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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 10 mai 2000

• 1536

[Traduction]

Le président (l'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Je déclare ouverte cette séance du Comité de la justice. Nous examinons aujourd'hui le Budget principal des dépenses 2000-2001: les crédits 1, 5, 10, 15, 20, 25, 30, 35, 40, 45 et 50 sous Justice—Rapport sur les plans et priorités.

Je souhaite la bienvenue à la ministre de la Justice, l'honorable Anne McLellan, et à Morris Rosenberg, sous-ministre de la Justice.

Depuis quelques semaines, nous avons entendu dire combien la comparution de la ministre devant notre comité à propos d'autres sujets avait été précieuse. Je le souligne délibérément. Je pense donc que, comme d'habitude, la ministre aura une déclaration d'ouverture à faire, que nous sommes impatients d'entendre.

Madame la ministre.

[Français]

L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureure générale du Canada, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président. Bonjour, mes chers collègues.

[Traduction]

Je remercie les membres du comité de m'avoir invitée à nouveau.

Je voudrais présenter à ceux qui ne le connaissent pas mon sous-ministre, M. Rosenberg. Je suis aussi accompagnée d'autres hauts fonctionnaires qui sont dans la salle, et je pourrai éventuellement faire appel à eux pour qu'ils se joignent à nous.

Je dois tout d'abord dire qu'en tant que ministre de la Justice je prends très au sérieux le défi de donner confiance aux Canadiens dans notre système de justice. Je suis heureuse de vous faire rapidement le point cet après-midi sur certaines de mes priorités à cet égard.

Tout d'abord, la prévention du crime est une réponse proactive aux questions de sécurité, et c'est l'un des moyens les plus efficaces d'assurer la sécurité de nos collectivités. Notre stratégie de prévention de la criminalité a appuyé plus de 900 projets dans l'ensemble du pays. Ces projets sont élaborés par des collectivités qui font en sorte que leurs besoins se traduisent par des programmes axés sur les racines mêmes de la criminalité. Comme nous l'avons dit dans le discours du Trône, nous allons prendre l'initiative de débloquer d'autres fonds pour renforcer encore notre travail auprès de la population.

[Français]

Pour ce qui est des victimes, les Canadiennes et les Canadiens ont réagi positivement aux modifications que nous avons apportées au projet de loi C-79. Le budget 2000 prévoit un financement de 20 millions de dollars répartis sur les cinq prochaines années pour le Centre de la politique concernant les victimes. Le centre s'assurera que le point de vue des victimes aux prises avec le système de justice pénale soit entendu et qu'on lui donnera suite.

[Traduction]

Sur le front de la justice pour les jeunes, les députés ont déjà entendu de nombreux témoins, et je crois que vous êtes sur le point de passer à l'étude article par article du projet de loi C-3.

J'aimerais maintenant parler de quelques-uns des nouveaux défis de mon ministère et de notre gouvernement. Dans un monde de plus en plus interdépendant, la mondialisation a d'importantes répercussions sur mon travail de ministre de la Justice.

Il y a trois semaines, j'ai participé au dixième congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants à Vienne, où 140 États membres s'étaient réunis pour aborder le problème croissant du crime organisé international. Je dois vous dire que j'étais très heureuse d'être accompagnée du porte-parole pour la justice de l'Alliance canadienne, M. Reynolds. Je crois, John, que nous avons beaucoup appris sur les défis qui se présentent et sur les solutions auxquelles nous travaillons tous ensemble pour répondre aux problèmes de la criminalité internationale.

• 1540

Quand je parle de crime organisé, je parle de violence liée à la drogue, de meurtres, d'attentats à la bombe, de vieillards qui se font escroquer par la télémercatique, de blanchiment d'argent, de fraudes au moyen de cartes de crédit, de prostitution et de trafic d'immigrants clandestins. Le crime organisé se nourrit d'inégalité sociale et économique. Insidieux et omniprésent, il touche chacun de nous. Par conséquent, la lutte contre le crime organisé ne doit pas être l'apanage du seul système de la justice criminelle; c'est une tâche à laquelle doit largement participer l'ensemble de la société. Aucun gouvernement ne peut s'attaquer efficacement à ces problèmes croissants s'il est isolé. Les communautés, les organismes de services sociaux et le secteur privé doivent concentrer leur attention sur ce problème, car tous ont un rôle à jouer et doivent participer à la stratégie de prévention. Mon ministère collabore avec les autres ministères fédéraux et provinciaux à l'élaboration d'une telle stratégie, et les ministres vont discuter de propositions concrètes en septembre, lors de notre réunion à Iqaluit.

La manifestation la plus flagrante de la mondialisation en matière de criminalité, ce sont les incidents de cyber-criminalité. Le plus récent exemple, c'est le virus de la semaine dernière intitulé «I love you». Heureusement, le Canada a des lois qui criminalisent ce genre d'activité. L'article 430 du Code criminel permet d'intervenir efficacement à l'encontre des personnes qui commettent des méfaits ou mettent en danger la vie d'autrui, notamment en détruisant ou en modifiant des données, ou en interrompant leur emploi. Ces infractions, méfaits et atteintes à la vie d'autrui sont passibles d'un emprisonnement maximal de 10 ans ou à perpétuité respectivement.

Bien que le Canada soit en mesure de s'occuper des individus qui commettent ce genre d'infraction, nous devons continuer, avec les autres membres de la communauté internationale, à élaborer des normes communes de législation et d'application de la loi face à ce problème. Pas plus tard qu'aujourd'hui, la presse signalait que les Philippines n'ont pas de législation sur le crime informatique lui permettant de réprimer les actes des auteurs du virus I love you. Nos efforts au niveau international sont axés précisément sur ce problème.

Le G-8 s'est penché sur des solutions à apporter aux problèmes de criminalité informatique transfrontalière. En décembre 1997, les ministres de la Justice et de l'Intérieur du G-8 ont adopté une déclaration de principes et un plan d'action sur le crime dans le secteur de la haute technologie. Depuis, le G-8 a mis sur pied un réseau de points de contact permettant aux autorités judiciaires de disposer d'une aide rapide 24 heures par jour. Notre objectif est d'étendre ce réseau à tous les pays pour permettre aux autorités judiciaires d'enquêter sur la criminalité informatique partout dans le monde où elle peut se présenter.

La question sous-jacente à toute nouvelle mesure législative que nous pourrons adopter, aussi bien sur le plan intérieur que sur le plan international, pour contrer la criminalité du secteur de la technologie de pointe, c'est qu'il faudra parallèlement repenser toutes nos notions de base de souveraineté, de droits de la personne et de protection de la vie privée. Bien qu'il soit impératif de continuer à protéger tous ces droits, il faut aussi admettre que nos notions actuelles ont été élaborées dans un contexte qui était bien différent du monde dans lequel nous vivons aujourd'hui. La répression de la criminalité informatique n'a plus grand-chose à voir avec la répression de la criminalité traditionnelle. Nous devons donc adapter notre législation et notre façon de penser à cette nouvelle réalité. Sans pour autant faire table rase de nos principes de respect des droits humains et de la souveraineté, nous devons trouver un moyen d'adapter ces notions à un nouvel environnement pour qu'elles puissent s'appliquer dans le monde actuel.

Outre la créativité, nous aurons aussi besoin de courage; le courage de repenser nos convictions sur la façon dont le monde et nos régimes judiciaires devraient fonctionner, et le courage de prendre les mesures audacieuses nécessaires pour relever les défis auxquels nous sommes confrontés en cette nouvelle ère. Cette créativité et ce courage nous permettront de surmonter ces défis, d'assurer la sécurité d'Internet, et de préserver nos libertés et valeurs fondamentales.

• 1545

J'aimerais maintenant, monsieur le président, vous dire quelques mots de notre programme concernant les armes à feu. Comme l'a dit récemment le premier ministre, c'est une question de sécurité publique, et notre démarche est le reflet de nos valeurs canadiennes. Lors d'un discours prononcé l'année dernière dans le Michigan, il a déclaré que la National Rifle Association était un produit d'exportation que les Canadiens n'achèteraient jamais. Il a raison. Plus de 75 p. 100 des Canadiens appuient notre programme de contrôle des armes à feu, y compris l'enregistrement de toutes les armes à feu.

Contrôler les armes à feu, c'est créer une culture de la sécurité et de la responsabilité pour les personnes qui détiennent et utilisent des armes à feu. Alors que sa mise en oeuvre a à peine commencé, ce programme récolte déjà ses fruits au niveau de la sécurité du public. Depuis que le régime d'octroi de permis et d'enregistrements a débuté le 1er décembre 1998, plus de 3 700 enquêtes ont été effectuées sur des ventes d'armes potentiellement dangereuses; 713 permis ont été refusés et 930 ont été révoqués, pour des raisons de sécurité publique. C'est un taux de révocation 15 fois plus élevé qu'au cours des cinq précédentes années combinées.

Plus de 3 200 appels ont été reçus sur la nouvelle ligne d'information des conjoints. Cette ligne s'est révélée un excellent moyen de permettre aux conjoints ou à d'autres personnes d'exprimer leurs craintes pour la sécurité publique.

Comme vous l'avez peut-être appris la semaine dernière, le centre des armes à feu de Miramichi a contribué de façon essentielle à la découverte de ce qui est probablement l'un des plus grands réseaux de trafic d'armes à feu d'Amérique du Nord. Près de 23 000 armes à feu et pièces d'armes à feu, vraisemblablement destinées au marché noir, ont été saisies. C'est un exemple concret de la contribution que peut apporter ce système à notre lutte contre le crime et le commerce illégal d'armes à feu.

Les faits parlent d'eux-mêmes. Ce système permet d'empêcher que des armes ne tombent entre les mains de personnes qui ne doivent pas les avoir.

Monsieur le président, nous savons cependant que nous avons encore des défis à relever pour la mise en application de la Loi sur les armes à feu, mais nous progressons constamment dans la rationalisation de nos activités pour répondre à ces défis. Nous faisons tous les efforts possibles pour informer les possesseurs d'armes à feu de leurs obligations envers la loi et pour les aider à respecter la réglementation. À cette fin, nous intensifions nos efforts publicitaires pour rappeler aux propriétaires d'armes à feu qu'ils doivent obtenir un permis d'ici à la fin de l'année.

Nous leur facilitons cette procédure et nous la rendons plus efficace grâce à un nouveau formulaire simplifié de demande de permis.

En plus de simplifier ce processus, nous allons lancer un programme d'entraide pour aider les propriétaires d'armes à feu à demander un permis et à faire enregistrer leurs armes. Les projets pilotes nous ont montré qu'en offrant ce service nous contribuons à réduire considérablement les taux d'erreurs, c'est-à-dire que nous améliorons l'efficacité et réduisons les frais d'ensemble de traitement des demandes de permis.

Comme c'est généralement le cas lorsqu'on lance des initiatives de cette ampleur, nous avons buté sur un certain nombre d'obstacles, mais nous avons le devoir de faire réussir ce programme pour les Canadiens. Nous savons qu'il contribue à améliorer la sécurité du public, et grâce à nos nouvelles initiatives nous allons en faire encore plus à cet égard.

Je vais maintenant passer à la justice autochtone, qui est un autre défi pour nous tous. En 1997, les Autochtones représentaient 28 p. 100 des délinquants accusés en vertu d'articles du Code criminel au Canada, et 15 p. 100 des incarcérations dans des locaux de détention fédéraux, alors qu'ils ne représentent que 3 p. 100 de la population totale du Canada. Au cours d'une enquête réalisée durant la même période, on a constaté que 15 p. 100 des victimes de crimes violents étaient des Autochtones. Ces statistiques sont incontestablement très troublantes, mais elles montrent bien que nous devons nous attaquer aux véritables racines de ce problème.

Notre stratégie de justice autochtone a commencé à apporter des éléments de réponse à certains de ces problèmes par le biais de solutions ancrées dans la collectivité pour éviter les problèmes que connaissent les Autochtones lorsqu'ils sont entraînés dans la filière de la justice générale. Ces stratégies se manifestent par 84 initiatives de justice au niveau communautaire administrées dans 280 localités du Canada. Chacun de ces programmes est administré par la collectivité autochtone et géré à frais partagés, dans le cadre d'accords de financement mixte, avec les provinces et les territoires.

• 1550

On a élaboré des programmes faisant appel aux principes de la justice réparatrice dérivés des traditions et des cultures autochtones tout en respectant les principes juridiques fondamentaux et la Charte. À titre d'exemple, divers projets de déjudiciarisation permettent à la collectivité de participer aux réponses à apporter lorsqu'une infraction est commise ou de participer au processus de détermination de la peine.

Les communautés autochtones collaborent avec les services de police et les procureurs de la Couronne pour élaborer des critères de déjudiciarisation et guider le travail effectué auprès du délinquant, de la victime, de leurs familles et d'autres personnes de la collectivité dans le but d'arriver à une solution par la réconciliation.

Par exemple, en Saskatchewan, la stratégie appuie le programme de justice communautaire du Conseil tribal de Meadow Lake, qui porte sur neuf communautés de Premières nations représentant 9 000 personnes. Le conseil tribal mène aussi des négociations en vue d'une autonomie gouvernementale. L'expérience qu'il a acquise en mettant sur pied et en faisant fonctionner des comités de justice communautaires lui sera éminemment précieuse lorsqu'il assumera des responsabilités plus importantes.

La stratégie fonctionne aussi en milieu urbain—par exemple les services de justice autochtones ganootamaage, à Winnipeg. Ils ont un programme de déjudiciarisation qui s'adresse aux 60 000 Autochtones vivant dans cette ville.

Je suis heureuse de vous dire que ces programmes ont eu des répercussions très profondes sur les individus en leur offrant une démarche plus positive et plus pertinente à l'égard de leur culture qui fait appel à toutes les ressources de la communauté. Ces programmes fournissent aux communautés les instruments dont elles auront besoin pour administrer la justice dans un contexte d'autonomie gouvernementale.

Les pensionnats sont un autre dossier autochtone de très grande importance pour le gouvernement. Je sais que les membres du comité ont sans doute entendu beaucoup parler de ce dossier préoccupant dans les journaux et aussi dans leurs localités. Nous collaborons avec toutes les parties concernées pour trouver une solution de réconciliation et d'apaisement à ce problème.

Les 12 projets pilotes de règlement des différends que nous avons mis sur pied dans le pays en sont un bon exemple. Grâce à ces projets, toutes les parties en présence évaluent les revendications et collaborent à la mise sur pied de solutions novatrices. Ce processus a permis de créer un climat favorable à l'établissement de liens de confiance et de partenariats.

Je vais maintenant passer à une autre priorité du ministère de la Justice, à savoir le travail que nous faisons constamment sur la garde d'enfants, et les droits d'accès et les pensions alimentaires. C'est un sujet complexe, délicat et chargé d'émotion. En fait, le travail du comité mixte spécial a bien montré que ce n'était pas une question facile. Dans sa stratégie de réforme, le gouvernement s'est engagé à réorienter le droit de la famille en l'axant non plus sur les droits des parents, mais sur les responsabilités des parents, pour bien souligner l'importance des meilleurs intérêts de l'enfant.

La stratégie souligne la nécessité d'une démarche plurielle. Nous l'avons fait en prolongeant de deux ans l'aide financière que nous accordons aux provinces et aux territoires pour des initiatives liées au droit de la famille axé sur l'enfant. À cette fin, nous avons récemment débloqué 29 millions de dollars supplémentaires pour les aider à élargir des programmes et services tels que l'information sur le rôle des parents et l'acquisition de compétences, la médiation, ainsi que des programmes de soutien novateurs appuyés par les tribunaux.

Dans le cadre de ces programmes, on trouve en Ontario des centres d'information sur le droit de la famille auprès desquels les parents peuvent obtenir des informations et des conseils juridiques; en Colombie-Britannique, ce sont des centres de justice familiale où les parents peuvent obtenir des informations, des services de conseil et des services de médiation; et en Alberta, il y a les centres de soutien à l'enfance du banc de la Reine, où des avocats répondent aux questions des particuliers et des greffiers les aident à remplir des formulaires et à calculer les montants des pensions alimentaires. Dans la plupart des provinces et territoires, on trouve tout un éventail de services parajuridiques de ce genre.

Nous avons aussi travaillé en collaboration fédérale-provinciale-territoriale. En février, j'ai écrit à mes homologues provinciaux pour les exhorter à faire de l'élaboration d'une stratégie intégrée du droit de la famille une priorité dans leurs secteurs de compétence. Nous devons travailler ensemble. Comme vous le savez, le droit de la famille est un domaine de compétence constitutionnelle partagée.

• 1555

Bien que les lois fédérales régissent les affaires de divorce, les provinces ont la responsabilité législative de la garde et de l'accès dans le cas des familles séparées ou des personnes qui n'ont jamais été mariées. Les provinces sont aussi responsables de l'administration de la justice, qui inclut la prestation de services judiciaires et de services communautaires.

Si l'on modifiait la Loi sur le divorce sans modifier les lois provinciales et territoriales, on ne ferait qu'aggraver les problèmes que connaissent les familles qui se séparent ou qui divorcent. Notre objectif, que partagent les provinces et les territoires, est d'avoir un droit de la famille parfaitement cohérent et efficace dans tout le pays. Actuellement, ce régime uniforme existe, et les réformes seront appliquées de manière uniforme à toutes les familles concernées.

Enfin, notre démarche dans ce domaine passe par des consultations publiques des Canadiens sur les possibilités de modification de la Loi sur le divorce dans l'intérêt des enfants. Je pense toutefois qu'il faut bien comprendre que le simple fait de modifier la loi ne constituera pas en soi une solution efficace à des situations qui, nous le savons, sont parfois extrêmement pénibles, stressantes, et même, disons-le, traumatisantes, en particulier pour les enfants.

Il ne suffit pas, par exemple, de modifier la Loi sur le divorce pour réaliser une coopération parentale. Nous avons cependant bien progressé avec le Fonds de mise en oeuvre des pensions alimentaires pour enfants. Nous avons offert 50 millions de dollars sur cinq ans aux provinces et territoires pour mettre en oeuvre des programmes et des services communautaires destinés à aider les parents à trouver un terrain d'entente à la suite d'une séparation ou d'un divorce.

Si nous voulons aider les enfants canadiens à surmonter les difficultés et les bouleversements qui se produisent dans leur existence lorsque leurs parents se séparent ou divorcent, nous devons nous efforcer d'encourager les parents à surmonter leur colère, leur douleur et leur hostilité et à se concentrer sur l'intérêt bien compris de leurs enfants.

Monsieur le président, l'objectif de notre travail est et demeurera de développer un régime de justice axé sur les citoyens dans lequel les Canadiens puissent avoir confiance, un régime qui soit le reflet de leurs valeurs. Je crois que nous avons donné la preuve de sérieux progrès à cet égard, et que nous l'avons fait en grande partie en nous engageant dans des programmes de consultation du public et en établissant des partenariats efficaces avec d'autres paliers de gouvernement et d'autres secteurs de la société canadienne.

Les Canadiens veulent avoir et méritent un régime de justice équitable, un régime à la fois de dissuasion du crime et d'intervention efficace face aux activités criminelles. Avec des politiques et programmes tels que ceux que je vous ai présentés aujourd'hui, je crois que nous allons travailler ensemble avec nos homologues provinciaux et territoriaux, les organisations communautaires, les autorités responsables du maintien de la loi et d'autres interlocuteurs pour maintenir la confiance des Canadiens dans notre justice.

[Français]

Je tiens à remercier tous les membres de ce comité pour le bon travail qu'ils ont fait au cours de l'année dernière. J'attends avec plaisir de continuer à travailler avec vous dans les mois à venir.

Merci beaucoup.

[Traduction]

Je suis prête à répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, madame la ministre.

Je donne la parole à M. Reynolds, de l'Alliance, pour sept minutes.

M. John Reynolds (West Vancouver—Sunshine Coast, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.

Merci, madame la ministre, pour vos remarques. J'aimerais commencer par une question sur le projet de loi C-17.

De nombreux organisations et groupes représentant des gens qui gagnent leur vie en élevant du bétail, en chassant, en pêchant, en élevant des animaux à fourrure ou en travaillant dans des secteurs connexes m'ont écrit pour me faire part de leurs inquiétudes à propos de ce projet de loi, qui, d'après eux, ne les protège pas bien des poursuites alors qu'ils ont une activité légale et légitime. Je sais qu'ils vous ont déjà rencontrée.

Pourriez-vous nous dire si vous avez apporté des modifications ou si vous êtes prête à apporter des modifications au projet de loi pour lever les craintes de ces groupes?

• 1600

Mme Anne McLellan: Je vous remercie pour cette question, monsieur Reynolds. Je crois que c'est une question très importante, et vous avez raison de dire que nous avons été contactés soit personnellement, soit par écrit, par des gens qui s'inquiètent des parties du projet de loi C-17 traitant de la modernisation des dispositions du Code criminel concernant la cruauté envers les animaux. Évidemment, nous modernisons constamment certains aspects du Code criminel, et en l'occurrence il s'agissait de dispositions qui n'avaient pratiquement pas évolué depuis une centaine d'années.

Je tiens à souligner qu'à l'exception de deux infractions dans l'ensemble de dispositions que vous allez examiner à propos du projet de loi C-17, toutes les infractions mentionnées existent déjà. Elles font déjà partie de notre loi. Tout ce que nous faisons, c'est alourdir les sanctions. Mais les infractions elles-mêmes existent depuis bien plus de 50 ans.

Nous allons tout faire pour éviter les malentendus dans le texte final du projet de loi en ce qui concerne l'intention du gouvernement. Nous n'avons aucunement l'intention de nuire aux pratiques normales d'élevage et d'exploitation des animaux; par exemple, l'abattage rituel, qui est le fondement de certaines religions; la pêche; et la chasse. Les abattoirs sont réglementés au niveau provincial et fédéral. Il n'y a pas de changements à cet égard. Je sais que les trappeurs ont formulé des inquiétudes. Ce projet de loi n'est absolument pas destiné à entraver leurs activités, qu'ils pratiquent depuis très longtemps au Canada. J'ai déjà discuté avec un certain nombre d'entre eux des éclaircissements que nous pourrions apporter en ce sens.

Cela dit, n'oublions pas que l'énorme majorité de la correspondance que je reçois dans ce domaine concerne la cruauté envers les animaux. C'est manifestement une question qui touche profondément de nombreux Canadiens. Les sociétés de protection des animaux et diverses autres organisations communautaires hautement respectées ainsi que leurs membres ont éloquemment énoncé la nécessité de moderniser simplement ces dispositions pour les rendre plus conformes aux attentes du public.

Mais votre remarque est parfaitement pertinente, et nous faisons tous les efforts possibles pour apporter des réponses à ces questions.

M. John Reynolds: Je suis d'accord avec votre dernière remarque. La question est de savoir si nous aurons cela avant d'avoir le projet de loi? Allez-vous présenter ces recommandations? J'ai du mal à dire que j'appuie le projet de loi—et pourtant je suis d'accord avec vos dernières remarques—à cause de tous ces autres problèmes. Des juristes ont dit qu'on pourrait être accusé ou que quelqu'un pourrait contester cela auprès de la Cour suprême. Nous attendons quelque chose de catégorique pour pouvoir exprimer notre appui sans réserve au projet de loi.

Mme Anne McLellan: Nous avons examiné tous ces avis juridiques et nous ne sommes pas du tout d'accord. Nous avons même rencontré, au moins une fois, l'un des auteurs de ces avis.

Sans vouloir m'engager aujourd'hui sur la procédure exacte que nous suivrons, je pense pouvoir vous dire que nous sommes sensibles aux inquiétudes qui ont été formulées. Que ce soit lorsque je viendrai vous rencontrer au début de vos délibérations sur le projet de loi C-17, ou même avant cela, je tiens à lever la confusion sur ces aspects du projet de loi omnibus.

M. John Reynolds: Une bonne partie de votre intervention concernait la criminalité informatique, et je suis d'accord avec ce que vous avez dit. Je suis d'accord avec ce que notre gouvernement fait à l'échelle mondiale. Je vous ai accompagnée à cette conférence, et le Canada s'est battu tant qu'il a pu pour obtenir un protocole, en vain malheureusement. Y a-t-il des progrès dans ce domaine depuis, à la lumière de ce qui s'est passé ces jours derniers dans le monde?

Mme Anne McLellan: Je vais demander à M. Mosley de vous parler plus précisément de ce protocole.

Vous avez raison de souligner que le Canada collabore très activement avec d'autres pays au sein d'une foule d'autres tribunes—le G-8, l'OEA, le Commonwealth et autres—pour faire adopter des législations nationales. Mais ce qui est tout aussi important, vu la nature de cette criminalité, c'est que nous travaillons au plan bilatéral et multilatéral à mettre en place des processus, des ententes et des accords qui permettront à nos autorités judiciaires de faire leur travail par-delà les frontières.

Monsieur Mosley, je vous passe le relais.

M. Richard Mosley (sous-ministre adjoint, Secteur des politiques pénales et sociales, ministère de la Justice Canada): Précisons que le protocole ne faisait pas vraiment partie de l'ordre du jour de cette récente conférence de l'ONU. Il y avait simplement un atelier sur la criminalité informatique.

• 1605

Toutefois, nous travaillons dans le contexte de diverses tribunes, notamment les Nations Unies, à élaborer des normes et principes que tous les pays pourront adopter afin que leur législation nationale et leurs dispositions d'aide juridique internationales soient cohérentes. À cet égard, nous travaillons avec les pays du G-8 et le Conseil de l'Europe, et aussi directement avec les États-Unis. Ces discussions avancent à grands pas. Nous espérons arriver d'ici à la fin de l'année à une entente, notamment sur le document du Conseil de l'Europe.

M. John Reynolds: Monsieur le président, je crois que c'est à la conférence du G-8 à laquelle nous assistions au Pérou qu'un pays a refusé de signer le protocole. Les pays du G-8 sont les plus importants, car ce sont eux qui utilisent vraiment les ordinateurs, plus que tous les autres pays du monde actuellement. Je me demande ce que nous faisons pour essayer de convaincre ce pays ou ces deux pays qui n'étaient pas disposés à signer le protocole et qui voulaient avoir encore un an pour y réfléchir.

M. Richard Mosley: C'est juste. Nous avons surmonté cette impasse lors de la réunion de Moscou en octobre dernier. Les discussions se poursuivent. Le pays en question n'est pas opposé à une collaboration des pays membres du G-8. Ce qui le préoccupait, c'était une question de politique intérieure. En fait, il y aura la semaine prochaine une réunion à Paris organisée par le gouvernement de la France pour examiner toute la question des relations entre le gouvernement et les industries, et nous y serons présents. Divers ministères seront représentés dans la délégation canadienne. L'objectif est de trouver une entente avec l'industrie pour régler les problèmes en suspens.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Reynolds, monsieur Mosley.

Monsieur Bellehumeur, vous avez sept minutes.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Madame la ministre, vous avez mentionné que le projet de loi C-3 était à l'étape de l'étude article par article. Vous me permettrez de vous faire remarquer que le comité est loin d'être prêt à examiner le projet de loi C-3 article par article. Je sens encore que mes collègues d'en face ne sont pas assez mûrs pour passer au vote sur chacun des articles. Lorsque j'entends votre discours—et c'est vous-même qui avez parlé du projet de loi C-3—je suis tenté de le prendre en exemple pour démontrer que lorsque que vous dites vouloir travailler en partenariat avec les gens du milieu pour faire de la prévention et être ouverte à certaines choses pour la prévention du crime, votre discours sonne faux.

Je ne voulais pas parler du projet de loi C-3. J'en parle suffisamment dans d'autres comités, mais vous m'avez trop ouvert la porte. Je ne peux pas passer à côté. C'est un exemple frappant, madame la ministre, que votre discours sonne faux par rapport à ce que vous faites en réalité. À moins que vous n'écoutiez pas le Québec de la même façon que les autres provinces, le projet de loi C-3 est un exemple frappant du fait que vous n'écoutez pas ce que les intervenants du milieu en disent. Vous n'écoutez pas ce que les intervenants, ceux et celles qui travaillent quotidiennement avec les jeunes, vous disent, madame la ministre. Ils vous disent que vous faites fausse route, et vous continuez quand même à vouloir adopter ce projet de loi. Comment conciliez-vous ce que vous venez de dire sur le projet de loi C-3, que vous avez vous-même cité, et la pratique réelle au Québec?

[Traduction]

Mme Anne McLellan: Tout d'abord, je comprends très bien, monsieur Bellehumeur, que vous ne vouliez probablement pas passer beaucoup de temps à en parler cet après-midi, et je n'y ai aucune objection, si vous avez d'autres questions.

Mais en ce qui concerne l'argument que vous avez soulevé concernant le projet de loi C-3, nous avons écouté très attentivement les témoins, non seulement de la province de Québec, mais aussi d'autres témoins, et en fait nous sommes en train d'apporter environ 162 amendements au projet de loi C-3, monsieur Bellehumeur, dont un grand nombre ont été proposés par des organisations comme le Barreau du Québec. Bien qu'il soit impossible d'adopter les propositions de chaque groupe, qu'il s'agisse d'un groupe du Québec, de l'Ontario, de la Colombie-Britannique ou du Nunavut, nous avons tâché d'écouter attentivement et de préparer des amendements qui à notre avis sont conformes aux principes fondamentaux de la loi et qui permettront d'en faire un texte de loi plus efficace et plus souple grâce auquel nous pourrons en tant que société relever plus efficacement les nombreux défis qui entourent le système de justice pour les jeunes.

• 1610

Je suppose qu'au bout du compte vous et moi ne serons pas d'accord quant à savoir si j'ai écouté et si j'ai agi. Ai-je donné suite à toutes les propositions de Québec, de l'Ontario ou d'ailleurs? Non. Ce projet de loi prévoit-il suffisamment de souplesse pour permettre à la province du Québec et aux organismes et à ceux qui y travaillent de poursuivre ce qu'ils font de la façon dont ils le font? Oui, je le crois. Je crois qu'il s'agit d'une meilleure loi en raison de l'intervention d'organisations comme le Barreau du Québec.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Je ne sais pas si vous avez vu la rectification du Barreau du Québec vendredi dernier, mais contrairement à ce qui a déjà été mentionné, le Barreau du Québec n'appuie pas le projet de loi C-3. Madame la ministre, même avec vos amendements, il n'y a pas un seul intervenant à qui j'ai parlé qui appuie votre projet de loi. Cela dit, je pense qu'on peut en parler pendant des heures et je vais le faire dans les prochaines semaines, même s'il est évident qu'on ne s'entendra pas ici et qu'on ne s'entendra jamais parce qu'on part de prémisses fort différentes.

Je suis sûr que vous aurez l'occasion de revenir devant le comité pour répondre aux questions sur la Loi sur les jeunes contrevenants avant que nous passions à l'étude article par article du projet de loi C-3. Je suis persuadé que je vais convaincre les gens d'en face avec ma motion, mais ce sera plus tard.

Aujourd'hui, madame la ministre, je vois dans le sommaire des crédits qu'au ministère de la Justice, il y a une augmentation de 117 millions de dollars par rapport aux prévisions de l'an passé. Je suis avocat et non mathématicien, mais je sais que cela représente une augmentation de plus de 20 p. 100.

Quand je regarde les autres rubriques de dépenses, que ce soit celle de la Commission canadienne des droits de la personne, de la Cour suprême, de la Cour fédérale ou de quoi que ce soit d'autre, je vois que les augmentations sont minimes. Elles sont de l'ordre de 2, 3 ou 5 p. 100. À quoi le ministère de la Justice attribue-t-il cette augmentation de 117 millions de dollars, cette augmentation d'un peu plus de 20 p. 100?

Mme Anne McLellan: Monsieur.

[Traduction]

M. Robert F. Bourgeois (sous-ministre adjoint, Services ministériels, ministère de la Justice Canada): Voulez-vous me présenter?

Mme Anne McLellan: Non, allez-y.

Le président: Il est nécessaire que vous vous présentiez pour le compte rendu.

[Français]

M. Robert Bourgeois: Je m'appelle Robert Bourgeois et je suis sous-ministre adjoint aux Services ministériels.

La différence principale s'explique par le fait que le ministère a participé, avec le Conseil du Trésor, à un exercice qui s'appelle «Intégrité des programmes», qui examinait, entre autres, la charge de travail au ministère et l'augmentation du nombre de dossiers. Cela explique une augmentation de quelque 90 millions de dollars.

M. Morris Rosenberg (sous-ministre et sous-procureur général du Canada, ministère de la Justice Canada): Je crois pouvoir élaborer un peu là-dessus. Il y a eu une augmentation importante de la charge de travail au ministère de la Justice depuis quelques années à cause de certains phénomènes sociétaux: l'impact de la charte, par exemple, la judiciarisation des questions politiques et l'augmentation des litiges dans des domaines comme le droit des autochtones, l'immigration et le droit commercial international. Pour toutes ces raisons, il y a eu une importante augmentation de la charge de travail et il y a donc un écart entre les actifs actuels du ministère et les demandes qui augmentent de plus en plus. La plus grande partie de l'augmentation que vous avez remarquée sert à combler l'écart entre les actifs existants et cette nouvelle charge de travail.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup.

Je pense que c'est assez. J'ai attendu trois semaines pour dire cela.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Allez-y, Peter.

[Français]

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Madame la ministre, merci beaucoup pour votre présence et vos mots très gentils.

[Traduction]

Nous sommes très heureux que vous soyez des nôtres. Votre ministère est aux prises avec un grand nombre d'importants dossiers, et par conséquent le comité a lui aussi été très occupé.

• 1615

Je ne suis pas mathématicien. Comme mon collègue l'a dit, je suis avocat. Ce projet de loi sur le système de justice pour les adolescents est plus complexe que de l'arithmétique chinoise. Je constate que votre ministère a lancé une initiative de langage clair et simple, et je pense que cela s'imposerait certainement dans le cas du projet de loi C-3.

Par ailleurs, il existe certains graves problèmes concernant la mise en oeuvre d'une procédure d'enquête préliminaire, une procédure de libération conditionnelle. En ce qui concerne les définitions, des juges qui ont comparu devant le comité dans le cadre de ses délibérations sur ce projet de loi ont indiqué qu'elles sont pratiquement inutilisables. Ils ne comprennent pas certains des renvois. Même les définitions des infractions graves et mineures semblent très ambiguës de l'avis des juristes qui ont examiné le projet de loi.

Ma question concerne certains des amendements. Je trouve que le nombre d'amendements, soit 163, est un nombre choquant d'amendements présentés par le gouvernement concernant son propre projet de loi. L'opposition en proposera aussi plusieurs centaines. Prévoyez-vous qu'on fera un effort concerté pour rationaliser ce projet de loi ou le rendre plus convivial et en faire un outil que les milieux juridiques, l'ensemble des milieux juridiques—et j'inclus ici les organismes de maintien de l'ordre, les autres organismes d'exécution de la loi, et les victimes... Votre ministère fait-il des efforts sincères pour rendre ce projet de loi plus pratique et plus utile?

Mme Anne McLellan: Absolument. Je peux vous affirmer sans aucune hésitation que mon ministère a fait des efforts très sincères pour identifier les aspects complexes et proposer des changements qui permettraient de les expliquer, comme l'ont fait les témoins qui ont comparu devant votre comité. Je sais que les membres du comité ont travaillé très fort sur cet aspect. J'aimerais dire que les amendements que nous apportons se fondent en majeure partie sur les témoignages qui ont été entendus par le comité et sur les discussions que nous avons eues avec les membres du comité. Presque tous ces amendements—pas la totalité, mais presque tous—visent à faire ce que vous proposez, à savoir éclaircir et simplifier.

Nous partageons le même objectif au bout du compte, monsieur MacKay. En raison de votre participation au système de justice de la Nouvelle-Écosse, vous savez tout comme moi à quel point il est important que tous les principaux intervenants du système de justice comprennent les lois qui peuvent s'appliquer à eux, comprennent les processus qui peuvent s'appliquer en vertu de ces lois.

En fait, la structure de base de ce projet de loi sur le système de justice pour les adolescents est assez simple. La superstructure de ce projet de loi est assez simple au niveau des distinctions qui sont faites entre les infractions avec violence et sans violence, les efforts qui sont faits pour éviter à un nombre de plus en plus grand d'adolescents qui commettent des infractions sans violence le recours au système de justice officiel, pour offrir de meilleures ressources à ceux auxquels s'applique le système de justice officiel afin de favoriser leur réadaptation et leur réinsertion dans la collectivité.

La superstructure de ce projet de loi n'est pas si complexe que cela, mais il s'agit d'une loi pénale. Et la Constitution nous confère le pouvoir de nous occuper de questions de droit pénal. Il est donc nécessaire, particulièrement nécessaire à mon avis, d'être aussi clair que possible. Parfois, malheureusement, cela peut nous obliger à dire plus que moins de manière à dissiper toute ambiguïté qui pourrait semer la confusion tant chez l'avocat de la Couronne que chez l'avocat de la défense, et chez les juges même, et à éviter ainsi une augmentation du nombre de causes portées en appel. C'est un aspect auquel nous sommes très sensibles. Nous voulons tâcher d'éviter le plus possible ce genre de situation.

L'autre aspect clé, c'est que, comme pour tout changement important dans le domaine du droit, la sensibilisation du public est très importante. En fait, l'une des choses que nous avons malheureusement constatées, je crois, après 1944—excusez-moi, 1984—c'est l'insuffisance des initiatives concertées et permanentes de sensibilisation et d'information concernant cette loi. De toute évidence, les gens y sont devenus habitués parce qu'elle est en vigueur depuis 15 ans. Mais ce que nous voulons faire... Nous avons entamé ce processus de sensibilisation et de formation à l'intention des principaux intervenants du système de justice. Nous travaillons en collaboration avec la police, avec les procureurs de la Couronne, avec les juges.

Ces initiatives sont essentielles. Lorsqu'on apporte un changement important aujourd'hui, il est absolument capital que l'on prévoie un volet bien développé de sensibilisation du public et des professionnels, et nous en sommes très conscients.

• 1620

Catherine, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Peter MacKay: Je vous remercie, mais, madame la ministre, j'aurais quelques brèves questions à poser. Je sais maintenant pourquoi nous avons des limites de 30 secondes au cours de la période des questions et réponses.

Dans votre exposé, vous avez parlé du registre des armes à feu. Cela a donné certains bons résultats, en particulier en ce qui concerne l'octroi des permis. Il n'en reste pas moins que je m'oppose tout à fait à l'enregistrement des armes à feu. Je me demande si nous avons des chiffres concrets maintenant, parce que dans le budget principal, d'après les chiffres indiqués, nous constatons que le budget a augmenté. Donc, en matière de dépenses, combien coûtera la mise en oeuvre intégrale de cette initiative?

À cette fin, j'aimerais également vous poser une question sur le financement concernant les victimes. Nous savons que des sommes sont prévues ici pour l'établissement d'un centre à l'intention des victimes. Cela marque-t-il le début d'un mouvement vers la création d'un bureau central d'ombudsman à l'intention des victimes? Y aura-t-il des programmes particuliers? Plus précisément, réservera-t-on des fonds pour ce genre de programmes? Je parle de refuges pour femmes battues et de programmes axés particulièrement sur le traitement des contrevenants violents qui maltraitent leur conjointe ou leurs enfants. Votre ministère a-t-il l'intention d'affecter des fonds particulièrement pour aider les victimes et traiter les contrevenants?

Mme Anne McLellan: Permettez-moi de répondre d'abord à cette question, puis je parlerai du registre des armes à feu.

Nous avons pris un engagement envers les provinces et les territoires selon lequel ils sont principalement responsables d'assurer des services directs aux victimes de crimes. Bien qu'il existe une sphère restreinte où en tant que gouvernement fédéral nous pouvons assurer des services directs à ceux qui ne sont pas visés par divers programmes provinciaux, on peut dire que pratiquement tous les services à l'intention des victimes dans notre pays—les services directs—sont assurés par les provinces et les territoires, comme il se doit. Par conséquent, nous n'assurerons pas de services directs.

En fait, nous avons entre autres modifié le traitement de la suramende compensatoire, afin que de volontaire elle devienne obligatoire, et nous en avons augmenté le montant de manière à fournir aux provinces les recettes supplémentaires qui leur permettront d'assurer leur service direct.

Le centre de politique concernant les victimes, pour lequel nous avons reçu de nouveaux fonds dans le budget de l'an 2000, s'occupera de travaux de recherche en collaboration, par exemple, avec des organisations qui travaillent avec les victimes. M. Sullivan, qui est ici aujourd'hui, représente l'une de ces organisations.

Nous avons préparé un plan de travail, que nous sommes en train de réviser, étant donné que nous venons de recevoir des fonds dans le budget 2000. Le rôle du centre des victimes évoluera au fur et à mesure de notre travail avec les groupes qui représentent les victimes, avec les provinces et avec les territoires dans des domaines de recherche d'intérêt commun, dans des domaines de facilitation et des initiatives de ce genre. Mais notre rôle n'est pas d'assurer directement des services aux victimes. Cela relève de la compétence des provinces et des territoires.

En ce qui concerne le programme d'enregistrement des armes à feu, nous avons déterminé que ce programme est plus coûteux que ce que nous avions prévu au départ. Je tiens cependant à répéter ici qu'il y a beaucoup de confusion, même dans le compte rendu du comité, quant aux coûts qui auraient été cités par mon prédécesseur.

Certains ont lancé le chiffre de 85 millions de dollars en indiquant qu'il représentait la totalité des coûts au cours de la période pertinente de cinq ans du programme des armes à feu. Mon prédécesseur n'a jamais cité un pareil chiffre. Il a indiqué que le montant de 85 millions de dollars représenterait les coûts de lancement du nouveau système. Il y a deux ans, je n'aurais pas hésité à vous informer, monsieur MacKay, qu'en fait le coût de lancement était passé de 85 millions de dollars à 120 millions de dollars. Ce lancement a pris fin le 1er décembre 1998, et le système est maintenant entièrement opérationnel.

• 1625

M. Peter MacKay: Pouvez-vous nous indiquer quels sont les chiffres aujourd'hui et quels sont les coûts prévus à l'heure actuelle pour ce qui est de la mise en oeuvre définitive et du fonctionnement?

Mme Anne McLellan: Le total des coûts cumulatifs sur la période de cinq ans de 1995 à 2000, qui est la période quinquennale pertinente dans nous avons discuté mon prédécesseur et moi-même, s'élève à 327 millions de dollars. Les prévisions initiales étaient d'environ 200 millions de dollars pour cette période de cinq ans.

Le président: Merci beaucoup, monsieur MacKay et madame la ministre.

Monsieur Alcock.

M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

J'ai simplement une brève observation. Monsieur MacKay, vous avez fait un commentaire à propos du très grand nombre d'amendements apportés au projet de loi C-3. Je trouve toujours cela un peu étrange. Si le gouvernement fait adopter à toute vitesse son projet de loi sans prêter attention à ce qui se passe en comité, tout le monde émet des réserves à propos de la procédure utilisée. Inversement, lorsque les choses se déroulent comme elles le devraient et que les gens défendent leur point de vue, écoutent et débattent de ce genre de choses, il y aura de nombreux amendements si le comité joue son rôle. Donc, si j'ai quoi que ce soit à dire au sujet du projet de loi, je dirais que les choses se sont déroulées vraiment comme elles le devaient, et au risque qu'on m'accuse de vouloir rentrer dans les bonnes grâces de la ministre, je tiens à la féliciter d'avoir manifesté tant de détermination à y travailler.

Mme Anne McLellan: Vous voudrez bien rayer cela du compte rendu. Je vous remercie.

M. Reg Alcock: Je n'ai quand même pas ce genre de réputation, n'est-ce pas?

Mme Anne McLellan: Non.

Des voix: Oh, oh!

M. Reg Alcock: J'aimerais quand même vous poser une question à propos des crimes cybernétiques. Nous nous intéressons aux répercussions des attaques de Mafiaboy et du virus I Love You—Dieu sait qu'il y en a eu beaucoup—c'est-à-dire des attaques qui visent les grandes portes d'accès. Mais il y a aussi toute la question du commerce électronique. Les Finances sont en train de se pencher sur toute cette question de l'impôt et des taxes pour en déterminer les conséquences. De plus en plus, nous faisons des achats dans d'autres pays, et toutes les protections du consommateur contre la fraude et ce genre de chose... Pouvez-vous nous donner une idée de la situation au niveau du droit et des politiques internationales et des mesures qui seront nécessaires à cet égard?

Mme Anne McLellan: Vous venez de soulever une question très intéressante. Lorsque vous parlez de la croissance du commerce électronique, dont un élément important est l'achat et la vente de biens sur Internet, cela soulève une foule de questions. La protection de la vie privée en est l'une des plus évidentes, et le ministre Manley et moi-même avons tâché de donner suite à certains de ces aspects dans le projet de loi C-6.

Vous soulevez une autre question: les promesses contractuelles habituelles auxquelles on s'attend lorsque l'on achète un bien. Si je remonte à mon cours de droit commercial en deuxième année de droit, cela suppose la notion, entre autres, de qualité marchande. Dans certains cas, il s'agit d'obligations implicites; dans d'autres, elles doivent être exprimées. Mais vous soulevez une question vraiment importante, à savoir comment peut-on assurer le respect de ces obligations lorsque la personne de qui vous achetez le bien sur Internet se trouve aux États-Unis, en Grande-Bretagne ou ailleurs?

Il me semble que si vous faites affaire avec un vendeur de bonne réputation, comme le catalogue Spiegel à Chicago, il affiche ses garanties et ses droits d'exclusion sur le site, et vous pouvez les utiliser; vous pouvez les obliger à les respecter. De toute évidence, il faudra alors décider si l'on veut intenter une poursuite à la cour des petites créances à Chicago, mais vous seriez aux prises avec le même problème si vous achetiez quelque chose par catalogue et que vous le receviez par la poste. Donc, à certains égards, les problèmes sont les mêmes. Tant que sur le site Web vous traitez avec un marchand ou un fournisseur de services de bonne réputation qui affiche ses garanties et ses dénégations de responsabilité sur le site, vous êtes à peu près dans la même situation que si vous achetiez des biens par un moyen plus traditionnel.

Ceux qui magasinent sur le net doivent faire preuve de prudence et s'assurer qu'ils ont affaire à des marchands de bonne réputation.

Rick pourrait vous fournir plus de précisions sur le genre de problèmes qui risquent de surgir au fur et à mesure que le commerce électronique gagne en popularité.

Je tiens à vous prévenir que Reg est un expert.

M. Reg Alcock: Pas du tout.

Mme Anne McLellan: Il ne vit que pour ça.

Des voix: Oh, oh!

• 1630

M. Richard Mosley: Je ne prétends pas être un spécialiste du commerce électronique, et certainement pas du droit en matière de contrat. Je peux vous dire que le droit pénal en général continue de s'appliquer; donc s'il s'agit d'une question de fraude, on peut y donner suite en vertu du Code criminel du Canada ou en vertu de lois comparables en vigueur dans d'autres pays.

Mais le problème, comme la ministre l'a signalé, c'est comment fait-on pour procéder à des fouilles et perquisitions transfrontalières, et comment fait-on pour obtenir des preuves dans l'autre pays pour faciliter les poursuites? C'est un grave problème, surtout dans les cas de télémarketing frauduleux. Le Parlement canadien a pris des mesures pour faciliter les poursuites au Canada dans les cas de télémarketing frauduleux. La Loi sur la concurrence a été modifiée, de même que le Code criminel. Mais il n'en reste pas moins que cet aspect transfrontalier rend les choses très difficiles.

C'est pourquoi nous tâchons de travailler en collaboration avec la communauté internationale à régler ces questions. Comment pouvons-nous retracer les données qui nous permettront de surveiller quelqu'un qui a commis un crime sur Internet? Il s'agit donc de piéger et de retracer ces personnes. Nous travaillons directement avec les États-Unis, étant donné que la majorité du commerce électronique s'effectue bien entendu entre le Canada et les États-Unis pour l'instant.

M. Reg Alcock: J'aimerais terminer par une question. Je comprends les travaux qui s'effectuent à l'échelle internationale pour essayer de cibler les personnes responsables de ces attaques. Vous en avez parlé en réponse à une question précédente. Mais ici, il s'agit de façon plus générale du domaine du droit commercial. Existe-t-il à l'heure actuelle des groupes internationaux qui travaillent là-dessus?

M. Richard Mosley: Bien sûr. Nos travaux ne portent pas uniquement sur les attaques contre les systèmes informatiques, mais aussi sur l'utilisation des systèmes informatiques pour commettre d'autres crimes. Ces travaux sont donc en cours.

Le président: Merci, monsieur Alcock.

Monsieur Cadman.

M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Alliance canadienne): Je vous remercie, monsieur le président.

Madame la ministre, en ce qui concerne le Centre de la politique concernant les victimes, vous indiquez que vous avez prévu 20 millions de dollars sur cinq ans. Pourriez-vous nous dire comment ce montant de 20 millions de dollars sera réparti sur cinq ans?

Mme Anne McLellan: En dollars?

M. Chuck Cadman: De toute évidence pas uniquement en dollars, mais, approximativement, comment ce montant sera-t-il ventilé, et comment prévoit-on se servir de ce montant de 20 millions de dollars.

Mme Anne McLellan: Eh bien, tout d'abord, en ce qui concerne la ventilation du budget prévu pour le centre des victimes, nous attribuerons environ 4 millions de dollars pour chacune des cinq prochaines années au Centre de la politique concernant les victimes.

Quant aux mesures que nous voulons prendre, la première—et j'en ai déjà parlé ici devant le comité—consiste à s'assurer que le gouvernement fédéral tient compte du point de vue des victimes dans le cadre des initiatives que nous prenons, des lois que nous adoptons, non seulement au ministère de la Justice, mais aussi partout au gouvernement. Nous avons donc examiné le projet de loi selon le point de vue des victimes. Est-il sensible aux besoins et préoccupations des victimes? Assure-t-il aux victimes, dans les circonstances appropriées, l'accès au système judiciaire ou l'accès à divers programmes, le cas échéant? C'est un aspect que nous considérons comme très important.

Mais dès le départ, ce que nous voulons, c'est mettre de l'ordre dans nos propres affaires à cet égard. Que ce soit dans mon ministère ou au ministère du Solliciteur général, au ministère de l'Environnement ou au ministère du Développement des ressources humaines, assurons-nous que les changements que nous apportons à la politique législative ou à nos programmes tiennent compte du point de vue des victimes et assurons-nous d'être sensibles aux préoccupations de toutes les parties intéressées possibles.

Bien sûr, nous allons élaborer un programme de recherche en collaboration et en consultation avec un grand nombre de groupes qui représentent les victimes. Le niveau de la recherche que nous faisons ici au Canada—et M. Sullivan sera probablement d'accord avec moi à cet égard—est peut-être un peu à la traîne de la recherche faite dans d'autres pays, et c'est une situation à laquelle nous voulons remédier. Si nous pouvons faire de la recherche, par nous-mêmes ou en collaboration avec les groupes de victimes, avec d'autres personnes sur le terrain qui possèdent le savoir-faire nécessaire, il s'agira d'une initiative très importante. Nous en apprendrons davantage à propos des victimes et de leur rôle dans le système judiciaire, ainsi qu'à propos de leurs besoins et des moyens efficaces de répondre à ces besoins, au fur et à mesure que la recherche évoluera.

• 1635

Je pense qu'il est très important de souligner, dans le monde dans lequel nous vivons, que cet argent ne servira pas à créer une bureaucratie. L'effectif du centre sera très restreint, et nous tenons à utiliser la majorité de ces fonds, sous la forme de subventions et de contributions, pour travailler avec des organisations telles que celle de M. Sullivan et d'autres organisations de première ligne qui travaillent en collaboration avec les victimes et qui pourront faire de la recherche et développer des projets de recherche en collaboration avec nous, peut-être avec les provinces et avec d'autres intéressés.

Donc je tiens à rassurer les gens: seule une infime portion de cet argent servira à financer la soi-disant bureaucratie fédérale. Pratiquement la totalité de ce montant sera versé, sous forme de subventions et de contributions, à ceux qui se trouvent sur les premières lignes.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Cadman.

Madame Carroll, je vous prie.

Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

Je vais moi aussi faire une mise en garde, madame la ministre, car je ne voudrais pas que l'on pense que je fais de la propagande en vous posant une question. La raison pour laquelle je dis cela, c'est que je vais utiliser un article du National Post, qui, comme nous le savons, a un certain parti pris à l'endroit du gouvernement, ce qui risquerait de créer une fausse impression.

On peut lire en manchette du numéro du 8 mai du National Post: «Canada tougher on youth crime than U. S.» (La criminalité chez les jeunes: le Canada est plus sévère que les États-Unis). Dans cet article on mentionne une étude récente qui vient d'établir de façon concluante que notre taux d'incarcération est plusieurs fois supérieur à celui qui existe dans les autres pays d'Europe où la common law est appliquée, et plus particulièrement à celui des États-Unis, ce qui a stupéfait le directeur de la recherche sur les systèmes, au centre national de Pittsburgh. Il n'arrivait tout simplement pas à le croire.

Bien sûr, l'une des réformes dont nous avons beaucoup débattu ici, c'est le recours à des solutions de rechange pour nos jeunes contrevenants non violents, mais l'article vous cite comme suit:

    Je demanderais à ceux qui considèrent [la réforme du système de justice pénale pour les adolescents] de façon relativement simpliste, à savoir qu'elle devrait servir à incarcérer un plus grand nombre d'adolescents plus longtemps, je leur demanderais comment, à leur avis, cela permet de régler le problème, car nous incarcérons beaucoup plus d'adolescents que tout autre pays industrialisé.

Et comme l'a dit ensuite le National Post, personne ne pouvait prouver que vous disiez la vérité, et maintenant nous en avons la preuve et qui plus est, on peut même le lire dans le National Post. J'aimerais donc avoir vos commentaires à ce sujet.

Mme Anne McLellan: Cette recherche est très importante. Nous avions fondé nos évaluations précédentes de la situation et notre position au sujet de l'incarcération de jeunes contrevenants, surtout pour les crimes sans violence, sur des travaux qui, je suppose, étaient plutôt fragmentaires—des travaux faits par divers professeurs de droit, divers criminologues, en utilisant les statistiques qui existaient à l'époque au Canada, aux États-Unis, en Europe et en Australie.

L'étude dont traite cet article est une étude que s'apprête à publier le ministère de la Justice des États-Unis. Je n'en ai pas encore pris connaissance et j'ignore, Catherine, si vous avez eu l'occasion d'en prendre connaissance. Elle doit être rendue publique cette semaine. J'ignore si elle a déjà été rendue publique ou non. Mais d'après ce que je crois comprendre, cette étude présente de façon très exhaustive, peut-être pour la toute première fois, les taux d'incarcération de jeunes contrevenants aux États-Unis. Elle confirme notre première impression, fondée sur la recherche que nous avions faite, selon laquelle notre pays emprisonne des adolescents, surtout pour des crimes sans violence, à un taux tout à fait disproportionné comparativement à pratiquement toutes les autres démocraties occidentales.

C'est pourquoi j'ai posé la question à ceux qui considèrent que si on emprisonne pendant plus longtemps un plus grand nombre d'adolescents, nous aurons une société plus sûre. Je peux vous dire que nous emprisonnons un nombre incroyable d'adolescents, plus élevé qu'aux États-Unis, et nous en détournons de la prison beaucoup moins que ne le font les États-Unis. Cela devrait inciter chacun d'entre nous à réfléchir à ce qui constitue des solutions efficaces à la criminalité chez les jeunes.

Les dispositions du projet de loi C-3 reconnaissent que lorsque l'on a affaire à de jeunes contrevenants non violents, surtout ceux dont c'est une première infraction, le système de justice officiel est sans doute la pire solution pour ces jeunes. C'est pourquoi un aussi grand nombre des dispositions du projet de loi C-3 prévoit des mesures qui évitent pour ces jeunes contrevenants le recours à ce système et privilégient des systèmes communautaires.

• 1640

Bien entendu, le système de justice officiel a un rôle à jouer. Si un adolescent commet un meurtre, un viol ou un vol à main armée, nul ne prétendra que le système de justice pénale officiel n'a pas de rôle à jouer. Mais en ce qui concerne les crimes sans violence commis par des adolescents et la meilleure façon d'y donner suite, je crois que le projet de loi C-3 nous offre une orientation très positive et relativement nouvelle.

Peu importe où vous vous trouvez dans ce pays, toutes les provinces affichent des taux d'incarcération beaucoup trop élevés pour les auteurs d'infractions sans violence.

Le président: Merci beaucoup.

[Français]

Monsieur Bellehumeur.

M. Michel Bellehumeur: Ça me fait rire un peu, madame la ministre, quand vous dites que le projet de loi C-3 va contribuer à déjudiciariser certains jeunes et à mettre moins de monde en prison alors que votre projet de loi va à l'encontre du discours que vous tenez, entre autres pour les jeunes de 14 et 15 ans, et des présomptions que vous faites. Vous me faites signe que non, mais je ne suis pas le seul à le dire. Tous ceux qui appliquent la loi au Québec le disent également.

Mais là n'est pas ma question. Quelle assurance avez-vous que les provinces qui n'appliquaient pas la Loi sur les jeunes contrevenants vont mieux appliquer le projet de loi C-3 et déjudiciariser davantage les jeunes? Lorsqu'on entend des commentaires comme ceux du solliciteur de l'Ontario, qui dit que vous n'allez pas assez loin et que votre projet de loi n'est pas assez dur, quelle garantie avez-vous que ces gens vont changer leurs pratiques? Vous changez la loi pour eux. C'est pour ceux qui n'appliquent pas aujourd'hui la Loi sur les jeunes contrevenants que vous la changez. Quelles sont vos garanties qu'ils vont appliquer le projet de loi C-3?

[Traduction]

Mme Anne McLellan: Non, nous modifions cette loi pour la société canadienne...

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Ce n'est pas vrai.

[Traduction]

Mme Anne McLellan: ...pour nous assurer que notre système de justice pour les adolescents repose sur trois grands principes. Il y a tout d'abord la prévention, puis la prise de mesures offrant des perspectives positives. Comme je l'ai toujours dit, la prise de mesures offrant des perspectives positives ne signifie pas mettre des adolescents en prison. Cela signifie toute une gamme de mesures, en fonction de l'infraction commise par l'adolescent. Ce projet de loi vise clairement...

Vous m'avez demandé comment on saura si les autres provinces appliqueront cette loi. Tout d'abord, cette loi offre des directives beaucoup plus claires par exemple à ceux qui se trouvent en amont du système, c'est-à-dire la police. Cette loi fournit des directives beaucoup plus claires aux juges pour ce qui est de déterminer les mesures prévues par le système qui conviendront le mieux à un adolescent.

Je pense que c'est très important, et qu'on enverra ainsi un message clair. Nous donnons précisément aux policiers, aux procureurs et aux juges plus d'instructions et une plus grande possibilité d'examiner une grande variété d'options lorsqu'il s'agit d'un jeune, en particulier d'un jeune non violent qu'on pourrait fort bien aider davantage—et aider davantage la société—en s'occupant de son cas au sein de la collectivité.

J'ai donc bon espoir que ce projet de loi aura pour résultat un taux d'incarcération moins élevé pour les jeunes qui commettent des infractions sans violence. L'un de nos objectifs est manifestement de nous assurer qu'en tant que société et collectivité, nous envisagerons des mécanismes différents plutôt que de porter simplement des accusations contre un jeune et de le faire passer par le système officiel de justice. Le projet de loi C-3 contribuera grandement à assurer cette orientation.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Grose.

M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je mentionne en passant, madame la ministre, que vous avez mentionné 1944, par inadvertance. J'ai pensé pendant un bref instant que nous allions parler de quelque chose que je connaissais mieux que vous, parce que j'étais là à cette époque et vous ne l'étiez pas.

Des voix: Ah, ah!

M. Ivan Grose: Vous avez mentionné la coopération entre le gouvernement fédéral et les provinces. Je représente malheureusement une circonscription voisine de celle du procureur général de l'Ontario, qui fait tous les jours une déclaration que j'estime ne pas être exacte. Je vérifie donc ou je demande à quelqu'un de vérifier. De fait, si les choses continuent ainsi pendant encore quelques années, je pense que je pourrais passer l'examen du Barreau.

• 1645

Les déclarations qu'il fait constituent invariablement une représentation inexacte de ce que nous faisons, de ce que nos lois disent, et lorsque je le contrains à regarder la vérité en face, il hausse les épaules et dit «C'est de la politique.» Est-ce d'une coopération de cette nature dont vous parlez?

Mme Anne McLellan: Je ne ferai pas de commentaires spécifiques sur mon collègue le procureur général de l'Ontario. M. Flaherty n'hésite pas à me faire part de ses opinions, comme je lui fait part des miennes, et je pense qu'il est juste de dire que nous avons des échanges francs sur une variété de questions.

Pour ce qui est de la notion selon laquelle «C'est de la politique», je pense que lorsqu'il s'agit du système de justice, c'est une question tellement importante pour la stabilité de notre démocratie, c'est tellement important, la façon dont nous nous traitons les uns les autres et la façon dont nous réglons nos rapports les uns avec les autres, qu'on ne devrait pas faire de la politique avec le système de justice.

On ne devrait jamais faire de la politique avec le système de justice pénale, car par définition, il y est question de circonstances difficiles ou quelque chose de mal est arrivé à quelqu'un, quel que soit le crime commis. Les biens de quelqu'un ont été endommagés, ou quelqu'un a été blessé. Un acte que la société estime être une infraction a eu lieu. Il est tout à fait inconvenant de faire de la politique dans des circonstances où la liberté d'une personne accusée peut être en jeu, quand on veut avoir l'assurance que les tribunaux sont indépendants, qu'ils s'estiment libres, non entravés par une ingérence ou des pressions politiques, lorsqu'il s'agit d'évaluer les faits en utilisant les preuves présentées, afin de pouvoir prendre une décision libre et éclairée. Faire de la politique dans ces cas, c'est se comporter d'une manière profondément antidémocratique et cela devrait nous troubler tous énormément, à mon avis.

Je tiens à affirmer sans ambages que je n'insinue aucunement que l'un de mes collègues agit ainsi. Mais puisque vous avez soulevé la question, je tiens à dire au nom du gouvernement du Canada qu'en ce qui me concerne, le système de justice est simplement trop important pour servir d'instrument en vue de faire valoir des intérêts politiques.

Cela dit, j'ajouterai que le système de justice, comme n'importe quoi d'autre, évolue. Il change. Il doit pouvoir répondre à de nouvelles circonstances et à de nouveaux défis, comme le commerce électronique et le crime cybernétique, pour l'amour du ciel. Il n'est donc pas statique. Il ne reste pas inchangé. Mais lorsque nous pensons à y apporter des modifications, étant donné son importance comme l'un des fondements d'une démocratie qui fonctionne, je pense que nous devons essayer de laisser de côté notre rôle de politiciens partisans et de nous informer le plus possible afin de prendre des décisions éclairées qui auront finalement pour résultat ce que nous croyons être un meilleur système de justice compatible avec les valeurs fondamentales des Canadiens.

Les Canadiens respectent la primauté du droit. Ils veulent des juges indépendants. Ils ne veulent pas que leurs juges puissent subir des pressions de la part d'un politicien lorsqu'ils prennent une décision au sujet des droits ou de la liberté de quelqu'un. Ils croient profondément à cela et chacun d'entre nous se doit de lutter tous les jours pour faire en sorte que la justice ne soit pas ternie par la politique et les pressions politiques. Si nous n'y arrivons pas, je pense que nous nous retrouverons dans une situation profondément malsaine.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur MacKay.

M. Peter MacKay: Merci, monsieur le président.

C'était un excellent discours, madame la ministre, et je suis tout à fait d'accord avec vous. Je vais cependant vous demander quelque chose.

Je n'avais pas l'intention d'aborder ce sujet, mais si vous parlez d'instruments politiques ternis, je peux vous dire qu'en ce moment même un membre de votre ministère est en train de témoigner devant un tribunal de ce pays au sujet d'une lettre fallacieuse et diffamatoire qui a été envoyée à un autre pays—et vous savez de quoi je parle. On n'a pas encore désavoué le contenu de cette lettre, bien que votre gouvernement ait présenté des excuses et payé 2 millions de dollars en dommages et intérêts. Combien de temps faudra-t-il encore pour que vous rappeliez les acolytes politiques et les chiens de chasse qui poursuivent cette affaire?

• 1650

C'est ma première question.

Le président: Monsieur MacKay...

M. Peter MacKay: Oui.

Le président: ...avant même de décider d'accepter la question, étant donné que l'affaire est actuellement devant les tribunaux, je pense qu'il serait préférable...

M. Peter MacKay: Je m'attendais à cette réponse, en réalité, monsieur le président. Je tenais cependant à mentionner ce sujet, étant donné ce qui vient d'être dit.

Mme Anne McLellan: Monsieur MacKay, vous posez cette question chaque année.

M. Peter MacKay: Je n'avais pas l'intention de la poser, mais vous m'avez ouvert la porte.

Mme Anne McLellan: Non, mais vous la posez...

M. Peter MacKay: Vous avez ouvert la porte.

Mme Anne McLellan: ...chaque année.

M. Peter MacKay: En effet.

Mme Anne McLellan: Et je vous répondrai la même chose.

M. Peter MacKay: Je m'y attends.

Mme Anne McLellan: La GRC poursuit son enquête sur l'affaire. Il n'est pas de mon ressort, ni de celui du solliciteur général, de mettre fin à cette enquête. Cela serait absolument scandaleux.

M. Peter MacKay: En effet.

Mme Anne McLellan: Ce serait faire justement ce dont nous parlions tout à l'heure. Il s'agirait d'ingérence politique dans une enquête policière.

M. Peter MacKay: Elle a commencé à cause d'une ingérence politique.

Mme Anne McLellan: C'est la GRC qui a commencé cette enquête. Elle poursuit l'enquête. Si la lettre dont vous parlez doit être retirée, ce sera à la demande de la Gendarmerie royale du Canada. Je ne donne pas d'ordre à la GRC.

M. Peter MacKay: Est-ce qu'il y a quelqu'un dans votre ministère qui vérifie les demandes destinées à des gouvernements étrangers pour voir si elles sont libellées comme il se doit, pour voir si les allégations en question sont fondées, afin que vous ne vous retrouviez pas dans la situation embarrassante où l'on intente des poursuites contre vous devant les tribunaux du pays?

Mme Anne McLellan: De fait, je pense vous avoir déjà dit, probablement quand vous et moi étions encore des néophytes dans nos rôles respectifs, la première fois que vous m'avez posé cette question—monsieur Thompson était avec moi à ce moment-là—que nous étions conscients du fait qu'on avait posé des questions importantes au sujet de la teneur de cette lettre et du fait qu'une partie de son libellé avait causé de l'émoi et de la confusion. Je demanderais à M. Rosenberg de vous parler de ce que nous avons fait pour nous assurer... des mesures que nous avons mises en oeuvre après coup.

Nous avons pris cette affaire très au sérieux. Nous voulions nous assurer que ce qui s'est passé en l'occurrence ne se reproduirait plus et nous avons donc pris des mesures au sein du ministère, nous avons institué une nouvelle procédure, afin de nous assurer que cela ne se reproduirait plus.

Voulez-vous dire quelque chose à ce sujet?

M. Morris Rosenberg: Eh bien, je n'ai pas vraiment grand-chose à ajouter.

Mme Anne McLellan: Mais si!

M. Morris Rosenberg: Nous avons un groupe qui examine les questions de cette nature. Il est important de maintenir, comme la ministre l'a dit, l'indépendance entre la GRC et le ministère, et il est important de faire en sorte que ces questions soient examinées afin qu'on respecte les exigences fondamentales, mais lorsque la GRC décide de formuler une demande, de faire une enquête, le ministère de la Justice n'annule pas ses décisions. Par conséquent, nous examinerons ces demandes afin de nous assurer qu'elles respectent les conditions formelles et nous les transmettrons, mais nous ne remettrons pas en question les décisions de la police. Cela serait déplacé.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur DeVillers, si vous voulez bien prendre place, vous avez droit à votre budget.

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): J'ai une question à poser, ou plutôt je veux faire un rappel au Règlement, au sujet de la réunion que nous tiendrons à huis clos pour adopter le rapport concernant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Avons-nous besoin du quorum pour cela et l'avons-nous? Il y a un membre du comité qui attend dans le corridor pour que nous puissions...

Le président: Nous avons besoin du quorum.

M. Paul DeVillers: Et l'avons-nous?

Le président: Nous avons besoin de neuf députés, de sorte que nous ne pouvons pas...

M. Paul DeVillers: Nous ne l'avons pas.

Le président: Nous l'avons présentement, mais les députés font ce qu'ils veulent.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Je n'ai pas d'avis, moi.

M. Paul DeVillers: Roger ne t'a-t-il pas envoyé une copie du rapport?

[Traduction]

Si quelqu'un pouvait donc demander...

Le président: Je veux simplement corriger une impression, Paul. Ce n'est pas à huis clos.

M. Paul DeVillers: Très bien.

Le président: Je vous demanderais de bien vouloir poser maintenant votre question à la ministre.

M. Paul DeVillers: Si quelqu'un pouvait demander à Mme Redman de rester, je poserai ensuite une question à la ministre. Merci.

Comme vous le savez, madame la ministre, un sous-comité de notre comité va entreprendre une étude sur le crime organisé, et j'aimerais vous poser quelques questions qui ont trait au crime organisé. Je veux d'abord parler des coûts liés aux enquêtes et aux poursuites dans ce domaine, étant donné le caractère international de ces affaires et les technologies utilisées, notamment. Pourriez-vous nous donner une idée des intentions du gouvernement ou de votre ministère quant à la possibilité d'augmenter les ressources consacrées à la lutte contre le crime organisé?

• 1655

Deuxièmement, vous parliez des relations fédérales-provinciales et je suis persuadé que le sous-comité examinera cette question, dans le cadre de ses travaux. Pourriez-vous m'expliquer un peu ce qui se fait actuellement dans le domaine des relations fédérales-provinciales en vue de lutter contre le crime organisé?

Mme Anne McLellan: En ce qui concerne les coûts, vous avez absolument raison de dire que lorsque la police commence à enquêter sur une affaire internationale complexe... Tous les cas de crime organisé n'ont pas nécessairement un caractère international, mais je pense que par définition actuellement, presque tous les cas comportent un élément international, qu'il s'agisse de bandes de motards ayant des contacts de l'autre côté de la frontière avec les États-Unis, ou avec des triades, ou d'autres groupes criminalisés. Mais qu'il s'agisse d'affaires interprovinciales ou transnationales, enquêter sur de crimes de cette nature coûte cher. Ces enquêtes sont généralement complexes. Il peut manifestement y avoir beaucoup de violence également, tout dépendant de la nature du crime, et on utilise généralement toutes sortes de dispositifs d'écoute clandestine. Tout cela coûte très cher.

Rick, est-ce dans le cas d'une affaire à Montréal ou à Edmonton, que l'écoute électronique—est-ce possible qu'il s'agissait d'une seule écoute électronique?—la transcription et tout le reste, avait coûté un million de dollars?

M. Richard Mosley: Nous avons calculé qu'une enquête importante avec des ramifications outre-frontières, au sujet d'une seule affaire, pouvait coûter un million de dollars ou plus.

Mme Anne McLellan: Il s'agit seulement de l'enquête. Cela peut inclure ou non tous les aspects de l'enquête policière.

La police a besoin de dispositifs de haute technologie pour enquêter sur ces crimes, de sorte que les coûts de l'infrastructure nécessaire augmentent, et c'est pourquoi mon collègue le solliciteur général a demandé et obtenu de nouvelles ressources pour aider la Gendarmerie royale du Canada en particulier à exercer ses responsabilités en tant que corps policier national, en ce qui concerne la lutte contre le crime organisé.

Il a également reçu des fonds supplémentaires dans le budget de 2000 pour résoudre une foule de questions liées à l'accès légal, ce qui est très important. Il s'agit de l'interception, de la perquisition et de la saisie.

Il y a ensuite les frais d'aide juridique. Pensez à l'affaire des Warriors du Manitoba, qui est actuellement en instance dans cette province.

Rick, aidez-moi à me souvenir; on a estimé à un certain moment que les frais d'aide juridique représenteraient quel pourcentage du budget annuel total?

M. Richard Mosley: Si je me souviens bien, le coût représentait au moins 50 p. 100 du budget annuel de la province pour l'aide juridique. Il s'agissait évidemment d'un procès où il y avait 35 accusés. Un certain nombre d'entre eux ont depuis plaidé coupable, de sorte que le nombre d'accusés dont le procès n'est pas encore terminé a diminué.

Mme Anne McLellan: Mais comme vous pouvez le voir, les coûts sont énormes.

Pensez aussi que certains de ces procès peuvent durer jusqu'à un an, et même, comme vous le savez, car on en parle de temps à autre dans les journaux, il arrive que nous entreprenions nous-mêmes nos propres enquêtes auprès de certains groupes clés.

Lorsqu'on enquête sur des crimes de cette sorte, lorsqu'on intente des poursuites dans le cas de crimes de cette nature, lorsqu'on doit porter un jugement dans des affaires de ce type, il n'est pas inhabituel de faire l'objet de menaces. Il n'est pas inhabituel qu'on menace les membres de votre famille. C'est un autre aspect de la question. Ce n'est pas alors les coûts qui nous préoccupent, mais plutôt la sécurité de ces personnes; il y a évidemment des coûts lorsqu'on doit assurer 24 heures sur 24 la sécurité des procureurs ou des juges, selon le cas.

• 1700

Les enquêtes, les poursuites et l'obtention de condamnations, dans des affaires de crime organisé, coûtent cher. Nous en sommes fort conscients; c'est pourquoi mon collègue le solliciteur général et moi avons demandé des ressources additionnelles afin de pouvoir faire notre part en partenariat avec les provinces et d'autres intervenants.

J'en arrive directement à votre autre question. Nous travaillons très étroitement avec les provinces et les territoires. Nous convenons tous que la seule façon de lutter efficacement contre le crime organisé est d'avoir une grande intégration entre les responsables de l'application de la loi aux paliers fédéral et provincial, de même qu'entre les procureurs de chaque palier.

Permettez-moi de vous donner un bref exemple. La province de l'Alberta a créé sa propre unité de lutte contre le crime organisé. Cette unité compte un certain nombre de représentants des services policiers, y compris la GRC et la police locale. Elle compte également parmi ses membres des procureurs de la province et un représentant de mon service fédéral des poursuites. La seule façon de fonctionner efficacement est d'intégrer nos ressources, tant humaines que financières, et de travailler ensemble.

Le président: Merci beaucoup.

M. Cadman, suivi de Mme Redman. Je rappelle à tous que nous devons aussi examiner le rapport de M. DeVillers.

Monsieur Cadman.

M. Chuck Cadman: J'ai une brève question à poser.

En réponse à ma question précédente, madame la ministre, vous avez tenu à mentionner que vous vous attendiez à ce que la plus grande partie de l'argent soit consacrée à la recherche, et vous avez mentionné les subventions et contributions. Étant donné ce qui s'est passé ces dernières semaines à la Chambre, pouvez-vous nous assurer que vous imposerez des lignes directrices et des critères stricts, que vous allez vérifier le résultat et assurer la bonne gestion des ressources?

Mme Anne McLellan: Je suis désolée, monsieur Cadman; quand je parlais de subventions et contributions, je n'ai peut-être pas choisi l'expression la plus heureuse, mais ce sont les mots qu'on utilise pour les décrire—ce sont les S et C, soit les subventions et contributions.

Mais ce sera certainement le cas; le budget que nous avons pour le centre n'est pas énorme et il y a beaucoup de travail à faire. Par conséquent, nous aurons des lignes directrices et des critères très rigoureux en ce qui concerne notre plan de travail, ce que nous cherchons à faire, les groupes avec qui nous travaillons, nos attentes vis-à-vis de ces groupes, et le travail qu'ils font pour nous.

M. Chuck Cadman: Allez-vous assurer un suivi?

Mme Anne McLellan: Oui, absolument. Il me semble qu'au départ il nous faut des directives et des critères qui sont clairs. Et à la fin du processus, et même pendant, il nous faut un mécanisme permanent pour l'évaluation, mécanisme qui sera transparent. Ceux qui font le travail et qui reçoivent des deniers publics pour le faire, doivent être conscients de nos attentes en matière d'évaluation. Ils doivent savoir quand nous allons demander ces évaluations et ils doivent être conscients des conséquences qui en découleront.

Des directives et des critères clairs au départ, ainsi qu'un processus rigoureux d'évaluation à la fin et pendant, sont absolument essentiels puisque nous ne disposons que de 4 millions de dollars par année pour le centre d'aide aux victimes, ce qui ne représente pas un montant énorme pour accomplir le travail qu'il nous faut faire et que vous aimeriez voir accompli. Nous ne pouvons pas nous permettre de le gaspiller.

Le président: Merci.

Madame Redman.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'ai une autre question au sujet du projet de loi C-3, et elle fait écho à ce qu'a dit Aileen Carroll. Étant donné le taux d'incarcération des jeunes et le fait que nous nous proposons de renouveler l'initiative de justice pour les jeunes, l'intention serait d'avoir une approche multidisciplinaire et collaborative pour examiner la criminalité juvénile. J'aimerais savoir comment nous allons atteindre les personnes qui font partie de groupes qui n'ont jamais oeuvré dans ce domaine.

Mme Anne McLellan: Lorsqu'on parle de lois destinées aux jeunes, il est très important de comprendre, d'abord et avant tout, que l'objectif doit être la prévention. Pour créer une société sûre et sécuritaire, il nous faut prévenir les actes criminels, plutôt que de réagir à la création d'une autre victime, suite à une blessure ou à l'endommagement ou la destruction de ses biens.

Si vous adoptez la prévention, une approche proactive, il faut tout d'abord identifier les causes fondamentales du crime. Pour ce faire, il va falloir travailler avec toutes sortes d'agences et de personnes qui n'ont pas toujours été aussi directement impliquées dans le système judiciaire qu'on ne l'aurait souhaité.

• 1705

Par exemple, examinons les causes fondamentales de la criminalité: la pauvreté, une famille où il existe de la toxicomanie, les stupéfiants et l'alcool, la violence conjugale, la mauvaise santé, le syndrome d'alcoolisme foetal. Notre collègue Paul Szabo fait un travail excellent dans le domaine du syndrome d'alcoolisme foetal, de concert avec plusieurs autres personnes. Le Manitoba, la Saskatchewan et l'Alberta ont créé un réseau pour mettre en commun leurs ressources afin de faire face au défi que représente le syndrome d'alcoolisme foetal, et pour en assurer la prévention.

Qu'est-ce que cela signifie pour ce qui est de la participation? Si nous prenons le côté prévention, qui sera invité à participer? Nous aurons des médecins. Nous aurons des spécialistes en médecine prénatale. Nous aurons les intervenants qui travaillent auprès des adolescentes enceintes, les écoles que fréquentent ces jeunes femmes, les collectivités, les représentants religieux. Nous allons faire appel à toute une variété de personnes qui, jusqu'à présent, n'ont eu qu'un lien indirect avec le système de justice.

Une partie de notre programme de prévention de la criminalité nous amène à travailler avec ces personnes au niveau de la communauté locale. Les communautés locales identifient leurs besoins en matière de prévention. Nous allons faire appel à plusieurs personnes pour la première fois, je crois, afin de créer ce réseau de dépistage précoce et de soutien aux familles et aux jeunes dans ces familles afin de réduire l'incidence de l'implication des jeunes dans le système de justice, et ce, peu importe la nature de leur participation. Selon moi, il s'agit de la chose la plus intéressante que nous faisons en tant que société.

Le gouvernement fédéral a un rôle à jouer, et les provinces participent avec enthousiasme à la prévention du crime, mais ce qui est encore plus important, c'est que les communautés locales où nous vivons avec nos familles acceptent leurs responsabilités comme collectivités pour prévenir les actes criminels. La meilleure façon de prévenir le crime est d'avoir, d'abord et avant tout, des familles saines et des enfants sains, bien équilibrés, grandissant au sein de ces familles.

Le président: Nous vous remercions, madame la ministre. Je crois que nous avons dépassé le temps prévu, mais je suis convaincu que si vous acceptiez de revenir, nous avons un député qui se ferait un plaisir de vous inviter.

Mme Anne McLellan: Merci. Je vous en prie.

Le président: Nous allons maintenant aborder un autre point à l'ordre du jour. Je vais demander aux membres du comité de rester, et j'aimerais aussi apporter une rectification au dossier. Je demanderais à ceux qui se sentent visés de bien vouloir poursuivre vos conversations à l'extérieur de la salle.

[Note de la rédaction—La séance se poursuit à huis clos]