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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CITIZENSHIP AND IMMIGRATION

COMITÉ PERMANENT DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 10 février 2000

• 0908

[Traduction]

Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.)): Bonjour, chers collègues.

Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous reprenons notre étude sur tous les aspects du processus de détermination du statut de réfugié et des migrants clandestins.

Notre premier témoin ce matin est Mme Judith Kumin, du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Bienvenue à notre comité, Judith. Nous avons hâte d'entendre votre exposé.

Nous aimerions que vous preniez une dizaine de minutes pour nous résumer votre mémoire, que nous avons lu, afin que nous puissions ensuite vous poser des questions. Encore une fois, je veux vous remercier de prendre le temps de faire le point sur cette très importante question tandis que nous nous apprêtons, espérons-le, à améliorer notre processus de détermination du statut de réfugié, et de nous aider à comprendre le phénomène des migrants clandestins et comment nous pouvons faire la distinction entre les véritables réfugiés et ceux qui peuvent être des migrants clandestins qui veulent venir dans notre pays de temps à autre.

Merci beaucoup d'être venue témoigner, et veuillez nous présenter votre exposé. Bienvenue.

Mme Judith Kumin (déléguée au Canada, Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés): Merci beaucoup, monsieur le président, et merci d'avoir invité le HCR à comparaître aujourd'hui.

• 0910

Comme vous l'avez dit, les députés ont tous une copie des notes que nous vous avions remises pour la séance de décembre, qui a dû être reportée jusqu'à aujourd'hui. Je vais essayer d'en faire ressortir certains des points qui entrent particulièrement dans le cadre de votre étude. Bien entendu, il y a de nombreux sujets que nous aimerions discuter avec votre comité, mais je vais faire de mon mieux pour m'en tenir à ceux qui concernent votre mandat.

Monsieur le président, l'étude de votre comité a lieu à un moment où grandit l'inquiétude au sujet de l'entrée en fraude et du trafic de personnes. Nous partageons cette inquiétude, mais nous vous exhortons à reconnaître que beaucoup de véritables demandeurs d'asile et réfugiés n'ont pas d'autre choix que d'avoir recours aux services de passeurs dans leur recherche de sécurité.

Le phénomène de l'entrée en fraude de personnes s'est répandu depuis que les États ont rendu plus difficile l'accès autorisé à leurs territoires, notamment pour les demandeurs d'asile et les réfugiés. J'aimerais établir une distinction entre les deux phénomènes que sont l'entrée en fraude et le trafic d'êtres humains. Le trafic d'êtres humains, généralement en vue de l'exploitation sexuelle ou du travail forcé, est une pratique odieuse. Nous vous recommandons instamment de prendre les mesures suivantes pour vous attaquer à ce problème: des mesures préventives, des poursuites contre les organisateurs, et la protection des victimes. Vous vous devez de reconnaître que les personnes victimes de trafic sont en fait très souvent les victimes involontaires d'organisations criminelles sans scrupules.

Cela dit, le Canada, comme à peu près tous les autres pays industrialisés, doit relever aujourd'hui le défi de la migration mixte, c'est-à-dire le mouvement de personnes qui se déplacent pour diverses raisons. Certaines demandent protection contre la persécution ou fuient la guerre. D'autres recherchent une amélioration de leur condition économique. Le problème, ce sont ceux qui le font pour un mélange de ces raisons. C'est pourquoi il y a des processus de détermination du statut de réfugié.

Nous croyons que le processus de détermination du Canada est fondamentalement bon. C'est-à-dire qu'il peut faire la distinction entre les personnes qui ont besoin de protection, ou les réfugiés, et celles qui ne sont pas dans cette situation. Cette procédure doit rester juste, et nous approuvons les autorités canadiennes d'insister pour qu'il en soit ainsi en dépit des pressions actuelles. Nous sommes toutefois d'accord avec le ministre Caplan et d'autres pour dire que la procédure devrait être aussi expéditive que possible. Personne n'a intérêt à ce que le processus de détermination du statut de réfugié se prolonge indûment.

Comme vous et le gouvernement cherchez à simplifier et à accélérer la procédure, nous aimerions vous demander de prêter attention aux questions suivantes, qui ont une importance primordial pour le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Il y en a six, que je vais résumer brièvement.

Premièrement, il y a la question de l'accès à la procédure. Nous demandons instamment au Canada de garder son mécanisme de détermination accessible, comme il l'a toujours été, aux personnes qui demandent protection. L'accès à la procédure est le seul moyen de s'assurer que l'article 14 de la Déclaration universelle des droits de l'homme ne reste pas lettre morte. Je vous rappelle que cet article 14 se lit ainsi: «Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l'asile en d'autres pays.»

Deuxièmement, nous vous prions instamment, vous et l'opinion publique canadienne, de ne pas confondre les demandeurs sans documents et les demandeurs qui refusent de coopérer. Il y a une différence. Beaucoup de réfugiés et de demandeurs d'asile n'ont pas et ne peuvent pas obtenir de documents en règle. Beaucoup de réfugiés de bonne foi n'ont pas d'autre choix que de voyager munis de documents falsifiés ou clandestinement sans aucun document.

Il suffit de se rappeler les images des Kosovars qui ont été dépouillés de leurs documents par la police serbe pendant qu'ils essayaient de quitter leur pays l'été dernier. Il n'en reste pas moins que les demandeurs d'asile doivent coopérer en déclinant leur identité et en établissant les éléments de leur demande, mais ne devraient pas être tenus de contacter les autorités de leur pays d'origine ou d'obtenir des preuves documentaires directement de ces autorités par qui ils craignent, disent-ils d'être persécutés.

• 0915

Troisièmement, pour ce qui est de la détention des demandeurs d'asile, par principe le haut commissariat a toujours demandé aux États—et nous continuons à le faire—de s'abstenir de détenir des demandeurs d'asile. Si des gouvernements ont recours à la détention, comme mesure exceptionnelle, ce devrait être pour la période la plus brève possible et pour des raisons bien précises. Les demandeurs d'asile ne devraient pas côtoyer des criminels de droit commun, et les enfants ne devraient pas être détenus.

Quatrième point, le besoin d'un mécanisme de révision ou d'appel. Le HCR croit, et répète depuis longtemps, que l'appel sur le fond est un élément fondamental de l'application régulière de la loi. On le retrouve dans presque tous les autres processus de détermination. Intégrer un mécanisme de révision dans le processus canadien en accroîtrait la crédibilité sans qu'il faille prolonger indûment ou compliquer la procédure, et je dirais qu'un mécanisme d'appel pourrait devenir plus indispensable que jamais si certaines des mesures envisagées pour regrouper les procédures étaient mises en oeuvre.

Cinquièmement, il est légitime que les États s'attendent à ce que les demandeurs d'asile dont la demande a été rejetée quittent le pays. Un des principes fondamentaux du processus de détermination du statut de réfugié, c'est que ces demandeurs devraient quitter le pays si après un examen approfondi et équitable de leur demande il est décidé qu'ils n'ont pas besoin de protection ou n'ont aucune autre raison d'y rester. Toutefois, tout examen approfondi et équitable des demandes de protection doit tenir compte de toute la gamme des préoccupations en matière de protection et des obligations des États, notamment celles qui incombent aux États comme le Canada qui sont parties à la Convention des Nations Unies contre la torture.

Enfin, et ce dernier point ne figure pas en fait dans nos notes originales, mais je crois qu'il serait peut-être intéressant de le souligner, nous croyons qu'il peut être très utile de prendre des mesures pour encourager le retour ou le départ volontaire des demandeurs dont la demande a été rejetée. Comme je l'ai dit, les gouvernements peuvent expulser de leur territoire les personnes qui n'ont aucun droit d'y rester, mais notre expérience nous a permis de constater que les programmes appuyant le départ volontaire des demandeurs d'asile dont la demande a été rejetée peuvent être très utiles. Ce genre de programmes peuvent aider ces demandeurs à retourner dans leur pays en sécurité et avec une certaine dignité et permettre aux pays asiles de surveiller leur départ.

En conclusion, le HCR aimerait rendre hommage à la réputation du Canada comme chef de file de la cause humanitaire. Le Canada est un membre précieux de l'organe directeur du HCR, notre comité exécutif, et appuie notre travail dans le monde entier. En 1986, le peuple canadien a reçu la plus haute distinction internationale pour services rendus aux réfugiés, la Médaille Nansen.

Nous reconnaissons qu'il faut apporter certaines modifications aux politiques et procédures du Canada concernant les réfugiés et l'immigration et nous sommes tout à fait disposés à y travailler avec le gouvernement, mais nous demandons instamment que la tradition humanitaire du Canada, qui est un modèle depuis longtemps pour beaucoup de pays, soit préservée.

Merci beaucoup; je vais maintenant répondre le mieux possible à vos questions.

Le président: Merci, Judith.

Nous passons aux questions. Leon.

M. Leon E. Benoit (Lakeland, Réf.): Merci, monsieur le président, et bonjour, mesdames et messieurs.

Ma première question concerne le commentaire que vous avez fait dans votre exposé sur la nécessité de ne pas confondre les demandeurs sans documents et les demandeurs qui refusent de coopérer. J'aimerais que vous nous disiez comment vous voyez le genre de situations où des gens montent à bord d'avions munis de documents et en descendent sans documents, et je parle ici des demandeurs qui acceptent ou qui refusent de coopérer et de ceux qui n'ont pas de documents.

Mme Judith Kumin: Il s'agit là bien sûr d'un problème très commun, parce que d'une part les demandeurs voyagent fréquemment avec l'aide de passeurs ou d'agents à qui ils doivent remettre les documents à bord de l'avion. Mais il arrive aussi que des demandeurs détruisent les documents dans l'avion pour qu'on ne puisse plus ensuite les retourner immédiatement dans leur pays dès leur arrivée à destination.

• 0920

Ce qui est important pour nous, c'est que si le demandeur peut faire valoir à leur arrivée sa demande et raconter son histoire, il devrait se créer un climat de confiance permettant à l'individu de sentir qu'il peut expliquer pourquoi il n'a pas de papiers, qui il est, et de le faire d'une façon crédible.

Si après qu'un climat de confiance a été établi l'individu refuse de révéler son identité, refuse de coopérer avec les autorités en établissant les éléments de sa demande, alors cela veut dire que nous avons affaire à un demandeur qui refuse de collaborer. Mais ne pas avoir de papiers ne signifie pas nécessairement qu'on refuse de collaborer. Il faut vraiment qu'il y ait refus délibéré de collaborer, et non pas un simple refus découlant de la peur, d'un traumatisme ou de la crainte de l'avenir.

M. Leon Benoit: Si quelqu'un donne de faux renseignements sur son identité—il s'agit encore une fois d'un exemple—après être monté à bord d'un avion muni de documents et en être descendu sans documents, diriez-vous qu'il s'agit là d'un demandeur qui refuse de coopérer?

Mme Judith Kumin: Encore une fois, pas nécessairement, parce que très souvent les demandeurs d'asile de bonne foi, par peur, suivent les instructions, les suggestions ou les conseils de personnes qui ne leur donnent pas toujours les meilleurs conseils. Mais une fois qu'un climat de confiance a été créé, que la personne a eu accès à une procédure complète et équitable et aussi à des conseils d'ordre social ou juridique, si elle continue à mentir, eh bien, oui, nous dirions alors que cette demande est non fondée, parce que cette personne a eu une bonne chance de dire la vérité.

M. Leon Benoit: Qu'est-ce qu'une bonne chance selon vous dans ces circonstances?

Mme Judith Kumin: L'une des choses importantes, c'est que la personne ne soit pas tenue dès son arrivée, en présence d'un agent en uniforme, de faire face à un genre d'interrogatoire. C'est pourquoi nous avons toujours insisté pour que le processus de détermination du statut de réfugié soit confié à des personnes qui sont qualifiées pour cela.

Dans le système actuel, où l'individu entre d'abord au Canada, puis comparaît devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié après avoir eu la possibilité de consulter un conseiller et de se reposer et de récupérer, il s'agit certainement d'une bonne chance. Si à ce stade-là la personne continue à mentir, alors nous croyons qu'il serait juste de présumer que cette demande n'est pas fondée. Mais pas nécessairement au point d'entrée, parce que beaucoup de demandeurs ont peur des gens en uniforme, ou ont vécu de mauvaises expériences dans leur pays d'origine, ou encore on leur a dit qu'il est dangereux de dire la vérité dès leur arrivée.

M. Leon Benoit: À propos de la consultation d'un avocat, nous avons souvent entendu déplorer le fait que les avocats conseillent aux gens de demander le statut de réfugié alors que ces gens n'avaient peut-être pas l'intention de le faire. Cela crée des problèmes, parce ce que des gens qui n'avaient vraiment pas l'intention de demander le statut de réfugié le font parce que c'est ce qu'on leur conseille de faire. Que pensez-vous de cette situation et quelles mesures y aurait-il lieu de prendre, selon vous?

Mme Judith Kumin: Il n'y a pas de solution miracle au problème des personnes qui demandent le statut de réfugié sans être de véritables réfugiés. Essentiellement, il faut pouvoir compter sur une procédure qui est expéditive et sur des décideurs qui sont capables de faire la distinction entre les personnes dont la demande est justifiée et les autres.

Nous osons espérer que les personnes qui s'occupent de ces dossiers au quotidien—c'est-à-dire les décideurs chargés de désigner les personnes qui ont besoin de protection et celles qui n'en ont pas besoin—seront en mesure de filtrer assez rapidement les dossiers pour dégager ceux qui méritent un examen approfondi et exclure les autres.

M. Leon Benoit: Vous avez raison de dire que l'aspect essentiel dans toute cette question est la nécessité pour le Canada de mettre en place—je crois même de remettre en place—une équipe suffisamment nombreuse de personnes bien formées ayant toute l'expérience voulue. Rien ne vaut cette formation et cette expérience, d'après ce que me disent les gens qui travaillent sur le terrain. C'est très efficace de procéder ainsi et cet aspect est primordial.

Vous avez parlé des passeurs et avez dit que nous devrions mettre l'accent sur la prévention. Pour ce faire, selon vous, nous devrions poursuivre énergiquement les passeurs eux-mêmes et ne pas nous en prendre aux victimes.

D'une manière, on peut dire bien sûr que bien des gens qui arrivent ici avec le concours de passeurs peuvent être considérés comme étant des victimes. Je ne dirais pas que ce sont des victimes complètement innocentes, et il ne s'agit certainement pas de victimes dans bien des cas, parce que je dirais que dans la plupart des cas, ils savent certainement qu'ils vont entrer clandestinement dans un pays avec l'aide d'un groupe de passeurs. Ils savent très bien ce qu'ils font, même si bien souvent ils ne savent peut-être pas ce qu'il leur arrivera. Je dirais donc que ce que vous avez dit à propos des victimes n'était pas tout ce qu'il y avait à dire.

• 0925

La prévention ne consisterait-elle pas également à faire savoir clairement à ceux qui pourraient songer à recourir aux passeurs que s'ils entrent dans notre pays, on va étudier leur cas très rapidement et on va les refouler rapidement si l'on constate qu'ils ne sont pas des réfugiés? N'est-ce pas là une partie très importante de tout le travail de prévention?

Mme Judith Kumin: J'aimerais vous expliquer la différence que nous voyons entre le passage de clandestins et le trafic. Les pourparlers en cours à Vienne tiennent compte de cette différence. À la conférence qui y est tenue, on est en train de rédiger un protocole qui accompagnera le projet de Convention des Nations Unies sur le crime organisé transnational, protocole qui portera précisément sur le trafic des femmes et des enfants.

Dans le travail de rédaction, on prend bien soin de faire une distinction entre le passage de clandestins et le trafic. Voici comment nous voyons la chose. Il y a passage de clandestins lorsqu'une personne a recours aux services d'un agent, d'un particulier ou d'un passeur dans le but de gagner un autre pays et d'y pénétrer, et c'est la fin du contrat. Il n'y est question que d'aider une personne à entrer illégalement dans un pays. Il y a trafic lorsqu'un groupe criminalisé ou un criminel se sert de la personne pour l'installer dans un autre pays dans le but de faire de l'argent au moyen de l'exploitation sexuelle, de la prostitution ou du travail forcé.

Il y a donc, d'une part, la personne qui retient simplement les services d'un passeur pour se rendre quelque part, sans que le contrat aille plus loin, et, d'autre part, la personne qui, bien souvent sans s'en rendre compte, pensant qu'elle n'a fait que s'entendre avec un passeur, est en fait devenue la victime d'un groupe ou d'un gang qui va tenir le destin de cette personne entre ses mains pendant des années, le plus souvent par le biais de la prostitution ou du travail forcé. C'est une distinction qu'il faut absolument faire, à mon avis, parce que ce qui se fait dans le second cas est bien sûr encore plus odieux que dans le premier.

M. Leon Benoit: La différence pourrait-elle tenir en partie à la somme que l'on demande à ces personnes? Si les gens sont prêts à s'endetter considérablement, ne seriez-vous pas portée à penser qu'ils savent très bien qu'ils devront travailler pour rembourser cette dette une fois qu'ils seront sur place?

Mme Judith Kumin: Je dirais qu'il y a plusieurs facteurs qui entrent en ligne de compte pour faire cette distinction, et la somme demandée est l'un d'eux. Un autre est la taille du groupe ou le nombre de personnes en cause. Dans le cas de passage de clandestins, on a le plus souvent affaire à des particuliers ou à des petits groupes. Une famille retiendra les services d'un passeur pour qu'il la fasse traverser de la Pologne à l'Allemagne, par exemple. Il est question ici d'une, deux ou trois personnes.

Je dirais qu'un autre indicateur est la demande ou l'absence de demande d'asile au moment de l'arrivée dans l'autre pays. Bien souvent, dans le cas d'un véritable chercheur d'asile qui retient les services d'un passeur pour entrer dans un pays où il a l'intention de demander de la protection, la première chose qu'il fait dès son arrivée est de communiquer avec les autorités et de demander de la protection. C'est donc un autre indicateur.

J'aimerais répondre en parlant de la prévention, de la poursuite des responsables et de la protection des victimes. Pour ce qui est de la prévention, c'est vraiment un domaine très complexe où il faut tenir compte de toute une série de gestes, et pas seulement du point de vue de l'immigration. Il faut tenir compte des conditions dans la région d'où provient la personne faisant l'objet du trafic, des raisons pour lesquelles elle s'est embarquée dans une telle situation et des mesures à prendre par le biais d'activités de développement et de campagnes d'information pour corriger le problème à sa source et aussi pour offrir d'autres solutions possibles. Au nombre de celles-ci, il y a peut-être l'établissement de programmes d'immigration différents de ceux qui sont appliqués aujourd'hui.

Protéger la personne ne veut pas nécessairement dire que la victime restera dans le pays où ce trafic l'a amenée, car il est possible de la rapatrier en prenant des dispositions qui empêcheront qu'elle soit encore victimisée. Il ne faudrait pas la punir parce qu'elle s'est fait prendre dans cet engrenage, mais il faut poursuivre ceux qui ont organisé le trafic.

Le président: Je vous remercie.

John Bryden.

M. John Bryden (Wentworth—Burlington, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

À propos de la destruction des papiers à bord de l'avion et du refus de s'identifier à l'aéroport, de tels gestes ne constituent-ils pas une preuve prima facie que la personne est un demandeur d'asile indisposé à collaborer, vu qu'il a détruit ses papiers et qu'il refuse de s'identifier?

• 0930

Mme Judith Kumin: Non, pas nécessairement. Une personne qui craint sincèrement d'être persécutée dans le pays d'origine peut avoir tellement peur d'être rapatriée et du sort qui l'attend là-bas qu'elle détruit les documents pendant le voyage, peut-être parce que c'est ce que d'autres lui ont conseillé de faire. Cette personne peut également avoir peur de dire la vérité lorsqu'elle se retrouve devant un garde-frontière en uniforme, à l'aéroport, par exemple. Je dirais cependant que vous avez raison s'il s'agit d'une personne qui ne se trouve plus dans ce milieu angoissant et qui sait qu'elle aura droit à une audience impartiale, mais j'ai toujours des réserves s'il s'agit d'une personne qui se trouve aux premières étapes du processus.

M. John Bryden: Dans tout ça, c'est l'aspect criminel qui m'intéresse, pas l'aspect humanitaire. Je sais bien que l'aspect humanitaire est très important, mais c'est le problème criminel qui nous préoccupe ici. Pourquoi les passeurs conseillent-ils aux gens de détruire leurs papiers à bord de l'avion et de refuser de s'identifier? Pourquoi leur conseillent-ils de faire cela?

Mme Judith Kumin: Il y a deux raisons bien évidentes. Premièrement, la personne veut éviter d'être refoulée immédiatement vers l'endroit qu'elle vient de quitter. Aujourd'hui, dans beaucoup de pays, les contrôles se font à bord de l'avion et lorsque les autorités estiment que la personne n'a pas tous les papiers qu'il lui faut, la personne reste à bord de l'avion et est refoulée. C'est donc ce que les gens cherchent à éviter.

Dans le cas du criminel, qui sait ce qu'il a en tête, mais j'imagine qu'une autre raison est d'empêcher les autorités de remonter à l'origine de ces documents, de les voir, de constater les similarités, de trouver qui les fabrique et de démanteler ces réseaux. Dans le cas du trafic, je le répète, il s'agit de mettre la main sur les organisateurs et de ne pas victimiser les personnes qui n'ont peut-être pas d'autre choix que de recourir à de tels moyens pour gagner un lieu sûr.

M. John Bryden: N'est-ce pas là le noeud du problème? Si un pays comme le Canada fait ce que vous proposez, et puisqu'il y a des gens qui peuvent avoir peur d'un agent en uniforme et qui peuvent avoir de bonnes raisons de détruire leurs papiers mais qu'il y a parmi eux—et ce sont peut-être la majorité—d'autres gens qui ont délibérément détruit leurs papiers, n'est-ce pas là un dilemme total pour le Canada? Nous ne pouvons refouler aucun d'entre eux parce qu'à moins de renvoyer les gens sur le même avion qu'ils ont pris pour entrer ici, leurs pays d'origine refuseront de les accepter. N'est-ce pas là une garantie que les clandestins resteront au Canada?

Mme Judith Kumin: Le rapatriement des demandeurs d'asile rejetés est un problème très épineux pour les pays, bien souvent parce qu'il s'avère difficile d'obtenir les documents de voyage permettant de faire rapatrier une personne ou de savoir avec exactitude d'où vient la personne. Bien souvent, l'autre pays nie simplement que la personne est un de ses ressortissants et refuse donc de l'accueillir. Parmi les demandeurs d'asile rejetés, ces cas constituent toutefois une minorité. Dans la majorité des cas, il est possible d'établir qui est la personne et vers quel pays elle devrait être refoulée.

Ce serait dangereux d'appliquer une procédure à ce point sommaire et expéditive au point d'entrée que l'on risquerait de refouler des gens qui ont besoin de protection. Il faut faire la part des choses.

M. John Bryden: Comment pouvez-vous me dire que ces cas constituent la minorité? Voici la démarche, d'après les témoignages que nous avons entendus: ils arrivent à l'aéroport Pearson et ils détruisent délibérément leurs papiers parce qu'ils savent qu'ils auront droit à une audience et qu'une fois qu'on les sort de l'avion pour les amener à cette audience, ils ne pourront jamais être expulsés. Il y a aujourd'hui des milliers de gens qui arrivent clandestinement au pays en procédant de cette façon, et nous ne pouvons pas les mettre sous garde parce ce que l'incarcération n'a rien d'humain non plus, comme vous l'avez dit.

Mme Judith Kumin: Dans la plupart des cas, on établit au cours des formalités qui sont les gens et quel est leur pays d'origine. Le problème suivant, dans le cas des personnes dont l'on juge qu'elles n'ont pas besoin de protection, est de persuader ce pays d'origine de les reprendre et d'établir un document autorisant ce rapatriement. C'est là l'objet des pourparlers qui ont lieu aux niveaux bilatéral et multilatéral.

M. John Bryden: D'accord. J'ai encore du mal à accepter ce que vous dites, parce que je tiens à ce que l'on aide les gens qui en ont besoin, mais j'ai du mal à accepter ce que vous dites parce que ce que les autres ont dit ne le corrobore pas. Avez-vous des mesures à nous conseiller pour résoudre ce problème? Si nous ne les refoulons pas à bord du même avion, comment pour l'amour du ciel allons-nous jamais parvenir à les expulser si nous ne pouvons pas négocier avec le pays pour qu'il rapatrie des gens qui sont en fait sans papiers?

Mme Judith Kumin: S'ils ont détruit le document à bord de l'avion, nous aurons de la difficulté à les refouler, même à bord du même avion. Cependant, nous savons qu'en réalité les demandeurs d'asile rejetés sont expulsés systématiquement du Canada et d'autres pays et le problème est donc réglé au cas par cas après l'audience. Il y a des cas qui ne sont pas réglés, mais des expulsions ont lieu régulièrement. Je n'ai pas de chiffres, mais ce serait intéressant de vérifier pour voir combien longue est en réalité la liste des cas problème.

• 0935

M. John Bryden: Monsieur le président, voilà ce que je...

Le président: Je vous remercie.

Je donne la parole à Rick Limoges pour le temps qui reste.

M. Rick Limoges (Windsor—St. Clair, Lib.): Je vous remercie. On a déjà posé plusieurs des questions que j'avais, mais je me demandais... Vous savez sans doute très bien que le Canada tient à aider les réfugiés, mais nous ne voulons pas que l'on profite de nous. Toute la question tourne autour du travail consistant à établir qui est un réfugié de bonne foi et qui ne l'est pas. Avez-vous des choses précises à nous proposer qui nous permettraient d'améliorer notre système? Vous reconnaissez qu'il peut y avoir des redressements qui s'imposent. Avez-vous des propositions s'inspirant de ce qui donne de bons résultats dans d'autres pays ou de mesures que nous serions bien avisés d'envisager afin de continuer à traiter les gens d'une façon humanitaire, tout en nous permettant de faire ce qu'il faut pour que les personnes qui ne sont pas des réfugiés de bonne foi puissent être repérées et refoulées?

Mme Judith Kumin: Je dois préciser, avant de vous répondre, que je ne suis au Canada que depuis quelques mois. Il est donc un peu présomptueux de ma part de proposer des changements à une procédure à laquelle d'autres ont travaillé pendant des années.

Il serait peut-être utile de s'arrêter aux étapes de la procédure canadienne qui absorbent beaucoup de temps. Depuis mon arrivée au Canada, j'ai constaté qu'il y a en fait trois étapes. Ainsi, du temps s'écoule avant que l'immigration ne transmette un dossier à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. L'examen de la demande par la commission absorbe aussi du temps. Enfin, les diverses évaluations de risque après que la commission a rendu sa décision prennent aussi du temps.

À mon avis, la première et la troisième étapes de cette procédure pourraient fort bien être raccourcies ou même abolies. La première étape, soit le renvoi à la commission, prend souvent des mois, ce qui n'est peut-être pas essentiel. Le demandeur d'asile pourrait être entendu immédiatement par la commission. Il n'attendrait donc pas pendant si longtemps pour savoir si sa demande est recevable ou pas.

Nous avons beaucoup parlé entre nous, de même qu'avec le ministère et la commission, des mesures de règlement des cas qui pourraient être prises afin de raccourcir la durée de l'examen fait par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. À mon avis, il est possible de l'écourter, et d'autres gouvernements déploient des efforts considérables pour faire en sorte que cet examen de première instance s'effectue le plus rapidement possible.

Cela nous amène à la troisième étape de la procédure canadienne. À nouveau, l'évaluation du risque après la détermination de l'admissibilité, c'est-à-dire l'examen de considérations humanitaires fait au Canada, peut prendre beaucoup de temps. Il y aurait certes moyen de le faire plus rapidement, surtout si la décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié est unifiée, puisqu'elle se penche non simplement sur l'admissibilité au statut de réfugié, mais également sur l'existence éventuelle d'autres considérations humanitaires ou d'éléments de risque dont il faut tenir compte. Que tout se fasse d'un seul coup afin de sauver du temps à la fin de la procédure!

M. Rick Limoges: Que répondez-vous à ceux qui craignent que l'on viole les droits de ces personnes en écourtant l'échéancier initial? En d'autres mots, qu'arrive-t-il si les demandeurs n'ont pas le temps de bien se préparer à l'audience ou qu'ils n'obtiennent pas les conseils juridiques qui s'imposent?

Mme Judith Kumin: Même si la demande est immédiatement renvoyée à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, la personne continuerait d'avoir à sa disposition du temps, qu'il s'agisse du délai actuel de 30 jours ou d'un autre, pour obtenir les conseils d'un avocat et pour se préparer. Cela serait certes suffisant. Si la procédure est unifiée, nous craignons qu'il ne devienne nécessaire d'y intégrer au moins une étude du dossier relatif à la décision prise par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié en première instance. La situation au Canada est plutôt unique, en ce sens qu'il n'existe qu'une seule instance pour toute la procédure de détermination du statut de réfugié. Tous les autres pays qui ont une procédure de détermination du statut de réfugié, à une seule exception—je n'ai pu en trouver qu'une seule lorsque j'ai examiné cette question—, prévoient une deuxième instance ou un examen du fond de la revendication.

Donc, si vous pouvez raccourcir la procédure tout en prévoyant qu'un deuxième agent examine le cas, même si c'est de manière expéditive mais qui nous donne tout de même l'assurance qu'aucune erreur aux conséquences terribles n'a été commise, vous aurez prévu les garanties nécessaires.

• 0940

Il importe selon moi de toujours se rappeler que de décider si une personne a droit au statut de réfugié ou pas est certes l'une des décisions les plus difficiles à prendre. C'est aussi l'une des plus terribles à cause des conséquences qu'elle peut avoir si ce n'est pas la bonne. C'est pourquoi nous exhortons depuis si longtemps et continuons d'exhorter le Canada, comme tous les autres pays, à mettre en place un mécanisme d'examen dans l'évaluation de la demande.

Le président: Je vous remercie.

Bernard Bigras.

[Français]

M. Bernard Bigras (Rosemont, BQ): Ma première question s'inscrit dans le sens de ce dont vous faites état dans votre mémoire au sujet de l'intégrité du droit d'asile. D'une part, je crois qu'il est important que le comité maintienne ce droit fondamental du citoyen, qui est d'ailleurs bien inscrit dans la convention de 1951. Il correspond à des valeurs fondamentales de la société québécoise et de la société canadienne, soit des valeurs de solidarité, de fraternité et d'entraide évidentes.

Je lisais récemment une note du sénateur torontois William Kelly, qui a présidé les débats du le Comité sénatorial sur l'immigration. Il affirmait que les criminels avaient détourné cette convention à leur profit et que notre système était devenu une passoire. Nous n'avons pas assez de personnel aux frontières, et les criminels profitent de la situation actuelle.

Ces actes de la part du crime organisé et de ceux et celles qui abusent du système ne risquent-ils pas de nous mener à une remise en question, que je ne souhaite pas, de l'intégrité du droit d'asile? Ne sont-ils pas une pierre qu'on lance dans l'eau du lac de l'intégrité du droit d'asile? C'est votre responsabilité que de défendre ce droit-là.

Lorsque je lis votre mémoire, tout ce que je peux y voir, c'est un projet de convention de l'ONU sur le crime organisé transnational, dont on n'a pas les détails et deux protocoles qu'on est en train d'élaborer. Ne croyez-vous pas que ces actes de la part du crime organisé et de ceux qui tentent d'abuser du système sont une pierre qu'on lance dans l'eau de l'intégrité du droit d'asile?

Mme Judith Kumin: Il va sans dire que nous partageons vos craintes. Nous voulons maintenir l'intégrité du droit d'asile, mais nous n'avons pas une force policière internationale pour le faire. C'est là la responsabilité des États. La seule solution qu'on peut vous proposer pour éviter que le droit d'asile ne soit détourné par des criminels, c'est justement d'établir une procédure de détermination du statut qui soit à la fois équitable et rapide, qui puisse identifier d'une manière rapide les personnes qui sont de véritables réfugiés et celles qui ne le sont pas. On découragera ainsi les criminels d'abuser de la procédure d'asile à des fins de profit.

M. Bernard Bigras: D'accord.

À la page 4 de votre mémoire, vous traitez de la détention des demandeurs d'asile et indiquez:

    Nous demandons aux gouvernements d'éviter autant que possible la mise en détention des demandeurs d'asile.

Vous savez que depuis l'arrivée des réfugiés de la mer, le gouvernement a adopté une nouvelle politique qui prévoit la détention de personnes suspectes demandant le statut de réfugié jusqu'à ce qu'elles soient entendues. Estimez-vous que cette nouvelle politique contrevient à votre vision relative à la détention des demandeurs d'asile?

Mme Judith Kumin: Nous comprenons la décision du gouvernement canadien de garder cette population en détention. Notre position a été élaborée pour des cas où il serait clair que les personnes qui arrivent sont de véritables demandeurs d'asile. Dans le cas actuel, on peut bien sûr se demander pour quelles raisons ces personnes sont venues au Canada. Dans ce cas, on peut comprendre la décision du gouvernement canadien de les maintenir en détention.

Cependant, il est important que cette période de détention soit la plus courte possible. Nous éprouvons actuellement une certaine inquiétude puisqu'un certain nombre de ces personnes sont en détention depuis bientôt six mois.

Lorsqu'on décide de garder en détention des demandeurs d'asile, il faut que la décision soit prise rapidement et que le retour des personnes qui n'ont pas besoin de protection puisse aussi être organisé rapidement. Garder des personnes en détention pendant six mois, neuf mois ou 12 mois n'est pas la solution au problème. Il faut appliquer une procédure particulièrement rapide pour les personnes qui sont gardées en détention.

• 0945

M. Bernard Bigras: Est-ce que vous estimez que ces principes sont actuellement appliqués au Canada?

Mme Judith Kumin: Nous pensons que la procédure qui a trait à cette population n'est malheureusement pas aussi rapide que nous le souhaitons puisque des personnes qui sont arrivées au mois d'août sont toujours en détention. Il faudrait établir une procédure surtout à l'intention des personnes en détention afin qu'on puisse arriver à une conclusion rapidement. Nous ne voulons pas—et je suis sûre que vous le ne voulez pas non plus—qu'on garde des personnes en détention un jour de plus que nécessaire.

[Traduction]

J'aurais un autre commentaire à faire au sujet de la détention.

Le droit canadien prévoit trois motifs pour la détention d'un demandeur d'asile, et il appartient à chaque arbitre de décider si les conditions sont satisfaites pour mettre en détention un demandeur d'asile. Il est très important selon moi, en ce qui concerne le groupe actuellement à l'étude, d'avoir l'assurance que la décision vise vraiment une seule personne, plutôt qu'un groupe. Il est très dangereux de supposer que chaque demandeur d'asile disparaîtra ou que nul ne se présentera à l'audience. Nous vous prions donc instamment de faire en sorte que la décision soit prise sur une base individuelle. Nous exhorterions également le gouvernement à faire en sorte que la procédure se déroule le plus rapidement possible, parce que beaucoup de ces personnes—nous en avons rencontrées un grand nombre—sont vraiment affolées à l'idée d'être mises en détention. Elles ne comprennent pas dans quoi elles s'embarquent.

Le président: Je vous remercie.

Rob Anders.

M. Rob Anders (Calgary-Ouest, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président.

À certains égards, ma question rejoint celle de M. Limoges. Vous avez dit tout à l'heure que les demandeurs d'asile, si leur demande est rejetée, devraient quitter le pays et qu'il devrait y avoir un moyen de simplifier le système pour faire en sorte que cela se produise réellement et qu'ils ne disparaissent pas dans la brume, en somme qu'on les laisse faire ou qu'on leur permette de violer impunément une disposition visant les véritables demandeurs d'asile.

On vous a demandé ce que vous pensiez du système canadien et de ce que vous recommanderiez. Vous avez répondu que vous n'étiez ici que depuis quelques mois. Je me demande si je puis, dans ce cas, poser la question à M. Tezier ou à M. Lyndon. Nous sommes ici pour essayer d'améliorer le système. Si nous ne pouvons pas vous poser la question, à qui alors faut-il la poser?

M. Greg Lyndon (conseiller juridique, Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés): Notre principale tâche, au Haut Commissariat, est de faire en sorte que le système établi au Canada, quel qu'il soit, répond aux normes internationales et est conforme à la convention de 1951. Lorsqu'il est question de changer ou d'améliorer le système, il faudrait toujours se rappeler que la convention sert de modèle. Donc, en réponse à votre question...

M. Rob Anders: Monsieur Lyndon, puis-je préciser ma question?

M. Greg Lyndon: Certes.

M. Rob Anders: Vous devez être au courant de ce que font d'autres pays lorsque la demande d'asile est rejetée et que le demandeur est renvoyé dans son pays. Avez-vous d'autres exemples à nous donner de ce que font les autres pays qui nous seraient utiles à cet égard?

M. Greg Lyndon: Si ce sont des exemples de ce qui se fait à l'étranger que vous voulez, Mme Kumin est certes la personne qui peut vous répondre.

Mme Judith Kumin: En ce qui concerne le renvoi de ceux dont la demande d'asile a été rejetée, je ne crois pas qu'il y ait beaucoup de pays qui font beaucoup mieux que le Canada, dans la mesure il existe des données statistiques à ce sujet. Le problème est épineux. Toutefois, il semble y avoir un changement dans les quelques pays qui ont mis en place, de concert avec un de nos organismes partenaires, soit l'Organisation internationale pour les migrations, un programme favorisant le départ volontaire de ceux dont la demande a été rejetée.

En Allemagne, où j'ai déjà travaillé, mais également en Belgique et en Hollande, le programme est en place. Il permet à ceux dont la demande d'asile a été rejetée et qui savent qu'ils ne peuvent demeurer plus longtemps au pays de profiter d'une certaine aide pour quitter volontairement le pays plutôt que d'attendre que la police vienne les chercher. Le programme a entraîné une augmentation du nombre de personnes qui partent volontairement. Les gouvernements ont décidé qu'il est dans leur intérêt d'offrir une aide financière à ceux qui quittent volontairement le pays plutôt que de faire des frais pour les renvoyer chez eux. Donc, on pourrait envisager la mise en place de programmes visant à favoriser les départs volontaires.

• 0950

Une autre possibilité est, bien sûr, d'exiger que la personne se présente après que la demande a été rejetée. Ce serait une autre option et une solution de rechange à la mise en détention. La personne dont la demande d'asile a été rejetée serait obligée de se présenter aux autorités et de communiquer ses projets concernant son départ.

M. Rob Anders: Vous avez parlé de simplifier le processus et de raccourcir l'échéancier. Ainsi, j'estime qu'une période de détention de six à neuf mois est trop longue. Ce que j'aimerais savoir, c'est s'il existe des pays qui, à votre avis, respectent tous les principes directeurs de la convention de 1951 et qui le font de manière expéditive. Y a-t-il des pays dont nous pourrions nous inspirer à cet égard?

Mme Judith Kumin: La convention de 1951 ne dit pas vraiment de quoi devrait avoir l'air la procédure de détermination du statut de réfugié. Le seul véritable principe directeur international que nous avons est la résolution 8 du comité exécutif du HCR. La plupart des pays tentent de mettre en place une procédure de première instance qui prendrait fin en moins de six mois. Certains tentent de limiter cette durée à moins de quatre mois. Les pays réussissent habituellement à le faire jusqu'à ce qu'ils soient confrontés, comme le Royaume-Uni l'an dernier, à une augmentation subite du nombre de demandes. L'an dernier, le nombre de demandes au Royaume-Uni a doublé.

M. Rob Anders: D'accord. Quels pays au juste cherchent à ramener cette période à quatre mois?

Mme Judith Kumin: Pour ce qui est de la procédure de première instance, l'Allemagne en est un, ainsi que le Royaume-Uni et le Danemark. On semble viser une période d'examen de première instance de quatre à six mois. Toutefois, ces pays prévoient tous une instance d'appel. Le défi se situe beaucoup plus au niveau de l'appel que de la première instance.

Le président: Je vous remercie.

Pour le bénéfice des membres du comité, je signale que l'étude comparative à laquelle vous avez peut-être fait allusion, Rob, devrait vous avoir été remise. Elle a été effectuée par notre propre administration et elle concerne la manière dont certains pays règlent des problèmes. Vous pourriez vouloir consulter ce document plus tard à cet égard. Naturellement, le comité en tiendra compte, parce que j'estime que c'était une des choses que nous voulions savoir, et je crois que les observations de Judith ont également été utiles.

Judith, si vous avez d'autres renseignements à nous communiquer au sujet de la question posée par Rob Anders, vous pouvez le faire à une date ultérieure. Ce que font d'autres pays pourrait nous intéresser. Nous ferions bon accueil à cette information.

Monsieur David Price.

M. David Price (Compton—Stanstead, PC): Je vous remercie d'avoir accepté notre invitation.

Vous avez mentionné que vous aviez travaillé en Europe. Vous êtes donc certainement au courant de la réunion qui a eu lieu l'automne dernier en Finlande. Malheureusement, le Canada n'y était pas, même pas en tant qu'observateur. Je serais donc manifestement curieux de savoir quel rôle le HCR a joué à cette réunion et de savoir ce qu'envisage de faire tout le groupe européen puisqu'il a décidé de se réunir et d'examiner le problème en tant que groupe.

Mme Judith Kumin: La réunion qui a eu lieu en Finlande l'automne dernier était le Sommet de Tampere. Pour la première fois, l'Union européenne tenait une conférence au sommet consacrée exclusivement à des questions d'immigration et d'asile. Le sommet était en réalité une façon symbolique de souligner la décision prise par les 15 États membres de l'Union européenne de constituer le plus possible une seule zone d'asile et d'immigration.

Nous avons cherché avec l'Union européenne à harmoniser les procédures d'asile des 15 États membres et leurs lois en la matière. De toute évidence, cet effort s'explique du fait que, lorsque vous établissez une seule zone politique, il faut établir une seule zone pour la libre circulation des biens et des personnes, et cela va influer sur la façon dont sont réglées les questions d'immigration et d'asile. En réalité, ce processus d'harmonisation progresse très lentement et pose bien des problèmes. Les 15 États membres continuent d'avoir des procédures d'asile parfois radicalement opposées, mais, ce qui est encore plus grave, d'interpréter de manière tout à fait différente la définition de réfugié.

Le HCR rappelle constamment aux quinze États membres qu'il faut d'abord harmoniser le droit en la matière—c'est-à-dire leur interprétation de qui est un réfugié—avant que les procédures harmonisées n'aient un effet sur la circulation des demandeurs d'asile au sein des quinze États membres, à la recherche du traitement le plus sympathique ou le plus favorable.

M. David Price: J'imagine cependant que c'était l'un de leurs objectifs, c'est-à-dire d'harmoniser la procédure.

Mme Judith Kumin: Oui. Toutefois, ils s'y sont attaqués en cherchant à harmoniser la procédure avant d'harmoniser le droit. Cela a donc eu très peu d'effets sur la circulation des demandeurs au sein des quinze États membres.

• 0955

M. David Price: Quand vous avez commencé à faire votre exposé, toutefois, vous avez mentionné que le Canada avait été à l'avant-garde, qu'il avait obtenu toutes sortes d'accolades. Ce n'est plus le cas depuis quelque temps, je suppose. Qui les obtient actuellement, ces accolades? Quel pays a la meilleure procédure?

Mme Judith Kumin: Si vous me demandez quel est le meilleur pays, il faudra préciser votre question. En fonction de quels critères?

M. David Price: Je parle du système de détermination du statut de réfugié, de son fonctionnement.

Mme Judith Kumin: Dans une certaine mesure, vous me demandez de comparer des pommes et des oranges. Il n'y a pas de système parfait, mais certains éléments des systèmes d'autres pays sont intéressants.

Ainsi, l'exemple du Danemark est intéressant. Il a intégré la principale association non gouvernementale danoise au processus de décision en vue de dégager un meilleur consensus public sur qui est un réfugié et qui ne l'est pas. Il a élaboré un mécanisme très intéressant dans le cadre duquel on élimine au départ les demandes manifestement sans fondement. Si, après l'examen initial, on juge que la demande est manifestement non fondée, le Conseil danois pour les réfugiés, le principal organisme non gouvernemental, est prié de signaler son accord ou son désaccord avec la décision. Si le conseil est d'accord, le demandeur n'a plus de recours, et c'est la fin du processus.

J'ai trouvé cet exemple fort intéressant parce qu'il montre qu'il y a moyen de dégager un meilleur consensus public au sujet de qui a besoin de protection et qui n'en a pas besoin.

Il y a de bons éléments dans différents systèmes. Ainsi, le système allemand a réussi à faire en sorte que la première entrevue ait lieu très rapidement après l'arrivée du demandeur. L'Allemagne a jugé que c'était la meilleure façon d'obtenir que le demandeur raconte son histoire dans ses propres mots, au tout début. Elle prévoit par après un processus d'examen et d'appel plutôt long—un processus d'examen judiciaire.

Un troisième modèle qui mérite peut-être qu'on s'y arrête est celui de pays qui prévoient plusieurs statuts, c'est-à-dire qu'il est possible d'y obtenir le statut de réfugié au sens de la convention de 1951, mais qu'on peut aussi y obtenir un statut de réfugié pour des raisons humanitaires si l'on n'est pas un réfugié au strict sens mais qu'on a besoin d'une protection quelconque. Cela aide aussi à dégager un consensus au sujet de qui est un réfugié et qui a besoin d'une autre forme d'aide. C'est un modèle très courant au Royaume-Uni, et les pays scandinaves et la Hollande prévoient des circonstances exceptionnelles dans lesquelles la personne peut demeurer au pays.

Donc, plutôt que d'affirmer qu'un système est parfait, il faut voir ce qu'il y a de bon dans les systèmes de plusieurs pays.

M. David Price: Vous avez mentionné les organismes non gouvernementaux au Danemark, ce qui est un concept intéressant et quelque chose que nous n'avons définitivement pas. Que pensez-vous de la manière dont sont choisis les membres de notre Commission de l'immigration et du statut de réfugié?

Mme Judith Kumin: Il ne m'appartient pas de dire comment les choisir, mais le HCR tient à ce que les personnes qui décident des demandes d'asile soient les plus qualifiées pour le faire. Donc, quel que soit le mécanisme que vous avez en place pour les choisir, il faut faire en sorte de choisir les personnes qui ont non seulement les compétences formelles pour le faire, mais également les qualités humaines.

Le président: Merci, David.

Monsieur Benoit.

M. Leon Benoit: Merci, monsieur le président.

J'aimerais revenir sur la question de la détention et des délais acceptables. Je pense que nous convenons tous que le processus applicable aux migrants qui sont arrivés par bateau n'est pas acceptable. Les délais sont trop longs.

Vous avez évoqué la nécessité d'accélérer le processus. À cette fin, vous préconisez un mécanisme d'appel au sein de la CISR. D'après vous, un processus d'appel acceptable consisterait à confier l'examen du cas à un autre fonctionnaire. Cela me semble plein de bon sens. À l'heure actuelle, le seul mécanisme d'appel est la Cour fédérale. Or, la Cour fédérale ne peut examiner de nouvelles informations; tout ce qu'elle peut faire, c'est examiner l'information recueillie par le premier agent d'examen.

Souhaitez-vous que l'agent d'examen examine de nouveau toutes les données du dossier et recommence le processus à zéro ou qu'il examine uniquement l'information recueillie initialement par son collègue? D'une façon ou d'une autre, cela accélérerait énormément le processus par rapport à ce qui se fait à l'heure actuelle, soit un appel auprès de la Cour fédérale qui change rarement l'issue.

Mme Judith Kumin: Dans un premier temps, l'agent d'examen examinerait l'information figurant au dossier. Dans la plupart des cas, il serait en mesure de rendre une décision en fonction de cette information.

• 1000

Nous estimons qu'il est important que l'agent d'examen puisse, à sa discrétion, exiger des renseignements supplémentaires au besoin ou même, s'il estime que c'est absolument nécessaire—et sans doute exceptionnel—entendre de nouveau la demande. Mais dans la majorité des cas, l'information figurant au dossier devrait suffire.

M. Leon Benoit: C'est là une suggestion ou une recommandation extrêmement valable et je pense que le comité devrait l'envisager très sérieusement. À mon avis, cela améliorerait et accélérerait sensiblement le processus. Par conséquent, j'ai bon espoir que cette recommandation se retrouve dans le rapport. Je vous en remercie.

Ce qui rend le processus de détermination du statut de réfugié tellement complexe, c'est la nécessité d'équilibrer la protection de la société, le bien-être des citoyens, et celui du demandeur, dans certains cas. Souvent, c'est un processus difficile et délicat, mais en l'absence d'équilibre, la population va perdre confiance dans le système et il y aura un ressac.

Nous avons constaté un début de ressac au Canada, et je pense que les choses pourraient empirer dans certaines circonstances, particulièrement s'il y avait de nombreux autres bateaux qui arrivaient l'été prochain ou à un autre moment. C'est certes une cause d'inquiétude. À l'heure actuelle, les Canadiens n'ont guère confiance dans notre système.

Si l'on regarde la situation dans d'autres pays du monde et que l'on compare leur taux d'acceptation à celui du Canada... si l'on considère le taux officiel d'acceptation des réfugiés, il se situait à 44 p. 100, si je ne m'abuse, en 1998. En fait, nous savons que seulement 20 p. 100 des demandeurs quittent le pays. Il n'y a absolument aucune preuve que plus de 20 p. 100 quittent le pays, ce qui nous donne un taux d'acceptation effectif d'environ 80 p. 100. Lorsque la population voit cela...

Le président: C'est un calcul intéressant.

M. Leon Benoit: Non, c'est la réalité. S'ils ne quittent pas le pays, ils ont atteint leur objectif, qui est de rester ici. C'est véritablement ce qui s'est passé au Canada en 1998. Je ne pense pas que l'on puisse réfuter ces faits. D'ailleurs, nous en avons déjà parlé.

Le président: Sauf qu'il y a parfois une ordonnance ou un avis d'expulsion dans le dossier, mais...

M. Leon Benoit: Dans le dossier, mais si ces gens-là sont toujours ici, ils ont réussi à atteindre leur objectif et, bien sûr, le message se répand dans le monde entier.

En ce qui a trait à l'intégrité de notre système, deux choses se produisent. Il y a une érosion de la confiance des citoyens canadiens et le message se répand dans le monde que pour quiconque cherche un pays où aller, qu'il soit réfugié ou non, la meilleure façon de s'y prendre est d'aller au Canada et de faire appel au système de réfugiés car il y 80 p. 100 de chances d'être autorisé à rester, que l'on soit accepté comme réfugié ou non.

Le président: Est-ce votre question, monsieur Leon?

M. Leon Benoit: C'est une observation et j'aimerais une réaction.

Mme Judith Kumin: C'est curieux, mais chaque pays s'imagine être la destination idéale. Le Canada, qui a reçu quelque 3 000 demandes d'asile l'an dernier, pense être la destination de choix. Le Royaume-Uni a reçu l'année dernière 91 000 demandes d'asile, de sorte que vos homologues en Grande-Bretagne sont aussi convaincus que leur pays est une destination privilégiée. En Allemagne, il y a eu 95 000 demandes, ce qui en faisait un pays très recherché. De toute évidence, ce n'est pas...

M. Leon Benoit: Certains de ces pays sont beaucoup plus accessibles géographiquement.

Mme Judith Kumin: Oui, il est vrai que pendant longtemps le Canada a été protégé par sa géographie, mais je voudrais enterrer cette idée fausse selon laquelle le taux d'acceptation du Canada est de loin supérieur à celui des autres pays, car cela n'est pas vrai. En fait, on a tendance à comparer des pommes et des oranges. Considérons le taux d'acceptation du Canada, et par là j'entends l'acceptation par la CISR de demandeurs de statut de réfugié, et le taux d'acceptation en vigueur dans d'autres pays, tout en prenant en compte l'octroi du statut de réfugié ou d'un quelconque statut de fait ou de statut B comme cela se produit dans les pays scandinaves ou aux Pays-Bas, et l'on obtient des chiffres comparables.

Ainsi, l'année dernière, le taux d'acceptation au Danemark a été de 68 p. 100. Ce sont les chiffres de 1998 car je n'ai pas ceux de 1999. En Suède et en Finlande, c'était 50 p. 100. En Norvège, 45 p. 100. L'année dernière, au cours de l'exercice financier 1999, aux États-Unis, pays dont les gens croient communément qu'il a un faible taux d'acceptation, il faut voir ce qui s'est passé dans trois instances: l'INS, le tribunal de l'immigration et le tribunal d'appel. Le taux d'acceptation au niveau de la première instance, l'INS, était déjà de 38 p. 100, avec 13 p. 100 pour le tribunal de l'immigration et 15 p. 100 pour le tribunal d'appel. Par conséquent, on obtient pour l'exercice financier 1999 un taux d'acceptation aux États-Unis qui dépasse aussi les 50 p. 100. Il n'est plus vrai que les taux du Canada se démarquent de ceux des autres pays.

• 1005

M. Leon Benoit: Pour ce qui est des États-Unis, le nombre des demandes a chuté radicalement depuis 1995, passant de 150 000 en 1995 à 35 000 en 1998.

Mme Judith Kumin: Exact.

M. Leon Benoit: Le message a été envoyé.

Mme Judith Kumin: C'est exact.

Le président: Merci.

Steve Mahoney.

M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Merci, monsieur le président. J'aimerais poursuivre dans la même veine car les membres de l'opposition, et en particulier du Parti réformiste, véhiculent l'image que le Canada est une passoire et que d'une façon ou d'une autre, nous devons envoyer un message à l'effet contraire.

Je m'intéresse à certains chiffres que vous avez cités. Vous avez montré que nous acceptions environ 5 p. 100 en comparaison de 24 autres pays. Cela n'a quelque peu étonné.

Votre observation, selon laquelle où que l'on se trouve, dans n'importe quel pays, il semble que chacun pense être victime d'abus m'a beaucoup intéressé. D'après ce que vous nous avez montré, ce n'est pas nécessairement le cas.

Il y a une ou deux choses sur lesquelles je voudrais revenir, la première étant cette image que le Canada pèche par mollesse. J'aimerais avoir votre réaction.

Je vais poser mes questions et dans le bref temps qui m'est imparti, vous pouvez y répondre.

J'aimerais aussi que vous commentiez une remarque qui a été faite tout à l'heure—je crois par M. Benoit—et il me reprendra si je me trompe—, selon laquelle un certain nombre de réfugiés qui arrivent ici, les réfugiés de la mer dont nous avons parlé, savent pertinemment qu'ils devront travailler pour rembourser leur dette. Nous savons que cela consiste à travailler, entre autres, dans des domaines aussi bien connus que la prostitution, le trafic des stupéfiants...

Une voix: La politique.

M. Steve Mahoney: Je doute que la politique entre dans l'équation, mais on ne sait jamais, n'est-ce pas? Notre pays est le pays de la liberté.

Des voix: Oh, oh!

M. Steve Mahoney: Quoi qu'il en soit, compte tenu de votre rôle, je me demande si vous savez dans quelle mesure ces migrants sont au courant. Vivent-ils en fait dans une région du monde—et je n'ai jamais visité cette province—totalement privée de communications? N'ont-ils aucune éducation? Sont-ils entièrement dupes? Pourquoi pensent-ils qu'ils viennent ici? Et à quoi s'engagent-ils?

Mme Judith Kumin: Pour répondre à la première partie de votre question, l'année dernière, en 1999, en Europe—et par «Europe» j'entends les 28 pays d'Europe qui reçoivent des demandes d'asile et non seulement les États de l'Union européenne—, 440 000 demandes d'asile ont été logées. Cela vous donne une idée de l'ampleur du phénomène. De ce total, 20 p. 100 ont été présentées en Allemagne et 20 p. 100 au Royaume-Uni. Ces deux pays assument un fardeau particulièrement lourd, mais la Suisse a reçu, elle aussi, près de 50 000 demandes. Or, comme la population de la Suisse n'est que d'un peu plus de huit millions d'habitants, elle a été frappée durement par le problème l'année dernière.

Je ne suis pas sûre que le Canada soit... je n'aime pas l'expression «trop mou». Je ne pense pas que le nombre de demandeurs venant au Canada soit disproportionné par rapport à celui que l'on voit dans d'autres pays, et je ne pense pas non plus que notre taux d'acceptation soit disproportionné par rapport à ceux des autres pays qui font une interprétation juste de la définition de réfugié.

Le fait que certains pays adhèrent à une interprétation trop restrictive de la définition de réfugié pose un problème. En Allemagne, la définition de réfugié est restreinte. Selon l'interprétation allemande, cela vise uniquement les personnes à risque de la part de l'État et non les personnes à risque de la part d'agents non étatiques comme les parties à une guerre civile. Cette interprétation restrictive donne lieu à un taux d'acceptation douloureusement bas et cause énormément de difficultés aux demandeurs. Par conséquent, on peut peut-être taxer le Canada de mollesse, mais ce qu'on devrait dire, c'est que le Canada a jusqu'ici donné une interprétation juste, à notre avis, de la définition de réfugié.

Au sujet des migrants chinois, la migration en provenance de la province de Fujian est un phénomène historique. C'est une région de Chine d'où les gens ont toujours migré. Il y a dans les familles une longue tradition qui consiste à envoyer une personne à l'étranger pour ouvrir la voie, pour travailler et pour renvoyer de l'argent. Fréquemment, on envoie le fils le plus fort, le plus intelligent, la fille la plus jolie. C'est une tradition que nous avons également constatée au Vietnam à la fin des années 70 et au début des années 80.

• 1010

Quant à savoir si ces personnes réalisent vraiment ce dans quoi elles s'embarquent, à ma connaissance, pas vraiment. Chose certaine, ces migrants savent qu'ils devront travailler, mais de façon générale, ils ne sont pas au courant des conditions qui les attendent. Ils ne savent pas qu'essentiellement, ils seront les otages des passeurs et que dans bien des cas, ils seront confinés au sous-sol d'un restaurant ou dans une maison close. Ils s'imaginent qu'ils vont à New York ou à Los Angeles pour travailler, mais dans leur esprit, cela évoque une certaine liberté. Ce qu'ils constatent à leur arrivée, c'est qu'ils sont tout, sauf libres.

Voilà pourquoi le fait que cette information commence se répandre dans le village d'où viennent ces personnes est un facteur très important.

Le président: Monsieur Bigras, ensuite M. Telegdi et M. McKay

[Français]

M. Bernard Bigras: J'aimerais poser une seule question. Je fais un peu appel à votre expertise et à votre expérience sur le plan international.

Une association, dont je ne révélerai pas le nom et que vous allez peut-être reconnaître, a soumis hier la recommandation suivante. Compte tenu que plusieurs passagers clandestins arrivant par bateau de Roumanie ou de certains pays d'Europe n'utilisent pas, dans leur pays d'origine, le processus de sélection outre-mer ou le processus de demande de statut de réfugié qu'offrent nos ambassades ou nos consulats, cette association recommandait que le Canada désigne certains pays européens à titre de tiers pays sûrs où pourraient être étudiées les demandes de statut de réfugié et signe avec ces pays européens des ententes bilatérales. Lorsque des passagers clandestins arriveraient au Canada, on serait en mesure de les renvoyer dans ces tiers pays sûrs afin que leur demande puisse être étudiée dans leur pays d'origine.

Je voudrais savoir ce que vous pensez de cette recommandation-là. Y êtes-vous favorable et est-ce faisable?

[Traduction]

Mme Judith Kumin: Je vous mets en garde: il ne faut pas confondre le concept du pays tiers sûr avec celui du pays d'origine sûr. Ces deux mécanismes sont largement utilisés en Europe.

Je pense que vous parlez du pays tiers sûr. C'est ce qui se passe lorsqu'un demandeur d'asile a transité par un autre pays où il aurait pu, ou peut-être dû, demander asile. Un tel mécanisme existe sous la forme de la convention de Dublin. Il s'agit d'une convention multilatérale à laquelle 15 États européens sont partie, qui précise quel État a la responsabilité d'examiner une demande d'asile.

Nous pensons que des arrangements formels entre Etats—et je souligne le terme «formels»—peuvent être un mécanisme utile pour établir où loge la responsabilité de l'examen d'une demande d'asile. Il est très important que ce soit un mécanisme officiel et qu'il garantisse que le demandeur aura la possibilité de présenter sa demande dans un tiers pays et ce, dans le contexte d'une procédure exhaustive et équitable conforme aux normes internationales. Toute personne reconnue comme réfugiée aura la possibilité d'obtenir l'asile au sens de la Convention de Genève.

Malheureusement, nous constatons que l'on renvoie souvent les demandeurs d'asile à un tiers pays prétendument sûr en l'absence de toute entente formelle entre Etats. Il s'ensuit une sorte de joute de ping-pong où le demandeur est renvoyé d'un premier Etat à un deuxième, qui le renvoie à un troisième, et ainsi de suite. C'est une déportation en chaîne et l'on ignore où le demandeur aboutira.

En somme, les mécanismes du tiers pays sûr peuvent constituer un outil utile, pourvu qu'il fasse l'objet d'ententes officielles assorties de garanties appropriées.

L'autre mécanisme que vous avez mentionné, celui du pays d'origine sûr, est un outil de procédure auquel ont recours un grand nombre de pays pour identifier les demandeurs en provenance de pays où, de façon générale, il est présumé qu'il n'existe pas de risques sérieux de persécution. Ces procédures sont appliquées dans le contexte européen et nous avons décidé de ne pas nous y opposer, pourvu que le demandeur ait la possibilité de réfuter l'hypothèse selon laquelle il serait en sécurité. Autrement dit, l'Allemagne estime que la Roumanie est un pays d'origine sûr, de sorte que les demandeurs roumains sont réputés ne pas être des réfugiés. Cependant, il faut qu'il y ait une audience où le demandeur puisse affirmer que tous les autres Roumains sont en sécurité, mais que lui-même est persécuté et puisse raconter son histoire. Si cette possibilité de réfuter les allégations existe, à ce moment-là, cette procédure peut aussi être un outil efficace pour rationaliser un processus croulant sous le trop grand nombre de demandeurs.

• 1015

Le président: Merci.

Andrew Telegdi.

M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Je vous remercie beaucoup, particulièrement pour cette information selon laquelle le Canada n'est pas une passoire. Nous vous remercions tous pour cela et en particulier M. Benoît, j'en suis sûr.

Le président: Allons, allons. Je sais que vous vous êtes ennuyé jusqu'ici.

M. Andrew Telegdi: Ce qui est dérangeant, c'est de recevoir des demandes de réfugiés en provenance de pays démocratiques. Évidemment, ce sont les droits humains des minorités qui sont en cause. Que peut faire le Haut Commissariat pour les réfugiés afin de promouvoir les droits humains des minorités dans ces pays pour que nous ne nous retrouvions pas avec un problème de migration?

Mme Judith Kumin: La promotion du droit des minorités relève davantage de nos collègues du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de la personne. De plus, le Commissaire aux minorités nationales de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, Max van der Stoel, travaille à ce dossier avec beaucoup de diligence. Nous nous sommes intéressés de près aux questions des droits des minorités en Europe centrale puisqu'elles sont liées aux questions de citoyenneté. Par exemple, lorsque la Tchécoslovaquie a rédigé sa loi sur la citoyenneté, le HRC l'a conseillée en sa qualité d'expert pour faire en sorte que cette nouvelle mesure législative ne porte pas atteinte aux droits des minorités nationales, et en particulier les Tsiganes. Mais le traitement réservé aux minorités dans le quotidien—accès à l'éducation, bien-être social, etc.—ne relève pas, à strictement parler, de notre mandat. C'est celui de nos collègues du Haut Commissariat aux droits de l'homme.

M. Andrew Telegdi: Je vous remercie. En fait, vous avez mentionné le groupe auquel je pensais, qui a présenté des instances auprès de M. McKay, les Tsiganes de la République tchèque. Je sais que vous collaborez avec d'autres organismes de l'ONU, mais je voudrais savoir dans quelle mesure vous avez des liens étroits avec le Commissaire aux droits de l'homme des Nations Unies?

Mme Judith Kumin: Nous travaillons très étroitement avec le Haut Commissariat aux droits de l'homme et surtout, en Europe centrale et de l'Est, avec l'OSCE, qui est très présente sur le terrain dans ces pays. Nous avons dans tous les pays d'Europe centrale et orientale des représentants, des bureaux qui surveillent la situation des minorités, de même que celle des réfugiés et des demandeurs d'asile. En effet, il y en Europe centrale une situation plutôt curieuse.

Ces nouveaux pays démocratiques demeurent dans une certaine mesure des pays d'où originent des mouvements vers d'autres régions, mais ils sont aussi largement devenus des pays d'accueil. L'an dernier, par exemple, la République tchèque a reçu 7 000 demandes d'asile d'autres ressortissants, soit le double de l'année précédente. Quant à la Hongrie, elle a reçu l'an dernier 11 000 demandes d'asile, soit cinq fois plus que l'année précédente.

Nous traversons donc une période de transition au cours de laquelle deux phénomènes se produisent concurremment. Cela dit, ces pays font des efforts méritoires pour régler le problème de la discrimination contre les minorités nationales, en particulier les Tziganes, et cela vaut particulièrement pour la Hongrie et la République tchèque. C'est une chose que d'adopter une loi visant à éliminer la discrimination officielle, mais c'en est une autre que de changer la mentalité des gens qui exercent cette discrimination. Cela prend du temps.

• 1020

Le président: Merci.

Nous allons passer à John McKay.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Merci, monsieur le président.

Après avoir pris connaissance de votre graphique sur les demandes d'asile soumises dans les pays industrialisés entre 1990 et 1999, ma question s'inscrit dans le même sens que celle de mes collègues. Comment le Canada se compare-t-il aux autres? Je trouve renversant les deux lignes du bas où figure le pourcentage de l'Amérique du Nord par rapport au pourcentage du Canada. De façon générale, de 1993 jusqu'à maintenant, le pourcentage des demandes d'asile aux États-Unis a rétréci comme une peau de chagrin. En 1993, le Canada représentait 2,8 sur 22,6 et en 1994, 4,4 sur 33,6 mais la dernière année pour laquelle vous avez des statistiques complètes, le ratio s'établit à un sur deux. Je suis curieux de savoir ce qui s'est produit. Quelle réalité cache ces statistiques? Comment se fait-il que même si nos chiffres ont décliné, ceux des Américains ont chuté radicalement? Que cache ces statistiques?

Mme Judith Kumin: Je ne sais pas si je pourrai vous donner une explication satisfaisante sans consulter les données non regroupées. Il faudrait voir si ce déclin peut être attribué à une baisse du nombre de demandes en provenance de certains pays d'origine et s'il y a une explication à cela, que ce soit du côté du pays d'origine ou du côté du pays d'accueil.

Je n'ai pas le tableau sous les yeux, mais il serait malhonnête de ma part de ne pas admettre que la nouvelle loi entrée en vigueur aux États-Unis en 1996, si je ne m'abuse, a sans doute eu une incidence. Chose certaine, nous avons vu en Europe que lorsqu'un pays adopte des mesures restrictives, les gens ne disparaissent pas en fumée. Ils vont ailleurs. C'est un peu comme presser un ballon. Si un pays adopte des mesures très restrictives, il est logique de s'attendre à une augmentation des demandes dans le pays voisin. Nous avons constaté ce chassé-croisé au début des années 90 entre l'Allemagne et la Hollande; nous l'avons vu également à la fin des années 90 entre l'Allemagne et la Suisse; et maintenant, c'est entre l'Allemagne et le Royaume-Uni que cela se passe.

Voilà pourquoi notre organisation estime que l'harmonisation de la législation et des procédures est tellement nécessaire et que les gouvernements... nous vivons dans un village global où les gens peuvent se déplacer très facilement, et il est très important que les gouvernements réalisent un consensus quant à savoir qui a besoin de protection et qui n'en a pas besoin et quels avantages il convient de leur conférer. De cette manière, on élimine toute possibilité de «shopping». On garantit aussi que les personnes ayant besoin de protection trouveront cette protection dans le premier pays sûr qu'ils atteindront et qu'ils ne seront pas incités à continuer de se déplacer à la recherche d'une instance plus favorable à leur demande.

M. John McKay: Une meilleure chance de rentrer.

Voulez-vous parler de la législation manifestement non fondée où l'agent peut simplement dire: «Votre revendication est de toute évidence non fondée. Repartez chez vous»? Est-ce dont vous voulez parler?

Mme Judith Kumin: Dans la législation américaine de 1996, trois objectifs sont poursuivis. Je ne suis pas spécialiste en la matière, mais un genre de tri à la frontière est prévu, c'est ce dont vous parlez. Un processus d'admissibilité à la procédure—beaucoup plus sévère—est également prévu; en d'autres termes, les critères en matière de criminalité qui vous excluent de la procédure sont resserrés. C'est...

M. John McKay: Pouvez-vous expliquer ce que cela veut dire réellement?

Mme Judith Kumin: Tout crime de violence assorti d'une peine d'une année ou plus vous exclut de la procédure d'octroi d'asile.

M. John McKay: D'accord.

Mme Judith Kumin: Cela vise tout vol criminel assorti d'une peine d'une année ou plus et toute fraude criminelle se traduisant par une perte de plus de 10 000 $ pour la victime. En d'autres termes, les crimes sont très clairement définis et les critères très resserrés. Combiné avec le tri à la frontière, cela entraîne certainement un effet de dissuasion. L'autre facteur de dissuasion, que nous n'apprécions vraiment pas, c'est le vaste recours à la détention.

Le président: Merci.

John, vous avez une question.

M. John Bryden: Oui, j'ai une question. Je suis très intéressé par le demandeur d'asile qui n'est pas coopératif, comme vous avez pu vous en apercevoir d'après ma première question.

• 1025

Ma question se compose de deux volets. Est-ce que ce phénomène de la personne qui arrive sans papiers et qui refuse de révéler son identité se produit de plus en plus souvent? Deuxièmement, comment les autres États réagissent-ils, puisque tous les États ont le même problème? Y a-t-il de plus en plus d'États qui essayent de renvoyer ces gens dans leur pays d'origine?

Mme Judith Kumin: Je dirais que ce phénomène se produit de plus en plus, parallèlement aux mesures restrictives prises par les États en vue de limiter l'accès à leur territoire. Si je prends l'Allemagne à titre d'exemple, car c'est un exemple intéressant, avant le changement législatif de 1993, quiconque se présentait à la frontière allemande en disant qu'il était réfugié et qu'il demandait l'asile devait être admis à la procédure. Personne n'était encouragé à présenter de faux papiers ou à détruire ses papiers, car tout un chacun savait qu'il aurait droit à une audience. À partir du moment où vous limitez l'accès au territoire et l'accès à la procédure, vous incitez les gens soit à passer la frontière illégalement soit à se présenter avec de faux papiers. Par conséquent, oui, ce phénomène se produit plus souvent.

M. John Bryden: Je ne veux pas parler des faux papiers, mais du refus de révéler son identité. Vous n'avez pas...

Mme Judith Kumin: Désolée, j'ai mal compris la question.

M. John Bryden: Nous sommes tous au courant des faux papiers. Je veux parler du demandeur d'asile qui n'est pas coopératif et qui refuse de révéler son identité.

Mme Judith Kumin: Je ne sais pas. Je n'ai pas de statistiques sur ce phénomène et je ne peux pas vous dire s'il se produit plus souvent. Je pourrais essayer d'en obtenir, mais je pense que ce serait difficile.

M. John Bryden: Vous ne savez donc pas si d'autres États ont renvoyé ces gens sommairement. Vous avez fait allusion à cette possibilité.

Mme Judith Kumin: Nous espérons certainement que les États ne renvoient pas les gens sommairement. Le phénomène qui nous inquiète véritablement est celui des contrôles à la porte passagers ou des contrôles à bord des avions, car ils se déroulent dans une zone grise que personne ne peut contrôler. Si la police frontalière monte à bord d'un avion à l'aéroport de Francfort et si, avant que les passagers puissent se lever, elle demande les papiers et que certains ne descendent pas d'avion, ni vous ni moi n'en serons jamais informés. Ce que nous voulons, c'est que le processus de demande d'asile soit transparent et c'est ce qui se passe dans ces zones grises qui nous inquiète.

Le président: Leon... soit dit en passant, nous avons un vote à 10 h 45, si bien qu'il nous reste encore un peu de temps.

M. Leon Benoit: Le président m'a dit que je ne pouvais pas faire mon discours sur le fait que le Canada est un pays peu exigeant, mais j'ai quatre arguments solides en faveur de cette théorie. J'ai également deux questions très rapides à poser.

J'aimerais vous poser une question au sujet des États-Unis. À partir de ce que nous avons entendu, croyez-vous que les États-Unis respectent en général la convention NU?

Le président: Payent-ils leurs cotisations?

M. Leon Benoit: Deuxièmement, vous avez parlé plus tôt de départ volontaire. Ces départs volontaires sont-ils contrôlés?

C'est une question à deux volets bien distincts.

Mme Judith Kumin: Le deuxième volet est plus facile que le premier, si bien que je vais répondre en premier lieu à cette deuxième partie de la question. Les départs volontaires sont contrôlés et c'est une des raisons pour lesquelles ils sont attrayants pour les États. En fait, dans le programme que je connais bien, le programme allemand, la subvention que reçoit la personne qui s'en va est versée au moment où elle passe le contrôle de l'immigration à l'aéroport, avant son départ. Il y a donc un contrôle.

Je ne veux pas répondre à votre première question aussi directement que vous le souhaiteriez sans doute, mais ce que je peux dire, c'est que ces dernières années, la procédure d'octroi d'asile aux États-Unis nous a beaucoup préoccupés. Ce n'est un secret pour personne, je crois, que cette procédure était fondée sur des partis pris idéologiques, surtout avant l'adoption du Refugee Act en 1980. Avant 1980, les réfugiés aux États-Unis étaient définis comme provenant de pays communistes et de pays du Moyen-Orient. Il n'y avait pas d'autres définitions, mais les choses ont bien évolué depuis. Pour ce qui est des décisions importantes, je crois que nous pouvons dire que la procédure est de plus en plus satisfaisante de notre point de vue.

Comme je le disais en réponse à la question précédente, ce qui nous inquiète, c'est ce qui se passe au point d'entrée—ce n'est pas toujours transparent—ainsi que le problème de la détention, car ces personnes sont détenues en grand nombre avec des criminels de droit commun de tout le pays et d'une manière qui n'est pas non plus nécessairement transparente. Ce sont les deux points qui occupent le plus mon homologue à Washington.

Le président: Merci. Je me demande si le président pourrait poser une question, car nous allons bientôt partir.

Judith, tout d'abord, je tiens bien sûr à vous remercier pour votre exposé et celui de vos collègues. Vous remarquez d'après le nombre de questions et le temps que nous prenons que bien entendu, les données que vous nous avez fournies revêtent une grande importance pour nous. Vous nous avez donné un plan, en quelque sorte, des mesures prises par d'autres pays, d'après votre expérience; c'est à mon avis très utile.

• 1030

J'aimerais revenir à votre point de départ. Comme vous le savez, nous avons parlé un peu de la confiance du public. Je crois que nous sommes tous d'accord pour dire que c'est essentiel si nous voulons continuer à avoir une politique relative aux réfugiés qui soit généreuse et compatissante. Notre ministre a indiqué que nous voulons faire en sorte que la porte d'en-avant reste ouverte pour les réfugiés authentiques.

Certains de mes collègues ont parlé des passeurs et du trafic, tout comme vous. L'activité criminelle qui semble prédominer—bien que les victimes soient les personnes qui sont en fait utilisées comme gages ou comme devises—c'est le recours à la porte arrière et nous voulons tout faire pour qu'elle soit fermée.

J'aimerais vous poser cette question, car les passeurs, ceux qui font le trafic de personnes, deviennent des agents de fait et ce sont eux qui décident qui peut venir dans notre pays. Ce qui m'inquiète un peu, c'est que ceux qui devraient décider qui peut venir dans notre pays, que ce soit ailleurs ou ici, ce sont les agents de l'immigration, les ONG, etc., alors qu'à l'heure actuelle, ce sont les trafiquants qui en fait choisissent ceux qu'ils veulent ou ceux qui peuvent se permettre de payer. Quiconque peut en fait signer ce contrat de travail sont spécialement autorisés par eux à venir dans notre pays.

Tout ce qui a trait à la criminalité m'inquiète bien sûr. Je ne veux pas que ce soit des criminels qui choisissent les 12, 15, 50 ou 500 personnes qui vont venir dans notre pays, tout simplement parce qu'ils l'ont décidé. De toute évidence, nous n'avons pas droit à la parole. Ce contrat doit avoir...

Cela vous inquiète-t-il? Je sais que vous avez parlé de mesures de prévention et autres, mais nous devons pouvoir isoler l'activité criminelle qui existe. Ces gens sont en fait devenus des agents qui choisissent ceux qui ont la chance de venir au Canada ou dans un autre pays; par conséquent, comment faites-vous pour éviter pareille situation?

Mme Judith Kumin: Monsieur le président, permettez-moi de dire que je me sens un peu coupable de prendre le temps des autres témoins.

Le président: Non, la séance devait durer jusqu'à midi. Il a toujours été prévu de vous accorder au moins une heure ou une heure et demie et de passer ensuite à Mme Jackman, etc.

Mme Judith Kumin: Pour répondre à votre question, je commencerais par dire que bien sûr il y a beaucoup plus d'immigrants légaux qui arrivent au Canada chaque année que de demandeurs d'asile qui sont au nombre de 30 000, environ. La migration légale continue d'être la principale voie d'accès. Je comprends bien sûr votre inquiétude au sujet des groupes de criminels qui semblent avoir mis en place une procédure parallèle dans une certaine mesure, mais je ne pense pas que la majorité—même les demandeurs d'asile—qui viennent dans votre pays sont les victimes de groupes criminels.

Il est important, je crois, de redire que d'après nous, la procédure qui permet de décider qui a besoin de protection et qui n'en a pas besoin est fondamentalement bonne. Nous pensons que certains rajustements peuvent être apportés, mais le système est fondamentalement valable; il faudrait donc ne pas succomber à la tentation de jeter le bébé avec l'eau du bain.

C'est au niveau des États qu'il faut s'attaquer au crime organisé. Un seul État ne peut pas vraiment faire grand chose et les organisations humanitaires ne peuvent pratiquement rien faire.

J'ai été très choquée d'entendre l'un de mes collègues de l'Organisation internationale pour les migrations dire récemment que c'est parce que les peines sont si minimes que le trafic de personnes est devenu si attrayant et si lucratif. Si vous faites le trafic de drogues, vous pouvez passer le reste de vos jours en prison dans la plupart des pays industrialisés, mais si vous faites le trafic de personnes, la peine est vraiment très minime.

Le président: Oui, et nous allons bien sûr nous pencher sur cette question.

Vous avez également dit que pour bien de ces problèmes, des solutions internationales s'imposent, y compris des définitions et des procédures internationales. Vous venez de parler des relations entre deux États, mais je pense que nous avons également grand besoin d'une solution internationale. De toute évidence, les Nations Unies pourraient jouer ce rôle et permettre de venir à bout de ce phénomène qui se produit de plus en plus.

Je vous souhaite bonne chance dans votre travail et ces voeux s'adressent à vous-même ainsi qu'à vos collègues, MM. Lyndon et Tezier. Merci beaucoup d'être venus et de nous avoir donné autant d'information. Cela a été des plus utiles et nous tenterons de nouveau l'expérience.

J'aimerais dire aux autres témoins que nous allons revenir. Nous avons un vote à 10 h 45 et devrions être de retour à 11 heures, ce qui nous donne une heure pour Tom Clark et Barbara Jackman.

Merci. La séance est suspendue.

• 1034




• 1225

Le président: Reprenons. Si je comprends bien, les interprètes ne reçoivent pas le signal, mais l'enregistrement, oui. Je ne pense pas que nous ayons besoin d'interprétation pour l'instant; en attendant l'arrivée du technicien, je pense que vous pouvez reprendre l'enregistrement, vu que la plupart de la traduction se fera au moment de la transcription, etc.

Je pense que nous pouvons commencer, madame Jackman.

Mme Barbara Jackman (témoignage à titre personnel): J'aimerais vous inviter à demander à certains de ceux qui sont passés par le processus de réfugiés de venir vous parler. Je l'ai fait il y a quelques années avec certains de mes clients, parce que le comité m'avait invitée à trouver certains demandeurs du statut de réfugié. Ils sont venus et se sont adressés aux membres du comité.

Je pense qu'il est très important que les membres du comité comprennent la portée humaine de ce problème. Si vous vous demandez pourquoi les gens sont sans papiers, demandez-leur. Il y a toutes sortes de gens qui sont passés par le processus au Canada et qui, j'en suis sûre, aimeraient bien venir vous parler des problèmes que pose le processus. C'est un point.

Le deuxième point, c'est que j'ai un peu de difficulté à accepter que l'on dise que le Canada est un pays peu exigeant. D'après les propos des représentants du HCR de ce matin, il est clair que notre pays n'est pas différent de la plupart des autres, mais il s'agit, d'après moi, d'un signal que l'on donne aux criminels, aux terroristes et à tous les étrangers pour les inciter à venir au Canada. C'est irresponsable d'annoncer à la terre entière que nous sommes un pays facile. Cela m'inquiète, surtout lorsque je sais que nous ne sommes pas vraiment différents des autres pays.

Le troisième point porte sur les personnes sans papiers. Il se peut qu'il y en ait plus aujourd'hui, mais ce n'est pas un problème récent. Une étude sur le sujet a été faite par le HCR il y au moins 10 ans et les statistiques du Canada à cette époque indiquaient que 25 p. 100 des personnes qui arrivaient ici étaient sans papiers. D'après mon expérience, pour la plupart des gens qui passent par le système de réfugiés, l'identité finit par être précisée avant la fin du processus grâce à d'autres papiers comme les actes de naissance, les permis de conduire... tout ce qui peut révéler leur identité.

Le quatrième point porte sur les retards et l'accélération du processus. Les principaux retards se retrouvent au sein du ministère de l'Immigration et de la Cour fédérale. La Commission de l'immigration et du statut de réfugié, d'après ce que je peux voir, a fait beaucoup de progrès en matière d'accélération du processus. Le vrai problème se pose au niveau du ministère de l'Immigration. Depuis 20 ans que je pratique, ce ministère ne sait pas comment s'organiser, comment être efficace et la situation empire d'une année à l'autre. La Cour fédérale connaît les mêmes genres de problèmes. Elle a besoin de plus de juges ou bien ces derniers ont besoin d'aide pour gérer leurs dossiers.

Le dernier point qui découle de ce qui a été dit ce matin, c'est la question des personnes venant de pays démocratiques. Trop souvent, nous qualifions de «démocratiques» les pays qui commettent d'extrêmes violations des droits de la personne contre les minorités. Je ne crois pas que vous puissiez considérer ces pays comme démocratiques, même si le droit de vote y existe. Certaines des revendications les plus fondées sont présentées par des personnes qui viennent de ces pays soit disant démocratiques.

Pour ce qui est de l'accélération du processus, je voulais tout d'abord dire que dans le processus de reconnaissance, il me semble qu'il faut préserver à la fois l'accès universel, de façon juste et équitable, et un traitement humanitaire. D'après moi, la détention n'est pas un traitement humanitaire. L'Europe prend beaucoup de mesures de détention. Antonio Cassese, juge à la Cour internationale de justice, a publié un document—un livre en quelque sorte—sur ces problèmes. Il souligne les très graves risques que présente un traitement non humanitaire—un traitement cruel—lorsque les pays adoptent une politique de détention dans le cas des personnes qui présentent des revendications.

Je pense qu'il est possible de prendre des mesures positives à propos des revendications répétées. Je crois qu'au lieu de les éliminer complètement, on peut adopter le principe de demande d'autorisation permettant aux gens de montrer qu'ils ont de bonnes raisons de présenter une revendication répétée ou de faire examiner de nouveau la revendication qu'ils ont déjà présentée—par écrit. C'est une façon de se débarrasser de tous les cas à répétition—plus de fermeté.

La Commission de l'immigration et du statut de réfugié pourrait adopter un mode alternatif de règlement des conflits. La section d'appel a recours à un mode alternatif de règlement des conflits pour les appels concernant une personne parrainée et pour l'expulsion—essentiellement pour les appels concernant une personne parrainée. La section du statut de réfugié ne l'a pas adopté. C'est un merveilleux système, informel, qui dure une heure environ et qui permet de régler bien des cas.

Pour ce qui du fait que certains dossiers ne sont plus dans le système—et des inquiétudes à ce sujet—je dirais que c'est souvent une question de conviction quant à la crédibilité d'une personne. Un mode alternatif de règlement des conflits règle ce genre de problème et pourrait, je crois... pour ce qui est des mariages, je sais qu'à la section d'appel, 60 p. 100 des cas sont réglés grâce au mode alternatif de règlement des conflits, sans qu'une audience d'appel ne s'impose. C'est un point.

• 1230

La nomination d'un seul membre au lieu de deux est une option évidente. Vous allez, je crois, vous heurter à beaucoup de résistance à moins que le gouvernement ne mette de l'ordre dans le processus de nomination. On a toujours dit que les nominations devaient se faire au mérite. Pendant des années, le gouvernement—ce gouvernement, le dernier, peu importe—a fait des nominations politiques et continue de le faire. Ce n'est pas bien, compte tenu des décisions qu'il faut rendre.

C'est une bonne idée, à mon avis, de centraliser toutes les études de risque sous la Convention contre la torture. Pour ce qui est des revendications refusées à cause du risque que présente le pays, je ne pense pas qu'il faille y ajouter les facteurs humanitaires et de compassion, car on risquerait de se retrouver dans la même situation que celle du début des années 70, où la Commission d'appel de l'immigration était saisie d'un appel global à des fins humanitaires. On finirait par avoir un énorme arriéré. Beaucoup de cas «humanitaires» n'ont aucun rapport avec le risque. Il faut les traiter dans le cadre d'un processus distinct de celui relatif au risque pour ne pas encombrer le système. Ajouter les facteurs humanitaires généraux au processus des réfugiés ne donnera rien.

Le dernier point au sujet du processus de reconnaissance du statut de réfugié, c'est que les membres de la Commission pourraient rendre plus de décisions sans délibéré, au lieu de perdre quatre ou cinq mois. Je ne pense pas que le ministère de l'Immigration devrait s'occuper de l'admissibilité. Je crois que les gens devraient préparer leurs documents, les présenter à la Commission et contourner complètement le ministère de l'Immigration qui est responsable des retards.

Nous avons des clients qui remplissent leur FRP—ils doivent le faire dans un très court délai—et qui ensuite attendent neuf, dix mois, voire une année, avant que le ministère de l'Immigration ne se mette à lire la formule et décide s'ils sont admissibles. Cela ne marche pas. Je ne vois pas pourquoi ce n'est pas mieux organisé.

À mon avis, le ministère de l'Immigration compte trop de gestionnaires. Il serait profitable de se débarrasser de quelques gestionnaires. Vous pourriez économiser beaucoup d'argent et embaucher plus d'agents de première ligne. D'après les dires d'un délégué syndical, il y aurait trois employés par gestionnaire; une telle formule ne tiendrait pas dans le secteur privé. C'est sans doute une des raisons pour lesquelles le ministère de l'Immigration ne peut être efficace: les gestionnaires se réunissent constamment au lieu de faire le travail.

Les gens paient maintenant beaucoup d'argent pour le traitement de leur demande, des milliers de dollars pour certaines familles, sans que cela ne se traduise par un meilleur traitement, que ce soit au Canada ou à l'étranger.

Il faudrait également procéder à une vérification judiciaire et de sécurité dès que les gens arrivent au pays. À l'heure actuelle, les gens sont acceptés comme réfugiés et c'est après coup que l'on fait les contrôles; trois ans plus tard, on s'aperçoit que la personne n'aurait jamais dû être autorisée à rester, car elle a déjà un statut de réfugié dans un des pays européens ou parce qu'elle a des antécédents criminels ou présente un problème de sécurité. Le problème, c'est que plus les gens séjournent longtemps au Canada, plus ils devraient pouvoir y rester. Leurs enfants sont nés au Canada; ils sont installés et établis. Vous ne pouvez pas les accuser de vouloir rester s'ils ont pu séjourner ici pendant longtemps. Il faudrait prévoir un système efficace qui assure le traitement rapide des demandes.

En ce qui concerne la Cour fédérale, je crois qu'il faut nommer plus de juges. La Cour doit apprendre comment gérer ses dossiers. Là encore, comme pour la Commission des réfugiés, les nominations à la Cour fédérale devraient se faire au mérite et non pas être politiques.

Selon une tradition canadienne, les nominations aux tribunaux sont censées être fondées sur le mérite. Or, cette tradition ne s'étend pas à la Cour fédérale. Nous avons des juges qui sont nommés uniquement en raison de leurs liens politiques et je peux vous dire qu'ils démolissent tout le processus. La raison pour laquelle les cas deviennent si compliqués, c'est parce que ces juges ne sont vraiment pas bons—certains des juges de la Cour fédérale sont mauvais. Ils ne devraient pas être juges s'ils ne connaissent pas la loi; il s'agit de nominations politiques et non fondées sur le mérite. À mon avis, il est épouvantable qu'un pays comme le Canada nomme des juges en fonction de leurs liens politiques.

Pour ce qui est de la dissuasion, j'ai plusieurs remarques à faire. Je crois qu'il faudrait opter pour des programmes spéciaux ou des catégories désignées, sinon, il faudrait prévoir un processus humanitaire et compatissant qui soit plus souple. Il arrive qu'il y ait des déplacements de population, comme les Tamils du Sri Lanka, par exemple. Les Tamils arrivent et s'établissent au Canada. Des membres de leurs familles sont en danger et il n'y a pas de moyen autre que le processus ordinaire pour les faire venir au Canada—cela s'appliquant même à des membres proches de leur famille. Ils font alors appel à des passeurs, car ils n'ont pas d'autre choix lorsque les membres de leur famille sont en situation de risque.

Lorsqu'une communauté de réfugiés est établie, il faudrait prévoir des programmes permettant d'amener les membres des familles qui ne vont pas devenir des assistés sociaux, mais qui vont réussir à s'établir, même s'ils ne répondent pas aux exigences habituelles à cause de la situation dans le pays qu'ils... [Note de la rédaction: Difficultés techniques]... une ou deux filles qui sont restées là-bas. Ils arrivent au Canada grâce à l'intervention de passeurs, parce que l'ambassade du Canada chez eux ne leur permet pas de se réunir avec les cinq frères et soeurs et parents qu'ils ont au Canada. Ce genre de choses ne devrait pas se produire.

• 1235

Autre point, je ne sais pas vraiment combien de gens amènent des membres de catégorie de la famille, mais nous avons des cas où les gens ont le statut de réfugié; quatre, cinq ou six années plus tard, leurs enfants ne sont toujours pas au Canada. C'est inacceptable. Il ne faudrait pas que les gens aient recours à des passeurs pour amener leurs enfants au Canada.

Les fonctionnaires canadiens dans certains de ces pays sont arrogants, impolis. Peu leur importe que la personne au Canada ait le statut de réfugié. Ils passent outre à cette décision, considérant qu'il s'agit d'un imposteur si bien qu'ils ne traitent pas la demande des membres de la famille. C'est un problème terrible au niveau des réunions des familles.

Pour ce qui est des renvois, il me semble qu'il serait bon de procéder de la façon dont le HCR a parlé ce matin. Si les procédures étaient justes, si un examen final des cas était prévu, il ne resterait aucun argument valable à la cour.

La Cour fédérale n'accordait pas de sursis aux gens dont les cas étaient examinés pour des motifs humanitaires. Pendant un certain temps, les sursis ont été beaucoup plus nombreux, parce que le ministère de l'Immigration avait été trop arbitraire et injuste à l'égard de ces gens là.

Dans le cas de ceux qui sont ici depuis cinq ou six ans et qui se présentent volontairement... Nous avons eu un cas où l'homme en question était ici depuis neuf ans. Le ministère a essayé de le renvoyer avant l'entrevue organisée pour des motifs humanitaires. La Cour fédérale a accordé un sursis. À partir du moment où l'on se trouve dans le processus de la Cour fédérale, on peut y rester des années et des années.

Si le ministère de l'Immigration s'organisait correctement, procédait à l'entrevue de façon juste et équitable, il n'y aurait pas de problème. À l'heure actuelle, nous allons d'un tribunal à l'autre, uniquement pour examiner le cas en question. C'est tout ce que ces gens là demandent. Si leur demande est rejetée, il se peut fort bien qu'ils soient obligés de partir du Canada, mais la moindre des choses consisterait à les traiter de façon équitable avant leur départ.

M. le juge Robertson, de la Division d'appel de la Cour fédérale, a déclaré dans une cause récente—j'ai apporté le dossier que j'ai remis à Margaret Young:

    [...] l'insistance avec laquelle le ministère demande que l'expulsion se fasse immédiatement court-circuite en fait le processus de demande d'autorisation d'appeler. J'ai déjà indiqué mon sentiment de frustration à l'égard du refus du ministère de permettre aux personnes de comparaître devant la cour [...] On pourrait penser que le ministère n'exige l'expulsion que dans les cas les plus flagrants et les plus incontestables.

À titre d'exemple, un homme subvenait aux besoins de sa femme et de son enfant. Sa femme avait le cancer du sein. Ils vivent au Canada depuis 1989. Le ministère de l'Immigration a essayé de le renvoyer avant que son cas ne soit examiné. Ce genre de choses ne devrait pas se produire.

D'autres choses peuvent se faire, je pense, en matière de renvoi. Vous devriez revoir les politiques pour savoir quel genre de personnes cibler; faudrait-il cibler par exemple cet homme qui subvenait aux besoins de sa femme malade et de son enfant—des Canadiens. Ce n'est pas ainsi que l'on devrait établir les priorités, à mon avis. Il n'avait pas de casier judiciaire, il avait un emploi fixe.

Il faudrait également examiner l'expulsion de résidents de longue date. Certains de ceux qui essaient de résister se retrouvent dans la clandestinité alors qu'ils sont au Canada depuis l'âge de six mois. Ils sont expulsés en tant qu'adultes parce qu'ils ont une condamnation au criminel. C'est une des raisons pour lesquelles les pays hésitent à donner des papiers aux gens.

Je ne vais pas nommer les pays, mais je sais que plusieurs consulats à Toronto tardent à remettre les papiers. Si vous venez au Canada à l'âge de deux ans, que vous avez aujourd'hui 35 ans et que vous êtes marié et que vous avez trois enfants, le Canada ne devrait pas vous expulser, même si vous avez une condamnation au criminel.

Autant que je sache, les pays d'Europe ont opté pour un système en vertu duquel les personnes qui se trouvent dans le pays pendant un certain temps ou qui y sont arrivés à un certain âge, ne font pas l'objet de renvoi même s'ils ne sont pas ressortissants de ce pays. Cela s'explique en grande partie par la politique européenne en matière de droits de la personne et l'approche adoptée à l'égard de l'expulsion de résidents de longue date.

Il y avait au Canada ce que l'on appelait la protection du «domicile» contre le renvoi si la personne en question était au Canada depuis longtemps. Je ne dis pas qu'il faudrait y revenir, mais nous devrions opter pour un système qui soit juste. Si quelqu'un arrive au Canada dans les premiers mois de sa vie, il ne devrait pas être expulsé à l'âge adulte.

Le président: Merci, madame Jackman.

Tom ou Tim, au nom du Comité inter-églises pour les réfugiés.

M. Tim Wichert (représentant du Comité central mennonite, Comité inter-églises pour les réfugiés): Je vais parler au nom du Comité inter-églises puisque le sort en a ainsi décidé. Je suis également ici à titre de membre du conseil du CIER et je représente l'Église mennonite.

Comme vous le savez d'après notre mémoire, le CIER est une coalition de 12 églises canadiennes du Canada. Nous représentons donc un nombre important d'immigrants et de réfugiés récents qui se retrouvent dans nos congrégations; nous travaillons également pour eux de diverses façons.

J'aimerais souligner les trois points principaux dont nous avons fait mention dans notre mémoire et essayer de revenir sur les questions posées ce matin aux représentants du HCR ainsi qu'à Barbara Jackman.

• 1240

Tout d'abord, depuis quelques années, le CIER s'intéresse de très près à la question des normes internationales et surveille ce qui se passe au niveau international, au niveau du comité exécutif du HCR et de divers comités des NU. À mon avis, nous devons avoir cette perspective—et la garder—lorsque nous avons ce genre de discussions, car le Canada est considéré comme un chef de file dans certaines de ces collectivités.

C'est facile de le comprendre, si l'on examine par exemple, la brochure publiée par Andrew Telegdi; nous tenons à représenter le Canada comme chef de file dans le monde lorsque cela nous convient; nous pouvons alors dire que le Canada accepte plus de réfugiés que n'importe quel autre pays au monde par nombre d'habitants. Par contre, lorsque cela nous convient, nous tenons également à dire que notre pays n'est pas assez exigeant, qu'il est trop accueillant et que tous ces gens peu recommandables arrivent dans notre pays. Tout d'un coup, notre pays nous semble trop mou.

Il faut effectivement, selon moi, ne pas perdre de vue le contexte et continuer de se voir comme un leader mondial. Dans ce contexte, plutôt que de nous évaluer en fonction de ce que font les autres, examinons le genre de normes auxquelles nous avons adhéré et que nous nous sommes engagés à respecter. Ce sont là les normes d'excellence vers lesquelles nous devons tendre.

Dans ce contexte, une manière pratique d'atteindre ces objectifs est d'essayer d'intégrer certaines dispositions d'ententes et de conventions énumérées dans notre mémoire dans nos lois nationales, par exemple, les dispositions de la convention contre la torture.

Plus loin dans cette partie du mémoire, il est question de la Commission interaméricaine des droits de l'homme et de notre participation à certains de ses travaux au fil des ans, ce qui laisse entendre que ce genre d'organisme ou qu'un représentant de ce genre d'organisme pourrait aussi aider à donner une idée des normes que nous cherchons à respecter et de la manière dont d'autres pays s'y prennent pour le faire.

Dans cette partie également, nous faisons allusion à l'Organisation internationale pour les migrations et à une réunion que nous avons organisée récemment avec un représentant de l'organisme qui nous avait fait des suggestions fort utiles. Dans le contexte de cette discussion, par exemple du trafic d'immigrants, nous avons constaté qu'il fallait nous concentrer sur deux choses. Il faut s'attaquer aux causes, d'une part, sans oublier de protéger les victimes, d'autre part.

Lors de l'arrivée récente d'immigrants de la Chine, on insistait sur la façon de se débarrasser de ces personnes qui sont souvent des victimes. Ce qu'il faut faire, c'est en réalité s'organiser pour les protéger.

Les États-Unis ont en fait mené des travaux intéressants à cet égard, par exemple dans le cas de personnes qu'on a fait entrer aux États-Unis sous de faux prétextes afin de les faire travailler dans le commerce du sexe. Ils sont en train d'examiner le dossier de certains illégaux au cas par cas afin de voir s'ils vont leur permettre de s'établir aux États—Unis, ce qui protégerait les victimes.

Le deuxième point principal que nous faisons valoir dans notre document est la notion du traitement égal, de chercher à rendre nos formalités plus claires et plus cohérentes.

Par exemple, Barbara a parlé des renvois. Si nous avons bien compris, depuis quelques années, le nombre de renvois est demeuré plutôt stable, oscillant aux alentours de 8 000 par année. Toutefois, dans les cas que nous défendons et selon les gens avec qui nous travaillons, il n'y a pas essentiellement de critères permettant de déterminer quelles personnes seront renvoyées. Qui choisit-on? Choisit-on les criminels, les femmes et les enfants, les mères chefs de famille? Doit-on plutôt s'en prendre, comme l'a mentionné Barbara, à ceux qui se présentent volontairement aux autorités au bout de 8 ou 9 ans parce qu'ils sont priés de le faire et nous les déportons, parce que ce sont des cibles faciles? Quels sont nos critères et quelle est la clientèle prioritaire pour les renvois? Nous aimerions une plus grande clarté et une meilleure cohérence dans ce domaine.

• 1245

Enfin, dernier point—la notion de processus—, on laisse entendre qu'il faudrait que les formalités soient expéditives et d'une durée limitée, mais qu'elles soient aussi équitables. Il a beaucoup été question, ce matin, des abus du système, et je crois que le genre d'abus que nous aimerions souligner—le genre que nous avons mentionné dans notre mémoire—est le même que celui dont a parlé Barbara. Ce sont ceux qu'on laisse essentiellement dans l'incertitude parce que le système les a laissés tomber. Certains jouissent du statut de réfugié mais ne peuvent pas s'établir, pour diverses raisons. Ce sont ceux qui passent entre les mailles du filet. Il est arrivé qu'on dise à certains qu'ils ont le droit de s'établir, mais qu'ils ne reçoivent jamais les documents et ne sont jamais capables de communiquer avec qui que ce soit pour confirmer leur droit et le rendre officiel.

Voilà le genre de cas qui nous échappent. Nous proposons que les formalités aient une durée limitée, après quoi le droit d'établissement serait accordé d'office peut-être. On pourrait y inclure également ceux qui font l'objet d'une mesure d'expulsion et qui habitent ici depuis longtemps. À nouveau, il s'agit là du genre de cas dont a parlé Barbara.

Ce que nous craignons en définitive, c'est qu'à mesure que nous mettons l'accent sur l'interdiction, que nous nous en préoccupons davantage, nous ne créions essentiellement une forteresse Canada. Nous avons déjà entendu cette expression dans le contexte européen—la forteresse Europe. C'est ce qui se dessine à l'horizon, cette notion de forteresse Canada. Nous constatons que les personnes désespérées prennent des moyens désespérés pour débarquer ici. Si les formalités prévues à l'étranger sont médiocres, inefficaces et absurdes, par exemple, elles vont trouver d'autres moyens, faire des pieds et des mains pour se rendre ici.

Donc, si vous avez le choix entre verser 10 000 $ à quelqu'un qui vous permettra d'entrer ici rapidement ou passer par l'ambassade locale du Canada qui mettra au moins trois ans à étudier votre demande, vous n'avez pas réellement le choix. Vous opterez pour la solution la plus rapide, la plus facile d'une certaine façon. C'est ce que nous constatons, que bon nombre des cas que nous parrainons, par exemple, prennent au moins deux ans avant de se régler. Certaines de ces personnes, si elles se trouvent dans une situation désespérée et qu'elles ont un besoin pressant de protection, ne peuvent tout simplement pas attendre aussi longtemps.

Je vais m'arrêter là. Nous avons une autre observation à faire au sujet de l'idée de nommer un ombudsman pour aider à traiter les plaintes. Si la question intéresse quelqu'un ou qu'on a une question à ce sujet, nous pouvons en parler. Par contre, si vous n'avez rien à ajouter, nous vous remercions de nous avoir invités à prendre part à ces discussions.

Le président: Je vous remercie tous deux de votre exposé et de votre patience. Je suis certain que nous avons des questions à vous poser.

John.

M. John Bryden: J'aimerais pour commencer faire observer que le député moyen—en fait, tous les députés—voit probablement plus de cas d'immigration que la majorité des avocats spécialisés dans le domaine. Il n'y a pas un député à cette table, que dis-je, un député tout court qui ne connaît pas les considérations humanitaires, car ils en ont tous une expérience très directe. Je n'en parlerai donc pas. Je ne crois pas que le comité devrait se concentrer sur ce genre de témoignages, parce que nous savons ce que nous faisons à cet égard ou que nous y avons été exposés.

En ce qui concerne la question, toutefois, qu'a soulevée Mme Jackman au sujet des réfugiés sans documents, le problème n'est pas tant l'absence de documents que les tentatives délibérées de ces réfugiés en vue d'éviter de s'identifier ou de nommer la compagnie aérienne à bord de laquelle ils ont voyagé, leur refus de dévoiler leur identité, pour des raisons très évidentes. En fait, j'ai même un chiffre qui nous a été communiqué ce matin. Environ 8 p. 100 des demandeurs du statut de réfugié—soit 2 000 environ par année—n'ont pas de document et refusent de coopérer pour établir leur identité ou la façon dont ils sont arrivés ici.

Voilà la source du problème selon moi. Je demanderai à Mme Jackman de nous en parler. Je vous demanderais à tous d'en parler, parce que c'est ce qui me préoccupe le plus. Je crois qu'il s'agit en réalité d'un commerce d'esclaves qui se manifeste sous forme de personnes que l'on a persuadées de venir s'établir et de ne pas coopérer parce qu'on sait qu'il est alors impossible de les renvoyer, que leurs chances de demeurer ici sont beaucoup plus grandes si elles refusent de dévoiler leur identité. Dites-moi. Comment faut-il régler le problème?

• 1250

Mme Barbara Jackman: Je l'ignore. C'est peut-être en raison de la nature de mon travail, mais je n'ai jamais perçu ce phénomène comme étant un problème de taille. Le véritable problème est que certains pays ne veulent pas reprendre les personnes, qu'elles aient leurs documents ou pas. C'est un problème beaucoup plus important.

Cependant, à la fin des formalités, je crois que l'on connaît l'identité de la plupart des personnes, du moins est-ce mon expérience. Ce chiffre de 8 p. 100 ne me semble pas crédible. Si l'on dit que 8 p. 100 refusent de coopérer, on y inclut probablement ceux qui à la fin des formalités ne demandent pas de passeport. Ce n'est pas que l'on doute de leur identité, mais qu'ils ne demandent pas de passeport. Je ne serais pas étonnée que ces personnes soient incluses dans les 8 p. 100. Ce n'est pas un problème incommensurable, et je ne crois pas qu'il l'ait jamais été.

M. John Bryden: Le problème avec... Prenons exemple des réfugiés de la mer. Tout gravite autour du phénomène de la détention. S'ils débarquent ici dans le cadre d'une entreprise criminelle internationale et qu'ils prennent la direction des États-Unis, par exemple, pour aller y travailler comme prostitués, ils entrent au pays et refusent de dévoiler leur identité. C'est alors que se pose le problème de la détention. Vous dites de ne pas les détenir, parce que ce n'est pas gentil, mais si nous ne les détenons pas, ils sont récupérés par les trafiquants et transportés vers leur destination sans documents.

C'est là que se trouve le problème fondamental. Il est vrai que, dans le cadre de votre travail et du mien, nous ne voyons pas ces cas. Toutefois, c'est le problème à la frontière que nous essayons de régler et, à mes yeux, c'est le problème humanitaire crucial. C'est fort bien de venir ici nous dire qu'il faut traiter ces personnes avec humanité, mais vous les maltraitez tant et aussi longtemps que vous leur permettez d'entrer au pays, de refuser de dévoiler leur identité et de faire partie d'un système qui va leur permettre de demeurer ici et, tôt ou tard, de faire de la prostitution. Comment réglez-vous le problème?

Mme Barbara Jackman: Il faudrait que je précise ma pensée. Je ne suis pas opposée à la détention lorsque c'est nécessaire et je crois que le manque d'identité est certes un motif pour prolonger la détention. Dans ces cas-là, il sera peut-être justifié de mettre la personne en détention. Au moins, lorsqu'il s'agit de réfugiés de la mer, vous connaissez leur pays d'origine. Je crois savoir que, même s'ils ne dévoilent pas leur identité, vous savez qu'ils viennent de la Chine. Le problème sera peut-être de savoir si la Chine les reprendra. Je ne suis pas sûre qu'il s'agit autant d'une question d'identité que de la politique de la Chine.

M. John Bryden: Soit dit en passant, ce ne sont pas les réfugiés de la mer qui posent forcément problème; ce sont plutôt ceux qui arrivent ici par avion.

Mme Barbara Jackman: Il y en a certes qui refusent de s'identifier ou qui affirment venir d'un pays autre que leur pays d'origine, mais il y a toujours moyen de vérifier, par exemple en les mettant en présence de quelqu'un qui parle la langue du pays d'où ils affirment venir. En fait, nous l'avons fait pour établir l'identité. Par exemple, les réfugiés d'Ogaden n'avaient pas de documents à leur arrivée. Nous demandions donc à des personnes de la communauté érythréenne qu'ils ne connaissaient pas et qui n'étaient pas de la famille de converser avec eux pour voir si elles pouvaient en déduire leur origine, pour confirmer qu'ils étaient bien ceux qu'ils affirmaient être. Il y a moyen de le savoir.

M. John Bryden: Pourrions-nous demander à d'autres témoins de nous parler du même sujet?

Le problème, quand une personne refuse de dévoiler son identité, se pose à l'étape initiale. Ce n'est pas de savoir si elle peut être identifiée par la suite, mais bien qu'une fois l'étape initiale passée, il est impossible de la refouler et de la renvoyer chez elle.

Avez-vous des observations à ce sujet? Ce matin, on nous a affirmé que d'autres pays ont tendance à régler le problème en envoyant à bord de l'appareil des agents qui vérifient les documents. Si les personnes ont détruit leurs documents, on les renvoie chez elles. C'est un choix, mais comment fait-on face à l'autre choix, qui est de leur permettre d'entrer au pays et, si elles ne sont pas coopératives, de leur permettre de demeurer ici?

M. Tom Clark (coordonnateur, Comité inter-églises pour les réfugiés): Je tiens tout d'abord à faire remarquer que je ne suis ni policier ni détective, mais il me semble que mettre les personnes en détention ou de refouler les navires, quelle que soit notre position morale à cet égard, ne règle pas le problème du trafic. Il me semblerait qu'à tout le moins, en les laissant circuler et en surveillant leurs mouvements, on serait bien plus en mesure de régler le problème du trafic. Bien sûr, ce n'est là que l'opinion de quelqu'un qui n'est pas policier.

• 1255

Ensuite, comme l'a mentionné Tim, conformément au principe qui consiste à protéger avant tout l'individu, les États-Unis envisagent la possibilité d'offrir des incitatifs, car manifestement on peut obtenir la coopération en vue de régler le problème du trafic—le véritable objectif—en offrant, en échange, le droit de s'établir par exemple. Mettre ces personnes sous verrou, quelque part, en réconfortera peut-être certains, mais ne règle pas le problème. C'est le genre de mesures que les États-Unis sont en train de prendre.

La troisième mesure consiste à souligner que ces gens ne viennent pas ici parce quelqu'un à l'étranger s'intéresse à eux, mais bien parce que cela correspond aux intérêts de quelqu'un ici. Il me semble que, si nous suivons le raisonnement du Haut Commissariat pour les droits de la personne, soit de s'occuper d'abord des migrants, puis du véritable problème, nous consacrerons alors un peu plus d'énergie à des mesures visant à régler le cas des personnes qui, qu'elles se trouvent aux États-Unis, au Canada ou au Mexique, font venir ici ces gens en leur faisant miroiter des possibilités d'emploi. Je le dis simplement à titre d'observation.

M. John Bryden: Vous avez soulevé la question de protéger ces personnes. Nous avons entendu des témoignages concernant le trafic de ces êtres humains, auxquels on a offert de fausses identités. On leur a offert de les transporter au Canada et de leur donner de fausses identités pour leur permettre de s'établir et on leur a affirmé qu'ils n'auraient pas à se prostituer. La réaction générale a été de refuser. La raison pour laquelle ils refusent, c'est qu'ils craignent que leurs familles, dans leur pays d'origine, ne fassent l'objet de représailles. En fait, un témoin a même affirmé que les méthodes habituelles de représailles consistent à couper un doigt de la personne qui habite à New York, par exemple, et d'envoyer ce doigt à la famille. Comment réagissez-vous à cela? Essayons d'avoir l'esprit pratique. Vous avez proposé la protection, une nouvelle identité, mais nous sommes aux prises ici avec des criminels sans merci.

M. Tim Wichert: Il est difficile de répondre à cette question.

Essentiellement, quand nous parlons de coopération ou de personne non coopérative, ce qui est intéressant, c'est que nous analysons souvent la situation en termes de non-coopération avec nos autorités ou notre système. Cependant, en fait, ces personnes sont très coopératives ou essaient de coopérer avec le système en vertu duquel elles sont arrivées ici, c'est-à-dire avec les trafiquants, ceux qui les exploitent. C'est peut-être le seul système qu'elles connaissent, et c'est celui avec lequel elles essaient de coopérer parce que c'est ce qu'on leur a dit de faire.

Je suis d'accord avec Tom, jusqu'à un certain point. Comment trouver des incitatifs qui les convaincront de tourner le dos à ce système de violence et d'intimidation? Il nous incombe jusqu'à un certain point de les éduquer à leur arrivée, c'est-à-dire de leur laisser savoir quel est le bon système, la bonne façon de faire. Si nous tentons simplement de régler sommairement leur cas à bord de l'avion ou du navire, nous n'essayons pas en fait de les sortir de l'illégalité dans laquelle elles se trouvent et qui est la seule voie qu'elles connaissent.

M. John Bryden: J'aimerais simplement savoir ce que vous pensez...

Mme Barbara Jackman: Il faut avoir la coopération des pays en jeu. C'est peut-être plus difficile dans le cas de la Chine. Je l'ignore. Cependant, si les familles là-bas sont menacées, elles pourraient être déplacées vers le tiers pays, elles aussi. Il faut tenter de dissiper les craintes par une action concertée de part et d'autre.

M. John Bryden: Ce sera ma dernière observation. J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet, car c'est essentiel pour comprendre ce qu'il faut faire.

C'est un commerce lucratif. Que rapporte-t-il, quelque 7 milliards de dollars, je crois? Et c'est un commerce violent. D'après tous les témoignages que j'ai entendus, notre seul espoir est d'enlever au commerce son caractère lucratif. Pour y parvenir, il faut refouler sommairement ceux qui ne sont pas coopératifs en première instance et qui n'ont pas leurs documents. Y a-t-il d'autres mesures que nous pouvons prendre? La solution consiste certainement à s'en prendre au caractère lucratif du commerce. C'est la seule façon de l'enrayer.

Mme Barbara Jackman: Il faut intenter des poursuites contre les passeurs et leur imposer de longues peines d'emprisonnement.

M. John Bryden: Comment les trouver?

Mme Barbara Jackman: Ceux qui se trouvent à bord du navire font partie de l'opération.

• 1300

M. John Bryden: Non, nous avons affaire ici à des organisations criminelles internationales hors de notre atteinte. Même les Américains ont du mal à mettre la main sur elles. Ce sont des organisations dignes des films de James Bond.

Mme Barbara Jackman: On risque de jeter le bébé avec l'eau du bain. Vous ne voulez pas détruire tout le système en raison de quelques navires. Le problème risque de prendre de l'ampleur, sauf qu'il faut essayer de protéger le système pour les réfugiés authentiques.

Le président: Madame Jackman, j'aimerais vous poser une question. Vous avez parlé des tribunaux, des lacunes du système, ainsi de suite, que ce soit au niveau du CISR ou des tribunaux. Je me demande tout simplement quel est le rôle de la Charte canadienne des droits et libertés dans tout cela, surtout de l'arrêt Singh de 1985, qui est la cause de multiples lacunes et retards dans la reconnaissance du statut de réfugié. Avez-vous des commentaires à formuler là-dessus? Certains soutiennent que la Charte ne devrait pas s'appliquer à ceux qui arrivent par des moyens autres que conventionnels, pour ainsi dire.

Mme Barbara Jackman: La Charte, si l'on se fonde sur l'interprétation que lui donne la Cour fédérale, ne s'applique pas aux non-citoyens. Il n'y a donc pas lieu de s'inquiéter de côté-là. Quand elle s'applique, ils invoquent l'article premier pour justifier son non-respect. La Cour suprême, dans l'arrêt Singh, n'a pas proposé de processus; elle a tout simplement dit que celui-ci devait être juste. Or, le gouvernement n'est pas obligé d'avoir un processus qui comporte de longs délais. Il n'est nécessaire d'avoir des audiences longues et formelles. On peut organiser des audiences informelles, comme on le fait dans le cadre du MARC, une formule qui est d'ailleurs conforme à l'arrêt Singh.

Donc, le problème ne vient pas de l'arrêt Singh, mais plutôt du ministère de l'Immigration, et ensuite de la Cour fédérale. Vous savez, quand je demande à la Cour fédérale l'autorisation d'en appeler d'une décision, je dois attendre cinq mois avant de savoir si ma demande est rejetée, et presque douze avant de savoir si elle est acceptée. C'est beaucoup trop long.

Le président: Vous avez dit que la Charte des droits et libertés ne s'applique pas aux non-citoyens. Est-ce bien cela?

Mme Barbara Jackman: La Cour fédérale est présentement saisie d'un certain nombre de cas où des personnes se sont fait dire de façon très claire—en fait, nous comptons porter une affaire devant la Cour suprême—qu'elles ne jouissent pas des droits garantis par la Charte parce qu'elles ne sont pas des citoyens canadiens.

Le président: Certains témoins ont laissé entendre que la personne qui obtient le droit d'établissement, qu'il s'agisse d'un citoyen, d'un réfugié ou je ne sais quoi, jouit effectivement des droits garantis par la Charte.

Mme Barbara Jackman: Je peux vous citer les cas: Ahani, McAllister, Chow, Suresh. Ils se sont fait dire très clairement qu'ils ne possédaient pas le droit à la liberté d'expression. Les non-citoyens n'ont pas le droit de parole. D'après les tribunaux, c'est parce qu'ils ne sont pas des citoyens canadiens.

Le président: Mais je n'ai pas hésité à m'exprimer, et je n'avais pas encore la citoyenneté canadienne en 1960 ou en 1963.

Mme Barbara Jackman: Eh bien, vous ne le feriez pas maintenant si vous ne l'aviez pas.

Le président: Nous n'avions pas à ce moment-là la Charte des droits et libertés, et ils ne m'ont pas expulsé du pays.

Mme Barbara Jackman: Eh bien, c'est ce qu'ils font. Ils expulsent les gens.

Le président: Oui, mais je trouve cela bizarre. Pas vous?

Mme Barbara Jackman: Eh bien, je suis contente de voir que vous trouvez cela bizarre. Nous allons porter l'affaire devant la Cour suprême.

Le président: D'abord, je ne vous crois pas.

Mme Barbara Jackman: Je peux vous citer les cas.

Le président: Je sais, mais c'est la première fois que j'entends une chose pareille. En fait, j'ai entendu l'inverse. Je veux tout simplement avoir votre avis. Est-ce que la personne qui arrive en sol ou en territoire canadien devrait être assujettie à la Charte?

Mme Barbara Jackman: Oui. C'est ce que nous avons toujours affirmé. C'est la position que j'ai défendue au nom des églises, dans l'affaire Singh.

Le président: Est-ce que cette position est également celle des églises?

M. Tom Clark: Je l'espère.

Mme Barbara Jackman: Les droits sont interprétés d'après le contexte.

Le président: Bien entendu.

Mme Barbara Jackman: La procédure de recours n'est pas la même dans le cas d'une expulsion. Expulser quelqu'un et poursuivre quelqu'un au pénal sont deux choses différentes. Les droits sont interprétés d'après le contexte. Le problème, c'est qu'on ne les reconnaît pas.

M. Tom Clark: Puis-je ajouter quelque chose? Nous travaillons ensemble, mais il nous arrive parfois de ne pas être du même avis.

Je veux tout simplement dire que, comme il est question ici de personnes qui détiennent un statut de réfugié international, et comme il y a plus d'un pays qui est invariablement impliqué dans une procédure de renvoi, par exemple, il est préférable de travailler à partir de normes internationales. Nous avons consacré beaucoup d'efforts à l'établissement de telles normes.

Barbara vous a parlé des initiatives de la Cour européenne—qui établit une norme pour l'ensemble des pays et qui définit comment le système devrait fonctionner—et c'est le genre de choses auxquelles nous aspirons. Nous sommes en train de réaliser des progrès à ce chapitre et nous aimerions—Barbara se penche sur ce dossier—que la Charte canadienne s'applique à ces personnes, conformément à ce qui se fait à l'échelle internationale. En fait, c'est pour cette raison que nous essayons d'inclure de telles normes dans notre législation.

• 1305

Mme Barbara Jackman: Puis-je vous donner un exemple qui illustre bien le problème auquel nous sommes confrontés? La Cour suprême du Canada vient de dire, dans l'arrêt Baker, qu'au moment de décider si vous allez expulser des parents, vous devez tenir compte des intérêts des enfants. Cela ne veut pas dire que les parents vont pouvoir rester, mais vous devez tenir compte des intérêts des enfants s'ils sont des citoyens canadiens ou des réfugiés. C'est logique. De nombreuses causes sont restées en suspens pendant quatre ou cinq ans parce que la Commission de l'immigration refusait de le faire. Or, si elle l'avait fait dès le départ, la question aurait été réglée. Elle complique les choses parce qu'elle refuse d'être équitable.

Le président: Je sais que les avocats ont également tendance à compliquer les choses.

Pour ce qui est des poursuites, il existe manifestement des solutions au problème, et la plupart sont bilatérales ou internationales. Je pense qu'il en a été question ce matin dans l'exposé des Nations Unies.

Pour ce qui est de séparer les victimes, qui devrait être notre souci premier, les personnes qui entrent clandestinement au Canada essaient manifestement par tous les moyens possibles de fuir une certaine situation.

Le problème, c'est que le passeur, celui qui s'occupe de faire passer clandestinement ces personnes, devient, dans les faits, celui qui décide qui obtiendra le statut de réfugié. Je trouve cela inquiétant, car c'est lui qui choisit les gens, en fonction de leur apparence, de l'argent qu'ils vont toucher, de ce qu'ils sont prêts à faire quand ils seront arrivés à destination, du travail qu'ils vont faire, ainsi de suite. Cela me rend plutôt mal à l'aise.

Il est vrai que les poursuites constituent le moyen le plus efficace de s'en prendre à ceux qui exploitent les gens et de mettre un terme à leur opération. Je ne suis pas un détective ou un policier, et je ne sais quelle est la meilleure façon de procéder. Tout ce que je peux vous dire, c'est que, d'après les cas récents que j'ai lus, même ceux qui sont passés par Walpole Island et London, les gens avaient sur eux les numéros de téléphone de contacts à New York et ailleurs. Tout cela demande des enquêtes très approfondies.

Mais nous devons à tous le moins faire comprendre aux gens que s'ils veulent entrer au Canada ou obtenir le statut de réfugié... Manifestement, nous devons améliorer notre système pour que les gens puissent avoir accès à nos consulats ou à nos agents en poste dans ces pays, sans avoir à s'adresser à des passeurs. Nous ne sommes sans doute pas les seuls à avoir ce problème. C'est un phénomène très répandu.

Est-ce que le Comité inter-églises a une idée de ce que nous pouvons faire collectivement? Le Canada, même s'il agit seul, n'arrivera pas nécessairement à corriger le problème.

M. Tom Clark: Vous avez parlez de votre embarras. Tout ce que je peux dire, c'est que je partage vos sentiments. On dit que les gens qui viennent ici sont pris en charge par un passeur et finissent par être victimes de persécution. C'est là tout le problème des réfugiés. Dans un sens, le Canada est obligé d'accueillir les personnes qui sont victime de persécution dans un autre pays. Donc, dans une certaine mesure, on se retrouve toujours dans cette situation embarrassante où on nous demande d'accueillir quelqu'un qui est la victime de quelqu'un d'autre. C'est le raisonnement que je fais, et cela m'aide d'une certaine façon. J'espère que cela peut aussi vous aider.

Le président: Mais si un type en Chine, par exemple, arrive à montrer qu'il peut facilement faire entrer 400 ou 500 personnes au Canada, sa réputation s'en trouvera grandit. Il va faire la même chose avec un autre groupe de 600 ou 800 personnes, parce qu'il aura soudainement acquis la réputation, dans le milieu du crime organisé, qu'il constitue quelqu'un de sûr et qu'on peut lui verser les 15 000 $.

Comment pourrons-nous faire comprendre que ce type, en fait, est...? Si nous pouvions découvrir son identité, ses contacts ici ou là-bas, et les condamner pour que les gens n'aient pas l'impression qu'il est facile d'entrer dans ce pays par la porte arrière... Nous voulons qu'ils passent par la porte avant, s'ils veulent obtenir le statut de réfugié.

• 1310

Mme Barbara Jackman: La solution ne peut pas uniquement venir de nous. Le trafic de réfugiés doit être considéré comme un crime international, de sorte que même si le type se trouve à New York, on peut intenter des poursuites contre lui pour ce qu'il a fait au Canada. Il n'est pas nécessaire que le crime international soit commis sur votre territoire pour intenter des poursuites.

M. John Bryden: Nous n'avons pas le pouvoir de prendre une telle décision à l'échelle internationale.

Mme Barbara Jackman: Non. Manifestement, c'est un point sur lequel la communauté internationale doit se pencher.

M. Tom Clark: Il n'y a pas de solution à court terme. Comme l'ont mentionné Barbara et Judith Kumin, les gouvernements cherchent à établir des protocoles qui leur permettront d'atteindre les objectifs décrits par Barbara et d'intenter des poursuites. Le Canada s'est entretenu avec la Chine pour voir si elle ne peut pas régler le problème. Il n'y a pas de solution miracle, mais nous pouvons, ensemble, prendre certaines mesures. Par exemple, nous pouvons simplifier les formalités pour les gens qui veulent venir ici légalement. C'est une des suggestions qui a été faites lors de notre atelier, et c'est une solution qu'envisagent d'autres gouvernements.

M. John Bryden: Puis-je faire un commentaire, monsieur le président?

Le président: Bien sûr.

M. John Bryden: Je tiens à dire que la plupart des néo-Canadiens et immigrants dénoncent vivement les gens qui entrent au pays de façon illégale. Ils ont très peu de sympathie pour ceux qui entrent de façon illégale. Je tiens à le souligner.

J'aimerais vous donner ma version des choses et obtenir votre avis là-dessus. Madame Jackman, vous avez dit qu'il est nécessaire de protéger le système. Or, il me semble que nous devons soit protéger le système et maintenir cette forme d'esclavage—et il s'agit bien d'esclavage—soit éliminer cette forme d'esclavage et modifier le système. Quelle option choisiriez-vous?

Mme Barbara Jackman: Je ne crois pas que nous ayons à choisir entre les deux, mais...

M. John Bryden: Au contraire.

Mme Barbara Jackman: ...je pense que le système doit être protégé. C'est comme dans les cas où on envoie une personne innocente en prison. Ça ne vaut pas la peine.

M. John Bryden: Il est question ici d'esclavage. En ce qui me concerne, on ne peut pas à la fois protéger le système dans sa forme actuelle et ne pas éliminer le problème. Nous pouvons peut-être l'améliorer en utilisant certaines de vos suggestions, mais il y aura toujours des passeurs qui vont tirer parti du système que vous protégez. Par ailleurs, si nous modifions légèrement le système, dans le respect des valeurs chères aux Canadiens... Nous étions tout à fait corrects avant l'adoption de la Charte, et nous allons continuer de l'être, que la Charte existe ou non. Les agents d'immigration sont capables de faire preuve de compassion. Néanmoins, si vous modifiez le système, vous allez supprimer certains droits, mais vous serez en mesure de tout faire, sauf d'éliminer le problème. Que devons-nous faire? Que feriez-vous? Ma question s'adresse surtout à M. Clark et à son collègue.

M. Tim Wichert: Ce n'est pas une question de choix. Nous avons mis en place un système qui s'inspire des normes internationales et qui est, dans une large mesure, très efficace. Je ne voudrais pas qu'on supprime certains droits et points forts du système en raison de ce problème plus vaste. Il est vrai qu'il y a un problème, mais nous devons trouver d'autres moyens de le corriger.

Si des modifications doivent être apportées, par exemple au niveau du traitement des demandes à l'étranger, et nous en avons déjà parlé, comment pouvons-nous arriver à faire comprendre aux gens que, plutôt que de verser 40 000, 50 000 ou 60 000 $ à quelqu'un, il est moins coûteux et plus efficace de s'adresser à l'ambassade ou au haut-commissariat pour faire une demande en vue de venir au Canada? Cette solution est moins coûteuse, même s'il faut payer des taxes d'établissement et autres droits, qui peuvent être assez élevés. Mais il faut leur faire comprendre que cette solution est la bonne.

M. John Bryden: Je ne dis pas qu'on ne peut rien faire pour améliorer la situation. Je veux savoir ce qui est plus important pour vous: protéger les droits que vous jugez nécessaires dans le système, ou éliminer cette forme d'esclavage.

Le président: Monsieur Bryden, je pense que les témoins ont dit qu'il n'est pas question ici de choisir entre les deux. C'est leur opinion.

M. John Bryden: D'accord.

Le président: Je ne sais pas si vous voulez ajouter autre chose.

M. John Bryden: Merci, monsieur le président.

• 1315

M. Tom Clark: Ma réponse est très simple. Il faut protéger les droits, point à la ligne. Si vous protégez les droits, vous serez mieux à même de régler le problème. C'est ce que j'ai essayé d'expliquer.

Le président: Madame Jackman, messieurs Clark et Wichert, je tiens à vous remercier de votre patience. J'espère que John et moi avons réussi à traiter certaines des questions que mes collègues auraient posées. S'ils veulent toutefois vous poser des questions précises, ils pourront vous les soumettre par écrit.

Vos propos ont été consignés aux fins du compte rendu, tout comme nos discussions d'aujourd'hui. Vous avez fait des suggestions fort utiles et constructives. Nous en tiendrons compte, espérons-le, au moment de rédiger notre rapport.

Encore une fois, merci.

M. John Bryden: Vous avez trouvé les mots justes pour clore cette petite discussion.

Le président: Notre prochaine réunion aura lieu la semaine prochaine. La séance est levée.