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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 8 février 2000

• 1535

[Traduction]

Le président (l'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): La séance est ouverte. Nous entendons cet après-midi des témoins concernant le projet de loi C-3, Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents, et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence.

À la lecture de notre ordre du jour, vous constaterez que nous devions entendre des témoins de l'Ontario Contract Custody Observation and Detention Homes Association et de l'Ontario Association of Community Correctional Residences. Ces deux témoins sont dans l'impossibilité d'être des nôtres aujourd'hui.

Nous recevons les représentants de l'Institut Philippe-Pinel de Montréal, qui est bien connu du comité. Le Dr Doob, qui était ici ce matin, est également avec nous. Comme nous avons manqué de temps ce matin pour terminer notre discussion très intéressante, nos témoins de cet après-midi ont courtoisement accepté d'inviter le Dr Doob à se joindre à nous. Comme il a fait son exposé ce matin, il ne sent pas le besoin de recommencer. Nous entendrons donc les témoins prévus cet après-midi, et peut-être qu'au moment du dialogue, le Dr Doob pourra participer.

Docteur Doob, merci beaucoup. Je sais que ce n'était pas prévu. Nous vous savons gré du temps que vous nous consacrez.

Je remercie également sincèrement les témoins de lui permettre de participer.

J'invite maintenant les témoins à se présenter. Les membres du comité et moi-même vous connaissons bien, mais vous pourriez peut-être le faire aux fins du compte rendu.

Mme Cécile Toutant (criminologue, Programme pour adolescents, Institut Philippe-Pinel de Montréal): Je ne sais pas trop en quelle langue je devrais m'exprimer. Je passerai peut-être d'une à l'autre. J'ai parfois l'impression que je capte l'attention des gens quand je parle leur langue, de sorte que je crois qu'étant donné que beaucoup d'anglophones sont présents, je vais passer d'une langue à l'autre.

Pour commencer, j'aimerais savoir si vous avez un résumé de l'exposé? D'accord. Vous ne l'avez pas, mais vous l'aurez.

En guise de présentation, je vais d'abord parler pour moi-même, et le Dr Morrissette pourra vous expliquer sa propre expérience. Nous sommes venus vous rencontrer pour discuter des préoccupations que nous avons au sujet de certains articles de la loi qui concernent davantage la possibilité de réadaptation des adolescents.

En 1972, à l'Institut Philippe-Pinel, qui est un hôpital à sécurité maximale, nous avons mis au point un programme pour les adolescents ayant commis des délits de violence grave qui n'étaient pas nécessairement malades mentaux, mais qui éprouvaient des problèmes psychologiques qui les avaient menés au crime.

Depuis 1972, nous avons rencontré environ 600 adolescents, certains en évaluation seulement, et certains d'entre eux en évaluation et en traitement. Ils avaient tous en commun d'avoir commis des délits violents.

Aujourd'hui, nous aimerions discuter avec vous de l'expérience que nous avons tirée du travail que nous avons effectué avec eux et avec leurs familles, et très souvent avec leurs victimes, parce que travailler avec l'agresseur ne signifie pas que nous ne nous occupons pas des victimes et que cela n'est pas possible.

• 1540

Je crois que cela donne une idée des programmes auxquels nous participons. Je vais laisser le Dr Morrissette faire ses remarques et je reprendrai la parole plus tard.

Sommes-nous limités à dix ou douze minutes de parole?

Le président: Généralement, nous avons environ dix minutes, mais étant donné que nous n'avons en fait qu'un seul présentateur, je vais être libéral.

Mme Cécile Toutant: C'est bien dit.

Le président: Mais il y a une limite à ma libéralité.

Mme Cécile Toutant: Très bien.

Dr Louis Morrissette (psychiatre, Programme pour adolescents, Institut Philippe-Pinel de Montréal): Je m'appelle Louis Morrissette. Je suis psychiatre. Depuis 1982, je travaille à Pinel à mi-temps, à l'unité pour adolescents, avec les contrevenants violents. Quant à l'autre moitié de mon temps, je crois qu'il est important de dire que j'ai travaillé auprès des tribunaux, aux audiences de contrevenants dangereux, de meurtriers qui veulent être libérés avant 25 ans—ils ont des éditions spéciales pour cela—des cas où est intervenu l'état mental au moment de la perpétration du délit. Essentiellement, j'ai pratiquement toujours travaillé avec des gens qui sont considérés comme dangereux, qu'ils soient adolescents ou adultes.

J'ai également travaillé pendant de nombreuses années, mais moins maintenant, pour la Commission des libérations conditionnelles du Service correctionnel du Canada. Cela fait donc près de 18 ans que je m'occupe des problèmes dont nous allons discuter.

Que savons-nous au sujet du traitement des jeunes contrevenants? Il y a beaucoup de choses que nous ne savons pas, mais il y en a que nous connaissons. Ce que nous savons est simple, mais je crois important de le répéter.

Premièrement, plus vite on commence à travailler avec un enfant qui a des problèmes de comportement, que ce soit au jardin d'enfants, en cinquième année ou en huitième année, plus tôt on commence, meilleurs sont les résultats. Deuxièmement, plus longtemps vous demeurez avec la famille et l'enfant, meilleur c'est. Ce sont là les deux ingrédients essentiels dont vous avez besoin.

Je crois qu'il faut également y ajouter une évaluation appropriée, parce que quand je rencontre les enfants à l'unité à Pinel, la plupart d'entre eux ont eu affaire au système, que ce soit au niveau de la protection de la jeunesse ou du système des jeunes contrevenants, pendant de nombreuses années, et quand on regarde les tableaux, c'est triste à dire, il manque bien des choses. Un enfant sera connu de la protection de la jeunesse à huit, neuf ou dix ans, puis, le dossier sera fermé. Il sera réouvert à onze ans. À douze ans, le jeune volera une tablette de chocolat, ce qui se traduira par un nouveau dossier, un dossier de jeunes contrevenants. Ce dossier sera fermé après trois mois, puis réouvert après sept, parce qu'il n'y pas d'intervention à long terme.

C'est triste de voir cela, parce que pour bien des enfants, meurtriers ou autres cas de crimes violents que je rencontre, on a parfois l'impression que s'il y avait eu un continuum avec les services de santé mentale ou les services de protection de la jeunesse et les services pour jeunes contrevenants, si ces gens se parlaient, les choses iraient mieux en fin de compte.

Au sujet, en particulier, des problèmes de santé mentale, vous avez probablement tous déjà lu des articles sur l'hyperactivité avec déficit de l'attention et le Ritalin. Nos enfants sont-ils drogués au Ritalin, à la Dexédrine ou aux amphétamines? Les enfants éprouvent-ils des problèmes mentaux? Oui, certains enfants souffrent de troubles mentaux qui les amènent à avoir des problèmes de comportement.

L'hyperactivité avec déficit de l'attention est un problème bien connu et bien documenté, mais mal traité, notamment auprès des jeunes qui ont des problèmes de comportement. J'ai écrit un article là-dessus, et je vous le donnerai si vous le voulez. Essentiellement, j'y parle de ces choses, mais ce que je veux dire, c'est qu'il existe des problèmes de comportement qui sont clairement liés à des troubles mentaux, que ce soit l'hyperactivité avec déficit de l'attention, trouble maniaque, syndrome de Tourette, ou d'autres choses—jeunes contrevenants qui ont été abusés sexuellement et qui sont devenus des abuseurs eux-mêmes. Mais s'agissant des services—et je viendrai plus tard à la nouvelle loi—ils ne sont pas bien intégrés ni bien adaptés aux gens qui ont des problèmes de comportement.

• 1545

J'ai travaillé au Nouveau-Brunswick pendant un certain temps. Je suis allé à l'Île-du-Prince-Édouard pour des évaluations, je me suis rendu en Ontario pour discuter avec différentes personnes... Au Québec, c'est un peu la même chose. Si vous avez un enfant avec un problème de comportement et que vous l'envoyez dans une clinique psychiatrique, ils ne vont pas en prendre soin. Ils diront: «Problèmes de comportement? Pas de maladie mentale? Nous ne sommes pas équipés pour traiter ce problème; c'est l'autre système qui en prend soin.»

Il y a clairement des choses que nous ne savons pas. Nous ne pouvons clairement pas guérir ou aider tous ces enfants, mais est-ce une raison pour ne pas essayer avec bon nombre d'entre eux? Prenons l'exemple de l'épidémie de sida. Si, à la fin des années 70 et au début des années 80, les médecins avaient dit aux gens atteints de cancer ou souffrant d'infections qui se présentaient à l'hôpital de rentrer chez eux pour y mourir paisiblement avec leur famille, car il n'y avait pas de traitement pour eux et qu'ils allaient mourir dans trois ou six mois... Ça ne s'est pas passé comme ça. On a fait de la recherche. On a essayé des traitements. Certains ont réussi, d'autres pas.

Vingt ans plus tard, nous sommes dans une situation où la maladie peut être contrôlée—pas guérie, mais contrôlée. Il y a beaucoup moins de gens qui meurent de cette maladie maintenant qu'il y a 20 ans.

Nous en savons plus sur le comportement violent des jeunes. Nous en savons plus maintenant sur ces jeunes et la façon d'intervenir qu'il y a 25 ans, et probablement que dans 10 ans, nous en saurons un peu plus, c'est à espérer.

Cela dit, serais-je du genre à prétendre que nous devons essayer de traiter chaque enfant? Est-il possible de ne pas pouvoir aider certains enfants à ce moment-ci? J'ai des rapports écrits en ce sens. Le système, la loi et les connaissances dont nous disposons actuellement peuvent n'être d'aucune aide pour certains enfants maintenant. Je ne dis pas qu'aucun enfant ne devrait aller en prison, que ce soit une prison provinciale ou un pénitencier fédéral. Nous n'avons rien de mieux à offrir à certains adolescents. D'après mon expérience, c'est toujours exceptionnel. Cela arrive. En 1997-1998, au Canada, environ 80 ou 90 jeunes adolescents ont été référés au système pour adultes sur 110 000 jeunes contrevenants. C'est donc possible. Ce doit être l'exception.

Ce que je trouve triste avec la nouvelle loi, tout d'abord, c'est qu'elle perpétue la fausse perception voulant que les enfants deviennent plus violents. J'ai repris, dans l'article que j'ai écrit, une partie de ce que disait le Dr Doob dans le sien, à savoir qu'il n'y a pas plus de crimes avec violence. Depuis 1972 jusqu'à maintenant, entre 40 et 60 jeunes adolescents ont été accusés d'homicide chaque année. Cela n'a pas changé. Cela n'a pas beaucoup changé. Le taux des autres crimes graves, des crimes avec violence, n'a pas augmenté. Il est clair que la population a l'impression qu'il a augmenté. Un crime avec violence est un crime de trop, mais leur nombre n'a pas augmenté ces dernières années. Le message qu'on envoie à la population en adoptant une nouvelle loi, c'est qu'il existe un gros problème et que nous devons le régler. Oui, c'est un gros problème. Il n'empire pas, alors pourquoi une nouvelle loi? Voilà pour le premier point.

La nouvelle loi va-t-elle améliorer la situation? Quand j'essaie de la lire—je ne suis pas avocat, ce qui fait que j'ai de la difficulté à lire ces choses—je constate qu'on nous présente le système pour adultes comme une panacée. En renvoyant un adolescent devant le système pour adulte, quand il a 18 ou 20 ans, on croit que la population finira par être mieux protégée. Ce que vous devez savoir, parce que je crois que la plupart d'entre vous n'êtes pas du domaine, c'est que beaucoup d'enfants qui sont maintenant renvoyés devant les tribunaux pour adultes le demandent. Ils le font parce qu'ils savent qu'ils obtiendront une sentence moins longue; ils seront libérés plus tôt. Je ne parle pas des meurtriers qui obtiennent des sentences fixes et qui resteront plus longtemps dans les prisons pour adultes. Mais dans le cas des autres crimes avec violence, la plupart de ces enfants resteront en prison ou en détention moins longtemps que s'ils étaient traités dans les limites de la loi que nous avons maintenant. Dans notre loi actuelle, il n'existe pas de probation automatique. Il n'y a pas de libération conditionnelle automatique. S'il faut six mois pour régler le cas, les six mois passés en détention ne comptent pas.

• 1550

Donc, si on additionne tout cela, les enfants restent plus longtemps en détention maintenant. Si vous les renvoyez devant les tribunaux pour adultes, disons pour agression sexuelle grave, ils sortiront plus tôt du système et n'auront eu accès à aucun programme. Dans les pénitenciers et parfois dans les prisons provinciales, il n'en existe pas—des gens pourront dire qu'il en existe, mais ces programmes ne sont pas efficaces. Il y a des gens qui, à leur sortie de prison, sont meilleurs et ne récidiveront pas, mais ce n'est pas à cause d'un programme. C'est parce qu'ils ont décidé de changer.

Un dernier mot pour finir. La plupart des gens de ce groupe que je rencontre et qui demandent des programmes, qui demandent la libération conditionnelle, qui demandent d'être relâchés de prison avant d'avoir purgé leur peine de 25 ans pour meurtre, qui participent aux programmes, sont des gens bien organisés, souffrant d'un trouble de la personnalité. Ils sont anti-sociaux et ils savent comment utiliser le système.

On se trompe si l'on croit qu'en envoyant des adolescents dans les prisons fédérales essentiellement on les aidera à se réadapter, on protégera mieux la population. Ils sortiront plus tôt sans avoir eu accès à des programmes. La surveillance... la plupart du temps, les agents de probation n'ont pas le temps de faire quoi que ce soit.

Certes, il y a des choses qui pourraient être améliorées dans la loi actuelle. Nous pourrions peut-être avoir plus de trois ans de détention et deux ans de probation. À l'heure actuelle, sauf dans les cas d'homicide, les enfants ou les adolescents peuvent être condamnés à une détention de seulement trois ans au maximum. Ce pourrait être plus long pour des infractions qui ne sont pas des homicides. Il y a trop d'automatismes dans la nouvelle loi—par exemple, comme je le disais, compter le temps écoulé avant que les décisions soient prises et accorder ensuite la libération conditionnelle automatique aux deux tiers de la peine.

Dans certaines provinces, j'ai entendu des gens dire que la nouvelle loi encouragera les gens à donner aux enfants une meilleure préparation à leur sortie de prison. Vous devriez voir ce que l'on fait aux adultes dans un système comme cela. Après leur sortie de prison—disons qu'ils sont libérés d'une prison située à 20 milles de Montréal—bien des adultes reçoivent 50 $ et un billet d'autobus. C'est ça, leur préparation.

Il faut donc faire bien attention si l'on pense qu'avoir dans la loi quelque chose qui rendra ces adolescents admissibles à la libération conditionnelle après avoir purgé deux tiers de leur peine, de sorte qu'il faut les préparer et les suivre à partir de ce moment-là... On ne le fait pas dans le système pour adultes et la loi est la même. Pourquoi pensons-nous qu'on le fera dans le système juvénile?

Quand la ministre de la Justice a présenté la loi, on a mis l'accent sur la prévention. Bien. On a mis l'accent sur la libération conditionnelle et le suivi dans la communauté. Très bien. On a mis l'accent sur les services de santé mentale pour les délinquants violents. Très bien. Mais avons-nous besoin d'une nouvelle loi pour cela? On peut le faire avec la loi que nous avons actuellement.

Le président: Merci beaucoup.

Nous commencerons avec M. Cadman pour sept minutes.

M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Réf.): Je n'aurai pas besoin de sept minutes. Je n'ai qu'une petite question. Elle est peut-être hors sujet, mais c'est quelque chose qui m'est venu à l'esprit.

• 1555

J'ai connu un cas il y a quelques années—c'était en Colombie-Britannique—où un jeune contrevenant a fini par être jugé comme adulte pour meurtre. Dans son témoignage, le psychiatre a déclaré que le jeune avait déjà eu des démêlés avec la justice pour des délits mineurs et qu'il avait alors été évalué, mais qu'il ne s'était pas agi d'une évaluation complète. Quelques mois plus tard, il a commis un meurtre. Il a ensuite été réévalué et le psychiatre a déclaré que s'ils avaient fait toute l'évaluation quelques mois plus tôt, ils auraient décelé toute la violence latente.

Est-ce commun? Cela arrive-t-il régulièrement? Je dirais que la première fois qu'ils ont des démêlés avec la justice, c'est là qu'on devrait procéder à une évaluation complète pour voir ce qui se prépare.

Dr Louis Morrissette: Je pense que nous ne pouvons pas voir cela d'avance. Mais on peut déceler la violence grave quand on y regarde de près. Faire une évaluation complète, cela veut dire parler aux parents, aux professeurs, et toutes ces évaluations. On peut avoir une bonne idée. Si on ne fait rien de très sérieux à ce moment-là, on peut avoir une bonne idée que ça va continuer. Et quand l'enfant vieillit, devient mieux organisé, habituellement, la violence s'accroît. Donc je dirais comme vous que quelquefois c'est triste à voir.

Je rencontre des meurtriers et je me demande pourquoi ils n'ont pas été pris en charge avant. Pourquoi n'y a-t-il pas eu d'intervention ou d'intervention à long terme? C'est triste à voir. C'est pourquoi il est très important de procéder à une évaluation dès la première infraction, même si ce n'est que pour un vol de tablette de chocolat ou de bicyclette. Ça peut sembler un peu fou, mais nous avons fait une recherche avec des meurtriers, un suivi sur dix ans. Nous avons comparé des meurtriers adolescents à un groupe de jeunes contrevenants arrêtés pour des crimes contre la propriété, pas des crimes avec violence. Après dix ans, nous avons constaté que le pire comportement et les arrestations pour des infractions plus violentes étaient le fait du groupe qui avait été arrêté la première fois pour des délits contre la propriété.

Il faut donc faire attention en ce qui a trait à ces infractions. Elles sont importantes, et il faut s'en occuper. Mais souvent, nous n'avons pas les ressources nécessaires et nous ne prenons pas le temps qu'il faut.

M. Chuck Cadman: C'est essentiellement ce que je voulais dire. C'est une question de ressources, quand les situations très compliquées...

Dr Louis Morrissette: De ressources et de changement d'attitudes. Ce n'est pas seulement le fait de voler une bicyclette, mais il faut voir ce que cela signifie, et ce qui s'est passé auparavant. Cette fois-ci, nous l'avons pris alors qu'il volait une bicyclette, mais qu'a-t-il fait auparavant, impunément? Voilà ce qu'il faut regarder.

Le président: Madame Toutant.

Mme Cécile Toutant: Je voulais simplement ajouter une précision en réponse à votre question.

Très souvent, nous rencontrons des parents qui avaient demandé de l'aide avant que la situation ne se solde par un crime horrible. Parfois ils se sont présentés à des bureaux où ils n'ont pas obtenu les services appropriés. Il arrive que les gens se trompent. Je n'essaie pas de vous dire que tous ceux qui deviendront violents à l'avenir peuvent être identifiés à l'avance, mais parfois ils n'ont pas reçu les services dont ils auraient eu besoin.

Je pense que nous devons comprendre que maintenant au Canada lorsque nous parlons de lois, cela ne crée par automatiquement des services. Les lois peuvent forcer la réintégration sociale au deux tiers de la peine. Bien sûr, nous pouvons forcer les autorités à libérer les contrevenants, mais il faut que la réhabilitation précède la réinsertion. Si nous n'avons pas dans nos institutions d'infrastructure de réhabilitation, quelles que soient les lois que nous adoptions, il n'y aura pas de réhabilitation digne de ce nom. Cela ne dépend pas des lois.

• 1600

Je suis sûre que vous savez que le Québec s'oppose fermement à cette loi. Enfin, ce n'est pas le cas de tout le monde, disons. J'ai aussi entendu cela. Je dirais que beaucoup de ceux qui travaillent avec les jeunes sont contre la loi, puisque nous nous rendons compte que d'une certaine façon nous avons beaucoup de chance, parce que dans les années 50 on a ouvert un endroit qui s'appelle Boscoville. Le père Mailloux, entre autres, et les gens qui ont construit Boscoville ont mis sur pied une tradition de réhabilitation, de travail avec les jeunes, et ils les considèrent différents des adultes. Boscoville était un centre pour juvéniles avec ce que nous appelons une formation de type psycho-éducation. Non seulement ont-ils créé cette ressource, mais ils ont aussi créé un programme de formation universitaire pour ceux qui vont travailler avec ces juvéniles.

Alors, je pense que si vous voulez travailler avec les jeunes, si vous voulez bien travailler avec eux, ce ne sont pas des mesures législatives qu'il vous faut. Vous donnez de l'argent, vous instituez les services, la formation, vous faites adopter la philosophie. C'est toute une philosophie.

Si j'entre dans une prison aujourd'hui et que je dis au responsable qu'aux deux tiers de sa peine vous devriez libérer ce jeune et le réinsérer dans la société, ils ne sauront pas quoi faire. Ils vont donc faire ce que dit cette loi. Personnellement, je pense qu'elle va leur donner environ 50 conditions pour les contrôler. Il faut bien sûr des contrôles; vous ne pouvez pas faire de réhabilitation si vous ne contrôlez pas d'abord. Mais ce contrôle doit être accompagné de soutien, d'enseignement, un peu comme ce que nous faisons en tant que parents. Je dis toujours que la rééducation, c'est comme l'éducation: il y a des contrôles, mais il faut du soutien; vous devez être présents tout en fournissant un genre d'autorité affectueuse.

Sans cette infrastructure, vous pouvez adopter toutes les lois que vous voulez, mais ça ne marchera pas.

Je pense qu'il y a quelques éléments dans la loi qui font qu'on se sent mal par rapport à un traitement qu'on voudrait administrer. On se sent toujours mal quand il y a des automatismes, et je vais vous dire pourquoi.

Supposons qu'il y a un jeune qu'on voudrait traiter. Nous en avons vu quelques-uns, et quand nous parlons de ce genre de chose c'est à eux que nous pensons. Nous les traitons, et quand ils sont prêts à sortir, quand nous avons l'impression qu'ils sont bien impliqués dans leur traitement et qu'ils vont beaucoup mieux, parce que nous les voyons tous les jours, nous disons que nous allons leur permettre de sortir, et ils sortent. Ils sortent d'abord en groupes, puis ils sortent accompagnés d'un éducateur, et enfin ils sortent tout seuls.

Supposons qu'un jeune commence à travailler et que nous ayons l'impression que les choses ne se passent pas bien, parce qu'il ne réagit plus de la même façon. Nous lui disons: «Tu n'iras pas travailler demain matin parce que nous avons la nette impression qu'il se passe quelque chose que tu ne nous dis pas. Nous te trouvons nerveux, impulsif. Il y a quelque chose qui cloche.» Nous l'arrêtons. Parfois cela prend une semaine, parfois deux, et on finit par savoir ce qui se passait. On règle le problème, on lui permet de ressortir, on continue.

Le traitement, c'est accompagner quelqu'un qui apprend et qui change. Accompagner quelqu'un, ça ne signifie pas le contrôler et simplement l'empêcher de faire ceci ou cela.

Selon la loi, au deux tiers de leur peine ils peuvent sortir sous surveillance intense. Il y a tellement de conditions. Je l'ai déjà dit. Je n'aime pas cela. Je pense que nous devrions imposer des conditions appropriées au jeune, et non pas des conditions qui sont déjà dans la loi. Mais quand il est sorti, nous devrions pouvoir dire «Reviens ici». En vertu de cette loi, si nous voulons le garder plus de 48 heures, nous devons nous représenter devant le tribunal, parler au juge, et lui dire: «Nous aimerions le ramener, mais nous ne savons pas pour quelle période de temps.»

Je trouve que certaines procédures vont empêcher les gens de prendre les mesures voulues au bon moment. Donc, en ce qui a trait au traitement, il faut examiner ces articles.

Le président: Merci.

[Français]

Monsieur Bellehumeur.

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Madame Toutant et monsieur Morrissette, en premier lieu, je vous adresse un gros merci pour la grande clarté de votre présentation. J'invite les députés à lire votre mémoire. Vous, monsieur Morrissette, entre autres, entrez beaucoup plus dans les détails que vous ne l'avez fait dans votre présentation. Tout est très clair, de même que la conclusion. Je ne reviendrai pas là-dessus, sauf peut-être au moment de l'étude article par article.

Je m'adresse au premier qui voudra bien me répondre ou aux deux. Une des justifications du ministère de la Justice pour modifier la Loi sur les jeunes contrevenants est—et on nous le répète encore—que cette loi n'est pas claire, qu'elle manque de clarté et de vision, qu'elle contient des principes contradictoires, que les divers stades des procédures judiciaires ne sont fondés sur aucune norme précise, etc.

• 1605

Madame Toutant, vous qui suivez peut-être l'application de la loi de plus près que le Dr Morrissette, croyez-vous que la Loi concernant le système de justice pénale pour adolescents est beaucoup plus claire, qu'elle s'appuie sur des principes plus nombreux, qu'elle permettra de mieux atteindre l'objectif de protéger la société que la Loi sur les jeunes contrevenants qui est mise en application depuis de nombreuses années?

Mme Cécile Toutant: Je n'aurai pas à vous raconter une très longue histoire; je pense pouvoir vous répondre en deux minutes.

[Traduction]

L'ancienne Loi sur les jeunes délinquants, que s'est appliquée de 1908 à 1984, était une loi très protectrice. On pourrait dire qu'elle était un peu paternaliste. On devait traiter un enfant comme un bon père traiterait son enfant.

Quand les avocats—et je ne suis pas nécessairement en désaccord avec eux—ont regardé cela, ils ont dit, les jeunes n'ont pas de droits; ils ne sont pas suffisamment protégés. La société a évolué. Finalement, cela a débouché sur la Loi sur les jeunes contrevenants. La Loi sur les jeunes contrevenants accorde plus de droits aux jeunes et leur donne un plus grand nombre de responsabilités, d'une certaine façon. On les perçoit quand même comme des jeunes, mais des jeunes plus responsables qu'en vertu de la loi précédente.

Je pense que la Loi sur les jeunes contrevenants, sur le plan du principe en cause, établit un équilibre très délicat, mais nous en étions satisfaits. Nous en étions satisfaits en ce sens qu'elle établissait un équilibre entre la protection du public et les besoins des jeunes, sans conflit d'intérêts. Je pense que c'était excellent. Son application n'est pas toujours facile, mais je ne pense pas que l'application des lois devrait être facile, qu'elle devrait être si automatique qu'on dise immédiatement que la protection du public, cela veut dire telle ou telle chose.

Je sais que dans la nouvelle loi on dit qu'on doit tenir compte des besoins du jeune, ou du jeune contrevenant. Mais je pense que nous ne devrions jamais oublier que nous aimions la façon dont l'ancienne loi décrivait certaines choses parce qu'elles différaient réellement du système adulte. Je pense que dans un système qui s'applique aux juvéniles, il faut toujours se souvenir que les jeunes ne sont pas nos ennemis, qu'ils ne sont pas des adultes; ce sont des jeunes qui grandissent, qui subissent un processus de maturation, et qui ont des besoins spéciaux.

Avoir des besoins spéciaux, cela ne signifie pas qu'il faut tout leur passer. Ce n'est pas ce que cela veut dire. Cela signifie que si vous êtes un jeune avec des problèmes neurologiques, nous allons en tenir compte et essayer de vous donner les services qu'il vous faut. Et si nous ne le faisons pas, ce n'est pas ainsi qu'on arrivera à protéger le public. Certaines fois, j'ai l'impression que la protection du public est en opposition aux besoins précis et à la réhabilitation. Selon moi, la protection du public est la conséquence de la réhabilitation.

Si vous ne faites pas de réhabilitation, si vous envoyez les jeunes à des établissements pour adultes où c'est la loi du plus fort qui règne...

[Français]

J'allais dire des gros bras.

[Traduction]

Je ne sais pas comment le dire en anglais.

M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Dites-le en français.

[Français]

Mme Cécile Toutant: La loi des gros bras.

[Traduction]

Si vous les envoyez là, vous récolterez les résultats, car ces endroits ne tiennent pas compte de l'individualité des personnes en cause.

Je ne pense pas que nous devrions en dire plus long sur le système adulte cet après-midi. Je pense toutefois que vous devriez essayer d'en apprendre un peu plus long là-dessus.

Dr Louis Morrissette: J'ajouterai que je suis un peu étonné que la nouvelle loi place tellement d'emphase sur la protection du public. Parce qu'à l'heure actuelle, dans la loi existante, depuis 1995, dans les premiers principes énoncés on dit clairement que la protection du public est la priorité, et je suis d'accord avec cela. Mais comme Mme Toutant l'a dit, si vous voulez protéger le public, oui, vous pouvez contrôler ces jeunes par le biais de la libération conditionnelle ou de la détention, mais la meilleure protection c'est de répondre à leurs besoins, si possible, et ainsi la protection sera assurée.

• 1610

Mais le premier objectif de la loi telle qu'elle existe maintenant est la protection du public. Ce n'était pas le cas en 1984, mais elle a été modifiée en 1992 et puis en 1995. Maintenant, le premier principe énoncé dans la loi est la protection du public, et ce n'est donc rien de neuf que de dire que la protection du public devrait être la priorité. C'est déjà ce que dit la loi existante.

Le président: Monsieur Bellehumeur.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Comme suite à ce que vous venez de nous dire, j'aimerais, madame Toutant, revenir à la première remarque qu'on lit au mémoire que vous avez déposé. Vous disiez que cette loi vous inquiétait car elle se rapprochait dangereusement du système de justice pour adultes et vous énumériez une série d'exemples. Vous semblez nous dire qu'autant au niveau des libérations qu'à celui du suivi, le projet de loi que nous étudions fera en sorte qu'on traitera de plus en plus le jeune comme s'il était un adulte.

Mme Cécile Toutant: J'ai énuméré quelques exemples et j'aurais probablement pu en énumérer plusieurs autres. Tout comme moi, vous savez qu'au Canada, on fait presque toujours équivaloir la notion de protection du public à la durée de la détention. Comme pourra vous le confirmer le chercheur qui est ici aujourd'hui avec nous, aucune recherche n'a réussi à prouver que la durée de la détention était un facteur qui accroissait la possibilité de non-récidive.

On parle de la protection du public et de la nécessité de mieux combler les besoins des jeunes. Je me demande alors pourquoi nous avons des présomptions de renvoi à 14 ans basées sur un délit violent. Dans mon texte, je vous en ai donné des exemples. Les adolescents avec lesquels on a eu le plus de succès au cours de notre carrière—et Dieu sait qu'on rencontre des adolescents extrêmes et qu'on se dit parfois qu'on a peu de succès—ont souvent été ceux qui, même s'ils avaient commis un délit très grave, n'avaient commis que ce délit. Ce délit ne s'inscrivait pas dans une carrière criminelle antérieure. Ils avaient souvent commis un délit épouvantable qui, si on vous le décrivait ici, vous ferait dire que cela n'a pas de bon sens de commettre un acte aussi grave. Je dois avouer que des adolescents qui sont désorganisés commettent souvent des délits beaucoup plus horribles au niveau descriptif que ceux que commettent les adultes. Les adultes prennent une arme à feu et commettent un meurtre qui paraît beaucoup plus propre aux yeux du public. Les adolescents commettent parfois des délits qui nous font dresser les cheveux sur la tête.

S'il y a absence de carrière criminelle, le pronostic est excellent. On ne devrait pas se contenter de regarder un délit violent et de l'associer tout de suite à une peine pour adultes. Je pourrais résumer ma première remarque en vous disant qu'il ne faut pas toujours regarder seulement le délit.

Deuxièmement, je me demande bien en quoi les peines pour adultes sont meilleures. Les délits très graves sont actuellement punis par des peines plus élevées et, à mon avis, les peines prévues pour les meurtres aux premier et deuxième degrés sont suffisantes. Il faut regarder le travail qu'on a fait avec les jeunes et comment il a été possible de travailler avec eux durant cette période-là.

L'autre élément qui m'inquiète—et qui touche d'ailleurs précisément ce dont on est en train de discuter—, c'est la possibilité d'envoyer des adolescents au pénitencier pour finir de purger leur peine après avoir commencé à faire leur réadaptation dans un milieu pour jeunes. Oubliez cela. Même si la loi vous disait que c'est faisable, moi, j'affirme le contraire. Je vous donnerai deux raisons. Les adolescents que nous recevons ont commis des délits graves et ils ne sont pas faciles. Ne vous imaginez pas qu'en entrant, ils nous disent «monsieur, madame ou docteur». Ils ne sont pas très polis et il est très difficile de faire leur réadaptation. Personne ne voudrait s'engager dans un processus de réadaptation en sachant que ce processus sera suivi d'une peine dans un pénitencier. Oubliez cela. Cela veut dire que la loi devra prévoir de quelque façon des ressources qui vont s'occuper des jeunes de 17 ans pour les mener jusqu'à l'âge de 22 ou 23 ans, des ressources qui vont chapeauter les deux systèmes et qui seront affectées au secteur juvénile, donc du côté du traitement et non pas de la détention.

• 1615

Une des illusions qui ont actuellement cours au Canada, et je l'ai encore entendue récemment, c'est que les adolescents en institution sont tenus à l'écart des adultes. De quoi se plaint-on? De quoi? Eh bien, je suis en mesure de vous dire que les adolescents gardés à l'écart des adultes sont dans des endroits où il n'existe aucun programme à leur intention. Ils regardent la télévision et jouent à des jeux vidéo en attendant d'avoir 18 ans, moment où ils seront transférés de l'autre côté.

Je ne connais pas tout ce qui se passe chez les adolescents, mais je vous dis que vous, membres du comité, êtes en mesure de le savoir. Demandez ce qui se passe concernant les adolescents dans les institutions adultes. Demandez quels programmes leur sont offerts et ce qu'il en est de la rééducation.

C'est sur ce concept que je vais terminer, monsieur le président. Dans un milieu juvénile, la rééducation doit s'exercer 24 heures par jour par un personnel éducateur à temps plein. Dans un milieu adulte, le travail consiste à donner des cours, mais quand les gens reviennent dans leur unité, c'est la loi du plus fort qui sévit. C'est ainsi que cela se passe dans un pénitencier; c'est comme ça, une prison. Alors, rééducation et milieu adulte ne vont pas du tout ensemble.

Le président: Merci.

[Traduction]

Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Merci.

Je n'ai pas pu être présente ce matin, et mes questions s'adressent à ceux d'entre vous qui pourrait y répondre... J'ai trois ou quatre petites questions, monsieur le président.

J'aimerais simplement quelques renseignements de base. Je ne suis qu'un simple médecin de famille, et en tant que tel je me suis occupé de certains des jeunes de Youthdale, et j'ai ensuite appris que certains de ces jeunes étaient devenus des travailleurs auprès des jeunes de Youthdale. J'ai donc un préjugé favorable; pendant les vingt années où j'ai pratiqué la médecine familiale, j'ai pu voir certains de ces jeunes faire des volte-face assez impressionnantes.

Quel est le pourcentage de jeunes qui ont une difficulté d'apprentissage qui n'a pas été diagnostiquée, et qui, une fois qu'on a su diagnostiquer leur problème, peuvent tout à coup faire leur travail scolaire? J'aimerais connaître le pourcentage de ceux qui souffrent des effets de l'alcool sur le foetus, le pourcentage de ceux qui ont été battus ou ont été victimes d'abus sexuels, ainsi que le taux d'alphabétisation. À propos des jeunes contrevenants, j'aimerais savoir s'il y a des différences liées au sexe, surtout, en ce qui concerne les jeunes prostitués, les drogues et l'alcool.

J'aimerais ensuite que nous parlions de nos responsabilités en tant que professionnels de la santé quand il s'agit de reconnaître ceux qui souffrent de désordres du comportement et qui sont à l'état limite de troubles de la personnalité, avec lesquels nous avons plus de mal; il est plus difficile de les mettre sur le droit chemin—les psychopathes et les sociopathes—j'aimerais savoir si vous pensez que nous pouvons faire ces diagnostics, et j'aimerais aussi savoir quel est le taux de réussite en ce qui les concerne.

Ensuite, j'aimerais que vous nous parliez des exemples internationaux; on entend dire que ces camps de réadaptation de type militaire qu'on avait institués aux États-Unis ferment leurs portes, qu'ils ne donnent pas les résultats escomptés.

Dr Louis Morrissette: C'est la dernière question qui est la plus facile. Ils ne donnent pas les résultats escomptés parce qu'il n'y a pas de suivi. Ces camps de type militaire sont efficaces. Tout traitement est efficace s'il y a un suivi. Si vous avez le cancer du sein, vous subirez peut-être une intervention chirurgicale, mais s'il n'y a pas de suivi avec des traitements appropriés, qu'il s'agisse d'irradiation ou de chimiothérapie, l'intervention ne sera pas efficace. C'est la même chose pour ces camps de type militaire. Si un jeune y est envoyé pendant trois mois, six mois, neuf mois ou quinze mois, dans ces endroits où il y a de la discipline, de l'éducation, des traitement sociaux, quels que soient les éléments qu'on y trouve, quand on les libère et qu'ils rejoignent la collectivité, s'il n'y a pas de suivi intense, si vous ne suivez pas ce qui se passe dans la famille, à l'école et ainsi de suite, les jeunes perdent ce qu'ils ont acquis pendant ces quinze mois.

Ainsi, donc, parmi ces camps de réadaptation de type militaire, ceux qui ont été efficaces sont ceux qui avaient un bon programme de suivi. Voici pourquoi ils ferment leurs portes: ce n'est pas la même agence qui était responsable des programmes de détention et des programmes de suivi. Ainsi, comme il n'y avait pas de coordination, les programmes n'étaient pas efficaces.

Voilà pour la question la plus facile.

• 1620

Je vais vous parler de l'Institut Pinel. C'est la dernière escale, si vous voulez, au Québec, pour six millions de personnes; il y a 15 lits pour les jeunes garçons seulement. Je n'ai pas de données pour les filles. Je vois des filles dans d'autres centres, mais pas à Pinel.

Plus des deux tiers ont trois, quatre ou cinq ans de retard dans leur travail scolaire. Ils arrivent à 14, 15 ou 16 ans et sont entre la quatrième et la huitième année, alors qu'ils devraient être en dixième, onzième ou douzième année. Donc, la plupart ont des problèmes d'apprentissage, qu'il s'agisse du trouble déficitaire de l'attention, d'une difficulté d'apprentissage précise, de problèmes de lecture, ou d'autre chose.

Quant au syndrome d'alcoolisme foetal, pour ma part, au Québec, je le vois rarement. Mais si vous allez à Winnipeg et si vous consultez les gens qui travaillent dans les centres là-bas, vous verrez qu'il y en a beaucoup. Si vous regardez les textes spécialisés et si vous parlez aux gens, c'est clair. Pour ma part, j'en vois un à tous les trois ou quatre ans. C'est exceptionnel, parce que je travaille à Montréal. Si je travaillais à Sept-Îles, dans le Nord, les choses seraient différentes.

Vous soulevez le cas du trouble de la personnalité limite et de la personnalité antisociale; je souhaite ardemment qu'on puisse faire ces diagnostics quand ces jeunes ont 14 ou 15 ans. Il faut faire très attention. Si on estime qu'un jeune est sociopathe à 19 ou 25 ans, il y a très peu d'espoir. Mais si un garçon a des problèmes de comportement à 14 ans et s'il se dirige vers la sociopathie ou pourrait devenir une personnalité antisociale, il y a des traitements connus qui peuvent être efficaces, si vous avez les ressources et le temps nécessaire.

Quant aux médecins de famille ou spécialistes, vous avez dit qu'en tant que tel vous en avez vu plusieurs dans votre pratique. Bien. Mais ce n'est pas le cas de nombreux médecins à Montréal. Ces jeunes ne se rendent pas chez le médecin. Leurs parents ne les emmènent pas voir le médecin. Et quand ils le font, on les renvoie de l'hôpital ou de la clinique en disant «problèmes de comportement», protection de la jeunesse, ou... En tant que médecins, nous ne traitons pas ces jeunes. Quand je les vois dans mon unité à 15 ou 16 ans, dans la moitié des cas je fais un diagnostic de troubles psychiatriques et plusieurs accepteront des médicaments. Parfois ils ont été vus par des médecins, mais généralement parlant, je ne suis pas très fier de ce que nous avons à leur offrir en tant que groupe.

Mme Carolyn Bennett: J'ai entendu dire que jusqu'à 70 p. 100 des jeunes contrevenants avaient des problèmes d'apprentissage. Ce chiffre est-il juste, d'après vous?

Dr Louis Morrissette: Trouble d'apprentissage, trouble déficitaire de l'attention, comportement impulsif, syndrome cérébral organique—si vous additionnez tout cela, vous atteignez 70 p. 100.

Le président: Monsieur Doob, aimeriez-vous répondre aussi?

M. Anthony N. Doob (professor, Faculté de psychologie, Centre de criminologie, Université de Toronto): Il serait peut-être utile d'essayer de répartir le grand groupe de jeunes qu'on considère être de jeunes contrevenants en deux groupes qui ne sont pas en réalité si différents que cela, mais pour les besoins de la cause, il pourrait être utile de les voir ainsi.

Certains chercheurs ont parlé d'un groupe qui manifeste des troubles précoces, des difficultés qu'ils vont continuer de manifester. Généralement, dans ce domaine, on parle de facteurs de risque, et c'est le genre de chose dont vous venez de dresser la liste: les nourrissons de poids insuffisant à la naissance, ceux qui ont des difficultés dans la petite enfance, les ressources financières insuffisantes, les ressources familiales inadéquates, et ainsi de suite. Ce qui est intéressant, c'est que dès l'âge de 10 ou 11 ans, sans qu'on puisse les identifier à la perfection, c'est un groupe assez facile à identifier en ce sens qu'il est constitué des jeunes les plus difficiles.

Selon une recherche effectuée par Statistique Canada dans le cadre d'un important sondage, ces jeunes sont très difficiles, on ne sait pas trop que faire pour améliorer leur comportement, et ils sont aussi rejetés par leurs parents, et par les écoles. Selon de nombreux barèmes, ils semblent vraiment tristes, déprimés et rejetés. Voilà les jeunes auprès desquels il faudrait faire des interventions.

• 1625

Pour ce qui est des interventions, d'autres données, pas l'enquête de Statistique Canada, laissent entendre qu'une des institutions qui a une réelle occasion d'intervenir est l'école. Ces mêmes enfants qui sont très à risque à l'âge de 10 et 11 ans, s'ils connaissent à l'école des expériences positives, peuvent vraiment changer de comportement.

Chose intéressante, je trouve, comme criminologue qui considère tout cela, que je suis vraiment dans le mauvais domaine. Si nous parlons de faire de la prévention et de tenter sérieusement de nous occuper de ces enfants qui vont finir par être très violents, on ne devrait pas s'intéresser au domaine que j'étudie, qui est le système de justice pénale ou le système de justice pour jeunes. On devrait plutôt, en fait, insister, comme l'ont dit ici les deux médecins, sur la prévention et sur ces genres de services, parce que c'est là que ça se passe.

Il est vrai toutefois qu'on peut intervenir tôt et ne pas en voir les avantages pendant un certain temps. On constatera des avantages immédiats dans la vie de ces enfants, qui ne se traduiront peut-être pas en avantages du côté de la criminalité immédiatement. Mais les données tirées de diverses études laissent entendre que si l'on intervient auprès des jeunes de 10 et 11 ans, ceux qui sont déjà difficiles, et que l'on se tourne vers l'institution où nous avons le plus de contrôle, à savoir l'école, plutôt que la famille, parce qu'il est beaucoup plus difficile d'intervenir auprès de la famille, on peut faire certaines choses très positives si l'on est vraiment intéressé.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Cadman, pour trois minutes.

M. Chuck Cadman: Je vais passer mon tour.

Le président: Nous revenons à M. Saada.

[Français]

M. Jacques Saada: Merci.

Voici d'abord une petite remarque que je n'aurai pas l'occasion de faire publiquement et que je vais donc faire aujourd'hui. J'ai eu l'occasion de travailler avec l'Institut Philippe-Pinel à propos de dossiers administratifs extrêmement importants il n'y a pas très longtemps, et je dois vous dire que j'ai été absolument impressionné par la qualité de ce que j'ai constaté sur place et de ce qu'on m'a expliqué. Je ne sais pas si vous êtes les bons véhicules pour transmettre le message, mais je voulais absolument que ce soit inscrit quelque part.

J'ai une question, que je voudrais poser aussi bien à vous qu'à M. Doob, parce qu'elle me paraît assez fondamentale. Je voudrais parler d'harmonisation.

Nous avons entendu des témoins de l'Ontario, de la Colombie-Britannique, de l'Alberta et du Québec, venus nous dire à quel point la prévention était importante, à quel point la réhabilitation était importante, à quel point les mesures extrajudiciaires pouvaient être plus efficaces que la mise sous garde, et ainsi de suite, et ainsi de suite. Je suis sensible à cette philosophie fondamentale, que je comprends très bien et à laquelle je souscris.

Pourtant, les conclusions que les uns et les autres tirent sont diamétralement opposées. Il y en a qui, pour arriver à justement promouvoir cette autre façon de faire les choses, vont dire qu'ils s'opposent au projet de loi actuellement devant nous. En même temps, en vue des mêmes objectifs et en se basant sur les mêmes principes, d'autres viennent nous dire que ce nouveau projet de loi est absolument essentiel.

Expliquez-moi.

Mme Cécile Toutant: J'ai entendu des gens du ministère de la Justice qui sont à l'origine du projet de loi... Je m'excuse; peut-être que quelqu'un d'autre s'apprêtait à répondre. Quand j'entends dire qu'on a préparé ce projet de loi pour donner de meilleurs services aux adolescents, je me dis que je n'y comprends rien. Je ne peux pas croire que c'est ce qu'il est censé faire. Peut-être était-ce l'intention de départ, mais je ne trouve pas que c'est ce qu'il contient.

Je mentionnais tout à l'heure qu'à mon avis, il ne fallait pas légiférer. Je vais prendre l'exemple de l'Ontario. J'ai entendu des gens de l'Ontario dire que les adolescents pourrissent dans des ailes de prison et qu'avec cette nouvelle loi, on sera obligé de les libérer aux deux tiers de leur peine. Par conséquent, les adolescents seront mieux avec cette nouvelle loi. S'il en est ainsi, je comprends la réaction des gens de l'Ontario. Si c'est pour cela qu'ils sont en faveur de la nouvelle loi, je comprends. Mais ils ne sont pas ici, ces gens-là. Peut-être que d'autres pourraient me dire si c'est bien cela.

Pourtant, quand on voit ce qui se fait comme réadaptation et qu'on étudie la loi, on se dit qu'elle risque d'être plus nuisible qu'aidante. À notre avis, comme je le disais plus tôt, il ne s'agit pas de légiférer là-dessus. Il faut des ressources. Quand j'entends M. Doob dire qu'on pourrait faire beaucoup dans les écoles, je me dis qu'il n'y a rien de plus vrai.

Mais je ne sais pas si vous vous rendez compte d'une chose: en même temps que le Centre national de prévention du crime dégage des sommes d'argent pour investir dans la prévention, dans nos écoles, on abolit des postes de professionnels d'intervention et on grossit les classes. Ce que l'on donne d'une main, on le retire de l'autre. En fait, je vais parler de la province que je connais, et d'autres parleront de la leur. L'impression qu'on a, c'est que lorsque quelqu'un s'aperçoit qu'il arrive de l'argent nouveau dans un secteur, il se dit que lui-même n'a plus besoin d'en donner puisqu'il n'en a pas beaucoup. Finalement, ce sont des ressources qui disparaissent.

• 1630

M. Jacques Saada: Je comprends bien. La question des ressources n'est pas étrangère à tout cela. Elle est extrêmement importante, tout le monde en convient. Je pense que personne ne se cache derrière ça. Mais je voudrais donner un exemple des raisons pour lesquelles les gens de Sparrow Lake ont fait valoir ce matin que le projet de loi avait certains mérites, si j'ai bien compris.

Le projet de loi vise à augmenter le recours à des mesures de rechange. Le projet de loi vise à imposer des limites au placement sous garde. Le paragraphe 38(2) est très, très clair à cet égard. Le projet de loi accorde beaucoup d'importance à la réinsertion sociale et à la gestion de cas.

Bien sûr, il y a des sujets sur lesquels on a des réserves quant au projet de loi. C'est clair. Mais les principes sur lesquels on s'appuie pour s'orienter vers ce projet de loi sont ceux que je viens d'invoquer.

Je pense que si on part de cette analyse-là, on est tous sur la même longueur d'onde. Je ne crois pas qu'il y ait là de divergence. Tout dépend d'où on part et où on veut arriver, n'est-ce pas?

Dr Louis Morrissette: Si je peux me permettre, je dirais que ça dépend vraiment beaucoup d'où on part. Pourquoi voit-on des réactions aussi diverses? À mon sens, sans que je sois politicien ou historien et selon le peu que j'en comprends, c'est par rapport à ce que c'était avant 1984. Il y avait deux provinces dans lesquelles les adolescents étaient considérés comme adultes à l'âge de 18 ans. C'était le Québec et une autre... Je ne veux pas me tromper. En tout cas, il y avait une autre province.

Les provinces qui se sont le plus opposées à la Loi sur les jeunes contrevenants telle qu'elle est maintenant et qui sont, me semble-t-il, très favorables à la loi proposée sont celles qui n'avaient pas de tradition de réhabilitation pour les jeunes de 15, 16 et 17 ans.

Au Québec, j'ai été privilégié; j'ai grandi dans un système où, quand je suis arrivé en médecine, en psychiatrie des jeunes, il y avait eu Boscoville. Il y avait déjà toute une tradition de réhabilitation. Les édifices étaient construits et le personnel était entraîné. Quand je suis allé au Nouveau-Brunswick, j'ai constaté que cela n'existait pas. Quand je suis allé à l'Île-du-Prince-Édouard, on venait d'y ouvrir un centre; c'était en 1998. Au Nouveau-Brunswick, à Miramichi, c'est tout récent. En Ontario, ils n'en ont pas. C'est géré par le système provincial des prisons. Les jeunes de 16 et 17 ans attendent en prison et, quand ils en ont 18, ils s'en vont de l'autre côté.

Donc, la question se pose de savoir si on peut vraiment légiférer quant à une tradition de réhabilitation. Est-ce qu'on peut créer une tradition de réhabilitation au moyen d'une loi? Si on me dit oui, je vais dire d'accord. Si on me dit qu'on est certain qu'avec l'adoption d'une telle loi, il y aura obligatoirement des ressources spécifiquement consacrées aux 16 et 17 ans, qui sont les cas les plus difficiles, qu'on va prendre en charge leur réhabilitation jusqu'à 18 ou 19 ans, si on me dit que la nouvelle loi va susciter ces ressources qui n'existent pas actuellement dans plusieurs provinces, je reconnaîtrai que c'est positif.

Quant aux mesures extrajudiciaires, elles sont possibles dans le cadre de la loi actuelle. Pourquoi ne sont-elles pas utilisées dans les autres provinces? C'est uniquement une question de philosophie et de tradition. Ce n'est pas la loi qui va changer cela.

Est-ce qu'une nouvelle loi va faire en sorte que les gens vont changer leur entraînement? Ils l'ont déjà. Est-ce qu'une nouvelle loi va changer leur façon de penser? C'est vrai qu'ils seront obligés de les libérer aux deux tiers de la peine, mais les pénitenciers sont aussi obligés de les libérer aux deux tiers. Ils ont été obligés de faire amender la loi pour les adultes parce qu'il y en avait quelques-uns qu'on était obligé de garder pendant toute la durée de leur peine parce qu'ils étaient considérés trop violents. Je suis convaincu qu'avec la nouvelle loi, un amendement sera proposé d'ici un an ou deux ou d'ici quatre ou cinq parce qu'il y en aura quelques-uns qu'on ne pourra pas libérer aux deux tiers de leur peine, qu'il faudra garder pendant toute la durée de leur peine avant de leur donner leur billet d'autobus.

Je ne sais pas si on peut changer cela au moyen d'une loi. C'est une question de philosophie et de ce qui a existé auparavant, au cours des années antérieures.

M. Jacques Saada: Je vais revenir dès que j'aurai plus de temps.

Le président: Monsieur Bellehumeur.

• 1635

M. Michel Bellehumeur: On pourrait en discuter de façon plus approfondie, mais je souhaite simplement que nous gardions cela en tête lorsque nous ferons l'étude article par article.

Je suis persuadé que vous vous opposez à la publication des noms. J'aimerais cependant que vous exprimiez votre point de vue à ce sujet, madame Toutant.

Mme Cécile Toutant: Il est tellement évident que nous sommes contre cette pratique. Cela doit nous paraître au visage. Lorsque nous étions en route pour nous rendre ici un peu plus tôt, nous parlions des familles des jeunes que nous connaissons et avec lesquelles nous travaillons étroitement. On aurait tort de croire que ces jeunes viennent tous de familles désorganisées. Il y a des familles très correctes qui ont des enfants qui éprouvent des difficultés et ont des troubles d'apprentissage. Leurs parents ne savent pas comment y faire face, la situation s'envenime et, à un moment donné, la relation parents-enfant ne va plus. Cela n'arrive pas toujours parce que les parents n'ont pas d'allure. Si leur nom était publié, ce serait catastrophique pour les parents qui ont beaucoup d'allure. Les parents et la famille subiraient une blessure qui n'aurait pas sa raison d'être parce qu'ils se sentent déjà très responsables face à la situation de leur enfant. Il y a des parents qui ne se remettent jamais des délits commis par leurs enfants.

Quant aux parents qui s'en fichent, ils s'en ficheraient quand même. Les jeunes qui sont très délinquants et qui s'en fichent s'en feraient une gloire. On sait que dans certains gangs à Montréal—des policiers pourraient venir vous le dire clairement—, il y a des jeunes qui se donnent des points ou des étoiles chaque fois que leur nom est publié dans le journal ou diffusé dans les médias. Je me demande vraiment quelle utilité aurait une publication des noms. Je n'en vois aucune.

Dr Louis Morrissette: Regardez ce qui s'est passé à Columbine. Deux jeunes ont tué plusieurs autres étudiants de leur école et se sont ensuite suicidés. Sept ou 10 jours plus tard, dans l'Ouest canadien, un jeune tirait sur quelqu'un dans une école. Ce drame a été traité de façon très différente. Aux États-Unis, la loi permet la publication des noms, des photos et ainsi de suite. Ces jeunes-là sont devenus des gloires aux yeux de plusieurs personnes. On ne se rend pas compte que certains jeunes ont une si faible estime d'eux-mêmes qu'il devient pour eux important de voir leur nom et leur photo publiés. À Montréal, on appelle cela le syndrome du Journal de Montréal, tandis qu'à Toronto, je crois qu'on parle de celui du Toronto Sun. Ce sont des journaux qui s'intéressent surtout aux faits divers.

Certains jeunes arrivent à l'Institut Philippe-Pinel avec les coupures de journaux qui relatent les crimes qu'ils ont commis. Bien qu'ils s'y opposent et nous disent qu'ils ont le droit de les conserver, nous les leur enlevons. Je ne sais pas si on brime leurs droits, mais on les leur enlève. Ils n'ont pas le droit de les garder parce que cela représenterait une valorisation externe importante.

M. Michel Bellehumeur: Selon vous, cela a l'effet complètement inverse.

Dr Louis Morrissette: Il n'y a pas de retombées positives; il n'y a que des aspects négatifs.

M. Michel Bellehumeur: D'accord. Est-ce que vous abondez dans le même sens, docteur Doob?

[Traduction]

M. Anthony Doob: Je crois que vous auriez beaucoup de mal à trouver un seul professionnel du domaine en faveur de la publication des noms. Depuis que cela a été proposé en mai 1998, je n'ai jamais entendu quelqu'un exprimer un seul argument raisonné, fondé sur des principes, en sa faveur.

Certains autres arguments qui y sont favorables ont trait essentiellement à la vengeance, mais pour ce qui est d'essayer vraiment d'être constructif, comme je l'ai dit, j'aurais certainement beaucoup de difficulté à trouver quelqu'un qui a fait des recherches sur ce genre de question et qui appuierait une telle chose. Ce me semble simplement être de la méchanceté tout à fait gratuite. Et pas seulement cela, mais comme je l'ai également laissé entendre dans mes remarques ce matin, dans le projet de loi dont vous êtes actuellement saisis, quand on décide de le faire et qu'on peut en appeler de la décision, les journaux peuvent publier tout de suite. Il n'y a même pas la possibilité d'interdire la publication, ce qui me semble le comble.

• 1640

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Tout à l'heure, on a parlé de l'harmonisation des peines. On retrouve dans le projet de loi C-3, Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents, un principe qui n'existe pas dans la Loi sur les jeunes contrevenants actuelle, soit la question des peines proportionnelles. On y retrouve aussi la notion de l'harmonisation des peines: la peine doit être semblable à celle qui serait infligée à d'autres adolescents ayant commis la même infraction dans des circonstances semblables.

Vous êtes en mesure de voir comment on applique la loi. Pensez-vous que cette harmonisation avec ce qui se fait dans l'Ouest représente un danger et risque de nuire au travail que vous faites présentement? Comment interprétez-vous cet article, docteur Morrissette?

Mme Cécile Toutant: Vous savez sans doute que le Québec avait songé à se soustraire à la nouvelle loi, à se prévaloir de la possibilité d'un opting out et à continuer d'appliquer la loi actuelle.

M. Michel Bellehumeur: Cela demeure encore une possibilité.

Mme Cécile Toutant: On y songe peut-être encore.

Lorsque nous avons pris connaissance de cet article sur l'harmonisation, nous avons décidé de rejeter la notion d'opting out pour le Québec. Nous vivons dans un pays qui s'appelle le Canada et qui s'est doté d'une Charte des droits et libertés pour tous les Canadiens. Nous ne sommes pas venus comparaître ici aujourd'hui que pour défendre les intérêts des enfants du Québec; nous voulons défendre les intérêts des enfants du Canada entier.

J'ai cru comprendre que cette harmonisation ferait en sorte qu'une peine qui serait donnée au Québec devrait, en principe, ressembler de très près à une peine qui serait donnée dans une autre province. Cette harmonisation irait à l'encontre du principe d'individualisation que nous appliquons lorsque nous agissons en fonction des besoins particuliers d'un jeune. Ce n'est pas parce que nous sommes des cliniciens que nous pensons qu'un jeune qui commet un délit mineur et qui éprouve de nombreux problèmes devrait encourir une peine d'emprisonnement d'une durée de cinq ans.

Il existera toujours une certaine proportionnalité. Ce n'est pas parce qu'on est clinicien qu'on réclamera qu'un jeune qui a volé une tablette de chocolat et semble éprouver de nombreux problèmes soit soumis à une évaluation parce qu'un délit est une signature. On reconnaît qu'il a commis un petit délit et qu'il a peut-être beaucoup de problèmes, mais on ne recommande pas qu'il soit placé. Il y a peut-être beaucoup de personnes dans la société qui ont bien des problèmes et qui ne commettent pas de délits, et pourtant on ne les a jamais analysés.

On sait très bien qu'il faut être très prudent. Il y a toujours, à notre avis, cette espèce de double vision: le délit et sa signification et, d'autre part, les besoins particuliers du jeune. C'est le concept de l'individualisation. On ne saurait appliquer le principe de l'harmonisation qu'à partir du délit commis.

Dr Louis Morrissette: Regardez ce qui se passe au niveau des adultes, où c'est la règle.

M. Michel Bellehumeur: C'est exact.

Dr Louis Morrissette: Prenons l'exemple d'un adulte qui commet une agression sexuelle grave avec un couteau, sans pénétration, qui fait des attouchements directs graves à sa victime, qui la garde sous séquestration et ainsi de suite. Même si la preuve est assez forte, la défense et la Couronne en viennent à une entente, acceptent de ne pas tenir de procès si l'accusé plaide coupable et ne l'accusent que d'agression sexuelle simple. S'il plaide coupable, on ne réclamera qu'une peine de six mois malgré le fait que ce gars est un violeur. Puisqu'on n'a pas voulu tenir de procès et faire témoigner la victime, on a préféré en venir à une entente et minimiser son infraction.

Comme nous le disions plus tôt, il est important d'intervenir auprès des jeunes qui commettent des délits le plus tôt possible. Il va sans dire, comme l'indiquait Mme Toutant, que le vol d'une simple tablette de chocolat ne sera pas passible d'une détention d'une durée de trois ans. Ce serait grossier. Il faut tenir compte du fait qu'il pourrait s'agir d'une première infraction et que cela va très bien dans sa famille et à l'école. On se retrouve face à une situation bien différente lorsqu'un autre jeune commet la même infraction et qu'on constate qu'il a éprouvé des difficultés graves à l'école, qu'il ne la fréquente plus, que ses parents viennent de se séparer, que son père n'est plus présent dans sa vie et qu'il éprouve un problème de drogue. Ce dernier devrait peut-être aller dans un centre pendant six mois ou être en probation intensive dans la communauté.

Si on appliquait les dispositions actuelles de l'article 37, on serait obligé de condamner à trois mois de probation tout jeune qui aurait volé une tablette de chocolat sans faire de suivi particulier. Ce serait une erreur.

M. Michel Bellehumeur: D'accord. Cela fait partie des automatismes dont vous nous avez parlé depuis le début. C'est une autre sorte d'automatisme.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Bellehumeur.

Monsieur McKay.

• 1645

[Traduction]

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Je vous renvoie à la page 6 de votre exposé, où vous dites que «le but premier de cette législation est de protéger le public». J'ai trouvé cela plutôt étrange, car de la façon dont je lis l'article 3, le système a pour but premier la prévention du crime, la prise de mesures offrant aux adolescents des perspectives positives et la réadaptation et la réinsertion sociale de ceux-ci. Je ne comprends donc pas pourquoi vous dites que le but premier est la protection du public. Le paragraphe (3)a) expose un objectif, et cet objectif comporte trois éléments.

Puis, dans votre document, vous citez un cas, JJM (1993), et vous semblez craindre que les difficultés et besoins de l'adolescent ne soient pas pris en compte et, que sans ces considérations, la protection du public par le biais de la réinsertion sociale ou de la réadaptation ne puisse être assurée.

Je ne peux vraiment pas comprendre votre point de vue. Est-ce que vous ne voulez pas que la protection du public soit un objectif de la loi?

Dr Louis Morrissette: Non, je crois qu'elle devrait être l'objectif premier de la loi.

M. John McKay: Oui.

Dr Louis Morrissette: Ce l'est maintenant et ce le sera avec la nouvelle loi. J'ai dit plus tôt que l'objectif de protéger le public semble être le but premier de la nouvelle loi, mais c'est déjà le but premier de la loi qui est...

M. John McKay: Je ne crois pas que ce soit articulé à ce point dans l'actuelle loi sur les jeunes contrevenants.

Dr Louis Morrissette: Comme je ne suis pas un avocat, je ne peux présenter d'argument précis. Mais ce que j'ai lu, ce que j'ai entendu et ce que j'ai vu, c'était que oui, en 1995, c'était... En 1984, au départ, la réadaptation primait la protection. En 1992, les deux sont devenues à égalité et, en 1995, c'est la protection qui est venue en premier. Il faut protéger, et si on peut réadapter les enfants, c'est bien. Mais si on ne peut concilier les deux, alors c'est la protection qui prend la préséance.

M. John McKay: Vous voyez, je ne suis pas convaincu que la protection soit le but premier. De la façon dont je lis l'article, il y a trois éléments: la prévention du crime, la prise de mesures offrant des perspectives positives aux adolescents, et la réadaptation et la réinsertion sociale. Je crois comprendre d'après votre témoignage que quelquefois, ces objectifs sont contradictoires, mais qu'ils constituent le but premier du système de justice pour les jeunes. Ce qui me préoccupe, c'est de savoir si vous reformuleriez la façon dont c'est rédigé.

Mme Cécile Toutant: Voulez-vous dire reformuler le principe?

M. John McKay: Oui.

Mme Cécile Toutant: Nous ne sommes peut-être pas du même avis, mais je le ferais.

M. John McKay: Oui.

Mme Cécile Toutant: Je mettrais, je dirais, autant d'accent sur les besoins spécifiques des enfants que sur la protection du public pour m'assurer que nous tenons compte du fait qu'ils ont des besoins spécifiques. Je sais que c'est mentionné dans d'autres paragraphes qui suivent l'énoncé de principe, mais j'aimerais assurément qu'on accorde autant d'importance au fait que les besoins spécifiques des enfants doivent être pris en compte.

Je vais formuler une remarque pour vous répondre. C'est difficile de vous donner tous les exemples dans la loi qui s'apparentent à une loi pour adultes. Il faudrait que je relise la loi et, croyez-moi, c'est terrible de lire cette loi. Je ne sais pas si vous l'avez lue de la page 1 à la page 100 et quelque, mais c'est très difficile. Et le ton de la loi, je crois, s'apparente de plus en plus à celui d'une loi pour adultes. Oui, dans une loi pour adultes, nous parlons de réinsertion et de réadaptation. Ce n'est pas parce que le mot figure dans la loi que ça en fait une loi pour jeunes ou une loi pour adolescents. Ça m'effraie que cette loi semble de plus en plus parler de pénalités d'adultes, de surveillance qui ressemble à une libération conditionnelle. S'ils sont dans des institutions pour adolescents, il nous faudra traiter avec la Commission des libérations conditionnelles si on leur donne des sentences d'adulte.

• 1650

Aujourd'hui, nous aurions pu rester avec vous plus longtemps que le temps qui nous a été accordé, parce qu'il y a beaucoup de choses qui vont changer notre pratique.

M. John McKay: Pour le plaisir de la discussion, permettez-moi de dire que je ne me rappelle pas d'une partie du Code criminel qui traite de mesures extrajudiciaires ou de déjudiciarisation ou de choses de cette nature, et pourtant, vous faites valoir que le ton...

Mme Cécile Toutant: Mesures de rechange. Il y en a une. Ils sont en train de la changer. Avez-vous le libellé, Tony?

M. Anthony Doob: Oui, c'est C-41.

Mme Cécile Toutant: Ah oui. C'est parfois une question de vocabulaire, mais je peux vous dire que mesures extrajudiciaires ou mesures de rechange, ça veut dire la même chose. Plutôt que de vous adresser aux tribunaux, vous empruntez une autre voie.

M. John McKay: Ce que nous faisons ici chaque jour, c'est de traiter des mots qui vont figurer dans les lois, de sorte qu'afin de pouvoir répondre aux préoccupations que vous soulevez, nous avons besoin d'un peu plus de précision que d'impression. Cela fait une heure que je vous écoute, et je ne peux vraiment pas trouver où vous estimez que des changements sont nécessaires dans ces 160 dispositions.

Mme Cécile Toutant: Je serai très brève cette fois-ci et me contenterai de dire que j'ai fait des recommandations très précises dans le mémoire. J'aurais pu en faire d'autres, mais il faudrait que je regarde de nouveau la loi. Mais je crois que vous disposez des principaux commentaires que nous voulions faire.

[Français]

Le président: Merci.

[Traduction]

Monsieur Cadman.

M. Chuck Cadman: J'aimerais revenir à la question de la divulgation de l'identité et de la publication. Je comprends les préoccupations que vous avez au sujet d'une publication complète, quand c'est imprimé et étalé dans les journaux. Mais pour ce qui est de la divulgation de l'identité et du droit de savoir de certaines personnes, encore une fois, je m'inspire de l'expérience que j'ai d'un cas particulier, où un jeune contrevenant en probation a été accusé d'avoir molesté un jeune enfant de trois ans. Les conditions n'étaient pas respectées, totalement mises de côté. Le conseiller, le thérapeute, savait que la personne était sur une mauvaise pente et n'est pas intervenu si bien qu'une petite fille de six ans a été assassinée—surtout parce que les parents, les personnes qui habitaient le complexe domiciliaire, ne savaient rien au sujet de cette jeune personne.

Quand la protection du public prend-elle le pas sur le droit des gens de savoir qui vit à côté d'eux, notamment quand il est question de pédophiles ou d'agresseurs sexuels?

Dr Louis Morrissette: Il y a eu des cas où les adultes ont posé des affiches sur les poteaux de téléphone...

M. Chuck Cadman: Ce n'est pas une bonne idée.

Dr Louis Morrissette: Mais il y a eu différentes expériences, comme le fait de donner les noms à la police dans leurs quartiers. Quand un pédophile ou un agresseur sexuel sortait de prison, il s'installait dans un quartier et la police n'était pas au courant. On a connu ce genre d'expérience, et jusqu'à présent—je me trompe peut—être—on n'a pas constaté que cela a empêché... Le taux de récidive de ces personnes comparé à celui des gens dont le nom n'était pas connu de la police est le même. Il n'a pas changé. Mais peut-être cela a-t-il changé.

Mme Cécile Toutant: Je me trompe peut-être, mais j'ai l'impression que cette loi nous permettait de partager l'information avec le directeur d'une école. J'ai cette impression. Je me trompe peut-être. Je crois que si on ciblait les gens avec qui on peut partager l'information, je n'aurais aucune objection. Disons que nous laissons sortir un enfant dont nous nous occupions pour un cas de pédophilie et qu'il retourne à l'école publique. Ça ne me dérangerait pas du tout de partager l'information avec le directeur de sorte qu'il puisse garder un oeil sur l'enfant, mais sans l'ostraciser.

• 1655

M. Chuck Cadman: Mais comment cela se passe-t-il dans la communauté? Une école c'est une chose, mais dans le cas dont je parlais, l'ordonnance précisait qu'il ne devait pas être laissé seul avec des enfants de moins de 12 ans, et pourtant on lui a permis de jouer avec des enfants de moins de 12 ans, et par conséquent, un crime horrible a été commis. Mais personne ne le savait. Comment les gens sont-ils supposés le savoir? Comment les parents de la petite fille...

Mme Cécile Toutant: Je dirais que les parents...

Dr Louis Morrissette: [Note de la rédaction: Inaudible]... ils n'avaient rien fait à cet égard.

M. Chuck Cadman: Oui. Encore une fois, je ne dis pas qu'il faut l'étaler dans tout le quartier sur les poteaux de téléphone et des choses comme cela. Cela arrive malheureusement. Je ne suis pas d'accord avec cela. Mais il faut trouver un équilibre quelque part. Prenons le cas d'une personne qui a des enfants et qui vit à côté de quelqu'un qui a été condamné pour pédophilie. La plupart des gens diraient que ces gens ont un certain droit de savoir pour pouvoir protéger leurs propres enfants.

Une voix: Comment?

Mme Cécile Toutant: C'est très délicat.

Le président: Docteur Doob.

M. Anthony Doob: Je prends un risque, parce que ce n'est pas un domaine que je connais bien, mais je crois, monsieur Cadman, que ce que vous disiez il y a une minute, c'était que c'est évidemment complètement différent de la question de la publication des noms.

M. Chuck Cadman: Absolument.

M. Anthony Doob: L'article 126 de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents stipule que vous pouvez vous adresser à un tribunal et partager cette information avec des personnes désignées, entre autres conditions, si la communication vise à empêcher l'adolescent de causer des dommages. Il me semble que ce genre de garantie est vraiment importante. Dans ce sens, nous partageons l'information, nous avons des noms que nous pouvons en fait publiciser plutôt largement pour le moment, quand quelqu'un essaie d'appréhender quelqu'un, etc.

Ce qu'il faut faire, c'est essayer d'alerter les gens. Nous devons le faire pour diverses raisons, très précises, et instaurer ces contrôles. Ce principe général ne me pose aucun problème.

Le président: Merci beaucoup.

John

M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.): Docteur Morrissette, vous avez dit disposer de 15 lits pour les jeunes garçons.

Dr Louis Morrissette: Oui, dans tout l'hôpital, dans notre unité, nous disposons de 15 lits pour hommes.

M. John Maloney: J'imagine que quelques-uns ou la plupart de ces jeunes sont restés avec vous pendant plusieurs années ou pendant longtemps.

Dr Louis Morrissette: L'unité comporte deux parties. Il y a six lits pour l'évaluation, qui dure deux ou trois mois, et le traitement peut durer entre un an et quatre ou cinq ans.

M. John Maloney: Certains de ces jeunes ont-ils plus de 17 ans?

Dr Louis Morrissette: Oui. Nous en avions un qui a quitté l'unité pour aller dans une sorte d'unité de transition, qui avait 21 ans. Bon nombre d'entre eux sont âgés de 19 ans, quelques-uns ont 20 ans et quelques-uns, 21.

M. John Maloney: Donc, dès qu'ils atteignent leur dix-huitième anniversaire, vous ne les intégrez pas à la population adulte?

Dr Louis Morrissette: Non, mais d'après ce que je comprends de la loi maintenant, ce serait très tentant, y compris pour moi, parce que si je m'occupe d'un adolescent très difficile de 18 ans—j'en ai un, Éric, qui est très difficile—si j'avais la possibilité de l'envoyer dans un pénitencier tout de suite pour finir de purger sa sentence, qui est de trois ou six mois à partir de maintenant, je ne sais pas si je le ferais, parce qu'il est difficile, vous savez.

M. John Maloney: Je pense que ce serait tout à fait le contraire—vous essaieriez de le garder là.

Dr Louis Morrissette: Oui, si nous avions l'impression de pouvoir obtenir des résultats, nous le garderions. Mais avec le système actuel, disons que vous avez commis un grave crime avec violence à 17 ans et onze mois, et que vous êtes condamné à 18 ans à une peine de détention d'entre trois mois et trois ans. Cela vous amène à 21 ans. Il a été décidé en 1972 que nous garderions ces adolescents, si nous le pouvions, jusqu'à 21 ans. Ce n'est parfois pas possible; il nous faut les transférer dans des unités pour adultes ou devant des tribunaux pour adultes, parce qu'ils sont trop agressifs ou Dieu sait quoi.

M. John Maloney: Dans votre institution, en transféreriez-vous certains, comme Mme Toutant l'a dit?

Dr Louis Morrissette: Certains d'entre eux. Avec la loi sur la santé mentale, je peux le faire. Mais j'en renvoie certains devant le tribunal pour adolescents, et ils les mettent ailleurs. Mais c'est exceptionnel; ça n'arrive que rarement.

M. John Maloney: Traitez-vous un nombre très limité d'individus sur une période donnée?

Dr Louis Morrissette: Nous admettons 22 adolescents par année.

M. John Maloney: Autant que cela?

• 1700

Dr Louis Morrissette: Comme vous le dites, nous ne voyons pas tant de jeunes contrevenants. Vous voyez... je ne dirais pas les pires, mais bon nombre d'entre eux, parce que nous sommes une unité de dernier recours, et que nous desservons toute la province. Ils viennent du nord, ils viennent...

M. John Maloney: Une précision. Nous allons du système pour adultes au système pour jeunes. Aux termes de la nouvelle loi, nous comprenons que tous les jeunes seront jugés devant un tribunal pour adolescents, et que pour certains des délits les plus graves, même ceux âgés entre 14 et 17 ans recevront peut-être une sentence d'adultes. Mais il y a des solutions de rechange qui font en sorte que cela n'arrivera pas; nous comprenons cela. Ne s'agit-il pas d'une amélioration du système existant, où les adolescents de 16 à 17 ans arrêtés pour meurtre sont automatiquement jugés devant un tribunal pour adultes?

Dr Louis Morrissette: À mon sens, pas du tout, parce que les gens sont ce qu'ils sont et que ce serait automatiquement... Nous avons dit à quelques reprises qu'on devrait être contre le raisonnement automatique. On devrait avoir le droit de penser et de faire des évaluations, et en avoir le temps. Le raisonnement automatique ne sera d'aucune aide. Nous le constatons dans le système pour adultes. Je le vois quand je travaille dans le système pour adultes: il a purgé les deux tiers de sa peine, donc il doit être libéré. Non, ne le faites pas. Il doit purger les deux tiers; il doit se rendre aux trois tiers; après avoir purgé sa sentence, il doit sortir.

Le raisonnement automatique n'est pas bon; il ne permet pas d'évaluation. Les choses étant ce qu'elles sont, on a moins d'argent et moins de temps, si bien qu'on pare au plus pressé. Ce n'est pas du tout une amélioration, parce que les gens se serviront de ce raisonnement automatique et cesseront de penser. Si vous voulez penser en termes de réadaptation, vous avez besoin de penser et d'évaluer, ce que vous perdrez en bonne partie avec le raisonnement automatique.

M. John Maloney: Vous semblez être négatif...

Le président: Je vais passer à M. Bellehumeur.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Madame Toutant, ici, à ce comité, même quand on parle le même langage que ses membres, on n'est pas toujours bien compris. Pour ma part, il me semble avoir très bien compris vos remarques au sujet de ce que vous recherchiez et de la raison pour laquelle on ne devrait pas adopter ce projet de loi, même si vous avez fait ces remarques en anglais.

La déclaration de principe de l'actuelle Loi sur les jeunes contrevenants se trouve à son article 3. J'invite mon collègue McKay à lire les alinéas 3(1)a) et suivants, où les principes sont très clairs. On met l'adolescent en toute première place. On dit que dans tous les cas, il ne doit pas être assimilé aux adultes quant au degré de responsabilité, qu'on doit adapter les mesures à sa situation, etc. Quand le jeune est bien pris, bien intégré et ainsi de suite, la protection de la société suit automatiquement. Dans la déclaration de principe qu'on retrouve dans le projet de loi, la première considération est la protection du public et, en second lieu, viennent le jeune, la réintégration et la réadaptation. Madame Toutant, vos craintes relativement à la nouvelle philosophie de la loi se situent-elles à ce niveau-là? On met maintenant sur un pied d'égalité la protection de la société et les besoins des jeunes. De fait, on ne les met pas sur un pied d'égalité car la protection de la société vient avant le jeune. On va tenter de sauver le jeune si on en est capable. En vertu de l'actuelle Loi sur les jeunes contrevenants, la première chose qu'on examinait, c'était le besoin des jeunes en matière de réintégration et de réhabilitation afin qu'il devienne un citoyen anonyme, comme vous dites.

Mme Cécile Toutant: J'allais dire honnête, mais c'est un grand mot.

M. Michel Bellehumeur: Je pense que vous parlez d'un citoyen anonyme.

Mme Cécile Toutant: Correct.

M. Michel Bellehumeur: Correct.

Mme Cécile Toutant: J'ai l'impression de me répéter. Ce qu'on a mentionné est illustré dans la déclaration de principe, mais je dirais que, partout dans le projet de loi, on a le sentiment que l'on s'en va vers le système pour les adultes. C'est dans nos façons de décider. Je n'ai pas le numéro de l'article sous les yeux, mais quand on regarde la liste des conditions imposées à quelqu'un qui est en supervision, on constate que ces conditions ont pour but de le contrôler comme on le fait aux libérations conditionnelles pour adultes. C'est ce que je mentionnais tout à l'heure.

• 1705

Tout à l'heure, en écoutant la question de M. Maloney, je me demandais si les peines pour adultes dans le système juvénile étaient préférables à ce qu'on faisait auparavant, soit envoyer le jeune dans le système pour adultes. Quand j'ai lu le projet de loi, ma première réaction a été celle-ci: quand on ne peut plus offrir quoi que ce soit à un jeune dans le système juvénile, je préfère qu'on envoie ce jeune au système pour les adultes plutôt que d'importer de grandes parties du système pour les adultes dans le système juvénile. C'est ce qu'on fait actuellement.

L'ayant fait dans un cas particulier, je nous vois très difficilement travailler, dans un milieu juvénile, avec la Commission des libérations conditionnelles fédérale, qui est très rigide, qui a des avocats et où l'on ne parle que de droit. Cela n'a rien à voir avec la rééducation. Oublions cela.

Ma première réaction, qui perdure, a été de me demander s'il s'agissait d'un progrès ou si je préférais le système tout à fait différent qu'on avait auparavant. Je vous avoue que c'est une réflexion très personnelle.

M. Michel Bellehumeur: Et quelle est votre réponse?

Mme Cécile Toutant: Je préfère l'ancien système.

Dr Louis Morrissette: Je dois dire qu'il y a la lecture des principes que vous avez lus, mais qu'il y a aussi la jurisprudence. Quand on regarde la jurisprudence concernant les transferts du tribunal de la jeunesse à la cour adulte, on constate que la jurisprudence met actuellement l'accent sur la protection de la société. Cela existe déjà dans la loi et dans les usages.

Pour ce qui est des sentences adultes dans le système juvénile, c'est un peu de la fausse représentation. Pendant que je lisais cela, le terme «fausse représentation» m'est venu à l'esprit. On dit au public qu'on va devenir plus sérieux et plus sévère avec les jeunes et qu'on va leur imposer des sentences d'adultes. C'est comme si, par miracle, les sentences adultes allaient améliorer la situation. J'expliquais plus tôt que si on impose aux jeunes des sentences adultes, il y aura des libérations conditionnelles obligatoires, du temps compté en double avant la sentence et ainsi de suite, et un bon nombre d'entre eux se retrouveront dans la rue plus tôt que si on leur avait imposé des sentences au niveau du système juvénile. On fait croire au public qu'il sera automatiquement mieux protégé parce que la loi va permettre d'imposer aux jeunes des sentences adultes. Ce n'est pas vrai. Ce sera vrai dans le cas de ceux qui auront commis des homicides, mais des exceptions sont déjà prévues à cet égard dans la loi. Mais ce ne sera pas le cas pour les autres délits. Dans le système actuel, quand quelqu'un commet une première agression sexuelle grave à l'âge de 16 ans, il peut être condamné à passer deux ans dans un centre et il va passer ces deux années au centre. Dans le système des libérations conditionnelles, s'il faut attendre six mois avant que quelqu'un soit jugé et que la personne est libérée aux deux tiers de sa peine, elle pourra être remise en liberté tout de suite après la décision du tribunal. Le jeune pourra être dans la rue au bout de quatre ou cinq mois, alors que le jeune jugé au niveau du tribunal de la jeunesse ne sera dans la rue qu'au bout de deux ans. Au niveau de la protection, c'est une illusion et c'est de la fausse représentation que de dire au public qu'il sera mieux protégé puisque les jeunes devront rester en dedans plus longtemps. C'est faux. Pour un bon nombre, ce sera l'inverse: ils se retrouveront dans la rue plus tôt.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup.

[Français]

Monsieur Saada.

M. Jacques Saada: Je vais vous poser une question assez délicate. Vous allez m'excuser de simplifier à outrance.

Vous dites qu'au Québec, on fait beaucoup de choses que d'autres ne font peut-être pas ailleurs, ce qui fait qu'on est satisfait de ce qu'on a actuellement en marche. On peut améliorer ce qu'on a, mais le système de la Loi sur les jeunes contrevenants est suffisant. S'ils n'ont pas cela ailleurs, eh bien, ce n'est pas notre faute à nous, dites-vous. Pourquoi est-ce qu'on nous imposerait un nouveau projet de loi en vertu duquel on va nous imposer, en particulier par l'harmonisation des peines, des sentences données ailleurs qu'on va vouloir transplanter chez nous? Autrement dit, pourquoi nous forcerait-on à changer notre façon de faire les choses au Québec?

J'avoue que j'écoute cela avec beaucoup d'attention et de sensibilité, car je suis aussi Québécois, mais je me dis, d'un autre côté, que ce n'est pas ce que je lis là-dedans. J'aimerais qu'on me donne des explications.

• 1710

Je prends un exemple très simple. Au paragraphe 38(2), on dit:

    (2) Le tribunal pour adolescents n'impose le placement sous garde qu'en dernier recours...

On dit au paragraphe 38(5):

    (5) Le placement sous garde ne doit pas se substituer à des services de protection de la jeunesse ou de santé mentale, ou à d'autres mesures sociales plus appropriées.

Au paragraphe 38(9), on dit:

    (9) Toute peine spécifique comportant une période de garde doit donner les motifs pour lesquels une peine spécifique ne comportant pas de placement sous garde ne suffirait pas pour atteindre l'objectif mentionné au paragraphe 37(1).

Il y a toute une batterie de mesures qui dirigent le juge vers des mesures autres que la mise sous garde. Si on fait un procès d'intention, je ne peux pas me battre contre cela. Si on a des arguments concrets pour me prouver que j'interprète mal ce que je lis là, je suis prêt à les entendre, mais en lisant mon texte en français, je ne peux pas faire autrement que de me demander dans quelle mesure il y a des arguments de fond qui vous amènent à rejeter systématiquement ce projet de loi et dans quelle mesure il y a des questions de perception. Je vous dis cela en tout respect. Je réfléchis avec vous.

Je pousse plus loin ma logique. On dit souvent que ce projet de loi a été déposé parce que le public en général percevait que sa sécurité n'était pas assurée et qu'on donnait l'impression de l'assurer par ce projet de loi. J'ai cependant l'impression que l'argumentation contre le projet de loi est elle aussi affublée du même problème: on veut traiter des perceptions. On a la perception que le système qui sera établi dans d'autres provinces du Canada sera plus fort que celui qu'on a développé au Québec et qu'on sera obligé, au Québec, de s'éloigner des mesures et de la philosophie qu'on a adoptées, que je soutiens d'ailleurs fondamentalement. J'ai un problème. Expliquez-moi.

Mme Cécile Toutant: Je vous écoute et j'ai l'impression qu'on ne parle pas des mêmes articles.

M. Jacques Saada: J'espère que non, parce que ce n'est pas clair.

Mme Cécile Toutant: On ne parle pas des mêmes articles. Vous dites que la loi va faire en sorte que les jeunes ne seront pas mis sous garde s'ils n'ont pas besoin de l'être et qu'on établira des mesures de rechange ou des mesures extrajudiciaires qu'on pourra utiliser quand cela sera possible. Je pense qu'on est tout à fait d'accord sur cela. Ce qui est très clair, c'est que cette espèce d'insistance à favoriser les mesures de rechange était présente dans l'autre loi, mais que cela n'a pas fait qu'en Ontario, on a élaboré des mesures de rechange.

Il existe même un jugement de la Cour suprême à cet effet, dont je n'ai pas le numéro. À un moment donné, un jeune a dit qu'il était injustement traité parce que s'il avait été arrêté au Québec, il aurait eu droit à des mesures de rechange alors que dans sa province, ces mesures n'étaient pas disponibles. La Cour suprême a jugé qu'il n'était pas injustement traité parce que de telles mesures n'étaient pas disponibles.

Dans l'autre loi, on suggérait aussi l'élaboration de mesures de rechange. Dans ce projet de loi, on parle de mesures extrajudiciaires. Nous ne sommes pas contre cela, absolument pas, mais il ne faut pas qu'il y ait des automatismes. Il faut appliquer des mesures de ce genre à des jeunes qui peuvent bien y réagir.

M. Jacques Saada: Je comprends bien, madame Toutant.

Mme Cécile Toutant: On est tout à fait d'accord sur cela.

M. Jacques Saada: Vous me corrigerez si j'ai tort, mais à la lecture de la Loi sur les jeunes contrevenants et du projet de loi C-3, que j'ai maintenant entre les mains, j'ai l'impression que certaines choses sont beaucoup plus clairement énoncées dans les articles du projet de loi qu'elles ne le sont dans la Loi sur les jeunes contrevenants. Dans la Loi sur les jeunes contrevenants, que je sache, et vous me corrigerez si j'ai tort, jamais on n'a demandé à un juge de dire pourquoi il plaçait un jeune sous garde et en quoi il n'y avait pas d'autres moyens de faire les choses. C'est ce qu'on lui demande ici. Donc, c'est beaucoup plus coercitif pour le juge, qui doit recourir en priorité à des choses autres que la mise sous garde.

Je n'arrive pas à comprendre une dichotomie que je perçois dans le discours. Je ne vous dis pas cela parce que je suis contre ce que vous me dites, je veux comprendre davantage. D'un côté, vous me dites qu'il y a trop d'incitatifs aux mesures de rechange et, d'un autre côté, vous me dites qu'il faut qu'il y ait plus de marge de manoeuvre pour les mesures de rechange. Je ne comprends pas cette dichotomie.

Le président: Docteur Morrissette.

Dr Louis Morrissette: Le Dr Doob sera peut-être plus précis. Si on regarde les décisions prises par les tribunaux de la jeunesse, non seulement au Québec mais dans l'ensemble du Canada, on voit que le tiers des adolescents trouvés coupables se font imposer des mesures de placement, que 50 p. 100 d'entre eux sont mis en probation, que 6 ou 8 p. 100 se font imposer des amendes et que le reste d'entre eux se font imposer des travaux communautaires. Grosso modo, c'est à peu près cela.

• 1715

Nous ne disons pas que les juges abusent actuellement. Dans l'ensemble du Canada, je ne crois pas qu'il y ait d'abus par rapport à la mise sous garde. Seulement le tiers de ceux qui sont trouvés coupables sous mis sous garde, ouverte ou fermée, et on se rend compte que 90 p. 100 des mises sous garde sont pour une durée de moins de six mois. On place un jeune parce qu'on pense qu'il a des troubles sérieux de comportement ou de violence, mais la plupart du temps, dans 90 p. 100 des cas, la mise sous garde dure moins de six mois; dans 72 p. 100, elle dure moins de trois mois. Ce genre de mise sous garde ne sert pas à grand-chose. Ce n'est pas une loi qui va changer la façon dont les juges... Vous dites que les juges n'expliquent pas pourquoi ils imposent à un jeune la mise sous garde. C'est possible, parce qu'ils n'y sont peut-être pas obligés, mais ils doivent souvent débattre de la raison pour laquelle ils placent ou ne placent pas un jeune.

Donc, une nouvelle loi va-t-elle changer les habitudes et la tradition? Notre réponse est non. La loi actuelle permet les mesures extrajudiciaires; la loi actuelle permet des choses autres que les placements; la loi actuelle fait en sorte qu'on devrait privilégier des formes d'interventions autres que les placements. Cette possibilité existe, et les juges l'utilisent. Est-ce qu'une nouvelle loi va changer cela de façon magique? Nous croyons que non.

M. Jacques Saada: D'autres nous ont déjà dit oui. Nous sommes donc un peu coincés.

Le président: Merci, monsieur Saada.

[Traduction]

Le timbre devrait retentir d'un moment à l'autre. Nous avons cependant quelques petites choses à régler.

Je crois que nous avons eu une discussion très intéressante.

Vous avez parlé de la reconnaissance que les gens obtiennent pour avoir fait la une des journaux. Cela m'est arrivé, et ce n'est pas si agréable que cela.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Merci beaucoup de votre contribution.

Mme Cécile Toutant: Merci du temps que vous nous avez consacré, monsieur le président.

Le président: Merci encore une fois, docteur Doob.

La seule chose que j'aimerais dire aux membres qui sont présents—nous n'avons évidemment pas le temps d'avoir la discussion cet après-midi—c'est que nous allons parler de notre budget.

Nous allons également parler d'une lettre que j'ai reçue de M. MacKay, député de Pictou—Antigonish—Guysborough, au sujet du crime organisé.

Troisièmement, il nous faut régler la question des témoins additionnels. Nous avions l'intention de remettre cela à la fin de l'exercice, mais le greffier m'informe que si nous procédons ainsi, en fin de compte, nous n'allons pas leur accorder le temps que nous aimerions leur donner. Je crois donc que c'est une décision que nous pourrions prendre sans délai. Je vous préviens que la question sera soulevée demain ou jeudi au plus tard.

Merci beaucoup.