pris la peine de se déplacer pour venir témoigner en comité pour faire état de leur pratique, de leur expérience. Certains sont dans le domaine depuis 30 ans. Mais la ministre aime mieux faire des sondages et commenter des sondages artificiels.

Il y a également un autre sondage qui est très bon et que la ministre n'a pas pris en considération. C'est le sondage de l'Assemblée nationale où 100 p. 100 des députés ont dit non au projet de loi C-3 et demandé à la ministre d'aller refaire ses devoirs. C'est un sondage pas mal plus pesant, qui représente beaucoup plus la population au Québec que le sondage bidon de la ministre.

Mme Viau a même le culot de dire que, selon ce sondage, deux répondants sur trois estiment que la criminalité chez les jeunes a augmenté au cours des cinq dernières années. C'est en effet la perception qui existe. Ça ne prenait pas un sondage à plusieurs milliers de dollars pour savoir qu'il y avait un problème au niveau de la perception. Mais ce n'est pas en abrogeant la Loi sur les jeunes contrevenants qu'on va nécessairement changer la perception. La ministre a un rôle d'éducation à remplir, qu'elle a décidé de ne pas remplir pour des considérations purement partisanes.

Là où j'estime que Mme Yolande Viau, avocate au ministère de la Justice, fait de la politique, c'est sur deux points particuliers. En premier lieu, c'est lorsqu'elle met le lecteur au défi de trouver dans le projet de loi C-3 quelque chose qui appuie les critiques voulant que la nouvelle loi prévoie des sentences axées sur la gravité de l'infraction. On n'a qu'à lire son texte pour se rendre compte que la gravité de l'infraction est une pièce maîtresse du projet de loi C-3, qui doit guider le juge dans la détermination de la sentence. Ça ne prend pas la tête à Papineau pour comprendre ça.

• 1530

Comme Mme Viau utilise et fait même de la récupération avec la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec, juste pour répondre à ce défi, je vais lire une petite partie du mémoire de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec. C'est important, monsieur le président. Mme Viau s'amuse à citer la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec. Or, voici ce qu'avait à dire la commission concernant la question de la gravité des infractions. Prenez des notes, et vous répéterez cela à Mme Viau. Je cite le mémoire de la commission:

    En centrant la nouvelle loi sur la gravité du délit, on laisse nécessairement entendre que la loi actuelle ne répond pas de manière significative à la délinquance juvénile, particulièrement lorsque le délit est d'une grande gravité objective.

    Le déséquilibre que créerait une nouvelle loi axée sur les seuls principes de protection du public et de la responsabilisation du jeune contrevenant est de nature à compromettre tout le travail effectué jusqu'à ce jour auprès des adolescents en difficulté.

Si Mme Viau, avant de faire de la politique, avait bien voulu se donner un peu la peine de lire son dossier traitant de la Loi sur les jeunes contrevenants et prendre le temps, avant de citer un organisme québécois, de lire au moins ce que cet organisme avait dit devant le Comité de la justice et des droits de la personne lors de son témoignage, on trouverait peut-être moins d'aberrations dans ses commentaires.

Un peu plus loin, monsieur le président, elle verse complètement dans la politique. On dit:

    L'avocate a ainsi tiré à boulets rouges sur les critiques québécois du projet de loi fédéral. «Demandez-leur sur quoi ils se fondent pour avoir un système si extraordinaire que ça quand la Commission des droits de la personne de leur province dit carrément que le système (des centres jeunesse) ne fonctionne pas», a-t-elle lancé.

Elle porte des jugements. Elle fait de la politique au même titre que les libéraux à la Chambre des communes. Il faut le faire, monsieur le président. Il faut le faire. Mme Viau est encore plus démagogue que la ministre dans les explications qu'elle nous a données le 25 avril dernier. C'est cela, la tactique du gouvernement. Il faut être joliment culotté pour faire des affirmations semblables.

Avant de s'appuyer sur un sondage bidon comme elle l'a fait hier, elle aurait eu intérêt à lire le mémoire de la commission très sérieusement. Je cite ce mémoire dans lequel on disait:

    ...il est incompréhensible que la population finisse par croire que les adolescents sont souvent des criminels en puissance et que la criminalité, que l'on croit erronément à la hausse, serait le lot des jeunes.

    Pour corriger cette perception faussée, l'État doit assumer un rôle actif par rapport à l'information de la population canadienne.

Un peu plus loin dans le mémoire, la commission continue en disant:

    ...il est difficile de comprendre que face à la perception erronée de la population canadienne à l'endroit de la loi actuelle, le gouvernement songe à remplacer celle-ci plutôt que d'élaborer un programme d'information efficace.

Mme Viau devrait aussi savoir que ceux qui dénoncent la réforme de sa ministre travaillent dans le domaine depuis plusieurs années. Ils ont consacré leur vie à cela. Parmi ces gens, on retrouve, entre autres, des gens de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

• 1535

Ce qui est le plus aberrant, monsieur le président, c'est qu'après avoir fait des vérifications, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec avait émis un communiqué, hier. Il y avait un embargo sur ce communiqué jusqu'à midi. C'est donc dire que Mme Viau avait pris connaissance de ce communiqué quand elle a fait cette déclaration. Je vous fais la lecture d'un passage du président de la commission, M. Claude Filion:

    Il est important de comprendre que l'on parle ici d'enfants et de jeunes hébergés en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse, non en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants. Ce sont des jeunes dont la sécurité et le développement étaient compromis dans leurs familles et que le réseau de protection prend en charge dans le but, précisément, de favoriser leur développement.

La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse prend la peine de mettre des bémols, sachant ce que certaines personnes pourraient faire avec un communiqué semblable, soit le dénaturer et l'utiliser à leur avantage dans le cadre de ce qui se passe à Ottawa au moment de l'étude du projet de loi C-3. La commission prend la peine de faire des mises en garde et d'indiquer très clairement qu'il ne faut pas mêler les deux choses, et Mme Viau fait de la politique. Elle dénature le communiqué et les faits, et elle veut qu'on leur demande sur quoi ils se fondent pour prétendre avoir un système si extraordinaire quand la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse de leur province dit carrément que ce système ne fonctionne pas.

Il faut être culotté pour faire cela. Si Mme Viau aime faire de la politique, vous lui direz, les gens du ministère, que c'est le temps de prendre sa décision. Il va y avoir des élections fédérales bientôt. Ils cherchent un candidat libéral dans le comté de Berthier—Montcalm. Mme Viau peut y venir n'importe quand. Je vais faire un débat avec elle et on fera de la politique, mais pour l'instant et tant et aussi longtemps qu'une partie de mes taxes sera utilisée pour payer son salaire, j'aimerais qu'elle s'en tienne à son mandat, c'est-à-dire de travailler au ministère et de ne pas faire de politique. Si Mme Viau entre pendant que je parle, j'aimerais qu'on m'en informe parce que j'aurais des choses à lui dire en face.

Cela étant dit, monsieur le président, vous voyez dans quelle atmosphère le projet de loi C-3 se développe. J'aurais aimé que la ministre soit présente pour être en mesure de lui poser des questions sur, entre autres, ses nombreux amendements. J'aurais aimé entendre ses réponses, surtout au sujet des jeunes contrevenants, mais également sur le mandat de Mme Viau et sur la politique qu'elle a faite. J'aurais aussi aimé constater la panique qui sévit au sein du ministère. On en est rendu à payer des milliers de dollars pour faire un sondage semblable, à solliciter des entrevues particulières avec les journalistes—car les journalistes me disent qu'ils sont très bien traités par le ministère de la Justice par les temps qui courent—pour tenter de faire un lobby sans précédent. Sincèrement, monsieur le président, je peux presque dire mission accomplie. Je les énerve.

Ils sont dans un état de panique, et on va continuer. Vous pouvez rire, monsieur Saada, mais comme député du Québec, je ne rirais pas à votre place, surtout pas après avoir voté hier en faveur de la motion pour bâillonner le Québec et juste avant de voter pour l'adoption d'un projet de loi dont personne ne veut au Québec. Je ne rirais pas.

M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Est-ce un commentaire personnel?

M. Michel Bellehumeur: Prends-le comme tu le veux. Je ne rirais pas si j'étais à ta place.

M. Jacques Saada: Monsieur le président, j'invoque le Règlement.

Le président: Monsieur Saada.

M. Jacques Saada: Je pense que le rôle de ce comité est de débattre de la substance de ce dont on discute et non pas de formuler des attaques personnelles. Donc, je souhaiterais que mon collègue retire ses paroles ou, au moins, qu'il s'excuse pour l'attaque personnelle qu'il vient de faire à mon endroit.

• 1540

[Traduction]

Le président: Monsieur Bellehumeur, je dois aussi vous faire remarquer que d'autres m'ont fait part de la même préoccupation. Je vous demanderais d'être prudent dans les conclusions que vous tirez, surtout quand les intéressés ne sont pas ici pour défendre leur position.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Comme je comprends que vous ne me demandez pas de retirer mes paroles, je vais poursuivre.

[Traduction]

Le président: Excusez-moi. Voici où je veux en venir: selon la tradition parlementaire, nous limitons nos remarques à ceux qui ont des comptes à rendre au public, à ceux qui ont brigué les suffrages. Si les paroles ou les actes d'un fonctionnaire en particulier vous déplaisent, il y a bien des façons de régler le problème; je ne crois toutefois pas qu'il soit indiqué de le faire ici, en l'absence des intéressés.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: C'est exact. C'est la raison pour laquelle je voulais voir si les fonctionnaires pouvaient l'appeler, parce que j'aurais aimé lui parler en personne. Effectivement, monsieur le président, je vérifierai mes droits et, si j'ai des plaintes à formuler, je le ferai également, correctement. Cela dit, je comprends. Je prends note de ce que vous avez dit et j'aimerais poursuivre.

[Traduction]

Le président: À condition que vous ne fassiez pas qu'en prendre bonne note, que vous modifiiez aussi votre approche. Je ne crois pas non plus qu'il soit juste de demander aux fonctionnaires de se faire accompagner par d'autres fonctionnaires au beau milieu de notre étude. Ils ont un travail à faire, ils ont d'autres responsabilités. Vous avez fait valoir votre point. Il y a d'autres façons pour un député de régler les problèmes que peut lui poser le comportement d'un fonctionnaire et je vous suggère de vous prévaloir plutôt de ces autres méthodes.

[Français]

M. Jacques Saada: La question a été réglée pour le reste, mais pour ce qui vient de se passer à mon endroit, j'attends le retrait des paroles de M. Bellehumeur. Je veux absolument qu'il retire l'allusion à une attaque personnelle.

M. Michel Bellehumeur: Quelle était l'attaque personnelle au juste?

M. Jacques Saada: J'ai compris que ce n'était pas l'intention de M. Bellehumeur de le faire.

[Traduction]

Le président: Je m'excuse auprès de mes collègues. Le débat dure depuis maintenant six heures. Je n'ai pas retenu chaque mot et je ne peux me prononcer sur ce qui a été dit. Je suis certain que le député ne voulait insulter personne et qu'il est disposé à s'excuser si, sans le vouloir, il a offusqué quelqu'un.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Je voudrais bien m'excuser, mais je n'ai pas fait d'attaque personnelle. J'ai fait un constat. C'est de l'argumentaire. Je pense, monsieur le président, qu'on doit poursuivre, parce qu'on ne s'entendra jamais sur ce qu'est une attaque personnelle. Je demanderais tout simplement qu'il écoute avec ses oreilles et non pas avec sa bouche. De cette façon, je n'aurai pas de réaction à certains commentaires venant de l'autre côté sur mes propos.

Le président: Monsieur Saada.

M. Jacques Saada: Monsieur le président, je veux bien qu'on invoque n'importe quel argument, mais il y a une chose qui est certaine: c'est que dans ce débat qui se déroule autour de cette table, jusqu'à présent, à part les cas auxquels vous avez fait allusion vous-même, il y avait une certaine tenue. J'estime qu'il est important qu'on poursuive dans cette voie-là. Par conséquent, l'allusion que vient de faire mon collègue à l'interprétation que j'ai donnée à sa réaction, que je considère comme une attaque personnelle, devrait être retirée. Je lui demande de le faire s'il veut garder l'élégance qui convient à ce débat.

M. Michel Bellehumeur: Monsieur le président, dites-moi ce que je dois retirer.

M. Jacques Saada: Voulez-vous que je formule le retrait? Le voici: je déclare qu'il ne s'agit pas d'une attaque personnelle contre mon collègue, monsieur Saada.

M. Michel Bellehumeur: Pour dire cela, il faut que je sache quelle est l'attaque personnelle. Qu'est-ce que vous n'avez pas aimé que je vous dise? Que vous n'avez pas défendu les intérêts du Québec?

M. Jacques Saada: Donc, cela veut dire que mon collègue d'en face parle et ne sait pas ce qu'il dit puisqu'il ne se souvient pas de ce qu'il vient de dire. Cela me pose un problème.

M. Michel Bellehumeur: C'est lui qui a un problème, monsieur le président. Ce n'est pas ce que j'ai dit. Je me souviens fort bien de ce que j'ai dit.

M. Jacques Saada: Ah, bon!

M. Michel Bellehumeur: Je me souviens fort bien des paroles que j'ai prononcées, mais ce n'était pas une attaque personnelle. Qu'est-ce qu'il considère une attaque personnelle? Qu'est-ce que c'est pour lui, dans sa tête? Qu'il me le dise et, si je considère que c'est une attaque personnelle, je retirerai mes paroles. Mais je ne considère pas que c'est une attaque personnelle. Est-ce que ça peut être plus clair que cela?

M. Jacques Saada: Je vais être encore plus clair que cela, monsieur le président. J'ai demandé à M. Bellehumeur s'il fallait que j'interprète ce qu'il venait de dire comme une attaque personnelle et il m'a dit: «Vous le prendrez comme vous le voudrez.» Je considère donc, effectivement, que c'est une attaque personnelle sous-entendue et je voudrais qu'il clarifie la situation et retire ses paroles.

• 1545

M. Michel Bellehumeur: Monsieur le président, c'est une appréciation des faits; c'est de l'interprétation et je ne crois pas que nous devrions nous prêter à cela. Si nous étions à la Chambre des communes, le Président passerait tout droit, ce que je vous invite à faire. Nous serons encore ici demain matin.

M. Jacques Saada: Non, nous ne serons pas ici demain matin. Monsieur le président, j'insiste pour que la clarification soit faite.

M. Michel Bellehumeur: J'espère que vous avez arrêté la minuterie.

[Traduction]

Le président: Monsieur Bellehumeur, nous avons consacré beaucoup de temps à ce débat au printemps et, encore une fois, cet automne. En général, jusqu'à présent, je crois pouvoir dire que tous les députés ont fait preuve d'une grande patience.

Si j'ai bien compris vos propos, M. Saada estime que ce que vous avez dit peut être interprété comme une attaque personnelle et vous lui avez essentiellement répondu qu'il pouvait interpréter ces propos comme il le voulait. Justement, il juge que vous avez eu l'intention de l'attaquer personnellement. Puisque tel est le cas, il vous demande de tout simplement vous rétracter afin que nous puissions poursuivre le débat.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Est-ce que le député veut que je retire les propos que j'ai tenus, à savoir qu'il n'a pas défendu correctement les intérêts du Québec lorsqu'il a voté en faveur d'une motion de bâillon? Est-ce que c'est ce que vous estimez être une attaque personnelle? Je ne sais pas si c'est qu'il estime être une attaque personnelle. Qu'il me répète les mots que j'ai dits et qui l'ont offensé, et je les retirerai. S'il est susceptible aujourd'hui, je suis disposé à retirer ces paroles afin que nous puissions poursuivre le débat. Mais je ne peux pas retirer des paroles alors que j'ignore ce qu'elles sont. Je ne sais pas ce qu'il veut. Monsieur le président, je ne suis pas en mesure de retirer des paroles qui auraient offensé mon collègue si ces paroles n'ont pas été prononcées. Il ne faut pas être fou non plus.

[Traduction]

Le président: Monsieur Bellehumeur, il vous suffirait de dire que vous n'aviez pas l'intention d'attaquer personnellement M. Saada. C'est tout. Cela m'apparaît comme une attente raisonnable. C'est aussi simple que ça.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Monsieur le président, je ne vais pas m'en excuser sans savoir ce à quoi il fait allusion. Qu'il me dise à quoi il fait allusion et, si mes paroles ont dépassé ma pensée, je les retirerai.

[Traduction]

Le président: Vous n'aviez pas l'intention de l'attaquer personnellement, monsieur Bellehumeur, n'est-ce pas?

[Français]

M. Michel Bellehumeur: S'il estime que le fait que j'ai dit qu'il n'a pas défendu adéquatement les intérêts du Québec lorsqu'il a voté en faveur d'une motion de bâillon pour mettre fin aux délibérations du comité représente une attaque personnelle, je ne retirerai pas mes paroles parce que c'est ce que je pense très sincèrement. Lorsqu'il m'a demandé s'il s'agissait d'une attaque personnelle, je lui ai dit d'interpréter mes propos comme il le voulait. J'ai fait un constat. S'il voit dans ce constat une attaque personnelle, ce n'est pas mon problème. Ce n'est pas une attaque personnelle.

Une voix: Il faut que ce soit payant... [Note de la rédaction: Inaudible].

M. Michel Bellehumeur: C'est un constat, monsieur le président.

[Traduction]

M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Monsieur le président, j'invoque le Règlement.

Le président: Monsieur Saada d'abord, puis monsieur Myers.

[Français]

M. Jacques Saada: Monsieur le président, nous avons fait plusieurs heures de débat autour de cette table dans le cadre de notre étude de ce projet de loi. Il est évident que sur le plan de la substance, nous avons des divergences de points de vue, ce qui ne nous a jamais empêchés de nous respecter mutuellement en tant que personnes que nous sommes.

Le fait de faire allusion à un sourire que j'ai fait et d'en déduire que je ne considère pas que ce dossier est important, ainsi que de me laisser la possibilité de croire qu'il s'agit d'une attaque personnelle consiste, selon moi, est une attaque personnelle.

Je veux simplement que M. Bellehumeur puisse invoquer tous les droits dont il dispose pour contester mes positions politiques, mais je m'oppose à ce qu'il interprète mes mimiques comme étant une position politique pour lui. Je crois que c'est clair. Je veux qu'il retire ses paroles.

[Traduction]

Le président: Monsieur Myers sur un rappel au Règlement.

M. Lynn Myers: Monsieur le président, honnêtement, je trouve plutôt troublant que M. Saada ait à subir ce genre d'attaque.

Le député du Bloc semble avoir bien des choses à dire. Je ne suis pas certain que ses propos soient d'une grande substance. En fait, ils m'apparaissent dénués de substance. Cela dit, il devrait s'en tenir au sujet qui nous occupe. Il devrait s'en tenir au projet de loi. Il ne devrait pas, comme il l'a fait hier, commenter les habitudes de voyage des autres, se prononcer sur ce que fait ou ne fait pas chaque député. Aujourd'hui encore, c'est ce qu'il a fait au sujet de M. Saada.

• 1550

C'est une drôle de façon de travailler, particulièrement à un comité aussi important que celui-ci, le Comité de la justice. Je trouve cela extrêmement vexant. S'il veut continuer et faire ce qu'il pense devoir faire pour les quatre heures et demie qui viennent, c'est une chose, mais se lancer dans un débat de ce genre ne convient pas à un parlementaire ni à quelqu'un que je considère comme un bon membre du Bloc québécois. C'est simplement scandaleux. Le message est passé, à mon avis, continuons.

Le président: Monsieur Bellehumeur, vous avez la parole, le chronomètre est en marche. Je suis convaincu que vous avez suffisamment de temps pour terminer; néanmoins, je veux que vous sachiez que...

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Je croyais que vous aviez arrêté la minuterie.

Je ne répondrai pas à M. Myers parce que ça n'en vaut même pas la peine. Quant à mon collègue Saada, s'il considère que mon interprétation de ses mimiques est une attaque personnelle, je retirerai l'interprétation que j'en avais faite. Ce n'est pas mal comme résumé, n'est-ce pas, monsieur le président?

Une voix: Oui, c'est bon.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup. Je crois que le débat porte sur le projet de loi C-3. Continuez, s'il vous plaît.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Madame Viau n'est pas encore arrivée. C'est une coïncidence que cet article qu'elle a rédigé ait paru parce que j'avais prévu parler du mémoire hier et que je n'ai pas eu la chance de le faire. La parution de son article me donne l'occasion de le faire aujourd'hui. Le ministère ne semble pas avoir compris la teneur de de ce mémoire. Si la ministre de la Justice et procureur général du Canada était venue témoigner à ce comité dans le cadre de notre étude du projet de loi C-3, j'aurais pu lui poser des questions, ainsi que lui expliquer certaines choses, entre autres le mémoire de la Commission des droits de la personne et des droits la jeunesse du Québec qui avait été déposé en décembre 1999. Ce mémoire est très révélateur et je suis persuadé que si le ministère avait au moins pris la peine de le lire, il n'aurait jamais fait les déclarations qu'il a faites par la bouche de Mme Viau.

Quoique vous méritiez quasiment que je lise ce mémoire au complet parce que, de toute évidence, vous n'en avez pas pris connaissance, je me contenterai d'insister sur certains de ses passages, dont des commentaires relatifs à la Loi sur les jeunes contrevenants. Si l'on veut être en mesure d'évaluer correctement les modifications que nous propose le projet de loi C-3, il faut au moins savoir ce qu'est la Loi sur les jeunes contrevenants, la loi qu'on veut abroger. Le mot «abrogation» est plus juste que le mot «modification». La ministre de la Justice nous a proposé une nouvelle approche dans ce projet de loi C-3 qui vise à criminaliser davantage les jeunes aux prises avec un problème de criminalité.

À la page 3 du mémoire qu'a déposé la commission auprès du Comité permanent de la Justice et des droits de la personne, on lit:

    Après 76 ans d'application, l'ancienne Loi sur les jeunes délinquants, dont les principes reflétaient l'esprit paternaliste de l'époque, était remplacée en 1984 par la Loi sur les jeunes contrevenants.

• 1555

    Quelques années furent alors nécessaires pour bien assimiler les principes directeurs de la nouvelle loi. Pour plusieurs intervenants du milieu de la jeunesse, particulièrement dans les autres provinces, ces principes ont pu paraître, à première vue, contradictoires. Finalement en 1993, la Cour suprême du Canada souligna plutôt la complémentarité des principes définis par cette loi et nota qu'il faut y voir la recherche d'un équilibre entre la nécessité de faire assumer aux jeunes contrevenants la responsabilité de leurs délits et de reconnaître leur vulnérabilité et leurs besoins spéciaux.

Monsieur le président, les tribunaux inférieurs et les tribunaux d'appel citent en long et en large ce jugement de la Cour suprême. Il s'agit du jugement R. c. M. (J.J.) - [1993] 2 R.C.S. 421, quoique la citation que j'ai relevée se retrouve plus particulièrement à la page 428. Il a effectivement fallu plusieurs années pour assimiler les principes directeurs de cette nouvelle Loi sur les jeunes contrevenants, loi qu'on applique depuis 1984. On retrouve ses principes directeurs dans la déclaration de principes qui figure à son article 3. On y constate qu'un adolescent ne peut être assimilé à un adulte quant à son degré de responsabilité, son développement ou sa façon de voir les choses. On ne peut demander à un adolescent ou à un enfant de 12 ans de réfléchir comme un adulte. On ne peut certes pas lui demander d'être responsable au même titre qu'un adulte.

Malgré cela, il a fallu plusieurs années pour définir les balises de la Loi sur les jeunes contrevenants et assimiler ses principes directeurs afin d'être en mesure de bien l'appliquer. On parle également dans ces principes directeurs de quelque chose qui devrait être facile à assimiler au chapitre de la maturité des personnes aux prises avec des problèmes de criminalité.

On parle également d'envisager des mesures de rechange à l'intention d'un jeune, d'un enfant ou d'un adolescent aux prises avec un problème de criminalité afin qu'il lui soit possible de réintégrer la société. Bien que ce soit pour moi assez clair, il a fallu plusieurs années avant qu'on puisse assimiler ces principes. Il a été très utile que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec nous le rappelle. La commission a donné un avertissement à la ministre de la Justice et à ses fonctionnaires. Elle leur a dit que s'ils modifiaient la loi comme ils entendaient le faire, y incluant toutes sortes de principes nouveaux, il faudrait encore plusieurs années avant qu'on puisse assimiler les principes directeurs de la nouvelle loi et équilibrer tout ça.

Seul un aveugle ou une personne incapable de lire le projet de loi ne saurait comprendre et admettre qu'au chapitre des sentences, la nouvelle loi est axée sur la gravité de l'infraction. La commission a émis cet avertissement à l'intention du ministère de la Justice. J'aurais aimé demander à la ministre de la Justice, si elle avait été présente, si elle a compris l'avertissement que contenait ce paragraphe.

Comme je l'ai indiqué, il est inutile de faire un sondage à coup de milliers de dollars au Québec pour constater que la perception de la Loi sur les jeunes contrevenants n'est pas bonne. La commission l'a bien compris, et ce sans nécessairement qu'on tienne un sondage CROP. Elle indiquait à la page 3 ce qui suit:

• 1600

    Il faut bien garder en mémoire que plusieurs provinces se sont montrées hostiles à la mise en vigueur de la Loi sur les jeunes contrevenants, particulièrement à l'égard des effets escomptés et de l'engagement exigé par le gouvernement fédéral à leur endroit.

    Le Québec, en revanche, s'est adapté assez facilement à cette nouvelle philosophie en matière de criminalité chez les jeunes, ayant développé au cours des 40 années antérieures, un mode d'intervention rééducative axé sur les mêmes bases que celles instaurées par la Loi sur les jeunes contrevenants. Dès l'application de la loi en 1984, le Québec a mis en place, dans le respect de la continuité, les conditions nécessaires afin d'assurer toutes les chances possibles au changement ainsi provoqué. Un tribunal spécialisé en matière de jeunesse confirmé dans sa juridiction, le maintien de ressources conformes à la loi, la mise en place d'un programme autorisé de mesures de rechange, voilà autant d'éléments parmi d'autres qui ont dirigé une transition et une implantation de la Loi sur les jeunes contrevenants dans le sens souhaité par les tenants d'une approche plus rééducative que répressive.

On voit que même en 1984, il avait fallu de nombreuses études et consultations fédérales-provinciales. Je pourrai vous en faire l'historique un peu plus tard. Il a même fallu deux gouvernements avant qu'on soit en mesure d'adopter ce projet de loi. Même après toutes ces discussions, études et échanges, il demeurait en 1984 des insatisfaits, quoique la grande majorité, dont le Québec et l'Ontario, ait appuyé ce projet de loi. Les provinces ont été de bons joueurs et elles se sont dotées des outils et de l'infrastructure—comme je l'appelais hier—nécessaires pour mettre en place la nouvelle loi, qui est la Loi sur les jeunes contrevenants actuelle qu'on applique dans les tribunaux du Québec et dans ceux des autres provinces.

Au Québec, nous nous sommes dotés d'un tribunal spécialisé en matière de jeunesse, qui se trouve à être aujourd'hui la Cour du Québec, Chambre de la jeunesse. Nous nous sommes également donné des ressources conformes à la loi, et on peut peut-être dire que ces dernières sont nettement supérieures à ce que nous permettent de nous offrir les sommes que reçoit le Québec du fédéral pour la mise en place et l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants. Je ne répéterai jamais suffisamment qu'à l'heure actuelle, le fédéral doit au Québec plus de 100 millions de dollars pour l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants. Bien que la somme que je cite soit approximative, je dois souligner que l'ancien ministre de la Justice Allan Rock avait convenu, il y a quelques années, que cette dette s'élevait à 96 millions de dollars. Depuis ce temps, la situation ne s'est pas améliorée et on a sans doute dépassé le cap des 100 millions de dollars, quoique je n'aie pas le calcul précis en main. Naturellement, si la ministre désirait aujourd'hui libeller un chèque à l'ordre la province de Québec, je pourrais m'engager à lui soumettre des chiffres vérifiés d'ici 17 heures. Je suis persuadé que je serais capable de rassembler les éléments.

Ce que je veux vous dire, c'est qu'à la suite de l'adoption de la loi en 1984, le Québec a mis en place les ressources nécessaires pour se conformer à cette loi et qu'il a surtout mis en place un programme de mesures de rechange qu'a autorisé non seulement le ministère de la Justice, mais également le ministère de la Santé et des services sociaux, un programme très détaillé qui fait loi au Québec.

• 1605

Le premier chapitre traite de l'interprétation et de l'application du programme. Le deuxième expose le mécanisme visant à déterminer si des mesures de rechange sont appropriées quant au mode de référence au substitut et aux pouvoirs du substitut général. Dans le cas où l'adolescent est âgé de 12 ou 13 ans, qu'est-ce que le directeur a comme juridiction, avant ou pendant la dénonciation? Ce chapitre contient toutes sortes de choses applicables aux jeunes en difficulté. Tout est détaillé et défini dans ce programme-là, par exemple le mécanisme pour déterminer si des mesures de rechange sont appropriées et leurs modalités d'application.

On explique la nature des mesures de rechange. Voyez comment est libellé l'article 13 de ce programme:

    Art. 13 P.M. R. À titre de mesures de rechange, le directeur peut notamment proposer à l'adolescent l'une ou plusieurs des mesures suivantes:

    a) que l'adolescent verse une somme d'argent à une personne ou à un organisme selon les modalités convenues avec l'adolescent;

    b) que l'adolescent exécute un travail bénévole au bénéfice de la victime, selon les modalités convenues entre l'adolescent et le directeur et acceptées par la victime;

    c) que l'adolescent effectue un travail bénévole ou rende un service approprié à la collectivité;

    d) que l'adolescent participe à une activité visant à lui permettre d'améliorer ses aptitudes sociales.

Par la suite, on énumère les conditions et la façon d'informer l'adolescent de ça: l'entente consignant l'engagement de l'adolescent parce que, naturellement, il faut qu'il y ait une entente formelle, le contenu de l'entente, les modifications apportées à l'entente, celle-ci pouvant être modifiée d'un commun accord. Tout est prévu. On n'improvise pas dans ce domaine. Nous avons un programme de mesures de rechange parce que la loi nous le permet à l'heure actuelle.

Dans le quatrième chapitre, «Infractions aux situations pour lesquelles le substitut du procureur général peut saisir le directeur ou autoriser des poursuites», on énumère tous les articles qu'on veut viser, les matières d'infraction contre l'application de la loi et l'administration de la justice; on nomme toutes les infractions visées. En matière d'ordre sexuel, on énumère également tous les articles. On a une panoplie d'infractions. Dans le cas de telles infractions, on dit quelles mesures de rechanges sont permises.

Au Québec, on a ça. On a mis en place dès le début un programme qui a été adopté en 1985, un an ou quelques mois après l'entrée en vigueur de la Loi sur les jeunes contrevenants. On a mis en branle un comité d'étude pour bâtir un programme de mesures de rechange. Cela a été possible grâce à la loi de l'époque, la Loi sur les jeunes contrevenants. Nous, au Québec, nous l'avons fait.

Si la ministre s'était présentée conformément à la proposition que j'avais faite, si elle était présente ici pour répondre à mes questions, j'aurais aimé entendre de sa bouche si elle a vérifié que toutes les autres provinces avaient un programme semblable, sinon identique à celui du Québec. L'autre question que je lui aurais posée, c'est, si à sa connaissance, les provinces appliquent ce ou ces programmes de mesures de rechange conformément à la loi de 1984.

Je continue la citation du mémoire de la commission. Il y est dit:

    Alors que dans plusieurs autres provinces subsiste une optique peu favorable à la nouvelle loi, le Québec, malgré bon nombre d'amendements venus éroder l'application de certains de ses principes, maintient le cap.

• 1610

Lorsqu'on parle d'une nouvelle loi, on parle de la loi de 1984.

    Les intervenants québécois ont toutefois senti le besoin de faire le bilan de la Loi sur les jeunes contrevenants afin de vérifier si la loi présente des difficultés, soit dans sa forme ou encore dans son application.

C'est le groupe de travail dont j'ai parlé qui a produit le rapport qu'on nomme maintenant le rapport Jasmin. J'aurai le plaisir, au cours de cet après-midi, de vous parler en détail de ce rapport. De toute évidence, les gens du ministère et la ministre, qui se promènent avec une copie de ce rapport, n'ont pas dû le lire. Du moins, je n'en suis pas sûr. Je suis persuadé que s'ils l'avaient lu, le projet de loi C-3 serait différent sinon inexistant, car il conclut que la Loi sur les jeunes contrevenants est une bonne loi.

Une fois qu'elle a fait ce petit historique très bref, la même commission, dont Me Viau s'est servie pour expliquer la position de la ministre, continue en disant ceci à propos des résultats de l'application de la loi.

    Quant aux résultats de la mise en oeuvre au Québec de la Loi sur les jeunes contrevenants, les statistiques sont assez éloquentes:

      - en 1997, le taux d'inculpation de jeunes contrevenants au Québec est le plus bas au Canada; alors que le taux de l'Ontario et de la Colombie-Britannique est environ le double de celui du Québec, celui du Manitoba et de la Saskatchewan est trois à quatre fois plus élevé;

Ce sont des statistiques importantes, si on veut vraiment regarder le projet de loi avec les bons yeux et surtout voir s'il est nécessaire. Je continue à citer la commission:

      - en 1996-1997, le taux de condamnation à la mise sous garde au Québec est quatre fois moins élevé qu'en Saskatchewan et trois fois moins élevé qu'au Nouveau-Brunswick, en Ontario, au Manitoba et en Alberta; en fait, le Québec a le plus bas taux de mise sous garde au Canada;

J'ai maintenant une statistique très importante dont, de toute évidence, je devais parler aujourd'hui. J'ai double motivation pour le faire étant donné que les gens du ministère, dans les petits briefings qu'ils font à l'intention des journalistes, utilisent cette statistique pour démontrer que ce qui se passe au Québec est épouvantable et qu'on devrait remercier la ministre de son projet de loi. C'est la statistique suivante:

      - en 1997-1998, avec 24 p. 100 de la population canadienne entre 12 et 17 ans, les tribunaux de la jeunesse du Québec n'ont entendu que 10 p. 100 du volume total des causes au Canada; la Saskatchewan a entendu 8 p. 100 des causes alors que sa population des 12-17 ans ne représente que 4 p. 100 de celle de l'ensemble du Canada;

Mais je me suis trompé quant à ce 24 p. 100. Ce n'est pas le pourcentage dont se servent les gens du ministère auprès des médias; c'est pour autre chose. Je vais donc clore le sujet en ce qui a trait au mémoire de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec pour aborder le pourcentage que le ministère utilise auprès des journalistes pour les convaincre que c'est bien épouvantable.

Le Québec, selon nos statistiques, assigne beaucoup de jeunes de 16 à 17 ans à comparaître devant les tribunaux pour adultes. On en a transféré 23 en 1997-1998 de même qu'en 1998-1999. C'est la deuxième province à en avoir assigné le plus au Canada. Les Québécois devraient nous remercier; grâce au projet de loi C-3, ils vont être en mesure d'en assigner moins.

Ce qu'ils omettent de dire, monsieur le président, s'ils veulent donner une information complète aux journalistes, c'est que, premièrement, le projet de loi C-3 abaisse l'âge à 14 et 15 ans.

• 1615

Deuxièmement, je dirai que oui, on en a référé 23 en 1998-1999. J'aurais aimé le savoir avant que le ministère en fasse tout un plat, parce que j'aurais même pu parler de chacun de ces cas en particulier. On serait arrivé à la conclusion que s'ils ont été référés au tribunal des adultes au Québec, c'est justement parce qu'on avait appliqué l'article de la loi et surtout la déclaration de principes de la Loi sur les jeunes contrevenants ayant trait aux besoins de l'adolescent ou du jeune. On aurait vu que les 16 et 17 ans qui ont été référés au tribunal pour adultes, selon les procédures de renvoi, méritaient de l'être.

Ce n'est pas un scandale comme le ministère veut le faire croire aux journalistes et ça ne met pas la hache dans l'argumentation élaborée au Québec relativement à l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants. Ça ne fait que confirmer la bonne gestion de la Loi sur les jeunes contrevenants par le Québec. Ça ne fait que corroborer que ce qu'on fait au Québec de la Loi sur les jeunes contrevenants, on le fait bien et on l'applique bien. On a soutiré du système 23 cas lourds, probablement irrécupérables pour toutes sortes de raisons, et on s'est concentré sur le reste pour vraiment investir dans la réhabilitation et la réinsertion sociale.

Après la séance d'hier, nous avons eu des discussions avec certains députés qui avaient entendu mes commentaires, ma quasi-plaidoirie d'hier, et nous avions reconnu, d'un commun accord, qu'il y avait effectivement des cas de jeunes de 16 ou 17 ans qui étaient irrécupérables. Il y a des jeunes de 16 ou 17 ans qui ont commis des meurtres, qui savaient très bien ce qu'ils faisaient et qui n'éprouvent aucun remord. Pourquoi alors tenter quoi que ce soit et investir du temps et de l'argent sur eux?

Par contre, grâce à la Loi sur les jeunes contrevenants, grâce aux besoins spéciaux identifiés noir sur blanc dans la Loi sur les jeunes contrevenants, on peut immédiatement, dès le début, de la façon dont on fonctionne, voir si on peut ou si on doit, parce que c'est une obligation... L'État a l'obligation de viser des résultats parce que les jeunes sont l'avenir d'un pays. Il faut donc voir si on doit investir dans la réhabilitation d'un jeune et tenter de le remettre sur les rails de la société pour qu'il devienne un citoyen anonyme.

Eh bien, oui, au Québec, on en a référé 23 l'an dernier, c'est-à-dire en 1998-1999. Ce n'est pas un scandale. Je ne sais pas pourquoi le ministère monte cela en épingle si ce n'est à cause de la panique qu'il éprouve, comme je le disais tout à l'heure, et pour faire peur aux journalistes par la voix de Me Viau.

Je ferme la parenthèse sur ces statistiques dont je voulais vraiment parler. J'avais cru qu'on en parlait dans le rapport de la commission et je voulais vraiment le souligner pour que ce soit clair pour tous les gens qui nous écoutent, soit ceux qui sont ici et qui m'écoutent attentivement, et ceux qui sont intéressés à la cause, au projet de loi C-3.

Donc, je reviens à l'important mémoire de la commission qui, de toute évidence, n'a pas été lu par les gens du ministère puisqu'ils l'utilisent à de mauvaises fins.

On y dit que de 1997 à 1998, alors que le taux des jeunes accusés de crimes violents diminuait d'environ 1 p. 100 dans l'ensemble du Canada, le Québec notait quant à lui une baisse de 6 p. 100. Je pense que je vais le répéter.

• 1620

Donc, en 1997 et 1998, alors que le taux des jeunes accusés de crimes violents diminuait d'environ 1 p. 100 dans l'ensemble du Canada, le Québec notait, quant à lui, une baisse de 6 p. 100. Cela doit démontrer que le système n'est pas si mauvais.

Ce n'est pas parce qu'il y a des problèmes dans un ou deux centres jeunesse au Québec qu'on doit mettre la hache dans le système. Il ne faut pas se réjouir qu'il y ait des problèmes dans un ou deux centres jeunesse au Québec, comme Mme Viau le fait. Je n'ai jamais dit que c'était le bonheur parfait au Québec dans le monde de l'administration de la justice. Vous savez, quand on coupe des lits dans des hôpitaux, on peut peut-être aussi couper dans le gras de ces centres.

Or, bien souvent, le gras est une partie de l'essentiel. C'est tellement complexe, la psycho-éducation des délinquants. On pourrait écrire des thèses de doctorat là-dessus pour arriver à comprendre la situation. Vous comprendrez donc que la perfection n'existe pas dans ce domaine non plus.

D'ailleurs, cela n'a jamais été la prétention du Québec. On a toujours dit que, même en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants, il y a matière à amélioration. On peut améliorer certaines choses. Si le ministère avait eu des bonnes oreilles, des oreilles attentives aux revendications du Québec, si la ministre y avait été davantage sensibilisée ou même si elle venait plus souvent au Comité de la justice, comme le lui demande ma motion, elle saurait qu'on a déjà fait des propositions en ce sens, monsieur le président.

J'aurais aimé l'entendre sur les propositions qu'on a déjà faites, entre autres sur les améliorations qui pouvaient être apportées à la Loi sur les jeunes contrevenants. On aurait pu l'améliorer, mettre davantage l'accent sur la question des délais. On aurait pu travailler davantage à la Loi sur les jeunes contrevenants pour accélérer les procédures afin que le jeune soit pris en charge, si besoin il y a, dès la commission de son infraction. On a fait de bonnes choses grâce à la Loi sur les jeunes contrevenants, mais s'il était écrit noir sur blanc qu'il y a obligation d'accomplir telle ou telle chose à l'intérieur d'un délai donné, ce serait beaucoup plus avantageux pour le jeune, pour le système et pour la société.

Cela ne veut pas dire qu'il faut mettre la hache dans la Loi sur les jeunes contrevenants pour y parvenir. De toute façon, pour illustrer encore un peu mieux la mauvaise foi du ministère et de la ministre, je dirai que dans le projet de loi C-3, on a fait fi complètement de toute la question des délais. Pire encore, on a ajouté tellement d'étapes, on a tellement voulu faire du projet de loi C-3 un Code criminel petit format, comportant toutes ses étapes, soit la comparution, l'enquête préliminaire, la nécessité d'un juge et d'un jury, let's go, et on applique la même procédure que pour les adultes à un point tel qu'on a prolongé le temps requis.

J'en ai donné deux exemples frappants hier, à l'aide de deux cas fictifs. Je sais, Peter, que vous n'étiez pas là hier. Je pense qu'il vaut la peine que je les présente à nouveau seulement pour vous. Ce sont deux cas qui illustrent très bien la situation et, à titre d'ancien procureur de la Couronne, vous allez en saisir toutes les nuances. Comme vous semblez insister, je vais vous les présenter tout de suite avant de poursuivre la lecture du mémoire de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse du Québec.

Je disais, monsieur MacKay, que j'avais préparé au cours de l'été deux cas fictifs qui comportent plusieurs éléments. Ils ne sont pas réels, mais ils permettent d'établir une comparaison entre l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants et l'application de la future loi C-3. C'est vraiment une histoire que je vais raconter, mais elle illustre très bien la différence entre les deux.

• 1625

Intervenant sur les lieux d'un incendie, la police découvre dans un logement le cadavre d'une dame d'une trentaine d'années. Elle est morte de façon violente, de plusieurs coups de couteau, et tout indique qu'il y a eu une violente altercation. L'arme du crime n'est pas retrouvée et on a cherché à camoufler le crime en mettant délibérément le feu.

Le voisinage est apeuré et les premiers soupçons des enquêteurs se portent sur son concubin, qui a des antécédents de violence familiale. C'était une famille connue des policiers à cause de la violence qui y régnait. Le concubin nie tout et fournit un bon alibi. L'enquête s'avère difficile et requiert une analyse scientifique poussée.

Plusieurs jours après le drame, les enquêteurs se présentent au Bureau des substituts du procureur général. Je suis sûr que vous avez vécu des choses semblables. Ils viennent d'arrêter une adolescente âgée de 15 ans qui se trouve être la fille unique de la personne décédée. Claudine, le nom fictif de mon personnage, porte encore des blessures aux bras et aux mains, qu'elle se serait infligées lors de l'agression. L'échantillon de son ADN, obtenu sur mandat, correspond à celui retrouvé sur la scène du crime et sur les vêtements de la victime. Claudine a été arrêtée chez son père, avec qui elle habite, où on a retrouvé ce qui semble être l'arme du crime.

Lors de son interrogatoire au poste de police, elle s'est montrée agressive et a même carrément menti aux enquêteurs sur ses allées et venues le jour du crime. On trouve dans ses antécédents judiciaires deux dossiers de voies de fait avec lésions survenues à son école. Claudine a été placée sous probation avec une interdiction de posséder une arme et de consommer de la drogue. Une accusation de meurtre au premier degré est portée, et Claudine est détenue en attendant l'issue de son procès.

Il est à noter qu'à ce stade de la procédure, le substitut du procureur général n'a à sa connaissance que les renseignements qui lui ont été communiqué par la police. Sauf pour ce qui est de ces deux condamnations, il ne connaît ni l'histoire de cette adolescente ni les raisons qui l'auraient poussée à tuer sa mère.

Allons voir comment la réforme de la ministre va traiter cette jeune fille, et on regardera par la suite ce qu'on fait au Québec, entre autres, en appliquant la Loi sur les jeunes contrevenants.

Dans le cas d'un meurtre, la réforme prévoit qu'une sentence pour adultes s'applique à partir de l'âge 14 ans, à moins que l'adolescent, après avoir été reconnu coupable, ne parvienne à convaincre le tribunal qu'il devrait plutôt bénéficier d'une sentence applicable aux adolescents. Bien qu'elle n'ait que 15 ans, Claudine est passible d'emprisonnement à vie.

Selon la réforme, le procureur général a la discrétion de demander que la sentence soit une sentence pour adolescents. Cependant, compte tenu de la gravité de l'infraction, de l'attitude de l'adolescente devant les enquêteurs et de ses antécédents judiciaires, il ne peut l'exercer car l'adolescente présente des risques sérieux pour la sécurité publique.

Avec les balises qu'on donne dans la loi de la ministre, le projet de loi C-3, le substitut du procureur général, étant donné les antécédents de la jeune fille et le fait qu'elle présente des risques sérieux pour la sécurité publique, doit demander une sentence pour adulte.

Étant donné qu'elle est passible d'une sentence pour adulte, la procédure judiciaire sera identique à celle d'un adulte. Claudine a le choix d'avoir une enquête préliminaire et un procès devant juge et jury. C'est ce que son avocat—je suis sûr que vous êtes d'accord sur cela—va demander afin de lui préserver le maximum d'options possible au cours de la procédure.

• 1630

Un an et demi plus tard... Je ne sais pas quels sont les délais dans votre province au niveau des procès devant juge et jury, mais au Québec, un délai d'un an et demi est assez court, et j'ose espérer que ça ne sera pas plus long. Donc, un an et demi plus tard, au procès devant juge et jury, les éléments de preuve sont accablants et l'adolescente ne témoigne pas. Après délibéré, le jury prononce un verdict de culpabilité et le tribunal demande alors des rapports d'évaluation sur l'adolescente. En effet, en vertu du projet de loi C-3, les rapports d'évaluation sur l'adolescente seront demandés uniquement si l'adolescente est trouvée coupable. Si elle ne l'est pas, on n'aura pas besoin de ces rapports.

Regardez ce que disent les rapports, toujours de façon fictive.

Les rapports psychologique, criminologique et prédécisionnel font état de l'histoire de cette jeune fille, qui en surprend plus d'un. En fait, son histoire est fort simple. Dès qu'elle a eu 12 ans, le nouveau concubin de sa mère a commencé à s'intéresser à elle. Il lui faisait des cadeaux, lui indiquait qu'il l'aimait et, progressivement, une situation équivoque et d'hostilité s'est instaurée entre elle et sa mère, toutes deux étant en rivalité amoureuse sans le savoir.

Afin de l'attirer à lui, le concubin lui a offert des bijoux et de la drogue, et les premiers contacts sexuels ont débuté sous le signe, pour elle, de l'amour.

Claudine a par la suite eu des difficultés à l'école, et sa violence à l'égard de ses compagnes avait pour cause la situation amoureuse trouble qu'elle vivait. Naturellement, ses amis riaient d'elle.

Lors de ses visites chez sa mère, les querelles sont devenues courantes. C'est au moment où Claudine, par dépit, a révélé à sa mère que son concubin était également son amant qu'une violente altercation est survenue, qui a eu pour résultat le décès de sa mère.

Son mutisme et son agressivité tout au cours de la procédure judiciaire n'avaient pour explication que son désir de conserver secrète sa relation amoureuse.

Qu'est-ce qui arrive une fois qu'on voit tout ça? Devant ces révélations, son avocat n'a d'autre choix que d'en appeler du verdict de culpabilité, et un nouveau procès aura probablement lieu sous un chef accusation réduit. Le substitut du procureur général, devant l'information qu'on vient de lui donner, ne s'opposera pas à ce que l'adolescente reçoive une sentence pour adolescente.

Donc, avec la réforme, on aura des procédures extrêmement lourdes, un procès devant juge et jury et, surtout, on perdra du temps. On aura perdu près de deux ans quand tout sera terminé.

Dans le système actuel, devant les mêmes faits, qu'est-ce qu'on aurait fait? Sous le régime actuel, il n'y aurait pas eu un important délai de deux ou même trois ans. Avec toutes les études, ce délai pourra même être plus long. Avant que l'adolescente ne reçoive sa sentence, il n'y aurait pas de procédure judiciaire complexe avec enquête préliminaire, citation à procès, et le procès devant le jury n'aurait pas lieu. On sait que cela entraîne beaucoup de publicité.

En vertu de l'actuelle Loi sur les jeunes contrevenants, c'est au premier stade de la procédure que sont demandés les rapports d'évaluation sur l'adolescente. Il ne fait aucun doute que, dès qu'on aurait informé les substituts du procureur de la Couronne de toute l'histoire de cette jeune fille, le substitut du procureur général aurait indiqué son intention de ne pas requérir une sentence pour adulte.

De plus, il est plus que probable que l'adolescente aurait plaidé coupable, de sorte qu'il n'y aurait même pas eu de procès et que la majeure partie de la sentence de garde qui lui aurait été imposée se serait probablement terminée dans le délai de trois ans avant qu'on se rende compte qu'on avait fait une erreur.

Enfin, des mesures d'aide et de soutien afin de faciliter sa réinsertion auraient pu lui être offertes bien avant sa majorité. Également, le concubin aurait été accusé depuis longtemps de contacts sexuels avant un enfant.

• 1635

Je pense que cet exemple démontre très clairement que ce n'est que lorsque le procureur—monsieur Peter, vous êtes un ancien procureur de la Couronne—est en possession de toute l'information dans un dossier qu'il peut véritablement exercer sa discrétion et demander qu'un adolescent soit ou ne soit pas traité comme un adulte.

J'ai monté cet exemple parce que la ministre de la Justice nous demandait des exemples ou des illustrations démontrant que sa réforme ne fonctionnerait pas. Cet exemple démontre clairement que le système qu'elle veut imposer ne fonctionnerait pas et, surtout, irait à l'encontre de ce qu'on fait au Québec. J'aurais aimé que la ministre soit venue témoigner devant le comité tel que je le lui demandais dans ma motion pour répondre à mes questions, pour que je sache si elle est d'accord sur ces deux scénarios: l'un dans le cadre de la réforme et l'autre sans la réforme.

Monsieur MacKay, je ne veux pas interpréter vos signes, mais vous avez fait fait signe que oui. C'est donc dire que les faits que je révèle sont exacts et, surtout, qu'il y a bel et bien une différence entre l'utilisation du projet de loi C-3 et l'utilisation de l'actuelle loi. Il y a une différence et vous en êtes conscient. Ce ne sont pas des aberrations que ces exemples.

Comme vous avez été très attentif, monsieur MacKay, je vais vous donner un autre exemple. Je pense que M. DeVillers est également attentif. Il a ri, donc il a écouté peut-être plus qu'hier. Hier, je voyais qu'il était un peu indiscipliné.

M. Paul DeVillers: J'étais fatigué.

M. Michel Bellehumeur: D'accord, mais vous êtes plus en forme aujourd'hui et vous allez sûrement mieux écouter. Il vaut la peine de redonner cet exemple parce qu'il est un petit peu plus court. C'est peut-être un cas qui démontre que, lorsque la ministre dit que le projet de loi va protéger davantage les adolescents et surtout mieux protéger leurs droits, ce n'est pas nécessairement exact. Regardez cet exemple. Il s'agit d'un gars, parce que je voulais pas être accusé de sexisme.

Justin a eu une enfance difficile. Il provient d'un milieu monoparental et il est le deuxième fils de quatre enfants que sa mère élève seule. Le vrai milieu de vie de Justin est la rue et sa vraie famille, son gang. Il démontre des talents précoces et très prometteurs pour le vol et toutes sortes de petites fraudes dans son environnement. Voyons les chances de s'en sortir de ce jeune avec la réforme fédérale.

À 12 ans, Justin est arrêté par la police à deux reprises: la première fois pour un vol à l'étalage dans un centre commercial et la seconde fois pour des méfaits dans un parc public d'une municipalité voisine. À chaque fois, il a droit à des avertissements de la part des deux services de police municipaux. C'est ce que prévoit la réforme en privilégiant des avertissements lors des premières infractions mineures, sans possibilité de recourir à des mesures de rechange. La réforme est ainsi faite qu'à moins d'une infraction grave, il faut que l'adolescent ait plusieurs antécédents à son actif avant qu'on puisse passer d'un niveau de mesures à un autre. Avant de pouvoir être traduit devant le tribunal, l'adolescent a deux grades à passer: celui de l'avertissement ou de la mise en garde et celui des mesures de rechange. Il est à noter que les avertissements antérieurs donnés à l'adolescent ne sont pas admissibles devant le tribunal.

À 13 ans, il est arrêté de nouveau avec deux complices pour trois vols avec effraction dans des cabanons et des méfaits. Encore là, la réforme est claire: il faut privilégier des mesures non judiciaires. Référé au substitut du procureur général, le dossier est transmis au directeur de la protection de la jeunesse du Québec et aucune évaluation en profondeur n'est faite, compte tenu de la faible gravité des délit. Justin s'en tire avec des lettres d'excuse aux victimes.

• 1640

À 14 ans, il est de nouveau arrêté pour trois vols dans des maisons d'habitation. Son dossier est de nouveau référé au directeur de la protection de la jeunesse, mais devant l'attitude de défi et d'agressivité démontrée par l'adolescent, le dossier est renvoyé au substitut du procureur général.

Son dossier est judiciarisé. Comme c'est la première fois que Justin comparaît devant le tribunal, il a une sentence de probation d'un an sans suivi, ce qui est habituel en de telles circonstances. À 15 ans, il est une fois de plus arrêté dans le cadre du démantèlement d'un réseau de drogue. Il est accusé de trafic de stupéfiants, étant vendeur dans la rue et les écoles primaires de sa localité.

En vertu de la réforme, le tribunal ne peut imposer une sentence de garde bien que le rapport prédécisionnel demandé fasse état du fait que Justin est fortement impliqué dans la délinquance juvénile, qu'il fréquente un gang bien connue des milieux policiers et qu'aucun contrôle parental ne peut être exercé. Il reçoit une probation avec suivi de deux ans.

À peine sorti du tribunal, il continue son commerce, qui lui permet de payer sa consommation quotidienne de stupéfiants. Bon manipulateur, il se présente aux jours aux jours fixés devant son agent de probation et rien ne transparaît de ses activités illicites.

À 16 ans, des accusations de voies de fait sont portées contre lui. Il n'hésite pas à recourir à la violence pour percevoir des dettes de drogue. Ce n'est qu'à ce moment que le tribunal peut recourir à une mesure de garde.

Donc, en vertu du système qu'on veut nous imposer, ce jeune, qui a fait des coups à 12, 13, 14, et 15 ans, ne se fait imposer une mesure de garde qu'à l'âge de 16 ans parce qu'il a été accusé de voies de fait et a eu recours à la violence.

Qu'est-ce qu'on aurait fait dans le système actuel? L'exemple que je donne démontre qu'avec le système que la ministre veut nous imposer, le projet de loi C-3, on ne fait que pelleter le problème sans vraiment le prendre de front. C'est le projet de loi qui nous permettra de faire cela. Ce n'est que lorsque le jeune aura atteint 16 ans qu'on pourra entreprendre un programme de thérapie au centre de réadaptation, alors qu'une telle mesure devrait être prise beaucoup plus tôt.

Le défaut de la réforme fédérale est d'établir un système de mesures en cascade. Il faut attendre plusieurs récidives ou la perpétration d'un acte de violence avant de pouvoir recourir à la mesure qui conviendrait à l'adolescent. Seul un placement sous garde peut le sortir de la rue ou du milieu criminalisé qu'il fréquente et lui donner le temps de réflexion dont il a besoin pour revoir son comportement.

Plus on tarde à adopter une mesure semblable, plus on réduit les possibilités de réadaptation du jeune. La réforme fédérale ne permet pas d'appliquer la bonne mesure au bon moment, avant que la situation ne devienne incontrôlable. C'est sans doute à cela que la ministre pense quand elle dit qu'elle veut mieux protéger les jeunes. On pellette le problème en avant et on n'impose pas immédiatement la bonne mesure au bon moment. Il faut vraiment que la situation devienne incontrôlable et qu'il y ait des gestes de violence pour qu'on puisse intervenir avec le nouveau système.

Au Québec, on aurait pu intervenir dès le début en imposant une mise sous garde dans ce cas-là. Pourquoi aurait-on privilégié une mise sous garde dès le début? Tout simplement en vertu de l'article dont je vous ai parlé tout à l'heure, que tout le monde connaît, qui est la déclaration de principes où on parle des besoins spéciaux de l'enfant. On aurait analysé son cas et on se serait rendu compte très vite qu'il fallait sortir ce jeune de cette famille ayant des antécédents criminels. On aurait tout de suite vu qu'il fallait sortir ce jeune de la rue et du gang criminalisé dans lequel il évoluait. On serait intervenu immédiatement.

• 1645

En vertu du projet de loi, on lui donne de petites réprimandes et on le laisse aller. Toute une cascade de procédures est prévue dans le projet de loi: les réprimandes des policiers et même du substitut du procureur général, une autre étape, etc. Il faut vraiment qu'il commette un acte violent pour qu'on puisse le prendre en charge et lui imposer des mesures de rechange si c'est nécessaire.

J'aurais aimé que la ministre soit présente comme vous, monsieur MacKay, pour entendre cet exemple. J'aurais pu alors lui poser des questions, mais malheureusement, la ministre n'a pas daigné répondre positivement à la charmante invitation que je lui faisais par ma motion.

Ceux qui appliquent la Loi sur les jeunes contrevenants connaissent les différences entre l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants et l'application future de ce projet de loi si jamais il est adopté. J'ose espérer qu'un miracle va se produire et que le gouvernement va se rendre compte qu'il fait fausse route.

Vous savez que l'histoire est pleine d'exemples. Sur le chemin de Damas, on peut avoir des révélations. J'espère que ce sera le cas des libéraux d'en face et du ministère.

La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec, citée par Me Viau dans un point de presse, a compris cela. Me Viau ne l'a peut-être pas comprise, mais la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec a très clairement compris la position du ministère dans son projet de loi C-3. La commission a également compris qu'il y avait un problème au niveau de la perception de la population. Elle indique à la page 7, et je cite:

    Il y a lieu de s'interroger sérieusement sur le fait que la loi actuelle fait consensus chez les intervenants, au Québec, tout au moins, alors que la population en aurait une opinion plus mitigée.

    Cette perception dépend en grand partie de l'information qui lui est non seulement accessible, mais surtout transmise. La presse écrite, comme les médias radiophoniques et télévisés, sont malheureusement souvent avides de sensationnalisme. Un meurtre commis par un adolescent monté en épingle dans les médias répond à cet aspect de l'information. Non seulement un crime commis par un enfant au Canada fait la une des nouvelles, mais le meurtre commis par un jeune écolier américain fera lui aussi l'objet d'une couverture médiatique exagérée. Ainsi «informée», il est compréhensible que la population finisse par croire que les adolescents sont souvent des criminels en puissance et que le criminalité, que l'on croit erronément à la hausse, serait le lot des jeunes.

Pour contrer cette perception faussée par le jeu de l'information et son côté sensationnaliste, la ministre avait une responsabilité. À titre de ministre de la Justice du Canada, elle devrait prendre les moyens nécessaires pour que la perception change. Ce n'est pas en changeant la loi qu'on va changer la perception.

Si ce projet de loi devient loi—j'ose espérer que ce ne sera jamais le cas—, je suis persuadé que la perception de la population sera identique si on ne fait rien pour expliquer la situation.

• 1650

Si la ministre pense nous expliquer et tenter de nous convaincre, après trois, quatre ou cinq ans d'application de cette nouvelle loi, que c'est une bonne loi, que ça va bien et que le taux de criminalité a baissé, elle pourrait avoir la conviction et surtout le courage politique d'expliquer immédiatement les vraies choses afin de changer, justement, la perception de la population du projet de loi sur les jeunes contrevenants. Elle aurait dû le faire au lieu de mettre la hache dans un système qui fonctionne bien.

On poursuit. À la page 8 du mémoire de la commission, on peut lire ce qui suit:

    Comme le mentionnait le document définissant la stratégie fédérale, «[u]ne information inexacte et incomplète peut entretenir des malentendus et ruiner la confiance de la population dans le régime de justice pour les jeunes.» D'accord avec cette affirmation, il est difficile de comprendre que face à la perception erronée de la population canadienne à l'endroit de la loi actuelle, le gouvernement songe à remplacer celle-ci plutôt que d'élaborer un programme d'information efficace. Il y a tout lieu de croire que bien renseignée sur les dispositions de la Loi sur les jeunes contrevenants, notamment des principes directeurs qui gouvernent son application, des outils qu'elle offre afin d'assurer la protection de la société à court, moyen et long terme, ainsi que du portrait réel de la criminalité chez les jeunes, la population serait largement favorable au maintien de la loi dans sa forme actuelle.

Pour faire une image, puisqu'une image vaut mille mots, je dirai que jusqu'ici, le ministère de la Justice s'est comporté comme un pyromane. Il a mis le feu pour pouvoir crier au feu et tenter de l'éteindre, alors que ce que la commission lui demande, c'est de ne pas modifier pas la loi. Cela ne sert à rien.

Donnez simplement un portrait réel de la criminalité chez les jeunes, expliquez les principes directeurs de la Loi sur les jeunes contrevenants et la population sera derrière vous. À titre de personnes qui travaillent à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec, nous disons à la ministre de faire un portrait réel de la situation et d'expliquer correctement la Loi sur les jeunes contrevenants, et la perception va changer. Les gens seront favorables au maintien de la loi dans sa forme actuelle.

Malheureusement, de toute évidence, ni la ministre ni le ministère n'ont pris en considération les propos de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec. Cependant, Me Viau, elle, cite la commission hors contexte et fait fi des remarques que la commission a faites sur le même sujet. Tant qu'à citer la commission, Me Viau aurait pu la citer correctement et, surtout, elle aurait pu prendre connaissance de son mémoire.

Ensuite, ils font des commentaires sur le projet de loi C-3. On va voir si, en même temps, ils varlopent les centres jeunesse. On va lire ce mémoire, puisque le ministère ne l'a pas lu. Il vaut la peine de regarder cela et, surtout, il aurait été fort intéressant de questionner la ministre sur les différences et sur sa perception personnelle de ce que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec pense de son projet de loi par opposition aux déclarations quasi incendiaires de son personnel.

• 1655

La commission a fait les commentaires suivants sur le projet de loi C-3 à la page 9 de son mémoire. Naturellement, ce n'était pas la première fois que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec venait témoigner devant le Comité de la justice et des droits de la personne, et elle mentionne donc son expérience dans ce processus. Voici ce que dit la commission, à la page 10, sur le remplacement de la Loi sur les jeunes contrevenants par une nouvelle loi:

    Contrairement aux lois adoptées en matière de délinquance juvénile depuis l'adoption de la Loi sur les jeunes contrevenants, le présent projet de la loi ne se contente pas de proposer des modifications de la Loi sur les jeunes contrevenants. Il introduit plutôt une nouvelle loi, la Loi sur le système de justice pénal pour les adolescents, qui abrogerait la loi actuelle. Ainsi, alors que l'ancienne Loi sur les jeunes délinquants fut maintenue en vigueur pendant 75 ans, voilà qu'à peine plus de 14 ans après l'entrée en vigueur de la Loi sur les jeunes contrevenants, et déjà 11 modifications dont certaine majeures, on se propose de la remplacer.

Je ne sais pas si vous lisez entre les lignes, mais pour ma part, ce que je comprends, c'est qu'on demandait à la ministre de ne pas modifier sa loi et au moins de nous donner le temps de bien l'appliquer pour bien la connaître et voir les faits. De toute évidence, la ministre n'a pas lu ce mémoire. C'est très décevant. La commission continue en disant ceci:

    Pour justifier ce changement, on invoque qu'il est nécessaire que la nouvelle loi «donne la priorité à la protection du public et [...] suscite le respect, favorise des valeurs telles que la responsabilité et la nécessité de répondre de ses actes, et [...] énonce clairement que tout comportement criminel entraînera des conséquences significatives».

On retrouve exactement la même chose dans le document du ministère de la Justice, où on annonce la stratégie relative à la justice pour les jeunes, en 1998. Alors, ce n'est pas une nouveauté pour moi.

    Pourtant, ce caractère prioritaire des critères de la protection de la société et de la responsabilisation des adolescents à l'égard de leurs gestes délictueux est à la base même des principes directeurs de la loi dans sa forme actuelle.

La justification ou une des justifications premières de la ministre pour abroger la Loi sur les jeunes contrevenants est à la base même de la loi qu'on veut abroger. Certains agissements de la ministre portent à confusion ou, en tout cas, soulèvent d'énormes questions. J'aurais aimé poser ces questions à la ministre si cette dernière avait daigné répondre à l'invitation que je lui lançais de venir en comité pour donner des réponses à nos questions et, surtout, pour nous dire comment elle répond aux demandes du Québec et de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec.

À l'intérieur du mémoire de la commission, on cite même un paragraphe que l'on retrouve dans le mémoire présenté au Comité permanent de la justice et des questions juridiques portant sur certaines modifications à la loi. On cite un rapport de notre comité préparé en 1996:

    Aux yeux de la Commission, les idées majeures se dégageant de la législation à savoir la protection de la société par la prévention, la responsabilité de l'adolescent et le respect de ses droits et de ses libertés, de ses besoins et de son milieu demeurent des principes incontournables et il ne convient pas de les remettre en question.

• 1700

Cela fait dire ce qui suit à la commission, et j'aurais aussi aimé savoir si la ministre était favorable à cela:

    En centrant la nouvelle loi sur la gravité du délit, on laisse nécessairement entendre que la loi actuelle ne répond pas de manière significative à la délinquance juvénile, particulièrement lorsque le délit est d'une plus grande gravité objective. On perpétue par cette nouvelle stratégie un préjugé collectif qui devrait être combattu en informant la population du fait, entre autres, que le taux global des jeunes Canadiens accusés de crimes prévus au Code criminel a diminué de 7 p. 100 en 1997, et que pour les crimes violents, la diminution a été de 2 p. 100. Il est donc incompréhensible qu'une situation de stabilité, voire de diminution, de la criminalité juvénile entraîne le renforcement des mesures répressives à l'égard des jeunes contrevenants.

Cela me semble assez clair. Quand la ministre dit que son projet de loi n'est pas répressif et qu'une commission comme la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec affirme le contraire, on doit prendre cela au sérieux. Naturellement, sachant fort bien la jurisprudence dans cette matière, la commission a cité un peu le même jugement que j'ai déjà cité de la Cour suprême du Canada. Ce jugement mentionne de façon très claire le sens à donner aux principes directeurs de l'article 3 de la Loi sur les jeunes contrevenants.

Je pense qu'il est inutile de changer quoi que ce soit, puisqu'après des années, on a su, justement, développer une jurisprudence à partir de la déclaration de principes de la Loi sur les jeunes contrevenants qui, aujourd'hui, est connue, assimilée et appliquée par les tribunaux québécois. Et les autres tribunaux l'appliqueraient également s'il y avait une certaine obligation d'appliquer les tenants et aboutissants de la Loi sur les jeunes contrevenants.

Naturellement, dans son mémoire, la commission fait état des objectifs et des principes directeurs de la loi. Je ne vous ferai pas le coup de lire ces parties-là parce que c'est toute l'argumentation relative aux besoins spéciaux de l'adolescent. Je pense que toute personne qui sait lire pourrait voir l'article 3 et comprendre très aisément que l'élément moteur de cette déclaration, le principe autour duquel tout le reste évolue, c'est celui des besoins spéciaux du jeune. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, naturellement, en fait état dans son mémoire.

La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse fait des échanges avec d'autres groupes, même des échanges internationaux, et elle s'interroge sur le déséquilibre que va créer cette nouvelle loi. Elle s'interroge sur plusieurs choses, entre autres, puisque ça fait partie de son mandat, sur le déséquilibre au niveau des conventions internationales.

Entendez ce qu'on dit à la page 15 du mémoire. J'aurais aimé demander à la ministre, si elle avait été présente, si elle est d'accord là-dessus. On mentionne:

• 1705

    Du reste, en modifiant la philosophie actuelle de la loi, le Canada contreviendrait à des principes reconnus en droit international.

    Le Canada s'est engagé devant la communauté internationale à reconnaître que l'intérêt de l'enfant doit être une considération primordiale de toute décision concernant les enfants, y compris dans les décisions prises par les tribunaux et les autorités administratives, conformément à l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant. Dans le rapport initial qu'il a soumis au Comité des Nations Unies des droits de l'enfant, le Canada référait à l'alinéa 3(1)c) de la Loi sur les jeunes contrevenants, au chapitre des mesures adoptées dans le but de protéger l'intérêt de l'enfant. D'ailleurs, le Comité recommandait que le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant soit mieux reflété dans la législation interne canadienne, lorsqu'il y a lieu.

Allons donc voir l'alinéa 3(1)c), qui semble être très important. Compte tenu que le Canada l'a invoqué sur la scène internationale, cela semble être un fleuron important de la loi. Je cite donc l'alinéa 3(1)c) de la Loi sur les jeunes contrevenants identifié par le Canada devant les Nations Unies:

      c) la situation des jeunes contrevenants requiert surveillance, discipline et encadrement; toutefois, l'état de dépendance où ils se trouvent, leur degré de développement et de maturité leur créent des besoins spéciaux qui exigent conseils et assistance;

Si c'était assez bon pour se péter les bretelles à l'ONU, comment se fait-il que la ministre de la Justice n'ait rien prévu de semblable dans son projet de loi C-3? C'est une question que j'aurais posée à la ministre, monsieur le président. C'est une question que j'aurais aimé lui poser si la ministre avait été présente aujourd'hui, conformément à la demande que j'ai formulée par le biais de ma motion et pour laquelle j'argumente depuis quelques heures. J'aurais demandé à la ministre comment il se fait que le Canada, devant les Nations Unies, s'appuie sur la Loi sur les jeunes contrevenants, plus spécifiquement sur l'alinéa 3(1)c), pour plaider et tenter de protéger davantage l'intérêt de l'enfant. Comment se fait-il, madame la ministre—et c'est ce que je lui aurais posé comme question—, que vous n'ayez rien prévu de semblable dans votre projet de loi voulant criminaliser des adolescents? Comment se fait-il que vous n'ayez pas prévu quelque chose de semblable?

Malheureusement, la ministre n'est pas ici pour défendre son point de vue. Je sais que la ministre est venue une première fois, mais nous savons tous également que la ministre a déposé près de 200 amendements à son projet de loi. C'est quasiment un nouveau projet de loi qu'elle a déposé. La moindre des choses à laquelle on aurait pu s'attendre d'une ministre responsable, c'est qu'elle vienne témoigner et argumenter sur les modifications qu'elle apporte à la Loi sur les jeunes contrevenants.

• 1710

Un autre chapitre fort important est celui traitant des décisions sur des mesures. Naturellement, la commission sait fort bien ce qui existe à l'heure actuelle dans la Loi sur les jeunes contrevenants et tente de comprendre ce qui pourrait y exister dans le projet de loi de la ministre.

On mentionne ce qui suit à la page 16:

    Les dispositions actuelles du régime de justice pour les mineurs ont institué un système où les mesures sont définies et choisies en fonction des objectifs de la loi, soit la protection de la société, la responsabilisation de l'adolescent, la prise en compte des besoins et le respect de ses droits et libertés. La modification radicale des objectifs de la loi se traduit notamment dans les nouvelles règles relatives au choix des mesures, qui sont d'ailleurs renommées «détermination de la peine».

    Ainsi, le Projet de loi précise que le régime de garde et de surveillance vise à contribuer à la protection de la société. Il met toutefois l'accent sur la protection à court terme alors qu'une approche qui englobe plus explicitement la prise en compte des besoins et de la situation de l'adolescent contribue à une meilleure protection de la société à long terme.

    Dans ce nouveau cadre, ce sera dorénavant au directeur provincial et non plus au tribunal, sauf décision contraire de la province, de déterminer le niveau de garde. Ce transfert de responsabilité de l'autorité judiciaire à un organe administratif aura comme conséquence importante de restreindre l'exercice du droit de l'adolescent de faire valoir son point de vue et de se défendre.

Qu'est-ce que la ministre a à dire? Comment explique-t-elle un commentaire semblable? Quelle est sa réponse?

Je comprends qu'elle ne puisse pas répondre à toutes les questions de tous ceux et celles qui sont venus témoigner au comité parce qu'il y en a trop. Beaucoup de gens sont venus ici pour dire qu'ils étaient très réticents, qu'ils avaient des doutes quant aux objectifs réels du projet de loi C-3. Je comprends que la ministre ne puisse pas répondre à toutes les questions, mais j'aurais quand même aimé qu'elle vienne ici, au Comité de la justice et des droits de la personne, pour répondre à ces questions et surtout pour répondre aux questions qui découlent automatiquement des nombreux amendements qu'elle a déposés.

Toujours dans le mémoire de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec, on dit ce qui suit:

    En outre, pour prendre sa décision, le directeur provincial n'est pas obligé d'entendre le point de vue des parents ni de prendre en compte le rapport prédécisionnel, lequel rend compte des antécédents personnels et familiaux de l'adolescent, ainsi que de sa situation actuelle. Ces lacunes illustrent bien le peu de considération que le nouveau système reconnaît aux besoins et aux circonstances du jeune contrevenant dans la décision relative au milieu de garde.

    Plus généralement, le nouveau régime s'appuie sur une gradation de la peine, laquelle évolue uniquement en fonction de la gravité de l'infraction plutôt qu'en fonction des besoins spécifiques de l'adolescent.

C'est assez spécial que même la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec réponde ceci à Me Viau: «Maître Viau, je vous défie de trouver dans la loi quelque chose qui appuie ces critiques.» On se penche davantage sur la gravité de l'infraction que sur la situation particulière du jeune, et elle a le culot de citer en exemple la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec.

• 1715

Cette commission lui dit:

    Ces lacunes illustrent bien le peu de considération que le nouveau système reconnaît aux besoins et aux circonstances du jeune contrevenant dans la décision relative au milieu de garde.

    Plus généralement, le nouveau régime s'appuie sur une gradation de la peine, laquelle évolue uniquement en fonction de la gravité de l'infraction...

Les gens de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec n'ont sûrement pas de félicitations à adresser au ministère, comme ils le disent clairement dans leur mémoire. Il a été prouvé hors de tout doute raisonnable, pour utiliser des termes juridiques, que la ministre, Mme Viau et les gens du ministère n'ont pas lu le mémoire de la commission.

La commission fait une citation à la page 17 de son mémoire:

    L'application irréfléchie de mesures en cascade, calquée sur le régime appliqué aux adultes, pervertit l'esprit de la Loi sur les jeunes contrevenants en réduisant l'adolescent, par une mathématique primaire, à la somme de ses infractions, sans égard pour ce qui est sous-entendu.

Cela ne peut pas être plus clair. J'aime cette citation parce qu'elle confirme l'exemple que j'ai donné plus tôt au niveau de l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants et du projet de loi C-3. C'est exactement ce qui ressortait de mon deuxième exemple, celui de Justin. On a appliqué une espèce de mesure en cascade de façon irréfléchie, comme un robot. Je pense que c'est ce que le gouvernement veut, finalement. Il veut que les juges soient de gros automates: on mettrait toutes les données dans ces automates, on pèserait sur le bouton «sentences» et la sentence tomberait. J'ai nettement l'impression que vous voulez enlever aux juges toute discrétion ou toute possibilité de réagir. Et vous ne touchez pas seulement les juges, parce qu'avec votre belle approche d'avertissements en cascade, vous touchez également le domaine policier, la Direction de la protection de la jeunesse ainsi que le directeur qui applique la loi. Vous ne rendez pas ainsi service aux jeunes. Je vous ai donné plus tôt un cas très clair.

M. MacKay, le conservateur qui est un ancien procureur de la Couronne, a signifié que j'avais raison; pourtant, il ne partage pas entièrement mon point de vue sur C-3. Lorsqu'on applique clairement la Loi sur les jeunes contrevenants dans un cas X et que, dans le même cas X, on applique la Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents, que la ministre veut faire adopter, on se rend compte qu'il y a une différence. Il faut quasiment avoir subi une lobotomie pour ne pas la voir. Il y a une différence. Tous les témoins que j'ai entendus voient très bien qu'il y a une différence dans l'application, et c'est ce qui est dangereux.

J'aime la citation que fait la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec dans son mémoire parce qu'elle appuie le message que je vous ai fait en vous parlant du cas fictif de Justin:

    L'application irréfléchie de mesures en cascade, calquée sur le régime appliqué aux adultes, pervertit l'esprit de la Loi sur les jeunes contrevenants.

Ce ne sont quand même pas tous des méchants séparatistes qu'il y a à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec. Il doit y avoir quelques fédéralistes dans le lot. Si vous ne me croyez pas, moi, croyez au moins ce que dit la commission dit. Et, de grâce, dites à Me Viau et à tous ceux qui veulent citer la commission de bien la citer, de citer les bonnes choses aux bons endroits et, surtout, de ne pas prendre en otage une telle commission en lui faisant dire des choses qu'elle ne veut pas dire.

• 1720

Soit dit en en passant, le mémoire de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec est un très bon mémoire. On voit qu'elle sait de quoi elle parle. Je ne peux pas nécessairement en dire autant de toutes les personnes qui discutent de ce projet de loi.

Qu'est-ce qu'on fait? Il y a un chapitre important, et même très important. Si, conformément à la motion que j'ai déposée et dont je débats aujourd'hui, la ministre était venue au comité avant l'examen article par article pour expliquer ses nombreux amendements et répondre à nos questions, je lui aurais posé une série de questions et j'aurais pris comme outil de travail le mémoire de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec. Entre autres, je lui aurais posé des questions sur les jeunes contrevenants violents ou récidivistes.

On se souvient que la ministre a modifié, ou plutôt abrogé la Loi sur les jeunes contrevenants. Quand la ministre a décidé d'abroger la Loi sur les jeunes contrevenants, elle avait pour cible, disait-elle, tous les adolescents violents et récidivistes. Il était donc normal que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec se penche sur ce cas. Qu'est-ce qu'elle en dit?

    La Loi sur les jeunes contrevenants a connu au cours des dernières années des modifications importantes relativement aux peines pour les crimes graves, ainsi que celles concernant la procédure de renvoi devant la juridiction normalement compétente.

Monsieur le président, pouvez-vous constater s'il y a quorum? Je vais maintenant prendre une bouffée d'air. C'est très important, ce que je dis et j'aimerais que tout le monde soit là. Est-ce que vous arrêtez le temps? Est-ce que que les interprètes en arrière trouvent cela intéressant? Au moins, grâce à eux, j'ai l'impression qu'il y a des gens qui m'écoutent.

• 1723




• 1726

[Traduction]

Le président: Je crois que c'est indispensable.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Vous savez que je ne peux quasiment rien faire sans vous. Je suis très heureux que nous recommencions nos délibérations. Je disais donc, monsieur le président, qu'un chapitre du mémoire de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec touche un sujet extrêmement important, à savoir les jeunes contrevenants violents et récidivistes.

Comme vous le savez, la Loi sur les jeunes contrevenants a subi plusieurs modifications au fil des ans. Je siège au Comité de la justice et des droits de la personne—le comité a changé d'appellation au cours des années—et je suis le porte-parole en matière de justice depuis 1994. J'ai participé à maintes reprises à l'étude de projets de loi qui avaient pour but de modifier la Loi sur les jeunes contrevenants. L'une des dernières modifications à la Loi sur les jeunes contrevenants a porté sur toute la question de la procédure de renvoi. Avant de proposer l'abrogation de la Loi sur les jeunes contrevenants, on aurait au moins pu attendre de connaître les répercussions de ces dernières modifications.

Comme je l'ai indiqué, il a fallu 74 ans avant qu'on modifie la Loi sur les jeunes délinquants, comme elle s'appelait à l'époque, et qu'on la remplace par la Loi sur les jeunes contrevenants. En moins de 15 ans environ, soit plus précisément depuis 1989, on a modifié à plusieurs reprises la Loi sur les jeunes contrevenants, qu'on se propose aujourd'hui d'abroger et de remplacer par une nouvelle loi. On aurait pu, comme on dit chez nous, donner la chance au coureur et examiner comment on applique la Loi sur les jeunes contrevenants dans la réalité, tant au Québec que dans les autres provinces. Mais on ne l'a pas fait. La commission a naturellement relevé cet élément-là.

À la page 18, la commission nous dit ceci:

    Par exemple, la peine maximale pour meurtre est passée de trois à cinq ans moins un jour, pour finalement être fixée à sept ou dix ans selon la qualification de l'homicide. Du même souffle, le législateur fédéral a facilité le passage des contrevenants âgés de 16 et 17 ans et accusés de certains crimes graves (meurtre, tentative de meurtre, homicide involontaire coupable, et agression sexuelle grave), devant les tribunaux pour adultes, en créant une présomption de renvoi.

Je ne surprendrai personne en disant que c'est au paragraphe 16(1.01) de la Loi sur les jeunes contrevenants qu'on retrouve cette présomption de renvoi. Je continue donc à lire la citation:

    En cas de renvoi, l'adolescent peut être détenu provisoirement, dans certains cas, avec des détenus adultes. Une fois reconnu coupable, l'adolescent est passible des peines applicables aux adultes, notamment des peines de détention plus sévères. En outre, il peut être incarcéré dans un établissement correctionnel pour adultes ou dans un pénitencier.

Voilà ce qui existe aujourd'hui. Si la ministre avait été ici présente aujourd'hui, j'aurais pu lui poser des questions à ce sujet. J'aurais pu lui demander si elle a vraiment vu les résultats et s'ils sont à ce point probants qu'il lui faille les modifier. Malheureusement, la ministre n'est pas là.

• 1730

On continue en disant:

    Le Projet de loi C-3 reporte l'application du régime pour adultes après le verdict de culpabilité. Il remplace donc le système de transfert au tribunal pour adultes par l'imposition, par le tribunal pour adolescents, de peines applicables aux adultes. Alors que le Comité permanent de la justice recommandait, dans son rapport portant sur l'évaluation de la Loi sur les jeunes contrevenants, une période d'étude additionnelle de trois ans des dispositions actuelles, le Projet de loi C-3 propose plutôt un élargissement des situations où il y a une présomption à l'encontre de l'adolescent, qui engloberaient notamment le cas des récidivistes. De plus, le projet de loi propose d'abaisser l'âge d'application de la présomption, pour qu'elle s'applique aussi aux jeunes de 14 et 15 ans. Ainsi, les adolescents de 14 ans et plus reconnus coupables de meurtre, de tentative de meurtre, d'homicide involontaire coupable, d'agression sexuelle grave ou de récidive de crimes violents seraient passibles d'une peine pour adultes en vertu d'une présomption qu'il revient à l'adolescent de renverser. Cette modification a pour effet d'élargir la liste des infractions pour lesquelles l'adolescent est passible d'une peine pour adultes et d'abaisser de 16 ans à 14 ans la limite d'âge des adolescents auxquels la présomption du régime de peines pour adultes peut s'appliquer.

C'est pourquoi certains groupes ont commencé à se demander—et c'est une question que j'aurais posée à la ministre si elle avait été ici présente ce soir—ce qui arrivera si on constate, deux ou trois ans après qu'elle aura été mise en application, si malheureusement cela arrive un jour, que la Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents ne donne pas des résultats probants et qu'il y a encore des contestations dans l'Ouest canadien. D'ailleurs, ces contestations ont déjà commencé. Ce projet de loi n'a pas encore été adopté et on dit déjà qu'il ne va pas assez loin. Qu'arrivera-t-il? Abaissera-t-on l'âge de 14 à 12 ans, ou peut-être même de 12 à 10 ans? L'abaissera-t-on peut-être à huit ans ou à l'âge de raison? Où va-t-on s'arrêter? Il faut réfléchir à cela.

C'est une question que j'aurais aimé poser à la ministre cet après-midi. Elle a cependant préféré déléguer aux sous-fifres de son ministère le soin de parler aux médias, mais non pas aux députés. Elle sait fort bien qu'on peut parfois donner d'autres informations aux médias et que ces derniers prennent acte tout simplement. Il y a de bons journalistes qui posent des questions et tout cela, mais ce dossier est tellement spécialisé qu'elle préfère parler aux médias plutôt que de parler aux députés qui siègent ici. Je comprends cela quoiqu'il arrive bien souvent que de telles actions rebondissent comme un boomerang, et ce aussi rapidement qu'il est lancé. La ministre a vécu une telle situation le 24 avril à la suite de toutes les lettres ouvertes qu'elle avait suscitées. Je suis persuadé que la dernière sortie, y compris le sondage bidon de Mme Viau, donnera exactement les mêmes résultats. Vous allez sûrement en entendre parler à nouveau dans les journaux très prochainement. Puis il y aura un prix politique à payer à la suite de cela. Soyez sûrs et certains que je serai là en temps et lieu pour le rappeler à la population.

Dans ce chapitre de son mémoire, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse enjoint la ministre de ne pas modifier la Loi sur les jeunes contrevenants, mais plutôt de regarder ce qu'on a fait et les résultats obtenus. Avant de modifier quoi que ce soit, et surtout avant d'abroger la Loi sur les jeunes contrevenants, la commission lui recommande d'attendre qu'on puisse appliquer correctement cette loi et d'examiner les résultats qu'ont obtenus ceux qui l'ont appliquée correctement.

• 1735

De toute évidence, la ministre n'a rien compris et c'est dommage. C'est très triste que certaines personnes aient travaillé si fort pendant 15 ou 20 ans pour monter le système qu'on a actuellement au Québec, ou encore qu'elles y aient consacré presque toute leur vie. Elles l'ont bien souvent fait après leurs heures de travail. Elles ont rédigé des mémoires et analysé des articles qui ne sont pas faciles à comprendre. Il faut être un spécialiste pour ce faire et posséder une bibliothèque qui renferme les quelque 15 lois fédérales auxquelles on se réfère fréquemment. On fait référence à au moins 15 autres lois fédérales, bien qu'on puisse s'entendre pour dire que leur nombre s'élève à 10. On fait des renvois à la loi elle-même. C'est très compliqué. Ces personnes ont investi beaucoup de temps pour essayer de comprendre le projet de loi et rédiger un mémoire. Certaines d'elles nous ont fait parvenir leur mémoire, tandis que d'autres sont venues le déposer elles-mêmes. Une grande majorité d'elles sont parties du Québec et sont venues comparaître devant le comité afin de nous expliquer leur point de vue. Certains témoins ont pris cette cause très à coeur et sont venus nous parler avec leurs tripes. Ils ont pu constater le peu de considération que la ministre a portée à leurs mémoires. Moi, je ne me ferais pas prendre bien souvent. Ça prendrait du temps avant que je revienne et que j'investisse du temps dans un dossier semblable au fédéral ou que je vienne déposer en vain des mémoires.

Il y a une autre préoccupation très importante aux yeux de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec, à savoir le respect de la vie privée. Il n'y a pas que la commission qui éprouve des inquiétudes au sujet de la tournure des événements à la suite de l'adoption du projet de loi C-3 et de la divulgation des noms qui s'ensuivra.

Si je n'ai pas bien compris les témoignages, je vous invite à me le dire. Je n'ai entendu personne féliciter la ministre de cette belle initiative qui fera en sorte qu'on stigmatisera les jeunes. Je n'ai entendu aucun témoin féliciter la ministre de cette décision de marquer au fer rouge les jeunes aux prises avec un problème de criminalité grave. Au contraire, j'ai entendu des criminologues, des psychologues et des gens qui travaillent dans le milieu et qui connaissent les jeunes nous dire que cette divulgation susciterait l'intérêt des jeunes contrevenants. Cela les amuse que leur nom paraisse dans les journaux. De plus, afin que quelqu'un soit accepté dans certains gangs de Montréal, il faut d'abord qu'on ait publié sa photo dans les journaux ou qu'on y fasse état d'une infraction quelconque dont il est l'auteur. Cela va les amuser de pouvoir désormais marquer de leur nom certaines infractions.

J'essaie de comprendre, mais je n'y arrive pas. Si la ministre avait été présente aujourd'hui, j'aurais aimé qu'elle tente de me convaincre du bien-fondé de cet objectif de stigmatisation à vie de ces noms.

Je suis convaincu que vous vous rappelez l'exemple que je vous ai donné d'un jeune Québécois que j'ai rencontré il y a quelques années. Il avait commis un meurtre, ce qui assez grave, merci. Aujourd'hui, il est de retour dans la société et il travaille comme boucher dans un supermarché. Il est marié et père de deux enfants. Un jour, il parlera de son passé à sa femme, mais pour l'instant, il ne lui en a encore rien dit. Si on a réussi à lui faire réintégrer la société, c'est en raison de la non-divulgation de l'identité du jeune contrevenant.

• 1740

Il voudrait un jour le dire à sa femme, mais il ne l'a pas encore fait. Tout ça, monsieur le président, a été possible parce que l'identité du jeune contrevenant n'avait pas été divulguée. Est-ce que cela aurait été la même chose si le nom du jeune avait été publié dans les journaux? Est-ce qu'on aurait pu réintégrer aussi facilement le jeune dans la société? Non. Il ne faut pas être psychologue, psychiatre ou analyste hautement qualifié pour arriver à cette conclusion. Malheureusement, pourtant, le ministère de la Justice et la ministre insistent pour maintenir cette possibilité dans le projet de loi qu'ils nous présentent.

La commission traite de beaucoup d'autres points dans son mémoire mais, comme le temps passe très vite et que j'ai beaucoup de choses à vous dire, je vais passer tout de suite à la conclusion. Encore une fois, Mme Viau, ou quelqu'un d'autre au ministère, aurait dû avoir au moins la délicatesse de lire les conclusions très claires de ce mémoire, si elle n'avait pas le temps de le lire au complet. Cela aurait peut-être empêché Mme Viau d'utiliser à mauvais escient certains commentaires de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec.

Dans une des conclusions du mémoire, à la page 33, on dit:

    Les objectifs sous-jacents au Projet de loi C-3 mèneront à une intervention restreinte en matière de jeunes contrevenants qui ne tiendra pas compte, dans le traitement des jeunes accusés, de leur évolution et de leur réalité.

    Cette approche répressive est en opposition avec le cadre d'intervention rééducatif que le Québec a su développer avec succès au fil des ans...

Écoutez ce que Mme Viau, l'avocate du ministère de la Justice, a dit: «Demandez-leur sur quoi ils se fondent pour avoir un système si extraordinaire que ça quand la Commission des droits de la personne de leur province dit carrément que le système relativement aux jeunes ne fonctionne pas.»

Qu'est-ce qu'ils répondent ici?

    Cette approche répressive est en opposition avec le cadre d'intervention rééducatif que le Québec a su développer avec succès au fil des ans...

J'ose espérer que Mme Viau n'avait pas lu le mémoire de la commission. Sinon, ce serait encore pire.

La commission continue en disant:

    ...et cela, dans le plus grand respect des principes de la Loi sur les jeunes contrevenants. En outre, la réforme proposée dans le Projet de loi ne respecte pas les principes internationaux reconnus par la Convention...

Vous me le direz si je vous dérange.

Une voix: Non.

M. Michel Bellehumeur: Très bien.

    En outre, la réforme proposée dans le Projet de loi ne respecte pas les principes internationaux reconnus par la Convention des droits de l'enfant et par les Règles adoptées en cette matière par les Nations Unies.

Et voici le dernier paragraphe de ce mémoire, que je cite:

    Convaincue qu'une loi fondée sur cette approche irait à l'encontre de l'intérêt des jeunes Québécois et serait contraire à leurs droits, particulièrement celui d'être traités eu égard à leur degré de développement et de maturité, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse recommande au législateur de ne pas adopter le Projet de loi C-3.

Si jamais le ministère a perdu ce mémoire ou si jamais il souhaitait que je communique directement avec Mme Viau pour le lui faire parvenir, qu'il me le dise. Je me ferai un plaisir, comme je l'ai toujours fait, de collaborer avec lui pour que son dossier soit complet. En effet, de toute évidence, d'après les assertions de Mme Viau, elle n'a pas dans son dossier le mémoire de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec. Ou bien, chose qui serait encore pire, elle fait de la désinformation de façon éhontée.

• 1745

Une autre chose qui est assez galvaudée par les temps qui courent, un autre organisme québécois qui est pris à partie par certaines personnes du ministère de la Justice, c'est le Barreau du Québec et sa position. Or, j'ai décidé de m'y attaquer de front cet après-midi.

Encore aujourd'hui, après mon caucus, un journaliste m'a dit qu'il avait entendu dire par des gens du ministère que le Barreau du Québec appuyait le projet de loi de la ministre. De deux choses l'une: ou bien ce n'est pas vrai et c'est de la désinformation continuelle que le ministère fait, ou bien la ministre a peut-être des amendements que je n'ai pas vus et que j'aurais aimé voir. J'aurais pu poser ces questions-là à la ministre de la Justice si cette dernière était venue témoigner, comme le demande ma motion. J'aurais pu questionner la ministre là-dessus.

Après vérification, ce que le Barreau du Québec a dit dans son mémoire déposé en février 2000 demeure sa position officielle. Il peut exister, comme c'est le cas dans les partis politiques ou dans n'importe quelle association, un individu qui ne partage pas l'opinion de la majorité de son association. Cela peut se produire. Cependant, la position formelle du Barreau du Québec par rapport au projet de loi C-3, je l'ai ici entre les mains et vous l'avez également entre les vôtres.

Y a-t-il un problème d'interprétation? J'aimerais vraiment qu'on m'entende et qu'on me comprenne. Vous me direz quand je pourrai continuer à parler.

• 1747




• 1755

M. Michel Bellehumeur: Monsieur le président, puis-je savoir combien il me reste de temps?

[Traduction]

Le président: Nous avons commencé à 15 heures.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Oui, il est encore... [Note de la rédaction: Difficultés techniques]. Je veux en finir avec cela.

[Traduction]

Le président: Nous avons déjà fait 2 h 39 minutes. Nous avons cinq heures. Vous pouvez retrancher 2 h 39 minutes du total de cinq heures.

[Français]

[Note de la rédaction: Difficultés techniques].

M. Michel Bellehumeur: D'accord, jusqu'à 20 h 21 à peu près. Il me sera difficile de me concentrer avec ce que ça sent, mais je pense que ça fait partie de votre stratégie.

Avant les difficultés techniques que nous avons eues, j'allais dire qu'une autre position était charriée un peu... [Note de la rédaction: Difficultés techniques].

• 1800

[Note de la rédaction: Difficultés techniques] ...ne partage pas l'opinion du Barreau du Québec sur le projet de loi C-3, mais je peux vous dire que la position officielle défendue par le Barreau du Québec se trouve dans le document que j'ai entre les mains. Pour vous en convaincre, il suffit de regarder un peu les membres du comité d'étude qui se sont penchés sérieusement sur le projet de loi C-3 pour produire le mémoire. Vous serez convaincus qu'il est impossible qu'on ait changé d'opinion.

On a, entre autres, Me Anne-Marie Boisvert, M. Claude Boies et M. Normand Bastien, avocat qui a contribué au rapport Jasmin et qui a participé à l'étude du projet de loi C-3. On a Me Jean Trépanier, que vous connaissez sûrement. Encore la semaine dernière, M. Trépanier a fait paraître un article dans les journaux dénonçant de nouveau divers aspects du projet de loi C-3. Vous connaissez sûrement Jean Turmel qui travaille au ministère de la Justice du Québec ainsi que Mme Cécile Toutant, criminologue qui s'occupe de l'Institut Philippe-Pinel.

Ces gens-là n'ont pas changé d'idée, à moins qu'il me manque quelque chose, à moins que le ministère de la Justice, au cours de l'été, ait modifié son approche ou modifié certaines choses au niveau du projet de loi C-3, à moins qu'il ait proposé des amendements que je n'ai pas vus. Les gens du Barreau du Québec auprès desquels j'ai vérifié ne sont pas au courant, eux non plus, de ces amendements. Alors, il faut probablement conclure, monsieur le président, que c'est encore de la désinformation de la part du ministère de la Justice.

Au début, lorsque la ministre a déposé son projet de loi C-3, un des arguments qui ont accroché le plus dans les médias et contre lequel j'ai dû me battre, c'est la flexibilité. J'ai dû donner des exemples pour démontrer que ce n'était pas vrai, que c'étaient des petites menteries, comme on dit chez nous.

La ministre mentionnait dans sa conférence de presse—je m'en souviens très bien, on était dans l'édifice de la presse, de l'autre côté de la rue Wellington—que le Québec pourrait faire ce qu'il voulait, qu'il aurait toute la flexibilité voulue. C'est la forme de marketing qu'on avait trouvée au ministère de la Justice pour vendre le projet de loi: la belle flexibilité. Eh bien, la preuve a été faite que la flexibilité n'existe pas, de telle sorte qu'il y a longtemps que je n'ai entendu parler de flexibilité. Comme la flexibilité était le seul point qu'ils avaient trouvé pour vendre cette réforme au Québec et que ça ne marchait pas, ils ont tenté autre chose: la désinformation. C'est ce que l'on a connu le 25 avril et c'est ce que l'on connaît encore aujourd'hui avec Me Viau du ministère de la Justice.

Plus tôt, je vous demandais combien d'heures il me restait parce que je veux me réserver à peu près une heure pour décortiquer correctement la loi, point par point. Je veux soulever les questions que j'aurais aimé poser à la ministre et je veux le faire dans la dernière heure pour que vous ayez tout cela en mémoire quand vous voterez sur ce projet de loi.

Donc, la ministre a évacué de son discours toute la question de la flexibilité, mais vous comprendrez, cependant, que cette question a suscité beaucoup d'intérêt auprès des intervenants, auprès de ceux et celles qui s'intéressent à la question des jeunes contrevenants. S'il y avait eu une véritable flexibilité dans le projet de loi, il y aurait eu ce que j'appelle un opting out. Ça, c'est de la flexibilité; c'est-à-dire que les provinces qui le voudraient pourraient continuer à appliquer la Loi sur les jeunes contrevenants et à faire les choses qu'elles font à l'heure actuelle, tandis que les provinces qui voudraient un durcissement ou une loi plus répressive adopteraient la loi de la ministre criminalisant les jeunes, soit le projet de loi C-3. À ce moment-là, on pourrait parler véritablement de flexibilité, mais ce n'est pas le cas. Il n'y a pas de flexibilité.

• 1805

La ministre, à l'époque de sa conférence de presse, avait mentionné au bâtonnier du Québec de l'époque qu'il y aurait dans le projet de loi la flexibilité voulue pour que le Québec fasse ce qu'il veut. C'est de cette façon que la ministre avait convaincu le bâtonnier d'être à ses côtés lors de la conférence de presse. Cependant, dans les faits, lorsque le Barreau du Québec a eu le projet de loi entre les mains, lorsque le bâtonnier a lu le projet de loi, on s'est bien rendu compte que la flexibilité n'existait pas. On s'est bien rendu compte que les belles promesses de la ministre ne s'étaient pas concrétisées dans le texte du projet de loi. C'est à partir de là qu'il y a eu ambiguïté au sujet de la position du bâtonnier du Barreau du Québec. Mais le Barreau du Québec a rapidement éclairci sa position dans un mémoire extrêmement bien fait déposé en février 2000.

Naturellement, on a parlé dès le début de la flexibilité et on s'est bien rendu compte dès le début que le projet de loi ne répondait pas aux attentes que l'on avait créées. Regardez ce qu'on dit dès l'introduction. On sent le besoin de mettre des bémols, de soulever certains points, parce qu'on avait donné de fausses informations.

On dit à la page 3 du mémoire:

    Or, au printemps dernier lors du dépôt du projet de loi C-68, le prédécesseur de l'actuel projet de loi C-3, la ministre de la Justice avait alors confirmé que les modifications proposées dans le projet de loi permettraient au Québec d'appliquer la loi tel qu'on le fait actuellement. Tout au long de l'analyse de ce projet de loi, le Barreau du Québec fera la démonstration que la flexibilité annoncée pour les provinces dans l'application du projet de loi ne correspond pas aux attentes que nous avions.

C'est une façon polie de dire que ce n'était pas ce qu'on avait mentionné. On avait fait croire des choses au bâtonnier et aux gens du Barreau du Québec pour tenter d'avoir leur aval sur le projet de loi C-3. Mais après analyse, on s'est rendu compte que la flexibilité n'existait pas et, d'un seul coup, la ministre a perdu son plus solide appui, le bâtonnier et le Barreau du Québec.

Pour analyser ce projet de loi, on n'a pas sollicité le personnel de soutien. Le Barreau du Québec a fait appel aux membres du Comité en droit criminel pour leur expertise et leurs commentaires. Ces derniers ont consulté eux-mêmes des spécialistes en la matière. C'est donc dire que le Barreau du Québec, dans l'excellent mémoire qu'il a déposé au Comité de la justice, sait de quoi il parle.

Naturellement, on ne peut pas regarder le projet de loi C-3 sans tenter de regarder l'évolution de la Loi sur les jeunes contrevenants. Respectueux de cette analyse, le Barreau du Québec fait exactement la même chose. Dans son chapitre 1, il examine l'évolution du système de justice pénale pour les adolescents et les interventions du Barreau du Québec.

Plus spécifiquement, voyez ce qu'il mentionne aux pages 6 et suivantes sur le projet de loi C-3:

    Or, le projet de loi C-3 continue dans une voie plus répressive...

Avant de poursuivre cette citation, pour vous mettre dans le contexte, je vous dirai que juste avant, le Barreau du Québec a fait état de l'évolution de la loi et de ses modifications successives. On n'a jamais tenté de revenir en arrière et d'être moins sévère lorsqu'on a fait des amendements à la Loi sur les jeunes contrevenants. C'était toujours pour répondre un peu plus à la droite canadienne, au vent de l'Ouest qui se faisait entendre. Cela fait dire ce qui suit au Barreau du Québec:

• 1810

    Or, le projet de loi C-3 continue dans une voie plus répressive en ce sens que c'est dorénavant l'imputabilité du geste, en y recherchant les conséquences significatives tout en faisant porter aux jeunes une plus grande responsabilité, qui prédomine. En effet, dans la Loi sur les jeunes contrevenants, on établit un juste équilibre entre la protection de la société tout en prenant en considération la situation particulière du jeune qui a commis le délit. Dans le projet de loi C-3, on assiste dorénavant, à l'instar du système pénal pour adulte, à un recul considérable en mettant l'accent sur l'identification du délit commis comme pierre angulaire des décisions juridiques prises à l'encontre d'un jeune contrevenant.

Le Barreau du Québec répond également à Mme Viau dans ses commentaires. De toute évidence, ce n'est pas seulement un mémoire que Mme Viau n'a pas lu; c'est plusieurs mémoires qu'elle n'a pas lus. C'est inquiétant. Il semble qu'elle soit la porte-parole de la ministre de la Justice. Je serais tenté de dire l'adjointe politique de la ministre de la Justice, mais c'est une fonctionnaire du ministère de la Justice du Canada, payée avec nos taxes et nos impôts. On devrait peut-être lui donner une augmentation de salaire pour qu'elle puisse avoir au moins l'énergie et la volonté de lire les mémoires que les gens prennent la peine de venir déposer au Comité de la justice.

Vous comprendrez, monsieur le président, que je n'ai aucune félicitation à faire à Me Viau, que j'ai bien hâte de rencontrer.

    Le Barreau du Québec, lors de la présentation de la Stratégie gouvernementale de renouvellement du système de justice pour jeunes présentée par Mme Anne McLellan en 1998, s'objectait au dépôt d'un nouveau projet de loi. Le Barreau du Québec maintenait que la délinquance des jeunes est un problème complexe que nous devons aborder sous différentes dimensions.

Vous comprendrez que le Barreau du Québec, lorsqu'il écrit des choses semblables, a en tête le rapport Jasmin dont, malheureusement, je n'aurai pas le temps de vous parler, semble-t-il. Je sais que je l'ai fait au début du mois de juin, mais je n'ai fait qu'effleurer une partie du rapport Jasmin. Vous vous souvenez sûrement, monsieur DeVillers, que je disais espérer susciter chez vous un intérêt suffisant pour que vous fassiez la lecture du rapport Jasmin. L'avez-vous lu durant l'été?

M. Paul DeVillers: J'ai manqué mon coup.

M. Michel Bellehumeur: Il a manqué son coup. J'aurais aimé avoir plus de temps pour faire un résumé du rapport Jasmin. Si j'avais eu plus de 10 heures pour vous présenter cela, je pense que vous auriez gagné à m'écouter davantage. Naturellement, monsieur le président, c'est une question que j'aurais posée à la ministre de la Justice: Vous, madame la ministre, l'avez-vous lu, le rapport Jasmin? Je suis convaincue qu'elle ne l'a pas lu. Les membres du Barreau du Québec, croyant que la ministre de la Justice lirait leur mémoire, se sont probablement dit que, compte tenu que la ministre ne lirait pas le rapport Jasmin, ils allaient inclure au moins une citation du rapport Jasmin qui est bien représentative de ce qui transpire de l'idéologie développée dans ce rapport. C'est ce qu'ils ont fait à la page 7 de leur mémoire. Voici la citation qu'ils ont tirée du rapport Jasmin. Elle n'est pas tellement longue. Écoutez-la bien, parce que c'est carrément à la ministre qu'ils s'adressent.

• 1815

    Il est souvent plus facile de modifier une loi que de changer les pratiques d'intervention. Il peut être tentant de se laisser aller à croire qu'en durcissant la loi on apportera une solution aux problèmes que pose la délinquance. Les réponses simples sont un leurre lorsqu'elles s'adressent à des problèmes complexes; elles en occultent l'ampleur en créant la fausse impression que l'on fait le nécessaire pour les régler. Substituer la répression aux approches éducatives relève de ces réponses simples. C'est cependant oublier que les adolescents sont en processus d'éducation; et c'est leur faire porter seuls la responsabilité de la délinquance, comme si la société et le milieu dans lequel ils vivent n'y étaient pour rien.

J'espère que cela ne vous empêchera pas de digérer parce que cette citation, monsieur le président, explique très bien le comportement de la ministre. La ministre a recours à une solution simple pour un problème complexe. On l'a dit lorsqu'on a étudié toute cette question en 1990, je pense. On a déposé le rapport Jasmin le 17 février 1995.

Ce doit être Me Viau qui arrive. Non? J'ai hâte de voir Me Viau.

En 1995, les membres qui ont étudié cette question ont fait ce constat, à savoir que tout le problème de la délinquance et des jeunes contrevenants est un problème extrêmement complexe, qui demande autre chose qu'une réponse ou des modifications simples. Ils avaient en tête des modifications législatives, ce que la ministre n'a pas fait. Elle est tombée directement dans le jeu de l'Ouest, qui voulait qu'on modifie la Loi sur les jeunes contrevenants.

J'invite les membres du Comité de la justice et des droits de la personne à regarder toutes les interventions que le Barreau du Québec a faites au cours des années pour dire au gouvernement fédéral de ne pas toucher à la loi. La ministre a répondu aux premiers commentaires avec ses nombreux amendements. Mais je pense qu'elle n'a pas saisi ce que le Barreau du Québec et d'autres intervenants disaient lorsqu'ils parlaient des terminologies employées par son ministère lors de la rédaction du projet de loi C-3.

Le Barreau disait en février 2000:

    Le projet de loi propose une terminologie différente de la Loi sur les jeunes contrevenants. Ainsi, lorsque la loi actuelle indique des mesures ou des décisions à propos d'un jeune, le projet de loi remplace ces concepts par des sanctions extrajudiciaires.

Je dirais même, parce qu'ils ont donné seulement cela comme exemple, qu'on parlait également dans le projet de loi d'infliger des sanctions, d'infliger des peines. C'était un vocabulaire fort différent de celui de la Loi sur les jeunes contrevenants.

La ministre a sans doute tenté de répondre à ces questions et c'est ce que j'aurais aimé lui demander. Ce n'est pas parce qu'on change un mot dans une phrase qu'on change nécessairement la tournure de la phrase. Je pense que la ministre n'a pas bien compris cela.

• 1820

Par la suite, dans ses commentaires généraux, le Barreau s'est arrêté naturellement à l'énoncé de principes. On indique:

    Quand à l'énoncé de principes, si l'article 3 du projet de loi en affirme les buts, il est complété, voire même opposé à tous ceux qui sont proposés dans les différents chapitres du projet de loi. L'éclatement des principes aura des conséquences sur l'interprétation à venir des dispositions du projet de loi, compromettant d'autant la stabilité législative et judiciaire. En effet, on se rappellera que la Cour suprême a mis près de dix ans avant de donner un sens aux principes de la loi actuelle.

Cela ne ressemble pas à des gens qui appuient le projet de loi de la ministre. Ce que dit le Barreau est très important. C'est exactement le commentaire que j'ai fait jadis, avant d'avoir analysé scrupuleusement le projet de loi. Cela sautait aux yeux à la première lecture. Tout ce qui se trouve dans l'article 3 ne se retrouve pas intégralement dans le projet de loi C-3 de la ministre.

Ils ont charcuté complètement l'article 3 et ils l'ont émietté un peu partout dans la loi. Il y a certaines choses qu'on ne retrouve pas du tout; il y en a d'autres qu'on retrouve mais avec toutes sortes de critères et toutes sortes d'alinéas pour diluer le sens des mots. Et le Barreau dit la même chose. En éparpillant cela dans différents chapitres, on en est même arrivé à faire s'opposer certains énoncés de principe. C'est pourquoi on parle d'éclatement des principes.

J'aurais aimé, si la ministre avait été présente, lui demander si ses amendements visent à résoudre le problème de l'éclatement des principes. J'aurais pu lui donner des exemples pour lui démontrer que, même avec ses amendements, l'éclatement de ces principes fort importants existe toujours.

Il y a un autre point parmi les points généraux. Naturellement, ils regardent le projet de loi de la ministre et ils se rendent bien compte que c'est finalement un petit Code criminel appliqué aux jeunes contrevenants. Pourtant, deux systèmes parallèles qui se complètent à certains niveaux fonctionnent bien. Alors qu'on sait que les tribunaux pour adultes ne sont pas un succès—c'est le moins qu'on puisse dire—, on cherche à les calquer et à les appliquer aux adolescents.

Le Barreau dit ici à la page 14:

    Le Barreau du Québec constate que l'étanchéité entre le régime pénal pour adultes et le régime pour adolescents est de moins en moins réelle.

Ce ne doit pas être un allié certain de la position de la ministre.

On mentionne également:

    Nous doutons que le changement de loi vers un durcissement des mesures saura mieux protéger la société que ne le fait la Loi actuelle.

Le Barreau du Québec dit partager les préoccupations de la ministre, mais affirme que les moyens utilisés le préoccupent. Il parle également de statistiques et dit qu'elles ne traduisent pas la situation alarmante qui pourrait justifier un tel changement.

Je vous ferai grâce des statistiques citées, mais celles que nous connaissons sont reprises, et rien dans ces chiffres ne justifie quelque modification que ce soit. Si la ministre avait été présente, je lui aurais demandé si les amendements qu'elle déposera vont régler le problème. Quelles assurances la ministre nous donne-t-elle? Il n'y en a pas.

• 1825

Je ne sais pas si vous avez lu le jugement souvent cité de la Cour suprême du Canada, soit la décision R. c. M., dont je vous donne la référence exacte: [1993] 2 R.C.S., 421. On sait qu'il a fallu plusieurs années avant qu'on en arrive à déterminer les principes sur lesquels on allait se baser. Un jugement très important a été émis en 1993. Je vais vous en citer une partie:

    Le paragraphe 3(1) recherche un équilibre entre la nécessité de faire assumer aux jeunes contrevenants la responsabilité de leurs délits et de reconnaître leur vulnérabilité et leurs besoins spéciaux. Il cherche à tracer une voie qui évite à la fois la sévérité d'une perspective purement pénale appliquée aux mineurs et le paternalisme de la perspective fondée sur l'idée d'assistance dans l'ancienne Loi sur les jeunes délinquants.

Cette citation est reprise par beaucoup de tribunaux supérieurs et même inférieurs lorsqu'ils rendent des décisions.

Le Barreau dit:

    Cet équilibre délicat et difficile entre la responsabilisation des actes du jeune à l'égard des infractions commises et ses besoins de réhabilitation a été développé au fil des ans et est actuellement à maturité. Ce n'est pas en quelques mois que nous réussirons à recréer un tel mariage délicat des principes et l'exercice risque, non seulement de laisser échapper des jalons importants, mais également de sacrifier des vies.

C'est un constat assez important. Est-ce que la ministre partage ce constat-là? Elle qui dit bien s'entendre avec le Barreau du Québec, lui prêter une oreille attentive, est-ce qu'elle partage ce point de vue-là? On dit même:

    L'équilibre délicat et difficile qui a été développé au fil des ans avec la Loi sur les jeunes contrevenants a fait ses preuves. Nous ne croyons pas que nous puissions recréer dans un avenir immédiat un tel mariage de principes, d'autant que les principes et objectifs spécifiques à chacune des parties importantes du projet de loi créeront un état d'instabilité qui durera probablement plusieurs années. [...] Puisque les objectifs de la Loi ne pourront pas être éclaircis et atteints rapidement, nous risquons d'assister à un processus plus grand de répression dû à l'incertitude sur l'interprétation des nouveaux principes et objectifs.

Est-ce vraiment un allié du ministère de la Justice qui parle ainsi? J'aimerais bien connaître ceux qui, selon vous, n'appuient pas le projet de loi.

Monsieur le président, avant que je ne poursuive, m'accorderiez-vous cinq minutes pour que je puisse manger l'assiettée qui est devant moi? Donnez-moi cinq minutes et je reprendrai immédiatement par la suite.

[Traduction]

Le président: Nous convenons de ne pas regarder l'horloge...?

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Vous suspendez?

[Traduction]

Le président: Nous pouvons simplement laisser passer le temps. Vous pouvez manger et nous ne regarderons pas l'horloge.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: C'est bien.

• 1829




• 1836

Le président: Êtes-vous prêt à reprendre la séance?

M. Michel Bellehumeur: Je vais poursuivre mon intervention. J'en étais rendu au mémoire qu'a déposé le Barreau du Québec dans le cadre de l'étude du projet de loi C-3, et plus précisément à un chapitre intitulé «La polarisation de la loi en fonction de la gravité des délits».

Le Barreau a examiné toute la question de la gravité des délits et tiré certaines conclusions.

Des voix: Oh, oh!

M. Michel Bellehumeur: J'aimerais qu'ils baissent le ton un peu. Vous m'avez donné la parole, monsieur le président. Si M. Alcock désire jaser, j'apprécierais qu'il aille le faire à l'arrière de la salle comme l'ont fait d'autres députés.

[Traduction]

M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.): Non, je m'intéressais beaucoup à ce que vous disiez, Michel...

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Vous êtes trop proche et vous me dérangez un peu.

[Traduction]

M. Reg Alcock: ... mais vous sembliez vous fatiguer un peu et je voulais m'assurer...

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Si vous me faites choquer, vous allez veiller pas mal tard ce soir.

[Traduction]

M. Reg Alcock: Oh, non. J'en tremble.

J'essayais simplement d'écouter ce que vous dites, Michel, parce que j'ai manqué le début.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Monsieur le président, est-ce que vous voulez dire au député d'être un peu plus respectueux et de laisser la parole à celui à qui vous l'avez donnée? On m'a donné un cours au début de cette audience. J'aimerais que vous le rappeliez à l'ordre. M. Alcock est un député qui a une certaine expérience.

[Traduction]

M. Reg Alcock: Nous pouvons parler de respect, si vous le souhaitez.

Le président: Vous avez la parole, monsieur Bellehumeur.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Non, mais dites-lui de se fermer. Il me dérange.

[Traduction]

M. Reg Alcock: Oh, non.

Le président: Vous pouvez continuer. Il n'a rien dit.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: De toute façon, il n'y a rien à faire avec certains députés. Je crois qu'il est l'un d'eux.

Le chapitre intitulé «La polarisation de la loi en fonction de la gravité des délits» du mémoire que le Barreau a déposé auprès du Comité de la justice et des droits de la personne est très important.

Si la ministre avait été présente, je lui aurais posé une question relativement aux infractions graves avec violence et lui aurais demandé d'établir une comparaison entre les dispositions du projet de loi C-3 et la série d'amendements qu'elle a déposés.

• 1840

On indique à la page 20 du mémoire: du mémoire:

    Or, la catégorisation des infractions en fonction de leur nature, c'est-à-dire «une infraction avec violence», «une infraction grave avec violence», «une infraction sans violence», etc., auront pour conséquence d'identifier le profil du jeune adolescent aux prises avec la justice. Cette polarisation entre les délits violents et non violents est mal adaptée à la situation des jeunes. En effet, un jeune déclaré coupable de voie de fait peut être infiniment moins problématique qu'un jeune déclaré coupable de vol.

En voulant catégoriser les infractions, la ministre polarise les délits entre eux et c'est néfaste. Telle infraction n'est pas nécessairement plus grave que telle autre. Tout doit être analysé en fonction des besoins de l'enfant, de l'adolescent, quelle que soit l'infraction. Je pense que la ministre n'a pas compris cet argument-là. Elle n'a pas compris la différence entre l'approche du Québec et ce qu'elle propose dans son projet de loi C-3.

La ministre ne l'a certainement pas compris puisqu'elle aurait apporté des amendements à cet effet dans son projet de loi ou elle n'aurait pas présenté un projet de loi comme celui que l'on a devant nous. Malheureusement, la ministre n'est pas là pour répondre à nos questions. Le seul et unique critère à avoir donné des résultats, le seul critère que les tribunaux ont vraiment interprété, c'est celui relatif à la question des besoins spéciaux. Dans le projet de loi qu'on a devant nous, le projet de loi C-3, de toute évidence, la ministre ne prend pas ces besoins en considération.

Il y a une autre citation que je voulais faire. Si la ministre avait été présente, monsieur le président, j'aurais pu lui demander si les amendements qu'elle propose visent à résoudre la question de la diminution des principes. Je pense que non. Le Barreau du Québec arrive également à cette réponse.

On mentionne ce qui suit à la page 22 du mémoire du Barreau du Québec:

    De plus, la déclaration de principes que l'on retrouve à l'article 3 du projet de loi sera affectée par l'ensemble des principes que l'on retrouve dans les différentes parties de la Loi. La notion de besoins chez les jeunes est identifiée au préambule de la loi.

La suite est importante:

    Or, le préambule jette les balises d'une volonté politique qui ne se retrouve pas dans la déclaration de principes de l'article 3 ni même dans les principes énoncés que nous retrouvons de façon spécifique à chacun des chapitres y compris celui de la détermination de la peine où il n'est nulle part fait mention des besoins spéciaux des adolescents. La dilution des différents principes fera en sorte que l'interprétation jurisprudentielle de toutes les dispositions sera laborieuse et créera de l'incertitude dans le domaine du traitement et de la prise en charge des jeunes.

Vous savez, monsieur le président, que dans le projet de loi C-3 que nous avons devant nous, on a, comme c'est indiqué dans le mémoire du Barreau du Québec, une déclaration de principes qui est fort différente de la déclaration qu'on retrouve aujourd'hui dans la Loi sur les jeunes contrevenants.

• 1845

La déclaration de principes a a été utilisée par les tribunaux et surtout par les juges de la Cour suprême pour mettre véritablement les balises et faire ressortir les dispositions qui doivent être appliquées afin que la Loi sur les jeunes contrevenants atteigne son objectif premier, soit la sécurité du public. Si le jeune est réhabilité et réintégré à la société, la sécurité du public va en découler à long terme.

La déclaration de principes qui figure à l'article 3 de la Loi sur les jeunes contrevenants est très détaillée. Bien que le projet de loi de la ministre renferme une déclaration de principes, comme le dit si bien le Barreau du Québec, les principes énoncés qu'on retrouve à l'article 3 ne s'appliquent pas nécessairement à chacun des chapitres. Je reprends les propos que tenait le Barreau du Québec:

    Or, le préambule jette les balises d'une volonté politique qui ne se retrouve pas dans la déclaration de principes de l'article 3 ni même dans les principes énoncés que nous retrouvons de façon spécifique à chacun des chapitres...

Même si on met dans la loi un article sous le chapitre «Déclaration de principes», tout ce qu'on retrouve dans le préambule, qui est peut-être plus un principe qu'on reconnaissait dans la Loi sur les jeunes contrevenants, on ne le retrouve nulle part.

Tout comme d'autres personnes l'ont fait, je me suis demandé pourquoi la ministre avait inscrit ces dispositions dans le préambule et non pas dans un article du projet de loi, comme cela était le cas à l'article 3 de la Loi sur les jeunes contrevenants. C'est tout simplement parce que la ministre sait fort bien qu'un préambule ne sert pas à grand-chose. On a inscrit de beaux voeux pieux au début, dans le préambule. De cette façon, on pourrait inviter tous ceux qui critiqueraient le fait qu'on ne retrouve pas telle ou telle chose dans la loi à lire le préambule afin d'y retrouver telle disposition. Mais lorsqu'on se renseigne et qu'on vérifie ce qui existe, on se rend compte qu'un préambule n'est pas aussi important que ne l'est un article de la loi.

J'ai consulté le livre d'un professeur de la Faculté de droit de l'Université de Montréal, M. Pierre-André Côté, qui s'intitule Interprétation des lois et qui a été publié aux éditions Thémis. Il s'agit de la troisième édition. On peut y lire ce qu'il pense des préambules:

    Il est rare de nos jours qu'un préambule précède le dispositif d'une loi publique. Lorsque c'est le cas, le texte du préambule est réputé faire partie de la loi et peut donc servir à en expliquer l'objet et la portée.

    Une certaine école jurisprudentielle ne considère le recours au préambule comme admissible qu'en cas d'obscurité du sens ou de la portée d'une disposition: il s'agit encore ici d'une application de la règle de l'interprétation littérale.

Le préambule ne sera utile qu'au juge. Je conviens que le préambule fait partie de loi parce qu'il est inscrit dans loi. Je suis d'accord sur la prémisse de l'avocat, à savoir qu'il est rare qu'on utilise un préambule. Bien que de nombreux projets de loi fédéraux soient passés entre mes mains, je dois avouer que j'ai rarement trouvé un préambule du style de celui que renferme ce projet de loi.

On a ici un préambule qui fait partie de la loi; c'est un fait qu'on ne contestera pas. Cependant, un juge ne consultera le préambule que si une règle est obscure, que s'il a de la difficulté à interpréter un article et qu'il doit connaître l'intention exacte du législateur.

Je peux vous dire que, compte tenu du libellé actuel, le juge ne se rendra pas bien loin dans le préambule. Il n'aura pas besoin de le consulter relativement aux mesures extrajudiciaires ou à la détermination de la peine. On n'a pas besoin d'un préambule pour en venir à la conclusion que cette loi est plus répressive. On n'a pas besoin d'un préambule pour voir que, finalement, les besoins de l'enfant sont inexistants, qu'il faut uniquement regarder le tout sous l'angle de la protection de la société. À court terme, c'est sûr que si on enferme le jeune, on n'a pas trop de problèmes, mais à long terme, on peut se réveiller avec des surprises.

• 1850

Dans un jugement de la Cour suprême, R. c. T.(V.) - [1992] 1 R.C.S., on s'est penché sur la question du préambule. Les juges disent fort bien qu'ils n'ont pas besoin d'analyser très minutieusement le préambule. Je vous lis ce qu'ils disent à la page 11:

    Je ne puis souscrire à l'argument de l'appelante suivant lequel le par. 3(1) n'est qu'un «préambule» et n'a même pas la force que celle qu'on attribue généralement à des dispositions de fond, étant donné en particulier le choix du législateur d'insérer cet article dans le corps de la Loi. Cependant, je ne retrouve pas davantage dans cette disposition la clarté nécessaire pour souscrire à l'interprétation de l'intimée.

C'est évident dans ce cas-là. Le paragraphe 3(1) n'est pas un préambule; c'est un article clairement inscrit dans la Loi sur les jeunes contrevenants. C'est toute la déclaration de principes. Si on regarde les décisions de la jurisprudence à cet effet, on se rend compte que la question du préambule est beaucoup moins importante que si on l'avait mis dans la loi.

J'ai ici une autre décision, qui vient des Rapports judiciaires du Québec, Cour du banc du roi. Bien sûr, ce n'est pas jeune, mais cela fait encore jurisprudence puisque c'est encore cité. On dit:

    Il n'y a pas de doute que, lorsque les dispositions législatives d'un statut prêtent à ambiguïté, nous pouvons avoir recours au préambule pour éclairer ce qui semble obscur. Mais il n'en est pas ainsi quand les termes employés dans le corps du statut sont lucides. Cette règle est énoncée...

Il nomme ensuite d'autres cas où on a énoncé cette règle. Je pourrais vous citer d'autres jugements de la Cour suprême ou des auteurs qui se sont penchés sur cette règle du préambule et des déclarations. On a ici M. Bisson, un conseiller en loi en 1980, qui arrive à des conclusions semblables. Même le Barreau du Québec s'est déjà prononcé là-dessus et il en parle encore dans son mémoire. On a aussi la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse dont j'ai parlé plus tôt.

Donc, si le juge arrive à la conclusion que c'est obscur, il peut peut-être aller voir le préambule. Toutefois, s'il arrive à la conclusion que ce n'est pas obscur, que ce n'est pas un article qu'il a de la difficulté à interpréter, il n'aura pas besoin d'aller au préambule. Or, on sait fort bien que la déclaration de principes de la Loi sur les jeunes contrevenants a souvent été interprétée par les tribunaux de manière à teinter cette loi, à assimiler les grands principes et à atteindre les objectifs qu'on s'était fixés avec la Loi sur les jeunes contrevenants.

Je comprends la ministre qui, elle, vient de l'Alberta. Elle ne voulait pas se faire reprocher d'avoir reproduit dans un autre projet de loi une déclaration semblable à celle que l'on trouve dans la Loi sur les jeunes contrevenants, parce que la déclaration de principes de la loi actuelle ennuie la droite canadienne. C'est purement pour des motifs politiques que la ministre a décidé d'agir de la sorte, en incluant cette déclaration dans un préambule et non pas dans le corps de la loi. S'il n'y avait pas eu d'autres motifs, la ministre l'aurait mise dans le corps de la loi, pas ailleurs, afin que les juges s'inspirent de ces énoncés très importants pour éventuellement interpréter et surtout pour orienter le sens qu'on doit donner au projet de loi C-3 que la ministre voudrait faire adopter.

• 1855

Naturellement, le Barreau du Québec s'est également prononcé au niveau de la présomption de renvoi applicable aux jeunes de 14 et de 15 ans. Le Barreau du Québec s'oppose à ces procédures. On mentionne même à la page 23:

    Le Barreau du Québec conteste la validité et l'efficacité des moyens proposés puisque la justice actuelle réagit déjà sérieusement aux cas les plus graves.

Si la ministre se présente ce soir, je lui demanderai si c'est cela, un allié. Est-ce qu'on peut dire que le Barreau du Québec appuie maintenant l'orientation qu'elle désire donner à son projet de loi? Je ne le pense pas.

Si la ministre était là ce soir, je pourrais aussi lui poser des questions sur les nombreux amendements qu'elle a déposés. Est-ce que la ministre vise, par ses amendements, à retirer la présomption de renvoi? Les conséquences réelles des nouvelles dispositions vont sûrement avoir des effets néfastes pour les jeunes, dont le risque d'augmenter les récidives en nombre et, surtout, en gravité.

Il est vrai que la question des récidives constitue un problème. Il y aura toujours trop de récidives, bien que les statistiques pour le Québec ne soient pas si mauvaises. Comme je l'ai toujours dit, il y a toujours place pour de l'amélioration. Est-ce que la ministre croit réellement qu'en modifiant de fond en comble la Loi sur les jeunes contrevenants, en l'abrogeant comme elle le fait, en mettant de côté 30 ans d'expérience et en faisant un projet de loi d'une complexité semblable, elle va atteindre l'objectif de réduire le nombre de récidives? Permettez-moi d'en douter. Si on regarde le mémoire du Barreau du Québec, on constate qu'il en doute également. On doute que c'est un objectif qui sera atteint avec le projet de loi de la ministre.

J'ai parlé plus tôt de la publication des noms. Inutile de vous dire que le Barreau du Québec est contre cela à 100 p. 100. On dit même ceci:

    Le Barreau du Québec est toujours d'avis que l'identité d'un jeune ne doit pas être dévoilée et particulièrement lorsque ce dernier est condamné à une peine spécifique.

Que faut-il pour que la ministre comprenne? Lui faut-il un dessin?

    Le Barreau du Québec maintient que la publicité de l'identité des jeunes aura un effet pervers...

    Même si on limite la publication qu'aux cas graves, elle risque de devenir un facteur de statut social pour les cas de délinquance plus structurée ne favorisant pas ainsi la mise en échec de la délinquance. À ces réserves, s'ajoute celle à l'effet que la publicité risque de ternir la réputation des parents bien intentionnés et des frères et soeurs innocents.

La ministre n'a sûrement pas pris cela en considération. Cela ne la dérange pas beaucoup.

Il y a également toute la question des automatismes. Là aussi, au niveau de la publication des noms, le Barreau du Québec s'oppose formellement.

La ministre a tenté de répondre à un autre point important en présentant des amendements. Il s'agit de l'harmonisation et de la détermination de la peine. À l'article 37, on parle de l'harmonisation des peines. Je sais que la ministre propose un amendement dont elle voudrait parler et qui porte sur l'harmonisation régionale. Qu'est-ce qu'une région? Je connais des régions administratives. Je viens de Lanaudière, et Lanaudière est une région administrative. Est-ce que ce sont les régions dont parle la ministre quand elle parle d'harmonisation régionale ou bien si la région serait plutôt Laval—Laurentides—Lanaudière? Est-ce qu'une région est établie en fonction des districts judiciaires ou est-ce que le Québec est une région? Est-ce que l'Ouest canadien est une région? Le centre du Canada, le Québec et l'Ontario sont-ils des régions? Les provinces Maritimes en sont-elles une autre?

• 1900

Lorsque, de leur tour, les bien-pensants de la société et du ministère de la Justice ont écrit ce beau projet de loi qui correspond, comme dirait la ministre, à un projet de loi respectueux de l'approche adoptée par le Québec au cours des 15 dernières années, à quoi ont-ils pensé? Pour se sentir interpellée comme on l'a vu dans les journaux, peut-être Mme Viau est-elle l'une des rédactrices de ce projet de loi.

Même avec une harmonisation régionale, dont personne ne sait ce que cela veut dire pour la ministre, le projet de loi ne répond pas aux attentes de ceux et celles qui avaient des doutes quant à sa rédaction. Le Barreau du Québec, à ce moment-là, n'avait pas vu les charmants amendements de la ministre sur l'harmonisation régionale. Je ne peux pas parler pour eux en ce qui concerne cette harmonisation régionale, mais je peux vous dire ce qu'ils pensaient de l'harmonisation de la ministre tout court.

À la page 59 on dit:

    À l'article 37(2)b), on parle d'harmonisation des peines, c'est-à-dire le fait que la peine doit être semblable à celle qui est infligée à d'autres adolescents pour la même infraction commise dans les circonstances analogues. Le Barreau du Québec estime que l'harmonisation des peines, en mettant l'accent sur le délit, sous-estime la situation de l'adolescent et les causes qui l'ont amené à commettre des infractions. De plus, ce principe introduit un concept de «sentencing» reconnu chez les adultes et qui s'adapte mal à la réalité juvénile. Enfin, en droit criminel on tient compte d'abord et avant tout de l'infraction au moment de la détermination de la peine. On élimine alors toute référence au juste équilibre entre les besoins du jeune et la protection de la société. On voit ici comment le régime applicable aux adolescents se distinguera de moins en moins du régime adulte si le projet de loi est adopté.

Cela laisse-t-il une porte ouverte à une future acceptation du Barreau du Québec d'un nouveau principe d'harmonisation régionale? Non. Il n'y a rien qui puisse me faire croire qu'il pourrait y avoir acceptation du Barreau du Québec d'une harmonisation régionale. L'harmonisation, ils en parlent en long et en large dans leur mémoire. Avant de voter sur le projet de loi C-3, j'invite les députés d'en face à prendre le temps de lire au moins le mémoire du Barreau du Québec afin d'orienter leur décision, si leur décision peut être influencée.

On parle de la garde et des surveillances. On parle des renseignements confidentiels, entre autres. Il n'y a pas que le Barreau du Québec qui s'en inquiète. On a vu que le commissaire à l'information, à Ottawa, s'inquiétait de la possibilité que l'information qui est confidentielle à l'heure actuelle puisse se retrouver dans les journaux ou entre les mains de personnes qui auraient d'autres objectifs peu louables.

Le Barreau du Québec donne un tableau, que tout le monde connaît, sur le taux d'inculpation par province et le taux de condamnation à la mise sous garde par province. On voit que dans les deux cas, le Québec a le plus bas taux, tant pour les inculpations que pour les mises sous garde.

• 1905

Cependant, comme je vous l'ai démontré dans mon exemple du cas de Julien, avec le projet de loi C-3 de la ministre et avec toutes les étapes qu'on y retrouve, notamment les réprimandes, la cascade de mesures, etc., Julien se retrouve quatre, cinq ou six ans plus tard, quand finalement on l'arrête, avec une mesure de surveillance sous garde, alors qu'à l'heure actuelle, avec la Loi sur les jeunes contrevenants, ce jeune, grâce aux éléments que j'ai énumérés, aurait été mis sous garde bien avant de faire un coup pendable, tout simplement parce que l'intérêt de l'enfant exigeait qu'on le retire du milieu familial et du gang de rue avec lequel il se tenait régulièrement. C'est une marge de manoeuvre qu'on n'aura plus si ce projet de loi est adopté.

Finalement, le Barreau du Québec dit, comme tous les autres, que la grande réussite au Québec est attribuable au fait que l'application de la loi y est bien faite et que c'est surtout parce qu'il y a une déclaration de principes importante et détaillée qui, au cours des années, a subi quelques modifications afin de répondre davantage aux besoins du jeune et à la sécurité du public. Cette déclaration de principes, on ne la retrouve pas ici. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec l'a dit, le Barreau du Québec l'a dit et plusieurs autres personnes l'ont dit également.

Très honnêtement, je n'ai entendu personne changer d'idée jusqu'à maintenant. Au Québec, on était contre le projet de loi C-3 et, après avoir examiné les nombreux amendements que la ministre a l'intention de déposer—probablement qu'elle le fera en Chambre—, tous ces groupes disent ne pas vouloir davantage du projet de loi de la ministre, parce qu'il est encore très complexe. Il ne répond en rien à ce qui se fait au Québec.

Au Québec, on a la Coalition pour la justice des mineurs. Le 11 mai, la coalition a écrit à Mme la ministre. La Coalition pour la justice des mineurs regroupe un grand nombre d'organismes dont plusieurs sont venus témoigner. D'autres ne l'ont pas fait. Peut-être ont-ils envoyé des mémoires, mais ils font surtout confiance à la Coalition pour la justice des mineurs pour défendre leur point de vue.

Ces groupes, je vais les nommer. Il y en a plusieurs et il y en a même quelques-uns qui se sont ajoutés à la liste au cours de l'été. Le 11 mai, il y avait: la CEQ, la Centrale de l'enseignement du Québec; le Centre Jeunesse de la Mauricie et du Centre-du-Québec; la Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux du Québec; l'Association des centres jeunesse du Québec; l'Association canadienne de justice pénale, division du Québec; la Ligue pour le bien-être de l'enfance du Canada, division du Québec; l'Association des services de réhabilitation sociale du Québec; l'Association des CLSC et des CHSLD du Québec, qui se trouvent à être des organismes de la santé où on retrouve des psychologues, des éducateurs, etc.; l'Association des chefs de police et de pompiers du Québec; le Regroupement des organismes de justice alternative du Québec; le Centre communautaire juridique de Montréal; la Commission des services juridiques; l'Association des substituts du Procureur général du Québec; le Centre jeunesse Chaudière—Appalaches; le Centre jeunesse de Laval; le Centre jeunesse Gaspésie/Les Îles; le Centre jeunesse de Lanaudière; la Fondation québécoise pour les jeunes contrevenants; et l'Institut Philippe-Pinel de Montréal.

• 1910

Je pourrais même vous nommer des gens et des organismes de l'extérieur du Québec qui se sont joints à la coalition. On y retrouve même le docteur James Hackler du département de sociologie de l'Université de Victoria. On a, de l'Université de la Saskatchewan, Tim Quigley; la Société de criminologie du Québec; le docteur Louis Morissette, médecin-psychiatre de l'Institut Philippe-Pinel; le Conseil permanent de la jeunesse; de l'École de psycho-éducation de l'Université de Montréal, M. Marc LeBlanc, le responsable. On a aussi, de l'Université de Victoria, Marge Reitsma-Street, ainsi que Jean Trépanier de l'École de criminologie et du Centre international de criminologie comparée de l'Université de Montréal. Il y a même la British Columbia Criminal Justice Association.

Ce sont les gens qui étaient membres de la coalition le 11 mai 2000. Tous ces gens ont vu le projet de loi C-3 et les nombreux amendements de la ministre. Or, qu'est-ce qu'ils disent dans cette lettre qu'ils ont envoyée à la ministre de la Justice? Ils disent qu'il n'y a rien de changé. Ils ne font que dire à la ministre que ses amendements ne répondent pas à leurs attentes et qu'ils maintiennent la position qu'ils avaient prise au tout début de l'étude du projet de loi C-3. Ils disent:

    Depuis ces premières interventions, vous avez déposé vos amendements au projet de loi au Comité permanent sur la justice et les droits. La Coalition a méticuleusement examiné ces amendements. Nous constatons, avec grand regret, qu'il s'agit surtout d'amendements de conformité et que les quelques amendements un tant soit peu substantiels sont loin d'être suffisants pour transformer le caractère répressif de ce projet de loi.

    Pour illustrer l'ampleur de la tâche qui serait nécessaire seulement pour rendre ce projet de loi moins mauvais, nous vous soumettons ces considérations.

Ils ne parlent pas de le rendre bon, mais de le rendre moins mauvais. Ils ajoutent qu'il faudrait d'abord une réorientation complète du projet de loi. Ce n'est pas une petite affaire. Il faudrait réorienter complètement le projet de loi si on veut qu'il soit moins mauvais.

J'imagine qu'il n'y a pas que des méchants séparatistes parmi ce groupe. Si ce sont tous des séparatistes, je ne comprends pas qu'on ait perdu le dernier référendum. Je connais des gens qui sont assez proches du Parti libéral à l'Institut Philippe-Pinel. Pourtant, ils n'acceptent pas l'approche préconisée par la ministre de la Justice.

Donc, il faudrait une réorientation complète du projet de loi. Si la ministre avait été présente ce soir, je lui aurais demandé si ses amendements correspondent à une réorientation complète du projet de loi. Je lui aurais posé la question mais je connais déjà la réponse. C'est non. Et la coalition, qui a examiné méticuleusement le projet de loi, arrive à la même conclusion:

    Premièrement, il est indispensable d'énoncer clairement la volonté de répondre aux besoins des jeunes en protégeant la société. Ce principe doit être enchâssé partout dans le corps de la loi et pas seulement timidement cité dans le préambule. C'est exactement ce que je disais au tout début de mon intervention. C'est exactement ce que le Barreau du Québec dit. C'est exactement ce que la ministre devrait faire si elle veut rendre son projet de loi moins mauvais.

• 1915

    Les quelques amendements proposés au préambule et à l'article 3 ne suffisent pas à modifier l'économie générale du projet de loi. Le maintien de la présomption d'application de peines pour adultes aux jeunes de 14 ans, par exemple, illustre bien comment les quelques amendements proposés par votre gouvernement ne suffisent pas à transformer sensiblement le projet de loi.

    Donc, même lorsque l'on considère vos propositions d'amendements, le projet de loi continue d'ignorer l'évidence pourtant bien documentée et connue de vos professionnels, que la meilleure façon de protéger la société consiste à exposer le jeune contrevenant à une expérience éducative significative qui met en action son sens des responsabilités. On semble toujours avoir de la difficulté à accepter qu'il s'agisse d'un adolescent, d'un individu qui n'a pas complété son processus de maturation et qui vient de commettre une faute à une étape charnière de son développement. Notre réponse à celle-ci sera déterminante pour l'avenir, le sien et, conséquemment, celui de la société également.

Si elle était présente ce soir, je demanderais à la ministre pourquoi la coalition, qui regroupe tous ceux et celles qui, de près ou de loin, appliquent au quotidien la Loi sur les jeunes contrevenants, est contre elle, contre son projet de loi et contre sa position. Avec quelle arrogance, madame la ministre, leur dites-vous qu'ils sont dans l'erreur et que vous avez élaboré un projet de loi respectueux de l'approche adoptée par le Québec au cours de 15 dernières années!

Je comprends que la ministre ne veuille pas venir témoigner ici. Naturellement, la coalition s'inquiète également du système de justice qui doit être distinct pour les mineurs, alors que de plus en plus, il ne l'est pas. Il nous apparaît indispensable de préserver un système de justice qui soit spécifique aux jeunes. Or sur ce point, le projet et les amendements du gouvernement dessinent un système de justice pénal adulte appliqué aux mineurs. Nous pourrions citer des dizaines d'exemples tirés du projet de loi. Un régime de détermination de la peine axé sur la nature du délit et sur le principe de l'harmonisation des peines tient peu compte des besoins de l'adolescent.

Je ne sais pas combien de fois il faudra que je parle des besoins des adolescents pour que vous compreniez qu'il y a un manque dans la loi à cet égard. Même avec les amendements et le saupoudrage de vocabulaire du mot «besoins», vous ne répondez pas aux attentes des gens du Québec. Vous ne répondez pas aux attentes de la coalition, laquelle compte de nombreux membres.

J'aurais aimé que la ministre soit ici présente ce soir. Nommez-moi un organisme au Québec qui partage entièrement vos vues sur le projet de loi C-3. Très honnêtement, je n'en connais pas un seul au Québec qui le fasse. Ah oui, il y en a peut-être un puisque, lors d'un congrès du Parti libéral, je crois me souvenir qu'on avait adopté une résolution en ce sens-là après que la ministre ait déposé son projet de loi, comme si elle avait besoin de se sentir un peu appuyée au moins par sa base militante. Et ça, c'est de bonne guerre. Mais à part les libéraux, qui sont les alliés des membres du Parti libéral du Québec? Ce n'est sûrement pas le Barreau du Québec, comme vous avez pu le constater à la lumière du mémoire qu'il a déposé et de tout ce que j'ai dit tout à l'heure. Ce n'est sûrement pas la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec, compte tenu du mémoire qu'elle a déposé.

• 1920

J'essaie de comprendre et de trouver une autre réponse qui justifierait les actes de la ministre. Agit-elle de la sorte uniquement par opportunisme politique, pour gagner quelques votes dans l'Ouest canadien? Les prochaines élections s'en viennent rapidement. Naturellement, ce sont les résultats dans mon comté qui vont m'intéresser en premier lieu. En deuxième lieu, ce seront ceux du comté de la ministre. J'ai hâte de voir si cela va s'avérer si payant que ça pour elle d'être allée à l'encontre de principes aussi importants que ceux-ci.

On s'inquiète, à juste titre, de la notion de système de justice distinct pour les mineurs puisqu'il y aura de moins en moins de différence entre les deux systèmes.

L'autre élément qu'on soulève est le fait que c'est une loi incompréhensible. Vous allez sans doute dire: «Que Bellehumeur, le député de Berthier—Montcalm, le ti-cul de Berthier, ne comprenne pas tous les articles de loi et dise que c'est complexe, ce n'est pas bien grave.» Mais lorsque j'entends dire que ce projet est complexe par la Coalition pour la justice des mineurs, qui regroupe une trentaine d'organismes ainsi que les plus éminents avocats qui appliquent la Loi sur les jeunes contrevenants, et lorsqu'on se rappelle les témoignages des juges qui ont beaucoup d'expérience, comme le juge Jasmin qui est venu ici vous dire de ne pas toucher pas à la loi et surtout que ce projet de loi est très complexe, vous comprendrez que ça me réconforte face à ma position. Vous comprendrez que s'il y a quelqu'un qui ne comprend rien, ce n'est pas moi, mais bien la ministre. C'est une loi très difficile à comprendre. Il faut faire la lecture des articles de cette loi pour se rendre compte qu'ils ne se lisent pas comme un roman Harlequin. Pourtant, on exige de la population qu'elle connaisse toutes les lois, car il existe un principe qui dit que «nul n'est censé ignorer la loi».

De plus, on demande une participation accrue des parents au niveau de la criminalité chez les jeunes. C'est une bonne chose. Il s'agit d'un principe qu'on doit développer et qu'on était capables de développer en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants. On en fait ici un argument important pour justifier une modification de la loi, quoiqu'on ait rédigé une loi que les parents ne pourront jamais comprendre. Plusieurs groupes sont même venus nous dire que cette loi était en train d'enlever aux parents le peu de juridiction ou de connaissances qu'ils avaient de la Loi sur les jeunes contrevenants. On est en train de leur soutirer tout ça, au grand bénéfice des avocats spécialistes dans le domaine.

Si j'étais solidaire, comme le Barreau l'est à l'égard de ses membres, je devrais applaudir les fonctionnaires du ministère de la Justice et même les remercier car cela permettra à des avocats de faire plus d'argent. Cela est sûr et certain. Il y a des professeurs qui vont faire de l'argent parce qu'ils vont donner des cours pour qu'on puisse comprendre ce projet de loi.

Mais je ne viens pas ici pour vous féliciter. Au contraire, je suis ici pour vous dire que vous faites fausse route. C'est une loi qui est complètement incompréhensible.

Hier, je vous ai lu un article de la loi. Si j'en avais le temps, je pourrais vous en lire plusieurs autres; je pourrais même vous lire l'article 1 et continuer jusqu'au dernier. Vous constateriez que cette loi n'est pas trop facile à comprendre. J'ose espérer que les députés qui vont se prononcer sur un projet de loi aussi important auront au moins pris le temps de le lire au lieu de se fier aveuglément à la ministre de la Justice.

• 1925

On dit également dans la lettre:

    Comme vous pouvez le constater, votre projet de loi, même avec les amendements que vous y avez proposés, contient des faiblesses fondamentales et structurelles et il ne peut tenir la route de la simplicité, de la responsabilisation des jeunes et d'un système de justice adapté à leur réalité. Nous sommes extrêmement déçus que, malgré les très nombreuses critiques venant de tous les coins du pays et le peu d'appuis fermes que vous avez reçus, vous ayez décidé d'aller de l'avant avec ce projet de loi rétrograde.

Il existe également une opposition farouche au Québec face à cette loi-là; mais inversement, je n'ai vu personne se battre le ventre à terre pour faire adopter ce projet de loi C-3. Vous êtes en train de tenter de ménager la chèvre et le chou, et je suis persuadé que vous allez vous mettre tout le monde à dos avec ce projet de loi-là. C'est pourquoi je vous dis que la ministre va peut-être en payer le prix à un moment donné; j'ose espérer qu'elle le paiera lors des prochaines élections.

    Plutôt que de s'engager dans cette voie et de céder aux lobbies qui entretiennent des craintes injustifiées, votre gouvernement devrait davantage inciter les provinces qui ne l'ont pas fait à utiliser pleinement, à l'instar du Québec, toutes les possibilités que leur offre la Loi actuelle sur les jeunes contrevenants et qui portent fruits.

Ça aussi, la ministre semble, de toute évidence, ne pas l'avoir compris.

Je suis persuadé que les membres du comité ont vu ce que je voulais faire hier. Il va sans dire que j'aurais aimé interroger la ministre afin qu'elle nous explique ses nombreux amendements et réponde à mes questions sur tout le dossier des jeunes contrevenants. Le premier objectif de cet exercice consistait à gagner du temps. Je me disais que si on gagnait du temps, la ministre aurait probablement l'occasion de rencontrer des gens, autant au Québec qu'ailleurs au Canada, qui lui diraient que ce n'est pas un bon projet de loi dans sa forme actuelle. Ils lui auraient dit que la Loi sur les jeunes contrevenants est une bonne loi et qu'il fallait peut-être juste donner à certaines provinces les moyens financiers nécessaires pour qu'elles puissent l'appliquer correctement. Sachant que le gouvernement fédéral a des milliards et des surplus budgétaires même inestimés par le ministre Paul Martin, je me disais que peut-être un jour, la ministre de la Justice se déciderait à investir davantage pour que les autres provinces, à l'instar du Québec, puissent appliquer la Loi sur les jeunes contrevenants.

Si dans 10 ans, après que toutes les provinces auront pu appliquer la Loi sur les jeunes contrevenants comme le fait le Québec, on constate qu'il y a des problèmes, on pourra voir à améliorer la Loi sur les jeunes contrevenants.

Je ne sais pas si la ministre veut passer à l'histoire pour avoir changé la Loi sur les jeunes contrevenants ou si elle souhaite le faire pour mettre le Québec à sa place relativement à un projet de loi aussi important que la Loi sur les jeunes contrevenants. Je me disais qu'en gagnant du temps, le projet de loi ne franchirait pas les étapes prévues et qu'il y aurait moins de chances qu'il soit appliqué éventuellement. Mais je me disais surtout que cela permettrait à la ministre de faire des vérifications sur le terrain et d'entendre le point de vue des gens de la coalition et des autres organismes qui sont venus faire des affirmations devant ce comité. Je pensais qu'en disposant de plus de temps, la ministre pourrait faire le tour des provinces et vérifier les allégations des personnes qui sont venues témoigner ici, entre autres les trois juges, dont deux qui pratiquent encore dans ce domaine, tandis que l'autre a pris sa retraite.

Prenons l'exemple du juge Michel Jasmin. Vous ne pouvez pas dire que le juge Jasmin est une personne de mauvaise foi ou qu'il ne connaît pas la matière. Il a rédigé un rapport extrêmement brillant qu'il a publié en février 1995 et dans lequel il fait clairement état de la situation. Il s'agit d'un document qui demeure contemporain et qui s'applique encore à la situation que nous vivons aujourd'hui. Après avoir analysé de façon exhaustive la situation, le juge Jasmin dit dans ce rapport qu'il ne faut pas toucher à la loi car ce n'est pas la loi qui fait défaut, mais plutôt son application.

• 1930

Même en 1995, on a trouvé le moyen, par ce projet-là, d'améliorer l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants au Québec. Je n'ai jamais eu la prétention d'affirmer que cette loi était fantastique et merveilleuse et qu'il n'y avait rien d'autre à faire relativement à la Loi sur les jeunes contrevenants. Je n'ai jamais dit cela. J'ai toujours dit qu'on pouvait améliorer certaines choses dans la Loi sur les jeunes contrevenants. Mais ce n'est pas une amélioration que la ministre tente; elle tente autre chose. Elle nous mène vers l'inconnu. Personne ne peut nous dire aujourd'hui comment la loi C-3 sera appliquée dans 10 ans.

J'avais demandé à la ministre de nous dire quelle assurance nous avions que les provinces qui se plaignent à l'heure actuelle de la Loi sur les jeunes contrevenants pourraient bien appliquer La loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents. Elle n'a pu nous donner aucune assurance parce qu'elle ne l'a pas. Même si je suis un méchant séparatiste, je regarde ce qui se fait ailleurs et je constate que certaines provinces n'ont pas l'infrastructure nécessaire pour appliquer un projet de loi prévoyant des mesures extrajudiciaires ou des mesures de rechange telles que celles qu'on propose dans le projet de loi C-3. Que feront ces provinces-là? Elles n'avaient pas les infrastructures pour appliquer la Loi sur les jeunes contrevenants et elles ne seront pas mieux équipées pour appliquer une nouvelle loi.

J'entends déjà le ministère nous dire qu'il prévoit verser 340 millions de dollars de plus pour l'application de cette loi-là. Certaines provinces doivent faire un rattrapage de 15 ou 20 ans. Ne serait-ce que pour construire un bâtiment où l'on accueillera les jeunes à qui on voudra appliquer des mesures de rechange, il faut prévoir temps et argent. Je suis persuadé que ces prévisions de l'ordre de 340 millions de dollars représentent une somme minimale. Ces prévisions seront semblables à l'estimation que vous avez faite pour la mise en oeuvre de la Loi sur les armes à feu. C'est le même ministère qui avait dit que ça ne coûterait pas trop cher, alors que la facture est de trois à quatre fois supérieure à l'estimation qu'avait faite Allan Rock.

Je suis persuadé que le fédéral ne va pas fournir de l'argent de façon illimitée. Je vous répète que le ministre de la Justice de l'époque, Allan Rock, avait reconnu que le fédéral devait 96 millions de dollars au Québec, qui avait su appliquer correctement la Loi sur les jeunes contrevenants. On n'a pas vu un centième de 1 p. 100 de cette somme-là. Et aujourd'hui, on se propose de tout massacrer et d'adopter une autre loi, sans aucune garantie, et on affirme qu'on va payer pour son application. Permettez-moi d'avoir des doutes face à cette assurance que vous nous donnez quant au paiement de la facture au bout de la ligne.

Lors de son témoignage du 23 mars 2000, le juge Jasmin a posé une question importante. Je me disais que si je donnais du temps à la ministre, elle aurait peut-être le temps de se pencher sur une chose qui lui avait glissé entre les mains. Le juge Jasmin a dit que s'il était législateur fédéral, il suspendrait son projet de loi pour l'instant et demanderait aux provinces comment elles appliquent la loi actuelle et quelles sont les politiques jeunesse qu'elles ont mises en oeuvre.

Je reconnais que l'objectif ultime de ma demande et des motions que j'ai déposées est de gagner du temps. Je ne le fais cependant pas seulement pour moi ou pour le Québec, mais afin de faire en sorte que la ministre puisse aller vérifier quelles politiques jeunesse les autres provinces ont mises en oeuvre. Elle constaterait que certaines provinces n'ont pas de politiques jeunesse et qu'elles n'ont pas les infrastructures nécessaires pour recevoir un projet de loi comme celui que la ministre veut faire adopter. C'est bien beau d'énoncer des bons voeux.

• 1935

D'une certaine façon, on pourrait se permettre de faire de la politique et de dire que la ministre est de mauvaise foi. Pourtant, je suis sûr qu'elle est de bonne foi, mais qu'elle est mal entourée ou mal conseillée, je ne sais trop. Si Me Viau est parmi ses conseillers, je reconnais qu'elle doit être mal conseillée.

Je me disais en moi-même que si elle en avait le temps, la ministre irait voir elle-même sur place. Si j'étais ministre de la Justice au Canada, le premier geste que je penserais faire devant un consensus aussi largement partagé au Québec contre un projet de loi serait d'aller voir sur place et de demander qu'on me convainque de cette position.

Est-ce qu'elle est allée rencontrer les gens du Québec elle-même? Je sais bien que le Conseil privé et les fonctionnaires de son ministère ont rencontré des gens. Ils ont même quasiment tenté de faire du tordage de bras. Je sais que parmi ces gens, il y a certains organismes qui dérangent énormément le gouvernement parce qu'ils reçoivent des subventions du fédéral.

Je sais qu'on a essayé de bien des façons de convaincre certains de ces groupes d'appuyer le projet de loi C-3, mais comme ce sont des gens de conviction, ils ont dit non à toutes les manigances. Ces organismes étaient convaincus qu'ils devaient s'opposer au projet de loi, même si on laissait entendre que la subvention pourrait être moins généreuse étant donné que c'est la ministre qui décide en fin de compte. Malgré tout ça, ils ont dit non.

Alors, si j'étais ministre de la Justice, je serais tenté d'aller voir sur place. Moi, j'aurais rencontré le juge Jasmin trois jours après son témoignage ici. Je serais allé le voir dans son palais de justice ou au Tribunal de la jeunesse, à Montréal, pour qu'il me fasse faire le tour du propriétaire et que je puisse constater comment les choses fonctionnent. Par la suite, j'aurais demandé ce qui, dans les faits, pour un cas concret, pourrait se faire et ne pas se faire dans le cadre du projet de loi C-3. Et j'aurais fait exactement la même chose dans les autres provinces qui réclament une modification.

L'objectif sincère que je poursuis ce soir, c'est de donner l'occasion à la ministre de faire le tour avant de risquer un geste qu'elle va regretter plus tard. La ministre de la Justice passera peut-être à l'histoire comme ayant été celle qui a mis la hache dans une loi qui faisait jadis la fierté de bien des juristes, de bien des gens qui appliquent la Loi sur les jeunes contrevenants.

C'est sûr qu'il y a peut-être matière à rire. Le député du Bloc québécois discute depuis quasiment 30 heures du projet de loi. Pauvre gars! Le projet de loi va quand même être adopté. C'est sûr que certains députés se disent que Bellehumeur, il ne connaît rien. C'est sûr que les fonctionnaires doivent être morts de rire le soir en se disant: «As-tu vu comment Bellehumeur s'est époumonné ce soir? Ça n'a rien changé.»

Je peux vous dire, cependant, que la coalition et tous les gens du Québec qui sont contre le projet de loi auront au moins eu l'impression qu'une oreille attentive a entendu leurs revendications à Ottawa, mais non pas parmi les membres de tous les partis. Il y en a plus d'un qui me l'a dit, et j'espère que cela se concrétisera un jour ou l'autre.

Je vais maintenant terminer, car il ne me reste qu'environ 30 ou 40 minutes pour tenter de faire le tour de la question une dernière fois et pour résumer un peu à ma façon la réforme fédérale de la Loi sur les jeunes contrevenants. Je vais insister sur certains points; sur d'autres, je passerai plus rapidement, étant donné que je suis à la fin du parcours. On me retirera bientôt la parole. Ce seront les mesures exceptionnelles qui s'appliqueront. La grande démocratie de Jean Chrétien et du gouvernement libéral va faire son oeuvre. J'aimerais bien, dans le dernier droit, faire une revue générale du projet de loi C-3 et repasser avec vous tous les points sur lesquels nous avions des réticences et des objections, lesquelles demeurent.

• 1940

Il est évident qu'auparavant, j'aurais aimé passer à travers tout le rapport Jasmin, auquel les rédacteurs ont consacré tant d'énergie et tant de travail bénévole. Certains membres du comité m'ont dit qu'il avait été rédigé après les heures de travail. Entre autres, Normand Bastien, qui travaille dans un cabinet d'avocats au Centre communautaire juridique de Montréal, me disait que c'est souvent après ses heures de travail qu'il participait à des rencontres où se faisait ce travail-là.

Pourquoi l'a-t-il fait? Pour une seule et bonne raison: parce qu'il croyait à la cause et qu'il voyait que le fédéral, de plus en plus, intervenait dans le domaine. À un moment donné, il fallait que ça s'arrête. Pour cela, il fallait un outil de taille et, selon eux, cet outil était un rapport en bonne et due forme, rédigé après avoir consulté toutes les personnes intervenant, de près ou de loin et à quelque moment de l'infraction, auprès du jeune dans le cadre de la Loi sur les jeunes contrevenants. Ils l'ont fait et c'est très bien fait.

Je sais qu'aux mois de mai et de juin, j'avais demandé aux membres du comité de le lire. Je sais que certains d'entre eux ont reconnu très honnêtement ne pas l'avoir encore lu. J'ose espérer que vous allez au moins avoir un peu d'énergie après les séances du Comité de la justice, peut-être demain ou après-demain, tout au moins avant l'adoption en troisième lecture de ce projet de loi, pour en lire au moins les grands titres. Je suis sûr qu'il y en a qui vont vous intéresser et piquer votre curiosité et que, par conséquent, vous les lirez.

Je ne prétendrai que ça se lit comme un roman, mais une chose est certaine: ça se lit beaucoup mieux que le projet de loi de la ministre. Il contient des exemples très concrets, des exemples du genre de ceux des deux cas fictifs que je vous ai présentés. Je pense que, grâce à eux, M. MacKay a très bien compris la position du Québec et que c'est ce qui l'a poussé à se retirer par la suite. Je l'ai peut-être même convaincu. J'espère que vous allez lire le rapport Jasmin. Je suis persuadé qu'il vous convaincra également.

Donc, le projet de loi intitulé «Loi concernant le système de justice pénal pour adolescents, et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence» est, dans son ensemble, une mauvaise loi. Vous le savez. Je vais maintenant faire des remarques plus spécifiques.

Je dis qu'il comporte des aspects nouveaux dans son approche, mais il emploie également un nouveau jargon, même dans les définitions. «Groupes consultatifs», «infractions sans violence», «infractions avec violence», «infractions graves avec violence», «infractions désignées», «mesures extrajudiciaires», «peines applicables aux adultes», «peines spécifiques», «période de garde», «sanctions extrajudiciaires» sont toutes des expressions relevant d'un nouveau vocabulaire qui n'est pas employé, n'apparaît pas ou ne ressort pas dans la Loi sur les jeunes contrevenants actuelle. Il y a vraiment une différence dans le jargon et les définitions utilisés par le ministère.

Quant aux principes et aux objectifs du système de justice pénal pour adolescents, j'en ai parlé plus tôt en parlant du préambule. Vous savez ce que je pense du préambule et vous savez également ce qu'en pensent les juges des tribunaux supérieurs. Ça ne vaut pas beaucoup plus que le papier sur lequel c'est écrit. Je puis vous dire qu'une chose est claire: les juges n'auront pas besoin du préambule pour interpréter le texte, parce qu'on voit très bien que le texte est très répressif. Ils n'auront donc pas besoin d'aller voir ce qui est dit dans le préambule.

La déclaration générale de principes ne peut se comparer à ce qui existe dans la Loi sur les jeunes contrevenants; c'est le jour et la nuit. Il en va de même des principes et objectifs spécifiques.

• 1945

Seulement pour vous donner une idée de la complexité des principes et des objectifs, je vous dirai que, sans compter le préambule, les principes et les objectifs sont énoncés dans six articles dont l'ensemble se subdivise en 16 paragraphes, 34 alinéas et 14 sous-alinéas.

Lorsque le Barreau du Québec dit que le ministère a tout simplement fait éclater la déclaration de principes, c'est à cela qu'il fait allusion. On a charcuté la déclaration de principes, qui était très bien comprise par les tribunaux, qui a été interprétée à plusieurs reprises par la Cour suprême du Canada et qui sert à orienter l'action et à sauver même certains jeunes parce que des besoins spéciaux y sont mentionnés. On l'a charcutée, décapitée et éparpillée à gauche et à droite dans un projet de loi incompréhensible.

C'est ça, l'explication de la ministre. Est-ce qu'il y a un fil conducteur dans tout ça? J'ose espérer que l'application va nous démontrer que oui. Quant à moi, je peux vous dire que je le trouve inexistant.

En ce qui concerne toute la dimension des besoins de l'adolescent, je n'insisterai jamais suffisamment sur la façon dont les abordait le texte de l'article 3 de la déclaration de principes de la Loi sur les jeunes contrevenants. Je le relis parce que c'est fondamental, tant dans l'appréciation de la Loi sur les jeunes contrevenants que dans l'appréciation de la loi que la ministre veut nous faire avaler de force.

De plus, pour ceux qui n'y étaient pas lorsque j'ai parlé de l'ONU, le Canada se vante d'avoir des droits spécifiques pour les jeunes, d'avoir des traitements merveilleux pour les jeunes. Pour justifier ses prétentions devant le monde, le Canada se sert de l'alinéa 3(1)c) de la Loi sur les jeunes contrevenants. J'ai hâte de voir, au prochain forum sur les droits de l'enfant à l'ONU, le représentant du Canada se lever pour dire que c'était tellement bon qu'on a mis la hache dedans.

On y dit:

    3.(1) Les principes suivants sont reconnus et proclamés:

      c) La situation des jeunes contrevenants requiert surveillance, discipline et encadrement; toutefois, l'état de dépendance où ils se trouvent, leur degré de développement et de maturité leur créent des besoins spéciaux qui exigent conseils et assistance;

Cet alinéa a été interprété à plusieurs reprises et repris par les juges de la Cour suprême du Canada pour réorienter en quelque sorte les libertés prises par certains juges eu égard à l'application de cette loi, surtout dans l'Ouest canadien.

Sans doute était-ce trop bon. Sans doute était-ce trop clair. La ministre a décidé de mettre la hache dedans et de ne pas reprendre un article équivalent dans le projet de loi qui fait des jeunes des criminels, le projet de loi C-3. C'est tout l'aspect névralgique de l'approche québécoise qui est complètement évacué par l'approche fédérale telle que transposée dans le projet de loi C-3. En ce qui concerne toute la dimension des besoins des adolescents, on ne la retrouve aucunement dans le projet de loi C-3.

Vous me direz que la ministre a prévu des amendements. Les amendements sont du saupoudrage de mots qui ne veulent rien dire parce que le texte qui suit le mot «besoins» ne veut rien dire par rapport aux besoins propres à l'adolescence. Et cela aura sûrement des impacts sur la pratique; c'est évident. Aujourd'hui, la ministre ne peut nous donner aucune assurance qu'il en sera autrement. La nouvelle philosophie ou l'approche préconisée par le fédéral va modifier l'approche et les pratiques québécoises envers les jeunes contrevenants. C'est évident. La réforme fédérale est essentiellement axée sur la gravité de l'infraction et sur l'histoire judiciaire de l'adolescent. S'il y a quelque chose de nouveau dans la nouvelle loi, comparativement à la Loi sur les jeunes contrevenants, c'est bien cela. Ce sera néfaste.

• 1950

L'impact sur la pratique dans les tribunaux québécois sera négatif. Selon l'esprit du projet de loi C-3, il revient au régime de protection de la jeunesse de s'occuper des besoins particuliers des adolescents, comme si on pouvait dissocier l'infraction et les difficultés d'adaptation sociale du jeune et leurs causes. Il est insensé de confondre tous ces aspects.

Sur le plan des mesures extrajudiciaires, la ministre semble avoir réinventé la roue, mais ces mesures existent déjà dans la Loi sur les jeunes contrevenants. Dans la Loi sur les jeunes contrevenants, elles s'appellent des mesures de rechange. Il serait bon que je vous en lise un passage que, je crois, certains membres du comité n'ont pas lu:

    d) il y a lieu, dans le traitement des jeunes contrevenants, d'envisager, s'il est décidé d'agir, la substitution de mesures de rechange aux procédures judiciaires prévues par la présente loi, compte tenu de la protection de la société;

Si on estime que la société sera mieux protégée en faisant profiter le jeune de mesures de rechange, on lui en attribue.

Je vous ai énuméré tout à l'heure quelques-uns des articles du programme des mesures de rechange autorisées non seulement par le ministère de la Justice mais également par le ministère de la Santé et des Services sociaux. Cela a été fait en collaboration parce que le problème n'est pas seulement juridique. Une des raisons du succès qu'on connaît au Québec est qu'on n'a pas compartimenté les ministères à l'égard du traitement appliqué aux jeunes. Le ministère de la Santé collabore avec le ministère de la Justice, de même que le ministère des Affaires sociales. Mais cela semble difficile à comprendre. La partie 1 du projet de loi porte sur les mesures extrajudiciaires. Elle comprend neuf articles. Elle est subdivisée en trois sections: les principes et les objectifs, traités dans les articles 4 et 5; les avertissements, les mises en garde et les renvois, dans les articles 6 à 9; et les sanctions extrajudiciaires, dans les articles 10 à 12.

On a vu également, dans les cas que j'ai exposés, que cette cascade d'avertissements, de mises en garde et de renvois n'a rien pour aider le jeune. Elle ne fait que multiplier les interventions. On voit que certains avertissements peuvent être donnés par la police, que des mises en garde peuvent être données par le substitut du procureur général. On voit surtout que c'est fort compliqué.

Dans la Loi sur les jeunes contrevenants, c'est beaucoup plus clair. Surtout, on y donne la marge de manoeuvre voulue pour travailler sur le jeune. Aujourd'hui, la ministre propose un projet de loi qui comporte une série d'automatismes. On n'a plus aucune discrétion. Il va falloir que ça marche comme ça, sans aucune vérification, car c'est la ministre qui l'a décidé. On en a largement discuté; la ministre n'a pas consulté les provinces comme elle se devait de le faire. Elle n'est surtout pas allée voir ce qui se passait sur le terrain. En tout cas, si elle y est allée, c'est dans d'autres provinces que le Québec.

Tout le processus de la détermination de la peine est très laborieux et complexe. De plus en plus, dans ce chapitre de la détermination de la peine, on trouve exactement les mêmes choses qui se trouvent dans le Code criminel. Vous comprendrez pourquoi les gens qui appliquent la Loi sur les jeunes contrevenants s'inquiètent de voir que, de plus en plus, la loi qui s'applique aux jeunes va ressembler au Code criminel et au tribunal pour adultes. Je ne pense pas que c'est ainsi que sera atteint l'objectif que la société s'est donné, il y a plusieurs années, concernant la réinsertion sociale et la réintégration des jeunes aux prises avec des problèmes de criminalité.

• 1955

la détermination de la peine se retrouve à la partie 4 du projet de loi. Je suis sûr qu'il y en a qui ne savent pas cela. Cette partie comprend 45 articles qui se subdivisent ainsi. Cette section comprend des objectifs et des principes. Je vous disais plus tôt que la ministre, qui avait charcuté l'article 3 de la Loi sur les jeunes contrevenants pour en saupoudrer des bribes un peu partout, a fait de même dans le chapitre de la détermination de la peine.

Les articles 37 et 38 parlent des objectifs et principes. L'article 39 parle du rapport prédécisionnel. Vous avez vu l'exemple fictif que je vous ai donné de Claudine. J'espère qu'il y en a qui ont écouté et qui s'en souviennent. Le charmant rapport prédécisionnel qu'on a obtenu, après avoir fait le procès au moment de la détermination de la peine, a démontré que Claudine n'aurait jamais dû être traitée en vertu des règles pour les adultes. Il nous a démontré qu'une fois que le juge, et surtout le procureur de la Couronne auraient eu ce rapport prédécisionnel entre les mains, ils ne se seraient pas objectés à un appel pour que son procureur redemande un procès, afin que la jeune reçoive une sentence pour adolescents.

C'est dans la loi que je prends ces exemples-là, et non sur la planète Mars ou dans le cahier des sports du National Post. Le rapport prédécisionnel se retrouve à l'article 39, les peines spécifiques, aux articles 40 à 60, les peines applicables aux adultes, aux articles 61 à 80 et les conséquences de la cessation d'effet des peines, à l'article 81.

Cette partie sur la détermination de la peine est incontestablement la partie la plus complexe. J'ai vérifié auprès de plusieurs avocats. Je peux vous dire qu'il y en a qui sont ferrés dans le domaine criminel et qui n'ont pas tellement hâte d'appliquer ces dispositions. Mon collègue d'à côté va comprendre. D'un côté, ils ont hâte de les appliquer parce que cela va être très dur; ils vont prendre du temps et facturer en masse. Mais d'un autre côté, au niveau de leur conscience, parce qu'ils en ont une, ils se disent que ça n'a pas de bon sens de faire une loi aussi complexe que ça.

Les objectifs et principes ayant déjà été examinés à plusieurs reprises, je ne reviendrai pas sur ces questions. J'ose espérer, cependant, que vous allez prendre le temps, avant de voter sur ce projet de loi, de regarder cela correctement.

J'invite également les membres du Comité de la justice à prendre conscience de la difficulté que pose le calcul des sentences et de la durée du placement sous garde, et à tenter de regarder s'il y a des peines supplémentaires. C'est très complexe. C'est tellement complexe que le ministère de la Justice au fédéral a fait un livre, Le calcul des peines: Guide pour les juges, les avocats et les responsables correctionnels, pour le tribunal pour adultes. Je suis persuadé que le ministère de la Justice va en faire un au niveau des calculs des peines pour les adolescents, parce que c'est à peu près le même système qu'on retrouve pour les adultes, et le gouvernement fédéral a senti le besoin d'en faire un pour les juges. Je suis convaincu qu'on va retrouver cela dans quelque temps pour l'application de la loi qui fait des jeunes aux prises avec un problème de justice des criminels. Je ne sais pas si vous allez arriver à la même conclusion que moi, mais la justice ne sera pas mieux servie par cette complexité-là.

Je pense avoir parlé suffisamment de tout le volet des peines applicables aux adultes, parce que personne ne semblait contester ce que je disais.

• 2000

En ce qui concerne la comparution, je ne sais pas si vous le savez, mais étant donné qu'on veut faire des jeunes des criminels et qu'on veut les traiter comme des adultes, on a mis toutes sortes d'étapes: la comparution, l'enquête préliminaire, le procès, les options, la réoption et la détermination de la peine applicable. Il y a même la publication de l'identité de l'adolescent pour certaines infractions désignées. Il n'est pas nécessaire de vous dire qu'il ne sert à rien de stigmatiser ces jeunes. J'aime ça parce qu'il y a beaucoup d'interaction.

Le lieu du placement sous garde dans les cas d'une peine applicable aux adultes est prononcé. Cela pose aussi certaines difficultés. J'ai hâte de voir comment les tribunaux vont régler ça.

Je veux parler d'un point dont j'ai glissé seulement un mot au mois de mai. Il s'agit de toutes les règles d'admissibilité des déclarations des adolescents.

La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec s'est dite inquiète. Le commissaire à la vie privée, à Ottawa, s'est également dit inquiet quant à la distribution de l'information sur certains jeunes que la justice pourrait faire. Donc, il y a également toutes les règles de l'admissibilité des déclarations des adolescents.

Lorsqu'on arrête un adulte ou un adolescent, on essaie d'obtenir de lui une déclaration. Même si la personne est un adolescent, elle a des droits reconnus, notamment le droit à l'avocat et le droit de savoir pourquoi on l'arrête. Cependant, des modifications très importantes ont été apportées aux règles d'admissibilité des déclarations extrajudiciaires, qu'on retrouve à l'article 145 du projet de loi.

La première modification se trouve au sous-alinéa 145(2)c)(iii). On voit tout de suite que ce sera simple. Il vise le cas où l'adolescent et un de ses parents sont impliqués dans la même infraction. Le projet de loi établit que, dans l'exercice de son droit de consulter ses parents ou un autre adulte, il ne pourra consulter une personne qui se trouve coaccusée ou qui fait l'objet d'une enquête à l'égard de l'infraction qui lui est reprochée.

La deuxième modification introduit la possibilité pour le tribunal d'admettre en preuve la déclaration de l'adolescent, même si les règles d'admissibilité n'ont pas été entièrement respectées. C'est inquiétant. Il s'agit de la disposition 145(5), qui se lit ainsi:

    (5) Même si la renonciation aux droits prévus aux alinéas 2c) ou d) n'a pas été faite en conformité avec le paragraphe (4), le tribunal pour adolescent peut admettre en preuve la déclaration visée au paragraphe (2) s'il estime que l'adolescent a été informé de ces droits et qu'il y a renoncé.

Entre vous et moi, est-ce qu'on peut s'entendre pour dire qu'il est facile pour un policier d'intimider un adolescent? Ce ne sont pas juste des durs à cuire qui se retrouvent devant un policier.

On dit au paragraphe (6):

    (6) Le juge du tribunal pour adolescent peut, compte tenu des circonstances et des principes et objectif de la présente loi, admettre en preuve une déclaration faite par l'adolescent poursuivi—même dans le cas où toutes les conditions visées aux alinéas 2b) à d) n'ont pas été remplies—, s'il est convaincu que cela n'aura pas pour effet de déconsidérer l'administration de la justice.

Vous rendez-vous compte de la pression qui sera exercée sur le procureur de la Couronne?

Un des derniers points porte sur toute la question de la flexibilité. Je voulais garder ça pour le dessert. Ce ne sera pas très long.

Au début, la ministre, comme je le disais plus tôt dans la journée, pour vendre son projet de loi, a parlé de flexibilité. À l'entendre, ce projet de loi était fait de plastique tellement il était flexible, mais on lui a donné des exemples très concrets, que je vais vous répéter ce soir, qui ont fait en sorte que la ministre n'a plus jamais parlé de flexibilité.

• 2005

Aux articles 7 et 8 du projet de loi, on parle entre autres, dans le cadre des mesures extrajudiciaires, de l'établissement par le procureur général d'un programme autorisant les corps policiers ou le poursuivant à mettre en garde un adolescent plutôt que d'entamer contre lui des procédures ou de continuer des poursuites. C'est nouveau, mais ce n'est pas nécessaire, étant donné qu'une discrétion policière a toujours été reconnue et qu'au Québec, en ce qui a trait aux substituts du procureur général, il a déjà été établi un programme prévoyant l'envoi d'une lettre d'avertissement. Donc, la flexibilité qui est censée exister, entre autres aux articles 7 et 8 du projet de loi, c'est de la foutaise, parce qu'on avait déjà, au Québec, les moyens de faire ce qu'on voulait faire de cette façon. Il y avait un programme qui prévoyait l'envoi de lettres et d'avertissements.

Il est également censé y avoir de la flexibilité quant à l'établissement d'un programme de sanctions extrajudiciaires. C'est à l'alinéa 10(2)a) du projet de loi. C'est déjà prévu dans la Loi sur les jeunes contrevenants. Le Québec s'est prévalu dès 1984 de la possibilité qui lui était offerte, par l'article 4 de l'actuelle Loi sur les jeunes contrevenants, d'établir une programme de mesures de rechange dont l'application se trouvera reconduite en vertu de la disposition transitoire prévue au paragraphe 162(5) du projet de loi.

Donc, la flexibilité qui est censée exister également au niveau des sanction extrajudiciaires n'existe pas, puisqu'on est aujourd'hui capable de faire cela avec la Loi sur les jeunes contrevenants.

Il est également censé y avoir de la flexibilité à l'article 23, où on prévoit l'établissement par le procureur général d'un «programme d'examen préalable à l'inculpation prévoyant les circonstances dans lesquelles une accusation ne peut être portée sans son consentement contre un adolescent».

C'est vrai que c'est nouveau, mais ce n'est pas nécessaire. Le Québec s'est déjà doté, en vertu de la Loi sur les substituts du procureur général, d'une procédure prévoyant l'examen par un substitut du procureur général des demandes d'intenter des procédures provenant des services de police avant qu'une poursuite ne soit autorisée.

On parle d'une soi-disant flexibilité nécessaire pour que Québec puisse faire ce qu'il veut. Ce n'est pas nécessaire parce qu'on est capable de le faire à l'heure actuelle parce que, bien souvent, il s'agit d'une administration de la justice qui est de juridiction provinciale.

On parle également de l'établissement de comités de citoyens, dits «comités de justice pour la jeunesse». C'est à l'article 18 du projet de loi. Cela doit être une grosse nouveauté, mais le rédacteur de cette loi n'avait probablement pas vu que c'était déjà prévu à l'article 69 de la Loi sur les jeunes contrevenants.

Il y a aussi la discrétion laissée aux provinces de confier aux autorités administratives ou au tribunal pour adolescents le soin de fixer le niveau de placement sous garde, en milieu de garde ouverte ou fermée. L'article 87 du projet de loi C-3 apporte-t-il quelque chose de nouveau? Est-ce que c'est cela, la flexibilité? C'est déjà prévu au paragraphe 23(3) de la Loi sur les jeunes contrevenants.

La ministre a dit que le projet de loi était aussi flexible dans le cas d'infractions sujettes à l'application d'une sentence pour adulte en raison de la présomption établie par la loi. L'article 62 du projet de loi C-3 prévoit la possibilité pour le procureur général d'accepter la demande de l'adolescent voulant qu'il soit plutôt assujetti à une sentence applicable aux jeunes. C'est déjà prévu en vertu de l'article 16 de la Loi sur les jeunes contrevenants. Ce qui est nouveau, cependant, c'est la possibilité offerte au procureur général de donner un avis selon lequel la peine applicable aux adultes ne sera pas requise contre l'adolescent. On retrouve ça à l'article 64.

• 2010

Toutefois, comme nous l'avons déjà expliqué auparavant à plusieurs reprises, il s'agit d'une discrétion davantage théorique que pratique compte tenu que ce ne sera qu'après le verdict de culpabilité que le substitut du procureur général pourra prendre connaissance des rapports d'évaluation demandés par le tribunal.

Souvenez-vous de l'exemple de Claudine que je vous ai donné plus tôt. Il y a une dernière flexibilité, semble-t-il, que la ministre a trouvée dans son projet de loi. Il s'agit de la possibilité de demander au tribunal d'interdire la publication de l'identité d'un adolescent reconnu coupable d'une infraction désignée et condamné à une peine applicable aux adolescents.

Oui, c'est nouveau, mais vous connaissez notre position: c'est le statu quo. Vous connaissez également la position de tous ceux qui sont venus témoigner à cet effet. Je n'ai entendu personne de favorable à la stigmatisation des jeunes. J'ai demandé à plusieurs reprises qu'on me dise quel groupe désire cela. Je n'ai jamais eu la réponse de la ministre.

Je ne sais pas si, après toutes ces heures d'argumentation pour tenter de vous convaincre, j'ai réussi au moins à faire en sorte qu'au moment de voter sur ce projet de loi, vous aurez un pincement au coeur, mais on va sûrement s'entendre pour dire quelque chose: le Québec ne se retrouve pas du tout dans la position prise par le gouvernement sur ce projet de loi.

Je vais vous en dire encore plus. Je pense que dans le système de justice actuel, le Québec ne se retrouve plus, s'il s'y est déjà retrouvé. Dans la même semaine, on a demandé à la ministre d'agir dans un dossier explosif au Québec, celui du crime organisé, et la ministre hésite à le faire. Elle nous dit que les Hell's Angels et les autres groupes de motards criminalisés avaient quand même des droits constitutionnels.

Dans la même journée, elle a annoncé, par le dépôt d'un avis, qu'elle déposerait le lendemain une motion pour bâillonner le Québec, par l'intermédiaire du Bloc québécois, dans le débat sur un projet de loi aussi important que celui-ci, un projet de loi qui affectera l'avenir de plusieurs jeunes aux prises avec des problèmes de criminalité. Or, il y a un consensus très large au Québec pour rejeter ce projet de loi.

La ministre nous annonce qu'elle va passer le bulldozer là-dessus et dans la même journée, elle dit non à une demande pressante du Québec afin que l'on ait une loi antigang avec des dents. Dans la même journée, elle nous dit qu'elle va faire adopter le projet de loi C-3 le plus rapidement possible, même s'il y a consensus au Québec pour dire qu'on n'en veut pas.

Je ne veux pas faire de politique avec cela, mais vous allez comprendre qu'à titre de Québécois, on a de la difficulté à se retrouver dans le ministère. À titre de Québécois, on va tirer une conclusion assez vite. Si on était chez nous et que le Québec était un pays souverain, on pourrait faire ce qu'on veut. D'ailleurs, il y a, quelque part au fond de moi, une partie qui vous dit merci, parce que ce sont des exemples concrets que l'on pourra utiliser lors la prochaine élection fédérale et, bien sûr, lors du prochain référendum. Je vous dis merci pour tout cela.

Cependant, pour le reste, je n'ai pas de félicitations à vous faire. Je ne sais pas si je connaîtrai un jour les rédacteurs de ce beau projet de loi. Je ne sais pas si je connaîtrai un jour ceux qui ont conseillé la ministre de la Justice dans la rédaction de ce beau projet de loi C-3. Je ne sais pas si je saurai un jour si Me Viau, celle qui a fait la manchette des journaux avec son sondage bidon dont j'ai parlé au début de mon intervention, est l'une de ces grandes conseillères de la ministre de la Justice.

• 2015

Il me semble que pendant les quelque 25 à 30 heures que j'ai employées à débattre de ce projet de loi, si j'avais été l'un d'entre vous, j'aurais tenté de suivre un petit peu pour comprendre l'approche québécoise. Si j'avais voulu faire un bon travail, il me semble que j'aurais tenté de voir ce qui se fait au Québec et de suivre un petit peu l'argumentaire du député d'en face. Je n'aurais peut-être pas toujours partagé son opinion, mais, au moins, j'aurais fait comme Peter MacKay quand il était ici. Il m'a écouté très attentivement pendant que j'exposais mes deux exemples et il a pu confirmer que c'est effectivement ce qui va arriver. Mais présentement, j'ai très nettement l'impression que pendant ces 30 heures, à part les interprètes, personne ne m'a écouté.

Monsieur le président, je pense que ce soir on va sûrement se pencher sur l'adoption de la version intégrale du projet de loi C-3, sans aucune modification. J'aurais très sincèrement aimé que la ministre de la Justice et procureur général du Canada soit présente. J'aurais apprécié qu'elle vienne témoigner afin qu'on puisse lui poser des questions sur son projet de loi, sur son orientation et sur toutes les questions que j'ai soulevées au cours de la soirée. Malheureusement, la ministre n'a pas daigné répondre à mon invitation.

Elle préfère probablement se cacher dans le confort de son bureau de ministre. Elle préfère envoyer ses sous-fifres parler à la presse plutôt que de venir, visière levée, défendre son projet de loi en comité devant ses pairs. C'est son choix, mais j'aurais quand même aimé lui dire plusieurs choses. J'espère que vous allez lui faire part de ma déception, monsieur le président, devant sa très mauvaise écoute des intérêts du Québec.

Vous me faites signe que mon temps est écoulé. Comme je suis très respectueux des règles de la Chambre des communes et compte tenu qu'on m'a mis un bâillon et que les 10 heures qu'on m'avait si gentiment permis d'utiliser sont écoulées, monsieur le président, je vais me taire.

Une voix: Bravo!

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup, monsieur Bellehumeur.

Veuillez me pardonner si je ne demande pas si quelqu'un veut ajouter quelque chose. Nous irons directement à l'étape suivante, selon les instructions de la Chambre... Je vais vous lire la motion: Que, relativement au projet de loi C-3, Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents, et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence, au plus dix autres heures soient accordées aux délibérations de ce projet de loi à l'étape du comité; qu'à l'expiration du temps attribué à l'étape du comité, tel qu'indiqué dans cette motion, toutes les délibérations devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne sur ce projet de loi soit interrompues, s'il y a lieu, aux fins de cet ordre et, par la suite, toute question nécessaire pour disposer de cette étape du projet de loi soit mise aux voix immédiatement et successivement, sans plus ample débat ni amendement. Par conséquent, conformément au paragraphe 75(1) du Règlement, l'examen du préambule et de l'article 1 est reporté.

Je passe immédiatement à l'article 2. L'article 2 est-il adopté?

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Non. Je demande un vote par appel nominal.

[Traduction]

(L'article 2 est adopté par 8 voix contre 3)

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Monsieur le président, afin d'accélérer le processus, je demande qu'il y ait un vote par appel nominal pour chacun des articles.

• 2020

[Traduction]

M. Reg Alcock: Monsieur le président, dans l'esprit de collaboration dont on vient de faire état, j'aimerais simplement ajouter que je vote en faveur de tous les articles.

(Les articles 3 et 4 sont adoptés par 8 voix contre 3)

(Les articles 5 à 8 inclusivement sont adoptés par 9 voix contre 2)

(L'article 9 est adopté par 8 voix contre 3)

(L'article 10 est adopté par 7 voix contre 3)

(Les articles 11 et 12 sont adoptés par 5 voix contre 3)

• 2025

(L'article 13 est adopté)

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Vous ne dites pas les résultats. J'aimerais entendre les résultats de chacun des votes.

Le président: Il y a eu quatre «oui» et trois «non».

M. Michel Bellehumeur: Cela fait un total de sept. Donc, on n'a pas le quorum. Le résultat est de quatre contre trois. Cela fait un total de sept et même avec le président, cela fait huit. Donc, on n'a pas le quorum sur cet article-là. Vous allez maintenant donner le résultat de chacun des votes. S'il y en a qui sont trop paresseux pour rester assis à leur place et faire leur travail, qu'ils partent. Ils ne forment pas le quorum parce qu'ils sont assis dans la dernière rangée à l'arrière et jasent avec le personnel. Quand on vote, on doit obtenir un total de neuf votes. Le résultat précédent était de quatre contre trois, ce qui fait sept, tant en anglais qu'en français.

[Traduction]

Le président: Monsieur le greffier, pouvez-vous nous donner le résultat du vote pour l'article 13, s'il vous plaît?

Le greffier du comité: 4 pour, 3 contre.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Cela fait sept.

[Traduction]

Le président: Il y a eu six abstentions.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Non, monsieur le président, vous avez nommé seulement sept personnes et les sept personnes ont voté. Personne ne s'est abstenu parmi les députés que vous avez nommés.

[Traduction]

M. Lynn Myers: J'invoque le Règlement. Ne faisons pas d'histoire. Reprenons simplement le vote. Si les choses ne sont pas claires quant à savoir qui a voté et qui n'a pas voté, qui s'est abstenu ou pas, recommençons.

Le président: L'article 13 est-il adopté?

(L'article 13 est adopté par 8 voix contre 2)

(Les articles 14 et 15 sont adoptés par 7 voix contre 2)

• 2030

(L'article 16 est adopté par 6 voix contre 3)

(L'article 17 est adopté par 7 voix contre 2)

(L'article 18 est adopté par 6 voix contre 3)

(Les articles 19 à 25 inclusivement sont adoptés par 7 voix contre 2)

(Les articles 26 à 27 sont adoptés par 6 voix contre 3)

(L'article 28 est adopté par 7 voix contre 2)

(L'article 29 est adopté par 6 voix contre 3)

• 2035

(Les articles 30 et 31 sont adoptés par 7 voix contre 2)

(L'article 32 est adopté par 6 voix contre 3)

(Les articles 33 à 35 inclusivement sont adoptés par 7 voix contre 2)

(Les articles 36 à 38 inclusivement sont adoptés par 6 voix contre 3)

(Les articles 39 et 40 sont adoptés par 7 voix contre 2)

• 2040

(Les articles 41 à 45 inclusivement sont adoptés par 6 voix contre 3)

(L'article 46 est adopté par 7 voix contre 2)

(L'article 47 est adopté par 6 voix contre 3)

(L'article 48 est adopté par 7 voix contre 2)

(L'article 49 est adopté par 6 voix contre 3)

(Les articles 50 et 51 sont adoptés par 7 voix contre 2)

(Les articles 52 et 53 sont adoptés par 6 voix contre 3)

• 2045

(Les articles 54 à 58 inclusivement sont adoptés par 7 voix contre 2)

(Les articles 59 et 60 sont adoptés par 7 voix contre 1)

Le président: L'article 61 est-il adopté?

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Non. J'aimerais qu'il y ait un vote nominal, mais auparavant, est-ce que je pourrais faire une remarque, monsieur? Est-ce que le greffier pourrait m'appeler «M. Bellehumeur» au lieu de «Bellehumeur»? Ça fait un peu désinvolte, comme me dit mon whip. C'est une remarque de mon whip, qui sait comment ça fonctionne dans ce grand monde, et il me dit: «Écoute, demande qu'il t'appelle «M. Bellehumeur» parce que qu'autrement, ça a l'air un peu «garroché».»

Le président: Merci, monsieur le whip.

[Traduction]

(Les articles 61 à 71 inclusivement sont adoptés par 6 voix contre 2)

• 2050

(L'article 72 est adopté par 7 voix contre 1)

(Les articles 73 à 76 inclusivement sont adoptés par 6 voix contre 2)

(Les articles 77 à 80 inclusivement sont adoptés par 7 voix contre 1)

• 2055

(Les articles 81 et 82 sont adoptés par 6 voix contre 2)

(L'article 83 est adopté par 7 voix contre 1)

(L'article 84 est adopté par 6 voix contre 1)

(Les articles 85 et 86 sont adoptés par 7 voix contre 2)

(Les articles 87 et 88 sont adoptés par 6 voix contre 3)

(L'article 89 est adopté par 7 voix contre 2)

(Les articles 90 et 91 sont adoptés par 6 voix contre 3)

(L'article 92 est adopté par 7 voix contre 2)

(L'article 93 est adopté par 6 voix contre 3)

(Les articles 94 et 95 sont adoptés par 7 voix contre 2)

• 2100

(Les articles 96 et 97 sont adoptés par 6 voix contre 3)

(Les articles 98 et 99 sont adoptés par 7 voix contre 2)

(L'article 100 est adopté par 6 voix contre 3)

(L'article 101 est adopté par 7 voix contre 2)

(L'article 102 est adopté par 8 voix contre 2)

(L'article 103 est adopté par 7 voix contre 2)

(L'article 104 est adopté par 6 voix contre 3)

(Les articles 105 à 108 inclusivement sont adoptés par 7 voix contre 2)

• 2105

(Les articles 109 et 110 sont adoptés par 6 voix contre 3)

(L'article 111 est adopté par 7 voix contre 2)

(L'article 112 est adopté par 6 voix contre 3)

(Les articles 113 à 115 inclusivement sont adoptés par 7 voix contre 2)

(L'article 116 est adopté par 6 voix contre 3)

(Les articles 117 et 118 sont adoptés par 7 voix contre 2)

(L'article 119 est adopté par 6 voix contre 3)

• 2110

(Les articles 120 à 126 inclusivement sont adoptés par 7 voix contre 2)

(L'article 127 est adopté par 6 voix contre 3)

(Les articles 128 à 140 inclusivement sont adoptés par 7 voix contre 2)

• 2115

(L'article 141 est adopté par 6 voix contre 3)

(Les articles 142 à 144 inclusivement sont adoptés par 7 voix contre 2)

(Les articles 145 et 146 sont adoptés par 6 voix contre 3)

(Les articles 147 à 149 inclusivement sont adoptés par 7 voix contre 2)

Le président: L'article 150 est-il adopté?

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Non. Je demande un vote par appel nominal, mais j'ai d'abord une question à poser. Pourquoi n'appelez-vous pas M. Saada, qui est là?

[Traduction]

Le président: Il s'abstient.

M. Jacques Saada: Non, je ne m'abstiens pas, je ne vote pas.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Monsieur le président, le greffier n'a pas à passer par dessus un membre du comité qui est à la table. Il est là ou il n'est pas là. Ce n'est pas au greffier de dire si M. Saada veut voter ou pas. Il faut qu'il le lui demande. S'il veut s'abstenir, il le dira.

• 2120

[Traduction]

Le président: Monsieur Bellehumeur, si M. Saada veut être pris en compte par le greffier, il peut le demander et il le sera.

Continuez. Nous en sommes à l'article 150.

(Les articles 150 à 172 sont adoptés par 7 voix contre 2)

• 2125

(L'article 173 est adopté par 6 voix contre 3)

(Les articles 174 à 179 inclusivement sont adoptés par 7 voix contre 2)

• 2130

(L'article 180 est adopté par 6 voix contre 3)

(Les articles 181 à 188 inclusivement sont adoptés par 7 voix contre 2)

(L'article 189 est adopté par 6 voix contre 3)

(Les articles 190 à 197 inclusivement sont adoptés par 7 voix contre 2)

• 2135

(Les articles 198 et 199 sont adoptés par 6 voix contre 3)

(L'annexe 1 est adoptée par 7 voix contre 2)

(L'article 1 est adopté par 6 voix contre 3)

(Le préambule est adopté par 6 voix contre 3)

(Le titre est adopté par 7 voix contre 3)

(Le projet de loi C-3 est adopté par 8 voix contre 3)

• 2140

Le président: Dois-je faire rapport du projet de loi à la Chambre?

(La motion est adoptée: 7 voix contre 3)

M. Reg Alcock: J'ai en fait une question sérieuse—ce n'est pas que je n'en ai pas eues souvent. Le comité demandera-t-il une réimpression du projet de loi, pour l'étape du rapport? N'est-ce pas ce qu'on fait habituellement, après avoir apporté les amendements?

Le président: Je n'en ai pas encore parlé.

M. Reg Alcock: Ah non?

Le président: Non.

M. Reg Alcock: Bon, très bien.

Le président: J'ai une longueur d'avance sur vous.

Une voix: Vous avez bien fait, mon garçon, je peux vous le dire.

Le président: Heureusement que j'ai fait sept ans d'université pour en arriver là.

Nous avons à faire. Je donne la parole à M. Bellehumeur et j'espère que ce ne sera pas pour trop longtemps.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Ce sera très court. Je suis sûr que vous serez d'accord avec moi. Je voudrais remercier le personnel qui nous a accompagnés au cours de ces soirées et surtout les interprètes, parce que je suis sûr qu'il n'est pas facile d'interpréter le même député pendant des heures. Bien souvent, il répète certaines choses. Je voudrais donc les remercier. Également, monsieur le président, j'aimerais vous remercier pour la rigueur avec laquelle vous avez mené le comité. J'ai remarqué et apprécié votre sens du débat parlementaire et je tiens, même si on ne partage pas les mêmes idées sur ce projet de loi, à vous remercier pour le travail que vous avez fait.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Cadman.

M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Alliance canadienne): J'aimerais saisir l'occasion pour remercier les fonctionnaires du ministère de la Justice qui sont restés avec nous tout ce temps.

Le président: Je vais parler au nom du comité dans un instant, mais il faut d'abord parler de nos travaux.

Le projet de loi C-244, Loi permettant le prélèvement d'échantillons de sang au profit des personnes chargées de l'application et de l'exécution de la loi et des bons samaritains et modifiant le Code criminel nous a été renvoyé le 21 mars. D'après le Règlement, après combien de jours...

Le greffier: Après 60 jours de séance.

Le président: Après 60 jours de séance, si le comité permanent auquel il a été renvoyé n'a pu examiner le projet de loi, il est renvoyé à la Chambre.

Nous avons donc deux choix. Je suis prêt à envisager qu'on présente une motion à la Chambre, demain, pour une prolongation de 30 jours, de manière à recevoir des témoins supplémentaires; on peut aussi rejeter la motion et le projet de loi sera alors renvoyé à la Chambre, sans amendement.

J'aimerais ajouter un renseignement, pour être juste envers M. Strahl. Nous avons communiqué avec lui. Il préfère que le projet de loi soit renvoyé à la Chambre, sans amendement. Gardez cela à l'esprit, à mesure que nous continuons.

Monsieur Myers.

M. Lynn Myers: Monsieur le président, je propose une prolongation.

Une voix: Je l'appuie.

Le président: Il est donc proposé dans la motion dûment appuyée que je demande demain une prolongation. Je suis convaincu qu'il n'y a pas de question.

(La motion est adoptée)

Le président: Au nom de tous les membres du comité, je remercie tous ceux qui méritent d'être remerciés. Malheureusement, ma mémoire bien connue pour ses lacunes ne me permet pas de remonter au mois de mai.

Mis à part nos divergences, notamment idéologiques, je tiens à exprimer mon admiration pour la résistance physique de M. Bellehumeur et, en général, pour la courtoisie dont ont fait preuve tous les membres du comité au cours de cet exercice assez difficile et compliqué. Je remercie aussi les gens du ministère de la Justice, du cabinet de la ministre et tous les membres... Je tiens particulièrement à remercier M. Cadman, qui n'a pas manqué une minute du comité, je crois. Pour tous ceux qui sont ici et tous ceux qui ont participé, merci beaucoup. Particulièrement pour les opérateurs de consoles, qui ont passé des heures et des heures sans appuyer sur un seul bouton, merci beaucoup.

Monsieur Myers.

M. Lynn Myers: Monsieur le président, très rapidement, je voudrais vous remercier pour le professionnalisme avec lequel vous avez mené ce débat. Merci.

Le président: Merci beaucoup.

La séance est levée.