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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON AGRICULTURE AND AGRI-FOOD

COMITÉ PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 6 juin 2000

• 0909

[Traduction]

Le président (M. John Harvard (Charleswood St. James— Assiniboia, Lib.)): La séance est ouverte. Je vais demander à mes bons amis des médias de quitter la salle. Merci.

Nous avons le quorum pour entendre les témoins. Je crois comprendre que le Comité des transports examinait un important projet de loi ce matin. Je pense que c'est la raison pour laquelle certaines personnes sont absentes, ou du moins en retard de quelques minutes, mais nous pouvons commencer.

• 0910

Nous poursuivons notre étude de l'étiquetage obligatoire des organismes génétiquement modifiés, et nous accueillons aujourd'hui des représentants de l'Association des consommateurs du Canada. Gail Lacombe, présidente de l'ACC, et Jennifer Hillard, vice- présidente, vont faire une déclaration conjointe. Nous allons également entendre le point de vue d'Action réseau consommateur, qui est représenté par Nathalie St-Pierre, directrice générale de l'organisme.

Je pense que Gail Lacombe va commencer avant de passer la parole à Jenny. Nous entendrons ensuite le point de vue de Nathalie.

Mme Gail Lacombe (présidente et chef de la direction, Association des consommateurs du Canada): Merci beaucoup et bonjour.

L'Association des consommateurs du Canada est un organisme indépendant et sans but lucratif fondé il y a 52 ans, qui dépend en grande partie de l'apport des bénévoles pour son fonctionnement. Notre siège social se trouve à Ottawa et nous avons des bureaux provinciaux et territoriaux. Le mandat de l'ACC consiste à informer les gens sur les questions reliées au marché de la consommation, à les représenter auprès des instances gouvernementales et de l'industrie, et à travailler en collaboration avec le gouvernement et l'industrie dans le but de résoudre des problèmes de consommation de façon avantageuse.

L'ACC s'intéresse particulièrement aux domaines de l'alimentation, de la santé, du commerce, des normes, des services financiers, des communications ainsi qu'aux nouveaux problèmes du marché de la consommation qui se présentent. Toutes les politiques de l'ACC sur des sujets précis sont fondées sur des principes généraux conformes aux intérêts des consommateurs. Ces huit principes guident les associations de consommateurs qui font partie de la Fédération internationale de consommateurs, ou Consumers International. Parmi ces principes, on retrouve le droit de choisir, le droit à des produits sécuritaires et le droit à l'information et à un environnement sain.

[Français]

L'Association des consommateurs du Canada a été créée en 1947. C'est un organisme à but non lucratif indépendant, qui dépend en grande partie pour son fonctionnement de l'apport de nombreux bénévoles dans toutes les régions du pays.

Son mandat consiste à informer et à éduquer les consommateurs canadiens au sujet des questions reliées au marché de la consommation, à les représenter auprès des instances gouvernementales et des industries, et enfin à travailler avec les gouvernements et les industries dans le but de résoudre des problèmes de consommation au bénéfice des parties en cause.

L'ACC travaille plus particulièrement dans les domaines de l'alimentation, de la santé, du commerce, des normes des services financiers, des communications et des industries. Elle s'intéresse également à d'autres domaines en fonction des questions qui surgissent à l'occasion et qui ont un impact en matière de consommation.

Toutes les politiques de l'ACC au sujet des questions spécifiques sont fondées sur des principes généraux qui tendent tous à assurer la défense des intérêts des consommateurs et à faire valoir leur point de vue là où cela s'avère nécessaire.

Les associations qui composent la Fédération internationale des regroupements de consommateurs, mieux connue sous le nom de Consumers International, ont établi huit principes de base, dont le droit de choisir, celui d'être entendu et celui d'obtenir satisfaction.

[Traduction]

Je vais maintenant céder la parole à Jenny, notre vice- présidente, qui va vous parler des enjeux et des politiques.

Mme Jennifer Hillard (vice-présidente, Questions et politiques, Association des consommateurs du Canada): Merci.

L'ACC s'intéresse à la biotechnologie, à ses applications et aux questions de consommation qui y sont rattachées depuis une dizaine d'années, depuis qu'elle a tenu un colloque sur l'élaboration de politiques en Saskatchewan, en 1988. Pendant tout ce temps, l'ACC a essayé de présenter une perspective objective de la question. Par conséquent, nous ne sommes ni complètement opposés ni entièrement favorables à la biotechnologie.

Nous reconnaissons que les nouvelles méthodes de modification génétique sont des technologies puissantes. Pour profiter des possibilités qu'elles peuvent offrir, nous devons être conscients des risques et pouvoir y réagir. Nous savons qu'il est possible d'appliquer ces technologies aux produits pharmaceutiques, aux matériaux industriels et dans d'autres secteurs, mais nos propos d'aujourd'hui vont porter plus précisément sur les aliments issus de plantes génétiquement modifiées.

Également, nous allons vous parler uniquement de l'étiquetage, obligatoire ou facultatif, de ces produits alimentaires, étant donné que c'est l'objet de votre étude. J'aimerais toutefois souligner que l'étiquetage ne remplace pas la sécurité alimentaire. Le droit de choisir est une maigre consolation si on connaît mal les effets de nos choix sur le plan de la sécurité et de l'environnement.

La plupart des consommateurs savent bien que les mutations des plantes se produisent naturellement en réponse à des stimuli extérieurs et que l'amélioration des plantes pour l'obtention de caractères particuliers, comme la résistance aux maladies, se pratique depuis des siècles. Les gens jardinent et beaucoup d'entre eux ont fait des greffes ou déplacer du pollen à l'aide d'un coton-tige ou d'un pinceau.

• 0915

Mais entre l'amélioration des semences domestiques et le génie génétique, la transgénique, le clonage, la mutagénèse et d'autres applications du génie génétique, il y a un monde qui dépasse l'entendement de beaucoup de consommateurs et qui est peu rassurant. Cette insécurité, combinée au fait qu'on ne répond pas aux questions très légitimes des consommateurs, rend le grand public inquiet au sujet des risques que peut avoir pour la santé humaine et l'environnement la prolifération de ces technologies.

Comme le génie génétique est une science que la plupart des consommateurs connaissent très peu, l'ACC a contribué activement à renseigner les consommateurs sur ce qu'est la modification génétique et sur ce qu'elle n'est pas. En plus de collaborer avec les décideurs, nous avons travaillé avec le Réseau de communications sur la biotechnologie alimentaire pour produire Un appétit croissant pour l'information, une brochure destinée à fournir des informations sur la biotechnologie qui sont faciles à comprendre pour le consommateur moyen. De plus, l'ACC a organisé, plus tôt cette année, six groupes de discussion dans tout le pays pour évaluer l'accès et l'utilité des informations fournies aux consommateurs sur le génie génétique.

Il est important de comprendre que le génie génétique, surtout appliqué aux aliments, ne soulève pas seulement des considérations liées à la santé humaine, à la biodiversité et à l'environnement. Il a aussi une incidence sur les valeurs morales, éthiques, sociales et religieuses des consommateurs.

Qui plus est, au cours des derniers mois, de grands problèmes liés à la mondialisation, au commerce international et à la concentration du pouvoir industriel se sont ajoutés aux autres enjeux associés aux aliments génétiquement modifiés.

Les consommateurs ne voient pas très bien les avantages qu'offrent les aliments génétiquement modifiés et, pourtant, ils ont le sentiment qu'il peut être dangereux d'en manger.

L'ACC a toujours soutenu que les consommateurs ont le droit d'avoir accès aux informations dont ils ont besoin pour prendre des décisions éclairées. Nous ne nous sommes donc jamais opposés à l'étiquetage des aliments issus de la biotechnologie. Cependant, nous nous battons depuis des années pour que l'étiquetage et les allégations soient fondés sur des données exactes pouvant être mises à la disposition des consommateurs sur demande. Nous refusons un étiquetage trompeur et nous avons demandé que le gouvernement adopte des règlements là où les mesures volontaires ont échoué ou se sont avérées insuffisantes. Nous avons agi de la même façon pour l'étiquetage des aliments contenant des végétaux génétiquement modifiés ou issus de ces végétaux.

L'ACC participe au processus d'élaboration d'une norme d'étiquetage volontaire de l'Office des normes générales du Canada parce que nous croyons que cette initiative favorise les discussions entre les nombreux intervenants et peut servir les intérêts de tous, y compris ceux des consommateurs. Nous espérons que les discussions vont aboutir à un document sur l'étiquetage volontaire qui aura fait l'objet d'un consensus. Nous exhortons le gouvernement à attendre les résultats du travail de l'ONGC pour voir s'il n'est pas possible de s'en servir avant de proposer un programme d'étiquetage obligatoire.

Au Canada, l'étiquetage est déjà obligatoire dans le cas des produits alimentaires qui ont été modifiés considérablement, qui présentent des risques pour le consommateur ou qui contiennent un allergène, mais l'étiquette précise les modifications ou les risques, mais pas la technologie qui a servi à la fabrication du produit.

L'ACC approuve entièrement la loi actuelle qui permet d'exiger un étiquetage en fonction du contenu et non du procédé utilisé, mais elle reconnaît que la population veut un étiquetage sur les OGM. Nous avons déjà participé à des discussions sur l'étiquetage obligatoire des produits biologiques, mais cet étiquetage est toujours volontaire et il est la cause de beaucoup de malentendus et de confusion en raison d'allégations trompeuses. À notre connaissance, l'étiquetage est obligatoire seulement dans le cas des aliments irradiés.

Nous sommes conscients des problèmes d'espace sur les étiquettes et de la différence entre l'information qu'il faut savoir et celle qu'il est intéressant de connaître. Nous croyons qu'il ne faut pas limiter la réflexion à ce qui peut figurer sur l'étiquette du produit, mais penser à l'information qu'on peut fournir sur la tablette, à l'intérieur du paquet ou en téléphonant à un numéro 1-800.

Voici quelques principes sur l'étiquetage approuvés par l'ACC, principes qui s'appliquent souvent à bien des formes d'étiquetage et qui ne se limitent pas nécessairement au génie génétique:

- Dans tous les cas, l'étiquetage doit être compréhensible, vrai et non trompeur.

- L'étiquetage doit être obligatoire pour les produits issus de végétaux génétiquement modifiés ainsi que pour ceux qui contiennent une protéine génétiquement modifiée.

- Un symbole, sans explication, n'est pas un étiquetage suffisant.

- Nous nous opposons vivement à ce qu'on emploie la formule «peut contenir» sur l'étiquette parce qu'elle ne veut rien dire et ne renseigne absolument pas le consommateur.

- Les étiquettes doivent servir à informer les consommateurs, non à éliminer des produits du marché.

- Le terme «sans» doit être clairement défini.

- La définition de «modification génétique» doit englober toutes les techniques qui entraînent une modification génétique, et pas seulement la technologie de l'ADN recombinant (ADNr).

• 0920

L'ACC suit les activités que les associations de consommateurs ailleurs dans le monde mènent au sujet de l'étiquetage des OGM. On commence à se préoccuper d'autres méthodes de modification génétique que la technologie de l'ADN recombinant à mesure qu'on en apprend davantage à leur sujet. D'ailleurs nous avons parlé des autres technologies de modification génétique aux six groupes de discussion que nous avons réunis dans différents endroits du pays pour connaître la réaction des consommateurs.

C'est la raison pour laquelle nous favorisons une définition plus large pour les fins de l'étiquetage, et nous aimerions que, dans le cadre d'un programme d'étiquetage canadien, la définition d'aliment génétiquement modifié soit la même que celle qui a été donnée à l'expression «aliment nouveau» dans le règlement, ou qu'elle soit conforme à celle qui est énoncée dans la norme des aliments biologiques de l'ONGC, et qui est la suivante:

    Tous les organismes et leurs produits dérivés fabriqués à l'aide des techniques du génie génétique, dont la technologie de l'ADN recombinant, la fusion cellulaire, l'encapsulation, la macro et la micro-injection, la suppression ou l'amplification des gènes ainsi que d'autres techniques visant à modifier la composition génétique des organismes vivants par des moyens autres que l'accouplement ou les techniques de reproduction traditionnelles comme la conjugaison, l'hybridation ou la transduction.

Si le comité a l'intention d'étudier seulement l'ADN recombinant, c'est l'expression qu'il devrait alors utiliser. On ne doit pas penser que la modification génétique est synonyme de technologie de l'ADN recombinant, parce que ce n'est pas le cas.

L'étiquetage des OGM, facultatif ou obligatoire, qui repose sur des principes solides résistera au passage du temps et sera assez souple pour répondre aux besoins des nouvelles technologies qui peuvent être aussi controversées que la technologie de l'ADN recombinant. D'après nous, si nous avions établi un système semblable au plus fort du débat sur l'irradiation des aliments, nous aurions pu répondre aux besoins des nouvelles technologies actuelles.

Un programme d'étiquetage, facultatif ou obligatoire, ne doit pas seulement être vérifiable sur le plan scientifique mais doit aussi être crédible. C'est la raison pour laquelle nous pensons que le régime adopté au Royaume-Uni, qui exclut les produits qui ne contiennent pas de protéines génétiquement modifiées mais ceux qui en sont issus, comme le sirop de maïs ou l'huile de canola, serait déroutant et trompeur pour les consommateurs.

L'ACC croit qu'il est important que le gouvernement réglemente les allégations selon lesquelles les aliments ne contiendraient pas d'OGM. Il faudra bien définir ce qu'on entend par «sans OGM», et établir des teneurs admissibles réalistes et crédibles.

Nous ne croyons pas que la population canadienne accepterait les teneurs admissibles acceptées au Japon, et on conteste beaucoup au Canada la teneur admissible qui est autorisée aux États-Unis dans la définition de «sans gras».

D'après ce que l'on peut lire dans les publications d'associations de consommateur d'autres pays, ce sont les produits qui sont étiquetés comme étant sans OGM qui semblent soulever le plus de préoccupations. Les consommateurs qui se préoccupent des effets des aliments génétiquement modifiés sur les plans sanitaire, environnemental, social et moral veulent être en mesure de choisir. Ils veulent avant tout pouvoir choisir des produits qui ne contiennent pas d'organismes génétiquement modifiés ou ne sont pas issus de ces organismes. Comme les produits biologiques, ces produits pourront coûter plus cher et les possibilités de fraude liées à de fausses allégations peuvent être énormes.

Faut-il vendre et exporter des aliments génétiquement modifiés? Ces aliments aideront-ils les pays en développement à subvenir à leurs besoins alimentaires, vont-ils détruire la biodiversité ou assujettir ces pays aux multinationales? Faut-il étiqueter ces produits? Toutes ces questions soulèvent un débat et il est pratiquement impossible d'arriver à s'entendre à leur sujet.

En choisissant de ne pas s'opposer à tous les aliments génétiquement modifiés et de préconiser un étiquetage fondé sur des principes et des données scientifiques, l'ACC est considérée comme favorable aux OGM. Pour nous, la communication d'informations justes ne signifie pas qu'on approuve la biotechnologie ou qu'on se range du côté de l'industrie. L'information est une partie de notre mandat et il est impossible pour les consommateurs de faire des choix sans une information juste et suffisante.

L'ACC aimerait avoir l'assurance que l'étiquetage au Canada est fondé sur des données scientifiques ou des vérifications valables, une approche prudente et l'obligation de fournir des renseignements crédibles et non trompeurs, et qu'il puisse résister au passage du temps. Nous espérons que votre comité permettra au Canada de donner l'exemple en élaborant un programme d'étiquetage des OGM qui remplisse ces critères et qui satisfasse autant les consommateurs canadiens que le marché mondial.

Merci.

Le président: Merci Jennifer.

Merci Gail.

Nous allons maintenant entendre la déclaration de Nathalie St-Pierre.

Bonjour.

[Français]

Mme Nathalie St-Pierre (directrice générale, Action réseau consommateur): Mesdames et messieurs, je suis heureuse d'être ici avec vous pour exprimer le point de vue des consommateurs au sujet de la problématique des OGM. Je tiens d'abord à vous dire que je ne suis pas une scientifique. Je suis la directrice d'un groupe de consommateurs qui oeuvre au Québec depuis 1978 et qui représente les consommateurs à faible et modeste revenus. Je vous soumets cependant que ce n'est pas parce que nous ne sommes pas des scientifiques que nous ne pouvons pas contribuer à élaborer et appliquer une réglementation pertinente en matière d'OGM.

• 0925

À l'heure actuelle, tout le monde s'entend pour dire que c'est le temps de débattre de ces questions, mais peu de personnes proposent des solutions qui, à notre avis, sauront répondre aux besoins des consommateurs. La science se doit d'être plus humble. On n'a qu'à se rappeler les nombreux produits qui nous ont été proposés, tels les pesticides et le nucléaire, et notre découverte, un peu plus tard, que ces produits ne nous avaient pas servis comme on l'avait cru.

[Traduction]

J'ai le document de ma déclaration que j'ai fait traduire en anglais. J'ai apporté quelques modifications après traduction parce que le texte ne correspondait pas exactement à ce que je voulais.

M. Joe McGuire (Egmont, Lib.): Vous l'avez modifié génétiquement?

Mme Nathalie St-Pierre: Oui, effectivement. Je vais maintenant lire ma déclaration, qui ne correspondra probablement pas au texte qui vous a été distribué.

Le consommateur doit être en mesure de faire un libre choix, et son choix éclairé dépend directement de la qualité des informations auxquelles il a accès quand il fait ses achats.

Selon un sondage Environics effectué en 1999, 58 p. 100 des Canadiens ne sont pas familiers avec les aliments génétiquement modifiés. Les consommateurs ne peuvent connaître tous les éléments et les effets d'un produit sur le marché, mais le gouvernement a le devoir d'exiger que les fabricants et les importateurs fournissent certaines informations jugées importantes pour permettre aux consommateurs de faire des choix éclairés.

Les aliments issus de modifications génétiques soulèvent des problèmes de consommation, comme la nécessité d'étiqueter les produits pour que les consommateurs sachent quels sont les aliments génétiquement modifiés sur le marché. Comme ma collègue l'a déjà dit, il ne s'agit pas de sécuriser les consommateurs sur l'innocuité des aliments. C'est un autre problème. Nous parlons de l'identification des produits sur le marché et de la communication d'informations suffisantes aux consommateurs.

Les droits des consommateurs sont déterminants dans le respect de leurs intérêts. En matière de biotechnologie, le droit à la sécurité, le droit de choisir et le droit à l'information le sont particulièrement. L'innocuité des aliments issus des OGM préoccupe la majorité des Canadiens, à des degrés divers. En effet, selon un sondage Léger & Léger effectué au Québec au mois de mai, plus de 75 p. 100 des Québécois s'intéressent au mode de production des aliments qu'ils consomment. Près des deux tiers des Québécois disent être préoccupés par les OGM.

Les consommateurs s'attendent à ce qu'on s'assure de l'innocuité des produits alimentaires avant de les vendre sur le marché, mais ils savent que les scientifiques et les organismes de réglementation ne sont pas infaillibles et que des erreurs sont possibles. C'est pourquoi les consommateurs voudront peut-être faire preuve de prudence au moment de faire leurs achats pour protéger leurs intérêts. Quand les OGM sont mal identifiés, comme c'est le cas en vertu de la loi en vigueur au Canada, les consommateurs ne peuvent pratiquement pas adopter une attitude prudente. En outre, de plus en plus de Canadiens sont préoccupés par les OGM pour des raisons morales et éthiques.

On viole le droit de savoir des consommateurs en ne leur fournissant pas les informations nécessaires pour savoir si des OGM ont servi à la production des aliments vendus sur le marché. Les consommateurs ne peuvent prendre de décisions éclairées à partir de ces informations, ce qui viole leur droit à un libre choix. Compte tenu de l'importance de la biotechnologie pour les consommateurs dans leurs décisions d'achat, les gouvernements ont l'obligation de s'assurer que ces droits sont protégés par une loi claire.

C'est pourquoi nous recommandons l'établissement d'une stratégie d'étiquetage obligatoire qui respecte les droits fondamentaux des consommateurs et exige l'étiquetage de tous les aliments issus des biotechnologies. C'est seulement en obligeant par la loi la communication de l'information sur les techniques de fabrication des aliments que les consommateurs auront la certitude de pouvoir faire des achats conformes à leurs intérêts.

• 0930

Selon le sondage Léger & Léger, 96 p. 100 des Québécois sont favorables à des règles d'étiquetage obligatoires pour les OGM. Action réseau consommateur est d'avis qu'une loi sur l'étiquetage est le moyen le plus efficace de faire respecter les droits et les intérêts des consommateurs, étant donné que les consommateurs peuvent ainsi avoir accès directement à des informations qui leur permettent de faire des choix concernant les OGM.

Il a été proposé aux États-Unis d'employer sur l'emballage de tous les produits génétiquement modifiés les expressions «génétiquement modifié» ou «issu des biotechnologies modernes ou nouvelles». On pourrait songer à faire la même chose au Canada.

Au sujet de la terminologie, le gouvernement doit cependant consulter la population pour évaluer la signification et l'utilité des expressions proposées. Étant donné que l'espace est restreint, il faudra limiter et normaliser les informations apparaissant sur l'étiquette. Cependant, il faudrait à tout le moins trouver sur le produit un symbole et un énoncé sur le dessus, la liste des ingrédients indiquant les éléments modifiés génétiquement et qu'une vérification de la présence ou de l'absence d'OGM a été faite par une tierce partie ou un comité gouvernemental.

Ces informations vont permettre aux citoyens de faire des choix éclairés en leur donnant la possibilité de mieux évaluer la qualité des produits alimentaires en fonction de leurs besoins et de leur système de valeurs. Les renseignements doivent être suffisants pour permettre de déterminer non seulement si le produit est issu de biotechnologies, mais aussi quelles sont les répercussions sociales, politiques et économiques qui en découlent. Sans cela, les consommateurs ne pourront pas faire de choix éclairés.

Étant donné qu'on ne peut pas en dire trop long sur l'étiquette, de l'information supplémentaire doit pouvoir être communiquée par l'entremise de programmes gouvernementaux. L'information mise à la disposition des consommateurs doit à tout le moins expliquer les avantages, les inconvénients et les risques; porter autant sur les biotechnologies que sur leurs applications particulières; fournir la liste des producteurs et industriels oeuvrant dans le domaine; donner de l'information sur les produits, les services et les procédés; traiter de tout nouveau règlement ayant trait aux nouvelles biotechnologies; et offrir de l'information sur les procédés de production et de transformation, le type de modification génétique utilisé, le type d'organisme utilisé, le code génétique transféré, etc.

De plus, pour garantir la crédibilité et l'objectivité, l'information diffusée par les gouvernements doit fournir une information objective, crédible et basée sur un processus démocratique et transparent; aider le consommateur à développer son sens critique; être simple à comprendre, utile et pertinente; et être largement diffusée. La diffusion sur Internet n'est pas suffisante. Compte tenu de l'accès actuel à Internet, ce n'est pas utile pour tous les consommateurs.

Il faut favoriser une approche éducative plutôt que commerciale. Il faut limiter la définition de ce qui peut rester confidentiel de manière à n'englober que les seuls secrets industriels de nature purement commerciale.

Enfin, étant donné que l'information provient de différentes sources, dont les gouvernements, les universités les groupes d'intérêt public, les distributeurs alimentaires et d'autres, le gouvernement devrait fournir une information qui provient toujours de différentes sources d'information. Il devrait également: s'assurer de toujours consulter l'ensemble des intéressés; établir un institut financé par les secteurs public et privé qui aurait pour mandat d'être une source crédible d'information, comme en établissant le numéro 1-800 dont tout le monde parle; assurer la vérification de la réglementation des biotechnologies par des organismes non gouvernementaux; commander des vérifications indépendantes; se charger de recevoir, de traiter et de régler les plaintes des citoyens, et même de prendre des recours juridiques si nécessaire; recueillir des informations et faire enquête auprès des entreprises; favoriser l'accès à l'information, la participation des citoyens à des consultations et la recherche indépendante et recommander l'homologation de tout nouveau produit; enfin, évaluer les risques concernant les produits nouveaux issus des biotechnologies en faisant appel à des experts, à des comités, au grand public et à des chercheurs indépendants, et il devrait distribuer cette information.

• 0935

Actuellement les consommateurs ne sont pas informés. L'information leur est pourtant essentielle pour qu'ils puissent prendre des décisions éclairées. Ces décisions éclairées sont essentielles au bien-être des consommateurs. Ceux-ci se préoccupent particulièrement des questions de santé et de sécurité. Ils se soucient des facteurs moraux et sociaux. Les consommateurs—75 p. 100 d'entre eux—se préoccupent de ces choses.

L'importance, pour le public canadien, des méthodes de production des aliments génétiquement modifiés, ainsi que la nature fondamentale des questions que soulèvent ces méthodes font que le gouvernement a la responsabilité de veiller à ce que l'information de base relative aux aliments génétiquement modifiés soit disponible pour le public.

Selon nous, l'étiquetage obligatoire est l'un des moyens les plus efficients par lequel le gouvernement pourrait s'acquitter de cette obligation. Au Québec, trois consommateurs sur cinq lisent toujours ou souvent les étiquettes—je crois que c'est 70 p. 100 pour les Canadiens—et 96 p. 100 des consommateurs sont favorables à des mesures législatives obligeant l'étiquetage des aliments génétiquement modifiés.

Merci.

Le président: Merci, merci à tous.

Avant de laisser la parole à M. Casson, puis-je m'adresser à vous, madame St-Pierre, un petit moment? Vous avez décrit un système très détaillé, complexe et exhaustif à appliquer pour amener les produits de la biotechnologie sur le marché d'une manière qui, selon vous, serait acceptable aux yeux des consommateurs. Si vous étiez en charge du genre de régime que vous préconisez dans votre document, et de toutes les démarches qui devraient précéder et succéder à son entrée en vigueur, croyez-vous vraiment qu'il vous serait possible alors de mettre les produits de la biotechnologie sur le marché? Est-ce que ce que vous proposez aujourd'hui est vraiment faisable?

Mme Nathalie St-Pierre: Il est faisable d'informer les consommateurs. C'est, je pense, la substance de que je m'efforce de faire comprendre. Pour y parvenir, on pourrait notamment créer une institution qui diffuserait de l'information équilibrée et fiable aux consommateurs sur les risques et les avantages. Rien ne tel n'a été fait jusqu'ici. Alors oui, je pense que c'est faisable.

Pour ce qui est de l'évaluation des produits, dont je ne crois pas avoir parlé dans mon mémoire, c'est un sujet tout différent qui se rapporte à la sécurité, à l'exécution du processus. Il est certain que le processus est en place, et les produits sont actuellement approuvés et mis sur le marché.

Ce dont nous parlons ici, c'est de l'information diffusée aux consommateurs et du droit de prendre librement des décisions sur le marché. Nous parlons d'un marché libre pour les entreprises. Nous exigeons un marché libre pour les consommateurs, où ils peuvent prendre leurs propres décisions, un marché où les consommateurs peuvent décider si oui ou non ils veulent acheter ces produits.

Le président: Mais vous devez cependant admettre qu'ainsi vous mettrez bien des gens sur la sellette.

Mme Nathalie St-Pierre: L'information des consommateurs, ce n'est pas mettre quiconque sur la sellette. Toute l'information serait concentrée ou regroupée en un seul endroit, et ainsi les consommateurs ne recevraient pas seulement que l'information émanant de l'industrie. Elle ne viendrait pas non plus des médias. Ils recevraient une information valable, par l'entremise d'un organisme fiable.

Le président: D'accord. Je vous remercie. Je ne doute pas que nous creuserons le sujet plus loin.

Je suis désolé de vous avoir fait attendre, monsieur Casson. Vous avez sept minutes.

M. Rick Casson (Lethbridge, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.

Madame Lacombe, est-ce que dans le cadre de vos rapports avec le groupe international de protection des consommateurs, vous avez entendu qu'il y ait un endroit au monde où des gens sont devenus malades ou ont subi des effets particuliers attribuables à la consommation d'aliments génétiquement modifiés?

Mme Jennifer Hillard: Je n'ai aucune preuve que quelqu'un a été malade, qui démontre un lien direct entre la maladie et la modification génétique.

M. Rick Casson: D'accord. Maintenant, vous parlez un peu de...

Le président: Vouliez-vous donner une réponse à cette question?

Mme Nathalie St-Pierre: Oui.

M. Rick Casson: Bien sûr. Pardonnez-moi.

Mme Nathalie St-Pierre: J'ai assisté à la conférence de l'OCDE en février dernier. L'objet de cette conférence était de discuter des effets sur la santé seulement. Ce n'est pas encore très clair.

Beaucoup de scientifiques qui se trouvaient là ont déclaré que jusqu'ici, il n'y a eu que quelques études de pré-commercialisation sur les effets de la consommation de ces produits et que, par conséquent, il est difficile de dire si elle présente des risques ou non.

• 0940

D'autres problèmes ont été soulevés. Par exemple, le tryptophan est un acide aminé qui est utilisé comme supplément dans les aliments, et certains ont soutenu que c'est un supplément génétiquement modifié. Trente-sept personnes sont mortes aux États-Unis; on ne peut pas vraiment attribuer à coup sûr ces décès au nouveau lot de ce produit. Néanmoins, la FDA s'est vue refuser la possibilité de le vérifier, et beaucoup de questions restent en suspens.

Alors toutes ces questions font maintenant surface. Le Dr Pusztai a fait des études dont la validité a été mise en doute, mais il a néanmoins fait valoir des éléments qui ont été jugés valables, sur lesquels les recherches devraient se poursuivre. Finalement, un certain scientifique a soulevé l'hypothèse que certaines des matières sont transférées dans l'intestin, depuis que la maladie de la vache folle, par exemple, a été découverte. Il y a 10 ans, on soutenait qu'il n'était pas possible que ça se transmette aux humains, et maintenant il est reconnu que c'est possible. Par conséquent, personne n'est convaincu qu'il n'y a aucun risque.

M. Rick Casson: Eh bien, je pense que lorsqu'on en vient à parler de la décision finale d'un consommateur sur l'achat ou le rejet d'un produit—je pense que c'est ce dont il s'agit ici—et de la nécessité de lui fournir l'information dont il a besoin pour prendre une décision éclairée, toute la question de l'étiquetage... Lorsqu'on voit tout ce dont il faut tenir compte, et nous parlons maintenant de facteurs éthiques, sociaux, religieux et moraux qui entrent en jeu, et toutes ces autres choses dont il faut tenir compte dans l'étiquetage de ce produit—c'est... Je pense qu'il va falloir emballer nos produits dans de plus gros contenants rien que pour pouvoir y mettre toute cette information.

Vous, de l'ACC, avez dit espérer que l'on attende, avant de décider quoi que ce soit, les recommandations que doit faire l'Office des normes générales du Canada. Est-ce bien vrai?

Vous avez parlé d'un processus d'étiquetage volontaire, mais dans votre déclaration sur les éléments que vous examinez, vous dites que les produits dérivés des plantes génétiquement modifiées ainsi que ceux qui contiennent des protéines génétiquement modifiées doivent être étiquetés. Alors est-ce que vous parlez d'un système volontaire ou obligatoire, ou quoi?

Mme Jennifer Hillard: Ce que nous disons, c'est que quel que soit le système qui sera adopté, qu'il soit volontaire ou obligatoire, il doit englober ces deux éléments.

N'importe quel système d'étiquetage doit renseigner les consommateurs de façon précise et crédible. Que ce soit un système obligatoire ou volontaire, vous détruisez la confiance des consommateurs dans le système s'ils découvrent que quelque chose qu'ils savent avoir été génétiquement modifié, comme le maïs industriel ou le colza, s'est faufilé entre les mailles de l'étiquetage.

C'est ce qui commence à arriver en Europe. Ils se sont jetés dans ce régime obligatoire en réaction aux pressions politiques. Nous ne pensons pas qu'ils aient pris du recul pour bien y réfléchir.

Maintenant, les gens reviennent à la charge et disent, «Oh, vos croustilles sont frites dans de l'huile de colza, et pourtant vous déclarez qu'elles ne contiennent pas de produits génétiquement modifiés, et nos breuvages sont sucrés avec la saccharose de maïs, et on y lit qu'ils ne contiennent pas d'éléments génétiquement modifiés». C'est trompeur et troublant pour les consommateurs, parce que leurs connaissances sont limitées. Je ne veux pas les rabaisser, ni dire qu'ils sont ignorants, mais leurs connaissances sur une technologie des plus complexes sont très limitées. Par contre, ils savent bien que le colza et le maïs industriel ont été génétiquement modifiés.

Alors vous mettez vos bouteilles d'huile de colza sur les rayons... L'autre côté de la médaille, bien sûr, de l'étiquetage des produits génétiquement modifiés, de l'obligation d'étiqueter tout ce qui contient des produits génétiquement modifiés, est qu'il y a un tas de gens qui vont se lancer sur le marché pour s'emparer du créneau des produits non modifiés, parce que c'est là qu'il y aura des gros sous à faire. En mettant sur les rayons d'un magasin des bouteilles d'huile de colza où on lit qu'il n'y a pas d'éléments génétiquement modifiés, on sape la crédibilité du système d'étiquetage, qu'il soit obligatoire ou volontaire. C'est ce qui nous préoccupe: nous tenons à ce que l'étiquette comporte des informations que les consommateurs connaissent, croient et peuvent comprendre.

M. Rick Casson: Vouliez-vous commenter cela?

Mme Nathalie St-Pierre: Oui.

Bien que je sois d'accord que le système d'étiquetage qui sera adopté doit être précis et exécutoire, je pense que nous vivons dans une société industrialisée où les consommateurs sont tout à fait en mesure de prendre leurs propres décisions. Je crois que ce serait une erreur de penser qu'ils ne peuvent pas comprendre cette information.

• 0945

Je pense que les consommateurs et les citoyens de notre société sont de plus en plus instruits. Les gens lisent. Même s'ils ne savent pas grand-chose sur la biotechnologie et les aliments génétiquement modifiés en tant que tels, ils peuvent se faire une idée si on leur donne l'information qu'il faut. C'est pourquoi je pense que, quelle que sera la stratégie qu'on adopte, il faut tenir pour acquis que les consommateurs sont capables de prendre des décisions, qu'ils sont assez intelligents pour lire l'information.

L'objet du système d'étiquetage est aussi de permettre aux consommateurs de faire les recherches appropriées, de creuser le sujet s'ils le veulent. Il est évident que les consommateurs ne vont pas chercher tous les détails. Ils choisiront ce qui les intéresse et feront des recherches là-dessus, liront des documents, des articles dans les revues ou consulteront diverses sources d'information. Je pense que c'est ainsi qu'on devrait envisager l'information des consommateurs.

Le président: Le temps de cette intervention est écoulé. Je vous remercie.

Madame Alarie, vous avez sept minutes.

[Français]

Mme Hélène Alarie (Louis-Hébert, BQ): Monsieur le président, j'aimerais faire une première remarque. On avait convenu ici que tous les textes seraient présentés en français et en anglais et qu'ils seraient traduits du premier paragraphe jusqu'au dernier. On nous a présenté ici trois petits paragraphes en français. J'aimerais que vous nous remettiez dorénavant la version française des textes que vous présentent les témoins qui viennent faire des exposés. Voilà.

Vous êtes tous là pour éduquer et informer les consommateurs. Cela fait partie de vos missions. Si je lis bien ce que vous nous avez exposé, vous dites aussi que le consommateur a le droit de choisir, d'être entendu et d'obtenir satisfaction.

On a tous reçu dans nos maisons et lu le petit dépliant Des aliments sains... chez vous! publié par Agriculture Canada, l'Agence canadienne d'inspection des aliments, Santé Canada et le CCDA. Il m'a semblé que plutôt que de nous instruire, ce dépliant était en quelque sorte un outil de propagande pour appuyer ce qui se passe à l'heure actuelle. Enfin, je n'y ai pas décelé d'éléments qui pourraient instruire la population.

Est-ce que vos deux organismes reçoivent des subventions pour diffuser de l'information et faire de la formation? Si tel est le cas, pouvez-vous dire que que vous êtes totalement indépendants du gouvernement qui vous verse de telles subventions? Est-ce que vous êtes critiques face aux actions d'Industrie Canada, qui a des montants d'argent faramineux pour soi-disant informer, instruire et éduquer le public? Quelle est votre position face à une de vos premières missions, qui est d'éduquer et d'informer la population?

[Traduction]

Mme Jennifer Hillard: Nous sommes financés par les cotisations volontaires de nos membres, par des dons. Tout l'argent que nous recevons du gouvernement est lié à un projet spécifique, mais le projet n'est lié au gouvernement que dans le sens où il doit respecter la proposition qui a été déposée en premier lieu. Une fois que la proposition est acceptée, nous sommes libres de faire ce que nous voulons, dans les limites du projet.

Nous sommes tous des bénévoles. Notre personnel ne fait pas ce genre de choses. Gail et moi sommes bénévoles à l'organisation, de même que tous ceux qui formulent nos politiques et rédigent nos documents en vue d'audiences comme celle-ci.

Nous avons créé ce petit document d'information sur la biotechnologie. Il est rédigé en anglais et en français, si vous en voulez des exemplaires. Sans argent, nous faisons cela à titre bénévole. Je ne sais pas d'où est venu l'argent pour l'imprimer. Notre tâche consistait à produire un document neutre et conforme à notre politique sur l'alphabétisation, et de veiller à ce qu'il soit aussi instructif que possible.

Nous ne recevons pas d'argent de l'industrie, et celui que nous donne le gouvernement vise un projet spécifique. Nous nous sentons libres de nous exprimer et de dire ce qui, à notre avis, est bon pour les consommateurs. Nous n'avons jamais été empêchés de critiquer ni le gouvernement ni l'industrie, même si nous travaillons sur un projet qu'ils financent, parce qu'à nos yeux, notre rôle est de représenter le consommateur moyen de tout le Canada. C'est une tâche assez difficile parce que, comme vous le savez, la gamme des consommateurs va des très riches aux très pauvres, des agriculteurs aux environnementalistes, et c'est pourquoi nous nous efforçons de nous maintenir sur la médiane dans toutes nos démarches.

• 0950

Vous voulez savoir ce que nous pensons de ce qui se passe au ministère de l'Agriculture et à l'Agence d'inspection des aliments? Nous trouvons qu'il y a un manque flagrant de transparence. Nous pensons qu'ils ont eu un bien piètre rendement au plan de la communication jusqu'ici. De notre côté, les documents que nous avons soutiennent les affirmations selon lesquelles nous avons au Canada un excellent système de réglementation et des aliments très sûrs.

D'ailleurs, j'aimerais vous citer une déclaration de Roy Romanow, de la Saskatchewan, qui a été publiée dans le Globe and Mail, la semaine dernière. Il dit que ces aliments génétiquement modifiés ne viennent pas de «laboratoires pleins de toiles d'araignée d'un vieux fou»; ils sont régis par «l'un des meilleurs systèmes de réglementation publique du globe».

Je sais que nous sommes très doués pour critiquer le gouvernement et les autorités de réglementation, mais lorsqu'on voit les paniques causées par des aliments dans d'autres pays, comme la crise de la vache folle en Angleterre, si on se rappelle la panique des oeufs, en Angleterre, celle de Coca-Cola en Belgique, nous n'avons rien connu de tel...

[Français]

Mme Hélène Alarie: Pas encore.

[Traduction]

Mme Jennifer Hillard: ... et c'est pourquoi nos consommateurs sont un peu plus complaisants. Nous n'avons pas connu la panique de la boîte de pandore qu'a suscité la viande hachée aux États-Unis.

Il est certain que des améliorations pourraient être apportées, surtout sur le plan de la transparence du système canadien, mais nous ne sommes pas prêts à sauter sur nos pieds et à clamer que nous n'avons pas un bon système. Notre système est bon. Il y a toujours place pour l'amélioration dans tout, mais nous avons un bon système.

[Français]

Mme Nathalie St-Pierre: D'une part, les groupes qui ont une mission d'éducation font face à des difficultés fondamentales parce qu'ils ne disposent pas des sommes d'argent nécessaires. En général, comme l'indiquait Mme Hillard, les sommes d'argent sont affectées à des projets spécifiques.

D'autre part, même dans le cadre de ces projets spécifiques, il arrive qu'on n'ait pas les moyens de faire traduire certaines études très intéressantes qu'on a faites auprès des consommateurs ou des recherches qu'on a faites au cours des 10 dernières années. Ainsi, nous, les francophones, n'y avons pas accès. Nous faisons face à une difficulté accrue parce qu'on n'est pas en mesure de faire traduire des documents dont la traduction pourrait coûter jusqu'à 15 000 $ pour une quarantaine de pages.

Nous disposons de très peu d'argent pour ce faire et nous ne sommes surtout pas en mesure de faire imprimer des dépliants. Si nous en publiions conjointement avec d'autres groupes, nous risquerions d'entacher notre crédibilité auprès des consommateurs. Cette perception est réelle, même si les fonds ont pu provenir des consommateurs. Les gens peuvent se dire que, puisque nous avons bénéficié d'une subvention de l'industrie, le point de vue qu'on y exprime n'est peut-être pas aussi neutre qu'il devrait l'être. Pourtant, dans les faits, cela est faux. Cette perception qu'ont les consommateurs est une problématique importante.

D'autre part, je ne serais pas ici en train de souhaiter que le gouvernement diffuse aux consommateurs une information beaucoup plus crédible si j'estimais que ce qui a été fait jusqu'à maintenant avait été satisfaisant. C'est désolant, mais le dépliant dont vous parliez tout à l'heure et qui a été distribué dans toutes les maisons ne reflète malheureusement pas la situation réelle. On porte les consommateurs et citoyens à croire que cette agence a fait les tests et les études, alors que c'est faux.

M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): C'est faux.

Mme Nathalie St-Pierre: Ce qu'on sait, c'est que l'agence évalue ce qu'on peut demander et demande par la suite à l'industrie de faire elle-même les études. On aurait dû dire cela aux Canadiens. Peu importe qu'on soit d'accord ou non sur cela, on devrait le préciser.

[Traduction]

Le président: Merci, madame Alarie.

Monsieur Steckle.

M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.): Je vous remercie d'être ici ce matin.

Nous parlons de diffusion de l'information, et cela semble être votre principale préoccupation, madame St-Pierre. Vous avez dit plus tôt, je crois, que l'innocuité des aliments n'est pas votre objectif prioritaire. Ce sur quoi vous voulez insister, à ce sujet, est l'information qui est offerte aux consommateurs.

En disant cela, concédez-vous que la l'ACIAA et d'autres organismes publics offrent déjà cette sécurité ou que, du moins, ils ont la possibilité de le faire? Votre préoccupation fondamentale est que le public aie à sa disposition toute l'information qu'il est possible d'avoir.

Mme Nathalie St-Pierre: En fait, j'ai dit clairement que je n'étais pas ici pour parler d'innocuité des aliments. Pour notre organisation, c'est une toute autre question. Lorsque nous parlons d'étiquetage, ce n'est pas pour dire que le produit est sain ou non. C'est une autre question. Mais nous sommes très soucieux de la question de sécurité, c'est évident. L'étiquetage, c'est l'information, le choix libre, sur un marché libre. C'est une chose.

• 0955

Pour ce qui est des risques pour la santé et de l'évaluation relativement à la question de la sécurité, je pense qu'il en a été question un peu plus tôt. L'une de nos plus grandes préoccupations est la transparence de cette organisation. Elle n'est pas transparente. Elle n'est pas accessible. C'est ainsi depuis le début, en 1993, lorsqu'ils ont décidé que les divers ministères participeraient à la démarche plutôt que de créer une loi particulière. Personne n'a été consulté là-dessus.

Ensuite sont venues les lignes directrices. Elles ont été présentées aux fins de consultation, mais aucun des résultats n'a vraiment été diffusé tout de suite après la consultation. Un consensus a paraît-il été atteint et les résultats ont été publiés, mais si on en croit les conclusions de nos recherches, rien de tout cela ne reflétait vraiment ce qui avait été présenté etc., etc. Donc pour commencer, le processus n'englobe pas vraiment les citoyens canadiens.

Pour ce qui est de l'évaluation de l'innocuité des aliments, je ne suis pas scientifique et je ne prétendrai pas l'être, alors je ne pense pas pouvoir dire que le processus appliqué du moment où la plante est cultivée jusqu'à celui où elle se trouve dans l'assiette est sécuritaire ou non. Ce qui me préoccupe cependant, c'est que nous appliquons une démarche qui est fondée sur le principe d'équivalences en substances qui, pour l'instant, ne semble pas être approprié. Une approche prudente semble être celle que les pays préconisent pour le moment: tant qu'on ne sait pas, on attend de voir et on ne prend pas de risques. C'est donc un élément de préoccupation: comment allons-nous intégrer cela dans notre système canadien?

C'est le genre de questions que j'aimerais soulever.

M. Paul Steckle: Mais est-ce que, en nous fondant sur la crédibilité, sur le témoignage de l'histoire des aliments...? Jusqu'où devrons-nous creuser la question de la modification génétique? Je suppose que nous pourrions reculer d'un siècle ou deux et découvrir que cela se faisait déjà, particulièrement dans la culture des pommes de terre et d'autres espèces de légumes et de plantes. Ce n'est rien de nouveau.

Et pourtant, la question revient sur le tapis réunion après réunion: est-ce que quelqu'un a déjà été malade? Nous avons demandé aux témoins qui se sont présentés devant nous si, à ce qu'ils sachent, quelqu'un a jamais été rendu malade par un produit qu'ils avaient consommé, qu'ils savaient génétiquement modifié? Invariablement, nos témoins nous on répondu par la négative.

Pourtant, il y a des produits qui sont vendus tous les jours sur le marché et qui, dans les meilleures intentions, sont étiquetés comme étant en fait dangereux pour la santé. Le gouvernement reçoit d'énormes sommes d'argent en taxes grâce à ces produits, nous dépensons d'énormes sommes d'argent pour régler les problèmes de santé liés à ces produits et pourtant, nous en autorisons la vente. La santé des gens en est-elle vraiment améliorée? L'étiquetage garantit-il un degré plus élevé de sécurité pour le public? Ce sont des questions que le public, je crois...

Où le consommateur doit-il se tourner pour trouver l'information? Qui doit-il croire? Les scientifiques? Le gouvernement, par l'entremise de l'ACIAA, qui déclare que ce produit est sûr? Quand le public va-t-il véritablement se sentir en sécurité et quand allons-nous surmonter cette peur qui se manifeste aujourd'hui au sujet des OGM?

Tout le monde parle des OGM, sachant bien qu'il ne s'agit pas de voitures GM. Tout le monde sait faire la différence entre les deux, mais je ne suis pas sûr que cela aille plus loin.

Mme Nathalie St-Pierre: J'aimerais répéter de nouveau que la question qui se pose n'est pas la même en termes de sécurité et d'étiquetage. Il est vrai que l'étiquetage ne va pas résoudre la question de sécurité. La sécurité est en amont de la question de l'étiquetage. Nous ne savons pas, car nous n'avons pas fait de suivi, et c'est la raison pour laquelle il faudrait prévoir un registre de ce qui se passe.

On peut dire qu'il n'y pas de problème, mais comment le sait- on? Il y a des maladies environnementales aujourd'hui. Le DDT ou d'autres produits sont interdits aujourd'hui, parce qu'ils ont provoqué des problèmes dont nous avons fait le suivi au fil des ans. Il faut faire la même chose; on sera alors en mesure de savoir s'il y a des problèmes ou non.

• 1000

Peut-être n'avons-nous pas eu la maladie de la vache folle, mais nous avons eu le problème de l'eau à Walkerton. Il y a trois semaines, j'aurais pu dire que l'eau ne posait aucun problème au Canada. Ou j'aurais pu dire, en ma qualité de représentante des consommateurs, que l'eau pose un problème au Canada et vous m'auriez répondu que non. Aujourd'hui toutefois, sept personnes sont en train de mourir—peut-être onze—et nous avons un problème.

Soyons simplement prudents, c'est tout ce que je demande.

M. Paul Steckle: J'imagine que j'ai mal formulé ma question. Quand le public se sentira-t-il satisfait? Il faudrait un endroit, un kiosque où l'on pourrait entrer toute l'information souhaitée avant d'aller acheter son épicerie. Le public va-t-il vouloir procéder de la sorte?

Comment l'étiquette peut-elle fournir toute l'information dont on a besoin? Certains emballages sont très petits et l'information ne pourrait pas figurer sur l'étiquette. Comment allons satisfaire le public? Quand allons-nous pouvoir dire que l'on peut garantir que le produit est sûr?

Sinon, va-t-on encore débattre de ce sujet au cours du prochain millénaire? Je ne serai plus là, mais épargnez cette angoisse à mes petits-enfants.

Mme Jennifer Hillard: Je suis prête à m'attaquer à cette question.

L'information à donner varie en fonction des clients. C'est le problème qui se pose à nous tous. Il y a un petit groupe de consommateurs qui s'inquiètent énormément des produits génétiquement modifiés, et peut-être davantage des impacts environnementaux que des impacts sur la santé.

Oui, cela fait des années que nous modifions génétiquement des produits, mais nous l'avons fait d'une manière pratiquement à la portée de tous. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas et les consommateurs s'imaginent que ces manipulations relèvent de la sorcellerie. Des films d'horreur alimentent également ce genre de frayeur. Je suis désolée, mais c'est comme cela que je vois les choses.

On sait que les scientifiques sont de mauvais communicateurs; ils préfèrent passer beaucoup de temps à nous dire que grâce à leur intelligence, ils sont capables de faire ces modifications; ce faisant, ils omettent de l'expliquer d'une manière qui soit acceptable aux consommateurs si bien que ces derniers sont maintenant habités par la peur. Nous ne disposons pas de tests à long terme. Nous n'avons pas nécessairement un bon système qui permette d'assurer la surveillance après la mise sur le marché et de se pencher sur les tests à long terme.

Je ne suis pas scientifique non plus. Nous avons quelques scientifiques très qualifiés qui siègent bénévolement au sein de notre comité de biotechnologie. Ils savent également que les tests à long terme n'existent pas, mais il s'agit d'une technologie qui n'existe sur le marché que depuis 10 ans et nous avons eu des pépins, comme le DDT. Il semblerait, d'après certains indices, que les problèmes risquent plus d'être environnementaux que liés à la santé. Je le répète, des tests à plus long terme s'imposent.

Nous ne disons pas que ces produits sont absolument fantastiques et que tout est merveilleux; ces produits sont passés par un processus complet de réglementation en matière de santé et de sécurité et ceux qui sont sur le marché... Vous ne trouverez pas de moutons clonés sur le marché.

Désolée, monsieur Harvard. Il m'incite à conclure.

Le président: Nous avons légèrement dépassé le temps prévu pour cette série de questions.

Permettez-moi de poser une question à ce sujet à Mme St- Pierre.

Comme le dit Jenny, la plupart d'entre nous ne sommes pas des scientifiques, si bien que je crois que toutes ces questions nous semblent difficiles. Madame St-Pierre, vous disiez plus tôt, ou c'est du moins ce que j'ai compris, que ce qui importe véritablement, c'est le choix du consommateur, le droit du consommateur de choisir; s'il dispose de la bonne information, il devrait pouvoir faire sa propre évaluation. Est-ce bien ce que vous avez dit?

Mme Nathalie St-Pierre: Absolument.

Le président: C'est bien. Si nous sommes d'accord sur ce point, permettez-moi de vous poser cette question, car comme je le disais, nous sommes tous des profanes et nous ne sommes pas des scientifiques, d'où notre problème.

Dans le mémoire de l'ACC d'aujourd'hui, il est indiqué que n'importe quel genre d'étiquetage des aliments, qu'il soit volontaire ou obligatoire, devrait peut-être définir les aliments GM de la même façon que les aliments biologiques le sont par l'Office des normes générales du Canada. Si vous examinez la définition donnée par l'ACC, vous verrez qu'elle est longue, qu'elle se compose de nombreuses phrases et qu'elle renferme des expressions comme «fusion cellulaire», «encapsulation»—qu'est-ce que cela veut bien vouloir dire—«macro et micro-injection», «délétion ou amplification génétique», «conjugaison»—j'imagine que c'est plus que de simples mots, n'est-ce pas?...

Des voix: Oh, oh!

Le président: ... «hybridation», et «transduction»; qu'est-ce que cela veut bien vouloir dire? Ils utilisent tous ces termes techniques, nous parlent d'un processus très technique qui nous dépasse en grande partie, car nous ne sommes pas des scientifiques.

• 1005

Lorsque vous donnez ce genre de définition, comment, en tant que consommateurs non spécialisés, pouvons-nous faire notre propre évaluation? En d'autres termes, ne devons-nous pas nous fier à des spécialistes, des soi-disant experts, des scientifiques?

Je n'irais pas jusqu'à dire que les scientifiques marchent sur l'eau, mais à un moment donné, il faut bien faire confiance à quelqu'un, n'est-ce pas? Cela ne veut pas dire que ceux en qui nous mettons notre confiance ne vont jamais commettre d'erreur; Walkerton en est un bon exemple. J'imagine que l'on pourrait avoir deux ou trois incidents comme celui qui s'est produit à Walkerton. Au bout du compte, ne faut-il pas se fier à quelqu'un?

Mme Nathalie St-Pierre: Absolument. Pour ce qui est des termes dont vous faites mention, en ce qui concerne la définition du produit, cela ne veut pas dire qu'il faudrait indiquer tout cela sur l'étiquette. Il faudrait dire que le produit est génétiquement modifié par le recours à ces techniques. On définit donc «génétiquement modifié» comme correspondant à ces techniques et non pas à l'hybridation, par exemple; par conséquent celui qui est chargé de l'étiquetage sait ce qu'il doit inscrire sur l'étiquette. Il est vrai que les consommateurs ne peuvent pas savoir tout cela et probablement ne souhaitent-ils pas le savoir, mais il est vrai aussi qu'ils doivent savoir qu'il existe un système d'autocontrôle.

Je veux parler de groupes comme le nôtre—ou de l'ACC—qui siègent dans ces comités. Nous essayons de comprendre et de discuter avec nos bénévoles et avec nos membres, et nous essayons d'évaluer ce qui se passe pour pouvoir dire, d'accord, ce produit est bon. C'est ce que je veux dire dans mon mémoire lorsque je parle de secret industriel. Lorsque nous demandons l'information, on nous répond souvent, non, vous ne pouvez pas avoir accès à cette information; c'est un secret industriel. L'industrie ne révèle donc pas la façon dont elle fait l'étude d'évaluation d'un produit, car c'est un secret industriel. C'est inacceptable, parce qu'on a besoin de gens qui soient capables de vérifier; il faut une vérification faite par une tierce personne, une vérification indépendante.

Donc effectivement, le processus se termine en entonnoir, en quelque sorte. Il y a d'abord la partie évasée de l'entonnoir où certains spécialistes prennent telle ou telle mesure, puis d'autres—les tierces parties, les groupes de consommateurs et les chercheurs—examinent ces mesures pour les ramener au niveau souhaité par le consommateur. Si les consommateurs manifestent plus d'intérêt, ils peuvent aller à un autre niveau. C'est donc un processus et il faut le laisser se dérouler. Un point c'est tout.

Le président: D'accord.

Nous passons à M. Casson, puis à Rose-Marie Ur et ensuite, à M. Desrochers et à M. McGuire.

Monsieur Casson.

M. Rick Casson: Merci, monsieur le président.

Je m'adresse de nouveau à l'ACC. Dans votre exposé, vous dites que les Canadiens n'accepteraient pas l'approche adoptée par le Japon. Pouvez-vous préciser cette approche et nous expliquer ce que nos consommateurs jugent de mauvais à cet égard?

Mme Jennifer Hillard: Le Japon a une façon vraiment extraordinaire de traiter de la teneur admissible. De toute évidence, il est impossible de garantir qu'un produit est pur à 100 p. 100. Il y aura toujours une contamination mineure des contenants dans lesquels se trouvent les produits. Il faut donc fixer la teneur admissible à un niveau qui soit acceptable du point de vue des consommateurs.

Le système japonais—et je suis désolée de ne pas avoir apporté ce document—limite la teneur admissible de chaque produit, puis fait l'addition des cinq principaux éléments ajoutés dans chaque produit transformé et décide que la teneur admissible ne doit pas être supérieure à cette somme. Il est possible d'avoir énormément de produits génétiquement modifiés dans un aliment transformé et de continuer à indiquer sur l'étiquette que cet aliment est sans OGM. C'est ce que nous essayons d'éviter et c'est la raison pour laquelle l'autre exemple que nous citons est bien sûr celui du Canada qui a décidé d'autoriser la définition américaine de sans gras, alors que le produit renferme en fait 0,5 p. 100 de gras.

Par conséquent, lorsque vous dites aux Canadiens que «sans gras» signifie que le produit renferme du gras, nous ne voulons pas avoir à dire aux Canadiens que «sans OGM» signifie en fait que le produit risque de contenir 0,5 p. 100 d'OGM. Nous voulons que la teneur admissible soit fixée de manière que l'on puisse la respecter; il faut en effet être réaliste à ce sujet, faute de quoi nous ne pourrons pas nous permettre d'acheter les aliments. Par ailleurs, nous voulons faire en sorte que la teneur n'atteigne pas un niveau tel qu'au bout du compte, les produits qui ont subi énormément de modifications génétiques sont toujours annoncés comme produits sans OGM.

M. Rick Casson: Vous dites donc qu'il est impossible de pouvoir garantir qu'un produit est absolument sans OGM. Par conséquent, une étiquette indiquant qu'un produit est sans OGM n'est pas quelque chose que nous puissions envisager.

• 1010

Mme Jennifer Hillard: Vous le pouvez si vous définissez correctement le terme «sans».

Dans l'étiquetage environnemental, «sans» est défini comme ne contenant pas plus que les éléments traces normaux que l'on retrouve dans l'environnement. Pour ce qui est de «sans gras», «sans» est défini comme représentant 0,5 p. 100. Par conséquent, vous pouvez prétendre qu'un produit est «sans...», mais vous devez définir «sans» d'une façon qui soit acceptable aux yeux du public, faute de quoi vous anéantissez la crédibilité du processus.

Aucun fabricant de produits alimentaires, et pratiquement personne, ne peut prétendre qu'un produit est sans noix. Tout ce qui se trouve sur le marché peut contenir des noix. Nous avons posé la question aux transformateurs de produits alimentaires et ils nous ont dit qu'ils ne peuvent pas garantir qu'un étranger qui fournit l'huile avec laquelle ils huilent leur équipement n'a pas mis de noix dans cette huile, par conséquent, pour une question de responsabilité, ils ne vont pas dire que le produit est sans noix. La situation est la même dans le cas des produits génétiquement modifiés.

M. Rick Casson: Me reste-t-il du temps?

Le président: Oui.

M. Rick Casson: J'ai déjà posé cette question. Pour que Santé Canada réglemente l'étiquetage obligatoire, il faut avoir une loi en vigueur. Pour avoir recours à cette loi, toutefois, il faut prouver qu'il y a préjudice possible. Cela ne nous ramène-t-il pas directement au point où, avant de pouvoir faire quoi que ce soit, il faut déterminer si c'est nocif ou non?

Mme Jennifer Hillard: Dans le système actuel où l'étiquetage vise uniquement la santé et la sécurité et où l'étiquette décrit le produit et le contenu, oui, mais dans le cas d'une étiquette OGM, c'est une autre paire de manches. Il s'agit en effet d'une étiquette visant le processus, car la modification génétique est un processus. À l'heure actuelle, l'étiquetage des aliments n'est pas obligatoire en ce qui concerne le processus, à l'exception des aliments irradiés. Par conséquent, oui, si vous envisagez un étiquetage obligatoire pour les produits ayant subi une modification génétique, si vous envisagez de sortir du cadre actuel de l'étiquetage des aliments.

M. Rick Casson: Merci.

Le président: Nous passons maintenant à Rose-Marie Ur.

Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je me demande si les groupes représentés aujourd'hui pourraient indiquer à notre comité le nombre de leurs adhérents et qui ils représentent en fait. Faites-le rapidement, car j'ai beaucoup de questions.

Mme Nathalie St-Pierre: D'accord. Le groupe au Québec est un réseau. On dénombre 40 groupes de consommateurs au Québec, et nous sommes le réseau de ces groupes. Nous travaillons avec divers groupes sur diverses questions. Les membres particuliers sont des membres des associations locales, si bien que les consommateurs particuliers ne sont pas membres, bien qu'il soit possible que certaines personnes interviennent en tant que consommateurs particuliers. Nos comités sont donc formés à partir des groupes locaux.

Mme Rose-Marie Ur: Oui, d'accord.

Madame Hillard.

Mme Jennifer Hillard: Nous comptons près de 10 000 membres. Les membres de nos secteurs provinciaux sont également automatiquement membres de nos associations nationales. Par conséquent, même si nous avons des secteurs provinciaux et territoriaux, leurs adhérents sont automatiquement membres. Ils peuvent être simplement actifs—et lorsque je dis «actifs», je veux dire qu'ils siègent au sein des comités et élaborent des prises de position au niveau provincial—ou ils peuvent fonctionner aux deux niveaux ou simplement au niveau national.

Mme Rose-Marie Ur: Votre liste de donateurs est-elle un document public?

Mme Jennifer Hillard: Je pense qu'elle doit l'être.

Mme Rose-Marie Ur: D'accord. Pourriez-vous fournir...?

Mme Jennifer Hillard: Je ne sais pas comment nous allons pouvoir la sortir de l'ordinateur, mais nous allons certainement essayer de le faire.

Mme Rose-Marie Ur: Oui.

Mme Jennifer Hillard: Nous n'acceptons pas de dons de l'industrie, seulement de particuliers.

Mme Rose-Marie Ur: Cela risque d'être intéressant.

Et Madame St-Pierre?

Mme Nathalie St-Pierre: Oui, nos documents sont publics.

Mme Rose-Marie Ur: D'accord. Peut-être pourriez-vous faire la même chose.

Mme Jennifer Hillard: Excusez-moi, avez-vous parlé des donateurs ou des membres? Nous avons deux listes.

Mme Rose-Marie Ur: Les donateurs.

Je n'ai cessé d'entendre ce matin le mot «consommateurs», ce qui est tout naturel, puisque vous représentez l'Association des consommateurs du Canada. Toutefois—cela ne devrait pas vous surprendre—les agriculteurs sont également des consommateurs. Je suis vraiment abasourdie que les consommateurs souhaitent toute cette information, car les agriculteurs sont également des consommateurs. Ils ne vont certainement pas essayer de produire quelque chose qui ne va pas...

Je suis agricultrice et je n'ai pas un champ réservé pour la vente aux consommateurs et un champ réservé pour ma famille. C'est ce qu'il faut faire comprendre aux consommateurs.

Comme vous l'avez dit ici, d'autres pays ont tous ces problèmes. Je crois toutefois qu'il ne faut pas oublier que nous avons au Canada l'ACIAA—non pas que tout aille très bien entre cette association et moi-même—et que le Canada est connu dans le monde entier comme producteur des aliments les plus sûrs et de la meilleure qualité à l'échelle de la planète. Les Canadiens ne se rendent pas compte de leur chance. Ces consommateurs devraient aller à l'étranger et voir ce qui se passe dans le reste du monde et peut-être ensuite revenir ici et cesser de faire peur aux autres.

• 1015

Une voix: Comme parler par exemple de la vache folle.

Mme Rose-Marie Ur: Cela me dérange énormément, car que vous soyez au gouvernement ou que vous soyez dans un autre pays, tout le monde essaie de faire de son mieux, mais nous n'avons pas eu ces genres de problèmes. Cela s'explique par nos règlements qui sont stricts. Posez la question aux agriculteurs. Je suis moi-même agricultrice. Nous prenons toutes sortes de mesures et de précautions pour que nos produits soient sûrs. Je trouve d'ailleurs que c'est bien.

Mme Jennifer Hillard: Puis-je répondre?

Mme Rose-Marie Ur: Oui.

Mme Jennifer Hillard: Je viens de Winnipeg et donc des Prairies. Nous sommes nécessairement proches des agriculteurs. L'Association des consommateurs, au Manitoba certainement, travaille en étroite collaboration avec les agriculteurs.

Je suis d'accord avec ce que vous dites, mais comme je l'ai déjà dit à plusieurs reprises aux groupes d'agriculteurs du Manitoba, je ne pense pas que l'on puisse faire preuve de suffisance à l'égard de la réaction du public face à la modification génétique, car cela va avoir un effet sur votre gagne- pain.

Beaucoup d'agriculteurs disent: «Nous savons que c'est sûr et c'est ce que nous mangeons dans nos familles», et je suis d'accord avec vous, mais cela n'empêche pas que le public est très inquiet à ce sujet. Si nous ne nous occupons pas des préoccupations du public, dont certaines sont tout à fait valables—en ce qui concerne les tests à long terme et les éventuels effets environnementaux à long terme—si nous ne nous en occupons pas, cette technologie, comme celle de l'irradiation des aliments, pourrait se perdre.

Nous reconnaissons qu'à l'heure actuelle—et cela peut être l'un des problèmes—les avantages des applications de la biotechnologie alimentaire se traduisent par une diminution des intrants pour les agriculteurs. Vous utilisez la biotechnologie et vous utilisez moins de produits chimiques. L'un des problèmes, c'est que les avantages ne sont pas évidents du point de vue des consommateurs. En fait, même si l'on sait que les agriculteurs utilisent moins de pesticides, car c'est ce qu'ils cherchent à faire depuis 15 ans, ils ne peuvent dire exactement si cette diminution est intervenue par suite d'un choix délibéré, ou si elle s'explique par le fait qu'ils ont également recours aux technologies de modification génétique. Nous ne pouvons donc même pas avoir de preuves à cet égard. Nous le croyons, mais nous ne pouvons pas dire: «Oui, nous le savons», car tout est embrouillé.

J'éprouve de la sympathie à l'égard des agriculteurs, sans aucun doute, mais il faut bien reconnaître que les préoccupations des consommateurs au sujet de la modification génétique empêchent les agriculteurs européens de profiter de cette technologie, et si nous ne nous occupons pas de ce problème ici, c'est ce qui va également arriver aux agriculteurs canadiens. Or, je crois que vous en avez besoin.

Le président: Nous allons revenir sur ce point dans quelques minutes. Nous avons pris trop de temps.

Monsieur Desrochers.

[Français]

M. Odina Desrochers: Bonjour et bienvenue. Encore une fois, je remercie les organismes qui se sont déplacés pour parler de cette importante question de l'étiquetage obligatoire des organismes génétiquement modifiés.

D'entrée de jeu, j'aimerais poser une question concernant l'Association des consommateurs du Canada qui, je pense, a fait partie du comité de l'Office des normes générales du Canada. Il y a également Action réseau consommateur qui, de son côté, a refusé de participer à un comité sur l'étiquetage volontaire parce qu'elle y voyait une tentative d'éviter l'étiquetage obligatoire. On parle de crédibilité et de représentation des consommateurs. J'aimerais que l'Association des consommateurs du Canada me dise comment elle se sent, compte tenu qu'elle siège à l'Office des normes générales du Canada. J'aimerais aussi que Mme St-Pierre, de son côté, précise la raison pour laquelle elle a refusé de siéger au comité.

[Traduction]

Mme Jennifer Hillard: Nous sommes très actifs dans le domaine de l'établissement des normes, tant au Canada qu'à l'étranger, et nous avons des liens très étroits avec le système des normes. Probablement près de 20 à 30 de nos volontaires siègent au sein des divers comités des normes. Pour nous, la transition à ce comité s'est faite très facilement et très naturellement.

Je représente des consommateurs de tous les pays au sein de comités internationaux sur les normes d'étiquetage environnemental. J'ai l'habitude d'être boycottée et d'être visée par des gens qui n'aiment pas le système.

Notre association a toujours été axée vers les solutions. Nous voulons travailler dans des comités multipartites. Nous voulons élaborer des systèmes susceptibles de résoudre un problème. Nous croyons que la norme ONGC, même si elle vise à créer un système volontaire, aura au bout du compte bénéficié de l'avis de beaucoup d'intervenants. Ce sera un document consensuel et nous pensons qu'il servira de base solide au gouvernement, lequel pourra alors prendre une décision au sujet de l'étiquetage obligatoire.

• 1020

Nous sommes heureux d'être là. La tâche est ardue, ce n'est certainement pas un comité où il est facile de siéger, mais nous en avons l'habitude. Nous nous dirigeons vers un genre de consensus. Si nous ne sommes pas satisfaits des résultats, nous n'apporterons pas notre appui, mais pour l'instant, tout le monde fait son travail et je crois que nous allons y arriver.

[Français]

Mme Nathalie St-Pierre: J'aimerais ajouter un commentaire sur ce fameux comité d'étiquetage. Effectivement, notre organisation, après être montée jusqu'au conseil d'administration et jusqu'aux instances décisionnelles, a décidé de ne pas y participer. Normalement, on aurait sans doute participé. On tente, dans la mesure du possible, de contribuer à résoudre les problèmes, mais dans ce cas-là, ça faisait 10 ans qu'on prônait l'étiquetage obligatoire et on voyait là un moyen de mettre en place un comité qui retarderait l'avancement des travaux sur l'étiquetage obligatoire.

D'autre part, je tiens à souligner que la composition actuelle du comité n'est pas, à mon avis, souhaitable. Bien que chacun des participants ait une espèce de droit de veto, c'est-à-dire qu'il doit y avoir consensus, il m'apparaît y avoir un problème au niveau de la composition du comité. Regardez la liste des membres.

Deuxièmement, il y a un problème clairement identifié de financement. J'avais apporté la pile et je l'ai laissée là, malheureusement. Elle est à peu près de cette hauteur. À chaque réunion, il faut prévoir deux jours. Cela fait trois fois qu'il y a des réunions de deux jours. Cela fait donc six jours de travail. Vous avez vu comme moi les définitions qui sont dans le livre: mutagenèse, transgenèse, fusion cellulaire, moléculaire, etc.

On prétend qu'on va représenter les consommateurs et qu'on va leur demander vraiment ce qu'ils attendent. Il faut qu'on travaille pour vulgariser cela. Il faut consulter nos membres. C'est au moins quatre ou cinq jours de travail pour chacune des réunions de deux jours, et aucune somme d'argent n'est investie dans ce processus.

J'admire l'ACC de travailler bénévolement, mais dans notre cas, bien qu'on ait des bénévoles, ce sont quand même les gens rémunérés qui doivent y aller. Je ne pense pas que ce soit un problème. On doit reconnaître que dans la société, il faut qu'il y ait des gens rémunérés aussi.

Finalement, je tiens à dire que la problématique de ce comité vient du fait que c'est Agriculture et Agroalimentaire Canada qui finance ses travaux. Évidemment, ils ont des ressources. Si vous regardez les procès-verbaux et tous les documents, vous verrez que les gens qui contrôlent sont souvent ceux qui produisent les documents. On sait très bien que lorsque la rédaction est entre les mains de quelques-uns, les documents sont très difficiles à consulter. C'est un problème.

M. Odina Desrochers: Puis-je poser une autre question?

[Traduction]

Le président: Monsieur McGuire.

M. Joe McGuire: Merci, monsieur le président.

On nous a dit que de 60 à 75 p. 100 des aliments transformés qui sont vendus dans nos épiceries renferment des organismes génétiquement modifiés. Sommes-nous en train de mettre la charrue avant les boeufs? En effet, nous consommons ces aliments depuis déjà des années.

Quel genre de dérèglement économique découlerait d'une solution comme celle que vous proposez, Nathalie? Il vous a fallu deux pages pour uniquement décrire ce que vous aimeriez avoir sur l'étiquette. Cela prendrait un livre ou une brochure. Vous dites que vous vous intéressez aux personnes à faible revenu. Quel effet cela aurait-il sur leur capacité d'acheter des aliments, si par exemple, pour 75 p. 100 des aliments qui sont actuellement vendus, vous imposiez ce genre de dépense au consommateur? Cela semble si complexe et si coûteux. Quel en serait véritablement l'impact?

Mme Nathalie St-Pierre: Eh bien, tout d'abord, dans le cas de 60 à 70 p. 100 des aliments, il s'agit parfois d'une quantité infime d'additifs. Ce n'est pas comme si nous parlions de tous les aliments—certainement pas de nos légumes et de nos fruits et certainement pas de la viande.

M. Joe McGuire: Les aliments transformés.

• 1025

Mme Nathalie St-Pierre: Cela fait partie de certains des aliments transformés, exactement.

Nous ne voulons pas susciter—et il en a également été question dans le mémoire présenté par l'ACC—de prix élevé dans le domaine des aliments. Dans ce genre d'approche marketing, l'étiquetage volontaire protège les intérêts commerciaux, car vous pouvez créer un créneau. Si vous pouvez dire que vos produits sont sans OGM, vous pouvez imposer un prix plus élevé. Ce que vous faites en même temps, c'est créer un domaine tout comme les produits biologiques, où le gouvernement a essayé de dire: «Eh bien, les gens qui ne sont pas contents peuvent se tourner vers les produits biologiques.»

Ce n'est pas un système juste. Vous ne pouvez pas imposer aux Canadiens un système où s'ils veulent avoir la liberté de choix, ils doivent opter pour les produits biologiques ou pouvoir se permettre les aliments à prix fort. Il faut essayer d'avoir un système équitable pour tous.

Pour ce qui est de la transmission de l'information, tout le monde semble penser que c'est une proposition très coûteuse, mais j'aimerais simplement vous rappeler l'existence du comité CCCB et que cela exige beaucoup d'argent. Je n'ai jamais été consultée. Nous avions demandé que ce groupe soit celui qui soit chargé de transmettre l'information. Il a été créé, mais il ne répond pas aux besoins, car il s'appuie essentiellement sur des spécialistes. Personne n'a à rendre de comptes aux membres, personne n'a à rendre de comptes au public. Beaucoup des membres ont en fait signé une lettre ouverte disant qu'ils appuyaient... dans La Presse en décembre dernier. Comment cela peut-il être crédible, lorsque vous dites...?

Il y a donc beaucoup d'argent qui est investi. Il y a beaucoup d'abris fiscaux. Les sociétés et les industries bénéficient de beaucoup de déductions fiscales, lorsqu'elles font de tels investissements. À mon avis, les consommateurs et les citoyens méritent le même genre d'investissements en ce qui concerne l'information. Peut-être que d'ici dix ans nous n'aurons plus besoin de cela, car nous aurons fait le travail nécessaire et la biotechnologie et les aliments génétiquement modifiés sembleront ne pas importer. Pour l'instant toutefois, nous croyons que c'est nécessaire.

M. Joe McGuire: Pensez-vous que le processus des OGM qui a débuté ici il y a sept ou huit ans pourrait être interrompu? Est-il possible de revenir en arrière? Je veux dire, cela ne va pas être interrompu, par conséquent où allons-nous aboutir?

Mme Nathalie St-Pierre: Comme je l'ai dit au début, ce n'est pas parce que nous essayons de soulever certaines questions que nous sommes contre la science, contre la technologie. La technologie existe. Nous disons simplement qu'il faudrait prendre une pause. Certaines des choses ont été approuvées, et il faut s'en occuper. Procédons à l'étiquetage. Débattons-en. Trouvons la bonne façon d'informer les consommateurs et la bonne façon d'étiqueter les produits.

Entre-temps, bien sûr, il conviendrait d'imposer un moratoire sur l'approbation de nouveaux produits, mais certainement pour ce qui existe, nous ne...

M. Joe McGuire: Merci.

Le président: À ce sujet—et peut-être la question devrait- elle être posée à Mme Hillard—nous sommes peut-être allés plus loin dans le cas des OGM que dans celui de l'irradiation des aliments dont le projet a été interrompu. A cause d'une certaine hystérie, le projet a été interrompu. Pensez-vous que la même chose pourrait arriver si toutes les préoccupations—ou la quasi- hystérie—qui se manifestent au sujet des OGM n'étaient pas contrôlées?

Mme Jennifer Hillard: C'est ce que nous voyons en Europe. Des semences canadiennes viennent d'être détruites et cela risque d'entraîner des poursuites devant un tribunal international, car les semences génétiquement modifiées ont été mélangées à d'autres.

Le président: Lorsque le processus d'irradiation des aliments a été interrompu, pensez-vous que c'était une perte, en quelque sorte?

Mme Jennifer Hillard: Je crois qu'il faut examiner ce qui se passe maintenant; les États-Unis sont en train d'autoriser toutes sortes de processus d'irradiation des aliments pour lutter—dans le cas de la viande hachée—contre la même souche d'E. coli que l'on a retrouvée à Walkerton.

Vous savez, nous avons limité le processus ici aux oignons, aux pommes de terre et aux épices, mais on ne peut pas dire si les aliments sont irradiés ou non. Nous importons des produits de divers pays où l'irradiation est acceptée. En effet, si j'arrive à conserver des fraises au réfrigérateur pendant deux semaines, il est évident qu'on leur a fait quelque chose.

Mme Nathalie St-Pierre: Il faut être prudent et ne pas adopter une approche symbolique à propos de l'irradiation des aliments. Il est vrai que les Américains ont décidé d'irradier le poulet, etc., mais, au lieu de voir ce qui ne va pas dans le produit, il faudrait examiner ce qui arrive avant, au niveau de la production, et décider pourquoi le produit doit être irradié. Le fait de simplement dire que l'on va irradier l'aliment et se débarrasser du problème actuel n'est pas la bonne façon de procéder. Si on adopte la même approche, on va avoir le même problème.

• 1030

Je crois qu'il faut être prudent également, lorsque l'on parle de cela, et de ne pas dire qu'il s'agit d'«hystérie».

Le président: Et bien, je n'aime pas trop ce mot non plus, mais ayant des lacunes linguistiques, je n'ai pas pu trouver un meilleur terme. Peut-être faudrait-il parler de «semi-hystérie»?

Mme Nathalie St-Pierre: Non, mais il faut être prudent. C'est très important. Ce n'est pas parce que les gens posent ces questions qu'il faut les considérer comme des alarmistes. Il faut être prudent.

Le président: Certainement. Merci.

Madame Alarie.

[Français]

Mme Hélène Alarie: J'aimerais d'abord faire un premier commentaire sur le texte que l'association a présenté. Je me reporte à la page 2.

On dit que plusieurs consommateurs ont vu des changements et des mutations qui se sont faits naturellement dans les plantes, etc.

[Traduction]

Mme Jennifer Hillard: Désolée, mais notre document est imprimé en gros caractères pour nos yeux fatigués. La pagination est différente de la vôtre.

[Français]

Mme Hélène Alarie: De toute façon, on parle souvent de cela. Je ne l'ai pas vu seulement dans votre texte; je l'ai aussi vu dans le fameux petit bottin du gouvernement. On dit que tout devrait être naturel parce que dans la nature, il y a des mutations et toutes sortes d'hybridations. On parle entre autres des ferments dans les fromages, dans la levure de bière, etc.

Pour ma part, cela m'agace souverainement et je vais vous dire pourquoi. Quand il y a des mutations, elles sont faites au hasard et on a le temps de faire une sélection et de contrôler. Or, dans les biotechnologies, c'est dirigé. Ce n'est pas une question de hasard. On dirige une opération. On prend un gène x pour donner une qualité y à quelque chose. Donc, c'est voulu. C'est décidé d'avance et si le résultat n'est pas bon, on peut tout balancer, mais dans les laboratoires et les techniques agricoles qu'on a eues au cours des années, on a eu du temps, et le temps nous a permis de faire une sélection intelligente. Je vous fais un petit peu ce reproche parce que cela me fatigue que l'on compare deux choses qui, à mon avis, ne se comparent pas.

Je voudrais soulever un deuxième point. Je vous ai entendu dire dans votre commentaire—et je suis désolée de ne pas vous citer exactement—qu'on a peur que les gens n'achètent que des produits non modifiés génétiquement si on étiquette ceux qui le sont. Au lendemain du Protocole sur la biosécurité, j'ai entendu M. Glickman dire que s'il fallait que ces produits soient étiquetés, on ne pourrait plus les vendre. Si c'est vrai, c'est que les consommateurs manquent d'information de façon chronique, puisqu'on parle toujours du point de vue des consommateurs.

Si on ne fait pas d'étiquetage ou qu'on le retarde parce qu'on se dit que les gens n'achèteront pas ces produits, on protège les multinationales et non pas les consommateurs. C'étaient mes deux remarques. J'en viens maintenant à une question sur la définition.

Là aussi, j'ai l'impression qu'on essaie de gagner du temps et qu'on est en train de noyer le poisson. Si on met la mutagenèse et toutes les actions physiques qui sont incluses dans les transformations génétiques, ce n'est pas la même chose que de parler de l'ADN recombinant. Sur le plan international, quand on parle d'OGM, on sait à peu près de quoi on parle. On n'a pas encore donné la définition classique au Codex alimentarius, mais on fait toujours référence à l'ADN recombinant. On est en train d'ajouter tellement de choses dans le portrait qu'à un moment donné, il ne sera même plus possible de dire de quoi on parle quand on parle des OGM. Je trouve que c'est une technique—j'en suis désolée, mais je vous dis ce que je pense—pour retarder l'adoption de quelque chose de clair qui serait intéressant pour les consommateurs.

J'ai le même souci que Rose-Marie pour les agriculteurs. On saurait de quoi on parle. Alors, la définition que vous avez me met en boule.

[Traduction]

Le président: Madame Hillard.

Mme Jennifer Hillard: A cet égard, on fait la distinction entre mutagenèse et ADNr, et c'est ce que nous disons. Si vous voulez faire référence à l'ADNr sur l'étiquette, il faut alors être très clair et l'indiquer. Si vous voulez indiquer sur l'étiquette qu'il y a eu des modifications génétiques, il faut examiner les autres façons dont cela se fait.

En accélérant artificiellement la mutagenèse, on obtient énormément de résultats arbitraires; il faut alors faire un tri et ne garder que ceux qui sont utiles. Une façon de faire—et j'ai demandé aux scientifiques de me l'expliquer en termes non techniques—consiste à mettre des semences, par exemple, dans une boîte en métal que l'on bombarde ensuite de rayons ou de gaz moutarde. Puis les semences sont ramenées pour voir ce qu'elles donnent. Personnellement, je trouve cela beaucoup plus effrayant que quelque chose qui serait soigneusement planifié—si nous déplaçons tel ou tel gène, nous sommes assez sûrs de ce qui va arriver au bout du compte.

• 1035

Par conséquent, si on décide de faire uniquement référence à l'ADNr sur l'étiquette, c'est ce qu'il faut faire, sans parler de modification génétique, pour ne pas induire les gens en erreur. Lorsqu'ils vont entendre parler de ces autres technologies, nous allons assister à toute une autre vague de préoccupations de la part des consommateurs. Je crois que si nous n'en avons pas encore trop entendu parler sur la scène internationale, c'est parce que l'information commence à peine à filtrer. Autant que je sache, la définition Codex fait toujours l'objet d'un débat. Je ne crois pas que cette question ait été réglée à la séance tenue en mai. Certainement, la position du Canada est flexible au sujet de la définition. Si vous voulez faire référence à l'ADNr sur l'étiquette, pas de problème, mais dites-le. Ne dites pas que vous indiquez sur l'étiquette qu'il y a eu modification génétique.

Le président: Merci.

Rose-Marie.

Mme Rose-Marie Ur: Oui, merci, monsieur le président.

Madame Hillard, vous dites que votre travail au sein de l'ACC vise à promouvoir ce qui est bon pour les consommateurs en fonction de votre expertise. Puis, je crois que vous indiquez que vous avez des scientifiques qui sont des bénévoles. Est-ce suffisamment crédible pour les consommateurs?

Mme Jennifer Hillard: Je pense que oui. Lorsque je dis que ce sont des scientifiques... ils commencent d'abord comme volontaires auprès des consommateurs. C'est ce que nous essayons habituellement de faire. Nous procédons à l'envers, si vous voulez; nous essayons tout d'abord de faire travailler les scientifiques dans le domaine financier afin de leur montrer comment aborder les questions intéressant les consommateurs. Par la suite, nous les laissons entrer dans leur domaine de spécialité et utilisons leurs connaissances. À ce moment-là toutefois, nous avons fait le travail nécessaire et leur avons appris à cerner les questions intéressant les consommateurs.

Mme Rose-Marie Ur: Alors ce que vous dites, c'est que les scientifiques se préoccupent plus des questions financières que de la sécurité, est-ce bien cela?

Mme Jennifer Hillard: Non. Ils se joignent à nous parce qu'ils ont des préoccupations de consommateurs. Très souvent, un scientifique s'adressera à nous en tant que consommateur, à propos de la coupe de cheveux de ses enfants. Ils viennent à nous en tant que bénévoles. Nous les formons au rôle du bénévole consommateur.

Je sais que Lee Anne Murphy a témoigné devant vous il y a environ deux semaines. En plus d'avoir un doctorat en pathologie végétale et d'être la présidente du comité d'un comité de l'ONGC, elle est bénévole chez nous depuis de nombreuses années, bien avant d'obtenir son doctorat. Elle défendait la cause des consommateurs et était membre de l'Association des consommateurs au Manitoba, et au fur et à mesure qu'elle a acquis une expertise technique, elle nous en à fait largement profiter.

Mme Rose-Marie Ur: Est-ce que ces scientifiques ont autant d'enthousiasme à l'égard de la perspective du producteur que de la perspective financière? Vous savez, ils ne s'arrêtent qu'à un aspect du problème. Je ne sais pas si en a vraiment pour notre argent lorsqu'on n'examine que la moitié de l'équation.

Ceci m'amène à la question suivante.

Vous dites que les consommateurs ont besoin de pouvoir choisir—je suis tout à fait d'accord avec vous—et nous parlons de l'étiquetage sur le contenu, qu'il y ait ou non des OGM et tout le reste, comparativement au coût. Ce que moi je pense c'est qu'au bout du compte, ils regarderont ce qu'il y a dedans, les OGM et tout le reste, mais quand ils en viendront au coût, ils s'assureront de choisir ce qui est le moins cher. Je parle en connaissance de cause. Penser qu'ils paieront plus pour ces produits—ce n'est pas comme ça que ça se passe. Je suis producteur.

Mme Jennifer Hillard: Je suis d'accord avec vous dans une certaine mesure. Lorsqu'on sonde les consommateurs, ils sont attentifs à faire preuve de correction politique, même dans un sondage tout à fait indépendant. Ils disent qu'ils sont prêts à payer plus, mais quand ils arrivent à la caisse, ils ne le font pas. Nous en avons eu la preuve à maintes reprises relativement à l'écoétiquetage.

D'un autre côté, cependant, il y a une énorme quantité de gens qui paient à prix d'or des produits soit disant biologiques sans qu'il y ait rien pour étayer ni qui permette de vérifier cette prétention. Nous croyons sincèrement que, si on commence à prétendre que des produits ne contiennent aucun OGM, ce sera un élément de préoccupation.

Nous sommes d'accord avec Nathalie à bien des égards. Il y aura des gens pour le prétendre et pour demander plus cher pour leurs produits, et c'est pourquoi la définition de «sans OGM» doit être précise, pour que cela n'arrive pas. Pour le consommateur moyen, je suis d'accord avec vous, c'est le prix qui prime, absolument. La recherche faite en Australie, bien que nous mettions en doute certains éléments, parle d'une hausse de 6 à 12 p. 100 du prix des aliments, attribuable au système d'étiquetage. Je ne pense pas que les consommateurs l'accepteront. Je crois aussi...

• 1040

Mme Rose-Marie Ur: Est-ce que cela veut dire que c'est encore le producteur qui devra en absorber le coût?

Mme Jennifer Hillard: Et bien, la marge de manoeuvre n'est pas très large, et...

Mme Rose-Marie Ur: Elle est inexistante. Nous sommes dans la marge négative, maintenant.

Mme Jennifer Hillard: C'est vrai.

Mme Rose-Marie Ur: Alors c'est bien beau de jouer les héros et de vouloir toutes ces choses, mais le producteur primaire ne peut plus payer.

Mme Jennifer Hillard: C'est vrai, et comme on n'a plus grand chose pour nos sous non plus quand on achète des aliments, il faudra bien que ça vienne de quelque part.

D'un autre côté, je crois fermement que les transformateurs et les emballeurs sont très créatifs et qu'ils trouveront un moyen de le faire de manière à ce que ça leur coûte le moins possible.

Mme Rose-Marie Ur: Merci.

Madame St-Pierre, vous dites qu'il faut trouver la bonne façon, faire une pause de réflexion. D'accord, mais quelle est la bonne façon?

Mme Nathalie St-Pierre: Je soutiens certaines des recommandations. Je pense que beaucoup de recommandations ont été faites. Je crois que nous devons prendre le temps d'examiner l'incidence sur l'environnement et les facteurs sociaux et éthiques. Il nous faut prendre le temps d'en discuter avec la société. Que voulons-nous? Ça fait partie du coût des affaires.

C'est un domaine tout à fait différent et nouveau. Il ne s'agit pas de ne changer que quelques éléments. C'est un débat qui doit avoir lieu parce que nous privatisons la vie, nous la brevetons. Personne n'en a encore discuté. Nous disons que nous allons nourrir le monde, mais nous n'avons pas encore parlé de redistribution. Nous ne partageons pas cette technologie. Le débat fait ressortir toutes ces questions et il faut les régler.

Le président: Nous allons laisser la parole à Rick Casson, à monsieur McGuire, puis à M. Desrochers. Comme je n'ai pas encore subi de modification génétique, je vais céder mon fauteuil au secrétaire pendant quelques minutes.

Rick, vous avez la parole.

M. Rick Casson: Merci, monsieur le président.

Je m'adresse encore à l'Association des consommateurs. Est-ce que vous catégorisez, ou faites un suivi du nombre de demandes de renseignements et des principales préoccupations des consommateurs? Quels sont les 10 premiers éléments de la liste, et où se situe ce problème particulier?

Mme Jennifer Hillard: Voulez-vous dire parmi les principaux sujets de préoccupation?

M. Rick Casson: Oui.

Mme Jennifer Hillard: Assez loin au bas de la liste, si on compte les problèmes comme les réparations à la maison et à la voiture, en fait, qui ont toujours la priorité. Les rénovations domiciliaires et les réparations de la voiture sont toujours les grandes préoccupations des gens qui nous appellent.

La plupart des appels ne sont pas reçus au bureau national; ce sont les associations provinciales qui y répondent, et c'est sûr qu'elles en tiennent un registre. Je crois que dans deux ou trois provinces, les statistiques sont tenues de telle façon qu'il serait facile de les extraire pour vous les envoyer.

Cette préoccupation ne figure pas très haut sur la liste, mais elle est néanmoins très forte. Nous recevons des lettres de gens qui—parce que, comme je l'ai dit, nous ne nous y opposons pas—nous écrivent pour demander pourquoi acceptez-vous tout cet argent de Monsanto? Il y a énormément de désinformation sur le sujet. Il est difficile d'essayer de rester neutre là-dessus.

Les lettres sont fermes, mais comparativement à d'autres problèmes, celui-ci est assez bas sur la liste.

Pour notre propre association, les questions alimentaires figurent parmi les plus grandes priorités.

M. Rick Casson: Est-ce que les sujets qui préoccupent le plus les consommateurs sont de nature économique? Les réparations à la maison et à la voiture sont manifestement très coûteuses. Est-ce que c'est le facteur déterminant?

Mme Jennifer Hillard: Je crois que c'est ce qui motive la plainte et les incite à nous téléphoner. Cela ne veut pas dire qu'il n'y ait pas... On reçoit une plainte principale qui incite les gens à agir et à téléphoner, mais il y aussi, à moins grande échelle, un tas de petites préoccupations insinuantes qui les amènent à se regrouper pour protester.

C'est sûr que nous avons aussi réuni ces six groupes de discussion cette année pour essayer de savoir exactement ce que les consommateurs pensaient de la biotechnologie. Je crois que cela nous a permis de nous faire une bonne idée de la nature de leurs préoccupations.

M. Rick Casson: J'aimerais vous décrire comment les choses se passent à ma ferme. Nous venons de faire les semailles du printemps, et j'aimerais demander à vos deux organisations si vous estimez que ma récolte est génétiquement modifiée.

J'utilise un engrais chimique—j'y suis obligé. Je dois obtenir 70 boisseaux d'orge par acre plutôt que 30, sinon je ferai faillite. Je sème de l'orge et du blé dur en proportions égales. J'ai oublié le nom de la semence de blé dur, mais elle a été créée par Agriculture Canada. L'orge est du Harrington, et je n'en connais pas l'historique. Les graines dont traitées chimiquement pour prévenir la maladie. Quand elles on germé et commencent à pousser, je vaporise les plantes d'un produit qui tue les mauvaises herbes pour, encore une fois, en améliorer le rendement. Je suis probablement l'un de ces fermiers qui conduisent sans le savoir des remorques remplies d'aliments génétiquement modifiés.

• 1045

Mais au bout du compte, le blé dur sera transformé en nouilles quelque part dans le monde. Je ne sais pas où il ira. L'orge deviendra du boeuf. Je vais le vendre à un engraisseur de bovins. Au bout du compte, comment diable peut-on savoir si ce boeuf et ces pâtes sont génétiquement modifiés? Comment le consommateur peut-il le savoir?

Mme Jennifer Hillard: C'est là qu'il vous faudra une espèce de piste de vérification, pour distinguer ce que vous pourrez déclarer comme étant sans OGM de ce qu'il faudra étiqueter comme étant génétiquement modifié. C'est cela qui coûtera le plus. Diviser le système canadien, particulièrement en ce qui concerne le transport du grain, sera coûteux. Si nous voulons cette division, il faudra nous y attendre.

M. Rick Casson: Et qui devra assumer ce coût?

Mme Jennifer Hillard: Je ne vois pas comment ce pourrait être quiconque d'autre que le consommateur, malheureusement. J'aimerais pouvoir affirmer autre chose.

M. Rick Casson: Ou le producteur.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci.

Nous laissons maintenant la parole à M. McGuire, puis ensuite à M. Desrochers.

M. Joe McGuire: Merci, monsieur le président.

Lorsque nous avons tenu nos premières discussions sur la biotechnologie, il y a deux ans, vous étiez déjà venue témoigner, je pense. Nous étions en train de formuler la stratégie canadienne sur la biotechnologie. On ne parlait pas encore du tout de «frankenfoods», ou d'autres horreurs du genre. Tout cela est venu après. On parlait encore très peu, il y a deux ans, de l'étiquetage, et surtout de l'étiquetage obligatoire. Votre organisation avait alors proposé l'étiquetage volontaire, je crois. Quelqu'un avait mis le doigt sur le concept des tactiques d'effarouchement, si on veut l'appeler ainsi, et avait dit combien ce pourrait être terrible.

À cette époque-là, nous pensions que les pays de l'Europe appliquaient les barrières non tarifaires. Ils n'acceptaient pas le colza génétiquement modifié ou les hormones bovines, etc. Mais en même temps, ils investissaient eux-mêmes des dizaines ou des centaines de millions de dollars dans le secteur de la biotechnologie, et ils le font encore. Ils essaient en fait de rattraper l'Amérique du Nord en vue de pouvoir, autant qu'elle, faire tout cela avec les semences et les aliments. Peut-être que si les Européens sont sur le point d'être prêts...

Une fois que le grand public commencera à accepter un peu plus les aliments génétiquement modifiés, l'Europe ne se laissera pas distancer, du moins pas plus qu'aujourd'hui. Elle sera en phase de rattrapage.

Si nous devons faire un moratoire sur le développement des aliments au moyen des techniques de la biotechnologie, devrait-il en être de même au sujet du recours aux techniques de la biotechnologie pour l'avancement de la recherche médicale? Devrions-nous tout cesser là aussi à cause des mêmes préoccupations? Quelqu'un pourrait mourir parce que...

Mme Nathalie St-Pierre: Premièrement, j'aimerais répondre à votre première question. Je peux affirmer sans risque d'erreur que notre groupe fait pression sur le gouvernement depuis plus de six ans au sujet de l'étiquetage obligatoire. Nous avons participé à beaucoup d'initiatives et de stratégies, et nous avons présenté les mêmes recommandations que nous soutenons encore aujourd'hui.

Ça a été un peu la même chose lorsque nous avons parlé des pesticides et des herbicides. Pourquoi ne pas les étiqueter? J'ai même lu cela dans le journal. Mais il y a 20 ans, mon groupe essayait aussi de sensibiliser les gens sur la question des pesticides et de tout le reste. Nous pouvons dire qu'aujourd'hui, nous représentons un éventail plus large d'intervenants. C'est peut-être pourquoi nous sommes encore ici aujourd'hui.

Pour ce qui est de l'aspect pharmaceutique de la question, l'une des choses qui ressort clairement, en ce qui concerne le point de vue du consommateur, c'est que l'aspect alimentaire est une préoccupation réelle. Ils sont plus enclins à accepter les aspects pharmaceutiques.

M. Joe McGuire: Pourquoi cela?

Mme Nathalie St-Pierre: Parce que l'application est différente. Peut-être que s'il y avait des groupes de discussion... Dans le cadre de nos échanges avec les consommateurs et selon les résultats d'autres sondages qui ont été réalisés, et aussi du travail qu'a fait Edna Einsiedel à Calgary relativement à la communication avec les consommateurs, il apparaît que les consommateurs l'acceptent plus. Ce pourrait être sujet à débat. Je ne suis pas experte en la matière. Nous avons eu des discussions sur les technologies de reproduction et quelques rapports ont été émis. Je ne dis pas que nous pouvons tout simplement aller de l'avant. Je pense qu'il faut intégrer des groupes et intervenants différents au débat sur ce sujet. Nous sommes plus spécialisés dans le domaine des aliments et nous savons que les consommateurs se préoccupent beaucoup des aliments.

• 1050

Le président: Merci.

M. Desrochers.

[Français]

M. Odina Desrochers: J'ai une question à poser à Mme St-Pierre étant donné qu'elle est très près des consommateurs. Vos associations font-elles des pressions afin que l'on sache s'il y a déjà des OGM dans des épiceries telles que Loblaws ou Sobey's? Les gens savent-ils déjà où on peut trouver des OGM dans les épiceries? Cela les inquiète-t-il?

Mme Nathalie St-Pierre: Plusieurs consommateurs nous écrivent ou nous appellent pour nous demander la liste des produits qui contiennent des OGM. Évidemment, on ne peut pas leur fournir une telle liste. On peut leur donner seulement des indications, compte tenu des produits qui ont été homologués, et leur suggérer de lire les étiquettes pour voir si les produits peuvent être issus des OGM.

M. Odina Desrochers: Est-ce que votre association a fait des démarches auprès des grosses épiceries pour qu'elles emboîtent le pas et fournissent ce genre d'information? Je pense à Loblaws, à Sobey's, à Provigo et à Métro au Québec.

Mme Nathalie St-Pierre: Il y a des groupes au Québec, entre autres, qui travaillent à inciter les consommateurs à appeler aux numéros 1-800 des compagnies pour leur poser des questions et leur faire part de leur insatisfaction ou de leur satisfaction ou pour suggérer des approches. Donc, il y a beaucoup de pressions de toutes parts. On travaille de concert avec d'autres groupes qui sont plus actifs à ce niveau-là. Nous, nous travaillons davantage au niveau des politiques publiques, mais il y a des groupes qui ont fait des pressions auprès de certaines grandes entreprises pour qu'elles prennent position.

Des démarches ont été faites auprès de laiteries, entre autres, il y a plusieurs années. Ces démarches avaient été faites dans le dossier de la STBr. Nous avions fait des démarches avec les commissions scolaires, par exemple, pour le lait des enfants. Toutes sortes de démarches ont été faites au cours des 10 dernières années.

M. Odina Desrochers: D'accord. Je vous remercie. J'ai encore une question, monsieur le président.

Madame Hillard, tout à l'heure, vous avez mentionné que vous étiez quand même assez à l'aise dans le rôle que vous assumez au sein de l'Office des normes générales du Canada. Avez-vous l'intention de faire appel à votre leadership pour que les discussions débloquent plus rapidement? Actuellement, on trébuche dans les tentatives pour faire une description. Par contre, on regarde ce qui se passe partout dans le monde, en Europe, au Japon, en Corée. On parle de la relation client-fournisseur. Si, à l'avenir, on ne sait pas lesquels des produits provenant du Canada contiennent des OGM et lesquels n'en contiennent pas, cela pourrait avoir des conséquences assez importantes. Qu'est-ce que vous avez l'intention de faire à cet effet?

Vous avez dit clairement que si vous n'étiez pas satisfaite, vous le diriez. Compte tenu que vous siégez à l'Office des normes générales du Canada, quel leadership avez-vous l'intention d'exercer? Avez-vous fixé des échéances pour l'Office des normes afin que l'on ait une idée approximative du moment où le gouvernement fédéral pourrait prendre une décision à ce sujet?

[Traduction]

Mme Jennifer Hillard: Mon rôle est de faire valoir les points de vue des consommateurs, qui nous sont transmis par notre association et nos groupes de discussion. Ce n'est pas de faire avancer plus rapidement les choses. Cependant, d'après la vaste expérience que j'ai des normes, je peux vous dire que celle-ci progresse à une vitesse démente et que le comité subit beaucoup de pressions pour trouver très rapidement une solution.

Je ne sais pas exactement quel serait le rôle du gouvernement fédéral là dedans. Nous sommes en train de concevoir un système volontaire d'étiquetage. En principe, le gouvernement fédéral, par l'entremise de la Loi sur l'office des normes générales du Canada, l'approuvera et en fera la norme nationale du Canada après qu'elle soit passée par tous les crochets, les détours et les périodes de vote.

Même alors que tout cela se déroule, si nous avons un document d'accord général qui traite des principes visant l'information réelle et exacte des consommateurs, j'espère que ce comité et le ministre de l'agriculture, en examinant la question de l'étiquetage obligatoire, tiendra compte des discussions que nous avons eues plutôt que de faire quelque chose ici alors que tous les intervenants ont convenu de faire autre chose.

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Ce que je crains, c'est que les deux démarches aillent dans des directions différentes. Je pense que la participation des intervenants dans le processus de l'ONCG sera utile pour diffuser ce qui se fait relativement à l'étiquetage obligatoire. Si nous approuvons les conclusions de l'ONCG, il se peut que nous recommandions à notre conseil d'administration de voter favorablement pour que cela devienne un système obligatoire. Nous ne pouvons pas le dire pour le moment, mais c'est un résultat possible.

Le président: J'aimerais terminer en posant deux ou trois brèves questions à Nathalie.

Nathalie, j'espère que cela ne vous paraît pas injuste, mais je suppose qu'en raison de ce que vous faites pour le compte de votre groupe, vous êtes bien plus avancée ou mieux renseignée que la plupart des gens sur ce sujet de l'étiquetage des aliments génétiquement modifiés. Vous-même, personnellement, si vous voyez un aliment génétiquement modifié, ou si vous savez qu'un aliment est génétiquement modifié et que rien ne l'indique, que faites- vous? Que faites-vous personnellement? Est-ce que vous l'évitez? Est-ce que vous l'utilisez?

Mme Nathalie St-Pierre: En fait, je l'évite. C'est une décision personnelle. Je pense être suffisamment informée maintenant pour savoir que je n'en sais pas assez pour prendre cette décision, donc je l'évite pour bien des raisons, qui ne sont pas toutes liées à la santé. L'environnement a préséance dans mes règles personnelles et, certainement, les facteurs sociaux sont aussi très importants. Par conséquent, en raison de mes croyances et de mes valeurs, je l'évite.

Le président: D'accord.

Votre réseau d'action fait partie d'un groupe plus vaste appelé Action 21, ou quelque chose comme ça. Est-ce bien cela?

Mme Nathalie St-Pierre: Non.

Le président: Vous ne faites pas partie d'un groupe plus vaste?

Mme Nathalie St-Pierre: Nous sommes un réseau. Nous recrutons des groupes, des associations de protection des consommateurs du Québec.

Le président: Mais ne faites-vous pas partie d'un regroupement d'organisations qui préconisent l'étiquetage obligatoire?

Mme Nathalie St-Pierre: Eh bien, nous avons signé et appuyé différents... Je ne suis pas sûre de comprendre ce dont vous parlez. Je sais que nous appuyons le groupe qui a refusé de participer à l'initiative de l'ONCG, c'est vrai. Nous n'avons pas de mandat avec... Nous appuyons des coalitions, mais je ne suis pas bien sûre...

Le président: Mais vous avez bien signé une lettre avec d'autres groupes?

Mme Nathalie St-Pierre: Oui, c'est vrai.

Le président: Et vous ne défendez pas nécessairement une cause commune. Autrement dit, vous ne parlez pas au nom d'autres signataires de cette lettre?

Mme Nathalie St-Pierre: Non, je suis le porte-parole de mon groupe seulement.

Le président: Rien que de votre groupe?

Mme Nathalie St-Pierre: Oui.

Le président: D'accord. Je voulais tirer cela au clair. Je vous remercie beaucoup.

Merci d'être venue.

La séance est levée.