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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CITIZENSHIP AND IMMIGRATION

COMITÉ PERMANENT DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 5 avril 2000

• 1533

[Traduction]

Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.)): Bonjour, chers collègues et invités.

Je tiens à souhaiter la bienvenue au Forum des jeunes Canadiens, qui sera des nôtres cet après-midi.

J'espère que cette séance vous permettra de vous familiariser avec certaines des bonnes choses que nous faisons dans ce comité. Les travaux du comité représentent une partie importante de nos activités quotidiennes ici. Bien entendu, tout doit passer par les comités avant de parvenir à la Chambre des communes. J'espère que le temps que vous passerez avec nous cet après-midi sera instructif. Je vous souhaite beaucoup de succès dans vos entreprises.

M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Cela veut donc dire que nous devrons nous conduire de notre mieux aujourd'hui?

Le président: Oui. Vous devrez tous vous conduire de votre mieux afin que nous puissions leur montrer comment nous sommes vraiment.

M. Steve Mahoney: Très bien.

Le président: Nous reprenons l'étude du projet de loi C-16, Loi concernant la citoyenneté canadienne. Nous reprenons l'examen de l'article 2.

Avant de présenter les témoins, j'aimerais simplement discuter de certaines choses concernant le projet de loi C-16. Comme vous le savez, nous avons prévu qu'après l'audition de ces témoins nous allons passer à l'étude article par article du projet de loi demain.

Compte tenu du fait que la ministre va faire une annonce importante concernant la nouvelle Loi sur l'immigration, je pense qu'il serait préférable, par courtoisie de notre part, d'annuler la réunion du comité de demain afin que tout le monde, y compris les députés de l'opposition, bien entendu, aient l'occasion d'assister à la conférence de presse et de faire connaître leurs vues sur le projet de loi.

• 1535

En agissant ainsi dans cet esprit de coopération, cela signifierait que la semaine prochaine nous prendrions deux jours, c'est-à-dire mercredi et jeudi, pour terminer l'étude article par article du projet de loi C-16 et pour le déposer, du moins je l'espère, avant le congé de Pâques.

Je proposerais également que s'il y a des amendements à présenter, qui proviennent non seulement du gouvernement, mais aussi de l'opposition, il serait peut-être bon de les remettre à la greffière le plus tôt possible. Nous pourrions tous les réunir en une seule liasse et les remettre à tous les membres du comité avant de nous réunir mercredi et jeudi prochain, de façon à pouvoir travailler ensemble dans un esprit de coopération et tâcher de tenir compte de ces amendements, peu importe leur provenance. J'espère que ce sera possible. Je crois comprendre que Leon a indiqué qu'il était prêt à le faire.

Bernard, j'ignore si vous aurez des amendements à présenter. Je suis sûr que vous en aurez. Quoi qu'il en soit, dans cet esprit de coopération...

Cela dit, je céderai la parole à nos témoins, l'Association du Barreau canadien, représentée par M. Trister et le reste du groupe.

Monsieur Trister, vous voudrez sans doute présenter les gens qui vous accompagnent. Nous souhaitons la bienvenue à l'Association du Barreau canadien aux séances du comité.

Comme vous le savez, le projet de loi C-16 succède au projet de loi C-63, au sujet duquel vous avez eu l'occasion de témoigner. Nous n'avons pas eu l'occasion d'inviter tous les témoins qui avaient comparu dans le cadre de l'étude du projet de loi C-63, mais tous leurs témoignages seront versés au compte rendu concernant le projet de loi C-16. Nous avons invité certains témoins qui n'avaient pas comparu lors de l'étude du projet de loi C-63 ou qui avaient des renseignements entièrement nouveaux à nous fournir.

J'ai examiné la lettre que vous m'avez adressée et j'ai décidé de vous inviter parce que vous aviez de nouveaux éléments d'information que vous voulez communiquer directement au comité. Par conséquent, je vous souhaite la bienvenue et je me fais un plaisir d'entendre votre exposé. J'espère que vous ne prendrez qu'une dizaine de minutes pour présenter votre exposé, de façon à ce que nous disposions d'une vingtaine de minutes pour vous poser de très bonnes questions.

Merci encore d'avoir pris le temps et fait l'effort de nous faire profiter de vos lumières sur le projet de loi C-16.

Joan.

Mme Joan Bercovich (directrice principale, Affaires juridiques et gouvernementales, Association du Barreau canadien): Je prendrai simplement deux minutes pour nous présenter.

L'Association du Barreau canadien est une association nationale d'avocats, de juges, d'étudiants et de professeurs de droit d'un bout à l'autre du pays. La mission de l'association est de participer à l'amélioration du droit et de l'administration de la justice. Les mémoires que nous présentons à votre comité sont rédigés, du moins nous l'espérons, en fonction de cet objectif.

Notre mémoire sera présenté par M. Ben Trister et Mme Gabriela Ramo, tous deux avocats spécialisés en droit de l'immigration à Toronto. M. Trister présentera l'exposé proprement dit. Mme Ramo abordera en particulier les questions relatives à l'adoption. Tous deux se feront un plaisir de répondre à vos questions après leur exposé.

Le président: Je promets de ne pas faire de blagues sur les avocats cet après-midi.

Mme Joan Bercovich: Ce serait bien. Je vous remercie.

M. Benjamin J. Trister (trésorier, Section nationale du droit de l'immigration et de la citoyenneté, Association du Barreau canadien): Cela me changera agréablement de mon bureau.

Je tiens à vous remercier de nous avoir donné l'occasion de comparaître devant vous. Nous avons l'intention d'aborder les questions plus récentes, mais je tiens tout d'abord à préciser que l'Association du Barreau canadien a modifié sa position, je crois, à l'égard du projet de loi depuis notre dernière comparution. La raison, c'est qu'on a donné suite à un grand nombre de nos préoccupations. Certaines préoccupations demeurent, et nous les aborderons dans la mesure où des changements se sont produits, mais je tenais à indiquer clairement au nom de l'Association du Barreau canadien que dans l'ensemble, même si aucun projet de loi n'est parfait, celui-ci est suffisamment acceptable pour que nous l'appuyions. Nous en attendons l'adoption avec impatience, sous réserve des commentaires ou préoccupations suivantes.

Vous savez que l'une de nos principales préoccupations concernait la question de la résidence. Sans reprendre en détail cette préoccupation, je dirais simplement que nous espérions que si on devait rendre plus difficile l'obtention de la citoyenneté en exigeant une présence effective, on faciliterait ou on préciserait la capacité de conserver le statut de résident permanent ou on tiendrait compte au moins de l'intérêt supérieur du Canada.

Ces dernières années, nous avons eu l'occasion de discuter avec le ministère, et ce dernier a présenté plusieurs propositions concernant l'élimination des permis de résident de retour et l'adoption d'un changement dans la fiche relative au droit d'établissement qui serait valide pendant un certain nombre d'années—il faudrait la renouveler en fonction de certaines conditions. Ce sont des questions qui ont tendance à refaire surface de temps à autre.

• 1540

En ce qui concerne la résidence, permettez-moi de dire que l'Association du Barreau canadien est satisfaite des deux principaux changements qui ont été apportés: opter pour une période de six ans au lieu de cinq ans, et compter les demi-journées de présence au Canada dans le calcul de la période de présence effective. Mais nous sommes bien entendu préoccupés parce que nous ne savons pas quelles seront les dispositions que renfermera le projet de loi. Nous attendons avec impatience la nouvelle Loi sur l'immigration et nous demanderons probablement à comparaître de nouveau devant vous pour examiner les incidences des dispositions relatives au maintien du statut de résident, prévues par la loi en question, sur le projet de loi C-16.

Comme vous le savez, l'une de nos préoccupations en ce qui concerne la résidence portait sur la capacité d'identifier les personnes qui ne peuvent pas satisfaire à l'exigence de la présence physique ou effective, mais dont les séjour à l'étranger étaient dans l'intérêt du Canada, de sorte que nous pourrions vouloir leur accorder la citoyenneté. Les représentants du ministère nous ont indiqué que la ministre est sensible à cette question et a l'intention d'y donner suite en créant des politiques qui lui permettraient d'accorder la citoyenneté à des personnes dont les séjours à l'étranger, même pendant de longues périodes, pourraient faire l'objet d'une exemption en raison du service insigne qu'elles ont rendu au Canada.

Je crois que l'expression «service insigne» existe dans la loi actuelle et représente une norme extrêmement élevée. Par exemple, si une personne doit avoir la citoyenneté pour représenter le Canada aux Olympiques, alors elle y serait admissible, mais, autrement, cela pourrait être difficile. Donc si la ministre a l'intention de créer des politiques qui permettront de déterminer les personnes dont les séjours à l'étranger sont dans l'intérêt du Canada, nous considérons que le libellé de la loi ne devrait pas suggérer une norme aussi élevée que celle qui existe pour l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire.

Par conséquent, nous vous proposons de modifier, à l'article 9 du projet de loi, l'expression «services exceptionnels rendus au Canada» de façon à ce que cette disposition se lise comme suit:

    Afin de remédier à une situation de détresse particulière et inhabituelle, ou de récompenser des services présentant un avantage considérable pour le Canada, le gouverneur en conseil peut, une fois informé par le ministre, ordonner à celui-ci d'attribuer sans délai la citoyenneté à toute personne qu'il désigne.

Nous vous avons présenté ce libellé dans un document que nous avons remis à la greffière, qui indique certains amendements de forme que notre association appuierait. Dans ce cas-ci il ne s'agit pas vraiment d'un amendement de forme—plutôt d'un amendement de fond—mais nous estimons qu'il cadre davantage avec le pouvoir de la ministre, qu'elle envisage d'exercer, d'après ce qu'on nous a dit, en ce qui concerne la question de résidence.

Le président: Ben, la greffière vient de me remettre l'amendement en question. Nous nous assurerons que les autres membres du comité en obtiennent une copie. Je le cherchais dans votre mémoire, mais cela ne fait pas partie de votre mémoire. Il s'agit d'un document séparé.

M. Benjamin Trister: C'est exact.

Le président: Je vous remercie.

M. Benjamin Trister: En ce qui concerne les mécanismes de révision, et en particulier l'article 30 du projet de loi, le gouvernement a eu l'amabilité de nous fournir une ébauche des documents préparés par le Regulatory Consulting Group Inc. Ce document vient de paraître cette semaine; donc je ne sais pas si vous avez eu l'occasion d'en prendre connaissance. Vous aurez sans doute la possibilité de le faire.

Je tiens à dire que la partie du rapport traitant de l'article 30 du projet de loi, dont nous avons parlé dans notre mémoire, est très bien faite. Nous appuyons les conclusions du rapport concernant la nécessité de séparer la prise de décisions au niveau de la révision de décisions du reste de la bureaucratie afin de donner l'impression que les décisions sont objectives et prises de façon équitable.

En voici un résumé que je vous lirai brièvement pour le compte rendu. Le rapport recommande:

    Une structure séparée qui relève directement du ministre pour les questions relevant de ses responsabilités fondamentales.

    La désignation d'un agent de révision en chef qui possède des pouvoirs de signature suffisants pour s'occuper des questions budgétaires courantes concernant la fonction de révision, y compris les déplacements et la formation des agents de révision.

    L'établissement d'une relation administrative avec la Direction de l'intégration, qui s'occuperait aussi des fonctions concernant le personnel.

    L'établissement de cloisons appropriées entre les fonctions du service de révision et les autres activités ministérielles ayant trait aux décisions en matière de citoyenneté.

    Que les agents de révision n'exécutent pas d'autres fonctions au ministère.

    La nomination d'agents de révision provenant de divers secteurs afin de tenir compte de la diversité des compétences qui pourraient être nécessaires.

    Que l'on tienne compte de la nécessité d'établir une réputation crédible d'équité et de professionnalisme au sujet des nominations.

• 1545

J'aimerais dire—et j'espère que ma collègue Joan ne m'en voudra pas—que les nominations de juges de la citoyenneté qui ont été faites dans le cadre du système actuel ont été considérées à l'occasion comme du népotisme, si je puis me permettre.

Le président: Vous pouvez.

M. Benjamin Trister: En d'autres mots, nous ne sommes pas partisans de ce genre de système de nomination pour ce type de décisions. Le type de décisions que pendra le service de révision, surtout en ce qui concerne l'adoption, dont Gabriela vous parlera plus tard, sont des décisions qui nécessitent une connaissance du droit de la famille et d'autres aspects du droit, des facteurs sociaux, des questions concernant le travail social, et tous ces aspects dont doivent s'occuper des personnes hautement qualifiées. C'est pourquoi nous vous exhortons à prendre en considération les constatations du rapport, et nous tenons tout simplement à vous indiquer que nous les appuyons. Gabriela vous parlera un peu plus de la façon dont ce rapport traite des questions relatives à l'adoption.

Enfin, je tiens simplement à dire que je n'ai malheureusement pas eu le temps de faire traduire les amendements de forme qui se trouvent devant vous. J'ai eu une urgence à la maison. Donc je m'en excuse.

Le président: Nous les ferons traduire et nous vous enverrons la facture.

Des voix: Oh, oh!

M. Benjamin Trister: C'est très gentil. Merci.

Mme Gabriela Ramo (membre, Section nationale du droit de l'immigration et de la citoyenneté, Association du Barreau canadien): Bonjour. Je tâcherai d'être aussi brève que possible afin que nous puissions respecter l'horaire.

Le projet C-16 établit un nouveau critère pour juger de l'aptitude d'un enfant adopté dans un pays étranger par un citoyen canadien à obtenir la citoyenneté. L'alinéa 8a) dispose qu'il faut établir que l'adoption respecte l'intérêt supérieur de l'enfant avant qu'on puisse accorder la citoyenneté à un enfant adopté à l'étranger par un citoyen canadien.

Je dirais tout d'abord que nous ne sommes pas venus dire que nous nous opposons à la protection de l'intérêt supérieur de l'enfant. Je suis sûre que nous tous ici sommes d'accord pour dire que c'est une question cruciale. Ce qui nous préoccupe, c'est que le processus de demande de citoyenneté ne correspond ni au bon moment ni au bon endroit pour évaluer l'intérêt supérieur de l'enfant.

Le problème, c'est qu'il y a des agents des visas qui, malgré tout le respect que je leur dois, n'ont ni la formation ni les moyens voulus pour prendre des décisions liées à l'évaluation de l'intérêt supérieur de l'enfant. C'est un concept que les juges du droit de la famille, les travailleurs sociaux et les défenseurs des droits de l'enfant étudient de près, parce qu'il n'est pas facile à définir. Je crois qu'il ne serait pas possible pour un agent des visas qui n'a ni les antécédents, ni la formation, ni la sensibilité voulus pour prendre ce genre de décisions d'établir en toute connaissance de cause où se situe l'intérêt supérieur de l'enfant. Je ne pense pas non plus qu'en période de contraintes budgétaires nous ayons les ressources voulues pour offrir le genre de formation qui permettrait aux agents des visas d'en décider.

Pour ce qui est du temps, quand une famille présente une demande de citoyenneté au nom d'un enfant adopté à l'étranger, elle le fait à la fin d'un processus, très long et onéreux, où elle a déjà satisfait à différents critères pour prouver que les parents sont aptes et que la famille et l'enfant sont assortis. Ce n'est pas le bon moment, une fois qu'une relation est créée entre un parent et un enfant, dans la plupart des cas, de revenir sur la question de l'intérêt supérieur de l'adopté.

En outre, le caractère vague de l'expression même nous préoccupe. «L'intérêt supérieur de l'enfant», cela semble bien beau, mais qu'est-ce que cela veut dire? Elle se prête à toutes sortes d'interprétations générales, surtout par des individus non formés, qui risquent de faire intervenir leurs propres préjugés, surtout à notre époque, quand dans de nombreux cas se pose la question des adoptions interraciales. L'interprétation donnée pourrait être telle qu'elle ne protégerait pas réellement l'intérêt supérieur de l'enfant.

• 1550

Nous comprenons les préoccupations du législateur face aux adoptions de convenance et aux adoptions contre-indiquées. Aux alinéas 8b) à 8d), le projet de loi établit des critères à cet égard en exigeant qu'ait été créé un véritable lien de filiation entre l'adopté et l'adoptant et que l'adoption n'ait pas été faite dans le but d'éluder des obligations légales.

Ce sont des questions que ces agents examinaient dans l'ancien système, quand un enfant né à l'étranger était adopté par des citoyens canadiens et devait se soumettre au processus d'immigration. Ils vérifiaient si avait été créé un véritable lien de filiation entre le parent et l'enfant et s'il y avait la moindre chose qui donnait à penser qu'il s'agissait là d'une adoption de convenance. L'intérêt supérieur de l'enfant est un critère tout à fait nouveau que ces agents n'ont jamais eu à prendre en compte.

Ce qui nous préoccupe également, c'est le fait que les décisions touchant l'intérêt supérieur de l'enfant sont normalement de compétence provinciale. Nous craignons que ce critère particulier de l'intérêt supérieur de l'enfant, dans le projet de loi C-16, ne donne lieu à des contestations judiciaires pour s'assurer que le gouvernement fédéral a le pouvoir constitutionnel d'établir de telles dispositions dans un domaine qui relève largement des provinces.

Pour terminer, pour conclure, je parlerai du rapport que Ben a mentionné. On y traite longuement de la question des adoptions dans le cadre du projet de loi sur la citoyenneté et on y dit clairement que c'est un domaine qui va vraisemblablement susciter le plus grand nombre de contestations judiciaires en vertu de l'article 30 et le plus grand nombre de questions complexes.

Selon le rapport, il devrait y avoir un courant distinct, un processus d'examen pour ces demandes, et ceux qui examinent les demandes devraient être des experts de l'extérieur du ministère, comme des juges à la retraite des tribunaux de la famille, des universitaires, des praticiens, des travailleurs sociaux. Les auteurs du rapport reconnaissent qu'en matière d'adoption et pour respecter l'intérêt supérieur de l'enfant il vaudrait mieux s'en remettre à des experts qui ont la formation et le savoir-faire voulus. Nous sommes tout à fait d'accord. Je pense qu'il est juste de dire que le rapport indique qu'au ministère on s'inquiète de l'application de ce critère.

Le président: Merci.

Nous allons passer aux questions. À vous de commencer, Leon.

M. Leon E. Benoit (Lakeland, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président, et soyez les bienvenus, mesdames et messieurs.

J'aimerais commencer par traiter de l'article 8 et de l'intérêt supérieur de l'enfant. Dans la loi provinciale, l'expression «l'intérêt supérieur de l'enfant» est employée, et, naturellement, on l'interprète. Êtes-vous en train de dire qu'il est très difficile de l'interpréter et qu'on ne devrait pas l'employer au niveau fédéral pour cette raison, ou parce qu'il s'agit essentiellement d'un domaine de compétence provinciale? Est-ce là la question? Est-ce pour les deux raisons?

Mme Gabriela Ramo: Les deux aspects nous préoccupent. Nous nous interrogeons sur la possibilité pour ces dispositions de résister à une contestation judiciaire sur le plan constitutionnel parce que nous croyons qu'on empiète sur les droits des provinces.

En outre, nous avons aussi des préoccupations au sujet de l'interprétation qui sera donnée de «l'intérêt supérieur de l'enfant» et parce que les agents fédéraux qui prendraient ces décisions n'ont ni la formation, ni la capacité, ni la sensibilité voulues pour s'occuper de ces questions. Au niveau provincial, ces questions sont normalement traitées par des travailleurs sociaux, des juges des tribunaux de la famille, des gens qui pendant toute leur carrière se sont consacrés à cette question particulière ou à certains de ses aspects.

M. Leon Benoit: Alors, au niveau provincial, ce seraient surtout des travailleurs sociaux qui définiraient quel est l'intérêt supérieur de l'enfant?

Mme Gabriela Ramo: Très probablement. Le concept intervient principalement en matière de garde et d'accès dans les cas de divorce. Dans ces cas, même des juges du droit de la famille, qui s'occupent presque quotidiennement d'affaires de ce genre, font souvent évaluer la situation de la famille par un travailleur social avant de rendre une décision concernant l'intérêt supérieur de l'enfant.

M. Leon Benoit: Très bien.

À l'alinéa 8b) il est fait mention de «véritable lien de filiation entre l'adopté et l'adoptant». Je n'aime pas voir qu'on emploie ces expressions dans la loi, parce que je ne pense pas qu'elles soient très nettement définies. Avez-vous des inquiétudes au sujet de la définition d'un «lien de filiation entre l'adopté et l'adoptant»?

• 1555

Mme Gabriela Ramo: On pourrait s'en inquiéter. Toutefois, c'est une expression moins vague que le concept de l'intérêt supérieur de l'enfant. Dans le passé, quand on cherchait à établir s'il s'agissait d'adoptions de convenance, c'est une des choses que ces agents devaient examiner. Je pense qu'il peut exister des indices clairs de l'existence d'un lien de filiation entre l'adopté et l'adoptant et qu'ils se prêtent un peu moins à une interprétation qu'un critère vague comme celui de l'intérêt supérieur de l'enfant.

Dans un monde où il faut faire des compromis, où il faut soupeser les intérêts des uns et des autres, il faut prévoir des éléments dans la loi pour éviter les abus. Autant nous tenons à ce que les enfants adoptés à l'étranger bénéficient des mêmes droits en matière de citoyenneté que les enfants nés de Canadiens à l'étranger, autant nous devons soupeser ces intérêts pour éviter toute fraude. Une fois commise, cette fraude nuira à l'enfant. Donc, pour protéger l'enfant nous devons imposer certaines limites.

M. Leon Benoit: Je crois que cette question de l'intérêt supérieur de l'enfant a en fait été ajoutée lors de l'étude article par article du projet de loi C-63. C'était quelque chose de complètement imprévu; en fait, d'après leurs réactions, cela a surpris même les députés ministériels. Je me demande si vous saviez d'où venait cette proposition, et pourquoi elle a été formulée si tard dans le processus du projet de loi C-63. De plus, pouvez-vous me dire ce qu'on devrait en faire d'après vous? Devrait-on simplement radier ce passage?

M. Benjamin Trister: Vous pouvez certainement demander aux fonctionnaires, mais je crois que cela a été ajouté à la demande des provinces. Certaines d'entre elles n'ont pas les moyens de contrôler les adoptions à l'étranger et veulent que ce critère soit imposé lorsque quelqu'un reçoit sa citoyenneté parce qu'elles ne pourront pas imposer ce critère plus tard. Il y a des préoccupations légitimes. Le problème, c'est que nous vivons dans un monde qui n'est pas parfait. Est-ce que cette solution est trop imparfaite pour qu'on l'adopte? Peut-être.

M. Leon Benoit: Je crois que vous devez tous avoir une bonne connaissance pratique du fonctionnement du système. À votre connaissance, les fonctionnaires provinciaux pourraient-ils participer au processus, à ses premières étapes, afin de déterminer quel est l'intérêt supérieur de l'enfant, comme ils le font pour les adoptions qui se font dans la province? Est-ce que cela pourrait être fait de façon pratique?

M. Benjamin Trister: Lorsque vous étudiez le projet de loi, il s'agit seulement d'un cadre général. Il y a beaucoup de détails qu'il faut peaufiner. Il est fort possible que même si les provinces ne croient pas qu'elles pourront jouer un rôle dans ce processus, elles puissent en jouer un lorsqu'il aura été établi.

M. Leon Benoit: Elles pourraient donc économiser beaucoup de temps et d'argent si elles étaient appelées à participer au début du processus plutôt que plus tard.

Mme Gabriela Ramo: J'aimerais ajouter qu'il existe, dans la majorité des provinces, un processus qui leur permet d'examiner la situation des familles qui présentent une demande; on prépare des études sur la vie de la famille, et des travailleurs sociaux fournissent des rapports aux tribunaux pour déterminer si l'adoption doit avoir lieu. Il y a des adoptions internationales qui en fait sont finalisées dans les provinces, et ces renseignements sont alors fournis au tribunal.

La majorité des provinces disposent déjà de mécanismes. Je crois qu'il n'est pas approprié d'imposer, dans une loi fédérale, une solution fort complexe à des problèmes qui existent seulement dans certaines provinces. Je crois que la solution appropriée doit être présentée au niveau provincial.

M. Leon Benoit: Pour ce qui est du critère de résidence et de la présence physique, je sais que vous vous êtes opposés à ces deux conditions probablement dès qu'elles ont été proposées. Enfin, je dois avouer que je suis d'accord avec cette condition à l'égard de la présence physique, mais je crois que lorsqu'une loi est adoptée, il doit y avoir une façon de la mettre en oeuvre. Je crains que cela ne soit très difficile pour le ministère.

Un fonctionnaire, lorsqu'il a comparu devant notre comité pour discuter du projet de loi C-63, a en fait dit qu'il ne s'inquiéterait pas vraiment de l'application de cette disposition à tous les intervenants. Il a dit que ce n'était que lorsqu'il avait un dossier particulier qu'il voulait étudier de plus près pour cette raison qu'il essaierait d'obtenir le renseignement nécessaire pour déterminer si une personne respectait le critère de la présence physique.

J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Pensez-vous qu'il existe une façon pratique de déterminer la présence physique?

M. Benjamin Trister: Nous n'allions pas dire ce que nous en pensions auparavant, mais je dois dire que nos craintes n'ont pas disparu. Nous sommes d'avis que le gouvernement fait de la gestion du risque. Ils savent que les gens mentiront, et ils augmenteront donc les peines pour ceux qui ont menti afin d'essayer de dissuader les gens d'agir de cette façon. C'est une façon de procéder.

• 1600

Vous savez, au fil du temps, avec la technologie, peut-être pourra-t-on mieux évaluer ce genre de choses. À long terme, je crois qu'il y aura beaucoup plus d'intégrité dans le système que ce n'est le cas actuellement. Nous croyons que c'est un choix que le gouvernement doit faire. Ce n'est pas à l'association qu'il appartient de prendre cette décision.

M. Leon Benoit: Que pensez-vous de ce qui suit: si le gouvernement met en oeuvre une loi, il devrait y avoir une façon pratique d'en assurer l'application?

M. Benjamin Trister: La rédaction appropriée de la loi laisse entendre qu'il faut être en mesure de l'appliquer, pour protéger l'intégrité du système.

M. Leon Benoit: C'est vrai.

M. Benjamin Trister: Je ne dis pas que le gouvernement n'a pas trouvé une façon de le faire. Mais ce n'est pas mon domaine.

Le président: Personne ne préparerait ses déclarations de revenus, évidemment, s'il était... Il y a une chose qu'on appelle l'observation volontaire dans notre société, et dans 95 p. 100 des cas on se fie à la bonne volonté et à la bonne foi des citoyens, n'est-ce pas? Je l'espère, à moins que vous ne vouliez que les avocats fassent beaucoup plus d'argent qu'ils n'en font actuellement, et cela veut dire...

M. Steve Mahoney: Vous avez dit qu'il n'y aurait pas de farces sur les avocats.

Le président: Je m'excuse.

M. Leon Benoit: Monsieur le président, j'aimerais signaler que dans la Loi de l'impôt sur le revenu et avec l'existence de Revenu Canada, il existe de très bons mécanismes de vérification. Je crois que, puisque les gens savent que cette loi est bien stricte, et que c'est une infraction grave que d'essayer de tricher d'une façon ou d'une autre, en raison de ce processus de vérification, et en raison du type de question dont vous traitez lorsqu'on parle d'impôt sur le revenu, cette loi est beaucoup plus facilement applicable. La loi dont nous parlons est beaucoup plus difficile à mettre en oeuvre.

Je n'aime pas vraiment qu'on adopte des lois si on ne peut pas les mettre en oeuvre. Vous avez peut-être raison de dire que de nouvelles technologies existeront un jour ou l'autre, mais nous parlons ici d'une loi qui entrera en vigueur dès que ce projet de loi sera adopté.

M. Benjamin Trister: Je crois qu'il faut alors prendre une décision, faire la part des choses entre un système de ce genre et la gestion du risque. C'est la décision du gouvernement.

Le président: Steve, si vous vouliez bien partager votre temps, il y a d'autres personnes qui voudraient intervenir. Je crois qu'on devrait viser 10 h 10, et Bernard.

M. Steve Mahoney: J'aimerais faire un commentaire sur cette question; à chaque palier d'administration nous adoptons des lois qui sont difficiles à mettre en oeuvre, mais on les adopte parce qu'on compte sur la bonne volonté et la bonne foi des citoyens respectueux de la loi. Je crois qu'il y a des façons d'appliquer cette loi, mais nous ne voulons pas nous retrouver dans un système où nous serons si rigides que nous priverons les gens de leur liberté. Je crois qu'on peut quand même aller d'un extrême à l'autre.

J'aimerais parler de l'adoption. Je crois comprendre que les provinces s'occupent actuellement de l'adoption, et que le gouvernement fédéral s'occupe de l'entrée des personnes au Canada. Mon interprétation de cette situation est que le projet de loi C-16 repose sur ce rapport. En d'autres termes, les provinces pourront s'opposer ou non à l'adoption, avant qu'on lance le processus décisionnaire. Je m'inquiète un peu de ce que vous proposez. Enchâsser un tel processus dans une politique, dans la loi ou dans les règlements pourrait rendre les choses beaucoup plus difficiles pour ceux qui veulent adopter.

Mme Gabriela Ramo: Je reconnais que la vie sera un peu moins facile si c'est enchâssé dans la loi. Cela devient beaucoup plus bureaucratique. Dans le système actuel, lorsqu'une famille parraine un enfant qu'elle a adopté à l'étranger pour qu'il vienne au Canada à des fins d'immigration, les provinces formulent une opinion. Aucun agent des visas n'émettra un visa vous permettant d'amener l'enfant au Canada tant que la province n'aura pas présenté son opinion, habituellement sous la forme d'une lettre signifiant qu'elle n'y avait aucune objection.

Nous ne contestons pas ce processus. Ce que nous contestons, c'est le fait d'ajouter un obstacle supplémentaire à l'étape ultime du processus d'adoption d'un enfant, ce qui alourdit son caractère bureaucratique, aggrave les difficultés et accentue le stress dans une situation qui impose déjà des tensions considérables aux parties en cause.

• 1605

M. Steve Mahoney: Je me pose moi-même la question, car selon mon interprétation il ne s'agit pas d'exiger une deuxième lettre indiquant l'absence d'objection de la part de la province. Il me semble qu'une fois l'adoption acceptée au niveau provincial,...

Par ailleurs, la seule province qui intervient dans tout ce processus d'adoption et d'immigration est la province de Québec, bien sûr, puisqu'elle a choisi d'y intervenir. Les autres provinces ont eu le choix, mais, pour des raisons qui leur sont propres, elles ont décidé de ne pas intervenir. Par conséquent, ce que vous demandez pourra peut-être se réaliser facilement au Québec, mais je crains que la bureaucratie ne soit plus lourde dans le reste du pays.

Vous me demandez mon point de vue, et je vais vous le donner brièvement.

Sur la présence physique, selon mon interprétation la ministre a dit essentiellement qu'elle accepte une part de pouvoir discrétionnaire. Je ne sais pas jusqu'où on peut aller dans ce domaine. Chacun peut avoir son point de vue sur la ministre actuelle ainsi que sur le futur ministre d'un futur gouvernement, et les politiques peuvent évoluer dans l'avenir, mais je crois que si l'on accorde trop de latitude à cet égard, on s'expose à des abus des pouvoirs politiques, et je suis sûr que personne ne souhaite voir la bureaucratie s'alourdir encore. Il faut donc respecter un certain équilibre.

La ministre a indiqué qu'elle préconise une certaine souplesse. Reste à savoir ce que cela signifie. Cela signifie probablement que si les parents sont à l'étranger, mais qu'ils ont un foyer et une famille et qu'ils sont obligés d'être là tandis que tout le reste de la famille pourrait obtenir la citoyenneté, alors que les parents ou les frères et soeurs ne peuvent pas l'obtenir parce qu'ils sont à l'étranger pour des raisons économiques ou autres, il risque d'y avoir une certaine confusion. Reconnaissez-vous que la ministre exige dès maintenant une certaine souplesse, et est-ce que cela vous convient?

M. Benjamin Trister: Je vois bien ce que souhaite la ministre, et cela nous convient. Nous pensons simplement que la structure législative adoptée par le gouvernement doit permettre à la ministre d'accorder la citoyenneté à des personnes qui ne sont pas présentes physiquement lorsque la ministre croit qu'il y va de l'intérêt du Canada. C'est aussi simple que cela.

Le président: Rick.

M. Rick Limoges (Windsor—St. Clair, Lib.): Merci, monsieur le président.

Toujours sur cette même question, je crois comprendre que la ministre réserve au Cabinet le droit de prévoir des exceptions. Par exemple, comme mon collègue a commencé à le dire, il pourrait arriver que toute la famille soit ici ou qu'elle soit admissible à l'obtention de la citoyenneté, à l'exception de l'un des parents, disons, parce que ce parent est à l'étranger pour cause d'emploi. Nous vivons dans une économie mondiale, et ce parent peut rester longtemps en dehors du pays à cause de ses affaires. Dans de telles circonstances, il serait logique de considérer que tous les autres sont admissibles, puisqu'ils sont physiquement présents, et, par conséquent, d'accorder une exception pour ce parent qui pourrait lui aussi obtenir la citoyenneté.

Voilà le genre d'exemple auquel je pense, par opposition à celui des services exceptionnels rendus au Canada, comme l'athlète olympique dont vous avez parlé. Du point de vue de la souplesse, on a ici les deux extrêmes de l'éventail. Pensez-vous que cette souplesse est indispensable, et, d'après vos prévisions, est-ce que ce sera l'exception plutôt que la règle?

M. Benjamin Trister: La question est complexe, car tout dépend des faits. Quand on essaie d'intégrer tout cela dans une loi au lieu de donner à des fonctionnaires les pouvoirs nécessaires pour décider au cas par cas, on risque...

Prenons le cas de quelqu'un qui ne gagne pas autant d'argent qu'il le voudrait. Il va retourner voir son employeur et va renégocier le contrat qu'il avait avant d'arriver ici. L'avantage pour le Canada, c'est qu'il prendra soin de sa famille ici, au lieu de l'abandonner aux soins du bien-être social. Il y va donc de l'intérêt de la famille, mais pas tellement de l'intérêt du Canada, n'est-ce pas?

Le problème, c'est qu'on a peut-être choisi cette personne pour ses aptitudes professionnelles, mais elle est repartie, et le marché du travail ne peut plus profiter de ses qualités professionnelles. Cette personne sera donc évaluée différemment de l'employé d'une multinationale qui travaille ici comme immigrant depuis trente ans, qui retourne à l'étranger pendant quelques années et qui ne peut pas répondre à l'exigence de la présence physique.

• 1610

Les différents intérêts du Canada soulèvent des questions différentes, auxquelles la politique mise en place doit répondre. Et je ne sais pas si on peut le faire par la voie législative; je me demande donc si la ministre ne pourrait pas le faire par des lignes directrices. Nous avons hâte d'entendre ce qu'elle dira à ce sujet, et nous pourrons alors faire des commentaires.

M. Rick Limoges: Vos propositions ne semblent pas très éloignées de l'orientation choisie par la ministre. Il s'agit seulement d'obtenir quelques précisions.

En ce qui concerne le nouveau critère de l'intérêt supérieur de l'enfant, qui devrait éventuellement figurer dans la loi, peut-on légitimement envisager une situation dans laquelle on accorderait la citoyenneté canadienne à un enfant dans le cadre du processus fédéral, mais où, à cause d'une différence dans la législation provinciale, et sous réserve d'une décision judiciaire concernant l'intérêt supérieur de l'enfant, on pourrait se retrouver avec un citoyen dépourvu de parents légaux? Est-ce que c'est effectivement un problème, ou est-ce que l'octroi de la citoyenneté a pour effet de légitimer l'adoption réalisée à l'étranger?

Mme Gabriela Ramo: L'article 8 prévoit que la citoyenneté ne peut être accordée que si l'agent des visas est convaincu d'être en présence d'une véritable relation parent-enfant. C'est donc cet article qui permet de lever les craintes concernant l'absence d'une véritable relation parent-enfant.

M. Rick Limoges: Merci.

Le président: Je sais que les témoins sont pressés eux aussi, ce que je comprends parfaitement.

[Français]

Bernard.

M. Bernard Bigras (Rosemont, BQ): Je voudrais d'abord vous souhaiter la bienvenue au comité. Je suis très heureux de vous rencontrer aujourd'hui.

Je traiterai surtout de l'adoption des enfants à l'étranger. La semaine dernière, les fonctionnaires qui ont comparu devant nous ont tenté de nous convaincre qu'il n'y avait pas de problèmes entre le provincial et le fédéral quant aux mécanismes qui seraient établis.

Nous appuyons, bien sûr, la défense de l'intérêt supérieur de l'enfant. Je crois que tout le processus qui mène à un parrainage et à une résidence permanente avant une citoyenneté canadienne place les enfants dans une situation inconfortable. Il faut toutefois comprendre qu'au Québec, nous avons un code civil bien particulier et que le cas du Québec est une exception. À moins que vous ne m'indiquiez que je suis dans l'erreur, le tribunal québécois, pour ce qui est de l'adoption internationale, a jusqu'à maintenant dû prendre une décision finale dans chacun des cas. Au deuxième paragraphe de la page 3, vous indiquez:

    Cette législation habiliterait les agents de visas fédéraux [...] avec peu ou pas d'expérience dans le domaine, à annuler les décisions prises par un gouvernement provincial ou territorial.

Dois-je comprendre que cette phrase signifie qu'un agent de visas pourrait renverser ou annuler une décision prise par le tribunal québécois en matière d'adoption internationale?

[Traduction]

Mme Gabriela Ramo: Pour répondre à la première partie de votre question, le Québec a sans doute le régime d'adoption le plus vaste au Canada. On ne peut sans doute pas parler du système le plus rigoureux, mais le système qui contrôle le plus les adoptions internationales est sans doute celui du Québec.

Notre problème, c'est que nous ne savons pas ce que signifie «l'intérêt supérieur» de l'enfant. Nous ne savons pas sur quoi les agents se fonderont pour en venir à une conclusion sur ce qui constitue l'intérêt supérieur de l'enfant. Je ne peux donc pas vous dire si la loi va habiliter l'agent des visas à renverser la décision. À première vue, c'est possible, puisque l'on est dans une situation où l'adoption a été approuvée par des mécanismes provinciaux, et, dans la mesure où il y a une relation légitime entre les parents et l'enfant et où toutes les garanties sont en place, l'agent des visas va déterminer l'intérêt supérieur de l'enfant selon ce critère très vaste, qui n'est pas défini... et il pourrait renverser la décision.

[Français]

M. Bernard Bigras: J'ai donc compris qu'un agent de visas pourrait—je souligne le mot «pourrait»—renverser une décision du tribunal québécois. À ce moment-là, ne serait-il pas plus sain et préférable d'établir des mécanismes de concertation en cette matière entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial, comme le demandent le tribunal québécois et le gouvernement du Québec? Ne serait-il pas préférable que les deux gouvernements et les différentes instances se parlent entre eux pour éviter justement des cas de chevauchement et pour éviter qu'on entre de plein fouet dans le Code civil du Québec?

• 1615

[Traduction]

M. Benjamin Trister: À ma connaissance, le gouvernement fédéral est en pourparlers avec toutes les provinces; c'est elles qui ont pris l'initiative de ces changements, et le gouvernement fédéral travaille avec ses homologues pour régler tous les problèmes.

Un fonctionnaire m'a dit un jour qu'on pourrait retarder la promulgation de cet article jusqu'à ce que le problème soit réglé, quitte à ce que le reste du projet de loi entre plus tôt en vigueur. Je n'en ai pas réentendu parler récemment, mais je n'ai pas posé la question.

La Loi sur l'immigration va soulever les mêmes questions, car elle ne fixe que les grandes lignes. Les détails ne relèvent pas de la loi; c'est un peu un saut dans l'inconnu.

Le président: Merci, Bernard.

Il faudra sans doute tirer les choses au clair au moment de l'étude article par article. Nous veillerons à ce que les fonctionnaires apportent le plus de précisions possible aux questions posées par les membres du comité, de façon à bien préciser les choses en ce qui concerne les questions de compétence, les définitions et les critères. Nous leur en serons reconnaissants.

Avant de vous laisser partir, je voudrais poser une question supplémentaire sur le critère de résidence. J'ai toujours été de l'avis que vous exprimez dans votre mémoire, et je le suis encore plus que jamais. Je ne vois pas pourquoi on impose toutes ces complications inutiles aux candidats à l'adoption et pourquoi le gouvernement se les impose dans le but d'exercer un contrôle. À mon avis, dès qu'un lien est créé, c'est-à-dire dès qu'un individu ou une famille veut venir dans notre pays et commence à payer des impôts, possède un foyer et établit un lien affectif avec notre pays, comme je l'ai fait moi-même en 1954, pourquoi ne pas considérer qu'à moins d'activités criminelles, dès que ces personnes ont passé trois ans ici, on peut leur accorder le gros lot, c'est-à-dire la citoyenneté canadienne?

Je ne sais pas pourquoi nous nous imposons toutes ces complications. Vous avez dit, je crois, que la souplesse était essentielle dans l'économie mondiale, et c'est un fait que nous avons ici affaire à des situations d'envergure mondiale. N'est-il pas préférable de s'en tenir au plus simple et de considérer qu'à moins d'activités criminelles, dès que le délai minimal est écoulé, que la personne paie ses impôts et qu'elle a un lien avec notre pays, elle peut obtenir la citoyenneté au bout de trois ans?

M. Benjamin Trister: Tout est une question de degré. Le gouvernement est convaincu que pour les Canadiens la citoyenneté est un avantage considérable, qui implique un certain degré d'engagement physique envers le pays.

Le président: Évidemment.

M. Benjamin Trister: Si chacun s'en tient aux choses les plus simples et fait preuve de souplesse, tout le monde obtiendra satisfaction.

Le président: Il suffit de 1 065 jours pour décrocher le gros lot. En définitive, c'est cela, n'est-ce pas? C'est une question de présence physique.

Merci beaucoup. Je sais que vous devez partir.

M. Benjamin Trister: En effet.

Le président: Nous avons apprécié non seulement votre contribution actuelle à nos travaux, mais aussi vos interventions antérieures sur le projet de loi C-63. Elles ont été efficaces, car certains des changements proposés par vous-mêmes et par d'autres témoins sont à l'origine du projet de loi C-16 et des amendements qui devraient bientôt... Je suppose que votre approbation nuancée de ce projet de loi vient récompenser le travail fait par le comité précédent et par ces témoins. Merci beaucoup, Gabriela, Joan et Ben.

Nous allons passer au Mouvement du Grand Québec, avec Giuliano D'Andrea, son président, et Deepak Awasti, qui en est le directeur et membre exécutif. Je vous invite à vous avancer jusqu'à la table.

[Français]

Giuliano et Deepak, je vous souhaite la bienvenue.

[Traduction]

Encore une fois, merci d'avoir pris le temps de vous adresser à nous. Je crois que vous n'avez pas eu l'occasion de vous prononcer sur le projet de loi C-63. Merci donc d'avoir accepté de nous rencontrer aujourd'hui et de nous donner votre avis sur le projet de loi C-16.

• 1620

En limitant votre exposé à 10 minutes, vous accorderez aux trois partis une vingtaine de minutes pour les questions. Merci.

M. Giuliano D'Andrea (président, Mouvement du Grand Québec): Je voudrais tout d'abord vous présenter notre mouvement. Il se peut que vous n'ayez jamais entendu parler du Mouvement du Grand Québec ni de ce qu'il fait depuis plusieurs années.

Notre mouvement concerne la région de Montréal. Il regroupe des personnes qui se distinguent de la génération précédente, dans la mesure où nous avons un point de vue un peu différent sur le fédéralisme, et même sur notre identité québécoise. Nous essayons de rétablir le dialogue dans notre province, dans notre ville, entre différents groupes qui, à notre avis, se sont retranchés sur leurs positions.

Lorsque nous avons pris connaissance du projet de loi C-16, nous avons constaté que, comme d'autres projets de loi, tant au niveau provincial qu'au niveau fédéral, il n'étoffe pas suffisamment certaines questions qui intéressent au premier chef les membres du Mouvement du Grand Québec.

Si l'on prend le terme «citoyenneté»—je crois qu'il existe à ce sujet un document intitulé Le sens de l'appartenance—et toute cette question de l'appartenance, nous constatons que nos préoccupations n'y sont pas prises en compte.

Je voudrais commencer par une petite anecdote. Nous avons aujourd'hui un temps très nuageux, qui convient bien à nos perspectives et à nos préoccupations.

C'est l'histoire d'un barman qui voit un jour un canard entrer dans son bar. À son grand étonnement, il voit le canard sauter sur un tabouret et demander de la bière. Le barman, stupéfait, lui sert une bière. Le canard la boit, regarde sa montre et déclare, sans le moindre accent: «Oh, il faut que je retourne travailler. Merci beaucoup.»

Le barman se tourne vers un client et dit: «As-tu vu ce que je viens de voir?» Le client répond: «Oui, c'est Stanley.» «Stanley? Qui est ce Stanley?» «Il travaille en face, il est plâtrier.» Le barman pensait avoir assisté à un prodige.

Il constate ensuite qu'un cirque vient d'arriver en ville. Le lendemain, Stanley revient, s'installe sur un tabouret, et la même scène se reproduit. Il demande à boire et regarde sa montre. Le barman le regarde comme un phénomène et lui dit: «Stanley, est-ce que tu sais qu'il y a un cirque en ville? Je suis sûr qu'ils seraient prêts à t'engager.»

Stanley le regarde et semble ne pas comprendre. Il dit: «Que veux-tu dire?» «Tu es un véritable phénomène. Ne penses-tu pas que tu devrais te présenter au cirque?» «Au cirque? Qu'est-ce que c'est? Ce truc qui arrive en ville, qui reste là pendant un mois et qui remballe tout avant de repartir? Est-ce que c'est cette immense tente de toile?» «Oui.» «Pourquoi est-ce qu'un cirque aurait besoin d'un plâtrier?»

Bien souvent, les nouveaux immigrants, les candidats à la citoyenneté, etc., bien des gens que je connais dans mon milieu, se sentent un peu comme ce petit canard. Ce que les gens voient est un peu différent de ce qu'ils aimeraient voir.

Le projet de loi C-16, par exemple, parle de citoyenneté et de... En fait, je voudrais aborder tout d'abord ce dont il ne parle pas.

Être citoyen, qu'est-ce que cela signifie? Quel sentiment d'appartenance a quelqu'un qui devient citoyen au Québec?

Le Québec est un peu différent du reste du Canada. Nous le savons tous. Souvent, en réalité, on trouve des gens qui se rendent à la cérémonie, qui deviennent citoyens canadiens, et qui prennent conscience des deux solitudes et se retrouvent face à un dilemme. Ils se demandent, par exemple, dans quelle langue ils vont faire éduquer leurs enfants. C'est étonnant, mais souvent ils ne connaissent pas parfaitement les dynamiques en présence. Notre mouvement se préoccupe du fait que les membres des groupes minoritaires quittent le Québec en grand nombre. C'est une véritable diaspora. Et le problème est rarement évoqué.

• 1625

Le paragraphe 33(1) énonce ceci: «Les personnes qui prêtent le serment de citoyenneté le font lors d'une cérémonie à cet effet.» Je suppose que cette cérémonie dure 45 minutes.

Voici ce qu'on lit à l'alinéa 33(2)d):

      promouvoir le sens civique, notamment le respect de la loi, l'exercice du droit de vote, la participation aux affaires de la collectivité [...]

Nous aimerions que cet alinéa soit étoffé. Qu'entend-on par «sens civique»? À quelle collectivité l'immigrant est-il censé s'intégrer? Au Québec, on a l'impression que les deux paliers de gouvernement ne concertent pas leurs actions. Il serait peut-être bon qu'on réserve un peu de temps lors de la cérémonie d'accession à la citoyenneté pour expliquer aux nouveaux Canadiens les particularités du Québec, de manière à faciliter leur intégration à la société québécoise, ce qui se fait rarement.

Nous avons aussi certaines réserves au sujet des dispositions de la loi qui permettent de refuser la citoyenneté à quelqu'un si l'on juge qu'il serait contraire à l'intérêt public de lui attribuer la citoyenneté ou que cela pourrait présenter des risques pour la sécurité nationale. Nous craignons que ces dispositions ne donnent lieu à une interprétation très large.

Permettez-moi de vous rappeler le cas d'Osvaldo Nunez. M. Nunez, membre du Bloc québécois, avait obtenu la citoyenneté canadienne. En raison de son appartenance à un mouvement souverainiste, on l'a clairement accusé d'avoir trahi son serment. Je n'irais pas jusqu'à dire qu'on l'a accusé d'être un traître, mais on l'a certainement accusé de manquer de loyauté à l'égard du serment qu'il a prêté lorsqu'il est devenu citoyen canadien.

Je ne veux pas parler des ramifications politiques de cette affaire, mais je peux vous assurer qu'il en a été question pendant des semaines dans les tribunes téléphoniques à Montréal. Cette affaire a préoccupé bon nombre d'entre nous qui sont issus des collectivités ethniques et qui, comme vous pouvez l'imaginer, sont pour la plupart des fédéralistes. Faut-il conclure que la loyauté d'une personne qui a été naturalisée Canadien peut-être mise en doute et que celle d'une personne née au Canada ne peut pas l'être?

Après avoir analysé la situation, nous avons conclu qu'il serait possible dans un cas semblable de refuser la citoyenneté à quelqu'un. Nous nous sommes demandé s'il ne serait pas possible de refuser la citoyenneté à un immigrant ayant des allégeances souverainistes ou de le harceler parce qu'il serait contraire à l'intérêt public qu'il devienne citoyen canadien. Nous aimerions donc que cette disposition soit resserrée.

À titre de fédéraliste montréalais, voilà mes principales préoccupations au sujet du projet de loi C-16.

Le président: Je vous remercie.

Leon, et ensuite Bernard.

M. Leon Benoit: J'aimerais avoir une précision. Vous dites que vous aimeriez que la disposition portant sur la révocation de la citoyenneté soit resserrée. Pourriez-vous nous dire exactement comment elle devrait être resserrée?

M. Giuliano D'Andrea: Deux choses en particulier nous inquiètent. Premièrement, une fois qu'une personne obtient la citoyenneté, celle-ci peut être révoquée. Deuxièmement, on complique les choses pour quelqu'un qui veut devenir citoyen.

Dans un cas comme dans l'autre, nous nous demandons si la citoyenneté est considérée comme un droit ou un privilège. Nous nous demandons donc notamment si l'État a toute latitude pour accorder la citoyenneté à quelqu'un ou pour la lui retirer.

Par ailleurs, un terme comme «intérêt public» peut donner lieu à des interprétations très larges. Cela nous inquiète.

Monsieur Awasti.

• 1630

M. Deepak Awasti (directeur et membre exécutif, Mouvement du Grand Québec): J'aimerais ajouter que cela revient à créer deux classes de citoyens. Or, la Constitution protège tout le monde.

À supposer que je commette un crime prévu au Code criminel, il serait excessif que je sois déporté parce que j'ai été naturalisé Canadien, quand une personne née ici se verrait imposer une peine d'incarcération de dix ans. Il y aurait alors deux poids, deux mesures. On crée certainement deux classes de citoyens pour ce qui est de l'attribution de la citoyenneté. À mon avis, cela pose en soi un problème.

M. Leon Benoit: Une fois que quelqu'un devient citoyen canadien, il est évidemment traité comme tous les autres Canadiens.

M. Deepak Awasti: Non. Une personne peut toujours être déportée.

M. Leon Benoit: Mais pas pour une raison qui serait liée à ce qu'aurait fait cette personne après être devenue citoyen canadien.

M. Deepak Awasti: Ce n'est pas ce que nous croyons.

M. Giuliano D'Andrea: Vous avez raison, mais il ne faut pas qu'il y ait eu révocation de la citoyenneté. Or, le projet de loi prévoit qu'il est possible de révoquer la citoyenneté de quelqu'un. C'est ce que nous comprenons, mais peut-être que nous nous trompons.

M. Leon Benoit: Je n'avais pas compris cela du tout. Il est certain qu'on peut révoquer la citoyenneté de quelqu'un qui aurait fait de fausses déclarations ou qui aurait commis un crime grave avant d'être citoyen et qui aurait caché ce fait aux autorités. D'après moi, une fois que quelqu'un obtient la citoyenneté canadienne, sa citoyenneté ne peut pas être révoquée pour un acte qu'il aurait posé après avoir obtenu sa citoyenneté.

Le président: C'est juste. Le passé d'une personne qui demande à devenir citoyen importe, mais non pas ce qu'elle fait après avoir obtenu la citoyenneté.

M. Giuliano D'Andrea: C'est juste.

M. Leon Benoit: Je n'ai rien d'autre à ajouter, Joe. Si je pense à une question plus tard, je vous l'indiquerai.

Le président: John et Andrew.

M. John Bryden (Wentworth—Burlington, Lib.): J'aimerais dire brièvement que j'étais ici lorsqu'Osvaldo était député, et la seule personne qui a contesté son droit à la citoyenneté en raison de son appartenance à un groupe ethnique était quelqu'un appelé Jacques Parizeau, qui a imputé le résultat négatif du référendum aux groupes ethniques et aux gens d'affaires.

Nous étions à la Chambre des communes lorsque cette annonce a été faite. Je me souviens d'avoir fait remarquer à Osvaldo que Parizeau parlait de lui. Pendant la campagne référendaire, aucun d'entre nous, du moins à ma connaissance, n'a contesté le droit des membres du Bloc québécois d'adopter la position qui leur semblait juste ou de parler de la séparation s'ils souhaitaient en parler.

Nous vivons dans un pays libre. Nous vivons dans un pays où, peu importe qu'on ait été naturalisé ou qu'on soit né ici, on peut parler librement. À moins d'être accusé de sédition ou de trahison, et dans ce cas la peine est la même pour tous les citoyens, une personne qui a été naturalisée Canadien ne risque rien. Dans le cas d'Osvaldo, seul Jacques Parizeau a relevé le fait qu'il avait été naturalisé. C'est tout ce que j'ai à dire.

M. Giuliano D'Andrea: Vous avez raison. Cette remarque a offusqué un grand nombre d'entre nous parce qu'elle soulignait un problème qui se posait au Québec.

M. John Bryden: À juste titre.

M. Giuliano D'Andrea: En fait, bon nombre d'entre nous ont été assez fiers du fait qu'on nous attribue l'échec du référendum, puisque cela signifiait que nous détenions un certain pouvoir. Il y a deux façons d'envisager la question.

Le président: Je vous demande de vous en tenir au sujet à l'étude, qui est la citoyenneté, et non pas le référendum, la souveraineté ou le fédéralisme. Il serait bon que vous le fassiez, parce que nous essayons de proposer une loi sur la citoyenneté qui réponde aux besoins de ce grand pays qui se compose de diverses parties et qui se caractérise par un ensemble de cultures, par deux grandes langues et par trois peuples fondateurs.

À qui le tour? Andrew.

M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): J'aimerais préciser quelque chose. Si quelqu'un commet une infraction après avoir obtenu la citoyenneté canadienne, sa citoyenneté ne peut pas être révoquée. Les personnes dont la citoyenneté peut être révoquée sont les personnes qui auraient commis certains actes avant de devenir citoyens, dont des crimes de guerre, et qui auraient fait de fausses déclarations pour obtenir leur citoyenneté.

• 1635

Des témoins nous ont exprimé leurs préoccupations au sujet du processus de révocation. J'ai moi-même certaines réserves au sujet de ce processus. Je conviens que la citoyenneté devrait pouvoir être révoquée dans certaines circonstances, mais j'ai des réserves au sujet de la façon dont on peut le faire.

À l'heure actuelle, l'affaire doit être entendue par la Section de première instance de la Cour fédérale. La décision du tribunal est sans appel, ce qui me préoccupe, car toute personne accusée d'une infraction au Canada a un droit d'appel. C'est ce qui explique l'existence de la Cour suprême, au bout de la Colline du Parlement. Tous les citoyens canadiens jouissent de ce droit aux termes de la loi, sauf si leur citoyenneté a été révoquée. Il n'y a pas d'exception.

M. Giuliano D'Andrea: Nous avons nous-mêmes exprimé des réserves à ce sujet dans notre mémoire. J'aimerais revenir à la question des principes politiques.

Si une personne indique qu'elle est... Vous me dites que la disposition sera interprétée de façon très stricte et qu'elle ne s'appliquera qu'exceptionnellement aux personnes qui auraient commis des actes politiques qui les empêcheraient... On ne pourrait priver quelqu'un de la citoyenneté que dans des circonstances exceptionnelles. Lorsque je lis le serment—et peut-être que je me trompe—, je crains qu'on puisse l'interpréter de façon à priver de la citoyenneté une personne qui déclarerait ouvertement être souverainiste. Si vous pouvez m'assurer que ce n'est pas le cas, cela me rassurerait.

Pendant l'affaire Nunez, ce que nous avons craint dans la région de Montréal... Peut-être que nous avons mal été informés. Peut-être qu'on nous a mal informés sur ce qui s'était produit au Parlement, mais on nous a dit qu'une personne qui avait prêté un serment de loyauté au Canada lorsqu'elle était devenue citoyenne canadienne avait été accusée d'avoir trahi ce serment parce qu'elle était devenue souverainiste.

Dans ma partie du pays, beaucoup de gens pensent effectivement que ces personnes ont trahi leur serment et qu'elles devraient en subir les conséquences. Si vous nous assurez que cette disposition sera interprétée de façon très stricte et qu'on ne l'invoquera pas pour dire qu'il est contraire à l'intérêt public d'accorder la citoyenneté à une personne d'allégeance souverainiste, cela calmera nos inquiétudes au sujet du projet de loi. Voilà quelle était notre préoccupation au sujet de cet article.

Le président: Avez-vous d'autres questions?

Malheureusement, monsieur Bigras, qui voulait vous poser certaines questions, n'est pas ici. Il a dû partir.

Notre horaire est serré. Je vous remercie encore une fois de nous avoir fait part de vos préoccupations au sujet du projet de loi. J'espère qu'en bout de ligne la nouvelle Loi sur la citoyenneté reflétera les valeurs communes à tous, quel que soit leur pays d'origine. Nous avons un grand pays caractérisé par la diversité de ses cultures. Le Québec est évidemment très spécial.

Comme moi, je suis sûr que vous êtes très fiers d'être Canadiens. Ceux d'entre nous qui ne sont pas nés ici prennent très au sérieux les droits, les privilèges et les responsabilités qui découlent de la citoyenneté. Je vous remercie beaucoup, Deepak.

Je vais maintenant demander à nos troisièmes témoins, les représentants du Conseil sur la politique d'immigration du Canada, MM. Howard Greenberg et Carter Hoppe, membres fondateurs, de bien vouloir s'installer. Cet organisme n'a pas eu l'occasion de présenter officiellement sa position sur le projet de loi C-63 et a demandé à comparaître au sujet du projet de loi C-16.

• 1640

Je vous souhaite la bienvenue devant le comité, messieurs. Je crois que vous avez une déclaration préliminaire à faire. Je suis sûr que nous aurons des questions à vous poser. Je vous remercie beaucoup de comparaître devant le comité.

M. Howard D. Greenberg (membre fondateur, Conseil sur la politique d'immigration du Canada): Le Conseil sur la politique d'immigration du Canada est un organisme assez nouveau. Il a été créé par un groupe de membres de professions libérales—avocats, économistes et universitaires—qui ont estimé que les aspects économiques de la politique d'immigration devaient être étudiés plus à fond. Les aspects techniques de l'immigration, c'est-à-dire la loi, semblent retenir beaucoup l'attention.

L'Association du Barreau canadien a très bien fait ressortir les lacunes du projet de loi et a bien exprimé ses préoccupations à son égard, mais personne ne semble vraiment s'intéresser aux aspects économiques de la politique d'immigration et à ses conséquences pour les entreprises qui emploient les nouveaux Canadiens. L'objectif du Conseil sur la politique d'immigration du Canada est justement de se pencher sur ces aspects négligés de la politique d'immigration.

M. Hoppe et moi-même sommes avocats. Nous sommes d'anciens présidents de la section nationale et de nos sections provinciales de l'Association du Barreau canadien. Nous sommes tous deux accrédités par la Law Society of Upper Canada à pratiquer le droit en Ontario. Nous ne comparaissons pas devant le comité à titre de juristes, mais plutôt à titre de personnes qui ont une expérience longue de 20 ans de la loi et de la politique d'immigration.

Nous joignons nos compétences et notre vision de la question à celles de Don De Voretz, l'un des leaders dans le domaine de l'analyse des données et de l'élaboration des politiques dans le domaine de l'immigration et professeur à l'université Simon Fraser, de Nina Cole, professeure à l'université Brock, de Jeffrey Reitz, professeur à l'Université de Toronto, et de Paul Swinwood, président du Conseil des ressources humaines du logiciel. Nous abordons tous la question de l'immigration sous l'angle de ses aspects économiques et de ses conséquences pour les entreprises.

Cela étant dit, nous voulons plus précisément vous parler aujourd'hui du dilemme que posent les exigences en matière de résidence. Le comité sait pertinemment que l'économie s'est mondialisée et que les frontières ne signifient plus grand-chose pour les grandes sociétés multinationales qui mettent en oeuvre de nombreux projets simultanément dans le monde entier.

Permettez-moi de vous signaler un phénomène intéressant que je connais bien en raison de mes contacts avec mes clients et aussi de nos propres recherches et des discussions que nous avons entre nous à ce sujet. Le phénomène auquel je fais allusion est celui de la conception simultanée de logiciels dans le monde entier.

Bon nombre des entreprises émergentes qui conçoivent des logiciels à Ottawa conçoivent en même temps ce logiciel à Bangalore et dans la Silicon Valley à Sunnyvale en Californie.

Ces entreprises mettent en commun leurs efforts en vue de concevoir un logiciel. Jusqu'à récemment, les entreprises de conception de logiciels mettaient entre six mois et un an et demi à mettre au point un nouveau produit. Aujourd'hui, pour être efficaces au niveau mondial, elles le font dans un délai de sept mois.

Bon nombre de ces entreprises demandent à leurs travailleurs de se rendre en Europe ou aux États-Unis pour participer aux travaux qui ont lieu dans ces régions dans le domaine de la conception de logiciels. Ces travailleurs doivent donc se rendre chaque jour ou chaque semaine aux États-Unis ou y travailler pendant plus longtemps. Or, les travailleurs ne seront pas enclins à sortir du Canada s'ils savent que cela aura une répercussion sur leur demande de citoyenneté. Voilà le principal sujet dont nous voulons vous parler aujourd'hui.

M. Carter Hoppe (membre fondateur, Conseil sur la politique d'immigration du Canada): Cela étant dit, nous sommes heureux que la période initiale de résidence prévue dans le projet de loi C-63 qui était de trois ans sur une période de cinq ans ait été ramenée à trois ans sur une période de six ans. Je crois que nous sommes d'accord avec l'affirmation suivante tirée du résumé sur le projet de loi C-16:

    Par ailleurs, si les personnes qui doivent beaucoup se déplacer ne peuvent pas être admissibles à la citoyenneté au cours de leur carrière, elles peuvent conserver leur statut de résident permanent. On ne peut pas vraiment dire qu'elles soient obligées de rester au Canada comme l'aurait dit l'un des détracteurs du projet de loi.

La version largement diffusée de la Loi sur l'immigration nous a amenés à comparaître devant le comité. Comme le rapporte le Globe and Mail de ce matin, nous saurons demain à 10 heures si une personne devra passer sur une période de cinq ans deux ans au Canada pour conserver son statut de résident permanent.

• 1645

Même si trois ans sur une période de six ans peut sembler beaucoup de temps à consacrer à un employeur, si une personne travaille à l'étranger pendant trois ans, c'est-à-dire dès qu'elle est à l'étranger pendant plus de 731 jours, elle risque de ne pas obtenir sa citoyenneté parce qu'elle perdra son statut de résident permanent. Cette disposition empêche les personnes qui travaillent pour de grandes sociétés multinationales de planifier leur vie et de décider s'il convient pour elles d'accepter des affectations à l'étranger. À notre avis, il convient d'y penser à deux fois avant d'adopter des dispositions qui empêcheraient les gens d'accepter ce genre d'affectation.

Une telle exigence ne pourrait-elle pas, par exemple, être assujettie au Règlement? On constatera peut-être demain, par exemple, que l'exigence d'une présence physique de deux ans sur une période de cinq ans selon la Loi sur l'immigration est assujettie au Règlement. Autrement dit, il se peut que le ministre accorde un certain crédit à des personnes—celles, par exemple, qui sont visées par une mutation à l'intérieur d'une société—qui doivent passer plus de trois ans à l'extérieur du Canada. Ne serait-il pas sensé, que citoyenneté et immigration aillent de pair? Heureusement, le projet de loi sur l'immigration doit être déposé dès demain.

M. Howard Greenberg: À cet égard, il est toujours intéressant de constater que perdure le vieux débat au sujet de l'importance à accorder au contenu de la mesure législative par rapport à la latitude à accorder au ministre par le truchement du Règlement.

Il est assez intéressant de constater que l'article 6 lui-même ne comporte aucun pouvoir de réglementation. Le législateur a eu l'intention de définir une règle générale et de n'autoriser que d'autres Parlements à revenir sur la question et puis de conférer par l'article 9 des pouvoirs visant certains cas particuliers—et dont je vais parler ci-après. Il s'agit là, d'après moi, d'une approche qui est probablement très dangereuse.

Je préférerais nettement laisser le soin au ministre en exercice d'articuler un régime réglementaire qui prévoirait des exceptions à la règle en fonction de la conjoncture économique et des flux d'immigration plutôt que d'être obligé de revenir devant le Parlement ou de dépendre d'une disposition comme l'article 9. Je ne sais pas tout à fait comment je formulerais une telle réglementation; et je ne suis même pas certain qu'il soit opportun d'aborder la question aujourd'hui. De toute évidence, le processus est beaucoup trop avancé pour récrire le projet de loi en tenant compte de tous les critères à respecter pour prolonger la durée du temps passé à l'extérieur du Canada ou appliquer ce temps à l'acquisition de la citoyenneté.

M. Carter Hoppe: Toutefois, contrairement à ce qui est prévu à l'article 9, le Conseil sur la politique d'immigration du Canada n'est pas d'avis qu'il faille limiter les critères à des cas particuliers. Selon nous, il faut tenir compte de toutes les raisons valables d'être à l'extérieur du Canada qui correspondent aux intérêts économiques du Canada.

M. Howard Greenberg: J'irais même un peu plus loin. À mon avis, il serait extrêmement dangereux d'avoir recours à l'article 9 comme correctif dans ce genre de situations. Je vois difficilement comment on pourrait faire correspondre les intérêts d'une entreprise au libellé où il est question d'une «situation de détresse particulière et inhabituelle». J'espère certainement que nous n'irons pas jusqu'à fausser le sens des mots au point de leur faire dire que nous souhaitons tenir compte des aspirations et des intentions de ces travailleurs par un libellé de ce genre.

Évidemment, «récompenser des services exceptionnels rendus au Canada» ratisse un peu plus large, dans la mesure où on est prêt à diluer la valeur de la disposition au point que... Que va-t-il donc se passer au juste? Va-t-on récompenser un groupe de 25 000 personnes en les regroupant dans une catégorie...? S'agit-il d'un pouvoir que le ministre va déléguer à des personnes qui vont déterminer qui sera récompensé? Ou bien le ministre va-t-il une fois par mois se mettre à attribuer des récompenses? Vous voyez un peu...

M. Carter Hoppe: Si le ministre va jusqu'à énoncer un critère et le faire connaître, pourquoi ne pas dire qu'il s'agit d'un règlement?

M. Howard Greenberg: Au point où nous en serions, en effet, cela aurait tout à fait l'allure d'un règlement. Aussi bien dire qu'il s'agit d'un règlement.

M. Steve Mahoney: Comme le canard.

M. Carter Hoppe: Comme l'histoire du canard.

M. Howard Greenberg: Comme l'histoire du canard.

En fin de compte... Il s'agit d'une proposition qui intéresse les milieux d'affaires. Selon nous, la discussion n'a pas tellement tenu compte des intérêts des milieux d'affaires. Permettez-moi de vous dire que bon nombre d'employeurs du Canada vont connaître de graves difficultés du fait que leurs employés vont vouloir accepter des affectations à l'étranger moins longues.

Une voix: C'est exact...

Le président: Excusez-moi.

Aviez-vous un deuxième aspect à nous présenter? Est-ce bien là tout ce que vous aviez à nous dire?

M. Carter Hoppe: Oui.

M. Howard Greenberg: C'était la seule question que...

Le président: Excellent, merci. Nous allons maintenant passer aux questions.

Monsieur Benoit.

M. Leon Benoit: Le projet de loi C-63 contenait à l'origine une disposition selon laquelle les fonctionnaires ou employés du gouvernement, je crois—c'est du moins ce que j'ai retenu—qui avaient affaire à l'extérieur du pays n'avaient pas à considérer ce temps passé à l'étranger comme une présence physique dans le pays étranger. Je ne suis pas certain de l'interprétation exacte. Toutefois, on s'inquiétait, me semble-t-il, du fait que la chose était permise pour un fonctionnaire et non pas pour une personne du secteur privé, ce qui constituait un traitement illégal ou injuste.

• 1650

M. Carter Hoppe: Je crois qu'il s'agissait des conjoints d'employés fédéraux qui eux-mêmes étaient des citoyens canadiens.

M. Leon Benoit: C'est cela.

M. Carter Hoppe: Et ils n'auraient pas été en mesure d'accepter des affectations à l'étranger si cela avait voulu dire une séparation de leur conjoint, qui aurait voulu continuer d'être admissible à la citoyenneté.

M. Leon Benoit: C'est exact. Je me souviens d'avoir certainement exigé que l'on tranche dans un sens ou dans l'autre au nom de l'équité. Je n'ai pas précisé de quel côté il fallait trancher. Il s'agit tout de même d'un cas intéressant...

Le président: Vous savez, il faut choisir.

M. Leon Benoit: On peut aussi ménager le chou et la chèvre—ce qui n'est pas mon cas, cependant.

Le président: Il me semblait que c'est ce dont on accusait toujours les libéraux.

M. Leon Benoit: Oui, vous avez tout à fait raison. Comme je l'ai dit, ce n'est pas mon genre.

Je comprends votre point de vue et j'aimerais vous demander si vous avez été en mesure de déterminer combien de personnes cette disposition de la Loi sur la citoyenneté risquerait de désavantager?

M. Howard Greenberg: Nous savons que l'immigration annuelle se situe autour de 200 000 à 220 000. Nous savons par ailleurs que les travailleurs qualifiés représentent à peu près 50 p. 100 du total. Ainsi, sur 175 000 personnes que nous accueillons de l'étranger, 50 p. 100 d'entre elles seront des travailleurs qualifiés qui pourraient être embauchés par des sociétés pour lesquelles leur mobilité a une importance. Donc, par un calcul fort simple qui doit évidemment tenir compte des personnes accueillies au cours des trois ou quatre dernières années, on peut aboutir à un nombre tout de même assez considérable de personnes qui seraient touchées par la disposition.

M. Carter Hoppe: Ne perdons pas de vue que les travailleurs qualifiés que nous tentons d'attirer d'un peu partout dans le monde sont parmi les meilleurs—c'est tout au moins ce que nous souhaitons—et que chaque fois que notre système de sélection est modifié, il devient plus exigeant. Ces personnes qui viennent d'un peu partout dans le monde risquent justement d'être de celles que nos sociétés canadiennes voudraient faire participer à leurs activités à l'étranger. Ça fait donc beaucoup de monde.

Le président: Soyez donc à l'écoute de ce qui va être annoncé demain, pour cet aspect également.

M. Carter Hoppe: Tout à fait. Pourtant, est-il vraisemblable qu'un règlement soit annoncé demain? Nous allons probablement prendre connaissance du projet de loi seulement, d'après ce que j'ai compris.

M. Leon Benoit: La ministre a promis que le règlement serait rendu public en même temps que le projet de loi.

Une voix: À l'étape de la première lecture?

Le président: Non, pas à l'étape de la première lecture. Nous allons évidemment interroger la ministre à ce sujet lorsqu'elle comparaîtra devant le comité au sujet du nouveau projet de loi, mais je crois que l'engagement visait le dépôt du règlement devant le comité avant que le projet de loi ne soit déposé devant la Chambre des communes, soit avant la troisième lecture et la sanction royale ou quelque chose de ce genre.

M. Leon Benoit: Ce n'est pas du tout ce que j'avais compris, mais nous verrons bien.

Le président: Je ne vais pas parler à la place de la ministre. Vous pourriez peut-être lui poser la question demain, Leon, au moment de la conférence de presse.

M. Leon Benoit: En effet.

Vous avez dit que 50 p. 100 du nombre total d'immigrants—ils étaient 174 000 l'an dernier—font partie de la catégorie des indépendants. C'est loin d'être exact. En réalité, la très grande majorité des personnes répertoriées dans l'une ou l'autre des catégories indépendantes sont des membres d'une famille qui viennent ici en raison du fait qu'ils sont des personnes à charge plutôt que...

M. Carter Hoppe: Parlez-vous des demandeurs principaux, de ceux qui sont sélectionnés?

M. Leon Benoit: Oui.

M. Carter Hoppe: Ce que nous ne savons pas, par ailleurs—tout au moins n'ai-je jamais vu d'information là-dessus—c'est le nombre de conjoints qui auraient également pu être des demandeurs principaux. À ma connaissance, nous n'avons pas de données sur le conjoint...

M. Leon Benoit: Je n'ai jamais vu de chiffres à ce sujet. Ce serait très intéressant.

M. Carter Hoppe: En effet.

M. Leon Benoit: Donc, dans vos chiffres, vous supposez qu'un pourcentage des conjoints serait...

M. Carter Hoppe: Ce n'est pas prouvé mais, selon notre expérience, le conjoint très qualifié est souvent marié à un conjoint tout aussi qualifié. Nous ne pouvons donc pas vraiment dire que seul le demandeur principal est très qualifié.

• 1655

M. Leon Benoit: En effet. Il sera fort intéressant de disposer de chiffres à cet égard. C'est un aspect dont il faudrait discuter davantage. On l'abordera évidemment dans une certaine mesure par le truchement de la loi sur l'immigration, par la disposition qui concerne les deux années sur cinq.

M. Carter Hoppe: En effet. Il reste à voir avec quelle rigueur la disposition sera formulée. S'il y a des exceptions générales, tout va bien. S'il n'y en a pas, alors la personne qui accepte une affectation de deux ans à l'étranger, ce qui est la norme je crois, serait coincée pour les trois années suivantes pour pouvoir continuer à être un résident permanent—sans parler de l'admissibilité à la citoyenneté. Il est donc très important de savoir quelle sera la teneur du règlement sur l'immigration.

M. Leon Benoit: Je tiens à vous dire que je ne suis pas du tout d'accord avec vous pour dire qu'il faut accorder plus de place à la réglementation. Toute loi peut être modifiée et cela peut se faire assez rapidement si le processus est plus souple que celui qui existe à l'heure actuelle.

M. Carter Hoppe: Nous pouvons vous fournir un libellé.

M. Leon Benoit: Et je recommande...

M. Howard Greenberg: Nous estimions tout simplement qu'il n'était pas nécessairement pratique d'effectuer ce genre de révision à cette étape... Je suis prêt à faire confiance au ministre en exercice plutôt que d'accepter que rien du tout ne soit prévu.

M. Leon Benoit: Rien du tout? Je ne...

M. Howard Greenberg: Je parle de la possibilité de modifier la période de résidence par la suite. Si la mesure est adoptée sous sa forme actuelle, il ne sera pas possible de faire compter le temps passé à l'extérieur du Canada, sauf en ayant recours à l'article 9. Voilà une situation fort dangereuse.

Le président: Eh bien, j'accepte votre offre, monsieur Greenberg. Je vous prie de nous formuler par écrit d'ici à mercredi ou jeudi une proposition qui nous permettra de mieux tenir compte de cet aspect.

M. Howard Greenberg: D'accord.

M. Carter Hoppe: Excellent.

Le président: Étant donné que personne ne souhaite poser de questions de ce côté-ci, permettez-moi d'aborder brièvement cette question de la résidence.

Comme je vous l'ai déjà fait savoir, je comprends le sens de votre démarche. Cependant, qui aurait le pouvoir discrétionnaire? Nous passons d'un système judiciaire à un système administratif. Les juges ne seront donc plus là pour exercer une certaine discrétion, comme ils l'ont fait par le passé, en matière de résidence et de présence physique. Avec le changement, qui donc, selon vous, exercerait la discrétion voulue par rapport à la réglementation de manière à trancher en matière de résidence ou de présence physique? Doit-on revenir à un système judiciaire? Est-ce bien ce que vous proposez?

M. Carter Hoppe: Les agents d'immigration ou de visa qui, à l'heure actuelle, accordent les demandes de permis de retour pour les résidents permanents, se fondent malheureusement sur certains critères plutôt flous... Toutefois, si la loi ou le règlement comportait des critères précis, toute mutation liée à l'activité d'une société canadienne constituée en bonne et due forme ou liée à une coparticipation avec une entreprise étrangère ou quelque chose du genre serait traitée de cette façon.

Le président: Mais l'exercice du pouvoir discrétionnaire pourrait continuer d'être d'ordre administratif plutôt que d'être confié au commissaire à la citoyenneté ou à un représentant d'un tribunal administratif.

M. Howard Greenberg: On pourrait faire le parallèle avec le mode d'émission des permis de travail qui est en vigueur à l'heure actuelle et qui comporte certaines exceptions à la règle normale aux termes du paragraphe 20(5) en raison d'avantages significatifs pour le Canada. Le manuel décrit assez bien les circonstances pertinentes et cela s'applique un peu partout dans le monde d'une façon à peu près uniforme.

Le président: Je me demande si vous avez eu l'occasion de vous pencher sur ce qui se passe dans d'autres pays. Il me semble évident que, comparativement à d'autres pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie et d'autres, le Canada, avec ses trois ans sur six, se situe à peu près au milieu du peloton. J'aimerais savoir si vous avez effectué d'autres études auprès de clients pour déterminer si d'autres pays envisagent de modifier ou d'assouplir leurs règles, étant donné qu'il faut toujours être à l'affût d'avantages concurrentiels pour attirer les meilleurs cerveaux du monde et, à terme, en faire des citoyens. C'est bien ce que l'on souhaite, me semble-t-il.

Avez-vous donc effectué de très bonnes études de cas concernant ce genre de facteur concurrentiel?

M. Howard Greenberg: Je ne sais pas jusqu'à quel point le comité s'est penché sur ce qui est prévu aux États-Unis, mais je crois savoir que l'on y envisage une exception spéciale pour tout employeur qui est une société américaine. Par exemple, la filiale canadienne établie aux États-Unis qui affecte un travailleur en Angleterre ne bénéficierait pas du privilège spécial. Cependant, l'employé de la société américaine ne serait pas du tout pénalisé pour ce qui est de son admissibilité pour le temps passé à l'extérieur des États-Unis.

• 1700

Le président: Je peux tout simplement vous dire—et nous ne connaissons peut-être pas les exceptions—que, aux États-Unis, on exige cinq ans de résidence continue, avec présence physique durant au moins la moitié de la période. Donc, il s'agit de deux ans et demi sur cinq, mais je ne suis pas au courant des exceptions et de...

M. Howard Greenberg: Oui mais le compteur arrête. Si la personne est mutée d'une société américaine, le compteur cesse de tourner, contrairement à ce qui se passe... Ainsi, les droits de l'employé américain sont protégés.

Le président: Vous avez peut-être tout à fait raison. Il se peut qu'en effet les exceptions soient tout à fait attrayantes et il se peut que nous souhaitions les étudier.

Y a-t-il d'autres questions?

Monsieur Greenberg et monsieur Hoppe, je tiens à vous remercier de votre comparution et des idées que vous nous avez soumises. Nous vous en sommes fort reconnaissants. Je suppose que nous allons vous revoir très bientôt pour ce projet de loi sur l'immigration qui est imminent. Merci beaucoup.

Je vais maintenant lever la séance. Je tiens à signaler aux membres du comité que nous reprendrons nos travaux le mercredi 12 avril à 15 h 30. Avec votre approbation, nous allons peut-être même poursuivre au-delà de 18 heures, de manière à amorcer l'étude article par article du projet de loi et pouvoir le terminer dès jeudi, je l'espère.

Une voix: Pourrait-on nous faire parvenir une note à cet effet?

Le président: Oui. Nous allons vous transmettre un rappel.

Également, je prie tous les membres du comité de faire parvenir leurs amendements à la greffière aussi rapidement que possible de manière à ce que nous puissions les grouper et les avoir en main avant le début de la réunion mercredi. Également, il se peut que, dans un esprit de collaboration, nous discutions entre nous de divers aspects et constations certaines convergences.

Merci beaucoup.