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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 5 octobre 2000

• 1109

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Albina Guarnieri (Mississauga-Est, Lib.)): Comme nous avons le quorum, je vais demander aux membres du comité de bien vouloir s'asseoir.

Nous allons procéder aujourd'hui à l'audition de témoins. Nous avons le plaisir d'accueillir M. Mark Yakabuski et M. Randy Bundus, du Bureau d'assurance du Canada. Le deuxième groupe est constitué des représentants de l'Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes, M. Mark Daniels, président, et M. Jean-Pierre Bernier, vice-président et avocat général, et notre troisième témoin est le représentant de l'École des hautes études commerciales, M. Jean Roy, professeur agrégé de finances.

• 1110

Chaque groupe prendra la parole pendant 10 minutes. Je crois que vous avez tous un bref exposé à nous faire, après quoi nous passerons aux questions. Je vous remercie.

Monsieur Yakabuski, s'il vous plaît.

M. Mark Yakabuski (vice-président, Ontario, Bureau d'assurance du Canada): Merci beaucoup, madame la présidente. Je tiens à vous remercier de me donner l'occasion de m'adresser aux membres du Comité des finances pour discuter de la nouvelle législation fédérale régissant les institutions financières, le projet de loi C-38.

Je m'appelle Mark Yakabuski. Je suis vice-président, Relations gouvernementales, du Bureau d'assurance du Canada, et vice-président pour l'Ontario du BAC. Ce matin, je suis accompagné du vice-président, conseiller juridique et secrétaire, mon collègue Randy Bundus.

Comme bon nombre d'entre vous le savent, le BAC est l'association professionnelle nationale qui représente la plupart des sociétés d'assurances de dommages du Canada. Notre industrie compte près de 100 000 personnes réparties dans toutes les régions du Canada; l'an dernier, elle a versé près de 14 milliards de dollars en règlements aux consommateurs d'assurance à l'égard de pertes ou de dommages à leurs voitures, leurs habitations ou leurs entreprises, et pour la réadaptation des victimes d'accidents.

[Français]

Ces dernières années, madame la présidente, le Bureau d'assurance du Canada a participé activement au vaste débat que nous avons tenu sur l'avenir du secteur canadien des services financiers. Le dépôt du projet de loi C-38 met enfin un terme à ce long examen et propose de saines réformes qui, j'en suis convaincu, raffermiront nos institutions financières partout au pays, accroîtront notre compétitivité tant au pays qu'à l'étranger et, surtout, donneront plus de pouvoir aux consommateurs.

À cette fin, madame la présidente, je tiens à rendre hommage à tous les membres de ce comité—et je dis bien tous les membres de ce comité—pour le rôle essentiel qu'ils ont joué dans le cadre de la préparation de ces propositions.

[Traduction]

Je désire préciser tout de suite que l'industrie des assurances de dommages appuie vivement le projet de loi C-38 et je demande au comité de terminer dans les plus brefs délais l'étude de ce projet de loi pour que le Parlement puisse l'adopter dès que possible.

Si je dis cela, c'est parce que nous estimons que ce projet de loi renferme des mesures bien équilibrées. Il représente une tentative importante de rapprochement des divers intérêts au sein du secteur des services financiers et il veille à doter le secteur financier d'un cadre législatif dynamique et stable qui permettra de relever les défis futurs.

Je suis particulièrement reconnaissant aux membres du comité et à vos nombreux collègues du Parlement, qui n'ont pas ménagé leurs efforts pour que le projet de loi C-38 maintienne les règles actuelles qui régissent la vente d'assurance dans les banques. Le maintien des règles établies en 1992 fera en sorte que les consommateurs canadiens bénéficieront des avantages d'une vive concurrence sur les marchés de l'assurance automobile, habitation et entreprise. Il accordera également à l'industrie et à ses milliers de courtiers, d'agents et de représentants la stabilité dont ils ont besoin pour centrer leur énergie sur la satisfaction des besoins d'assurance des Canadiens, qui ne cessent d'évoluer, sans avoir à se préoccuper des avantages législatifs que pourraient rechercher leurs concurrents.

Je suis heureux de constater que ces nouvelles mesures législatives seront appliquées pendant cinq ans, après la sanction royale. Madame la présidente, c'est le genre de stabilité dont nous avons besoin, comme toutes les institutions financières, pour prospérer dans un milieu dynamique.

• 1115

[Français]

Je me réjouis du fait que ce projet de loi renferme d'importantes mesures, toujours équilibrées, à mon avis, qui favoriseront une concurrence plus vive à l'intérieur du secteur des institutions de dépôt. J'applaudis notamment l'abaissement des normes de fonds propres pour ces institutions. Le projet de loi permet pourtant aux grandes banques de constituer des sociétés de portefeuille pour garantir davantage de souplesse à leurs activités. À notre avis, cette disposition pourrait également aider les petites et moyennes institutions, tant au Québec qu'ailleurs au pays, à s'unir pour concurrencer davantage les grandes institutions.

Avec plus de 200 assureurs de dommages au pays qui se font concurrence tous les jours sur le marché canadien de l'assurance automobile, habitation et entreprise, le Bureau d'assurance du Canada soutient depuis longtemps que les consommateurs seront gagnants si des niveaux semblables de concurrence existent dans d'autres segments du secteur des services financiers.

Il faudra, bien sûr, attendre un certain temps avant de pouvoir déterminer si ces mesures permettront enfin de promouvoir une vraie concurrence au sein de l'industrie des services bancaires au Canada, mais, madame la présidente, il s'agit à coup sûr d'un bon pas dans la bonne direction.

[Traduction]

Les consommateurs de services financiers profiteront également de la nouvelle législation compte tenu de la création de la nouvelle Agence de la consommation en matière financière du Canada. Cette nouvelle agence sera investie de vastes pouvoirs pour mettre en oeuvre les dispositions de toutes les lois sur les services financiers qui traitent de la protection des consommateurs.

Il ne fait aucun doute que cette agence sera un nouvel intervenant puissant au sein du secteur des services financiers. Les assureurs de dommages accueillent très bien le raffermissement de la protection des consommateurs, pourvu que l'Agence se concentre sur les problèmes du secteur des services financiers qui ont suscité un nombre sans précédent de plaintes de la part des consommateurs ces dernières années.

Nous savons pertinemment que les consommateurs déposent très peu de plaintes auprès des organismes de réglementation fédéraux et provinciaux du Canada au sujet de l'assurance de dommages; et nos sociétés veulent, à juste titre, éviter d'être obligées d'assumer les dédommagements accordés aux consommateurs assurés par d'autres sociétés. Toutefois, nous comprenons également que la protection des consommateurs représente l'un des objectifs clés du projet de loi C-38.

Pour garantir l'adoption rapide de ce projet de loi,

[Français]

quoi qu'il en soit,

[Traduction]

je demande au comité de n'analyser que les modifications de portée très limitée et qui ne suscitent pas la controverse. Dans cette foulée, nous recommandons au comité d'insister plus particulièrement sur deux choses: premièrement, les articles du projet de loi qui portent sur les nouveaux pouvoirs conférés au BSIF et au nouveau commissaire de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada, c'est-à-dire l'imposition de pénalités et, deuxièmement, les nouvelles limitations de la capacité des institutions financières de déclarer des dividendes dans certaines circonstances.

Plus précisément, madame la présidente, les pouvoirs accrus conférés au BSIF et au commissaire en matière d'imposition de pénalités permettent à l'organisme de réglementation de jouer un rôle au chapitre de l'application de la loi et un rôle judiciaire. C'est une situation inconfortable aux yeux de bien des gens. Même si les institutions financières peuvent en appeler de ces pénalités auprès de la Cour fédérale, elles pourraient hésiter à le faire même si elles possèdent toutes les cartes nécessaires, de crainte qu'un appel n'incite ultérieurement le surintendant à faire obstacle à la demande d'agrément d'opérations auxquelles elles prendraient part. Autrement dit, cela pourrait avoir un effet dissuasif.

• 1120

L'effet ultime de ce nouveau pouvoir dépendra des opérations considérées comme des infractions passibles de pénalités. Voilà pourquoi nous suggérons au comité de recommander au moins au gouvernement de consulter les institutions financières lorsqu'il rédigera des règlements en la matière. Je crois qu'il serait très utile que vous puissiez faire cette recommandation très importante, mais néanmoins très simple.

Un autre nouveau pouvoir conféré au surintendant des institutions financières nous préoccupe tout autant. La nouvelle législation exige que le surintendant approuve la déclaration de nouveaux dividendes lorsque l'ensemble des dividendes versés au cours de l'exercice dépasse le revenu net de l'exercice, majoré des bénéfices non répartis des deux derniers exercices.

Nous reconnaissons que cette disposition pourrait s'avérer raisonnable pour des sociétés qui ont presque atteint leurs normes de fonds propres. On ne voudrait pas, en effet, qu'une société verse des dividendes s'il ne reste plus beaucoup d'argent en caisse. Cela paraît logique. Toutefois, cette disposition ne convient sûrement pas aux sociétés qui sont excessivement capitalisées en regard du nombre de polices qu'elles émettent. Autrement dit, elles sont loin d'atteindre leurs normes de fonds propres. Nous proposons que l'approbation préalable obligatoire du surintendant soit limitée aux sociétés qui ont presque atteint leurs normes de fonds propres, sinon cette disposition pourrait décourager les investissements dans les institutions financières, ce qui va nettement à l'encontre de l'esprit du projet de loi.

Par conséquent, je vous demande encore une fois d'en tenir compte. C'est une recommandation très simple, mais néanmoins très importante que votre comité pourrait formuler.

Pour conclure, madame la présidente, je vous félicite des efforts qu'a déployés votre comité et du rôle crucial qu'il a joué dans le débat qui a eu lieu, ces dernières années, sur l'avenir du secteur des services financiers canadien, de même que de sa participation à la préparation des mesures que nous étudions aujourd'hui. Je vous exhorte vivement, vous et vos collègues, à procéder à l'examen du projet de loi C-38 dans les plus brefs délais et, comme je l'ai dit, de permettre au Parlement de l'adopter avant que certains autres événements n'aient lieu. Je peux vous assurer que vous doterez ainsi le Canada d'un contexte législatif et réglementaire dynamique et stable dans lequel les institutions financières pourront prospérer et relever les défis de ce nouveau siècle.

[Français]

Madame la présidente, je vous remercie de votre attention. Nous serons heureux de répondre à vos questions.

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Albina Guarnieri): Merci, monsieur Yakabuski. Le Comité des finances a la réputation de travailler le plus rapidement possible, et je vous remercie donc de votre conseil.

C'est maintenant au tour de l'Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes. Monsieur Daniels, vous disposez de 10 minutes. Merci.

[Français]

M. Mark R. Daniels (président, Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes): Merci, madame la présidente.

[Traduction]

Madame la présidente, membres du comité, je vous remercie beaucoup de votre invitation à participer à votre examen du projet de loi C-38. Comme la présidente l'a mentionné, je suis Mark Daniels, président de l'Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes. Je suis accompagné de M. Jean-Pierre Bernier, notre avocat général.

Madame la présidente, le comité a reçu des exemplaires du mémoire que notre secteur lui a adressé au sujet du projet de loi C-38. Comme nous disposons de peu de temps, je me contenterai de vous donner un bref aperçu général des opinions de notre industrie.

• 1125

Je dois d'abord mentionner que notre association représente plus de 80 compagnies d'assurances, soit plus de 90 p. 100 du secteur de l'assurance de personnes du Canada. Nos membres protègent plus de 20 millions de Canadiens de même que 10 millions d'autres assurés répartis dans le monde entier.

Pour faire suite à l'exposé de M. Yakabuski, je voudrais commencer par souligner le rôle important que votre comité a joué dans l'élaboration de ce projet de loi. Votre examen du rapport du groupe de travail MacKay et des questions connexes ont largement contribué à la préparation de cette mesure, et je crois qu'il s'agit là d'une toute nouvelle façon d'élaborer la législation concernant les services financiers.

Nous apprécions vivement les nombreuses occasions que vous nous avez données de contribuer de façon constructive à vos travaux. Notre témoignage d'aujourd'hui vise également à contribuer de façon constructive à votre examen de cette mesure législative très importante.

Madame la présidente, le projet de loi C-38 représente l'aboutissement de consultations très longues et très approfondies, et même s'il ne règle pas chacune des questions mises en lumière au cours de ce processus, il représente un juste équilibre entre les nombreuses suggestions et recommandations des diverses parties prenantes. Dans ce contexte, le projet de loi C-38 propose une vision équilibrée et complète pour le secteur des services financiers, ce qui servira grandement les intérêts des consommateurs canadiens.

De plus, madame la présidente, le projet de loi C-38 offre davantage de souplesse aux compagnies canadiennes d'assurance de personnes pour faire face à la concurrence intense dans le marché des services financiers du XXIe siècle, un marché en pleine évolution.

Nous croyons que ce projet de loi est à la fois bon pour les consommateurs et bon pour le secteur des services financiers. Par conséquent, nous demandons à votre comité que, par souci de clarté et de certitude, et pour mettre en place un cadre législatif modernisé et concurrentiel à l'échelle internationale, le projet de loi C-38 soit adopté et entre en vigueur le plus rapidement possible.

Le projet de loi C-38 a été rédigé avec soin, mais notre secteur croit que le comité pourrait améliorer la mesure dans laquelle ses objectifs seront atteints.

Nous suggérons au comité de recommander, dans son rapport, des changements visant premièrement à favoriser une harmonisation entre les activités de la nouvelle Agence de la consommation en matière financière du Canada et celle des surintendants de l'assurance des provinces et, ensuite, à simplifier les dispositions législatives concernant la reddition de comptes en supprimant les pouvoirs inutiles permettant de prendre des règlements détaillés prescrivant le contenu, la forme et le mode de publication des états financiers.

Madame la présidente, je répète que les compagnies d'assurance de personnes du Canada sont convaincues qu'il s'agit là d'une mesure législative importante et qui arrive à point nommé. Dans ce contexte, nous remercions le comité de nous avoir rapidement donné l'occasion de faire connaître nos opinions et notre point de vue.

Madame la présidente, voilà qui termine ma déclaration liminaire. Mon collègue et moi-même sommes prêts à répondre à vos questions. Je vous remercie.

La présidente suppléante (Mme Albina Guarnieri): Merci, monsieur Daniels. Vous en aurez l'occasion lorsque nous aurons entendu

[Français]

M. Jean Roy de l'École des hautes études commerciales. Soyez le bienvenu, monsieur Roy. Vous avez la parole.

M. Jean Roy (professeur agrégé de finances, École des hautes études commerciales): Merci beaucoup, madame la présidente. J'apprécie énormément l'occasion qui m'est donnée d'exprimer mon point de vue. Je suis professeur de finances à l'École des hautes études commerciales de Montréal.

À titre d'introduction et par souci de transparence, je dirai que je n'ai aucun lien avec quelque institution financière que ce soit. Mes travaux professionnels, en dehors de l'École des hautes études commerciales, se sont limités à des travaux de consultation avec les organismes publics, provinciaux ou fédéraux. Donc, c'est avec un certain détachement que je vais faire mes commentaires.

Je dois aussi mentionner que j'ai eu l'occasion de participer à la rédaction d'un des rapports spéciaux de la Commission MacKay, en particulier sur la participation du public à l'examen des projets de fusion. Je ne reviendrai cependant pas sur ce point. J'ai aussi témoigné, à différentes occasions, devant le Comité permanent des finances et devant le Comité des banques du Sénat.

Je suis d'accord avec mes collègues qu'il y a eu un long cheminement, qu'on a beaucoup progressé et qu'on ne devrait pas remettre en question des choses fondamentales. Il s'agit plutôt d'examiner des éléments de détail pour perfectionner le plus rapidement possible ce projet de loi très important.

• 1130

Dans l'ensemble, ce projet de loi m'apparaît à la fois progressif et équilibré. D'une part, il offre de nouvelles possibilités de croissance aux entreprises du secteur des services financiers au moyen de nouvelles dispositions touchant les règles de propriété, la formation de sociétés de portefeuille et l'accès élargi au système de paiement. D'autre part, il redéfinit certains équilibres, en particulier entre les consommateurs et les fournisseurs de services financiers, entre les sociétés nationales et les sociétés étrangères, et entre les banques et les compagnies d'assurance-vie.

Tel que je perçois ce projet de loi, il vise en partie à déconcentrer le secteur financier en contenant la croissance des banques et en favorisant l'émergence de nouveaux groupes financiers centrés autour des compagnies d'assurance-vie. Je crois que cet objectif est tout à fait défendable. En général, je suis donc d'accord sur le contenu du projet de loi.

Voici néanmoins les quelques points à l'égard desquels je suggère certaines modifications.

Je traiterai en premier lieu de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada. À l'article 3, je propose deux modifications à la définition de la mission de cette agence. Premièrement, pour favoriser l'atteinte de l'objectif énoncé à l'alinéa 3(2)e), soit «de favoriser [...] la compréhension des services financiers», je souhaiterais que la mission de l'agence comporte explicitement une fonction de promotion de la recherche sur les services financiers. Je propose à cette fin l'ajout d'un alinéa 3(2)f) qui pourrait se lire ainsi:

      f) de promouvoir, auprès des institutions académiques, des groupes de protection des consommateurs et autres intervenants potentiels, la recherche en matière de distribution des services financiers;

Deuxièmement, je suggère d'inclure dans la mission de cette agence la fonction suivante, qui figurerait à l'alinéa 3(2)g) que je vous propose d'ajouter:

      g) de conseiller le ministre des Finances en matière de protection des consommateurs de services financiers.

Enfin, opinion personnelle, je crois que l'appellation française «Agence de la consommation en matière financière du Canada» n'est pas très réussie. Elle est trop longue et n'est pas euphonique. Il serait opportun de consulter des linguistes pour tenter d'améliorer ce nom. Puis-je suggérer plus simplement «Agence canadienne des services financiers» ou «Agence des services financiers du Canada»? Tous connaîtront à l'usage son rôle pro-consommateurs, même s'il n'apparaît pas explicitement dans son nom.

Le deuxième point concerne la Loi sur les banques. L'article 385 définit de nouvelles règles de propriété pour les banques ayant un capital entre 1 et 5 milliards de dollars. Comme tous le savent, cet article touche particulièrement la Banque Nationale du Canada et porte à controverse. Le principe général d'un passage graduel d'une propriété unique, c'est-à-dire à 100 p. 100, pour les petites banques à une propriété diffuse pour les grandes banques est bien fondé; ce sont les détails de son implantation qui font l'objet de différends.

Personnellement, je proposerais qu'on rende la progression vers la propriété encore plus graduelle en scindant en deux la catégorie intermédiaire. Ainsi, les institutions financières, en particulier les banques ayant un capital de 1 à 2,5 milliards de dollars, seraient tenues à 35 p. 100 de capital diffus, tandis que les banques ayant un capital de 2,5 à 5 milliards de dollars devraient avoir au moins 65 p. 100 de capital diffus et public. La Banque Nationale tomberait dans ce deuxième volet de la catégorie intermédiaire. Je crois que beaucoup de Québécois seraient beaucoup plus à l'aise face à ce genre de règle. Cette approche constituerait un compromis intéressant sur un point qui est très sensible pour la population québécoise.

Je traiterai maintenant de la nécessité d'un processus d'adoption rapide. Comme tous les gens du secteur financier, je constate que le domaine des services financiers évolue rapidement et que la mondialisation le touche particulièrement. Les États-Unis ont adopté en novembre 1999 le Financial Modernization Act, qui assouplit le cadre législatif du secteur financier et donne un pas d'avance aux institutions américaines. Dans ce contexte, il est impératif d'adopter rapidement le projet de loi C-38 pour permettre aux institutions canadiennes de s'adapter et de demeurer compétitives à l'échelle mondiale.

• 1135

Le dernier point porte sur le crédit-bail automobile. Le projet de loi C-38 n'accorde pas aux banques le droit d'offrir le service de crédit-bail automobile aux consommateurs. Étant donné l'ampleur de cette question, mieux vaut ne pas la reconsidérer à ce moment-ci. D'autre part, dans son communiqué du 13 juin, le ministre des Finances réitérait sa promesse de considérer des changements entre les périodes statutaires de révision.

    Ensuite, ainsi que cela a souvent été fait par le passé, le gouvernement est disposé à réévaluer la législation avant que soient révolus les cinq ans séparant les examens, s'il le juge à propos pour s'assurer que le cadre demeure adapté à un marché en rapide évolution.

Je propose donc que, sitôt le projet de loi C-38 adopté, le Comité permanent des finances se penche à nouveau sur l'opportunité d'autoriser les banques offrir du crédit-bail automobile aux consommateurs. Cette question est importante tant pour l'économie canadienne que pour les consommateurs. D'ailleurs, la Commission MacKay avait explicitement recommandé au gouvernement de permettre aux banques d'exercer cette activité.

En conclusion, le projet de loi C-38 représente un travail de grande envergure. Élaboré au cours d'un processus long et ouvert, ce projet de loi propose plusieurs changements opportuns permettant au secteur financier canadien de progresser tout en assurant sa stabilité. Il permettra au Canada de conserver son statut enviable quant à la qualité de ses services financiers. Il importe maintenant que ce projet de loi soit adopté rapidement et que le processus de révision continu reprenne dès son adoption.

Espérant que ces quelques commentaires puissent vous être utiles, je vous remercie beaucoup, madame la présidente, de m'avoir écouté. Bien que j'aie fait mon allocution en français, je répondrai volontiers aux questions en anglais.

La présidente suppléante (Mme Albina Guarnieri): Vous êtes gentil, professeur Roy. Vos commentaires étaient très utiles. On va commencer nos questions.

[Traduction]

Monsieur Jones, la parole est à vous.

M. Jim Jones (Markham, Alliance canadienne): Merci, madame la présidente.

Ma première question s'adresse à M. Roy et concerne ce qu'il a dit à propos du crédit-bail automobile.

Aux États-Unis, les banques sont-elles autorisées à se lancer dans le crédit-bail automobile?

M. Jean Roy: Oui. En fait, le groupe de travail MacKay a ordonné une étude spéciale qui contient des chiffres très intéressants. Je voudrais en mentionner quelques-uns.

Premièrement, il y a deux tableaux que nous pouvons comparer. En français, ce rapport s'intitule

[Français]

Rapport sur l'élargissement des pouvoirs des banques à la location-bail de véhicules légers. Le rapport a été fait par DesRosiers Automotive Consultants. Je me reporte au tableau 8 de la page 37. Nous y trouvons une description de la structure du marché du financement automobile au Canada et aux États-Unis.

On constate qu'il y a dans ces deux pays deux principaux organismes qui offrent du financement automobile. Il y a d'abord les sociétés de financement captives, qui appartiennent aux constructeurs automobiles. Au Canada, les 20 sociétés principales de ce genre accaparent de 70 à 80 p. 100 du marché, alors qu'aux États-Unis, ces mêmes entreprises occupent de 45 à 50 p. 100 du marché. Puis il y a les banques. Au Canada, à cause de la loi, elles ne sont aucunement présentes sur le marché, alors qu'aux États-Unis, elles occupent de 30 à 35 p. 100 du marché. Donc, d'une part, la présence des banques dans le marché de l'automobile ne leur permet pas nécessairement de dominer ce marché. D'autre part, elles ont clairement un effet sur les prix.

Au tableau 20 de cette étude, on constate qu'à l'époque où cette étude fut réalisée, le taux d'intérêt moyen sur les prêts automobiles était de 7,42 p. 100 au Canada et de 8,41 p. 100 aux États-Unis. Pour les prêts conventionnels ouverts aux banques, le Canada a un taux de financement inférieur de 1 p. 100 à celui des États-Unis. Toutefois, pour le crédit-bail, interdit aux banques, le taux d'intérêt moyen au Canada est de 9,42 p. 100, alors qu'il est de 8,34 p. 100 aux États-Unis. La présence des banques a donc un net effet sur le prix.

• 1140

J'aimerais également souligner la chose suivante. Quand on regarde la structure de ces compagnies de financement captives, on peut avoir l'impression que ce marché est concurrentiel étant donné qu'une vingtaine de ces entreprises se partagent 80 p. 100 de ce marché. Je vais d'abord vous énumérer les sociétés de financement captives au Canada:

[Traduction]

General Motors Acceptance Corporation, Ford Motor Credit, Chrysler Credit Canada, Honda Canada Finance, Toyota Credit Canada, etc.

[Français]

Ce qu'il faut comprendre ici, c'est que lorsque, par exemple, un consommateur décide d'acheter une voiture de General Motors, Toyota Credit n'est pas un compétiteur, n'est-ce pas? Donc, les 20 entreprises qui ont 80 p. 100 du marché se font plutôt concurrence dans la vente de leur produit, et non sur le financement de l'achat auprès du client. Une fois le produit vendu, le client devient quasi captif s'il veut louer chez ces entreprises.

Je crois qu'il serait dans l'intérêt des consommateurs que les banquiers, qui faisaient depuis longtemps le financement des voitures par des prêts conventionnels, deviennent à nouveau des participants dans ce marché.

[Traduction]

M. Jim Jones: Merci, monsieur Roy.

Monsieur Daniels, le projet de loi C-38 crée, pour les compagnies d'assurance-vie, un régime qui traite différemment les compagnies converties et les compagnies à capital-actions non converties. Êtes-vous d'accord? Quelle est la logique suivie? Et cela ne déséquilibre-t-il pas les entreprises sur le plan de la concurrence?

Deuxièmement, le projet de loi C-38 permet aux compagnies d'assurance-vie d'être membres du système de paiements canadiens. Quelles conséquences cela aura-t-il, en pratique, sur les services qu'offrent les compagnies d'assurance-vie?

M. Mark Daniels: Si vous le permettez, monsieur Jones, je répondrai d'abord à votre deuxième question.

Pour ce qui est des conséquences pratiques, le poste que j'occupe au sein de l'association ne me permet pas de connaître les intentions des compagnies membres. Nous savons que de nombreuses compagnies se préparent à utiliser un système de paiements électronique, sous une forme ou sous une autre. Pour vous donner une idée de la situation, le secteur de l'assurance de personnes verse 100 millions de dollars par jour aux Canadiens. Environ 10 p. 100 de cette somme revêt la forme de prestations d'assurance-vie. Le reste est constitué de remboursement de soins dentaires et de rentes. Cela représente un échange de fonds énorme dont la majeure partie était transmise, jusqu'ici, sous la forme de chèques tirés sur une banque.

Le fait est qu'il y a maintenant des technologies qui permettent aux gens d'avoir accès à leurs fonds et aux produits des assureurs de façon totalement différente. C'est une question à laquelle on travaille énormément à l'heure actuelle. Bien entendu, je ne suis pas au courant des plans précis des compagnies à cet égard. C'est une chose dont on parle actuellement.

Pas plus tard qu'hier, j'ai lu un article dans lequel on questionnait le PDG de Canada-Vie au sujet de l'inscription de sa compagnie à la Bourse de New York. Le président de la compagnie a mentionné deux caractéristiques de cette loi, le projet de loi C-38, qui l'intéressaient particulièrement dont le système de paiements, précisément pour cette raison. Il s'agit là d'un progrès très important que notre secteur souhaitait obtenir depuis un certain temps.

En ce qui concerne votre première question concernant le régime de propriété, je vous répondrai que la grande compagnie à capital-actions du pays, avant la démutualisation des quatre compagnies, bénéficiait d'un régime spécial aux termes de la Loi sur les corporations commerciales canadiennes—je ne pense pas me tromper, Jean-Pierre, et que ce régime a prévalu pendant un certain temps, même s'il y a eu plusieurs transferts de propriété.

Pour ce qui est du régime des nouvelles compagnies démutualisées, si j'ai bien compris l'intention de la loi, il vise à faire en sorte que ces compagnies aient le temps de s'acclimater au nouveau régime de détention publique. Quant à la position de notre association, nous avons participé activement aux discussions concernant ces propositions et nous les appuyons entièrement.

• 1145

M. Jim Jones: J'ai une dernière question pour Mark.

Dans votre exposé, vous avez notamment souligné l'urgence d'approuver ce projet de loi. Pourriez-vous me dire quelle conséquence cela aurait pour votre secteur, sur le plan monétaire, par exemple, s'il était approuvé à la fin de l'année ou à la fin de juin l'année prochaine? Je voudrais savoir quels avantages vous retirerez d'une approbation rapide de ce projet de loi.

M. Mark Yakabuski: Nous reconnaissons tous qu'il y a eu un très long débat sur les services financiers. Nous y avons tous participé. Le Parlement y a certainement joué un rôle. Et nous sommes convaincus que cette mesure établit un juste équilibre entre plusieurs objectifs différents et parfois concurrents.

Il n'est pas toujours possible d'obtenir un projet de loi qui équilibre bien des objectifs concurrents. Je crois que celui-ci y est parvenu, si j'ai bien lu les communiqués, et c'est pourquoi le Bureau d'assurance du Canada qui représente les assureurs multirisques appuie cette mesure. L'Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes, qui représente les assureurs-vie, l'appuie également. L'Association des banquiers canadiens, qui comparaîtra plus tard devant votre comité, a déclaré dans son communiqué que c'était un bon projet de loi.

Ce résultat ne s'obtient qu'au prix d'énormément de travail et je crois que les gens du marché attendaient cette mesure depuis longtemps. Si ce projet de loi n'est pas adopté pour une raison ou pour une autre, s'il meurt au Feuilleton, nous ne pouvons pas prédire ce qu'il adviendra de la révision et de la réforme des services financiers. Je ne sais pas ce que fera le prochain Parlement et je suppose que personne ne le sait.

Par conséquent, étant donné que nous avons réalisé tellement de travail en l'espace de deux législatures successives—le dernier Parlement a entamé le processus et celui-ci lui a consacré beaucoup de temps—nous avons toutes les raisons de vouloir parvenir au but maintenant.

La présidente suppléante (Mme Albina Guarnieri): Monsieur Daniels, vous voulez ajouter quelque chose?

M. Mark Daniels: Merci, madame la présidente.

J'ajouterai seulement qu'il y a une autre dimension à considérer. Nous demanderions l'adoption rapide de cette mesure de toute façon. Elle résulte d'un processus long et approfondi, mais dans le secteur de l'assurance de personnes, il faut tenir compte de la dimension américaine. Nous sommes extrêmement actifs aux États-Unis. Une nouvelle loi importante entrera en vigueur aux États-Unis dans un mois. Cette mesure va largement changer la façon dont le secteur des services financiers opérera là-bas.

Madame la présidente, les Canadiens ne peuvent pas se permettre de laisser le climat dans lequel le secteur des services financiers opère aux États-Unis—qui est différent du nôtre depuis très longtemps—changer radicalement la situation. Le capital est extrêmement mobile. Dans le marché nord-américain, nous devons travailler très fort pour que nos institutions aient l'environnement le plus souple et le plus fluide possible. Voilà pourquoi ce projet de loi est particulièrement important dans la conjoncture actuelle.

La présidente suppléante (Mme Albina Guarnieri): Merci beaucoup.

[Français]

Monsieur Loubier.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Je reprends là où M. Daniels a conclu. Pour nous aussi, ce projet de loi est fort important. On l'attend depuis des années. Depuis sept ans, on aurait dû avoir un projet de loi avec un processus un peu plus rapide que ce qu'on a connu. Je ne veux pas dénigrer le travail de M. MacKay, de ses assistants et de tous ceux qui, comme M. Roy, ont contribué à cela, mais nous avions préconisé un fast track pour adopter rapidement un tel projet de loi. À notre avis, il fallait procéder rapidement pour affronter la concurrence internationale. C'est d'ailleurs l'objet d'un mémoire que j'ai déposé moi-même il y a deux ans, au nom de mon parti, devant le Comité des finances.

Nous considérons que ce projet de loi est bien conçu à 95 p. 100 parce qu'il répond bien aux besoins de l'industrie. Nous avons entendu tellement de témoignages, dont celui de M. MacKay. Nous avons parcouru son rapport, et je partage un peu l'enthousiasme de M. Yakabuski là-dessus: il y a des pans entiers du projet de loi qui sont très corrects.

• 1150

Il comporte par contre des éléments controversés que M. Roy a soulignés plus tôt. D'ailleurs, nous-mêmes, au Bloc québécois, en tant que représentants du parti, au moment de faire nos représentations au Comité des finances, remettions en question l'opportunité d'augmenter le nombre et le pourcentage d'actions dont un seul individu puisse être détenteur dans une banque de moyenne capitalisation ou dont les avoirs propres moyens sont de moins de 5 milliards de dollars.

Nous nous demandons toujours—et personnellement je n'ai pas encore obtenu de réponse à cet égard—où se trouve la flexibilité dont M. Martin se loue en disant qu'il offrirait à un seul détenteur, à un seul investisseur 65 p. 100 des actions d'une banque comme la Banque Nationale. Quelle flexibilité cette entreprise-là acquiert-elle? Moi, je n'en vois pas. Quelle différence y a-t-il, par exemple, entre la situation où un seul individu détiendrait 65 p. 100 des actions et celle où 65 individus en détiendraient chacun 1 p. 100? Quelle flexibilité est ajoutée? Quelle augmentation de la capacité de capitalisation d'une banque cela apporte-t-il? Je n'ai toujours pas de réponse à cela.

Hier, cependant, M. Doug Peters, qui a été secrétaire d'État aux institutions financières avant M. Peterson, est venu dire que, selon lui, un tel argument était ridicule et que le projet de loi comportait de grands dangers par rapport à la dilution de la propriété, au concept de propriété diffuse. Quand cela vient d'une personne si proche des réformes proposées, qui a suivi les réformes—M. Peters était là auparavant—, je me dis que nous ne sommes pas les seuls à penser cela.

Monsieur Roy, vous ramenez cette question sur le tapis ce matin. C'est vrai qu'il y a une controverse certaine autour de cette question. Notre plus grande banque au Québec, la Banque Nationale, est traitée différemment de la plus grande banque du reste du Canada, la Banque Royale, en ce qui a trait à la propriété diffuse.

Je trouve votre suggestion intéressante, mais ne croyez-vous pas qu'en permettant à un individu de détenir 35 p. 100 des actions de la Banque Nationale, par exemple, étant donné la structure actuelle de propriété des banques, vous donnez à ce seul individu le plein contrôle? Est-ce que je n'ai pas raison d'affirmer cela?

M. Jean Roy: C'est juste. Disons simplement qu'on s'entend sur les pôles, à savoir que la propriété des petites banques puisse être détenue à 100 p. 100 par un individu pour permettre l'émergence de nouvelles banques; on s'entend également, jusqu'à un certain point, en ce qui concerne la propriété des grandes banques. C'est la propriété des banques de classe intermédiaire qui est difficile à gérer.

Personnellement, je serais porté à dire que, malgré tout, ce n'est pas nécessairement de la flexibilité qu'apporte le contrôle de la propriété, mais plutôt de la rapidité d'action. C'est-à-dire que quelqu'un qui détient 65 p. 100 des actions peut faire ce qu'il veut rapidement. Ainsi, dans le cadre des nouvelles sociétés de portefeuille, la Banque Nationale pourrait devenir une filiale d'un plus grand groupe financier, lequel pourrait prendre des décisions rapides, en ayant moins de problèmes de contrôle.

C'est certain qu'avec 35 p. 100 des actions, un actionnaire n'a plus le contrôle légal mais, dans la plupart des cas, il est considéré comme ayant effectivement le contrôle. Disons que cela laisse 65 p. 100 de propriété diffuse et que, parmi tous ces actionnaires minoritaires, des consensus d'opposition peuvent se développer. Les gens ont le poids collectif nécessaire pour s'opposer.

M. Yvan Loubier: Je m'accorde avec vous à cet égard, monsieur Roy. Moi, je suis un disciple des droits et des pouvoirs collectifs. Il n'y a pas de problème là. Par contre, lorsqu'on voit de quelle façon sont conduites les réunions d'actionnaires à l'heure actuelle—nous avons eu hier l'occasion d'en reparler avec M. Lussier, président de l'APEIQ, l'Association de protection des épargnants et investisseurs du Québec—, on s'aperçoit que lorsque quelqu'un dispose de 35 p. 100 des actions et que s'appliquent les règles archaïques des conseils d'administration—tu nommes, nous nommons, vous nommez, ils se nomment—, le pouvoir collectif n'existe plus.

L'autre point qu'il est important de considérer, et je ne sais pas si vous serez d'accord avec moi, c'est que dans le cas d'une prise de contrôle, d'une tentative de prise de contrôle ou encore d'un contrôle trop grand d'un côté, certaines opérations financières ont des retombées très intéressantes pour les actionnaires. On l'a vu dans certains cas de fusion: des actionnaires principaux ont fait beaucoup d'argent, même si M. Martin a décrété que les fusions ne devaient pas avoir lieu.

N'aurait-on pas besoin d'une protection supplémentaire? Admettons que votre position, qui en est une de compromis, n'empêche aucunement une institution comme la Banque Nationale de créer des alliances stratégiques, etc. En même temps, on demande que des critères soient ajoutés pour l'évaluation d'une opération financière, qui feraient en sorte, par exemple, que quelqu'un qui détient 10 p. 100 des actions de la Banque Nationale puisse arriver à en détenir 35 p. 100.

• 1155

On pourrait dire que certains critères doivent s'appliquer, comme le maintien des services, le maintien de centres de décision ultime sur le territoire québécois, les retombées sur Montréal en tant que centre financier international, de même que d'autres critères comme le maintien des emplois ultraspécialisés. Vous savez comme moi qu'au Québec, on n'a pas une multitude de spécialistes en matière financière.

Ne serait-ce pas une garantie supplémentaire qu'en donnant suite à votre proposition, on fasse les choses selon les règles de l'art, respectant aussi certaines prérogatives qu'on aimerait avoir au Québec?

M. Jean Roy: Certainement. Pour aller dans le sens de ce que vous dites, je crois que si on pouvait tout simplement s'entendre sur une ventilation des banques ou des institutions financières à quatre niveaux de capitalisation, on n'aurait qu'à demander que le processus d'examen des fusions ou des acquisitions prévu pour les grandes banques s'applique à partir d'un capital de 2,5 milliards de dollars.

À ce moment-là, tous les critères de retombées sociales qui seraient pris en considération dans la nouvelle procédure d'examen des fusions s'appliqueraient également à la Banque Nationale.

M. Yvan Loubier: C'est intéressant, monsieur Roy. Je suis bien content de vous entendre dire cela.

M. Jean Roy: Je pourrais mentionner autre chose concernant l'impact du niveau de propriété sur le contrôle. Comme vous l'avez mentionné, il y a l'impact du niveau de propriété sur les gains que les actionnaires peuvent faire. Voici comment je vois l'ancien régime qui existait au Canada. Nous avions un système bancaire relativement concentré, pratiquement oligopolistique, auquel, d'une certaine manière, la règle de 10 p. 100 servait d'antidote. Autrement dit, si la banque, comme entité, faisait des profits légèrement excédentaires, la règle du 10 p. 100 garantissait la redistribution de ces profits à la population.

Le problème qui se pose évidemment, c'est qu'on veut se diriger vers un marché concurrentiel où il n'y aurait plus de profits excédentaires, mais on n'y est pas encore tout à fait arrivés, en particulier au Québec, où le marché financier est relativement concentré chez deux joueurs majeurs: le Mouvement Desjardins et la Banque Nationale.

Donc, dans la mesure où ce marché n'est pas encore totalement concurrentiel, il est important de garder la propriété diffuse pour s'assurer que les profits excédentaires seront redistribués.

M. Yvan Loubier: Merci, monsieur Roy.

M. Mark Yakabuski: J'aimerais ajouter un commentaire en ce qui concerne la nécessité de faire quelque chose de ce projet de loi le plus vite possible. Je suis très bien, madame la présidente, l'argumentation de M. Loubier. C'est bien entendu. Cependant, il faut souligner aussi que ce sont surtout les institutions financières québécoises, notamment la Banque Laurentienne, dont le chef de la direction, Henri-Paul Rousseau, était anciennement chef de la direction d'une compagnie d'assurance de dommages et connaît bien les services financiers, qui appuient fermement l'idée des nouvelles règles s'appliquant aux sociétés de portefeuille. M. Rousseau les trouve très intéressantes pour les sociétés québécoises.

M. Yvan Loubier: Monsieur Yakabuski, c'est indéniable. D'ailleurs, nous aussi avons appuyé cela. Je vous rappellerai que nous avons accueilli au caucus du Bloc québécois, il y a deux ans et demi, tous les présidents et membres du conseil d'administration des grandes banques canadiennes et québécoises. Lorsque M. Rousseau nous a parlé de la nécessité d'alliances stratégiques et d'une grande flexibilité, nous avons accepté cela d'emblée. D'ailleurs, vous ne nous avez jamais entendu parler contre le fait qu'on puisse créer des sociétés de portefeuille, avec des alliances stratégiques entre une banque et une société de fiducie, etc. Nous sommes pleinement d'accord sur cela.

Cependant, nous entretenons une certaine crainte concernant la Banque Nationale, et je pense que M. Roy a mis le doigt dessus. Cela suscite une controverse au Québec, et beaucoup de gens ont des craintes. Il ne faudrait surtout pas oublier que la Banque Nationale est la banque des PME au Québec et que les PME font la force du développement économique au Québec. Alors, on ne laisse pas aller les choses comme ça. On a besoin de plus de garanties à cet égard. Je trouve que les suggestions de M. Roy sont bonnes et pourraient peut-être fournir un compromis acceptable, comme vous le dites.

Si nous étions face à ce compromis acceptable, je peux vous assurer que nous appuierions le projet de loi. Il y a encore des petites choses moins bien définies, comme la protection des consommateurs, sur lesquelles nous avons des choses à dire, mais tout projet de loi peut être amélioré et bien des mesures complémentaires peuvent venir s'ajouter par la suite. Nous comprenons cela. Nous accepterions alors d'emblée ce projet de loi, mais jusqu'à présent, malgré les craintes partagées par bien des gens, le gouvernement n'a pas cru bon y répondre.

• 1200

Lorsqu'on a demandé à M. Peterson de prendre en considération quatre critères d'évaluation supplémentaires afin de les inclure dans le projet de loi, ce qui rejoint votre position, monsieur Roy, il a d'abord accepté pour ensuite revenir sur son engagement. Ces quatre critères étaient spécifiques aux emplois spécialisés, aux places d'affaires, etc. Même en généralisant pour en faire une question pancanadienne plutôt qu'uniquement québécoise, il est revenu sur son engagement.

Lorsqu'il a accepté, on était contents. On se disait qu'on progressait enfin vers quelque chose. Maintenant, vous arrivez avec un beau compromis complémentaire qui pourrait s'ajouter à quelque chose d'acceptable. Cependant, si on accepte d'un côté et que trois ou quatre jours plus tard on refuse de respecter ses engagements, il est difficile d'aller plus loin pour améliorer le projet de loi afin qu'il n'y ait pas de controverse et qu'on l'adopte rapidement.

On veut bien l'adopter rapidement, mais il est imparfait à certains égards. On est prêts à passer outre à certaines autres imperfections, mais on ne sera pas enthousiastes si celle-là n'est pas modifiée.

Je suis d'accord avec vous, monsieur Yakabuski. Il doit y avoir un peu d'enthousiasme autour de ce projet de loi parce que, de façon générale, c'est un bon projet de loi qui correspond aux attentes de l'industrie. Ça, c'est clair. On ne fera d'obstruction, mais on veut des garanties. Si le gouvernement est le moindrement intelligent, il va répondra favorablement, parce que ça ne lui enlève rien de répondre favorablement à de tels changements au projet de loi.

La présidente suppléante (Mme Albina Guarnieri): Merci, monsieur Loubier.

[Traduction]

Quelqu'un veut-il faire un bref commentaire?

Comme il n'y a personne, nous allons céder la parole à M. Cullen, le secrétaire parlementaire.

M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib): Merci beaucoup, madame la présidente, et je remercie les témoins pour leur présence ici aujourd'hui et pour leurs exposés.

[Français]

Merci beaucoup à tous les témoins.

[Traduction]

Je voudrais commencer par M. Daniels et M. Yakabuski, mais si vous avez quelque chose à dire, monsieur Roy et monsieur Bernier,

[Français]

c'est parfait.

[Traduction]

Hier, nous avons reçu la visite de M. Doug Peters, un ancien collègue de notre parti. Dans son mémoire, il a surtout parlé de l'assurance. Je voudrais vous en citer un extrait:

    [...] la suppression des règlements empêchant les institutions de dépôt de vendre de l'assurance dans leurs succursales et d'utiliser les renseignements sur leur clientèle pour commercialiser de l'assurance serait dans l'intérêt du public canadien.

Ce sujet a fait l'objet d'intenses discussions. Je me demande ce que vous pensez de cette déclaration. Pensez-vous que M. Peters a raison ou êtes-vous en désaccord?

M. Mark Daniels: Cela a certainement fait l'objet de discussions intenses. À bien des égards, ce sujet a occupé une place de choix, même si ce n'était peut-être pas justifié compte tenu de son importance quantitative. Il s'agissait certainement d'un argument de vente.

La meilleure réponse que je puisse vous donner est celle que vous avez inscrite dans votre propre réponse au rapport MacKay. Lorsque votre comité s'est penché sur la recommandation du rapport MacKay visant à examiner les pouvoirs concernant la distribution d'assurance, vous vous êtes dits d'accord, mais moyennant certaines conditions préalables et vous avez énoncé ces conditions.

J'étais au courant des observations de M. Peters. Je ne suis pas d'accord, en tout cas pas de la façon dont c'était formulé. En fait, cela revient à faire un énorme pas en arrière alors que votre comité a déclaré, en réponse au rapport MacKay, qu'il était prêt à examiner la question, mais qu'il fallait des conditions préalables. Je ne les passerai pas en revue, bien qu'elles soient très instructives, car un certain nombre d'entre elles—pratiquement toutes les conditions préalables que vous vouliez—sont incorporées dans la loi. Vous avez ensuite proposé de mettre ces mesures en place pendant un certain temps et de réexaminer ensuite la situation pour voir si les règles du jeu étaient équitables. Nous avons accepté cette position.

Bien entendu, si vous aviez demandé aux compagnies d'assurance de personnes si la liste des conditions préalables était aussi longue qu'elles le souhaitaient, nous aurions probablement répondu par la négative. Nous aurions voulu inclure la question de la SIAP et de la SADC, entre autres. Mais oublions tout cela. Je crois que vous nous avez donné un modèle de travail très utile. Je suis tout à fait prêt à l'accepter. Notre secteur est prêt à l'accepter.

• 1205

Cette mesure intègre la plupart des objections que vous aviez relevées dans votre rapport concernant l'étude MacKay sur la protection de la vie privée, la vente liée et la protection des consommateurs. Tout cela figure dans le projet de loi C-38. Vous vouliez, si j'ai bien compris, mettre ces mesures en place et les réexaminer plus tard, quand...

Tout cela, d'ailleurs, monsieur Cullen, nous ramène à des règles du jeu équitables, pour reprendre un lieu commun, et je crois que vous nous avez donné un remède assez utile.

Voilà donc ma réponse.

M. Mark Yakabuski: Je voudrais continuer dans la même veine. Sans vouloir être injuste, avant de remplir un mandat au Parlement, Doug Peters a été, pendant 17 ans environ, l'économiste en chef de la Banque Toronto-Dominion. Son expérience du secteur des services financiers lui vient du secteur bancaire. Sans vouloir insulter personne, le secteur des services financiers dépasse les confins du secteur bancaire.

Une des difficultés que nous avons connues au Canada pendant longtemps, et l'une des raisons pour lesquelles le débat sur les services financiers a duré pendant tant d'années, c'est qu'il y a eu, pendant longtemps, un déséquilibre au sein du marché canadien des services financiers. La situation évolue, je vous l'accorde, mais les banques à charte du Canada ont accaparé une proportion plus importante du marché des services financiers que leurs homologues de pratiquement tous les autres pays industrialisés.

Notre secteur financier a été dominé par le secteur bancaire. Nous avons eu une politique financière dominée par le secteur bancaire. Pendant 50 ans, nous avons eu des révisions décennales de la Loi sur les banques. Nous avons attendu près de 50 ans avant qu'on ne réforme la Loi sur l'assurance parce que la politique financière du pays était largement dominée par les intérêts du secteur bancaire.

Après la crise de 1929, nous avons bâti, grâce à une politique publique délibérée, un système bancaire solide et financièrement stable. Personne n'était contre—personne, mais c'était le résultat d'une politique publique délibérée. Nous avons donné aux banques des pouvoirs que nous n'avons pas accordés aux autres institutions financières. Nous les avons protégées de la concurrence comme nous n'avons jamais protégé les autres secteurs financiers.

Voilà pourquoi il n'est pas normal de donner tout à coup aux banques la possibilité d'entrer à leur guise dans les autres secteurs des services financiers alors que, pendant 50 ans, nous n'avons pas pu les concurrencer sur leur propre terrain. Voilà pourquoi, comme je l'ai dit dans mon exposé, la situation des autres institutions financières en dehors du secteur bancaire fait l'objet d'un débat très intense au Canada.

Jusqu'à ce que nous parvenions à élargir la concurrence dans l'industrie bancaire, il ne conviendrait pas de simplement ouvrir toutes grandes les portes et de se laver les mains des conséquences. C'est pourquoi nous n'avons cessé de dire, dans chaque mémoire provenant du Bureau d'assurance du Canada, que le grand défi qui se pose aux parlementaires et aux législateurs, c'est d'assurer une plus grande concurrence dans le secteur bancaire. Nous pourrons alors avoir un débat plus équilibré à propos de la politique des services financiers.

Vous avez pris d'excellentes mesures dans le projet de loi C-38 pour accroître la concurrence dans le secteur des institutions de dépôt. Nous devrons attendre quelques années pour voir comment cela fonctionne, mais c'est un aspect fondamental du débat.

Je vous remercie.

[Français]

M. Roy Cullen: J'ai une autre brève question pour vous.

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Albina Guarnieri): M. Roy a indiqué qu'il voulait intervenir.

M. Roy Cullen: Oui, très bien.

La présidente suppléante (Mme Albina Guarnieri): Vous avez la parole, monsieur Roy.

[Français]

M. Jean Roy: Merci, madame la présidente. J'aimerais faire un commentaire sur cette question. Quand on regarde ce qui se fait ailleurs dans le monde, où le principe de la bancassurance est en train de se généraliser, on voit que le Canada est en train de se marginaliser, de devenir une exception. Pendant tous ses travaux, le Groupe de travail MacKay a mis de l'avant le principe des marchés concurrentiels. Ces deux facteurs font qu'à long terme, à mon avis, le Canada devrait évoluer dans le même sens que le reste du monde et arriver au principe de la bancassurance.

Maintenant, je crois que le ministre des Finances a probablement pris une sage décision quand il a décidé de ne pas accorder ce privilège aux banques immédiatement, essentiellement afin de donner aux groupes financiers basés autour des compagnies d'assurance-vie l'occasion de se développer, de jouir d'une certaine protection pendant un certain temps, mais cela devrait être une mesure à court ou à moyen terme. Donc, à mon avis, d'ici cinq ans, ce privilège devrait être donné aux banques, et les consommateurs bénéficieraient d'une plus grande concurrence dans ce marché.

• 1210

M. Roy Cullen: Merci beaucoup, monsieur Roy. J'ai une question pour vous. Je m'excuse, mais je vais parler en anglais. Ce sont des sujets assez compliqués pour moi, et peut-être aussi pour vous.

[Traduction]

Dans votre mémoire, monsieur Roy, vous soutenez que le principe général d'un passage graduel d'une propriété unique pour les petites banques à une propriété diffuse pour les grandes banques est bien fondé et que ce sont les détails de son implantation qui font l'objet de différends. Vous n'indiquez pas que nous devons prévoir des tranches pour ce qui est des questions de politique publique qui s'y rattachent.

Cependant, vous débattez de la progression qui est en fait proposée. Vous proposez une progression légèrement différente. Vous dites que les banques ayant de 1 à 2,5 milliards de capital seraient tenues à 35 p. 100 de capital diffus et public alors que les banques ayant un capital de 2,5 à 5 milliards de dollars devraient avoir au moins 65 p. 100 de capital diffus et public. Je sais que c'est une question très délicate, mais existe-t-il un fondement à cette politique ou s'agit-il...

M. Jean Roy: Je pense que c'est exactement ce dont j'ai discuté avec M. Loubier. Il s'agit de déterminer quelles sont les répercussions de l'octroi du contrôle aux institutions financières et quelles sont les répercussions au niveau de la redistribution des profits.

M. Roy Cullen: Mais dans ce cas en particulier, vraisemblablement vous pensiez au cas de la Banque Nationale, n'est-ce pas?

M. Jean Roy: Je l'ai mentionné dans mon mémoire.

M. Roy Cullen: Très bien. Je ne l'ai pas vu dans cette section en particulier mais quoi qu'il en soit, ne convenez-vous pas que si vous établissez des jalons en ce qui concerne cette progression, vous devrez à un certain moment décider des montants, et c'est à ce stade où la décision devient difficile? C'est un peu comme la Loi de l'impôt sur le revenu. Si nous disons que les revenus entre X et Y sont assujettis à un certain taux, il devient relativement arbitraire à un certain moment.

Pour enchaîner, si nous avions une situation au Canada où une banque dans la catégorie que vous proposez, c'est-à-dire ayant un capital de 1 à 2,5 milliards de dollars, serait tenue à 35 p. 100 de capital diffus et public... ou disons...

M. Jean Roy: Non, je suis désolé. Elle serait tenue à 65 p. 100 du capital concentré.

M. Roy Cullen: Oui.

M. Jean Roy: C'est l'orientation...

M. Roy Cullen: Supposons qu'une banque dans cette catégorie souhaite fusionner ou former une alliance stratégique avec une autre banque—et que le ministre des Finances a communiqué, comme vous le savez, avec le ministre des Finances du Québec, M. Landry, et établi une série de critères relatifs à l'intérêt public qui portent entre autres sur les intérêts économiques régionaux, le siège social, les répercussions sur les emplois et ainsi de suite. Mais disons que de l'avis du ministre, ces critères ont été satisfaits, le conseil d'administration d'une banque a indiqué qu'il serait dans leur intérêt commercial d'y donner suite—en fait, ils pourraient faire valoir que cela serait nécessaire à leur croissance, leur survie et leur prospérité—êtes-vous en train de dire par conséquent que compte tenu de ce critère, cette politique ne le permettrait pas? Si cette mesure était dans l'intérêt du public et dans l'intérêt de la banque, je m'interroge sur les motifs qui, selon vous, vont à l'encontre d'une telle mesure.

M. Jean Roy: Examinons votre question sous un autre angle. On peut facilement imaginer que la Banque Royale considère que son acquisition totale par Citybank soit une bonne chose pour les actionnaires de la Banque Royale. Nous pouvons certainement concevoir une telle situation et notre loi à l'heure actuelle ne permet pas ce genre de choses. Donc si ce principe peut s'appliquer à la Banque Royale, je pense qu'elle peut s'appliquer à la Banque Nationale.

M. Roy Cullen: Mais je pensais que vous veniez de dire que si nous prévoyions établir des progressions et des tranches, qu'il s'agit alors d'une mesure adéquate en matière de politique publique. Je ne vois pas comment les deux coïncident nécessairement. Si vous dites qu'il faut établir différents niveaux, ou différentes tranches, en fonction desquels seront prises les décisions en matière de politique publique, alors comment pouvez-vous soutenir du même souffle que simplement en raison de certains autres facteurs, aucun type de fusion ne serait autorisé?

M. Jean Roy: Ce n'est pas ce que nous disons. En fait, en ce qui concerne cette nouvelle catégorie, c'est-à-dire un capital de 2,5 à 5 milliards de dollars, nous proposons essentiellement que la procédure d'examen des fusions s'applique aussi à cette catégorie. En fait, ce que les gens au Québec réclament jusqu'à un certain point c'est que la Banque Nationale soit traitée comme les cinq grandes, soit traitée comme une grande banque—jusqu'à un certain point, pas entièrement.

• 1215

M. Roy Cullen: Mais c'est ce que je suis en train de dire. Comment peut-on concilier cela avec la nécessité, selon vous, de prendre des décisions de politique publique en fonction de l'établissement de certaines tranches? D'une part, vous dites oui, c'est une politique publique appropriée, mais d'autre part vous dites, oui, mais il faudrait qu'elle soit traitée de la même façon qu'une...

M. Jean Roy: Je veux simplement que l'on établisse des tranches plus précises.

M. Roy Cullen: Mais ce serait tout aussi arbitraire.

M. Jean Roy: Oui. Il ne fait aucun doute que c'est une question de jugement.

M. Roy Cullen: Une question de jugement, effectivement, mais dans un cas où vous satisfaites l'intérêt public de même que l'intérêt économique d'une banque... Si vous parlez des actionnaires du conseil d'administration de la Banque Royale...

M. Jean Roy: Permettez-moi...

M. Roy Cullen: Si vous voulez bien me laisser terminer. Je suis en train de parler du conseil d'administration d'une petite banque qui pourrait faire l'objet d'une fusion, et il faudrait alors bien entendu que le conseil d'administration soit d'accord, n'est-ce pas?

M. Jean Roy: Puis-je prendre quatre minutes pour répondre à cette question?

La présidente suppléante (Mme Albina Guarnieri): Si le comité est d'accord.

Des voix: Allez-y.

La présidente suppléante (Mme Albina Guarnieri): Je vois que les députés sont d'accord. S'il vous plaît, prenez votre temps.

M. Jean Roy: Lorsque j'ai fait l'étude sur la participation publique aux fusions et acquisitions dans le secteur financier, le groupe de travail MacKay m'a demandé d'étudier trois cas: un en Suisse, un aux États-Unis et un en Australie. Le cas aux États-Unis que j'ai étudié était l'acquisition de quatre banques d'État installées à Philadelphie—en fait la dernière banque avait un siège à Philadelphie—par une banque américaine appelée First Union.

Permettez-moi de faire une parenthèse. Il existe dans le domaine des finances une notion dite du coût de délégation. Cela signifie essentiellement que si les gestionnaires étaient parfaits, ils prendraient toujours leurs décisions dans l'intérêt supérieur des actionnaires. Mais ils ne sont pas parfaits. Ce ne sont pas des anges. Cela signifie que lorsqu'ils prennent ces décisions, ils tiendront compte des répercussions qu'elles auront sur eux. Et comme cela risque de modifier ces décisions, cela peut entraîner une perte d'argent pour l'actionnaire. Cette perte d'argent est ce qu'on appelle le coût de délégation. Donc ce que j'essaye de dire c'est que dans certains cas les gestionnaires tirent des avantages personnels considérables de ces transactions et peuvent, dans une certaine mesure, vendre aux actionnaires des propositions qui ne sont peut-être pas optimales.

Dans le cas en particulier que j'ai étudié aux États-Unis, le président de la banque qui a fait l'objet de l'acquisition s'est vu remettre 26 millions de dollars américains pour partir après l'acquisition. Cette personne était-elle dans une situation neutre lui permettant de faire des recommandations à l'intention des actionnaires? Dans une telle situation, n'aurait-il pas pu influencer de façon très importante cette transaction? Donc je pense que c'est un aspect auquel il faut prêter attention, surtout lorsque l'on a affaire à des présidents de banques, qui sont vieillissants.

La présidente suppléante (Mme Albina Guarnieri): Je vous remercie, monsieur Roy.

Avez-vous un dernier commentaire rapide?

M. Roy Cullen: Non. Je vous remercie de vos commentaires. C'est une question que nous considérons tous très importante et je vous suis reconnaissant d'éclairer notre lanterne.

La présidente suppléante (Mme Albina Guarnieri): Je vous remercie, monsieur Cullen.

[Français]

Madame Picard, avez-vous une question à poser?

[Traduction]

Monsieur Nystrom.

M. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Vu l'heure, je serai très bref et je me contenterai de vous souhaiter la bienvenue au comité ce matin.

J'appuie l'élargissement du système de paiements aux compagnies d'assurances. J'aimerais que vous, les représentants de l'industrie de l'assurance, nous brossiez un tableau de la façon dont cette situation évoluera au cours des 10 prochaines années, de l'importance du changement que cela représentera, de l'étendue de la concurrence qui existera pour les banques, et ainsi de suite. Je sais qu'il n'est pas facile de lire dans les boules de cristal—peut-être pas dans votre cas, monsieur Yakabuski, je n'en suis pas sûr, mais je ne crois pas que ce soit facile—mais vous pourriez peut-être lire cette boule de cristal et nous dire quelle sera la réalité dans une dizaine d'années.

M. Mark Yakabuski: Je peux vous dire que les dispositions relatives au système de paiements ne s'appliquent pas aux compagnies d'assurance-automobile, habitation et entreprise, donc elles ne s'appliquent pas aux compagnies d'assurances multirisques divers. Nous avions proposé au gouvernement d'élargir la portée des dispositions pour qu'elles incluent nos compagnies, mais nous ne pouvons pas gagner sur tous les tableaux. Nous continuons de considérer qu'il s'agit d'un bon projet de loi qui devrait être adopté aussi rapidement que possible.

Donc, nous n'envisageons pas que nos entreprises participeront au système de paiements, du moins pas au cours des cinq prochaines années, compte tenu des restrictions législatives prévues à cet effet. Mais nous considérons la situation de façon plus générale. S'il s'agit d'une façon d'encourager d'autres institutions financières, comme les entreprises d'assurance-vie, d'exercer une plus grande concurrence sur des marchés qui étaient jusque-là contrôlés par les banques, alors c'est une bonne chose pour l'ensemble des Canadiens et c'est une bonne chose pour le secteur des services financiers en général.

• 1220

M. Lorne Nystrom: Monsieur Daniels.

M. Mark Daniels: Monsieur Nystrom, je ne suis pas sûr si vous êtes intervenu après que M. Jones ait posé une question semblable. Excusez-moi, madame la présidente, si je répète ce qui a déjà été dit, mais la façon la plus frappante d'illustrer les retombées possibles de cet avantage est de dire qu'aujourd'hui l'industrie de l'assurance de personnes verse 100 millions de dollars par jour aux Canadiens. Environ 10 p. 100 de ce montant est consacré aux indemnités d'assurance-vie. Le reste est consacré aux régimes dentaires, aux rentes, aux paiements de pensions—un vaste éventail.

À l'heure actuelle, une bonne partie de ces paiements prend la forme de chèques tirés sur des banques. À notre avis, les bénéficiaires de ce genre de mesures sont tous nos clients. La question que l'on se pose est la suivante: pourquoi ne pouvons-nous pas les garder comme clients et leur accorder plutôt des droits de tirage?

Il suffit de faire appel à la technologie électronique, et c'est l'élément clé. C'est seulement un morceau du casse-tête. Il y a beaucoup d'autres applications possibles pour ce genre de points d'accès des paiements. Mais il s'agit tout simplement d'avoir accès au système de paiements et d'assurer une certaine mobilité à cet égard.

C'est une mesure très opportune. Nous pourrions faire valoir qu'on nous a laissés derrière par le passé, et c'est vrai jusqu'à un certain point. Mais je suis persuadé que ces mesures sont axées sur l'avenir, car la technologie évolue tellement rapidement qu'il n'est absolument pas logique d'écarter un élément du secteur des services financiers qui fait l'objet d'une intégration et d'une convergence rapides sous prétexte que ce n'est pas sa place. C'est le noeud de l'argument.

Je ne sais pas si cela répond à votre question, monsieur Nystrom.

M. Lorne Nystrom: Je considère que c'est important. Je vois ce que vous voulez dire. Mais j'essaye simplement d'avoir une idée de l'ampleur de ce changement à votre avis...

M. Mark Daniels: Je pense que ce sera un énorme changement.

M. Lorne Nystrom: Je sais que cela est difficile à quantifier, mais vous pourriez peut-être nous donner...

M. Mark Daniels: Je dois vous dire à tous que je n'administre pas de société d'assurances donc je ne peux pas... Je sais qu'elles s'occupent toutes de divers aspects.

Personnellement, je crois que cela représentera une énorme proportion de l'industrie. Songez à ce que nous faisons. Nous sommes un mécanisme de paiements, un point c'est tout. Finalement, d'une façon ou d'une autre, toutes les activités dont nous nous occupons, qu'il s'agisse de couvrir le risque de vivre trop longtemps ou de mourir trop jeune, ce qui est le rôle de ce secteur, concernent entièrement la circulation de fonds et la mesure dans laquelle cette circulation de fonds peut être assouplie, mieux adaptée aux besoins des consommateurs. L'intéressant, c'est qu'au bout du compte nous sommes au service des consommateurs. Je suis convaincu que cela représentera une énorme proportion de ce secteur.

La présidente suppléante (Mme Albina Guarnieri): Je vous remercie, monsieur Nystrom.

Monsieur Jones, une dernière question.

M. Jim Jones: J'ai simplement une question qui fait suite à ce que M. Nystrom a dit. Mark, vous avez dit que le secteur de l'assurance incendie, l'assurance automobile et l'assurance multirisques était exclu. D'après ce que vient de dire M. Daniels, pourquoi seriez-vous exclus?

M. Mark Yakabuski: Le groupe de travail MacKay a formulé un grand nombre de bonnes recommandations. Il a formulé certaines recommandations médiocres, à notre avis. Dans le cadre de l'étude du groupe de travail MacKay—et cela concernait un groupe complémentaire mis sur pied par le ministère des Finances et la Banque du Canada concernant le système de paiements—il a établi une liste de critères que nous avons considérée relativement générique. Il faut que certains systèmes d'information et un certain support de capital soient en place, autrement dit, pour pouvoir devenir membres du système de paiements.

Nous avons tous approuvé les critères énoncés, mais ensuite au bas de la page, le groupe avait indiqué que cela devait se limiter aux entreprises d'assurance-vie, aux sociétés de fonds mutuels et aux bureaux de valeurs mobilières. Nous avons indiqué qu'absolument rien ne peut justifier ce genre de restriction. Vous avez énoncé les critères appropriés. Il suffit de les appliquer de façon générique. Si nos entreprises ne satisfont pas à ces critères, alors elles ne pourront pas faire partie du système pour quelque raison que ce soit. Ici encore, c'est une question de va-et-vient, il faut l'avouer. Il faut savoir quand dire, le jeu que j'ai reçu n'est pas mauvais; je vais continuer à jouer la partie.

Nous avons dit que nous regrettons que vous limitiez les dispositions concernant l'accès au système de paiements. Cela signifie que les sociétés d'assurance-automobile, habitation et entreprise ne peuvent pas... pour l'instant. Mais comme nous l'avons dit, nous vous garantissons que dans cinq ans cette question va revenir sur le tapis.

• 1225

La présidente suppléante (Mme Albina Guarnieri): Monsieur Nystrom.

M. Lorne Nystrom: Je vais poser une question évidente comme question supplémentaire. L'industrie de l'assurance-vie serait-elle aussi favorable à ce que ce soit un droit aussi pour les sociétés d'assurances multirisques?

M. Mark Daniels: Madame la présidente, nous n'en avons pas parlé avec elles principalement parce qu'elles n'ont pas fait de démarches en ce sens auprès de nous. Cela n'a pas été un grand sujet de discussion entre nous. Il n'a tout simplement pas été soulevé dans le cours des événements. Donc il m'est impossible de faire des commentaires à ce sujet.

La présidente suppléante (Mme Albina Guarnieri): Je vous remercie. Cela met fin à la période de questions.

Au nom de tous les membres du comité, je tiens à remercier chacun d'entre vous. Il est assez rare et rafraîchissant de voir autant de consensus autour de la table. Je crois que vous avez tous reconnu avec bonne grâce que le projet de loi C-38 est assurément une tentative importante en vue de concilier les différents aspects qui composent le secteur des services financiers tout en s'assurant de doter le secteur d'un cadre législatif et réglementaire solide et stable qui lui permettra de relever les défis de l'avenir. Au nom des consommateurs, je tiens à remercier chacun d'entre vous de donner dans une certaine mesure l'assurance aux titulaires de police qu'il y aura de la concurrence. Merci à tous.

Monsieur Loubier, cela met fin à notre séance, mais vous pouvez faire une brève intervention.

[Français]

M. Yvan Loubier: Madame la présidente, je voudrais vous féliciter pour votre travail au cours de cette séance. C'est la première fois que j'ai l'occasion de vous voir évoluer comme présidente.

La présidente suppléante (Mme Albina Guarnieri): Vous êtes gentil.

M. Yvan Loubier: Vous êtes excellente.

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Albina Guarnieri): J'ai accordé beaucoup de latitude en autorisant des questions supplémentaires.

[Français]

Merci à tous.

[Traduction]

La séance est levée.