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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 22 novembre 1999

• 0911

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): J'aimerais déclarer la séance ouverte et souhaiter la bienvenue à tous ce matin. Le Comité des finances aura aujourd'hui le plaisir d'entendre plusieurs organisations très intéressantes: la Chambre de commerce de Calgary, l'Association canadienne des producteurs pétroliers, l'Association charbonnière canadienne, la ville de Calgary, la Alberta Urban Municipalities Association et la Canadian Dehydrators Association.

Bon nombre d'entre vous ont déjà témoigné devant le Comité des finances. Comme vous le savez, vous avez environ cinq minutes pour faire une allocution liminaire. Une fois ces allocutions liminaires terminées, nous allons passer aux questions.

Je crois savoir que le maire aimerait passer en premier. Êtes-vous d'accord? Vous avez l'avantage de la glace aujourd'hui. Nous allons commencer par vous, et vous aurez ainsi la possibilité de souhaiter la bienvenue à tout le monde à Calgary. Nous allons entendre son honneur le maire Al Duerr et Paul Dawson, directeur général. Bienvenue.

M. Al Duerr (maire, ville de Calgary): Merci, monsieur le président. Et au comité permanent, bienvenue à Calgary; nous sommes heureux de vous recevoir. Chose certaine, nous attendons beaucoup de ce dialogue. Merci beaucoup d'avoir accepté de nous écouter.

Nous avons un mémoire. On y traite de manière très générale de neuf questions qui nous intéressent. Je ne parlerai pas de tout ce qu'il y a dans notre mémoire parce que d'autres témoins vont vous parler de questions qui y sont reliées. Ce que nous aimerions faire, c'est nous en tenir à certains principes qu'on y énonce, au rôle du gouvernement fédéral, et nous aimerions vous dire pourquoi nous voulons que le gouvernement fédéral intervienne dans certains dossiers d'où il est absent en ce moment.

Le gouvernement fédéral, comme tous les autres gouvernements, subit des pressions intenses pour réduire les impôts. Il ne fait aucun doute que ces pressions sont réelles. Nous sommes tout à fait favorables à la réduction des impôts. Mais le défi qui nous attend, et le défi qui vous attend vous aussi, consiste à assurer un certain équilibre entre la réduction des impôts et le maintien de services essentiels qui permettront aux Canadiens de conserver un niveau de vie et une qualité de vie qu'ils chérissent.

Il y a un autre aspect important qui concerne la réduction des impôts... Vous savez, j'entends beaucoup parler de réduction des impôts, mais je n'entends pas beaucoup parler d'une fiscalité intelligente. Ce qui arrive—et je parle du point de vue municipal—c'est que les ordres de gouvernement supérieurs se retirent de certains domaines, nous délestent leurs responsabilités, et l'on voit alors des pressions intenses s'exercer au pire niveau d'imposition, soit l'imposition foncière.

Dans le cas de la ville de Calgary, environ 58 p. 100 des impôts perçus ici sont versés au gouvernement fédéral, 30 p. 100 au gouvernement provincial, et les municipalités perçoivent 8 p. 100 en taxes foncières et commerciales. Nous gérons notre ville avec ces 8 p. 100, plus les taxes et redevances. Le problème, c'est que les taxes foncières et commerciales sont des frais fixes. Les gouvernements fédéral et provinciaux imposent des taxes qui ont tendance à être des frais variables. Si vous êtes un petit entrepreneur, la dernière chose à faire, c'est d'augmenter vos frais fixes, parce que vous ne pouvez pas rester en affaires si vous n'acquittez pas vos frais fixes. Donc, si vous êtes un petit entrepreneur, vous tiendrez à garder vos taxes foncières et commerciales au niveau le plus bas possible, étant donné qu'il s'agit de frais fixes.

Même chose si votre revenu est fixe, si vous êtes une personne âgée qui vit dans sa maison. On est obligé de payer ses taxes foncières avant de se nourrir, sans quoi on ne peut pas vivre dans sa maison. C'est un frais fixe. On veut que ces frais demeurent aussi bas que possible.

Donc pour ce qui est des pressions visant à réduire les impôts... encore là je répète que je suis favorable à la réduction des impôts. Ne vous y trompez pas. Je suis favorable à la réduction des impôts, et nous tâchons d'apporter notre contribution, mais parlons maintenant de fiscalité intelligente. Je vous encourage vivement à collaborer ici avec les gouvernements provinciaux et locaux. Engageons un dialogue national de manière à éviter les réductions à un niveau qui crée une augmentation des coûts à un autre niveau.

• 0915

Je tiens aussi à mentionner au passage que dans notre document nous nous concentrons essentiellement sur trois domaines où nous entrevoyons de vraies possibilités de partenariat. L'un d'entre eux concerne l'Accord de Kyoto. Le fait est qu'un jour viendra où le gouvernement fédéral devra rendre des comptes pour ce que les Canadiens ont fait dans ce domaine. On peut débattre longuement des mérites de cet accord, des questions qui l'entourent, ou du système de mesure. Mais le fait est que nous devrons rendre des comptes. Je suis venu vous dire pour ma part que l'administration municipale tient beaucoup à devenir un partenaire dans ce dossier.

S'il y a un domaine essentiel où nous pouvons jouer un rôle important, c'est le domaine du transport en commun. À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral perçoit une taxe de vente nationale sur le carburant. On en réinvestit un montant infime dans le transport de manière générale. Chose certaine, du point de vue des grands centres urbains, lesquels génèrent à peu près 14 p. 100 de tous les gaz à effet de serre au Canada—il s'agit ici des déplacements en voiture privée—, nous pouvons faire beaucoup pour remédier aux problèmes dont fait état l'Accord de Kyoto en créant un partenariat fédéral, provincial et municipal au niveau du transport en commun. Nous vous encourageons vivement à collaborer avec nous dans ce dossier.

Dans notre mémoire, je parle un peu de sécurité communautaire, de logements sociaux, des sans-abri et des enfants. Pour ce qui est de la sécurité publique, je tiens à remercier le gouvernement fédéral d'avoir accepté de financer un tribunal voué à la violence familiale. C'est un modèle nouveau ici à Calgary. Nous travaillons en étroite collaboration avec le ministère de la Justice fédéral et son homologue provincial. C'est une innovation dans notre pays qui nous aidera beaucoup à trouver des formes nouvelles de prévention de la criminalité. Nous vous encourageons vivement à établir davantage de relations de travail avec les gouvernements locaux. C'est nous qui sommes au front. Nous tâchons de régler ces problèmes tous les jours. Nous pouvons devenir des partenaires solides pour vous.

Pour ce qui est des logements sociaux et des sans-abri, les municipalités, les grandes villes du pays, ont articulé une stratégie nationale du logement social. Il est vrai que tous les responsables de divers ordres de gouvernement disent de très jolies choses sur la nécessité de venir en aide aux sans-abri. Mais cela ne rapporte pas d'argent, et ce n'est pas cela qui va nous permettre de bâtir des logements. Notre ville est très prospère, et cette prospérité a suscité certains défis importants. Des gens de tout le pays viennent s'établir à Calgary. Nous subissons ainsi des pressions considérables. Il n'y a rien de mal à cela, mais nous sommes débordés, et nous ne sommes pas en mesure de combler ces besoins.

Pourquoi une intervention du gouvernement fédéral? Eh bien, vous n'avez pas de responsabilité traditionnelle ou législative en matière de logement. Il s'agit essentiellement d'une responsabilité provinciale. Mais le fait est que bon nombre des problèmes liés aux sans-abri—qui sont entre autres le revenu, la sécurité du revenu, le chômage et les réseaux de soutiens sociaux et de santé—sont du domaine de responsabilité fédérale. Le problème des sans-abri est la conséquence de toute une série d'autres problèmes que nous espérons régler de concert avec vous. Il ne s'agit donc pas seulement de fournir des logements sociaux—car ce n'est là qu'un remède à toute une série d'autres problèmes qui ne relèvent pas seulement de la compétence provinciale. Nous partageons tous cette responsabilité.

Enfin, pour ce qui est de l'initiative concernant les enfants et les jeunes, nous y sommes très favorables. Nous avons fait plusieurs choses à Calgary. L'an dernier, nous avons injecté 750 000 $ dans la garde d'enfants avant et après l'école pour les enfants d'âge scolaire. Il y a un débat national sur la garde d'enfants. Nous tenons à réaffirmer que les petits enfants et ceux qui sont d'âge scolaire ont besoin de soutien aussi. Nous travaillons de concert avec nos groupes communautaires. Nous sommes à la recherche de nouveaux modèles pour la garde d'enfants après l'école. Nous pensons qu'il y a moyen de faire beaucoup dans ce domaine, encore là, en établissant des partenariats solides avec le gouvernement fédéral aussi.

• 0920

Mon temps de parole est probablement écoulé. Je tiens à dire que nous sommes très heureux de vous recevoir aujourd'hui. J'ai aussi avec moi quatre membres du conseil municipal. On pourrait presque tenir une séance du conseil municipal. Mais c'est votre séance à vous, monsieur le président, et je vous remercie vivement de m'avoir invité.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant entendre la Chambre de commerce de Calgary, soit M. David Smith, deuxième vice-président; Jack Grant, président du Comité de la fiscalité; et Sean Ballard, analyste, Politique et planification. Bienvenue.

M. David Smith (deuxième vice-président, Chambre de commerce de Calgary): Merci beaucoup d'avoir accepté de nous recevoir aujourd'hui.

J'aimerais dire d'abord quelques mots sur la chambre et ses membres. Nous réunissons quelque 3 700 membres à titre individuel et représentons plus de 2 600 entreprises à Calgary. C'est la deuxième chambre du Canada en importance, notre taille n'étant inférieure qu'à celle de Toronto. Notre chambre compte 23 comités, ce qui fait intervenir un grand nombre de bénévoles—l'élaboration de toutes nos politiques est réalisée par des bénévoles de la chambre. Plus de 16 de ces comités s'intéressent à divers domaines de la politique gouvernementale. Nous ne nous préoccupons pas que de questions fiscales. Nous avons aussi des politiques sur l'environnement, la santé et l'éducation. Il s'agit donc d'une organisation aux intérêts divers.

Très souvent, les politiques élaborées par la chambre de commerce sont axées sur l'équité, et sont débattues à partir de divers points de vue avant d'être rendues publiques. Par exemple, s'il s'agit de ressources naturelles, la question sera débattue par notre Comité de l'agroalimentaire et notre Comité de l'environnement. Nous sommes donc actifs en matière d'élaboration des politiques, et nous faisons des recommandations aux niveaux local, provincial et national.

Côté fédéral, vous trouverez un exemple de l'initiative de la Chambre de commerce de Calgary dans le document intitulé «Une politique économique fondée sur une approche pertinente, une stratégie - une voix», qui est un document de la Chambre de commerce du Canada. Le processus est intéressant, et je vous parlerai un peu de la manière dont ce document a été produit.

La Chambre de commerce du Canada articule des résolutions qui sont fondées sur les contributions de diverses chambres du pays. Cette année, nous avons constaté que huit ou neuf chambres allaient mettre de l'avant des résolutions distinctes sur la politique fiscale; chacune était légèrement différente, mais rejoignait aussi les autres quelque peu. La Chambre de commerce de Calgary a pris la tête d'un mouvement qui a été rapidement suivi par les autres chambres dans le but d'unir ces diverses résolutions et d'en faire une seule, de telle sorte que nous puissions parler tous d'une seule voix, d'une manière pertinente et coordonnée. En fait, les autres chambres ont toutes embarqué, et la Chambre de commerce du Canada a adopté cette politique. La Chambre de commerce de Calgary s'est chargée de l'essentiel de la rédaction, et la Chambre de commerce du Canada en a fait une politique nationale.

Je vais demander à mon collègue, Jack, de vous parler un peu du contenu de la toile de fond de cette politique.

M. Jack Grant (président, Comité de la fiscalité, Chambre de commerce de Calgary): Merci, David. Le comité n'a rien à craindre, car je ne compte pas parler de ces documents en détail. Nous vous avons apporté des trousses d'information qui contiennent plus de documents que ce que nous avons fourni jusqu'à présent. Vous y trouverez des renseignements intéressants sur la toile de fond et la réflexion qui a inspiré notre politique.

La Chambre de commerce de Calgary est d'accord avec la Chambre de commerce du Canada. Nous croyons qu'il est extrêmement important pour le gouvernement fédéral d'articuler une vision économique pour le Canada. Il est extrêmement important que les citoyens et les entrepreneurs de notre pays comprennent bien ce que le gouvernement fédéral croit possible de faire si nous travaillons tous ensemble et tirons la charrette dans le même sens au lieu d'aller à hue et à dia.

Nous devons exprimer cette vision si nous voulons assurer un niveau de vie supérieur à tous nos citoyens, assurer un avenir économique brillant à nos enfants et donner le soutien économique voulu aux divers programmes de santé et d'éducation que nous chérissons dans notre pays. Si nous n'avons pas une communauté d'affaires forte et active, le fondement économique de ces programmes sera très douteux, et l'on risque de compromettre l'avenir de ces programmes.

• 0925

Cela dit, je vais passer rapidement en revue les recommandations de la chambre de commerce dont vous devriez tenir compte dans votre processus de réflexion et dans vos recommandations en matière de politique économique afin de jeter les bases saines dont ce pays a désespérément besoin.

Le gouvernement a fait un excellent travail en éliminant le déficit, mais nous avons tout de même accumulé des déficits pendant 20 ans. Alors que la perspective d'excédents considérables nous réjouit, voire nous fait saliver, je crois que le comité doit se garder d'oublier que les deux tiers des excédents prévus seront probablement enregistrés vers la fin de la période quinquennale dont le ministre des Finances Paul Martin a parlé. Ainsi, l'année prochaine, nous allons enregistrer un excédent, mais il faudra attendre quelques années avant de voir des gains vraiment importants. Il est donc très dangereux de tenir ces excédents pour acquis tant qu'on ne les aura pas touchés.

Pour veiller à ce que la conjoncture économique permette la réalisation de ces projections, nous estimons que la plus grande partie de ce dividende fiscal devrait être affectée à la réduction des impôts, compte tenu du fait qu'un allégement fiscal généralisé et une réforme fiscale exhaustive s'imposent.

Nous estimons qu'il faut mettre l'accent sur l'impôt sur le revenu des particuliers. Depuis quelques mois, les médias font grand cas des taux élevés d'imposition du revenu des particuliers au Canada. L'autre jour, j'ai rencontré Pamela, la chef du NPD en Alberta. Je lui ai dit qu'elle devrait emboîter le pas au Parti réformiste, car le Canada, pratiquement, prélève un impôt uniforme sur le revenu des particuliers. Le taux fédéral maximum est de 29 p. 100 et le deuxième taux médian est de 26 p. 100, et il s'applique à un très faible niveau de revenu. C'est pourquoi j'estime que nous avons déjà au Canada un impôt uniforme. Le fardeau imposé aux travailleurs est extrêmement lourd.

Lorsque mon fils, qui vient d'entrer sur le marché du travail, touchera sa prochaine augmentation de salaire, il va soudainement se retrouver dans la tranche d'imposition intermédiaire. Je peux toutefois vous assurer qu'il ne se sent pas particulièrement aisé.

Il y a beaucoup à faire, et la chambre de commerce et moi-même appuyons la démarche du ministre des Finances Paul Martin qui consiste à réduire d'abord l'impôt sur le revenu des particuliers. C'est ce qui presse le plus au Canada.

Nous devons également continuer de limiter les dépenses. Nous suggérons un ratio dette/PIB d'au maximum 50 p. 100. En ce moment, même si nous enregistrons des excédents, nous serons extrêmement vulnérables en cas de ralentissement économique, lorsque nos programmes seront fortement sollicités. Nous devons réduire notre niveau d'endettement. Cet énorme nuage gris n'est pas encore dissipé; il demeure très menaçant. Nous devons réduire la dette à un niveau gérable.

Si nous prenons ces mesures, je crois que nous allons commencer à freiner, sinon à stopper, l'exode des cerveaux, l'exode des travailleurs canadiens du savoir qui ont été formés au Canada et qui déménagent aux États-Unis et ailleurs dans le monde.

Bref, le rapport Mintz a conclu que d'ici l'an 2000—lorsque le rapport a été publié, cela semblait assez loin; c'est l'année prochaine—le Canada aura le plus fort taux d'imposition applicable aux industries des services des pays du G-7 et le deuxième taux d'impôt applicable aux industries de la fabrication du G-7.

D'autres pays ont commencé à réduire leur taux d'imposition. Le Canada semble marquer le pas. Nous devons nous attaquer de toute urgence à ce problème si nous voulons garantir à nos enfants un avenir prometteur et donner aux personnes âgées l'assurance d'une retraite confortable grâce à des programmes sociaux qui reposeront sur des bases suffisamment solides pour leur fournir un revenu garanti.

• 0930

À l'instar du maire, je vous souhaite la bienvenue à Calgary. Nous sommes très heureux d'accueillir un comité permanent. J'estime très utile que le comité parcoure le pays pour entendre les commentaires et les préoccupations des Canadiens. Il est beaucoup plus difficile pour nous de se rendre à Ottawa pour se faire entendre. Merci encore une fois de vous être déplacés, et bienvenue dans notre merveilleuse ville.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Grant et monsieur Smith.

Nous allons maintenant entendre l'Association canadienne des producteurs pétroliers, représentée par M. William Friley Jr., vice-président du conseil, et président-directeur général de Triumph Energy Corporation; ainsi que par Greg L. Stringham, vice-président, Marchés et politique fiscale. Bienvenue.

M. William A. Friley Jr. (vice-président du conseil, Association canadienne des producteurs pétroliers): Merci. Bonjour, monsieur le président et membres du comité. Je m'appelle Bill Friley. Je suis vice-président du conseil de l'Association canadienne des producteurs pétroliers et président-directeur général de Triumph Energy. Je suis accompagné ce matin de notre vice-président, Marchés et politique fiscale, M. Greg Stringham, qui a témoigné devant votre comité l'année dernière. Je vous remercie de nous accueillir ce matin, et, encore une fois, bienvenue à Calgary.

Pour commencer, j'aimerais signaler que je représente ici les producteurs pétroliers et gaziers de tout le Canada. Le secteur en amont de l'industrie pétrolière et gazière contribue pour beaucoup à l'économie canadienne, employant presque un demi-million de Canadiens. En 1998, alors que les prix du pétrole étaient très faibles dans le monde, l'industrie a dépensé plus de 26 milliards de dollars. Cela comprend 17 milliards sous forme d'investissements de capitaux, ce qui place notre industrie au deuxième rang après celle du logement. Notre industrie a véritablement une envergure nationale et internationale. Il s'agit d'une industrie de haute technologie, compétitive à l'échelle mondiale, présente dans l'Ouest, soit en Alberta, en Colombie-Britannique et en Saskatchewan, de même que sur la côte Est, soit à Terre-Neuve et en Nouvelle-Écosse, ainsi que dans le Nord, au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest. Les projets d'exploitation mis en oeuvre dans tout le Canada sont porteurs d'une nouvelle prospérité économique, d'une nouvelle expansion commerciale ainsi que de la création d'emplois au Canada atlantique et dans le Nord, y compris dans nos vastes champs de sables bitumineux.

En 1998, les exportations de pétrole et de gaz naturel du Canada se sont chiffrées à 19 milliards de dollars, intervenant pour presque la moitié de la balance commerciale canadienne. De plus, quelque 200 entreprises canadiennes participent à divers projets d'exploration et de mise en valeur dans plus de 120 pays.

Voilà pourquoi j'insiste sur le besoin de préserver la compétitivité de l'industrie, tant à l'échelle régionale qu'à l'échelle internationale. Il est primordial de veiller à ce que le Canada puisse rivaliser dans cette économie mondiale de plus en plus intégrée.

Ainsi, notre association présente trois recommandations au gouvernement fédéral: la première consiste à réduire l'impôt sur le revenu des particuliers et des sociétés; la deuxième consiste à continuer de mettre l'accent sur la réduction de la dette; et la troisième, à instaurer de saines politiques fiscales et budgétaires.

Permettez-moi de vous expliquer l'importance de chacune de ces recommandations. Votre document fait état des quatre piliers financiers de l'industrie pétrolière et gazière dans l'économie canadienne et mondiale.

Le premier est le besoin d'être compétitif à l'échelle mondiale. Dans l'économie mondiale d'aujourd'hui, les investisseurs ont le choix entre de nombreux projets partout dans le monde. On n'insistera jamais assez sur la nécessité d'instaurer un régime fiscal concurrentiel. Le Canada doit miser sur ses avantages pour attirer les investisseurs.

Le second est une main-d'oeuvre hautement qualifiée. L'industrie dépend fortement d'une main-d'oeuvre hautement qualifiée; cependant, les entreprises ont peine à conserver leurs meilleurs éléments, attirés vers des cieux plus cléments sur le plan fiscal. Nous devons conserver ce savoir-faire et former et soutenir une relève dans les collèges et universités. Grâce au nouveau fonds de bourses d'études de l'association, l'industrie a contribué à la formation de nouveaux ingénieurs, scientifiques et gens d'affaires en accordant plus de 80 bourses à différents établissements d'enseignement postsecondaire.

Le troisième pilier est un niveau élevé de dépenses d'investissement. Contrairement à d'autres industries, l'industrie pétrolière et gazière doit investir considérablement uniquement pour maintenir des niveaux de production élevés. L'investissement nécessaire pour accroître les approvisionnements en énergie du Canada est encore plus grand. Pour chaque dollar encaissé par l'industrie, celle-ci dépense 1,40 $. En d'autres termes, nous réinvestissons environ une fois et demie nos recettes.

• 0935

C'est l'un des plus forts taux de réinvestissement dans l'économie canadienne. Pour financer cette recherche constante d'une nouvelle source, l'industrie a besoin d'une infusion régulière de fonds de la part des marchés de capitaux. Par conséquent, il est essentiel d'adopter des politiques budgétaires concurrentielles axées sur de faibles taux d'imposition afin que les marchés de capitaux demeurent dynamiques.

Le quatrième pilier est l'élaboration de nouvelles technologies de classe mondiale. Le secteur en amont de l'industrie pétrolière et gazière est axé sur la haute technologie. Nous l'employons et nous la créons. Des détecteurs sismiques tridimensionnels au forage horizontal guidé, la haute technologie constitue le nerf de la guerre pour cette industrie. L'industrie pétrolière et gazière canadienne s'est taillé une réputation internationale en matière d'innovation technologique, et son savoir-faire est recherché partout dans le monde.

Nous sommes conscients des différentes priorités avec lesquelles le gouvernement doit composer, et la recherche d'une solution équilibrée pour l'ensemble du pays n'est pas une tâche facile. Il convient de féliciter le gouvernement pour ses améliorations continues de la politique budgétaire et pour un deuxième budget équilibré d'affilée. En plus d'avoir maintenu les taux d'inflation et d'intérêt à un faible niveau, il a créé un climat économique favorable.

Forts de notre expérience, nous appuyons les efforts continus déployés par le gouvernement en vue de réduire et de contrôler ses propres dépenses. La mise en oeuvre simultanée d'allégements fiscaux pour les particuliers et les sociétés profitera à tous les Canadiens et à tous les secteurs industriels et traduira l'amélioration de la situation financière générale du gouvernement fédéral.

De plus, le gouvernement fédéral devrait continuer de mettre l'accent sur la réduction de la dette tout en limitant les augmentations réelles des dépenses à certains secteurs ciblés et hautement prioritaires, comme l'éducation et la santé.

Enfin, il convient de préserver les saines politiques fiscales et budgétaires en tant que moyens de soutenir de nouveaux investissements en capitaux et d'encourager la croissance économique. Cela ne peut que contribuer à créer un large éventail de débouchés d'emplois dans la nouvelle économie. L'industrie pétrolière et gazière est porteuse de prospérité économique à l'aube du XXIe siècle, surtout à la lumière des gisements prometteurs découverts dans le Canada atlantique et dans le Nord.

Pour exploiter ce potentiel, l'industrie a besoin d'un accès aux ressources, d'un fardeau réglementaire allégé et de politiques concurrentielles par rapport à celles de nos partenaires commerciaux. J'aimerais vous remercier de nous avoir entendus ce matin, et il nous tarde de répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Friley, monsieur Stringham.

Nous allons maintenant entendre l'Association charbonnière canadienne, représentée par M. Ken Myers, trésorier de Fording Coal Ltd. Bienvenue.

M. Ken Myers (Association charbonnière canadienne): Merci, monsieur le président. Je suis heureux de témoigner devant le comité ce matin. J'aimerais prendre quelques minutes pour décrire les représentants de l'association charbonnière et leur contribution à l'économie canadienne.

L'industrie charbonnière représente environ 70 000 Canadiens qui travaillent dans le domaine de l'exploitation minière, du transport par rail, de la production d'électricité, de l'exploitation des ports et de l'expédition. Notre industrie contribue à l'économie canadienne de différentes façons. Elle produit environ 15 p. 100 de l'électricité générée au Canada—plus de 80 p. 100 en Alberta, 70 p. 100 en Saskatchewan, et plus de 70 p. 100 en Nouvelle-Écosse.

De plus, le Canada est un exportateur important de charbon métallurgique, utilisé dans la fabrication de l'acier. Le charbon métallurgique expédié à partir des ports canadiens représente 20 p. 100 de toutes les expéditions. Il s'agit également du principal produit transporté par rail au Canada. Ainsi, nous soutenons largement les infrastructures de l'économie canadienne.

L'exploitation du charbon au Canada est différente de l'image que se font de nombreuses personnes. Il s'agit aujourd'hui d'une industrie de haute technologie. Le charbon, exploité à ciel ouvert, est une industrie de grande envergure, et les employés sont bien rémunérés. Une étude menée dernièrement en Colombie-Britannique a révélé qu'en moyenne les mineurs dans cette province gagnaient plus de 75 000 $. Ce sont donc des emplois bien rémunérés.

L'association appuie bon nombre des commentaires formulés ici ce matin. Étant donné que l'industrie est concurrentielle sur les marchés internationaux, la structure fiscale canadienne nous préoccupe. Chaque dollar d'impôt sur le revenu des entreprises canadiennes est généralement absorbé, car l'industrie ne peut pas établir les prix sur les marchés internationaux.

• 0940

L'industrie se soucie également de questions comme l'éducation. Lorsque nous engageons de nouvelles recrues, nous constatons que les étudiants les plus brillants se font souvent offrir des emplois à l'étranger. Récemment, une campagne de recrutement a eu lieu sur le campus d'une université canadienne en dehors de l'Alberta. On cherchait des gens dans le domaine des systèmes d'information. La salle était bondée d'étudiants. La compagnie qui recrutait n'a pas tenu de propos négatifs au sujet de la fiscalité au Canada, mais elle a indiqué que son taux d'imposition était de 28 p. 100. Si les diplômés des universités examinent les taux d'imposition du Canada par rapport à ceux des autres pays, s'ils figurent parmi les plus brillants sujets, ils seront nombreux à quitter le Canada. L'industrie minière tient donc à ce que l'on investisse dans l'éducation.

Nous nous soucions également du bien-être de l'économie canadienne et de nos programmes sociaux. Je pense qu'il n'y a personne ici qui ne veuille pas préserver les programmes sociaux du Canada. La question est de savoir d'où viendra l'argent. Dans l'économie d'aujourd'hui nous examinons les excédents accumulés. Ces dernières années, le gouvernement a accumulé un excédent, mais il provenait surtout des hausses d'impôt et de la diminution des paiements de transfert aux provinces. Nous serions pour une réaffectation des budgets actuels, mais nous ne voulons pas d'une augmentation des dépenses de programme du gouvernement.

Les recommandations de l'association charbonnière penchent généralement vers une baisse des impôts, qui stimulerait l'activité économique et l'innovation et créerait de nouvelles possibilités d'emploi; un programme de remboursement de la dette qui stabiliserait le bilan du Canada tout en libérant les 26c. sur chaque dollar de recettes qui servent à payer l'intérêt; l'amélioration de l'éducation et de la formation, car ce sont les cerveaux qui alimentent l'économie du savoir; la réduction de la réglementation et de l'inefficacité de l'appareil gouvernemental; et l'accroissement de la R-D.

L'association charbonnière a présenté un rapport dans lequel elle répond plus en détail aux questions du comité.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Myers.

Nous allons maintenant entendre les représentants de l'Alberta Urban Municipalities Association. Il s'agit de Bob Hawkesworth, conseiller municipal, de Lorne Olsvik et d'Ernie Patterson. Bonjour, messieurs.

M. Lorne Olsvik (président, Alberta Urban Municipalities Association): Bonjour, monsieur le président et chers collègues. Bienvenue en Alberta. Bienvenue à Calgary.

Je m'appelle Lorne Olsvik. Je suis le représentant élu du village d'Onoway, une localité de 800 habitants. Je suis le président d'un organisme qui représente 80 p. 100 de la population albertaine et regroupe 286 membres qui comprennent aussi bien la ville de Calgary que la ville d'Edmonton ou les villages d'été de la province. Nous sommes certainement le premier niveau de gouvernement. Quand la balle retombe dans la cour du premier niveau de gouvernement, les seuls à qui nous pouvons nous adresser sont nos amis et voisins, ceux qui paient les impôts fonciers, car ils représentent le dernier maillon de la chaîne. Et nous essayons de maintenir les impôts fonciers à un niveau raisonnable.

Nous vivons dans une province très particulière et très dynamique, l'Alberta. Nous assistons à une croissance économique aux quatre coins de la province. Oui, nous avons eu des difficultés dans le secteur agricole dans certaines régions, et cela a certainement touché les petites localités qui dépendent de l'agriculture. Nous appuyons la Fédération canadienne des municipalités, au sein de laquelle nous jouons un rôle actif en tant que membres de l'exécutif ou membres ordinaires.

La Fédération canadienne des municipalités s'efforce surtout de créer un programme d'infrastructure fédéral-provincial-municipal. Il a remporté beaucoup de succès la dernière fois, et l'Alberta a certainement pu y participer. Nous appuyons certainement les initiatives de la ville de Calgary, comme M. Duerr l'a expliqué.

• 0945

Cette croissance à laquelle on assiste dans toute la province soumet nos municipalités à de fortes pressions. La semaine dernière, je suis allé dans un restaurant de Calgary où j'ai rencontré des gens de cinq provinces qui étaient là pour profiter de la croissance économique. Certains ont fait déménager leur famille en Alberta, mais d'autres veulent gagner de l'argent pour pouvoir rentrer chez eux. C'est très bien. Nous avons toujours été généreux dans notre province et nous apprécions cet apport de ressources qui contribue à notre croissance.

Encore une fois, l'infrastructure a beaucoup d'importance pour nous, et nous appuyons certainement les efforts que la Fédération canadienne des municipalités a déployés pour en créer une nouvelle. C'est ce qui m'intéresse principalement. Mes deux autres collègues s'intéressent à d'autres questions, mais nous appuyons la FCM et nous espérons que vous en tiendrez compte dans le cadre de votre processus budgétaire. Il ne s'agit pas d'investir dans des loges ou dans des concessions de la LNH, mais plutôt dans l'alimentation en eau, les réseaux d'égouts, les rues et le transport en commun. Ce sont les services essentiels que les administrations municipales doivent offrir au public. Si nous ne pouvons pas financer ces services essentiels, il va falloir réduire les services que tous les citoyens semblent apprécier.

Si nous devons augmenter nos dépenses, nous ne pouvons nous adresser qu'aux propriétaires. Je peux vous dire que c'est déjà difficile. Une grande partie—50 p. 100 en moyenne—de nos impôts fonciers servent à financer l'éducation. Il est très difficile de financer l'éducation dans cette région. Nous finançons l'enseignement public, mais il y a des limites à ce que les résidents peuvent payer.

Sur ce, mon collègue, Ernie Patterson, maire de la municipalité de Claresholm, va également vous parler.

M. Ernie Patterson (maire, municipalité de Claresholm): Monsieur le président, membres du comité, mesdames et messieurs, je me réjouis d'être ici ce matin et je vous remercie de m'avoir invité.

Au Canada, nous parlons de la santé et de l'éducation, mais une des principales choses qui préoccupent chaque municipalité, c'est la sécurité des biens, mais surtout la sécurité des personnes. De nombreuses localités de l'Alberta obtiennent leurs services de police de la GRC. Notre association a mis sur pied un groupe de travail chargé d'étudier les problèmes de gestion publique et les problèmes financiers reliés à ces contrats conclus entre les municipalités et la GRC. Heureusement pour nous, grâce aux bons offices de l'honorable Anne McLellan, la députée d'Edmonton-Ouest, nous avons pu obtenir qu'un représentant du ministère du Solliciteur général siège à notre comité.

Plus précisément, on parle beaucoup de réductions d'impôt, de dépenses qu'il faut faire à droite et à gauche. En raison des coupes effectuées dans le budget de la formation des agents de la GRC, 120 postes ne sont toujours pas comblés en Alberta. Nous avons l'argent voulu, nous sommes prêts à payer, mais nous ne pouvons pas obtenir les agents. La situation est très grave, car cela veut dire que, dans certains détachements, 15 p. 100 des postes ne peuvent pas être comblés.

Malgré tout ce que vous avez entendu ici aujourd'hui, je tiens à insister sur le fait que notre association vous demande de rétablir un budget suffisant pour former les agents de la GRC qui pourront combler ces postes. Mais surtout, il faut davantage d'agents parce que nous devons élargir notre force policière, mais nous ne pouvons pas les obtenir.

Par conséquent, monsieur le président et membres du comité, quoi que vous ayez entendu aujourd'hui, j'espère que vous songerez sérieusement à rétablir le budget de la formation des agents de la GRC afin que nous puissions protéger efficacement nos collectivités.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur le maire.

M. Bob Hawkesworth (conseiller municipal, ville de Calgary; directeur, Alberta Urban Municipalities Association): Si vous le permettez, monsieur le président...

Le président: Certainement. Nous sommes ici pour vous écouter.

• 0950

M. Bob Hawkesworth: Une troisième question que notre association voudrait aborder aujourd'hui, en plus de l'infrastructure et de la sécurité des collectivités, c'est le besoin de logements décents, adéquats et abordables. C'est un autre problème important dans pratiquement toutes les municipalités de la province. J'ai eu le privilège de présider au nom de l'AUMA un groupe de travail sur la politique de logement qui regroupait des représentants de toutes les villes de la province, grandes et petites, y compris Calgary.

Les problèmes sont à la fois similaires et différents. Dans les petites localités des régions rurales, le logement des personnes âgées est le principal problème. Nous avons des collectivités en plein essor. Les emplois qui sont créés dans ces villes ne sont pas tous des emplois hautement rémunérés ou dans le secteur de la haute technologie. Nous avons besoin de nombreux ouvriers et travailleurs pour stimuler la croissance dans notre province, et les salaires qu'ils reçoivent ne sont pas suffisants pour acheter un logement dans le marché local. De nombreux travailleurs se retrouvent dans les foyers pour sans-abri de Calgary ou dans des terrains de camping à l'extérieur de la ville de Brooks, par exemple. Le maire de Fort McMurray a également fait partie de notre groupe de travail et a souligné les problèmes particuliers que connaît également sa ville.

C'est un sérieux problème en Alberta, et il faudrait que le gouvernement intervienne. S'il est un message que nous tenons à vous adresser aujourd'hui, c'est bien celui-là. Nous apprécions la nomination de la ministre du Travail, Mme Bradshaw, au portefeuille des sans-abri. C'est une excellente mesure. C'est un sujet qui la passionne, et elle sait très bien défendre cette cause. Je sais qu'elle a réuni 19 ministères fédéraux pour étudier une initiative conjointe dans le but de régler ce problème, ce à quoi nous applaudissons. Mais, en fin de compte, nous croyons important d'y affecter des ressources. C'est une question de ressources, et le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer, de concert avec les autres niveaux de gouvernement, dans ce dossier.

Nous avons donc besoin, d'abord et avant tout, de ressources, et ensuite d'une certaine marge de manoeuvre. Nous ne sommes pas convaincus qu'il soit nécessaire de revenir aux anciens modèles de financement. Peut-être pourrions-nous examiner la fiscalité et mettre en place des stimulants. Les subventions d'équipement ne sont peut-être pas la seule solution, même si elles peuvent être très efficaces.

En troisième lieu, nous pensons qu'un programme doit se fonder sur la coopération. Je sais que les municipalités de toute la province et de tout le pays sont prêtes à jouer leur rôle, mais nous ne pouvons pas agir à nous seuls.

En dernier lieu, tout nouveau programme de logement devrait être ciblé sur des résultats. Il faut résoudre ce problème qui prend de plus en plus d'ampleur dans toutes les collectivités du pays. Fixons-nous des objectifs. Veillons à établir un cadre de travail et des rôles bien précis pour chacun des intéressés et des partenaires. Vous constaterez que de nombreuses collectivités seront prêtes à participer à la condition que le gouvernement fédéral les encadre.

Tel est le dernier message que je voulais vous transmettre. Tout effort qui pourrait être déployé sur le front du logement nous paraît très important.

Merci.

Le président: Merci beaucoup.

C'est maintenant au tour de la Canadian Dehydrators Association et de M. Garry Benoit, directeur général. Bonjour, monsieur.

M. Garry Benoit (directeur général, Canadian Dehydrators Association): Merci, monsieur le président. Je me réjouis de pouvoir participer aux consultations prébudgétaires. Notre association représente une trentaine d'usines de transformation situées dans les régions rurales. Plus de 80 p. 100 de notre production est exportée, et, ces dernières années, nos ventes sur les marchés d'exportation s'élevaient à environ 700 000 tonnes par an et atteignaient une valeur de 130 millions de dollars. Nos usines ont largement contribué à l'économie des collectivités rurales. Elles apportent plus de 1 000 emplois, plus de 13 millions de dollars en salaires directs, plus 67 millions de dollars en retombées économiques.

• 0955

Monsieur le président, lorsque je vous ai rencontré l'année dernière, je vous ai dit ceci:

    Cette réussite économique est compromise. Il n'est pas exagéré de dire que les emplois des localités rurales sont en jeu. Les marchés que nous avons eu tant de mal à développer sont menacés par les produits hautement subventionnés de l'Union européenne. Les cours internationaux de la luzerne transformée sont maintenant nettement au-dessous de nos coûts de production.

Quelle est la situation un an plus tard? Je peux vous dire que de grandes usines ont fermé leurs portes en Alberta, en Saskatchewan et en Ontario. D'autres usines de l'est et de l'ouest du pays ont réduit leur production. Nous perdons des emplois et des retombées économiques à cause de subventions extrêmement injustes.

L'un des thèmes dont vous nous avez invités à parler, la productivité, est directement relié à la crise que nous connaissons aujourd'hui. Vous avez demandé comment le gouvernement pouvait contribuer à accroître la productivité et à améliorer le niveau de vie des Canadiens. Retraçons le cours des événements.

Au cours des 25 dernières années, nos membres ont édifié une industrie de calibre mondial. Leurs produits étaient de la plus haute qualité, ils étaient concurrentiels sur la scène internationale et ils ont développé des marchés solides, surtout au Japon. Entre 1984 et 1995, notre industrie a bénéficié de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest, une subvention accordée aux chemins de fer. C'était la seule subvention importante que nous avons obtenue, et elle nous a permis de concurrencer les pays européens beaucoup plus subventionnés.

Comme vous le savez, la LTGO a pris fin en 1995, dans le cadre du programme gouvernemental d'élimination du déficit. Je peux vous assurer que nos membres étaient pour la réduction ou l'élimination du déficit et qu'ils préféreraient un monde dépourvu de subventions. En renonçant à leur part de la LTGO, ils ont estimé qu'ils avaient largement contribué à l'élimination du déficit. Mais c'est là qu'intervient votre question concernant la productivité, monsieur le président.

À la suite de la perte de la LTGO, nos membres ont redoublé d'efforts pour améliorer la productivité de notre secteur. Les usines ont installé un meilleur équipement de transformation et d'exploitation, elles ont investi dans de la technologie moderne, de nouveaux produits, des dispositifs de chargement, de l'équipement de manutention et de pesée perfectionné, etc. Elles venaient à peine de faire ces investissements pour accroître leur productivité dans le but d'assurer leur avenir que des excédents de production résultant des subventions accordées à leurs concurrents étrangers sont venus anéantir nos marchés. À l'heure actuelle, le coût international de nos produits est inférieur à notre coût de production.

Lorsque vous demandez ce que le gouvernement peut faire, monsieur le président, notre réponse est la suivante. Le gouvernement peut et doit nous fournir une aide temporaire pour permettre à une industrie qui s'est établie avec beaucoup de succès dans les régions rurales de survivre. Nous avons dit que le quart des subventions qu'obtiennent nos concurrents européens nous permettrait de survivre. Nous n'en aurions pas besoin chaque année, mais seulement pour traverser les deux ou trois années les plus difficiles du ralentissement actuel.

Une autre solution que nous avons suggérée consiste à appliquer la formule de l'ACRA à nos activités. Nous pouvons établir de nombreux parallèles entre notre secteur et les fermes céréalières; il suffirait d'un peu d'imagination. Cela nous aiderait à conserver nos gains de productivité de ces dernières années, à conserver les emplois dans les localités rurales et à tenir le coup jusqu'à ce que nous puissions obtenir quelque chose dans le cadre des négociations commerciales.

Monsieur le président, nous reconnaissons que la solution idéale, à long terme, consiste à éliminer les subventions à l'exportation et à la production nationale qui causent des distorsions à l'occasion des négociations commerciales à venir, mais nous nous attendons à ce que ces pourparlers durent plusieurs années. Il faudra sans doute attendre plus de cinq ans avant que les résultats du nouvel accord commencent à se faire sentir. C'est en supposant que les négociations aboutiront et que le gouvernement atteindra ses objectifs en ce qui concerne la réduction des subventions, ce qui n'a rien de certain.

Les 1er et 2 novembre, nous avons rencontré le personnel du ministre, M. Vanclief, des fonctionnaires du ministère et des représentants de tous les partis politiques. À la suite de ces consultations, nous avons consolidé le plan d'entreprise à long terme de notre industrie. Nous avons toujours investi beaucoup dans le développement des marchés, de même que dans de nouveaux produits.

• 1000

Nous comptons revenir à Ottawa avant Noël. Nous présenterons notre plan de développement d'une industrie de transformation de la luzerne de calibre mondial au Canada. Néanmoins, à cause des subventions dont bénéficient nos concurrents, cela exigera la participation à court terme du gouvernement.

En ce qui nous concerne, nous faisons tout ce que nous pouvons, pour reprendre les termes de votre lettre, pour faire en sorte que les Canadiens bénéficient des nouveaux défis et des nouvelles possibilités. Dans notre mémoire, nous énumérons plusieurs autres handicaps. Ils ne s'appliquent pas seulement à nous, mais, compte tenu de la crise, ils imposent d'importantes pressions supplémentaires à notre industrie. Je veux parler des droits d'utilisation, des mesures de recouvrement des coûts, des services de transport peu fiables et coûteux, des arrêts de travail et, dans certains cas, des lacunes sur le plan de l'infrastructure.

Nous exhortons les membres de votre comité à appuyer, personnellement et collectivement, la solution canadienne dont nous avons besoin de toute urgence pour soutenir temporairement une industrie qui peut être concurrentielle à plus long terme. Si le gouvernement nous soutient, ne serait-ce qu'à court terme, il nous donnera la chance de souffler, et cette aide sera très payante, car elle permettra de préserver une industrie qui contribuera à l'économie de demain.

Je serai heureux de répondre aux questions du comité.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Benoit. Merci à tous.

Nous allons maintenant passer aux questions. Nous allons commencer par M. Epp. Ce sera un tour de sept minutes.

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Merci, monsieur le président, et merci à tous pour vos exposés. Je vais couper au plus court, parce que j'ai plusieurs questions.

Je remercierai tout d'abord le maire de Calgary pour son accueil. J'ai une question pour vous, sur un sujet dont vous n'avez pas parlé. Les cotisations à l'assurance-emploi—vous n'en avez fait aucune mention. N'est-ce pas une préoccupation pour la ville de Calgary?

M. Al Duerr: Oui, cela nous préoccupe.

M. Ken Epp: Mais vous n'en avez pas parlé parce que ce n'est pas une grande priorité?

M. Al Duerr: Eh bien, on m'avait donné cinq minutes, et nous avions une longue liste de préoccupations.

Non, la question des cotisations à l'assurance-emploi, pour nous qui avons à notre emploi environ 10 000 personnes, est une question importante, aucun doute à cela. On ne peut donc pas dire que ce n'est pas un problème pour nous; c'est seulement que nous avions relativement peu de temps pour faire notre exposé.

M. Ken Epp: D'accord. Vous dites qu'environ 8 p. 100 des taxes que l'on paie chez vous aboutissent dans les coffres de votre municipalité, et tout le reste va à la province et au gouvernement fédéral.

M. Al Duerr: C'est exact.

M. Ken Epp: Je tiens seulement à vous dire que d'après nos estimations vous versez à Ottawa environ quatre millions de dollars par année en cotisations excédentaires à l'assurance-emploi, rien que pour votre propre personnel, vos propres employés.

M. Al Duerr: C'est vrai.

M. Ken Epp: J'aurais aimé que vous nous donniez un coup de main pour rappeler ces gars-là à l'ordre, mais quoi qu'il en soit, merci.

M. Al Duerr: Je vous signalerai que nous avons fait des instances dans ce dossier. Nous avons envoyé des lettres au gouvernement fédéral sur toute la question des cotisations excédentaires. Nous suivons ce dossier de très, très près. Nous avons donc fait des instances par le passé, et nous pouvons vous fournir des copies de ces lettres.

M. Ken Epp: D'accord.

Ma question suivante porte sur les laissez-passer du transport en commun. Vous avez mentionné Kyoto, et de toute évidence, nous, les Albertains, voulons contribuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre et toutes ces autres émissions nocives. Vous avez parlé un peu des laissez-passer du transport en commun, et vous avez encouragé le gouvernement fédéral à les détaxer. Qu'est-ce qui justifierait cela, particulièrement chez vous, où à peu près tout le monde a besoin d'une voiture?

M. Al Duerr: En fait, nous avons des taux de participation extrêmement élevés dans le transport en commun, et nous tâchons d'encourager le recours au transport en commun à Calgary. Nous avons en place en ce moment un réseau important de trains légers sur rail que nous voulons étendre. Nous nous apprêtons à engager environ 1,1 milliard de dollars dans des améliorations au niveau du transport. La part du lion ira au transport en commun.

• 1005

On encourage les employeurs à fournir les laissez-passer pour le transport en commun, afin d'encourager les employés à se servir des transports en commun. Il ne fait aucun doute que cette mesure est bénéfique et qu'elle nous permettra de nous acquitter de nos engagements de Kyoto, mais cela contribue aussi beaucoup à réduire l'usure de nos routes, à libérer essentiellement des capacités et à réduire les dépenses infrastructurelles. Chaque fois qu'on arrive à faire sortir quelqu'un de sa voiture et à lui faire emprunter les transports en commun, on en profite sur plusieurs fronts. À l'heure actuelle, c'est un avantage social imposable. On encourage peu les gens ici à proposer ce genre de solutions.

M. Ken Epp: D'accord. Donc, ce que vous voulez, c'est obliger non seulement les contribuables de la province—pas uniquement ceux de Calgary—mais aussi tous les contribuables du pays, à subventionner l'encouragement que vous donnez aux transports en commun, et, soit dit en passant, ma question ne devrait pas vous faire penser que je suis contre. Je veux seulement savoir ce que chacun pense ici.

Également au sujet de cette taxe, également au sujet de l'infrastructure, vous dites que vous êtes favorables à un programme d'infrastructure tripartite. Vous ai-je bien compris à ce sujet?

M. Al Duerr: C'est exact.

M. Ken Epp: D'accord. J'aimerais maintenant m'adresser à la Urban Municipalities Association et lui demander s'il existe un réseau de transport en commun à Onoway, si cela aura un effet sur vous, ou si vous êtes parfaitement disposés à contribuer à l'édification des réseaux de transport en commun dans les grandes villes.

M. Lorne Olsvik: Oui. D'ailleurs, dans la plupart des régions, nous sommes certes favorables au transport en commun, qu'il s'agisse de grandes ou de petites villes. Et nous avons des réseaux de transport en commun dans nos localités, où nous avons créé des partenariats innovateurs. Chose certaine, le gouvernement fédéral nous a aidés dans certaines régions, qu'il s'agisse d'autobus pour les personnes âgées, pour les personnes handicapées, ou d'un autobus d'une organisation de service qui permet à nos citoyens de se rendre à diverses destinations. Dans la plupart des cas, ce ne sont pas des lignes d'autobus avec horaire fixe, mais dans certains secteurs il y a des horaires fixes. Mais ça marche bien.

Je suis certainement favorable au transport en commun. Je pense qu'avec l'accord de Kyoto sur les émissions, les transports en commun, dont profitent un grand nombre de gens, peuvent évidemment nous valoir des crédits au niveau de la consommation de carbone, ou quelque chose de ce genre. Il y a des solutions, et des solutions créatrices, à envisager.

Notre association est certes favorable au transport en commun, et vous savez pourquoi? C'est nous qui devons bâtir les routes et c'est nous qui devons les payer. Donc, si l'on peut tirer un meilleur parti de notre infrastructure, nous comprenons la réalité et la responsabilité budgétaire, et cela en fait partie.

M. Ken Epp: Merci.

M. Al Duerr: Je n'ai pas eu la chance de répondre à cette question, et je voudrais clarifier ma position ici.

Quand on demande un laissez-passer pour le transport en commun non imposable, on n'ôte pas de recettes fiscales à qui que ce soit. À l'heure actuelle, cela ne se fait pas; personne n'en fournit. Ce que nous disons, c'est que si quelqu'un fournit un laissez-passer gratuit pour le transport en commun, n'allez pas créer une nouvelle taxe. Ce serait une nouvelle source de revenus. Les employeurs ne fournissent pas pour le moment de laissez-passer gratuit pour le transport en commun. On aimerait que les compagnies le fassent, mais on ne veut pas que l'on crée une nouvelle taxe sur cet «avantage social».

M. Ken Epp: Cela faisait bien sûr l'objet d'un projet de loi d'initiative parlementaire lors d'une législature antérieure, et l'idée a du bon.

Nous savons que certains employeurs subventionnent le stationnement de leurs employés; cela devient un avantage social imposable. Donc, si cela est un avantage social imposable et que le laissez-passer gratuit pour le transport en commun n'est pas un avantage social imposable, on pourra peut-être inviter plus de gens à faire cela. Je dois avouer, maintenant que j'en ai fini avec mes questions, que je suis de votre côté; je pense que c'est une bonne idée. Mais je n'abats jamais mon jeu en début de partie, parce que je ne sais pas ce que mon partenaire pense.

Je veux revenir à la chambre de commerce, si on me le permet. Vous aviez une très, très bonne liste d'initiatives que vous aimeriez voir dans le prochain budget, et vous avez parlé un peu des cotisations à l'assurance-emploi, qui ont atteint un seuil de rentabilité. Dans quelle mesure est-ce important pour vous? Et n'hésitez pas à enfoncer le clou.

Ah, je viens d'abattre mon jeu, n'est-ce pas?

M. Jack Grant: Il est toujours rassurant de ne pas sentir de parti pris dans la question.

Les cotisations à l'assurance-emploi, au niveau où elles sont maintenant—je pense qu'on l'a abondamment prouvé—dépassent de loin les exigences du programme. S'il y a fléchissement de l'économie, on va drainer le programme d'assurance-emploi, et que vous soyez petit entrepreneur ou grand employeur, c'est une dépense très importante.

• 1010

Les grandes entreprises, si elles sont dans le secteur manufacturier, vont faire tout ce qu'elles peuvent pour utiliser davantage de machines, ou quoi que ce soit d'autre, parce qu'il n'y a aucun incitatif à engager des gens. Les petites entreprises, particulièrement dans l'industrie des services, ne sont pas pour leur part en mesure de substituer des machines aux gens, ce qui fait que leurs coûts d'exploitation sont beaucoup plus élevés et qu'elles deviennent moins concurrentielles.

C'est une question très importante pour l'entreprise.

M. Ken Epp: Merci, monsieur le président.

[Français]

Le président: Monsieur de Savoye.

M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Merci, monsieur le président. Le système d'interprétation semble ne pas fonctionner.

[Traduction]

Qu'est-ce que je fais, monsieur le président?

Le président: Eh bien, vous avez quelques possibilités. Je peux revenir à vous plus tard, et ces appareils auront alors été distribués. On peut peut-être donner la parole à Mme Redman.

M. Pierre de Savoye: Je pense qu'on les distribue en ce moment même; ainsi je ne perdrai peut-être pas mon tour.

Le président: Non, vous ne perdrez jamais votre tour.

M. Pierre de Savoye: Merci.

Je vais commencer en français juste pour m'assurer que vous m'entendez bien.

[Français]

M. Friley est maintenant à l'écoute. Bravo! M. Grant l'est également. Il ne reste que M. le maire Duerr.

Monsieur Duerr, vous avez que la ville de Québec et la ville de Calgary sont jumelées depuis un très grand nombre d'années. Il est bien connu que des jumeaux partagent généralement les mêmes sentiments et les mêmes préoccupations.

M. Al Duerr: Oui, parfois.

M. Pierre de Savoye: Lorsque je vous entends parler du remboursement de la dette, des primes d'assurance-emploi, de la santé, de l'éducation, du logement social, des programmes d'infrastructure et des diminutions d'impôt, je me dis, monsieur Duerr, que Calgary et Québec sont vraiment jumelles, parce que les mêmes sujets auraient été abordés avec le même sentiment d'urgence si on avait été chez moi, là où nous avons d'ailleurs déjà eu l'occasion de nous rencontrer au carnaval.

Il y a quand même deux ou trois sujets que vous avez abordés—si vous ne l'avez pas fait directement lors de votre allocution, vous l'avez fait dans vos mémoires—sur lesquels j'aimerais avoir davantage de renseignements. On lit entre autres dans le mémoire des représentants de l'industrie du charbon:

[Traduction]

    Les charges sociales doivent être structurées de façon à coter les employeurs [...]

[Français]

Pourriez-vous expliquer davantage ce que vous voulez dire? Je ne saisis pas très bien la manière dont vous entrevoyez cette façon de faire.

[Traduction]

M. Ken Myers: Monsieur de Savoye, ce que nous voulons dire, c'est que l'association charbonnière aimerait que les employeurs qui emploient constamment des gens sans les mettre à pied, les rappeler au travail et les mettre à pied de nouveau, paient un taux plus favorable que les autres industries qui traitent leurs employés sur une base plus sporadique. Nous aimerions que le taux de cotisation à l'assurance-emploi soit fondé sur la même base que le taux de la commission d'indemnisation des accidents du travail, où les employeurs qui ont un bon rendement paient un taux plus bas et les employeurs qui ont un mauvais rendement paient un taux plus élevé.

• 1015

[Français]

M. Pierre de Savoye: C'est une approche intéressante et un peu novatrice. C'est la première fois qu'elle m'est présentée.

Par ailleurs, il y a des industries saisonnières qui ne peuvent faire autrement que d'embaucher et de débaucher leurs employés selon les arrivages dans la saison, particulièrement dans le domaine de l'agriculture. Quel problème entrevoyez-vous dans ce que vous avancez?

[Traduction]

M. Ken Myers: J'imagine que chaque industrie doit se soumettre à son propre processus de planification. Ce que je veux dire, c'est que certaines industries ne peuvent pas éviter les mises à pied suivies de rappels au travail, et il faut peut-être prendre ces facteurs en compte, mais il y a d'autres industries, qui ne sont pas nécessairement dans le même secteur, où il existe en fait des incitatifs pour mettre les gens à pied.

Ce que l'économie canadienne veut, ce sont des emplois continus pour les gens, et les industries doivent peut-être tenir compte du fait qu'il y aura des périodes creuses et voir ce qu'elles peuvent faire pour leurs employés pendant ces moments.

[Français]

M. Pierre de Savoye: Merci beaucoup.

Monsieur Benoit, j'aimerais vous poser une question sur un sujet que vous avez abordé dans votre mémoire, soit un système ferroviaire concurrentiel. Vous semblez attacher une certaine importance à la situation de notre système ferroviaire face aux déplacements des denrées agricoles que vous produisez. Pourriez-vous préciser les problèmes que vous vivez et les solutions que vous préconisez?

[Traduction]

M. Garry Benoit: Il est tout à fait vrai qu'un réseau ferroviaire fiable est important pour notre secteur. Nous exportons 85 p. 100 de ce que nous fabriquons, et environ 70 p. 100 de cela va au Japon.

Il y a quelques années, je me souviens, j'étais au Japon avec le ministre de l'Agriculture, où j'essayais de dédramatiser certains problèmes que nous éprouvions à l'époque. L'Association japonaise de l'industrie de la provenderie avait adressé des lettres en termes peu équivoques à certains ministres ici au Canada et à l'ambassadeur du Canada pour leur dire qu'ils ne considéraient plus le Canada comme un fournisseur fiable à cause des arrêts récurrents et de l'absence de fiabilité, j'imagine, de notre réseau ferroviaire.

Je pense que la meilleure solution, c'est la concurrence, comme elle existe pour le téléphone ou n'importe quoi d'autre. Les rails sont là, et d'une manière ou d'une autre nous devons susciter la concurrence de telle manière que les taux demeurent toujours concurrentiels et que les services demeurent fiables aussi. Si vous avez une situation de monopole, vous allez avoir des problèmes.

[Français]

M. Pierre de Savoye: Merci, monsieur Benoit.

Une question a été soulevée par l'association des municipalités de l'Alberta au sujet du financement de la Gendarmerie royale. C'est un problème qui ne m'est pas familier, puisqu'au Québec, tout comme en Ontario, nous avons notre propre sûreté. Par conséquent, je ne sais pas comment fonctionnent les relations entre le gouvernement fédéral et la Gendarmerie royale pour les fins du maintien de l'ordre sur le territoire albertain, et je ne connais pas les problèmes que vous vivez actuellement à la suite des compressions budgétaires que la Gendarmerie a subies.

Pourriez-vous m'expliquer la nature du problème et les solutions que vous envisagez? Pourriez-vous également me dire si la province de l'Alberta doit payer, dans une certaine mesure, les frais engagés par la Gendarmerie pour assurer la sécurité publique sur le territoire albertain?

[Traduction]

M. Ernie Patterson: En Alberta, un grand nombre de municipalités concluent des arrangements, par l'entremise du gouvernement provincial, avec le gouvernement fédéral pour louer des services. Les municipalités paient une bonne part du coût de chaque agent, le gouvernement fédéral paie sa part, et le gouvernement provincial apporte une certaine contribution. Il en coûte en moyenne à la municipalité pour un agent de police plus de 70 000 $ pour un agent de police.

• 1020

Mais notre problème, en ce moment, c'est qu'à cause des compressions qui ont été opérées nous ne pouvons pas avoir en Alberta autant d'agents qu'il nous en faut. Dans notre détachement local, que je connais très bien, il y a un agent qui est malade depuis deux ans. Nous n'avons pas pu le remplacer parce qu'il n'y a personne de disponible.

Dans un autre détachement dans une localité qui est juste un peu plus grosse que la nôtre, il manque quatre agents. Pire, la situation est tellement mauvaise que non seulement il n'y a pas de formation, mais même l'équipement n'est pas fourni. Il est très malheureux, à mon avis, qu'on en soit réduit à ce qu'une entreprise fasse don d'un ordinateur et d'un télécopieur désuets au détachement de la GRC—et c'est le maire qui me l'a dit. La GRC était très heureuse de les avoir, parce que cela améliorait ses moyens de communication. C'est vraiment malheureux.

Ce qui est intéressant ici, c'est que ces agents de la GRC non seulement assurent le maintien de l'ordre au niveau local, mais font aussi respecter le Code criminel fédéral et les lois provinciales. Et pourtant, le gros de ce qui en coûte pour ces agents incombe aux propriétaires fonciers locaux.

Nous ne nous en plaignons pas, mais, s'il vous plaît, rétablissez la formation et améliorez l'équipement de telle sorte que l'on puisse bien assurer l'ordre. C'est ce que nous vous demandons.

Vous savez, j'aime bien les réductions d'impôt, mais quand on veut combattre le crime et assurer la protection des citoyens et des biens, je ne veux pas vraiment entendre parler de réductions d'impôt. Ce qui m'intéresse, ce sont les services et la protection du public.

[Français]

M. Pierre de Savoye: Merci beaucoup. Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Madame Redman.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

Bienvenue, messieurs. Merci à tous pour vos exposés.

Dans une vie antérieure, j'étais conseillère municipale régionale ainsi que conseillère scolaire; il y a donc beaucoup de choses dans ce que vous dites qui trouvent un écho favorable chez moi.

J'aimerais commencer par poser une question au maire Duerr, si on me le permet.

J'ai trouvé votre idée de «fiscalité intelligente» très intéressante. L'idée est bien encapsulée, et cela excite vraiment l'imagination. Je me demande si vous ne pourriez pas nous expliquer un peu plus longuement ce que vous entendez par la fiscalité intelligente.

M. Al Duerr: Avec plaisir. Je n'en ai parlé que très brièvement. J'ai examiné la question à partir du point de vue d'un homme d'affaires ou d'une personne qui vit d'un revenu fixe, pour ce qui est de la différence qu'il y a entre frais fixes et variables. On est obligé de payer la taxe commerciale ou foncière, peu importe le revenu qu'on a. Si vous êtes en affaires, vous devez payer votre impôt foncier, vous devez payer votre facture d'électricité, etc., sans quoi vous ne pouvez rester en affaires. Mais la personne qui est en affaires ne paie d'impôt sur le revenu que si elle gagne suffisamment d'argent pour générer des profits et avoir un revenu net.

C'est la même situation pour la personne âgée, pour la personne qui vit d'un revenu fixe. Encore là, notre objectif consiste à garder les gens dans leur maison le plus longtemps possible. Cela devrait être un objectif sociétal. Ce que nous constatons, c'est qu'une augmentation de l'impôt foncier a pour effet de chasser ces personnes à revenu fixe de leur maison.

L'impôt foncier a un rôle, mais ce qui est arrivé, et ce que nous avons constaté au niveau local, c'est que nos gouvernements provinciaux—en fait, c'est le cas de la ville de Calgary—perçoivent plus d'impôt foncier pour financer l'éducation que nous en percevons pour gérer la ville.

Ce que nous constatons du côté fédéral, c'est qu'il s'est produit dans notre pays un délestage important de responsabilités, du gouvernement fédéral vers le gouvernement provincial au niveau des paiements de transfert, et du gouvernement provincial vers les gouvernements locaux. Malheureusement, il n'y a plus personne après nous sur qui on peut se délester de nos responsabilités. Ce n'est pas seulement le cas de Calgary; vous allez voir la même chose à Québec, et vous allez voir la même chose dans tout le pays. De plus en plus, c'est le propriétaire foncier qui voit son fardeau fiscal s'alourdir.

Il y a un problème ici au niveau des sans-abri, et une bonne part de ce problème tient au fait que des gens de toutes les régions du pays viennent s'installer ici parce qu'il n'y a pas de travail chez eux. Il n'y a rien de mal à ce que ces gens viennent s'installer ici, encore là, mais si c'est la raison, ou s'il y a des gens qui sont sans abri parce qu'ils ont des problèmes médicaux ou de santé, ce ne sont pas des problèmes...

• 1025

Le respect des normes en matière de revenu, d'emploi et de santé n'est pas une responsabilité du gouvernement local. Mais quand une personne aboutit dans notre rue, au bout du compte, c'est nous qui devons la prendre en charge et nous en occuper.

Nous vivons dans une ville merveilleuse, nous avons des organisations religieuses et communautaires ainsi que d'autres groupes de soutien qui se chargent de cela. Mais encore là, ce qui s'est produit dans tout le pays, c'est que les gros gouvernements ont essentiellement pris en charge toutes ces choses, les jeux de hasard par exemple. Je ne suis pas très favorable à cela de toute façon, mais même pour des initiatives comme les bingos communautaires, les groupes et organisations communautaires n'ont plus cela et ne peuvent plus offrir le soutien fondamental que le gouvernement local n'offre pas.

À mon avis, nous avons dans notre pays un régime fiscal qui privilégie énormément les ordres de gouvernement supérieurs; or il incombe au gouvernement local la responsabilité d'assurer tout ce qui touche à la qualité de la vie, et d'une manière ou d'une autre il faudra rétablir un équilibre. Je pense—et je l'ai dit à notre gouvernement provincial aussi—que tant qu'on n'aura pas mis au point une fiscalité mieux adaptée, le simple fait de réduire les impôts sans se demander si cela n'aura pas pour effet de hausser la taxe foncière n'est pas une manière très intelligente de procéder.

Je suis pour la réduction des impôts. Je pense que nous payons trop d'impôts. Je pense qu'il y a trop de double emploi dans notre pays. Ce que le gouvernement fédéral doit éviter de faire, c'est de décréter, isolément, qu'il va réduire tel ou tel impôt sans comprendre quelles en sont les conséquences—et je plaide la même thèse auprès des gouvernements provinciaux—parce qu'au bout du compte, si l'on fournit un service, quelqu'un doit payer pour ce service, et souvent, c'est nous qui payons pour ça avec un impôt qui n'est pas destiné à cette fin.

Mme Karen Redman: Donc, en réalité, une fiscalité intelligente, c'est entre autres choses repenser la façon dont on effectue les transferts de fonds du fédéral au provincial et aux municipalités.

M. Al Duerr: Absolument. Vous l'avez exprimé avec tellement plus de simplicité que moi.

Mme Karen Redman: Je pense que la fiscalité intelligente est un concept assez intéressant. Quand j'étais conseillère municipale... oui, il y a des transferts de fonds; on a des taxes compensatoires, etc. Notre gouvernement a versé 30 millions de dollars à un conseil national de sécurité communautaire et de prévention de la criminalité, et je pense que cela permet de s'attaquer aux causes fondamentales que la ministre Bradshaw a constatées lors de son périple au Canada.

Il y a aussi l'accord sur l'union sociale qui a été signé le printemps dernier, et qui permet à tous les ordres de gouvernement de rendre des comptes aux Canadiens, et il me semble que ce serait un cadre idéal pour régler la question du logement.

Notre comité a entendu la semaine dernière un groupe de témoins, et il s'agissait de la Fédération de l'habitation coopérative du Canada. Personne ici n'a mentionné la solution du 1 p. 100. J'imagine que la plupart d'entre vous savent ce que c'est. On obligerait le gouvernement du Canada à investir 2 milliards de dollars en crédits supplémentaires dans le logement social. J'aimerais que la Chambre de commerce de Calgary me dise si elle est au courant de cette suggestion.

Il y a 2,2 millions de Canadiens qui consacrent au moins 50 p. 100 de leur revenu à leur logement. Je représente Kitchener-Centre, qui est une ville du sud de l'Ontario à environ 100 kilomètres de Toronto, et on parle de nous dans chaque rapport sur le logement, tout comme de Calgary, et l'on dit qu'il existe un besoin aigu chez nous parce que nous avons plusieurs sans-abri et une crise du logement social dans notre région. Ma chambre de commerce est très active et a mis de l'avant bon nombre des thèmes nationaux que je vois dans votre rapport.

Ma question est celle-ci. Gouverner, c'est, d'une certaine manière, décider des priorités, et je me demande seulement comment vous conciliez le logement... Des témoins nous ont dit que si nous haussions le plafond des cotisations aux REER et abaissions les impôts au niveau de l'entreprise, cela aurait un effet heureux immédiat sur ces personnes qui consacrent plus de 50 p. 100 de leur revenu à leur logement. Je pense que tout cela est bien beau, et ce sont des choses qu'il faut étudier, mais très franchement, quand j'entends parler des besoins en matière de logement social, je suis tout oreilles. Je me demande seulement comment on concilie ces deux besoins, s'ils sont en conflit ou si un gouvernement peut les combler tous les deux en même temps.

M. Jack Grant: Monsieur le président, pardonnez-moi, mais je ne connais pas cette solution du 1 p. 100.

• 1030

Je pense que nous ferions ceci: nous examinerions les diverses priorités en matière de dépenses que vous avez, et de là nous déterminerions vos cibles au niveau des recettes. Il faut décider, pas seulement comme gouvernement, mais aussi comme société, quelles sont nos priorités et combien on veut dépenser. Ce qui ne veut pas nécessairement dire que vous devez prélever de nouveaux impôts pour éteindre des feux dans tous les sens; il faut plutôt prendre les crédits qu'on a à sa disposition et décider comment les employer le mieux possible selon les priorités qu'on a établies.

On a souvent l'impression que c'est un jeu de hasard, mais si vous pouviez faire baisser le taux d'imposition—au départ, nous favorisons surtout l'impôt personnel—plus de gens iraient travailler et paieraient de l'impôt. Autrement dit, l'assiette fiscale augmenterait, plutôt que le contraire. Cela vous permettrait d'augmenter le camembert que vous devez partager.

La question est des plus sérieuses, et je suis d'accord avec ce que disait notre maire. Quand on marche dans les rues, on ne peut s'empêcher d'être perturbé par tous ces gens qui donnent toute l'apparence d'avoir grand besoin d'être aidés. Notre collectivité mise beaucoup sur l'entraide, mais on ne peut pas simplement décider de hausser les limites de dépenses en espérant que cela réglera le problème, car cela aura pour conséquence de mettre encore plus l'économie à contribution. D'autres pays ont décidé de réduire leurs taxes. Il y a d'autre façons de faire, mais elles ne feraient qu'exacerber le problème plutôt que de le résoudre.

Il s'agit donc de regarder l'enveloppe de dépenses et de décider dans quel secteur on peut réduire et dans quel autre on peut faire des réaffectations. Autre solution: s'il est possible d'augmenter les recettes en allant chercher un plus grand nombre de contribuables et de réduire l'économie clandestine, qui offre beaucoup d'attraits, le gouvernement pourrait ainsi voir ses recettes grimper, ce qui lui permettrait... nous en sortirions tous gagnants.

Le président: Madame Leung, à vous.

Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib): Merci, monsieur le président.

Il y a quelques mois, j'étais à Calgary avec le groupe d'étude du premier ministre. Je revois donc avec plaisir certains de ceux que j'avais rencontrés à ce moment-là.

Je m'adresse à M. Duerr. Vous avez parlé des sans-abri, problème qui nous intéresse beaucoup. Je crois savoir que beaucoup d'entre eux ont quitté l'Alberta pour aller s'installer définitivement en Colombie-Britannique, mais il semble qu'il en reste encore dans votre province et que vous et nous ayons à partager ce fardeau.

M. Al Duerr: Certaines gens semblent croire que tous nos sans-abri ont quitté définitivement la province. Je ne crois pas que cela ait jamais été le cas, mais c'est ce que vous croyiez.

Mme Sophia Leung: Bon.

Vous avez parlé des services de garde pour les enfants. J'aimerais savoir exactement à quoi vous songez. Devons-nous envisager l'universalité des services de garde d'enfants ou les réserver spécifiquement aux gagne-petit, etc.?

M. Al Duerr: Je vais tenter de m'expliquer le plus simplement possible, même si la question est très complexe. En termes simples, nous avions espéré que les problèmes de garde d'enfants ne seraient pas ce qu'ils sont aujourd'hui, que la famille s'ajusterait et que la structure traditionnelle de nos institutions resterait solide. Malheureusement, on ne peut pas dire que ce soit le cas pour un nombre croissant de Canadiens qui ont besoin d'aide.

J'ai mentionné, notamment, un programme de garde parascolaire dans lequel la ville de Calgary a injecté 150 000 $: il s'agit d'un programme de garde des écoliers, avant et après les heures de classe. Si nous avons mis sur pied ce programme, c'est parce que les parents travaillent et n'ont pas d'autre solution. Soit ils gardent leur travail, soit ils vivent de bien-être social. Voilà pourquoi nous offrons les services de soutien.

Mais nous ne le faisons pas uniquement pour nous occuper des enfants. Si nous n'offrions pas ce programme et que les parents décidaient qu'il leur faut tout de même travailler, nous nous retrouverions avec des tas de jeunes dans les rues parce qu'ils n'ont pas d'autres choix. Or, il faut encourager les parents à travailler pour toutes sortes de raisons: c'est rémunérateur, c'est promoteur d'une éthique du travail et cela fait bonne impression dans son milieu.

Le grand défi, donc, c'est de travailler. Il n'y a pas de solutions faciles, et ces solutions varieront d'une localité à l'autre; mais je répète que le grand défi, c'est de travailler et de mettre l'accent sur ce qui est fondamental. Comment offrir de l'aide de base à nos jeunes? Perdre un jeune à la rue coûte très cher à la société.

• 1035

Nous avons été très brefs dans nos commentaires, mais nous pourrions vous donner beaucoup plus d'informations sur les enjeux de nos projets pilotes, comme celui des jeunes qui ont des démêlés avec la justice. Plusieurs initiatives existent. La jeunesse autochtone devient un problème de plus en plus, et particulièrement la jeunesse urbaine autochtone qui ne dépend plus des réserves traditionnelles. Je pourrais vous en parler longuement.

Le président: Merci.

Mme Sophia Leung: Je voudrais m'adresser brièvement à M. Friley de l'ACPP.

Vous dites qu'en 1998, 17 milliards de dollars de capitaux ont été investis dans votre secteur. Quelle a été la part du gouvernement dans cette injection?

M. William Friley: Ce montant représentait en totalité des revenus du secteur pétrolier qui ont été réinvestis. Le gouvernement n'a rien eu à voir là-dedans. Ces revenus provenaient de l'expansion de notre secteur.

Mme Sophia Leung: Donc, tout le capital investi était du capital privé. Vous dites également que le Canada a exporté pour 19 milliards de dollars de pétrole. Quelle partie représentaient les transferts techniques?

M. Greg L. Stringham (vice-président, Marchés et politique fiscale, Association canadienne des producteurs pétroliers): Permettez-moi de répondre: nous ne parlons ici que des produits du pétrole et du gaz. Il faut ajouter à cela que plusieurs entreprises ont accumulé un savoir-faire technique qu'elles utilisent dans d'autres pays et qui génèrent également des revenus qui sont réinjectés au Canada. Mais cela ne fait pas partie des 19 milliards de dollars qui représentent uniquement les recettes de la vente des produits du pétrole et du gaz.

Enfin, nous exportons notre technologie grâce à notre savoir-faire et à nos employés. De même, des techniques conçues ou perfectionnées ici au Canada sont utilisées ailleurs dans le monde.

Mme Sophia Leung: À combien se chiffrent les profits de votre secteur pour 1998?

M. Greg Stringham: Vous voulez connaître la totalité des profits? En 1998, les prix du pétrole étaient très en baisse, de sorte que nos chiffres représentent une moyenne quinquennale qui est sans doute plus représentative des cycles que traverse notre secteur d'activité. En moyenne, le taux de rendement de notre branche d'activité a été légèrement moindre que dans les autres secteurs canadiens, et a tourné autour de 2 p. 100.

Le président: Merci.

Monsieur Nystrom.

L'hon. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Merci, monsieur le président.

Bienvenue à tous les témoins de ce matin. Je m'adresserai d'abord au maire Duerr, au sujet de sa notion de taxe intelligente, ou à M. Hawkesworth. J'aime beaucoup ce que vous avez dit. Dans la même veine, on pourrait aussi commencer à parler de dépenses et de compressions intelligentes, par exemple.

En 1995, lorsque le gouvernement fédéral a commencé ses compressions, je ne crois pas qu'il se rendait compte des répercussions que cela pourrait avoir sur les transferts aux provinces. Ceux-ci ont entraîné à leur tour d'autres compressions dans les transferts aux municipalités, ainsi que du délestage sur celles-ci, ce qui a nui au régime de soins de santé, au système d'éducation et aux simples citoyens, qui ont subi à leur tour des compressions dans l'assurance emploi, etc. Il vaudrait peut-être la peine de se demander sur le dos de qui exactement il a été possible d'amasser ces surplus d'aujourd'hui. Ces surplus ont été amassés sur le dos des gens ordinaires, grâce à toutes les compressions effectuées dans les programmes sociaux et autres programmes semblables.

Pourriez-vous nous expliquer un peu plus longuement ce que le gouvernement devrait faire, à votre avis, pour réinjecter des fonds dans un programme destiné aux enfants, dans le logement social et pour aider les sans-abri. On nous parle beaucoup de ces problèmes quand nous parcourons le pays. L'autre jour, à Ottawa, la Fédération des enseignants nous a dit qu'investir aujourd'hui 5 milliards de dollars dans le développement de la petite enfance rapporterait dans quelques années environ 10 milliards de dollars. Autrement dit, un investissement de ce genre est rentable du point de vue économique, si ce n'est du simple point de vue humain.

À votre avis, combien proposez-vous au gouvernement de réinvestir au cours des cinq ou six prochaines années dans les secteurs importants pour le Canada?

M. Al Duerr: Je laisserai M. Hawkesworth vous répondre sur la question du logement, puisqu'il est associé de près aux initiatives nationales et provinciales en matière de logement.

Je répète que pour nous, l'idéal, ce serait que les soutiens traditionnels à la jeunesse—comme la famille, par exemple—existent encore, car nous ne serions pas obligés d'intervenir. Mais malheureusement, nous savons qu'ils ont disparu.

Dépenser intelligemment, cela veut dire tenir compte du coût complet de l'équation. On peut bien regarder les enfants à risque et se demander combien il en coûterait pour offrir un programme à leur intention; mais s'est-on aussi demandé combien il nous en coûte de les garder en prison? S'il en coûte de 60 000 à 70 000 $ par année pour garder quelqu'un en prison, on se rend compte que les programmes de prévention et les programmes parascolaires finissent par ne pas coûter cher du tout.

Nous dépensons mal notre argent au Canada. Chez nos voisins du Sud, c'est encore pire: c'est la loi de la jungle, mais malheureusement, même ceux qui ne sont pas les plus aptes finissent par survivre.

• 1040

Dans certaines villes chez nos voisins du Sud, il est impossible de se promener dans la rue. C'est un défi presque insurmontable que de vouloir renverser la vapeur.

Je suis optimiste, et je crois que les Canadiens peuvent changer les choses chez eux, mais il faut commencer à dépenser judicieusement.

Dans la hiérarchie fondamentale des besoins, il faut se loger, assurer sa sécurité et combler ses besoins de base. Dans la mesure où nous fournirons aux Canadiens ce qu'il faut pour répondre à ces besoins, nous réussirons à économiser en bout de piste dans des secteurs tels que l'assurance-emploi, le bien-être social et les programmes de soins de santé. Une population en meilleure santé, plus active, plus engagée et plus responsable sera une meilleure population.

Cela revient à dire: «Payez maintenant ou payez plus tard». Mais actuellement, nous n'investissons pas judicieusement. Nous investissons beaucoup trop dans le système pénal plutôt que dans des programmes qui attaquent le mal à la racine.

M. Bob Hawkesworth: Laissez-moi vous donner un exemple de ce qu'il est possible de faire.

Je crois que vous entendrez au cours de la prochaine heure des représentants de la Calgary Homeless Foundation (Fondation des sans-abri de Calgary), partenariat entre la province, la ville, la Chambre de commerce et Centraide.

Laissez-moi vous donner un exemple de ce que nous avons réussi à faire au cours de la dernière année, grâce au Comité des acquisitions de la Fondation des sans-abri de Calgary. Il existe un immeuble d'habitation qui est à peine à dix ou douze pâtés de maisons de l'édifice où nous nous trouvons et qui a fini par être acheté par la Fondation des sans-abri, grâce à une subvention du gouvernement provincial.

L'édifice avait besoin d'être rénové considérablement, ce qui nous a été possible grâce au programme PAREL de la SCHL. Il est aujourd'hui géré par la société CalHomes, une société de logements à but non lucratif de la ville de Calgary. La structure de l'édifice était toujours en bon état, mais l'ancien propriétaire ne s'était pas révélé bon gestionnaire. Aujourd'hui, nous avons 40 unités de logement abordables pour les gens à faible revenu, dont les loyers vont de 250 à 300 $ par mois.

Tous les paliers de gouvernement ont pris part à la création de ce projet d'habitation. Nous avions besoin du gouvernement fédéral et d'un des organismes communautaires de la ville de Calgary. Je crois qu'à l'avenir, il se formera de plus en plus de partenariats entre les trois paliers de gouvernement et la collectivité pour offrir du logement. Grâce à ce partenariat, nous pourrons utiliser les ressources de chacun de façon imaginative et novatrice.

La concrétisation de ce projet offre au gouvernement fédéral une présence. Nous, nous intervenons pour aller chercher des ressources et utiliser leur pouvoir multiplicateur auprès de la province, de la collectivité et de la ville, et pour former des partenariats. À mon avis, c'est le modèle de l'avenir. Toutefois, il faut vraiment que le gouvernement fédéral s'engage aussi.

Même s'il s'agit d'un investissement, chaque partenariat apporte une synergie au projet. On parle ici non seulement de la création de logements mais aussi de programmes de soutien, à l'intérieur de la collectivité. Cela permet de faire fructifier l'investissement et de le rentabiliser.

M. Lorne Nystrom: C'est en effet le cas. Je reviens à ce que disait le maire Duerr au sujet du taux de criminalité aux États-Unis. On entendait dire hier soir, aux nouvelles, qu'en dépit du boom économique que sembleraient connaître les États-Unis, ce pays a également le taux de pauvreté le plus élevé du monde industrialisé. C'est assez triste et cela en dit beaucoup sur les priorités sociales de ce pays.

Je m'adresse à la Chambre de commerce: j'ai l'impression que vous prônez beaucoup dans votre mémoire des réductions d'impôt et de la dette, alors que vous ne dites presque rien sur les dépenses d'ordre social. On a beaucoup entendu parler aujourd'hui du logement, et particulièrement du logement social, et des enfants. Toutefois, le Canada fait également face à une énorme crise agricole due aux subventions qu'accordent à leurs agriculteurs les États-Unis et l'Europe, alors que les nôtres sont laissés à eux-mêmes. Il nous faut également réduire la pauvreté au Canada, et faire bien d'autres choses encore.

J'ai l'impression que votre approche est déséquilibrée, car vous ne suggérez jamais d'injecter de l'argent dans tous les autres programmes qui visent à aider des gens qui ont des problèmes réels et grâce à qui il a été possible de réduire la dette et d'éliminer le déficit au départ.

• 1045

Pourquoi ne demandez-vous pas que le gouvernement injecte plus d'argent dans les soins de santé, dont le système est en lambeaux, ou plus d'argent dans l'éducation, qui permet d'investir dans l'avenir, car cela permet une économie plus robuste misant sur la R-D, la formation et les compétences.

Je représente le centre-ville de Regina, qui compte énormément d'Autochtones, de sans-abri et de banques alimentaires. Pour ces gens, ce dont vous parlez, comme la réduction de la dette, ne les touche en rien dans leur quotidien. Pourquoi avoir axé votre discours sur un seul objectif au lieu de faire un peu comme le maire ou les représentants des villes de l'Alberta?

M. Jack Grant: C'est un risque que l'on court constamment lorsque l'on prône de redistribuer les dividendes budgétaires—phrase à la mode—en vue de réduire les taxes, par exemple; toutefois, dès que l'on parle d'un équilibre, il faut tenir compte de toute la gamme des secteurs. Depuis deux ou trois ans, nous avons un excédent, mais il reste toujours cette épée de Damoclès de 600 milliards de dollars suspendue au-dessus de nos têtes. Puisque vous voulez parler d'équilibre, n'oubliez pas que c'est le déficit systématique enregistré au fil des années qui a créé cette dette énorme, alors que ce n'est que depuis un ou deux ans que le gouvernement jouit de surplus relativement modestes. Or, cette dette énorme s'est constituée parce que le gouvernement n'a exercé aucune discipline sur ses propres finances au cours des années pourtant de vaches grasses des années 70, 80 et au début des années 90.

Ce n'est pas que notre chambre de commerce ni les autres chambres du Canada soient insensibles devant les opprimés ou les problèmes de santé, par exemple, mais vous devez mettre de l'ordre dans vos propres finances si vous voulez préserver ces programmes. Il s'agit de rééquilibrer les finances pour avoir à nouveau de l'argent à injecter dans ces secteurs.

M. Lorne Nystrom: Je veux comprendre: prônez-vous un gel de toute nouvelle dépense? Rien pour les agriculteurs qui vivent une crise, aucun nouveau logement social...

M. Jack Grant: Ce n'est pas ce que nous avons dit.

M. Lorne Nystrom: Dans ce cas, où devrions-nous augmenter les dépenses et quelle proportion du surplus devrait être réinjectée dans l'éducation, dans la R-D, dans les sans-abri, dans les soins de santé, dans l'éducation, dans l'agriculture en crise, dans les pêches de la côte Est, etc.? La liste pourrait être interminable. N'oublions pas non plus les travailleurs saisonniers que l'assurance-emploi traite injustement, comme le signalait M. Benoit. Vous avez proposé de réduire les cotisations à nouveau. D'accord, on peut bien les réduire, mais une partie de l'argent devrait servir à réintégrer certains des travailleurs qui ont été exclus du système d'assurance-emploi. Aujourd'hui, moins de 40 p. 100 des chômeurs ont droit à des primes d'assurance-emploi, malgré le fait qu'ils aient cotisé. Quelles seraient vos priorités si vous augmentiez les dépenses dans la structure humaine du Canada?

Le président: Merci, monsieur Nystrom.

M. Sean Ballard (analyste, Politiques et planification, Chambre de commerce de Calgary): Si vous regardez les déductions que nous vous avons fournies, elles démontrent toutes que les dépenses peuvent augmenter au fil de la croissance démographique et de l'inflation—je parle de l'ensemble des dépenses de programmes?. Si vous regardez...

M. Lorne Nystrom: Avec la croissance démographique et l'inflation, je veux bien, mais je vous demande si vous prônez d'augmenter les dépenses dans un secteur qui ne dépend pas de l'indice d'inflation?

M. Sean Ballard: Nous disons que le gouvernement ne devrait pas changer le montant total de ses dépenses. Si le gouvernement décide qu'il doit consacrer plus d'argent à certains secteurs en particulier, c'est votre choix. Mais au fur et à mesure que vous dépenserez plus dans un secteur donné, vous devrez décider de quel autre secteur vous vous retirerez, car on ne peut constamment ajouter des dépenses à l'infini.

Le président: Merci, monsieur Nystrom.

Monsieur Jones.

M. Jim Jones (Markham, PC): Merci, monsieur le président. Bienvenue à nos témoins. Monsieur le maire, vous avez affirmé dans votre exposé que l'automobile contribuait pour 14 p. 100 à toutes les émissions de gaz à effet de serre au Canada. Je sais que Calgary est une ville en expansion rapide. Comment la ville de Calgary fait-elle pour devenir une ville qui facilite le transport en commun et qu'attendez-vous du gouvernement fédéral?

M. Al Duerr: Calgary devrait compter actuellement quelque 850 000 habitants. Nous avons donc investi considérablement dans un système léger sur rail. Actuellement, les seules autres villes du pays qui aient un système de transport sur rail, sont Montréal et Toronto qui ont un système de transport sur rail lourd, puis Calgary et Edmonton qui ont opté pour le rail léger. Nous avons l'une des rares administrations de transport en Amérique du Nord qui ait vu son achalandage augmenter de façon considérable au cours des dernières années. C'est en effet le mode de transport préféré à Calgary, qui est une ville à faible densité de population habitant des maisons unifamiliales. Par conséquent, nous n'avons pas de contraintes artificielles de taille qui pourraient éliminer le recours à ce type de transport. Même dans une ville comme Calgary, nous mettons fortement l'accent sur le transport public.

• 1050

Qu'allons-nous faire avec le milliard de dollars? Nous avons négocié avec la province, et après environ cinq ans de discussion, nous avons obtenu un pourcentage de la taxe sur le carburant perçue ici même par la province: cela représente 5c. du litre, ce qui constitue une source de revenu garantie absolument essentielle pour nous si nous voulons faire de gros investissements à long terme. Le modèle provincial-municipal traditionnel était un programme de subvention triennal, qui ne nous donnait pas de sécurité à long terme et ne nous permettait pas de nous lancer dans une expansion du réseau à hauteur de 400 millions de dollars. Les derniers chiffres ne sont pas encore entrés, mais j'imagine qu'environ 400 à 500 millions du milliard de dollars en question qui sera réinvesti au cours des sept prochaines années seront consacrés au transport public. Une facette importante de ce transport public sera le prolongement de notre système léger sur rail, mais nous avons également l'intention de donner de l'expansion à notre réseau d'autobus, car il faut un système bien équilibré dans son ensemble.

Nous travaillons également de concert avec les collectivités environnantes. Calgary est une mono-cité, car dès que l'on sort de ses limites, on se retrouve à la campagne. Il existe tout de même quelques petites localités autour de Calgary. Nous envisageons de mettre sur pied une administration régionale de transport à laquelle pourraient adhérer ces localités sur une base purement volontaire, et c'est pourquoi nous avons entamé des discussions avec elles. Nous pourrions donc intégrer ces localités, et nous pourrions commencer par aller chercher les banlieusards par autobus. Cela permettrait aux enfants de ces localités d'être intégrés aux programmes offerts à Calgary, ce qui leur ouvrirait bien des portes.

Il faut évidemment trouver le juste équilibre. Même à Calgary, nous envisageons un partage des dépenses à égalité, ou presque. Dans les petites localités, on pourrait mettre plus l'accent sur le système routier, en éliminant évidemment le rail léger, mais en offrant sans doute aussi l'autobus. Nous avons tous ici l'occasion de contribuer de façon importante. Dans les grands centres urbains, les déplacements en automobile sont tels que l'on se retrouve avec de la congestion sur les routes, des voitures qui roulent lentement, qui sont moins économiques du point de vue du carburant et qui émettent des gaz à effet de serre. Il n'y a encore aucune seule ville en Amérique du Nord qui ait pu régler comme il faut ce problème de pollution sur les routes. Aujourd'hui, les voitures privées produisent plus de gaz à effet de serre que toutes les industries canadiennes. Voilà le problème, et il est de taille: mais c'est là que nous pouvons aussi agir pour l'avenir.

M. Jim Jones: Dans votre mémoire, vous dites qu'en l'absence d'un programme national, il faudrait investir 17 milliards de dollars pour régler le problème des autoroutes. Quelles ont été les répercussions économiques pour l'Alberta, et surtout pour Calgary, de l'absence d'un bon réseau routier?

M. Al Duerr: Nous reconnaissons la mondialisation croissante des marchés, et lorsqu'il est question de commerce, nous parlons de commerce outre-mer, pourtant la vaste majorité des échanges se font avec notre voisin du Sud, et avoir accès à ces grands corridors... Dans le cas de l'Alberta—et il en va de même de la Saskatchewan, du Manitoba ou de la Colombie-Britannique—, il faut disposer d'un bon réseau pour avoir accès aux grands corridors nord-sud de même qu'aux grands corridors est-ouest pour transporter les marchandises. Donc, du point de vue de notre rôle au chapitre des exportations, et certainement du point de vue de la ville de Calgary, qui constitue une plaque tournante pour l'ouest du Canada de même qu'une voie d'accès aux autres régions de la province et au sud de la frontière, investir dans un réseau national de routes pourrait avoir d'importantes retombées.

Nous alléguons que... Dans le cas de l'Alberta, la province perçoit une taxe sur le carburant. Tous les fonds ainsi perçus, et c'est tout à l'honneur de la province, sont réinvestis dans le transport sous une forme ou une autre. À l'échelle fédérale, je crois que les recettes attribuables à la taxe sur le carburant s'élèvent à environ 4 milliards de dollars, et à moins que je ne me trompe, je crois qu'environ 250 millions de dollars sont consacrés aux routes ou aux réseaux de transport.

Ne vous méprenez pas. Je ne réclame pas une nouvelle taxe sur le carburant ou les hydrocarbures; je dis simplement que vous avez une source de revenu, et comme toute entreprise, si vous avez une source de revenu et, dans ce cas, qu'elle soit le transport, il serait judicieux de réinvestir dans cette source de revenu. Je le répète, je crois que ce serait rentable. L'amélioration du réseau de transport aurait éventuellement des retombées économiques importantes et entraînerait probablement une augmentation des recettes pour le gouvernement fédéral.

M. Jim Jones: Dans son mémoire, la Chambre de commerce réclame une réduction générale des impôts. Je sais que c'est sans doute politiquement correct d'affirmer que nous devrions réduire d'abord l'impôt sur le revenu des particuliers plutôt que l'impôt sur le revenu des sociétés. Que devrions-nous réellement réduire en premier?

• 1055

M. Jack Grant: Nous n'avons aucune hésitation à soutenir une réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers parce que de nombreuses entreprises ont de la difficulté à recruter des travailleurs. Dans une large mesure, cela est attribuable à l'écart entre les taux d'imposition du Canada et de notre voisin au sud de la frontière. Si vous ne pouvez recruter des travailleurs, et si vous ne pouvez conserver vos effectifs, vous n'allez pas pouvoir rester en affaires très longtemps.

Cela ne veut pas dire que l'impôt sur le revenu des sociétés ne pose pas un problème, mais lorsque vous examinez... Si vous parlez de premiers soins, si vous vous êtes brisé le bras ou coupé une artère, oui, vous devez soigner votre bras, mais vous devez d'abord stopper l'hémorragie.

C'est pourquoi nous préconisons d'abord une réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers. Cela ne veut pas dire que d'après nous l'impôt sur le revenu des sociétés ne pose pas problème alors que des pays ailleurs dans le monde réduisent... Comme nous l'avons dit, le rapport Mintz a conclu que d'ici l'année prochaine nous allons avoir le plus fort taux d'imposition sur le revenu des sociétés des pays du G-7, et le deuxième dans le secteur de la fabrication.

Le président: Merci.

M. Jim Jones: J'ai une dernière question. Elle s'adresse à l'Association canadienne des producteurs pétroliers. Vous avez dit que vous aviez besoin de politiques concurrentielles avec celles de nos partenaires commerciaux. Que voulez-vous dire exactement? Quelles sont ces politiques, et à quels égards n'êtes-vous pas concurrentiels?

M. Greg Stringham: Permettez-moi d'étoffer. Nous voulons parler de politiques gouvernementales générales. Il existe des politiques dans différents secteurs à différents niveaux de gouvernement, et nous estimons qu'il est possible de réaliser des économies substantielles. Si nous n'étions pas tenus de faire de demande aux trois différents ordres de gouvernement, à savoir municipal, provincial et fédéral, s'il y avait un guichet unique qui répond aux normes établies, tous les ordres de gouvernement concernés de même que l'industrie pourraient réaliser des économies. Nous avons besoin d'une approche coordonnée à l'échelle municipale, provinciale et fédérale. Voilà où nous voulions en venir.

Le président: Merci, monsieur Jones.

Monsieur Lowther, vous avez une brève question.

M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): En tant que député de Calgary-Centre, je vous souhaite à tous la bienvenue, et je crois que nous avons vu pourquoi notre maire a été élu pour un quatrième mandat, ou est-ce le cinquième? C'est l'un ou l'autre. Je crois que c'est le quatrième.

Je crois qu'il a bien exprimé dans certaines des positions qu'il a présentées aujourd'hui le sentiment de nombreux commettants de Calgary.

J'ai écouté les questions et les réponses formulées ce matin, y compris le commentaire selon lequel 58 p. 100 des impôts perçus à Calgary se retrouvent dans les coffres d'Ottawa. Nous avons aussi abordé la question de l'exode des cerveaux et le besoin de promouvoir l'innovation et la productivité. Nous avons aussi abordé quelques problèmes d'ordre local pour lesquels des solutions locales s'imposent, comme le problème du transport et des sans-abri, et parfois des services de l'ordre.

Je me tourne vers le maire et peut-être quelques autres personnes, les conseillers municipaux, et je note que nous avons assisté à une décentralisation des responsabilités, mais souvent les fonds n'ont pas suivi. Moi-même, et je crois que les députés de mon parti sont du même avis, je suis favorable à l'adoption d'approches communautaires, car celles-ci peuvent être adaptées aux besoins de la communauté beaucoup plus facilement que ne le peuvent les solutions générales émanant d'Ottawa, lesquelles se révèlent souvent inefficaces pour une vaste majorité des participants.

J'aimerais donc obtenir, si possible, une réponse claire du maire à la question suivante. Est-ce que nous soutenons l'adoption de solutions davantage axées sur la collectivité, accompagnées d'un financement idoine, sans obligation, des autres ordres de gouvernement? En fait, on jonglait ici en aparté avec une idée: ne serait-il pas intéressant si les municipalités percevaient les impôts et envoyaient ensuite un chèque à la province et au gouvernement fédéral pour un montant qu'elles fixeraient elles-mêmes? Mais c'est peut-être trop farfelu.

M. Al Duerr: Je serais bien disposé à en parler.

Je crois que si la question était posée, il faudrait un partenariat réunissant tous les ordres de gouvernement. Un des problèmes qui se posent lorsque le gouvernement fédéral ou les gouvernements provinciaux versent des fonds, c'est de savoir à quoi va servir cet argent? Traditionnellement, il en est résulté des programmes truffés de critères et des bureaucraties chargées de les mettre en oeuvre, et nous aurons donc des programmes tripartites en vertu desquels le fédéral versera l'argent aux provinces, qui le remettront à l'administration municipale, qui va travailler auprès du groupe communautaire et qui mettra en oeuvre un programme dans la collectivité.

• 1100

En fin de compte, des sommes importantes ont été absorbées par la bureaucratie et la gestion au point où—et c'est pourquoi je dis que cela ne vise pas nécessairement la ville de Calgary—nous pouvons comprendre les problèmes et les cibler. Vous constaterez que les solutions aux problèmes des sans-abri et de la pauvreté varient de Regina à Edmonton, Calgary et Vancouver. Il n'existe pas de remède universel.

Il faut donc travailler en étroite collaboration—attribuer les fonds, attribuer les ressources, et attelez-vous à la tâche, mais ne passez pas votre temps à créer une bureaucratie chargée de l'exécution des programmes. Je crois que vous pouvez assurer l'élaboration de programmes efficaces à l'échelle locale axés sur la participation, la collaboration, sans avoir une lourde bureaucratie chargée de les surveiller. Beaucoup de groupes oeuvrent sur le terrain, et nos collectivités font un travail exceptionnel. Vous allez entendre certains de ces groupes qui, je crois, vont nous succéder. J'aimerais qu'autant de ressources que possible soient directement acheminées à ces groupes. Elles n'ont pas nécessairement besoin de transiter par la ville.

Le président: Merci beaucoup, Votre Honneur.

Je vous en prie.

M. Lorne Olsvik: Il est primordial que vous sachiez que le gouvernement fédéral constitue un partenaire clé de nos collectivités dans le secteur du logement. Les programmes de logement pour les personnes âgées sont actuellement financés à frais partagés, dans une proportion de 75-25. Vous devez transmettre le message suivant, à savoir que ce financement conditionnel par enveloppe fondé sur un modèle universel et appliqué à l'ensemble des communautés rurales cause de graves problèmes, car les normes inflexibles que vous appliquez au transfert de ces fonds ne répondent pas aux besoins.

Il y a des fonds. Nous aimerions bien pouvoir les employer de façon novatrice pour assurer une certaine qualité de vie aux bénéficiaires, mais il importe d'adapter ces programmes afin que nous puissions être novateurs. Nous avons besoin d'articuler une stratégie inconditionnelle axée sur la collaboration pour résoudre le problème du logement. Les fonds existent. Nous avons un problème. Ottawa dicte les règles et nous interdit de dévier du programme, insistant pour que l'on atteigne les quatre objectifs énoncés. Eh bien, cela ne fonctionne pas.

Dans le cas des personnes âgées autonomes... il y a des personnes âgées à faible revenu et nous voulons essayer de nous débrouiller avec le budget des soins de santé et le financement de la régie régionale de soins de santé et essayer d'élaborer un programme qui va répondre aux besoins—c'est impossible. Nous avons d'excellents mécanismes de soutien communautaires qui essaient de se débrouiller.

Les élus municipaux—nous aimerions bien pouvoir gérer les installations physiques pour lesquelles nous avons été créés au départ. Mais nous nous soucions de nos voisins et de nos concitoyens. Nous avons été témoins des répercussions de la décentralisation sur les personnes âgées, sur nos enfants. Nous voulons agir dans nos collectivités, mais pour l'amour de Dieu, vous devez aussi commencer à regarder les choses en face. Calgary et Edmonton ont des besoins particuliers, mais Al qui s'est révélé d'un grand secours, comprend fort bien que des villes comme Fort McMurray, Grande Prairie, Fox Creek et Onoway en Alberta, doivent aussi s'occuper de leurs concitoyens.

Tout n'est pas rose en Alberta. De nombreuses personnes sont aux prises avec des difficultés, comme ailleurs.

M. Ernie Patterson: Très brièvement, j'aimerais rappeler à tout le monde aujourd'hui que les administrations municipales ont été responsables. Nous n'avons pas enregistré de déficits. Nous nous tirons d'affaires, et j'aimerais réitérer que depuis 30 ans que je suis maire, je n'ai jamais vu autant de responsabilités décentralisées vers les administrations municipales, celles-ci devant répondre aux besoins de tout le monde, sans qu'on leur accorde les fonds nécessaires. J'aimerais me faire l'écho des paroles du maire de Calgary qui a dit: mes chers amis ici présents, nous devons nous occuper de nos gens, et pour cela nous devons faire de la prévention, ce qui nous fera réaliser des économies à long terme.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, votre Honneur.

• 1105

Cela met fin à cette discussion. Il s'agissait d'un excellent groupe de discussion, car vous avez clairement illustré les besoins urgents auxquels nous devons répondre, et vous avez également exprimé très clairement que les questions relatives à la dette et aux impôts, lesquelles sont liées à la croissance à long terme de l'économie, sont également très importantes.

Nous croyons, au sein de ce comité, que les deux programmes ne s'excluent pas mutuellement. En fait, je crois qu'ils sont étroitement liés. Vous avez apporté une contribution fort valable à la réflexion à laquelle se livre le comité qui est chargé de formuler des recommandations au ministre des Finances. Je vous remercie beaucoup.

Nous allons faire une pause de deux minutes. Nous revenons dans un instant. Ne quittez pas la salle.

• 1106




• 1110

Le président: Nous reprenons nos travaux.

Bon nombre d'entre vous ont déjà comparu devant le Comité des finances, et vous savez donc comment nous fonctionnons. Vous avez environ cinq minutes pour faire vos exposés. Par la suite, nous entamerons une période de questions et réponses. Pendant cette période, je vais demander aux députés, puisque nous allons nous en tenir strictement à une ronde de sept minutes, d'être brefs dans leurs préambules afin que nous puissions poser le plus de questions possible.

Nous allons commencer par le Conseil des Canadiens avec déficiences. Je souhaite la bienvenue à M. Laurie Beachell.

M. Laurie Beachell (coordonnateur national, Conseil des Canadiens avec déficiences): Merci. Le Conseil des Canadiens avec déficiences est une association cadre de personnes avec déficiences. Nous comptons des membres dans chaque province; nous regroupons huit organisations provinciales ainsi que six associations nationales.

Notre principal objectif est d'oeuvrer pour l'amélioration de la situation des personnes avec déficiences et depuis au moins 12 ans, nous venons témoigner devant le Comité des finances.

Mon exposé sera bref. J'ai écouté ce qu'ont dit les témoins précédents et pour l'essentiel notre discussion concerne la définition de ce qui fait notre pays et de ce qu'est la citoyenneté au Canada.

Les gens que nous représentons sont considérablement désavantagés. Je crois qu'il est clair pour tout le monde que le niveau de pauvreté chez les personnes avec déficiences, le niveau de chômage, l'accès aux services, etc., à l'échelle du pays—que les Canadiens avec des déficiences ont été marginalisés et ne sont pas intégrés à notre société.

Par le passé, un grand nombre étaient placés en institution, beaucoup étaient en fait exclus de notre société. Tous les paliers de gouvernement ont fait des efforts pour améliorer l'accès aux services, l'accès des personnes avec déficiences à la vie de la collectivité. Toutefois, je dois ajouter que même si au Canada nous avons réalisé quelques progrès au fil des ans, ces progrès marquent le pas et en fait, nous sommes en train de perdre du terrain. Au Canada, de nouveau nous plaçons les gens dans des institutions et notre marché du travail continue d'exclure les personnes avec déficiences alors que ces dernières sont de plus en plus nombreuses à vivre de l'assistance sociale, et donc essentiellement dans la pauvreté.

Cela est attribuable en grande partie aux réductions des paiements de transfert. Cela est en grande partie attribuable à ce que nombre d'organisations communautaires ont affirmé quand le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux a été instauré. Il est vrai qu'il y a eu réinvestissement mais l'argent a été injecté dans les services de santé alors que les services sociaux, les appuis fournis par l'aide sociale, qui répondent directement aux besoins des personnes avec déficiences, ont été réduits.

Voilà, en guise de préambule. Je tiens à dire qu'il est essentiel pour les Canadiens avec déficiences de pouvoir compter sur des services d'appui qui leur permettent de participer à la vie collective. Ces services forment un très vaste éventail—cela va du logement aux soins auxiliaires, de l'interprétation gestuelle à l'accès à des dispositions de communication, etc. Dans un cadre pour une union sociale, il est capital de prévoir un accord fédéral-provincial-territorial pour l'appui aux personnes avec déficiences.

Notre pays est un pays de grandes disparités. Dans certaines provinces, il faut acheter son propre fauteuil roulant.

Deuxièmement, il faut prévoir une stratégie du marché du travail qui intégrera les personnes avec déficiences. Au moment où le gouvernement fédéral a cédé aux provinces les programmes concernant le marché du travail, rien n'a été prévu pour définir un programme visant les personnes avec déficiences. Là encore, les résultats se mesurent suivant le nombre de personnes qui cessent d'être inscrites à l'assurance-chômage. Les gens que nous représentons ne touchent pas l'assurance-chômage car ils ne sont pas dénombrés dans la population active. Ainsi, les accords actuels avec les provinces excluent les personnes avec déficiences.

Le ministre Martin a créé dans le budget de 1997 le Fonds d'intégration qui prévoit que l'on consacrera 30 millions de dollars sur trois ans à des initiatives pour intégrer les personnes avec déficiences au marché du travail et c'est indispensable pour maintenir l'emploi de ces dernières. Ce programme prendra fin en mars. Il fonctionne actuellement au ralenti. Les partenariats entre les entreprises et les travailleurs se disloquent, les gens sont mis à pied, les appuis supprimés. À défaut de renouvellement du programme, nous n'avons pour ainsi dire plus rien.

• 1115

Les revenus demeurent un problème majeur. Nous exhortons le gouvernement fédéral, de concert avec les gouvernements territoriaux et provinciaux, à chercher des solutions pour améliorer le soutien du revenu des personnes avec déficiences. Le Régime de pensions du Canada, l'indemnisation des accidentés du travail, l'aide sociale, la responsabilité délictuelle, l'assurance-automobile et les prestations d'invalidité privées à long terme coûtent très cher. Tous ces régimes fonctionnent indépendamment, il n'y a pas de collaboration.

Les données les plus récentes sur les personnes avec déficiences au Canada remontent à il y a 10 ans. C'est en 1991 que l'on a procédé à la dernière collecte de données. Le recensement de 2001 doit nous fournir des données afin que nous puissions concevoir des programmes qui répondent aux besoins des personnes avec déficiences.

Deuxièmement, la déficiences intéresse tous les ministères, que ce soit Revenu Canada, Industrie Canada, le ministère de la Justice et d'autres. Il faut un mécanisme prévoyant la collaboration interministérielle. Pour l'instant, cela n'existe pas. Nous pensons également qu'il faut améliorer considérablement l'équité en ce qui concerne les impôts versés par les personnes avec déficiences et dans notre mémoire, vous trouverez un document sur les politiques de réforme fiscale en ce qui concerne les personnes avec déficiences, document que notre Conseil et d'autres organisations font leur.

Plus particulièrement, à propos de la fiscalité, nous trouvons décourageant que des initiatives comme la prestation fiscale pour enfants n'ait pas, lors de la réforme apportée, offert quelque chose pour les enfants avec déficiences—les enfants avec déficiences n'ont pas été ciblés par la réforme. Combien de temps encore faudra-t-il attendre qu'on adopte une attitude positive à l'égard des politiques sociales de sorte que les personnes avec déficiences soient intégrées à la conception originale du programme plutôt que de faire l'objet d'un ajout, d'un programme parallèle?

Je sais que nous sommes pressés par le temps et c'est pourquoi je vais m'arrêter là. Je répondrai volontiers à vos questions. Merci.

Le président: Merci encore une fois, monsieur Beachell.

Nous entendrons maintenant les représentantes de Kids First, Association de parents du Canada, Mmes Cathy Buchanan et Christine Scharl-Cornforth. Bienvenue.

Mme Christine Scharl-Cornforth (vice-présidente, Kids First, Association de parents du Canada): Bonjour. Je m'appelle Christine Scharl-Cornforth et je suis la vice-présidente de Kids First.

Hier soir, au réseau anglais de Radio-Canada, à l'émission Sunday Report, la ministre du Développement des ressources humaines Jane Stewart a parlé de l'importance de la prévention, de la nécessité de mettre l'accent sur la petite enfance. C'est là l'objectif de Kids First depuis 12 ans. Je ne vais pas lire notre mémoire, mais je vais en souligner rapidement quelques grandes lignes.

Nous pensons que le résultat d'un grand nombre de projets de recherche, y compris l'enquête longitudinale nationale sur les enfants et la jeunesse, confirme notre opinion que les parents jouent un rôle critique pour le bien-être des enfants pendant leur petite enfance. Plus les parents peuvent consacrer de temps à leurs enfants entre zéro et six ans, mieux cela vaut.

On doit féliciter le gouvernement fédéral pour avoir prolongé jusqu'à une année, le congé de maternité et parental, pour avoir augmenté la prestation nationale pour enfants dans le cas des familles à faible revenu et pour avoir promis une réduction générale d'impôt dans le cas de toutes les familles qui ont des enfants.

Toutefois, notre principale préoccupation demeure la même, bien que le sujet ait créé d'énormes remous à la Chambre des communes en mars dernier. En effet, aucune mesure n'est prise pour redresser la discrimination fiscale dont souffrent les familles dont un des parents souhaite rester à la maison. Bien que l'on reconnaisse les avantages que procure l'allaitement maternel, bien que les situations des familles soient différentes et bien que l'on sache le stress considérable auquel font face les familles à deux revenus quand elles ont de petits enfants, aucune mesure n'est prise pour régler le problème majeur du calcul du revenu familial total ou du partage des revenus. On ne fait rien pour redresser les déductions de frais de garderie car les choses sont configurées pour profiter aux familles riches à double revenu.

Nous voudrions obtenir des réponses aujourd'hui. Nous voudrions savoir pourquoi il existe une discrimination à l'égard des familles à revenu unique.

Si nous sommes sérieux quand nous réclamons des mesures de prévention, il faudrait faire en sorte que plus de parents aient la possibilité de choisir de rester à la maison sans pour autant sombrer dans la pauvreté. Les familles à un seul revenu sont serrées à l'extrême. À cause des pénalités fiscales, elles n'arrivent même plus à maintenir leur niveau de vie. Nous pouvons aujourd'hui vous faire part d'expériences personnelles vécues.

Mme Cathy Buchanan (secrétaire nationale, Kids First, Association de parents du Canada): Voici un incident qui m'est arrivé personnellement. À l'école secondaire de ma fille, il y a quelques semaines, un professeur nous a informés que nous pouvions déduire de nos impôts le prix d'une excursion en bateau à voile pour ces enfants de 14, 15 et 16 ans, car il s'agissait d'une dépense de garderie. Nous avons bien vite compris que cette déduction n'était offerte qu'aux familles à double revenu.

La personne qui a signalé cela au professeur est une de mes voisines qui, tout comme moi,—nous avons toutes deux trois enfants—reste à la maison depuis un certain temps. Pendant ce temps, ma voisine a choisi de s'occuper d'une entreprise personnelle très prospère, située chez elle. Quant à moi, j'ai choisi de faire du bénévolat et de renoncer à tout salaire. J'ai participé à l'aménagement d'un parc municipal, j'ai dirigé des ateliers sur l'art d'être parents, j'ai travaillé à la conception d'une convention pour les parents, j'ai dirigé des programmes éducatifs à mon église et j'ai siégé au conseil parents-école de ma localité. On constate donc un décalage. Pourquoi le travail de ma voisine serait-il d'une plus grande valeur que le mien? Parce qu'elle a touché un chèque de paie.

• 1120

Dans notre localité—je vis dans une petite ville de 20 000 âmes au nord de Calgary—deux familles de nos amis ont quitté le pays. Ces deux familles, de trois enfants chacune, ont commis l'erreur de choisir qu'un des parents reste à la maison quelques années pendant la petite enfance de leurs enfants.

Avec la perte de la première famille, notre localité a perdu une infirmière qualifiée, qui avait repris le travail après le quatrième anniversaire de son plus jeune enfant, et son mari, professeur à l'école secondaire. Tous deux étaient des bénévoles et participaient activement à la vie de notre localité. Ils sont maintenant aux États-Unis où elle travaille à plein temps comme infirmière, son salaire étant le double de ce qu'il était au Canada, et son mari reste à la maison.

Dans l'autre cas, nous avons perdu un travailleur de l'industrie pétrolière, titulaire d'un baccalauréat en commerce et maître-nageur sauveteur. Le problème était le même. Cette famille tâche actuellement de redémarrer en Afrique.

Ni l'une ni l'autre de ces familles n'avaient un niveau de vie extravagant, tant s'en faut. Elles vivaient dans des logements de 1 000 pieds carrés, avec un abri à voiture.

Je ne suis plus une jeune maman, mon plus jeune enfant ayant sept ans, et j'aimerais parler d'un problème que je constate. Il y a des tiraillements chez les jeunes couples qui ont des enfants en bas âge. J'ai une fille de 14 ans qui depuis six mois fait du gardiennage pour trois familles qui ont chacune deux enfants. Elle garde les enfants en attendant le retour du papa ou de la maman. Ces parents-là ne veulent pas mettre leurs enfants en garderie si bien qu'ils embauchent ma fille pendant une heure ou deux quand ni l'un ni l'autre ne sont à la maison. La semaine dernière, elle a passé une entrevue avec une de ces mamans et en revenant, elle m'a dit avoir constaté que cette maman était très stressée. Je lui ai demandé quel âge avaient ses enfants? Ce sont des enfants d'âge préscolaire—un bébé et un enfant de quatre ans. On comprend que la maman soit stressée.

Je le répète, ces familles appartiennent à la classe moyenne et ne mènent pas un grand train de vie.

Ce sont là les expériences personnelles dont je voulais vous faire part.

Le président: Y a-t-il d'autres remarques?

Mme Lynn Ferguson (témoignage à titre personnel): Si je suis venue, c'est pour témoigner de ce que Cathy a exposé. J'ai trois enfants et mon mari travaille dans l'industrie pétrolière. Je suis bibliothécaire. Au cours des 18 dernières années, je suis restée à la maison pendant certaines périodes.

Il y a sept ans, j'étais enceinte de mon troisième enfant et nous nous sommes rendu compte que mon REER avait fondu, que nous ne pouvions pas payer notre prêt hypothécaire et que nous nous endettions toujours davantage. Nous avons décidé de partir à l'étranger. Nous avons passé sept ans en Arabie Saoudite et nous y avons élevé nos enfants à la manière que nous avions choisie.

Selon moi, la déduction pour frais de garde d'enfants, dont peuvent profiter 15,8 p. 100 des parents, est une façon dérisoire d'aider les familles dans notre société actuelle. Chaque famille fait son choix et elle choisit ce qui lui convient le mieux.

Quand un gouvernement annonce qu'il est plus profitable que les parents travaillent à l'extérieur, touchent des revenus et versent des impôts plutôt que de s'occuper de leurs enfants ou de faire du travail bénévole et dans mon cas j'en ai fait beaucoup, le gouvernement prend des décisions à ma place et ce n'est pas ce que je souhaite.

Mme Judy Arnall (témoignage à titre personnel): Je m'appelle Judy Arnall. Je suis une mère au foyer et mon mari touche un salaire moyen. Ce que le gouvernement ne voit pas, c'est que mon mari soutient cinq personnes à même son revenu. Comme nous ne pouvons pas partager ce revenu, il se trouve dans une fourchette d'impôt majorée. J'exhorte le gouvernement à consentir à ce que nous partagions ce revenu, ou du moins, à offrir un mécanisme qui permette que son revenu soit réparti plus uniformément.

J'ajoute que mon mari est appelé à travailler souvent à l'extérieur de la ville. Nous avons donc des frais de garde d'enfants également, même si je ne touche pas de revenu, par exemple quand je suis malade. Je travaille à temps partiel comme éducatrice auprès des parents, de sorte qu'il faut que je trouve une garderie mais je ne suis pas autorisée à déduire cette dépense-là. Je souhaiterais que le gouvernement permette que les frais de garde d'enfants puissent être déduits du revenu le plus élevé.

Je suis, moi aussi, une maman qui pratique l'enseignement à domicile, de sorte que je ne suis pas tellement en faveur des soins de groupe et, en ma qualité d'enseignante à domicile, je côtoie tous les jours des gens qui tentent de concilier les exigences familiales et professionnelles et qui essaient de trouver plus de temps pour leurs enfants. Merci.

• 1125

Le président: Merci.

Nous entendrons maintenant Mme Heather Gore-Hickman.

Je vous souhaite la bienvenue.

Mme Heather Gore-Hickman (témoignage à titre personnel): Monsieur Bevilacqua, mesdames et messieurs les membres du comité, je tiens à vous remercier sincèrement.

J'ai un résumé d'une page de l'exposé que je vais vous présenter.

Je suis encouragée par la modération très raisonnable qui semble caractériser le ministère des Finances d'après les reportages que l'on voit ces derniers temps dans les médias. Je vous félicite pour les efforts que vous déployez afin d'atténuer le fardeau fiscal qui écrase les familles en résistant à la tentation de vous lancer dans le tourbillon de dépenses que réclament bien des ministères.

Calculé en pourcentage du PIB, le fardeau fiscal des particuliers au Canada est plus élevé que celui des particuliers de tous les autres pays du G-7, et ce, de plusieurs points de pourcentage. En outre, l'actuelle législation donne lieu à une perception inéquitable des impôts auprès des familles canadiennes, car leur fardeau fiscal dépend indûment des choix personnels qu'elles font relativement au travail et aux soins des enfants.

Présenter le problème comme s'il ne touchait que les familles à un seul revenu, c'est déformer la réalité de l'effet discriminatoire généralisé du régime fiscal. S'il est vrai que ce sont les familles à un seul revenu qui en subissent les conséquences les plus néfastes, la majorité des familles à deux revenus sont aussi soumises à des degrés divers à cet effet discriminatoire. Les parents devraient être libres de faire les choix qu'ils veulent en ce qui concerne le soin des enfants, sans être pénalisés par une politique gouvernementale qui récompense certains choix et pas d'autres.

Le gouvernement fédéral a du retard par rapport aux entreprises pour ce qui est de tenir compte de la diversité des régimes de travail dont les employés ont besoin pour concilier responsabilités familiales et professionnelles. Les familles ne sont pas statiques. Ainsi, les parents d'enfants en bas âge modifient généralement leur régime de travail en conséquence. Parmi ces régimes, il y a le travail à plein temps, le travail à temps partiel, le travail à distance, les heures de travail flexibles, les congés prolongés, les entreprises à domicile ainsi que le retrait d'un des parents de la vie active pour rester au foyer à plein temps pendant un certain temps. Le type de soins que choisissent les parents varie souvent en conséquence: certains se relaient auprès de leurs enfants, d'autres confient leurs enfants à des membres de la famille ou à des voisins, d'autres encore les amènent avec eux au travail et d'autres les font garder dans des foyers où l'on ne donne pas de reçus ou dans des établissements commerciaux qui donnent des reçus.

Dans le tiers environ des familles, les deux parents ont un travail à plein temps, dans un autre tiers des familles, un parent travaille à temps partiel et l'autre à plein temps, tandis que, dans le dernier tiers, un des deux parents reste au foyer à plein temps. En fait, d'après les recherches faites par le ministère des Finances, la proportion des familles à un seul revenu s'élève à environ 44 p. 100, et ce, parce que le ministère inclut dans ce nombre les familles qui ont un deuxième revenu inférieur à 6 456 $.

La déduction pour frais de garde n'est demandée que par 17 p. 100 des familles qui ont des enfants à charge. C'est donc moins de 30 p. 100 des deux tiers environ des familles qui ont deux revenus. Par ailleurs, 83 p. 100 des familles sont pénalisées dans les faits pour les choix qu'elles font en matière de soins à donner aux enfants. J'ai participé au mois d'avril à une conférence téléphonique où les hauts fonctionnaires du ministère des Finances ont fait preuve d'un manque inquiétant de sensibilité à ce problème, invoquant à leur décharge le fait que le système, tel qu'il est appliqué à l'heure actuelle, a un effet neutre sur les recettes qui vont au trésor public. La déduction pour frais de garde qui est accordée à 17 p. 100 des familles qui en font la demande est compensée par les impôts que paye la personne qui donne les soins aux enfants. De même, les foyers de garde où l'on ne donnent pas de reçus sont considérés comme n'occasionnant pas de perte nette pour le Trésor.

Le coût de la plupart des solutions proposées tant par le gouvernement que par des sources indépendantes pour corriger certaines des injustices se chiffre à quelque 3 milliards de dollars. Il y a un an, on rejetait du revers de la main l'idée de dépenser une somme aussi faramineuse pour les familles et les enfants. Or, nous lisons maintenant presque quotidiennement dans les journaux qu'il y aurait des dizaines de milliards de dollars qui seraient consacrés aux programmes pour enfants, comme s'il n'y avait aucune limite à ce que nous pouvions dépenser.

Je vous implore de remettre cet argent entre les mains des parents. Ce sont les parents qui sont le mieux placés pour prendre des décisions au sujet de leurs enfants. Les parents ne veulent pas d'une multiplication des programmes gouvernementaux importuns. Ce qu'il faut, c'est une reconnaissance de ce qu'il en coûte à toutes les familles pour élever leurs enfants et le critère ne doit pas être celui de l'activité de la mère, mais bien le fait que la famille a des enfants. Le Canada est le seul pays industrialisé qui ne prévoit pas de reconnaissance universelle de ce qu'il en coûte pour subvenir aux besoins d'enfants à charge. La capacité à payer doit par ailleurs être calculée, non pas seulement en fonction du revenu gagné, mais aussi en fonction du nombre de personnes qui dépendent de ce revenu.

Le gouvernement devrait également reconnaître l'unité économique que constitue la famille. Seulement 11 p. 100 des familles obtiennent le meilleur traitement fiscal parce que les deux conjoints gagnent à peu près le même revenu et ont à peu près le même taux marginal d'impôt. La plupart des familles à deux revenus ne sont presque pas mieux traitées au point de vue fiscal que les familles à revenu unique. Étant donné que 70 p. 100 des femmes occupent des emplois peu payés d'enseignante, d'infirmière, de secrétaire, de vendeuse et de préposée, la plupart des familles ne peuvent espérer compter sur deux revenus à peu près égaux. En outre, 70 p. 100 des employés à temps partiel sont des femmes qui gagnent en moyenne 10 000 $ par année. Les femmes qui décident de ne pas travailler à temps plein le font souvent parce qu'elles doivent s'occuper de parents âgés ou de jeunes enfants.

Le gouvernement fédéral reconnaît déjà l'unité économique que constitue la famille dans le calcul des prestations versées aux familles et devrait faire de même pour ce qui est des impôts perçus.

• 1130

La plupart des observations que je viens de faire se retrouvent soit dans des documents publiés par le ministère des Finances, soit dans des documents qui lui ont été soumis. Je vous demande de prêter toute l'attention voulue aux travaux de vos collègues et de recommander que le gouvernement canadien traite de façon juste les familles sans égard aux choix qu'elles font. À cette fin, le régime fiscal doit tenir compte des dépenses engagées par les parents pour élever des enfants et traiter de façon plus équitable les familles ayant des revenus comparables.

Je vous remercie beaucoup.

Le président: Je vous remercie beaucoup, madame Gore-Hickman.

J'accorde maintenant la parole à M. Ted Siemens.

M. Ted Siemens (témoignage à titre personnel): Je vous remercie, monsieur le président.

Je vous remercie, mesdames et messieurs, de me permettre de comparaître devant vous ce matin.

Je m'appelle Ted Siemens. Je suis ici en ma qualité de père. Bien que je n'aie aucun lien avec les témoins précédents, j'appuie les positions qui ont été exprimées puisque j'ai déjà été le seul soutien de ma famille et j'en ai subi les conséquences.

Je suis ici aujourd'hui pour demander au comité de recommander que les Canadiens qui poursuivent des études de deuxième cycle dans le domaine des arts puissent émettre un reçu aux fins d'impôt à des donateurs. J'ai brièvement exposé par écrit les raisons qui motivent ma demande, mais je vais maintenant le faire de vive voix.

Je fais cette demande ici aujourd'hui au nom de mon fils qui est ce qu'on peut appeler un créateur. Il a fait une erreur. Il a obtenu un diplôme en sciences et il a ensuite fait des études de médecine pendant trois ans. Après s'être rendu compte qu'il ne serait jamais heureux en devenant médecin, il a décidé de faire carrière dans le domaine de la composition musicale, et en particulier de la composition des opéras. Il a obtenu son baccalauréat en musique de McGill et il fait actuellement un doctorat en musique à Manchester.

Au Canada, il n'existe aucune bourse d'études dans le domaine de la composition musicale. Le Conseil des arts, qui est chargé de promouvoir les arts, appuie surtout les artistes de la scène et les organisations qui offrent des services artistiques. Il n'offre cependant pas d'aide financière à ceux qui étudient la composition musicale.

Le Conseil de recherches en sciences humaines, par ailleurs, distribue plus de 100 millions de dollars par année à ceux qui poursuivent des études de troisième cycle. Ces études doivent cependant porter dans le domaine de la recherche. La composition musicale est considérée du domaine de la créativité. Dans le dernier budget, les fonds accordés sur cinq ans au Conseil de recherches en sciences humaines ont été portés à 200 millions de dollars. Mon fils, Trevor, n'a cependant pas du tout accès à cet argent.

En raison du régime fiscal, les fondations philanthropiques, les entreprises et les particuliers ne font des dons qu'aux organismes de bienfaisance. Ce problème est aggravé du fait que les fondations et les entreprises qui donnent des fonds à des institutions éducatives n'ont pas droit d'en tirer un avantage au point de vue publicitaire.

Les nombreux ministères fédéraux auxquels je me suis adressé pour obtenir une aide financière pour mon fils m'ont dit de m'adresser à des organismes de service. Or, les organismes de service ne sont pas en mesure d'offrir d'aide dans ce domaine.

J'ai découvert qu'en 1991, le gouvernement canadien a publié un rapport intitulé l'Art n'est jamais un acquis. Ce rapport reconnaît candidement que le fait qu'aucune aide financière ne soit accordée dans le domaine des arts créatifs constitue un problème majeur qui devrait être réglé. Cette recommandation date de neuf ans.

• 1135

J'attire votre attention également sur le document intitulé Canadian Culture: A Shared Experience, présenté à ce comité par le Conseil des arts du Canada à Ottawa.

La semaine dernière, j'ai aussi enfin pu dépouiller un rapport publié par le ministère du Patrimoine canadien et intitulé Appartenance et identité. Le chapitre 2 du rapport commence de cette façon:

    La société canadienne a besoin de créateurs. Elle en a extrêmement besoin parce que ce sont eux—plus que quiconque—qui façonnent l'identité culturelle des Canadiens et leur font prendre conscience de ce qui les caractérise et du groupe auquel ils appartiennent.

Ce rapport préconise aussi l'octroi de fonds supplémentaires pour les créateurs.

Le Conseil des arts du Canada, principal organisme fédéral appuyant les créateurs, continue d'offrir des subventions aux créateurs pour leur permettre de se consacrer à plein temps à leur oeuvre. Or, ces programmes ne s'adressent pas aux étudiants de 3e cycle parce que les bourses offertes, qui sont très modestes, ne sont pas renouvelées après deux ans. Je cherche toujours une façon de subventionner les études de mon fils à l'étranger qui coûtent 20 000 livres par année.

Je terminerai en mentionnant deux autres faits.

Premièrement, l'industrie culturelle du Canada représente 7,9 p. 100 des personnes qui occupent un emploi dans ce pays. Elles contribuent plus de 22 milliards de dollars par année au PIB.

Deuxièmement, dans le National Post du 12 octobre, Tamara Bernstein posait la question suivante: «Où sont les grands compositeurs canadiens?» Elle établit actuellement la liste des grands contributeurs canadiens dans le domaine culturel au cours des 100 dernières années et elle ne peut pas trouver un seul grand compositeur canadien. Ce n'est pas surprenant si j'en juge par le mal que j'ai depuis deux ans à essayer de trouver une aide financière pour les études de mon fils dans le domaine de la composition musicale. Aucune aide financière du gouvernement n'est disponible dans ce domaine.

Je vous remercie du temps que vous m'avez consacré.

Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Siemens.

Nous entendrons maintenant MM. Brian Olson, Peter Wallis et Mark Phipps qui représentent la Calgary Homeless Foundation.

Bienvenue.

M. Peter Wallis (président intérimaire et chef de la direction, Calgary Homeless Foundation): Je vous remercie, monsieur le président et mesdames et messieurs. Je m'appelle Peter Wallis. Je suis le président intérimaire de la Homeless Foundation.

Je suis accompagné aujourd'hui de M. Brian Olson, membre du conseil d'administration, et de M. Mark Phipps, bénévole et principal rédacteur du mémoire que nous avons fait parvenir plus tôt cette semaine au secrétariat du comité en prévision de notre comparution.

Le phénomène des sans-abri à Calgary se présente plus ou moins de la même façon que dans toutes les autres villes canadiennes. Calgary compte de nombreuses personnes qui se retrouvent sans abri parfois pour des raisons complètement indépendantes de leur volonté. Il y a d'abord le cas des jeunes gens qui mendient dans les rues principales. Il y a aussi les personnes qui sont affligées de troubles mentaux qui représentent environ 30 p. 100 des sans-abri. Les institutions ne s'occupent pas de ces gens. Ils sont souvent laissés pour compte et ils ont vraiment besoin d'aide. On trouve aussi parmi les sans-abri des personnes âgées qui n'ont pas eu de chance ou qui n'ont pas de famille ou des gens qui sont des toxicomanes ou des alcooliques.

Calgary compte aussi parmi ses sans-abri des Autochtones jeunes et moins jeunes. Ils viennent à Calgary à la recherche d'emplois ou de logements parce qu'ils ne peuvent pas trouver à se loger sur les réserves avoisinantes.

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Il y a aussi des familles—et nous vous parlerons plus longuement de leur cas—qui vivent dans des sous-sol d'églises. Près de 1 000 sans-abri par soir à Calgary vont dormir sur une natte au centre de dépannage de Calgary, à la Mustard Seed Church ou à l'Armée du Salut Anchorage. La même chose se produit chaque nuit de l'année.

Ce qu'on ne voit pas à Calgary et dans les autres villes c'est ce que nous appelons les sans-abri cachés. Un pourcentage élevé de personnes appartiennent à cette catégorie. Il s'agit essentiellement des pauvres qui travaillent. On trouve dans cette catégorie les mères célibataires qui gagnent le revenu minimum et qui n'ont donc pas assez d'argent pour payer leur loyer ou qui ne l'ont pas payé depuis quelques mois. Il y a aussi les jeunes gens qui vivent avec des amis parce qu'ils ne peuvent pas trouver où se loger. Il y a aussi les familles qui s'installent à Calgary et vivent dans des motels pendant qu'elles sont à la recherche d'un emploi qu'elles pensent pouvoir trouver dans cette ville. Il y a aussi bien des gens que l'itinérance guette parce qu'ils ne pourraient pas surmonter une crise personnelle ou parce qu'ils n'ont pas suffisamment d'économies. Ces gens sont habituellement mal logés et risquent de perdre leur logement.

La Fondation elle-même est un organisme jeune qui est véritablement axé sur les besoins communautaires. Il s'agit d'un partenariat entre la ville, la province, la Chambre de commerce et Centraide. La Fondation a été créée à l'automne dernier pour lutter contre le problème croissant de l'itinérance à Calgary. Nous savons qu'il existe des fondations semblables dans le reste du Canada. Nous pensons avoir pris des mesures qui intéresseront ce comité et nous aimerions aussi formuler certaines observations.

La Fondation souhaite que les habitants de Calgary aient accès à des logements où ils se sentiront en sécurité et elle travaille avec des organismes spécialisés à réaliser cet objectif et à aider les sans-abri. Nous essayons d'établir quels sont leurs besoins au plan du logement. Une fois que ces besoins auront été définis, la Fondation collaborera avec les gouvernements, et en particulier le secteur privé, pour trouver les fonds nécessaires pour y répondre.

Nous voulons mener à bien un projet du début à la fin et nous allons chercher avec Centraide comment trouver les fonds voulus à cette fin.

Nous collaborons actuellement avec divers organismes afin de mieux cerner les nombreuses facettes du problème de l'itinérance. Plus vite nous comprendrons le phénomène et les caractéristiques de chaque catégorie de sans-abri, plus nous serons en mesure d'aider les organismes spécialisés à répondre aux besoins en matière d'infrastructure.

Nous avons exposé certaines de ces vues à l'honorable Claudette Bradshaw lorsqu'elle est venue à Calgary l'été dernier. Elle a demandé que nous lui donnions des conseils. Nous avons donc envoyé un mémoire à la ministre en date du 9 septembre. Comme je l'ai dit plus tôt, copie de ce mémoire a été envoyée au secrétariat du comité en prévision de notre comparution.

Le mémoire traite de la nécessité de créer des logements abordables ainsi que des logements d'urgence. Nous aimerions nous concentrer aujourd'hui sur la partie du mémoire intitulée «Investissement dans le domaine du logement: variables économiques». La demande en logements est assez claire. Le nom de 700 personnes figure sur la liste d'attente du service de logement de Calgary et la liste d'attente de Calhome Properties qui offre des logements abordables est longue de plus de 1 200 noms. L'offre en logements abordables est donc insuffisante et c'est sur cette réalité que nous aimerions insister.

Je demanderais maintenant à Mark Phipps de vous faire part des suggestions que nous avons faites à Mme Bradshaw dans notre mémoire quant à la façon dont le régime fiscal pourrait être modifié afin de favoriser dans l'intérêt public la construction d'un plus grand nombre de logements abordables.

M. Mark Phipps (conseiller, Calgary Homeless Foundation): Je vous remercie.

Le temps ne nous permet évidemment pas d'entrer dans les détails et je me permettrai de prendre une minute ou une minute et demie pour vous donner un aperçu de la situation. Je répondrai ensuite volontiers aux questions que vous aimeriez me poser lors de la période des questions.

Notre mémoire traite de quatre modèles de partenariat public-privé. La question qu'il convient de se poser est qu'est-ce qui justifie des investissements dans ce domaine.

Outre les raisons morales qui pourraient être invoquées, je crois qu'on peut aussi soutenir qu'il est possible au gouvernement de réaliser des économies en intervenant dans ce domaine puisque l'inaction entraîne des coûts. Deuxièmement, les ressources des organismes philanthropiques classiques ne suffisent pas pour combler les besoins. Troisièmement, le libre jeu des forces du marché fait en sorte que les investisseurs privés ne s'intéressent pas à ce domaine. Voilà pourquoi nous voulions présenter quatre modèles sur lesquels pourrait reposer l'intervention du gouvernement fédéral.

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Le premier de ces quatre modèles s'appuie sur un crédit d'impôt pour la construction de logements destinés aux personnes à faible revenu qui ressemblerait au modèle américain qui permet de produire 100 000 unités de logement par année aux États-Unis, ce qui représente 94 p. 100 des logements totaux destinés aux personnes à faible revenu aux États-Unis. Il s'agit d'un modèle très intéressant. Nous pensons que ce modèle pourrait être adapté facilement au contexte canadien.

Le second modèle consiste en des crédits d'impôt qui permettraient d'amasser le capital nécessaire à un projet. Des obligations non imposables constitueraient un financement peu coûteux, et bien sûr, cette exonération fiscale permettrait d'envisager un seuil bénéficiaire moindre.

Le troisième modèle que nous donnons dans le mémoire est celui d'une amélioration des termes de crédit. Là encore, il s'agit d'abaisser les coûts du financement de la dette en regroupant des projets dans tout le Canada, peut-être par l'entremise de la SCHL, ou encore en faisant intervenir d'autres organismes à même d'offrir une garantie gouvernementale à ce regroupement de dettes. De cette façon, les investisseurs seraient libres d'envisager une marge bénéficiaire moindre ou encore d'avancer le financement à moindre coût.

Le quatrième modèle se réfère aux principaux regroupements de capitaux qui bénéficient d'une exonération fiscale dans ce pays. Il s'agit de divers fonds de pension qui, en échange d'une exonération fiscale, acceptent de consacrer une partie de leur portefeuille au financement de la dette de projets de logement destiné aux segments de la société qui ont de faibles revenus. Comme ils sont exonérés d'impôt, leurs exigences sur le plan des bénéfices sont moindres. Ainsi, grâce à des termes de financement peu coûteux, alliés peut-être à une certaine amélioration des termes de crédit consentis par la SCHL, un régime de pension pourrait faire des investissements très prudents tout en apportant son concours à une cause sociale extrêmement méritoire.

Le président: Merci. Voilà qui termine votre exposé; nous allons maintenant écouter la porte-parole de MCC Employment Development, Mme Donette Hjermenrude.

Mme Donette Hjermenrude (directrice, MCC Employment Development): Je vais essayer d'aller jusqu'au bout sans perdre ma voix.

Je représente MCC Employment Development, mais je porte également la casquette du Canadian Community Economic Development Network, un organisme au nom duquel je vous ai soumis une ébauche de politiques à envisager. On m'a demandé de vous faire part, au nom du réseau, de notre expérience dans les tranchées, c'est-à-dire des initiatives de développement économique communautaire que nous avons prises, et également du succès de ces initiatives parmi une population marginalisée.

J'aimerais commencer par vous expliquer un peu comment notre organisme et les programmes auxquels nous participons fonctionnent, après quoi je formulerai rapidement un certain nombre de recommandations en ce qui concerne la politique à envisager. Pendant tout votre circuit, c'est une chose que vous allez entendre; on nous a demandé de parler au Comité permanent des finances au nom de notre province. Par conséquent, si vous avez des questions auxquelles je ne peux répondre, je suis certaine que la Colombie-Britannique pourra le faire.

Je suis ici pour vous parler de la nécessité de transposer de meilleures dispositions financières en meilleures conditions de vie. Nos organismes desservent un grand nombre d'initiatives de développement économique communautaire destinées à des particuliers qui ne pourraient certainement pas être considérés comme des citoyens moyens. Pour cette raison, je suis ici pour vous donner des idées sur la façon dont le gouvernement pourrait améliorer le niveau de vie des Canadiens, pas seulement à Calgary mais partout où les gens en ont besoin. Pour commencer, j'aimerais définir ce que j'entends par développement économique communautaire.

Le développement économique communautaire est une stratégie à manifestations multiples qui sert à relancer et à améliorer les économies communautaires. On s'intéresse de plus en plus au développement local, à la gestion et au renforcement des ressources communautaires, et vous connaissez peut-être ce phénomène sous le nom de création de capacités communautaires. Le DEC crée des débouchés économiques dans des communautés qui se trouvent le plus souvent en marge de l'économie nationale. Le phénomène se base sur l'idée que lorsque la marée monte tous les bateaux ne flottent pas forcément.

Pour vous donner un exemple, réfléchissons un instant aux statistiques suivantes. Considérez que 137 000 habitants de Calgary vivent actuellement en dessous du seuil de la pauvreté, ce qui représente environ 18 p. 100 de notre population. Parmi eux, 38 000 personnes sont des enfants. Nous avons une liste d'attente de 1 400 personnes pour les logements coopératifs. Sur les 74 000 migrants que nous attendons à Calgary d'ici 2001, on s'attend à ce que 7 400 soient sans logis.

Depuis 1992, le seuil de la pauvreté à Calgary a augmenté de 6 p. 100 et le coût de la vie de 11 p. 100. Un appartement d'une chambre à coucher coûte en moyenne 511 $, ce qui représente 6 600 $ par année. Un résident de Calgary qui travaille au salaire minimum à plein temps ne gagne que 11 232 $ par année. Pour un célibataire, la limite de la propriété est calculée à 17 132 $.

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Soit dit en passant, la ville de Calgary a coupé le courant à près de 8 000 abonnés à Calgary. Depuis cinq ans, il n'y avait jamais eu tant de débranchements. Parmi ceux-ci, 95 p. 100 étaient des résidences privées. C'est donc une ville en plein essor où l'on voit beaucoup de désespoir.

Quelles sont les raisons de ce désespoir? Premièrement, les diminutions désastreuses des dépenses sociales par des gouvernements qui sont agressifs dans leur volonté de réduire leurs déficits. Il y a d'autres explications également, l'émergence de nouvelles technologies et des économies fondées sur le savoir, circonstances qui, pour les particuliers, posent des problèmes considérables. Les jeunes se débattent pour financer leur éducation; tous les travailleurs se heurtent à un marché du travail particulièrement instable où les emplois bien payés sont remplacés par des emplois plus aléatoires et mal payés.

En quoi cela nous regarde-t-il? Parce que la pauvreté, ce n'est pas le problème des pauvres, mais le problème de la communauté. La pauvreté se propageant, cela aggrave toutes sortes de problèmes sociaux—violence dans les familles, toxicomanie, citoyens sans foyer, criminalité, décrochage scolaire et problèmes de santé. La liste ne s'arrête pas là. Plus une collectivité est pauvre, plus elle a du mal à se mobiliser et à s'en sortir.

Pour intervenir, nous faisons appel à des ressources extérieures comme MCC Employment Development, entre autres. Quel est le rôle de MCC Employment Development? Nous avons un certain nombre de programmes; pour commencer, nous permettons aux particuliers de se constituer un actif grâce à un compte de développement des actifs individuels. En alliant la constitution d'un actif à l'apprentissage économique, les programmes que nous avons à Calgary ont eu des effets incroyables. Les gens dont nous nous occupons économisent un minimum de 15 $ par mois et un maximum de 45 $, et en même temps, ils suivent un cours pour acquérir des connaissances économiques. De plus, ils doivent faire des économies pour atteindre trois objectifs: acheter une maison, parachever leur éducation ou encore lancer une petite entreprise. À la fin de l'année, nous leur donnons une somme équivalant à trois fois ce qu'ils ont réussi à économiser. Il n'y a que deux programmes de ce genre au Canada.

Le succès du Programme de développement des actifs individuels a été considérable. Nos clients veulent se rencontrer mutuellement et ils constituent des coopératives pour économiser de l'argent sur leurs épiceries. Ils ont l'impression qu'un meilleur niveau de vie est dans le domaine du possible. Ils ont des raisons de travailler et d'économiser. Ils entrevoient la possibilité d'échapper à la pauvreté qui a toujours été leur lot.

La Banque Royale est un de nos partenaires les plus importants. Nous offrons du micro-crédit à des petites entreprises à domicile. Les prêts sont consentis en fonction des qualités personnelles d'un personne et ils s'élèvent à moins de 2 000 $. Ils ont un impact considérable sur les circonstances de vie des gens dans la ville de Calgary.

Soit dit en passant, notre taux de remboursement est de 95 p. 100. Qui peut prétendre que la petite entreprise présente un risque?

Ce programme donne aux clients qui ont de mauvaises cotes de crédit et qui ne peuvent pas espérer un financement des institutions financières classiques, la chance de faire leurs preuves, de démontrer leur compétence et leurs qualités personnelles. Nous offrons également une formation et des compétences aux immigrants et aux Autochtones. Avant de choisir les métiers pour lesquels nous les formons, nous faisons une recherche de marché très sérieuse et nous leur garantissons un poste d'apprenti lorsqu'ils terminent le programme. Par exemple, un grand nombre d'entre eux finissent par travailler pour le Southern Alberta Institute of Technology en tant qu'ouvriers.

Nous avons un laboratoire d'informatique accessible au public et nous offrons des cours de perfectionnement en informatique aux travailleurs à faible salaire. Les cours ne coûtent jamais plus de 30 $. Nous offrons des services de démarrage d'entreprise pour aider les entrepreneurs en herbe grâce à des programmes comme ABC of Small Business, Mompreneurs, et Cool Biz.

De plus, nous leur offrons des services de planification d'entreprise, experts-conseils, expert en marché et autres fonctions nécessaires au démarrage d'une entreprise. Notre programme destiné aux travailleurs à leur compte est destiné entre autres aux bénéficiaires de l'assurance-emploi pour leur permettre de démarrer une entreprise. Chaque année, grâce à ce programme, nous aidons au lancement de 24 nouvelles entreprises. Ce sont des gens qui, dorénavant, n'auront plus à faire appel à l'assurance-emploi.

Le 1er décembre, en partenariat avec la Calgary Homeless Foundation, nous allons offrir des garanties de prêts et un programme d'acquisition de connaissances économiques aux célibataires et aux travailleurs sans foyer de Calgary. L'objectif de ce programme est de leur permettre de quitter la rue dans les 48 ou 72 heures et de travailler avec eux pour évaluer leur situation financière passée et leur donner de nouveaux outils de gestion financière. Nous allons également travailler avec eux pour leur redonner une cote de crédit.

Il y a d'autres organismes, ailleurs dans le pays, qui ont des programmes comparables—transition de l'assistance sociale au travail, programmes de logements destinés aux personnes à faible revenu, création d'entreprises parallèles, sociétés de développement des centres-villes, avenir des collectivités, pour n'en nommer que quelques-uns.

Tous ces programmes ont en commun une démarche holistique dans les relations avec les clients. Nous travaillons avec eux pour surmonter un grand nombre d'obstacles—toxicomanie, emprisonnement et violence. Nos programmes leur redonnent confiance en eux, leur donnent espoir tout en leur offrant une certaine sécurité économique. Nous accordons une grande importance aux travailleurs individuellement, mais notre action a d'autres avantages sur les plans économique et communautaire.

• 1155

Pour commencer, nous créons un mécanisme au niveau de la collectivité, un mécanisme qui fait le lien entre la croissance économique, l'équité sociale et la lutte contre la pauvreté. Nous apportons une contribution à l'actif communautaire, nous rendons possible des existences bien vécues et nous comblons l'écart entre la pauvreté et les marchés du travail locaux.

C'est un moyen efficace et rentable qui tire un bon parti des investissements des contribuables sous la forme d'impôt. Grâce à nos programmes, nous créons des contribuables. Nous créons également des partenariats pour le gouvernement et le secteur privé. Nous offrons à la collectivité des débouchés et une plus grande autonomie.

Qu'est-ce que nous demandons à notre gouvernement canadien? Nous avons besoin de l'attention des autorités fédérales, nous leur soumettons notre cadre de politique nationale, un outil élaboré par le Réseau canadien de développement économique pour nous aider à étendre ces activités à tout le pays.

Nous avons besoin de porte-parole, aux niveaux fédéral, provinciaux et municipaux, pour faire connaître la valeur du développement économique communautaire. Nous avons besoin d'argent pour nos services de base, de financement pour nous permettre de remplacer nos activités projet par projet, activités à court terme, par une démarche stratégique, pluraliste, une solution à long terme. Nous avons besoin de vous pour ouvrir des débouchés communautaires, constituer un capital communautaire et des compétences communautaires.

Dans le cadre de politique, nous expliquons les nombreuses façons dont le gouvernement fédéral peut nous aider à construire des débouchés communautaires, et à acquérir du capital et des compétences communautaires.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant entendre le porte-parole de People Empowering Themselves Against the System, Susan Bruce.

Mme Susan Bruce (porte-parole et présidente émérite, People Empowering Themselves Against the System): Bonjour. Je vais d'abord vous expliquer qui nous sommes, car beaucoup de gens ne nous connaissent pas.

Qu'est-ce que PETAS? Nous sommes des gens pauvres, des gens handicapés, des gens de couleur, des Autochtones, des assistés sociaux, quiconque se débat quotidiennement avec la pauvreté.

Cela dit, jusqu'à trois heures du matin la nuit dernière, j'avais l'intention de venir ici et de vous éblouir avec de merveilleuses statistiques, mais mes excellents collègues l'ont déjà fait, par conséquent, cela ne servirait pas à grand-chose.

Je pourrais vous dire que si un enfant sur cinq vit dans la pauvreté, deux de ces enfants sont les miens.

Je pourrais vous dire qu'au Manitoba seulement, il y a 60 000 enfants qui vivent dans la pauvreté, dont 29 737 qui dépendent de l'aide sociale.

Je pourrais vous dire également que si le mieux que vous pouvez faire pour lutter contre la pauvreté des enfants c'est la prestation nationale pour enfants, vous devriez avoir honte de votre gouvernement. Je m'adresse en particulier à tous les libéraux parmi vous. En effet, cette prestation, elle ne m'est pas destinée.

Effectivement, cela me pose un problème majeur. Quand je suis devenue mère, je me suis dit: Enfin un travail pour lequel je ne pourrai jamais être renvoyée à cause de compressions de personnel. Et pourtant, en m'écartant de ce programme, vous m'avez en fait renvoyée. Laurie l'a particulièrement bien exprimé.

Mes deux enfants ont des besoins particuliers. C'est la raison pour laquelle je reste au foyer. Personne n'a les qualifications requises pour s'occuper d'un enfant atteint de schizophrénie. Les psychiatres eux-mêmes ne sont pas qualifiés. Par contre, je le suis, car ce qui me qualifie, c'est l'estrogène. Ce sont mes enfants, je les aime. Voilà mon arme, et personne, aucun doctorat ne pourra remplacer cela. Je les aime. Je l'ai su dès qu'ils ont été dans mon sein, et je continue à les aimer.

Je pourrais également venir vous parler de la cote que nous ont décernée les Nations Unies, mais je préfère vous parler de la pauvreté car ce n'est pas tellement souvent qu'on vient vous en parler, et je peux vous dire qu'en une génération j'ai vu la pauvreté se répandre comme je ne l'aurais jamais cru.

Je regrette que le type de la chambre de commerce ne soit plus là, car je pourrais lui dire que le phénomène des dominos fait que je me retrouve sous la pluie. Je n'ai encore jamais vu quelqu'un vers le haut de l'échelle économique, quelqu'un qui gagne plus d'argent, qui bénéficie de plus d'allégements fiscaux...

Et pourtant, ces avantages, je ne les vois toujours pas en bas de l'échelle. Les enfants handicapés n'en profitent pas, pas plus qu'un homme que nous appelons Jesus d'Osborne, un sans-abri schizophrène qui traîne du côté de la rue Osborne.

C'est tout notre système économique que nous devons repenser. Si nous adorons tellement les États-Unis, pourquoi ne pas imiter leurs statistiques sur la pauvreté? Non, merci beaucoup. Moi, leurs statistiques sur la pauvreté, c'est ma vie quotidienne. Effectivement, pendant deux ans d'affilée, j'ai dû me priver de nourriture pour nourrir mes enfants à cause de taux d'aide sociale qui étaient mal calculés.

• 1200

Et vous savez ce que nous avons à l'heure actuelle? J'ai du mal à le croire, mais nous vivons à une époque où nous avons quelque chose qui s'appelle la pauvreté absolue. Pendant les années 80, il aurait fallu avoir le double de l'argent que je touchais en tant que mère monoparentale pour atteindre le seuil de la pauvreté. Aujourd'hui, il faudrait doubler ce double.

Lorsque mes enfants sont nés, à l'époque où j'étais mariée, nous avions 1 000 $ par mois. C'était en 1985. Nous étions jeunes et heureux. Nous nous disions: Nous sommes au Canada, nous avons un filet de sécurité, les choses ne peuvent que s'améliorer.

Plusieurs déménagements plus tard, le taux de divorce dans les familles qui ont des enfants avec des besoins spéciaux est particulièrement élevé. Savez-vous combien d'argent je touche? Neuf cents dollars par mois. Comment le revenu d'une personne peut-il être inférieur à ce qu'il était il y a 10 ans?

Je viens de parler à un chauffeur de taxi. Il m'a dit qu'en 1978 il gagnait 8 $ de l'heure, mais aujourd'hui, il n'en gagne plus que 6 $.

Je pense que nous avons eu assez de solutions classiques. Je suis désolée, traitez-moi de radicale, mais je suis convaincue que la solution de la pauvreté viendra des pauvres eux-mêmes.

Je ne veux pas qu'on étudie mon cas; la prochaine personne qui m'aborde en me disant qu'ils m'ont prise pour sujet de thèse... Il est possible que je ne sois pas responsable de mes actes. Cela devient un peu obscène.

La pauvreté a été étudiée ad nauseam. Les questions de handicap ont été étudiées ad nauseam. Ce que je veux, ce sont des actes.

Cela peut sembler très radical, mais je dois vous dire que ma cote au G-7 m'est complètement égale. Nous avons trop de gens sans foyer, nous avons trop d'enfants qui ont faim, qui ont faim à l'école, qui ont faim dans notre pays, maintenant. Cela suffit.

Brûlons les statistiques! Cela ne fait aucune différence.

Je sais bien que je suis en train de faire un appel moral à l'action, et je le répète, j'en ai assez de toutes ces études—l'étude Andy Scott, l'étude de la sénatrice Cohen, l'étude du représentant albertain de l'ONAP, celle du Conseil national du bien-être social. On m'en rebat les oreilles.

Vous savez ce qui m'exaspère le plus avec les statistiques? C'est le fait que vous ne voyez jamais la mère qui se prive de nourriture. Vous ne voyez jamais la personne qui n'a pas un toit.

Un enfant part à l'école en ayant faim? C'est seulement un enfant sur cinq. Il ne s'appelle Johnny, n'est-ce pas? Il n'a pas une voix, ce n'est pas un être humain. Cela dit, il existe, et il est important de passer aux actes. Il est important d'attaquer le problème d'une façon plus radicale.

Je remercie le ciel que l'AMI ait été éliminée, car Dieu sait que la situation est difficile à l'heure actuelle, vous auriez aussi bien pu m'abattre, car elle serait devenue mille fois plus difficile.

Nous avons besoin de solutions extrêmement radicales. Quelqu'un d'autre a dit aujourd'hui: «Si vous affectez tant d'argent à une action sociale, la somme double.» Eh bien, vous savez quoi? Si vous affectez de l'argent aux gens qui ont des besoins spéciaux, vous pouvez même leur permettre de vivre indépendamment. C'est l'existence même que vous redonnez à quelqu'un.

Pour chaque dollar que je consacre à mes enfants, ce n'est pas 7 $ que vous économisez, ce n'est pas 15 $, c'est plutôt quelque chose comme 50 $. Réfléchissez à ce qu'il en coûte d'envoyer quelqu'un dans une institution.

Il y a tout ce système de l'imposition dont on parle tellement, tous ces chiffres qu'on cite et qui concernent une réalité qui se trouve «ailleurs». Ce n'est pas vrai, cette réalité, c'est ici même.

C'est tout ce que j'avais à dire aujourd'hui. Comme je l'ai dit, je ne vous éblouirai pas avec des statistiques merveilleuses, car vous en avez suffisamment entendues.

La seule chose que je veuille vous dire c'est que vous devez faire quelque chose. Si vous voulez des suggestions, je vais vous en donner. Je peux remplir cette salle de suggestions qui viennent des pauvres, des gens qui vivent dans cette situation et qui pourraient vous répéter tout cela interminablement.

Je peux vous faire une suggestion dès maintenant, et je terminerai sur cela. La prestation nationale pour enfants n'aurait pas dû—je le répète, n'aurait pas dû—diviser les pauvres qui travaillent et ceux qui reçoivent l'aide sociale. Elle n'aurait certainement jamais dû exclure les enfants handicapés.

• 1205

Est-ce que vous avez vraiment fait tout votre possible? Lorsque je rentrerai chez moi et que je regarderai mes enfants en face, que voulez-vous que je leur dise? «Oh, ils ont fait tout leur possible.» Ce n'est certainement pas la meilleure solution possible. Je sais que vous pouvez faire beaucoup mieux. Je vous mets au défi de faire mieux. Je vous mets au défi de penser aux êtres humains et pas seulement au capital. La plus grande ressource de ce pays, ce n'est pas le charbon, ce n'est pas l'argent, c'est sa population.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Bruce.

Nous allons maintenant passer aux questions et commencer par des tours de cinq minutes. M. Lowther.

M. Eric Lowther: Merci.

Je remercie tous les intervenants et pour tenir compte des observations du président, mon préambule sera succinct et je vous demande de répondre succinctement également. De cette façon, je pourrai peut-être poser plusieurs questions.

Pour commencer, à l'intention de Mme Gore-Hickman, vous êtes ici en tant que particulier. Est-ce que vous avez une accréditation professionnelle quelconque?

Mme Heather Gore-Hickman: Je suis comptable agréée.

M. Eric Lowther: Comptable agréée. Merci.

Mme Buchanan a fait une observation—et vous pourrez peut-être me répondre toutes les deux—, elle a dit que 15,8 p. 100 seulement des parents réclamaient actuellement la déduction pour frais de garde d'enfants. Est-ce qu'il s'agit de familles à faible revenu? Qui sont ces parents?

Mme Heather Gore-Hickman: En fait, les statistiques citent actuellement 17 p. 100. C'est en 1996 que la proportion était de 15,8 p. 100. En 1997, elle est passée à 17 p. 100. Ce sont des parents à tous les niveaux de revenu. En fait, d'après ces statistiques, les familles qui profitent le plus de la déduction pour frais de garde d'enfants sont des familles à revenu élevé.

M. Eric Lowther: Qu'est-ce que vous pensez de la prestation nationale pour enfants?

Mme Heather Gore-Hickman: Ce vous avez dit est tout à fait juste et je vous en félicite. Le fait que le gouvernement impose les familles à faible revenu pour leur rendre ensuite des prestations sur la base du revenu qu'elles gagnaient 18 mois plus tôt est tout à fait absurde. Ces familles-là ont besoin d'argent tout de suite.

Jadis, le système des allocations familiales était tout à fait distinct du système fiscal. Le critère, c'était l'existence des enfants. À l'heure actuelle, c'est une véritable honte, mais notre système fiscal impose à un taux marginal effectif de 60 à 65 p. 100 des familles qui ont un niveau de revenu de 21 000 $ à 35 000 $. En fait, il y a même des régions du Québec où le taux marginal effectif est d'environ 103 p. 100. Bref, il en coûte de l'argent à ces familles-là si elles veulent augmenter leur revenu.

Au printemps, un économiste ontarien, Chris Sarlo, a comparu devant un de vos sous-comités. Il a démontré qu'une famille recevant l'aide sociale avait un revenu discrétionnaire supérieur à celui d'une famille gagnant 25 000 $. Cela place les Canadiens à faible revenu dans une situation parfaitement absurde et intenable, et je vous implore d'y trouver une solution.

M. Eric Lowther: Vous faites allusion au rapport Pour l'avenir de nos enfants: Améliorer le système fiscal qui a paru en juin 1999, le rapport du comité parlementaire?

Mme Heather Gore-Hickman: Exactement.

M. Eric Lowther: Vous-même, et peut-être également les représentants de Kids First, avez parlé de la nécessité de mettre de l'argent dans les mains des parents. Vous avez dit que les parents étaient les mieux placés pour prendre des décisions concernant leurs enfants. Il y a des années, nous avions une déduction de base pour les enfants. Qu'est-ce que vous pensez de ce genre de chose? Peut-être faudrait-il revenir à cela.

Mme Heather Gore-Hickman: Je suis tout à fait d'accord. C'est fondé directement sur les moyens financiers. Quiconque a des personnes à charge aurait une exonération personnelle fondée sur le nombre de ces personnes à charge et ses responsabilités fiscales seraient ajustées sur cette base. Autrement dit, il ne s'agit pas d'un versement après coup. Il s'agit d'une déduction, pas d'un crédit, et cela évite le problème de la dérive fiscale.

D'autre part, cela dépend des moyens financiers d'une personne, et évite la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui, une situation où deux personnes peuvent travailler côte à côte, gagner 40 000 $, 60 000 $ ou même 100 000 $ et chacune, si une d'entre elles a trois enfants à charge et l'autre est célibataire, elles paient toutes les deux les mêmes impôts. C'est ridicule. Celle qui a des enfants à charge a l'obligation morale et légale de leur consacrer une partie de son revenu. La personne célibataire, qui n'a personne à charge, lorsqu'elle prendra sa retraite, profitera de l'assiette fiscale de ces enfants-là.

Mme Cathy Buchanan: Vous me permettez d'ajouter une chose? Dans notre organisme, Kids First, depuis la dernière fois que nous vous avons rencontrés, nous avons eu de longues discussions. À Kids First, nous sommes tous des bénévoles, et comme vous le savez, il y a maintenant 12 ou 13 ans que nous réfléchissons à cette question de l'imposition. Il a fallu que nous prenions une décision tactique, étant donné que notre personnel était limité, et nous avons été forcés de mieux canaliser nos énergies. Cela dit, nous avons toujours eu des recommandations dans d'autres domaines: par exemple la prolongation des congés de maternité et les congés parentaux, que votre gouvernement a jugé bon d'entériner.

• 1210

Lors de ces discussions parmi nos membres, nous nous sommes aperçu qu'effectivement, nous souhaitions voir les parents mieux soutenus. C'est une chose à laquelle nous tenons beaucoup. Nous avons entendu des suggestions, par exemple un régime de pension pour les ménagères qui se trouve sur notre liste de recommandations depuis des années. Mais en fin de compte, toutes ces recommandations se ramènent à une chose: les jeunes parents nous disent: «Ce dont nous avons vraiment besoin, c'est d'avoir un peu d'argent dans nos poches». Voilà où se trouve le problème, et il est causé par un système fiscal qui est mal adapté depuis 20 ou 25 ans. Voilà donc où il importe d'améliorer la situation. Vous aurez beau consacrer de l'argent à des programmes, et je sais que cela est populaire, mais pour la plupart des jeunes familles, l'important est encore d'avoir de l'argent dans leurs poches.

Mme Susan Bruce: D'autre part, je ne sais pas quelle manie vous avez à Ottawa et dans certains autres organismes, mais quand on parle d'enfants, on ne parle jamais des enfants qui ont une déficience. Par exemple, votre prestation nationale pour les enfants devrait tenir compte également des enfants atteints de HDA, des enfants qui souffrent de PC, des enfants atteints d'autisme et de leur famille.

Je félicite le Québec qui a récemment décidé de payer les mères et les pères forcés de rester à la maison et de recevoir l'aide sociale parce qu'ils ont un enfant qui a des besoins spéciaux. Le système a été entièrement restructuré et dorénavant un tel parent sera payé pour rester au foyer. Cela est considéré comme une forme de soins auxiliaires. C'est formidable. Je viens juste d'entendre parler de ce programme. J'aimerais en savoir plus, et cela ne fait rien si on m'envoie de la documentation en français car, à Saint-Boniface, ce n'est pas un problème de trouver des gens qui parlent français.

Il importe donc de tenir compte de ce genre de choses. Il faut penser à tous les enfants.

Le président: Merci.

[Français]

Monsieur de Savoye.

M. Pierre de Savoye: J'aimerais m'adresser d'abord à Mme Buchanan, Mme Gore-Hickman, M. Siemens, Mme Bruce et aux autres personnes qui sont intervenues pour parler de la pauvreté et des enfants. C'est un sujet qui me touche et qui touche mes collègues du Québec, comme vous le savez. C'est un sujet dont on parle depuis longtemps, mais pour lequel il semble que les solutions, comme vous le mentionniez plus tôt, soient toujours des programmes et encore des programmes qui ne règlent pas grand-chose.

Je voudrais simplement vous souligner que Mme Gagnon, députée de Québec, a déposé un projet de loi privé par lequel elle demande que le vérificateur général soit aussi le commissaire à la pauvreté et qu'on fasse en sorte que le vérificateur ait pour mandat de surveiller la situation de la pauvreté et de faire des recommandations qui donneront des résultats, ce qui éviterait peut-être que les discours du Trône ou les budgets établissent des programmes dont on s'aperçoit quelques années plus tard qu'ils n'ont apporté aucun changement.

Comme vous le mentionniez également, le Québec a pris un certain nombre d'initiatives. De fait, ces questions sociales sont de ressort provincial, et c'est ma conviction et celle de mes collègues du Bloc québécois que le fédéral, en cette matière, n'a pas pris les dispositions appropriées et que le Québec a été mieux servi par ses propres programmes.

Cela dit, je partage de tout coeur les préoccupations dont vous avez fait état, et vous pouvez compter sur nous pour continuer à inciter le gouvernement à prendre des mesures qui vont régler les problèmes des enfants.

Il y a une question que j'aimerais adresser à Mme Buchanan. Dans votre mémoire, vous dites que l'on doit faciliter, pour les parents, les soins qu'ils doivent donner à leurs enfants. Je vous pose ma question en anglais pour être certain que vous allez bien la comprendre.

[Traduction]

À votre avis, comment pourrions-nous faciliter la fonction parentale?

• 1215

Mme Cathy Buchanan: Je vous prie de m'excuser: mes enfants sont en immersion française, je suis sûre que d'ici quelques années ils se débrouilleront mieux que moi. Pour moi, cela n'a pas été possible.

L'organisme Kids First a toujours été convaincu que la fonction parentale est primordiale, qu'elle devrait rester la pierre angulaire de toute politique sur la garde d'enfants, de toute politique fiscale également. Nous sommes absolument convaincus que toutes les familles, qu'elles soient monoparentales ou autres, devraient avoir le choix de rester à la maison, en particulier lorsque les enfants sont très jeunes. Après tout, ce n'est pas une chose que nous réclamons à tout jamais, mais seulement pendant les premières années de l'enfant, des années qui sont critiques. Nous réclamons cela depuis la fin des années 80, depuis que notre organisme s'est constitué.

La recherche est déterminante. C'est le système le plus efficace, le plus rentable, la meilleure façon d'élever une écrasante majorité des enfants. Voilà donc notre position depuis le tout début.

Ce que nous avons fait au cours des 25 dernières années, c'est accorder toute notre attention aux services extérieurs de garde d'enfants, et nous avons donné des incitatifs en ce sens aux deux parents qui travaillent, et ainsi, les jeunes gens n'ont pas l'impression que leur rôle de parent est essentiel. Ils ressentent même beaucoup d'appréhension à ce sujet, ce qui est normal, mais on ne les encourage pas du tout.

Je sais que je passe beaucoup de temps dans mon travail à dire aux jeunes parents qu'ils ont un rôle très important à jouer auprès de leurs enfants. Même quand votre enfant est gardé à l'extérieur, personne ne peut remplacer un parent. Nous pensons donc que ça doit venir de là.

À notre avis, c'est cela la prévention. Vous pouvez dépenser un tas d'argent pour des interventions après coup. Dans d'autres fonctions que j'accomplis auprès des enfants et des services familiaux, nous savons combien cela coûte cher pour tous les enfants, pour les enfants qui ont des besoins particuliers aussi. J'ai moi-même un enfant qui a des besoins particuliers. Nous savons que l'idéal, c'est la prévention, et les soins que donnent les parents ont beaucoup à voir avec cela.

[Français]

M. Pierre de Savoye: Merci.

J'ai maintenant une question à adresser à la Calgary Homeless Foundation. Concernant le logement social, vous avez parlé d'un certain nombre de mesures fiscales qui pourraient être mises en place: low-income tax credit for housing, low-cost financing. On voit facilement les effets bénéfiques de mesures de cette nature. Généralement, lorsqu'on met en place des mesures comme celles-ci, le problème ne réside pas dans leurs effets bénéfiques, mais dans leurs effets pervers. Avez-vous examiné ces effets pervers? Avez-vous une étude à ce sujet, ou pouvez-vous nous donner quelque information?

M. Peter Wallis: Merci de votre question. Je vais demander à M. Phipps d'y répondre.

M. Pierre de Savoye: Merci.

[Traduction]

M. Mark Phipps: Je vais répondre en anglais.

[Français]

parce que je parle seulement un peu français.

M. Pierre de Savoye: Mais vous le faites très bien.

[Traduction]

M. Mark Phipps: Nous avons examiné un certain nombre de ces modèles qui ont cours aux États-Unis, principalement le crédit d'impôt pour le logement des personnes à faible revenu. Ce programme, ainsi que d'autres, visent essentiellement à attirer des investissements privés, que l'on ne pourrait attirer autrement. Il s'agit donc d'un partenariat.

J'imagine que le gouvernement fédéral pourrait aisément utiliser une partie de l'excédent budgétaire pour investir directement dans le logement, sans que le secteur privé participe. Ces dispositions visent à faire participer le secteur privé. En particulier, le crédit d'impôt pour le logement des personnes à faible revenu aux États-Unis permet à l'État d'allouer des crédits d'impôt fédéraux—dans notre cas, ce serait les provinces—selon la population. Les agences locales choisissent ensuite les projets qui répondent à leur avis à leurs besoins particuliers, et ensuite, les régions et les localités de l'État se prêtent à un concours pour la sélection des meilleurs projets.

La rigueur du secteur privé dicte donc le choix des meilleurs projets, et l'on détermine qui sont les investisseurs, et qui sont les mieux placés pour les gérer. Des entreprises imposables achètent ensuite ces crédits d'impôt. C'est ce qui constitue l'avoir. C'est ce qui permet de réunir l'argent pour bâtir les logements, auquel s'ajoute le financement par emprunt.

Comme je l'ai dit, aux États-Unis, on a réussi ainsi à faire construire en plus de 10 ans 800 000 unités de logement à prix modique. Cela prouve donc clairement qu'on peut se servir de ce modèle pour attirer des investisseurs privés qui vont vraiment construire.

Le président: Merci.

Merci beaucoup. Votre temps de parole est déjà écoulé.

• 1220

Mme Leung.

Mme Sophia Leung: Merci, monsieur le président. Je tiens à vous remercier tous pour ces excellents exposés. Je suis de Vancouver, j'ai donc visité plusieurs secteurs, particulièrement la partie est du centre-ville. Je suis donc sensible à bon nombre de vos propos.

Je veux seulement demander à Susan ou à Cathy particulièrement, si le gouvernement devait se pencher sur les services de garde d'enfants... Bien sûr, on parle beaucoup de services universels de garde d'enfants. J'aimerais que vous me parliez particulièrement des moyens plus pratiques, concrets et réalistes qui existent pour aider les parents qui travaillent.

Mme Susan Bruce: Je vais citer un bon ami à moi: ne me dites pas comment faire cuire le poulet, donnez-moi le poulet. Je pense que tout se réduit à cela: j'ai un certain montant d'argent entre les mains, il me faut édifier certaines compétences, mais il faut aussi que l'on se rende compte d'une chose. Je sais bien que ce que je dis est très révolutionnaire. Si vous avez un enfant qui vient de vivre un divorce extrêmement traumatisant, qui a connu beaucoup de violence dans sa vie, que cet enfant n'a rien connu d'autre dans sa vie que l'instabilité, devinez ce qui se produit? Vous économiseriez tellement d'argent, pour cet enfant, si le parent était à la maison. S'il s'agit d'une personne monoparentale, pourquoi réduire l'aide sociale au minimum? Pourquoi le RAPC n'est-il pas en place? Tout se résume à cela. Vous avez supprimé les normes. Elles étaient si importantes, et les normes que vous avez imposées par après étaient insuffisantes.

Vous voulez faire quelque chose pour nos enfants? Voulez-vous vraiment faire quelque chose pour les enfants? Voulez-vous vraiment aider les pauvres dans notre pays? Nos enfants grandissent, et si nos enfants grandissent atteints de la schizophrénie... Je me bats pour que ma fille ne devienne jamais une sans abri. J'espère que cela n'arrivera jamais. Il faut que ces normes soient restaurées.

Nous avons signé des ententes internationales. Ce sont là des lois ayant force exécutoire, comme les conventions sur les droits de l'enfant. Nous ne les reconnaissons même pas. Nous ne les avons même pas traduites en lois. Nos lois n'en tiennent même pas compte. La Loi canadienne sur les droits de la personne—elle ne fait aucune mention de la condition sociale. Cela touche aussi les enfants qui vivent dans la pauvreté. Nous n'avons même pas de groupe de pression national, un vrai groupe de pression national agissant à une large échelle pour les enfants ayant une déficience. Nous avons des groupes qui défendent les enfants, mais nous n'avons pas de vrai groupe parapluie.

Disons les choses comme elles sont. Nous savons tous la vérité. Ce n'est pas mentir que de dire que l'entreprise est mieux représentée à cette table-ci que l'intérêt humain—nos enfants, les personnes handicapées—et nous le savons tous. La principale chose à faire, à mon avis, et je sais que cela peut paraître tellement obscur, c'est de restaurer les normes. Il est ridicule de donner de l'argent lorsqu'il n'y a pas de normes ou lorsqu'elles sont si insuffisantes.

Je ne donnerais pas d'allocation à mon fils sans contrepartie équivalente. Pourquoi devriez-vous donner de l'argent aux provinces sans leur dire: Voici ce que vous devez en faire. Non, ce ne sont pas des seuils de pauvreté acceptables. Cette mesure suffirait à changer tant de choses, et je sais que cela semble obscur, mais ce ne l'est pas. Cela touche ma vie de tous les jours. Je vois ces vérités de mes yeux. Je vis avec ces vérités tous les jours. Il y a tant de choses qui se font à Ottawa avec lesquelles nous devons vivre.

Un témoin: J'aimerais dire quelques mots au sujet des services universels de garde d'enfants. À mon avis, le gouvernement canadien devrait voir ce qui s'est fait dans d'autres pays et les erreurs qui ont été commises dans d'autres pays au niveau de la garde d'enfants universelle. Prenez un pays comme la Suède, où à un certain moment, toutes les femmes travaillaient, et l'on s'est rendu compte du tort que cela faisait aux enfants. Un jour, ils ont fait une étude là-bas sur des enfants de la première année qui avaient connu 235 différents pourvoyeurs de soins avant même d'entrer à l'école. Donc ce qu'on fait maintenant là-bas, c'est que l'on paie un parent, pendant 18 mois, pour rester à la maison avec l'enfant avant de réintégrer le marché du travail.

En Hollande aussi, le gouvernement, les syndicats et les entreprises se sont unis pour mettre en oeuvre davantage de programmes où les femmes et les hommes peuvent travailler à temps partiel, et ils peuvent ainsi rester à la maison avec leur famille et consacrer plus de temps aux enfants. Ils continuent de toucher tous leurs avantages sociaux. Cela semble marcher très bien pour eux.

Apprenons des autres pays qui ont connu les mêmes difficultés, pour que nous n'ayons pas à les vivre nous-mêmes. Que l'on mette l'argent entre les mains des parents et qu'on leur permette de décider où ils vont élever leurs enfants. Nous ne disons pas qu'il n'existe pas de besoins pour les services de garde, mais il faut également tenir compte des parents qui sont désespérément... Je parle à beaucoup de femmes qui tiennent désespérément à rester à la maison avec leurs enfants, mais elles ne le peuvent pas. Financièrement, ce n'est pas possible.

• 1225

Mme Sophia Leung: J'ai une question pour la Calgary Homeless Foundation. Votre proposition concernant les quatre modèles m'a beaucoup intéressée, et particulièrement, vous avez proposé de collaborer avec la SCHL. La SCHL est encore très active dans le domaine du logement, et aussi en Colombie-Britannique, les coopératives demandent au gouvernement fédéral... [Note de la rédaction: Inaudible] cela nous intéresse donc beaucoup. La SCHL est encore très active, et nous n'abandonnons personne.

De ces quatre modèles, vous pourriez peut-être nous donner un peu plus de détails sur le troisième, la participation, le taux moins élevé pour les investisseurs qui profitent du soutien de la SCHL.

M. Peter Wallis: Je vous remercie d'avoir posé la question. Ce que nous voulons, je pense, c'est que l'on supprime le plafond qui a été imposé. Je vais demander à Mark Phipps de vous donner plus de détails.

M. Mark Phipps: Il y a deux éléments. Il y a d'abord le programme de subvention au loyer, qui est plafonné actuellement, et où la SCHL fournit, si je comprends bien, 70 p. 100 du financement. Trente pour cent vient de la province. Nos agences à Calgary nous disent qu'il y a des gens qui ont besoin de cette subvention et qui, à cause du plafond, n'y ont pas droit. C'est donc le premier élément.

Le second élément a trait à la construction de nouveaux logements à prix modique, et la SCHL, étant en mesure d'offrir la garantie de l'État pour les nouvelles constructions immobilières, permet évidemment aux investisseurs privés d'intervenir, de faire des placements en se servant de cette garantie et d'exiger ainsi un taux d'intérêt plus bas. En conséquence, la conjoncture économique qui, autrement, ne serait pas favorable à un projet immobilier, devient tout à coup favorable au même projet. C'est une manière très intéressante de participer pour la SCHL ou, franchement, pour n'importe quelle autre société d'État compétente dans ce domaine, et chacune peut ainsi peser sur la conjoncture économique de telle sorte que le secteur privé peut intervenir et assumer une part de la solution à ce problème.

Mme Sophia Leung: Je veux seulement répondre à ce que vous dites. La SCHL est déjà présente. Je vais vous donner un exemple. Il y a un gros projet de logements, et c'est en fait la SCHL qui fournit la garantie et qui permet au secteur privé d'obtenir le prêt, mais la SCHL... C'est un autre modèle qui existe déjà. Êtes-vous en faveur de cela?

M. Mark Phipps: Oui. On aimerait qu'il y en ait plus, et nous croyons qu'il y a moyen... Les projets particuliers sont définis au niveau local, mais je pense qu'il y a moyen de réunir les projets d'un océan à l'autre, de telle sorte que la garantie de la SCHL puisse être utilisée pour inviter les investisseurs privés à contribuer à un financement collectif par emprunt pour des projets de logements partout au pays, et de là, les projets particuliers seraient définis sur une base locale. Ainsi, une diversification régionale permet d'abaisser le loyer de l'argent, et je pense que c'est une possibilité que nous devons exploiter.

Mme Sophia Leung: Merci.

Le président: Merci, madame Leung.

Monsieur Nystrom.

M. Lorne Nystrom: Ma première question s'adresse à la Calgary Homeless Foundation.

Aux États-Unis, il existe ce qui s'appelle la Community Reinvestment Act, qui contraint les banques à réinvestir une part de leurs profits dans les localités qui les font vivre, qui les oblige à respecter certaines normes en matière d'emploi, à ouvrir des succursales et le reste.

Jeudi dernier encore, la Banque TD a annoncé des profits colossaux, 3 milliards de dollars, soit les profits les plus élevés jamais réalisés par une institution financière. La Banque Royale a suivi vendredi avec 1,6 ou 1,8 milliard, et je pense que c'est aujourd'hui au tour de la Banque de Montréal.

En dépit de cela, ces banques annoncent des mises à pied et des fermetures de succursale, et voilà bien ce prétendu marché libre et sans entrave que tant de personnes réclament aujourd'hui. Croyez-vous que nous devrions nous inspirer de ce modèle américain de la Community Reinvestment Act et que cela pourrait faire partie du train de mesures nous permettant d'investir davantage d'argent dans les logements pour ceux qui en ont besoin? Cela semble avoir marché dans ce pays.

• 1230

M. Brian Olson (membre et président du conseil d'administration, Comité de financement, Calgary Homeless Foundation): Merci.

Nous avons fait beaucoup de recherches, tant chez nous qu'aux États-Unis. Trois modèles ont cours aux États-Unis, dont celui dont vous parlez. Je dois dire que nous privilégions une formule qui réunirait tous les éléments, et nous n'entrevoyons pas de solution qui compterait autant sur les banques qu'aux États-Unis. Le Canada est tout à fait différent, et nous pensons qu'une approche profondément communautaire qui permet l'intervention du gouvernement fédéral, du gouvernement provincial et du gouvernement municipal, est essentielle. Si l'une de ces parties n'est pas présente à la table, ça ne marchera pas.

Je ne crois pas que le mécanisme que vous mentionnez serait aussi utile pour collaborer avec la SCHL étant donné la diversité des villes qui sont aux prises avec le problème des sans abri.

M. Lorne Nystrom: Je me demandais seulement si vous entrevoyiez un rôle pour les banques dans ce processus. C'est un modèle que certaines personnes réclament. Il y a eu une conférence de presse à Ottawa, vendredi je crois, où un groupe réclamait que l'on en fasse l'une des solutions pour injecter davantage d'argent dans le logement.

M. Brian Olson: Nous croyons fermement que les banques devraient être des donatrices importantes pour remédier au problème de Calgary, elles ont fait acte de présence et participeront de manière tangible.

Mme Susan Bruce: À Winnipeg, plusieurs groupes s'intéressaient au logement, et le problème qui s'est produit... Si l'on abolit le contrôle des loyers, nous aurons—et nous avons déjà—un problème avec les sans abri. Ils ont épousé votre modèle et ils ont constaté que l'on ne pouvait aider qu'un certain nombre de gens ainsi. La raison pour laquelle...

Je ne dis pas que c'est un mauvais modèle. Ce que je dis, c'est qu'ils repensent maintenant à leur affaire, et ils sont en cours de restructuration. J'aimerais qu'ils soient ici aujourd'hui, parce que si vous êtes prestataire de l'aide sociale et que vous allez à votre bureau du bien-être social et dites: «Ah, il existe un programme, et ça va m'aider à acheter une maison», ils vont vous répondre: «C'est bien ça, nous allons maintenant imposer un privilège sur cette maison; on ne veut pas que vous ayez de maison.» C'est l'autre aspect du problème ici. Je sais qu'il existe en ce moment toute une série de projets au Manitoba et aussi dans d'autres régions du pays qui s'intéressent particulièrement à ce problème.

M. Lorne Nystrom: J'ai une question pour Susan Bruce. Tout d'abord, je vous félicite pour le discours passionné que vous nous avez fait ce matin; vous nous avez vraiment aidés à bien comprendre la situation que vous et tant d'autres personnes vivez dans notre pays.

Vous avez parlé de la théorie économique de la percolation. Certains préfèrent parler de la théorie du cheval et du moineau: Donnez assez d'avoine à un cheval, les moineaux finiront bien par avoir leur part.

Il y a tant de gens aujourd'hui qui croient que si l'on amorce la pompe, les gens d'en bas finiront bien par avoir de l'eau. Nous avons entendu des témoins qui réclamaient que l'on double le plafond des cotisations aux REER de 13 500 $ à 27 000 $, alors qu'aujourd'hui, les seules personnes qui cotisent le maximum de 13 500 $ de toute façon sont des gens qui gagnent plus de 100 000 $ par année. Ils pensent que ça va aider d'une manière quelconque les gens qui habitent les quartiers populaires. Moi je ne vois rien de la sorte. Et c'est ce que j'appelle la théorie du cheval et du moineau.

Je voulais vous poser une question étant donné que vous êtes la seule Manitobaine ici. Je me demandais, Susan, si vous ne pouviez pas nous parler un peu des problèmes des pauvres des quartiers populaires et des personnes qui vivent sous le seuil de la pauvreté, pouvez-vous nous parler un peu aussi des Autochtones du Manitoba? Est-ce qu'ils comptent pour à peu près la moitié des pauvres à Winnipeg et dans les autres villes de la province?

Je pense qu'il est important que le comité le sache. C'est souvent un groupe de personnes qu'on a tendance à ignorer et à oublier. La Federation of Saskatchewan Indian Nations et l'Assemblée des premières nations représentent les premières nations qui habitent sur les réserves. Il y des dizaines et des dizaines de milliers de pauvres dans les villes, et il y a beaucoup de criminalité, il y a beaucoup de pauvreté. Il y a les soupes populaires, il y a la violence, il y a tous ces problèmes sociaux dont je suis témoin dans ma ville de Regina. J'aimerais que vous parliez de Winnipeg en particulier.

Mme Susan Bruce: Winnipeg est un gâchis. Je ne me sens pas autorisée, dans un sens, à parler des problèmes autochtones parce que je ne suis pas autochtone moi-même, et je tiens à le dire tout de suite. Cependant, il y a des choses que j'ai vues et il y a des choses que j'ai entendues de la part d'Autochtones qui m'ont prise à part et à qui j'ai demandé de parler.

L'un de leurs plus gros problèmes tient au fait qu'ils sont encore considérés comme des possessions du Canada. En voilà un.

Deuxièmement, si vous prenez le cas de certains problèmes, je sais que l'on va remédier à certains d'entre eux en avril prochain. Dès avril prochain, les personnes de la ville qui sont autochtones et qui sont d'une réserve auront désormais le droit de voter pour les chefs de leur réserve. Une bonne partie du financement est répartie comme ça. Ce n'est pas possible à quel point les Autochtones des villes sont privés de programmes. La disparité est effrayante. Il faut consacrer beaucoup d'énergie à tisser des collectivités, ce genre de choses.

• 1235

M. Laurie Beachell: Je viens aussi du Manitoba. Au sujet des Autochtones, je rappelle au comité que la fréquence de l'invalidité dans la population autochtone causée par la pauvreté, la violence, les toxicomanies, etc., est à peu près le double de la moyenne nationale. Environ 30 p. 100 des Autochtones ont une déficience.

Il est clair que la prestation des services dans les réserves est du ressort du gouvernement fédéral. Franchement, les services de santé offerts aux personnes handicapées dans les réserves sont extrêmement mauvais. Il y a un besoin pressant de s'attaquer aux problèmes. Jetez un coup d'oeil à la population autochtone, population très marginalisée, et reconnaissez que cela se répercute dans d'autres domaines également, comme l'état de santé, l'invalidité, la fréquence du syndrome d'alcoolisme foetal, les toxicomanies, etc. Les problèmes sous-jacents sont fondamentalement liés à l'isolement, à l'exclusion de notre société et à la pauvreté, et je répète que ce sont les mêmes problèmes auxquels sont confrontées les personnes handicapées dans nos collectivités.

Le président: Merci, monsieur Beachell.

Une dernière observation de Mme Buchanan.

Mme Cathy Buchanan: Je voulais seulement intervenir à un autre titre. Je ne suis pas autochtone, mais je siège à l'Administration régionale des services à l'enfance et à la famille de Calgary Rocky View. Je sais, c'est un titre très long.

En Alberta, nous venons tout juste de réorganiser la prestation des services à l'enfance et à la famille. L'un de nos quatre piliers, c'est le pilier autochtone. Il est un peu trop tôt pour se prononcer parce que tout cela est très nouveau, mais on accorde énormément d'attention à la prestation communautaire des services, ce qui est un autre pilier qui s'ajoute au pilier autochtone.

Je ne dis pas que la situation est idéale, pas encore, et je sais que c'est l'un de mes dadas et que je ne cesse de poser des questions là-dessus, mais je crois qu'il y a de l'espoir. Je pense que l'on s'attaque activement à ce problème en Alberta. Je ne sais pas ce qui se fait dans les autres provinces. C'est loin d'être parfait, mais nous savons par exemple combien d'enfants autochtones bénéficient de l'aide sociale à l'enfance. Il y a plein de choses passionnantes qui se passent.

De plus, les trois provinces des Prairies, le Manitoba, la Saskatchewan et l'Alberta, collaborent à une initiative dans le domaine du syndrome d'alcoolisme foetal.

Le président: Merci.

Mme Susan Bruce: Statistiquement, Winnipeg est la capitale du syndrome d'alcoolisme foetal au Canada. Je pense que tout le monde est conscient du problème là-bas. Dans le réseau scolaire, on ne sait plus où donner de la tête. Les services à l'enfance et à la famille sont débordés. Ils n'arrivent pas à former suffisamment d'aides enseignants. Le problème est gigantesque à Winnipeg.

Le président: Merci, madame Bruce.

Mme Guarnieri sera la dernière à poser des questions.

Mme Albina Guarnieri (Mississauga-Est, Lib.): Merci, monsieur le président.

Vous avez fait allusion tout à l'heure au fait déplorable que 1 000 personnes cherchent à trouver un toit tous les soirs à Calgary, si je vous ai bien compris. Vous avez aussi exposé le problème caché des sans-abri, le problème des travailleurs pauvres qui risque d'éclater. Il est certain qu'il est difficile d'appréhender du premier coup d'oeil toute la portée du problème et nous devrons donc compter sur votre expertise en la matière pour énoncer les solutions.

Tout à l'heure, on a mis l'accent sur les besoins matériels, mais le maire de la ville où nous sommes a fait une intervention dans laquelle il nous a mis en garde contre tout un programme uniformisé visant à construire des logements en série. Il se trouve que je partage ce point de vue. Je ne crois absolument pas que c'est une simple question de répondre à la demande de logements. Si c'était le cas, la solution nous apparaîtrait éminemment claire. C'est certain qu'il existe un besoin de soins dentaires et d'aide sociale et il y a des problèmes de toxicomanie auxquels il faut s'attaquer. J'y vois un problème d'infrastructure. J'ai remarqué par exemple que dans le centre-ville de Toronto, les gens s'agglutinent dans les secteurs où ils peuvent s'abriter et recevoir des soins.

Voici donc la question que je vous pose: À votre avis, où se situe le point d'équilibre entre des organisations qui dispensent des soins et le choix évident qui consiste à construire des logements, puisque vos recommandations traitaient en particulier des baisses d'impôt pour favoriser la construction de logements? Pouvez-vous, je vous prie, nous conseiller à ce sujet?

M. Peter Wallis: J'aimerais bien pouvoir dire que j'ai réponse à tout. À nous trois, nous allons essayer de dégager des pistes d'action.

• 1240

Premièrement, j'ai mentionné dans mon exposé que la fondation est un partenariat entre les organismes spécialisés existants, Centraide, la ville et la province. Ce partenariat comporte un certain nombre d'aspects. Premièrement, il y a la question des abris proprement dits. La fondation a vraiment mis l'accent sur la construction de logements, mais nous sommes aussi conscients que cela ne suffira pas. Il faut aussi des programmes. Avant même de s'interroger sur ce qu'il faut construire, il faut avoir une idée des besoins.

Brian Olson, en plus de siéger au conseil, dirige notre comité de financement. Il fait de l'excellent travail—dont je vais lui donner le loisir de nous parler—dans tout le domaine qui consiste à cerner exactement le problème.

Ensuite, nous pourrions revenir, si vous voulez, sur certaines suggestions financières que nous avons faites au ministre Bradshaw dans notre mémoire. Mark voudra peut-être nous en dire plus long là-dessus.

Je cède la parole à Brian.

M. Brian Olson: Merci.

C'est une bonne question. C'est un défi de taille que de parler du problème des sans-abri et, franchement, on ne peut pas épuiser le sujet en cinq minutes. Si l'on examine les données démographiques... et nous avons fait beaucoup de travail à Calgary pour savoir qui sont les sans-abri et pourquoi ils le sont; nous sommes probablement les plus avancés au Canada à ce chapitre.

Nous avons un groupe de 22 organismes qui travaillent de concert avec nous et nous étudions ce que nous appelons, faute d'un meilleur terme, les segments du marché: pourquoi sont-ils sans abri et de quoi avons-nous besoin pour que ces gens-là ne soient plus dans la rue? Nous avons des équipes qui examinent le cas des vieillards, des familles, des femmes avec enfants et des femmes sans enfants. Ils examinent tous les aspects du problème et se demandent ce qu'il faut pour le régler. Ensuite, ils posent la question: comment ferons-nous pour leur donner le soutien nécessaire pour qu'ils ne retournent pas dans la rue et qu'ils deviennent des citoyens constructifs. Notre action sera un plan étalé sur plusieurs années et non pas une solution improvisée.

Dans notre présentation d'aujourd'hui, nous avons fait des suggestions pour aider les travailleurs pauvres. Quarante-cinq pour cent des sans-abri à Calgary ont un emploi. D'après ce que nous dit le ministre, c'est un pourcentage inhabituel au Canada. C'est en partie attribuable au fait que tellement de gens viennent ici parce qu'ils s'imaginent y trouver des possibilités intéressantes. On vous a dit tout à l'heure qu'un salaire de 8 $ l'heure ne permet pas de joindre les deux bouts; en fait, d'après nos statistiques, un appartement d'une chambre à coucher coûte 650 $ par mois.

La liste des interventions est en réalité beaucoup plus longue que ce dont nous avons brièvement discuté aujourd'hui. Il est toutefois clair que rien de ce que nous faisons en tant qu'organisation ne nous fera progresser, à moins de trouver le moyen de faire sortir les enfants et les femmes et tous les autres de l'entrepôt où ils couchent sur des matelas de caoutchouc pour les loger dans des logements convenables.

Nous avons choisi de simplifier notre présentation devant le comité parce que c'est une question structurelle à long terme qui exigera énormément de collaboration avec nos partenaires communautaires. Je peux donner l'assurance au comité que nous avons des appuis extraordinaires dans tous les secteurs de notre collectivité. Nous allons livrer la marchandise. Il nous faut seulement votre aide dans certains domaines particuliers pour régler le problème.

Merci.

Mme Albina Guarnieri: Vous convenez donc que dans les municipalités, il faut un programme de soutien de l'infrastructure; il ne suffira pas de bâtir des murs pour régler le problème.

M. Brian Olson: Absolument.

Mme Albina Guarnieri: Merci.

J'ai une autre brève question. Je sais que nous avons dépassé l'heure limite, mais je m'en voudrais de ne pas donner à M. Beachell la chance de nous en dire plus long, puisque la plupart de nos questions portaient sur les travailleurs pauvres et les sans-abri, je crois.

Monsieur Beachell, vous avez plaidé avec éloquence la cause des personnes handicapées qui sont marginalisées, qui vivent en marge de la société. Vous avez énuméré un certain nombre d'initiatives gouvernementales qui aident les personnes handicapées, par exemple, le Régime de pensions du Canada, les prestations d'invalidité, l'assurance-invalidité à long terme privée, l'indemnisation des accidents du travail, etc. Vous avez insisté sur un programme qui vous semble crucial et qui arrivera à échéance très bientôt.

À part ce programme, qui prendra fin très bientôt, vous insistez aussi pour dire que nous avons besoin d'une stratégie pour intégrer les personnes handicapées à notre marché du travail. Auriez-vous l'obligeance de nous indiquer certaines initiatives que nous pourrions recommander et qui seraient utiles, des initiatives qui s'intégreraient dans une stratégie judicieuse permettant d'inclure les personnes handicapées.

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M. Laurie Beachell: Malheureusement, la stratégie du gouvernement fédéral en ce qui a trait au marché du travail cible depuis un certain nombre d'années les personnes qui touchent des prestations d'assurance-emploi, et les débats sur le marché du travail ont mis l'accent sur les problèmes d'assurance-emploi: comment dépenser l'argent disponible, comment définir qui est admissible, etc.

Ce débat a accaparé l'attention du gouvernement, mais il y a des groupes importants de citoyens qui ne cadrent pas dans cette stratégie. Tant qu'on ne le reconnaîtra pas et que les gouvernements de tous les niveaux ne décideront pas de répondre aux besoins à la fois des prestataires d'aide-sociale, de ceux qui n'ont pas droit à l'AE, des personnes handicapées qui n'ont jamais été sur le marché du travail, etc., au moyen d'initiatives bien ciblées, nous n'obtiendrons aucun résultat significatif.

Il y a des initiatives du gouvernement fédéral à l'intention des jeunes et des Autochtones. Mais les initiatives visant les personnes handicapées sont très limitées. Franchement, quand le gouvernement fédéral a transféré aux provinces les responsabilités en matière de formation de la main-d'oeuvre, il s'est préoccupé exclusivement de l'AE et le mécanisme de reddition de comptes mis en place visait uniquement à savoir combien de gens sont soustraits au rôle de l'assurance-emploi. Aucun autre indicateur n'est un indicateur de succès.

Tant que les gouvernements fédéral et provinciaux ne concluront pas un entente sur le marché du travail comportant des indicateurs de succès, au lieu de se préoccuper seulement de rayer les gens de la liste de l'AE, nous ne verrons pas les gens dont on parle généralement—les sans-abri, les assistés sociaux, les personnes handicapées—contribuer à la société. Ils continueront de dépendre d'un réseau de soutien. Pour cette initiative, il nous faut une stratégie nationale.

Toute cette discussion que nous avons eue ce matin se résume au rôle que doit assumer le gouvernement fédéral pour garantir l'inclusion de tous les citoyens, pour veiller à ce que tous les citoyens puissent participer. Notre organisation ne dit pas qui devrait être chargé de la prestation des services, mais nous disons par contre qu'il incombe au gouvernement du Canada de s'assurer que tous les Canadiens, dans toutes les régions du pays, aient un niveau de vie acceptable selon les normes qu'il lui appartient d'établir.

Si le gouvernement du Canada n'énonce pas des valeurs, des principes, une vision quelconque, et ne met pas en place des mécanismes de responsabilité obligeant les gouvernements municipaux et provinciaux à rendre compte de leur administration et des résultats sur lesquels nous nous entendons tous, je crains que nous continuerons simplement à rapiécer le système au fur et à mesure que les problèmes surgissent au Canada. Certaines provinces ont les ressources voulues pour faire preuve d'innovation et de créativité et pour répondre aux besoins de la collectivité. D'autres n'ont pas ces ressources

Tant que nous ne reconnaîtrons pas que nous vivons tous dans le même pays en tant que Canadiens, en reconnaissant l'individualité, la spécificité, la valeur de la participation communautaire, et tout cela, mais tout en reconnaissant que les gens ont certains droits fondamentaux qu'il faut protéger... Le gouvernement fédéral a un programme qui s'appelle le programme de contestation judiciaire qui permet aux groupes communautaires de contester toute loi fédérale qui exerce une discrimination. Je suppose que puisque le gouvernement fédéral a tout donné aux provinces, il nous faut maintenant un programme qui nous permettrait de contester également les lois provinciales.

Mme Albina Guarnieri: Je vous remercie beaucoup pour cette mise en garde.

Le président: Merci beaucoup, madame Guarnieri.

Au nom du comité, je voudrais vous exprimer notre sincère reconnaissance pour l'information que vous nous avez transmise.

Il est évident qu'en parcourant le pays, nous entendons différents points de vue à propos de ce que devraient être les priorités pour le budget de l'an 2000, mais les exposés comme ceux d'aujourd'hui nous rappellent les besoins sociaux urgents dont il faut s'occuper, et nous allons certainement en tenir compte.

Merci beaucoup. Vous avez beaucoup enrichi le débat.

Nous reprendrons à 13 h 20. La séance est levée.