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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 24 février 2000

• 1226

[Traduction]

Le vice-président (M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.)): Je demande aux témoins qui ont eu la patience de rester de bien vouloir prendre place à la table. Nous allons commencer.

Je dois m'excuser auprès des témoins qui ont tellement attendu, mais au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, nous nous livrons à de petits jeux sur la colline. Vous vous rappelez ce jeu de ballon-chasseur que l'on jouait en cercle dans la cour d'école? Eh bien, c'est ce que nous faisons ici, au son de la sonnerie et au rythme de la lumière qui clignote, mais cela revient essentiellement au même. Je m'excuse encore une fois auprès des témoins.

Nous siégerons plus tard que prévu et nous essaierons de garder un nombre suffisant de députés présents, même s'ils ont d'autres engagements. Nous allons tenter d'avoir assez de gens présents pour vous bombarder de toutes les questions qui nous passent par la tête.

Voici comment nous procédons habituellement: chacun d'entre vous peut faire un exposé de dix minutes. Je peux faire preuve de souplesse, mais pas trop, car nous aimons avoir amplement de temps pour poser des questions. Nous vous serions donc reconnaissants de vous en tenir à dix minutes chacun.

Madame Sowden, voulez-vous commencer?

Mme Diane Sowden (directrice générale, Children of the Street Society): Premièrement, je voudrais vous remercier de m'avoir permis de venir témoigner aujourd'hui. Je m'appelle Diane Sowden et je suis la mère d'une jeune contrevenante. Je suis aussi directrice générale de la Children of the Street Society, qui est un groupe de soutien pour les parents qui ont vu un de leurs enfants happé par l'industrie du sexe en Colombie-Britannique ou dont l'un des enfants est devenu toxicomane invétéré.

Je voudrais d'abord récapituler brièvement ce qui s'est passé dans notre famille et ce qui est arrivé à notre fille. Nous avons adopté ma fille à l'âge de sept ans. Elle venait d'un foyer où il y avait beaucoup de violence et c'était une enfant très difficile qu'il fallait encadrer rigoureusement pour sa propre sécurité. Comme nous l'aimions beaucoup, nous avons établi des règles très strictes dans notre foyer pour assurer sa sécurité. Tout a bien fonctionné jusqu'à ce qu'elle atteigne l'âge de 13 ans; c'est alors qu'elle a découvert que ses droits l'emportaient sur sa sécurité.

À 13 ans, elle est allée vivre dans la rue, à Vancouver, avec des amis plus âgés qu'elle. Elle s'est enfuie parce qu'elle n'aimait pas qu'on lui impose un couvre-feu chez elle, elle ne voulait pas avoir à rendre compte du temps qu'elle passait en dehors de la maison, ni même rentrer à la maison à l'heure des repas.

En tant que parents, nous avons essayé de la ramener à la maison. La police nous a dit que si nous recommencions à la retenir contre son gré, des accusations seraient portées contre nous. À ce moment-là, nous avons demandé l'aide des services sociaux, parce que nous estimions que notre fille était une enfant qui avait besoin de protection. On nous a dit qu'il n'y avait rien à faire. La réponse qu'on nous a donnée, c'est qu'il fallait espérer qu'elle soit accusée d'un crime, après quoi nous aurions peut-être de l'aide.

En moins de deux mois, elle s'est accrochée à la cocaïne sous forme de crack et a commencé à mener une vie criminelle. Quatre mois après avoir quitté la maison, elle a été accusée d'avoir mis le feu à une école de notre localité. C'est mon mari et moi qui l'avons dénoncée à la police. Nous pensions que ce serait le point tournant et que nous aurions peut-être de l'aide pour mon enfant et pour notre famille.

• 1230

Cette première accusation portée contre elle a été suivie d'une évaluation de 30 jours et nous nous sommes dits: «Maintenant, on va répondre à ses besoins». À l'issue de cette évaluation de 30 jours, la recommandation suivante a été faite: si jamais elle devait être trouvée coupable d'un acte criminel, il était évident que ce qui lui ferait le plus grand bien, ce serait de vivre dans un milieu structuré de façon très rigide où l'on pourrait l'encourager à continuer ses études tout en lui donnant accès à des thérapeutes qui l'aideraient à contrôler ses impulsions et à composer avec ses antécédents de violence extrême. Il lui serait également profitable de participer à un programme d'aide aux toxicomanes qui serait fort probablement couronné de succès s'il se déroulait sous garde. Si on lui imposait une période de probation, il était fort probable qu'elle ne respecterait pas les conditions imposées, qu'elle retomberait dans la drogue et fréquenterait de nouveau des compagnons et compagnes antisociaux, ce qui anéantirait tous les efforts en vue de l'amener à changer de comportement. Telle était la recommandation.

Après plusieurs comparutions devant le tribunal, on lui a infligé une période de probation de six mois. Elle a été renvoyée dans une famille d'accueil dont elle s'était enfuie à maintes reprises, sans couvre-feu, sans obligation de fréquenter l'école ni d'habiter avec un dispensateur de soins, et on ne lui a offert aucun programme de désintoxication—tout cela à l'encontre des souhaits de ses parents et contrairement à la recommandation faite à l'issue de l'évaluation. À peine quelques heures plus tard, elle avait quitté la famille d'accueil et était retournée vivre dans la rue.

Au cours des 18 mois suivants, notre fille s'est retrouvée à maintes reprises devant les tribunaux et a été placée sous garde à de nombreuses occasions, souvent pour n'avoir pas respecté les conditions de la probation. Exaspéré, l'agent de probation a recommandé d'annuler l'ordonnance de probation, puisqu'elle n'était pas observée de toute façon. En supprimant l'ordonnance de probation, on nous a aussi enlevé toute possibilité de faire arrêter notre fille dans les fumeries de crack et dans les impasses fréquentées par les prostituées. C'était aussi une négation des valeurs que nous tentions de lui enseigner, à savoir que si elle enfreignait la loi, elle devrait en subir les conséquences.

En tant que jeune contrevenante, notre fille s'est vue assigner un avocat par l'aide juridique. Cela a été fait automatiquement, sans tenir compte de notre situation financière en tant que parents ni de la gravité de l'accusation. C'est ainsi que nous avons été écartés et empêchés de participer à la procédure et de nous entretenir avec les avocats, parce qu'aux termes de son mandat, l'avocat avait des obligations envers notre fille et non pas envers ses parents.

La plupart des renseignements présentés au tribunal par l'avocat étaient faux, puisqu'ils lui avaient été communiqués par notre fille, qui s'efforçait d'être libérée. Notre fille nous avait dit, à mon mari et moi, qu'elle était coupable et nous lui avions donc demandé de plaider coupable. Mais l'avocat de ma fille lui a expliqué qu'un plaidoyer de culpabilité n'était pas nécessairement dans son intérêt. Mais elle était effectivement coupable. Le système fonctionnait à l'encontre des valeurs que nous avions inculquées à notre fille et lui montrait plutôt comment utiliser le système à son avantage.

Au cours des deux années suivantes, notre fille a été placée dans plusieurs foyers de groupe et familles d'accueil. Elle n'est restée dans aucun de ces foyers parce qu'ils avaient aussi des règles. À l'époque, elle était totalement sous l'emprise de son accoutumance aux drogues et d'un souteneur adulte qui la transformait en prédatrice. Elle recrutait d'autres enfants pour en faire des travailleurs du sexe, mais comme ce renseignement n'était pas communiqué aux responsables dans notre collectivité, je me suis chargée de ce devoir afin d'assurer la sécurité des autres enfants. Je suis allée dans toutes les écoles de notre ville pour distribuer une photo de notre fille...

Excusez-moi.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Voulez-vous faire une pause?

Mme Diane Sowden: Ça va. Je trouve ce passage très difficile.

Le vice-président (M. Ivan Grose): C'est compréhensible.

Mme Diane Sowden: Nous avons distribué une photographie de notre fille et avons averti qu'elle recrutait d'autres enfants pour les enrôler dans la prostitution. Si son souteneur, qui était un adulte, avait été actif dans la collectivité, cette information aurait été diffusée, mais elle ne l'a pas été parce que notre fille était une jeune contrevenante. Cela faisait courir un risque élevé aux autres enfants de notre ville et permettait aussi au souteneur d'exercer un contrôle plus serré sur notre fille. Elle avait alors 14 ans.

Au cours des cinq années suivantes, pendant toute son adolescence, notre fille a continué de mener cette vie, entrecoupée de nombreuses périodes de détention. Les accusations portées contre elle étaient variées: incendie criminel, vol de moins de 5 000 $, vol de plus de 5 000 $, manquement aux conditions de la probation, sollicitation, vol avec effraction. Mais on ne s'est jamais attaqué au véritable problème: sa toxicomanie. La raison en est qu'elle refusait tout traitement et qu'il était impossible de l'obliger à en subir un.

Elle a bien eu des ordonnances de probation qui stipulaient qu'elle devait suivre un traitement pour toxicomanes, mais le problème est que la plupart des établissements spécialisés refusaient d'accepter un enfant obligé de suivre une cure de désintoxication aux termes d'une ordonnance de probation. De plus, quand nous réussissions à la faire entrer dans un établissement de traitement pour toxicomanes, elle pouvait s'en aller quand elle voulait. Il n'y avait aucun moyen de l'obliger à y rester.

• 1235

Elle s'est donc retrouvée accrochée à l'héroïne, ce qui lui coûtait 300 $ par jour, et elle vivait dans la rue, dans le quartier sordide du bas de la ville. Pour payer sa drogue, elle commettait des crimes, se prostituait et recrutait de nouvelles filles pour en faire des travailleuses du sexe. Pendant cette période, elle a donné naissance à deux bébés intoxiqués par la drogue, de sorte que le cycle va se poursuivre.

Ce qu'il nous fallait, c'étaient les moyens de donner à notre fille le traitement dont elle avait besoin. Il faut que les tribunaux puissent décréter une exception permettant de détenir un enfant ou un adolescent pendant tout le temps qu'il faut pour suivre une cure de désintoxication et des traitements de stabilisation. Cette période pourrait être mise à profit pour faire une évaluation approfondie, élaborer un plan de suivi et obtenir de l'enfant une adhésion suffisante pour qu'il ne retourne pas immédiatement à la situation antérieure, avec tous les risques que cela comporte.

Par l'entremise de notre organisation, nous avons fait un sondage auprès d'autres parents qui ont vécu des situations semblables à celle qu'a connue notre famille. Notre recherche nous a permis de constater que 1 484 parents ont appelé au service téléphonique d'aide pour toxicomanie du ministère de l'Enfance et de la Famille en 1999, demandant de l'aide pour leur enfant. Et il doit y en avoir beaucoup d'autres qui n'ont pas réussi à joindre ce service.

Nous avons interviewé 134 parents qui avaient des enfants drogués. De ce nombre, 57 p. 100 étaient héroïnomanes et 51 p. 100 se droguaient à la cocaïne sous forme de crack. Ce sont tous des adolescents. De plus, 20 p. 100 d'entre eux s'étaient livrés ou se livraient encore à la prostitution, 78 p. 100 s'étaient livrés ou se livraient encore à des activités criminelles, et 38 p. 100 avaient été ou étaient encore sous la garde du ministère de l'Enfance et de la Famille.

Ce que les gens ne comprennent pas tant que leur famille n'est pas directement touchée, c'est que lorsque le ministère de l'Enfance et de la Famille prend en charge un enfant, cela ne veut pas dire que la famille a renoncé à s'en occuper. En cinq ans, notre famille a signé 13 fois une entente avec le ministère pour lui confier volontairement notre enfant, la raison étant que pour beaucoup de programmes, le seul moyen d'obtenir que ma fille y soit inscrite était de faire en sorte qu'elle soit prise en charge par le ministère.

De ces jeunes, 58 p. 100 avaient été ou étaient encore en prison. J'ai par ailleurs trouvé très intéressant de constater que 50 p. 100 des jeunes en question habitaient encore à la maison. Il ne s'agissait donc pas de parents qui avaient renoncé à s'occuper de leurs enfants. C'étaient des parents qui étaient frustrés parce que le système ne leur permettait pas d'avoir accès à l'aide dont leurs enfants avaient besoin.

Parmi les parents qui avaient trouvé des programmes, 54 p. 100 ont dit que le programme avait duré moins de deux mois. Quand on travaille avec un enfant toxicomane, on sait qu'il faut au moins 12 mois pour résoudre les problèmes. La toxicomanie est habituellement le résultat de mauvais traitements ou d'autres problèmes affectifs avec lesquels l'enfant est aux prises. Seulement 6 p. 100 d'entre eux ont dit que le programme avait duré plus de six mois. À peine 38 p. 100 des jeunes ont suivi les programmes avec succès et seulement 10 p. 100 des parents considéraient que le programme était un succès éclatant. Quand nous avons parlé aux parents qui cherchent aujourd'hui des traitements pour toxicomanie, ils ont dit que seulement 19 p. 100 des enfants acceptaient volontairement de s'inscrire aux programmes, quand ils réussissaient à en trouver un. Les autres refusaient le traitement.

En tant que parent d'un enfant toxicomane, je suis très frustrée de n'avoir pas réussi à assurer la sécurité de mon enfant. Et en tant que parent, j'ai essayé d'être tout à fait responsable et d'apprendre à mon enfant à discerner le bien et le mal. Mais ce qui s'est passé, c'est qu'on lui a enseigné qu'elle n'avait pas à assumer la responsabilité de ses actes. On lui a aussi enseigné que les règles que lui avaient fixées ses parents ne correspondent pas à la vraie vie.

• 1240

J'ai aussi constaté que la société veut que mon mari et moi- même soyons responsables des torts qu'elle a causés dans la collectivité, mais que nous n'avions aucun droit quand venait le temps d'obtenir le traitement dont elle a si désespérément besoin.

Merci beaucoup.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, madame Sowden.

Monsieur Oborne, je vous prie.

M. David Oborne (président, Partenariat d'éducation sur la justice applicable aux adolescents): Merci, monsieur Grose. Je vous remercie de m'avoir invité à rencontrer aujourd'hui les membres du comité.

Je m'appelle David Oborne. Je suis président du Partenariat d'éducation sur la justice applicable aux adolescents. Je suis par ailleurs directeur adjoint d'une école à Coquitlam, en Colombie- Britannique, ville où habite Mme Sowden. Je voudrais donc m'adresser au comité à ce double titre. Je serai bref dans les deux cas.

Premièrement, en tant que président du Partenariat d'éducation sur la justice applicable aux adolescents, je voudrais vous présenter notre point de vue et j'ai remis au comité un mémoire dont vous recevrez certainement copie en temps opportun.

Le Partenariat d'éducation sur la justice applicable aux adolescents a été créé à l'initiative du ministère de la Justice en 1994. Sentant le besoin d'une meilleure éducation d'un bout à l'autre du pays sur les questions soulevées par la Loi sur les jeunes contrevenants, le ministère de la Justice a demandé à des intervenants clés de divers secteurs de se rassembler pour aider à conseiller le ministère sur ce qu'il fallait faire.

C'était un groupe multisectoriel et multidisciplinaire, qui comprenait des juges des tribunaux pour adolescents; des gens du milieu de l'éducation comme moi; des gens qui travaillaient avec des jeunes contrevenants à titre de membres de la Société John Howard, et aussi avec des jeunes en probation; et des gens qui représentaient tous les coins du pays. Ce groupe s'est réuni en un certain nombre d'occasions et s'est constitué en organisation officielle. Chacun de notre propre point de vue, nous nous efforçons de travailler aux dossiers relatifs au système de justice pour adolescents.

Les membres de notre groupe ont la conviction que dans une grande mesure, le mécontentement à l'égard de la Loi sur les jeunes contrevenants et le passage au nouveau projet de loi C-3 sont attribuables au manque d'information sur le fonctionnement du système de justice en général, et notamment en ce qui a trait aux jeunes. Nous exhortons les membres du comité à ne pas perdre de vue que même si ce projet de loi sera adopté et introduira des pénalités plus sévères, il n'aura pas de résultats satisfaisants et n'aura en fait aucune influence directe sur le taux des jeunes qui ont des démêlés avec la loi. Nous estimons que c'est une tragédie.

Nous devons vraiment, collectivement, en tant que société, nous attaquer aux causes profondes qui sont antérieures aux infractions commises par les jeunes. Nous n'avons pas eu de succès à cet égard.

La notion de tolérance zéro a fait son apparition dans chacun de nos systèmes. Je suis sûr que vous avez tous entendu parler de la tolérance zéro et de ses répercussions sur notre réseau scolaire. Ces mesures, fondées sur la loi ou bien sur une politique du conseil scolaire, témoignent vraiment de la frustration et du manque de compréhension et non pas d'un examen des antécédents du comportement qui a mis notre jeunesse dans cette situation difficile.

De notre point de vue, au Partenariat d'éducation sur la justice applicable aux adolescents, nous recommandons au comité de voir à ce que la mesure législative sur la justice pour adolescents souscrive aux objectifs que nous préconisons et que nous énonçons dans notre mémoire. Cela peut se faire par un énoncé de principes, par le texte de loi lui-même et par sa mise en application. Nous demandons au comité de se pencher également sur les questions suivantes.

Il faut mettre sur pied un programme national pour renseigner les Canadiens sur notre législation en matière de justice pour les jeunes et sur son administration, afin de s'assurer qu'elle est bien comprise, pour faciliter les processus démocratiques et pour promouvoir des valeurs sociales et un comportement positif au sein de notre jeunesse. Le programme national d'éducation sur la justice applicable aux adolescents doit faire en sorte que tous les Canadiens, y compris les nouveaux Canadiens et les jeunes autochtones, aient accès à des connaissances sur la loi et sur les causes profondes qui nous ont amenés à légiférer de la sorte.

Le programme national d'éducation sur la justice pour adolescents doit tabler sur les compétences et les ressources des réseaux nationaux qui ont déjà été mis sur pied pour renseigner le public en matière juridique et notamment d'organisations comme celles qui font partie du Partenariat d'éducation sur la justice applicable aux adolescents. Nous demandons au comité permanent d'encourager et d'appuyer une rencontre entre le Partenariat et les divers ministères de la Justice et de l'Éducation, les organisations nationales comme le Conseil des ministres de l'Éducation, et les organismes publics d'éducation juridique afin de répondre aux besoins d'un programme global d'éducation juridique dans nos écoles.

• 1245

Notre organisation est d'avis que si nous procédons à la pièce et de façon improvisée, nous n'aurons jamais un système de justice qui rend vraiment la justice. Nous demandons au comité permanent de recommander que des ressources plus abondantes soient mises à la disposition de l'éducation juridique et du système de justice pour adolescents lui-même.

Enfin, nous demandons au comité permanent d'appuyer l'octroi d'un soutien additionnel à des projets qui explorent des moyens efficaces de traiter avec les jeunes qui ont des démêlés avec la loi ou qui risquent d'en avoir.

Les objectifs de notre groupe sont les suivants. Le Partenariat d'éducation sur la justice applicable aux adolescents est un réseau dont le but est de mettre sur pied des partenariats chargés de diffuser des renseignements sur l'appareil de justice pour les jeunes au Canada. Le Partenariat fait la liaison entre les jeunes, les collectivités, les organisations et les gouvernements dans le but de promouvoir un traitement équitable, approprié et efficace des jeunes; de contribuer à la prévention du crime parmi les jeunes; de promouvoir la responsabilité sociale; de renforcer la capacité des collectivités, des organisations et des services juridiques de s'attaquer aux problèmes des jeunes et de veiller à ce que les Canadiens disposent d'une information exacte et précise sur les systèmes de justice pour adolescents; et enfin de faire en sorte que tous les Canadiens comprennent mieux le système de justice applicable aux adolescents.

Je voudrais maintenant, si vous le voulez bien, vous adresser la parole à titre d'administrateur scolaire. J'ai été administrateur à Brossard, au Québec; à Winnipeg, au Manitoba; et à Coquitlam, en Colombie-Britannique, pendant 30 ans. J'ai travaillé auprès de jeunes à risque. J'ai travaillé avec des jeunes qui ont été pris en charge.

Nous, au Partenariat, avons vu quantité de travaux de recherche, d'études et de projets isolés qui ont été financés et qui ont abouti à des résultats concrets. Nous estimons qu'il faut travailler auprès de l'ensemble des jeunes, car tous les étudiants doivent devenir des citoyens bien informés au Canada. Il existe un besoin et il faut le combler.

Il faut aussi aider les jeunes qui ont eu des démêlés avec la justice pour adolescents. J'ai remis au comité, à titre d'information, un exemple d'un tel projet auquel nous avons participé à Winnipeg (Manitoba). Nous nous sommes occupés de 15 membres d'un gang asiatique, qui avaient tous entre 15 et 19 ans, qui avaient tous quitté l'école depuis plus de trois mois, tous sans la moindre source apparente de revenu, et qui avaient tous des casiers judiciaires à titre de jeunes contrevenants.

Notre expérience auprès de ces enfants nous a menés à conclure qu'il y a effectivement de l'espoir pour ces enfants qui se sont livrés à des activités criminelles. Des 15 étudiants inscrits au programme, il en restait 15 à la fin du programme. Des 15 qui ont participé au programme, un seul, cinq ans plus tard, a été incarcéré de nouveau. Les autres se sont tous réorientés vers une vie adulte saine et productive.

Notre projet nous a donc montré qu'il est possible d'aider les étudiants et les jeunes qui ont des démêlés avec la loi. Nous avons connu certains succès remarquables et je voudrais en évoquer deux en particulier.

L'un des étudiants qui, à l'issue de notre programme, est retourné à l'école plutôt que d'aller travailler a fini par décrocher un diplôme en génie, avec distinction, de l'Université du Manitoba. Laissé à lui-même, cet étudiant aurait probablement été englobé dans les statistiques relatives à notre système de justice criminelle pour adultes.

Un deuxième jeune dont la carrière n'est pas aussi éclatante était bien connu du magasin Canadian Tire de la localité, car il avait l'habitude de faire ses achats sans payer à ce magasin avant le début du programme. À l'issue du programme, quand il a fallu le placer, nous l'avons renvoyé au Canadian Tire, où il a commencé à travailler au service de gestion des stocks. À la fin du programme, Canadian Tire l'a embauché car il était le meilleur gérant des stocks que la compagnie ait jamais eu. Il connaissait le stock mieux que quiconque et savait comment empêcher les gens de faire du vol à l'étalage.

Il y a donc moyen de réorienter les jeunes qui ont eu des difficultés dans la vie. Je pense que nous voulons tous que nos enfants réussissent. Cela devrait être le fondement de tout système de justice pour adolescents que nous voudrions mettre sur pied.

Dans notre organisation, nous nous sommes également penchés sur la question des jeunes à risque. Je voudrais faire part au comité d'un projet auquel j'ai personnellement participé, avec deux collègues, un pédopsychiatre et un psychologue pour enfants; ce projet était mené conjointement avec le gouvernement de Hong Kong, plus précisément le ministère de l'Éducation et le ministère des Services sociaux. Dans le cadre de cette étude, nous avons réussi à mettre au point un outil permettant de déceler et de mesurer le risque; ainsi, on peut déceler les élèves qui, durant leur cheminement scolaire, ont le potentiel de devenir des adolescents à risque. Si nous pouvons travailler avec les étudiants à ce niveau, nous pourrons éviter énormément de difficultés et de souffrances.

• 1250

Je n'ai pas le temps d'entrer dans les détails, mais je vous ai remis à titre d'information un document d'une page où l'on explique les résultats. Le gouvernement de Hong Kong a jugé ces résultats d'une telle importance qu'il a décidé d'affecter un travailleur social à chaque école secondaire et cette décision a nécessité l'embauche de 400 personnes. C'est une excellente décision qu'ont prise les autorités de ce pays.

En fait, cela augure bien pour nous, car si nous pouvons déceler nos jeunes à risque au Canada avant qu'ils aient des démêlés avec la loi et leur offrir des programmes, nous ne nous en porterons que mieux.

Le Dr Dan Offer, du Centre médical Chedoake à Hamilton, qui est bien connu pour ses travaux de recherches épidémiologiques, estime que nous pouvons être entre neuf et douze fois plus efficaces si nous traitons les jeunes avant qu'ils ne soient en crise. Dans notre programme à Coquitlam, nous avons mis en place, avec l'aide de Justice Canada, un programme pour les jeunes à risque à l'école intermédiaire.

En terminant, il est important pour nous de bien faire comprendre aux membres du comité que nos jeunes sont à risque. Ils sont menacés par les prédateurs comme ceux dont Diane Sowden vient de nous parler, les gens qui cherchent à utiliser les jeunes pour en tirer profit par la prostitution. Nous en voyons des exemples tous les jours dans nos villes. Nous constatons que nos services de police sont frustrés de ne pas pouvoir s'attaquer à ces prédateurs. Nous voyons aussi les jeunes et les adolescents en train de devenir une importante source de gain financier pour les revendeurs de drogues. Nous encourageons le comité à faire également des recommandations dans ce domaine.

Monsieur le président, je vous remercie de votre temps.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur Oborne.

Comme vous le voyez, notre petit jeu de sonnerie et de lumière clignotante a repris. C'est une sonnerie d'une demi-heure et nous devrons donc partir dans une vingtaine de minutes.

Monsieur Hackler.

M. James C. Hackler (Université de Victoria): Je vais vous parler du système plutôt que de cas individuels.

Dans les années 1960, la Loi sur les jeunes délinquants suscitait des préoccupations. Les Libéraux s'inquiétaient au sujet des protections; les Conservateurs se demandaient si les jeunes assumaient la responsabilité de leurs actes. Ce débat a débouché en 1984 sur l'adoption de la Loi sur les jeunes contrevenants.

J'estimais toutefois, dans les années 1970, alors que je suivais déjà l'évolution des tribunaux pour les jeunes depuis une trentaine d'années, que les tribunaux tenaient compte dans les faits des faiblesses de la Loi sur les jeunes délinquants. Celle-ci stipulait par exemple que les jeunes devaient témoigner contre eux- mêmes, mais il semble que ces défauts étaient mitigés par la pratique. On peut donc se demander si la Loi sur les jeunes contrevenants était nécessaire; en rétrospective, je ne le pense pas vraiment, mais à l'époque, nous le croyions.

Toutefois, rien n'indique que la Loi sur les jeunes contrevenants a constitué une amélioration pour ce qui est de réduire la délinquance. En fait, il semble que ce soit exactement le contraire: on dirait presque que nous récoltons les conséquences négatives de ce que l'on pourrait appeler l'introduction dans le système de justice pour enfants d'un système de justice pénale caractérisé par son échec, contrairement à ce qui se fait dans la plupart des autres pays du monde.

Soit dit en passant, il semble qu'il ne soit pas possible de combler toutes les brèches dans une loi. Nous avons peut-être la Loi sur les jeunes contrevenants la plus volumineuse du monde. La loi de Hong Kong, qui date justement de 1984, la même année que la nôtre, fait environ 14 pages.

Il serait beaucoup plus logique d'établir quelques principes et de supposer que les gens qui composent le système sont doués d'intelligence. Ce n'est malheureusement pas ce que nous faisons.

Depuis 15 ans, nous nous sommes contentés de rendre les châtiments toujours plus sévères, en nous disant que cela contribuerait d'une façon ou d'une autre à réduire le crime. Nous savons que ce n'est pas vrai, mais en même temps, nous semblons faire comme si c'était ce que le public réclame. Je trouve que cela n'a aucun sens. La réaction initiale est toujours la même: serrons la vis. Mais on s'aperçoit bientôt que cette approche ne fonctionne pas. Je pense donc que nous réagissons de façon exagérée à une impression fausse de la part du public.

Je vais donner deux exemples tirés du projet de loi pour faire comprendre pourquoi cette mesure laisse à désirer.

• 1255

Il semble raisonnable de tenir les parents responsables lorsque leurs enfants se conduisent mal. Bien des gens recommandent d'adopter cette attitude. Beaucoup de juges que je rencontre se disent quand ils entrent en fonction: «Je vais tenir les parents responsables», surtout les juges qui, au moment de leur nomination, ne connaissent pas bien le système de justice pour adolescents, c'est-à-dire la majorité d'entre eux. Avec le temps, les juges se rendent toutefois compte que les parents ont davantage besoin d'aide plutôt que d'être punis. Si l'on punit les parents, ils sont davantage portés à laisser tomber tout simplement leurs enfants. Les juges se rendent donc compte assez rapidement que c'est une mauvaise stratégie qui est contraire au bon sens.

Il est en réalité payant de venir en aide à ces parents, pourvu que l'on s'y prenne assez tôt. Il ressort de l'expérience de presque tous les pays d'Europe que le soutien des parents, dès le début, donne des résultats positifs. Mais nous ne soutenons pas beaucoup ces parents.

Quand je prends la parole devant le Club Rotary ou d'autres sociétés philanthropiques, la question de la punition des parents est presque toujours soulevée. Il me faut 10 ou 15 minutes pour expliquer l'évidence, après quoi les gens me disent: «Oui, je comprends ce que vous voulez dire». Il ne faut pas tellement de temps pour faire un peu de formation. Comme la plupart des gens, les juges apprennent leur métier sur le tas et ils comprennent cela après quelques mois. Il ne leur faut pas tellement de temps pour tirer cette conclusion.

Il y a un deuxième aspect de la Loi sur le système de justice pour adolescents que l'on propose que je ne comprends pas vraiment. Il y est question de peines d'adultes. J'ignore si l'on veut parler des tribunaux pour adultes. C'est une partie de la loi qui est très floue. Je n'ai pas la moindre idée de ce que cela veut dire exactement.

On semble s'imaginer que l'on va résoudre le problème en envoyant les enfants se faire juger par des tribunaux pour adultes. Ce n'est pas vrai. Cela ne fonctionne pas. Les faits parlent d'eux- mêmes. En Amérique du Nord, les enfants qui sont jugés devant des tribunaux pour adultes s'en tirent avec des peines plus légères que s'ils étaient jugés par les tribunaux pour adolescents. Mais de ce point de vue, je ne sais pas vraiment ce que dit le législateur dans ce projet de loi.

Je le répète, si vous allez prendre la parole devant les membres du Club Rotary, vous verrez que ces gens-là comprennent très bien après 10 ou 15 minutes que les tribunaux pour adultes ne comportent aucun avantage par rapport aux tribunaux pour adolescents. Les juges des tribunaux pour adolescents sont bien formés. Les gens qui les entourent sont également mieux au fait de la situation des jeunes que ne le sont les juges des tribunaux pour adultes. On se trouve donc essentiellement à faire de la mise en scène et le public peut le comprendre; il suffit de le lui expliquer pendant une dizaine de minutes.

Il est question dans le projet de loi de diverses mesures de rechange. Mais elles existent déjà. Si l'on veut faire quelque chose, c'est possible dès maintenant. Aucune des mesures que l'on propose dans la nouvelle loi n'aide le moindrement, même si elles peuvent sembler utiles à première vue. Mais les solutions de rechange sont disponibles dès maintenant, il suffit de vouloir les appliquer.

Sharon Moyer a fait il y a une vingtaine d'années une excellente étude sur les programmes de déjudiciarisation. On aime bien utiliser l'expression «mesures de rechange». Dans son rapport qui date de 20 ans, elle décrit bien les faiblesses de ces programmes, qui sont nombreux. Il n'y a rien de changé. Nous n'avons pas tellement tenu compte des travaux qui ont été faits ici même à Ottawa sur cette question précise.

Si les instances locales le veulent, elles peuvent le faire. Il y en a beaucoup d'exemples. Le programme Sparwood en Colombie- Britannique est un bon exemple de mesures qui ont été prises par la police, avec l'appui de la collectivité, et qui semblent donner des résultats. Je répète donc que ce que vous faites essentiellement avec ce projet de loi, c'est de la mise en scène pure et simple.

Mais le principal défaut du projet de loi, c'est qu'il érode la crédibilité du gouvernement. Ceux d'entre nous qui travaillent dans le système de justice pour adolescents comprennent que le gouvernement n'est pas sérieux quand il prétend vouloir s'attaquer à la délinquance. Vous ne tenez aucunement compte des idées des gens du Québec, qui sont les chefs de file au Canada dans le domaine de la justice pour les jeunes. Ils ont mis sur pied un système de justice pour les jeunes qui n'est pas aussi bon que celui des Européens, loin de là, mais qui est meilleur que celui du reste du Canada. Nous pourrions nous pencher sur ce qui se fait dans cette province. Je pense que Jean Trépanier, qui est assis juste derrière moi, pourrait vous en parler mieux que moi.

Ce que je vous dis, c'est que vous ne faites pas attention à la recherche qui se fait ici même au Canada; or, certains des travaux les plus intéressants ont été réalisés par les gens du Québec.

De plus, les travaux que mène Richard Tremblay à l'Université de Montréal sont parmi les plus prometteurs en Amérique du Nord. C'est très clair: si l'on consacre les ressources aux très jeunes enfants, on en a beaucoup plus pour son argent. Les ressources que l'on investit dans le système de justice pour les jeunes à des étapes ultérieures ne rapportent rien. En fait, à l'heure actuelle, le rendement semble être négatif.

• 1300

Je reconnais que la réalité politique impose des contraintes à l'élaboration d'une mesure législative constructive, mais cela ne veut pas dire que l'on ne peut pas faire un effort pour adopter de bonnes lois et apporter des changements intelligents. Il y a environ 25 ans, par exemple, nous avons pris conscience de la violence familiale. Il semble bien que les mesures prises à ce sujet par les gouvernements en Amérique du Nord depuis un quart de siècle ont permis d'obtenir des résultats. Après un quart de siècle, les taux d'homicide en situation familiale ont diminué sensiblement. L'intervention législative des gouvernements peut y avoir contribué. Vous pouvez donc faire des choses constructives dans certains domaines.

Ou bien vous pouvez choisir l'autre voie. Cette deuxième voie est illustrée par le programme Safe and Drug-Free Schools qu'on a lancé aux États-Unis pour interdire toute violence et toute drogue dans les écoles. Après avoir dépensé six milliards de dollars, on se retrouve avec un programme politique qui coûte les yeux de la tête et qui ne rapporte rien. Mais personne n'a le courage de dire: «C'est un programme merdique». Non, on continue d'injecter de l'argent dans ce programme parce qu'il paraît bien. C'est exactement le cas de ce projet de loi. Il est censé convaincre les gens que l'on fait quelque chose. Mais en fait, on ne fait rien, et vous perdez donc votre crédibilité.

Quand Anne McLellan est arrivée au portefeuille de la Justice il y a quelque temps, elle tenait aux journalistes des propos intelligents et réfléchis et certains d'entre nous dans le milieu se sont dits: «Enfin! Peut-être réussira-t-elle à faire quelque chose d'intelligent dans ce domaine». Cette crédibilité s'est évanouie. Nous savons maintenant que ce n'est que de la poudre aux yeux et c'est cela qui fait mal.

Y a-t-il quelque chose que l'on puisse faire? Eh bien, je pense que l'idée même d'essayer de régler tout cela à coup d'argent est stupide. Examinez plutôt certains systèmes peu coûteux. Dans mon petit document que voici, je donne l'exemple de Fidji. Ce petit pays, qui sort tout juste d'une décennie de dictature, a très peu de ressources, mais les habitants de Fidji semblent avoir fait preuve d'imagination et d'intelligence. Autrement dit, nous avons ailleurs dans le monde des modèles de stratégies raisonnées.

Il y a aussi dans différentes régions du pays des exemples de souplesse, des juges, des procureurs et des avocats de la défense qui font preuve d'imagination et qui permettent à l'occasion à un travailleur social et à un agent de probation de réintégrer le système. Ils ont quasiment été exclus du système depuis 20 ans. Ils jouaient auparavant un rôle plus important et le système s'en portait mieux.

Ce qui s'est passé, c'est que nous avons tenté d'élaborer toute une série de règles pour encadrer les systèmes, et on retrouve une très grande variété d'un bout à l'autre du Canada, ce qui a probablement des conséquences positives. Une fois que ces gens-là ont appris à composer avec ce fouillis de lois, ils peuvent s'attaquer aux tâches sérieuses.

Cette mesure proposée va maintenant ralentir le processus. Elle va retarder le travail efficace qui se fait. Essentiellement, vous perdez toute crédibilité aux yeux du public quand vous persistez à croire qu'il faut se plier aux demandes des gens qui veulent des lois plus dures.

Je prononçais un jour une allocution à l'Université Simon Fraser et quelqu'un a brandi une pancarte sur laquelle on lisait: «Combien d'enfants devons-nous enfermer?» Quand je suis allé à la police, j'ai vu la même affiche et quelqu'un avait écrit dessus: «Tous». C'est une réaction normale. Mais quand on s'entretient avec les policiers, on constate qu'individuellement, ils sont tout à fait prêts à collaborer. Ils se doivent de parler durement, mais en fait, ils sont d'un grand secours.

Je suis passé par le bureau de probation. J'y ai vu encore la même affiche et quelqu'un avait écrit dessus: «Tous». Mais quand on parle aux agents de probation, on s'aperçoit qu'ils sont un peu plus compréhensifs qu'on le laisse entendre.

Il y a donc la perception que tout le monde veut enfermer tous les enfants. C'est la réaction instinctive. Mais quand on prend la peine d'en parler aux gens, on voit bien qu'ils ont un point de vue raisonnable.

Ce que vous faites avec ce projet de loi, c'est perdre la confiance du public qui ne croit plus que vous êtes sérieux et que vous voulez vraiment faire quelque chose à propos de la délinquance juvénile. Il y a des choses que l'on peut faire. Il y a des programmes d'éducation que l'on peut mettre en place.

En France, par exemple, la fille de Mme Sowden aurait eu affaire à un juge français très très tôt et le juge aurait travaillé avec la famille au tout début, si bien que l'affaire ne se serait probablement jamais rendue devant les tribunaux. On n'aurait probablement jamais infligé de mesures punitives, mais on aurait déployé beaucoup d'efforts, en faisant intervenir les services de cinq ministères différents, pour essayer d'empêcher cette situation. Nous avons créé un système dans lequel nous n'établissons pas ce genre de rapport, de collaboration avec les services qui sont disponibles.

Je pense que je ferais mieux de me la fermer.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur Hackler.

Monsieur Cadman, je voudrais que vous posiez une question chacun, M. MacKay et vous-même, et je vous demanderais donc de vous en tenir à une seule question.

M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Réf.): Combien de temps voulez- vous, Peter?

Le vice-président (M. Ivan Grose): Arrangez-vous entre vous.

M. Chuck Cadman: Je remercie les témoins d'être venus aujourd'hui.

Je tiens simplement à faire savoir que j'ai travaillé avec Diane pendant un certain nombre d'années sur bon nombre de ces dossiers, et je voudrais donc lui poser une question.

• 1305

Chose certaine, nous avons pris bonne note de vos préoccupations relativement à la participation des parents au système. Quelle a été l'attitude de votre fille face à la façon dont le système la traitait?

Mme Diane Sowden: Ma fille prétend maintenant avoir réintégré le droit chemin depuis neuf mois, et son sentiment est que le système lui a permis de faire cela et qu'en tant que parents, nous aurions dû avoir le droit d'intervenir. Elle rejette vraiment beaucoup le blâme sur les services de protection de l'enfance et sur la police, qui n'ont pas su la protéger. Elle croit que ce que nous n'avons cessé de réclamer, c'est-à-dire un traitement pour toxicomanie, est exactement ce dont elle avait besoin.

M. Chuck Cadman: Dans quelle mesure estimez-vous que vous auriez dû intervenir personnellement? Y a-t-il dans le projet de loi ou dans l'actuelle Loi sur les jeunes contrevenants des dispositions qui permettraient à votre avis de faire participer davantage les parents? Est-il possible de rendre cette participation obligatoire par voie législative? Avez-vous des suggestions en ce sens?

Mme Diane Sowden: Nous aurions dû être partie prenante dès le début, quand on a fait l'évaluation de 30 jours. Les recommandations énoncées dans le rapport correspondaient à ce dont notre famille avait besoin, selon nous, mais on n'y a jamais donné suite et le juge ne les a même pas prises en compte.

Nous aurions dû aussi, comme je l'ai dit, pouvoir retenir les services d'un avocat pour notre fille et être représentés également, en tant que membres de la famille, ce qui n'est pas arrivé. En fait, on nous a mis des bâtons dans les roues. Quand je téléphonais à l'avocat de ma fille, il ne retournait pas mes appels et il a même fait savoir à ma fille qu'il refusait de nous parler. Quand je l'ai vu en cour, il m'a dit: «Je vous ai vu à l'oeuvre. Je ne veux pas vous parler». Ce que je voulais, c'est que l'on me rende des comptes et je voulais obtenir les ressources dont ma fille avait besoin.

À plusieurs reprises, au cours de ces cinq années, nous aurions pu intervenir pour protéger notre fille. Un souvenir me revient. Quand elle était à Wellington, nous avons demandé que notre fille soit surveillée 24 heures sur 24 car elle avait fait une tentative de suicide un mois auparavant. On nous a dit qu'on s'en occuperait. Trois jours plus tard, elle a été amenée à l'urgence parce qu'elle s'était coupée les veines des poignets pendant qu'elle était en détention. Quand j'ai demandé pourquoi on ne l'avait pas surveillée étroitement pour empêcher toute tentative de suicide, on m'a dit qu'on lui avait parlé et qu'on n'avait pas l'impression qu'elle présentait un risque. Jamais nous n'avons été informés. J'ai demandé: «Comment s'est-elle procurée un rasoir?», et on m'a répondu qu'on le lui avait donné à sa demande pour se raser les jambes et qu'on l'avait laissée sans surveillance parce que c'était son droit.

Nous aurions pu perdre notre fille, simplement parce que personne n'a respecté notre opinion. Nous connaissions notre fille mieux que quiconque et ils n'ont même pas pris la peine de nous faire savoir qu'ils en étaient venus à la conclusion qu'elle ne présentait aucun risque.

Bien des fois, quand elle a comparu devant le tribunal, nous n'avons même pas été avertis. Et j'ai trouvé très intéressant que ma fille ait téléphoné, chaque fois, la veille de sa comparution, pour nous dire qu'elle allait en cour, même si elle vivait dans la rue. Elle savait que mon mari et moi-même serions présents au tribunal et que nous demanderions qu'elle soit gardée en détention, parce qu'il n'y avait pas d'autres ressources et que l'on ne pouvait la caser nulle part ailleurs. Mais cela ne l'a pas empêchée de voir à ce que nous soyons là, chaque fois. Pour moi, c'était le signe d'un enfant qui appelle à l'aide, et le système la laissait constamment tomber.

M. Chuck Cadman: Merci, monsieur le président.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci.

Merci, madame Sowden.

Monsieur MacKay, vous avez trois minutes.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Merci, monsieur le président.

Je vous remercie tous d'être présents et de nous avoir fait part de vos expériences personnelles et de vos réflexions sur ce dilemme dans lequel nous nous trouvons, car nous devons tenter de rédiger une loi qui donnera satisfaction.

Madame Sowden, vous savez que cette nouvelle loi, à bien des égards, met davantage l'accent sur des mesures autres que le placement sous garde, en particulier pour les infractions sans violence. Elle préconise la prévention de première ligne, ou du moins, c'est ce que l'on prétend dans le projet de loi: les modèles de justice réparatrice et de programmes de déjudiciarisation sont la solution, c'est-à-dire que l'on fait appel à la participation de la collectivité. C'est une bien belle philosophie en théorie, mais si l'on n'a pas les ressources ni le personnel voulus, il me semble que cela nous mène tout droit vers le cheminement dont votre fille a fait l'expérience.

Dans certaines circonstances, le système devrait permettre de donner satisfaction aux enfants comme votre fille, qui supplient quasiment le système de les prendre en charge, de les amener et de leur donner le temps de voir clair en eux et de s'en sortir.

• 1310

Cette approche du «zoo apprivoisé»—l'expression est de moi—ne semble pas donner ce pouvoir discrétionnaire. On semble plutôt s'orienter vers une plus grande indulgence initiale. Il me semble que c'est cette expérience qui a vraiment contribué au naufrage de votre fille. Qu'en pensez-vous?

Mme Diane Sowden: Ce qui s'est passé, je crois, c'est que nous ne nous attaquions pas au problème: sa toxicomanie. Nous avons alors travaillé avec le système pour la criminaliser, dans le but d'obtenir de l'aide, et c'était une erreur. Cela n'a pas marché. Le résultat a été de décourager ma fille de demander même un traitement pour toxicomanes, à cause de la pénible expérience que représente le sevrage de drogues sur le plancher des toilettes dans un centre de détention pour jeunes. Une fois sortie, elle n'aurait jamais demandé de son propre chef à être admise à un programme de désintoxication, à cause de cette expérience.

J'aurais aimé pouvoir compter sur un établissement de traitement en milieu fermé, séparé des centres de détention pour jeunes, où ma fille aurait pu être obligée de suivre le traitement pour toxicomanie, sans avoir le droit de sortir à volonté.

La loi no 1 de l'Alberta donne le pouvoir d'arrêter un enfant qui se livre à la prostitution. Un pourcentage élevé de ces enfants sont accrochés à la cocaïne sous forme de crack ou à l'héroïne, et la désintoxication fait partie du processus par lequel ils doivent passer.

La loi est pleine de bonnes intentions. Par contre, on peut seulement détenir l'enfant pendant 72 heures. Je sais qu'après 72 heures, quand on ramassait ma fille pour la renvoyer ensuite dans la rue, le risque qu'elle se fasse du mal était plus élevé parce qu'elle avait alors désespérément besoin de sa dose. Il faut donc que la détention soit de plus longue durée.

Par ailleurs, il faut que ce soit fédéral, parce que ce qui se passe actuellement en Colombie-Britannique, c'est que les enfants de Calgary et d'Edmonton se retrouvent dans les rues de Vancouver parce qu'on ne peut pas les arrêter là-bas. Les souteneurs font donc venir les enfants en Colombie-Britannique, ce qui explique la nécessité d'une loi fédérale.

De plus, je sais que la protection de l'enfance est censée être du ressort des provinces, mais quand il s'agit de suspendre les droits d'un enfant pendant une période quelconque, il faut que ça se fasse dans le cadre des tribunaux fédéraux. La raison en est qu'il faut les garanties nécessaires pour s'assurer qu'il n'y aura pas d'abus et que cette mesure sera appliquée pour les bonnes raisons.

Il faut aussi mettre en place un plan de soins et de gestion des cas pour s'assurer que le plan est réellement appliqué, et aussi pour s'assurer que la jeune personne a le droit d'être représentée par un avocat tout au long du processus afin qu'il n'y ait pas d'abus. Il y a moyen de faire cela tout en évitant les abus et en appuyant la famille, tout en donnant au jeune le traitement pour toxicomanie dont il a besoin.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Nous devons partir, et tout de suite. Si les témoins veulent bien nous attendre, nous serons de retour dans 15 ou 20 minutes. Trois députés ont fait savoir qu'ils vont revenir pour poser des questions. Êtes-vous d'accord? Je sais que je vous demande beaucoup; je m'en excuse, mais je n'y peux rien.

• 1313




• 1343

Le vice-président (M. Ivan Grose): Reprenons la séance. J'espère que chacun se rappelle de quoi nous parlions.

Monsieur Saada, voulez-vous prendre la parole pendant à peu près le même temps qu'ont eu vos deux collègues? Nous continuerons ensuite d'accorder des périodes de temps égales de part et d'autre.

M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Bien sûr.

[Français]

Merci beaucoup, monsieur le président.

[Traduction]

Je voudrais d'abord vous remercier tous pour vos exposés.

Monsieur Oborne, dois-je comprendre de votre intervention que vous avez de très sérieuses réserves à propos des programmes de tolérance zéro dans les écoles?

M. David Oborne: Oui, j'ai en effet des réserves extrêmes là- dessus, parce que j'estime que cela ne répond pas vraiment aux besoins précis des élèves. Un programme de tolérance zéro est simplement une réaction à un événement, mais cela ne tient pas compte de ce qui a précédé cet événement.

• 1345

Tout événement débouche sur le besoin de mesures correctives et je ne veux nullement laisser entendre que ceux qui commettent des infractions ne doivent pas être tenus responsables de leurs actes. Mais il me semble que dans le cas de nos jeunes, nous voulons qu'ils s'épanouissent pour devenir des adultes sains et productifs dans notre société, et à moins d'y mettre le temps et les ressources nécessaires, nous ne ferons qu'augmenter le nombre d'établissements d'incarcération dans notre pays.

La semaine dernière, une organisation membre du Partenariat d'éducation sur la justice applicable aux adolescents, nommément le Conseil des églises pour la justice et la criminologie, a fait devant le comité une présentation semblable dans laquelle on a dit que nous incarcérons proportionnellement deux fois plus qu'aux États-Unis et que notre taux d'infraction parmi les adultes est quatre fois plus élevé.

Dans nos écoles, nous avons besoin de soutien. Dans toutes nos organisations de services sociaux, nous avons besoin de soutien afin de traiter les jeunes efficacement et de façon progressiste.

M. Jacques Saada: Merci.

Je dois dire, Monsieur le président, que M. Oborne était le directeur adjoint de l'école dont ma femme a été elle-même directrice adjointe par la suite, bien que nous n'ayons jamais eu l'occasion de nous rencontrer. J'ajoute que j'ai moi-même présidé le conseil scolaire. C'est donc un plaisir de le rencontrer.

Au prochain tour, j'interrogerai M. Hackler, mais ma question suivante s'adresse à Mme Sowden.

Notre système a des difficultés à s'attaquer aux problèmes des délinquants. Je pense que chacun s'efforce de bonne foi de le faire, mais cela ne fonctionne peut-être pas aussi bien que nous le souhaiterions. Notre système a aussi des difficultés à composer avec les problèmes des victimes. Même si l'on fait preuve, je crois, de bonne foi, il n'en demeure pas moins que beaucoup de problèmes restent à résoudre. Diriez-vous que notre système n'est tout simplement pas équipé pour composer avec une personne qui est à la fois délinquant et victime?

Mme Diane Sowden: Il n'est pas équipé actuellement, mais je ne crois pas que ce soit irréalisable. S'il ne fonctionne pas actuellement, c'est notamment parce que nous avons une solution standard pour tous, au lieu d'étudier chaque cas individuellement. Il faut examiner sur une base plus individuelle la situation du jeune contrevenant et de la victime. Nous devons faire plus d'évaluations et mettre en place un plus grand nombre d'établissements de traitement.

M. Jacques Saada: Je veux rester très terre-à-terre dans mes questions, mais je dois vous demander vos impressions sur un point qui est plutôt affaire de politique que d'aide concrète sur le terrain.

On m'a donné à entendre qu'au Québec, par exemple, le système d'aide à l'enfance permet dans les dossiers des jeunes enfants—je ne parle même pas d'enfants de 12 ans et plus, mais d'enfants encore plus jeunes que cela—de bénéficier des programmes d'aide sociale qui existent au Québec. Ces programmes sont provinciaux. Êtes-vous d'avis que nous pouvons légiférer au niveau fédéral?

Mme Diane Sowden: C'est ce que je voudrais. Je sais qu'au Québec, il y a 170 places de garde en milieu fermé pour les jeunes. En Colombie-Britannique il n'y en a pas du tout. L'un des inconvénients des programmes provinciaux est illustré par ce qui se passe en ce moment même en Colombie-Britannique, c'est-à-dire que les souteneurs font venir les filles de l'Alberta, parce que là-bas aussi, il y a des établissements de garde en milieu fermé. Ils les font donc venir en Colombie-Britannique, où il n'existe rien de tel. Cela contribue donc à faire éclater encore davantage les familles.

Je suis actuellement en contact avec deux familles de Calgary qui ont des filles de 14 ans vivant dans la rue à Vancouver; elles ne peuvent pas faire revenir ces enfants-là en Alberta pour leur faire donner le traitement requis. Il y a des places qui les attendent là-bas. C'est ce qui va se passer si cela se fait au niveau provincial et non pas fédéral.

Je sais qu'il incombe à l'aide sociale à l'enfance d'intervenir pour garantir la sécurité des enfants, mais quand il s'agit de retirer à un enfant sa liberté pendant une période quelconque, il faut passer par les tribunaux et cela doit se faire au niveau fédéral. Il faut mettre en place les freins et contrepoids nécessaires pour éviter tout abus. Tout doit donc se passer au niveau fédéral.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur Saada.

Je propose de siéger jusqu'à 14 h 10 et je pense que des tours de cinq minutes seraient la façon la plus équitable de répartir le temps qui reste.

Monsieur Cadman.

M. Chuck Cadman: J'en aurai terminé après ce tour-ci, de toute façon.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Vous en aurez terminé? Très bien. Dans ce cas, prenez tout le temps que vous voudrez, dans la limite du raisonnable.

• 1350

M. Chuck Cadman: J'ai seulement une question pour M. Hackler.

Dois-je comprendre de votre témoignage sur les peines pour adultes que vous ne croyez pas qu'une peine pour adultes soit appropriée pour une personne de moins de 18 ans, dans n'importe quelle circonstance?

M. James Hackler: Je ne sais pas exactement ce que l'on entend par une peine pour adultes.

M. Chuck Cadman: Eh bien, je dirais que ce serait dans le cas des crimes les plus graves, disons le meurtre au premier ou au deuxième degré.

M. James Hackler: C'est possible.

M. Chuck Cadman: Je m'interrogeais là-dessus, parce que vous avez formulé une opinion sur les peines pour adultes imposées aux jeunes contrevenants.

M. James Hackler: Ce que je ne comprends pas dans le projet de loi, c'est ce que cela signifie, au départ. On semble vouloir dire qu'en envoyant des enfants devant le tribunal pour adultes, on accomplira quelque chose. J'ignore ce qu'il faut comprendre quand on dit qu'un enfant pourra se voir imposer une peine pour adultes. J'ignore simplement ce que ça veut dire. Je ne sais pas comment je dois comprendre le projet de loi à ce sujet.

Disons par exemple qu'un enfant de 12 ans est amené devant le tribunal. Il a assassiné son père. Pendant des années, il a vu son père maltraiter sa mère, jusqu'à ce qu'un jour, il s'empare d'un fusil et descende le papa. C'est un crime horrible et je n'ai pas de solution toute faite. Heureusement, cela arrive très rarement. Ce que je veux dire, toutefois, c'est que la plupart de ces crimes graves se produisent dans des situations très embrouillées, très complexes, et que l'on ne peut vraiment pas faire grand-chose en légiférant.

Mais les juges expérimentés du tribunal pour adolescents sont confrontés à des cas semblables et ils font de leur mieux. À l'heure actuelle, ils ne semblent pas infliger les peines permises. Autrement dit, la durée des peines n'aide pas vraiment. Rien n'indique vraiment que des peines plus longues nous seront utiles. Nous prenons donc une mesure qui n'est pas utilisée à l'heure actuelle, ce qui donne aux gens l'impression que l'on peut améliorer les choses en allongeant les peines. Cette façon d'agir induit le public en erreur en lui faisant croire qu'on a accompli quelque chose.

Il est bien possible qu'il y ait dans nos rues des enfants vraiment méchants. C'est possible. Mais je doute que cela fasse une différence que l'on inflige des peines de trois, cinq, sept ou dix ans. Nous n'avons aucune preuve que des peines plus longues accomplissent quoi que ce soit. Ce sont des cas embrouillés, difficiles. On ne peut pas y remédier de cette manière. On a de bien meilleures chances en consacrant notre temps et nos efforts à une étape beaucoup plus précoce, dans le cadre de programmes d'éducation. Par exemple, les centres de jour réduisent le crime. Nous en avons la preuve. Nous pouvons le faire. Nous pouvons réduire le nombre de meurtres en mettant des ressources dans les centres de jour.

Je ne peux pas me prononcer sur un enfant en particulier qui commet un acte épouvantable, mais dans presque tous les cas, ce sont des situations très embrouillées, fort complexes, et d'utiliser cela comme méthode pour tenter de s'attaquer à la délinquance, c'est... La recherche montre qu'il n'en résulte aucun avantage.

M. Chuck Cadman: Je pense que personne ne va prétendre le contraire ici. Il est vrai que nous sommes maintenant seulement deux—plus le président; excusez-moi. Nous serions mieux avisés de mettre les ressources en première ligne pour la prévention et l'intervention précoces, mais à un moment donné, il faut faire un compromis dans le cas d'un crime comme celui dont nous discutons. Oui, cela arrive rarement, c'est vrai, mais quand ça se produit, il faut bien faire un compromis. Oui, une peine plus longue n'est peut-être pas avantageuse sur le plan de la réinsertion sociale, mais à un moment donné, il faut que justice soit faite en termes de la rétribution que la société s'attend à voir imposer pour une infraction donnée.

M. James Hackler: Je sais que vous avez vécu une terrible expérience personnelle. Nous avons constaté, par exemple dans les concertations des familles que l'on organise pour les crimes très graves, que les victimes se sentent habituellement lésées au plus haut point, et c'est tout à fait compréhensible, et il faut que cette confrontation ait lieu. Mais très souvent, à la suite de ce processus de confrontation, même dans le cas de crimes fort graves, les choses évoluent et les victimes qui veulent au départ que l'enfant en question soit pendu changent d'optique. C'est habituellement le cas.

Premièrement, elles veulent que cette personne ressente du remord et la plupart en ressentent effectivement. Au départ, ce sont des durs, mais ils commencent à se rendre compte de ce qu'ils ont fait. C'est ainsi qu'on amorce le processus. Cette personne est-elle récupérable? Peut-être que certains ne le sont pas. Quelques-uns sont irrécupérables et peut-être qu'il faut les enfermer à tout jamais. Mais la grande majorité des meurtriers adolescents sont probablement récupérables et la question est de savoir comment augmenter les chances de succès.

• 1355

C'est un risque. Je ne dis pas qu'il n'y a aucun risque. Mais je ne dirais pas que la majorité de ces gens-là sont des psychopathes. Certains le sont, mais il y a probablement des enfants... Par exemple, un enfant à Edmonton a été assez stupide pour accompagner un autre type dans un vol à main armée. Mais il y avait quelqu'un à la maison et l'autre type a poignardé cette femme. Le complice est donc également complice de meurtre. Mais comme le juge White l'a dit, il est stupide, mais il n'est pas mauvais.

Ce que nous faisons n'est pas facile. Comment s'y prendre pour transformer cet enfant stupide en une personne productive? Vous ne voulez pas d'un système qui exclut cette possibilité.

M. Chuck Cadman: Je suis absolument d'accord avec ce point de vue.

Je n'ai qu'une autre question. Vous citez beaucoup d'ouvrages et de statistiques ainsi que d'expériences vécues dans d'autres pays. Croyez-moi, je ne veux nullement vous offenser, mais je voudrais seulement savoir quelle est votre expérience concrète avec des enfants dans les cellules et devant les tribunaux, je veux dire votre expérience personnelle.

M. James Hackler: Il y a d'énormes différences dans la façon dont les enfants...

M. Chuck Cadman: Non, quelle est votre expérience personnelle avec ces enfants, quand vous rencontrez en tête-à-tête des enfants qui ont des démêlés avec la loi?

M. James Hackler: Je n'ai pas souvent l'occasion de rencontrer des enfants en tête-à-tête, sauf lorsque je fais des interviews. C'est très difficile d'interviewer les enfants en Amérique du Nord. On ne permet pas beaucoup aux chercheurs de s'entretenir avec les enfants. En France, j'ai pu le faire davantage, et aussi en Autriche et à Fidji.

Ce que j'ai constaté, c'est que la plupart des enfants veulent raconter leur histoire à une personne qui est en situation d'autorité et qui peut faire quelque chose. Ils veulent parler directement. L'Australie en donne un exemple encore meilleur. Les enfants voulaient parler directement au juge, s'ils le pouvaient, au sujet de leurs problèmes, parfois en l'absence de leurs parents. C'est une occasion que nous ne saisissons pas. Nous refusons délibérément de laisser un adolescent s'entretenir avec une personne en situation d'autorité. Ils doivent toujours être représentés par un avocat, leurs parents ou quelqu'un d'autre.

C'est ce que j'ai constaté. Beaucoup d'enfants veulent s'expliquer, en un sens. Ils ne disent pas que ce n'est pas eux qui ont fait le coup, mais ils veulent expliquer ce qui se passe dans leur vie. C'est une option que nous ne leur offrons pas très souvent.

M. Chuck Cadman: Comment conciliez-vous cela avec les griefs de Mme Sowden quant au fait que les parents ne peuvent pas intervenir et que les avocats l'emportent sur la volonté des parents?

M. James Hackler: Les parents diffèrent immensément. On vient d'entendre un cas où il semble bien qu'une fille s'efforçait de jeter des ponts pour rejoindre sa mère. S'il y avait eu un juge compréhensif...

En France, par exemple, un juge est responsable d'un district d'environ 140 000 habitants. Il connaît tous les enfants problèmes du district. Il connaît très bien leur dossier. Le problème n'est pas de savoir s'il sera objectif au tribunal. Il intervient personnellement dans chaque dossier. Probablement qu'il ne voit pas défiler beaucoup de jeunes filles dans son tribunal. Le juge français avec lequel j'ai travaillé passait deux jours par mois au tribunal. Le reste du temps, il travaillait directement sur le terrain. Il y a donc beaucoup plus de probabilités que la jeune fille raconte son histoire et les parents peuvent aller raconter leur histoire directement au juge.

Prenons le cas d'un juge de la ville de Nice. À 17 h 30 un vendredi après-midi, je me demandais pourquoi il était prêt à me consacrer tellement de temps dans l'après-midi, et il a dit qu'à 18 heures, des parents venaient le rencontrer. Il a dit: «Je ne veux pas que les parents ratent leur journée de travail. C'est important pour eux. Je vais donc les attendre ici jusqu'à 18 heures, parce qu'à ce moment-là ils auront tout leur temps et nous pourrons avoir un bon entretien.» Cela ne se fait pas par ici. Là-bas, ils sont accessibles.

En Belgique, les juges travaillent un dimanche par mois. Autrement dit, ils sont beaucoup plus accessibles. Il pourrait être utile, par exemple, de faire siéger les tribunaux en soirée, ou encore le samedi ou le dimanche. Nous n'envisageons même pas ces possibilités. Pourrions-nous travailler plus étroitement avec les parents à une étape très précoce? J'ai l'impression que dans presque tous les pays d'Europe, on considère que cela en vaut la peine, qu'il faut tenter d'être accessible aux parents dès le début de l'intervention.

Dans le cas de Mme Sowden, elle aurait été en contact avec un juge dès le début. Peut-être qu'aucune mesure punitive n'aurait été prise. Toutes les mesures auraient visé à convaincre. Ce qui m'étonne, c'est que les juges français sont beaucoup plus efficaces en usant de persuasion que nous ne le sommes en utilisant des mesures coercitives. Nos mesures coercitives sont loin d'égaler l'efficacité de la persuasion du juge.

• 1400

Dans la plupart des établissements de France, il n'y a pas d'absence sans permission parce qu'il n'est pas illégal de quitter un établissement. Mais est-ce qu'ils se sauvent? Non. Et s'ils se sauvaient, ils iraient probablement tout droit trouver le juge pour lui dire: «Je n'aimais pas ça là-bas». Alors le juge se plaindrait: «Écoute, j'ai eu du mal à te faire entrer dans cette maison». C'est très différent.

J'ai vu un établissement où les filles avaient la clé de leur chambre. Le personnel n'en avait pas. J'ai posé la question: «Supposons qu'elles soient en train de se couper les veines là- dedans». «Eh bien, voyez-vous, nous ne contrôlons pas leur vie. C'est à elles de se prendre en main. Nous ne voulons pas qu'elles fassent cela, mais c'est à elles d'en décider.» Personne ne s'ouvre les veines dans ces endroits-là.

Mais si le personnel dit: «Nous allons vous payer la pizza si vous ne vous ouvrez pas les veines», les enfants enfermés dans cet établissement rétorquent: «Si vous ne nous payez pas la pizza, nous allons nous ouvrir les veines». Avons-nous créé un système que les enfants ont appris à manipuler? Je crains que si.

Je suis donc sympathique. Nous avons tendance à vouloir utiliser des mesures coercitives. Mais la plupart des pays d'Europe réussissent à obtenir tout cela des enfants par la persuasion.

Je ne dis pas que je comprends exactement comment ils s'y prennent. Je dis qu'il y a d'autres systèmes qui n'utilisent pas ces méthodes, mais qui réussissent à donner les services voulus aux enfants d'une manière plus efficace.

M. Chuck Cadman: Merci.

Merci, monsieur le président.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur Cadman.

Monsieur Saada, vous avez la parole à loisir. Je vous ferai signe.

M. Jacques Saada: En fait, je voudrais m'attarder à une seule question, bien qu'il y en ait tellement. C'est une question que je vais vous poser à vous trois.

Autour de cette table, nous avons vu des victimes comparaître devant nous. J'ai remarqué une chose. Quand c'était des ex- délinquants revenus dans le droit chemin, quand nous avons entendu un délinquant de 23 ou 24 ans qui s'était repris en main, je n'ai pas vu un seul journaliste dans la salle. Hier, nous avons entendu une victime dans une affaire très chargée d'émotion et la salle était pleine de journalistes. Et je dois dire que certains politiciens jouent aussi le jeu.

Par contre—je vais bien sûr parler de la publication—vous avez décidé, Mme Sowden, dans un geste que je trouve très courageux, de distribuer la photographie de votre fille dans les écoles. En même temps, si le système décidait de son propre chef de distribuer des photos en pareils cas et de rendre public le nom des enfants qui ont commis des crimes, cela aurait un impact sur les parents, sur les frères et soeurs, sur tout le monde.

Qu'accomplissons-nous en publiant les noms des jeunes contrevenants? Peu importe à quelle peine ils ont été condamnés.

Mme Diane Sowden: Dans le cas de ma fille, je ne pense pas que cela aurait dû être publié dans le journal, mais il est certain qu'il fallait aviser certaines personnes en situation d'autorité. Ma fille recrutait des enfants avec lesquels elle allait à l'école et dont nous connaissions les parents pour les avoir rencontrés à des parties de hockey ou de soccer. Si je n'avais pas pris l'initiative d'en parler, c'est la collectivité qui aurait été perdante car d'autres enfants auraient été entraînés dans la spirale de la prostitution à Vancouver. Nous faisions courir un risque à ces familles.

Je ne pense pas avoir fait quoi que ce soit de négatif à ma fille en communiquant des renseignements utiles aux autorités compétentes. Quand elle venait recruter des enfants à l'école, elle distribuait des cigarettes additionnées d'héroïne à des gamines de huitième année. Celles-ci savaient à qui elles avaient affaire. Elles réussissaient à la faire sortir de la cour d'école.

Pour moi, toutefois, comme membre de sa famille, parce que je devais le faire, ma fille savait comment j'avais agi, de sorte que cela a contribué à empoisonner encore davantage nos relations. Si les autorités avaient agi au nom de la sécurité des enfants de la collectivité et au nom de ma fille, pour empêcher le souteneur d'exercer son emprise sur elle, cela n'aurait pas nui aux relations entre ma fille et moi.

• 1405

M. Jacques Saada: Avez-vous eu l'occasion ou avez-vous tenté de communiquer avec les médias, non pas pour qu'ils publient l'identité de votre fille, etc., mais pour tenter de demander leur aide pour obtenir l'intervention des autorités?

Mme Diane Sowden: Oui, je l'ai fait. J'ai écrit plusieurs articles.

M. Jacques Saada: Ont-ils été publiés?

Mme Diane Sowden: Oui. En fait, j'ai ici une interview qui a été publiée dans le Vancouver Sun. En fait, ils ont interviewé ma fille qui leur a expliqué exactement comment elle recrutait les enfants. Elle a raconté qu'on lui avait mis un fusil sur la tempe et qu'un souteneur l'avait étranglée jusqu'à ce qu'elle perde connaissance. Malgré tout, je n'ai pu obtenir que quelqu'un aille l'arrêter, parce que c'était considéré comme un choix, un mode de vie.

En tant que communauté responsable, nous aurions dû être capables d'intervenir et de protéger cet enfant. On parle des droits d'un enfant. Le droit d'un enfant, c'est le droit de pouvoir compter sur un parent ou une personne en situation d'autorité pour assurer sa sécurité. Ma fille a été privée de ce droit.

M. Jacques Saada: Sur la question de la publication et de la différence que l'on fait entre la diffusion de renseignements à des fins spécifiques et la publication des noms...

M. James Hackler: En Autriche, n'importe qui peut se présenter aux tribunaux pour adolescents. J'ai l'impression que cela n'a pas eu une grande incidence dans un sens ou dans l'autre.

C'est un aspect du projet de loi qui ne me tracasse pas tellement, parce que je ne pense pas que cela fasse tellement de différence pour ce qui est du tort que l'on peut causer aux enfants. Tous leurs amis le savent. Tous les gens importants savent qui ils sont. Je pense donc que cela n'ajoute rien. Je n'ai pas d'opinion catégorique dans un sens ou dans l'autre là-dessus.

Je ne suis pas convaincu que ce soit une bonne idée de publier des noms dans le journal, mais je comprends qu'il peut y avoir des situations où il serait avantageux de le faire. Je soupçonne que c'est un élément du projet de loi qui n'aurait pas tellement d'importance. Je ne suis pas d'accord avec certains de mes collègues libéraux à ce sujet, car je ne crois pas que la publication des noms fera une grande différence.

Maintenant, je comprends que vous êtes sur la scène politique et je n'ai pas d'objection à ce que vous alliez glaner des votes en utilisant un procédé qui ne fera aucun mal. Si le fait de publier les noms vous permet d'aller chercher des votes sans pour autant nuire aux enfants, très bien. Mais ce qui fait du tort, c'est quand vous utilisez un mauvais projet de loi pour aller chercher des votes. Cela fait mal et détourne les efforts pour tenter de faire quelque chose de constructif.

Donc, la publication des noms pourrait être un cas où l'on pourrait dire, sur le plan politique: «Cela n'a pas d'importance, alors allons-y, donnons ces renseignements à la presse.»

M. Jacques Saada: Mais vous comprenez que ma question n'était pas politique. Elle était...

M. James Hackler: Eh bien, pour autant que je sache, les faits ne démontrent pas que cela a une importance quelconque. Évidemment, nous n'avons pas fait de recherches systématiques là-dessus, mais dans les rares pays où je sais que cela se fait, personne ne semble s'en soucier. Voilà, tout est là.

M. David Oborne: Je reviens au mémoire que j'ai mentionné tout à l'heure et à l'expérience empirique concrète des jeunes délinquants. Dans un cercle organisé par l'église locale, je crois que c'était en Alberta, un jeune contrevenant a fait savoir qu'il était bien connu comme jeune délinquant dans sa petite ville et que cela lui avait nui à lui et à sa famille, mais qu'il avait eu la chance, quand sa famille est déménagée dans une autre ville, de ne plus être étiqueté comme jeune contrevenant. Il a pu trouver un emploi à temps partiel qu'il n'aurait probablement pas obtenu si les gens avaient connu ses antécédents. Cela l'a aidé à entrer dans le droit chemin.

J'envisage donc cela dans l'optique suivante: qu'est-ce qui sera constructif dans la vie de cette jeune personne? Voulons-nous que ces jeunes soient étiquetés à tout jamais contrevenants, ou bien voulons-nous qu'ils puissent reconstituer leur vie afin de grandir dans une optique productive?

Dans le monde de l'éducation, nous devons parfois savoir ce qu'il en est à propos de nos élèves et je dois dire avec une certaine tristesse que nous n'avons pas beaucoup de collaboration de la part des organisations. Il arrive parfois que des juges condamnent des jeunes à retourner à l'école et nous ne le savons même pas. Nous ignorons quelles sont les modalités de la probation. Nous voyons très rarement les agents de probation. Ils ont eux- mêmes un très grand nombre de cas à suivre. En fait, le système est en panne non pas à cause de l'intention du législateur, mais à cause des ressources qu'on y consacre.

• 1410

Il y a des cas où d'autres organisations publient le nom d'étudiants dans des situations autres que celles prévues par votre loi. En Colombie-Britannique, la Commission d'indemnisation des accidents du travail a des règles; elle a plutôt tendance à répondre aux besoins des groupes d'employés qui voudraient qu'on nomme une jeune personne considérée dangereuse dans une école, les enfants qui commettent des écarts de conduite. Nous avons vu des cas où la Commission des accidents du travail exigeait que l'on affiche à la porte de l'école le nom d'une personne considérée dangereuse dans cette école.

Dans ces domaines, nous devrions vraiment faire preuve de la plus grande prudence avant de publier des noms. Je ne pense pas que ce soit bon pour l'élève. Avant de publier les noms, nous devons vraiment nous poser la question: est-ce que cela pose un danger ou représente une menace pour les autres, autour?

M. Jacques Saada: Merci beaucoup.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur Saada.

Avez-vous quelque chose à jouter, Monsieur Cadman?

M. Chuck Cadman: Non.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Habituellement, je ne pose pas de questions, mais comme nous sommes tellement peu nombreux, je vais le faire.

J'essaie de comprendre comment nous pourrions faire ce que vous réclamez—c'est-à-dire étendre davantage le système fédéral de manière à intervenir dans d'autres juridictions. Vous vous rendez sûrement compte que nous sommes coincés, dans notre pays. Je n'étais pas là quand l'Acte de l'Amérique du Nord britannique a été rédigé, mais c'est nous ici à Ottawa qui faisons les lois, et les provinces les appliquent, parfois en les interprétant quelque peu, et leur interprétation n'est pas toujours la même dans toutes les provinces. C'est un problème constant pour nous.

Je comprends votre argument, madame Sowden, quand vous parlez des jeunes qui passent de l'Alberta à la Colombie-Britannique, mais je ne vois pas comment on pourrait y remédier par une loi fédérale, parce que peu importe quelle loi fédérale on adopte, celle-ci doit être appliquée par la province, à l'exception de la taxe d'accise, de l'impôt sur le revenu et des drogues. Nous sommes pris avec cette situation et je cherche un moyen de contourner le problème, mais s'il y en a un, je ne le connais pas.

Je suis de l'Ontario. Je sais que nos voisins d'à côté, au Québec, font du bien meilleur travail que nous, qu'ils sont beaucoup plus progressistes, mais cette influence ne se fait pas sentir au-delà de la frontière jusqu'en Ontario. Je ne veux pas nommer de gouvernement ou de parti ou rien de ce genre, mais l'Ontario s'oriente dans la direction contraire. Écoutez, nous sommes en train d'ouvrir quatre camps d'internement de type militaire que nous allons ensuite vendre à l'entreprise privée. On se lance donc en affaire dans le secteur des camps de type militaire.

J'ignore comment on peut concilier tout cela. C'est une lutte constante. Nous sommes tout simplement aux prises avec ce problème. Je n'essaie pas de trouver d'excuses. C'est notre travail d'essayer de nous en sortir, mais je n'ai pas encore trouvé la solution à ce problème. Avez-vous des suggestions?

Quelqu'un a très bien résumé la situation l'autre jour: nous sommes en fait 14 principautés qui prétendent former un pays. Cela dit tout. Nos provinces ont bien sûr beaucoup plus de pouvoirs que n'importe quelle autre province ou que les États américains. Je croyais auparavant que les cantons suisses avaient peut-être plus de pouvoirs. Ce n'est pas le cas. Nos provinces sont vraiment des États séparés, ce qui pose beaucoup de problèmes.

M. James Hackler: Je n'ai pas de réponse éclair à cette question.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Oh, zut! C'est justement ce que j'espérais.

M. James Hackler: Mais il y a beaucoup d'autres modèles dans le monde, pas seulement l'Amérique du Nord. Aux États-Unis, il n'y a aucune coopération digne de ce nom entre le Texas et le Massachusetts. L'Australie a des États séparés. Ce n'est donc pas un problème unique. C'est un problème assez courant. Mais il y a suffisamment de modèles ailleurs dans le monde où on a mieux réussi et qu'il vaudrait la peine d'étudier, au lieu d'avoir des oeillères et de ne pas regarder ailleurs qu'en Amérique du Nord.

Ce n'est pas tellement logique de prendre comme point de départ un système de justice criminelle qui est essentiellement un échec, celui des États-Unis, et de s'en inspirer pour tenter d'améliorer notre système. En étudiant plus attentivement le système néerlandais, le système norvégien et le système allemand, seriez-vous en mesure de construire un édifice plus intelligent? Seriez-vous prêts à voir ce qui se fait à Fidji, par exemple? Fidji, ce n'est pas compliqué. Il s'y trouve 700 000 habitants. On peut l'étudier en long et en large assez rapidement. La Nouvelle- Zélande n'est pas compliquée non plus. Vous pouvez donc examiner certains modèles où l'on a peut-être réussi à surmonter des problèmes semblables.

• 1415

L'Australie méridionale, par exemple, fait mieux que la Nouvelle-Galles du Sud. Comparons donc ce que font ces deux États australiens. Que fait-on à Melbourne, dans l'État de Victoria, où l'on compte cinq juges pour adolescents dans une ville de trois millions d'habitants? Combien y en a-t-il ici à Ottawa, sept ou huit? On s'est donc colleté à des problèmes du même genre dans d'autres parties du monde. Peut-être qu'en les étudiant plus attentivement, vous auriez au moins certains choix. Vous auriez un buffet mieux garni.

Sur toute la question de la publicité, votre presse sera toujours dramatique. Une étude faite en Hawaii en a donné un bon exemple. La délinquance a été constante au cours des dix dernières années, mais le nombre d'articles publiés dans les journaux sur la délinquance et les gangs augmente en flèche. Quand on n'a pas assez de guerres à se mettre sous la dent, on se tourne vers ce genre de choses. Vous devrez vous en accommoder, et je suis conscient que c'est un problème.

Au fil des années, j'ai suivi une journaliste de l'Edmonton Journal qui a fait du très bon travail pour ce qui est de renseigner le public. J'ai lu des articles intelligents que cette femme a publiés après y avoir travaillé pendant plusieurs années. Il y a quelques journalistes qui font du travail intelligent et une chose me frappe: vous pourriez cultiver ces gens-là et ils pourraient contribuer à obtenir que le public ne soit pas... Vous ne devriez pas avoir la conviction qu'ils vont tous vous sauter dessus si vous ne donnez pas l'impression d'être des durs.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Je viens d'une ville où le salaire annuel est le plus élevé au Canada et la très grande majorité de mes électeurs me disent: «Pendez-les haut et court et le plus souvent possible». Je nage à contre-courant, parce que j'ai eu une carrière avant celle-ci et j'en aurai une autre après. Mais pareille attitude nous rend la tâche terriblement difficile pour ce qui est de légiférer, parce que ce n'est pas ce que nos électeurs veulent.

Mettons cartes sur table. La Loi sur les jeunes contrevenants est complètement discréditée en Ontario. Personne ne l'aime. Personne ne la défend. Tout le monde la descend: la police, les tribunaux, les médias.

M. James Hackler: C'est toujours le cas. Toujours le cas.

Le vice-président (M. Ivan Grose): C'est probablement pourquoi nous sommes en train d'en discuter aujourd'hui. Nous essayons de raccommoder tout cela. J'espère qu'en fin de compte, nous aurons quelque peu amélioré la situation. D'après votre témoignage d'aujourd'hui, je n'en suis pas certain et j'en suis troublé.

C'est un témoignage que nous avons entendu et pas seulement de votre part. C'est pourquoi nous écoutons des témoins. Nous aurons énormément de difficulté à faire le point sur cette loi quand nous devrons régurgiter tous les témoignages que nous avons entendus. Des gens nous disent qu'elle n'est pas assez dure, d'autres allèguent qu'elle est trop dure. Vous qui êtes en quelque sorte entre les deux et qui n'avez pas vraiment de cheval de bataille, vous soutenez qu'elle comporte de graves lacunes et que nous allons dans la mauvaise direction à certains égards. Nous devons donc décider et trancher.

Les gouvernements ne virent jamais les choses complètement à l'envers. Cela n'arrive tout simplement pas. C'est vrai que ça se fait en dictature, mais pas en démocratie. Nous continuons donc à rapiécer et c'est essentiellement ce que nous faisons actuellement.

M. James Hackler: C'est un peu la même situation dans le cas de la peine capitale. Si l'on demande aux gens: «Êtes-vous en faveur de la peine capitale?», ils disent: «Oui, qu'on les punisse». Mais si vous leur présentez dix cas différents en leur disant: «Dans tel cas particulier, voici ce qui s'est passé», ils disent invariablement: «Eh bien, en pareil cas, non.» Nous avons la même situation au Canada quand nous demandons aux gens s'ils sont en faveur de la peine capitale. Quand les gens y réfléchissent vraiment, ils reculent invariablement.

Vous devez composer avec cette situation. C'est chronique. Depuis Aristote, on ne cesse d'entendre «Les enfants d'aujourd'hui sont pires que dans mon temps». C'est un refrain qu'on reprend sans cesse.

M. Jacques Saada: Aristote m'a dit qu'il en était ainsi avant lui.

M. James Hackler: Il y a même un précédent égyptien qui remonte encore plus loin.

C'est chronique et vous devez vous en accommoder. Mais il y a des chances que les gens respectent les leaders et si vous leur dites: «Oui, je sais que la plupart d'entre vous voulez que l'on fasse preuve de fermeté, mais je ne pense pas que vous ayez raison», je suis convaincu que les gens vont dire: «Vous savez, cette personne est courageuse. Nous voterons peut-être pour elle parce qu'elle est courageuse. Nous voulons être fermes, mais nous voulons aussi des chefs qui savent diriger». Voilà où ce serait bien d'avoir un véritable leadership.

Nous avons vu nos dirigeants faire preuve de leadership dans plusieurs domaines. Dans le dossier de la peine capitale, ils ont su s'affirmer. Ils sont allés en sens contraire de ce qu'ils percevaient être l'opinion publique. Quelqu'un a-t-il été congédié pour autant?

Faire preuve de leadership de temps à autre, aller contre le courant ne vous nuira pas nécessairement, si vous tentez de renseigner les gens, et je pense que vous le pouvez. Si vous leur expliquez pourquoi vous pensez que l'approche punitive n'est pas rentable et si vous rappelez que nous incarcérons plus d'enfants que tout autre pays industrialisé et que d'autres font du meilleur travail que nous, ils se laisseront convaincre. Je pense que vous pouvez les amenez à adopter ce point de vue.

• 1420

Le vice-président (M. Ivan Grose): Nous avons un problème. Le nouveau chef de police de Toronto—je suppose que l'on peut dire qu'il est le flic numéro un au Canada—a dit que les chiffres sont carrément mensongers et qu'il y a, non pas une diminution, mais bien une forte augmentation du crime. Hier soir, il aurait affirmé que le crime parmi les jeunes a augmenté de 160 p. 100 au Canada depuis 1986. Il est aussi en faveur du système de Singapour. Et un témoin nous a dit l'autre jour: «Si vous mettez un politicien ici qui dit une chose et un policier là-bas qui dit le contraire, devinez qui on va croire. Pas le politicien.» Nous mentons tous.

M. James Hackler: En Alberta, ce sont les services de police d'Edmonton et de Calgary qui ont été parmi les plus progressistes. Il y a plusieurs années que je n'y suis pas allé. J'habite maintenant à Victoria. Mais c'est la police qui a été à l'origine de certaines réflexions parmi les plus avancées.

Quand je rencontre des policiers, ils me parlent d'abord et avant tout de la peine capitale. Ils sont extrêmement raisonnables. Il y a beaucoup de policiers qui n'hésiteraient pas à se prononcer en faveur de ce point de vue libéral. En même temps, ils disent: «C'est vrai, ils se font à peine taper sur les doigts quand ils vont en cour». Je ne pense donc pas que la police...

Le vice-président (M. Ivan Grose): C'est intéressant de vous entendre dire ça. Cet après-midi, nous entendrons le chef du service de police d'Edmonton ou de Calgary. Laquelle des deux villes a une femme comme chef de police?

Une voix: Calgary.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Elle va témoigner cet après-midi. Ce sera fascinant d'entendre ce qu'elle a à dire.

M. James Hackler: Je ne pense pas que la police soit un obstacle. Je pense vraiment que la police nous appuie très souvent.

Au Québec, encore une fois, les services de police semblent jouer un rôle plus actif. Ils s'occupent des problèmes. À ce sujet, Jean Trépanier pourra vous en dire plus long cet après-midi ou je ne sais pas trop quand il prendra la parole. La police au Québec semble pouvoir s'attaquer au problème sans enclencher le système officiel, ce qui semble donner des résultats intéressants. Le système doit donc s'occuper d'un nombre plus restreint de délinquants plus sérieux. C'est ce qui se passe au Québec. Une plus grande proportion des problèmes plus légers sont traités à l'extérieur du système. On a ainsi accès à davantage de ressources.

L'un des meilleurs systèmes que j'ai vu fonctionner est celui de Québec, où il y avait une avocate de l'aide juridique en poste depuis dix ans. Elle était vraiment en fonction depuis longtemps et elle disait: «Je sais que c'est peu prestigieux, mais je fais du travail plus constructif ici qu'en défendant des criminels adultes». Il y avait par ailleurs une procureure en poste depuis cinq ans qui connaissait très bien le système, une juge expérimentée et une greffière qui était là depuis 12 ans. C'étaient toutes des femmes, incidemment, et cela avait peut-être quelque chose à voir. Elles semblaient capables de travailler ensemble pour régler les problèmes. Au lieu de créer un système accusatoire ou conflictuel, elles réussissaient à résoudre les problèmes, dans bien des cas à l'extérieur du système.

Quand l'avocate publique travaillait à un dossier, elle pouvait dire à la procureure: «Pouvez-vous le mettre en veilleuse pendant un certain temps? Au lieu d'ajourner constamment, ne pourrait-on pas simplement attendre?» Ensuite, elle travaillait au dossier. J'ai posé la question au juge: «Comment réagissez-vous quand le procureur et l'avocat de la défense se mettent d'accord et qu'il ne vous reste plus qu'à approuver le tout?» Elle m'a répondu: «J'adore ça. C'est parfait, s'ils peuvent me donner un dossier que je n'ai plus qu'à approuver. Ce sont les autres dossiers auxquels je dois travailler.»

Si l'on crée les conditions voulues pour que ces équipes travaillent ensemble, au lieu d'avoir une rotation constante des procureurs et des juges, on peut créer un esprit d'équipe au tribunal. Tout indique qu'une équipe soudée s'arrange pour que la loi fonctionne bien, quelle qu'elle soit. Mais nous ne le faisons pas. Nous ne créons pas les conditions voulues pour mettre en place une équipe judiciaire. Nous écrasons plutôt les intervenants sous un monceau de règles illisibles avec lesquelles ils devront se dépêtrer et cette mesure-ci ne fera que les retarder.

C'est l'un des problèmes. On ne fait que ralentir les choses. Ces gens-là devront perdre du temps à étudier cette mesure législative mal écrite. Ça va leur nuire. Ils n'auront plus le temps de faire quoi que ce soit de constructif. Il faudra assimiler toute cette matière. Il a fallu plusieurs années pour digérer la Loi sur les jeunes contrevenants, et ensuite on nous a dit: «Bon, nous pouvons travailler avec cette mesure législative». Et l'on a vu de bons systèmes se mettre en place ici et là. La mesure à l'étude va encore retarder le système de deux ou trois ans.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci.

Quelqu'un a-t-il d'autres idées à exprimer?

Mme Diane Sowden: Je veux seulement dire que le ministère de l'Enfance et de la Famille a mis sur pied un groupe de travail sur la garde en milieu fermé dans notre province en 1994. J'étais l'une des dix personnes de la province à en faire partie. Il nous a fallu quatre mois pour présenter le rapport. La recommandation est que oui, en Colombie-Britannique, nous avons besoin de soins en milieu surveillé, parce qu'un nombre croissant de jeunes, parfois aussi jeunes que 10 ou 11 ans, qui sont accrochés à l'héroïne et fréquentent la partie est du bas de la ville, sont vendus et entraînés dans le monde de la prostitution.

En réponse, le ministre a dit qu'il voulait que l'on adopte cette solution dans notre province, mais le problème est le manque d'argent pour construire les établissements. Il est impossible de placer un enfant en milieu surveillé si l'on n'a pas les installations voulues.

• 1425

Vous rencontrerez cet après-midi le type de Calgary. En Alberta, il y a le Centre de réadaptation des adolescents de l'Alberta, que la police a aidé à mettre sur pied. On y offre un programme de 12 mois qui donne de très bons résultats.

Par conséquent, ce qu'il faut faire au niveau fédéral, c'est de soutenir financièrement les programmes provinciaux. Nous avons plein d'idées, mais pas d'argent.

Nous dépensons l'argent de toute façon. Quand j'examine les statistiques sur ces 134 familles, 58 p. 100 de ces jeunes sont allés en prison. L'incarcération coûte de l'argent.

La semaine dernière, j'ai parlé au superviseur régional des services sociaux au sujet de ma fille et il m'a dit que le système avait dépensé des centaines de milliers de dollars pour ma fille au cours des six dernières années. Elle avait encore ce problème de toxicomanie. Si nous l'avions réglé au tout début, nous n'aurions pas vécu ce que nous avons vécu ces quatre ou cinq dernières années.

De plus, comme je l'ai dit, mon mari et moi-même élevons maintenant deux bébés affectés par la drogue et ils ont de multiples problèmes. Le plus jeune a deux ans et demi et ma fille s'injectait de l'héroïne pendant toute sa grossesse, jusqu'à l'accouchement. Qui sait ce qui va arriver? Et il n'y aura pas de ressources pour eux non plus.

Le problème est donc en grande partie une question de financement au niveau fédéral pour appuyer les initiatives provinciales. Si les autorités provinciales sont disposées à offrir des programmes de protection de l'enfance, elles doivent obtenir les fonds nécessaires.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci. J'ai posé une question; vous m'avez donné la réponse.

Monsieur Oborne.

M. David Oborne: Je veux faire une dernière observation.

Dans le projet de loi, vous êtes évidemment limités par les rubriques de la loi, mais votre gouvernement a en fait réalisé beaucoup de progrès dans d'autres domaines. Notre district, par exemple, participe à une étude de DRHC sur la prime enfance, laquelle part des travaux de Richard Tremblay et d'autres pour examiner la résistance chez les jeunes enfants. Dans d'autres domaines de la justice, on étudie un certain nombre d'éléments qui permettraient d'éviter l'incarcération de jeunes.

Tous ces programmes doivent être intégrés dans ce que vous avez décrit comme un agenda pour les enfants. C'est vraiment une idée qui circule depuis un certain nombre d'années de mettre sur pied un ministère responsable des enfants. Autrement, il n'y a pas de convergence. Tout est dispersé entre les divers ministères.

J'ai travaillé avec l'Association canadienne des commissions scolaires à divers comités sur la pauvreté et il est certain qu'il y a dédoublement. Ces comités sont au ministère de la Santé. Il y a par ailleurs DRHC qui travaille à des études sur la prime enfance. Il y a la Justice qui examine le dossier des jeunes contrevenants. Tout cela se fait en même temps, mais dans les ministères, on n'en sait pas aussi long que nous qui travaillons sur le terrain.

Nous sommes en fait un très petit pays à bien des égards. Je m'étonne toujours du grand nombre de mes collègues que je rencontre à l'occasion et qui font en fait la même chose. Nous travaillons au niveau de la base. Nous travaillons dans les provinces. Nous travaillons dans les collectivités.

Il serait fort utile pour nous que le gouvernement fédéral prenne vraiment l'engagement d'étudier de façon globale toute la question des jeunes et des enfants. Je pense que vous pourriez améliorer le sort de notre pays de façon spectaculaire si vous faisiez quelque chose dans ce domaine.

Cette loi sera adoptée, quelle que soit la forme qu'on lui donnera en définitive, mais en soi, elle ne constitue qu'un élément de ce qu'il faut faire pour nos enfants. Il faut que quelqu'un se charge de ce rôle de leadership pour fournir les ressources voulues.

Vous dépensez dix fois plus pour l'incarcération que nous ne touchons par année pour l'éducation d'un enfant. Si nous dépensons cet argent en première ligne—et nous savons que ce sera de neuf à douze fois plus rentable—nous réduirons le nombre de cas problèmes, ce qui entraînera une baisse du taux de troubles mentaux.

Nous savons que les adolescents sont nos citoyens les moins bien servis. Nous savons que de 15 à 18 p. 100 d'entre eux souffrent de dépression, de somatisation ou de troubles du comportement. Pourtant, que fait-on? Dans une école secondaire typique de 2 000 élèves, on trouve cinq conseillers. Que peuvent- ils faire vraiment quand chacun doit s'occuper de 20 p. 100 de 2 000 jeunes, c'est-à-dire 400 jeunes qui souffrent de troubles sociaux ou affectifs quelconques?

Nous devons commencer à nous attaquer à ce problème de façon vraiment globale. Il y a au Canada des gens qui sont prêts à le faire et qui seraient heureux de le faire si nous avions un programme global pour les enfants.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci.

Monsieur Hackler, un dernier mot.

• 1430

M. James Hackler: Les jeunes qui se prostituent et prennent de la drogue sont l'un de nos très graves problèmes. À Hambourg, en Allemagne, on va dispenser des services dans les quartiers même où ces jeunes travaillent. Autrement dit, on va ouvrir ce qu'on pourrait appeler des maisons d'hébergement. Certaines sont réservées aux femmes; les hommes n'ont pas le droit d'y entrer. Même un chercheur n'a pas le droit d'y aller, pas même la police. Ce sont des maisons qui offrent l'asile aux femmes.

Les Allemands accomplissent-ils quelque chose? Peut-être qu'en distribuant des aiguilles, ils ne font pas ce que nous voudrions vraiment faire. Ils ne les enrégimentent pas. Ces filles peuvent entrer et sortir à leur guise. Mais elles peuvent aller dormir et manger dans ces maisons.

Il y a aussi l'autobus. Tout le monde connaît le numéro de l'autobus. Les voyageurs n'y montent pas. Deux médecins accompagnés d'infirmières viennent régulièrement y dispenser des traitements. C'est connu dans le quartier. Deux fois par semaine, l'autobus vient stationner au même endroit pendant une demi-journée.

Il y a des endroits où l'on agit ainsi. À Hambourg, la prostitution existe depuis 1 000 ans. Que font-ils là-bas avec les jeunes? Je ne dis pas qu'ils remportent une victoire totale, mais peut-être qu'ils font moins de tort que nous. Réduire le tort, réduire les dommages, c'est peut-être une meilleure stratégie que de supposer qu'on peut intervenir énergiquement et régler les problèmes. Il s'agit d'aider les gens à traverser cette période très difficile tout en restant en vie et sans devenir séropositifs.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci beaucoup.

Je remercie les témoins d'avoir fait preuve de patience envers nous et d'avoir toléré nos petits jeux. La période des questions est maintenant bien entamée, et c'est sacré par ici, de sorte que je vais probablement me faire tancer vertement en haut lieu.

Au point où nous en sommes dans nos délibérations, il est bien difficile pour les témoins de nous apporter quelque chose de neuf. Vous avez débroussaillé le terrain et nous avez apporté des éléments nouveaux et je vous en suis reconnaissant. Merci beaucoup.

La séance est levée.