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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 13 avril 2000

• 1001

[Traduction]

Le président (Andy Scott (Fredericton, Lib.)): La séance est ouverte.

Il s'agit d'une séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous examinons le projet de loi C-3, Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents, et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence. Nous avions prévu le début de l'examen article par article, en accueillant les représentants très intéressants du ministère de la Justice, qui nous ont été très utiles.

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Ils n'ont encore rien dit qui me déplaisait.

Le président: Exactement. Jusqu'ici, rien de ce qu'ils ont dit n'a été contesté.

Je donne la parole à M. Bellehumeur.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Merci beaucoup, monsieur le président. Je ne me cache pas. Je prends seulement mon nom.

Avant de commencer, monsieur le président, je voudrais à mon tour remercier les gens du ministère, qui sont très assidus. Ils sont ponctuels, contrairement à plusieurs membres de ce comité. On aurait dû commencer il y a exactement 35 minutes. J'ai perdu 35 minutes que j'aurais pu employer pour tenter de convaincre le gouvernement qu'il fait fausse route. Je vais essayer de me reprendre et d'être encore plus convaincant. Je ne peux pas parler plus vite, parce que les interprètes vont moins m'aimer.

Plus sérieusement, je vois qu'il y a un nouveau collègue libéral qui vient de se joindre à nous et qui, malheureusement, a manqué les six ou sept heures d'explications que j'ai données avant aujourd'hui. Je ne vous ferai pas le coup de recommencer, monsieur le président. Je l'invite cependant à relire l'approche que j'ai tenté de présenter à ceux et celles qui s'intéressent à la cause des jeunes contrevenants. J'ai parlé surtout de l'approche défendue au Québec.

Pour ceux qui nous écoutent aujourd'hui et pour ceux qui se joignent à nous, qui n'étaient pas là hier et avant-hier, la motion sur laquelle porte le débat de ce matin et dont je vais parler se lit comme suit:

    Que l'examen article par article du projet de loi C-3, intitulé Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents, et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence, soit reporté au 2 mai 2000 à 9 h 30.

Pourquoi, monsieur le président, ai-je déposé une telle motion? Parce que, de toute évidence, il y a des gens au ministère de la Justice, plus précisément la ministre elle-même, qui n'ont pas compris l'approche québécoise. La ministre n'a pas compris ce qui se fait au Québec relativement à l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants. Le projet de loi C-3 qui est à l'étude est dangereux dans sa forme actuelle.

Il est faux de dire, monsieur le président, qu'avec une telle loi, on va continuer, au Québec, d'appliquer l'approche que nous défendons depuis les 10, 20 ou 30 dernières années. Il est faux de dire qu'on pourra continuer de faire comme si rien ne s'était passé. Si c'est le cas, retirez immédiatement le projet de loi. Il ne sert à rien et cela va coûter excessivement cher aux tribunaux, aux procureurs de la Couronne, aux avocats et à la société en général de l'étudier et de tenter de l'appliquer. S'il est vrai qu'on va continuer à faire ce qu'on veut, retirez ce projet de loi. Mais on sait que ce n'est pas vrai.

On sait que ce sont des entourloupettes de politiciens, et je pense qu'il est de mon devoir de tenter de réveiller les députés du gouvernement avant qu'il ne soit trop tard. Avant de commencer, je disais que j'étais un peu encouragé parce qu'il y avait des gens qui m'écoutaient et qui me posaient des questions, monsieur le président. Une des questions qu'on m'a posées hier touchait la Coalition pour la justice des mineurs du Québec. De qui s'agit-il, exactement? Les gens ne savent pas de qui il s'agit exactement.

• 1005

Malheureusement, je n'ai pas une liste à jour. Cependant, j'aurais eu le temps de l'obtenir ce matin puisqu'on a commencé avec 35 minutes de retard. La liste que j'ai des membres de la coalition date du 1er novembre 1999.

Cela me déconcentre beaucoup quand les gens parlent. Je sais qu'ils peuvent parler, mais demandez-leur de parler un peu moins fort, sinon ils vont enterrer mes propos.

[Traduction]

Le président: Je demanderais aux députés de s'efforcer d'avoir des entretiens... Je sais ce qui se passe: tous les députés du gouvernement sont engagés dans une discussion éclairée sur ce projet de loi. Essayez de garder vos discussions un peu plus discrètes, afin que M. Bellehumeur...

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Merci beaucoup de votre compréhension, monsieur le président. Je suis persuadé qu'ils vous dérangeaient aussi.

Je disais donc qu'on m'a demandé qui étaient les membres de la coalition. Tu parles de la Coalition pour la justice des mineurs du Québec depuis six ou sept heures, Michel, mais tu n'as jamais nommé ses membres, me disait-on. Comme je me dois d'éclairer le plus possible ce comité et tous ceux qui nous écoutent, je vais vous donner la liste que j'ai. Elle n'est pas récente; elle date du 1er novembre 1999. Je sais fort bien qu'il y a cinq ou six autres groupes qui se sont joints à cette coalition, mais je n'en ai pas les noms. Alors, pour ne pas me tromper, je vais vous citer ceux que j'ai présentement.

Dans la coalition, on retrouve: la Commission des services juridiques du Québec; le Conseil permanent de la jeunesse du Québec; la Centrale de l'enseignement du Québec (CEQ); l'École de criminologie de l'Université de Montréal et plus précisément un professeur émérite de cette faculté, M. Jean Trépanier; le Centre communautaire juridique de Montréal; la Fondation québécoise pour les jeunes contrevenants; l'Institut Philippe-Pinel de Montréal, que tout le monde connaît; l'Association des chefs de police et de pompiers du Québec; la Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux, qui regroupe des régies régionales de la santé et couvre tout le territoire québécois.

Ils ont fonctionné par résolution parce que je sais que chez nous, la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Lanaudière s'est penchée sur la question et a adopté une résolution que j'ai reçue à titre de député de la circonscription de Berthier—Montcalm et de la région de Lanaudière. Je sais que toutes les régies régionales de la santé et des services sociaux du Québec ont eu la même approche. Elles ont étudié la question avant de passer une telle résolution. Donc, lorsqu'on dit que la Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux fait partie de la coalition, cela regroupe beaucoup de monde.

On a également l'Association des centres jeunesse du Québec. On a la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec. On a le Bureau des substituts du procureur général. On a le ministère de la Justice du Québec. Est-ce que je dois le mentionner? Je pense que tout le monde le sait. On a l'Association des CLSC et des CHSLD du Québec. On a l'École de psycho-éducation de l'Université de Montréal et, encore une fois, un professeur émérite que tout le monde du milieu connaît, M. Marc LeBlanc.

On a le Regroupement des organismes de justice alternative du Québec. On a la Ligue pour le bien-être de l'enfance du Canada et l'Association canadienne de justice pénale, qui a un pied-à-terre au Québec. C'est une association canadienne, mais elle fait partie de cette coalition qui dit au gouvernement de ne pas toucher la Loi sur les jeunes contrevenants. On a l'Association des avocats de la défense du Québec et la Société de criminologie du Québec.

Monsieur le président, ça commence à faire du monde. Si on ajoute cinq ou six organismes à cette liste-là, on se rend compte que la coalition regroupe à peu près tout ce qui bouge dans le domaine de l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants sur le territoire québécois.

• 1010

C'est pour cela, monsieur le président, que je veux avoir plus de temps. C'est pour permettre aux députés d'en face et aux députés de l'opposition de communiquer avec l'un ou l'autre de ces organismes et de connaître les raisons pour lesquelles ils disent non au nouveau projet de loi C-3 et pourquoi ils tiennent tant à maintenir la Loi sur les jeunes contrevenants en vigueur.

Il faut qu'il y ait un minimum de travail qui soit fait de la part du gouvernement d'en face et surtout de la part des députés qui vont voter sur chacun des articles du projet de loi C-3 un jour ou l'autre. Le plus tard sera le mieux, selon moi, sinon jamais.

Il semble que j'aie piqué un député lorsque j'ai dit qu'on voulait américaniser la loi, qu'on voulait faire en sorte que la Loi sur les jeunes contrevenants satisfasse le plus possible les partisans de la droite et que c'était en réponse aux pressions exercées par la droite canadienne que la ministre avait fait ce projet de loi. Une fois de plus, je pense que le député qui m'a posé cette question va en apprendre encore en m'écoutant aujourd'hui. Cette fois-ci, monsieur le président, ce n'est pas moi qui vais discourir sur le sujet. Je vais plutôt vous lire des passages d'un éditorial de La Presse. Je pense que personne autour de cette table ne dira que La Presse est le journal des méchants séparatistes, n'est-ce pas? Voici ce que l'on dit dans La Presse de Montréal du samedi 15 mai 1999, monsieur le président; l'article est signé de la plume d'Yves Boisvert. On y dit:

    La lutte contre le crime est un sujet populaire un peu partout. Mais il faut débarquer à Calgary en pleine campagne électorale pour voir à quel point ce sujet d'intérêt atteint dans l'Ouest canadien le statut de quasi-obsession.

    Dans chaque discours, les candidats réformistes, Preston Manning en tête, martèlent tous le message selon lequel les tribunaux sont trop cléments pour les criminels, que les Canadiens ne sont pas en sécurité nulle part, qu'il faut rétablir la peine de mort, encadrer la Cour suprême, responsabiliser les jeunes délinquants, etc.

Le plus important passage concerne la ministre. C'est celui qui suit:

    La ministre de la Justice (et rarissime députée libérale albertaine) Anne McLellan, dans sa réforme de la Loi sur les jeunes contrevenants, puise son inspiration directement dans ce puits profond.

Ce n'est pas moi qui l'ai dit, monsieur le président. Je cite un éditorial de La Presse du mois de mai 1999. Il continue en disant:

    Au Québec, ce projet de loi a été analysé surtout—est-on surpris?—sous l'angle des relations fédérales-provinciales. Est-ce oui ou non un exemple de fédéralisme souple? Le Québec pourra-t-il préserver une sorte de «modèle», d'approche apparemment différente de celle du reste du pays?

En bon fédéraliste qu'il est, il se demande au tout début comment il pourrait discréditer les souverainistes en disant qu'il ne s'agit que d'une chicane fédérale-provinciale. C'est son droit de s'interroger sur cette question, de prendre le dossier des jeunes contrevenants sous cet angle, comme le font probablement certains libéraux d'en face.

Mais si ma motion est adoptée, monsieur le président, j'espère qu'ils feront une étude de toute la question durant les deux semaines du congé pascal. M. Boisvert a étudié la question. Il a consulté et il en arrive à la conclusion que ce n'est pas évident que c'est sous cet angle qu'il faut traiter le dossier des jeunes contrevenants. C'est plus sérieux que cela, monsieur le président. Je poursuis:

    «Dans le cas d'affaires scabreuses, cela va placer l'avocat de la Couronne sous une grande pression de l'opinion publique;

Il a commencé à analyser le projet de loi C-3. Il a commencé à voir en quoi consiste l'approche fédérale dans ce projet de loi. Il dit que cela va mettre, dans certains cas, la Couronne sous une grande pression de l'opinion publique.

• 1015

    il est sain que l'opinion publique manifeste son dégoût devant des crimes graves, mais il est important aussi que les décisions concernant le système de justice pénal soient prises à tête reposée», opine le professeur Jean Trépanier, avocat et criminologue à l'Université de Montréal.

Quand je vous dis que c'est un homme d'une grande notoriété, c'est vrai. Même un journaliste de La Presse cite M. Jean Trépanier. Il continue en disant quelque chose de très important:

    Quoi qu'il en soit de cet inconfort, les crimes «violents» ne représentent que 18 p. 100 des infractions donnant lieu à des accusations contre des mineurs au Canada. De ce nombre, la plupart sont des voies de fait «simples», c'est-à-dire ne causant pas de lésions corporelles.

    C'est donc dire que la «souplesse» vise essentiellement les crimes exceptionnels. Pour l'essentiel de l'activité judiciaire, les affaires «ordinaires», la loi s'appliquera de façon à peu près uniforme au Canada.

Je pense qu'il a compris quel était l'objectif du fédéral. Il continue un peu plus loin son étude de la question. Il dit:

    En gros, le projet de loi veut permettre de punir plus sévèrement les crimes violents et en même temps sortir du système les jeunes délinquants non violents.

    Le marketing politique se fait évidemment sur la première partie: les meurtres, les crimes punissables chez les adultes de l'emprisonnement à vie, les crimes violents moins graves mais commis par des récidivistes—version pour jeunes du «three strikes, you're out» américain. Ces crimes, commis par des jeunes de 14 à 17 ans, donneront lieu à des peines d'adultes à moins d'avis contraire.

    Voilà pour la sécurité. Autre problème: les autres provinces ont un taux de mise sous garde de délinquants de deux à cinq fois plus élevé que le Québec. La ministre met l'accent sur la «déjudiciarisation» des crimes mineurs et introduit un concept nouveau chez les jeunes, la libération conditionnelle, après les deux tiers de la peine, histoire de libérer quelques lits.

On pourrait dire qu'il a finalement trouvé un point positif. Mais une fois qu'on étudie la question—comme je souhaite que les députés d'en face le fassent—et lorsqu'on regarde cet aspect qui peut paraître positif à première vue, lorsqu'on le scrute, lorsqu'on l'envisage à la lumière de l'option défendue par le Québec depuis des années, on se rend compte que ce n'est pas positif. Il le dit. Il poursuit en disant:

    Or, les peines, déjà courtes, doivent une avoir certaine durée pour que l'on puisse «travailler» un peu avec le jeune, nous dit-on. Ce type de libération vient mêler les cartes.

On ne fait pas une mesure législative juste pour libérer des lits, juste pour dire qu'on a suivi l'approche québécoise. Il y aura moins de jeunes qui seront incarcérés. Ils sortiront plus vite. Ce n'est pas ce qu'on dit au Québec. Au Québec, on dit qu'il faut avoir un certain temps pour travailler avec le jeune pour tenter de le réintégrer dans la société et de le réadapter.

Est-ce que le projet de loi va nous permettre de faire cela? Non. Le jeune va connaître la loi. Les avocats vont la connaître après en en avoir fait une étude approfondie et ils vont faire en sorte que le jeune sache qu'il peut partir plus tôt. Est-ce qu'il sera intéressé à ce qu'on investisse dans sa personne s'il sait qu'il partira rapidement? C'est faire fausse route que d'adopter une telle approche.

Un éditorialiste de La Presse l'a constaté après avoir consulté et après avoir étudié la question. J'invite les députés libéraux, avant de passer au vote sur chacun des articles, à faire ces lectures et à consulter les mêmes personnes que M. Boisvert a consultées pour écrire son article.

Il termine en disant:

    Chez les jeunes comme chez les adultes, le taux de criminalité est stable ou en baisse au Canada dans à peu près toutes les catégories, depuis le début des années quatre-vingt-dix (au fait, il est nettement plus faible chez les jeunes Québécois que la moyenne canadienne).

• 1020

Est-ce surprenant? Je vous dis que non. Ce n'est pas surprenant qu'au Québec le taux de criminalité soit plus bas, non pas parce qu'on est plus fins ou plus intelligents que les autres, mais parce qu'on applique une loi. Malheureusement, il s'agit d'une loi que nous n'avons même pas adoptée nous-mêmes comme peuple souverain. C'est le fédéral qui l'a adoptée, mais bons joueurs que nous sommes, puisque nous sommes dans le système, nous appliquons une loi qui n'a pas été adoptée uniquement par des Québécois et des Québécoises. On l'applique chez nous et on l'applique correctement, avec les programmes existants.

Comme résultat, on se rend compte, après plusieurs années et après plusieurs études, que cela porte certains fruits. On se rend compte, statistiques à l'appui—bien souvent même, ce sont des statistiques de Statistique Canada—, que le taux de criminalité chez les jeunes est plus bas au Québec qu'ailleurs, monsieur le président. Ces statistiques doivent être valables, monsieur le président. Quand ça vient d'ailleurs que du Québec, c'est toujours préférable pour les fédéralistes d'en face.

Il termine en disant:

    Bien sûr, ça joue du couteau dans certaines cours d'école. Du fusil, même. Littleton, ça fait peur.

    Mais s'il y a une chose que l'expérience québécoise paraît révéler—on n'est pas dans une science exacte—c'est que de miser sur la rééducation peut être payant.

    Ça ne fait pas gagner grand vote du côté de Red Deer, par contre.

Le titre de cet éditorial d'Yves Boisvert, du mois de mai 1999, est «L'albertisation du droit criminel». Ça veut tout dire.

Ceux qui disent que le fait que la ministre est de cette province de l'Ouest canadien n'a aucune influence et qu'il est faux de prétendre qu'elle veut faire plaisir à son électorat ont tort. Soit dit en passant, de mémoire, je pense qu'elle n'a pas obtenu une grande majorité de votes en 1997, soit moins de 500, je pense. Il est évident qu'elle fait tout pour récupérer quelques votes, même au risque de détruire un système qui fonctionne bien au Québec et ça, c'est inacceptable. Tant et aussi longtemps que j'aurai un peu de voix et d'énergie, je vais m'opposer à ce qu'on passe à l'étude article par article de ce projet de loi.

Il faut que les gens d'en face étudient la question avant d'adopter ce projet de loi qui est d'une très grande importance pour l'avenir des jeunes et la sécurité même de la société canadienne et québécoise.

Si j'ai déposé cette motion, c'est pour que les gens d'en face étudient toute cette question. Certes, je l'ai déjà dit à quelques reprises, mais je l'ai fait dans un but bien précis, celui de permettre aux députés d'en face d'aller voir leur assemblée législative provinciale et de permettre à la ministre de la Justice de poser deux grandes questions à ses vis-à-vis provinciaux. Le juge Michel Jasmin, juge en chef adjoint du Tribunal de la jeunesse du Québec, nous l'a mentionné le 22 février dernier, lorsqu'il est venu témoigner. Il a posé deux questions extrêmement importantes et je vais les répéter pour M. Valeri qui n'était pas là lorsque j'ai commencé. Il nous a dit:

    Vous ne vous attaquez pas au vrai problème à ce moment-là. Si j'étais législateur fédéral, je suspendrais mon projet de loi pour l'instant et je demanderais aux provinces comment elles appliquent la loi actuelle et quelles politiques jeunesse elles ont chez elles.

Ce sont les questions qu'on doit se poser, monsieur le président, avant même de toucher à la Loi sur les jeunes contrevenants.

Je vois et j'entends, monsieur le président. J'entends surtout, et je vous l'ai dit. Depuis que j'ai commencé à débattre de ma motion, il me semble que j'ai un sixième sens. Je suis persuadé que les députés d'en face, les députés libéraux, mais pas vous, monsieur le président, disent qu'ils ont étudié la question. Ils disent que depuis 1994, il y a eu un comité législatif qui a étudié toute la question de l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants.

• 1025

Oui, c'est vrai qu'on a étudié la question. Il ne faut cependant pas oublier—les libéraux surtout ne doivent pas l'oublier—que les conclusions de cette étude étaient rédigées avant même que l'étude ne commence. Comment avaient-elles été rédigées, monsieur le président? Elles avaient été rédigées dans le Livre rouge avec lequel les libéraux ont fait leur campagne électorale en 1997, le Livre rouge dont la ministre de la Justice s'est inspirée lors de sa campagne électorale dans l'Ouest canadien et qui disait qu'il y a avait un fléau, un problème extrêmement grave au niveau de la criminalité chez les jeunes et qu'il fallait revoir la Loi sur les jeunes contrevenants et y apporter des changements parce que ça ne fonctionnait pas.

En partant de conclusions rédigées à l'avance, quelle étude sérieuse a-t-on faite? On était présents lors de ces rencontres. On a fait entendre certains Québécois, mais on n'est jamais allés sur place pour voir ce qui se passait réellement. Le système, au niveau de l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants, est complexe lorsqu'on l'examine dans son ensemble.

Lorsqu'on se présente sur les lieux et qu'on voit comment on applique la Loi sur les jeunes contrevenants, comment chaque individu intervient dans le dossier d'un jeune aux prises avec des difficultés criminelles après avoir commis une infraction, on se rend compte que chacun de ces intervenants a un mandat très spécifique et que chacun travaille sur le dossier dans un seul et unique but, monsieur le président. Quel est ce but, monsieur le président? Répondre aux besoins de l'enfant.

Que ce soit le policier au moment où il arrête le jeune ou durant son enquête, que ce soient les intervenants sociaux, que ce soit l'avocat de la défense, que ce soit le procureur de la poursuite, que ce soient le juge ou les intervenants après le jugement, le seul et unique objectif qu'ils ont en tête est de répondre aux besoins de l'enfant, de personnaliser leur intervention en fonction des besoins de l'enfant qui est devant eux.

Une fois que son cas est présenté devant juge, ils connaissent à peu près tout de l'enfant. Il y a un rapport prédécisionnel, un rapport psychologique, si besoin est, et divers rapports préparés par les intervenants sociaux qui ont travaillé avec le jeune au cours de cette période.

Ils connaissent à peu près tout et ils s'adaptent aux besoins personnels et individuels du jeune afin que sa peine soit adéquate et qu'il ait des choses à faire et des spécialistes à rencontrer. Le seul et unique but est de répondre aux besoins de l'enfant afin qu'il réintègre la société le plus rapidement possible, qu'il devienne un citoyen anonyme, qu'il soit productif et ne vive pas au crochet de la société et, surtout, qu'il ne récidive pas. On veut éviter qu'il récidive et qu'il suive de nouveau la voie qu'on lui dit de ne pas suivre, parce que ce n'est pas la bonne. Le crime ne paie pas. Il faut le lui démontrer, lui en faire la preuve rapidement. Et ça, au Québec, on l'a compris.

On aurait aimé, lors de cette étude, que les députés se présentent au Québec, qu'ils voient ce qui s'y passe, et pas nécessairement à titre de membres du comité. Rien n'empêche les députés d'en face de prendre rendez-vous eux-mêmes avec certains intervenants au Québec. Il y a sûrement des députés qui ont des affinités quelconques avec une personne ou un groupe en particulier de la liste que j'ai lue. S'il y a des gens qui sont plus proches du monde du travail ou des syndicats, il y a des syndicats dans cette liste. D'autres sont peut-être plus proches de la Commission des services juridiques. D'autres sont peut-être plus proches des psychologues ou de gens oeuvrant dans un domaine très spécialisé. On a des gens de la coalition qui pourraient répondre à vos questions et qui pourraient vous amener visiter certains endroits.

• 1030

Je sais que deux semaines ne suffiront pas pour faire tout cela, mais j'ose espérer que ma motion va permettre aux députés de prendre le temps de communiquer avec l'une ou l'autre de ces organisations ou avec l'une ou l'autres des personnes que j'ai nommées plus tôt et qui sont des spécialistes dans leur domaine et qui ont une grande crédibilité dans le domaine des jeunes contrevenants. Leur crédibilité est reconnue non seulement au Québec, mais aussi au Canada anglais et plus loin encore, monsieur le président. La crédibilité du juge Jasmin et sa connaissance de l'approche à prendre avec les jeunes sont connues, peut-être pas internationalement, mais tout au moins des Américains. Plusieurs juges américains le consultent et l'appellent pour voir comment il fonctionne dans le but de tenter d'améliorer le système américain. Même en Europe, comme je le disais hier, on l'a consulté. Certains juges des pays asiatiques sont venus le visiter, m'a-t-il dit, pour voir quelle est l'approche québécoise et comment cela fonctionne, mais très peu—ou même pas du tout—de représentants du Canada anglais sont venus le voir. C'est décevant. C'est décevant de voir qu'ils ne tentent même pas de comprendre la spécificité du Québec dans son application de la Loi sur les jeunes contrevenants. Je trouve cela déplorable. S'il y a du positif, pourquoi ne pas le prendre? Est-ce parce que cela vient du Québec, monsieur le président? Si telle est la réponse, c'est triste. J'ose espérer que non, monsieur le président.

Toujours est-il que le comité a étudié cette question sachant déjà quelles étaient les conclusions de cette étude. Les dés étaient pipés. Le rapport avait été rédigé avant que l'on commence. Donc, il n'est pas surprenant, monsieur le président, que la ministre accouche du projet de loi C-3 et il n'est pas surprenant qu'elle accouche d'un projet de loi aussi complexe. Lorsqu'on ne comprend pas le problème, on ne sait pas comment le mettre sur papier. Voilà le résultat. Le projet de loi C-3 que nous avons devant nous est le résultat d'une étude incomplète, biaisée, rédigée à l'avance, avant même qu'on fasse l'étude, ayant pour seul et unique objectif de gagner des votes dans l'Ouest canadien. J'ose espérer que les députés d'en face vont prendre le temps de lire durant les deux prochaines semaines pour arriver à la même conclusion que moi et j'ose espérer qu'ils ne voteront jamais sur chacun des articles de ce projet de loi.

Au Québec, on est peut-être partis avant les autres. On n'a pas été l'une des provinces les plus actives en 1908, comme je l'ai dit hier—c'est surtout l'Ontario qui l'était—, mais lorsqu'on a été convaincus de l'approche ou convaincus qu'il fallait investir dans les jeunes contrevenants, on a pris les bouchées doubles, triples et on a investi davantage, année après année, ministère après ministère. On a investi dans le jeune. On a travaillé avec le jeune tout en ayant en tête l'objectif précis de répondre aux besoins du jeune. Je ne parlerai jamais assez des besoins. Ce n'est pas seulement un mot qu'on trouve dans le dictionnaire. La signification de ce mot en fait un des piliers de la réussite de l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants au Québec.

On trouve dans la déclaration de principes de la Loi sur les jeunes contrevenants des éléments extrêmement importants. La Cour suprême du Canada a réussi après plusieurs jugements, après une dizaine d'années, à donner une très bonne orientation a la loi. C'est dans certains paragraphes, dont celui de l'article 3, que la déclaration de principes prend son importance. Il ne s'agit pas d'un préambule lugubre, comme celui du projet de loi C-3. C'est un article de loi ayant force de loi, qui ne sert pas seulement à interpréter la loi.

On a voulu se donner bonne conscience dans le projet de loi C-3. On a mis un beau préambule. Tout le monde sait, dans le domaine juridique, qu'un préambule ne vaut pas cher. Ça vaut à peu près le papier sur lequel c'est écrit et les juges ne vont pas interpréter un préambule. Ils vont interpréter la loi qui commence à l'article 1 et qui finit au dernier article sur l'entrée en vigueur. Tout le monde le sait, mais politiquement, la ministre a la réponse facile: c'est dans le préambule. On ne parlait même pas des besoins. On va maintenant en parler un peu, comme du reste, dans le préambule.

• 1035

Pour endormir le monde, comme une charmeuse de serpents, elle va nous proposer de mettre en premier lieu le troisième paragraphe de son préambule. Aïe! cela change toute la loi! Allons-nous nous en contenter au Québec? La réponse est non. Non, vous n'avez rien compris et nous allons tenter de vous faire comprendre. Nous allons tenter de vous faire comprendre que vous faites fausse route.

Il faut que vous, les gens d'en face, lisiez l'article 3 de la déclaration de principes de la Loi sur les jeunes contrevenants. Il faut que vous compreniez le sens de cette déclaration de principes. Il faut que vous tentiez de voir si, dans le projet de loi C-3, on retrouve intégralement les principes contenus dans cette déclaration. Il faut voir ensuite si toutes les règles d'application sont en accord avec cette approche, suivent les principes qu'on veut se donner.

Il a fallu du temps pour rédiger la Loi sur les jeunes contrevenants. Il a fallu une série d'études très complexes et le rapport MacLeod, en 1965. Plusieurs ministres de la Justice et deux gouvernements se sont penchés sur ce dossier. Beaucoup de consultations ont été faites entre 1965 et l'entrée en vigueur de cette loi, le 2 avril 1984. De plus, bien qu'elle ait été déposée trois ans auparavant, on en a rediscuté entre parlementaires. Elle a été adoptée en 1982, mais elle a été mise en vigueur le 2 avril 1984.

Ce n'est pas un projet de loi qui a été fait en pensant à une élection particulière. Ce n'est pas un projet de loi qui a été fait pour répondre à de la petite politique. C'est un projet de loi qui a été déposé, en 1981, dans un seul et unique but: répondre aux besoins des enfants et répondre au besoin de protection de la société. Tel est l'objectif de la Loi sur les jeunes contrevenants, et c'est ce qu'on retrouve textuellement, noir sur blanc, dans la Loi sur les jeunes contrevenants.

La déclaration de principes est claire comme de l'eau de roche et elle se lit comme suit:

    3.(1) Les principes suivants sont reconnus et proclamés:

      a) la prévention du crime est essentielle pour protéger la société à long terme et exige que l'on s'attaque aux causes sous-jacentes de la criminalité des adolescents et que l'on élabore un cadre d'action multidisciplinaire permettant à la fois de déterminer quels sont les adolescents et les enfants susceptibles de commettre des actes délictueux et d'agir en conséquence;

On parle de prévention immédiatement dans le premier paragraphe de la déclaration de principes. Le message dit-il assez clairement que c'est dans la prévention qu'il faut investir, que l'objectif va dans le sens de la prévention?

Deuxième alinéa:

      a.1) les adolescents ne sauraient, dans tous les cas, être assimilés aux adultes quant à leur degré de responsabilité et aux conséquences de leurs actes; toutefois, les jeunes contrevenants doivent assumer la responsabilité de leurs délits;

C'est clair également. Monsieur le président, on ne peut pas traiter un jeune contrevenant de la même façon qu'un adulte. Un jeune, c'est un être en devenir. On ne peut pas le traiter comme un adulte. Ce qui est beau dans la Loi sur les jeunes contrevenants, c'est qu'elle fait en sorte qu'il y ait deux systèmes parallèles.

Oui, dans la Loi sur les jeunes contrevenants, on fait référence au Code criminel à l'occasion. Oui, au cours des années qui ont suivi 1984, la Loi sur les jeunes contrevenants a connu certaines modifications, surtout relativement à toute la question du renvoi. Oui, on fait référence quelquefois au Code criminel, mais jamais comme dans le projet de loi C-3. Jamais, monsieur le président! Le projet de loi C-3, c'est un petit code criminel. Est-ce qu'on veut un seul et unique système?

• 1040

S'il en est ainsi, dites-le clairement, vous qui aimez la clarté. Les libéraux aiment bien la clarté, et on l'a vu avec le projet de loi C-20. Soyez clairs. N'adoptez pas une loi parallèle. Ne soyez pas hypocrites; n'adoptez rien tout simplement. Abrogez la Loi sur les jeunes contrevenants et faites que les jeunes soient traités directement selon les modalités du Code criminel. Ce serait beaucoup moins compliqué. Les avocats connaissent très bien le Code criminel. L'appliquer à un adulte ou l'appliquer à un jeune, c'est la même chose, si c'est ce que vous voulez.

Par contre, ce n'est pas ce que l'on veut au Québec. On veut deux systèmes parallèles et des règles spécifiques qui s'appliquent aux jeunes. Pourquoi? Tout simplement pour répondre à la déclaration de principes qu'on retrouve dans la loi actuelle, la Loi sur les jeunes contrevenants.

On croit sincèrement que le degré de responsabilité et les conséquences des actes commis par des jeunes ne peuvent être comparés au degré de responsabilité et aux conséquences des actes commis par des adultes. On ne peut pas leur reconnaître le même degré de responsabilité, monsieur le président, et c'est dit à l'alinéa b) de l'article 3:

      b) la société, bien qu'elle doive prendre les mesures raisonnables qui s'imposent pour prévenir la conduite criminelle chez les adolescents, doit pouvoir se protéger contre toute conduite illicite;

Qu'on ne vienne pas dire qu'on ne prend pas la société en considération dans la Loi sur les jeunes contrevenants. On en parle explicitement et clairement à l'alinéa b) du paragraphe (1) de l'article 3.

Par la suite, toujours au chapitre de la déclaration de principes, l'alinéa c) traite spécifiquement d'un autre point très important, la situation du jeune contrevenant. Vous voyez que tout se tient: la prévention, la façon de considérer le jeune, la protection de la société. La situation du jeune a également une influence. C'est mentionné à l'alinéa c), et je cite:

      c) la situation des jeunes contrevenants requiert surveillance, discipline et encadrement;

Et ce qui suit est très important:

      toutefois, l'état de dépendance où ils se trouvent, leur degré de développement et de maturité leur créent des besoins spéciaux qui exigent conseils et assistance;

Où, dans le projet de loi C-3, même avec les amendements bidons que la ministre nous présente, trouve-t-on une disposition qui ait la même portée que celle que je viens de vous lire? Nulle part.

On se souvient qu'on a parlé de la société et tout juste de la situation du jeune. Par la suite, dans la déclaration de principes, à l'alinéa c.1), on parle textuellement de la protection de la société.

Lorsqu'on me dit que la société n'est pas protégée par la Loi sur les jeunes contrevenants et que c'est épouvantable et, comme l'éditorialiste de La Presse le disait plus tôt, qu'il faut responsabiliser les jeunes... Un peu partout, on parle de crimes et on dit que la société n'est pas protégée, qu'il faut rétablir la peine de mort, qu'il n'y a plus de sécurité nulle part, etc., et qu'il faut, à cause de cela, une nouvelle loi.

Il faudrait peut-être d'abord lire la Loi sur les jeunes contrevenants pour la comprendre, et j'espère que les députés d'en face vont le faire avant d'adopter article par article le projet de loi ou avant de modifier, d'abroger ou de mettre à la poubelle une loi qui est bonne et applicable et qui est appliquée au Québec et dans d'autres provinces.

Il est dit, monsieur le président, à l'alinéa c.1):

      c.1) la protection de la société, qui est l'un des buts premiers du droit pénal applicable aux jeunes, est mieux servie par la réinsertion sociale du jeune contrevenant, chaque fois que cela est possible, et le meilleur moyen d'y parvenir est de tenir compte des besoins et des circonstances pouvant expliquer son comportement;

• 1045

Où, dans le projet de loi qu'on nous propose et en vertu duquel on nous dit que le Québec va pouvoir continuer à procéder comme il le fait actuellement, donne-t-on autant de dents, autant de force à ce principe dont je viens de parler avec vous? Nulle part. Il n'est dit nulle part qu'on doit tenir compte des besoins et des circonstances pouvant expliquer le comportement du jeune. Il n'est dit nulle part que, pour protéger la société, il faut observer le jeune, déterminer ce que sont ses besoins et voir quelles circonstances peuvent expliquer son geste afin de trouver une solution à son problème. C'est le problème du jeune, mais la société tout entière en subit également les conséquences.

Par la suite, une fois qu'on a parlé de prévention, qu'on a regardé le cas de l'adolescent et sa situation, qu'on a parlé de la société et de sa protection, dans la même logique, il faut parler du traitement et de ce qui doit être entrepris. Une fois qu'on a fait l'analyse des besoins du jeune, quelle conclusion faut-il tirer? Qu'est-ce qu'on doit faire pour poursuivre le même but? L'alinéa d) du paragraphe (1) de l'article 3 répond à cette question:

      d) il y a lieu, dans le traitement des jeunes contrevenants, d'envisager, s'il est décidé d'agir, la substitution de mesures de rechange aux procédures judiciaires prévues par la présente loi, compte tenu de la protection de la société;

Y a-t-il plus clair? Non. Il ne faut pas nous prendre pour des deux de pique. Il ne faut pas prendre les gens du Québec pour des valises, monsieur le président. Comme le disait un de mes professeurs de droit: «On bourre les matelas, pas les springs». On ne change pas une loi pour faire plaisir à deux ou trois personnes ou gagner une centaine de votes dans l'Ouest. Et surtout, on ne dit pas qu'on modifie une loi parce qu'elle ne répond pas à certains critères de protection de la société. On ne dit pas, comme je l'ai entendu hier à une émission de télé, qu'on lui apporte des modifications afin de pouvoir prendre certaines mesures de rechange qu'on ne pouvait pas prendre auparavant. Cela se fait déjà. Il existe déjà des programmes de mesures de rechange dans les provinces qui appliquent la loi.

À l'heure actuelle, si vous demandez aux législatures provinciales, comme je vous le suggère, si elles appliquent la Loi sur les jeunes contrevenants et si elles ont une politique jeunesse, vous constaterez que certaines provinces n'ont aucun programme qui leur permette de mettre en oeuvre des mesures de rechange. Elles ne sont pas structurées comme on l'est au Québec. Je sais qu'il y a d'autres provinces qui le sont.

Au Québec, le ministère de la Justice et le ministère de la Santé et des Services sociaux ont autorisé l'établissement d'un programme de mesures de rechange, qui a, comme une loi, son champ d'application, ses interprétations, sa définition, etc. Il comporte des mécanismes sophistiqués pour déterminer si les mesures de rechange sont appropriées ou pas, des mécanismes qui peuvent quasiment prévoir telle ou telle situation.

On trouve les modalités d'application et les mesures de rechange au chapitre 3 de ce programme, où on parle de la nature et des conditions des mesures de rechange. On a toute l'information à donner à l'adolescent aux prises avec des difficultés, ainsi que des ententes consignées au niveau de l'engagement de l'adolescent, dont le contenu est très important car il faut que le jeune comprenne à quoi il s'engage. On trouve le mode d'exécution des mesures de rechange.

Au chapitre 4, on peut lire: «Infractions et situations pour lesquelles le substitut du procureur général peut saisir le directeur ou autoriser des poursuites». Une fois qu'on a expliqué au jeune le pourquoi des mesures de rechange, dans quelle situation le met le problème qu'il a avec la justice, s'il ne tient pas les engagements qu'il prend, le programme prévoit qu'il est passible de poursuites.

• 1050

Par la suite, on fait toute l'énumération des infractions qui peuvent justifier des poursuites. On tente de prévoir à peu près tout, monsieur le président: en matière d'infractions contre l'ordre public; en matière d'armes à feu et autres armes offensives, armes blanches et autres, monsieur le président; en matière d'infractions contre l'application de la Loi sur l'administration de la justice; en matière d'infractions d'ordre sexuel ou contraires aux bonnes moeurs et inconduite; en matière de maisons de désordre, de jeux et de paris; en matière d'infractions contre la personne et la réputation; en matière de meurtres, d'homicides involontaires, lésions corporelles, actes d'omission, véhicules à moteur, vols, voies de fait, enlèvement et prise d'otages. On fait la nomenclature complète en indiquant les articles du Code criminel ou d'autres lois qui sont concernés, monsieur le président.

On donne même aux jeunes un document indiquant les principaux articles de la Loi sur les jeunes contrevenants, ce qui est important. Ce programme-là a été amélioré au cours des années. Je dois dire que le dernier a été signé le 7 janvier 1994, alors que Gil Rémillard, un libéral, était ministre de la Justice et que Marc-Yvan Côté, un libéral lui aussi, était ministre de la Santé et des Services sociaux.

La question des jeunes contrevenants n'est pas seulement une question d'allégeance politique. C'était bien, ce qu'ils ont fait dans le domaine, et je les en félicite. Cela a été poursuivi par la suite sous l'autre gouvernement, celui de M. Parizeau, et ensuite sous celui de M. Bouchard. Il faut bien comprendre qu'avant le gouvernement libéral de M. Bourassa, il y avait eu des gouvernements péquistes qui avaient eu la même approche.

On ne répétera jamais assez qu'il y a consensus au Québec relativement à l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants et des besoins de ces derniers en vue de leur réintégration sociale, de leur réadaptation afin qu'ils deviennent des citoyens comme les autres, monsieur le président.

Si, comme je le demande dans ma motion, on reporte l'analyse article par article du projet de loi, mes collègues d'en face, durant les deux semaines de relâche ou du congé pascal, pourront interroger leur législature provinciale quant à sa politique jeunesse et à son application de la Loi sur les jeunes contrevenants sur son territoire. Après tout ce que j'ai mentionné, toutes les pistes d'interrogation que j'aurai abordées au cours de la semaine, je suis persuadé qu'ils auront des questions supplémentaires à poser aux législatures.

Entre autres, ils pourront examiner leur programme de mesures de rechange. Y a-t-il un programme de mesures de rechange? Si la réponse est non, ils pourront s'inquiéter. Si on leur répond non, qu'on ne croit pas à cela, ils demeureront avec des interrogations majeures en tête qui leur feront voir que le projet de loi C-3 est un projet de loi qui ne sert à rien.

La province qui ne croit pas qu'il faut examiner les besoins des jeunes, mettre à leur disposition des programmes de rechange, voir à les réintégrer le plus rapidement possible, traiter leur cas le plus rapidement possible à compter du moment de l'infraction et être diligent en matière de jeunes contrevenants, ne sera pas incitée à le faire ou ne se sentira pas obligée de le faire en vertu du projet de loi qui nous est proposé.

On ne change pas l'attitude d'une province qui ne croit pas à cette approche au moyen d'une loi. C'est le porte-monnaie qui est le levier le plus efficace. C'est le ministère de la Justice qui fait le chèque pour faire appliquer la loi. Il a juste à faire le chèque en conséquence. Vous n'appliquez pas la loi? Le chèque est réduit d'autant. Vous investissez dans le béton? Parfait, mais on coupe, parce que ce n'est pas cela, l'objectif de la Loi sur les jeunes contrevenants. C'est dans le jeune que vous devez investir et non pas dans le béton.

Une fois cela fait, je vous assure que les provinces vont comprendre très rapidement. Je vous en préviens. Elles vont comprendre qu'elles font fausse route en investissant dans le béton au lieu d'investir dans le jeune qui est aux prises avec un problème de justice.

• 1055

Je vois que M. Saada cherche à savoir s'il y a quorum. Sept membres du comité sont ici présents, monsieur le président. J'aimerais que vous confirmiez s'il y a quorum ou pas.

[Traduction]

Le président: Le greffier est allé voir en dehors de la salle. Je pense que les gens sortent pour un instant, de temps à autre.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: On va attendre.

[Traduction]

M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.): Il y en a huit ici.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Pendant qu'on essaie de trouver le quorum, j'aimerais aller aux toilettes.

Le président: Nous attendrons.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Merci, monsieur Saada. Je pensais que vous cherchiez le quorum.

• 1058




• 1101

[Traduction]

Le président: Nous reprenons. Je suis convaincu que vous pourrez tenir encore trois heures.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Oui, nous pouvons continuer encore. Avant que nous ne fassions cette petite pause, je disais, monsieur le président, que la déclaration de principes qu'on retrouve dans la Loi sur les jeunes contrevenants est extrêmement importante. J'invitais les députés d'en face à la lire très attentivement et à communiquer avec l'un ou l'autre des groupes de la Coalition pour la justice des mineurs que j'ai mentionnés plus tôt. Je n'ai pas apporté leurs numéros de téléphone, mais je les ai à mon bureau. Si vous voulez les obtenir, vous n'avez qu'à m'appeler et ça va me faire plaisir de vous les donner. Je suis persuadé qu'ils vont collaborer à 150 p. 100 avec vous et vous donner l'information qui vous manque peut-être.

Vous savez que je me serais bien passé du discours que je vous fais présentement ou de ce monologue-là. Je crois toutefois que je pourrai tranquillement peut-être éveiller dans l'esprit de certains députés le goût d'en savoir plus sur l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants au Québec. Je vais peut-être susciter en eux l'amour et la confiance que j'ai envers les jeunes. Mes efforts vont peut-être aboutir à un moment donné à quelque chose de mieux que ce qu'on a devant nous à l'heure actuelle. Certains d'eux, surtout les députés du Québec, en viendront peut-être à comprendre pourquoi le Bloc québécois se bat ainsi pour le maintien de la Loi sur les jeunes contrevenants. Je crois avoir reçu ce mandat de la part de la population de ma circonscription électorale du Québec, et surtout de tous ceux et celles qui appliquent de près ou de loin la Loi sur les jeunes contrevenants à l'heure actuelle, et ce, depuis le 2 avril 1984, date de l'adoption de la Loi sur les jeunes contrevenants. C'est une loi, je le répète, qui avait été adoptée à la suite d'un long processus d'adaptation et de concertation entre différents ministères au Québec. Le fédéral avait vu ce qui se faisait dans certaines provinces, qui à l'époque étaient beaucoup plus collaboratrices et beaucoup moins à droite qu'elles ne le sont aujourd'hui, et mis sur table, noir sur blanc, un texte législatif qui correspondait aux besoins de la société et aux besoins du jeune.

On peut parler pendant des heures, mais le point central de la Loi sur les jeunes contrevenants, monsieur le président, est le besoin des jeunes, alors que le point central du projet de loi qu'on nous présente est la sévérité et l'infraction. On se concentre sur l'infraction que le jeune a commise. On oublie même parfois qu'il y a un jeune derrière, que le jeune n'a pas la maturité d'un adulte, que ce jeune-là n'a pas la capacité intellectuelle d'un adulte et qu'il n'est pas encore entièrement développé.

• 1105

Certains disent même qu'à cet âge-là, les adolescents sont de véritables éponges et que lorsqu'ils sont dans une société ayant des problèmes, ils absorbent ces problèmes-là. Lorsque le jeune est dans une famille aux prises avec des problèmes de drogue ou des problèmes de justice, il absorbe ces problèmes et agit en conséquence dans la société jusqu'à ce qu'on le prenne par le collet et qu'on lui dise que ça ne fonctionne pas comme cela dans la vraie vie, qu'on va tenter de le réhabiliter et d'investir en lui pour qu'il réintègre la société. Mais pour cela, il faut prendre le temps d'examiner les besoins du jeune, ce que la loi en vigueur à l'heure actuelle nous permet de faire.

Je vous ai parlé de la déclaration de principes. Bien qu'il me faille du temps, je n'investirai moi-même jamais suffisamment de temps pour faire comprendre aux députés libéraux d'en face, qui sont en majorité dans ce comité-ci, que cette déclaration de principes qu'on retrouve à l'article 3 de la loi est le point central, l'élément auquel on devrait accorder une importance primordiale. On retrouve malheureusement très peu de ces principes dans le projet de loi C-3.

Monsieur le président, on a parlé de la prévention du crime au tout début. On s'est penchés par la suite sur l'autre paragraphe, où l'on traite des adolescents, de leur degré de responsabilité et des conséquences de leurs actes, qu'on ne saurait comparer à ceux commis par des adultes. Par la suite, on s'est penchés sur la société et la prise de mesures raisonnables envers l'adolescent, en ayant toujours en tête la société. Par la suite, on a traité de la situation des jeunes qui, comme je le disais, est importante, de la protection de la société et des traitements. Avant la pause, nous étions rendus à la question des traitements.

À l'alinéa 3(1)d), on dit:

      d) il y a lieu, dans le traitement des jeunes contrevenants, d'envisager, s'il est décidé d'agir, la substitution de mesures de rechange aux procédures judiciaires prévues par la présente loi, compte tenu de la protection de la société.

Je veux que les gens d'en face, les libéraux, les conservateurs et les députés du NPD, qui ont fait preuve d'une grande collaboration à mon égard hier et aujourd'hui, posent les bonnes questions aux gens de leur province qui appliquent la Loi sur les jeunes contrevenants. La question est fort simple. Je l'ai dit et je le répète: «Comment appliquez-vous la Loi sur les jeunes contrevenants chez vous? Quelles sont vos politiques jeunesse?» Je suis persuadé qu'après avoir entendu tout ce que j'ai dit depuis deux ou trois jours, vous avez beaucoup de questions à poser à vos législatures provinciales et aux gens qui appliquent la Loi sur les jeunes contrevenants dans vos provinces respectives. Avez-vous entre autres des mesures de rechange? Expliquez-moi vos programmes. Je veux comprendre.

C'est cela que vous devez faire durant les deux semaines du congé pascal, avant que nous passions à l'étude article par article et que nous parlions de sanctions et d'infliger telle ou telle chose aux jeunes. Vous parlez de sanctions quasi judiciaires, de sanctions ci et sanctions ça. Avant d'étudier de façon approfondie les dispositions de ce projet de loi, il faut s'interroger afin de savoir ce qui se fait à l'heure actuelle lorsqu'on applique telle quelle la Loi sur les jeunes contrevenants, si elle est appliquée dans notre province.

On retrouve des éléments très importants à l'alinéa 3(1)e). On y lit:

      e) les adolescents jouissent, à titre propre, de droits et libertés, au nombre desquels figurent ceux qui sont énoncés dans la Charte canadienne des droits et libertés ou dans la Déclaration canadienne des droits, et notamment le droit de se faire entendre au cours du processus conduisant à des décisions qui les touchent et de prendre part à ce processus, ces droits et libertés étant assortis de garanties spéciales;

Ce n'est pas dans un quelconque préambule qu'on parle de cela; c'est inscrit dans la loi. L'article 3 de la Loi sur les jeunes contrevenants oblige tous les intervenants, monsieur le président, à tenir compte des droits énoncés dans la Charte canadienne des droits et libertés et à s'assurer que les garanties spéciales accordées aux jeunes ont été respectées.

• 1110

Il faut que les députés libéraux se rendent compte de l'importance de l'article 3. J'espère que je leur donne le goût d'en savoir davantage et de lire cette loi, en ayant en tête les nombreux amendements que la ministre veut introduire. De fait, on ne devrait même pas parler d'amendements parce que, finalement, on met à la poubelle la Loi sur les jeunes contrevenants. C'est une nouvelle loi qu'on a présentée à cette législature, une nouvelle loi où on énonce de nouveaux objectifs et où on ne parle pratiquement pas des besoins de l'enfant. On dit que ça ne changera rien au Québec. Il faudra que les députés d'en face se rendent à l'évidence que oui, ça va changer beaucoup de choses.

À l'alinéa 3(1)f), on lit:

      f) dans le cadre de la présente loi, le droit des adolescents à la liberté ne peut souffrir que d'un minimum d'entraves commandées par la protection de la société, compte tenu des besoins des adolescents et des intérêts de leur famille;

N'est-ce pas beau, monsieur le président, qu'on soit capable de concilier ainsi les besoins de l'enfant et de l'adolescent avec la protection de la société, les libertés individuelles avec les droits de la société? Monsieur le président, on retrouve dans l'article 3 tous les éléments essentiels pour bien appliquer la loi et comprendre l'objectif n° 1 de la Loi sur les jeunes contrevenants.

J'entends dire que la loi ne répond plus aux besoins et que la société est mal protégée. J'ai également déjà entendu un député dire que les jeunes contrevenants s'en sauvent avec pratiquement rien, qu'ils récidivent, qu'ils reviennent devant les tribunaux et que ce sont toujours les mêmes. C'est faux, monsieur le président. C'est faux. Regardons les statistiques que le gouvernement nous a soumises. Regardons donc ce qu'on fait dans des provinces comme le Québec où on applique la Loi sur les jeunes contrevenants et avouons qu'on fait fausse route. On se rend compte que le gouvernement fait fausse route. Si on fait une étude attentive et exhaustive de ce qui se fait, de ce qui a été écrit et des résultats qui en découlent, on se rend compte que nous avons entre les mains tous les outils utiles et nécessaires pour nous permettre d'atteindre les objectifs fixés par la loi, c'est-à-dire voir aux besoins de l'enfant et à la protection de la société.

Monsieur le président, penchons-nous sur l'alinéa 3(1)g) de la déclaration de principes de la Lois sur les jeunes contrevenants. J'insiste un peu sur cette déclaration puisqu'il faut la comprendre. On n'a qu'à la lire une fois pour comprendre pourquoi on réussit au Québec et pourquoi un député du Québec se bat tant pour le maintien de la Loi sur les jeunes contrevenants.

À l'alinéa 3(1)g), on dit:

      g) les adolescents ont le droit, chaque fois que la présente loi est susceptible de porter atteinte à certains de leurs droits et libertés, d'être informés du contenu de ces droits et libertés;

Jusqu'à maintenant, on avait beaucoup parlé dans la déclaration de principes du besoin de l'adolescent, mais non pas de l'informer de ses droits. Dans la déclaration de principes, on le dit textuellement. Cet énoncé est conforme avec ce qui se fait, entre autres au Québec conformément à la Charte des droits et libertés de la personne. On a vu hier, lorsque j'ai fait l'historique de la mise en oeuvre des mesures prévues dans la Loi sur les jeunes contrevenants, que cela a été une des influences au début des années 1970 jusqu'en 1977, alors qu'on adoptait la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. On constate que des choses spéciales ont été faites pour les adolescents, entre autres au chapitre du droit à l'information des jeunes sur leurs droits et obligations. Cela fait partie de notre jargon quotidien au Québec depuis fort longtemps. Cela est inscrit à l'alinéa 3(1)g) de la déclaration de principes de la Loi sur les jeunes contrevenants. Il n'y a aucun problème si cela fait en sorte que la loi soit mieux appliquée dans les autres provinces et surtout que les adolescents puissent être mieux informés.

• 1115

Il y a une autre chose que j'ai entendue à plusieurs reprises ici et que j'aurai la chance d'approfondir davantage lorsque je vous parlerai de quelques passages du rapport rédigé par le juge Jasmin et ses acolytes, qui ont travaillé extrêmement fort avec d'autres collaborateurs des centres jeunesse, des centres communautaires, du milieu juridique et de la Direction du droit de la jeunesse. Ce sont cinq éminents juristes ayant à coeur les intérêts du jeune qui ont fait cette étude. Ils ont précisé encore davantage la partie de la déclaration de principes que je vais vous lire, qui est très importante et qui répond encore une fois à de nombreuses interrogations que j'ai entendues ici, interrogations sans doute motivées par une méconnaissance de la loi, mais parfois par une mauvaise foi. On essaie, encore une fois, de faire de petits gains politiques sur le dos des jeunes parce qu'ils ne sont pas équipés pour faire face, comme les adultes, à des approches mesquines de certains petits politiciens. Je lis donc un extrait de la déclaration de principes, à l'alinéa 3(1)h):

    h) les père et mère assument l'entretien et la surveillance de leurs enfants; en conséquence les adolescents ne sauraient être entièrement ou partiellement soustraits à l'autorité parentale que dans les seuls cas où les mesures comportant le maintien de cette autorité sont contre-indiquées.

Donc, la Loi sur les jeunes contrevenants prévoit que les père et mère assument une certaine responsabilité. Il est donc faux de dire que les père et mère s'en sortent, qu'ils ne font rien, que c'est effrayant, qu'il faut modifier la loi, etc. Il y a une loi. Si elle est mal appliquée, ce n'est pas la faute de la loi, mais plutôt celle de ceux qui l'appliquent.

C'est à cet égard qu'il faut questionner ceux qui l'appliquent. Comment appliquez-vous la Loi sur les jeunes contrevenants chez vous? Quelles sont vos politiques jeunesse? C'est ça qu'il faut faire avant de modifier la loi. Avant de crier au loup, il faut peut-être aller dans le bois pour voir s'il existe. C'est bien sûr que celui qui veut faire de la politique va crier au loup, au loup, et dire qu'il a fait partir ou même tué le loup. ll n'y a personne qui va aller voir si on a la fourrure du loup. Voilà comment on peut faire des gains politiques facilement, au détriment, encore une fois, des jeunes.

Moi, je ne mange pas de ce pain rassis. Je ne fais pas partie de cette famille politique qui fait de la petite politique sur le dos du pauvre monde et de ceux qui sont dans un état d'incapacité ou moins aptes à s'organiser. Je sais que de l'autre bord, chez les libéraux, il y a des gens qui ont le coeur et l'esprit à la bonne place, et qui savent fort bien qu'ils n'atteindront pas les objectifs qu'ils recherchent. Ils savent fort bien que le projet de loi C-3 est un mauvais projet de loi, dont on ne veut pas au Québec. Ils savent fort bien qu'une province applique adéquatement la Loi sur les jeunes contrevenants et a acquis une expertise auprès des jeunes et que cette province est le Québec. Malgré tout, ils s'apprêtaient, si je n'étais pas intervenu avec ma motion, à commencer à adopter article par article le projet de loi C-3. Ça aurait été un scandale.

Monsieur DeVillers, je sais fort bien que vous comprenez l'approche québécoise. Je sais que vous êtes un bon père de famille, que vous comprenez très bien les répercussions possibles de ce projet de loi et que vous reconnaissez que c'est dangereux pour le Québec.

• 1120

Sincèrement, j'ose espérer que le congé pascal saura vous éclairer pour le mois de mai. Je suis persuadé que le travail que je fais présentement n'équivaut pas à prêcher dans le désert. Il y a des gens qui m'écoutent, j'en suis persuadé, et qui vont comprendre. En tout cas, il y en a qui auront le goût d'en savoir plus sur ce qui se fait au Québec. J'en suis persuadé. Je suis persuadé que des gens vont communiquer avec des organismes québécois pour savoir ce qu'ils font en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants. Je suis sûr et certain que mon message est en train de percer les murs de béton du Parti libéral du Canada. Je suis sûr que mon amour et mon intérêt pour l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants vont être contagieux. Il me faut juste du temps. Je manque de temps et je vais essayer d'en avoir, pour vous permettre de consulter les gens et de faire votre travail correctement.

Je comprends que vous avez peut-être les mains attachées par votre parti; pas moi. Je vais tenter de vous délier les mains à vous, monsieur le président, et aux autres députés du Parti libéral.

Cela étant dit, je continue, puisque la déclaration de principes, à l'article 3, comporte un autre paragraphe, le paragraphe (2). C'est un tout et je veux le lire au complet afin de le présenter à mes collègues d'en face.

    2) La présente loi doit faire l'objet d'une interprétation large garantissant aux adolescents un traitement conforme aux principes énoncés au paragraphe (1).

Malgré tout ce qu'on a dit, on insiste davantage au deuxième paragraphe pour répéter, encore une fois, que les principes de la déclaration de principes inscrits au premier paragraphe sont primordiaux.

Monsieur le président, voilà, je pense, le fondement de la Loi sur les jeunes contrevenants actuelle.

On essaie de découper tout cela et de jouer aux fins finauds avec le projet de loi C-3 afin de tenter, comme je le dis souvent, d'endormir les gens avec des petites modifications et des paragraphes subordonnés à tel alinéa, etc., mais ce ne sera jamais clair comme ça l'est présentement. Jamais on ne pourra refaire une loi avec des principes aussi clairs. On a dans nos mains tous les outils pour atteindre notre objectif premier. Pourquoi tenter de changer cela? C'est manquer à nos responsabilités que de vouloir changer la loi.

Je sais que la ministre est responsable. Je sais qu'elle aime faire de la politique. Je la comprends. À sa place, je voudrais peut-être me faire réélire aussi. Si j'avais moins de 200 ou 300 voix de majorité, j'essaierais de faire une petite manoeuvre politique pour me faire réélire. Mais j'ai toujours appris qu'en politique, il fallait s'élever. On ne doit pas faire de la politique seulement pour des intérêts personnels, mais pour la société en général. J'espère, encore une fois, que ce principe qui m'anime aujourd'hui va être adopté par vous.

Monsieur le président, une fois qu'on a la déclaration de principes en tête, une fois qu'on aura le temps—et j'imagine que ma motion sera adoptée à un moment donné—, on pourra aller consulter les gens du milieu et leur poser les bonnes questions.

Je vous ai dit que l'adoption de la Loi sur les jeunes contrevenants, le 2 avril 1984, faisait suite à un processus qu'on avait entrepris au Québec depuis plusieurs années. Malgré tout cela, dans les années 1990, on a voulu voir si, après six ou sept années d'application de la Loi sur les jeunes contrevenants, on pouvait faire encore plus pour réduire davantage le taux de criminalité chez les jeunes.

Le gouvernement du Québec de l'époque a mandaté un groupe de travail pour faire une étude exhaustive. Le président de ce groupe de travail était Michel Jasmin, l'actuel juge en chef adjoint au Tribunal de la jeunesse du Québec. Il y avait également Normand Bastien, directeur de la Division jeunesse au Centre communautaire juridique de Montréal; Maurice Boisvert, sous-ministre adjoint à la Direction générale de la coordination régionale du ministère de la Santé et des Services sociaux; Pierre Michaud, directeur général des Centres jeunesse Chaudière-Appalaches; et Jean Turmel, directeur de la Direction du droit de la jeunesse au ministère de la Justice du Québec.

• 1125

Leur mandat était de faire le tour de tous les intervenants, de voir toutes les personnes qui appliquent quotidiennement la Loi sur les jeunes contrevenants, tous les intervenants possibles dans le domaine pour leur poser une simple et unique question, question que je souhaite de tout coeur que les députés libéraux et ceux des partis d'opposition qui sont favorables à un principe d'entrée en vigueur du projet de loi C-3 posent eux aussi aux mêmes intervenants dans leurs provinces respectives. La question est: «Quelle est votre politique jeunesse? Que faites-vous lorsqu'un jeune est aux prises avec un problème de justice?»

On a vu, monsieur le président—et je ne reviendrai pas là-dessus parce que je veux passer mon message au complet—, toute la question de la délinquance, celle de la protection de la société, de l'infraction, de la responsabilité des adolescents et des droits des adolescents. Ce sont des choses sur lesquelles on s'est penchés. On s'est penchés également sur les droits de l'adolescent, comme je le disais, et sur ses besoins.

J'en étais rendu à vous parler plus précisément des victimes. Je veux vous démontrer que lorsqu'on a étudié la Loi sur les jeunes contrevenants au Québec, lorsqu'on a examiné l'application quotidienne de la Loi sur les jeunes contrevenants, on s'est rendu compte que certaines choses qu'on faisait au niveau des victimes devaient peut-être être améliorées. À la page 25 du rapport, on peut lire ce qui suit:

    Dans le concours qu'elles apportent à la justice, les victimes doivent être traitées d'une manière qui reconnaît leur situation: avec le respect et la sensibilité que commandent leurs besoins et leurs droits.

    Mais là ne doivent pas se limiter les préoccupations de la justice à leur égard: elles sont aussi des personnes qu'une infraction a lésées et qui peuvent à juste titre désirer une forme de réparation, de restitution ou d'excuses. Cela doit être mieux reconnu dans les pratiques judiciaires et sociales.

Vous voyez qu'au Québec, on s'est arrêté un instant pour examiner ce qui se fait au niveau des victimes et on a reconnu qu'il y a des choses à améliorer. Mais on est capable de les améliorer avec la loi actuelle. Ça ne prenait pas des modifications législatives pour améliorer notre approche avec les victimes.

    Cela doit être mieux reconnu dans les pratiques judiciaires et sociales.

J'entends des gens de l'Ouest canadien, dont la ministre, nous dire qu'avec le projet de loi C-3, on va faire des choses fantastiques pour les victimes. Ce sera la trouvaille du siècle.

Au Québec, on a examiné la Loi sur les jeunes contrevenants et on a dit que oui, effectivement, il y avait des choses à améliorer au niveau des victimes. Mais cela ne requiert pas une mesure législative pour autant. On est capables de le faire chez nous, surtout que l'administration de la justice est un domaine de compétence provinciale et non pas fédérale. On est capables de le faire, au Québec, dans le cadre de nos juridictions et en respectant la Constitution canadienne de 1982 qu'on n'a jamais signée.

J'en profite pour passer un petit message. Encore une fois, au Québec, on est bons joueurs. On applique la Constitution canadienne et on la respecte beaucoup plus que le fédéral. Mais ça, c'est un autre débat qu'on pourra faire un jour. En fonction de nos juridictions respectives, le Québec a la responsabilité d'administrer la justice et, dans le cadre de l'administration de la justice, il y a des choses qu'on peut faire pour améliorer notre approche envers les victimes afin de les impliquer davantage. Il ne faut pas apporter de telles modifications à la loi.

• 1130

L'autre élément est tellement important que je vais vous faire la lecture de certains passages. Les deux prochains éléments sont importants, mais ce chapitre porte sur les parents. On a entendu beaucoup de choses en comité au sujet de l'obligation des parents, de l'irresponsabilité des parents, etc.

Il y a même certains partis politiques qui trouvent que la ministre ne va pas assez loin et qui vont presque jusqu'à prétendre que les parents devraient faire de la prison pour les enfants. Et la ministre de la Justice prête une oreille attentive à cela. Elle n'a sûrement pas lu le rapport du juge Jasmin. Je sais que le ministère a ce rapport, car je l'ai vu. Madame Lafontaine, vous l'aviez hier.

Il ne suffit pas de transporter le rapport du juge Jasmin. Il faut le lire. Il faut en faire rapport à la ministre. Il faut le vendre à la ministre. Je suis persuadé que si elle l'avait lu, elle n'aurait pas présenté le projet de loi C-3.

Donc, au paragraphe I.8 on traite des parents et, comme je l'ai dit à quelques reprises, ce sont là des réflexions utiles sur tous les sujets que j'ai soulevés, entre autres celui des parents que j'aborderai tantôt. Pour comprendre l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants, il faut avoir certains éléments ou un certain point de départ. Il faut avoir une connaissance minimale de ce qui est important si on veut comprendre la logique et les buts qu'on s'est fixés au Québec en rapport avec la Loi sur les jeunes contrevenants.

Au sujet des parents, on en arrive à la conclusion suivante:

    Premiers responsables de leurs enfants, les parents doivent être partenaires dans les interventions, quitte à ce que le support requis leur soit fourni. On doit apporter une attention particulière à l'importance du rôle des pères.

On dit, monsieur le président:

    Visant à punir, le droit pénal classique n'atteint que l'auteur de l'infraction: il serait forcément injuste d'infliger une punition à quelqu'un d'autre que l'infracteur.

Je vais relire cela en espérant que les gens du ministère comprendront très bien toute la portée de ce commentaire et qu'ils l'auront en tête lorsqu'ils parleront à la ministre de mon discours d'aujourd'hui. Je sais qu'ils lui font un rapport de mes interventions, et c'est très bien ainsi parce qu'elle m'envoie des messages en Chambre. Elle semble trouver cela drôle. Je ne sais pas pourquoi. On dit ici:

    Visant à punir, le droit pénal classique n'atteint que l'auteur de l'infraction: il serait forcément injuste d'infliger une punition à quelqu'un d'autre que l'infracteur.

Les députés de l'Ontario devraient répéter cette phrase à M. Mike Harris, n'est-ce pas? En Ontario, ils veulent couper les vivres aux avocats qui s'occupent des jeunes afin que ce soient les parents qui paient jusqu'à un maximum de 3 000 $ ou de 6 000 $, je pense, d'honoraires d'avocat. C'est en quelque sorte faire payer les parents pour une infraction commise par leur enfant. Donc:

    il serait forcément injuste d'infliger une punition à quelqu'un d'autre que l'infracteur. À l'opposé, dans la mesure où on veut leur conférer une portée éducative, les interventions visant les mineurs doivent engager les parents.

La différence est subtile, mais elle est là. On ne dit pas qu'il faut ignorer les parents. On ne dit certainement pas que les parents ne doivent pas être impliqués. On dit qu'on ne veut pas faire payer les parents à la place de l'adolescent qui est aux prises avec un problème de justice, ce qui ne sert à rien et qui est illogique, mais on veut que les parents soient partie prenante de l'intervention, qu'ils soient partie prenante de l'éducation du jeune qui est aux prises avec un problème de justice.

On s'adresse maintenant à tous ceux qui dénoncent l'attitude des parents. On dit:

    Les parents sont pointés du doigt par bien des gens comme étant les grands responsables de la délinquance de leurs enfants.

• 1135

Vous savez, l'Ouest canadien n'a rien inventé. Ils crient peut-être plus fort que d'autres, mais lorsque l'Ouest canadien pointe du doigt les parents comme étant les grands responsables et lorsque l'Ontario fait de même, ils n'inventent pas une nouvelle problématique. Ils disent tout simplement tout haut ce qu'on a déjà dit ailleurs. Mais une fois qu'on a analysé la situation, on se rend compte que ce n'est pas seulement en pointant du doigt les parents qu'on va régler le problème. Ce n'est pas seulement en faisant payer les parents qu'on va régler le problème à long terme.

Le rapport mentionne aussi:

    Sans tomber dans l'exagération, et même parfois le simplisme qui marque nombre d'énoncés sur ce sujet, il importe de souligner le rôle des parents dans la prévention de la délinquance. Les parents demeurent les premiers modèles qui sont proposés à leurs enfants, tout comme ils sont les premiers adultes responsables de voir à leur comportement. L'absence d'attachement mutuel des enfants et des parents est vue comme une des conditions qui prédisposent à la délinquance. Les recherches nous indiquent que le défaut d'affection et d'engagement réciproques des parents et des enfants, ainsi que le manque de surveillance et de discipline de la part des parents sont associés à la délinquance des enfants. Ces facteurs sont plus étroitement liés à la délinquance que d'autres, comme les conflits conjugaux, l'absence d'un parent [...] ou la taille de la famille. Les rapports que les adolescents entretiennent avec leur père émergent comme étant encore plus significatifs que ceux qu'ils ont avec leur mère.

Monsieur le président, je suis sûr que dans votre province, comme au Québec ou d'autres provinces, dans une société où il y a de plus en plus de familles monoparentales, dans une société où il y a de plus en plus de familles qui n'ont pas de modèle masculin pour les jeunes, à cause d'une séparation ou de toutes sortes d'éléments, cela revêt une importance encore plus grande.

Est-ce que c'est en changeant la loi qu'on va faire changer les moeurs, monsieur le président? Non. Et ce qu'on dit au Québec aujourd'hui, ou plutôt ce qu'on disait en 1995, au moment du dépôt du rapport, est encore vrai aujourd'hui. C'est vrai au Québec et c'est vrai dans d'autres provinces. C'est vrai également aux États-Unis, là où on a une approche très différente avec les jeunes. Certains États ont même la peine de mort pour punir les jeunes contrevenants de certains crimes.

Qu'est-ce qu'on dit aux États-Unis? J'en ai cité un petit bout hier, mais je vais vous en citer encore un bout qui correspond directement aux commentaires que l'on retrouve dans le rapport du juge Jasmin relativement aux familles. Il y a là un problème qui est peut-être plus moderne. La société nous met face à un problème qui n'existait pas il y a 10 ou 15 ans. C'est toute la question, comme on l'a dit, du rôle des parents qui ont une influence directe sur l'enfant.

Quand il y a un parent ou deux parents, bien souvent, les jeunes sont considérés comme étant des orphelins même s'il existe, dans la famille, un père et une mère. Il sera important qu'on ait ça entre les deux oreilles quand on votera sur les articles du projet de loi C-3. J'ose espérer que les députés d'en face, pendant les deux semaines de sursis que je demande avant le 2 mai, vont faire un minimum de travail afin de s'informer de cela.

Donc, monsieur le président, en 1996, ce qui est assez contemporain à la rédaction du rapport du juge Jasmin, un prêtre baptiste a donné une conférence devant certains juges à l'occasion des Jeux olympiques d'Atlanta. Hier, je ne savais pas de quels Jeux olympiques il s'agissait. C'étaient ceux d'Atlanta, en 1996. Voici ce qu'il dit; c'est très important:

• 1140

    Cette assemblée n'est pas simplement une occasion de divertissement, elle a un sens déterminant parce que vous vous réunissez à une période où l'Amérique se trouve en crise, une crise due au fait que nous vivons à une époque marquée par plusieurs premières remarquables. En effet, voici la première génération d'enfants et de jeunes de l'histoire dont la vision existentielle est plus récente que celle de la génération qui l'a précédée.

    Les parents ont toujours voulu améliorer les choses de quelque manière, mais à présent nos enfants n'ont plus dans leur esprit de vision plus grande que la vie qui leur a été donnée à la naissance. Il s'agit de la première génération qui a dû s'accommoder et s'adapter au statut d'orphelin avec des parents. En principe, on est orphelin quand ses parents sont morts, mais ces enfants ont dû composer avec la réalité brutale, le fait qu'un trop grand nombre d'entre eux sont des orphelins même avec des parents vivants.

Monsieur le président, la personne qui a dit ces choses-là aurait pu être une Ontarienne, un Québécois ou une personne de l'Ouest canadien. Ces propos sont vrais ici aussi. On n'est pas à l'abri de cela, monsieur le président. Mais faut-il pour autant pénaliser le jeune? Eh bien, non. Est-ce qu'il faut pour autant tenter d'infliger des peines même aux parents pour des choses qu'ils n'ont pas faites? Eh bien, non. Il faut trouver un juste milieu. Je crois que la Loi sur les jeunes contrevenants nous permet, monsieur le président, de trouver ce juste milieu. Elle nous permet d'impliquer des parents, de les impliquer davantage et de leur faire une place plus grande. Ils ont un rôle à jouer, particulièrement au niveau de l'éducation du jeune. On se souvient qu'on dit dans la déclaration de principes que les adolescents ne peuvent être assimilés aux adultes quant à leur degré de responsabilité et aux conséquences de leurs actes parce qu'ils n'ont pas le même degré de développement et de maturité que les adultes, parce qu'ils sont en cheminement d'éducation. Les parents ont un rôle primordial à jouer, et tout le monde en convient. Grâce à une bonne application de la Loi sur les jeunes contrevenants, on peut, monsieur le président, arriver à concilier le rôle des parents, le besoin de l'enfant et la sécurité de la population, tout cela dans un objectif ultime qui est le bien de l'enfant et sa réintégration dans la société.

Monsieur le président, tout est là dans la déclaration de principes et dans son application, lorsqu'on l'applique bien. On n'a pas besoin, encore une fois, d'un projet de loi C-3 pour modifier quoi que ce soit.

C'est le laissez-faire de certains parents qui pose un problème. Il y a des choses que la province peut faire pour impliquer davantage les parents et cela ne regarde pas le législateur fédéral. Ce n'est pas par une loi qu'on va inculquer à des parents leur responsabilité à l'égard des faits et gestes de leur enfant. C'est une éducation qu'on doit faire, et cela regarde beaucoup plus les provinces que le fédéral.

Un autre point important, comme je le disais plus tôt, monsieur le président, c'est la célérité des interventions. Nous devrions tous nous entendre pour dire que si on peut faire quelque chose pour améliorer le système au niveau des jeunes contrevenants, c'est d'agir au niveau des délais et de mettre davantage l'accent sur la célérité des interventions. On aurait pu apporter quelques amendements à la Loi sur les jeunes contrevenants, au grand plaisir de tous ceux et celles qui appliquent cette loi, afin de traiter plus précisément de la question des délais.

À la page 29 du rapport Jasmin, on lit ceci, monsieur le président:

• 1145

    La célérité des interventions est une condition essentielle de leur impact et de leur crédibilité. Une réaction sociale lente est interprétée par les adolescents comme une expression d'indifférence, sinon comme une forme de tolérance par défaut.

En quoi, monsieur le président, le projet de loi C-3 saura-t-il répondre à cette remarque? J'aimerais bien poser cette question à la ministre. En quoi les amendements apportés au projet de loi C-3 que nous avons devant nous vont-ils améliorer la célérité des interventions? En rien, monsieur le président. C'est le contraire. Tout le monde est venu nous dire que ce projet de loi est très complexe, qu'on introduit de nouvelles étapes et qu'il s'écoulera encore plus de temps entre la comparution et le procès, de telle sorte, monsieur le président, que ce projet de loi-là C-3 est contre-productif quant à la célérité des interventions. C'est tout le contraire du message que nous avons entendu ici, monsieur le président. La ministre n'a rien compris. C'est bien beau de traîner le rapport Jasmin en dessous du bras, mais il faut le lire et le comprendre. Il faut que la ministre voie noir sur blanc ce que disent ceux et celles qui appliquent la Loi sur les jeunes contrevenants.

Je vais vous citer un texte de Louisiane Gauthier, psychologue à la DPJ. Ce texte important figure en annexe au rapport Jasmin et démontre l'importance de la célérité des interventions. Elle disait:

    La difficulté à supporter les délais est une caractéristique fréquemment rencontrée chez les adolescents et généralement accentuée chez les délinquants; elle est d'ailleurs souvent au coeur de l'agir délinquant. Si le souvenir et l'anticipation sont des capacités qui font défaut aux délinquants, le système qui les punit doit compenser ses incapacités de façon à ce que le lien de causalité entre un geste déviant et sa conséquence soit maintenu. Les réflexes délinquants de minimisation de ses actes s'arriment parfaitement à une mémoire oublieuse encore attachée à la pensée magique de l'impunité.

Si j'en avais le temps, je vous lirais cet extrait 25 fois afin que vous puissiez le comprendre correctement. Mais puisque je veux passer mon message au complet avant le 2 mai, je vais continuer. Elle poursuit en disant:

    Une réaction sociale lente est une édulcoration de l'acte délinquant interprétée, par l'adolescent, comme une expression d'indifférence sinon comme une forme de tolérance par défaut. Dès lors, l'adolescent, dans son effort d'identification sociale, n'a plus à faire qu'avec un filet troué et son réflexe délinquant le poussera à fuir par les interstices jusqu'à ce qu'il échoue, souvent tardivement, devant une écrasante muraille impossible à traverser. Les longs délais sont plus que du temps perdu, ils sont le tombeau des occasions échappées et des espoirs déçus.

C'est une très belle citation, deux semaines avant Pâques. Elle disait: «Les longs délais sont plus que du temps perdu, ils sont le tombeau des occasions échappées et des espoirs déçus.» En quoi le projet de loi C-3 nous aidera-t-il à cesser de perdre du temps? En aucune façon, monsieur le président. C'est encore pire puisqu'il fera en sorte qu'on va augmenter les délais.

• 1150

Les adolescents ont un sens du temps qui diffère—monsieur le président, je ne vous apprendrai rien—de celui qu'en ont les adultes. Tous les psychologues et les psychiatres vont vous le dire. La notion du temps d'un adolescent est différente de celle d'un adulte. Pour conserver leur sens, les interventions doivent survenir suffisamment rapidement pour que les jeunes puissent les situer dans le contexte de l'infraction. Il faut que les jeunes prennent conscience de ce qu'ils ont fait. Il faut que l'intervention soit très rapide. Il faut qu'elle soit le plus rapprochée possible de l'infraction qu'ils ont commise. Plus le moment de l'infraction et celui de la sanction sont éloignés, plus l'infraction diminue subjectivement dans l'esprit de l'adolescent, et plus la possibilité que le délinquant se perçoive comme la victime de la loi au lieu de se voir comme le transgresseur de la loi s'accroît.

J'aimerais qu'on ait cela en tête lorsqu'on va adopter ce projet de loi article par article. J'aimerais que les libéraux aient en tête que le principe du temps, de la célérité des interventions, est important. Je voudrais qu'ils se rappellent ce que je viens de dire et qu'ils essayent de trouver quelque part dans le projet de loi C-3 des dispositions qui vont répondre à ce besoin de rapprocher le plus possible l'adolescent de l'infraction qu'il a commise, en rapprochant le moment où une sanction est prononcée. Plus l'intervention sera rapide, meilleurs seront les résultats. J'aimerais dire à ceux qui n'étaient pas là hier, monsieur le président, que j'ai donné un exemple frappant de cela. Au niveau de la question du temps et de la façon dont on l'applique, c'est différent.

Monsieur le président, j'aimerais que vous confirmiez qu'il y a quorum.

[Traduction]

Le président: Je crois que l'un des membres du comité est juste à l'extérieur de la salle.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: On va attendre qu'il y ait quorum, monsieur le président. Ce que je dis est trop important et je veux que tout le monde l'entende.

[Traduction]

Mme Carolyn Bennett: Ce serait plus facile si nous pouvions aller aux toilettes. S'il y avait ici un autre député bloquiste, nous pourrions au moins nous permettre d'aller aux toilettes. Pourriez-vous faire venir un autre membre du Bloc, pour que nous puissions aller aux toilettes?

[Français]

M. Michel Bellehumeur: On continue, monsieur le président.

J'aimerais que vous expliquiez un jour à vos collègues du Parti libéral que ce n'est pas à l'opposition qu'il incombe de maintenir le quorum ici, mais plutôt à eux. Ce sont eux qui représentent le gouvernement. Qu'ils en profitent. Ça peut aller vite en politique.

Je continue. Je suis de bonne humeur et ça va très très bien, mon affaire, monsieur le président. Je pense que le message passe tranquillement, mais il passe. Je vois dans les yeux des libéraux d'en face que mon message passe tranquillement.

Monsieur le président, je disais que la célérité des interventions était primordiale. Je vois très bien que le projet de loi C-3 n'améliore rien. Au contraire, on complexifie, on rend plus complexe toute l'approche au niveau des délais. Après deux ou trois heures, je commence à avoir de la difficulté à m'exprimer, mais on va y parvenir, monsieur le président.

Donc, les délais sont très importants. On a fait des études comparatives, monsieur le président. Je comprends que mes collègues ne pourront pas tout faire cela en deux semaines. Ils pourront toutefois sûrement consulter des gens qui ont fait ce travail, entre autres le juge Jasmin qui est allé voir des gens qui ont témoigné de leur expérience et qui lui ont parlé des comparaisons qu'ils ont établies entre certains dossiers. Ces gens vous diraient la même chose qu'ils lui ont dite.

• 1155

Je pourrais vous parler du point de vue qu'ont exprimé les substituts du procureur général d'un district où j'ai pratiqué, le district judiciaire de Joliette, des personnes qui ont collaboré à l'étude au chapitre des interventions des intervenants dans les dossiers des jeunes. Ils ont vu les choses de façon très claire, je dirais même hors de tout doute raisonnable. Puisque nous sommes ici au Comité de la justice, utilisons des termes que tout le monde connaît. Je dirais qu'ils ont vu hors de tout doute raisonnable que la question du temps était cruciale, que plus tôt on intervenait dans un dossier, plus le jeune voyait les conséquences de son infraction et meilleurs étaient les résultats obtenus. Le jeune comprenait davantage la portée de ses gestes. Le jeune voyait que ce qu'il avait fait était blâmable. Les parents intervenaient également davantage, tentaient de trouver une solution. Tout le monde travaillait dans le même sens aux besoins de l'enfant et à la sécurité de la société. Donc, les délais sont extrêmement importants et il est inacceptable qu'ils soient longs.

Avant de vous demander s'il y avait quorum, je m'apprêtais à vous donner l'exemple suivant. Certaines provinces, malheureusement, investissent dans ce qui se voit, dans la décoration, dans les beaux meubles, les beaux planchers qui reluisent, les beaux classeurs de couleur et elles en sont très fières. C'est vrai que l'ambiance de travail doit être très bonne.

Cependant, dans ces beaux palais de justice, où tout est en ordre et bien classé, si on demande quels sont les délais entre le moment de la comparution et la tenue du procès, on obtient la réponse suivante, me disait le juge Jasmin: nous sommes en novembre, nous sommes très bien organisés, le rôle n'est pas trop chargé et tout va très bien, la comparution pourrait être fixée en juin, ou peut-être en septembre si plusieurs causes se présentent d'ici là. Cela fait six, sept, huit, neuf, dix mois d'attente, monsieur le président. Il faut voir qu'au Québec, lorsqu'il s'écoule plus de 30 jours entre la comparution et le procès, la cloche se met à sonner pour indiquer «danger».

C'est sûr que certains cas exceptionnels et très complexes peuvent exiger beaucoup d'enquêtes. Il peut alors s'écouler de 40 à 45 jours, mais le temps d'attente normal ou moyen avant la comparution, quelle que soit l'époque, quel que soit l'engorgement du rôle des causes pour jeunes contrevenants, est de 30 jours.

Il n'en a pas toujours été ainsi. C'est depuis l'étude dont je me fais le promoteur. Je souhaiterais de tout coeur vous voir demander quelque chose de semblable dans vos provinces qui auraient pris conscience que les délais sont très importants et seraient prêtes à prendre les moyens nécessaires, en investissant davantage dans l'application de la loi, afin d'améliorer les délais entre la comparution et le procès.

Ces délais sont très importants, mais vous comprendrez que les délais dans le travail effectué par les policiers pour monter un dossier, pour obtenir les éléments de preuve sont également très importants. Tout délai dans le travail des intervenants sociaux est également important. Les délais pour obtenir le rapport du psychologue ou du psychiatre est très important si la cour en a besoin. Tout le monde doit travailler efficacement et rapidement afin d'arriver à de bons résultats dans le plus court laps de temps possible, monsieur le président. Donc, on n'insistera jamais assez sur la célérité des interventions.

Par la suite, monsieur le président, la cohésion et la responsabilité de tous les intervenants sont capitales. Hier je comparais un petit peu les intervenants ou plutôt tout le système de justice pour adolescents au Québec à une chaîne dont chaque maillon était important. Je disais qu'on ne pouvait pas se permettre qu'un seul maillon soit faible si on voulait atteindre de bons résultats. Pour y arriver, il faut qu'il y ait collaboration entre tous les intervenants. Il faut que les intervenants se sentent concernés. Il faut qu'ils se sentent responsables de la bonne application de la Loi sur les jeunes contrevenants.

• 1200

Qu'est-ce qui est dit, dans le rapport Jasmin, à propos de la cohésion entre intervenants et de leur responsabilité? J'invite encore une fois mes collègues d'en face à le lire durant les deux semaines de relâche, conformément à la motion que j'ai présentée. On dit ceci:

    Au-delà des exigences spécifiques que comportent leurs fonctions respectives, les personnes qui interviennent auprès d'un même adolescent doivent voir leur rôle et assumer leurs responsabilités en fonction de grands objectifs et de moyens communs, dans une perspective d'ensemble à laquelle elles participent toutes. La cohérence est un fil conducteur auquel chaque intervenant (policier, judiciaire ou social) doit pouvoir greffer des interventions dont il se sente responsable.

On n'a pas acquis cette maturité du jour au lendemain. Ce n'est pas du jour au lendemain qu'on a appliqué efficacement la Loi sur les jeunes contrevenants. Il y a tout un passé derrière cette réussite. C'est l'engagement de chacun, la collaboration qui s'exerce entre tous, le sens de la responsabilité de chaque intervenant vis-à-vis de la mise en application de la Loi sur les jeunes contrevenants, l'expertise acquise par chacun qui font qu'en bout de ligne elle est bien appliquée.

Monsieur le président, je comprends que les intervenants, après avoir travaillé pendant des années à établir quelque chose de solide, s'interrogent et aient des craintes lorsqu'ils voient la ministre présenter du nouveau préparé à la sauvette et pour des motifs politiques, qui risque de mettre un terme à ce qui se fait au Québec. Je les comprends de dire qu'il ne faut pas agir ainsi et présenter un tel projet de loi. Je comprends tous ceux et celles qui ont à mettre la loi en application d'adresser un même et unique message au gouvernement d'Ottawa: «Retirez le projet de loi. Demandez aux provinces comment elles appliquent la Loi sur les jeunes contrevenants. Demandez-leur quelle est leur politique jeunesse.»

C'est important de le faire, monsieur le président. Sinon, les conséquences seront épouvantables. On ne pourra pas revenir en arrière. Il faut que les députés aient cela en tête lorsqu'ils voteront article par article—un jour ou l'autre mais j'espère jamais—sur le projet de loi C-3, monsieur le président. Je dis des choses extrêmement importantes dont je ne fais qu'un survol et que j'invite mes collègues à lire dans le rapport Jasmin. Voici ce qu'on y dit de la cohésion et de la responsabilité de tous les intervenants:

    Le processus à travers lequel un adolescent passe lorsqu'il fait l'objet d'interventions comporte diverses étapes dont la responsabilité est souvent assumée par des personnes différentes...

Si on s'arrête à réfléchir pendant cinq minutes à la façon dont cela fonctionne, on se rend compte que c'est vrai. Qu'il s'agisse des policiers, des substituts du procureur général, des avocats de la défense, des délégués à la jeunesse, des juges ou des intervenants chargés d'appliquer les mesures de rechange, ils font tous partie, monsieur le président, du processus. Et chacune des étapes du processus a sa propre fonction, à un point tel qu'un des spécialistes rencontrés par le juge Jasmin et son groupe a comparé ce processus à celui d'une chaîne de montage où la compréhension qu'a chaque personne de son rôle et de sa responsabilité est importante.

• 1205

La vision d'ensemble est essentielle pour intervenir dans un dossier. Il faut avoir une vision commune de l'objectif à atteindre et des moyens qu'il faut prendre pour faire fonctionner le système, monsieur le président. Cette vision s'appelle la cohérence. Cette cohérence est possible avec la Loi sur les jeunes contrevenants. Pourquoi risquer de la perdre avec le projet de loi C-3? Pourquoi risquer, monsieur le président, de mettre la hache dans un système qui fonctionne depuis des années au Québec?

    Il y a plus de vingt-cinq ans, la commission Prévost dénonçait ce qu'elle appelait les «disparités d'intention», déplorant les antagonismes qui opposaient divers individus ou groupes professionnels les uns aux autres et souhaitant que «les divers collaborateurs de l'administration de la justice oeuvrent et travaillent dans la même direction.»

La commission Prévost ne date pas d'hier, monsieur le président. Pour ceux qui ne le connaissent pas, le rapport Prévost a été présenté en 1968 au gouvernement du Québec. Vous voyez que ce n'est pas d'hier qu'on s'interroge sur le système de justice et sur ce que nous pouvons faire de plus pour les jeunes contrevenants et pour tout le système de justice. Pour ceux qui aimeraient lire ce rapport, c'est celui de la Commission d'enquête sur l'administration de la justice en matière criminelle et pénale au Québec. Le titre en est La société face au crime. Ce que j'ai commenté tout à l'heure se trouve à la page 20 de ce rapport, monsieur le président. C'est à la page 20 qu'on parle de la disparité d'intentions et qu'on déplore que les divers collaborateurs de l'administration de la justice ne travaillent pas tous dans le même sens, selon la même orientation.

Cette étude a été faite au Québec en 1968. J'aimerais savoir si, dans les autres provinces, une étude semblable a été faite. Est-ce que je pourrais savoir si, dans les autres provinces, on s'est arrêté cinq minutes pour voir si, dans l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants, les intervenants étaient cohérents? Est-ce que je peux savoir? Est-ce que je peux savoir s'il y a des provinces qui se sont arrêtées un peu avant de crier au loup pour vérifier ce qui se faisait chez elles?

En les intervenants, est-ce que dans les provinces ils se sentent responsables du dossier qu'ils ont entre les mains? Est-ce qu'ils travaillent conjointement pour un objectif précis, soit l'atteinte des principes à la base de la Loi sur les jeunes contrevenants: besoins du jeune, responsabilité des parents et du jeune et protection de la société? Chacun de ces intervenants doit se sentir engagé. Est-ce que cela a été fait dans les autres provinces? Nous l'avons fait en 1968.

En 1995, on a senti le besoin de le répéter, de tenter de l'améliorer. On s'est arrêtés et on a réfléchi à la question. Est-ce qu'on a consulté les provinces à cet égard avant de produire un projet de loi illisible comme le projet de loi C-3 que nous avons ici? Est-ce qu'on s'est interrogé quelque peu avant de produire un projet de loi et de faire de la politique sur le dos des jeunes? À ma connaissance, non. Éclairez-moi! Je vous le demande. Je pense que cela ne s'est pas fait, sinon on me l'aurait dit et on serait venu me porter les documents.

À l'heure actuelle, je parle à un député quand il veut avoir de l'information, quand il me pose des questions sur ce que j'ai dit au cours de la journée parce qu'il a appris telle ou telle chose. «Est-ce vrai qu'il en est ainsi au Québec?» «Où as-tu appris cela?» «Qu'est-ce que tu veux dire?» C'est sûr que ce député fait toujours partie de l'opposition.

Les membres du gouvernement n'ont pas cette largeur de vue. Ils doivent suivre la ligne du parti. Ils doivent donner l'impression de tout connaître. Les députés sont peut-être plus humbles quand ils sont de ce côté-ci de la table. En tout cas, ce sont eux qui me posent des questions. Donc, monsieur le président, cela prouve qu'on ne sait pas exactement ce qui se pratique.

Je comprends que tout le monde ne sache pas ce qui se fait au Québec. Toutefois, avant de voter article par article un projet de loi comme celui-ci, il faudrait au moins que chacun sache ce qui se fait dans sa propre province.

• 1210

Ma circonscription est située au Québec. Je pense que personne ici ne représente une circonscription de la planète Mars. Il faut qu'ils sachent ce qui se fait chez eux avant de vouloir modifier le système.

Monsieur le président, on dit également:

    Il est certain que diverses personnes doivent assumer des rôles qui les placent dans des perspectives différentes, voire opposées.

Vous comprendrez que le procureur de la Couronne et l'avocat de la défense ont des rôles différents. Je pense que tout le monde sait cela. On donne l'exemple des avocats spécifiquement. On ne doit cependant pas laisser ces différences de rôles entraver la cohérence dans les interventions. Et on ne peut pas être incohérent dans la façon dont on applique la loi lorsque la déclaration de principes et les objectifs sont clairs, nets et précis. C'est ce qu'on trouve dans la Loi sur les jeunes contrevenants. C'est ce que nous ne retrouvons pas dans le projet de loi C-3.

    La cohérence signifie «adhérer ensemble». Elle requiert que diverses personnes qui interviennent à l'endroit d'un même jeune contrevenant voient leur rôle et assument leurs responsabilités en fonction de grands objectifs et de moyens communs, dans une perspective à laquelle elles participent toutes. Que dire, par exemple, d'une situation où un jeune serait mis sous garde par un juge avec un objectif déclaré de prévention de récidive alors que le centre de réadaptation qui le recevrait axerait ses interventions sur de tout autres perspectives, sans égard pour l'objectif en fonction duquel la mise sous garde a été ordonnée? La légitimité même de cette mise sous garde ne serait-elle pas mise en cause?

Ce serait épouvantable. Lorsque je vois les critiques de certains députés de provinces autres que le Québec, provinces qui semblent, dans certains cas, avoir certaines mesures de rechange très proactives et qui subissent quand même les critiques de la part de députés fédéraux, je me dis que c'est peut-être justement parce qu'il n'y a pas une bonne cohérence entre la décision du juge, l'objectif qu'il avait en tête lorsqu'il a imposé telle ou telle autre sentence, ou telle ou telle autre mesure de rechange, et le centre qui accueille le jeune.

Ce n'est pas la loi qui fait défaut dans ce cas-là; c'est la façon dont on l'applique qui fait défaut. On ne change pas la loi pour résoudre un problème semblable. On tente de régler le problème au niveau du centre. On tente de régler le problème qu'il semble y avoir au niveau de la cohérence. On tente de responsabiliser les intervenants, incluant les juges, s'ils sont dans l'erreur. On ne modifie pas une loi qui fonctionne bien. Au pis aller, on la mettra au panier, cette loi, comme on veut le faire. C'est effrayant. On met à la poubelle une loi qui fonctionne bien sous prétexte qu'on va répondre à certaines demandes d'autres provinces, alors qu'il y a des incohérences qui ne sont pas attribuables à la loi. Le problème, c'est qu'on l'applique mal ou qu'on ne veut pas l'appliquer dans certaines provinces.

Les difficultés évoquées à l'époque de la commission Prévost, au Québec, étaient malheureusement toujours actuelles en 1995. En 1995, lorsqu'il a étudié la question, le groupe du juge Jasmin est arrivé à la conclusion que les conclusions du rapport Prévost n'avaient peut-être pas été comprises et suivies à 100 p. 100.

• 1215

Pourquoi ont-ils fait eux-mêmes certaines constatations et proposé des choses positives au gouvernement du Québec? C'était pour répondre, justement, à ce manque de cohérence qu'on avait noté en 1965 dans le rapport Prévost et qui, en 1995, existait encore.

Est-ce qu'on a demandé de changer la Loi sur les jeunes contrevenants pour autant? Mais non. On a déterminé ce qu'on pouvait faire dans notre cour avant de demander au fédéral de modifier la Loi sur les jeunes contrevenants. Tous les gens sensés feraient la même chose. Jusqu'à preuve du contraire, il y a bien des gens sensés et de bonne foi. On dit en droit qu'on présume de la bonne foi. C'est une règle de droit. Je suis persuadé que les provinces sont de bonne foi, mais il faut qu'elles s'arrêtent un peu et qu'elles se posent des questions, et lorsqu'elles verront qu'elles sont incapables de répondre à leurs propres questions, elles vont mettre en branle certains comités d'étude, comme on l'a fait en 1968 avec la commission Prévost et comme on l'a fait dans les années 1990 avec le groupe de travail du juge Jasmin.

On arrive ainsi à certaines conclusions, et s'il y a des mesures à prendre dans certains ministères, on le fait. Si on doit adopter certaines mesures législatives, on les adopte. On compte sur nous-mêmes avant de compter sur le gouvernement fédéral. Avant de crier au loup, on tente de régler la problématique chez nous, surtout lorsqu'il s'agit de l'application de la loi.

Quelle que soit la loi, si on l'applique mal, les résultats ne seront pas ceux que l'on souhaite. Quelle que soit la loi, si on ne veut pas l'appliquer, les résultats seront ceux que l'on mérite. Je vais vous donner un autre exemple qu'on donnait dans le rapport qui a été rédigé en 1995. On y dit ceci:

    ...des policiers comprennent mal certaines mises en liberté ordonnées par les juges; des intervenants sociaux qui souhaitent que certaines interventions soient faites au nom des besoins de l'adolescent n'apprécient pas de se heurter à la vision d'un avocat de la défense à qui son client a donné le mandat d'obtenir la mesure la moins contraignante possible;

Tout avocat, qu'il s'agisse de l'avocat de la défense ou du procureur de la Couronne, un jour ou l'autre, fait la même constatation. L'avocat de la défense travaille pour obtenir la sentence la plus clémente possible, et l'avocat de la Couronne tente d'obtenir la sentence la plus rigide possible. La seule différence, lorsqu'il y a concertation, c'est qu'ils ont tous deux le même objectif et, surtout, que le juge qui tranche a en tête la déclaration de principes que je vous ai lue tantôt.

Donc, il continue en disant:

    Sans doute un plus grand souci de concertation a-t-il permis d'effectuer des rapprochements significatifs au cours des deux dernières décennies. On peut notamment penser aux rapports entre les réseaux de la justice et des services sociaux qui se sont améliorés d'une manière qui vaut d'être soulignée. Mais en même temps, le processus est devenu plus complexe, notamment avec l'introduction d'évaluations et de mesures de rechange sans intervention du tribunal; il en est résulté un accroissement du nombre d'étapes et d'interventions spécialisées, avec les risques de cloisonnement qui en découlent.

Il y a un danger à vouloir se spécialiser. Tout le monde en convient. Il y a un danger à vouloir avoir des interventions pointues, et c'est que chacun fasse son petit bonhomme de chemin de façon très responsable, mais sans se soucier de ce qui va arriver une fois qu'il aura terminé son mandat.

Cela n'arrive pas, cependant, lorsqu'il y a une bonne concertation et lorsque les gens se sentent responsables, non pas de leur propre mandat, mais de l'aboutissement du dossier. Il y a une différence notable, monsieur le président. On est capable de faire cette différence à l'heure actuelle avec la Loi sur les jeunes contrevenants. Pourquoi vouloir la changer, monsieur le président?

• 1220

On continue en disant:

    Mais en même temps, le processus est devenu plus complexe, notamment avec l'introduction d'évaluations et de mesures de rechange sans l'intervention du tribunal;

Le programme qu'on a mis sur pied au Québec prévoit la possibilité de recourir à certaines mesures de rechange pour les jeunes contrevenants sans pour autant qu'ils doivent passer devant les tribunaux. On peut exercer une certaine discrétion et appliquer le bon sens. On dit aussi:

    La spécialisation des rôles comporte des avantages qui la rendent nécessaire. Elle peut aider à prévenir des conflits de rôles. Elle constitue par ailleurs une des conditions de développement des compétences des intervenants: on ne peut être compétent en tout. Chacun doit développer sa compétence en fonction de son rôle propre. Chacun doit également développer une bonne compréhension du rôle qui incombe aux autres intervenants: cette compréhension est un préalable aux ajustements mutuels que requiert la cohérence.

J'espère que vous comprenez tout le sens de ce que je viens de vous lire et que c'est une question que vous vous poserez lorsque vous partirez vendredi pour la relâche de deux semaines, avant de revenir le mardi 2 mai 2000 à 9 h 30. C'est une question que vous devrez aussi poser aux intervenants dans vos provinces, en plus de leur demander s'ils ont des politiques jeunesse. Posez-leur des questions. Qu'est-ce que vous faites entre différents intervenants? Est-ce que vous vous parlez de temps en temps? Est-ce que vous vous sentez responsables du geste que posent les policiers dans un dossier? Est-ce que vous sentez le besoin de prendre connaissance du rapport d'un psychoéducateur dans le dossier afin de comprendre d'où vient le jeune, où l'avenir va le mener, comment on doit le prendre et ainsi de suite? Est-ce que vous vous sentez responsables? Est-ce que vous intervenez? Où est la cohérence dans tout cela?

Ce sont des questions qui se posent et que vous avez l'obligation de poser, monsieur le président, avant d'entamer l'étude article par article du projet de loi C-3. Moi, je vous dis, monsieur le président, qu'après avoir beaucoup lu sur le sujet, rencontré beaucoup d'intervenants et vu la nécessité de cette cohérence, je me rends compte qu'en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants, nous avons cette cohérence. Nous pouvons l'obtenir si nous appliquons correctement la Loi sur les jeunes contrevenants. C'est donc une question primordiale que vous devez poser à ceux et celles qui l'appliquent dans vos provinces respectives. Que faites-vous? Comment appliquez-vous la Loi sur les jeunes contrevenants chez vous? Voilà les questions que vous devez poser avant de vouloir modifier quoi que ce soit et de mettre au panier une loi qui fonctionne et qui a fait ses preuves au Québec. Disons tous ensemble non aux modifications et non au nouveau projet de loi.

Vous devez faire au moins cet exercice-là chez vous, à titre de députés responsables. Vous devez faire cette vérification avant de poursuivre l'étude. Chez nous, on sait que la cohérence et la responsabilité de tous les intervenants sont des facteurs importants. Nous sommes conscients qu'il y avait certains problèmes et nous avons tenté de les régler. Je pense très sincèrement que, depuis 1995, on a apporté au Québec de nombreuses améliorations à ce niveau-là. C'est pourquoi nous avons aujourd'hui une coalition dont les membres affirment tous qu'ils se sentent engagés dans la bonne gestion de la justice des mineurs.

C'est sûr qu'il y a un rôle primordial, un rôle extrêmement important que jouent les juge. Ils doivent être compétents—et je pense qu'ils le sont tous puisqu'ils ont tous une très bonne formation—et appliquer la loi. Au Québec entre autres, ils ont une spécialisation importante qui fait en sorte qu'ils sont un des maillons extrêmement importants de la chaîne de la justice des mineurs dont je parlais tout à l'heure. Ils sont sans doute le maillon le plus important, le plus fort de tout le système et celui qui tient le plus mordicus à une bonne application de la Loi sur les jeunes contrevenants. Ce maillon recherche le plus possible l'atteinte de l'objectif premier de la Loi sur les jeunes contrevenants, qui est le besoin de l'enfant, d'où découlent la protection de la société et l'implication des divers intervenants. Il y a donc une prise de décision tenant en compte l'ensemble de la situation. Le juge doit avoir tous les éléments devant lui afin de pouvoir répondre adéquatement aux besoins de l'enfant.

• 1225

Que dit-on, monsieur le président, dans le rapport Jasmin au sujet de la prise de décision qui tient compte de l'ensemble de la situation? On dit à la page 33:

    Tout doit être mis en oeuvre par les corps policiers ainsi que par les intervenants sociaux et judiciaires afin de grouper les dossiers relatifs à un même jeune, dans le respect des principes juridiques pertinents, d'une façon qui permette aux décisions de porter sur l'ensemble de la situation de l'adolescent.

Il faut qu'on retrouve dans un même dossier tous les éléments qui permettront au juge de prendre la meilleure décision possible, ainsi qu'orienter et aider tous les intervenants à répondre aux besoins précis du jeune contrevenant qu'on a devant nous.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup, monsieur Bellehumeur.

Je fais remarquer au comité qu'il est 12 h 30. Quand nous avons levé la séance, hier, nous avions parlé du fait que la séance d'aujourd'hui durerait de 9 h 30 à 12 h 30, de manière que ceux qui doivent retourner chez eux puissent le faire. C'est pourquoi...

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Je n'ai pas terminé mon intervention, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Eh bien, puisque nous...

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Je suis prêt à continuer pendant tout l'après-midi, si vous le voulez. J'ai un message à faire passer. J'ai quelque chose à vous dire.

[Traduction]

M. Reg Alcock: Mon coeur saigne.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Je ne vous ai pas encore livré le cinquième du message que je voulais vous transmettre.

[Traduction]

Le président: J'aimerais que nous parlions de votre motion. Tenez compte du fait que nous partons aujourd'hui pour ne revenir que le mardi après le congé pascal. Dans les circonstances, je pense que vos arguments ont bien porté.

Cela dit, je souhaite à tous de bien réfléchir, pendant ces deux semaines.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Monsieur le président, avant que vous ajourniez nos travaux jusqu'au mardi 2 mai 2000, j'aimerais vous informer que j'ai fait part de deux avis de motions au greffier, dont je vais lui remettre copie. J'ai également ajouté quatre autres motions. Je vous donne donc avis de ces six motions que je dépose aujourd'hui même auprès du greffier.

[Traduction]

Le président: Je vous signale que j'ai déjà reçu des avis pour d'autres motions aussi, qui vous seront distribués.

Merci beaucoup. J'espère que vous profiterez bien des deux semaines qui viennent.

La séance est levée.