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FOPO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FISHERIES AND OCEANS

COMITÉ PERMANENT DES PÊCHES ET DES OCÉANS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le vendredi 26 novembre 1999

• 1323

[Traduction]

Le président (M. Wayne Easter (Malpeque, Lib.)): La séance est ouverte.

Notre premier témoin sera Jean Gauvin de l'Association des crabiers du nord-est.

Bienvenue, monsieur Gauvin. Si vous pouviez être relativement concis dans votre exposé liminaire, nous aurions davantage de temps pour vous poser des questions.

[Français]

M. Jean Gauvin (directeur général, Association des crabiers du Nord-Est): Messieurs les membres du comité, nous voudrions d'abord vous remercier de nous avoir donné l'occasion de comparaître devant vous afin de discuter et surtout de proposer des solutions ou des éléments de solution concernant l'affaire Marshall.

L'expérience des derniers mois a laissé un goût amer dans la bouche des gens de l'industrie car personne ne semble posséder de réponses aux nombreuses questions qui se posent actuellement. Jusqu'à tout dernièrement, le gouvernement fédéral semblait tout à fait déboussolé en agissant de façon inconsistante et en faisant des déclarations incohérentes.

• 1325

Nous avons joint l'Alliance de l'industrie de la pêche en Atlantique afin de nous concerter et de chercher ensemble des réponses à ces nombreuses questions. Heureusement, à la suite d'une réunion avec MM. MacKenzie et Thériault et grâce aux éclaircissements fournis par la Cour suprême mercredi dernier, beaucoup de doutes semblent se dissiper.

Notre présence devant vous cet après-midi nous amènera à vous parler de notre entente de cogestion qui reflète, croyons-nous, la réglementation, le modèle et la structure désirés et respecte aussi le mode de conservation.

Tout d'abord, il faut souligner que le jugement de la Cour suprême du 17 septembre 1999 a eu l'effet d'une bombe dans l'industrie en général, en ce sens qu'elle ouvrait la porte toute grande à une foule de questions sans suggérer de réponses. Tout en respectant ce jugement, les crabiers du Nord-Est s'inquiètent de la confusion semée par ledit jugement. À la demande du gouvernement, nous sommes restés calmes et patients. Les nouvelles nous inondaient de rumeurs qui, entre autres, nous reléguaient au second plan, nous présentaient comme des citoyens de seconde classe en laissant entrevoir que certains détenaient des droits et d'autres, des privilèges.

Messieurs les membres du comité, avant d'aborder les grandes questions qui accompagnaient votre avis de convocation, il nous semble important de vous dire qui nous sommes, gens de l'industrie du crabe, et d'où nous venons. Disons d'abord que nous sommes une association de crabiers semi-hauturiers exerçant une pêche commerciale dans la zone 12. En effet, notre association regroupe 42 pêcheurs sur les 81 du Nouveau-Brunswick.

Depuis le milieu des années 1960, nos pêcheurs s'adonnent à cette pêche qui, soit dit en passant, n'a pas toujours été lucrative et abondante à cause des cycles naturels que nous avons connus, des fluctuations significatives, qui nous ont même parfois amenés au bord de la fermeture. D'autre part, il est important de mentionner qu'au tout début de cette pêcherie, on connaissait un marché axé sur la chair au lieu de la section—marché américain par opposition au marché japonais—ce qui donnait un rendement à des prix nettement inférieurs. Devant cette situation, l'industrie s'est prise en main, s'est disciplinée et s'est organisée.

À l'automne de 1995, nous avons été approchés par le MPO afin d'étudier la possibilité d'entrer en partenariat avec eux. Évidemment, nous utilisons maintenant le terme «cogestion» parce que la Loi sur les pêches est morte au Feuilleton. C'est seulement lorsque cette loi sera adoptée à la Chambre des communes qu'on pourra parler de partenariat.

Nous avons donc accepté d'étudier cette proposition et finalement, conjointement avec les quatre autres associations de crabiers de la zone 12 représentant les 160 crabiers traditionnels du golfe, nous avons signé une entente de cogestion de cinq ans. Évidemment, nous ne sommes pas la seule flottille à avoir signé une telle entente, ce qui prouve que cette approche est la structure ou le modèle favorisé par le MPO.

D'ailleurs, les ministres qui se sont succédé, MM. Mifflin, Anderson et Dhaliwal, ont tous affirmé leur foi dans cette option. Si nous voulons démontrer l'importance de cette entente, c'est qu'elle reflète une gestion saine, solide et stable de la ressource. On s'explique.

L'entente de cogestion devient la pierre angulaire du ministère et de l'industrie dans le sens qu'elle repose sur la préparation d'un plan annuel de travail pour chaque nouvelle saison de pêche.

Après une évaluation scientifique des stocks, de la biomasse, on suggère un taux d'exploitation souhaitable; de l'autre côté, la communauté indépendante détermine le prix moyen de la saison précédente. Avec un taux d'exploitation connu, une biomasse connue, multipliée par un prix moyen connu, nous atteignons à chaque année de façon très mathématique, très cartésienne, un montant qui se compare à un seuil préétabli. Si le seuil est dépassé, un processus de partage de la ressource est enclenché et, à l'intérieur de ce processus, on retrouve des dispositions pour les autochtones et les pêcheurs non traditionnels. Effectivement, en 1997, il y a eu un partage de la ressource en tenant compte des autochtones et des pêcheurs non traditionnels.

Je vous demanderais de consulter l'annexe A à la fin du document. Vous y verrez que dans l'entente signée en 1997, les autochtones du golfe ont obtenu 45 tonnes au Québec, 130 tonnes au Nouveau-Brunswick, 35 tonnes en Nouvelle-Écosse et 30 tonnes à l'Île-du-Prince-Édouard, ce qui fait un total de 240 tonnes.

• 1330

Dans la seconde partie de l'entente de cogestion, les deux parties, le MPO et l'industrie, insèrent un plan annuel de travail et illustrent les rôles, les activités, et surtout les responsabilités de chacun pour la saison de pêche en question. Si vous regardez l'annexe B, vous verrez que nous avons un calendrier d'activités et un plan de travail qui stipulent en détail les responsabilités du gouvernement fédéral et de chaque association, ainsi que les montants attribués à la gestion, à la science et aux statistiques. Comme je vous l'ai dit, c'est très mathématique et cartésien.

Comme vous pouvez le constater en annexe, l'industrie attribue annuellement des montants substantiels, afin d'épauler le ministère, aux coûts directs et aux coûts des services. Si vous vérifiez en annexe, vous verrez qu'en 1997, par exemple, le ministère affectait 1,3 million de dollars à ces coûts, et l'industrie, environ 1,6 million de dollars.

Donc, comme vous pouvez le constater en annexe, l'industrie investit annuellement des montants substantiels afin d'épauler le ministère pour les coûts directs et les coûts des services: observateurs en mer, pèse-pêche, surveillance aérienne, etc.

Les pêcheurs crabiers ont compris l'importance de l'évaluation scientifique pour assurer une gestion continue, et surtout pour la conservation de l'espèce. Nous ne connaissons pas d'autres flottilles qui investissent autant, financièrement, dans l'évaluation scientifique. L'évaluation scientifique, messieurs, nous coûte entre 500 000 $ et 800 000 $ chaque année.

De plus, si vous regardez le profil des droits d'utilisation de la pêche commerciale dans l'étude Gardner Pinfold à l'annexe C, vous constaterez que la contribution des crabiers semi-hauturiers de la zone 12, au chapitre du total des droits en pourcentage de la valeur totale des débarquements, se situe à 12,2 p. 100. Cela veut dire que 12,2 p. 100 des revenus bruts de chaque pêcheur crabier sont réinvestis dans les services ou dans la gestion; dans le cas d'autres espèces, ce pourcentage varie entre 1,6 et 5,8 p. 100.

Je vous invite à regarder cette dernière annexe. Vous verrez dans la deuxième colonne, au bas de la page, que les crabiers de la zone 12 ont investi un pourcentage de 12,2 p. 100, alors que les homardiers de la province du Nouveau-Brunswick qui pêchent dans le golfe ont investi 1,6 p. 100. On peut voir également que les pêcheurs de hareng sont à 3,9 p. 100 et les pêcheurs de crevette, à 5,5 p. 100. Donc, on double et on triple l'investissement de n'importe quelle autre autre flottille qui pêche dans le golfe.

Monsieur le président, si nous nous sommes attardés à vous brosser un tableau du bon fonctionnement de notre entente, c'est pour vous illustrer l'importance de développer une structure, un modèle étanche, à l'abri des ambiguïtés et des confusions qui mènent à des situations comme celle-ci.

Permettez-nous maintenant de nous pencher sur les deux grandes questions suggérées dans votre avis de convocation. Par rapport aux incidences de la décision de la Cour suprême, la question de savoir qui sont les bénéficiaires du traité de 1760 est de nature très hypothétique. Il faut absolument retourner dans le temps pour comprendre la situation de l'époque. Rappelez-vous que la déportation des Acadiens a eu lieu en 1755. Les Micmacs étaient à ce moment-là leurs alliés. Lorsque les Britanniques ont gagné la guerre, ils n'ont pas pour autant gagné la paix. Il est très clair que la Couronne britannique voulait soumettre ces autochtones à la cause, en leur donnant le droit d'échanger quelques biens élémentaires.

Pour mieux apprécier les prémisses de ce traité, il faut comprendre, à l'article 17 de la page 12 du jugement Marshall, du 17 septembre 1999, que les Micmacs, de toute évidence, avaient saisi au-delà de 100 navires européens au cours des années précédant le traité de 1760. En 1760, les Britanniques et les Micmacs avaient un intérêt mutuel, celui de terminer les hostilités et surtout d'établir les bases d'une paix durable. Les Micmacs ont donc promis d'échanger leurs fourrures contre certains biens matériaux qui leur assureraient une subsistance convenable.

• 1335

Si on essaie de déterminer qui sont les bénéficiaires du traité de 1760, on n'arrivera jamais à des solutions, car c'est trop abstrait. Ce peut être tout le monde, comme ce peut être personne. Nous devons attaquer le problème sous un autre angle: comment pouvons-nous accommoder les autochtones de façon pratique et équitable? Faut-il regarder la portée géographique des droits issus du traité? Récemment, un avis juridique donné au Conseil canadien des pêches stipulait que les autochtones pratiquaient la pêche dans les estuaires et dans les baies. Nous pensons que cette solution serait trop limitative concernant l'accès à la ressource.

En ce qui a trait à la subsistance convenable, prophète est celui qui pourra déterminer ces paramètres ou dégager un consensus. Alors, pourquoi soulever une telle absurdité? Nous pensons que c'est au niveau de la réglementation que nous allons trouver la solution à ce problème.

Si nous nous sommes penchés longuement sur l'entente de cogestion un peu plus tôt, c'est justement pour vous illustrer que la gestion des pêches passe par la réglementation.

Ceci nous amène à nous pencher sur la deuxième grande question: la gestion future des pêches. Lorsque nous avons élaboré notre approche de l'entente de cogestion dans la pêche au crabe de la zone 12, nous voulions le faire afin que vous puissiez saisir l'importance d'un modèle reposant sur des méthodes concrètes de gestion.

Si le MPO est sérieux dans son approche, il va octroyer une certaine latitude à MM. MacKenzie et Thériault en leur donnant les outils nécessaires pour effectuer leur travail.

Lorsque nous avons amorcé le processus menant à la cogestion en 1995, le processus de négociation s'est échelonné sur une période de deux ans avant que l'on puisse en arriver à une entente. Comme nous l'avons déjà mentionné, nous avons fait une place aux autochtones. Il faudrait, à notre avis, que le ministère élabore des modèles d'approches modernes comme le nôtre dans les autres espèces, en laissant une place aux autochtones également. Pour ce faire, au niveau de la structure de la gestion, il va falloir que le gouvernement rachète les permis disponibles des pêcheurs traditionnels et, d'un autre côté, compense pour les pertes occasionnées ceux qui y demeurent. Cet exercice ne se fait pas du jour au lendemain et sans plan établi.

Nous avons adhéré à l'Alliance de l'industrie des pêches de l'Atlantique et nous avons eu l'occasion de nous pencher sur plusieurs solutions. D'abord, nous croyons que le groupe MacKenzie-Thériault s'oriente dans la bonne direction en abordant un processus de cohabitation, mais il faut prendre le temps de faire une place aux autochtones dans la réglementation tout en respectant les pêcheurs traditionnels. Nous croyons fermement que nous pourrons atteindre ensemble notre objectif tout en respectant la conservation et la ressource. Autrement, nous serons voués, comme le titrait le rapport Kirby, à «naviguer dans la tourmente». Merci.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup, Jean.

J'avais oublié de vous présenter également Paul Noël.

Monsieur Bernier.

[Français]

M. Yvan Bernier (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, BQ): Je voudrais saluer et remercier les témoins. J'ai écouté votre présentation. Vous avez déjà une façon de gérer la ressource du crabe dans la zone 12. Je voudrais faire un simple commentaire. Lorsqu'on compare les pourcentages de ce que chacun des groupes investit dans l'évaluation de la ressource et des choses comme celle-là, il ne faut pas oublier que vous êtes déjà en cogestion alors que les autres ne le sont pas. Il leur est peut-être plus difficile d'investir là-dedans faute de moyens.

J'ai commencé à poser des questions difficiles hier. J'en ai posé une ce matin qui était à la fois difficile et facile. Si vous n'avez pas la réponse aujourd'hui, vous pourrez peut-être la prendre en délibéré. Vous dites que la solution réside dans la réglementation. C'est une chose. La gestion en est une autre. Il y a deux modèles de gestion qui existent dans le golfe: il y a les gens qui sont sous régime de contingents individuels et il y a ceux qui font la pêche compétitive dans les autres ressources. Ayant déjà travaillé dans l'industrie, je sais que votre outil des contingents individuels vous a permis de vous donner une force de travail.

• 1340

Seriez-vous intéressés à assouplir certaines de vos règles de gestion? Iriez-vous jusqu'à penser que certains de vos membres pourraient consentir à ce qu'on leur rachète leur permis? Notre problème est que, chaque fois qu'on veut faire entrer des personnes dans les pêches, il faut en faire sortir d'autres.

Si jamais une demande vous était faite par des groupes autochtones, par le gouvernement ou par les pêcheurs non traditionnels, est-ce que vous pourriez l'envisager? Je suis obligé de vous poser cette question aujourd'hui, parce que, pour dégager la marge de manoeuvre dont ils auront besoin, MM. MacKenzie et Thériault devront trouver la ressource quelque part. Êtes-vous disposés à discuter de choses comme celles-là?

M. Jean Gauvin: Oui, nous sommes ouverts à cela, monsieur Bernier. L'an passé, deux de nos membres ont quitté la pêche; ils ont vendu leur permis. Ils ont même vendu ces permis, monsieur le président, à des pêcheurs de l'Île-du-Prince-Édouard. Vous êtes sans doute au courant. Cela s'est fait. Donc, la structure comporte une certaine flexibilité.

Vous êtes sûrement au courant d'un article qui a été publié dans le National Post. On avait pris connaissance d'une certaine fuite du ministère des Finances selon laquelle 500 millions de dollars seraient alloués au ministère des Pèches et des Océans pour les cinq prochaines années et 100 millions de dollars seraient alloués immédiatement, dans l'actuel exercice financier, pour le rachat de permis. Donc, le gouvernement semble avoir la volonté de s'orienter dans cette direction.

M. Yvan Bernier: Et vous êtes ouverts à la négociation.

M. Jean Gauvin: Évidemment, je ne peux pas répondre au nom des membres parce que c'est une chose individuelle. La seule chose que je peux vous dire, c'est que l'an passé, chez nous, deux pêcheurs ont vendu leur permis. Peut-être y en aura-t-il d'autres. En Gaspésie, il y a des gens qui n'ont pas d'enfants ou qui ont seulement des filles et qui préfèrent vendre. Deux pêcheurs l'ont fait l'an passé.

M. Yvan Bernier: Vous dites que c'est une relation d'affaire entre le propriétaire du bateau et le groupe qui veut acheter. Je parlais de souplesse de gestion. Par exemple, s'il y avait un contingent de 200 000 livres de crabes, accepteriez-vous qu'il puisse être fractionné en dix unités? Ces dix mis ensemble ne débarqueraient pas plus que le premier. Voyez-vous où je veux en venir?

M. Jean Gauvin: Oui, je vois très bien à quoi vous voulez en venir. Si Paul Noël a un quota individuel de 250 000 livres et décide de le vendre, il acceptera sans doute de le vendre à un groupe de 10 personnes ou à une seule personne. Pourvu qu'il obtienne le prix qu'il désire et que cela n'augmente pas la pression sur la ressource, cela pourra être divisé de n'importe quelle façon.

Le problème se situe au niveau du transfert d'une province à l'autre. Cela a créé certains problèmes dans le passé. On dit dans les règlements des pêches qu'un permis ne peut pas être transféré d'une province à l'autres, mais au paragraphe suivant, on dit que le ministre a l'entière discrétion d'émettre un permis de remplacement ou d'émettre d'autres permis. Cela dépend de la volonté politique, j'imagine.

M. Yvan Bernier: Il faudra trouver un jour une façon de dépolitiser la gestion des pêches.

M. Jean Gauvin: Plus que maintenant.

[Traduction]

Le président: Monsieur Stoffer.

M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Merci, monsieur le président, et merci aussi à vous, messieurs, pour vos exposés fort utiles.

J'aurais une question à vous poser. Comment conciliez-vous les éléments de l'arrêt Marshall qui concernent les Autochtones avec votre plan pour la zone 12, c'est-à-dire avec l'entente de coopération et de cogestion que vous avez conclue avec Pêches et Océans Canada?

M. Jean Gauvin: Nous disons simplement ceci: nous avons signé une entente en 1997, bien avant l'arrêt Marshall, une l'entente qui comportait déjà des dispositions concernant les Autochtones. Nous disons également qu'il faut donner à MM. MacKenzie et Thériault les moyens et la liberté d'action nécessaires pour proposer la même chose dans le cas des autres espèces. Pour le homard par exemple, il n'y a pas d'entente. Il n'y en a pas non plus pour le hareng. Il en existe bien une pour la crevette, mais il y a beaucoup d'autres espèces qui ne sont pas couvertes par des ententes de cogestion.

• 1345

Si ce que nous avons lu dans les journaux et ce que nous avons appris de la bouche de M. MacKenzie est bien exact, c'est-à-dire que le gouvernement fédéral veut aller de l'avant et négocier une réglementation, je dirais qu'il s'agit là d'un modèle d'entente de cogestion qui viserait les Autochtones.

M. Peter Stoffer: Ce qui vaudrait pour toutes les espèces, y compris le crabe.

M. Jean Gauvin: C'est cela.

M. Peter Stoffer: D'accord, merci.

Au début de février ou en mars, en prévision d'une décision du genre qu'a rendue la Cour suprême le 17 septembre, des entretiens ont eu lieu entre les collectivités autochtones, les provinces et le gouvernement fédéral afin d'établir l'interprétation à donner le cas échéant à cette décision et de trouver un moyen de désamorcer les tensions qu'elle ne pouvait que susciter sur les lieux de pêche comme nous l'avons constaté. Étiez-vous au courant de ces consultations?

M. Jean Gauvin: Oui, bien sûr. C'est à ce moment qu'on s'est demandé si on avait intégré les Autochtones à l'entente de cogestion de 1997. Il n'en serait autrement pas question.

En second lieu, cela fait déjà deux ans que le gouvernement fédéral procède de cette façon avec les pêcheurs de homard. Les pêcheurs de homard du Nouveau-Brunswick, du Québec, de l'Île-du-Prince-Édouard ou des autres provinces qui souhaitent quitter la pêcherie peuvent se prévaloir d'un accord de rachat des permis de pêche, ces permis étant alors cédés aux Autochtones.

M. Peter Stoffer: Dans votre exposé, vous nous avez dit que la décision avait fait l'effet d'une bombe dans la région. Étiez-vous au courant des discussions qui avaient déjà eu lieu? Le pêcheur du coin était-il le seul à ne pas l'être.

M. Jean Gauvin: Nous savions que les Autochtones devaient être intégrés, mais c'est ainsi qu'on a procédé.

J'imagine que vous avez lu le texte de l'arrêt de la Cour suprême, qui porte sur la pêche à l'anguille. Il n'y a ni problème de conservation, ni pêche commerciale à proprement parler dans cette pêcherie, mais lorsque les pêcheurs de la Nouvelle-Écosse ont demandé une nouvelle audience, il s'agissait évidemment du cas de la pêche au homard et leur demande a été refusée. La Cour suprême leur a dit: «Nous parlons ici de la pêche à l'anguille qui n'est pas une pêche commerciale. C'est une pêche qui ne pose aucun problème de conservation alors que vous, vous demandez ouverture des audiences pour la pêche au homard.» Certes, nous étions au courant que des consultations avaient lieu, mais c'est l'issue de ces consultations que nous contestons, car la façon dont on a intégré les Autochtones n'est pas claire du tout.

M. Peter Stoffer: Je vous remercie.

Pour terminer, je voudrais vous mentionner que dans le milieu de la pêche côtière, beaucoup de pêcheurs et d'organisations de pêcheurs ont le sentiment que, financièrement parlant, c'est surtout eux qui vont pâtir de cette décision. C'est la raison pour laquelle, je crois, ils ont été nombreux à nous dire que tous les frais associés à cette décision devraient être pris en charge par les pouvoirs publics canadiens.

Les gens sont également venus nous dire que pour que les Autochtones puissent avoir équitablement accès à la ressource proprement dite, ce qui est leur droit, ils doivent pouvoir participer aux activités de pêche côtière comme aux activités de pêche hauturière. Êtes-vous d'accord?

M. Jean Gauvin: Certainement. On n'a jamais soutenu qu'ils ne devaient avoir accès qu'à la pêche côtière, avec les conséquences financières que cela suppose. J'imagine que si les Autochtones pratiquent la pêche au homard, c'est parce que la ressource est plus proche de la côte et qu'ils sont peut-être mieux équipés...

M. Peter Stoffer: C'est pour leur avenir.

M. Jean Gauvin: ...pour se joindre à la flotte semi-hauturière.

M. Peter Stoffer: Merci.

Le président: Monsieur Steckle, monsieur O'Brien, monsieur Hubbard, avez-vous des questions?

Je ne parviens pas à mettre la main sur le document où il en est question, mais je crois me souvenir que certaines associations de crabiers nous avaient signalé un peu plus tôt dans la semaine qu'elles étaient prêtes à céder un certain pourcentage—au plus 13 p. 100 maximum je crois—à la collectivité autochtone. Je me demande comment vous êtes arrivés à ce chiffre.

• 1350

M. Jean Gauvin: Comme je vous l'expliquais dans mon mémoire, nous devons atteindre un certain seuil parce que nous avons... C'est une formule parfaitement mathématique, monsieur Easter. Chacun de ces pêcheurs a un quota. On prend le quota et on le multiplie par le prix officiel. Un comité constitué de deux professeurs d'université donne, chaque année, à l'industrie et au ministère un prix pour les prises hauturières, qui est bien entendu un prix moyen. Ils multiplient ce prix par le quota. Passé un certain seuil, une part des prises est allouée à la pêche non traditionnelle et à la pêche autochtone. C'est comme cela que les choses se passent.

Le président: Mais comment en êtes-vous arrivés à ces pourcentages, à ces chiffres? En en discutant, ou...

M. Jean Gauvin: Ce n'est pas une question de pourcentage, mais bien de volume. Le chiffre varie d'une année à l'autre. Si nous dépassons un certain nombre de tonnes métriques, il y a 2 000 tonnes qui vont en plus aux pêcheurs non traditionnels et aux pêcheurs autochtones. Mais chaque année, le ministre publie un plan de pêche, et c'est lui qui attribue le quota ou le volume qui va à la pêche non traditionnelle et à la pêche autochtone.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Bernier.

M. Yvan Bernier: Dans la même veine, c'est à Halifax je crois que nous avons entendu les représentants de l'association des crabiers de la zone 19 qui sont venus nous parler...

Le président: Précisément de ce pourcentage.

M. Yvan Bernier: En effet.

M. Jean Gauvin: Dans les zones 18 et 19, il y a non seulement un certain... il y a aussi des pêcheurs autochtones à temps plein.

Le président: Je vois.

M. Jean Gauvin: Et il s'agit ici...

Le président: C'est bien ce que je pensais. D'accord.

M. Jean Gauvin: Nous parlons bien de la pêche côtière.

Le président: Je vous remercie.

Peter, une dernière question.

Merci, Yvan.

M. Peter Stoffer: Vous avez parlé de 80 000 tonnes et tout ce qui dépasse 2 000 peut être attribué par le ministre à son entière discrétion...

M. Jean Gauvin: Non, je n'ai pas dit 80 000. Nous serions heureux si c'était 80 000.

M. Peter Stoffer: Désolé.

M. Jean Gauvin: On établit généralement la biomasse en janvier et en février à partir de recherches scientifiques conduites chaque année.

M. Peter Stoffer: En effet.

M. Jean Gauvin: On fixe ensuite le taux d'exploitation. L'an dernier, pour vous donner un exemple, la biomasse était de 28 000 tonnes. Le gouvernement a fixé le taux d'exploitation à 45 p. 100. Il nous a donc donné à peu près 12 000 tonnes. Je n'ai pas le chiffre exact sous les yeux, mais le seuil se situe entre 15 000 et 16 000 tonnes. Chaque année, le ministre publie un plan de pêche qui donne alloue un certain volume de prises à la pêche non traditionnelle et à la pêche autochtone, et ce chiffre est de l'ordre de 15 000 tonnes.

M. Peter Stoffer: Pour que les choses soient bien claires, je vous demande encore une fois si à l'heure où nous nous parlons, votre association compte des pêcheurs autochtones.

M. Jean Gauvin: Non.

M. Peter Stoffer: Je vous remercie.

M. Jean Gauvin: Non, un certain volume de prises n'est accordé aux Autochtones que lorsque le seuil est dépassé. L'annexe A ce qui vous donne un aperçu de la situation en 1997.

M. Peter Stoffer: Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Gauvin.

Monsieur Noël, voudriez-vous ajouter quelque chose?

Parfait, merci beaucoup messieurs pour cet exposé.

Les représentants de la Première nation de Burnt Church seront un peu en retard, de sorte que nous allons maintenant entendre le chef Ginnish au nom de la Première nation d'Eel Ground.

Chef, je vous souhaite la bienvenue. Vous pourriez peut-être nous présenter les gens qui vous accompagnent. Nous procédons d'habitude comme ceci: nous commençons par entendre un exposé d'introduction, aussi concis que possible, après quoi nous posons nos questions aux témoins.

Le chef George Ginnish (Première nation d'Eel Ground): J'ai à mes côtés les conseillers Steve Ginnish et Eugene Patles qui, tous deux, suivent de très près depuis plusieurs années l'évolution des dossiers de la pêche et de l'exploitation forestière dans notre collectivité.

• 1355

Avant de vous livrer mon introduction, je voudrais dire un mot au sujet de votre ordre du jour où nous figurons sous l'appellation «Eel Ground Fish Nation». Serait-ce un présage?

Des voix: Oh, oh!

Le président: Oh, oh! Qui a-t-il de mal à cela?

Le chef George Ginnish: Rien du tout.

Le président: En effet, vous avez raison, je ne l'avais pas remarqué.

Le chef George Ginnish: Bonjour tout le monde. Je m'appelle George Ginnish et je suis le chef des Natoaganegs, la Première nation d'Eel Ground.

Je vous souhaite donc à tous la bienvenue sur le territoire ancestral de notre peuple. Nous sommes l'une des nations micmaques et, à ce titre, nous vivons depuis des temps immémoriaux le long de la rivière Miramichi et sur les territoires avoisinants. Cela fait des milliers et des milliers d'années que nous vivons ici, et nous entendons bien y être encore dans des milliers d'années. Il nous fait grand plaisir de vous accueillir ici. J'espère que vous trouverez cette merveilleuse rivière, son estuaire et les forêts qui l'entourent aussi superbes et précieux que nous.

Je voudrais également en profiter pour inviter le comité tout entier et vous-mêmes qui en êtes membres à venir chez nous rencontrer les nôtres afin que nous puissions mieux nous comprendre et nous apprécier les uns les autres.

En second lieu, je voudrais vous remercier de m'avoir permis de venir vous parler aujourd'hui. Je n'ai pas préparé de texte écrit et je n'ai à vous livrer que le message qui va suivre.

Nous sommes assurément prêts à collaborer avec vous et avec le gouvernement pour arriver à une politique raisonnable et raisonnée au sujet des pêches. Par contre, nous n'avons eu qu'un préavis de quelques jours pour nous préparer à cette réunion et, par ailleurs, le temps qui nous est imparti ne nous permet malheureusement pas de participer pleinement à vos délibérations aujourd'hui. Pour qu'une consultation soit bien faite, il faut du temps, de l'argent et des moyens. Cela veut dire que le gouvernement et vous devez être prêts à nous permettre d'exprimer notre opinion en toute connaissance de cause sur les moindres détails d'un éventuel nouveau régime de pêche. Nous cherchons un partenariat. Nous voulons des solutions à long terme qui soient bien réfléchies, qui soient discutées à fond et qui soient également acceptées à la fois par notre peuple et par la Couronne.

En votre qualité de représentants de cette dernière, vous avez une relation toute particulière avec nous, une relation basée sur le respect et la confiance mutuels. Cette relation particulière est une relation fiduciaire. Lorsque vous traitez avec nous, vous devez reconnaître vos obligations fiduciaires, et dans tout ce que vous faites, vous devez préserver l'honneur de la Couronne.

Vous devez comprendre que nous, les Micmacs, avons un lien très singulier avec la pêche. Bien avant l'arrivée des Européens sur nos rives, notre peuple pratiquait déjà la pêche, la chasse et la cueillette. Ces traditions, nous les avons gardées encore aujourd'hui.

Nous sommes également, depuis des milliers d'années, une nation de négoce. D'ailleurs, nos ancêtres commerçaient déjà avec des peuples très lointains, ceux qui habitaient même ce qu'on appelle aujourd'hui le Mexique, et cela bien des lustres avant l'arrivée de vos ancêtres. Nous sommes l'un des membres les plus anciens de la toute première ALENA. Le négoce raisonné est un pilier de notre société.

Pour nous, la pêche a toujours été sacrée. Nous avons toujours respecté et conservé la ressource. Nous n'avons jamais refusé de partager cette ressource avec les nouveaux venus, et cela est encore vrai aujourd'hui. Par contre, la conservation doit demeurer la clé de voûte de la gestion de la ressource. La Loi sur les pêches et les règlements qui en découlent, de même que les politiques de Pêches et Océans Canada, ne respectent pas ce critère, de sorte que cette loi et ces politiques doivent changer. Vous devez être prêts à coopérer avec nous pour assurer la mise en valeur véritablement durable de cette ressource vitale, en fait de toutes les ressources. Vous devez admettre que nous sommes des partenaires à part égale dans la mise au point et la mise en oeuvre des plans de gestion qui intéressent les ressources comme la pêche, aussi bien en eau douce qu'en eau salée.

Nous avons beaucoup à offrir par nos traditions et par nos compétences de gestion moderne pratique, quotidienne. Nous exploitons également une pêcherie de saumon modèle qui témoigne de notre préoccupation pour l'environnement et de notre capacité de vivre en harmonie avec la nature. Nous ne faisons pas que l'exploiter.

Nous sommes également ici en raison de la décision rendue dernièrement par la Cour suprême du Canada dans la cause Donald Marshall. Nous devons vous demander ce que vous avez fait depuis la Confédération. Pourquoi n'avez-vous par reconnu la chaîne d'alliance des traités que vous avez conclus avec nous? Pourquoi n'avez-vous pas respecté les promesses que vous avez faites? Ces promesses sont inscrites dans la loi en vertu de la Constitution de ce pays. Pourquoi vous êtes-vous précipités à Mi'kmaqi après nous avoir ignorés pendant des années? Vous ne vous êtes pas dépêchés de traverser le Canada atlantique pour nous aider à nous lancer dans la pêche commerciale il y a un an.

• 1400

Je suis ici pour vous dire que la Cour suprême ne nous a accordé aucun droit dans la décision Marshall. Elle n'a fait que reconnaître que parmi nos nombreux droits, nous conservons ceux issus de traités. Ces droits issus de traités ont été négociés avec grand soin et convenus par les deux parties dans un esprit de respect et de coopération.

Je vous rappelle que nous n'avons jamais cédé les titres de notre territoire. La Cour suprême du Canada, dans l'affaire Delgamuukw, a reconnu le droit des peuples comme le nôtre à l'utilisation continue du territoire et de toutes ses ressources. Cela comprend la pêche.

Si vous voulez vraiment partager et protéger la ressource, vous vous engagerez clairement à reconnaître et à respecter tous nos droits. Vous conclurez avec nous un partenariat comme nos ancêtres avaient conjointement l'intention de le faire lorsqu'ils se sont rencontrés pour la première fois et conclu nos traités inviolables. Si nous ne pouvons former un partenariat valable, nous n'aurons d'autre choix, en vertu de la loi et de la Constitution, que de créer et d'appliquer nos propres règles pour gérer les ressources, comme la pêche.

Les récents événements soulèvent un vent d'inquiétude. Devons-nous croire que le respect de nos droits va susciter la violence et la haine? Devons-nous croire que l'État va se ranger du côté de ceux qui agissent dans l'illégalité et l'immoralité? J'espère que non.

Je vous transmet aujourd'hui une sincère invitation à entreprendre de sérieuses consultations sur l'avenir de toute la pêche. Si elle est bien gérée, elle assurera notre subsistance à tous, Autochtones et non-Autochtones. Nous sommes disposés à partager nos connaissances afin de réaliser l'objectif d'un accès équitable aux ressources naturelles qui respecte la nature et la protège. Nous espérons qu'en tant qu'émissaires de la Couronne, vous partagez les mêmes idéaux.

Je propose que nous commencions des pourparlers officiels qui déboucheront sur des règles et règlements mutuellement acceptables, mais j'insiste pour que nous soyons des partenaires à part entière dans ces discussions et dans tout processus connexe. Nous ne tolérerons pas le paternalisme qui a marqué les cent dernières années. Nous ne permettrons pas aux bureaucrates et aux politiciens, qui n'ont pas su protéger les ressources naturelles, loin s'en faut, de continuer à nous donner des ordres.

Vous devez nous reconnaître en tant que premiers habitants ayant des droits juridiques et constitutionnels uniques. Vous devez comprendre que nous sommes un peuple qui a des responsabilités à l'égard de la terre, de l'eau et de l'air. Nous sommes les gardiens de notre mère nourricière, la Terre. Nos droits découlent de notre lien avec le créateur. Nous avons le devoir sacré de veiller à ce que les ressources subviennent aux besoins des générations à venir. Nous avons le devoir sacré de veiller à ce que toute la nature soit respectée, honorée et protégée. Nous avons le devoir sacré de veiller à ce que cette planète et toutes les richesses qu'elle renferme ne soit pas simplement exploitée, utilisée et épuisée.

Si vous pouvez nous accompagner en tant que partenaire, alors ensemble nous pourrons protéger les pêcheries, et nous pourrons tous profiter de ses richesses. J'espère sincèrement que vous ne tenterez pas d'adopter de nouvelles lois sans notre pleine participation.

Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous et d'exprimer quelques-unes de nos préoccupations. Il nous tarde d'établir une nouvelle relation indispensable à la poursuite de ce dialogue.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, chef.

Monsieur Bernier.

[Français]

M. Yvan Bernier: Merci, monsieur le président.

Je souhaite la bienvenue à nos témoins. J'accepte la main que vous nous tendez dans les pages de votre mémoire. Vous comprendrez que des députés des cinq partis politiques qui sont présents à la Chambre des communes siègent au Comité permanent des pêches et qu'ils ne représentent pas tous le gouvernement.

Vous avez avancé certains faits historiques et prononcé quelques phrases assez dures, mais reflétant la vérité. J'ai souligné celle où vous nous demandiez où nous étions allés depuis la Confédération. Je suis prêt à reconnaître que certaines erreurs ont été commises au cours de l'histoire.

J'aimerais obtenir des éclaircissements au sujet de la réglementation actuelle et future des pêcheries.

• 1405

Je veux également vous dire tout de suite que je partage votre crainte, celle que ce soient encore une fois des bureaucrates qui établissent les plans de gestion de la pêche. Un fait demeure cependant: les différentes pêcheries sont déjà pas mal tous occupées et il existe déjà des plans de gestion. Il ne faudrait pas tout rejeter du revers de la main avant d'avoir eu la possibilité d'étudier cette question tous ensemble. Il faudra peut-être que vous consultiez des gens qui connaissent encore mieux les pêches que nous, c'est-à-dire les pêcheurs eux-mêmes.

Je veux m'assurer que nous nous comprenons bien et que nous pourrons trouver chez vous des alliés pour nous aider à définir une paix durable. Vous dites vouloir être consultés et considérés comme des égaux. Vous affirmez aussi que si jamais nous n'arrivions pas à une entente, vous vous adresseriez à la Cour suprême pour faire respecter vos droits. J'ai peut-être mal interprété vos propos et j'aimerais vous donner l'occasion de répéter publiquement que vous souhaitez collaborer avec les pêcheurs et que vous ne rejetez pas nécessairement du revers de la main les règles actuelles, mais que vous voulez plutôt avoir la chance d'en discuter avec eux.

[Traduction]

Le chef George Ginnish: Je le répète, nous préférons y travailler en tant que partenaires, non en tant que groupe susceptible d'être consulté en cours de route. Des consultations sérieuses doivent avoir lieu quant à l'avenir des pêcheries. Même au sein de nos communautés, on a exprimé différents points de vue sur la marche à suivre.

De nombreuses personnes estiment que le traité leur donne le droit de s'adonner à ces activités à titre individuel afin de subvenir à leurs besoins, d'en tirer une subsistance convenable. Cela risque de se produire si nous ne pouvons parvenir à une entente qui satisfasse toutes les parties, mais ce n'est pas ce que nous préconisons. Nous prônons un processus qui englobera toute la région atlantique, ainsi que des consultations avec les communautés individuelles en vue d'obtenir leur point de vue.

La question est beaucoup plus vaste que la pêche au saumon que nous pratiquons sur la Miramichi. Elle est beaucoup plus vaste que la pêche au homard que Burnt Church pratique. Il y a de nombreux autres éléments qui d'après moi devraient faire l'objet de discussions élargies. Je crois que les chefs politiques ont déclaré qu'il était temps que nous nous réunissions pour discuter de ces questions de façon sérieuse, en tant que partenaires égaux.

Le MPO emploie depuis de nombreuses années le terme «cogestion» dans les ententes conclues avec notre communauté sur les SPA, mais la cogestion ne correspond pas toujours à la réalité. Nous aimerions donc voir l'établissement de nouvelles relations dans ce dossier. Nous aimerions créer une nouvelle relation, mais cela ne signifie pas qu'il faut faire table rase. Nous sommes conscients qu'il y a des gens qui dépendent des différentes activités liées à la pêche pour leur subsistance, et nous ne pouvons donc nous attendre à repartir de zéro. Mais nous voulons être des partenaires égaux dans les discussions à venir. À la lumière de la décision Marshall, je crois que c'est équitable après tout, étant donné que nos communautés ont attendu patiemment. Nous avons suivi la filière juridique. Cela fait 240 ans que ces traités ont été signés, mais nos communautés continuent d'être marginalisées.

Le président ce matin a visé juste à plusieurs égards. Lorsque le taux de chômage atteint 85 p. 100 dans certaines communautés, il n'est pas facile de leur demander d'attendre, de raisonner avec elles, de dire qu'il faudrait tenir des discussions pendant encore un an, lorsque des familles ont faim ou que des enfants n'ont aucun espoir. Vous devez donner espoir. En tant que chef, c'est ce que je vais faire pour les membres de ma communauté. Je veux leur dire qu'ils ont un avenir ici, soit grâce à une participation directe aux pêcheries, soit autrement. Il n'y a pas que la participation directe aux pêcheries.

J'ignore si j'ai répondu à votre question.

[Français]

M. Yvan Bernier: Vous avez bien répondu à ma question.

Vous êtes sans doute conscient qu'on ne pourra pas corriger tous les torts qui ont été faits pendant 240 ans en un mois. Vous dites que vos gens ont besoin d'espoir. Auront-ils assez confiance en vous et auront-ils assez de patience pour attendre qu'on mette en oeuvre ce processus et qu'on vous donne la formation nécessaire?

• 1410

Les témoins qui ont comparu ce matin nous disaient que certains de leurs pêcheurs qui prévoient vendre leurs permis seraient intéressés à offrir de la formation à ceux qui prendront leur relève, mais tout ce processus prendra un certain temps.

Je vous pose ma question de cette façon parce que nous voulons tous éviter que se produisent à nouveau des situations semblables à celle qui s'est produite cet automne. Il faudra que vous nous aidiez bien comme il faut à faire en sorte que les gens soient tranquilles. Que faut-il faire entre-temps pour apaiser le problème, sachant qu'on ne pourra pas tout régler cet automne?

[Traduction]

Le chef George Ginnish: Je ne crois pas qu'on s'attende à ce que tout soit réglé cet automne. Si nos membres peuvent voir que des efforts réels sont déployés en vue de tenir des discussions sérieuses auxquelles ils pourront participer, en tant que conseil il nous incomberait d'informer notre communauté que des mesures positives sont prises et que nous devrions collaborer. Cela a toujours été notre façon de faire. Dans de nombreuses communautés, je suis persuadé que si l'on peut espérer un règlement, alors... Même la Cour suprême dit qu'il faut régler ces questions par la négociation. Les communautés autochtones ne devraient pas avoir à entamer des poursuites légales, à grands frais pendant de nombreuses années, et à chercher à obtenir des jugements. Nous devrions nous efforcer de régler ces questions par la négociation.

Je dis simplement que dans nos communautés, cet effort ne porterait pas uniquement sur les pêches. Nous avons un taux de chômage très élevé, et en tant que chefs, nous faisons tout notre possible, dans le domaine des pêches et ailleurs, pour renforcer la capacité des membres de nos communautés. Mais je le répète, comme le président l'a dit ce matin, le taux de chômage est supérieur à la moyenne nationale à Miramichi et dans les communautés voisines. Nos gens s'attendent à des perspectives d'emploi... qui n'existent pas. Lorsque les débouchés sont insuffisants pour la communauté en général, il est encore plus difficile pour notre population de se trouver un but, et nous faisons donc tout en notre possible à l'échelle locale. Cela signifie saisir toutes les occasions.

Nous privilégions une démarche pacifique axée sur la collaboration. Nous ne prônons pas la violence. C'est un dernier recours. Dès que la violence est déclenchée, il n'y a pas de retour en arrière possible. Les gens sont blessés et vous ne pourrez pas les faire reculer. C'est la dernière chose que nous souhaitons.

Le président: Merci, chef Ginnish.

Avant de céder la parole à Peter, vous avez dit entre autres en réponse à la question de M. Bernier qu'il fallait tenir des consultations sérieuses. Je crois que certains pêcheurs commerciaux assis derrière vous diraient également qu'ils doutent que des consultations sérieuses aient eu lieu entre eux et le MPO au cours des 12 dernières années. Comment y arriver à des consultations satisfaisantes?

Je pose la question à cause des discussions que nous avons eues au sujet du Traité nishga. Le Traité nishga stipule que des consultations doivent avoir lieu sur toute question touchant les pêches. J'ai rencontré les Nishgas à l'époque. Lorsque le traité sur le saumon du Pacifique a été signé, ils n'ont pas été consultés. Inutile de dire qu'ils étaient plutôt furieux. Les pêcheurs ordinaires n'ont pas été consultés non plus. Comment en arriver à des consultations sérieuses?

Le chef George Ginnish: Je suppose que cette séance est un pas dans cette direction. Notre association, l'Atlantic Policy Congress of First Nations Chiefs, a rencontré le ministre des Affaires indiennes ainsi que le ministre Dhaliwal en vue de commencer à élaborer un processus de consultation.

• 1415

Vous devez savoir que même si nous estimions que le traité était toujours en vigueur, la Cour suprême ne l'a reconnu que dernièrement. C'est pourquoi le gouvernement et le MPO n'étaient pas prêts à faire face à la situation. En ce qui concerne les Premières nations, nous nous trouvons dans une situation particulière, étant donné que nous avons un droit issu de traité à cette ressource.

Jusqu'à présent, aucune consultation sérieuse n'a eu lieu. Nous n'avons pratiqué jusqu'à maintenant que la pêche de subsistance. En vertu de la décision rendue, nous pouvons pratiquer la pêche commerciale pour en tirer une subsistance convenable, mais aucune discussion n'a eu lieu à ce sujet. Quant aux réponses, je ne les ai pas. Je dis simplement qu'il faut tenir des consultations si nous voulons éviter que ne se reproduisent les troubles de l'automne dernier. Il faut tenir de nombreuses discussions, et elles doivent se dérouler tant aux échelons supérieurs que dans les communautés. Quant aux modalités de ces discussions, il faudra un certain temps pour les déterminer.

Le président: Merci, chef.

Monsieur Stoffer.

M. Peter Stoffer: Merci, monsieur le président. J'aimerais remercier George de son aimable invitation à lui rendre visite. Je suis persuadé que nous pourrons accepter son invitation très bientôt, car c'est véritablement... Je sais pourquoi Charlie sourit toujours lorsqu'il vient à Ottawa. C'est parce qu'il vient d'un très beau coin de pays.

J'aimerais vous poser deux questions.

D'après les délibérations que nous avons eues avec de nombreux intervenants dans la région et à Ottawa, il ne fait aucun doute que si les Autochtones sont pleinement consultés à titre de véritables partenaires dans l'industrie des pêches ou du bois, ou quelque autre industrie axée sur l'exploitation des ressources, on peut observer la bonne volonté et l'esprit de collaboration de toutes les parties.

Ma question à ce sujet est la suivante. Si ce que je viens de dire se produit—la bonne volonté et tout le reste—recommanderiez-vous à votre peuple d'Eel Ground de se conformer aux mêmes règles relatives à la pêche que celles qui s'appliquent à tous les pêcheurs si vous étiez de véritables partenaires dans le processus de négociation?

Le chef George Ginnish: Je crois que le conseil serait disposé à le recommander. Je le répète, si l'accès véritable à d'autres ressources...

M. Peter Stoffer: Non, simplement à la pêche.

Le chef George Ginnish: S'il n'est question que de la pêche, nous le recommanderions, à condition que notre peuple ait des perspectives d'avenir. Nous sommes disposés à leur recommander de pêcher en vertu du régime existant à l'heure actuelle, mais nous devrons en discuter avec la communauté à la lumière des autres perspectives offertes. Je ne peux pas dire que nous nous en tiendrions à la pêche de subsistance telle qu'elle est pratiquée en ce moment. Nous sommes certainement disposés à en discuter, mais ils doivent participer aux discussions élargies qui s'imposent.

M. Peter Stoffer: Je vous pose la question parce que la pêche de subsistance, comme vous le savez et comme des témoins des autres provinces l'ont dit, est un sujet controversé lorsqu'il est question de la pêche dite hors saison, ou du point de vue que si vous ne pouvez pêcher le homard hors saison, vous pouvez le faire avec une ou deux cages plutôt que 10 ou 15. Avec la tenue de véritables consultations—c'est-à-dire où vous auriez vraiment l'impression d'être des parties à part entière du nouvel accord—pourriez-vous envisager l'élimination complète de la pêche de subsistance, graduellement, par suite de votre intégration à la pêche commerciale pratiquée par les non-Autochtones?

Le chef George Ginnish: Je ne voudrais pas rejeter cette possibilité.

M. Peter Stoffer: C'est une hypothèse, je m'en rends compte.

Le chef George Ginnish: Je n'éliminerais pas cette possibilité. Je le répète, je ne peux que me baser sur la situation à Eel Ground, où nous pêchons le saumon de l'Atlantique. Nous pêchons très peu d'autres espèces. Nous pêchons principalement le saumon de l'Atlantique, et notre première préoccupation à Eel Ground est l'impact de notre pêche de subsistance, peu importe la saison, sur la gestion des stocks.

Nous participons activement à la cueillette de données scientifiques. Nous le faisons depuis de nombreuses années. Nous connaissons les effets de nos activités dans chaque communauté. Nous connaissons par exemple les répercussions de la pêche récréative sur le saumon atlantique dans notre région. Jusqu'à présent, nos prises... je ne dirais pas qu'elles sont insignifiantes, mais elles ne menacent pas les stocks, ou la conservation de l'espèce.

• 1420

À plusieurs reprises par le passé, à cause des fluctuations du niveau d'eau ou d'autres facteurs, nous avons entièrement suspendu nos activités de pêche afin de permettre au saumon de remonter la rivière et de ne pas accroître le niveau de stress auquel il était soumis à l'époque. Nous serions certainement préoccupés si nos activités de pêche avaient pour effet de réduire la capacité des stocks de répondre aux besoins de tous à long terme.

M. Peter Stoffer: Je me suis toujours préoccupé de l'impact des activités de pêche les stocks.

J'ai une dernière question à vous poser. Je l'ai posée à la plupart des chefs autochtones, et je sais que les membres du comité me regardent en se disant «Le voici encore une fois». J'ai posé cette question ad nauseam, mais elle est importante.

Vous avez parlé abondamment de votre peuple, des traditions autochtones et de votre attachement historique au territoire. J'ai également posé cette question aux témoins de Red Bank ce matin. Selon vous, croyez-vous que la décision Marshall s'applique aux Indiens non inscrits?

Le chef George Ginnish: Je ne peux répondre à cette question de façon générale. Je peux y répondre en ce qui concerne ma communauté.

Nous fournissons des services aux Indiens non inscrits qui sont affiliés à notre bande. À nos yeux, l'article 31 règle un problème mais en crée un autre. Il y a des enfants visés par le paragraphe 6(2) qui sont probablement autant des Autochtones, sinon plus, que certains membres de notre communauté qui ont des cartes d'Indiens inscrits, et pourtant ils ne sont pas considérés comme tels.

Avec les ressources à notre disposition, nous essayons de répondre aux besoins de tous les membres qui ont des liens avec notre communauté. Nous ne pouvons nous occuper de tout le monde. Chacun doit s'occuper des siens. C'est ma position. Il y a différents moyens de satisfaire aux besoins des deux groupes. Il n'est pas nécessaire d'être un Indien inscrit pour être membre d'une bande. Certains codes d'appartenance vous permettent d'être membre d'une bande si vous êtes affilié à ce groupe.

C'est une question à laquelle je ne peux répondre. Nous essayons de nous occuper des nôtres avec les ressources à notre disposition, et celles-ci, je le répète, sont limitées, et nous sommes donc limités dans ce que nous pouvons faire. Lorsque de maigres ressources sont disputées, si chacun défend ses intérêts, toute augmentation de la concurrence va susciter un mécontentement.

C'est une question beaucoup trop large à laquelle je ne peux espérer répondre aujourd'hui, mais nous faisons tout en notre possible pour répondre aux besoins des personnes affiliées à notre communauté. C'est une question à laquelle il faudra répondre. Qui exactement sont les bénéficiaires de ce traité? L'article 31 devrait-il le déterminer, ou appartient-il aux communautés de le faire? Cela nécessitera...

M. Peter Stoffer: D'autres discussions, oui. Merci.

Le président: Merci.

Monsieur O'Brien.

M. Lawrence D. O'Brien (Labrador, Lib.): Merci, monsieur le président.

Merci, chef Ginnish et membres du conseil.

J'aimerais vous poser quelques questions, obtenir quelques précisions et discuter de certains éléments. Tout d'abord, j'aimerais aborder la question de MacKenzie et Thériault. Plus de 200 organisations des Maritimes sont touchées. Je sais que ces messieurs, l'un ou l'autre, ont rencontré plusieurs intervenants jusqu'à maintenant. Nous avons jusqu'au mois d'avril pour présenter nos conclusions. Qu'en pensez-vous? Y a-t-il une meilleure méthode qui d'après vous permettrait à ces messieurs de rencontrer un nombre accru de groupes ou de procéder plus rapidement?

Y a-t-il moyen de concilier toutes les opinions? Nous faisons, je crois, du bon travail par l'entremise du comité. Nous allons entendre plus de 60 exposés d'ici la fin des audiences; c'est la nature du problème qui le veut. Avez-vous des idées à ce sujet?

Le chef George Ginnish: Eh bien, je ne sais pas exactement où en sont MacKenzie et Thériault dans leurs discussions ou qui ils ont rencontré. Je sais que l'Atlantic Policy Congress, dont nous sommes membres, dispose d'une organisation technique et politique créée pour s'occuper de certaines de ces questions. Je sais que mon absence de ma communauté à la fin septembre et en octobre a entraîné des problèmes relativement à mes engagements envers cette communauté, et c'était extrêmement difficile. De plus, il est extrêmement difficile de parvenir à un consensus lorsqu'un groupe réunit un très grand nombre de participants.

• 1425

J'espère simplement qu'un règlement découlera de ce que nous faisons et de ce qu'ils font et de ce que nous ferons à l'avenir. Nous sommes conscients que cela ne se fera pas du jour au lendemain. J'espère que si des progrès se font ici, tout le monde gardera l'esprit ouvert et continuera de participer aux discussions entourant ce partenariat.

Pour revenir aux statistiques sur l'emploi, notre principale préoccupation dans les communautés autochtones est que nous devons donner à nos membres l'espoir que nous pouvons prospérer dans le secteur des pêches et ailleurs. Nous devons donner espoir aux communautés, et c'est l'un de ces secteurs.

Je suis désolé, mais j'ignore où en sont les discussions entre MacKenzie et Thériault. Notre communauté est certainement disposée à rencontrer le comité pour lui faire part de nos préoccupations, afin que vous ayez un point de vue communautaire en plus de l'optique régionale et atlantique sur laquelle vous vous penchez.

Le président: Monsieur O'Brien.

M. Lawrence O'Brien: J'aimerais obtenir des précisions sur certains éléments de votre exposé. Je vais les énumérer tous, et vous pourrez prendre des notes, si vous le souhaitez, et me répondre ensuite.

En haut de la page 2 vous dites:

    Nous recherchons un partenariat. Nous voulons des solutions durables [...]

La question qui me vient à l'esprit est quel genre de solutions durables? Peut-être pourriez-vous étoffer.

En haut de la page 3 vous dites:

    Vous devez nous reconnaître en tant que partenaires égaux [...]

J'aimerais que vous définissiez ce que vous entendez par «partenaires égaux».

Au bas de la page 4, vous dites:

    Si elles sont bien gérées, elles pourront répondre à nos besoins à tous, Autochtones et non-Autochtones.

J'aimerais savoir ce que vous entendez par «bien gérées».

Enfin, au dernier paragraphe de cette page, vous dites:

    Je propose que nous amorcions des pourparlers officiels qui déboucheront sur des règles mutuellement acceptables [...]

J'aimerais avoir votre point de vue sur ces pourparlers officiels. Qui feraient-ils intervenir? Est-ce Thériault, MacKenzie, l'Union des pêcheurs des Maritimes, l'Alliance, et l'APC, par exemple? J'aimerais avoir votre point de vue.

Tout cela vise à régler un problème découlant d'une décision, et toute l'information que vous pourrez nous donner nous sera d'une grande utilité.

Ce sont des questions complexes, mais essayez d'y répondre.

Le chef George Ginnish: Pour ce qui est des solutions durables, le terme employé en octobre lorsque nous avons rencontré le ministre était «provisoire», c'est-à-dire une mesure instaurée immédiatement pour faire face aux problèmes du moment. Le terme «durable» entend tout ce qui implique des discussions pendant les six mois ou toute période nécessaire.

Quant au deuxième point, «nous reconnaître en tant que partenaires égaux pour élaborer et mettre en oeuvre des plans de gestion», cela signifie à mes yeux que nous participerions à la prise des décisions au lieu de nous les faire imposer. Cette participation commence à se faire maintenant, et elle continue de se faire par l'entremise des organisations...

M. Lawrence O'Brien: Constatez-vous cette égalité des partenaires, monsieur Ginnish...

Le président: Lawrence, nous allons manquer de temps...

M. Lawrence O'Brien: Cela ne va prendre qu'un instant.

• 1430

Le chef George Ginnish: Je ne veux pas y associer de chiffres. Je pense que ce nous essayons de faire entre autres ici aujourd'hui est de ne pas présenter de demandes déraisonnables, et je ne crois pas que le comité devrait s'attendre à cela de notre part. Nous disons vouloir poursuivre les discussions. Je ne suis donc pas disposé à dire que c'est 50-50 ou rien ou 100 p. 100 ou rien.

Pour enchaîner sur un élément que Millie Augustine a présenté dans son exposé ce matin, les partenaires égaux pourraient signifier une participation autochtone à cette table. Cela pourrait signifier qu'à l'avenir vous ne négligiez pas notre participation à ce niveau. Je sais que le président, M. Easter, a dit qu'une députée autochtone siégeait en fait à ce comité, et j'espère qu'au moment d'examiner ces renseignements, elle pourra formuler ses commentaires. Nous espérons également que notre propre député, M. Hubbard, qui vient de cette région et qui connaît la situation, pourra également apporter sa contribution.

En ce qui concerne la pêcherie bien gérée qui pourrait subvenir à nos besoins à tous, c'est un énoncé général qui fait suite aux préoccupations exprimées depuis environ un an selon lesquelles certaines pêcheries sont surexploitées et que toute activité additionnelle les pousserait au bord de l'extinction. Il s'agit d'un énoncé général où nous disons qu'il faut examiner l'ensemble du secteur des pêches et ce qu'il peut soutenir, le rôle qu'il peut jouer.

Nous ne nous attendons pas à ce qu'une pêcherie subvienne complètement aux besoins de toutes les communautés autochtones et non autochtones. Mais je crois qu'elle peut être gérée de manière durable, et que c'est l'objectif qu'il faut viser. Nous voulons profiter de ces différentes perspectives d'avenir. À cause du manque de perspective économique dans les communautés, nous devons nous tourner vers l'extérieur, et en tant que chefs nous devons examiner toutes les possibilités.

Au sujet du dernier point concernant «des pourparlers officiels qui déboucheraient sur des règles et des règlements mutuellement acceptables», ce ne sont pas exactement mes mots. Je n'aime pas les règles et les règlements. Bon nombre de nos membres diraient que nous sommes réglementés à outrance, soit dit en passant. Il s'agit de pourparlers officiels qui vont déboucher sur la participation autochtone au partage des ressources, qui vont favoriser une participation active plutôt que l'exclusion et la marginalisation.

Nous entrons dans un nouveau millénaire, et nous devons agir. Si le taux de chômage dans une communauté non autochtone était de 85 p. 100, cela serait jugé inacceptable. Voilà où nous voulons en venir. Nous nous préoccupons de l'avenir et des perspectives d'avenir de nos communautés, et c'est simplement un secteur porteur, nous l'espérons, qui pourra favoriser notre développement économique, l'emploi et la formation.

Nous travaillons également à la mise en oeuvre d'autres initiatives. Chaque communauté, selon l'endroit, envisage une démarche qui lui est propre, comme nous. En tant que chefs, nous examinons chaque possibilité d'accroître la participation de la main-d'oeuvre et d'élargir les débouchés pour nos membres. Depuis quelques années, de 9 à 12 étudiants terminent leurs études secondaires dans notre communauté. Nous voulons pouvoir les orienter dans une voie qui leur offre des perspectives d'avenir. En ce moment, notre population active est beaucoup plus grande que les besoins.

Le président: Merci, chef Ginnish.

Paul, vous avez le temps de poser une brève question, et nous allons terminer par Charlie. Nous avons de beaucoup dépassé le temps à notre disposition.

M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.): J'ai beaucoup de questions que j'aimerais vous poser. Peut-être à cause de ce que Millie nous a dit ce matin, je me demande ce que vous pensez de la façon dont les Autochtones sont traités. Vous avez parlé des jeunes diplômés et des débouchés. Y a-t-il équité dans l'embauche des jeunes? Quel rôle d'après vous le gouvernement fédéral devrait-il jouer pour contrer—et nous avons presque entendu les termes ce matin—la discrimination injuste dont sont victimes les Autochtones? Si c'est le cas, le constatez-vous?

• 1435

Je crois que nous devons comprendre que le problème ne se résume pas aux pêches dont nous avons parlé pendant nos audiences. Si le problème est les obstacles que vos membres doivent surmonter pour améliorer leur sort, nous devons le savoir. Nous différons d'opinion sur de nombreuses questions. J'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet.

Le chef George Ginnish: À nos yeux, compte tenu de la situation, c'est malheureux, mais pour bon nombre de nos membres, il n'y a aucun débouché.

Eel Ground compte 750 habitants. Le fait que 330 personnes aient quitté notre communauté en dit long sur la situation. Dans ma famille, sur les 11 frères et soeurs de mon père, il n'en reste que trois dans la communauté. Les huit autres ont dû partir pour trouver du travail à l'étranger. Leurs familles sont maintenant éparpillées dans le nord de la Nouvelle-Angleterre. Ils n'arrivaient pas à trouver du travail dans les Maritimes.

Il y a plusieurs raisons à cela. Millie a dit ce matin qu'elle était directe; elle a dit que c'était de la discrimination. Elle a dit qu'il n'y avait pas de débouché. Comme je l'ai dit plus tôt, dans une région comme Miramichi, où le taux de chômage est supérieur au taux national, la concurrence est féroce. Bon nombre de nos membres doivent quitter la région pour se trouver du travail, et c'est malheureux.

Dès que vous parlez d'équité ou de perspectives d'emploi à certains membres de la société, ils disent non, que cela ne devrait pas être ainsi; tout le monde devrait rivaliser à armes égales. Dans notre cas, nous n'avons pas les chances égales. S'il faut instaurer des programmes pour diminuer le taux de chômage dans nos communautés, je crois qu'il faut l'envisager sérieusement. Un taux de chômage de 75 ou 85 p. 100 est inacceptable.

M. Paul Steckle: À scolarisation égale, est-ce que le taux de chômage par habitant chez les Autochtones est plus élevé que dans la population en général?

Le chef George Ginnish: Je n'ai pas de données statistiques à ce sujet en ce moment. Je sais que depuis 15 ou 20 ans nos niveaux de scolarité ont augmenté. Notre population, en termes numériques, est jeune comparativement à la population canadienne. La plupart des Autochtones ont entre 18 et 30 ans, approximativement. Ce groupe est beaucoup plus scolarisé qu'il y a 15 ans, mais pas nécessairement dans un domaine technique. Cela dit, la formation ne leur garantit pas nécessairement un emploi. Si nous avons des avocats ou d'autres professionnels qui ont réussi leurs études, ils ne peuvent trouver du travail à Miramichi. C'est donc un très vaste problème qu'il convient d'examiner sérieusement.

Le président: Monsieur Hubbard.

M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Merci, monsieur le président.

Dans la même foulée, j'aimerais remercier le chef Ginnish et son conseil de s'être déplacés aujourd'hui. Je tiens plus particulièrement à souligner le travail que vous avez fait relativement à votre forêt, Steve ayant été reconnu à l'échelle nationale pour son travail en matière d'aménagement durable de la forêt à Eel Ground.

Je pense aussi à notre Comité des pêches... nous parlons d'Eel Ground, la localité tire son nom d'un poisson, et c'est la pêche qui a entraîné la décision Marshall. Il y a beaucoup d'anguilles dans cette région en hiver.

Il faut aussi savoir qu'Eel Ground, cette région du nord-ouest de la Miramichi, abrite la seule frayère de l'achigan sur la côte atlantique. Nous avons donc une raison spéciale de nous intéresser à ce dossier.

Je sais, chef, que lorsque vous exposez la situation relative à la pêche, il y a différentes espèces de poisson dont il est question, et différentes ressources. Alors que le comité examine la situation des communautés autochtones, nous devons savoir que cela fait partie de l'économie qu'elles essaient de développer, et tous les chefs et conseils s'intéressent non seulement à la décision Marshall mais également aux répercussions que celle-ci peut avoir sur l'épanouissement à venir de la population autochtone.

Je vous remercie chef de vous être déplacé. Nous sommes heureux d'avoir pu vous rencontrer aujourd'hui.

Le président: Merci.

Je suppose, monsieur Hubbard—je m'avance à mes propres risques, Peter, car vous allez croire qu'il s'agit d'une annonce...

Un député: Attention à ce que vous dites.

• 1440

Le président: ...en tant que président du caucus de l'Atlantique, le document Catching Tomorrow's Wave, en fait, que nous soyons d'accord ou non avec son orientation, examine le problème du manque de débouchés dans le Canada atlantique.

Les différents partis politiques peuvent avoir des opinions différentes quant aux moyens d'atteindre ces objectifs, mais nous savons que nous ne pouvons régler tous les problèmes au sein du comité des pêches, c'est évident. Mais nous allons tenir compte de vos intérêts et de vos exposés au moment de préparer notre rapport.

Je vous remercie donc beaucoup, chef Ginnish, monsieur Ginnish, et monsieur Patles.

Les prochains témoins sont de la Première nation de Burnt Church. Je crois comprendre que le chef Dedam ne pouvait être des nôtres. Alex Dedam, contrôleur, et Larry Dedam, conseiller, le remplacent.

Millie, je crois que vous témoignez de nouveau. Comment vous y êtes-vous prise?

Y a-t-il un quatrième témoin? Miigam'agan, veuillez également prendre place.

Monsieur Dedam, je vous demanderais d'être bref dans vos commentaires liminaires...

M. Alex Dedam (contrôleur, Première nation de Burnt Church): Je serai très bref—extrêmement bref. Merci beaucoup, en passant, d'avoir demandé à la communauté d'Esgenoopetitj de témoigner devant votre comité.

Je suis désolé que le chef Wilbur n'ait pu se joindre à nous aujourd'hui. Il ne se sentait pas très bien. Il souffre d'arthrite, et son état ne lui permettait pas de se déplacer aujourd'hui.

Notre Première nation estime que nous sommes à un carrefour dans nos relations avec le Canada. Selon l'issue des consultations, soit que la situation s'aggrave, soit qu'il y ait une accalmie et que l'on travaille à l'établissement de relations constructives.

Tout d'abord, permettez-nous de vous dire que nous n'accepterons pas que l'on nous dise que nous ne pouvons pêcher sans l'autorisation du gouvernement. Le ministère des Pêches et Océans n'existait pas lorsque nous avons commencé à pêcher il y a de cela des siècles. Nous n'avons pas épuisé les stocks, et nous n'accepterons pas que les organisations de pêcheurs non autochtones fassent de nous un bouc émissaire. Ce que nos membres prélèvent pour se nourrir et faire du troc ne représente qu'une infime portion de la ressource. Nous avons été entièrement écartés de la pêche pendant des années, et même maintenant, notre droit légal et prioritaire de pêcher pour subvenir à nos besoins alimentaires, sociaux et cérémonieux est constamment contesté, même par le ministère des Pêches et océans.

Cela dit, cela ne signifie pas que nous sommes favorables à la déréglementation. Cela n'est ni dans notre intérêt, ni dans l'intérêt des générations à venir. C'est pourquoi nous avons constamment exhorté les représentants du ministère des Pêches et Océans à entretenir des discussions régulières suivies avec notre conseil et nos représentants afin d'élaborer un cadre mutuellement acceptable en matière de pêche.

Les fonctionnaires ont refusé de le faire par le passé. Ils ont plutôt cherché à imposer des plans de gestion et des permis de pêche communautaire à toutes les Premières nations de la côte Est et d'ailleurs. Les Micmacs d'Esgenoopetitj ne reconnaissent pas ces permis de pêche communautaire, et ils n'accepteront pas qu'on leur donne des ordres. Cependant, les Micmacs d'Esgenoopetitj demeurent favorables à la conclusion d'un régime mutuellement acceptable de gestion des pêches.

Pour illustrer notre volonté de négocier un accord mutuellement acceptable, le conseil du jour en 1994 a élaboré une entente décrivant la gestion des pêches et la participation de notre Première nation à la gestion, à la protection et à l'amélioration des ressources halieutiques et de l'habitat dans notre secteur.

Nous vous remettons l'exemplaire du projet d'entente à titre d'information. Il est annexé à la déclaration que je lis aujourd'hui.

• 1445

La communauté d'Esgenoopetitj est d'avis qu'une stratégie à court terme et à long terme s'impose relativement aux droits de pêche issus de traités. À court terme, il faut instaurer une pêche commerciale viable en vertu des traités afin de permettre la pêche micmaque pendant l'année à venir, en établissant des objectifs de conservation. À long terme, au-delà de l'année à venir, des mesures doivent être prises pour assurer la redistribution des ressources.

Les Micmacs d'Esgenoopetitj, de Tabusintac et de Pokemouche récoltaient, troquaient et vendaient du homard et d'autres produits de la mer en des temps immémoriaux. Ces pratiques étaient toujours en vigueur lorsque nos droits de vendre du poisson ont été énoncés dans les traités conclus au XVIIIe siècle avec la Couronne britannique et garantis dans les lois britanniques et coloniales. Notre droit à l'utilisation des ressources marines en tant que ressource économique n'est pas nouveau, mais ce n'est pas nos membres qui ont abaissé les stocks de homard et de poisson à des niveaux si dangereux que des mesures protectrices complètes, y compris les restrictions saisonnières, doivent être instaurées. D'autres sont responsables de la surexploitation des ressources marines, dont certains qui se sont moqué du droit des Micmacs à la pêche de subsistance, lequel a été reconnu dans la Constitution et confirmé par le plus haut tribunal du Canada.

En 1993, des pêcheurs non autochtones vindicatifs ont tout mis en oeuvre pour perturber notre pêche de subsistance ainsi que notre pêche commerciale. Ils ont détruit nos pièges, coupé nos lignes et volé nos bouées. Bien que les pêcheurs des Premières nations se soient efforcés de bonne foi de respecter les restrictions saisonnières s'appliquant à la pêche commerciale et qu'il y ait eu à cet égard des discussions sporadiques avec le ministère des Pêches et des Océans, il leur a été impossible dans l'ensemble de pêcher avec les pêcheurs non autochtones en raison de l'animosité et de la rancune qu'ils ressentaient à leur endroit.

Cette situation a mené un nombre trop élevé de nos pêcheurs commerciaux à s'adonner à la pêche au homard à la fin de l'été et au début de l'automne. Les pêcheurs non autochtones ont soutenu que les prises de homard étaient trop élevées. Le ministère des Pêches et des Océans, réagissant aux vives protestations des pêcheurs non autochtones, s'est mis à scruter à la loupe les activités de nos pêcheurs. Il s'en est suivi qu'un certain nombre de pêcheurs autochtones ont été poursuivis pour s'être adonnés à une activité à laquelle les membres de notre collectivité s'adonnent depuis 10 000 ans. On a même fixé la date du procès de deux pêcheurs accusés d'avoir pêché et vendu du homard sans autorisation.

Le vendredi 17 septembre 1999, lorsque la Cour suprême du Canada a statué dans l'affaire Marshall que les Micmacs, les Malécites et les Passamaquoddys ont le droit aux termes des traités de s'adonner à la pêche commerciale pour subvenir à leurs besoins, un certain nombre de pêcheurs micmacs d'Esgenoopetitj sont partis pêcher le homard dans la baie de Miramichi. Le 29 septembre 1999, les chefs des nations directement visées par cette décision se sont réunis pour signer un protocole accordant la priorité absolue à la conservation. Ce protocole mettait aussi l'accent sur la réglementation de cette pêche, la sensibilisation des intervenants et la coexistence pacifique avec les Canadiens non autochtones.

Le 3 octobre 1999, des pêcheurs non autochtones ont détruit et vandalisé l'équipement et les installations des pêcheurs autochtones d'Esgenoopetitj, de Big Cove et d'Indian Island. Le ministère des Pêches et des Océans ainsi que la Gendarmerie royale du Canada se sont contentés d'évaluer la situation.

Le droit issu de traités reconnu dans la décision Marshall n'est pas un nouveau droit, mais plutôt un droit dont les nations micmaques, malécites et passamaquoddys ont été privées depuis de nombreuses années. La décision de la Cour suprême n'a pas créé le droit de pêcher reconnu aux Autochtones et n'a pas créé non plus la situation difficile et la confrontation qui existent aujourd'hui. Cette situation résulte plutôt de la discrimination systémique continue à laquelle font face les Premières nations dans chaque région du Canada ainsi qu'au refus de gouvernements successifs de négocier un accès équitable aux ressources naturelles qui ont été réservées aux Premières nations dans des traités historiques et dans les titres autochtones.

Comme la Cour suprême du Canada l'a récemment souligné, le droit issu de traités permet aux Autochtones de faire le commerce des ressources halieutiques afin de pouvoir se procurer les «choses nécessaires», ce que la majorité de la Cour a interprété comme étant «la nourriture, le vêtement, le logement, complété(s) par quelques commodités de la vie». La communauté d'Esgenooptitj estime qu'il appartient aux Autochtones, en collaboration avec le gouvernement du Canada, d'établir ce qui constitue une subsistance convenable.

• 1450

Il ressort clairement avec le recul qu'il est nécessaire d'en arriver à un compromis dans cette affaire. Si cela est impossible, aussi bien intenter immédiatement des poursuites contre tous les membres de la communauté d'Esgenoopetitj qui, à un moment donné et là où cela leur conviendra, pêcheront et vendront les ressources halieutiques malgré les tactiques adoptées par les pêcheurs non autochtones pour semer la terreur. Si des compromis sont faits de part et d'autre, nous pensons pouvoir oublier ce qui s'est produit pendant l'année et entamer les discussions que nous réclamons à titre de Première nation.

Dans la décision rendue dans l'affaire Delgamuukw en 1997, la Cour suprême a insisté sur le fait qu'il valait beaucoup mieux que les droits issus de traités et les droits fonciers fassent l'objet de négociations plutôt que de poursuites. Comme ce tribunal et d'autres tribunaux l'ont fait remarquer à de nombreuses reprises, il faut mieux s'en remettre à l'issue de consultations et de discussions plutôt qu'aux tribunaux pour établir l'interprétation moderne à donner aux droits issus de traités accordés au peuple micmac en ce qui touche l'exploitation des ressources.

La décision majoritaire (cinq juges contre deux) rendue par la Cour suprême du Canada en septembre dernier a réaffirmé le droit des peuples micmacs, malécites et passamquoddys à s'adonner à perpétuité à la pêche, à la chasse et à la cueillette qui leur a été accordé dans les traités conclus avec la Couronne britannique en 1760 et en 1761.

Le président: Je vous remercie, monsieur Dedam.

Monsieur Stoffer, voulez-vous commencer?

M. Peter Stoffer: Volontiers. J'aimerais d'abord vous remercier, monsieur Dedam ainsi que vos collaborateurs, pour l'exposé que vous nous avez présenté.

Je vous remercie aussi de nous avoir fourni le texte de l'accord que vous avez conclu avec Sa Majesté la Reine représentée par le MPO. Il sera très intéressant pour nous de lire ce document.

Pour revenir sur ce qui s'est produit à Burnt Church, je crois que vous avez très bien exprimé les sentiments des membres de votre communauté ainsi que de nombreux Autochtones lorsque vous avez souligné les craintes qu'ont suscité les actes posés sur les lieux de la pêche.

Comme vous le savez, monsieur, des discussions ont eu lieu en février et en mars avant la décision rendue dans l'affaire Marshall. Avez-vous participé aux discussions qui ont alors eu lieu entre la province, le gouvernement fédéral et les dirigeants autochtones?

M. Alex Dedam: Je n'y ai pas participé personnellement. Je ne suis pas sûr si mes collègues y ont pour leur part participé.

Maître Millie Augustine (avocate, Première nation de Burnt Church): Je n'étais pas au courant de la tenue de ces discussions.

M. Peter Stoffer: Étiez-vous au courant de ces discussions, monsieur?

M. Alex Dedam: Non.

M. Peter Stoffer: Voilà pour cette question. J'aimerais maintenant vous poser une autre question et c'est sans doute la dernière fois que je pourrai vous la poser. Vous savez que je l'ai déjà posée à tous ceux qui ont comparu devant nous. À votre avis, monsieur, la décision rendue dans l'affaire Marshall s'applique-t-elle aux Autochtones non inscrits? Je sais que ce n'est pas une question à laquelle il est facile de répondre, mais certains chefs autochtones ont dit qu'elle ne s'appliquait pas à eux. En fait, c'est ce qu'ont dit tous les chefs autochtones.

M. Alex Dedam: Ce n'est pas nous qui décidons qui est un Indien inscrit et qui ne l'est pas. C'est le gouvernement du Canada qui l'a fait dans le passé. Voilà pourquoi certains d'entre nous avons une carte attestant que nous sommes des Indiens en vertu de la Loi sur les Indiens du Canada, mais nos ancêtres nous disent que cela n'a aucune importance.

Cette carte n'établit pas qui est Autochtone et qui ne l'est pas. Cette carte n'a en fait rien à voir avec le statut d'Autochtone. C'est notre attachement à l'histoire, la culture, les traditions et les valeurs des peuples micmacs, malécites et passamaquoddys qui détermine si nous sommes des Autochtones. Ce n'est pas nous qui avons défini de cette façon le statut d'Autochtone. Ce n'est pas vous personnellement que l'avez défini de cette façon, mais votre gouvernement dans le passé. Quiconque peut prouver avoir un lien avec le traité et avec les nations micmaque, malécite et passamaquoddy devrait être considéré comme un bénéficiaire du traité.

M. Peter Stoffer: Ma dernière question...

M. Alex Dedam: Vous ai-je donné une réponse trop longue?

M. Peter Stoffer: Oui, mais tous ceux qui ont répondu à cette question ont fait comme vous.

Le président: Peter pose habituellement des questions plus longues.

M. Peter Stoffer: J'ai une dernière question à vous poser, monsieur. J'ai lu récemment dans le journal qu'un ministre provincial du Nouveau-Brunswick a clairement affirmé que la décision ne s'appliquait pas à l'exploitation forestière.

Je sais que nous nous écartons de la question des pêches, mais il est bien évident que les Autochtones ne comptent pas seulement exploiter à des fins économiques les ressources halieutiques. Tout dépend évidemment des possibilités qui s'offrent à cet égard sur les réserves. Que répliquez-vous à un ministre qui affirme que la décision ne s'applique qu'à l'exploitation de certaines ressources?

• 1455

M. Alex Dedam: Je ne peux que vous répéter ce que je lui ai dit, c'est-à-dire que nous nous reverrons devant les tribunaux.

M. Peter Stoffer: D'accord. Voilà le problème qui se pose. Le ministre actuel des Pêches et des Océans a dit qu'il valait mieux négocier une entente que de recourir aux tribunaux.

M. Alex Dedam: C'est juste.

M. Peter Stoffer: Je me permets de remarquer que si l'on tient maintenant ce discours, c'est en raison de la décision rendue par la Cour suprême. L'affaire Marshall a commencé en 1993. Les décisions Sparrow et Delgamuukw ont précédé la décision Marshall. À quoi pouvons-nous maintenant nous attendre? À une décision Millie? Vous avez absolument raison. Il vaut beaucoup mieux négocier une entente que de s'en remettre aux tribunaux. Je vous sais gré de le faire remarquer.

M. Alex Dedam: Je vous remercie.

Le président: Monsieur O'Brien.

M. Lawrence O'Brien: Je vous remercie, monsieur le président.

Je suis heureux de faire votre connaissance. Je représente une circonscription, le Labrador, qui compte de nombreux Autochtones. Il s'agit des Innus, dont vous avez sans doute déjà entendu parler, et des Inuits. Ma circonscription compte des pêcheurs autochtones et des pêcheurs non autochtones. Je pense donc comprendre assez bien le dossier. J'aimerais revenir sur une observation qui est faite à l'avant-dernière page de votre mémoire. Il y est mention de compromis et de règlement, de négociation et de coopération, appelez cela comme vous le voudrez—et, en dernier ressort, comme vous le soulignez, de poursuites.

Comment faire pour éviter la répétition de ce qui s'est produit il y a quelques semaines? Personne ne souhaite que cela ne se reproduise. Vous ne le voulez pas, pas plus que le Canada et les gens de la région. Il faut donc en arriver à un compromis. À votre avis, qu'est-ce qui serait satisfaisant pour les deux parties, les pêcheurs autochtones et les pêcheurs non autochtones? Comment en arriver à une entente provisoire et ensuite à une entente à long terme?

J'aimerais connaître votre point de vue parce que... Je vous renvoie aux discussions qui ont eu lieu entre le ministre Dhaliwal et 35 chefs appartenant au Atlantic Policy Congress of First Nations Chiefs. Ces discussions ont presque abouti à un accord et à un compromis. Vous avez participé à ces négociations en vue de trouver un compromis entre le ministère et les bandes. Je crois qu'il nous faudra aller plus loin si nous voulons vraiment parvenir à une entente. J'aimerais donc connaître votre point de vue là-dessus.

M. Alex Dedam: Nous devons bien comprendre la situation. Je sais que j'ai parlé de compromis et de négociation dans ma déclaration préliminaire. J'aimerais cependant faire remarquer que nous n'avons pas fait partie des 35 collectivités autochtones qui ont accepté un moratoire volontaire. Ceux qui ont participé aux discussions à Halifax n'avaient pas obtenu un mandat de la collectivité. Le village d'Esgenoopetitj compte 1 200 habitants. Le maire, les conseillers et les fonctionnaires qui ont participé aux discussions à Halifax n'avaient pas obtenu le mandat d'accepter ce moratoire. Ils devaient soumettre cette décision à la collectivité. C'est la collectivité qui doit être consultée et c'est elle qui doit se prononcer sur le bien-fondé d'une décision.

Il est ressorti clairement de la réunion à laquelle ont participé les membres de la collectivité qu'ils n'étaient pas d'accord avec l'idée d'un moratoire. Les membres de notre collectivité estiment que la décision Marshall leur accorde maintenant le droit de pêcher et c'est ce que nous comptons faire. Les prises ne sont pas vraiment très importantes. On a exagéré en disant que nous allions épuiser les stocks de homard. Les prises autochtones n'étaient pas vraiment très importantes.

Certains membres de notre collectivité pensent que nous ne devrions pas tenir des discussions avec les représentants du ministère des Pêches et des Océans parce qu'ils craignent que nous renoncions ainsi à certains droits. Dans les négociations, des constitutions sont faites de part et d'autre.

Les membres de notre collectivité estiment donc que nous ne devrions pas participer à des négociations à l'heure actuelle parce que cela revient à renoncer à nos droits en échange de quelque chose. C'est ce qui se produit même si ce n'est pas fait volontairement.

• 1500

Nous sommes cependant d'avis que nous devons vivre en bonne intelligence avec nos voisins et que nous devrons commencer à leur expliquer que la situation dans le domaine des pêches change. Nous devons nous préparer à faire face à ce changement.

À court terme, nous voulons nous assurer que ceux d'entre nous qui voulons tirer une subsistance convenable de l'exploitation des ressources halieutiques puissent s'adonner à la pêche pendant la prochaine saison de pêche au homard ou de pêche à l'éperlan. Il faudra essayer de le faire sans mettre en péril les stocks et en respectant les objectifs de conservation. Peut-être pourrons-nous atteindre ces objectifs en réduisant le nombre de pièges auxquels aura droit chaque pêcheur, en transférant des permis ou en rachetant des permis au profit des collectivités. Ai-je calmé vos inquiétudes?

M. Lawrence O'Brien: Vous y êtes presque parvenu.

Le président: Monsieur Bernier.

Me Millie Augustine: J'aimerais ajouter quelques mots au sujet des consultations.

Le président: Allez-y.

Me Millie Augustine: Il faut d'abord comprendre que les droits issus de traités ne sont pas à vendre. Nous pouvons participer à des négociations, mais ces négociations ne doivent pas porter sur le traité lui-même.

Il faut aussi comprendre que nous ne participerons pas à des négociations si l'on nous y force à la pointe d'un fusil. Nous ne céderons pas aux menaces. Ce n'est pas la façon dont on procède à des négociations ou à des consultations.

Par le passé, nous n'avons pas été consultés au sujet de l'élaboration de l'accord sur les pêches. Cet accord a été établi unilatéralement par le gouvernement. On nous l'a simplement imposé. Le même accord s'appliquait dans tout le Canada. Nous n'avons pas été consultés du tout au sujet de cet accord et le gouvernement n'a pas voulu y changer un seul mot. Cela me sidère. Pour ce qui est des chiffres... On m'a demandé mon avis sur la légalité de cet accord et j'ai répondu que d'après mes connaissances, il compromettait les droits autochtones qui ont été confirmés dans la décision Sparrow et dans d'autres décisions sur les pêches.

L'accord doit donc être revu pour s'assurer qu'il ne compromet pas nos droits issus de traités et qu'il répond aux besoins de chaque collectivité autochtone.

Le président: Monsieur O'Brien, vous vouliez poser une question complémentaire.

M. Lawrence O'Brien: J'ai une dernière question à poser. Tout le monde s'entend—et je suis sûr que vous êtes aussi d'accord avec ce principe puisque les Autochtones y souscrivent—pour dire qu'il faut conserver la ressource. La conservation est à l'heure du jour. Nous devons veiller à ce qu'il existe encore des ressources halieutiques à court terme ainsi que dans 5 000 ans.

Voilà le défi que nous devons relever, n'est-ce pas? Il nous faut trouver un équilibre entre ce dont nous avons parlé et les divers accords que vous avez mentionnés—la décision Marshall, en l'occurrence—la pêche commerciale et le droit autochtone reconnu dans la décision Marshall. Voilà le défi. Devons-nous comprendre que vous ne tiendrez pas compte de l'accord qui pourrait être conclu en bout de ligne?

Me Millie Augustine: Non. Tout ce que je dis, c'est que nos droits issus de traités ne sont pas à vendre. Nous acceptons le principe de la gestion des ressources. Nous en avons discuté l'automne dernier. Nous établissions un plan de gestion à Burnt Church. Nous savons que tout doit être géré. Nous n'avons pas été surpris par la seconde décision. Voilà la façon dont nous comprenons les choses. Nous ne comptons pas épuiser la ressource. Ce n'est pas notre intention. Nous nous préoccupons du sort des générations futures. Si nous épuisons les stocks de poissons, nous ne pourrons rien léguer à nos enfants. Nous en sommes complètement conscients.

Nous pouvons en arriver à une entente, mais pas à la pointe d'un fusil et pas si on nous menace de violence. Nous ne céderons pas aux menaces de violence. Nous y avons déjà été exposés pas seulement l'automne dernier. Nous faisons face à des menaces de ce genre depuis des centaines d'années et surtout depuis dix ans. Nous ne reculerons plus devant ce genre de menaces.

Vous devez aussi comprendre que peu importe l'argent qu'on peut nous offrir, nous ne renoncerons jamais aux droits issus de traités. Nous pouvons tout de même arriver à une entente. Lorsqu'on nous présentera un plan de gestion sans nous imposer de permis... Je pense que les Autochtones et les non-Autochtones peuvent s'entendre sur un bon plan de gestion. Je vous prie cependant de ne plus nous exclure du processus.

Le président: Monsieur Bernier.

• 1505

[Français]

M. Yvan Bernier: Est-ce que tout le monde entend ma voix grâce à la brillante interprète qui est en cabine?

Des voix: Ah, ah!

[Traduction]

M. Lawrence O'Brien: Poursuivez.

[Français]

M. Yvan Bernier: Je le dis parce que la dame qui est devant nous, Mme Augustine, a dit qu'il n'y avait pas de femmes qui étaient avec nous. Il n'y a peut-être pas de femmes politiciennes parmi nous, mais il y a des femmes qui nous surveillent durant notre voyage.

[Traduction]

Me Millie Augustine: Très bien.

[Français]

M. Yvan Bernier: J'ai noté la dernière question de M. O'Brien. Il disait que tous dans cette salle et au Canada étaient d'accord pour la conservation de la ressource, qu'ils soient autochtones ou non autochtones. J'ajouterais que même les souverainistes, qui font encore partie du Canada, sont aussi d'accord pour la conservation.

[Traduction]

M. Lawrence O'Brien: Vous faites partie du Canada.

[Français]

M. Yvan Bernier: Je ne vais pas aller plus loin sur ce terrain, monsieur le président. Je suis content de voir les témoins aujourd'hui.

Je prends bonne note de l'ouverture qu'ils nous font à l'avant-dernière phrase, quand ils disent que l'accommodation des droits issus des traités peut être résolue par consultation et par discussion. Je pense que c'est ce que le Comité permanent des pêches commence à faire. Bien sûr, vous allez avoir à rencontrer les médiateurs du gouvernement.

Vous dites aussi, à la première page, que vous n'avez pas besoin de l'autorisation du gouvernement pour pêcher. J'en prends bonne note.

Tout ce que j'aimerais savoir, dans un premier temps, c'est si on peut compter sur votre collaboration pour répéter aux gens de chez vous qu'il y a espoir, qu'il y a des gens au gouvernement qui disent qu'il faut réparer les erreurs historiques, mais que pour cela, on va avoir besoin de temps. Vous avez besoin de temps pour parler aux gens de chez vous, et nous avons besoin de temps pour parler avec nos communautés de pêcheurs, parce que le problème est maintenant dans notre cour.

On est tous pour la conservation et on n'a peut-être pas assez de poisson ou de homard à pêcher pour tout le monde. Donc, il faut retirer des joueurs, et les joueurs qui seront de trop seront de notre côté. Je voulais donc savoir si on pouvait compter sur votre collaboration. Je pense que oui étant donné ce qu'on voit ici.

En dernier lieu, monsieur le président, j'aimerais faire une proposition dont on pourra débattre à notre retour à Ottawa. Mme Augustine disait qu'on n'avait pas d'autochtones avec vous. Il aurait peut-être été bon qu'on engage quelqu'un qui connaît bien les premières nations micmacs pour nous aider à entrer en contact avec les différents chefs.

Hier ou avant-hier, j'ai été content d'apprendre par des gens d'Halifax qu'ils avaient pris contact avec les chefs autochtones chez moi, en Gaspésie. J'ai moi-même tenté de prendre contact avec eux, mais on ne se croisait jamais. Ce sont des chefs autochtones de la région ici qui ont pris contact avec eux. L'objectif est que tout le monde se parle afin d'essayer de trouver une solution ensemble. Je voulais m'assurer de votre collaboration.

Si Mme Augustine veut nous donner sa carte avant de partir, je vais la prendre.

[Traduction]

Me Millie Augustine: Permettez-moi d'intervenir. Je n'ai pas de carte d'affaires. Les cartes d'affaires nous semblent trop impersonnelles.

M. Alex Dedam: Nous l'écrirons pour vous.

Me Millie Augustine: Tout tient en une seule phrase. Rappelez-vous le processus. Lisez l'arrêt Sparrow. Il y a d'abord la conservation, les droits autochtones et ensuite les droits des autres usagers.

M. Alex Dedam: J'aimerais ajouter que le peuple micmac d'Esgenoopetitj a certainement relevé le défi de la conservation. Ils ont décidé volontairement de respecter les mêmes mesures de conservation que celles qui s'appliquent aux pêcheurs commerciaux, c'est-à-dire qu'ils ne prennent pas les homards enfouis ou les petits homards, qu'ils rejettent à la mer les homards de moins d'une certaine taille et équipent leurs cages de mécanismes qui permettent aux homards de s'échapper. Les pêcheurs autochtones se conforment donc aux exigences en matière de conservation.

En outre, nous avons consulté des biologistes qui nous ont dit ne pas avoir suffisamment de renseignements pour établir si notre façon de pêcher le homard nuisait aux stockes. En 1993-1994, les mêmes arguments ont été avancés. Nous n'épuisions pas les stockes à ce moment-là et nous ne comptons pas les épuiser maintenant.

• 1510

Le président: Madame Miigam'agan, allez-y.

Mme Miigam'agan (conseillère technique, Première nation de Burnt Church):

[Note de la rédaction: Le témoin parle en micmac]

Voilà la langue des premiers habitants de ce pays.

Je vous écoute depuis ce matin poser des questions aux pêcheurs non autochtones, aux représentants des organismes non autochtones et aux représentants des Premières nations. Je déplore l'arrogance et l'ignorance dont vous faites preuve lorsque vous parlez de négocier de bonne foi compte tenu de la façon dont notre peuple a été traité par le passé. Rien n'a changé. Les systèmes et les politiques qui nuisent à notre peuple continuent d'exister. Jusqu'à ce que ces systèmes changent et jusqu'à ce que vous changiez votre perception d'occidentaux au sujet de notre peuple et jusqu'à ce que vous compreniez notre culture...

L'Amérique du Nord n'appartient plus seulement aux Caucasiens et aux Européens. De nombreuses cultures se côtoient maintenant en Amérique du Nord et il faut le reconnaître. Les Premières nations du pays le reconnaissent et je ne parle pas ici seulement du Canada et des États-Unis, mais de l'ensemble du continent qui est notre patrie même s'il n'en est fait nullement mention dans l'histoire de l'Europe de l'Ouest.

Ce genre de situation aurait pu être évitée si vos ancêtres et vos dirigeants avaient eu le courage et l'intégrité d'apprendre à nous connaître. Lorsque vous descendants sont arrivés sur nos rives, ils auraient dû dès le départ apprendre à nous connaître. Ce n'est pas ce qu'ils ont fait.

Les questions que vous nous posez aujourd'hui reflètent votre perspective et votre système de valeur. Vous ne comprenez rien aux Micmacs, à notre système de valeur et à l'importance que nous accordons aux pêches. Vous nous posez continuellement des questions au sujet de la conservation bien que le chef Ginnish et ses représentants aient affirmé que c'est un principe auquel nous croyons. Toute notre existence et toute la vision de la vie de Micmacs reposent sur la survie de notre peuple et la survie de toutes les espèces de la création.

Nous vivons ici depuis des milliers et des milliers d'années et nous n'avons jamais causé de dommages à notre mère la Terre. Nous coexistons avec le reste de la création que nous respectons au même titre que nos frères et soeurs non autochtones.

Vous continuez à nous parler de conservation. Vous intéressez-vous vraiment à la conservation ou devons-nous plutôt parler de racisme puisque vous ne voulez pas reconnaître nos droits ni notre existence dans notre propre patrie? Il s'agit bien de notre patrie et ce n'est que lorsque vous l'admettrez qu'une véritable relation entre les Autochtones et les non-Autochtones pourra s'établir.

Le président: Je vous remercie.

Paul, avez-vous une brève question à poser?

M. Paul Steckle: Oui, j'ai une brève question à poser. Si je pose cette question, c'est pour permettre aux témoins de répliquer à l'affirmation qui a été faite plus tôt aujourd'hui selon laquelle les pêcheurs autochtones dépassent les limites de la pêche de subsistance et vendent ensuite l'excédent. Compte tenu de ce qui est dit au paragraphe 15(1) de l'accord sur les pêches...

M. Alex Dedam: Il s'agit de l'accord provisoire?

M. Paul Steckle: En effet. Êtes-vous d'accord avec cette affirmation?

• 1515

M. Alex Dedam: Nous sommes d'accord avec tout ce que contient l'accord.

M. Paul Steckle: Dans ce cas, vous contestez ce qu'a dit le témoin de ce matin, c'est-à-dire que les Autochtones pêchaient plus d'espèces que ce qui leur est nécessaire pour leur subsistance et qu'ils vendent le reste ou s'en débarrassent autrement, n'est-ce pas? Je pose la question pour que vous puissiez donner votre point de vue.

M. Alex Dedam: Je crois que dans les premiers mois qui ont suivi la décision Sparrow, des prises excédentaires se sont retrouvées sur le marché. Je ne peux pas le contester. Le peuple micmac estimait cependant jouir d'un droit issu de traité lui permettant de vendre du homard. Certains pêcheurs ont cependant été poursuivis. Ces affaires sont toujours devant les tribunaux. Nous connaîtrons bientôt l'issue de ces procès.

Comme je l'ai dit d'entrée de jeu, nous n'estimons pas devoir vous demander la permission pour pêcher; ce droit nous a été accordé par le Créateur. Il nous a confié cette responsabilité. Nous n'avons pas besoin de votre permission pour pêcher.

Nous vous dirons quelle quantité de poisson nous devons prendre pour répondre à nos besoins. Nos pêcheurs sont d'avis que le traité leur donne le droit de vendre le homard excédentaire. Ce homard est vendu sur le marché.

M. Paul Steckle: Vous êtes cependant d'accord avec le paragraphe 15(1).

M. Alex Dedam: Oui.

Le président: Millie.

Me Millie Augustine: Je vous rappelle en ce qui touche l'accord sur les pêches que beaucoup de non-Autochtones ont obtenu des exemplaires de l'accord du MPO. Ils ont basé leurs affirmations sur les contingents qui sont mentionnés dans ces documents. Or, les collectivités d'Eel Ground, de Red Bank et de Burnt Church n'ont pas pu atteindre leurs contingents. Les chiffres sur lesquels se fondent ces affirmations ne sont pas justes. Les pêcheurs autochtones n'ont jamais pris autant d'homard.

Vous savez qu'il existe des braconniers partout. On donne l'impression que tous les pêcheurs autochtones font du braconnage. Ce n'est pas le cas. Il y a des Autochtones qui respectent à la lettre les règlements, mais on donne l'impression que nous sommes tous des braconniers.

Qu'en est-il des braconniers non autochtones? Le MPO vous dira que les pêcheurs autochtones qui s'adonnent à la pêche commerciale et à la pêche de subsistance ne pourraient pas prendre en deux ans tout ce que prennent les braconniers durant les mois d'été. Voilà pourquoi nous pensons que la pêche autochtone ne nuit pas à la conservation.

M. Peter Stoffer: Monsieur le président, j'invoque le Règlement.

Le président: Allez-y, Peter.

M. Peter Stoffer: Millie, sauf le respect que je vous dois, nous avons entendu près de 45 témoignages jusqu'ici provenant de témoins autochtones et non autochtones. Aucun de ceux que nous avons entendus ne nous ont dit que seuls les Autochtones s'adonnaient au braconnage. Ils ont plutôt dit que les braconniers se retrouvent parmi tous les groupes.

Ceux qui s'adonnent illégalement à la pêche ne sont pas nécessairement tous Autochtones ou non-Autochtones. Vous soutenez qu'on vous a dit le contraire. Personne ne nous a dit que tous les maraudeurs étaient autochtones et nous ne l'aurions d'ailleurs pas cru.

Me Millie Augustine: Mais nous sommes les seuls à faire objet de voies de fait.

M. Peter Stoffer: En fait, c'est incorrect, mais ça va.

M. Paul Steckle: Je ne voulais pas me livrer à de la médisance. Je voulais simplement que les choses soient claires, afin de m'assurer que ce qui est écrit ici est bien ce que vous...

M. Alex Dedam: Ce document a été rédigé en 1994, à l'époque où nous négociions avec Pêches et Océans. Nous avons dit que nous allions respecter l'arrêt Sparrow. Mais on croit, dans notre communauté—et c'est également ce que je crois—qu'on a pas besoin de la permission de qui que ce soit pour s'adonner à une pêche de subsistance, ou à des activités de pêche ayant des buts sociaux ou commerciaux. Bien entendu, dans l'arrêt Marshall, on déclarait qu'il était très possible que les traités de 1761 et 1762 nous confèrent cette autorité.

M. Lawrence O'Brien: Mais on y dit également...

Le président: Avez-vous terminé, Paul?

M. Paul Steckle: Oui. On y dit également qu'on n'y traite pas d'autres groupes, mais qu'on n'y traite que du vôtre.

M. Alex Dedam: C'est exact.

M. Lawrence O'Brien: On y dit également que le ministre des Pêches et des Océans a le droit de déterminer les saisons de pêche, ainsi que de prendre des règlements et de les faire respecter, conformément aux éclaircissements à l'arrêt Marshall obtenus le 17 novembre.

• 1520

Le président: J'ai une question à ce sujet, monsieur Dedam. Dans votre exposé de ce matin, vous ne parlez pas des éclaircissements du 17 novembre apportés par la Cour suprême. Ce que j'aimerais savoir, c'est si vous reconnaissez les limites imposées par ces éclaircissements du 17 novembre.

M. Alex Dedam: De quelles restrictions précises parlez-vous?

Le président: On y dit très clairement qu'il s'agit d'une pêche réglementée, et qu'elle se situerait dans les secteurs traditionnellement utilisés par la collectivité locale. À l'article 19 on peut lire:

    En dernier ressort, il est toujours loisible au ministre (comme il en avait la possibilité en l'espèce) de tenter de justifier la limitation du droit issu d'un traité en se fondant sur la nécessité de conserver la ressource en question ou sur d'autres objectifs d'intérêts publics réels et impérieux, comme nous le verrons plus loin.

Un peu plus loin, on parlait des saisons, et ainsi de suite.

M. Alex Dedam: Notre communauté et notre conseil croient que, par le passé, on a tenté, à l'aide de règlements, de nous empêcher de pêcher. Après l'arrêt Sparrow, tout le monde voulait nous empêcher de nous adonner à des activités de pêche. On semblait croire que le gouvernement du Canada pouvait simplement émettre une ordonnance modificative pour faire en sorte que les gens de Burnt Church ne puissent pas pêcher.

Nous ne disons pas que le poisson nous appartient en exclusivité, pas plus que nous ne disons que la pêche ne devrait pas être réglementée. Nous appuyons le concept d'une pêche réglementée. Mais dans le cadre d'une pêche réglementée, nous devons nous assurer d'un accès à la ressource. Nous affirmons que nous n'avons pas besoin de votre permission pour pêcher, monsieur. À partir de là, nous pouvons commencer à en discuter.

Je sais que quand on nous a imposé un moratoire, par exemple—et je dis bien qu'il nous a été imposé—les agents du ministère ont dit: «nous voulons que les gens de Burnt Church continuent de pêcher parce qu'ils ne vont pas cesser de le faire de toute façon. Nous voulons qu'ils continuent». Savez-vous ce qu'ils ont offert? Ils ont offert 300 casiers. Larry et moi étions présents à cette réunion, et je peux vous dire que c'était une véritable insulte. Ce n'était même pas un permis commercial pour 1 100 personnes.

M. Larry Dedam (conseiller, Première nation de Burnt Church): C'est exact, j'y étais.

M. Alex Dedam: Si l'offre avait été acceptable, je suis sûr que nous aurions pu nous entendre avec le ministère. On aurait pu conclure un accord. Nous avons plutôt décidé de continuer d'utiliser un nombre de casiers qui, d'après nous, pourraient procurer à nos gens un revenu raisonnable, et ce, pour une certaine période. Nous nous sommes entendus sur le fait que le 31 octobre serait une date raisonnable pour mettre fin à nos activités de pêche.

Nous pouvons discuter chiffres, et nous entendre là-dessus, pour autant qu'on ne nous impose pas de restriction injuste. Lorsque vous réglementez, vous essayez de nous interdire la pêche. Nous, nous vous disons que vous pouvez réglementer, mais n'allez pas nous interdire de pêcher.

Le président: Il n'y a aucun doute sur le fait que le comité désire parler du partage des ressources. Mais comme la Cour suprême l'a également précisé dans ses éclaircissements, il faut reconnaître le fait que, depuis longtemps, d'autres groupes de non-Autochtones prennent part à des activités de pêche et en dépendent. Que nous le voulions ou non, voilà où nous en sommes. Nous devons trouver une façon de partager la ressource.

Je ne veux pas entamer un long débat. Je crois que votre position est maintenant assez claire. Y a-t-il d'autres points que vous aimeriez ajouter?

M. Charles Hubbard: J'aimerais faire un bref commentaire pour remettre les choses en perspective. Nous avons vu qu'en dehors de la Stratégie des pêches autochtones, vous avez obtenu une dizaine de permis de pêche commerciale cette dernière saison. Est-ce exact, Alex?

M. Alex Dedam: Nous avons obtenu deux permis de pêche commerciale et une licence jusqu'en mars de l'année dernière. Ensuite, dix permis de pêche commerciale additionnels ont été transférés à Burnt Church, et cinq ou six d'entre eux étaient assortis d'engins de pêche, comme un bateau, des casiers, des filets et ce genre de choses. Les quatre ou cinq autres n'étaient pas assortis d'engins de pêche. Par conséquent, quatre ou cinq pêcheurs n'ont pas eu la chance de s'adonner à la pêche commerciale au cours de la saison.

• 1525

En réalité, c'est à ces pêcheurs commerciaux de décider s'ils veulent pêcher au cours de la saison commerciale normale, mais ce que nous soutenons, à l'instar des nôtres, c'est qu'ils ne désirent pas pêcher durant cette saison. Ils veulent obtenir une saison pour la pêche issue de traités qui serait distincte de la saison commerciale normale. Toutefois, ces pêcheurs commerciaux, qui s'adonnent à leur activité au cours de la saison normale, peuvent continuer de le faire.

M. Charles Hubbard: Monsieur le président, le comité devrait peut-être obtenir davantage de détails là-dessus. Il vaudrait peut-être également la peine de se pencher sur le fait qu'à un moment donné, je crois qu'il y avait plus de 30 permis à Burnt Church, peut-être même une quarantaine, et que pour une raison quelconque, ces permis ont disparu. Je ne sais pas où ils sont passés, mais peut-être que des gens dans la salle le savent. Quoi qu'il en soit, il vaudrait peut-être la peine de se pencher sur cette question. Burnt Church est une collectivité importante, comme nous l'avons mentionné. Il y a quelque 1 200 personnes sur la liste de votre bande, Alex?

M. Alex Dedam: Il y en a même davantage.

M. Charles Hubbard: La collectivité est établie face à la baie, et historiquement, elle a toujours compté sur la pêche au homard. On peut donc espérer qu'en étudiant toutes ces questions, nous pouvons tenter d'en arriver, dans le cadre de ce que notre groupe vous a présenté...

M. Alex Dedam: Un moment historique.

M. Charles Hubbard: Alex et moi ne nous entendons pas toujours sur tout, mais...

M. Alex Dedam: Écoutez-le, il dit qu'on ne s'entend jamais.

Le président: Non, je pense plutôt qu'il a dit que vous ne vous entendiez pas toujours sur tout.

Ce que Charlie dit me pousse à soulever un dernier point. Qu'en est-il de l'incidence sur la région? Nous en avons parlé au cours d'un certain nombre d'audiences. Si vous utilisez les dispositions de rachat, afin de ne pas accroître la pression existante sur la ressource, et que vous pouvez racheter des permis de pêche pour diverses espèces—prenons l'exemple des homards. Si vous rachetez des permis pour un certain nombre de secteurs, il s'ensuit immédiatement un problème. Je crois savoir que Burnt Church donne directement sur la baie Miramichi, qui est un site de reproduction des homards très sensible. Comment prévenir une incidence négative sur la ressource pour ce secteur particulier?

M. Alex Dedam: Je ne suis pas vraiment sûr du nombre de homards qu'il y a dans la baie, et j'ignore si quelqu'un possède les véritables chiffres à ce sujet. Lorsque nous nous adressons aux biologistes, nous nous rendons compte qu'ils ne sont pas vraiment certains des chiffres. Mais l'une des choses dont j'ai été témoin, et dont notre peuple a été témoin, c'est que l'équipement pour la pêche homardière a changé considérablement. Je fabriquais mes propres casiers. Il y a de nombreuses années, j'allais à la pêche au homard avec mon père, et nous utilisions des casiers beaucoup plus petits. Avec le temps, ces casiers sont devenus beaucoup plus grands.

Les biologistes avec qui nous parlons disent que ces casiers, les nouveaux casiers, sont beaucoup plus efficaces et qu'ils capturent probablement deux fois plus de homards que les casiers d'antan. L'une des suggestions que nous avons faites était donc de réduire le nombre de casiers. Et c'est ce qui s'est produit. Je crois que le nombre de casiers est passé de 375 à 350, puis à 300. On pourrait probablement le réduire pour faire en sorte que les pêcheurs commerciaux puissent gagner leur vie de façon décente.

Il faut dire aussi, bien entendu, qu'à chaque année des pêcheurs prennent leur retraite et qu'il est possible, ainsi, de faire baisser le nombre de pêcheurs pour un secteur donné.

Le président: Je vous remercie.

Je crois, Larry, que vous vouliez ajouter quelque chose avant que je vous interrompe.

M. Larry Dedam: Oui, j'aimerais revenir aux questions du braconnage et du blâme qu'on a soulevées. Je pense que le blâme revient en majeure partie aux médias, qui ont choisi de se concentrer sur l'événement du jour, la destruction des casiers, et qui ont donné le point de vue des pêcheurs sans chercher à donner les deux points de vue dans cette histoire. Dans tout le Canada comme chez nous, on s'en est bien rendu compte.

Écoutez, pratiquement chaque soir, on pouvait voir le quai, le camion incendié, et la destruction de nos casiers en mer, de même que ce non-Autochtone qui imitait un Autochtone à bord de son bateau, en dansant avec une perruque. C'était complètement fou. Je crois que ce sont les médias qui doivent porter le blâme. Mais on peut également critiquer l'inaction du gouvernement fédéral, du ministère des Pêches et des Océans, des hélicoptères de la GRC et des bateaux patrouilles de la Garde côtière qui ont assisté sans rien faire à ce qui se passait. Ils n'ont rien fait du tout. Or, ils savaient ce qui allait se passer.

• 1530

Je suis un Autochtone, mais je ne reste pas dans ma localité, au sein de ma réserve, tout le temps. Je me promène. Et je connais beaucoup de gens. Charlie était le directeur de mon école secondaire. Je savais d'avance que des bateaux allaient arriver d'ailleurs au quai local. On en parlait. Il y avait des rumeurs sur ce qui allait se produire. Tout le monde s'y préparait, même le ministère. La nuit précédente, j'ai vu qu'on faisait venir des agents du ministère d'autres secteurs, de même que des agents de la GRC dans des autos-patrouilles et des hélicoptères. Ils savaient ce qui allait se passer. Ils ont attendu jusqu'au petit matin, à l'aube, pour frapper. Et c'est ce qu'ils ont fait. Voilà, c'est ce que je voulais déclarer.

Nous avons rejeté les chiffres de 600 casiers pour Burnt Church et de 800 casiers pour Shubenacadie, après que M. Dhaliwal se soit adressé au Canada à l'occasion du Jour d'Action de grâce. Les nôtres nous ont dit très clairement, lors d'une réunion publique, que nous ne devions pas négocier. C'était notre mot d'ordre. Mais en l'absence de négociation, le MPO a émis un permis de pêche commerciale communautaire.

Je ne sais pas si vous connaissez le rapport annuel de la Stratégie des pêches autochtones. Sous «Permis communautaires», en page 3, on retrouve la phrase suivante:

    Cependant, si le MPO ne peut conclure une entente avec une Première nation, un permis communautaire est émis. Conformément à l'alinéa 6f) de la Politique pour la gestion des pêches autochtones, les conditions seront minimales et contiendront des allocations basées sur la dernière offre faite par le MPO avant la fin des négociations.

Le président: Je vous remercie.

M. Larry Dedam: Je n'ai pas encore terminé.

Nous, les Autochtones, avons appris à utiliser les outils des non-Autochtones, c'est-à-dire les mots et l'écrit. Je peux vous dire que nous nous y habituons très vite.

Dans les journaux de la semaine dernière, il était écrit qu'une centaine de pêcheurs voulaient se départir de leur permis de pêche de poisson de fond dans le golfe du Saint-Laurent. Je pense qu'il y a eu 175 offres, et que 48 ont été acceptées, mais que cinq pêcheurs ont retiré leur offre. Cela fait donc 43. Il en reste donc 132. Je crois qu'il s'agissait de la cinquième et dernière période du programme de rachat du gouvernement fédéral. Si nous pouvions obtenir un accès, non seulement au homard, mais également à la pêche du poisson de fond, de l'oursin et des pétoncles... Ne nous limitez pas uniquement au homard. Nous aimerions également obtenir un accès à cela, et nous avons besoin de l'aide du gouvernement fédéral.

Si je me souviens bien, c'est notre député qui a dit qu'en 1960, on pouvait acheter un permis pour 25 cents. Vingt-cinq cents, cela représentait beaucoup d'argent à l'époque, et la plupart des nôtres n'avaient pas cette somme. Nous ne possédions alors que ce que nous trouvions dans la nature: du bois, de la fourrure et des animaux que nous troquions afin d'assurer notre subsistance. Nous n'avions que très peu d'argent, alors.

Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Dedam.

Millie, je vous vois vous agiter dans votre fauteuil. De toute évidence, vous voulez avoir le dernier mot.

Me Millie Augustine: Non, je veux simplement vous rappeler un fait. J'ignore si vous connaissez les chiffres ou non, mais dans la zone 23, on retrouve 323 casiers par permis depuis la saison dernière, soit l'été dernier. Dans la zone 25, la région de Richibucto, on retrouve plutôt 250 casiers par permis. Il est donc évident que nous n'avons pas le même problème de conservation que l'on retrouve dans la zone 25.

Le président: Voulez-vous ajouter quelque chose, monsieur Dedam, avant que nous closions ce débat?

M. Larry Dedam: Vous avez toujours le dernier mot.

• 1535

Hier, vous avez entendu Leon Sock, le président du conseil de la Première nation de Mawiw. J'aimerais vous faire remarquer qu'il parlait également au nom de la Première nation de Burnt Church. Il a décrit en détail certains points de la gestion des pêches et certaines implications de la décision de la Cour suprême du Canada. Comme il a aussi mentionné la mise au point du 17 novembre, nous n'en avons pas parlé dans notre exposé. Il a dit:

    Dans sa mise au point du 17 novembre, la Cour suprême du Canada a réitéré la position qu'elle a adoptée il y a longtemps, à savoir que les droits issus de traités ne sont ni absolus ni illimités, pas plus que ne l'est le pouvoir de réglementer du ministère des Pêches et des Océans.

    Le traité n'octroie peut-être pas aux Micmacs et aux Malécites une priorité en ce qui a trait à la pêche commerciale, mais le Canada doit assurer qu'on offrira aux Premières nations, pour reprendre les termes utilisés par la Cour suprême, «un accès équitable aux ressources mentionnées afin qu'ils puissent en tirer une subsistance convenable». Un tel accès limité ne peut venir d'une décision unilatérale du gouvernement. Comme l'indique la Cour suprême, «Les rapports spéciaux de fiduciaire et la responsabilité du gouvernement envers les Autochtones doivent être le premier facteur à examiner en déterminant si la mesure législative ou l'action en cause est justifiable.»

Le président: Je vous remercie.

Il y a une question que j'ai failli oublier. Dans sa présentation d'hier, M. Sock a énuméré dix recommandations. Êtes-vous d'accord avec elles? La première recommandation portait sur la création d'un fonds de capital-risque autochtone, la deuxième concernait la création, au ministère des Affaires indiennes, d'un programme d'intégration au secteur de la pêche commerciale, et ainsi de suite. Je ne veux pas vous plonger dans l'embarras, mais si vous connaissez ces recommandations...

M. Alex Dedam: Malheureusement, nous n'avons pas pu prendre connaissance de son exposé avant qu'il le présente. C'est le chef lui-même qui est partie à l'entente, et nous n'avons pas eu l'occasion, en tant que communauté, en tant que conseil, d'y jeter un coup d'oeil. Nous sommes sûrement d'accord avec la plupart des points, mais il y en a quelques-uns sur lesquels nous ne sommes pas tout à fait d'accord, tout juste comme Charlie Hubbard et moi.

Le président: Je vous remercie beaucoup. Je sais que nous avons pris plus de temps que ce à quoi vous vous attendiez, mais j'ai pensé qu'il fallait consacrer à ces questions le plus de temps possible. Je vous remercie beaucoup de votre exposé.

Me Millie Augustine: Faites venir le comité permanent à Burnt Church. Vous y serez plus que bienvenus.

Le président: Merci.

Nous avons pris beaucoup de retard. Quoi qu'il en soit, nos prochains témoins sont de la Fédération régionale acadienne des pêcheurs professionnels.

Pourrions-nous faire une pause de cinq minutes, si cela ne vous fait rien, Joel et Jean?

• 1538




• 1545

Le président: Très bien, pouvons-nous reprendre? Il nous faudra faire vite.

Nous allons entendre maintenant le groupe de M. Jean St-Cyr. Bienvenue, messieurs. Si vous le voulez bien, je vous demanderais de nous donner un bref aperçu.

[Français]

M. Jean Saint-Cyr (directeur général, Fédération régionale acadienne des pêcheurs professionnels): Merci, monsieur le président.

La Fédération régionale acadienne des pêcheurs professionnels tient tout d'abord à remercier le comité permanent des pêches et des océans de lui donner l'occasion de présenter son point de vue sur l'impact du jugement de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Marshall.

Si les premiers effets de cette décision se sont manifestés d'abord dans la pêche du homard, on peut difficilement douter de l'impact à moyen et à long terme qu'aura le jugement de la Cour suprême sur la pêche semi-hauturière du sud du golfe du Saint-Laurent.

Il faut noter toutefois que les éclaircissements apportés par la cour le 17 novembre dernier, deux mois après le jugement initial, lequel avait semé l'euphorie chez certains intervenants des Premières Nations et la panique chez les pêcheurs commerciaux, a eu l'effet d'un tampon modérateur sur la portée du jugement initial. Notre point de vue tiendra donc compte du jugement initial et des éclaircissements fournis par la cour le 17 novembre dernier.

Avant d'aborder la question du jugement Marshall, permettez-nous de vous donner une brève description de ce que nous appelons la flotte semi-hauturière du sud du golfe. Évidemment, cette flotte ne comprend pas seulement les bateaux de la Fédération régionale acadienne des pêcheurs professionnels, la FRAPP. Celle-ci représente 63 bateaux. Nous parlons ici de toute la pêche semi-hauturière dans le sud du golfe.

La flottille semi-hauturière du sud du golfe exploite principalement quatre espèces: le crabe, la crevette, le poisson de fond—enfin ce qu'il en reste—et le hareng. La flottille est composée d'approximativement 275 bateaux de pêche dont la longueur varie entre 44 et 87 pieds ainsi que trois senneurs-bourses qui mesurent 114 pieds.

La valeur de remplacement de chaque bateau se situe entre 350 000 $ et 2,5 millions de dollars. Cette valeur pourrait aller jusqu'à 3 millions de dollars si les grands senneurs devaient être construits en l'an 2000. On compte parmi cette flottille 130 crabiers semi-hauturiers et 30 petits crabiers de l'Île-du-Prince-Édouard qui sont cosignataires de l'entente sur le crabe des neiges de la zone 12; 65 crevettiers, 6 senneurs-bourses et 75 morutiers, bien qu'avec le programme de rachat, le nombre de morutiers fluctue de mois en mois. Nous aurons un compte final des morutiers une fois terminée la cinquième ronde de rachat.

Entre 1988 et 1997, la flottille semi-hauturière du sud du golfe a réalisé des débarquements annuels moyens de 33 288 tonnes pour une valeur annuelle moyenne d'un peu plus de 45 millions de dollars. En moyenne, 5 907 emplois saisonniers ont été maintenus dans les usines que cette flottille approvisionne, totalisant en moyenne à chaque année plus de deux millions d'heures de travail en usine. Ajoutons à cela les 1 056 emplois créés à bord des bateaux, et nous arrivons à près de 7 000 personnes qui dépendent directement de la pêche semi-hauturière en Gaspésie, aux Îles-de-la-Madeleine, à l'Île-du-Prince-Édouard, sur le versant golfe du Nouveau-Brunswick et sur le versant golfe de l'île du Cap-Breton.

• 1550

Donc, il est clair que les communautés qui abritent l'industrie des pêches semi-hauturières s'inquiètent. Elles s'inquiètent parce que plusieurs d'entre elles ont été durement touchées par le moratoire sur la morue et sur le sébaste. La dernière chose qu'elles souhaitent, c'est de voir une partie importante de l'épine dorsale de leur économie régionale partir en concessions, être cédée par un excès de zèle chez nos dirigeants politiques fédéraux.

Vous nous avez demandé une interprétation de l'exercice du droit de pêcher. Avant même que la Cour suprême n'éclaircisse son jugement initial du 17 septembre, il nous apparaissait clair que le droit de pêcher et de vendre le produit de cette pêche pour une subsistance convenable ne pouvait se traduire par un accès illimité à la ressource à des fins commerciales.

Il est certain que les activités de pêche au homard en septembre dernier telles que pratiquées par les Micmacs dans la baie de Miramichi nous ont laissés perplexes. L'interprétation du jugement par les Premières Nations manifestée par les activités de pêche au homard laissait entendre que l'exercice de la pêche commerciale était, à toutes fins utiles, illimité.

Pourtant, au paragraphe 4 du jugement du 17 septembre, le juge Binnie écrit, au nom de la majorité:

    À mon avis, le Traité de 1760 confirme le droit des Mi'kmaq de continuer à assurer leur subsistance en se servant du produit de leurs activités de chasse, de pêche et de cueillette pour se procurer ce qu'on appelait en 1760 les «biens nécessaires». Ce droit a toujours été assujetti à la réglementation.

Évidemment, je cite la traduction officielle qu'on a reçue de la Cour suprême.

Au paragraphe 8, après avoir rappelé que Donald Marshall junior s'était livré à des activités commerciales sur une petite échelle pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa conjointe de fait, le juge Binnie a précisé:

    Si, à un moment donné, le commerce de l'appelant et les activités de pêche connexes devaient dépasser ce qui est raisonnablement requis pour pouvoir se procurer les biens nécessaires, suivant la définition donnée à ce terme plus loin dans les présents motifs, il cesserait de bénéficier de la protection du traité et il pourrait s'attendre à être traité en conséquence.

Au paragraphe 59, la majorité des juges spécifie ce qu'elle entend par une subsistance convenable.

    La notion de «subsistance convenable» s'entend des choses essentielles comme «la nourriture, le vêtement et le logement, complétées par quelques commodités de la vie, mais non de l'accumulation de richesses. Elle vise les besoins courants. C'était là l'intention commune des parties en 1760. Il est juste de suivre cette interprétation aujourd'hui.

À notre point de vue, c'était déjà clair et le jugement rendu par la Cour suprême est aussi tout à fait clair.

Par conséquent, il nous semble clair qu'un Micmac qui tendrait 1 000 casiers à homard en mai et les exploiterait jusqu'en octobre contreviendrait à la portée du jugement et outrepasserait son droit, issu du traité, d'exercer la pêche pour s'assurer une subsistance convenable.

En ce qui a trait à la portée du jugement Marshall, il ne nous appartient pas, en tant qu'association de pêcheurs, de définir qui peut bénéficier du droit acquis par le traité de 1760. Même si nous devions nous prononcer sur cette question, permettez-nous de douter que notre point de vue serait retenu. Cette question relève surtout des juristes des Premières Nations et des autorités fédérales qui en débattront.

En ce qui concerne la portée géographique du jugement, nous avons lu l'opinion d'un conseiller juridique embauché par l'industrie qui indique que la portée géographique devrait être limitée à la mer territoriale, incluant les baies et les estuaires. La haute mer serait en dehors de la portée du traité de 1760, selon cette opinion.

Mais encore là, cette question relève des juristes, une compétence à laquelle nous ne saurions prétendre en tant qu'association de pêcheurs.

• 1555

La gestion future des pêches et les modèles de gestion possibles: Quelle que soit l'espèce de poisson pêchée, il doit y avoir une gestion uniforme des ressources halieutiques. Qu'il soit pêché par une personne bénéficiant de la protection d'un traité ou par un pêcheur commercial, le poisson connaîtra le même sort: la fin de sa vie. Au cours des ans, l'industrie des pêches semi-hauturières du sud du golfe a consenti tant des efforts de collaboration que des sommes importantes d'argent pour développer des systèmes de gestion efficaces et des mesures de contrôle sévères afin d'assurer une exploitation durable des ressources halieutiques.

En particulier dans le cas du crabe et de la crevette, les mesures de gestion mises en oeuvre au cours de la dernière décennie ont fait leurs preuves. Si les Premières Nations bénéficiant de la protection du traité de 1760 doivent être intégrées à la pêche semi-hauturière, les mesures de conservation que les pêcheurs commerciaux doivent observer devraient s'appliquer aussi aux pêcheurs autochtones.

Par exemple, il existe depuis plusieurs années, dans la pêche du crabe, un protocole de récolte en fonction de l'incidence du crabe muant ou crabe blanc, en anglais moulting crab. Lorsque l'incidence de crabe blanc dépasse un certain niveau dans les captures, un périmètre de dix minutes sur dix minutes, soit environ dix milles marins sur sept, est fermé à la pêche. Il serait tout à fait inconcevable qu'un système de gestion parallèle permette aux pêcheurs autochtones d'exercer la pêche dans ces secteurs parce qu'il auraient mis en oeuvre un système de gestion différent. La raison de ce protocole est évidemment basée sur la dynamique biologique du stock, et c'est à cette fin que la mesure de gestion a été adoptée.

Donc, si les chefs des Premières Nations sont sérieux quand ils affirment qu'ils respecteront les mesures de conservation en exerçant leur droit de pêche issu du traité, ils devraient adhérer aux mesures de gestion qui ont été éprouvées dans la pratique commerciale de la pêche. On n'a pas mis en place ces systèmes de gestion par pure fantaisie. On a mis en place des système de gestion afin de respecter les limites de la ressource. En particulier dans la pêche semi-hauturière, les outils de récolte sont maintenant très sophistiqués. Toute personne qui va s'adonner à l'exercice de la pêche semi-hauturière va sans doute utiliser les mêmes outils que nous.

Si une partie des ressources exploitées par les pêcheurs semi-hauturiers devait être attribuée aux communautés des Premières Nations couvertes par le traité, rien n'empêcherait que cette part des ressources soit incluse dans une entente de cogestion entre ces communautés et le ministère des Pêches et des Océans. En ce sens, il y a une certaine flexibilité qui permet aux Premières Nations d'adapter une partie de la gestion à leurs besoins.

Exercer la pêche sans sous-traitants: C'est probablement là, à notre avis, le point auquel on tient le plus. Depuis les éclaircissements du 17 novembre, il est devenu évident que le jugement Marshall n'accorde pas un droit de propriété exclusive sur les ressources naturelles. Dans les jours suivant la décision de la Cour suprême, des rumeurs couraient voulant que les autochtones cherchent à noliser des bateaux pour aller pêcher le crabe. De notre point de vue, si les Premières Nations couvertes par le traité de 1760 doivent être intégrées à la pêche semi-hauturière, elles doivent être aptes à pratiquer les métiers qui seront intégrés aux activités de pêche semi-hauturière.

Le jugement de la Cour suprême donne le droit d'exercer la pêche et de commercer le fruit de cette pêche en vue d'une subsistance convenable. Nous ne voyons nulle part dans le jugement un droit de s'approprier une partie des ressources pour la revendre à des pêcheurs commerciaux qui s'occuperaient d'effectuer la récolte, ou encore de s'en approprier pour noliser des bateaux et des équipages non autochtones pour pêcher ces ressources.

Alors, selon nous, la notion d'exercer son droit de pêche sous-entend évidemment que ce sont les bénéficiaires qui exercent eux-mêmes la pêche, avec des moyens qu'ils ont développés et en respectant les autres réglementations, par exemple celle de Transport Canada sur les certificats de navigation.

Une perspective inquiétante, la politique: Puisque notre temps d'intervention est pratiquement épuisé, permettez-nous d'être francs. Chaque fois que des politiciens des diverses régions maritimes se sont emparés d'un dossier d'allocation de la ressource pour conseiller le ministre, plus souvent qu'autrement, notre déception quant aux mesures de gestion arrêtées à l'issue d'un tel exercice a été grande.

• 1600

Depuis l'entrée en vigueur du projet conjoint d'entente entre les pêcheurs de crabe semi-hauturiers de la zone 12 et le ministère, on nous dit que plusieurs politiciens ont envisagé toutes les façons possibles de rompre cette entente. Pourtant, c'était entre autres dans le but de dédramatiser la gestion du crabe, mais surtout dans le but d'atteindre une certaine stabilité au sein de cette industrie que le projet conjoint d'entente a été signé.

Dans le cas du jugement Marshall, il est indéniable que le dossier est non seulement politique, mais aussi extrêmement sensible. Si on y ajoute en plus le jeu de la partisanerie, le souci de bien paraître et une tendance à prendre des décisions basées sur des perceptions plutôt que des faits—si vous voulez des exemples, on peut vous en donner plusieurs—vous conviendrez avec nous que nous avons là tous les ingrédients d'une recette dangereuse pour la santé de l'industrie semi-hauturière des pêches.

Monsieur le ministre des Pêches et des Océans a annoncé le 9 novembre dernier un processus de négociation en vue de faciliter l'intégration des pêches commerciales autochtones. Nous n'avons pas été consultés sur l'élaboration du processus qui nous a été annoncé. Nous ne pouvons qu'espérer que lorsque M. le ministre affirme qu'il a pris l'engagement de veiller à ce qu'on tienne compte des points de vue des pêcheurs commerciaux, il veut dire que nos intérêts commerciaux seront sérieusement étudiés et que nous aurons une voix au chapitre de l'allocation de la ressource, que le processus de négociation sera transparent et qu'une décision rationnelle sera prise à l'issue de ce processus. Nous vous remercions de votre attention.

[Traduction]

Le président: Je vous remercie beaucoup de nous avoir fait part d'un mémoire aussi exhaustif, messieurs.

Monsieur Bernier, vous pouvez commencer.

[Français]

M. Yvan Bernier: Je vais commencer par faire un commentaire. Aujourd'hui me semble être la journée des consensus. Je commence à voir se dégager des points de similitude entre les différentes présentations. À la page 4 de votre document, vous parlez des Micmacs aptes à pratiquer le métier qui seront intégrés aux activités de pêche semi-hauturière. Vous mentionnez également que vous voulez que l'opérateur soit le pêcheur titulaire.

Ce matin, nous avons entendu une présentation de l'UPM, qui dit que le principe du pêcheur-propriétaire doit prévaloir pour tous les participants.

M. Jean Saint-Cyr: Nous ne nous entendons pas souvent avec l'UPM, mais dans ce cas-ci, nous sommes d'accord avec elle.

M. Yvan Bernier: C'est la journée des points communs. Comme je le mentionnais aux représentants de l'UPM, la définition d'un opérateur pourrait toutefois être différente pour les autochtones. Si les autochtones disposent d'un permis communautaire, l'usufruit que rapportera le pêcheur pourra bénéficier à 10 familles. Est-ce que vous prévoyez faire preuve d'un peu de latitude face à leur définition? Je suis conscient que vous ne voulez pas qu'il y ait trop de monde qui arrive en même temps et qu'il est important qu'on sache qui va s'en occuper. Pourriez-vous préciser votre pensée?

M. Jean Saint-Cyr: Je préciserai que ce n'est pas seulement dans ce cas-ci que nous revendiquons ce principe visant à accorder de la ressource seulement aux opérateurs titulaires de permis. Nous nous sommes entre autres opposés à des allocations temporaires de crevette à des flottilles qui n'étaient pas aptes à aller cueillir cette crevette. Les engins mobiles qu'exploitaient les morutiers étaient non seulement aptes à aller pêcher la crevette, mais les morutiers en avaient de plus un sérieux besoin. Au lieu de les laisser faire cette pêche, le ministère a choisi de dilapider, si je puis dire, les allocations temporaires en les répartissant entre un grand nombre d'intervenants.

Nous voulons éviter de créer ce qu'on appelle des pêcheurs de salon, ces personnes qui sont assises dans leur salon, qui reçoivent une allocation, qui se tournent de côté et vendent la ressource à quelqu'un d'autre, sans jamais sortir de leur salon.

• 1605

Nous défendons ce principe. Il ne faudrait pas que les Premières Nations se sentent particulièrement visées par ce principe que nous appliquons dans tous les cas, et pas seulement dans le cas du jugement Marshall. Selon notre lecture de ce jugement, les autochtones ont le droit d'exercer la pêche, mais on ne leur a pas accordé de royalties sur les ressources naturelles.

Il est très clair dans notre esprit, depuis le jugement Marshall, qu'à un moment ou un autre, on verra les Premières Nations évoluer vers la pêche semi-hauturière. Strictement sur le plan de la réglementation de Transports Canada, ce métier tombe dans un autre créneau et exige un degré de formation un peu plus poussé que la pêche côtière. Les Premières Nations devront être formées pour pratiquer la pêche semi-hauturière.

M. Yvan Bernier: D'accord.

[Traduction]

Le président: C'est votre dernière question, Yvan.

[Français]

M. Yvan Bernier: Même les gens de l'UPM avaient offert d'aider à leur formation. Pour dédramatiser nos échanges, je vous dirai que vous aurez peut-être plus de facilité à former les autochtones à devenir des pêcheurs que vous n'en auriez si vous essayiez de former les députés que nous sommes, à l'exception de l'un de nous qui a déjà pratiqué le métier de pêcheur.

[Traduction]

M. Lawrence O'Brien: Ce n'est pas possible.

M. Yvan Bernier: Je le sais, mais je suis ravi que vous ayez pu le faire.

[Français]

Je vais vous poser une question que j'ai posée à un groupe qui a déjà comparu devant nous, puisqu'aujourd'hui est le journée où on peut trouver des points communs. Le système de gestion des contingents individuels est une façon de gérer que vous vous étiez donnée afin de régler des problèmes auxquels vous faisiez face à l'époque. Il y a des gens, peut-être les autochtones et certains pêcheurs de crabe dits non traditionnels, qui seraient en faveur d'un tel système.

Seriez-vous prêts à accueillir de nouveaux joueurs qui achèteraient les permis de certains de vos pêcheurs qui voudraient prendre leur retraite de leur propre volonté? Je reconnais que vous êtes souvent visés et j'ai constaté que lorsque le ministère coupait la tranche sur le dessus du gâteau, l'insatisfaction régnait partout et tout le monde était attaqué en même temps. Tout le monde était insatisfait, y compris ceux qui reçoivent la tranche du dessus, qui disent ne pas en avoir assez. Je cherche à savoir si une négociation de business à business est possible et si vous entrevoyez des problèmes. Je ne parle pas d'argent pour le moment; je m'en tiens au principe. Après cela, on passera aux gros sous et on verra de quelle façon cela pourra se passer.

M. Jean Saint-Cyr: Comme je l'ai mentionné précédemment, monsieur Bernier, dès que la Cour suprême a annoncé son jugement—il ne faut pas que je frappe sur la table—il a été clair pour les intervenants de la pêche semi-hauturière que ce n'était qu'une question de temps. On les a vus intervenir immédiatement dans la pêche au homard et on voit très bien la même situation se reproduire dans la pêche au crabe et celle de la crevette.

Je crois qu'il y aura de la place, selon le nombre de personnes ou de communautés qui seront visées. Chose certaine, pour nous de la péninsule acadienne, la pêche au crabe est une industrie cruciale. Dès qu'il y a un problème de crabe, les répercussions s'en font sentir dans plusieurs couches de notre société. Il s'agit donc d'un sujet très, très délicat.

S'il est une chose dont on a convenu, c'est qu'il y a moyen d'accueillir, à une échelle raisonnable, de nouveaux intervenants des Premières Nations. Les pêcheurs non traditionnels sont trop nombreux. D'une perspective fondée sur les ressources et un revenu satisfaisant, comme vous l'avez dit, ces pêcheurs ne sont jamais satisfaits parce qu'ils n'en ont pas assez et, d'autre part, leur présence déstabilise l'industrie traditionnelle.

Notre communauté a beaucoup investi dans l'industrie du crabe parce que plusieurs personnes en dépendaient. Certains croient qu'il suffit d'avoir une licence de pêche au crabe pour devenir millionnaire. Oui, certains pêcheurs sont devenus millionnaires, et certains le sont encore, mais ces millionnaires qu'on connaît ont travaillé pendant 30 ou 35 ans dans ce domaine. Ils n'ont pas amassé une fortune du jour au lendemain.

• 1610

Posez cette question aux jeunes qui ont racheté des entreprises de pêche du crabe et vous entendrez un tout autre son de cloche. Compte tenu de la nouvelle gestion, des coûts de cogestion et des droits d'accès, ils doivent, avant même de larguer les amarres, débourser beaucoup d'argent. Leur revenu des premières semaines ne sert qu'à couvrir ces dépenses. Si le niveau de la ressource et le prix sont tous deux suffisamment élevés, ils pourront réaliser des profits intéressants. Mais il semble que dans la pêche au crabe, on ne retient que les bonnes années.

En 1989, les pêcheurs avaient eux-mêmes décidé d'arrêter de pêcher, mais la débandade avait déjà commencé en 1987. Personne ne voulait aller pêcher le crabe à cette époque-là. En 1984-1985, ils avaient demandé cela parce que le prix avait augmenté rapidement lorsque les Japonais étaient arrivés. On avait alors 26 000 tonnes de crabe à pêcher. Mais lorsque la ressource s'est «plantée», comme on dit en bon acadien, on s'est désintéressé du crabe.

En 1993, 1994 et 1995, en grande partie grâce à la discipline des pêcheurs de crabe face à la gestion de la ressource, on a réussi à remonter nos stocks et, grâce à un concours de circonstances, dont la hausse des prix, l'intérêt est revenu. Tout le monde voulait en avoir et on ramenait encore la fameuse image du...

[Traduction]

Le président: Est-ce qu'on pourrait limiter les réponses un peu? Je crois comprendre qu'un autre groupe a réservé cette salle. Nous allons manquer de temps et nous avons encore un témoin à entendre.

Peter, à vous la parole.

M. Peter Stoffer: Brièvement monsieur le président, je voudrais rappeler, pour mémoire, que le chef de l'UPM nous a dit hier qu'il s'inquiétait du fait que le ministère des Pêches et des Océans n'était pas disposé à faire quoi que ce soit pour apaiser ces inquiétudes. Aujourd'hui, nous avons entendu une personne autochtone dire la même chose, d'un point de vue différent. Manifestement, le ministère a dû faire quelque chose comme il faut puisqu'il a réussi à embêter les deux parties à ce sujet.

J'ai une seule question à vous poser concernant votre exposé—dont je vous remercie, en passant—où vous dites que nous n'aurons plus besoin de parler des espèces de poisson si nous n'assainissons pas leur habitat de façon à assurer leur survie. Votre organisme se préoccupe-t-il des activités des concessions pétrolières et gazières qui ont lieu dans le golfe à l'heure actuelle? Que faites-vous à ce sujet?

M. Jean Saint-Cyr: Oui, nous nous en préoccupons. Mais seule une société d'experts-conseils travaillant pour le compte de quelqu'un qui préparait une demande s'est mise en rapport avec nous concernant des activités de prospection de gaz. Après cela nous n'avons plus entendu parler de qui que ce soit.

Évidemment, nous nous préoccupons beaucoup de certaines des techniques utilisées. Les experts conseil nous ont envoyé un questionnaire, et nous avons fait une assez bonne évaluation des ressources, notamment le crabe et les crevettes, se trouvant dans le territoire visé par la proposition. Nous leur avons donc indiqué la valeur de ces ressources. On nous a déjà dit que dès qu'il est question de prospection, rien d'autre n'est aussi important. Si c'est vrai, nous aurons manifestement de sérieuses objections.

M. Peter Stoffer: Je vous remercie.

Le président: Monsieur O'Brien et monsieur Hubbard, ensuite nous lèverons la séance.

M. Lawrence O'Brien: Merci beaucoup, monsieur le président.

C'est sympathique de voir que mes collègues autour de la table reconnaissent mes connaissances en matière de pêche. Je vous remercie, Yvan.

J'aurais quelques observations à faire. À la page 4 de votre rapport, l'avant-dernier paragraphe mentionne le fait que le ministre n'a pas tenu de consultations et qu'il était lui-même nouvellement nommé quand il a annoncé la nomination d'un représentant fédéral. Êtes-vous en faveur de l'intervention des représentants fédéraux, monsieur Thériault et monsieur MacKenzie? Pensez-vous que c'est la bonne façon d'agir dans le cadre des discussions qui sont en cours?

• 1615

M. Jean Saint-Cyr: On nous a rassuré par la suite, mais notre réaction initiale à la lecture du communiqué a été qu'on ne semblait pas avoir prévu tellement de consultations avec les pêcheurs commerciaux. Depuis, on nous a assuré qu'on tiendra bel et bien des consultations avec les pêcheurs commerciaux, et c'est précisément pour cette raison qu'on a choisi M. Thériault, étant donné sa connaissance du secteur.

Nous avons communiqué avec M. Thériault et, comme nous l'avons dit à la fin de notre exposé, nous serons satisfaits quand le processus sera transparent et quand nous aurons un mot à dire sur toutes les négociations concernant l'accès des Premières nations aux pêches commerciales. Tant que nous participerons aux consultations et aux discussions, tant que nous aurons un mot à dire sur ce qui se passe autour de la table, nous serons en mesure d'expliquer—et eux, de nous entendre—quelle sera l'incidence réelle de l'application éventuelle de cette mesure et quelles en seront les conséquences pour notre secteur. Si l'on reconnaît le sérieux de la situation et si les données que nous proposons sont prises en considération, analysées et réellement intégrées au processus décisionnel, alors, nous serons satisfaits.

Malheureusement, il arrive très souvent que les gens rejettent ces données en prétendant qu'on peut manipuler les chiffres. C'est très frustrant. Quand on présente des données historiques sur les pêches et les investissements qu'on a dû faire, quand on fait une étude très sérieuse en retenant les services d'experts-conseils ou de spécialistes de l'extérieur, et que quelqu'un rejette catégoriquement le fruit de ces efforts pour la simple raison que cela ne correspond pas à leurs objectifs politiques ou peu importe la raison, c'est très frustrant.

C'est donc de faits qu'il est question. Nous voulons préserver ce pour quoi nous luttons depuis des décennies maintenant, à savoir donner à notre secteur un minimum de stabilité. C'est déjà assez difficile quand le marché fluctue beaucoup, les ressources fluctuent également et parfois les deux fluctuent en même temps. Pourquoi prendre alors des décisions qui ne tiennent pas compte de la réalité de cette industrie, parce qu'il s'agit bel et bien d'une industrie?

M. Lawrence O'Brien: Très brièvement, utilisez-vous des contingents individuels transférables? Combien de bateaux de votre flottille se partagent votre allocation totale de pêche de crabes? À quand remonte la dernière baisse d'activité dans le secteur de la pêche du crabe?

M. Jean Saint-Cyr: La dernière baisse d'activité? Eh bien, 1998 pourrait être considérée comme une année où il y a eu baisse d'activité. En effet, nous avons subi une baisse des prix et des ressources disponibles. Mais en 1999, bien que nous ayons maintenu le même niveau, les prix ont au moins remonté un peu. Je crois que l'effet de l'épuisement des ressources en Alaska—vous savez, on a épuisé les stocks de crabe royal et de crabe des neiges—est bénéfique, dans une certaine mesure, pour notre secteur. Mais tout cela n'est que conjoncturel. À l'heure actuelle, nos ressources sont à la hausse parce que nous les gérons de façon très judicieuse. Cela a été possible grâce à une étroite collaboration entre les chercheurs scientifiques du ministère des Pêches et des Océans et les gens de notre organisme.

Le président: Je vous remercie, monsieur Saint-Cyr et monsieur Lawrence.

Monsieur Hubbard, vous avez le dernier mot.

M. Charles Hubbard: Monsieur le président, très brièvement, je dirais que nous entendons le représentant de l'une des pêches qui est probablement la plus lucrative du pays.

M. Jean Saint-Cyr: Depuis des années.

M. Charles Hubbard: Depuis des années, effectivement. Lorsque j'entends...

M. Jean Saint-Cyr: Monsieur Hubbard, entre 1987 et 1993, combien d'années pensez-vous que ce...

Le président: Monsieur Saint-Cyr, pourriez-vous laisser M. Hubbard poser la question?

M. Charles Hubbard: Aujourd'hui, nous avons entendu certaines statistiques très troublantes concernant l'emploi chez les membres des Premières nations.

• 1620

Vous êtes un groupe très professionnel. Y aurait-il des possibilités d'emploi pour des Autochtones sur les différents bateaux de votre flottille? Un Autochtone pourrait-il gagner sa vie sur l'un de vos bateaux à titre de matelot de pont ou d'aide quelconque? Je ne crois pas que ce soit le cas à l'heure actuelle. Ce n'est pas non plus quelque chose qu'ils envisagent. Mais si c'était le cas, y aurait-il des possibilité pour eux de s'adonner à des activités liées à la pêche, sans pour autant être pêcheurs comme tels?

M. Jean Saint-Cyr: Eh bien, si vous voulez parler de chômage, je vous inviterais à aller à la péninsule canadienne en février. Vous devriez savoir...

M. Charles Hubbard: Je le sais très bien.

M. Jean Saint-Cyr: ...les statistiques sur le chômage chez nous, non seulement... Je veux dire, déjà dans nos collectivités, il y a des gens qui sont formés et qui ont l'expérience nécessaire, et qui n'ont pas de travail.

Est-il possible? Absolument. Est-ce que cela se produira? Je ne le sais pas, mais tout est possible.

M. Charles Hubbard: Je crois que nous devrions probablement y réfléchir, monsieur le président.

Le président: Je vous remercie, monsieur Hubbard.

Je vous remercie messieurs pour vos exposés. J'aurais souhaité avoir un peu plus de temps—j'ai moi-même quelques questions à poser—mais je crois que nous ferions mieux d'avancer.

Nous avons les derniers témoins avec nous, représentant la Fédération du saumon atlantique. Il s'agit de Stephen Chase, vice-président des affaires gouvernementales, et Danny Bird, directeur régional pour le Nouveau-Brunswick.

Monsieur Chase, je crois comprendre que votre frère cadet connaît le greffier de notre comité. Je ne sais pas si c'est une bonne chose ou non.

Allez-y, monsieur Chase. Je vous rappelle qu'il ne nous reste plus beaucoup de temps.

M. Stephen Chase (vice-président, Affaires gouvernementales, Fédération du saumon atlantique): J'en suis tout à fait conscient. J'essaierai donc d'être bref et d'aller droit au but.

Monsieur le président, mesdames et messieurs, je voudrais vous remercier de me permettre de comparaître devant vous aujourd'hui. Nous sommes ravis d'être ici pour représenter la Fédération du saumon atlantique (FSA). Je suis accompagné de Danny Bird, un collègue de la FSA.

Je désirais vous rencontrer afin de vous présenter notre point de vue sur les façons communes de promouvoir la conservation des populations sauvages de saumon atlantique, maintenant que la Cour suprême du Canada a rendu sa décision dans la cause Donald Marshall Junior.

Tout d'abord, je reconnais le droit des Premières nations de participer à la prise des décisions relatives aux stocks de saumon atlantique. Selon la FSA, plus il y a de parties engagées dans la conservation, la gestion et la protection de cette précieuse ressource, mieux se portera cette importante richesse.

Je voudrais maintenant vous donner un aperçu de la FSA. Nous sommes un organisme sans but lucratif qui fait la promotion de la conservation et de la gestion saine des populations sauvages de saumon atlantique et de leur environnement. Nous avons sept conseils régionaux, à Terre-Neuve, en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick, à l'Île-du-Prince-Édouard, au Québec, au Maine et en Nouvelle-Angleterre. Nous représentons 150 organisations affiliées. En tout, nous avons quelque 40 000 membres bénévoles.

Je voudrais vous signaler que l'un des membres de notre conseil d'administration est Indien et que nos organisations affiliées comptent plusieurs membres bénévoles qui sont Autochtones.

La FSA s'occupe des questions d'envergure nationale et internationale, alors que les conseils régionaux s'intéressent aux questions plutôt régionales.

J'aimerais vous parler un peu de l'état des espèces, notamment du saumon atlantique. En termes simples, les populations sauvages de saumon atlantique sont à leurs plus bas niveaux.

Voici quelques faits: Au cours des 20 dernières années, la population de gros saumons est passée de 800 000 sujets remontant vers la rivière à environ 80 000 cette année. Si on y ajoute les grilses, la population est passée de 2 millions de poissons à quelque 400 000.

• 1625

Selon des estimations du ministère des Pêches et des Océans, à peine 21 des 71 rivières-repères utilisées pour évaluer la santé des stocks atteindront les objectifs minimums de frai. Certaines rivières comme les rivières intérieures de la baie de Fundy risquent de perdre complètement l'espèce. Le Nouveau-Brunswick a interdit catégoriquement la pêche du saumon atlantique dans 57 de ses 108 rivières.

Si je vous donne toutes ces statistiques, c'est pour vous montrer à quel point cette ressource a besoin d'être conservée.

Pour ce qui est de la pêche commerciale, le saumon atlantique n'est pas une espèce commerciale au Canada. En fait, il a une valeur commerciale limitée pour la majeure partie de son aire naturel. Au Canada, la pêche commerciale du saumon atlantique s'est terminée lors du rachat des permis commerciaux par le ministère des Pêches et des Océans. L'aspect commercial de cette espèce a été amplement supplanté par l'industrie aquacole du saumon atlantique.

Voici certains faits: La pêche commerciale a pris fin en 1985 dans les provinces Maritimes. En 1992, il y a eu le moratoire sur la pêche commerciale de Terre-Neuve, puis le rachat récemment, l'année dernière, des permis commerciaux des pêcheurs du Labrador. Le coût total de ces rachats pour les contribuables canadiens se chiffre à 72 millions de dollars et quelque 10 000 pêcheurs ont cessé leurs activités. De plus, des organismes internationaux, auquel participe la FSA, ont entamé des négociations dans le but de restreindre la pêche au large du Groenland et de limiter davantage la pêche commerciale de ce pays.

Là encore, je tiens à préciser que nous ne parlons pas d'une espèce commerciale. La pêche récréative du saumon atlantique dans le Canada Atlantique est la seule utilisation importante de cette ressource, subordonnée à la pêche de subsistance des Premières nations. Voici quelques faits pertinents à ce sujet.

Les pêcheurs à la ligne récréatifs et les agents de conservation de l'environnement sont grandement responsables de la préservation des populations sauvages de saumon atlantique. Les pêcheurs à la ligne récréatifs sont soumis à des mesures de conservation depuis plusieurs années. La FSA est le principal responsable de la promotion continue de ces mesures et cela, depuis des années. À l'heure actuelle, les pêcheurs à la ligne du Nouveau-Brunswick sont limités à huit prises. Ils peuvent donc pêcher soit deux poissons par jour ou en prendre quatre et les remettre à l'eau.

Tous les utilisateurs récréatifs des ressources en saumon atlantique contribuent de façon significative à l'amélioration des stocks et de l'habitat, à la protection ainsi qu'aux autres activités qui ont contribué à assurer la survie de l'espèce. Les millions de dollars et les milliers d'heures de travail données par nos bénévoles ont aidé à sauver le saumon atlantique.

Partout au Canada Atlantique, les Autochtones et non-Autochtones ont un attachement économique et social historique considérable à la pêche à la ligne récréative et à son industrie. Beaucoup d'emplois dans les régions éloignées et rurales du Canada Atlantique dépendent de la viabilité la pêche récréative du saumon atlantique.

Pour ce qui est de la conservation et des actions de gestion, les politiques de la FSA visent à assurer la gestion et la conservation responsables des populations sauvages de saumon atlantique. L'objectif général de la Fédération du saumon atlantique est de redonner aux ressources leurs niveaux d'abondance initiaux, ce qui offrira des options non accessibles pour l'instant. Pour y parvenir, nous avons besoin d'une action concertée sous la forme d'un partenariat entre les parties.

La collectivité, avec la participation active de tous les intervenants riverains, doit adopter un plan de gestion des rivières à saumon axé sur le bassin hydrographique. Les plans de conservation et de gestion doivent être conçus selon les conditions particulières de chaque rivière. Selon le réseau fluvial, les stocks permettront divers types de pêche: limitée, autorisée, récréative et pêche de subsistance des Premières nations.

La pêche sélective des grilses pour la consommation des Premières nations a connu un énorme succès, car elle permet la remise à l'eau des gros saumons qui contribuent de manière plus significative à la fraie et à la ponte dans les rivières. De plus, il existe beaucoup d'autres exemples de la participation, de la coopération, de l'action et du leadership des Premières nations dans les activités de conservation des populations sauvages de saumon atlantique.

La position de la FSA est la suivante: le processus du comité parlementaire demande une interprétation de l'arrêt Marshall et les intervenants doivent donner des conseils sur l'application des droits issus de traités. Ce processus doit également garantir à tous les participants la durabilité des ressources et la viabilité économique de l'industrie. Voici donc les points importants selon la FSA.

Je parlerai d'abord des conséquences de la décision dans la cause Marshall. La décision de la Cour suprême a illustré une série de situations respectant les droits de pêche des Autochtones. L'arrêt Marshall concerne l'accès aux ressources halieutiques, fauniques et autres dans un but commercial. Voici les principaux points de cette décision.

• 1630

La responsabilité fédérale: le gouvernement fédéral dispose des outils nécessaires et a le pouvoir prépondérant de réglementer la pêche, pourvu que les mesures réglementaires soient vraiment justifiées. J'ajoute simplement que, selon moi, l'inaction du MPO dans le conflit a été déplorable. Nous incitons le MPO à assumer ses responsabilités primordiales à cet égard.

Des plans de conservation fondés sur des données concrètes et axés sur chaque espèce doivent clairement être le facteur déterminant de l'accès à une ressource halieutique comme le saumon atlantique. Il faut donc s'appuyer sur des données concrètes.

Les objectifs publics importants et impérieux: parmi ces objectifs, il y a l'équité économique et régionale ainsi que l'attachement historique des non-Autochtones à la pêche. Il semble bien évident que les non-Autochtones comptent depuis des décennies, et même depuis le siècle dernier, sur la pêche récréative au saumon atlantique dans la région de l'Atlantique et au Québec.

Consultations: Lorsqu'un règlement limite un droit issu de traités, il est nécessaire de consulter raisonnablement les Premières nations et d'assurer leur participation aux décisions relatives à l'accès à la ressource. Il faut donc que tous les utilisateurs entreprennent des discussions et des négociations pour établir un tel accès.

Nature du droit: Selon notre interprétation, le droit issu de traités à la chasse et à la pêche est un droit collectif et non individuel qui se limite aux territoires de pêche et de chasse traditionnels de la collectivité, comme le dit l'explication.

Relativement à la gestion future de la pêche, la FSA désire travailler avec les Premières nations, le gouvernement et les personnes qui habitent sur les rives des rivières à saumon afin de promouvoir la saine gestion, la conservation et l'accès raisonnable aux ressources en saumon atlantique. Il faut aussi assurer la participation soutenue des personnes qui sont en accord avec la conservation du saumon atlantique.

La clarification de la Cour suprême dans la cause Marshall a posé les bases de ce qui suit.

Cet hiver, une stratégie doit être élaborée conjointement par le gouvernement, les Premières nations, la FSA et ses conseils régionaux afin d'être mise en vigueur pour la saison de pêche 2000 du saumon atlantique. Cela doit obligatoirement se faire le plus rapidement possible afin de permettre la mise en place des mesures de gestion pour le retour du saumon dans nos rivières en l'an 2000. Normalement, cela devrait arriver vers le 1er juin de l'an 2000. Cette stratégie doit reconnaître les facteurs suivants:

Le saumon atlantique est une espèce fragile qui requiert des politiques solides de conservation et de protection. Le saumon atlantique n'est pas une espèce commerciale.

Les Canadiens non autochtones dépendent historiquement des ressources en saumon atlantique. Les Autochtones et non-Autochtones ont les mêmes droits de décision sur l'accès aux ressources non commerciales comme le saumon atlantique et sur leur gestion et leur protection. Des consultations adéquates de toutes les parties sont nécessaires. Je ne veux pas dire une simple réunion, mais des consultations véritables.

Les mesures réglementaires de conservation et de protection élaborées selon les résultats des consultations seront nécessaires pour garantir le succès de la conservation, de la restauration et de la gestion des populations de saumon atlantique.

Voici donc ce que nous recommandons en fonction de ce qui précède. En se basant sur les points mentionnés ci-dessus, la Fédération du saumon atlantique demande au ministre d'amorcer l'élaboration de cette stratégie. La FSA encourage fortement le début immédiat de ce processus afin de garantir la mise en place des mesures de conservation et de protection pour le printemps 2000, lorsque les précieux saumons atlantiques reviendront dans les rivières canadiennes. À mon avis, le ministre peut le faire sans nécessairement attendre la fin de tous les pourparlers. Il y a certaines choses qu'il pourrait faire immédiatement.

Donc, pour résumer, les objectifs de la FSA concernent la gestion future de la pêche du saumon atlantique. Nous voulons la création de partenariats au niveau des bassins hydrographiques auxquels participeraient les Premières nations pour atteindre les priorités de conservation et permettre l'accès approprié aux ressources en saumon atlantique. Nous voulons rétablir l'abondance des remontées de saumon atlantique pour permettre une répartition équitable entre les intervenants.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Chase. Je vous remercie particulièrement d'avoir répondu directement aux questions que nous avions posées. Cela nous sera très utile.

Monsieur Stoffer.

M. Peter Stoffer: Merci beaucoup, monsieur le président.

Sur le plan historique, et vous me reprendrez si je me trompe, n'est-ce pas la FSA qui a décerné un prix de conservation à un ancien ministre l'année dernière? La fédération n'a-t-elle pas décerné un prix de conservation au ministre Anderson?

M. Stephen Chase: Oui.

M. Peter Stoffer: C'est exact, n'est-ce pas?

• 1635

M. Stephen Chase: Oui, c'est exact.

M. Peter Stoffer: La Fédération a décerné un prix de conservation au ministre des Pêches et, environ un an plus tard, vous dites vous-même, et je cite, que «l'inaction du MPO a été déplorable».

M. Stephen Chase: Oui.

M. Peter Stoffer: Décerneriez-vous un prix au ministre aujourd'hui?

M. Stephen Chase: Non.

M. Peter Stoffer: Merci.

Vous dites à quel point la conservation est importante. J'ai déjà posé une question aux témoins précédents au sujet des concessions pétrolières et gazières dans le golfe, surtout au large du bloc de Cabot. Avez-vous consulté les provinces ou le gouvernement fédéral au sujet des concessions demandées pour des forages sismiques pour le pétrole et le gaz du golfe?

M. Stephen Chase: Non.

M. Peter Stoffer: Je vous recommande de le faire parce que l'habitat est extrêmement important pour des stockes aussi fragiles que le saumon.

M. Stephen Chase: Oui.

M. Peter Stoffer: Vous dites aussi que la pêche commerciale est plus ou moins disparue dans la région de l'Atlantique. Selon vous, un pavillon de pêche qui attire des pêcheurs d'un peu partout dans le monde pour la pêche au saumon constitue-t-il une activité commerciale où le saumon devient la ressource?

M. Stephen Chase: C'est une activité commerciale parce que cela produit des recettes et crée des emplois. Mais ce n'est pas le même genre d'activité commerciale que la récolte du saumon. On pêche le saumon, mais ce n'est pas la même chose que la prise au filet illimitée au large des côtes. C'est une pêche beaucoup plus sélective et beaucoup mieux réglementée.

M. Peter Stoffer: Je ne vous poserai qu'une dernière question, mais je tiens en même temps à remercier tous les témoins à Miramichi de leurs exposés. Ils étaient tous très bien faits, le vôtre y compris.

La Fédération du saumon atlantique a-t-elle pris position publiquement au sujet des problèmes reliés à l'aquaculture au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et dans l'Île-du-Prince-Édouard?

M. Stephen Chase: Oui, nous l'avons fait.

M. Peter Stoffer: Pouvez-vous nous expliquer brièvement ce qui vous inquiète au sujet de l'aquaculture du poisson et les conséquences que cela pourrait avoir sur les populations sauvages?

M. Stephen Chase: D'après les données que nous avons, l'industrie de l'aquaculture a contribué au déclin des populations sauvages dans la baie de Fundy. Nous n'avons pas de méthode scientifique précise pour le prouver de façon définitive, mais il existe pas mal de preuves secondaires et de données scientifiques que c'est effectivement le cas.

J'ajoute tout de suite que la Fédération du saumon atlantique ne s'oppose pas à l'aquaculture. Nous voulons plutôt une aquaculture menée d'une façon qui minimise le transfert entre les populations sauvages et le poisson d'aquaculture.

M. Peter Stoffer: Merci.

Le président: Merci, monsieur Stoffer.

Monsieur Bernier.

[Français]

M. Yvan Bernier: J'aimerais saluer les témoins. Je m'excuse d'avoir manqué le début, mais j'ai lu votre mémoire.

Vous dites qu'au niveau de la pêche commerciale, beaucoup de permis ont été rachetés. J'aimerais que vous me disiez s'il reste encore des permis au Canada atlantique. J'ai rencontré un groupe de pêcheurs qui possèdent plusieurs types de permis. Au Québec, en Gaspésie, ils sont une dizaine ou une douzaine à posséder encore un droit de pêche au saumon. Ils avaient simplement accepté par le passé de ne pas le réutiliser le temps que... Je vous pose la question pendant que vous êtes là et pendant que le secrétaire parlementaire est à la table. Il y a eu un programme de rachat sur la Côte-Nord ou au Labrador le printemps dernier. Est-ce qu'il y aurait moyen, par votre entremise, d'exercer des pressions sur le ministre des Pêches? Je crois savoir que ces pêcheurs sont prêts à céder leur droit à tout jamais.

Je cherche à avoir un peu d'aide pour être sûr que personne ne reviendra pêcher dans les rivières tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas atteint les niveaux d'exploitation que vous souhaitez. Saviez-vous qu'il y avait encore une douzaine de pêcheurs ayant encore ce droit?

[Traduction]

M. Stephen Chase: Oui, nous savons qu'il y a encore des permis de pêche commerciale au Québec sur la côte Nord. Cela fait au moins depuis l'année dernière qu'il y a une offre permanente pour racheter les permis qui restent. Nous incitons le ministre à insister sur le processus de rachat comme le ministère l'a fait régulièrement pour les autres permis de pêche commerciale dans la région de l'Atlantique. Est-ce que cela répond à votre question?

• 1640

Le président: Lawrence pourra peut-être nous donner des détails là-dessus. Monsieur O'Brien.

M. Lawrence O'Brien: Je voudrais signaler à Steven qu'il me semble qu'on a instauré un plan de rachat pour le Labrador il y a deux ans. L'année dernière, le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral ont lancé un plan sur deux ans et l'année dernière était la dernière année. Ai-je raison?

M. Stephen Chase: C'est encore à l'état de négociation.

M. Lawrence O'Brien: C'est encore en négociation.

M. Stephen Chase: J'étais au Labrador plus tôt cette semaine et la pêche commerciale y semble à peu près disparue, quoiqu'un groupe de Métis voudrait rétablir une pêche de subsistance quelconque. Cela nous inquiète un peu.

M. Lawrence O'Brien: Je partage des inquiétudes.

M. Stephen Chase: Oui.

Le président: Monsieur Bernier, vous pouvez dire un dernier mot, mais il ne vous reste que deux minutes.

[Français]

M. Yvan Bernier: Le dernier programme de rachat était pour la Basse-Côte-Nord et le Labrador, mais les 12 pêcheurs dont je vous parle sont à l'entrée de la baie des Chaleurs. La plupart des gens de ce groupe avaient vendu leur permis à l'époque. Eux, ils avaient décidé de prendre plutôt la rémunération qui leur était donnée pour ne pas utiliser leur permis de pêche, parce qu'ils espéraient toujours que le niveau d'exploitation reviendrait. Maintenant, ils sont prêts à céder leur droit.

Je n'entrerai pas dans la question des coûts. Ils ne s'attendent pas à avoir le même montant que les autres, mais pendant qu'il y a encore un programme de rachat, peut-on le rendre accessible aux gens de la baie des Chaleurs qui sont prêts à céder leur droit? J'ai besoin à la fois de l'aide de la Fédération du saumon de l'Atlantique et de l'écoute attentive du secrétaire parlementaire.

[Traduction]

M. Stephen Chase: En un mot, la Fédération du saumon atlantique serait d'accord pour qu'on rachète davantage de permis. Le financement du programme vient du MPO. Nous sommes tout à fait d'accord pour examiner la situation et proposer que le MPO prenne des mesures constructives à cet égard. Nous serions d'accord pour le rachat de permis s'il y a des gens qui se préparent à jeter leurs filets à la mer.

Le président: Vous aviez une question, monsieur O'Brien.

M. Lawrence O'Brien: Merci, monsieur le président.

Je suis député, mais je fais aussi de la pêche récréative au saumon. Je l'ai toujours fait. Je partage votre opinion sur plusieurs choses, notamment au sujet de la conservation, et je pense que vous avez aussi de bonnes idées pour la gestion à l'échelle des bassins hydrographiques. Nous venons de lancer un programme de gestion dans la baie Sandwich au Labrador.

J'ai certaines inquiétudes pour le poisson qu'on relâche une fois pêché et je pense que votre association a aussi des inquiétudes là-dessus. Le problème, c'est que j'ai vu trop de saumons ne pas survivre une fois relâchés et c'est arrivé aux poissons que j'ai moi-même relancés à l'eau. Si nous voulons vraiment conserver une espèce menacée, nous devons être très prudents. Je pense qu'il faut formuler d'autres recommandations au sujet de la remise à l'eau du poisson pêché.

M. Stephen Chase: Je partage vos préoccupations à ce sujet. La Fédération du saumon atlantique et son conseil régional ont lancé un programme d'éducation et de sensibilisation du public pour montrer la bonne technique pour remettre le poisson à l'eau. Une bonne technique peut minimiser le taux de mortalité du poisson relâché.

Les programmes de remise à l'eau sont très importants parce qu'ils aident à maintenir les groupes de pêcheurs. Si l'on ferme une rivière, on perd les services des bénévoles. La rivière Saint-Jean en est un excellent exemple. La plupart des organismes bénévoles abandonnent parce que plus rien ne les incite à s'occuper de la ressource. C'est une chose à éviter parce que le travail des bénévoles est un atout précieux.

• 1645

Nous avons donc décidé de promouvoir la bonne technique pour la remise à l'eau. Nous pouvons ramener le taux de mortalité bien en deçà des prévisions très généreuses du MPO. Je pense que le MPO prévoit un taux de 10 p. 100. Mais c'est beaucoup trop élevé. Il faut montrer aux pêcheurs comment procéder et c'est ce que nous faisons.

Le président: Je vais demander à Charlie de terminer.

Vous vouliez une précision, Peter.

M. Peter Stoffer: Oui. Votre organisme a-t-il des rapports quelconques avec les groupes de Saint-Pierre-et-Miquelon et savez-vous s'il y a des pêcheurs commerciaux de Saint-Pierre-et-Miquelon qui ont des permis? Ces pêcheurs jouent aussi un rôle essentiel pour la conservation du saumon du golfe.

M. Stephen Chase: La réponse est non. Je sais ce que vous voulez dire et cela m'étonne un peu. Je ne dirais pas que cela vient du fait que je travaille pour la Fédération depuis seulement six semaines, mais je suis certain que la situation à Saint-Pierre... L'Organisation pour la conservation du saumon de l'Atlantique Nord ou OSCAN a certainement examiné la situation. Je peux donc vous répondre oui et non.

M. Peter Stoffer: Vous pourriez peut-être aller faire un tour là-bas.

M. Stephen Chase: Mon collègue a pris note de votre suggestion. J'irais volontiers parce que ma femme et moi y sommes allés en voyage de noces.

M. Peter Stoffer: Vous êtes aussi d'accord avec les témoins précédents au sujet...

Le président: Je dois vous interrompre, Peter. Je ne veux pas que vous commenciez à vous disputer.

Monsieur Hubbard.

M. Charles Hubbard: Je n'ai qu'un bref commentaire à faire. Stephen le sait probablement, mais il y a encore une dizaine de permis de pêche commerciale pour prendre du saumon dans notre propre rivière même si les pêcheurs commerciaux ne peuvent pas pêcher depuis une quinzaine d'années. Si je ne m'abuse, quand on a racheté les permis au Nouveau-Brunswick, on l'a fait grâce à un programme de rachat tripartite de la province, de votre fédération et du gouvernement fédéral. Je sais que bon nombre des intéressés voudraient qu'on se débarrasse de ces permis, et j'en ai déjà parlé au comité, monsieur le président. On voudrait régler la situation. Les habitants de la région seraient ravis de savoir que le ministre s'en occupera, Lawrence.

Le président: Merci, messieurs. Nous vous remercions de votre exposé, comme je l'ai dit au tout début, et nous vous sommes reconnaissants d'avoir répondu de façon concise à nos questions dans votre mémoire. Merci beaucoup.

Sur ce, je remercie tous ceux qui sont venus aujourd'hui. Je sais que certains sont restés toute la journée, ce qui demande beaucoup d'endurance. Nous tenons aussi à remercier les habitants de Miramichi de leur hospitalité.

Une dernière chose. Si quelqu'un pense à une chose qu'on a oublié de signaler au comité ou à une précision qu'il faudrait apporter, vous n'avez qu'à écrire au greffier du comité et nous en serons avisés.

Je vois le sous-ministre des Pêches du Nouveau-Brunswick. Nous le remercions d'être venu aujourd'hui et nous serons certes ravis s'il peut nous fournir des conseils plus tard.

Le comité se réunira demain en Gaspésie. La séance est levée.