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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 9 novembre 1999

• 0902

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte. Je souhaite la bienvenue à tout le monde.

C'est notre première séance du matin. Nous avons le plaisir d'accueillir parmi nous les représentants des organisations suivantes: l'Association nationale de la femme et du droit; le Toronto Disaster Relief Committee; le Committee on Monetary and Economic Reform; le Centre de démarrage économique communautaire: Création d'emplois inc.; le Comité canadien d'action sur le statut de la femme; enfin, l'Ontario Coalition of Senior Citizens' Organizations.

J'imagine que ce n'est pas la première fois que vous venez témoigner. Vous disposez chacun d'environ cinq minutes pour faire votre exposé. Par la suite, nous passerons aux questions.

Nous allons commencer par Kim Brooks, de l'Association nationale de la femme et du droit. Soyez la bienvenue.

Mme Kim Brooks (membre, Groupe de travail sur les politiques fiscales, Association nationale de la femme et du droit): Bonjour. Je suis heureuse d'être ici ce matin pour représenter l'Association nationale de la femme et du droit.

Je ne suis pas sûre que notre mémoire a été distribué; cette année nous avons décidé de ne pas remettre un mémoire complet au comité. C'est une décision qui a été difficile à prendre. D'un côté, nous tenions à faire connaître au comité les préoccupations des femmes en matière d'égalité mais, de l'autre, nous savons par expérience que dans le cadre du mécanisme de consultation, les préoccupations soulevées par les groupements recherchant une égalité de traitement pour les femmes n'ont pas été prises pleinement en compte lors de l'élaboration des budgets en dépit du fait que le gouvernement libéral s'est engagé à mener une analyse en fonction des sexes de toutes les politiques publiques, y compris dans le domaine fiscal.

Pour remplacer le mécanisme de consultation en place, l'ANFD propose que l'on procède à une consultation faisant place à des discussions directes entre, d'une part, le ministre des Finances et ses collaborateurs et, d'autre part, les défenseurs de l'égalité des femmes compétents en matière de politiques économiques. Je crois savoir que ce type de mécanisme a été mis en place avec un grand succès par le ministère de la Justice.

De plus, je pense qu'il serait très profitable aux groupements de femmes et au gouvernement fédéral de tirer parti des possibilités offertes par un travail commun des différents groupes favorables à l'égalité pour les femmes de manière à ce qu'ils puissent formuler les recommandations collectives au gouvernement plutôt que de faire état séparément de leurs préoccupations.

Comme nous ne vous avons pas remis un mémoire complet, nous vous avons en contrepartie distribué les copies des mémoires complets remis l'année dernière. Je vous ai laissé des exemplaires du mémoire remis l'année dernière lors des consultations prébudgétaires d'août 1998, du mémoire transmis au Sous-comité sur l'équité fiscale pour les familles canadiennes rédigé en mai 1999, et une réponse au rapport du sous-comité.

Là encore, même si nous avons choisi de ne pas présenter de mémoire abordant l'ensemble des questions qui se posent, j'aimerais en souligner deux qui intéressent plus particulièrement l'ANFD.

• 0905

Tout d'abord, l'ANFD est favorable au principe d'un budget pour les enfants. La pauvreté des enfants et des mères de familles monoparentales au Canada doit disparaître. L'insuffisance des programmes de garderie, de congés parentaux et autres programmes destinés à aider les mères de famille—qui assument aussi un travail salarié—ainsi que l'absence de logements de transition adaptés et de programmes d'aide juridique, aggravent la situation des enfants et des femmes pauvres au Canada.

De manière à supprimer, ou du moins à limiter la pauvreté des enfants et des femmes à faible revenu, l'ANFD invite instamment le comité à créer un programme national de garderies et d'éducation dès la petite enfance. Dans l'idéal, ce programme permettrait de mettre à la disposition de tous les parents d'âge préscolaire, quelle que soit leur situation professionnelle, des services universels, à but non lucratif et de qualité.

En plus d'un programme de garderies et d'éducation de la petite enfance, l'ANFD est favorable à la bonification du programme national de prestations fiscales pour enfants. Nous sommes aussi favorables à la proposition portant sur l'extension des prestations d'assurance-emploi aux congés parentaux et de maternité.

Notre deuxième sujet de préoccupation porte sur les réductions fiscales qui ont été réclamées dernièrement. L'ANFD demande instamment au comité de s'interroger sérieusement sur la valeur des réductions fiscales étant donné que le déficit fiscal a entraîné dans son sillage un déficit social massif. Nous incitons au contraire le comité à recommander le rétablissement des programmes sociaux du Canada pour faire face en particulier aux difficultés qu'entraîne le grand nombre de pauvres et de sans-abri qu'enregistre actuellement le Canada avant d'offrir des dégrèvements fiscaux aux Canadiens à hauts revenus.

Si votre comité décide d'accorder des réductions fiscales, l'ANFD préconise que l'on continue à relever le crédit d'impôt personnel de base et à rétablir la pleine indexation du montant en dollars des crédits d'impôt afin d'accorder des allégements fiscaux qui profitent également à tous les Canadiens.

Je vous remercie.

Le président: Merci.

Nous allons maintenant entendre Kira Heineck du Toronto Disaster Relief Committee. Soyez la bienvenue.

Mme Kira Heineck (coordonnatrice, Toronto Disaster Relief Committee): Bonjour. Je suis moi aussi heureuse d'être devant vous ce matin et je vous remercie d'être venus écouter ce que nous avions à dire.

Le Toronto Disaster Relief Committee, nous espérons que nombre d'entre vous le savent désormais, est un groupe qui s'est constitué il y a un an environ pour déclarer que la question des sans-abri est une catastrophe nationale. Ce groupe se compose de personnes venues d'horizons très différents et qui ont oeuvré auprès des sans-abri, soit qu'il s'agisse de personnes oeuvrant sur le terrain pour dispenser des soins aux sans-abri, de professeurs se chargeant d'étudier la question des sans-abri, de responsables des gouvernements ou de personnes chargées des relations avec les médias, de travailleurs des services de santé communautaires, d'intervenants du monde des affaires ou de militants.

Nous représentons une communauté très large, non seulement à Toronto, mais à l'échelle du pays. Notre action est désormais appuyée par plus de 400 organisations, notamment les conseils municipaux de Toronto, d'Ottawa-Carleton, de Nepean, de Vancouver, de Victoria et de Peel; le Caucus des maires des grandes villes de la Fédération canadienne des municipalités; le groupe parlementaire fédéral du Parti national-démocrate; l'Association canadienne d'habitation et de rénovation urbaine; et la liste ne s'arrête pas là.

Par le fait même qu'ils appuient l'action du TDRC, ces groupes et ces conseils municipaux reconnaissent que la question des sans- abri est au Canada une catastrophe nationale. Qu'entend-on par là exactement?

Dans le mémoire que je vous ai remis, vous trouverez de nombreux exemples qui expliquent les raisons pour lesquelles nous considérons que la situation des sans-abri est catastrophique au Canada. Je ne les passerai pas en revue ici, mais je vous demande de les consulter plus tard à votre convenance.

J'aimerais souligner un ou deux points et le fait que la raison la plus pressante qui nous oblige à faire comme si la question des sans-abri était une véritable catastrophe, c'est le nombre de décès qui se produisent. Il y a en moyenne deux décès par semaine à Toronto. Des gens meurent à Ottawa et à Halifax. Nous avons déjà enregistré cette année à Ottawa quelque 43 décès. Là encore, ce n'est pas facile à comptabiliser.

Une étude effectuée récemment à Toronto par le Dr Steven Huang à l'hôpital St. Michael nous révèle que les hommes sans-abri âgés de 18 à 24 ans ont un taux de mortalité huit fois supérieur à celui de l'ensemble de la population de cette même catégorie d'âge. C'est terrible d'avoir à vous dire cela ici aujourd'hui, mais nous avons enregistré un autre décès cette fin de semaine à Toronto, celui d'un jeune homme qui est mort dans la rue—quelqu'un que nombre de ceux qui travaillent comme nous dans le périmètre de Queen et Bathurst connaissaient bien. C'est pourquoi nous avons décidé d'unir nos efforts et de militer résolument sur cette question.

Je vais vous donner rapidement deux exemples de situations véritablement catastrophiques à Toronto. Le réseau des centres pour itinérants est à Toronto complètement engorgé. C'est là encore quelque chose qui se produit dans les zones sinistrées. Les gens ne savent plus où aller dormir et ils se rabattent donc sur les refuges d'urgence, mais la ville de Toronto ne peut plus faire face aux besoins dans ce domaine étant donné l'augmentation constante du nombre de sans-abri. Notre directeur des services de centres pour itinérants, John Jagt, a reconnu désormais à maintes reprises, depuis le mois de septembre, que tout est plein.

J'ai joint à notre mémoire un article intitulé «Why Open the Armouries»? On y explique les dangers sur le plan de la santé physique et mentale que pose l'administration d'un réseau de centres pour itinérants complètement engorgé. Toutefois, en dépit de cette situation, les gens continuent à rechercher désespérément une place. Lors de la tempête de la fin septembre, un refuge de nuit prévu pour les cas d'urgence a reçu 160 personnes alors qu'il était prévu pour 80. Les dormeurs étaient alignés sur les planchers en béton. Il n'y avait pas suffisamment de couvertures pour tout le monde. Malgré cela, d'autres encore frappaient à la porte et essayaient de rentrer parce qu'au dehors la nuit était terriblement froide et humide. Voilà donc la situation à laquelle nous devons faire face.

• 0910

En second lieu, il est terriblement important de souligner qu'à Toronto, on trouve de plus en plus parmi les sans-abri des familles ayant des enfants. Là encore, vous trouverez en annexe à notre mémoire un rapport qui fait état de cette situation.

En Ontario—et cela témoigne bien en fait de la tragédie qui est la nôtre—la qualité de sans-abri est devenue une cause de décès tellement reconnue que l'on a demandé aux coroners, dans le dernier bulletin du Mortem Post, de considérer la qualité de sans- abri comme un élément à prendre en compte dans les enquêtes sur les décès.

Cela dit—et là encore je vous renvoie à l'examen détaillé de la situation dans notre mémoire—nous sommes venus ici aujourd'hui vous dire deux choses.

En premier lieu, s'il y a des sans-abri, c'est parce que l'on manque de logements, un point c'est tout. La seule chose qu'ont en commun les sans-abri, c'est le fait de ne pas avoir de logement. La clé, pour remédier à la question des sans-abri et à la crise du logement qui est la nôtre au Canada, c'est de construire des logements abordables.

Les recherches effectuées dans tous les pays, y compris au Canada et aux États-Unis, concluent sans ambiguïté que la disponibilité de logements loués à long terme et à un prix abordable est la solution pour 80 p. 100 des personnes sans-abri ou risquant de le devenir.

Le problème des sans-abri au Canada est la résultante du double problème du prix et de l'approvisionnement. Il nous suffirait de construire suffisamment de logements abordables et de revenir à des niveaux d'assistance sociale plus équitables pour pouvoir loger immédiatement la grande majorité des sans-abri au Canada.

Vous trouverez dans le mémoire que nous vous avons remis la liste des décisions politiques fédérales prises depuis 1994 qui, à notre avis, sont directement responsables de la catastrophe touchant les sans-abri. Là encore, nous ne les passerons pas en revue maintenant, mais vous pouvez les consulter.

Nombre d'intervenants vont aussi venir vous parler, lorsque vous parcourrez le pays, du rôle joué par le gouvernement fédéral et ses politiques dans la crise actuelle du logement et la catastrophe touchant les sans-abri. Effectivement, le problème est très grave à Toronto, mais l'on vous dira qu'il ne se limite pas à Toronto. C'est un problème à l'échelle du Canada et tout le monde vous dira qu'il exige des solutions à l'échelle du Canada. La responsabilité du gouvernement fédéral est immense lorsqu'il s'agit de fournir les logements abordables et adéquats devant mettre fin à la catastrophe touchant les sans-abri, non seulement en logeant les victimes actuelles de la crise, mais aussi en évitant à d'autres personnes de devenir des sans-abri.

Nous sommes donc venus vous présenter aujourd'hui une simple recommandation concernant la façon dont le gouvernement fédéral doit établir son budget pour les prochaines années: qu'il consacre de l'argent au logement. Nous avons besoin que vous preniez l'initiative d'un réinvestissement massif dans des programmes de logements abordables et dans le cadre d'initiatives du même type, y compris en ce qui a trait à la fourniture d'aides appropriées et au versement des montants d'assistance sociale qui s'imposent pour qu'il n'y ait plus de sans-abri.

La mesure qui s'impose en l'espèce, c'est la mise en place d'une stratégie nationale du logement. Nous sommes à l'heure actuelle le seul pays industrialisé qui n'en ait pas. Pour financer cette stratégie du logement, nous proposons la solution des 1 p. 100.

Cette solution consiste à demander à tous les paliers de gouvernement d'affecter au logement 1 p. 100 supplémentaire de l'ensemble de leurs budgets. Cette solution des 1 p. 100 s'appuie sur la comptabilisation des dépenses combinées de l'ensemble des paliers de gouvernement—fédéral, provincial, territorial et municipal. Lorsqu'on fait la somme de tous les crédits consacrés au logement par l'ensemble des paliers du gouvernement, on en arrive à 1 p. 100 des dépenses globales des gouvernements. Nous demandons que l'on double ce budget annuel.

Dans le budget fédéral, la mise en place de cette solution des 1 p. 100 entraînerait immédiatement l'affectation de 2 milliards de dollars supplémentaires au logement. Cela permettrait de mettre en place des programmes de construction de nouveaux logements abordables et de prendre des mesures d'accompagnement en faveur des sans logis.

Les sans-abri et les personnes mal logées au Canada ne constituent pas en soi un groupe de pression. Je pense qu'il est très important de le souligner. Nous ne demandons pas de faveurs ni la charité. Un logement convenable et abordable n'est pas un luxe. C'est un droit fondamental de la personne que l'on refuse à bien trop de gens aujourd'hui au Canada et vous, au sein du gouvernement fédéral, vous avez les moyens d'y remédier. Nous vous adjurons de prendre l'initiative, de mettre fin aux querelles de compétence territoriale qui ont cours depuis de nombreuses années et à prendre la tête de tous les paliers de gouvernement afin de doter notre pays d'un parc de logements abordables. Appliquez la solution des un pour cent, construisez les logements indispensables et relevez les versements d'assistance sociale de manière à bien tenir compte de la réalité de la pauvreté dans notre économie.

Les statistiques les plus récentes sur le nombre de sans-abri au Canada—et là encore, c'est une chose très difficile à comptabiliser, mais c'est un chiffre fourni par Statistique Canada qui date de 10 ans—s'élèvent à quelque 200 000 personnes. C'est une personne sur 153. J'imagine que cela va vous paraître tout à fait inadmissible. Ce n'est pas parce que 153 d'entre nous ont des problèmes de comportement particuliers, sont des ratés, se droguent, sont handicapées, malades mentaux ou autres, selon le stéréotype que l'on emploie pour les handicapés. C'est tout simplement parce qu'il n'y a pas suffisamment de bons logements à un coût abordable à l'heure actuelle au Canada.

• 0915

Nous vous demandons de prendre résolument des mesures et d'affecter massivement de nouveaux crédits—je le répète, un minimum de 2 milliards de dollars par an—à la stratégie nationale sur le logement. Faites-le et vous serez tous—je n'exagère pas—des héros pour les générations à venir.

Je vous remercie.

Le président: Merci, madame Heineck.

Nous allons maintenant entendre le président du Committee on Monetary and Economic Reform, William Krehm. Soyez le bienvenu.

M. William Krehm (président, Committee on Monetary and Economic Reform): Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.

Il y a lieu de féliciter notre ministre des Finances pour son excédent budgétaire, mais nous devons également exprimer notre gratitude aux malheureux qui ont payé bien cher l'obtention de cet excédent budgétaire: les sans-abri dont on vient de parler, ceux qui, dans la plus opulente de nos villes canadiennes, construisent des habitations précaires dans le district de Don Valley. On a voulu nous faire croire que ces sacrifices étaient une nécessité. Il fallait agir, sinon le Fonds monétaire international qui, disait-on, frappait déjà à notre porte, allait s'installer carrément chez nous.

Aujourd'hui, le FMI exprime publiquement des réserves quant à la sagesse de ses politiques passées et notre gouvernement vient d'annoncer qu'il adoptera graduellement dans ses livres la budgétisation des immobilisations, également appelée comptabilité d'exercice. Laissez-moi vous expliquer la chose. Jusqu'à maintenant, le gouvernement du Canada a utilisé un type de comptabilité qui pourrait valoir une peine de prison à une société privée. Permettez-moi de citer l'Annuaire du Canada pour la décrire. C'est l'annuaire de 1988, page 22-6:

    Les éléments d'actif fixes, tels que les immeubles gouvernementaux et les travaux publics, sont imputés aux dépenses budgétaires lors de l'acquisition [...] et ils figurent dans l'état de l'actif et du passif à une valeur nominale de 1 $.

Si on essaie d'amortir sur une seule année le capital physique engagé, le niveau des prix augmente nécessairement. Si Imperial Oil amortissait ses puits, ses oléoducs, ses raffineries, etc. sur une seule année, le prix de l'essence crèverait le plafond. En confondant cette situation avec de l'inflation, la Banque du Canada a réduit l'assiette fiscale avec ses taux d'intérêt élevés, ce qui a complètement perturbé les liquidités du gouvernement. Il en est résulté un trou énorme dans ses caisses.

Ainsi, cette comptabilité désespérante a donné à nos gouvernements l'idée fausse qu'ils devraient sabrer dans les programmes sociaux. Il y a donc un véritable lien de cause à effet entre la comptabilité fautive du gouvernement et la situation actuelle dans les hôpitaux, dans le système d'éducation, etc. De ce point de vue, la mise en place de la comptabilité d'exercice, que j'applaudis, est une forme de concession. Cette concession serait bien plus impressionnante si elle ne s'était pas faite à la sauvette. Ce n'est pas au confessionnal que l'on doit annoncer les politiques publiques du moment. La nouvelle n'a été publiée—savez- vous où?—dans le National Post de Conrad Black. Si vous ne l'avez pas lue, c'était le 20 juillet.

On pourrait penser que le temps est venu de faire brûler un lampion et de faire retentir les trompettes dans tout le pays. Ce n'est pas le cas. Cela n'a été mentionné ni dans le Globe and Mail, ni dans le Toronto Star.

• 0920

C'est l'année du jubilé, vous le savez. Nous allons atteindre le...

Ce qui est étonnant dans cet article—c'est un document historique et nous devrions tous ici, aussi bien les témoins que les députés, nous en procurer une copie—qui a été rédigé par Kathryn May, c'est ce que l'on y cite le vérificateur général, Denis Desautels, qui nous dit, ce qui est extraordinaire, que «l'apparition soudaine d'actifs de 50 milliards de dollars au bilan ne modifiera pas la position financière du Canada.» Si l'on applique la même comptabilité élémentaire au capital humain, à l'éducation, à la santé, à la sécurité sociale, qu'il s'agisse de dépenses gouvernementales directes ou de subventions aux provinces, le montant serait beaucoup plus élevé que 50 milliards de dollars.

En vertu du même tour de passe-passe effectué en douce par le gouvernement des États-Unis le 1er janvier 1996—M. Clinton voulait simplement disposer d'une statistique et non pas réveiller la droite restée endormie—on a calculé qu'en revenant en arrière pour englober tous les éléments d'actif amortis à compter de la date du premier budget—qui remonte à la guerre civile, j'imagine—on verrait soudain apparaître 1 billion de dollars d'actifs. En passant, cette statistique est l'un des facteurs expliquant la forte croissance enregistrée aux États-Unis. Le marché boursier en est le principal facteur.

Étant donné que notre économie représente à peu près le dixième de celle des États-Unis et qu'il faut que nous ayons davantage d'infrastructures publiques, si l'on retient le dixième du chiffre américain, simplement pour tenir compte des éléments d'actif non comptabilisés, les infrastructures physiques, on arrive à 100 milliards de dollars. Si l'on tient compte du capital humain, même notre ancien premier ministre—je relève qu'il va bien et je lui souhaite bonne chance—devenait lyrique lorsqu'il nous parlait de l'importance du capital humain tout en supprimant les crédits qui s'y rattachaient.

J'ai une annexe—elle n'apparaît pas dans le mémoire d'origine—faisant état des statistiques et des calculs détaillés des économies gouvernementales introduites subrepticement par les Américains. J'aimerais que cela soit versé au procès-verbal.

Le président: Pouvez-vous les déposer? Il vous faudra aussi conclure votre exposé.

M. William Krehm: Bien, je vais donc conclure très simplement.

Excusez-moi, mais M. Martin n'a aucune idée du montant exact de l'excédent budgétaire de notre pays. Il ne pourra s'en faire une idée tant qu'il n'aura pas tenu compte de l'actif qui n'apparaît pas au bilan. Tant qu'il ne l'aura pas fait, il convient de suspendre les privatisations. La valeur comptable des édifices du Parlement étant fixée à 1 $, on pourrait les vendre 1 000 $, inscrire dans la comptabilité un gain en capital de 999 $ et, devant les caméras de télévision, appliquer ce montant à la réduction du déficit. L'excédent est bien plus grand que ne le dit M. Martin, mais il y a un déficit de plus en plus grand au niveau de l'information, ce qui entraîne un déficit incroyable sur le plan de la moralité.

Vous êtes des politiciens, des personnes tout à fait indispensables à notre société, et vous devez vous demander à l'occasion pour quelle raison on vous traite avec un tel manque de respect. La réponse...

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Nous méritons ce manque de respect.

• 0925

M. William Krehm: Non, absolument pas. Avec les meilleures intentions du monde, tous les élus doivent constater que, comme dans la fable, les coffres sont vides et nous n'arrivons pas à nourrir tous nos enfants.

Voilà ce que je préconise.

Le président: Monsieur Krehm, l'une des choses que nous avons appris en tant que politiciens c'est de tenir compte du temps qui passe. Il est très précieux. Si vous pouviez conclure rapidement, je vous laisse encore une minute.

M. William Krehm: Voilà 40 ans que la comptabilité d'exercice a été recommandée par une commission royale. Le temps a effectivement passé. Je vais en terminer...

Le président: Je n'aimerais pas, cependant, devoir attendre encore 40 ans ici.

M. William Krehm: Non, ce ne sera pas nécessaire. J'ai simplement quatre ou cinq propositions à faire.

Servez-vous de l'excédent budgétaire pour abroger la TPS au cours de la même période de deux ans qui sert à instaurer la comptabilité d'exercice. Voilà un dégrèvement fiscal. Je ne comprends pas pourquoi on n'en parle pas. Les Libéraux sont arrivés au pouvoir en faisant cette promesse. Il est temps de la tenir. Tenir ses promesses, c'est la meilleure façon de se ménager le respect du pays et de gagner la prochaine élection.

Grâce au bilan nettement amélioré découlant de la reconnaissance de la valeur raisonnable de ses actifs matériels, il devrait être plus indiqué que jamais pour le gouvernement de faire davantage affaire avec la Banque du Canada, et moins avec les banques commerciales, pour ses activités de financement. Étant donné que le gouvernement fédéral est le seul actionnaire de la Banque du Canada, l'intérêt sur les obligations d'État revient en grande partie au gouvernement sous forme de dividendes.

Sur une période de cinq ans, les avoirs de la Banque du Canada en obligations fédérales devraient passer graduellement du niveau actuel d'environ 5 p. 100 de la dette consolidée au niveau d'au-delà de 20 p. 100 qui existait en 1977.

La quatrième proposition consiste à rétablir les subventions aux provinces pour de tels programmes, à condition qu'elles respectent les normes fédérales. Les provinces n'ont aucune part dans la Banque du Canada et elles ne récupéreront rien des intérêts qu'elles versent. C'est toutefois le gouvernement fédéral qui va les récupérer et l'utilisation de cet argent fera davantage pour rajeunir la Confédération que 25 conférences constitutionnelles supplémentaires.

Il conviendrait d'augmenter les logements sociaux et d'étendre les autres programmes d'infrastructure. Il faudrait augmenter le financement des programmes de protection de l'environnement. Il faudrait se servir de la Banque du Canada pour financer ces programmes d'investissement mis en oeuvre par les provinces et les municipalités. Cela pourrait se faire aux termes de l'alinéa 18c) de la Loi sur la Banque du Canada, qui autorise la banque à acheter et à vendre des valeurs mobilières émises ou garanties par le Canada ou par une province quelconque.

Monsieur le président, voilà en substance de quoi il s'agit. Je vais vous laisser un exemplaire de cette version plus complète, en raison principalement du fait que les analystes financiers n'ont absolument pas tenu compte des informations portant sur le travail effectué par les Américains pour prendre en compte en 1996 le montant des économies publiques.

Le président: Merci, monsieur Krehm.

Nous allons maintenant entendre les représentants du Centre de démarrage économique communautaire: Création d'emplois inc., Mme Monique Bokya-Lokumo et sa coordonnatrice, Mimi Mapasa. Soyez les bienvenues.

Mme Monique Bokya-Lokumo (directrice, Centre de démarrage économique communautaire: Création d'emplois inc.): Bonjour tout le monde. Il s'agit ici de notre participation nationale aux consultations prébudgétaires du Comité permanent des finances. Nous vous remercions d'avoir invité notre organisme à répondre aux questions sur la société canadienne. Notre exposé portera sur l'infrastructure sociale (numéro 3) et la productivité (numéro 5).

En ce qui a trait aux rapports entre la collectivité et l'économie, nous prions le Comité permanent des finances d'étudier avec tout le sérieux voulu ce projet unique de création d'emplois dans la collectivité à l'aube de l'an 2000.

Nous sommes une organisation bilingue. C'est pourquoi nous nous exprimons à la fois en français et en anglais.

[Français]

d'un programme de création d'emploi direct basé sur l'environnement humain.

• 0930

[Traduction]

Ce programme est l'un des éléments clés de la stratégie visant à garantir l'avenir et la sécurité de notre société. Nous avons joint six annexes au présent document et vous avez devant vous tout le dossier.

Nous demandons le financement de l'organisation et des activités économiques de la collectivité. Nous vous remettons ce rapport concernant notre organisation et son expérience.

Le Centre de démarrage économique communautaire: Création d'emplois inc.,

[Français]

le Centre de démarrage économique communautaire: Création d'emplois Inc.,

[Traduction]

participe à la création d'emplois ainsi qu'aux plans de dotation et d'embauche dans la collectivité. Le centre de développement économique et de création d'emplois favorise une meilleure expansion économique permettant la création d'entreprises et aide les personnes à trouver de l'emploi et à jouir d'une vie meilleure. Les centres communautaires et de création d'emplois offrent aux résidents d'une même région la possibilité de participer au développement par des activités de création d'entreprises. Avec le centre de démarrage et de création d'emplois, c'est la première fois que tous, partout dans le monde, ont accès au marché du travail mondial. Au sein du centre de création d'emplois, voici quelle est l'activité économique à l'aube de l'an 2000. Tant les employeurs que les populations mettent l'accent sur la croissance de l'économie locale et le développement de l'emploi.

Nous avons au sein de notre organisation un programme qui s'intitule: «Nous avons la solution», il s'agit d'un programme local bilingue de création directe d'emplois. Nous avons créé ce programme parce que le centre a l'expérience de la sensibilisation des organismes communautaires et des conseillers industriels.

Premièrement, ce programme assure l'implantation sur le marché du travail et auprès de la main-d'oeuvre d'Amérique du Nord et des autres pays. Deuxièmement, il réunit à un centre de formation des personnes d'une même région (employeurs, travailleurs et chômeurs), dans le but de créer des emplois et de développer l'économie locale. Troisièmement, il crée un équilibre économique entre la demande et l'offre d'emplois. Quatrièmement, il permet de planifier à court, à moyen et à long terme le marché local de l'emploi. Cinquièmement, il assure l'avenir de nos enfants en leur enseignant comment créer des emplois grâce à des moyens précis et des programmes scolaires. Voilà quel est le programme ainsi que son organisation.

Je vais poursuivre en français. Le 15 avril 1999, nous avons adressé une lettre à M. Chrétien, à M. Paul Martin et à M. Pettigrew, même si la situation a changé depuis.

[Français]

    Excellences,

    Le Centre de démarrage économique communautaire Création d'emplois Inc., Economic Community Starting Centre Job Creation Inc. a présenté sa requête de demande de financement pour les activités de création d'emplois déjà planifiées le 17 novembre 1998 lors de consultation prébudgétaire. Les membres présents ainsi que les conseillers et conseillères à l'audience avaient apprécié le projet et l'organisme avait laissé une copie des activités communautaires de création d'emplois auprès de commission permanente des finances pour la requête de financement des activités. Par la présente, nous voudrions renouveler cette requête.

    En effet l'an 2000 avance à grands pas et nous, en tant que Canadiens et Canadiennes voudrions avoir place dans ce nouveau monde qui globalise les pensées, les réalisations. Nous avons besoin urgent d'aide financière.

    Certaines démarches ont été faites auprès des organismes gouvernementaux pendant le début du projet mais quelques esprits mal intentionnées se sont accaparés de ces quelques idées pour s'enrichir sans financement aux activités.

    Mais cela ne peut jamais nous arrêter...

    Nous nous adressons donc à vous personnellement...

C'est ce que nous demandions à M. Chrétien, et je le demande aujourd'hui au Comité des finances.

    Nous nous adressons donc à vous personnellement afin que nous obtenions un financement rapide des activités économiques communautaires.

    Sans votre aide ce projet ne peut aboutir au Canada pour les Canadiens et Canadiennes.

• 0935

Nous sommes ici aujourd'hui pour vous demander votre réponse concernant le financement de cet organisme et de ses activités communautaires et économiques. Comme je viens de l'expliquer, tout cela englobe la vie canadienne de demain.

Nous avons entendu plusieurs témoins ici. On dit toujours la même chose: donnez-nous de l'argent, donnez-nous de l'argent. Nous croyons cependant qu'il faut de nouvelles idées et un nouveau dynamisme dans la vie canadienne.

Le projet que nous vous présentons aujourd'hui n'existe nulle part ailleurs. C'est un projet où la communauté a de la force économique, où tout le monde est appelé à créer de l'emploi et à développer l'industrie. Le travail est déjà commencé malgré nos petits moyens. Nous avons déjà un dossier d'employeurs. Ils sont enthousiasmés par ce projet.

[Traduction]

Voici la lettre de l'employeur:

    Participer à l'accord de création d'emplois dans la collectivité à l'aube de l'an 2000. Vous êtes invités à vous joindre à un groupe du monde des affaires pour créer directement des emplois dans la collectivité. Ensemble nous nous doterons d'un nouveau service d'emplois communautaire. Le plan de dotation en personnel, axé sur une économie en pleine croissance, en sera l'élément clé.

[Français]

Nous avons envoyé aux employeurs la lettre que je viens de vous lire et nous leur avons posé des questions.

[Traduction]

Voulez-vous participer à la création directe d'emplois? Certains d'entre eux ont répondu oui, nous allons mettre sur pied une équipe d'employeurs chargés de la création directe d'emplois et du développement de l'économie locale. C'est l'une des réponses qu'ont donné les employeurs. On leur a aussi demandé s'ils souhaitaient équilibrer les demandes et les offres d'emplois dans leur secteur avec celles des autres employeurs. Ils ont répondu par l'affirmative. Êtes-vous prêts à organiser un marché local de l'emploi à court, à moyen et à long terme? A-t-on demandé à l'un d'entre eux. Oui, a-t-il répondu, et il a laissé son nom et le numéro de téléphone de son entreprise.

C'est la nouvelle grande idée en vue de développer l'économie et de promouvoir les emplois au début de l'an 2000. Je vous remercie.

Le président: Merci, madame Bokya-Lokumo.

Nous allons maintenant entendre la présidente du Comité canadien d'action sur le statut de la femme, Joan Grant-Cummings. Soyez la bienvenue.

Mme Joan Grant-Cummings (présidente, Comité canadien d'action sur le statut de la femme): Je vous remercie. Nous sommes heureux de nous représenter devant vous.

Je commencerai mon exposé en le rapprochant de deux événements qui ont eu lieu cette année. Au début de l'année, le gouvernement, les provinces et les territoires nous ont présenté un cadre d'union sociale. Les principes qui devaient sous-tendre cette union sociale canadienne devaient refléter les valeurs fondamentales du Canada, qui sont l'égalité, le respect de la diversité, l'équité, la dignité et la responsabilité individuelle, l'entraide mutuelle et le sens des responsabilités envers autrui.

De plus, dans son récent exposé économique et financier, le ministre Martin a indiqué que bien qu'essentielle, la responsabilité budgétaire ne saurait constituer en soi la route de l'avenir. Comment conférer à tous les Canadiens les mêmes chances de réussite?

On a beaucoup glosé au sujet du fait que nos budgets appartenaient à une époque postérieure au déficit ou du moins postérieure au déficit financier. Nous ferons porter avant tout notre exposé sur la nécessité de remédier au déficit social, qui s'est creusé ces cinq dernières années. Certes, nous pourrions nous targuer d'avoir remis de l'ordre dans notre maison et réussi à obtenir un excédent, mais il est indéniable que certains Canadiens ne retirent aucun profit de cette remise en ordre et de la conjoncture économique que l'on dit être en pleine expansion.

J'aimerais vous dire deux mots de la place des femmes dans l'économie. Même si le gouvernement, des députés et certains membres de la société estiment que l'on a bien progressé sur la voie de l'égalité des femmes, toutes les femmes n'en voient pas la couleur dans leur vie quotidienne. C'est tout particulièrement vrai dans la nouvelle économie. Dans son dernier rapport, le Conseil national du bien-être nous répète que plus de cinq millions de Canadiens sont pauvres et que 70 p. 100 d'entre eux sont des femmes, et plus particulièrement les femmes seules, jeunes et mères de familles monoparentales.

• 0940

Bien entendu, nous connaissons le problème de la pauvreté des enfants. Il est plus facile d'en parler parmi vous que de la pauvreté des femmes parce que cela ne vous oblige pas à aborder les questions relatives à la condition féminine. Vous avez plus de facilité à traiter des questions relatives aux enfants.

Il n'en reste pas moins que dans la nouvelle économie, ce sont les emplois non traditionnels qui ont enregistré la plus forte croissance, et 75 p. 100 de ces emplois sont occupés par des femmes. Cela a eu des répercussions sur la santé financière des femmes. Vous êtes tous certainement au courant de la dernière étude qui nous révèle, par exemple, que dans la catégorie tant vantée des femmes qui travaillent à leur compte—des femmes chefs d'entreprises—les trois quarts d'entre elles gagnent 15 000 $ dans cette catégorie des personnes dites à leur compte. Dans cette même catégorie, les hommes gagnent en moyenne 25 000 $. Nous continuons à subir des différences de salaire et, selon les catégories, on peut tomber à 50c. pour les femmes récemment immigrées, contre 73c. pour les autres. La bataille n'est donc pas encore gagnée.

Étant donné que les femmes occupent la majorité des emplois non traditionnels—à temps partiel, limités, saisonniers, toute cette nouvelle catégorie d'emplois indépendants—les effets se font sentir directement, non seulement sur nos revenus, mais aussi sur les prestations que nous pouvons toucher, notamment l'accès à la nouvelle assurance-emploi. Trente-trois pour cent seulement des femmes de notre pays peuvent bénéficier de l'assurance-emploi et, dans certaines provinces, la situation est encore pire. En Ontario, c'est 25 p. 100. À Regina, c'est 19 p. 100.

Le fait que 40 p. 100 seulement des femmes peuvent prétendre aux allocations de maternité dans le cadre de la nouvelle assurance-emploi est une nette régression pour les femmes au sein de notre économie, et cette situation est directement liée au fait que les femmes occupent de plus en plus des emplois non traditionnels. Dans bien des cas, le nombre d'heures de travail exigées par le nouveau système nous empêche de pouvoir prétendre à l'assurance-emploi.

En attendant que nous nous dotions de nouvelles technologies ou de meilleures politiques familiales, les femmes continuent à assumer le rôle principal pour ce qui est d'élever les enfants. C'est nous qui continuons à nous occuper des personnes âgées, des malades dans nos familles, et qui prenons des congés pour le faire. Cela nous empêche de pouvoir prétendre à l'assurance-emploi.

Nous tenons donc bien entendu à vous recommander avant tout d'apporter des changements au régime actuel de l'assurance-emploi pour qu'au moins 70 p. 100 des travailleurs au chômage puissent prétendre à en bénéficier.

Il faut que le gouvernement se penche sur la question des allocations de maternité pour les femmes dans le cadre du nouveau régime d'assurance-emploi. Nous ne pouvons plus accepter une situation dans laquelle seulement 44 p. 100 qui sont en congé de maternité sont en mesure de toucher ces allocations. Nous cotisons à ce régime. Élever un enfant chez soi n'a rien à voir avec le fait d'être au chômage ou non. C'est un travail que d'élever des enfants qui, plus tard, seront employés avec profit dans notre économie. Alors que nous souhaitons les intégrer à notre économie et les faire travailler en usine ou dans nos conseils d'administration, nous nous en désintéressons complètement jusqu'à ce qu'ils aient atteint l'âge de 16 ou 18 ans.

Le ministre a par ailleurs indiqué que nous avions des provisions en cas d'urgence et un budget excédentaire. Les Canadiennes attendent depuis suffisamment longtemps un programme national de garderies. On nous a présenté un cadre d'union sociale. Le CCA estime, comme la plupart des groupements de femmes que nous connaissons, de même que les défenseurs de la cause des enfants, qu'il convient de mettre à profit d'une manière ou d'une autre ce cadre d'union sociale.

Nous recommandons donc que l'on mette en place un nouveau programme social à l'aube du nouveau millénaire, sous la forme d'une stratégie nationale de développement de la petite enfance, ce qui engloberait un programme de garderies.

Les femmes ont voté en masse pour les Libéraux en 1993 parce qu'ils avaient fait cette promesse. Chacun se débarrassant sur les autres de ses responsabilités financières, la situation des garderies a empiré au niveau municipal, parce qu'à chaque palier, moins d'argent est affecté à l'économie sociale. Le problème des garderies n'a pas encore été résolu et c'est l'un des facteurs qui empêchent les femmes d'accéder au marché de l'emploi. C'est aussi une condition importante de développement de l'enfant pour les femmes qui restent à la maison.

Nous considérons qu'il nous faut cesser de nous bercer de mots au sujet des enfants et des garderies et qu'il convient maintenant de passer à l'action. L'un des moyens les plus simples et les plus sûrs de passer à l'action, c'est finalement pour le Canada de cesser de traîner les pieds par rapport à l'Europe et à une partie des États situés au sud de notre frontière, et de mettre en oeuvre ce programme national de garderies.

• 0945

Par ailleurs, le ministre des Finances nous dit qu'une provision a été faite en cas d'urgence, et il y a bien une situation d'urgence. La pauvreté correspond à une situation d'urgence dans notre société. Elle entraîne des problèmes d'alimentation. Elle crée des sans-abri. Nous appuyons la campagne des 1 p. 100 consacrés au logement.

Au plan international, nous avons signé les accords Habitat I et II, qui garantissent à tous les Canadiens un droit au logement, à un abri et à une alimentation garantie. Nous passons sous silence le fait que dans les rues de Toronto, dans le dur climat de l'hiver canadien, on peut découvrir deux ou trois personnes mortes sans y voir une situation d'urgence. C'est une véritable gifle pour les Canadiens qui bénéficient du cadre d'union sociale.

Nous n'avons plus de politique ou de stratégie nationale de logement dans notre pays. Il convient d'y remédier dans ce budget de l'an 2000. On ne peut plus attendre pour régler la situation des sans-abri. Il en va de même des enfants et des femmes ayant des enfants, qui attendent toujours que le gouvernement finisse par se décider à mettre en place une véritable politique familiale englobant un programme national de garderies.

Par ailleurs, le gouvernement parle d'augmenter le nombre d'immigrants alors qu'il y a quelques années il a instauré à l'entrée une taxe individuelle de 975 $, prétextant que cela devait servir à payer l'administration des dossiers des immigrants et leur installation, tout en réduisant par la même occasion les services d'installation de ces immigrants. Nos études nous montrent pourtant à quel point notre économie profite de ces immigrants, qui en assurent la prospérité en achetant des biens et des services.

Il est donc grand temps que vous supprimiez cette taxe individuelle régressive à l'entrée des nouveaux immigrants et réfugiés dans notre pays. Dans la mesure où tous les Canadiens sont intégrés à un cadre d'union sociale auquel ils contribuent tous à leur manière, il n'est pas normal que nous donnions l'impression aux immigrants qu'ils sont un fardeau pour la société, alors qu'en fait ils donnent davantage à la société canadienne qu'ils n'en retirent pour s'y intégrer. Nous réitérons donc la demande que nous faisons depuis trois ans: que l'on supprime cette taxe individuelle.

Le dernier point que je tiens à rappeler nous tient particulièrement à coeur. Voilà dix ans qu'a eu lieu le massacre du 6 décembre. Le CCA est un groupe qui a fait campagne et exercé des pressions sur le gouvernement pour que le 6 décembre soit une date qui permette de rappeler tout particulièrement la violence faite aux femmes. Nous en sommes au dixième anniversaire et, même si le public est mieux sensibilisé et a pris davantage conscience de la question, la violence reste un fléau pour les femmes dans notre société.

Du fait de la crise du logement, du manque de garderies et des inégalités au sein de notre économie, la situation des femmes a empiré, ce qui les empêche de fuir la violence dans leur foyer et de reprendre une vie normale après s'être sorties de situations violentes.

Nous avons demandé à maintes et maintes reprises au gouvernement fédéral de prendre des engagements concrets pour dispenser à la base des services de prise en charge des femmes pour qu'elles puissent surmonter la violence qui leur est faite. Il a été démontré que ces programmes aident à la fois les femmes et le pays tout entier. Il y a un lien direct entre le manque de financement ou l'abandon du financement des services de protection des femmes à la base pour lutter contre la violence qui leur est faite, et le nombre de femmes... Ainsi, en Ontario, 66 p. 100 des femmes interrogées ont déclaré préférer accepter une situation violence au risque de devenir pauvre en abandonnant leur foyer, en raison de l'absence de services ou de refuges au sein de leur collectivité.

Il y a des moyens très concrets, une stratégie très concrète, que nous pouvons employer, qui ont été entérinés par l'ONU. L'ONU elle-même a déclaré que nous avions régressé en appliquant notre stratégie parce que nous nous sommes désintéressés des programmes qui nous permettaient justement d'y parvenir.

Nous répétons le chiffre que nous avons avancé il y a cinq ans. Il nous faudrait investir 50 millions de dollars dans les services de base à l'échelle du pays pour remédier à un certain nombre de ces problèmes et pour apporter des changements à l'administration de notre justice. Voilà ce que nous répétons au ministre des Finances.

Je terminerai en lui rappelant ce qu'il a déclaré le 2 novembre dans sa mise à jour économique et financière:

    Bien qu'essentielle, la responsabilité budgétaire ne saurait constituer en soi la route de l'avenir.

Je vous remercie.

• 0950

Le président: Merci, madame Grant-Cummings.

Nous allons maintenant entendre le vice-président de l'Ontario Coalition of Senior Citizens' Organizations, Hank Goldberg. Soyez le bienvenu.

M. Hank Goldberg (vice-président, Ontario Coalition of Senior Citizens' Organizations): Au nom de l'Ontario Coalition of Senior Citizens' Organizations, je tiens à vous remercier de nous avoir donné l'occasion d'exprimer notre point de vue.

La coalition est une organisation de personnes âgées. Nous avons pour mission d'améliorer la qualité de vie des personnes âgées en Ontario. Nous comptons parmi nos membres 130 organisations de personnes âgées et nous représentons quelque 500 000 personnes âgées en Ontario.

Les personnes âgées sont très préoccupées par le sort de notre pays et de notre société, non seulement pour elles-mêmes, mais pour l'avenir de leurs enfants et de leurs petits-enfants. C'est pourquoi nous jugeons important de participer au budget fédéral de l'an 2000.

Nous considérons qu'il y a quatre domaines qui méritent d'être examinés lors de la planification du budget fédéral de l'an 2000. Il s'agit de l'impôt, de la taxe sur les produits et les services, des soins de santé et des logements pour les sans-abri.

Tout d'abord, sur la question de l'impôt, les personnes âgées, comme la majorité de la population canadienne, ne s'opposent pas à l'impôt. Nous nous opposons toutefois au régime fiscal canadien, qui est régressif et carrément injuste pour la majorité des Canadiens. Ce sont les avantages fiscaux suivants qui grèvent le plus les fonds publics: le taux d'exemption élevé de l'épargne- retraite, la protection accordée aux fiducies familiales et les exonérations d'impôt pour les entreprises. Ces allégements fiscaux ont fait perdre des milliards de dollars au gouvernement. Il convient d'entreprendre une refonte immédiate et globale de toutes les formes d'imposition et d'allégements fiscaux.

Les Canadiens sont outrés par l'injustice et la partialité de la fiscalité dont tirent parti les grosses entreprises. Alors que les banques font des profits records, elles sont moins imposées qu'une personne qui arrive tout juste à joindre les deux bouts. Une part significative du déficit fédéral peut être directement attribuée au report et à la perception insuffisante des impôts sur les entreprises.

À l'heure actuelle, le taux d'imposition fédéral sur les entreprises que prévoit la loi est de 28 p. 100, mais très peu d'entreprises paient un tel montant d'impôt sur leurs bénéfices nets parce qu'elles tirent parti des nombreux allégements fiscaux et autres failles du système pour réduire les sommes effectivement payées. Chaque année, le gouvernement fédéral perd des millions de dollars de recettes qu'il aurait pu percevoir auprès des entreprises.

En 1995, par exemple, la dernière année pour laquelle on dispose de statistiques, 90 415 sociétés ont réalisé des profits au Canada, leurs bénéfices se montant au total à 18,6 milliards de dollars, sans qu'elles aient payé d'impôt sur le revenu. Des milliers d'autres entreprises ont eu une facture fiscale réduite en raison des différents dégrèvements et allégements fiscaux dont elles se sont prévalues. Les pertes de recettes résultant de ces allégements fiscaux ont largement contribué à gonfler la dette nationale du Canada. Ce sont les simples travailleurs qui ont dû combler ce manque à gagner avec leurs impôts et l'érosion de leurs programmes sociaux.

Il conviendrait d'exiger que les sociétés qui réalisent des profits paient leur juste part d'impôt comme le font les simples citoyens du Canada. Nous demandons donc au gouvernement de non seulement percevoir les impôts dus par les sociétés, mais aussi d'augmenter les sommes perçues dans le monde des affaires. Il convient de se pencher de plus près sur les pratiques fiscales des grosses sociétés.

Il est nécessaire par ailleurs de revoir le nombre de tranches et les seuils d'imposition prévus dans le cadre du régime d'imposition des revenus des particuliers. Les changements apportés à notre fiscalité par le gouvernement Mulroney a créé de profondes injustices. On a ramené le nombre de tranches d'imposition de dix à trois entre 1987 et 1989, et le taux d'imposition marginal maximum a été rabaissé de 36 p. 100 à 29 p. 100, le taux inférieur étant porté de 7 p. 100 à 17 p. 100. Ainsi, un contribuable dont le revenu imposable est de 30 000 $ paie l'impôt selon le même taux que quelqu'un qui gagne 59 180 $, et celui qui a un revenu de 60 000 $ est imposé au même taux que quelqu'un qui gagne 200 000 $ ou plus. Voilà qui est injuste. Nous avons besoin d'une fiscalité progressive. Il faut que le système soit équitable et tienne compte de la possibilité de payer de chacun.

La majeure partie de l'épargne privée du Canada est détenue dans les abris fiscaux suivants: REER, régimes de pension et régimes d'assurance-vie. Il convient de changer la réglementation pour exiger que l'argent placé dans les abris fiscaux soit investi au Canada, y compris à la fois dans les obligations du gouvernement et les titres du secteur privé, et que l'on réduise le montant élevé du seuil d'exonération fiscal des placements dans les REER.

Même si l'on affirme que les personnes âgées dépensent moins d'argent que les autres catégories et, par conséquent, sont moins touchées par la taxe de vente sur les produits et les services, si l'on en croit le Conseil consultatif national sur le troisième âge, les personnes âgées dépensent davantage d'argent que toute autre catégorie, généralement sur des articles taxés, pour lutter contre la dégradation de leur état physique et mental. Elles peuvent toutefois de moins en moins se permettre ces achats en raison de l'augmentation des taxes telles que la TPS. Pour une grande part, les personnes âgées n'ont que des revenus faibles ou modestes et n'ont que leur chèque de pension pour vivre. En fait, des statistiques récentes nous révèlent qu'une personne âgée sur cinq est pauvre avec un revenu médian inférieur à 16 000 $.

• 0955

Une étude effectuée récemment par l'université Carleton nous indique que les personnes qui gagnent moins de 10 000 $ consacrent 14,6 p. 100 de leur revenu à la TPS alors que celles qui gagnent entre 100 000 $ et 150 000 $ n'y consacrent que 7 p. 100. En mettant en place une taxe qui pèse le plus lourdement sur les personnes qui doivent consacrer la majeure partie ou la totalité de leur revenu à l'entretien de leur famille, le gouvernement a pu réduire le fardeau fiscal imposé aux riches tout en faisant en sorte que les Canadiens qui n'ont que de faibles revenus, nombre d'entre eux étant des personnes âgées, aient des difficultés à joindre les deux bouts et à faire certaines dépenses indispensables concernant par exemple l'alimentation et les médicaments.

Nous aimerions que la taxe sur les produits et les services soit réduite au minimum de 1 p. 100 et que l'on s'engage dans la voie de sa suppression pure et simple de façon à aider les personnes qui n'ont pas des revenus leur permettant d'acheter les articles dont elles ont besoin en raison des taxes élevées.

En matière de santé, la mise en place du transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux a marqué le début de la fin des normes nationales concernant les soins de santé. La Loi canadienne sur la santé garantit à tous les Canadiens l'accès à un régime de soins de santé universel, global, accessible, transférable et administré par les pouvoirs publics. La Loi canadienne sur la santé nous garantit un régime de soins de santé universel ne comportant aucune facturation supplémentaire et aucun frais d'utilisation. Les dispositions de la Loi canadienne sur la santé empêchent la création d'un système à deux vitesses dans lequel l'accès et la qualité des soins sont fonction des moyens financiers de l'usager.

L'adoption de la Loi canadienne sur la santé n'a pas empêché les provinces de comprimer les crédits accordés aux hôpitaux et à la santé. Des milliers de Canadiens s'aperçoivent que leur santé pâtit du fait de ces compressions. Il convient d'injecter davantage d'argent dans notre régime de soins de santé pour compenser ces compressions et pour nous assurer que le régime continuera à servir les intérêts de l'ensemble des Canadiens.

La dernière question, et ce n'est pas la moins importante, est celle du logement des sans-abri. Dans le budget fédéral de 1999, aucun crédit supplémentaire n'a été affecté au logement social en dépit du fait que la question des sans-abri ait été qualifiée de catastrophe nationale dans différents rapports publiés dans tout le Canada.

Le nombre de sans-abri a augmenté ces dernières années. L'augmentation du coût de l'entretien et de la construction de logements sociaux ainsi que le manque de mesures incitatives favorisant cette construction, laisse de moins en moins le choix en matière de logement aux personnes qui n'ont que des revenus limités. Les personnes âgées font de plus en plus souvent partie de cette catégorie, nombre d'entre elles étant à la retraite et n'ayant que leur pension fédérale pour unique source de revenu, ce qui n'est même pas suffisant pour qu'elles puissent subvenir à leurs besoins essentiels. Il convient de consacrer des crédits au logement pour que des logements abordables et décents puissent être mis à la disposition des milliers de Canadiens qui n'en ont pas.

L'OCSCO appuie la motion M-604 déposée par le député Libby Davies à la Chambre des communes, qui propose que le gouvernement fédéral élabore une stratégie fédérale en matière de logement et y consacre 1 p. 100 de son budget. Nous vous invitons instamment à appuyer la stratégie fédérale en matière de logement pour garantir que des crédits soient prévus dans le budget de l'an 2000 afin de remédier à cette catastrophe nationale.

Je tiens à vous remercier, au nom de notre organisation, de nous avoir écouté vous exposer aujourd'hui notre point de vue sur ces questions. L'élaboration du budget de l'an 2000 implique des décisions qui nous touchent tous. Nous sommes tout à fait convaincus que des options viables existent pour remédier à la crise financière, économique et sociale de ces dix dernières années. Il nous appartient d'examiner équitablement et de manière impartiale toutes les options qui se présentent.

N'oublions pas que nous avons le choix. Les choix que nous ferons en dernière analyse décideront du type de société dans laquelle nous allons vivre.

Je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur Goldberg.

Nous allons maintenant passer aux questions. Vous disposerez chacun à votre tour de sept minutes.

Monsieur Epp et monsieur Solberg, je crois savoir que vous allez partager le temps qui vous est imparti.

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Merci, monsieur le président, et je remercie aussi les intervenants qui sont ici aujourd'hui.

Je vais poser une première question à M. Goldberg. Vous semblez appuyer une grande partie de votre démonstration sur le fait que les riches ne paient pas suffisamment d'impôt au Canada et que les banques, par exemple, ne versent pas assez d'impôt.

• 1000

Toutefois, la documentation que j'ai pu consulter m'indique, par exemple, que les 1 p. 100 de la tranche supérieure de revenus paient aujourd'hui 17 p. 100 de l'ensemble des impôts au Canada. Les 10 p. 100 de la tranche supérieure des contribuables, qui sont les Canadiens qui gagnent plus de 50 000 $, paient 50 p. 100 de tous les impôts. Sur la foi de ces statistiques, qui nous viennent de Revenu Canada, je me demande ce qui vous permet de dire que ces gens ne paient pas leur juste part d'impôt.

M. Hank Goldberg: Selon notre raisonnement, ce sont les gens qui sont le moins en mesure de payer qui continuent à payer la majorité de l'impôt. Nous considérons que les grosses sociétés bénéficient d'énormes dégrèvements fiscaux.

M. Monte Solberg: Bon, pour commencer...

M. Hank Goldberg: Nous savons que certains particuliers paient leur part d'impôt, mais nombre d'entre eux ne paient pas ce qu'ils devraient normalement payer étant donné les nombreux dégrèvements dont ils disposent compte tenu de leur assiette fiscale. Celui qui a des revenus tirés d'actions, de dividendes ou autres choses de ce type, paie moins d'impôt sur les dollars qu'il gagne. Tous les dollars ne se valent pas.

M. Monte Solberg: Je viens toutefois de vous citer des chiffres. L'impôt sur le revenu tient compte des gains en capitaux.

Je pense qu'il est important de tenir compte des faits ici. Vous faites des affirmations mais vous ne les appuyez pas sur des preuves. Je vous dis que les 1 p. 100 de contribuables de la tranche supérieure de revenus au Canada paient 17 p. 100 de l'ensemble des impôts et que les 10 p. 100 de la tranche supérieure, ceux qui gagnent plus de 50 000 $—ce qui n'est pas beaucoup d'argent à l'heure actuelle, ajouterais-je—en paient 50 p. 100.

Vous venez de nous dire que, dans leur majorité, les Canadiens à faibles revenus paient la plus grande partie des impôts. Vous venez de nous le dire il y a une minute.

M. Hank Goldberg: Effectivement.

M. Monte Solberg: Comment pouvez-vous affirmer une telle chose sans preuve et sans vous appuyer sur des faits? Vous venez de faire une simple affirmation.

M. Hank Goldberg: Je n'ai pas les preuves sur moi, mais les études, l'information dont nous disposons, nous indiquent qu'ils ne paient pas leur juste part d'impôt.

M. Monte Solberg: À propos, qu'est-ce qu'une «juste part»?

M. Hank Goldberg: J'imagine qu'avec tous les dégrèvements fiscaux dont certains bénéficient, et tout dépend du genre de gains que l'on fait... chaque dollar de gain n'est pas traité de la même manière. Si je gagne 1 $ en travaillant, je paie l'impôt sur le dollar que j'ai gagné. Si je gagne un dollar de dividendes, je ne paie pas le même montant d'impôt; il est moindre. Cela n'est pas pris en compte pareillement par l'impôt sur le revenu.

M. Monte Solberg: Mais selon les chiffres, je vous le répète...

M. Hank Goldberg: Je me rends bien compte des chiffres. Certes, vous nous dites que les 1 p. 100 de la tranche supérieure de revenus paient 17 p. 100, mais il est possible qu'ils devraient payer 20 p. 100 ou 30 p. 100 si chaque dollar de gain était considéré de la même manière.

M. Monte Solberg: Donc, si les catégories les plus faibles de revenus... et je vous accorde que ces catégories paient trop d'impôt. Je suis bien d'accord. Toutefois, nous avons un excédent budgétaire, et pourquoi pas par conséquent baisser les impôts de tous les Canadiens? Que trouvez-vous à y redire? Est-ce que cela n'aiderait pas les Canadiens, à quelque catégorie qu'ils appartiennent, en créant davantage d'activité au sein de l'économie?

M. Hank Goldberg: Nous soutenons que ce sont les contribuables des catégories inférieures et moyennes de revenus qui doivent bénéficier des réductions fiscales, et non pas les gens qui gagnent 100 000 $, 200 000 $ ou 300 000 $. Ces derniers se débrouillent déjà assez bien comme ça.

M. Monte Solberg: Je voudrais rapidement reprendre votre affirmation—et je passerai ensuite la parole à mon collègue—selon laquelle les banques ne paient pas leur juste part d'impôt. Vous n'ignorez pas que les banques sont les entreprises les plus imposées au Canada. Dans le secteur des services financiers, 56 p. 100 des bénéfices avant impôt vont au fisc. Vous en êtes bien conscient?

M. Hank Goldberg: Ce que j'ai entendu dire, c'est qu'elles obtiennent des réductions d'impôt. Lorsqu'elles font appel de leurs taux d'imposition, il semble qu'elles parviennent à payer moins d'impôt, tout particulièrement ici à Toronto, où nous avons constaté qu'elles payaient moins d'impôt foncier en raison des dégrèvements qu'elles ont réussi à obtenir. Il y a des échappatoires qui leur permettent de ne pas payer sur chaque dollar qu'elles gagnent ce que tout le monde doit payer.

M. Monte Solberg: Vous êtes bien conscient aussi du fait qu'elles emploient quelque 270 000 personnes et que presque tout le monde, ce qui est probablement le cas de toutes les personnes ici présentes, tirent profit des bénéfices réalisés par les banques. Tous ceux qui possèdent un fonds commun de placement, un REER ou autre en bénéficient, y compris les cotisants aux fonds de pension, dont bon nombre appartiennent à de petits syndicats et ne gagnent pas beaucoup d'argent. Ils profitent des bénéfices ainsi réalisés. Vous en êtes conscient—c'est le cas en particulier des personnes âgées.

M. Hank Goldberg: Eh bien, je n'en suis pas sûr. Parmi les personnes âgées auxquelles j'ai pu parler, il n'y en a pas beaucoup qui ont de l'argent placé dans des actions ou des fonds communs de placement.

M. Monte Solberg: Cela m'étonne.

M. Hank Goldberg: Cela ne m'étonne pas lorsqu'on sait qu'une sur cinq vit au niveau ou au-dessous du seuil de la pauvreté.

• 1005

M. Monte Solberg: Autrement dit, selon vos propres chiffres, 80 p. 100 d'entre elles ne sont pas pauvres.

M. Hank Goldberg: Nous n'avons pas subdivisé les différentes catégories. Certaines d'entre elles ne sont peut-être pas pauvres mais elles ne sont pas très loin du seuil de la pauvreté.

Le président: Je tiens à vous signaler que celui qui vient de poser les premières questions a épuisé 80 p. 100 du temps imparti.

Monsieur Epp.

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Les 10 p. 100 de la tranche supérieure paient 80 p. 100 des impôts.

Merci, monsieur le président.

Je vous remercie tous de vos exposés, qui m'ont paru très intéressants. J'ai pris un certain nombre de notes. Je n'ai pas le temps de m'adresser à chacun d'entre vous, mais j'aimerais interroger brièvement Mme Heineck au sujet des sans-abri.

Vous avez fait un excellent exposé. J'ai particulièrement apprécié le fait que, si je vous ai bien compris, vous oeuvrez directement auprès de ces gens.

J'aimerais que vous répondiez à une simple question. Selon vos estimations, quelles sont les différentes raisons pour lesquelles tous ces gens n'auront pas d'endroit pour dormir cette nuit à Toronto? Pourquoi ces gens sont-ils sans-abri? Je ne sais pas si vous pouvez me répondre.

Mme Kira Heineck: Vous voulez savoir la raison pour laquelle ils doivent dormir dehors cette nuit ou la raison pour laquelle ils se sont retrouvé sans-abri au départ?

M. Ken Epp: Pourquoi sont-ils sans-abri? Quel est le pourcentage de jeunes qui se sont enfuis de chez eux? Quel est le pourcentage de malades mentaux? Quel est le pourcentage de personnes séparées de leur famille pour d'autres raisons, etc.?

Mme Kira Heineck: Il y a différentes statistiques à ce sujet, mais je vous répète qu'il est très difficile de recueillir des chiffres exacts. Le rapport Golden, que votre gouvernement a en fait financé, en donne un grand nombre. Il fournit effectivement une très bonne description de la catastrophe touchant les sans- abri.

Je soutiens toutefois que ce n'est pas nécessairement la bonne façon de voir les choses étant donné que la seule différence véritable entre les multiples catégories de gens qui se retrouvent dans la rue, c'est le fait qu'elles soient sans-abri.

Nombre de gens qui ont des difficultés familiales, qui sont drogués ou qui souffrent de maladies mentales restent logés et bénéficient, à des degrés divers, bien entendu, d'un certain soutien. Ces personnes ne sont pas dans la rue tout simplement parce qu'elles ont un logement. Quant aux personnes que l'on va retrouver cette nuit ou la nuit prochaine dans les parcs, au coin de la rue ou sur les grilles des chaufferies, si elles sont là c'est uniquement parce qu'elles n'ont pas d'abri et de logement convenables.

M. Ken Epp: Très bien. Ce que je voudrais, c'est connaître les raisons à la base. Je pense que le temps va nous manquer, car mon temps est pratiquement écoulé.

J'ai une dernière question à vous poser. Si vous étiez roi, mais bien entendu nous n'avons pas de roi...

Mme Kira Heineck: Ou reine.

M. Ken Epp: ...au Canada. Si vous étiez reine... le dirigeant suprême, le premier ministre, disons, et si vous aviez les moyens de résoudre ce problème, que feriez-vous?

Mme Kira Heineck: Je construirais des maisons. Je commencerais dès demain à construire des logements abordables. En 1995 en Ontario, sur une simple signature du premier ministre Harris, la construction de quelque 17 000 logements à but non lucratif et coopératifs a été abandonnée. Je rétablirais la situation. Certaines fondations ont déjà été posées. Nous pourrions construire suffisamment de logements l'année prochaine pour abriter 80 p. 100 de ces personnes.

Je mettrais en place une stratégie nationale du logement associant tous les paliers de gouvernement mais suffisamment souple pour apporter des solutions locales aux différentes populations. Nous pouvons revenir ici à votre première question. Un certain pourcentage de gens ont besoin d'un soutien spécial en raison de leurs incapacités physiques ou mentales. J'engloberais cependant cette question dans un programme d'initiative nationale pour que les services fournis soient suffisants à l'échelle du pays.

M. Ken Epp: Mon temps est écoulé. Je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur Epp.

Nous allons passer à M. Szabo, suivi de Mme Guarnieri puis de M. Graham, et nous donnerons ensuite la parole à M. Brison, le tout devant durer 20 minutes.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci à tous.

J'aimerais que vous me donniez votre avis sur la question des sans-abri et la nécessité de disposer de logements abordables. Dans la structure actuelle de nos logements sociaux, il y a une règle qui veut que l'on ne peut pas regrouper systématiquement toutes les personnes à faible revenu. Il faut les intégrer à des logements occupés par des personnes qui paient le prix du marché. Dans la pratique, 60 p. 100 des locataires des logements sociaux paient le prix du marché et 40 p. 100 des loyers subventionnés ou calculés en fonction de leur revenu, ceci de façon à ne pas créer d'ostracisme, par exemple. C'est un modèle intéressant, mais je me demande si pour avoir un logement les gens ne devraient pas accepter d'afficher le fait qu'ils sont dans une mauvaise passe. Pourquoi une partie de nos logements sociaux devraient-ils être occupés par des gens qui n'en ont pas besoin ou qui ont les moyens de payer un loyer ailleurs?

• 1010

Mme Kira Heineck: Je pense que vos commentaires et vos questions appellent différentes réponses. Tout d'abord, nous n'avons pas seulement affaire à une catastrophe touchant les sans- abri, mais aussi à une véritable crise généralisée du logement. Bien des gens paient un loyer que nous pouvons juger comme étant conforme au marché dans ces logements sociaux et coopératifs, alors que pourtant ils restent inférieurs à ceux qui seront payés sur le marché privé. Ils sont protégés contre le risque de devenir sans- abri, ce qui ne serait pas le cas si ces logements n'existaient pas. Je pense qu'il faudrait pouvoir mettre sur le marché, dans le cadre de la stratégie nationale sur le logement, davantage de logements abordables dont les loyers sont fixés au prix du marché de même qu'un plus grand nombre de logements subventionnés destinés aux pauvres et aux assistés sociaux.

Quant à votre affirmation selon laquelle nous ne devrions pas nous inquiéter de savoir si les gens vont se sentir ostracisés parce qu'ils vivent dans des logements sociaux, je vous répondrai que 99 p. 100 des gens qui dorment sur le trottoir se fichent bien de ce que l'on va penser d'eux à partir du moment où ils peuvent dormir au chaud, en toute sécurité.

M. Paul Szabo: J'ai une dernière question à vous poser. On peut lire dans le rapport Golden que quelque 42 p. 100 des sans- abri de Toronto ne sont pas originaires de cette ville; c'est la ville qui les attire. Cela m'amène à bien des réflexions, l'une d'entre elles étant que certaines collectivités ne s'occupent pas de leurs ressortissants. Cela me fait penser aussi à la loi de l'offre: il suffit de construire et les utilisateurs viendront. Il semble que l'on ait construit et que les utilisateurs n'aient pas manqué.

Quelqu'un a-t-il une stratégie pour contrer le magnétisme qu'exerce la ville de Toronto?

Mme Kira Heineck: Je pense, là encore, que la stratégie nationale sur le logement que nous proposons répond à ces questions. J'ajouterais aussi qu'à partir du moment où elle est le centre économique du pays, cette ville va toujours attirer davantage de gens que d'autres centres, dont certains ne réussiront pas à s'en sortir et auront besoin, bien évidemment, de services d'aide. Il n'en reste pas moins qu'une stratégie nationale du logement permettrait à des villes comme Barrie, Peterborough ou North Bay—là encore, je suis davantage familiarisé avec les données concernant l'Ontario—de construire les logements abordables dont elles ont besoin alors qu'elles ont par ailleurs des logements libres... la différence entre le prix des loyers et ce que les pauvres peuvent payer y est quand même encore plus grande qu'à Toronto. Si donc on assure un certain équilibre dans ces villes en les dotant de suffisamment de logements abordables, moins de gens émigreront vers le centre.

Toutefois, il y a aussi un facteur important, qui a trait aux problèmes posés à l'échelle nationale par les montants d'assistance sociale, leur équité, ainsi que d'autres problèmes posés par la pauvreté et le fossé qui existe entre les riches et les pauvres, auquel il convient là aussi de remédier sur un plan général.

Le président: Merci, monsieur Szabo.

Madame Guarnieri.

Mme Albina Guarnieri (Mississauga-Est, Lib.): Merci, monsieur le président.

Ma question s'adresse à Mme Joan Grant-Cummings. Vous vous fixez dans votre mémoire l'objectif louable d'amener les catégories défavorisées de la société canadienne à partager les ressources de notre pays. Je pense que personne dans cette pièce ne peut être contre cet objectif. Vous vous opposez toutefois dans votre mémoire aux réductions d'impôt, vous êtes évidemment contre toute suppression de la surtaxe de 5 p. 100 qui s'applique aux hauts revenus et parallèlement vous réclamez une équité fiscale et des programmes venant aider les familles n'ayant qu'un seul revenu. Vous nous avez dit dans votre exposé qu'il fallait cesser de se bercer de mots et vous vous êtes montrée très préoccupée par la situation des femmes au foyer.

Une réduction d'impôt pour les catégories moyennes de revenus répondrait à votre souci d'équité et harmoniserait en partie les traitements fiscaux accordés aux familles à un seul et à double revenu lorsque le revenu du foyer est le même. J'ajoute par ailleurs que l'on tiendrait compte ainsi du travail non rémunéré effectué par les femmes au foyer en évitant d'imposer plus lourdement le revenu de la famille lorsque la femme reste à la maison. Comment se fait-il que votre organisation n'est pas favorable à des changements aussi positifs pour les femmes dans notre pays?

• 1015

Mme Joan Grant-Cummings: Quels changements positifs?

Mme Albina Guarnieri: Une réduction d'impôt s'appliquant aux catégories moyennes de revenus avantagerait certainement les femmes qui restent à la maison ou qui décident de travailler à la maison. Pourquoi y êtes-vous opposée?

Mme Joan Grant-Cummings: Nous n'avons jamais dit que nous nous y opposions.

Mme Albina Guarnieri: J'ai donc mal lu votre mémoire.

Mme Joan Grant-Cummings: Nous avons toujours soutenu que les femmes avaient le droit de rester au foyer pour élever leurs enfants et qu'elles avaient aussi le droit d'aller travailler lorsqu'elles avaient des enfants. Nous nous opposons, par contre, à ce que l'on crée des catégories de femmes méritantes ou non selon les cas.

Ainsi, une mère de famille vivant seule qui bénéficie de l'assistance sociale est traitée comme si elle représentait un fardeau pour la société alors qu'une mère de famille ayant des revenus moyens qui décide de rester chez elle pour élever ses enfants... notre société n'accorde pas la même valeur à cette femme qu'à la mère qui élève seule ses enfants en bénéficiant de l'assistance sociale. Par conséquent, si l'on envisage des dégrèvements fiscaux, il va falloir nous attaquer à cette inégalité de traitement conférée à ces deux mères, parce que nous n'avons pas l'impression que notre société accorde la même valeur à ces deux mères qui élèvent leurs enfants.

Nous nous félicitons par exemple de l'existence de la prestation nationale d'impôt pour enfants, que nous considérons comme une stratégie importante de lutte contre la pauvreté des enfants, mais les femmes qui sont à l'assistance sociale ne peuvent en bénéficier et certaines catégories de personnes qui en bénéficient doivent ensuite la rétrocéder. Une fois de plus, nous établissons des catégories et c'est nous qui décidons si une mère est méritante ou non ou si telle famille ou tel foyer de travailleurs est pauvre.

C'est ce manque d'équité qui nous rend très méfiantes, au sein du mouvement des femmes, lorsque le gouvernement nous parle de faire une fleur à toutes ces merveilleuses femmes qui travaillent chez elles par opposition aux femmes ayant de faibles revenus, parce que tout cela n'est pas fait avec impartialité.

Nous l'avons dit par le passé, effectivement, il serait probablement justifié que les personnes à revenus modestes et faibles au sein de notre collectivité bénéficient d'une réduction fiscale, parce que nous sommes d'accord avec Hank Goldberg pour dire qu'elles paient davantage dans notre société. La question ne se pose pas pour nous. Toutefois, s'il s'agit de mettre en place une fiscalité qui prenne en compte la politique familiale, il faut que chacune d'entre nous puisse profiter de ce régime fiscal. Pour l'instant, aucun régime fiscal qui nous est proposé ne cherche à remédier aux inégalités entre ces deux catégories de mères de famille.

Mme Albina Guarnieri: D'aucuns affirmeront que dans votre mémoire vous nous donnez en fait bien des raisons, non seulement de nous opposer aux réductions fiscales, mais en fait d'augmenter largement les impôts. Sur votre liste de dépenses figure un programme national de garderies, les soins médicaux, les soins à domicile, l'augmentation de la prestation d'impôt pour enfants, le logement social, la suppression de la taxe individuelle pour les immigrants, et davantage de subventions pour les groupes de pression.

Avez-vous chiffré ce programme? Combien en coûterait-il aux foyers de contribuables moyens du Canada s'il fallait combler votre liste de voeux?

Mme Joan Grant-Cummings: Ce n'est pas une liste de voeux; c'est une stratégie. En parlant d'égalité, nous exposons les différentes stratégies permettant de mettre en oeuvre cette égalité dans notre société. Lorsqu'on parle de mettre en oeuvre une politique d'égalité, nous visons une égalité d'accès aux soins de santé, aux garderies, au logement et à la nourriture, etc. Nous considérons que la première responsabilité des gouvernements est de garantir à chacun d'entre nous une possibilité d'accès à tous ces programmes sociaux et ces services publics qui facilitent notre participation à la société canadienne.

En ce qui me concerne, je considère que la stratégie que préconise ce document est la seule façon pour nous d'avoir un cadre d'union sociale. Si chacun d'entre nous n'a pas accès à ces services sociaux et à ces services publics quand il en a besoin, certains vont se retrouver laissés pour compte. C'est pourquoi nous avons une crise des sans-abri. C'est pourquoi nous avons un problème de garderies. C'est pourquoi notre fiscalité est injuste.

Il ne s'agit pas là simplement pour nous d'une liste de voeux qui coûte cher. Nous considérons que ce sont là des structures positives au sein de notre société qui nous permettent de faire avancer l'égalité et la participation de tous les Canadiens.

Nous avons pris de l'argent dans le régime de l'AC pour réduire le déficit et qu'en est-il résulté? Les travailleurs au chômage sont devenus invisibles et sont laissés de côté par notre société. Nous n'avons pas de stratégie nationale du logement, ce qui fait que nous enregistrons aujourd'hui près de 300 000 sans- abri. En fait, ce qu'il nous faut faire aujourd'hui nous coûte plus cher.

Nous disons que toutes ces choses finiront par nous coûter moins cher à long terme et nous ne pouvons pas continuer à orchestrer un excédent budgétaire sur le dos de catégories entières de la population de notre pays. Nous ne pouvons tout simplement pas continuer à nous vanter de cet excédent et de notre bonne fortune alors que ce sont les personnes défavorisées au coeur de notre société qui en paient le prix. Voici ce que nous disons.

• 1020

Mme Albina Guarnieri: Je ne pense pas qu'il y ait quelqu'un qui s'oppose aux objectifs méritoires que vous vous êtes fixés. Toutefois, vous n'avez pas vraiment pris la peine de chiffrer le coût de toutes les mesures que vous avez mentionnées. Par ailleurs, dans votre mémoire...

Mme Joan Grant-Cummings: Nous appuyons le budget fédéral de rechange, et c'est dans ce cadre que les groupements de femmes chiffrent le coût des mesures pouvant être mises en place. Je pense que le budget fédéral de rechange est très très clair à ce sujet. Le ministre Martin en est parfaitement conscient et c'est la stratégie financière qui est la nôtre sur tous les points que vous avez soulevés.

Mme Albina Guarnieri: Je vous fais simplement remarquer que vous nous avez conseillé dans votre mémoire d'éviter de débiter des platitudes, et j'ai suivi votre conseil à la lettre. Je considère que même si tous ces objectifs sont méritoires, il convient en dernière analyse de rester raisonnable d'un point de vue fiscal.

Mme Joan Grant-Cummings: C'est de ça qu'il s'agit. C'est raisonnable d'un point de vue fiscal. Notre façon d'être raisonnable sur le plan fiscal, c'est de garantir à la population canadienne un abri, la nourriture et l'accès aux soins de santé.

Le président: Merci, madame Guarnieri.

Nous donnons maintenant la parole à M. Graham.

M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'ai trois questions à poser, chacune à une personne différente. Je vais les poser toutes les trois en même temps, et les témoins pourront ensuite éventuellement faire la synthèse.

La première s'adresse à Mme Brooks, de l'association nationale de la femme. C'est une question qui porte sur la procédure. Vous avez déclaré au début de votre intervention que vous n'étiez pas satisfaite de la procédure et que vous aimeriez pouvoir vous adresser directement au ministre. Ne craignez-vous pas que si l'on procédait ainsi, vous n'auriez plus la possibilité d'influer sur les députés et qu'en les laissant de côté on créerait un système où tout passe par le haut plutôt que de faire participer tout le monde, y compris les députés de l'opposition, nous-mêmes, et d'autres qui n'appartiennent pas au ministère?

L'un des grands avantages de cette procédure—et je ne siège pas normalement au sein de ce comité, mais j'en juge par ce qui se passe dans mon propre comité—c'est de faire en sorte que la population entre en contact avec les députés et qu'il y ait un débat d'idées. Votre proposition m'apparaît quelque peu antidémocratique et dirigée à partir du haut. Je voulais simplement vous faire connaître ma réaction. Vous pourriez peut-être y apporter un commentaire.

Ma deuxième question s'adresse à tous les témoins qui... On me signale dans ma circonscription que la prestation d'impôt pour enfants, qui aide de nombreuses femmes, est désormais reprise par le gouvernement provincial, qui l'impose en retour. J'aimerais que l'un d'entre vous me dise quelles sont les conséquences de cette situation pour les femmes et ce qu'il en pense. Ce sont là deux questions à votre intention.

L'autre question s'adresse à M. Krehm. Monsieur Krehm, vous êtes bien sûr un de mes administrés, un membre tout à fait éminent de ma circonscription, et je suis donc très heureux de vous voir ici aujourd'hui. Vos opinions monétaires sont bien connues. Normalement, je ne siège pas au sein de ce comité. Je regrette que vous ayez cru devoir encourager M. Brison et M. Solberg en disant que M. Martin n'a aucune idée de ce qui se passe, mais laissons cette question pour un instant.

Je voudrais cependant vous demander...

M. William Krehm: [Note de la rédaction: Inaudible]... n'a aucune idée.

M. Bill Graham: C'est justement ce qui m'inquiétait. Toutefois, avant de poser ma question, je ferai l'observation suivante. J'ai particulièrement apprécié votre analyse des mécanismes comptables du gouvernement fédéral. Je ne sais pas ce qu'en pensent les membres de ce comité, mais j'ai pu constater que ces comptes étaient totalement inaccessibles, impénétrables et incompréhensibles, si tant est qu'ils soient justes.

Tout ce qui pourrait les rapprocher des méthodes comptables normales serait utile. C'est toutefois avec une légère inquiétude que je vous ai entendu dire que nous pourrions utiliser un montant révisé de nos investissements pour dépenser de l'argent. Je soutiens qu'il y a évidemment une différence entre les liquidités du gouvernement et son capital immobilisé.

Je vais poser une dernière question et vous pourrez ensuite répondre ensemble. Puis-je procéder ainsi, monsieur le président?

[Français]

Ma dernière question s'adresse à Mme Bokya-Lokumo. Vous êtes une francophone d'Afrique, si je comprends bien.

Mme Monique Bokya-Lokumo: Oui, une francophone d'Afrique.

M. Bill Graham: Actuellement, à Toronto, il se trouve beaucoup de francophones d'origine africaine, et je me demande si votre organisation reconnaît la spécificité des problèmes de cette communauté. Est-ce qu'il y a actuellement à Toronto un certain noyau de communautés qui ont des besoins différents de ceux d'autres communautés, besoins que saurait combler votre proposition économique?

Mme Monique Bokya-Lokumo: Puis-je commencer ma réponse, monsieur le président?

• 1025

Comme vous le savez, j'ai une formation d'organisatrice communautaire et je connais les besoins d'une communauté. Dans le cadre de la création d'emplois, c'est la communauté, qui connaît les besoins des gens qui la composent, qui va prendre soin de ces gens. Que signifie le mot «communauté»? Monsieur, vous m'avez parlé de la communauté africaine, mais la mondialisation des individus va dépasser les communautés elles-mêmes. Demain on n'aura plus d'Africains, de Chinois, de Canadiens français ou d'anglophones. On aura l'être humain, l'humanité là où elle est. En tant qu'humanité de demain, nous devons donner des réponses qui seront adaptées à l'humanité de demain.

On devra faire face aux besoins des Africains, parce qu'ils seront là, mais les Africains ont les mêmes besoins que tous les Canadiens, qu'ils soient noirs, blancs ou rouges. Nous avons les mêmes besoins humains. Qu'on soit d'origine africaine ou autre, on a besoin de travailler. Ce n'est pas Ottawa ou Mike Harris, mais la communauté qui doit prendre soin de ses membres.

Dans le cadre de la création d'emplois, on ne va pas regarder pour voir si un employeur est un Chinois ou un Africain. D'ailleurs, une personne qui a répondu yes au projet était un Chinois. L'autre personne qui a répondu yes était originaire d'Angleterre. Nous ne faisons pas de différence. Nous aidons autant un Africain qu'un Chinois ou une personne d'une autre nationalité, car nous voulons nous occuper de tous les êtres humains.

Donc, la communauté doit s'occuper de ses membres et leur créer des possibilités d'emploi. Le Canada est multiculturel. Nous avons en main une richesse immense. Mettons cette richesse en branle, mais ne nous disons pas qu'un Africain doit manger et vivre comme en Afrique. Non, il a des besoins comme vous et moi et comme n'importe qui d'autre. C'est un être humain qui devra vivre dans la réalité nord-américaine de demain.

Demain, il n'y aura pas de différence, qu'on soit africain, noir ou rouge. Ce sont tous les êtres humains qui ont besoin de travail, de logement et ainsi de suite. Nous devons travailler ensemble à cela dans la communauté. Chaque communauté est différente.

Moi, je vis à Scarborough. Les gens sont pauvres. Ils n'ont pas beaucoup d'argent. Nous allons donc nous réunir, mais il se peut que ce soit un employeur de North York qui vienne nous donner des conseils et nous aider à nous développer ensemble.

Nous allons travailler ensemble pour que la communauté humaine de demain soit une, et non une communauté de pauvres et de riches. Tel est l'objectif de l'organisme que je représente. Je parle en tant qu'organisatrice communautaire.

Donc, la communauté ne fait pas de distinction entre les gens, mais donne à tous la possibilité de vivre en tant qu'être humains.

[Traduction]

Le président: Je vous remercie.

Qui d'autre veut apporter un commentaire? Monsieur Krehm, suivi de Mme Brooks.

M. William Krehm: Je pense que tout est un petit peu à l'envers dans le cas qui nous occupe. Lorsqu'on achète une maison et que l'on prend une hypothèque, on calcule la valeur nette en mettant à l'actif la valeur amortie de la maison et au passif l'hypothèque. Il serait illogique de ne pas tenir compte de la maison et de ne considérer que l'hypothèque. On se retrouverait en faillite. Effectivement, on a favorisé certains intérêts en oubliant la maison au niveau fédéral, parce que c'est à ce niveau que la fiscalité et bien d'autres choses, la répartition du revenu national... Ce qui est anormal, ce n'est pas que nous redécouvrions les éléments d'actif que nous avons payés, mais que nous les ayons oubliés au départ. Cela remonte à un temps où le gouvernement ne possédait que les prisons, le Parlement, la police et, disons, quelques routes et quelques ponts. Mais oublier comme nous l'avons fait les routes et les ponts en ne considérant que la dette qui a permis de les construire, c'est une énormité; sinon le gouvernement n'y changerait rien.

• 1030

Il y a peut-être d'autres éléments ici, mais je n'ai pas le temps de les examiner en détail.

J'ai passé quelques jours en Grande-Bretagne la semaine dernière et j'ai appris que l'on faisait circuler une note de service à la Banque d'Angleterre qui préconise l'instauration d'une comptabilisation des investissements en Angleterre. C'est donc pour une bonne raison et peut-être pour de moins bonnes raisons que la question est dans l'air.

Le président: Je vous remercie.

Madame Brooks.

Mme Kim Brooks: Je vais répondre brièvement à votre question au sujet de la consultation. Une partie de nos préoccupations ont trait à la procédure et je suis heureuse d'avoir la possibilité de parler devant un groupe composé de gens divers. La préparation d'une intervention devant votre comité requiert un travail énorme de la part de toutes les organisations qui sont ici et nous le faisons tous pendant nos heures libres. Nous espérons que nos idées sont prises au sérieux par votre comité.

Il est très difficile de résumer en cinq minutes le travail que nous faisons et de répondre à une question du comité qui correspond à mes préoccupations mais qui n'intéresse pas nécessairement l'ensemble de votre groupe. J'apprécie toutefois d'avoir la possibilité de le faire.

Je relève, par exemple, que dans la mise à jour économique et financière, le gouvernement a passé beaucoup de temps à consulter des économistes du secteur privé concernant la façon de calculer l'excédent budgétaire. Lorsqu'il s'agit de déterminer la façon dont on pourrait dépenser cet excédent et corriger notre déficit social, j'aimerais que le mécanisme de consultation s'étendre à des groupes comme le nôtre, qui consacrent tout leur temps libre à faire ce genre de travail aussi sérieusement qu'ont été faits ces calculs.

Le président: Merci, madame Brooks. Vous avez parfaitement fait valoir votre argument.

Vous le savez probablement, mais je tiens à vous faire savoir que c'est au cours de l'été que je demande aux organisations de nous faire parvenir leurs mémoires parce que cela laisse le temps à nos attachés de recherche et aux députés de notre comité de lire les mémoires. Donc, en fait, avant même que vous vous présentiez, nous savons plus ou moins ce que vous avez à dire et c'est la seule raison pour laquelle nous considérons qu'en cinq minutes vous pouvez nous en donner un résumé approximatif.

Bien entendu, vous savez aussi que plus de 400 groupes participent à nos auditions, cela sans compter les milliers de personnes qui contactent sur le terrain nos députés et qui organisent des réunions dans toutes les villes de notre pays.

Je tiens donc à ce que vous compreniez que la participation n'est pas simplement celle que vous voyez ici aujourd'hui, mais qu'avant toute chose elle est nationale et qu'en second lieu tous les députés qui veulent participer peuvent le faire.

Cela dit, je vous remercie de votre participation et je peux vous garantir que vos propos sont pris en note et qu'on en tient compte.

Nous allons faire une pause de cinq minutes environ pour que le groupe suivant puisse s'installer.

• 1033




• 1043

Le président: La séance est ouverte et je souhaite la bienvenue à tous les participants à notre deuxième séance de consultations prébudgétaires de ce matin.

Nous accueillons les représentants de l'Association of Canadian Publishers et du Conseil pour le monde des affaires et des arts du Canada. Nous allons aussi entendre des interventions à titre personnel ainsi que les représentants de Friends of Canadian Broadcasting, de la Fédération américaine des musiciens des États- Unis et du Canada et du Writers' Union of Canada.

Nous allons commencer par les représentants de l'Association of Canadian Publishers, Michael Harrison, son président, et Diane Davy, membre du conseil. Soyez les bienvenus.

M. Michael Harrison (président, Association of Canadian Publishers): Je vous remercie.

Je m'appelle Michael Harrison et je suis président de l'Association of Canadian Publishers. Je suis par ailleurs vice-président de Broadview Press, un éditeur universitaire d'ouvrages de sciences sociales et humanitaires destinés aux universités. J'ai à mes côtés Diane Davy, qui fait partie elle aussi du conseil. Elle est aussi l'éditeur chez Greey de Pencier Books/Owl Books et ancienne présidente de la Canadian Magazine Publishers Association.

L'Association of Canadian Publishers est l'organisation qui représente les maisons d'édition canadiennes, principalement de langue anglaise. Nous avons quelque 145 membres. Il y en a de toutes tailles, depuis les très petites maisons jusqu'aux très grosses, qu'il s'agisse de McClelland & Stewart ou de Stoddart Publishing. Nous sommes implantés dans toutes les régions du pays, y compris au Yukon et au Québec, et notre représentation est très large. Nous publions en fait à l'intention des Canadiens habitant toutes les régions du pays et, grâce à nos exportations, d'un nombre de plus en plus grand de lecteurs d'auteurs et d'ouvrages canadiens à l'extérieur du pays.

Les éditeurs canadiens ont obtenu quelques grands succès. Les auteurs canadiens ont obtenu les plus grands prix, et bien évidemment en langue anglaise—le prix Booker, le prix Goncourt et le prix Orange. Nous avons bien entendu nos propres prix, qui ont été décernés ces deux dernières semaines à Ottawa—le prix Giller et les prix du gouverneur général.

• 1045

Trente pour cent de tous les livres achetés au Canada, contre 5 p. 100 il y a 30 ans, ont un auteur canadien. La prise de conscience par le Canada de ses propres auteurs et de tous les écrivains canadiens en puissance a donc été phénoménale.

Ces auteurs ont désormais une audience internationale mais, dans bien des cas ce n'est qu'un aboutissement. Il y a bien d'autres auteurs qui s'adressent à un public spécialisé—qu'il s'agisse de l'édition de livres scolaires, de poésie ou de domaines qui intéressent plus particulièrement le Canada. Il n'en reste pas moins qu'ils font concurrence aux meilleurs.

Notre secteur passe actuellement par une évolution intéressante. La grosse difficulté des éditeurs canadiens vient de la différence au niveau des marges. Le libre-échange a cours dans l'édition depuis de nombreuses années, et nous y sommes bien entendus favorables. La plupart des livres vendus au Canada nous viennent d'autres pays et bien évidemment, en langue anglaise, des États-Unis et de la Grande-Bretagne. Je vous ai dit que la part du Canada était de 30 p. 100.

Par conséquent, les prix pratiqués dans notre pays sont en fait fixés au sud de notre frontière. Ils sont fixés aux États-Unis et bien évidemment libellés ensuite en dollars canadiens. Pourtant, l'éditeur canadien doit s'adresser de manière générale à un plus petit marché.

J'ai récemment visité une imprimerie qui approvisionne à la fois des maisons d'édition américaines et canadiennes. Son tirage moyen était d'environ 22 000 exemplaires pour ses clients américains, contre seulement 3 600 exemplaires pour ses clients canadiens. Vous voyez donc tout de suite que les économies d'échelle dont bénéficient les éditeurs canadiens sont loin d'être les mêmes que celles de nos amis du sud. Voilà en fait où se situe le problème fondamental. Il est bien difficile d'obtenir des marges suffisantes permettant à l'éditeur de publier davantage d'auteurs, d'assurer sa croissance et d'exercer sa concurrence.

Considérez nos concurrents. On en arrive à une concentration incroyable. Bertelsmann a récemment acheté Random House et Doubleday et a fusionné ces deux entreprises au Canada. Cette entreprise une fois regroupée a maintenant un chiffre d'affaires supérieur à celui des cinq premières sociétés canadiennes. Je vous parle de McClelland & Stewart, de Stoddart Publishing, etc. Vous pouvez imaginer le pouvoir économique dont elle dispose pour attirer les principaux auteurs—ceux qui gagnent effectivement de l'argent et qui font vivre leur entreprise.

À l'échelle nationale, il y a aussi une énorme concentration au niveau des détaillants. Chapters vend une quantité énorme de livres et représente aujourd'hui jusqu'à 60 p. 100 du chiffre de ventes de nombre de nos membres. Tous ceux qui consultent les rubriques consacrées aux livres par la presse savent bien que Chapters, par l'intermédiaire de son grossiste, Pegasus, exige une remise bien plus importante sur les livres vendus par les éditeurs à son entreprise. Des maisons qui ne tournent déjà qu'avec une marge très réduite s'aperçoivent aujourd'hui que les remises de 4 ou 5 p. 100 supplémentaires et davantage que l'on exige d'elles suffisent à les rendre déficitaires.

Qui plus est, nous savons tous quelle est la situation des livres sur Internet. Souvent, les éditeurs survivent au Canada grâce à des agents qui achètent des livres au Royaume-Uni ou aux États-Unis et qui les revendent au Canada. Pourtant, il n'y a pas grand-chose pour empêcher les Canadiens d'acheter des livres par l'intermédiaire d'Amazon, ce qui fait que ces livres sont souvent livrés par la maison mère aux États-Unis. Ils peuvent facilement s'adresser à la concurrence.

Le ministère du Patrimoine canadien a collaboré très étroitement avec notre association pour élaborer un plan en trois points ces dernières années. Le premier point a porté sur le rétablissement des crédits. Cela nous ramène au réexamen des programmes, qui a imposé de fortes réductions des crédits gouvernementaux aux éditeurs. Heureusement, ces crédits ont désormais été établis.

Le ministère a instauré un programme de prêts fédéraux, en grande partie au bénéfice des petites maisons d'édition qui, traditionnellement, ont des difficultés à obtenir une marge de crédit auprès de leur banque. Ce programme est désormais en place et nos membres en bénéficient. Cette mesure a été utile elle aussi.

Pour l'avenir, nous nous efforçons de remédier au problème constant et bien connu du manque de capitaux. Leurs marges sont tellement faibles que ces entreprises ont bien des difficultés à attirer de nouveaux investissements. Qui plus est, nombre de ces entreprises ont à leur tête un propriétaire-gérant. Certains d'entre eux se font vieux et se verront bientôt dans l'obligation de prendre leur retraite sans qu'il soit évident qu'ils puissent vendre leur entreprise et vivre de leur retraite.

Pour remédier à ces deux difficultés, notre secteur de l'édition s'est doté d'un plan appelé EPIC, qui est un crédit à la participation au capital des éditeurs.

• 1050

Nous réclamons un dégrèvement fiscal pour les gens qui investissent dans des sociétés canadiennes. Nous avons fixé les montants. On laisse entendre qu'il nous en coûterait quelque 50 millions de dollars sur cinq ans, soit 10 millions de dollars par an.

L'intérêt serait de ramener de nouveaux investisseurs ayant de l'argent frais, ce qui à notre avis redonnerait une nouvelle jeunesse à nos entreprises et permettrait de les recapitaliser. À bien des égards, cela compenserait les effets contraires qu'entraînent parfois les programmes de subventions directs. Les éditeurs seraient amenés à agir en chefs d'entreprise responsables, ce qui leur faut faire pour répondre aux exigences des investisseurs.

Ce que nous demandons pour l'instant n'est pas mentionné dans le budget à venir. Nous continuons à oeuvrer sur ce projet avec le ministère. Il se penche sur une étude en cours et nous espérons avoir des nouvelles très bientôt. Nous attendons de notre collectivité qu'elle intervienne aussi efficacement que par le passé, en l'occurrence en appuyant le principe d'un crédit d'impôt s'appliquant à notre secteur de la même manière qu'elle a appuyé par le passé le rétablissement des crédits et le programme de prêts. De ce point de vue, nous jugeons primordial de collaborer avec votre comité.

En prévision de l'avenir, il faut savoir que la bataille menée l'année dernière au sujet de la législation s'appliquant aux revues nous a ouvert les yeux. Nous nous rendons compte que nous sommes ouverts au monde et que si l'on veut que notre gouvernement puisse aider ses industries culturelles vitales, nous avons besoin d'un mécanisme international qui autorise les gouvernements souverains à appuyer leurs propres industries et entérine leur action.

Le ministère du Patrimoine canadien a joué un rôle clé pour promouvoir un plan d'adoption d'un instrument culturel au sein de l'Organisation mondiale du commerce. Il existe désormais de larges coalitions qui se penchent sur la question. Nous collaborons étroitement avec ces groupes et nous appuyons leurs efforts.

Je terminerai en disant que l'on a entendu avec une grande satisfaction le gouvernement se fixer récemment dans le discours du Trône trois grands objectifs en matière de santé, d'éducation et de culture. Nous applaudissons cette initiative. Nous espérons qu'à l'avenir votre comité, et d'autres comités de la Chambre, nous aiderons à doter l'organisme du commerce d'un instrument international sur la culture et nous attendons avec impatience une recommandations en matière d'équité fiscale.

Je vous remercie d'avoir pris le temps de nous écouter.

Le président: Merci, monsieur Harrison.

Nous allons maintenant entendre les représentants du Conseil pour le monde des affaires et des arts du Canada, sa présidente- directrice générale, Mme Sarah Iley, et son vice-président, l'honorable Hal Jackman. Soyez les bienvenus.

Mme Sarah J.E. Iley (présidente-directrice générale, Conseil pour le monde des affaires et des arts du Canada): Merci, monsieur le président. Je suis venue ici parler au nom du Conseil pour le monde des affaires et des arts du Canada. Mon vice-président, Hal Jackman, ajoutera quelques mots à la fin de mon exposé.

Notre conseil existe depuis 25 ans. C'est une coalition d'entreprises du secteur privé qui encourage les arts grâce à des programmes de dons et de mécénat qui leur sont propres. Nous avons déjà participé par le passé au mécanisme d'élaboration budgétaire, nous avons siégé au sein du Groupe d'étude sur la réforme fiscale du Conseil des arts du Canada et nous sommes très heureux de constater que le Comité permanent des finances a pris en compte par le passé nos demandes d'incitations fiscales pour les dons philanthropiques que nous jugions très importantes. Nous espérons par conséquent que vous vous montrerez tout aussi réceptifs à nos propositions d'aujourd'hui.

Lorsqu'on examine aujourd'hui le budget fédéral de la culture, en dépit de ce qui est dit dans le discours du Trône—et je me félicite avec Michael de l'importance qui y est accordée à la santé, à l'éducation et à la culture—il n'en reste pas moins que ce budget ne représente que 1,7 p. 100 de l'ensemble du budget fédéral. Quant aux musées, aux galeries d'art et aux salles de spectacles à but non lucratif de notre pays, elles ne reçoivent au total que 4 p. 100 de ces 1,7 p. 100. C'est un très petit pourcentage des crédits fédéraux.

Pourtant, ces organisations représentent à bien des égards le secteur de la R-D en matière artistique. C'est là que se fait le travail expérimental et c'est là où l'on forme les acteurs et les artistes. C'est tout le monde des arts que font connaître à la population canadienne de tout le pays ces musées, ces galeries d'art et ces organisations de spectacles philanthropiques et à but non lucratif.

• 1055

Le Conseil pour le monde des affaires et des arts du Canada a toujours recommandé que le secteur privé appuie davantage les arts et que l'on augmente le niveau de participation des particuliers et des entreprises afin qu'ils aident les organisations artistiques dans tout le pays. Nous estimons avoir assez bien réussi jusqu'à présent.

Pour ce qui est des arts du spectacle—et nous le savons grâce aux enquêtes menées chaque année auprès des musées, des galeries et des organisations de spectacles—qu'effectivement 22 p. 100 du budget des organisations de spectacles artistiques proviennent du secteur privé. Il faut comparer cela à quelque 27 p. 100 en provenance du secteur public.

Nous considérons que le secteur privé est en mesure d'augmenter largement sa participation étant donné que l'enquête nationale sur les dons et le bénévolat nous révèle que trois pour cent seulement des Canadiens font effectivement des dons à la culture. Nous aimerions que ce chiffre augmente.

De bien des manières différentes, nous nous sommes efforcés au fil des années d'élargir cet appui. Nous avons essayé de faire de la sensibilisation. Nous avons essayé de faire de l'information; nous avons un certain nombre de programmes d'information. Nous avons été intrigués toutefois par le rapport intitulé Oeuvrer ensemble, une initiative conjointe du gouvernement du Canada et du secteur bénévole, qui envisage différents mécanismes pour encourager le mécénat.

Il y a, bien entendu, l'aide fiscale. Nous évoquerons rapidement la question. Il y a les cotisations. Il y a le financement de base.

Nous considérons toutefois que si l'on veut vraiment favoriser à long terme l'appui accordé aux arts, il convient en fait d'adopter un programme de crédits partagés qui inciterait les gens à appuyer les organisations artistiques et qui ferait participer des particuliers et des entreprises restés jusque-là à l'écart. C'est certainement l'expérience qu'a pu faire l'Ontario avec le programme ontarien de dotation des arts au sein duquel le versement de crédits partagés est un puissant motivateur.

Je vais vous donner un exemple qui montre la grande importance de cette question. Je me trouvais cette fin de semaine à Prince George, en Colombie-Britannique. Il est indéniable que les deux grandes entreprises de cette ville, Canfor et Northwood, appuient résolument la galerie d'art toute neuve qui s'y est installée, le nouveau musée qui s'agrandit ainsi que le nouveau théâtre. J'insiste sur le terme «nouveau» parce que j'estime qu'il faut bien comprendre qu'en dépit du fait que l'on insiste constamment sur les nouvelles technologies et les nouvelles formes de culture, en réalité la population continue à apprécier les spectacles en direct et les expositions dans les musées.

En fait, ces deux gros employeurs appuient résolument les arts mais ils ont bien des difficultés à amener de nouveaux mécènes. C'est pourquoi nous recommandons l'instauration d'un programme de crédits partagés, qui est détaillé dans notre mémoire. Nous nous sommes penchés sur la question en compagnie du ministère du Patrimoine canadien. Ce dernier a considéré que c'était un mécanisme possible. Nous invitons instamment le Comité permanent des finances à en faire de même.

Nous appuyons aussi trois autres mesures d'aide fiscale. Don Johnson vous parlera de l'une d'entre elles: la suppression pure et simple de l'impôt sur les gains en capital portant sur les dons relatifs à un bien qui s'est apprécié.

Nous considérons qu'il convient par ailleurs d'éliminer le traitement défavorable conféré aux fondations privées. Le traitement accordé aux dons de biens qui se sont appréciés est défavorable. Les garanties publiques favorisent les fondations et les charités publiques. Nous estimons que ce traitement défavorable doit disparaître.

Nous considérons aussi que l'incitation relative aux gains en capital doit s'étendre non seulement aux dons d'actions, mais aussi aux dons de droits d'achat d'actions.

Voici des exemplaires de notre mémoire que chacun d'entre vous pourra lire.

Je vais demander à M. Jackman de vous dire quelques mots du fonctionnement des crédits partagés en Ontario.

L'hon. H.N.R. Jackman (vice-président, Conseil pour le monde des affaires et des arts du Canada): Merci, monsieur le président.

Avec Don Johnson et quelques autres, j'ai déjà eu le privilège de comparaître devant votre comité il y a trois ans, alors que nous faisions pression pour obtenir un traitement fiscal plus favorable pour les dons de biens s'étant appréciés. À la suite de notre intervention, votre comité a présenté un rapport. Vous avez signalé dans ce rapport—ce ne sont pas mes statistiques, mais celles du rapport de la Chambre des communes—qu'au Canada, les dons de charité par habitant, exprimés en fonction des revenus, n'étaient que du tiers de ce qu'ils étaient aux États-Unis. De leur côté, les dons des entreprises ne s'élevaient qu'à la moitié de ceux des États-Unis. Votre rapport, monsieur le président, précisait ensuite que si les Canadiens se décidaient à faire autant de dons que les États-Unis par rapport à leur revenu, les organismes de charité du Canada disposeraient au total de 6 milliards de dollars de plus par an.

• 1100

Nous nous targuons au Canada d'être un peuple bon, tendre et généreux. C'est peut-être vrai pour ce qui est des programmes gouvernementaux que nous finançons, mais il n'en est rien en ce qui a trait à la philanthropie privée. Nous en sommes donc venus à conclure que la politique du gouvernement devait s'attacher avant tout à encourager les dons du secteur privé et c'est pourquoi nous sommes favorables au projet que vient d'exposer Sarah et qui doit amener le gouvernement, chaque fois que le secteur privé verse des crédits, à en faire autant.

Je suis par ailleurs président du Conseil des arts de l'Ontario. Le gouvernement provincial a instauré un programme doté de 25 millions de dollars de fonds du gouvernement de l'Ontario qui permet de verser les mêmes crédits que le secteur privé pour doter les arts du spectacle. Ce programme fonctionne désormais depuis un an et des dotations d'un montant total de 25 millions de dollars ont été apportés aux arts du spectacle. Pour bien comprendre la portée de ce chiffre, il faut voir que le gouvernement de l'Ontario, par l'intermédiaire du Conseil des arts de l'Ontario, ne verse que quelque 12 millions de dollars de subventions par an aux organisations d'arts du spectacle. Ainsi, la décision prise par le gouvernement de l'Ontario, qui l'a amené à mettre sur pied un fonds de dotation versant un montant égal aux crédits dispensés par le secteur privé, permet de disposer de 25 millions de dollars supplémentaires. C'est trois fois plus d'argent qui va aller aux arts. Cela nous vient du gouvernement Harris, que l'on dit ne pas être favorable aux arts. En réalité, grâce à ce programme de crédits partagés, le financement a augmenté.

Quelle que soit votre action—et j'appuie l'intervention des éditeurs de livres—il vous faut appuyer ce que les Canadiens eux- mêmes font. Je crois que c'est la tendance enregistrée dans d'autres pays, et ce programme a été une grande réussite en Ontario. Je vous invite à vous pencher sur la question dans vos délibérations.

Merci, monsieur le président.

Le président: Je vous remercie et je remercie Mme Iley.

Nous allons maintenant entendre M. Donald Johnson. Soyez le bienvenu.

M. Donald K. Johnson (témoignage à titre personnel): Merci, monsieur le président. Je suis ici aujourd'hui en tant que bénévole. Avec Anne Golden, nous sommes en contact avec tous les principaux organismes de charité. Anne Golden est présidente de Centraide et elle est évidemment particulièrement bien placée pour parler du secteur des services sociaux, et pour ma part je siège au conseil d'administration d'organisations sans but lucratif des secteurs de la santé, de l'éducation, de la recherche médicale et des arts.

Il y a trois ans, M. Jackman vient de le dire, nous avons comparu devant votre comité pour recommander que les dons de biens en capital s'étant appréciés soient exonérés de l'impôt sur les gains en capital. Votre comité a appuyé cette recommandation dans le rapport qu'il a présenté au ministre des Finances. J'estime que cette recommandation du comité a joué un rôle clé dans la décision prise par le ministre des Finances, dans son budget de février 1997, de couper de moitié l'impôt sur les gains en capital s'appliquant aux dons de valeurs mobilières s'étant appréciées.

Nous serions donc très heureux que votre comité continue à nous appuyer pour que soit totalement mise en oeuvre cette recommandation. Nous recommandons aujourd'hui que le gouvernement supprime ce qui reste de l'impôt sur les gains en capital s'appliquant aux dons de valeurs mobilières s'étant appréciées. Si nous faisons cette recommandation, c'est parce que tout indique aujourd'hui que cette nouvelle mesure produit ses effets et répond aux objectifs fixés par le gouvernement aux termes de ce projet il y a trois ans.

Chaque année, le secteur des organismes de charité reçoit bien davantage de dons en valeurs mobilières s'étant appréciées. On compte parmi ces organismes Centraide, les universités, les hôpitaux, les organisations artistiques et les instituts de recherche.

• 1105

On peut voir aux États-Unis, qui depuis des dizaines d'années exonèrent complètement les gains en capital, à quel point cette exonération permet de gonfler le montant des fonds de dotation dont on a tant besoin. Ainsi, l'Université de Toronto possède le fonds de dotation le plus élevé au Canada, soit 1 milliard de dollars canadiens. L'université Harvard, qui n'a qu'un cinquième de la taille de l'Université de Toronto, a un fonds de dotation de 16 milliards de dollars. Quatre-vingt-dix pour cent des dons qui composent ces dotations portent sur des biens en capital qui se sont appréciés, principalement des valeurs mobilières.

On a beaucoup parlé dans la presse de la fuite des cerveaux dont souffrent les sociétés canadiennes par rapport à leurs concurrents dans le monde. Il y a une fuite des cerveaux dans le secteur à but non lucratif. Nos universités, nos hôpitaux et nos instituts de recherche doivent se battre pour conserver les meilleurs enseignants, les meilleurs étudiants, les meilleurs chercheurs et les meilleurs professionnels de la médecine, les fondations dont se sont dotées au fil des années ces organisations aux États-Unis jouant un rôle important pour attirer les meilleurs. Il nous faut donc terminer l'ouvrage qui a été commencé et supprimer complètement la taxe sur les gains en capital, ce qui ne manquera pas d'aider nos institutions à concurrencer à armes égales celles des États-Unis.

L'essentiel, c'est de se demander quels sont les coûts et les avantages. Le coût de l'opération qui consiste à terminer l'ouvrage qui a été commencé est infime. Ce coût—et cela s'appuie sur une analyse effectuée par des spécialistes de la fiscalité qui étaient jusque-là au service du gouvernement fédéral—serait inférieur à 1 p. 100 de l'excédent du budget fédéral prévu pour cette année. Il est donc infime.

Quels sont les avantages? Au fil des années, des centaines de millions de dollars de dons supplémentaires seront remis aux organismes bénévoles et de charité dans tous les secteurs, notamment l'éducation, la santé, les services sociaux, la culture et la recherche. Nous estimons qu'il est temps aujourd'hui de terminer le travail et nous recommandons instamment au gouvernement de supprimer la part de l'impôt sur les gains en capital qui continue de peser sur les dons de valeurs mobilières cotées en bourse.

Je vous remercie et je passe maintenant la parole à Anne Golden pour le reste du temps qui nous est imparti.

Mme Anne Golden (témoignage à titre personnel): Merci. C'est un plaisir pour moi d'être ici.

Je veux en fait souligner ici un point fondamental, soit que l'opération consistant à étendre l'application de cette législation—finir le travail, comme le dit Don—n'aidera pas seulement les grandes institutions, mais aussi les petits organismes de charité et les petits donateurs. Je sais que certains s'inquiètent du fait que ce sont les gros hôpitaux et les grandes universités qui vont profiter de cette législation. Je suis venu vous dire ici qu'il n'en est rien.

Depuis que vous avez modifié la loi il y a deux ans, nous avons reçu à Centraide 5 millions de dollars de dons provenant de 129 donateurs différents. Il y a là des gens riches comme des professeurs d'université. Cette année, justement, quelqu'un nous a fait un don de 2 000 $ en actions dont la valeur est passée à 6 500 $. C'est une chose qui arrive et nous sommes en train de recenser un certain nombre de dons qui le prouvent.

Tout l'argent récolté par Centraide chaque année est affecté à nos priorités de financement. Pour la plupart, nos 200 organismes de charité sont spécialisés et de petite taille et ils n'ont pas les moyens de lever eux-mêmes des fonds. De plus en plus, étant donné les changements apportés aux politiques publiques, nous sommes leur bouée de secours.

Nous avons réussi à maintenir en bon état l'infrastructure des services sociaux à Toronto. La tâche n'est pas facile en raison des changements apportés à la politique publique aux niveaux fédéral et provincial, mais nous y parvenons en levant davantage de fonds. Les fonds récoltés permettent d'aider les enfants de moins de six ans qui présentent des risques, de lutter contre la faim et le problème des sans-abri, d'aider les personnes battues, en majorité des femmes, bien évidemment, et d'aider les réfugiés et les immigrants à s'installer. Voilà quelles sont les priorités et ce que vous allez nous aider à réaliser grâce à cette législation. Nous vous demandons de nous laisser les mains libres pour que nous puissions profiter de ces fonds.

Je conclurai en disant simplement que votre gouvernement ainsi que notre province font de plus en plus appel au secteur bénévole pour accomplir cette tâche. On aime à répéter que de la santé du secteur bénévole dépend la santé de notre pays, de nos villes et de nos provinces. Il ne faut pas se contenter d'y croire à moitié. Donnez-nous des crédits pour que nous puissions accomplir notre tâche. Je vous remercie.

Le président: Merci, madame Golden et monsieur Johnson.

Nous allons maintenant donner la parole à M. Ian Morrison, qui représente Friends of Canadian Broadcasting. Soyez le bienvenu.

M. Ian Morrison (porte-parole, Friends of Canadian Broadcasting): Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.

Friends of Canadian Broadcasting remercie votre comité de permettre aux Canadiens d'enrichir le processus de consultations prébudgétaires de leurs idées.

• 1110

Vous avez adopté pour 1999 une approche inédite en ce que vous nous demandez conseil sur des thèmes directeurs. Nous applaudissons à cette initiative, mais nous croyons que cette nouvelle formule laisse à désirer dans la mesure où elle définit d'avance les sujets jugés importants et exclut des thèmes économiques et culturels fondamentaux pourtant déterminants pour la vigueur de la collectivité canadienne.

Par exemple, les industries canadiennes de la radiotélédiffusion et du spectacle apportent beaucoup à la vie économique, sociale et culturelle de notre pays. À la fine pointe des nouvelles technologies, elles constituent une composante cruciale de l'économie fondée sur le savoir et contribuent dans une bonne mesure à créer des emplois, surtout chez les jeunes. Il en est ainsi en grande partie parce que les Canadiens appuient ces industries à coût de milliards de dollars sous forme d'impôts, d'abonnements à la câblodistribution et de coûts incorporables qui soutiennent l'industrie de la publicité. Pourtant, à en croire le communiqué de presse publié sur votre site Web en juillet 1999, il semble qu'il serait hors de propos de parler de tout cela devant votre comité.

Un comité du Sénat américain ou de la Chambre des représentants ne le verrait certainement pas de cet oeil. En effet, chez nos amis du sud, l'industrie du spectacle étant le plus gros exportateur et contribuant fortement à la balance des paiements, il serait inconcevable que des consultations prébudgétaires telles que les vôtres n'en tiennent aucun compte. Si le gouvernement américain tient à ce point à gagner l'accès aux marchés étrangers de la radiotélédiffusion et du spectacle, c'est précisément parce qu'il connaît pertinemment l'importance de l'industrie du spectacle.

Très bientôt—je sais que vous ne l'ignorez pas—l'Organisation mondiale du commerce va amorcer une ronde de pourparlers en vue d'éliminer des obstacles au commerce. Or, le groupe de pression des radiotélédiffuseurs privés canadiens, l'Association des radiotélédiffuseurs, a déjà fait savoir qu'elle était prête à se vendre aux intérêts et aux investisseurs américains les plus offrants.

Entre-temps, les réductions de 400 millions de dollars effectuées par le gouvernement dans le budget affecté par le Parlement à la SRC, au mépris de la promesse faite par les Libéraux dans leur livre rouge de 1993, sonne le glas des services radiophoniques locaux de la SRC dans l'ensemble du pays, tandis que le recours croissant à la publicité vide lentement de son sens le mandat de radiotélédiffuseur public de la société. Ces politiques fédérales ont pour effet combiné que les Canadiens ont de plus en plus de mal à partager entre eux des articles et des expériences, ce qui accentue l'aliénation régionale et linguistique dans tout le pays.

Friends of Canadian Broadcasting demande donc instamment à votre comité d'inscrire au nombre de ses priorités les recommandations suivantes.

Le gouvernement fédéral devrait demander au CRTC de consulter le public au sujet du budget qu'il conviendrait d'accorder à la SRC pour lui permettre de poursuivre son oeuvre de développement du pays. Le gouvernement devrait ordonner au CRTC d'exercer le pouvoir de prescrire des directives qu'il a aux termes de la Loi sur la radiodiffusion afin d'empêcher les câblodistributeurs en situation de monopole de réduire leurs contributions, au nom de leurs abonnés, au Fonds canadien de télévision. Il faudrait affecter au moins la moitié des sommes administrées par le Fonds canadien de télévision aux productions diffusées par la SRC. Le gouvernement devrait informer le CRTC que la politique canadienne en matière de radiotélédiffusion consiste notamment à maximiser la valeur des droits du sport professionnel canadien dans le réseau audiovisuel du Canada. Il y aurait lieu de réformer le mode de nomination des administrateurs et du président de la SRC de manière à garantir qu'elle soit basée sur les mérites des candidats et qu'elle se fasse indépendamment du parti au pouvoir et sous l'étroite supervision du Comité permanent du patrimoine canadien. Enfin, le gouvernement ne devrait pas céder sous les pressions que l'industrie réglementée exerce afin d'obtenir le relâchement des exigences relatives au contenu canadien dans la radiotélédiffusion et les télécommunications.

Merci, monsieur le président. Mon exposé a duré trois minutes et demie.

Le président: Merci, monsieur Morrison.

Nous allons maintenant entendre, au nom de la Fédération américaine des musiciens des États-Unis et du Canada, Laura Brownell et Christine Little. Soyez les bienvenues.

Mme Laura Brownell (superviseure, Division des services symphoniques, Fédération américaine des musiciens des États-Unis et du Canada): Merci. Je suis heureuse que vous m'ayez donné la possibilité de prendre la parole aujourd'hui. Je m'appelle Laura Brownell. Je suis ici en compagnie de Christine Little pour représenter le bureau canadien de la Fédération américaine des musiciens, la FMA. La FMA est une association professionnelle qui représente les musiciens du Canada et des États-Unis.

Vous avez tous reçu, et très vraisemblablement vous avez tous lu, le mémoire déposé en septembre par la Conférence canadienne des arts. La FMA est membre de la CCA et nous appuyons résolument ses recommandations qui, dans une large mesure, font écho aux recommandations qui figurent dans le rapport du Comité permanent sur le patrimoine canadien, Appartenance et identité.

• 1115

Vous vous demandez tous probablement pourquoi il vous faut encore entendre la même rengaine de la part des musiciens. J'espère pouvoir enrichir cette discussion en vous faisant connaître le point de vue bien particulier des musiciens. Je veux vous aider à comprendre dans quelle mesure les décisions prises par votre comité influeront sur la vie des musiciens canadiens et des gens qui apprécient leur musique.

Je commencerai par poser un principe que je crois fondamental. Je pense que nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut nous assurer que la musique que nous écoutons dans notre pays englobe une musique créée par des Canadiens qui expriment les valeurs et les qualités propres à notre culture.

Pour y parvenir, je prétends que nos objectifs communs devraient être les suivants: tout d'abord, pour que les musiciens canadiens en devenir puissent atteindre le plus haut niveau, une formation exclusivement canadienne; en second lieu, des programmes et des incitatifs qui permettent de placer des artistes au sein des institutions canadiennes des arts de la scène en dépit des difficultés que pose notre géographie; troisièmement enfin, faire en sorte que les musiciens canadiens, qui sont en grande partie des artistes à leur compte, puissent mener une vie normale sans souci matériel afin que le choix et la poursuite d'une carrière artistique reste une option viable.

Je vais passer en revue un certain nombre des recommandations faites par la Conférence canadienne des arts pour vous montrer dans quelle mesure elles nous permettraient d'atteindre de manière concrète les objectifs que je viens d'exposer. Je commencerai par les mesures visant à aider les organisations qui engagent des musiciens et je passerai ensuite aux mesures aidant directement les artistes.

Avant toute chose, pour nos organisations des arts de la scène, se pose le problème du financement du Conseil des arts du Canada. Nous remercions le gouvernement d'avoir rétabli ce financement. Au début des années 90, lorsque les crédits du Conseil des arts du Canada ont été réduits et que les subventions versées par celui-ci ont par conséquent baissé de manière significative, pratiquement toutes les organisations des arts de la scène ont répercuté ces réductions de subventions sur les musiciens sous la forme d'une réduction des saisons de spectacle, d'une diminution des salaires ou des deux à la fois, ce qui a entraîné de grosses pertes de revenus et les a menés parfois au bord de la faillite.

D'ailleurs, on a réduit jusqu'à la taille des orchestres. J'ai entendu jouer Mahler avec six violons alors qu'il en aurait fallu 40. J'ai vu des hautbois se transformer en flûte et des tubas faire les contrebasses pour que l'on n'ait pas à engager des musiciens supplémentaires. J'ai vu les merveilleux répertoires romantiques et contemporains canadiens être systématiquement négligés pour être remplacés par un régime à haute dose de pièces de Mozart et de Haydn. J'aime Mozart et Haydn, mais tous les autres compositeurs étaient jugés trop onéreux lorsqu'il s'agissait de monter une pièce.

Il nous a fallu des années pour nous en remettre. Enfin, nous commençons à le faire. Ne retombons pas dans cette erreur, je vous en prie.

Il est tout aussi important à notre avis—et je me range aux observations du Conseil pour le monde des affaires et des arts—j'en suis tout à fait convaincue, que nous mettions sur pied des programmes facilitant la collaboration entre les gouvernements et le secteur privé.

Le fonds de stabilisation en est un exemple. Je reconnais que je reste préoccupé par ces fonds précisément pour la raison relevée dans le mémoire de la CCA. Je dois reconnaître aussi que de grandes organisations comme les symphonies d'Edmonton et de Vancouver ont prospéré dans le cadre de ces programmes de stabilisation.

Nous demandons au gouvernement de continuer à aider le MPC à placer de l'argent dans les fonds de stabilisation. Faites-le en vous assurant que le ministère du Patrimoine canadien sait ce que vous achetez avec votre argent. Les critères posés par le fonds, qui exigent que les organisations vivent selon leurs moyens, ne doivent pas les empêcher de viser l'excellence. Sinon, à quoi bon?

Il y a ensuite la question de l'infrastructure. Dans son mémoire, la CCA indique que les installations du Centre national des arts ont besoin d'être complètement rénovées. Laissez-moi vous donner un autre exemple. Nous savons tous, je pense, que les problèmes posés par Roy Thomson Hall à Toronto jouent un rôle clé dans la grève actuelle de la Symphonie de Toronto. Bien des organisations dans notre pays se porteraient immédiatement bien mieux si elles disposaient de bonnes installations pour jouer. Nous vous demandons d'appuyer la recommandation 5 de la CCA, qui demande au gouvernement du Canada de rétablir un fonds d'investissement pour assurer l'entretien indispensable des installations culturelles du Canada.

Nous demandons que l'on appuie davantage les tournées. Mes années de tournées en tant que violoniste de l'orchestre symphonique ont été l'un de mes grands plaisirs dans la vie artistique. Il n'est rien de plus gratifiant que de présenter un concert à la population d'une petite localité du nord de l'Ontario, par exemple. La salle est bondée. Les spectateurs sont attentifs à chaque son. Ils se lèvent pour vous ovationner quelle que soit la qualité de la performance, même si nous essayions de jouer le mieux possible, et ils nous remercient à profusion lors de la réception. Nous vous demandons d'oeuvrer en collaboration avec le ministère du Patrimoine canadien pour que cela soit à nouveau possible, et de financer les organisations qui ont véritablement une classe internationale et qui sont en mesure d'être nos ambassadeurs dans le monde entier.

• 1120

Comme d'autres intervenants l'ont si bien dit, il faut par ailleurs multiplier les mesures d'incitations fiscales s'appliquant aux dons philanthropiques. Nos organisations ont effectivement besoin d'être moins vulnérables face aux changements apportés aux crédits versés directement par les gouvernements, ces changements pouvant se produire à tous les paliers de gouvernement et non simplement au niveau fédéral. Des progrès ont été réalisés—et nous vous en remercions—pour ce qui est des incitations fiscales s'appliquant aux dons de grande ampleur. Pouvez-vous nous aider maintenant à tirer parti de l'énorme potentiel qu'offrent les petits donateurs qui n'en sont pas moins dévoués? Nous vous demandons d'appuyer la recommandation 10 de la CCA afin de prévoir des incitations s'appliquant aux dons philanthropiques modestes et d'instaurer la disposition complémentaire servant de motivation aux plus gros dons.

L'aide à la formation et à la mobilité doit jouer un rôle fondamental si l'on veut que la musique canadienne continue véritablement à se faire entendre. Nous nous joignons à la CCA pour demander que des écoles de formation nationales soient organisées et bénéficient d'un financement pluriannuel stable. Nous demandons aussi que cette forme d'aide soit étendue aussi à des organisations comme l'Orchestre national des jeunes et le programme d'aide à la mobilité. Je ne dirai jamais assez l'importance de cette organisation et de ce programme lorsqu'on veut s'assurer qu'il y ait des exécutants canadiens dans les orchestres de notre pays. Si l'on n'appuie pas ces programmes, je peux vous garantir que ces postes seront rapidement occupés par des musiciens des États-Unis. C'est tellement plus facile de recourir à cette solution si nous ne faisons rien.

Intéressons-nous maintenant à la situation personnelle de l'artiste. Il y a des avantages pour la plupart des musiciens à être employés à leur compte, mais cela entraîne aussi des déboires. C'est ainsi que lorsque l'Orchestre philharmonique d'Hamilton a mis la clé sur la porte en 1996, des musiciens qui avaient depuis des dizaines d'années un emploi assuré se sont retrouvés parfois à la rue, sans chèque d'assurance-emploi, sans rien, sans un sou, tout seuls pour se débrouiller.

On peut citer le cas d'une jeune violoniste qui n'arrivait pas à se débarrasser d'une douleur persistante. Pendant 10 mois elle n'a pas pu travailler. Elle ne bénéficiait d'aucune indemnité d'accident du travail, d'aucune assurance-invalidité. Elle a dû s'en remettre totalement au bon vouloir de la direction de l'orchestre, qui lui a laissé le temps de guérir. Elle a épuisé toutes ses économies pendant ces 10 mois, et ils sont nombreux les musiciens qui dans notre pays ont dû subir le même sort. Il n'y a aucune protection.

Je demande au gouvernement du Canada d'examiner d'urgence les questions liées à la fiscalité et aux prestations sociales devant être accordées aux personnes employées à leur compte dans le but de mieux adapter la législation actuelle à la main-d'oeuvre actuelle et à celle de l'avenir. Il n'y a pas que les artistes et les musiciens. Les emplois indépendants augmentent dans notre pays. C'est l'évolution et il nous faut trouver le moyen de prendre en charge tous nos citoyens.

Il y a bien entendu d'autres questions qui revêtent une importance fondamentale, telles que le financement stable et permanent de la SRC. Nous nous préoccupons aussi de la législation sur les droits de voisinage, mais nous n'avons pas le temps de parler de tout cela aujourd'hui.

J'espère que vous comprenez mieux maintenant les répercussions de vos politiques sur le monde de la musique au Canada. Je vous remercie d'avoir pris le temps de nous écouter.

Le président: Merci, madame Brownell.

Nous allons maintenant entendre le président du Writers' Union of Canada, Christopher Moore. Soyez le bienvenu.

M. Christopher Moore (président, Writers' Union of Canada): Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les députés.

Je vous parle aujourd'hui en ma qualité d'auteur et, depuis un ans, de président du Writers' Union of Canada. Notre syndicat représente 1 200 auteurs de livres au Canada. J'ai le plaisir de vous annoncer que le mémoire que nous vous présentons est appuyé par une douzaine d'autres organisations d'écrivains du pays, y compris par l'UNEQ, l'Union des écrivaines et écrivains québécois, l'organisation des écrivains de langue française au Québec.

Nous nous en tenons dans notre mémoire à quatre propositions précises. La première plaide pour l'équité, pour un changement de la fiscalité qui s'applique aux écrivains. Les écrivains travaillent souvent pendant des années sur un seul projet—c'est particulièrement le cas des auteurs de livres. Ils mettent plusieurs années à produire un ouvrage, qui en fait leur procure un revenu dans une seule et même année. De ce fait, les écrivains paient un impôt plus élevé sur un même revenu que les contribuables dont le revenu est uniformément réparti.

Nous avons proposé, pour résoudre ce problème, un étalement des revenus. Nous considérons que la fiscalité s'oppose à la création dans notre pays. Toutes les mesures prises par le gouvernement pour favoriser la créativité sont remises en cause et perdent pratiquement toute utilité, me semble-t-il, si à la fin de l'année les auteurs sont forcés de payer un surcroît d'impôt parce qu'ils ont choisi de consacrer leur vie à la création. Une étude financière que nous avons faite récemment nous révèle en fait qu'il est courant chez les écrivains d'enregistrer des fluctuations de 100 p. 100 de leurs revenus d'une année sur l'autre.

Dans leur rapport publié en juin dernier, vos collègues du Comité du patrimoine ont invité instamment le gouvernement à corriger la fiscalité s'appliquant aux écrivains. Le gouvernement a répondu par l'affirmative et nous avons effectivement eu d'autres discussions avec les fonctionnaires du ministère des Finances. Je suis heureux de pouvoir dire que votre comité appuie notre proposition depuis trois ans. D'ailleurs, ma collègue, Merilyn Simonds, qui je crois a souvent comparu devant votre comité, voulait être là aujourd'hui mais n'a pas pu le faire parce qu'elle est tombée malade à Kingston. Mais comme vous le savez, c'est une question que nous avons déjà soulevée auparavant. Je pense que l'on a entrepris des discussions avec les finances à ce sujet. Nous vous serons grés de continuer à nous appuyer.

• 1125

Au sujet de notre autre proposition, le ministère des Finances a laissé entendre à l'occasion que, même si cette solution apportée à nos problèmes fiscaux était équitable, elle était par ailleurs complexe et lourde de sorte que les impératifs d'équité se heurtent en l'espèce à la lourdeur de l'opération. Si le ministère des Finances considère que la solution de l'étalement des revenus est trop compliquée, nous avons proposé dans notre mémoire une solution de rechange. Nous avons relevé que la fiscalité du Québec autorise depuis plusieurs années une déduction complète des revenus tirés des droits d'auteur. Par conséquent, lorsque les auteurs de chansons, les compositeurs, les écrivains et d'autres créateurs qui sont à la source de l'industrie du spectacle et de l'innovation font un travail de création dont profite ensuite toute l'industrie, le gouvernement du Québec s'abstient désormais tout simplement d'imposer ce revenu. Nous considérons que cette proposition présente de l'intérêt. Nous estimons qu'il pourrait être utile de l'adopter dans le reste du Canada.

Nos autres propositions portent essentiellement sur le Conseil des arts du Canada. Je suis d'accord avec d'autres intervenants pour dire que le Conseil des arts du Canada apporte une aide d'une importance fondamentale aux écrivains et aux différentes personnes qui créent dans le domaine des arts. Nous invitons instamment le gouvernement du Canada à continuer à appuyer le Conseil des arts du Canada.

Je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur Moore.

Voilà qui met fin aux exposés. Nous allons maintenant passer à la partie intéressante, celle des questions. Nous commencerons par M. Solberg. Chacun disposera de 10 minutes.

M. Monte Solberg: Merci, monsieur le président. Je remercie tous les intervenants de l'exposé qu'ils ont présenté aujourd'hui.

Je commencerai en disant simplement que personne dans cette salle ne niera que la culture est une part absolument essentielle de notre condition de Canadien. Je trouve par ailleurs très encourageant d'entendre tant de personnes préconiser des changements à notre fiscalité pour les aider à faire ce qu'ils veulent faire. Je considère que c'est très stimulant.

Je préciserai tout d'abord que j'appuie résolument la suppression de l'impôt sur les gains en capital lorsqu'il s'agit d'un don fait à un organisme de charité. Je pense que c'est une excellente façon de rétablir le lien entre le revenu que gagne une personne et ses convictions. Je considère que c'est malheureusement ce qui nous manque en grande partie dans le domaine culturel à l'heure actuelle par la faute du gouvernement ou par le fait que lorsque celui-ci intervient pour donner les crédits au monde des arts, bien souvent ce lien disparaît parce que l'argent est pris aux gens par l'intermédiaire de la fiscalité. La population n'a pas son mot à dire et cet argent finance alors des groupes ou des projets qu'elle n'approuve pas nécessairement. En agissant par le biais de la fiscalité, on permet aux gens d'avoir ce lien direct avec les organisations ou les groupes auxquels ils croient. Je suis tout à fait favorable à l'application de la fiscalité dans ce but.

J'aimerais cependant poser une question à M. Morrison. Même si vous ne le dites pas expressément dans votre exposé, je peux en déduire que vous préconisez une assez forte augmentation des crédits accordés à la SRC puisque vous demandez une suppression des recettes tirées de la publicité qui permettent à la SRC de poursuivre ses activités. Est-ce que les 400 millions de dollars que vous mentionnez doivent être reversés à la SRC pour remplacer la disparition des recettes tirées de la publicité?

M. Ian Morrison: Non. Nous n'allons pas jusqu'à préconiser une suppression des recettes tirées de la publicité, monsieur Solberg. Nous préconisons une diminution de la dépendance qu'entretient le réseau de télévision de la SRC avec les recettes tirées de la publicité pour qu'elle soit plus libre de programmer des émissions culturelles qui ne s'adressent pas uniquement à un gros auditoire. Nous avons relevé ce chiffre de 400 millions de dollars. En fait, le gouvernement du Canada a mis en application la politique de votre parti concernant la SRC puisqu'en 1993 M. Manning avait justement demandé une réduction de l'aide accordée à la SRC.

Nous demandons dans cette recommandation que le gouvernement mandate un organisme indépendant—et nous avons jugé que le CRTC était qualifié pour cette tâche—afin qu'il définisse le meilleur moyen de financer la SRC. La plupart des radiodiffuseurs nationaux des autres pays du monde: NHK au Japon; la BBC au Royaume-Uni; la Deutsche Welle—je pourrais penser en revue le monde entier, à l'exception des États-Unis—sont financés à la base par une redevance des téléspectateurs. C'est effectivement la recommandation qu'a faite il y a quelques années un comité présidé par Pierre Juneau.

• 1130

Nous aimerions que l'on procède à un examen objectif, non pas seulement des sommes devant être versées à la SRC, mais aussi de la façon dont elles lui parviennent, afin de lui conférer davantage de stabilité et davantage de garanties, parce que la politique de ce gouvernement a eu pour résultat net d'empêcher de plus en plus la SRC de programmer activement des émissions de radio et de télévision locales et régionales et de la jeter dans les bras de la publicité.

M. Monte Solberg: Rappelez-nous une fois de plus pour quelles raisons il faudrait que la SRC reçoive le moindre crédit compte tenu du fait qu'il y a aujourd'hui tellement de participants canadiens dans l'industrie de la radiodiffusion, qu'il s'agisse de Bravo ou de Showcase, pour répondre aux attentes de ces groupes bien ciblés dont vous avez parlé tout à l'heure. Pourquoi avons- nous besoin de la SRC? Nous avons d'autres raisons.

M. Ian Morrison: Je vais vous donner deux ou trois raisons, sans vouloir trop m'étendre sur le sujet.

Tout d'abord, un peu plus de 80 p. 100 de la population canadienne estime qu'il convient que la SRC ait au moins autant de crédits qu'à l'heure actuelle et la moitié d'entre elle considère qu'il lui faut davantage de crédits. Je cite les chiffres du sondage Compas effectué en mai 1999. D'ailleurs, la moitié des électeurs de votre parti sont aussi d'accord.

M. Monte Solberg: Est-ce que cela s'applique à l'ensemble de la SRC? Aussi bien à la radio qu'à la télévision?

M. Ian Morrison: C'est l'ensemble de la société. D'où vous êtes, vous pouvez peut-être voir la partie rouge sur ce tableau.

M. Monte Solberg: Oui.

M. Ian Morrison: Le réseau que l'on voit en haut, c'est celui de la SRC. Le créneau horaire, c'est celui de 19 heures à 23 heures, et les sept parties du tableau correspondent aux sept jours de la semaine. Vous pouvez voir ce qui était présenté sur le marché de Vancouver en mars 1998. Voilà ce que programme la SRC, voilà ce que programme la station communautaire affiliée en émissions canadiennes aux heures pendant lesquelles la population regarde la télévision, et voilà ce que programme Global. La population canadienne veut avoir le choix d'émissions canadiennes et elle est tout à fait convaincue que c'est le cas.

Par conséquent, si le secteur privé pouvait faire l'affaire, nous serions favorables à une reprise par le secteur privé. Il n'en reste pas moins que dans tous les pays occidentaux, à l'exception des États-Unis, il existe un radiodiffuseur public doté d'importants crédits. Ainsi la BBC reçoit par tête deux fois ce que reçoit la SRC en recettes publiques. Pour l'Allemagne, c'est trois fois. Pour le Japon, c'est deux fois.

Il n'est donc pas question de se départir de la SRC. Le public veut une SRC forte. Il s'agit d'examiner objectivement les moyens d'y parvenir.

Jusqu'à un certain point, votre parti s'est orienté dans ce sens. Nous suivons ce que vous dites sur le sujet et vous ne demandez plus la privatisation de la SRC.

M. Monte Solberg: Pour que tout soit bien clair, je vous précise que nous avons toujours demandé que la radio de la SRC soit conservée et que son service de télévision soit privatisé, et notre position n'a pas changé—nous voulons un réseau différent.

N'est-il pas vrai, cependant, que les cotes d'écoute de la SRC sont au plus bas en ce qui concerne sa télévision? Et n'est-ce pas là en fait le meilleur des sondages, celui de l'écoute effective par les gens?

M. Ian Morrison: Depuis le début de la télévision, environ 33 p. 100 des émissions vues sur le réseau anglais sont canadiennes. Voilà des décennies que cela dure. La SRC réunit la grande majorité de ces 33 p. 100 qui regardent des émissions canadiennes. Les émissions américaines des radiodiffuseurs privés ont une large audience, mais ce n'est pas le cas des émissions canadiennes.

Si l'on examine la situation dans notre langue officielle, que Friends of Canadian Broadcasting ne prétend pas représenter, nous voyons que les chiffres sont pratiquement inversés. L'audience des émissions canadiennes en français dans tout le pays, et en particulier sur le marché du Québec, est très grande, et c'est la SRC, la Société Radio-Canada, qui domine ce marché.

M. Monte Solberg: J'imagine que cela vient du fait que le nombre des émissions en français produites dans le monde que peut diffuser la SRC reste limité.

M. Ian Morrison: TVA peut aussi y accéder.

• 1135

M. Monte Solberg: J'en reviens cependant à mon argument, qui est que les cotes d'écoute ont terriblement baissé. Il semble que la population n'est pas prête à défendre à tout prix la SRC, et pourtant vous préconisez une forte injection de crédits. C'est finalement votre position. Ne devrait-il pas y avoir un lien entre le nombre de gens qui sont prêts à regarder la SRC et le montant de l'aide gouvernementale qui est apporté à cette dernière?

M. Ian Morrison: Depuis 1983 le CRTC, qui agit indépendamment du gouvernement—nous ne voulons pas que ce soit le premier ministre qui délivre les permis de radiodiffusion—a accordé des permis à quelque 60 chaînes spécialisées qui sont câblodiffusées. Deux d'entre eux ont été accordés à la SRC. Il en est résulté une fragmentation du marché, ce qui s'est traduit par une baisse des cotes d'écoute de tous les grands radiodiffuseurs. La part de CTV a baissé par rapport à l'ensemble, comme a baissé la part de la SRC.

La vocation des radiodiffuseurs publics dans le monde ne tient plus à la part d'audience, qui finalement consiste à faire le jeu de la publicité, mais porte sur la diffusion d'émissions importantes. Lorsqu'il se passe quelque chose d'important, comme un référendum au Québec, le lien de confiance avec les services des journalistes de la radio et de la télévision de la SRC sont bien plus forts que ceux qui existent au sein des organisations du secteur privé. Cela se reflète aussi dans les sondages, que je peux vous communiquer, si cela vous intéresse.

Le président: Le temps d'une question.

M. Ken Epp: Il y a un certain nombre de questions que je voudrais vous adresser à vous tous. Vous nous avez dit combien vous souhaiteriez voir modifier notre fiscalité de manière à accorder davantage de reconnaissance aux activités philanthropiques et c'est effectivement une mesure à laquelle je pourrais être favorable. Mais vous allez plus loin encore, et plusieurs d'entre vous demandent que le gouvernement vienne ajouter aux dons qui sont faits, une subvention de contrepartie.

Fournissez-moi l'argumentaire que je pourrais employer auprès de personnes entendues par le comité sur la question des priorités de l'action gouvernementale et de la manière dont le gouvernement utilise l'argent du contribuable. Nous avons entendu ici de fervents plaidoyers en faveur d'une aide aux pauvres de la planète et à ceux de notre pays. Beaucoup ont parlé des sans-abri et de l'urgence qu'il y a, pour le gouvernement, à financer la construction de logements pour les personnes qui n'en ont pas afin de leur assurer un gîte. Vous, pourtant, affirmez que l'argent du contribuable devrait également servir à financer les activités de personnes relativement bien pourvues, afin qu'elles puissent aller écouter de la musique—je m'empresse de dire que l'idée n'est pas de moi et que j'essaie simplement d'élargir le débat—dans de belles salles de concert. Que répondriez-vous à cela? J'ai besoin de vos idées.

Mme Sarah Iley: Permettez-moi de répondre que, d'après moi, il ne s'agit pas de leur faire concurrence. Personne ne conteste vraiment les besoins énormes qui existent au Canada au niveau des mesures sociales, mais il n'en est pas moins vrai qu'il faut aussi que les gens aient quelque chose à faire de leurs corps en bonne santé et de leurs esprits bien formés. La simple possession de tels attributs ne suffit pas, encore faut-il trouver à les employer. La culture revêt une importance extrême et il suffit pour vous en convaincre de regarder autour de vous dans votre propre circonscription. L'exemple de Prince George nous en dit long. Voilà une communauté qui a cinq patinoires de hockey et beaucoup d'autres activités de loisir—c'est une population très jeune puisque l'âge moyen y est de 31 ans—où, néanmoins, les gens éprouvent le besoin d'avoir un orchestre symphonique parce qu'ils veulent pouvoir aller entendre jouer des musiciens. Il n'est nullement question d'une grande salle de concert. Il n'est pas question non plus de sorties coûteuses. Il s'agit simplement de donner aux familles la possibilité de voir et d'entendre autre chose.

La possibilité d'aller écouter de la musique, d'assister à une représentation théâtrale ou de participer à un concert ou à un festival, ce sont des choses auxquelles les Canadiens sont très attachés. La preuve en est qu'ils se rendent par dizaines de milliers à de telles manifestations, et cela dans toutes les régions du pays. Si, par exemple, il y a au Canada 88 orchestres symphoniques, dont beaucoup dans des petites communautés, c'est bien pour quelque chose. Il est incontestable qu'au Canada il y a un besoin très aigu d'accès à la culture.

• 1140

Si vous nous demandez pourquoi nous évoquons l'idée de fonds de contrepartie, nous vous répondrons qu'il faut trouver des incitatifs. On demande un délai de cinq ans afin d'attirer dans le jeu d'autres intervenants, car jusqu'ici, un cercle très réduit de personnes ont, à elles seules, fourni l'essentiel de l'effort, y consacrant de plus en plus de leurs propres deniers à cause de l'importance que revêtent nos institutions culturelles. Nous voudrions que la population reconnaisse que le gouvernement ne peut pas subvenir à tous les besoins dans ce domaine, et comprenne que si les gens ne prennent pas l'habitude de soutenir eux-mêmes la culture, certaines des choses dont nous parlions tout à l'heure disparaîtront purement et simplement. Ce que nous recherchons—mais ne je veux pas me prononcer pour vous—c'est également des incitatifs à court terme qui permettraient en fait de modifier les comportements. Je crois que l'attitude qui convient existe déjà. Ce que nous voulons, maintenant, c'est amener un changement des comportements.

M. Ken Epp: Ne vous méprenez pas, car je suis moi-même musicien. Du moins je l'étais quand j'étais plus jeune. J'adore la belle musique et cela a toujours été le cas. C'est, personnellement, ce que je préfère. Je suis moins attaché aux arts visuels, mais il me semble particulièrement important d'assurer que nos jeunes auront la possibilité de suivre une formation et de participer à ce genre d'activités.

Je suis donc, sur ce point-là, sur la même longueur d'onde que vous, mais j'aimerais qu'en matière d'art l'impulsion vienne du public des arts et non pas de groupes de pression qui s'y entendent pour soutirer des subventions publiques.

Mme Sarah Iley: C'est justement pourquoi nous proposons le principe des fonds de contrepartie. Cela s'accorde très bien avec le rôle qui revient au gouvernement fédéral en ce domaine. Voyez l'éventail des organismes s'occupant des arts de la scène, des musées, des galeries d'art dans les diverses régions du pays. Il est clair que l'appui de la population est bien là. Or, l'appui du gouvernement fédéral, lui, ne se manifeste guère dans l'ensemble du pays. C'est pourquoi nous voudrions voir instaurer un mécanisme de fonds de contrepartie, afin que le gouvernement fédéral puisse moduler son appui en fonction des penchants et des besoins qui se manifestent au sein des diverses communautés.

Laissez-moi vous citer quelques exemples. Au total, le Centre national des arts touche chaque année 20 millions de dollars de subvention. Or, si vous faites le total de toutes les aides fédérales accordées aux organisations des arts de la scène en Alberta et en Colombie-Britannique, vous obtenez, là aussi, environ 20 millions de dollars. Cela montre bien comment se répartissent les efforts du gouvernement fédéral lorsqu'il s'agit d'appuyer, au Canada, l'action des organisations oeuvrant dans le domaine des arts. Il faut revoir la distribution des aides publiques.

Prenez comme autre exemple celui des musées nationaux. Les quatre grands musées qui se trouvent à Ottawa reçoivent, par an, environ 128 millions de dollars de subventions. Il s'agit, bien sûr, d'institutions essentielles, mais cela est également vrai des musées installés dans d'autres régions du pays et qui, chaque année, reçoivent du gouvernement fédéral, 15 millions de dollars au total.

D'après nous, le recours à des fonds de contrepartie permettrait au gouvernement fédéral de soutenir directement l'activité des organisations qui ont su s'attirer l'appui des diverses communautés, et cela vaut aussi bien pour la côte Ouest que pour la côte Est ou les régions du Nord. D'après nous, c'est là un excellent moyen de compléter et de reconnaître l'appui que le secteur privé et les particuliers accordent aux arts, et de sortir un peu du cercle très restreint des organismes artistiques d'Ottawa à qui revient le gros des financements publics.

Le président: Nous allons passer la parole à deux intervenantes, Mmes Brownell et Davy.

Mme Laura Brownell: Merci.

Je tenais simplement à ajouter que j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec un certain Paul Judy. Ce nom vous dit peut-être quelque chose. Il dirige, à Chicago, le Symphony Orchestra Institute. C'est un ancien membre du conseil d'administration de l'orchestre symphonique de Chicago. En plus de ce qui se passe dans le domaine des arts aux États-Unis, il s'intéresse beaucoup à ce qui se fait au Canada, et il m'a parlé, justement, de ce que Mme Iley disait tout à l'heure. Il va falloir qu'on nous apprenne à changer notre manière de faire.

Je me suis beaucoup intéressée aux chiffres cités par M. Jackman pour faire ressortir les différences dans la moyenne des contributions, modulées en fonction du revenu, afin de montrer un peu comment se répartissent les dons privés. Si j'ai ajouté à mes arguments en faveur d'une continuation des subventions directes, un appel à de nouveaux modes de financement conjoint, c'est parce que, justement, tout cela doit se faire de manière progressive, sans que personne ait à en pâtir. La baisse des subventions du Conseil des arts au début des années 90 montre bien ce qui se produit lorsque l'on se contente de couper les financements sans ménager de transition. C'est extrêmement douloureux et cela donne, sur le plan artistique, des résultats souhaités par personne.

• 1145

Je sais que dans notre pays les organisations qui s'occupent des arts restent très attachées à un financement direct de la part du gouvernement. J'ai personnellement l'impression que nos organisations finissent par compter sur ces subventions et ont un peu tendance à se reposer sur leurs lauriers. Elles ne sont pas vraiment au contact des communautés qu'elles desservent. Le pire, c'est que lorsqu'on leur coupe leurs subventions, elles le ressentent comme une amputation. Elles n'ont pas de réserves, elles n'ont pas de dotation propre, elles n'ont rien qui leur permette d'absorber le choc. Je suis tout à fait favorable à des politiques qui nous permettraient de modifier progressivement notre approche dans ce domaine, mais, je vous en supplie, que cela se fasse graduellement.

Le président: Madame Davy.

Mme Diane Davy (membre du Conseil de l'Association of Canadian Publishers): J'appuie entièrement ce que viennent de dire les deux intervenantes. Mais je tiens également à revenir sur ce qui a été dit sur une culture qui serait réservée à une élite, question qui m'intéresse particulièrement en tant qu'éditeur de livres pour enfants.

Vous disiez vous-même, tout à l'heure, vous soucier des jeunes de ce pays. Lorsque, enfant, j'allais à l'école, c'est la réalité américaine que véhiculaient mes livres de classe. Si, en arithmétique, on avait à résoudre un problème ayant trait à l'argent, les pièces de monnaie représentées étaient des pièces américaines. En géographie, les questions auraient porté, disons, sur Washington ou Seattle. D'après moi, une des grandes réussites des initiatives et politiques adoptées, au cours des 30 dernières années, dans le domaine culture a été le développement de toute une série d'actions adressées aux jeunes afin de leur permettre, justement, de se situer en tant que Canadiens.

Aujourd'hui, il m'est possible de publier un livre tel que Wow Canada!, c'est-à-dire un ouvrage qui montre aux enfants le Canada d'un point de vue qui est le leur. Lorsque j'étais enfant, nous n'avions rien de cela. Je ne savais pas qu'un auteur pouvait être quelqu'un comme moi. Je pensais—j'étais certaine même qu'un auteur ça venait de l'étranger. Ça pouvait venir des États-Unis, ou d'Angleterre. Je ne m'imaginais même pas que je pourrais, plus tard, devenir moi-même auteur ou illustrateur. Nous avons, maintenant, des programmes qui organisent des tournées dans les écoles, nous avons aussi de merveilleux programmes dans le domaine des arts de la scène. En un mot, en combinant les efforts du secteur privé et les politiques publiques, nous avons pu créer, au cours des 30 dernières années, une industrie qui permet à nos jeunes de grandir avec le sentiment d'être Canadiens.

Le président: Merci.

Nous passons maintenant à Mme Bennett.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Je voulais poser une question à Mme Golden, mais malheureusement...

Le président: Elle n'est pas ici.

Mme Carolyn Bennett: Je suis sûre que ses collègues pourront répondre à sa place.

Vous savez sans doute que dans le cadre de grand débat politique sur tout ce qui touche de près ou de loin les gains en capital, les gens pensent, encore une fois, que nous favorisons les riches. Je suis frappée par la quantité d'exemples cités. Savez- vous si le ministère des Finances a calculé le pourcentage des dons effectués sous forme de valeurs mobilières—l'annexe A ne manque pas d'intérêt—ou du nombre d'actions faisant l'objet de gestes philanthropiques...? Je veux dire par cela qu'il doit bien y avoir des raisons financières qui encouragent les gens qui ne veulent pas, ou qui ne peuvent pas payer actuellement l'impôt sur les gains en capital, à faire don de valeurs mobilières. Prévoyez-vous une forte augmentation du nombre de personnes profitant d'un tel programme à supposer que nous l'adoptions?

Je pense qu'il serait bon, également, que les organismes philanthropiques tentant de chiffrer les avantages que procureraient de telles mesures car il va falloir, après tout, prendre des décisions à caractère politique. J'avais donc espéré que Mme Golden pourrait nous parler un peu des résultats qui déjà auraient pu être constatés, des répercussions bénéfiques de ce genre de mesure.

Je voulais également poser une question à M. Moore—et je pense d'ailleurs la lui avoir posée déjà l'année dernière. J'aurais voulu savoir s'il pourrait lui-même se prévaloir de la mesure que vous proposez, étant donné qu'il est marié à une productrice de cinéma indépendante.

M. Bill Graham: Conflit d'intérêt.

Des voix: Oh! Oh!

Mme Carolyn Bennett: Il faut parfois attendre quatre ou cinq ans avant de voir porter à l'écran une de ses créations. Quoi qu'il en soit, c'est cela que...

M. Donald Johnson: Permettez-moi de répondre à la première question.

En ce qui concerne les dons, la modification des dispositions fiscales concernant les gains en capital a été annoncée dans le budget de février 1997, et ces dispositions sont donc en vigueur depuis déjà trois ans. J'en ai parlé avec des représentants du ministère des Finances, mais ils n'ont pas encore effectué les calculs.

En ce qui concerne l'élimination éventuelle de ce qui reste de cet impôt, on peut citer, à l'appui d'une telle mesure, deux raisons particulièrement convaincantes. D'abord, il y a les cas concrets. Chaque jour on me cite de nouveaux exemples de gens qui ont fait don, à des organismes philanthropiques oeuvrant dans tous les domaines de l'action caritative, de titres qui avaient pris de la valeur. Il y a deux semaines, le ministre des Finances Paul Martin a participé à une conférence de presse avec Anne Golden au siège de Centraide. À cette occasion, Mme Golden a annoncé que depuis l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions, Centraide avait reçu plus de 5 millions de dollars en valeurs mobilières données par 127 personnes.

• 1150

Les gens se demandent, par contre, si la valeur des dons va dépasser le total des contributions antérieures et si cette libéralité va être assez bien répartie sur l'ensemble des activités du secteur philanthropique. Je me soucie également des organismes bénévoles de moindre taille. Je crois que cette inquiétude est d'ailleurs justifiée. Anne Golden est, me semble-t-il, la plus à même d'expliquer de manière convaincante ce qui s'est passé à Centraide à Toronto. Ne serait-ce que dans cette ville, 5 millions de dollars ont été donnés, la plupart de ces dons venant s'ajouter à ce que les personnes auraient donné d'ordinaire.

Centraide, à son tour, fournit une aide financière à plus de 200 organismes sociaux et sanitaires du Grand Toronto. Ces petits organismes n'ont pas les moyens de lever eux-mêmes des fonds, et le meilleur moyen, c'est effectivement de voir Centraide répartir les dons entre tous ces organismes extrêmement méritants.

De nombreux cas précis indiquent que les nouveaux dons viennent s'ajouter aux actions philanthropiques antérieures et que l'argent qui en résulte est réparti dans tous les domaines de l'action caritative.

Si j'estime que le gouvernement devrait agir en ce sens dès maintenant et non pas attendre encore deux ans comme il en avait initialement été question, c'est aussi parce qu'il ne s'agit pas, à proprement parler, d'une mesure expérimentale. Les États-Unis ont prouvé que cette exonération des gains en capital donne les résultats voulus.

Il serait intéressant de voir une analyse des données tirées de l'ensemble des déclarations d'impôt pour les années 1997, 1998 et 1999, mais je ne pense pas que cela soit particulièrement important au niveau de la décision à prendre. Laissez-moi vous citer un exemple. Il y a deux semaines, un particulier a annoncé qu'il allait faire don à l'université Stanford d'un paquet d'actions d'une valeur de 150 millions de dollars. Si ce don avait été soumis au régime fiscal actuellement en vigueur au Canada, c'est-à-dire à un impôt de 50 p. 100 sur les gains en capital, le donateur aurait eu à payer 28 millions de dollars d'impôt sur les gains en capital. Il est clair que la personne qui a fait don d'un paquet d'actions valant 150 millions de dollars n'aurait pas été aussi large si elle avait dû payer, sur ce don, 28 millions de dollars d'impôt sur les gains en capital.

En principe, les dons ne devraient pas être imposés et notre recommandation tend essentiellement à élimination de cet obstacle à la philanthropie. Songeons qu'il nous faut également affronter la concurrence des organismes américains.

Je pense, en outre, que de nos jours la plupart des partis politiques sont, en matière de finances publiques, partisans d'une gestion responsable mais tempérée par des considérations de solidarité. Nombre d'organisations philanthropiques ont souffert de la baisse des subventions gouvernementales, baisse nécessaire, certes, mais regrettable. On ne va pas renouer avec les déficits et je crois que tous les partis défendent l'équilibre budgétaire. Il existe donc une limite à l'aide que le gouvernement peut accorder à ces organisations. Mais, alors, quel serait le moyen d'obtenir davantage du secteur privé? Il faut trouver une nouvelle source de donateurs.

Le gouvernement a fait remarquer qu'en ce qui concerne les dons en argent, les donateurs sont, au Canada, mieux traités qu'aux États-Unis. La raison en est, bien sûr, que nos taux d'imposition sont plus élevés. On ne peut pas s'attendre à ce que les gens donnent davantage d'argent qu'ils ne le font déjà. Leurs revenus ne sont pas illimités. Il nous faut donc trouver de nouvelles sources de dons. Cette nouvelle source ce sont les personnes qui possèdent, sous forme de valeurs mobilières, des patrimoines considérables, sans pour cela disposer de revenus importants. L'élimination de ce dernier obstacle à la philanthropie ouvrira la porte à de nouveaux dons de la part du secteur privé.

• 1155

Cela ne coûterait pas beaucoup au gouvernement. Moins de 1 p. 100 du montant de l'excédent budgétaire prévu pour cette année au niveau fédéral, ce n'est pas grand-chose vu l'importance des avantages que cela procurerait. Je pense qu'il faudrait agir sans plus attendre.

Le président: Monsieur Cullen.

M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président. Je remercie aussi tous nos intervenants.

Si le temps me le permet, je voudrais poser trois questions à trois groupes différents.

Je voudrais revenir un peu à ce que disait Mme Bennett et aussi à ce que M. Jackman évoquait plus tôt lorsqu'il disait qu'on comprend mieux maintenant que les gouvernements ne peuvent pas tout faire et qu'il faut donc encourager le mécénat. A priori, l'idée me paraît bonne.

Monsieur Johnson, vous êtes bien vice-président de Nesbitt Burns?

M. Donald Johnson: En effet.

M. Roy Cullen: Accepteriez-vous, vous et votre conseil d'administration, de faire un investissement de cette importance en vous fondant uniquement sur des renseignements non scientifiques.

M. Donald Johnson: Oui, car la mesure proposée n'a vraiment rien d'expérimental puisque, depuis la modification des dispositions, on a effectivement constaté une augmentation des dons. Vous pourriez passer des nuits à analyser les données recueillies dans les déclarations d'impôt, mais que pensez-vous en tirer? Vous constaterez une augmentation des dons, et le fait que ces augmentations se répartissent dans tous les domaines de l'action philanthropique. Voilà le critère sur lequel il convient de se baser. D'ailleurs, comme je le disais tout à l'heure, nous savons comment ce genre de système fonctionne aux États-Unis. Avant de prendre une décision, il y a lieu d'en évaluer les coûts, les avantages et les risques. J'estime que les risques sont minimes en l'occurrence étant donné que par des cas concrets ainsi que par l'exemple des États-Unis, il a été démontré que les mesures envisagées donneraient les résultats voulus.

M. Roy Cullen: Intuitivement, cela me paraît juste. Je ne comprends pas, cependant, pourquoi ce serait au ministère des Finances d'effectuer les calculs.

J'aimerais bien qu'on passe à un autre aspect du problème.

M. Donald Johnson: En ce qui concerne le ministère des Finances—allez-y, excusez-moi.

M. Roy Cullen: Je voudrais, si vous le voulez bien, passer maintenant à autre chose.

Ma question s'adresse à M. Harrison et à Mme Davy. D'abord, félicitons-nous du fait que les auteurs canadiens occupent 30 p. 100 du marché du livre. Voilà un chiffre des plus encourageants.

Vous proposez de recourir au crédit d'impôt à l'investissement mais, dans la description qui en est donnée ici, le coût d'une telle mesure n'est indiqué qu'assez schématiquement. Vous dites être en pourparlers avec le ministère des Finances, et vous demandez au comité de donner son aval à ce que vous déciderez en fin de compte. Ce projet va-t-il être sensiblement modifié par rapport à ce que vous proposez ici? Si c'est le cas, comment serons-nous informés des changements avant de rendre notre rapport au début du mois de décembre? Accepteriez-vous de transmettre au comité les précisions nécessaires? Vous comprenez bien qu'il nous est difficile d'accorder notre appui à un projet dont nous ne connaîtrions pas les tenants et les aboutissants.

M. Michael Harrison: Nous vous fournirons, bien sûr, des détails complets sur ce projet. Nous ne nous attendions pas vraiment à voir, dès le prochain budget, une recommandation comportant des dispositions très précises. Ce que nous voudrions obtenir c'est une recommandation de principe avalisant la prise d'un certain nombre de mesures fiscales car, d'après nous, ce programme aidera grandement les arts. Les détails de notre projet restent à préciser. Nous sommes actuellement en pourparlers avec le ministère du Patrimoine canadien pour savoir comment ce projet pourrait s'articuler. Actuellement, nous aimerions voir le principe retenu, les détails pouvant être précisés dans un futur budget.

M. Roy Cullen: Monsieur le président, je ne sais pas très bien comment le comité pourrait procéder dans un cas comme celui-ci, mais, si nous effectuons une recommandation, il serait bon que celle-ci soit fondée sur les faits que vous nous avez présentés, avec, bien sûr, les modifications que vous pourriez apporter au projet à l'issue de vos entretiens avec des responsables gouvernementaux.

M. Michael Harrison: Tout à fait. Nous avons déjà des éléments que nous pourrions transmettre au comité.

M. Roy Cullen: Bon. Merci.

Monsieur Morrison, au risque de m'attirer votre courroux, je voudrais vous poser la question suivante. L'art de gouverner et de gérer, c'est parfois l'art de s'accommoder de ressources peu abondantes. On vous a peut-être déjà posé la question, mais je ne vous ai moi-même jamais interrogé sur ce point et, en tous les cas, je ne connais pas votre réponse. En ce qui concerne CBC, êtes-vous aussi favorable aux émissions de radio qu'aux émissions de télévision ou faites-vous une distinction à ce niveau?

M. Ian Morrison: En ce qui concerne les programmes de langue anglaise, 80 p. 100 des Canadiens regardent la chaîne anglophone au moins une demi-heure par semaine et 33 p. 100 des Canadiens écoutent les émissions radiophoniques de CBC une ou deux heures par semaine. Pour ce qui est des émissions de radio, elles sont suivies par une minorité d'auditeurs mais par une minorité très attachée à leurs programmes.

• 1200

Ceux qui connaissent bien le secteur de la télévision savent que, d'une manière générale, les téléspectateurs sont attachés à des programmes plutôt qu'à des chaînes. Il y a, bien sûr, des exceptions à cela, mais c'est la règle générale. En ce qui concerne les émissions de CBC, on constate une proportion beaucoup plus importantes de téléspectateurs mais leur nombre est, si l'on peut dire, compensé par une loyauté plus faible vis-à-vis de la chaîne. D'après nous, la radio et la télévision sont toutes les deux importantes car elles contribuent à l'unité nationale et à la réalisation des objectifs fixés dans la Loi sur la Radiodiffusion.

Votre question ne me courrouce aucunement et je tiens simplement à dire que lorsque nous tentons de cerner le sentiment de la population, lorsque nous demandons aux téléspectateurs ce qui leur paraît le plus important—je parle là de l'organisation Compas, notre institut de sondage—lorsqu'il s'agit de défendre et de protéger la culture canadienne dans le paysage audiovisuel, lorsqu'il s'agit, donc, de choisir entre la télévision de CBC et ses émissions radiophoniques, deux fois plus de Canadiens se prononcent en faveur de la télévision.

M. Roy Cullen: Merci.

M. Bill Graham: Et qu'en est-il des chaînes francophones?

M. Ian Morrison: En ce qui concerne les chaînes francophones, c'est tout à fait le contraire au niveau de la loyauté des téléspectateurs. Les chaînes de télévision de la SRC sont très bien implantées parmi les francophones, les postes de radio l'étant, par contre, un peu moins. Le taux d'audience des émissions radiodiffusées de Radio-Canada est à peu près le même que pour la radio de langue anglaise.

M. Bill Graham: Merci.

Le président: Merci, monsieur Graham et monsieur Morrison.

Monsieur Brison.

M. Scott Brison: Merci, monsieur le président.

Je vous remercie de vos interventions. Nous avons entendu, ce matin, des choses très intéressantes. On a parlé aussi bien des sans-abri que de Scarlatti et on est passé de la pénurie de logement à la surabondance des quatuors à cordes. Cela a été pour nous l'occasion passionnante de cerner de manière plus directe les intérêts prioritaires des Canadiens.

On a notamment constaté au cours des quelques dernières années un amenuisement du rôle joué par le gouvernement, notamment au niveau des services qu'il assure et dont certains, comme nous l'avons vu, sont des services essentiels. Nous avons parlé, par exemple, du rôle joué par le gouvernement fédéral en matière de logements à loyer modéré et aussi d'un retranchement de l'activité des gouvernements provinciaux et fédéral dans certains domaines.

Alors que s'amenuisait le rôle du gouvernement, on voyait parallèlement s'accroître le rôle du bénévolat. J'imagine que c'est pour cela que votre proposition touchant l'impôt sur les gains en capital, en matière de dons philanthropiques, semble convenir à la situation. Si je comprends bien, l'élimination, pour les dons philanthropiques, de l'impôt sur les gains en capital coûterait à peu près 50 millions de dollars. Est-ce à peu près ce que vous avez calculé?

M. Donald Johnson: Oui, c'est le chiffre que nous avions retenu il y a trois ans lorsque nous avions proposé une exonération complète. Il s'agit de chiffres très approximatifs, mais selon nos meilleurs calculs, une exonération complète coûterait entre 20 et 70 millions de dollars par an au cours des premières années. Nous avons réduit ce chiffre de moitié, disant que, en cas d'exonération complète, il faudrait compter entre 10 et 35 millions de dollars par an en plus, chiffres sensiblement inférieurs à 1 p. 100 de l'excédent budgétaire, qui est de 5 milliards de dollars.

M. H.N.R. Jackman: Une mesure qui coûterait au gouvernement 50 millions de dollars rapporterait aux organismes de charité beaucoup plus que cela, et c'est cet aspect-là qu'il me paraît important de souligner.

Don nous parlait tout à l'heure de Stanford. On a vu que quelqu'un avait fait un don de 125 millions de dollars à l'université et que cela avait économisé au donateur 25 millions de dollars en impôt. Le ministère du Revenu national serait peut-être tenté de dire eh bien nous venons de faire à cette personne un cadeau de 25 millions de dollars. Il serait plus exact de dire qu'en l'absence de cette exonération fiscale, l'intéressé n'aurait jamais fait ce don et que le gouvernement n'aurait donc pas touché les 25 millions de dollars. Il ne faut pas oublier cela. Je vous remercie.

Merci.

M. Scott Brison: Merci.

Au fur et à mesure que le gouvernement trouvera des occasions ou se fixera des priorités en matière de réinvestissement, même en matière sociale, il conviendra, pour plusieurs raisons, de reconnaître le rôle que le secteur philanthropique pourrait jouer, justement, en matière de réinvestissement. D'abord, dans certains cas, les organismes philanthropiques sont mieux équipés pour cerner les besoins et aussi, parfois, pour y répondre de manière efficace vu la lourdeur de la bureaucratie gouvernementale. Nous sommes donc tout à fait acquis à votre proposition.

• 1205

J'aurais une dernière question à vous poser. Je sais qu'elle n'est pas directement en rapport avec ce que vous nous avez dit dans votre exposé, mais elle concerne la question des gains en capital en général. Au Canada, le taux d'imposition des gains en capital est à peu près le double de ce qu'il est aux États-Unis et cela nuit, par exemple, au secteur de la haute technologie où, de plus en plus, les options sur titres sont un élément de la rémunération des salariés ou des dirigeants.

Êtes-vous favorable à une baisse radicale de l'impôt sur les gains en capital et, par exemple, à une réduction de moitié de cet impôt qui est actuellement de 66 p. 100? Quelle sorte de baisse envisageriez-vous? D'après ce qu'on sait des États-Unis et d'autres pays qui ont réduit l'impôt sur les gains en capital, une telle mesure ne coûte finalement pas très cher au Trésor public. En fait, le coût d'une telle mesure est minime car il déverrouille d'importants capitaux et provoque un accroissement de l'activité économique.

M. Donald Johnson: La question de l'impôt sur les gains en capital ne fait pas partie des mesures que nous prônons. À titre individuel, je suis tout à fait favorable à une baisse sensible de l'impôt sur les gains en capital. Je crois savoir que, aux États- Unis, le taux d'imposition des gains en capital est de 20 p. 100 pour les gains à long terme calculés sur un an. Au Canada, à coût zéro, ce taux serait donc d'environ 37,5 p. 100. Je suis tout à fait favorable à une baisse car cela encouragerait, au Canada, un climat plus propice à l'esprit d'entreprise, favoriserait le lancement de nouvelles compagnies et, par voie de conséquence, la création d'emplois.

Je sais qu'une baisse de 100 $ par an des impôts payés par chaque salarié au Canada, entraînerait, pour le gouvernement, un manque à gagner de plus d'un milliard de dollars. Je suis convaincu qu'une baisse radicale de l'impôt sur les gains en capital entraînerait une baisse beaucoup moins grande des rentrées fiscales, tout en encourageant l'instauration d'un climat favorisant la création d'entreprises et d'emplois. Personnellement, je suis tout à fait acquis à l'idée de réduire de moitié l'impôt sur tous les gains en capital afin de faciliter la concurrence avec les États-Unis.

M. Ian Morrison: Monsieur Brison, un bon moyen de mitiger la baisse des rentrées fiscales serait tout simplement de refuser à M. Jackman le bénéfice d'une telle mesure.

M. Scott Brison: Merci, monsieur Morrison.

En période de contraintes budgétaires, les subventions en matière artistique posent toujours un problème délicat. Cela dit, il convient de souligner l'importance de l'activité artistique, ne serait-ce que sur le plan de l'éducation. Monsieur Johnson, je crois savoir que les banques d'affaires, notamment, accueillent volontiers des personnes diplômées en arts libéraux plutôt qu'en études commerciales mais, pour que quelqu'un entreprenne des études en arts libéraux encore faut-il qu'elle ait eu l'occasion préalable de s'y initier.

Tous les pays civilisés ont subventionné et favorisé les arts. Il convient donc, alors que nous envisageons de favoriser, par des mesures fiscales, les dons en faveur des arts, de ne pas perdre de vue l'importance des subventions publiques dans ce domaine.

Il y a également le problème de la censure. Si nous coupons trop dans les subventions aux arts et à la création, nous risquons de voir certains recourir à des arguments démagogiques pour porter atteinte aux droits de la minorité et nuire donc à la qualité de la production artistique. Il y a aussi ce problème-là...

M. H.N.R. Jackman: Mais cela peut également se produire sous un régime d'aides gouvernementales. Le gouvernement est, lui aussi, soumis à—il n'y a qu'à songer à la projection, au réseau anglais de Radio-Canada, de The Valour and the Horror. CBC a dû présenter des excuses.

Ce qu'il faut donc assurer c'est la multiplicité des donateurs, et ne pas simplement compter sur une seule source d'aide. Je ne critique pas le Conseil des arts du Canada, mais ce que nous voudrions faire c'est, de plus en plus, transformer les subventions publiques en subventions de contrepartie qui viendraient s'ajouter aux dons privés et qui auraient pour effet d'accroître le montant des ressources affectées à la production artistique.

• 1210

M. Scott Brison: Oui, cela procurerait un effet de levier, mais nous voulons également éviter le genre de chose qui s'est produite à New York; je parle là de l'intervention du maire Giuliani dans l'activité du Brooklyn Museum of Art. Je crois qu'on peut parvenir à un juste milieu.

Monsieur Morrison, en ce qui concerne le financement de CBC, êtes-vous favorable à un nouveau régime de financement qui permettrait, par exemple, d'accueillir les contributions du secteur privé et aussi de modifier, à l'intention de CBC, la politique fiscale dans le sens que proposent MM. Johnson et Jackman. Le secteur privé pourrait ainsi contribuer aux chaînes publiques comme c'est actuellement le cas aux États-Unis avec le Public Broadcasting System?

M. Ian Morrison: Il n'y aurait pas, pour cela, besoin de modifier la politique gouvernementale. Un don à la Couronne pourrait très bien être destiné à CBC et le réseau public pourrait très bien se voir reconnaître un statut équivalent à celui dont bénéficient les organismes de charité. Pour des raisons qui leur appartiennent, ils n'ont pas choisi cette situation.

M. Scott Brison: Peut-on savoir pourquoi?

M. Ian Morrison: Eh bien, je ne peux pas me prononcer en leur nom. À certaines occasions, j'ai cru constater qu'ils ne m'apprécient guère. D'après moi, c'est le genre de question, si vous me permettez de revenir à la recommandation que nous avons faite, qui devrait être étudiée de façon objective par quelqu'un qui connaît bien la situation et je crois que cela pourrait être le CRTC.

M. Scott Brison: Et peut-être aussi l'Association canadienne d'études fiscales?

M. Ian Morrison: Tout à fait, et aussi l'association Friends of Canadian Broadcasting.

M. Scott Brison: Bien entendu.

Monsieur Harrison, du point de vue d'un éditeur, Internet n'entraîne-t-il pas une démocratisation de la distribution des livres, démocratisation susceptible de vous avantager et de créer un contrepoids à la concentration que l'on observe actuellement dans le secteur de la distribution. Je parle là, par exemple, des magasins Chapters. Étant donné que le prix des télécommunications varie en fonction de la distance, la présence de plus en plus grande d'Internet devrait, pour vos adhérents, être un facteur de démocratisation au niveau de la distribution.

M. Michael Harrison: Internet est effectivement un phénomène intéressant. Il ne fait aucun doute que cela favorise la vente des livres. N'oublions pas, cependant, que Amazon et Chapters ne sont pas encore parvenues à rentabiliser leurs opérations de distribution par Internet.

Au contraire, Internet va vraisemblablement entraîner une concentration encore plus forte du secteur. Oui, vous trouverez, au site d'Amazon un catalogue de 1 million de livres, et de 600 000 au site de Chapters, mais il s'agit surtout de maisons d'édition qui ont les moyens de faire connaître leurs livres, soit par l'entremise de Chapters ou d'Amazon, soit directement auprès du public. Ce qui se passe, en fait, c'est que cela permet d'attirer plus en plus d'attention sur moins en moins de livres. On élargit effectivement la distribution des ouvrages, mais, en fait, cela entraîne une concentration encore plus grande du secteur, à la fois au niveau des ventes de détail pour ce qui est des propriétaires des systèmes en question, Amazon ou Chapters—puisque, bien sûr, Chapters est non seulement un grossiste, mais aussi une chaîne de librairies—et aussi pour les éditeurs qui ont les moyens d'alimenter la machine à publicité qui va de pair avec les fournisseurs Internet.

Il n'est pas encore démontré que les petits éditeurs parviennent à attirer les gens sur leur site. Autrement dit, les moyens sont là, mais le problème est comment drainer la clientèle.

M. Scott Brison: Mais les économies d'échelle possibles dans le secteur de la distribution traditionnelle—c'est-à-dire dans les librairies—sont moins importantes avec Internet. À première vue, on penserait que cela offre une occasion.

M. Michael Harrison: Nous y voyons effectivement une occasion, mais ce n'est pas la panacée que certains espéraient. Cela ne va pas permettre de résoudre les problèmes qui se sont aggravés au sein de l'industrie. Internet se développe, c'est vrai, mais nous ne savons pas encore ce que cela donnera.

M. Scott Brison: J'aurais une dernière question sur l'idée d'exonérer les dons de l'impôt sur les gains en capital. C'est en partie en réponse à la question de M. Cullen. A-t-on effectué ou pourrait-on effectuer une comparaison chiffrée de l'effet de levier dont vous avez parlé? Cela doit être possible. L'effet de levier que permettraient ces contributions serait beaucoup plus important que celui dont pourrait jouer le gouvernement au moyen d'investissements directs. Il nous serait très utile de le savoir.

• 1215

Quelque chose me dit que ces renseignements devraient être disponibles. Avez-vous quelques précisions à ce sujet?

M. Donald Johnson: Il est très difficile de donner une réponse chiffrée à votre question. Selon M. Jackman, les Américains donnent, en moyenne, trois fois plus que les Canadiens. Il y a, à cela, de multiples raisons. Peut-être sont-ils plus riches, peut- être sont-ils plus généreux, etc.

J'estime, pour ma part—et je m'en suis entretenu avec de nombreuses personnes au cours de ces dernières années—que le facteur qui explique le mieux cette différence c'est l'exonération des gains en capital. Aux États-Unis, rien ne les empêche de faire don de leurs biens. Bill Hewlett et David Packard ont donné 600 millions de dollars à l'université Stanford. Le fondateur de CNN a donné aux Nations Unies un paquet d'actions de Time Warner d'une valeur d'un milliard de dollars. Ils n'auraient même pas eu l'idée de faire don de leurs biens si leur largesse avait été soumise à l'impôt.

Je me fonde pour dire cela sur mon expérience personnelle. Anne Golden n'est plus ici mais, à Nesbitt Burns, nous sommes fiers de contribuer de façon sensible à Centraide, et on s'attend à ce que nos associés contribuent à hauteur de leurs revenus. J'ai moi- même, ces trois dernières années, donné sept fois plus que ce que je donnais auparavant à Centraide sous forme de déductions salariales. Je peux maintenant, sous forme d'actions, contribuer sept fois plus.

C'est logique.

M. Scott Brison: Bon. Comme je le disais plus tôt, nous sommes tout à fait acquis à l'idée, mais certains citoyens et plusieurs groupes nous ont dit qu'il fallait que nous alignions davantage notre fiscalité sur celle de nos partenaires commerciaux, et plus particulièrement sur les États-Unis. Il est donc normal que le Canada, en tant que société où, comme M. Jackman le disait plus tôt, la solidarité trouve davantage sa place, commence par le secteur de la philanthropie et des dons charitables.

Afin, donc, d'égaliser un peu plus le champ de notre fiscalité, on pourrait peut-être commencer par le traitement fiscal des dons charitables. Ce serait, pour le Canada, le moyen idéal d'aborder les complexités de notre politique fiscale.

M. Donald Johnson: Il y a une dernière question que je tiens à aborder. La recommandation qui est au centre de notre discussion n'est pas incompatible avec les autres mesures publiques proposées, en l'occurrence, la baisse des impôts, la réduction de la dette ou l'augmentation des dépenses dans certains secteurs car, par rapport à l'ampleur de l'excédent budgétaire, le coût d'une telle mesure est presque négligeable. Il faudrait, cependant, lui accorder la priorité.

Je vous remercie beaucoup de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant votre comité.

M. Scott Brison: Merci.

Le président: Merci, monsieur Johnson.

Monsieur Brison, je vous remercie de vos observations même si, en matière fiscale, je pense qu'il conviendrait d'y regarder d'un peu plus près. Il n'y a, dans mon esprit, aucun doute quant à cela.

Je tiens à remercier toutes les personnes présentes. Au cours des derniers jours, ici à Toronto, nous avons assisté à des interventions extrêmement intéressantes. Nous avons accueilli un large éventail d'opinions, de personnes oeuvrant pour la justice sociale jusqu'à des groupes de radiodiffuseurs et d'entrepreneurs. L'exercice a été du plus grand intérêt et nous tenons à vous remercier.

Monsieur Jackman, vous disiez tout à l'heure que les Américains sont plus généreux que les Canadiens. Je crois que si vous procédiez à un sondage dans l'ensemble du pays, vous vous apercevriez probablement que nous, Canadiens, pensons que nous sommes plus généreux que les Américains. À chaque fois que je participe à ces consultations prébudgétaires, je me dis qu'il faudrait lancer, dans notre pays, des opérations de démythification, afin de réunir, sur un certain nombre de thèmes, des données objectives. Ce n'est qu'après cela que nous serions à même de décider sagement.

Je me félicite de ce qu'on ait évoqué ici la suppression de l'impôt sur les gains en capital. C'est une question qu'au sein du comité nous allons étudier avec attention. Quoiqu'en dise la presse, il n'est pas vrai qu'en matière de fiscalité nous nous intéressions uniquement à l'impôt sur le revenu des particuliers. C'est la fiscalité toute entière que le comité entend examiner, c'est-à-dire l'impôt sous toutes ses formes.

• 1220

Si nous voulons que le pays puisse aller de l'avant, et instaurer les programmes que tout le monde réclame, il semble évident qu'il faudra améliorer notre prospérité. Or, pour cela, c'est-à-dire pour que nous soyons en mesure de poursuivre les programmes sociaux auxquels nous nous sommes habitués, il y a un certain nombre de conditions préalables.

Je veux dire par cela que vous pouvez vous attendre à ce que le comité définisse un ensemble de mesures susceptibles d'accroître la prospérité de notre pays avec l'objectif socio-économique de préparer le Canada, de l'équiper pour qu'il puisse affronter la concurrence mondiale. Le moment est venu d'agir en ce sens et il est clair qu'on ne peut plus attendre.

Je vous remercie beaucoup pour votre contribution au débat.

M. Donald Johnson: Merci beaucoup de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant vous.

Le président: La séance est levée.