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TRAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON TRANSPORT

LE COMITÉ PERMANENT DES TRANSPORTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 11 mars 1998

• 1531

[Traduction]

Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.

Je remercie nos témoins qui ont accepté de venir nous faire part de leurs impressions et de leurs points de vue, et de nous aider dans notre examen des services ferroviaires voyageurs. Nous accueillons aujourd'hui M. Paul Tellier.

Monsieur Tellier, nous sommes très heureux que vous ayez accepté de venir nous rencontrer en compagnie de vos collègues, que je vous invite à nous présenter. Donc, sans plus attendre, nous allons vous demander de nous livrer votre exposé par écrit, verbalement ou autrement.

M. Paul M. Tellier (président-directeur général, Chemin de fer du Canadien national): Monsieur le président, permettez-moi de commencer par vous souhaiter une bonne après-midi, à vous-même et aux autres membres du comité. Mes collègues et moi sommes ravis de nous trouver ici.

Vous connaissez Jack McBain, qui est vice-président exécutif, Exploitation; je suis aussi accompagné de Dave Todd, notre vice-président, Affaires gouvernementales.

Monsieur le président, j'ai un mémoire écrit, mais je suis sûr que les députés préféreraient que je ne le lise pas en totalité. Donc, si cela vous va, je me contenterai de le résumer, mais je serai heureux que vous l'annexiez au compte rendu. Si vous êtes d'accord, cela nous permettrait de gagner du temps. Je m'appuierai simplement sur ce document et je vous le résumerai.

Le président: Je dois vous préciser, monsieur Tellier, que nous tenons un dossier dont chaque présentation constitue un chapitre. Votre mémoire et un résumé d'étude produit par notre service de recherche seront inclus dans ce dossier.

M. Paul Tellier: C'est parfait, je vous remercie beaucoup, monsieur le président.

Je dois préciser, d'entrée de jeu, monsieur le président, que je partage votre point de vue et celui du comité quant à l'importance de régler le problème de VIA Rail. J'estime qu'il faut féliciter à la fois le ministre des Transports et le président de VIA Rail qui se penchent sérieusement sur cette question pour essayer de trouver des solutions. Je vais consacrer les quelques prochaines minutes à replacer les services ferroviaires voyageurs dans le contexte plus général de ce qui se passe ailleurs et à le situer par rapport au transport ferroviaire de marchandises.

Je commencerai par vous faire remarquer, à vous-même et à vos collègues monsieur le président, qu'on ne trouve nulle part au monde un réseau ferroviaire de transport de voyageurs qui soit purement commercial. Autrement dit, autant que je sache, tous les services ferroviaires voyageurs perdent de l'argent. C'est là quelque chose qu'il convient de ne pas perdre de vue. Par exemple, les chemins de fer européens reçoivent chaque année plus de 10 milliards de dollars US en subventions.

• 1535

Je ferai une deuxième remarque au sujet des services voyageurs, à savoir que les trains inter-cités ou de banlieue sont beaucoup plus répandus à l'étranger qu'ici au Canada. Par exemple, si l'on considère le trafic ferroviaire voyageurs dans son ensemble, les trains navettes transportent 30 p. 100 des banlieusards. Autrement dit, 30 p. 100 des Japonais prennent le train de banlieue. Au Canada, ils ne sont qu'un pour cent. Il ne faut pas perdre cela de vue.

Par ailleurs, monsieur le président, je constate à la lecture des présentations que vous avez entendues jusqu'ici, que les gens sont très tentés de faire la comparaison entre ce qui se passe au Canada et ce qui se passe ailleurs, surtout en Europe.

Eh bien, permettez-moi de vous citer quelques chiffres. Quatre-vingt-quinze pour cent des recettes ferroviaires totales au Japon proviennent du transport de voyageurs. Quatre-vingt-quinze pour cent du chiffre d'affaires des chemins de fer au Japon proviennent du transport de passagers. En Allemagne, cette proportion est de 67 p. 100. En Grande-Bretagne, elle est de 80 p. 100 et, au Canada, elle n'est que de 3 p. 100.

Donc, quand vous-même et vos collègues du comité faites des comparaisons avec la Grande-Bretagne, l'Allemagne, le Japon ou d'autres pays européens, sachez que vous avez essentiellement affaire à des services de transport de voyageurs alors qu'au Canada c'est le service de transport de marchandises qui domine.

Cela étant posé en ce qui concerne le service de transport de voyageurs, je vais vous dire quelques mots des chemins de fer marchandises canadiens. D'abord, quand on analyse la répartition du tonnage des marchandises transportées par route et par chemin de fer, on constate que les compagnies ferroviaires assument environ la moitié des mouvements intérieurs. C'est beaucoup!

Deuxièmement, sur le plan des exportations—nous savons tous à quel point ce pays est un pays d'exportateurs et de commerçants—40 p. 100 de toutes les exportations canadiennes sont assurées en partie ou en totalité par des trains de marchandises.

J'en conclus donc que les services ferroviaires voyageurs au Canada représentent une très petite parties des mouvements ferroviaires alors que les chemins de fer marchandises canadiens sont essentiels à notre économie.

Si l'on songe aux tarifs marchandises du secteur ferroviaire—nous en parlerons sans doute lors de la période des questions—, il convient de se rappeler qu'en termes réels les tarifs ont diminué d'environ 30 p. 100 au cours des 10 dernières années. On constate exactement le même phénomène aux États-Unis.

Bien que nous ayons réalisé certains progrès—par «nous» j'entends les deux principales compagnies ferroviaires au Canada—, nous accusons encore un décalage de 30 p. 100 environ par rapport aux chemins de fer de transport de marchandises américains. Nous vous avons fait remettre un rapport du groupe IBI, rapport objectif, qui montre—avec d'excellents tableaux à l'appui—que si vous prenez, par exemple, la productivité de nos employés ou de ceux du CP et que vous la comparez à celle du personnel des chemins de fer américains, nous accusons un décalage d'environ 30 p. 100 en tonne-mille payante, soit ce qu'il en coûte pour déplacer une tonne de marchandises sur un mille de voie. Sur ce plan, nous sommes environ 30 p. 100 moins rentables que les compagnies américaines.

Je tiens à souligner l'importance du transport ferroviaire de marchandises au Canada. D'abord, c'est nous qui assumons la plus grande partie du transport de fret. Deuxièmement, les trains de marchandises sont très importants pour l'économie. Troisièmement, ils sont déterminants sur le plan de la compétitivité, parce que notre industrie ne se contente pas de faire rouler des trains, elle est là pour servir des clients. Si nous ne sommes pas compétitifs dans les services que nous offrons à nos clients, les expéditeurs ne seront plus compétitifs eux non plus, pas plus au Canada qu'ailleurs dans le monde. Cet aspect est très important pour l'infrastructure canadienne.

• 1540

Depuis plusieurs années déjà, je cite l'exemple du port de Halifax. Si le Canadien National devait ne pas être concurrentiel, c'est l'avenir du port de Halifax qui serait en jeu. C'est un fait.

Autrement dit, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, dans notre quête de solutions en vue de régler le problème de VIA—ce à quoi je souscris tout à fait—, et ainsi de pouvoir continuer d'offrir un service voyageurs, il ne faudrait pas porter atteinte à la compétitivité des ports canadiens ni à celle des expéditeurs canadiens, entre autres. J'ai mentionné le port de Halifax, mais j'aurais très bien pu vous parler du port de Montréal.

Je vais maintenant passer au document élaboré par VIA. Je félicite encore une fois VIA pour ses efforts, mais voici ce que je conclus du document... et je ne prétends pas que ce soit le seul problème auquel cette compagnie soit confrontée. VIA s'intéresse surtout au corridor Québec-Windsor, desservi par deux réseaux de voies, celui du CN et celui du CP. VIA aimerait que ses trains rapides sur une voie, celle du CN—où l'on retrouverait le trafic intermodal, le trafic automobile et le trafic voyageurs—, les trains lents devant emprunter la voie du CP. C'est une solution fort simple, le seul problème est qu'elle n'est pas pratique et je vais vous expliquer pourquoi.

D'abord, il n'est pas un seul pays dans le monde, à ma connaissance, où des trains se déplaçant à 100 milles à l'heure et plus empruntent des voies qui ne leur soient pas exclusivement réservées. VIA envisage d'augmenter la fréquence des trains rapides et je comprends tout à fait les raisons de Terry Ivany à cet égard. Il soutient que pour être rentable, VIA doit augmenter la gamme de ses produits, ainsi que la fréquence de ses trains pour la porter au double de ce qu'elle est actuellement. Vous avez vu ses chiffres. Je vous le répète, à ma connaissance, il n'y a aucun pays au monde où des trains roulant à 100 milles à l'heure ou plus ne se déplacent pas sur des voies qui leur sont entièrement réservées.

Deuxièmement, si vous augmentez la vitesse et la fréquence des trains de voyageurs, vous devrez accroître la maintenance de ces voies et les améliorer. Par exemple, les traverses sur lesquelles sont posées les voies où passent les TGV européens sont en béton. Dans le secteur des marchandises, nous utilisons des traverses en bois de feuillus ou de résineux, et Jack qui est ancien ingénieur pourrait mieux vous l'expliquer que moi. Certes, nous utilisons aussi des traverses de béton, mais surtout dans les courbes. Donc, si l'on appliquait la solution de VIA, les coûts de l'opération grimperaient en flèche.

De plus, je veux vous faire remarquer—et nous pourrons y revenir dans une minute—qu'à toute augmentation de vitesse doit correspondre une augmentation de la capacité des voies pour permettre le passage des trains. Sur ce plan, il faut savoir qu'un train de voyageurs à grande vitesse représente une capacité ferroviaire à peu près équivalente à celle de cinq trains de marchandises, ce que nous pourrons également vous expliquer dans une minute. Or, nous ne disposons pas de cette capacité aujourd'hui pour accueillir deux fois plus de train dans le corridor Québec-Windsor, comme le propose VIA.

• 1545

Je veux ensuite vous parler de la proposition de faire passer les trains lents sur les voies du CP. Eh bien, nous devrions dépenser énormément pour accroître la capacité de la ligne du CP, sans parler du fait que le CN serait particulièrement désavantagé parce que la ligne la plus directe entre Montréal et Toronto est justement la nôtre.

La ligne du CP, elle, passe par Smiths Falls. Que se passerait-il si l'on faisait basculer tout le trafic marchandise sur la ligne du CP, comme le propose VIA? Le CN n'aurait plus accès à ses gares de triage de Brockville et de Belleville et il nous serait également plus difficile d'assurer la liaison avec notre gare de triage principale de Toronto, avec celle de MacMillan, de même qu'avec la gare de triage principale de Taschereau à Montréal.

De plus, nous serions moins compétitifs sur la liaison Halifax-Chicago. Si vous me le permettez, monsieur le président, je vais prendre une minute pour vous expliquer tout cela, parce que je juge que c'est très important.

Au cours des dernières années, à cause du libre-échange, le trafic de marchandises entre le Canada et les États-Unis a augmenté d'environ 10 à 11 p. 100 par an. Cela étant, le Canadien National a décidé d'investir énormément pour faire en sorte que le corridor Halifax-Chicago devienne une histoire à succès, ce qui est maintenant le cas.

Nous avons commencé par investir 200 millions de dollars dans la construction d'un tunnel sous la rivière St-Clair entre Sarnia, en Ontario, et Port Huron, au Michigan. Comme nos trains à conteneurs gerbés peuvent à présent emprunter le nouveau tunnel, nous avons gagné 24 heures sur le trajet entre le Canada et les États-Unis.

Je vais vous dire comment nous faisons la promotion du port de Halifax. Nous partons du principe que les navires sont de plus en plus gros. La plupart de ces navires croisent dans l'Atlantique Nord et donc beaucoup d'entre eux déchargent dans le port de New York, Port Elizabeth, qui n'est pas un port en eau profonde. Nous disons donc aux compagnies maritimes que le port de Halifax n'est qu'à 40 ou 45 minutes des principales routes maritimes de l'Atlantique Nord et qu'elles feraient tout aussi bien d'en faire leur premier port d'escale pour y décharger les trois premières rangées de caisses de leurs porte-conteneurs. Nous pouvons les charger à bord de nos trains et desservir Chicago à partir de Halifax de façon plus rapide et plus économique que si ces mêmes caisses demeuraient sur le navire pour être déchargées dans le New Jersey.

Si vous nous contraignez à accepter le trafic de VIA sur nos voies, autant nous demander de renoncer à ce service qui a pourtant connu une augmentation de 10 p. 100 par an, parce que nous ne pourrons plus être compétitifs. Comme vous le voyez, une telle décision serait lourde de conséquences.

Enfin, les utilisateurs de ce service, les expéditeurs, ne bénéficieraient plus de l'amélioration de la qualité de notre prestation, à laquelle nous allons travailler. Dieu sait si les choses sont loin d'être parfaites, mais nous avons apporté d'importantes améliorations à nos services au cours des cinq dernières années.

Au sujet du tunnel St-Clair que je vous ai mentionné, j'aurais dû vous préciser qu'à l'autre bout, à Chicago, les Américains ont investi 27 millions de dollars dans un nouveau terminal intermodal pour accueillir le trafic de marchandises; ce terminal ne serait plus rentable si nos trains ne s'y rendaient plus.

Le port de Halifax n'est qu'un exemple. J'aperçois ici le député de London qui a une usine GM dans sa circonscription. Eh bien, c'est le CN qui dessert le plus grand nombre d'usines GM. Il est très important que les trains chargés d'automobiles arrivent à l'heure à destination. Si nous ralentissions le trafic sur Oshawa, nous pénaliserions nos clients, dont la General Motors qui est le plus important.

Pour conclure, monsieur le président, je dirais que les trains de marchandises sont très importants pour l'économie du Canada. Au cours des cinq dernières années, nous avons réalisé de très importants progrès pour assurer un meilleur service de transport de marchandises par chemin de fer. Ce faisant, les producteurs et les manufacturiers canadiens sont maintenant en meilleure posture. Ainsi, je vous annonce et j'annonce aux autres députés par votre intermédiaire, que nous sommes prêts à faire tout ce que nous pourrons pour aider VIA, à condition qu'on respecte un certain nombre de principes.

• 1550

D'abord, nous devons veiller à respecter un certain équilibre dans les services offerts entre les différentes catégories de clients. Je suis tout à fait favorable au service ferroviaire de transport de voyageurs entre Toronto et Montréal ou entre Toronto et Sarnia, mais je soutiens qu'il est très important de ne pas le faire au détriment du transport de marchandises.

Deuxièmement, nous sommes préoccupés par l'attribution de la capacité des voies, car elle devrait se faire en tenant compte du rendement économique.

[Français]

Je pense qu'il est très important, étant donné que le Canadien National a été privatisé et qu'il appartient maintenant à des investisseurs, que les investissements de ces derniers leur procurent un juste bénéfice.

De même, je pense qu'il est très important que les droits de passage sur nos voies tiennent compte d'un rapport sur les investissements.

[Traduction]

Ainsi, les droits d'exploitation des voies doivent être accordés en fonction de la nécessité de gérer la capacité ferroviaire de sorte que les lignes soient économiquement rentables.

Monsieur le président, voici qui met terme au survol du mémoire qui vous a été remis à vous-même et aux membres du comité. Mes collègues et moi serons heureux de répondre aux questions que vous voudrez bien nous poser.

Le président: Merci beaucoup, vous aurez l'occasion de nous dire quelques mots à la fin.

Je tiens à rappeler aux membres du comité que nous devons suivre certains grands principes, parce que je ne veux rien leur imposer. Ils sont libres de faire ce qu'ils veulent. J'espère, cependant, que si vous avez des questions intéressant vos paroisses respectives, vous voudrez bien attendre que nous passions à la troisième série pour les poser.

Jusqu'ici, nous avons pu permettre aux députés de poser toutes les questions qu'ils voulaient, parce qu'ils ont su être brefs et succincts et qu'il en a été de même pour les témoins dans leurs réponses. Nous devrions pouvoir, aujourd'hui aussi, entendre toutes les questions. Quand les choses se passent ainsi, nous parvenons à clore la séance avant 17 h 30.

Je vais m'en tenir à la liste et je ferai de mon mieux pour que tous les membres du comité aient l'occasion de poser leurs questions. Après M. Morrison, nous entendrons MM. Keyes, Guimond, Alcock, Fontana, Mercier, Cullen, Casey—et j'essaierai de prendre note des noms au fur et à mesure.

[Français]

C'est pour cela que j'ai mis votre nom sur la liste.

[Traduction]

Monsieur Morrison.

M. Lee Morrison (Cypress Hills—Grasslands, Réf.): Le nom de M. Bailey apparaît en deuxième place pour la première série de questions.

Le président: M. Bailey apparaît à cette place, parce qu'il vient juste de se signaler. Monsieur Morrison, vous êtes en premier.

M. Lee Morrison: Très bien, nous ne pouvons certainement pas laisser notre collègue Bailey sur la touche.

Bienvenue, monsieur Tellier.

Certaines des questions que je me proposais de vous poser feront sans doute un peu double emploi, parce que j'ai l'impression que, pour vous, VIA Rail est plus un mal qu'un bien; c'est un mal avec lequel vous devez vivre.

Cependant, j'aimerais en savoir un peu plus sur les accords contractuels que vous avez conclus avec VIA. Par exemple, vous avez fait allusion au problème des priorités relativement à l'encombrement des voies. Avez-vous conclu un accord écrit précisant qui a la priorité? Je me rappelle l'époque où les trains postaux et de voyageurs avaient la priorité sur tous les autres. Je sais que ce n'est plus vrai. Où en est-on maintenant?

M. Paul Tellier: C'est vrai, monsieur Morrison, quand VIA Rail a été créé en 1976, nos deux compagnies ont signé une entente de service. Celle-ci a été renouvelée à plusieurs reprises, en fait elle a été renouvelée...

M. Lee Morrison: Excusez-moi, je n'ai pas entendu.

M. Paul Tellier: Il existe une entente de service entre nos deux compagnies qui a été renouvelée à plusieurs reprises. Cette entente porte sur la qualité des normes de service. Ainsi, la somme que nous touchons pour l'utilisation de nos voies est en partie fondée sur notre performance.

• 1555

M. Lee Morrison: Autrement dit, si les trains de VIA ne circulent pas pendant une grande partie de la période contractuelle, vous n'êtes pas payés. C'est comme cela que ça se passe?

M. Paul Tellier: Tout à fait. Pour vous en donner une meilleure idée, sachez que VIA Rail nous a versé un peu moins de 50 millions de dollars en 1997, en fait je crois qu'il s'agissait de 46 millions. Eh bien, 14 millions de dollars environ de cette somme étaient directement liés à notre performance.

M. Lee Morrison: Comment cela se compare-t-il, de façon très générale, avec ce qui se passe aux États-Unis entre Amtrak et les propriétaires des voies? S'appuient-ils sur des ententes semblables ou accordent-ils la priorité au service de transport de voyageurs? Vous allez voir où je veux en venir.

M. Paul Tellier: Je crois que c'est à peu près la même chose qu'ici. À la constitution d'Amtrak, cinq ans environ avant VIA Rail, le Congrès américain a imposé un taux fixe aux compagnies ferroviaires de transport de fret. Si vous voulez dire que, par rapport à VIA Rail, les chemins de fer de marchandises américains consentent de meilleures conditions à Amtrak, je vous répondrai que c'est vrai. Cependant, pour que je sois prêt à m'asseoir n'importe quand avec VIA Rail pour négocier les taux, il faudra que vous vous engagiez, en tant que député, à faire en sorte que nous payions, de ce côté-ci de la frontière, les mêmes taxes et impôts qu'aux États-Unis.

M. Lee Morrison: Je n'ai jamais eu l'intention de débattre de quoi que ce soit avec vous, monsieur Tellier. Si je vous ai posé cette question, c'est que je me demandais s'il existe certaines possibilités, pour VIA Rail, relativement à votre acquisition d'Illinois Central. Cette acquisition va-t-elle être synonyme de débouchés pour VIA ou allez-vous devoir recourir à Amtrak, à moins que cette voie soit exclusivement réservée au service de transport de marchandises?

M. Paul Tellier: Non, il y a déjà un service voyageurs. Amtrak a le droit d'exploiter ses trains de Chicago à la Nouvelle-Orléans, en traversant les États du Tennessee, du Mississippi, de la Louisiane et les autres. Donc, Illinois Central, que nous allons acquérir, offre déjà un service Amtrak au départ de Chicago vers le Sud.

M. Lee Morrison: En quelque sorte, vous devez respecter des obligations de successeur?

M. Paul Tellier: Le droit d'Amtrak a été reconnu au moment de sa création par le Congrès américain.

M. Lee Morrison: Ah, je vois, tout cela est prévu dans une loi.

M. Paul Tellier: Oui, c'est ce que j'ai cru comprendre.

M. Lee Morrison: Merci.

Le président: Monsieur Keyes.

M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.): Merci, monsieur le président.

Merci, monsieur Tellier, pour votre exposé, car nous n'avons pas l'habitude d'en entendre d'aussi concis. Cela me fait tout drôle de m'entretenir avec un représentant du CN, cette grande compagnie privée qui exploite un réseau ferroviaire à l'échelle du Canada. Je tiens à vous en féliciter, personnellement ainsi que vos employés.

Vous avez vous-même dit que le CN et le trafic ferroviaire de marchandises sont très importants pour le Canada et son économie, et bien sûr très importants aussi sur le plan de la compétitivité. Vous nous avez ensuite parlé de la vitesse de déplacement des trains, à 100 kilomètres heure, etc.

Je ne pense pas que nous parlions de vitesse. Il est peut-être beaucoup plus question ici d'augmenter le niveau de fréquentation des voies. Il n'est pas uniquement question d'avoir un train entre Toronto, Ottawa et Montréal, mais d'ouvrir des liaisons ailleurs au Canada.

Voyez-vous, l'industrie ferroviaire est tombée dans un cercle vicieux, parce que si la fréquence n'étant pas suffisante, il n'y a pas assez de passagers pour justifier un plus grand nombre de trains de voyageurs. Si l'on augmentait la fréquence, les trains arriveraient plus souvent à l'heure et l'on pourrait ainsi, peut-être, attirer davantage de voyageurs.

Puisque les trains de marchandises sont tellement importants pour le pays et son économie, vous êtes vous assis avec les gens du CP pour essayer d'optimiser l'infrastructure, non pas pour que les trains voyageurs aillent plus vite et pour disposer des voies nécessaires pour des TGV, mais pour optimiser le trafic de marchandises au Canada? Vous pourriez alors, avec le CP, acheminer les marchandises beaucoup plus vite et plus efficacement ou de façon plus rentable et, en outre, vous pourriez libérer davantage les voies au profit des trains de voyageurs.

• 1600

Ma question est double. D'abord, avez-vous pris langue avec le CP? Deuxièmement, dans l'affirmative, où en êtes-vous dans ces entretiens?

M. Paul Tellier: Deux choses. D'abord, monsieur Keyes, d'après ce que j'ai cru comprendre de mes entretiens avec Terry Ivany, qui est venu m'informer de ses plans, on parle à la fois de fréquence et de vitesse. Si je me souviens bien, un train, peut-être deux assurent la liaison Montréal-Toronto ou Toronto-Montréal toutes les quatre heures. Il m'a donné l'impression de ne pas être satisfait de cette fréquence et de vouloir l'augmenter pour sa clientèle. Cela veut dire qu'il faut augmenter la vitesse des trains, augmenter le nombre de trains et offrir des départs plus fréquents.

Vous savez que j'ai essayé de conclure une transaction avec le CP dans l'Est du Canada. En effet, quand j'ai pris la tête du CN, il y a cinq ans et demi, le CN et le CP avaient perdu environ 2 milliards de dollars dans l'est du Canada au cours des cinq années précédentes. Dans ce cas, nous avions défini l'est du Canada de façon très large, c'est-à-dire de Winnipeg à Halifax. Il nous fallait donc agir. Personnellement, j'avais l'impression qu'il était tout à fait logique de regrouper les deux compagnies autour d'un projet commun dans l'Est.

Malheureusement, cela n'a pas fonctionné et le Canadien National a dû restructurer ses opérations de façon radicale pour arrêter de perdre de l'argent. En 1992, si je me souviens bien, nous perdions 200 millions de dollars environ dans l'Est. L'année dernière, pour la première fois, nous avons atteint le seuil de rentabilité et nous avons fait même un peu mieux, puisque notre ratio d'exploitation est d'environ 92.

Il nous a fallu intervenir sur plusieurs plans afin d'en arriver là. Nous avons dû très nettement réduire nos effectifs et malheureusement faire mal à énormément de gens. Malheureusement, nous n'avions pas le choix. Puis, nous avons dû restructurer le réseau. Par exemple, vous savez que nous avons vendu un grand nombre de voies à des exploitants ferroviaires sur courtes distances.

Nous sommes de nouveau en discussion avec le CP pour essayer de faire certaines choses ensemble, mais pas dans le corridor Québec-Windsor ou Sarnia.

M. Stan Keyes: Exploitez-vous des voies en commun ou avez-vous deux réseaux distincts dans ce corridor?

M. Paul Tellier: Nous avons deux réseaux distincts.

M. Stan Keyes: Et vous n'essayez pas de faire quelque chose sur ce plan?

M. Paul Tellier: Non. Et cela, monsieur Keyes, tient essentiellement au fait, comme vous le savez, que nous sommes à peu près 20 p. 100 plus gros que CP Rail. Or, les dirigeants de cette compagnie estiment—à tort ou à raison, mais c'est ce qu'ils pensent et donc je le respecte—que tout accord entre CP et CN dans l'Est ferait pencher la balance en faveur du CN partout au Canada. Le CP n'est donc pas prêt à conclure d'ententes avec nous.

M. Stan Keyes: Et dans le corridor?

M. Paul Tellier: Eh bien c'est ce dont je vous parle.

M. Stan Keyes: Donc, même si vous ne manquez pas d'infrastructures dans ce corridor... Vous voyez si, compte tenu de la situation actuelle dans le corridor, les dimensions économie et concurrence sont tellement importantes pour le CN et pour le CP, je ne comprends pas pourquoi vous ne vous asseyez pas pour essayer de restructurer le réseau et maximiser vos bénéfices? Vos relations sont-elles si mauvaises que cela?

M. Paul Tellier: C'est une fort bonne question, mais vous parlez à la mauvaise personne. J'ai consacré deux années et demie de ma vie à essayer de conclure un accord avec le CP.

M. Stan Keyes: Oui, et j'ai entendu dire la même chose sur le CN par les gens du CP. Je ne sais pas qui mène le bal ici.

M. Paul Tellier: Voyez le résultat. Aujourd'hui, le CP est entièrement absent à l'est du Québec. Nous ne nous sommes pas retirés des Maritimes, puisque nous continuons de servir le port de Saint John. Nous sommes encore présents au port de Halifax et, en fait, nous avons conclu un très bon partenariat avec ce port. Nous sommes en train d'augmenter notre part de marché dans le port de Montréal. Nous y assurons un bien meilleur service. Nous gagnons 24 heures sur le CP sur la liaison Montréal-Chicago. Comme je le disais, nous avons redressé le tir et nous avons cherché à collaborer avec le CP. Comme cela n'a pas fonctionné, nous avons retroussé nos manches et avons agi de notre côté.

• 1605

M. Stan Keyes: Bon, laissons le CP de côté et répondez à une question: êtes-vous prêt à vous asseoir avec Terry Ivany pour conclure une entente dans le corridor?

M. Paul Tellier: Je vous dis que ce qu'il propose ne fonctionnera pas. Je ne suis pas prêt à risquer de porter atteinte à la compétitivité des expéditeurs, quels qu'ils soient, pour favoriser une entreprise qui ne représente que 3 p. 100 du trafic ferroviaire.

Je ne veux pas critiquer VIA, mais c'est le monde à l'envers! Le transport ferroviaire de marchandises par le CP et le CN représente un chiffre d'affaires combiné de 7 milliards de dollars, alors que le chiffre d'affaires de VIA Rail n'est que de 600 millions de dollars, dont 200 millions qui sortent de la poche du contribuable. N'essayons donc pas de régler un problème de 600 millions de dollars en menaçant le meilleur système ferroviaire en Amérique du Nord. C'est cela que je veux dire.

[Français]

Le président: Monsieur Guimond.

M. Michel Guimond (Beauport—Montmorency—Orléans, BQ): Monsieur Tellier, c'est toujours avec grand plaisir que nous vous recevons au Comité des transports. Je suis persuadé que ce plaisir est aussi grand de votre côté. Je ne sais pas si vous m'en voulez encore d'avoir dit que vous aviez eu un prêt sans intérêt des contribuables pour vous acheter une maison à Westmount. De toute façon, c'est du passé. Il faut maintenant se tourner vers l'avenir.

Monsieur Tellier, j'aurais un commentaire et une question. À la page 8 de la version française de votre mémoire, on lit cette première phrase du deuxième paragraphe de la conclusion:

    Toutefois, il n'est jamais sage d'affaiblir les forts pour essayer de soutenir les faibles.

Et plus loin vous dites:

    Et le Canadien national est actuellement en excellente position...

Je souscris aux commentaires du secrétaire parlementaire, M. Keyes, qui a félicité les équipes de gestion et les travailleurs et les travailleuses qui ont rendu cette situation possible.

Je vous rappellerai bien humblement que le gouvernement libéral actuel, au cours de la 35e Législature, avait appuyé monétairement le projet visant à faire du CN une compagnie privée et lui avait consenti des conditions extraordinaires en vue de cette privatisation. Donc, il ne faudrait pas oublier que les contribuables du Québec et du Canada ont contribué à l'excellente position financière du CN.

Je trouve donc un peu prétentieux de prétendre qu'«il n'est jamais sage d'affaiblir les forts pour essayer de soutenir les faibles». C'est peut-être dû à l'emploi des mots. C'est peut-être encore dû à la façon de rendre ce qui était exprimé en anglais. Mon degré de bilinguisme n'est pas aussi élevé que le vôtre. C'est peut-être la traduction française qui le veut ainsi. Cependant, je trouve cela un peu fort et j'aimerais savoir ce que vous avez à répondre à cela.

En deuxième lieu, voici ma question.

M. Paul Tellier: Quelle est votre première question exactement, monsieur Guimond?

M. Michel Guimond: Qui sont les forts et qui sont les faibles que vous désignez ainsi dans votre énoncé «il n'est jamais sage d'affaiblir les forts pour essayer de soutenir les faibles? Est-ce que les forts sont forts aujourd'hui parce qu'ils ont bénéficié des largesses des contribuables du Québec et du Canada? Et pourquoi les faibles sont-ils faibles?

M. Paul Tellier: Pourquoi les forts sont-ils forts et pourquoi les faibles sont-ils faibles? Cela n'a aucun rapport avec l'étude qu'on veut faire ici. Si vous voulez répondre à la question, vous êtes le bienvenu, mais j'aimerais m'en tenir à l'étude qu'on fait ici.

M. Michel Guimond: Est-ce que VIA Rail est considéré comme étant le faible et le CN, comme le fort? Est-ce qu'en étudiant des situations qui pourraient aider à la relance de VIA Rail, on affaiblit le CN qui est fort, lequel est fort parce que les contribuables du Québec et du Canada l'ont aidé? C'est ça le sens de ma question. Est-ce assez explicite, monsieur le président?

Le président: Ça commence à l'être.

M. Paul Tellier: Monsieur le président, il me fait plaisir de répondre à la question de M. Guimond. Quand on parle de faiblesse ou de force, monsieur Guimond, tout est relatif. Essentiellement, le Canadien National, quand il était une société de la Couronne, perdait 100 millions de dollars par année. Le Canadien National, l'an passé, a fait au-delà de 400 millions de dollars de profits. Je ne vous dis pas que c'est extraordinaire, mais que c'est une amélioration assez remarquable, et les investisseurs l'ont remarqué.

Deuxièmement, vous dites que c'est à cause de l'argent des contribuables. Je vous rappelle que la privatisation du Canadien National par M. Young s'est révélée le plus grand succès des privatisations au Canada et que le ministre des Finances a été en mesure de verser dans les fonds publics les profits de cette privatisation, qui s'élevaient à au-delà d'un milliard de dollars.

• 1610

En ce qui concerne l'ajustement à la dette du Canadien National, ce qui se passait, essentiellement, c'est que ces dettes reflétaient des décisions qui avaient été imposées au Canadien National, à l'époque où le Canadien National n'était pas géré d'une façon commerciale. À partir du moment où la gestion et le conseil d'administration du Canadien National ont décidé de se retirer de Terre-Neuve, cela lui a coûté 700 millions de dollars. Donc, l'argent des contribuables dont vous parlez, c'est essentiellement l'ajustement à la dette. C'est exactement pour refléter cette situation.

M. Michel Guimond: Dans la même foulée, si on s'arrête au résultat obtenu par le CN, M. Ivany suggérait trois... Vous avez pris connaissance, et je pense que vous l'avez mentionné dans votre rapport, du mémoire de M. Ivany. Il suggère là-dedans trois options. Nous avons déploré, nous, membres du comité, qu'il n'en ait pas recommandé une en particulier. En tout cas, il faisait état de trois possibilités: la privatisation pure et simple, la commercialisation ou le franchisage.

Je n'ai pas eu le temps d'en faire une lecture très approfondie. Mais vous, est-ce que vous pourriez nous fournir des pistes, en tant que gestionnaire d'une compagnie de la Couronne nouvellement privatisée, qui nous aideraient à déterminer quelle orientation devrait prendre le gouvernement relativement à l'avenir de VIA Rail? Laquelle de ces trois possibilités devrait-on privilégier?

Normalement, on pose toutes les questions à la suite. Vous pouvez les prendre en note parce qu'à un moment donné, vous allez répondre longtemps. Le président va alors m'interrompre et je ne pourrai pas poser mon autre question.

Troisièmement, vous êtes revenu sur la question de l'amortissement des locomotives. Je pense qu'au cours de la journée de lobby qu'a faite l'industrie ferroviaire, c'est ressorti clairement.

Vous terminez votre mémoire en disant, dans le dernier paragraphe de la page 9, en français:

    Un changement dans le taux des déductions pour amortissement aurait pour effet de faciliter grandement ces dépenses et je vous recommande avec insistance de vous pencher sur cette question.

Donc, c'est pour VIA Rail aussi, en raison de la modernisation des équipements. Cependant, je crois que le statu quo est inacceptable. Mais si la situation actuelle perdure, l'amortissement des équipements dans une société de la Couronne sera une question inapplicable.

M. Paul Tellier: Monsieur le président, pour répondre à M. Guimond, il ne m'appartient pas de faire l'hypothèse de la privatisation de VIA Rail. Je suis convaincu que ce comité-ci aura ses propres vues là-dessus et que le ministre du Transport va aussi avoir les siennes.

En ce qui concerne les franchises, est-ce qu'une approche semblable à celle que le gouvernement britannique a adoptée est applicable à VIA Rail? Encore une fois, je ne le sais pas. Je n'ai pas étudié le problème. Tout ce que je puis dire, c'est que je sais qu'il y a un attachement au service ferroviaire pour les passagers chez les Canadiens. Même s'ils n'utilisent pas le train, ils aiment le train. Donc, ce que je dis, c'est que le Canadien National est prêt à examiner des solutions. Toutefois, pour ce qui est de la solution proposée à l'heure actuelle dans le plan, il faut faire bien attention de ne pas affaiblir le transport de fret, qui fonctionne relativement bien, en lui imposant des charges qui pourraient le rendre moins efficace.

[Traduction]

Le président: Monsieur Alcock.

M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

J'aurais trois questions à poser, la première sera la plus courte. Je crois comprendre votre deuxième préoccupation au sujet de la capacité des voies, mais je veux en être absolument certain. Quand vous dites que le ratio transport de voyageurs-transport de marchandises est de cinq pour un, est-ce parce que les trains de voyageurs sont plus espacés pour des questions de sécurité? Est-ce parce qu'ils sont exploités à... Qu'en est-il au juste de cette question de capacité?

M. Jack T. McBain (vice-président exécutif, Exploitation, Chemin de fer du Canadien National): Cela tient essentiellement à la différence de vitesse entre les trains de marchandises qui roulent à 60-65 milles à l'heure et les trains de passagers qui roulent à 95-100 milles à l'heure. Ainsi, quand un train de marchandises roulant à, disons, 45 milles à l'heure est suivi par un autre train roulant à 55 milles à l'heure, il faut lui faire dégager la voie environ huit minutes avant. Mais quand il est devant un train de voyageurs roulant à 90 milles à l'heure, le convoi de marchandises doit alors dégager la voie 25 minutes avant, ce qui gruge considérablement la capacité.

• 1615

M. Reg Alcock: Il s'agit donc d'un problème de dégagement des voies.

M. Jack McBain: Précisément.

M. Reg Alcock: Merci.

Monsieur Tellier, vous avez évoqué le rapport du groupe IBI qui fait état d'un décalage de productivité de 30 p. 100 entre nous-mêmes et les États-Unis. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? Comment expliquer ce genre de différence entre nos deux réseaux ferroviaires?

M. Paul Tellier: Eh bien, il est essentiellement question d'effectuer des progrès dans les règles d'exploitation, d'améliorer l'efficacité à tous les échelons, par exemple d'améliorer les taux d'utilisation des actifs ou de réduire le cycle d'utilisation des wagons. Nous mesurons le mouvement de toutes les catégories de wagons, nous déterminons combien de temps il faut pour les charger, pour les amener à destination et pour les décharger—qu'il s'agisse de potasse, de charbon ou d'autres choses—et pour les remettre ensuite en circulation après les avoir rechargés. Il nous faut améliorer cet aspect. Nous devons aussi améliorer la façon dont nous fonctionnons dans les gares de triage et ailleurs.

Quand on regroupe tous ces facteurs et qu'on tient compte du critère que j'utilisais il y a quelques minutes, c'est-à-dire le tonnage transporté par nos trains et le nombre de nos employés, nous parvenons à un ratio qui est d'environ 30 p. 100 supérieur, ici, au Canada.

Jack, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Jack McBain: Il y a aussi l'aspect densité. Le poids des marchandises transportées par mille sur nos voies est inférieur à celui enregistré aux États-Unis.

M. Reg Alcock: Donc, quand on compare les coûts entre deux points au Canada, d'une part, et deux points aux États-Unis, d'autre part, on a affaire à des problèmes d'utilisation de la capacité ou de taux de roulement. Comme votre volume est inférieur, vous fonctionnez à une échelle moindre, raison pour laquelle vos coûts sont supérieurs.

M. Paul Tellier: C'est tout à fait cela, et il y a aussi la question des taxes et des impôts.

Tout à l'heure, M. Guimond me parlait de taxes et nous avons un très bon cas pour illustrer cela, celui d'un train de Burlington Northern partant de Tacoma, dans l'État de Washington ou de Portland, dans l'Oregon, à destination de Chicago. Pour un même train partant de Vancouver à destination de Chicago, il faut payer environ 10 000 $ de taxes de plus.

Quand on exploite de 200 à 250 trains par jour, on voit bien que cette question des taxes revêt une ampleur considérable. En 1996, nous avons estimé que si notre note de taxes et d'impôts avait été la même que celle d'une compagnie américaine, nous aurions eu à payer 125 millions de dollars de moins. Donc, cela aussi est important.

M. Reg Alcock: Dans votre mémoire, vous énoncez les problèmes liés aux propositions d'échanges commerciaux et vous soulevez d'importantes réserves au sujet de l'efficacité de l'exploitation. Comme vous avez récemment été privatisé et que vous avez subi les effets d'une telle opération, que diriez-vous si nous fixions simplement un délai, si nous nous entendions sur une période de trois ans pour privatiser VIA? Quel pourraient être les effets d'une telle décision?

M. Paul Tellier: C'est difficile à dire. Je sais que M. Ivany et son équipe ont beaucoup fait pour améliorer la productivité. Ils ont énormément dégraissé la compagnie, entre autres.

Est-ce qu'après la privatisation VIA Rail serait plus productive? Je ne le sais pas. J'ai de la difficulté à échafauder des hypothèses.

M. Reg Alcock: Il n'est pas juste de vous poser cette question, puisque vous êtes ici pour répondre au sujet de la proposition de VIA. Si vous en parlez dans votre mémoire, vous ne dites pas en quoi la situation de VIA pourrait s'en trouver améliorée. Le CN a-t-il fait quoi que ce soit dans ce sens? Ce n'est pas vraiment à vous de penser à tout cela, mais après tout ce sont vos voies. Vous pouvez ne pas aimer la solution du corridor double ou des doubles voies, mais avez-vous pensé à des solutions qui permettraient de parvenir au même objectif?

M. Paul Tellier: Non, parce que nous ne sommes pas plus intelligents que ceux et celles qui se penchent sur ce problème depuis 25 ans. Comme je le disais il y a quelques minutes, les Canadiens et les Canadiennes adorent le train, mais ils ne le prennent pas beaucoup. C'est un fait! D'après les chiffres communiqués par VIA Rail dans son mémoire, on voit bien que cette compagnie est très subventionnée.

• 1620

En ouverture, je disais qu'à ma connaissance il n'existe pas de service ferroviaire voyageurs dans le monde industrialisé qui soit rentable. On parle des merveilles du TGV en France, par exemple, mais il faut savoir que ce service est hautement subventionné. Les chemins de fer allemands sont très endettés. C'est la même chose au Japon.

On peut donc se demander si c'est un service économique. N'est-ce pas plutôt un service à caractère social? C'est le genre d'enjeux politiques sur lesquels les membres de ce comité doivent se pencher.

Je le répète, à ce que je sache, ce genre de service n'est rentable nulle part. Par exemple, Amtrak aux États-Unis n'est pas rentable. Les gens adorent voyager en voiture. Ils aiment les trains pour tout le côté romantique qui s'y rattache, comme nous le savons tous, surtout dans des grands pays comme le Canada. Mais le fait est qu'il est très difficile d'exploiter un service de voyageurs qui rapporte raisonnablement.

M. Reg Alcock: Quel est le prix à payer pour cet amour?

Le président: Monsieur Fontana.

M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président, et permettez-moi de remercier M. Tellier et les responsables du CN pour leur exposé et pour nous avoir fait part de leur réussite. Je tiens, en passant, à remercier Paul d'avoir signalé que les meilleures locomotives au pays, et bien sûr, dans le monde, sont des locomotives GM, et j'espère que le CN en achètera encore plus.

Pour commencer, monsieur Tellier, j'ai cru comprendre que vous aviez l'intention de travailler le plus possible avec VIA et avec le gouvernement pour garantir la survie d'un service ferroviaire voyageurs. Je pense que vous avez raison quand vous parlez de taux de fréquentation, mais je crois que c'est aussi une question de qualité de service et de fréquence. Le fait que ce service ait été réduit de 50 p. 100 par le gouvernement précédent n'a certainement pas aidé.

Passons à quelques questions d'ordre technique, pour que je comprenne bien ce à quoi correspond le réseau. M. Keyes, je crois, a commencé à vous demander s'il existe effectivement une solution, parce que vous avez deux réseaux ferroviaires appartenant, l'un au CN et l'autre au CP, qui présentent une excellente capacité. Personnellement, je crois que les trois entreprises privées, VIA, le CN et le CP, devraient s'entendre entre elles—je préférerais ne pas imposer un accord par voie de législation bien que c'est ce que nous fassions dans le cas du CP—de s'entendre donc sur une solution viable pour exploiter la capacité actuelle, étant donné que quelqu'un devra réinvestir dans cette infrastructure, qu'il s'agisse de VIA ou d'une nouvelle entité commerciale...

En effet, dans sa proposition VIA reconnaît bel et bien qu'il faudrait améliorer l'infrastructure, c'est-à-dire votre infrastructure ou celle de CP. Dans une certaine mesure, cette opération serait intéressante pour vous, parce que je ne m'attends certainement pas à ce que vous financiez VIA pour lui permettre d'exploiter davantage de trains. Ce serait plutôt le contraire, autrement dit cette amélioration de l'infrastructure, l'accroissement de l'investissement dans les deux réseaux ferroviaires privés existant actuellement, se traduirait par une compensation et les deux compagnies de chemin de fer de marchandises y trouveraient leur compte.

Je veux que nous nous arrêtions un peu sur cette question de l'investissement dans l'infrastructure, parce qu'elle est essentielle. Vous êtes obligés, maintenant, d'investir dans votre infrastructure, mais de toute évidence vous ne pouvez pas le faire à cause des taux d'imposition élevés au Canada. Je suis tout à fait d'accord avec vous: il faut trouver un moyen de vous permettre de devenir davantage productif et concurrentiel par rapport aux chemins de fer américains... et donc vous permettre d'acheter plus de matériel ou de maintenir plus facilement votre effectif tel qu'il est, et il y a donc lieu de nous pencher sur nos politiques fiscales.

Plus tôt nous ferons cela, monsieur le président, mieux notre comité servira le pays, parce que les prix sont fonctions de notre compétitivité et que la moitié du coût de nos biens sont malheureusement des coûts de transport. Plus vite nous réglerons ce problème et mieux cela sera, parce que le niveau d'emploi en dépend étroitement.

Monsieur Tellier, vous avez dit, je crois, que VIA utilise environ 3 p. 100 de votre capacité actuelle. Vous avez parlé de 3 p. 100, c'est bien vous qui avez mentionné ce chiffre? Je voulais simplement savoir quel pourcentage de votre capacité actuelle, exprimée en longueur de voies de chemin de fer, est occupé par les services de transport de voyageurs. Pouvez-vous nous donner un pourcentage?

• 1625

M. Jack McBain: Tout à l'heure, Paul parlait de 3 p. 100 du chiffre d'affaires global...

M. Joe Fontana: Ah, je vois, il parlait du chiffre d'affaires.

M. Jack McBain: ... et non de capacité. Il n'y a pas de problème de capacité ailleurs que dans le corridor Québec-Windsor et Sarnia. Dans le corridor Montréal-Toronto, on compte environ 15 trains VIA et 22 trains de marchandises, si bien que le rapport est d'environ deux tiers pour le transport des marchandises et un tiers pour le transport de voyageurs. En revanche, il faut savoir que les trains de voyageurs à haute vitesse mobilisent 50 p. 100 de la capacité des voies.

M. Joe Fontana: Je me posais cette question, parce que nous essayons tous ici d'être créatifs et innovateurs. Il y a toutes sortes de raisons pour lesquelles on pourrait être tenté de trouver ce qui ne va pas plutôt que ce qui pourrait aller pour satisfaire toutes les parties.

Par exemple, s'il s'agit d'un problème de capacité essentiellement dû à la vitesse, ne pourrait-on pas, dans le cadre d'un véritable partenariat créatif et novateur entre le gouvernement et les compagnies de chemin de fer privées, trouver une solution pour les investissements à réaliser dans l'infrastructure afin de régler ce problème de capacité?

Deuxièmement, est-ce qu'une partie de la solution ne serait pas de... Dans le corridor, plus particulièrement, il y a deux voies de chemin de fer privées. Aucune d'elles n'est utilisée à 100 p. 100 pour le transport de marchandises. Je sais que vous avez essayé de collaborer avec le CP, mais il y a un troisième joueur dont il faut tenir compte, et je me demande combien il faudrait investir pour augmenter le trafic passager, que ce soit sur vos voies ou sur celles du CP ou encore sur les deux, parce que c'est à cela, je pense, que tout se ramène. C'est une question d'argent, d'investissement et d'infrastructure.

M. Paul Tellier: Pour l'instant, monsieur le président, je crois que tout le monde reconnaît que c'est le CN, dans le corridor, qui compte les meilleures voies. C'est la route la plus directe et donc la meilleure. Vous vouliez savoir s'il serait logique de faire passer les trains les plus rapides—autrement dit les trains de voyageurs mais aussi les trains intermodaux, qui sont nos trains les plus rapides, ceux des séries 100 et 200—sur nos voies et de faire circuler les trains de marchandises sur les voies du CP? C'est toujours possible, mais il serait coûteux d'améliorer l'infrastructure du CP.

M. Joe Fontana: Disposez-vous d'études?

M. Paul Tellier: Jack, voulez-vous...

M. Joe Fontana: ... sur le genre d'investissement qu'il faudrait effectuer dans les infrastructures?

M. Jack McBain: Je n'ai pas de chiffres définitifs, parce que dans le cas du CP, il faudrait quasiment renouveler la totalité des infrastructures. Nous avons actuellement des voies triples et même quadruples dans notre corridor Toronto-Montréal. Pour améliorer l'infrastructure du CP, afin que celle-ci puisse accueillir des trains voyageurs à grande vitesse, il en coûterait énormément: plus d'un demi-milliard de dollars!

Le président: Monsieur Mercier, pour une autre série de questions.

[Français]

M. Paul Mercier (Terrebonne—Blainville, BQ): Monsieur Tellier, de votre intéressant exposé, j'ai surtout retenu un chiffre: vous dites qu'au Canada, il n'y a qu'environ 1 p. 100 des voyageurs qui prennent le train. C'est extrêmement peu, surtout par comparaison avec d'autres pays. Vous dites que le Canadien aime le train, mais cet amour, très apparemment, est platonique, si j'ose dire, et ne va pas jusqu'à la consommation.

Monsieur Tellier, je me demande s'il pourrait en être autrement dans la structure actuelle du réseau ferroviaire au Canada. Le CN est propriétaire d'un réseau ferroviaire et, de plus, il est exploitant de ce réseau pour une partie du trafic, c'est-à-dire pour le trafic marchandises. De plus, le CN a un locataire qui est VIA Rail, lequel est en charge du transport de passagers.

Il me semble—et ce n'est évidemment pas un reproche, car c'est dans la logique de marché—que le CN doit logiquement, d'un point de vue mercantile, avoir comme tendance de favoriser ses trains par rapport à ceux d'un locataire qui, d'ailleurs, est captif. J'ai souvent le loisir de réfléchir à cette question et même de méditer dessus, vu le temps qui s'écoule quand, me rendant à Québec, mon train est mis sur une voie d'évitement pour laisser passer le vôtre.

• 1630

Je trouve assez significative cette préférence que, très logiquement, vous devez donner à votre trafic par rapport à celui des passagers. Je me demande si cette question existentielle n'est pas à la source même de l'impossibilité pour VIA Rail d'assurer la ponctualité, la vitesse et la fréquence qui seraient nécessaires pour capter une plus grande partie des voyageurs, ce qui serait dans l'intérêt public évident, ne serait-ce que pour des raisons environnementales.

Donc, voilà ma question: ne croyez-vous pas que la structure actuelle rend difficile l'amélioration des services de VIA Rail?

Comme question complémentaire, si je puis me permettre, je me suis fait dire qu'en Grande-Bretagne, la situation est différente en ce sens qu'une société est propriétaire du réseau et ne l'exploite pas directement; elle a des locataires, peut-être à des conditions de location plus élevées que celles que vous faites à VIA Rail.

En Grande-Bretagne, m'a-t-on dit—je ne sais pas si c'est vrai et je vous le demande—, le propriétaire n'exploite pas, mais il a des locataires, de sorte qu'il n'a pas à faire passer certains trains avant d'autres. Tout le monde est à égalité. Ce sont mes questions.

M. Paul Tellier: Écoutez, j'ai répondu tout à l'heure que VIA Rail nous donne à peu près 46 millions de dollars en revenus. Là-dessus, à peu près 14 millions de dollars sont directement reliés à la ponctualité et à la qualité du service qu'on donne à VIA Rail pour faire fonctionner ses trains.

Nous avons, dans l'Est, à peu près 1,5 milliard de dollars de revenus. Par conséquent, on essaie d'une part d'accommoder les trains de VIA Rail dans la plus grande mesure du possible. Mais les autres trains, qui sont nos trains de marchandises, et c'est le secteur pour lequel nous existons, ont aussi des échéances à respecter.

Donc, le conflit existe et ce n'est pas par absence de bonne volonté de part et d'autre. C'est un conflit qui existe. Quand un train de conteneurs a une heure de tombée pour le transbordement sur le bateau à Halifax, ce n'est pas le Canadien National qui contrôle l'heure de départ du navire dans le port d'Halifax. Si le service n'est assuré qu'une fois par semaine, les conséquences sont très sérieuses si les conteneurs ne sont pas là à temps.

Maintenant, quant à la situation en Grande-Bretagne, dont vous parlez, il s'agit d'un système de franchise. Mais encore une fois, c'est pour cela que j'ai commencé mon exposé comme je l'ai fait. En Grande-Bretagne, 80 p. 100 des revenus sont générés par les passagers, alors qu'au Canada les passagers fournissent 3 p. 100 des revenus.

Donc, quand vous établissez un réseau ferroviaire, le principal usager de ce réseau, dans tous les pays d'Europe, c'est le passager. Très souvent, par exemple en France, comme je l'ai expliqué aux dirigeants de la SNCF, le fret est pour eux un accessoire, alors qu'ici la proportion est à l'inverse. Le passager, par définition, puisqu'il ne représente que 3 p. 100 des revenus, est l'accessoire.

Ce que je vous dis, c'est qu'en essayant de trouver une solution à long terme aux problèmes de VIA Rail, il ne faut pas nuire au réseau de transport canadien de marchandises afin de trouver une solution à un problème qui, dans l'ordre économique des choses, est marginal.

M. Paul Mercier: Monsieur Tellier, vous dites que dans les autres pays, la part du transport de passagers est beaucoup plus grande. Est-ce que vous n'apportez pas de l'eau à mon moulin? Dans les autres pays, il n'y a pas cette structure. Est-ce que ce n'est pas justement parce que cette structure n'existe pas là-bas que leur trafic peut être plus fort? Ne croyez-vous pas que s'ils avaient la même structure qu'ici, le trafic passagers baisserait parce qu'il perdrait en qualité du fait qu'on ferait passer les trains de marchandises, si rares soient-ils, avant les trains de passagers?

• 1635

M. Paul Tellier: On peut se perdre en conjectures. Ce que je peux vous dire, c'est que les Suédois, en 1988, ont été les premiers à vouloir séparer la propriété du rail de ses usagers. Dix ans plus tard ou presque, le président du chemin de fer, en Suède, disait que ce n'était pas la façon de faire fonctionner des trains.

[Traduction]

Le président: Monsieur Cullen.

M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.

Merci, monsieur Tellier. Je tiens à me joindre à mes collègues et à féliciter moi aussi votre équipe pour cet excellent travail de remise sur pied du CN. Quand vous avez dit que les Canadiens aiment le train mais qu'ils ne s'en servent pas, vous m'avez rappelé une anecdote dans le secteur des ressources naturelles. Les Canadiens aiment les coins sauvages, mais ils ne les fréquentent pas.

M. Reg Alcock: C'est précisément pour ça qu'ils sont sauvages, Roy.

Des voix: Ah, ah!

M. Roy Cullen: Pardon? Ah, je viens de la comprendre.

Quoi qu'il en soit, avec les objectifs qu'on vient de se fixer en matière de réduction des gaz à effet de serre, les Canadiens et les Canadiennes devront peut-être s'intéresser de plus près aux chemins de fer.

J'aimerais vous poser deux questions. Je vais suivre l'exemple de mon collègue Guimond et vous poser deux questions. Le CN a une grande expérience en matière de transport de voyageurs. Je ne m'attends pas à ce que vous ayez aujourd'hui toutes les réponses à la question que je vais vous poser, ni à ce que vous échafaudiez des hypothèses.

Supposons que la subvention fédérale au trafic voyageurs soit de 170 millions au maximum, d'après vous, pourrait-on avoir, au Canada, un service national de transport de voyageurs par chemin de fer qui soit viable? Le cas échéant, de quel environnement devrait-on disposer pour que cela se produise?

Par ailleurs, pourrait-on imaginer de vous rassembler, vous-même, le CP et VIA Rail, pour parvenir à un plan raisonnable pour les trois compagnies? Voici la question que j'ai posée à M. Ivany à ce sujet: Combien faudrait-il investir dans le cadre de votre proposition pour améliorer l'infrastructure, et qui devrait payer? Je ne pense pas que personne ait répondu à cette question, parce qu'elle est peut-être prématurée.

Dans quelles conditions, le CN pourrait-il s'intéresser au trafic voyageurs au Canada? En outre, quelle forme cet intérêt pourrait-il revêtir et quelles conditions pourraient y présider?

M. Paul Tellier: Vos deux questions sont étroitement liées, monsieur Cullen.

Je doute qu'il soit possible d'offrir un service ferroviaire voyageurs viable—c'est-à-dire sans subventions publiques—, à cause des distances à franchir, du faible coefficient de remplissage et du faible trafic. J'ai des doutes. Il serait certes possible de dégager un consensus sur la meilleure façon de s'y prendre, et l'on pourrait se demander si Canadien National serait intéressé à reprendre du service dans le trafic voyageurs? Étant donné ma réponse à votre première question, je dois vous répondre par la négative parce que nous ne sommes pas en affaires pour perdre de l'argent, et je ne vois pas comment nous pourrions nous en sortir sans subvention.

Je dois attirer l'attention des membres sur le fait que le Canadien National a essayé—c'était avant que j'en devienne le président-directeur général, j'allais dire avant que vous n'arriviez au gouvernement...

Une voix: Presque.

M. Paul Tellier: Nous avons fait tout notre possible pour rester dans le créneau du transport de passagers. D'ailleurs, si 90 p. 100 des trains de VIA empruntent aujourd'hui nos voies, c'est-à-dire celles du CN plutôt que celles du CP, c'est essentiellement parce que nous sommes restés dans le secteur du transport de voyageurs plus longtemps que nos concurrents. À un moment donné, nous en sommes arrivés à la conclusion que cela ne fonctionnait pas et c'est pour cela que le Parlement a mis sur pied VIA Rail.

Je ne pense pas que ce problème soit dû au manque de bonne volonté, d'ailleurs Jack pourrait vous en parler dans le plus petit détail. Aujourd'hui, par exemple, la tendance est à l'augmentation du tonnage. Quand j'ai assumé la tête du CN il y a cinq ans et demi, nous faisions rouler des trains de 266 000 livres. Aujourd'hui, nous en sommes à 286 000 livres et nous nous acheminons vers les 315 000 livres. Les chemins de fer marchandises nord-américains sont, dans le monde entier, ceux qui déplacent les wagons les plus lourds et vous pouvez imaginer le genre de traverses, de ballasts et autres qu'il nous faut pour permettre le déplacement de tels trains, des trains de 6 000 pieds. Ce n'est pas du tout la même chose que de tirer des trains de six voitures à 115 milles à l'heure. Ce n'est pas du tout la même chose. Les virages ne sont pas dessinés de la même façon, on n'utilise pas le matériel de la même façon et ainsi de suite. Comme je l'ai dit au début, il est très difficile de faire passer des trains de voyageurs à grande vitesse sur des plates-formes qui ne leur soient pas réservées.

• 1640

M. Roy Cullen: Merci, j'ai compris.

Rares sont ceux, dans cette pièce, à ne pas penser que les subventions du gouvernement fédéral devraient être exclues de l'équation. Mais je comprends tout à fait ce que vous voulez dire.

VIA nous a soumis des propositions, mais j'ai l'impression qu'il ne faudrait pas s'y limiter. J'ai l'impression que pour vraiment trouver une solution qui fonctionne, nous devrions commencer à raisonner de façon plus globale. Je me demande si nous ne devrions pas repenser toute la chose. Pourrait-on imaginer une façon de réenvisager le service de transport de voyageurs au Canada pour que celui-ci fonctionne? Devrait-on le restructurer entièrement? Soit dit en passant, comme l'a signalé mon collègue de London, les gens vous comprennent quand vous parlez du problème de la compétitivité dans le chemin de fer et de l'amortissement du matériel, qui explique peut-être une partie de votre dilemme. Je ne sais pas. Peut-on sortir de cette boucle de raisonnement, prendre certaines décisions difficiles et en arriver à penser différemment au sujet du transport de passagers par chemin de fer au Canada ou estimez-vous que c'est une cause perdue?

M. Paul Tellier: Vous venez de soulever un point important. L'un des problèmes auxquels nous nous heurtons pour être concurrentiels... Je n'aime pas dire cela, parce que tout le monde se plaint des taxes et des impôts, mais en Nouvelle-Écosse, par exemple, nous ne payons pas de taxe sur le diesel alors qu'en Saskatchewan, la taxe est de 15c. le litre. Voilà le genre de fluctuation qui existe au Canada.

Pour ce qui est des impôts fonciers, dans la plupart des provinces, nous sommes à la merci de chaque petite municipalité. On ne nous offre aucun service, pas même l'eau ni l'électricité, absolument rien, et nous payons des impôts fonciers très élevés. Il y a aussi la taxe d'accise. M. Guimond et d'autres, comme M. Joe Fontana, ont parlé du taux d'imposition au titre de la déduction pour amortissement. Par exemple, l'amortissement d'une locomotive s'étend sur plus de vingt ans. Aux États-Unis, la même machine est amortie en huit ans. Donc, si vous me dites que vous êtes prêts à nous accorder le même régime fiscal que celui dont bénéficient les chemins de fer américains et que vous vouliez alors savoir combien nous pourrions consacrer à l'amélioration de l'infrastructure et du reste, si vous vouliez savoir aussi quelle réduction de tarif nous pourrions accorder à VIA Rail, sachez que nous nous trouvons dans un cas de figure très différent. Je n'ai pas d'autre choix que de réagir à la proposition de Terry Ivany dans le contexte actuel. Encore une fois, je pense qu'il convient de le féliciter pour ce qu'il essaie de faire.

Dans les conditions actuelles, je ne puis me permettre de réduire les tarifs que nous imposons à VIA Rail, et je reconnais qu'ils sont supérieurs à ceux imposés à Amtrak, parce que nous sommes à peine concurrentiels dans ce domaine. L'année dernière, pour l'ensemble de son réseau, le Canadien National a connu un ratio de 7 à 9,5. Cela équivaut à une amélioration de près de 20 points par rapport aux cinq dernières années. Mais dans l'Est, comme je le disais, notre ratio d'exploitation est de 9-2. Nous atteignons à peine le seuil de rentabilité. Cela étant, vais-je risquer de porter tort à mes actionnaires pour prêter assistance à VIA Rail? Je ne pense pas pouvoir me le permettre, car je représente mes actionnaires.

M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC): Monsieur Tellier, je tiens à vous remercier pour votre intervention. Tout cela est sans doute un problème sans importance pour vous, mais il est très important pour une petite collectivité de ma circonscription, et sachez que j'apprécie votre coup de pouce.

En ouverture, vous avez dit que nous devrions retenir l'exemple de pays comme le Japon, l'Allemagne, la Grande-Bretagne ou la France en ce qui concerne le transport ferroviaire de passagers. Mais quel pays exactement devrions-nous prendre comme modèle?

• 1645

M. Paul Tellier: Je ne sais pas, monsieur Casey. Tout ce que je sais c'est qu'un de nos concurrents, Wisconsin Central, a opté pour une stratégie de développement très différente. Comme vous le savez, elle a acheté une franchise en Grande-Bretagne et une autre en Nouvelle-Zélande. Elle exploite les chemins de fer privatisés de la Nouvelle-Zélande et je crois comprendre qu'elle est en train d'y réussir.

Quels autres modèles pourrions-nous utiliser? Je ne le sais pas. Tout ce que je sais, c'est que partout où l'on assure à la population un service de chemin de fer voyageurs, celui-ci est toujours subventionné d'une façon ou d'une autre.

M. Bill Casey: En Nouvelle-Zélande, cette compagnie américaine a-t-elle repris le service de transport des passagers et le service de marchandises? A-t-elle pris en main tout le système ferroviaire ou une seule partie?

M. Paul Tellier: Je ne le sais pas.

Le savez-vous, Jack?

M. Jack McBain: Je crois qu'elle n'a repris que le transport de marchandises.

M. Bill Casey: Alors, nous ne sommes pas plus avancés. Y a-t-il un autre pays qui ait réussi ou qui soit sur le point de réussir dans le transport de passagers et que nous pourrions prendre comme modèle?

M. Paul Tellier: Qui réussit oui, mais qui réussit et qui soit rentable, il n'y en a pas à ma connaissance.

En Europe, où les trains tournent comme une horloge et où il est très plaisant de voyager en train, les compagnies ferroviaires ne sont pas rentables.

M. Bill Casey: Quel serait le meilleur modèle à retenir? Quels pays ont les meilleurs modèles à nous proposer?

M. Paul Tellier: Je ne me risquerai pas à vous donner une réponse.

Une voix: C'est nous qui allons offrir le meilleur modèle!

M. Bill Casey: Fort bien, alors voyons ce que cela donne. Supposons que vous vous retrouviez soudainement à la place de Terry Ivany. Que feriez-vous?

M. Paul Tellier: Ça m'est arrivé une fois et ça m'a suffi.

M. Bill Casey: Vous avez répondu à cette proposition presque point par point en nous expliquant que vous ne pouvez pas y adhérer. Si vous étiez à sa place, quelle proposition formuleriez-vous, sachant que le CN a un rôle à jouer et qu'il faut tenir compte de sa position?

M. Paul Tellier: Je serais tenté de dire que s'il y a une quelconque possibilité pour que ce service devienne rentable, il faudrait le plus vite possible le retirer des pattes du gouvernement.

M. Bill Casey: Et en faire une entreprise entièrement autonome, commerciale?

M. Paul Tellier: Encore une fois, j'ai répondu à un des députés au sujet de la privatisation. En revanche, je ne me perdrai pas en conjectures quant à la possibilité de privatiser VIA Rail. Mais si je compare le CN d'aujourd'hui, entreprise privée, à ce qu'elle était il y a trois ans dans les mains du gouvernement, je pense que s'il y a une possibilité quelconque de transformer VIA Rail en compagnie rentable, mieux vaux le faire dans le privé. Quant à savoir si cela est faisable ou pas, je ne me risquerai pas à une réponse.

M. Bill Casey: Laissez-moi vous poser une autre question. Au Canada, nous nous sommes engagés à assurer un service ferroviaire de voyageurs d'un océan à l'autre. Est-ce un engagement réaliste, pratique?

M. Paul Tellier: Cela dépend s'il s'agit d'un engagement du gouvernement ou d'un engagement du peuple canadien. Les Canadiens et les Canadiennes sont-ils prêts à soutenir une telle entreprise? Rendons-nous à l'évidence, les gens préfèrent prendre leur voiture, et c'est ça le problème: qui vient en premier, la poule ou l'oeuf?

Terry Ivany dit que s'il y avait plus de trains, s'ils allaient plus vite et que sais-je encore, vous prendriez le train plus souvent entre Montréal et Toronto. C'est possible, mais quelqu'un devra payer pour cela et c'est le problème que votre comité essaie de régler.

M. Bill Casey: Nous en savons moins à ce sujet que vous-même et c'est pour cela que nous essayons de vous mettre à contribution.

Je vais vous poser une question directe. Dans votre exposé, vous avez dit que le volume de conteneurs au port de Halifax s'est accru de quelque 423 p. 100 et que—je vous lis:

    Si l'on annihile notre avantage au plan des temps de transport, nous en reviendrons au point où nous nous trouvions avant la construction de ce tunnel, avec une ligne de Halifax à la limite de la rentabilité et un avenir incertain pour le port lui-même.

Jusqu'à quel point cette ligne de Halifax est-elle vulnérable? Il y passe un train VIA par jour à l'heure actuelle. Jusqu'à quel point serait-elle vulnérable si l'on envisageait d'augmenter le service de VIA?

• 1650

M. Paul Tellier: Comme vous le savez, cette ligne de Halifax est en fait la ligne Halifax-Chicago. Si vous faisiez quoi que ce soit dans ce corridor qui soit susceptible de réduire notre compétitivité, vous porteriez tort à tous ceux qui comptent sur cet axe Halifax-Chicago. C'est une question de temps de transit.

Quant au port de Halifax, je ne puis que vous répéter ce que j'ai dit plus tôt. Il s'agit d'un port naturel de première classe, qui n'est jamais pris par les glaces. Les voies arrivent jusqu'aux quais. Nous sommes près des grands axes de navigation de l'Atlantique nord. Le problème, c'est que pour accueillir des navires de la génération post-Panamax, il faudrait rénover les terminaux du port de Halifax et réaliser quelques investissements. Il faut faire cause commune pour réaliser cela dans peu de temps.

M. Bill Casey: Quand vous dites qu'il faudrait tout regrouper, vous parlez des deux terminaux conteneurs du port de Halifax?

M. Paul Tellier: Oui, et le CN y a un intérêt direct, puisqu'il en possède un à 50 p. 100.

M. Bill Casey: Vraiment? Je ne le savais pas.

M. Paul Tellier: Nous possédons la moitié du terminal Halterm.

M. Bill Casey: Plus tôt, vous avez dit que vous recommandiez aux navires à destination de New York de prélever les trois premières rangées de conteneurs pour les décharger à Halifax. Pourquoi ne leur demandez-vous pas de tout décharger?

M. Paul Tellier: Pour des questions de concurrence. En effet, si ces navires ne s'arrêtaient pas à Halifax pour y décharger les trois premières rangées de conteneurs, ils devraient être plus légers et ils se rendraient alors directement au Port Elizabeth, au New Jersey ou à New York. Nous invitons donc les compagnies maritimes à charger davantage leurs navires et à faire transporter l'excédent par nos trains à partir de Halifax.

M. Bill Casey: Et vous vous attaquerez au reste plus tard.

Le président: Monsieur Bailey.

M. Roy Bailey (Souris—Moise Mountain, Réf.): Merci, monsieur le président.

J'ai trouvé cet exposé extrêmement intéressant. Je viens d'une région où l'on compte sur les trains sans doute plus qu'ailleurs. En fait, vous avez probablement entendu dire dans la bouche d'un humoriste américain ayant visité le sud des Prairies, que les Canadiens y construisent des chemins de fer juste pour s'amuser. Je viens d'une ville où l'on pouvait aller à Regina et en revenir le jour même en prenant un train, même si c'était un train mixte. Bien sûr, tout cela est chose du passé.

Les questions qui vous ont été posées m'ont beaucoup intéressé. D'ailleurs, vous avez répondu à la plupart de celles que j'aurais aimé poser.

J'ai beaucoup aimé votre tableau des émissions établissant la comparaison entre le trafic ferroviaire et le trafic de camions, qui est votre plus important concurrent, et le reste. Je ne sais pas si cela vient du CN ou du CP ou si vous vous y êtes mis tous les deux. Si ce pays veut faire preuve de sérieux dans la lutte contre les émissions polluantes—et je n'essaie pas ici de gagner des points sur le plan politique; pour être honnête, je ne pense pas que nous soyons sur le point de faire preuve de réalisme à ce sujet—donc, si nous voulions être sérieux ne pensez-vous pas qu'il faudrait augmenter le trafic ferroviaire? Nous augmenterions aussi le volume de marchandises transportées. À en croire le graphique que vous m'avez remis, ce mode de transport pollue entre 3 et 7 p. 100 de moins que les autres types de transport.

On pourrait dire la même chose du trafic voyageurs. Le nombre de passagers que vous pouvez transporter en fonction des émissions produites par wagon déplacé n'est que de... En fait je ne peux même pas faire la comparaison.

Je suis déçu par ce que vous nous avez déclaré aujourd'hui, parce que vous ne m'avez pas vraiment fourni—ce qui n'est pas étonnant d'ailleurs—une approche réaliste à laquelle les Canadiens pourraient adhérer pour régler le problème du service ferroviaire. Je n'ai rien vu de tel. Je ne vous critique pas. Je crois que vous nous dites tout à fait la vérité, mais je n'ai pas entendu d'idée géniale susceptible de nous permettre de régler le problème du trafic ferroviaire; il faudrait peut-être que nous nous attelions très sérieusement à la tâche, comme on est en train de le faire le Premier ministre de Grande-Bretagne. Il a tout simplement décrété qu'il allait retirer des camions de la route, qu'il allait réactiver les chemins de fer et qu'il ne dépenserait pas un penny de plus dans la construction de super-autoroutes.

Un témoin nous a déclarés—je crois que c'était à ce comité—que pour absorber l'augmentation du trafic à Toronto, s'entend de la circulation automobile et du trafic ferroviaire, il faudrait construire une autre 401 traversant la ville. Il est possible que les espaces soient plus précieux en Grande-Bretagne qu'ici, mais dans ce corridor, les terrains sont tout aussi importants. Il n'y a aucune comparaison entre les superficies nécessaires à la construction d'une autre ligne ferroviaire Windsor-Montréal et la construction d'une autre autoroute.

• 1655

Nous devrions voir le bon côté des choses. Si vous rajoutiez une ligne de chemin de fer, vous couperiez les émissions polluantes dues à une circulation routière équivalente. Vous pourriez investir plus dans les chemins de fer. Par la même occasion, on disposerait d'une nouvelle ligne pour absorber le trafic de banlieusards. Nous devrions, je crois, envisager cela. J'ai aimé vos commentaires à ce sujet.

M. Paul Tellier: Monsieur le président, je suis d'accord à 200 p. 100 avec ce qu'a dit M. Bailey. Vous venez de me ravir. Vous avez tout à fait raison. Un train de marchandises complet permet de remplacer 225 camions sur la route.

M. Roy Bailey: Très bien.

M. Paul Tellier: C'est ce que nous avons réclamé sur le plan de la politique gouvernementale, quand des représentants de l'industrie ferroviaire ont rendu visite à des députés et à des ministres il y a quelques mois, deux ou trois semaines d'ailleurs avant le sommet de Kyoto. C'est essentiellement ce que nous avons réclamé. Nous avons demandé d'investir l'argent des contribuables dans les chemins de fer plutôt que de l'investir dans les autoroutes, ce qui nous semble être une politique gouvernementale tout à fait saine. Donc, plus nous deviendrons concurrentiels et plus il sera possible de retirer de camions de la route, vous avez entièrement raison. Je suis d'accord avec vous à 200 p. 100.

M. Roy Bailey: Pourrais-je ajouter quelque chose? Peu importe que ce soit les passagers qui paient ou le contribuable, quelqu'un doit payer pour ce service et ce pourrait être l'usager.

Voyons combien il en coûterait pour ajouter une ligne le long de l'emprise ou, dans votre cas, le long de la voie ferrée du CN. Imaginons que nous ouvrions une autre ligne. Il faudrait une voie supplémentaire. Eh bien, pour faire cela, il faudrait relativement moins de terrains que pour construire une autoroute. Les coûts de construction et de maintenance seraient également moins élevés. Pourquoi ne pense-t-on pas ainsi? Vous pourriez transporter plus de marchandises et libérer une autre voie pour le transport des passagers par VIA Rail.

Avec tout ce que vous venez de dire, je crains que les choses ne tournent pas très bien, parce que vous ne m'avez offert aucun espoir, mais c'est une façon de s'en sortir.

M. Paul Tellier: Je suis d'accord avec vous, monsieur Bailey, mais comme vous venez de le dire, il en coûterait au moins un demi-milliard de dollars pour construire une ligne supplémentaire, avoir plus de voies d'évitement, selon les chiffres approximatifs de M. McBain. Si le comité était prêt à recommander l'amélioration de l'infrastructure ferroviaire au coût d'un demi-milliard de dollars de fonds publics, pour régler ce problème, nous nous trouverions dans une situation tout à fait différente. On nous demande, ici, de réagir à une proposition. Autant que je sache, il n'est pas question, pour l'instant, d'investir un demi-milliard de dollars. Cet argent n'est pas sur la table.

Le président: Monsieur Mark.

M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, Réf.): Merci, monsieur le président.

Mes collègues et moi-même tenons à remercier M. Tellier de s'être rendu à l'invitation du comité. Je vous remercie pour votre rapport. Je vais enchaîner sur les questions posées par mes collègues, M. Alcock et M. Fontana.

Aujourd'hui, VIA Rail fait figure d'empêcheur de tourner en rond et de mauvais garçon. Une chose est sûre, on nous donne l'impression que VIA est dans les jambes des compagnies de chemin de fer marchandises. C'est cela que j'aimerais vous entendre dire. Quatre-vingt-dix pour cent du trafic de VIA empruntent vos voies, mais supposez que ce ne soit plus le cas. Quelle amélioration cela représenterait-il? Quelles conséquences cela aurait-il sur votre entreprise? C'est cela que je veux savoir. Vous parliez tout à l'heure d'une marge de 30 p. 100. M. Alcock a dit que vous étiez en retard par rapport à l'industrie du camionnage. Donc, que se passerait-il? Autrement dit, quelle est l'incidence actuelle de VIA sur votre secteur d'activité?

M. Jack McBain: D'abord, il y aurait les revenus de 46 millions de dollars; ce serait là la première conséquence du retrait de VIA. La seule région où VIA a des répercussions sensibles, pour l'instant, est celle du corridor Québec-Windsor, à cause de la question de capacité. Si l'on retirait les trains de VIA de notre corridor, nous gagnerions environ 50 p. 100 en capacité, ce qui nous permettrait d'améliorer notre niveau de service, entre autres.

• 1700

M. Inky Mark: Et l'écart de 30 p. 100, serait-il réduit?

M. Jack McBain: Malheureusement, cela ne supprime pas le problème du faible volume de trafic que nous devons régler. Ainsi, si nous dégagions une capacité supplémentaire de 50 p. 100, il n'y aurait pas le trafic voulu pour occuper le vide.

M. Inky Mark: Si je vous pose cette question, c'est que j'ai l'intention d'en poser une autre sur ce qui arriverait si l'on acceptait la proposition de M. Ivany. En quoi sa proposition pourrait-elle avoir une répercussion négative sur vos entreprises actuelles?

M. Paul Tellier: Pour simplifier tout cela, supposons que nous augmentions le nombre de trains de VIA Rail, qui est actuellement de sept par jour. Supposons que nous le doublions pour le porter à 14. Le cas échéant, notre trafic serait ralenti de beaucoup. Nous essayons de vous dire que tout cela coûte.

Il y a un coût rattaché au fait de ralentir les trains de marchandises, parce que nous sommes dans un secteur très concurrentiel, surtout dans l'Est, un secteur qui dépend énormément du camionnage. M. Bailey a déclaré lui-même tout à l'heure que nous devrions faire tout en notre pouvoir pour retirer des camions de la route, mais il faut savoir que trois ou quatre heures de plus c'est énorme pour des expéditeurs, surtout de nos jours, quand les gens réclament de plus en plus des livraisons du juste-à-temps.

M. Inky Mark: Je suis d'accord avec vous monsieur Tellier, je suis gagné aux vertus du transport de marchandises par chemin de fer, parce qu'on épargne ainsi notre réseau routier. Mais pour que je comprenne la proposition de VIA, je dois avoir une idée des coûts approximatifs. Quelle serait la répercussion de tout cela sur le CN, dans l'état actuel des choses?

M. Jack McBain: Je vais vous présenter la chose autrement. À l'heure actuelle, tous types de trains confondus entre Montréal et Toronto, notre capacité est d'environ 60 convois par jour. À l'heure actuelle, nous en faisons passer un maximum de 55 ou 56. Chaque train de passagers supplémentaire signifierait le retrait de cinq convois de marchandises. Donc, dès le premier train de voyageurs que nous admettons sur nos voies, nous grugeons déjà notre capacité naturelle, la capacité pratique de cette ligne.

Comment cela se traduit-il? Eh bien, la fiabilité du service des trains de marchandises et des trains de voyageurs est altérée, parce que tout le trafic est plus lent à cause de l'engorgement.

M. Inky Mark: J'ai besoin de chiffres.

Merci, monsieur le président.

M. Paul Tellier: Monsieur Mark, si je ne peux vous donner de chiffres, c'est que je risque beaucoup. En effet, s'il me faut, par exemple, 48 heures pour acheminer du papier, des journaux ou de la pâte à papier de Québec à Chicago, et que soudainement nous passions à 56 heures, je ne sais pas combien de contrats je vais perdre. Ce que je peux vous dire, en revanche, c'est que si nous soumissionnons pour un délai de 48 heures, nous devons nous en tenir à cela. Quel effet négatif l'augmentation de la capacité de VIA pourrait-elle avoir sur notre compagnie? Parle-t-on de 200 millions, de 400 millions ou de 600 millions de dollars? Tout dépend.

Comme l'a dit M. McBain, c'est la même chose avec les services de transport de voyageurs. Si vous mettez plus de trains en service mais qu'ils sont plus lents, parviendrez-vous à augmenter le taux de remplissage? Je ne le pense pas. Il est donc difficile de formuler des hypothèses et de vous donner des chiffres solides.

Le président: Madame Desjarlais.

Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Je n'en aurais probablement pas parlé, mais puisque vous venez de louanger la privatisation de M. Young, je me sens obligée d'en parler et de vous dire que, selon moi, tout dépend de qui en a profité. Si les contribuables canadiens en général en avaient profité, je ne penserais certainement pas ainsi.

Une chose est sûre, il y a quelqu'un qui bénéficie davantage que les contribuables canadiens de l'autoroute à péage au Nouveau-Brunswick.

M. Guimond a parlé d'affaiblissement d'un côté et de renforcement de l'autre, et j'ai tendance à être d'accord avec lui parce qu'il faut savoir qui a le plus profité de l'argent des contribuables alors que pour l'essentiel, on a affaibli quelque chose d'autre. Cela étant, je n'ai pas beaucoup aimé votre façon de traiter VIA, parce qu'il se trouve que l'argent des contribuables a servi à renforcer énormément le CN.

• 1705

Cela ne fait aucun doute. Je ne suis pas venue ici pour vous entendre couvrir VIA d'éloges et pour être tout feu tout flamme au sujet des chemins de fer voyageurs, parce qu'en tant que compagnie privée, vous n'auriez certainement pas à tenir les mêmes engagements que ceux pour lesquels nous allons tous être imposés, parce que nous devons répondre aux besoins de tous les Canadiens et de toutes les Canadiennes pour toute une diversité de raisons et pas simplement pour faire de l'argent. Je ne m'attendais pas non plus à vous voir accorder votre soutien aux chemins de fer voyageurs. Je prends note de vos préoccupations et des pertes éventuelles que vous pourriez encourir, mais je ne suis certainement pas venue ici pour me fier aux réponses que vous alliez nous donner.

M. Paul Tellier: Monsieur le président, ce n'est pas que nous qui perdrions. Nous n'existons pas que pour nous. Prenez n'importe quelle marchandise. Tenez, prenez la potasse en Saskatchewan. Si nous ne pouvons pas l'acheminer à des prix compétitifs, les producteurs de potasse ne pourront pas vendre leur produit.

Comme le disait M. Fontana, dans bien des cas les coûts de transport sont égaux à 50 p. 100 de la valeur des biens. La question n'est pas de savoir si le CN va faire plus ou moins d'argent. Si je ne peux pas vous accorder un tarif raisonnable, à vous qui êtes expéditeurs de meubles ou de produits agricoles ou encore de produits forestiers ou que sais-je encore, deux solutions s'offriront à vous. Vous opterez peut-être pour le transport par camion, parce qu'on vous offrira de meilleurs tarifs. Si, à cause de la nature de votre entreprise, vous ne pouvez recourir au camionnage, vous ne pourrez plus vendre vos produits. C'est aussi simple que cela. Au Canada, la compétitivité est fonction d'un bon système de transport par voie ferrée.

Mme Bev Desjarlais: Je puis vous garantir que vous ne m'entraînerez pas dans une rhétorique.

Cependant, vous avez dit que vos trains pouvaient remplacer énormément de camions et ce serait bien si vous pouviez déjà exploiter cela à fond et faire en sorte que le transport de marchandises par chemin de fer soit plus concurrentiel que le camionnage.

À plusieurs reprises dans des réunions de ce comité, on a lancé à la plaisanterie que ce tout cela n'est qu'une querelle de clocher entre les différentes compagnies concernées, et j'estime, à vous dire très franchement, que cela est devenu ridicule et qu'il est temps de mettre un terme à cela.

Le président: Monsieur Nault.

M. Robert Nault (Kenora—Rainy River, Lib.): Merci, monsieur le président. Excusez-moi d'être arrivé en retard.

Je vais poser deux ou trois questions. J'aimerais beaucoup que vous puissiez me dire, vous qui êtes une entreprise privée... J'ai l'impression que vous avez conclu un contrat commercial avec VIA qui, comme vous le savez bien sûr, est une entreprise privée. Quelle est la durée de validité de ce contrat? Quand va-t-il arriver à expiration? D'après vos projections de croissance, surtout dans le corridor, serait-il économiquement plus rentable pour vous de ne pas renouveler le contrat avec VIA? Il faut se rappeler, bien sûr, que VIA a été invitée à utiliser les voies du CN parce que le CN était alors une société d'État. On vous a imposé VIA. Je suppose que si c'était à refaire aujourd'hui, en tant que société privée, vous feriez ce que CP a fait et vous diriez non à VIA.

J'aimerais savoir jusqu'où on peut aller dans tout cela, à partir des chiffres de Jack, chiffres qu'il connaît mieux que quiconque dans cette pièce, je peux vous le garantir, parce qu'il était déjà là à l'époque où M. Lawless était président du CN-VIA, quand ce n'était qu'une seule compagnie. Maintenant, vous devez investir pas mal de bonne volonté dans cette relation. En fait, vous pourriez très bien exploiter plus de trains de marchandises et faire beaucoup plus d'argent, surtout dans le corridor où vous tournez presque à pleine capacité.

J'aimerais savoir où se situe cette limite, à quel point risquez-vous d'avoir de sérieux ennuis si, selon vos projections sur les cinq prochaines années, vous devez augmenter votre trafic à cause des expéditions vers Chicago et de la prise de contrôle ou de la fusion, si vous voulez, de la nouvelle compagnie ferroviaire.

M. Paul Tellier: Je vais vous répondre en deux temps, monsieur Nault.

D'abord, l'accord de service général conclu entre le CN et VIA vient tout juste d'être renouvelé pour une autre période de 12 ans.

Deuxièmement, si j'avais le choix, je préférerais que VIA n'emprunte pas nos voies, parce que je n'aime pas l'idée de ne pouvoir satisfaire un client. Je sais bien que VIA n'est pas entièrement satisfait et, encore une fois, ce n'est certainement pas par manque de bonne volonté de notre part.

• 1710

Comme vous le savez, l'hiver sévit pendant quatre, cinq ou six mois de l'année dans la région en question. Pendant cette période—comme vous le savez, parce que vous en avez vous-même fait l'expérience, monsieur Nault—nous ne pouvons pas réparer nos plates-formes. Donc, quand le printemps arrive, nous devons travailler par intervalles et devons à l'occasion complètement arrêter le trafic, pour remplacer les traverses, remplacer les coeurs de croisement, remplacer les rails et ainsi de suite. Ainsi, quand vous devez faire tout cela et, de plus, tenir compte du fait qu'entre telle et telle heure vous allez devoir laisser passer X trains de VIA Rail, la présence de VIA constitue un inconvénient majeur qui porte atteinte à notre productivité.

Nous sommes aux prises avec cette situation pour les raisons que vous avez évoquées tout à l'heure. Quant à en venir à recommander que le trafic de VIA soit transféré sur les voies du CP, je ne le ferai pas.

M. Robert Nault: Ramenons tout cela à un raisonnement commercial comme c'était, je pense, l'intention de M. Mark. Si vous vous rangiez à l'argument de VIA, à savoir qu'il lui faut exploiter une demi-douzaine de trains de plus de chaque côté, dans le corridor Québec-Windsor pour parvenir à la rentabilité économique, combien cela vous coûterait-il? Faisons le calcul pour les marchandises les plus lucratives que vous acheminez sur cette ligne et considérons que vous devrez renoncer à un contrat pour en conclure un autre?

C'est d'une logique implacable. Le gouvernement peut bien croire qu'il s'agit d'une politique pour le bien public, mais vous qui êtes une entreprise privée, êtes là pour faire de l'argent et les voyageurs sont un bien, un bien que vous transportez. Si l'on devait accorder la priorité aux voyageurs, par rapport à vos trains des séries 100 et 200 qui, je suppose, sont vos trains lucratifs, quelle subvention le gouvernement du Canada devrait-il vous verser à titre de dédommagement pour ce corridor?

Je sais qu'il est difficile de répondre à cette question, mais nous en sommes au point où... Je ne sais pas si vous pouvez nous révéler ces chiffres sans automatiquement révéler à vos concurrents les tarifs que vous demandez.

Une voix: Nous ne sommes pas sortis de l'auberge.

M. Paul Tellier: Je vous dirai monsieur Nault, que ce n'est pas une simple question d'argent. Nous essayons de vous faire comprendre que l'augmentation de la fréquence de trains voyageurs, plus rapides, exige, comme vous le savez, une infrastructure différente de celle nécessaire à des trains de marchandises plus lents et très lourds. C'est là que se situe le noeud du problème.

M. Robert Nault: Certes, mais si nous formulions une proposition en ces termes, vous pourriez certainement nous chiffrer ce qu'il vous en coûterait, sur un plan commercial.

M. Paul Tellier: Monsieur Nault, si j'hésite à vous dire oui, c'est que vous êtes parti du principe que nos trains les plus rapides sont nos meilleurs trains. Ce n'est pas le cas. Nous les exploitons parce que nous n'avons pas le choix.

Les trains qui nous rapportent le plus sont, de loin, les convois de 6 000 pieds transportant du charbon ou des grains, des Prairies vers la côte. En revanche, le transport de conteneurs et de remorques de camions sur nos trains ou le transport de produits automobiles, représente 18 p. 100 de notre chiffre d'affaires... Vous savez, ce n'est pas parce que nous préférons transporter ces produits plutôt que du charbon, des grains ou de la potasse; c'est parce que ces produits représentent 18 p. 100 de notre chiffre d'affaires et qu'ils dépendent beaucoup du camionnage. Or, dès qu'on dit à un camionneur qu'on va charger sa remorque sur nos trains, il demande à quelle heure elle arrivera à destination.

M. Robert Nault: Je comprends bien, mais je parle d'un axe où vous fonctionnez à pleine capacité. Il n'est pas, ici, question de la Saskatchewan, du Manitoba ou du nord de l'Ontario où votre capacité est si peu exploitée que vous envisagez de vendre vos voies. Je parle du corridor où vous tournez à pleine capacité. C'est un problème unique.

Cela étant, je voulais savoir de vous... Toute cette situation tient au fait qu'au Canada personne ne pensait que le CN valait quelque chose; bien sûr, si j'avais su à l'époque ce que je sais maintenant, j'aurais sans doute acheté des actions du CN, ce que je n'ai pas fait parce que j'ai sans doute trop lu le Globe and Mail. Dites-moi, que se passerait-il si l'on privatisait le service de VIA Rail dans ce corridor, qui est rentable... Ne parlons pas de ce qui se passe sur la côte est, ni dans ma région du nord de l'Ontario, ni même dans les Prairies. Rendons-nous à l'évidence: le consommateur, le contribuable canadien devra subventionner le service dans ces régions jusqu'à ce que le Canada compte 200 millions d'habitants. Mais pour ce qui est de ce corridor, certains pensent qu'il serait possible de l'exploiter à pleine capacité si l'on s'y prenait correctement et je crois que tout notre débat porte là dessus.

• 1715

Si la chose était possible, pensez-vous qu'il vaudrait la peine de privatiser le corridor desservi par VIA?

M. Paul Tellier: Je ne sais pas. J'ai cru comprendre que Peter Armstrong allait témoigner devant vous. Il exploite la compagnie Rocky Mountaineer, une ligne qui a été «privatisée». Je l'ai empruntée moi-même. La qualité du service y est excellente. C'est une compagnie sérieuse. Le secteur privé pourrait-il offrir le même service entre Montréal et Toronto? Je ne le sais pas. Je pense que ça vaut la peine de s'y intéresser, d'explorer la chose.

J'estime que Peter Armstrong a fait du très bon travail et, personnellement, je crois qu'il a réussi. En revanche, je ne sais pas si l'on pourrait faire cela à plus grande échelle, dans le corridor dont vous parlez. Je ne le sais tout simplement pas.

Le président: Monsieur Morrison.

M. Lee Morrison: J'aurai plusieurs petites questions à vous poser. D'abord une qui est d'actualité.

Les employés du CN menacent de faire la grève. Le cas échéant, quel effet ce mouvement pourrait-il avoir sur VIA, surtout dans le corridor. La compagnie pourrait-elle aussi devoir interrompre son service ou pourrait-elle continuer de fonctionner?

M. Paul Tellier: D'abord, je dois rappeler que nous avons sept syndicats au CN. Nous avons déjà conclu une entente avec les deux plus gros, dont les membres sont en train de ratifier la convention. Je ne doute pas que, moyennant un peu de bonne volonté des deux côtés, nous allons parvenir à négocier une entente satisfaisante avec tous nos syndicats. Il nous faudra peut-être un peu plus de temps dans le cas d'un des syndicats, mais je suis certain que nous allons pouvoir y arriver. Personnellement, j'estime que ce n'est pas parce qu'un syndicat a décidé de se faire accorder un mandat de grève par ses membres, que tout le monde va se mettre en grève.

M. Lee Morrison: Ma question était hypothétique, je voulais savoir ce qu'il adviendrait à VIA Rail en cas de grève.

Le président: Monsieur Morrison, nous commençons à manquer de temps et je ne crois pas que cela ait un effet sur notre étude. Je suis certain que ce problème sera réglé avant que nous produisions notre rapport. Avez-vous d'autres questions à poser?

M. Lee Morrison: Oui.

Tous les transporteurs, que ce soit des camionneurs, des compagnies de chemin de fer ou des compagnies d'aviation, se plaignent toujours que les autres sont subventionnés. Vous avez parlé de la desserte intermodale Halifax-Chicago qui, je crois, est très rentable, mais vous auriez peut-être pu nous dire que le port de Halifax, pour attirer la clientèle, a renoncé à imposer des droits de port. Si le port n'avait pas fait cela, ce qui représente d'importantes économies, vous ne pourriez pas exploiter ce train intermodal. Qu'avez-vous à répondre à cela?

M. Paul Tellier: Nous n'avons rien à voir dans l'imposition des droits de port, ni à Halifax ni ailleurs.

M. Lee Morrison: Effectivement pas, mais vous ne pourriez pas exploiter vos trains si vous n'aviez pas de marchandises.

M. Paul Tellier: Si vous sous-entendez que le CN est subventionné de quelque façon que ce soit pour transporter des marchandises de Halifax à Chicago, je vous répondrai que ce n'est absolument pas le cas.

• 1720

M. Lee Morrison: Parfait, nous allons passer à autre chose.

Ma dernière question concerne l'accès de VIA à vos voies. Dans son plan d'entreprise, je crois, VIA part du principe que toutes les lignes que vous abandonnerez seront reprises par d'autres exploitants. Si aucun exploitant de ligne ferroviaire sur courtes distances ne reprenait ces voies, n'auriez-vous pas une obligation fiduciaire à remplir vis-à-vis de VIA, celle de ne pas abandonner ces voies pour que, en quelque sorte, tout le monde perde de l'argent en même temps? N'êtes-vous pas tenu de maintenir ces voies en exploitation pour VIA? Personnellement, j'ai des opinions bien arrêtées à propos de l'abandon des lignes, parce que je viens d'une région dont l'activité économique gravite autour des grains. Quoi qu'il en soit, répondez-nous en ce qui concerne VIA.

M. Paul Tellier: Monsieur Morrison, nous n'avons aucune responsabilité vis-à-vis de VIA. Chaque fois que nous avons décidé de céder des tronçons à des exploitants de lignes ferroviaires sur courtes distances, VIA a pu conclure des ententes avec les acheteurs. Tout récemment, par exemple, nous exploitions encore deux lignes pour traverser le Nouveau-Brunswick. Nous en avions donc une de trop: l'ancienne Intercolonial Railway, que nous avons mise en vente. Un exploitant sur courtes distances, qui réussit fort bien par ailleurs, nous a acheté 305 milles de voie et a conclu un accord avec VIA qui emprunte cette ligne passant par Campbellton et ainsi de suite jusqu'à Moncton. Nous n'avons envers VIA aucune autre responsabilité que de lui proposer de racheter nos voies à la valeur de récupération.

Le président: Monsieur Keyes.

M. Stan Keyes: Merci, monsieur le président.

Monsieur Tellier, il a été question de «franchise», de «privatisation», de «partenariat public-privé» et de toutes les autres options possibles. Tout à l'heure, mes collègues voulaient sortir de la boucle de raisonnement. Malheureusement, vous ne pouvez pas déplacer vos voies. Les voies sont là à demeure et elles délimitent notre boucle de raisonnement. Personnellement j'aimerais penser autrement, mais s'il n'y a qu'une ou deux lignes dans ce corridor et que celles-ci appartiennent à des compagnies privées désireuses de faire de l'argent, il est très difficile d'échapper à cette boucle de raisonnement.

Si tout est question d'argent—ce qui semble être le cas, puisque vous avez déclaré vous-même qu'il s'agit de régler un problème de 600 millions de dollars pour une société qui a un chiffre d'affaires de 7 milliards de dollars—, ne pourrait-on pas envisager d'indemniser le CN pour permettre à VIA d'accéder à ses voies dans le corridor? Je rejoins un peu ce que disait M. Nault à propos d'un éventuel partenariat financier entre le gouvernement et le secteur privé.

M. Paul Tellier: Si je comprends bien ce que vous dites ou si je comprends le sens de votre question, monsieur Keyes, vous voulez savoir si nous serions prêts à accepter d'autres trains de voyageurs sur nos voies et donc à réduire notre capacité d'acheminement des trains de marchandises si le gouvernement se montrait disposé à nous indemniser pour les pertes de revenus. Eh bien, je vous dirais qu'il faudrait nous indemniser pour les pertes de revenus actuels mais aussi pour les revenus potentiels, parce qu'il se trouve que le trafic dans ce corridor est en train d'augmenter. C'est de cela dont il est question et ce genre de coût serait extrêmement difficile à évaluer.

M. Stan Keyes: Il est évident que vous voulez continuer d'exploiter vos trains dans le corridor et réaliser ainsi certains profits, maintenant et dans l'avenir. Nous voulons que les chemins de fer soient concurrentiels dans le transport de la potasse ou des pièces d'auto, le long de cette ligne. Quant à moi, comme mon gouvernement est disposé à payer pour adjurer un service de transport de voyageurs dans ce pays, je suis disposé à vous payer autant que vos autres clients... mais c'est là une question tout à fait hypothétique. Me voilà donc en concurrence avec vos autres clients, avec les gens de l'industrie automobile par exemple, pour louer du temps d'accès à vos voies. Seriez-vous prêts à négocier cela et à accepter notre argent aussi facilement que vous acceptez celui des fabricants de pièces d'automobile?

• 1725

M. Jack McBain: Comme il est question d'un ratio cinq-un, on parle de sommes phénoménales. Si les trains de voyageurs roulaient à 65 ou 70 milles à l'heure comme les trains de marchandises, l'échange serait de un pour un et, à cette vitesse, nous aurions la capacité voulue pour absorber ce trafic. Cependant, comme un train de voyageurs roule à 95 ou 100 milles à l'heure, il nous coûte ce que nous rapporteraient cinq trains de marchandises.

M. Stan Keyes: Peu importe. Mon train peut rouler plus lentement. Ce qui m'intéresse, c'est la fréquence, je veux pouvoir faire passer quatre trains par jour.

M. Jack McBain: S'il n'est question que de quatre trains par jour se déplaçant à la vitesse de nos convois de marchandises, il n'y a pas de problème, mais M. Ivany n'est pas intéressé à faire rouler ses trains à 65 milles à l'heure.

M. Paul Tellier: Monsieur Keyes, j'ai cru comprendre de M. Ivany, lors de la présentation qu'il est venu me faire dans mon bureau—parce que je ne veux pas parler en son nom—qu'il doit convaincre des gens comme vous et moi qu'il ne faudra pas plus de temps pour aller de Toronto à Montréal et vice-versa en train qu'en avion. Si j'ai une réunion à 14 h au centre-ville de Toronto, je peux quitter mon bureau à 11 heures. Il me faut trois heures pour y aller en avion quand je tiens compte du temps de déplacement en taxi aux deux bouts. Je ne sais pas quel sera le trafic à Gardiner. Donc, il me faut trois heures.

M. Ivany, lui, se dit qu'il ne pourra pas augmenter son coefficient de remplissage en mettant cinq heures. Il doit donc réduire ce temps de déplacement à quatre heures, et même un peu moins en utilisant la technologie dont il dispose. Donc, il doit faire déplacer ses trains à 100 milles à l'heure, si ce n'est plus vite. Deuxièmement, il ne peut pas se limiter à un seul rapide par jour, il lui en faut trois, quatre voire cinq. Dans ces conditions, il se trouve à augmenter la vitesse et la fréquence.

Comme Jack vient de vous le dire, cela serait lourd de conséquences pour nous.

Le président: Monsieur Alcock.

M. Reg Alcock: Je vais aborder ce problème sous un angle légèrement différent. Vous nous avez dit que le volume de marchandises que vous transportez au départ du port de Halifax augmente à raison de 10 ou 12 p. 100 par an. Y a-t-il un stade où, compte tenu des niveaux actuels de trafic, vous allez arriver à la capacité maximale à cause de cette augmentation du volume, d'une part, mais aussi à cause du trafic voyageurs et du restant du trafic marchandises? Vous dites que vous êtes déjà sur le point d'avoir ce problème de capacité. On peut donc s'attendre à ce que vous éprouviez ce genre de problème très rapidement, compte tenu de ce taux de croissance et de l'arrivée des navires de l'ère post-Panamax.

M. Jack McBain: N'oubliez pas que nous pouvons absorber le gros de cette augmentation de volume en allongeant nos convois et nous ne sommes pas encore au point d'atteindre la pleine capacité sur ce plan. Quand cela arrivera, nous pourrons toujours ajouter des trains de 100 wagons. Cela nous permettra d'accommoder beaucoup plus que le taux actuel de croissance de 10 p. 100 par an.

M. Reg Alcock: Donc, vous pouvez faire les deux. Vous pouvez absorber l'augmentation de volume et vous accommoder du trafic actuel de VIA.

M. Jack McBain: C'est exact.

Le président: Monsieur Cullen.

M. Roy Cullen: Monsieur Tellier, si je vous ai bien compris, vous avez dit que c'est une bonne politique gouvernementale que de réduire le trafic routier au profit du trafic ferroviaire. Si c'est une bonne politique aujourd'hui, en était-il de même hier? Qu'est-ce qui a changé?

À ce propos, j'aimerais que nous parlions un peu du juste-à-temps. Je dois vous dire que cela me trouble un peu. Si nous rééquilibrions les choses entre le chemin de fer et la route, est-ce que le train nous permettrait de faire du juste-à-temps? Autrement dit, pourrait-on confier aux compagnies de chemin de fer ce qu'on prélèverait de la route tout en maintenant les critères du juste-à-temps?

M. Paul Tellier: Le secteur ferroviaire a perdu énormément de marché jusqu'à il y a deux ou trois ans, parce que nous n'étions pas fiables et pas assez rapides. Nous essayons, maintenant, de respecter beaucoup mieux nos horaires et d'être plus efficaces. Par exemple—comme M. Nault vient de vous le dire—nous assurons de plus en plus un service régulier. Nous tenons compte des programmes de livraison de nos clients et nous respectons leurs engagements. Donc, nous faisons du juste-à-temps.

En règle générale, personne ne veut garder de stocks importants, qu'il s'agisse d'un journal et de papier journal ou d'un producteur automobile et de pièces d'auto. Cela étant, nos clients nous demandent de livrer juste à temps les stocks dont ils ont besoin.

• 1730

Voilà pourquoi nous sommes très compétitifs par rapport au camionnage dans ce corridor. À cause de la 401 qui longe nos voies, nous n'avons pas le choix. Cela étant, toute augmentation de l'engorgement, du trafic, nous porte un coup sur le plan de la compétitivité. Nous en venons, essentiellement, à perdre nos marchés au profit des camionneurs. C'est donc à ce point qu'intervient la politique gouvernementale dont vous parliez.

[Français]

M. Paul Mercier: Monsieur Tellier, je vous poserai d'abord une question: entre Montréal et Ottawa, la ligne utilisée par VIA Rail, c'est celle du CN ou du CP?

M. Paul Tellier: C'est celle du CN en sortant de Montréal.

[Traduction]

Une voix: Montréal à Ottawa.

M. Paul Tellier: Oui.

[Français]

M. Paul Mercier: Vue vous aurez lu dans les journaux, comme moi, que ADM, Aéroports de Montréal, aimerait qu'entre Dorval et Ottawa, il y ait un très bon réseau de passagers de manière à pouvoir concurrencer Pearson pour la clientèle d'Ottawa et de Hull.

Par ailleurs, je me suis laissé dire que, sur une partie de cette ligne, il semblerait qu'on ne considère pas rentable le transport de marchandises et qu'il serait question de vendre ce tronçon, ce qui mettrait VIA Rail en danger, à moins qu'il ne rachète la voie ou bien qu'un CFIL le fasse. Comment voyez-vous ça?

M. Paul Tellier: Vous avez tout à fait raison. De fait, au sujet de ce qu'on appelle la subdivision Alexandria, il y a eu une entente entre M. Ivany et moi-même, que le CN a acceptée. Étant donné que le CN voulait abandonner cette subdivision, il a accepté de la vendre pour 1 $ à VIA Rail.

[Traduction]

Le président: Madame Desjarlais.

Mme Bev Desjarlais: Je veux simplement tirer une chose au clair. Au début, vous parliez de l'augmentation de tonnage des trains et de la nécessité d'avoir deux types de voies, parce qu'il est difficile d'accueillir à la fois des trains de voyageurs et des trains de marchandises. À la question de M. Keyes sur le versement d'une éventuelle indemnité, quelqu'un a dit qu'un train de voyageurs équivaut à cinq trains de marchandises. Voilà ce que je veux tirer au clair. Votre réserve tient-elle au fait que les voies ne peuvent accueillir les mêmes trains ou s'agit-il des sommes à vous verser à titre de dédommagement?

M. Paul Tellier: Il s'agit un peu des deux, selon le genre de train dont vous voulez parler. Si VIA Rail veut continuer d'augmenter la vitesse de ses trains—j'ai cru comprendre que c'est le cas—, je peux vous dire qu'il sera très difficile de permettre à VIA d'exploiter ses trains plus vite qu'à l'heure actuelle, sauf si l'on envisage de lui réserver une ligne.

Mme Bev Desjarlais: Et cela, c'est à cause du type de voies, mais de la capacité...

M. Paul Tellier: Ainsi que du facteur de sécurité et du reste.

[Français]

Le président: Monsieur Guimond.

M. Michel Guimond: Monsieur Tellier, d'une part, vous avez parlé de la vente de la subdivision Alexandria à VIA Rail, pour la somme de 1 $. D'autre part, nous sommes à étudier le transport des passagers par rail et nous souhaitons avoir des services beaucoup plus efficaces. Or, j'ai posé une question à M. Ivany, alors qu'il parlait de favoriser l'intermodalité, sur la fermeture de la gare de Lévis. J'espère que le président va me permettre de la poser à nouveau.

Pourquoi, à Lévis, n'a-t-on pas fait la même chose et vendu la subdivision Harlaka pour 1 $ à VIA Rail?

M. Paul Tellier: Vous savez sans doute qu'il y a eu une tempête de verglas au Québec et dans l'est de l'Ontario. Dans le cas de la subdivision d'Alexandria, nos systèmes de communication ont subi pour près de deux millions de dollars de dommages. Si nous avions conservé ce tronçon, étant donné notre entente avec VIA Rail, il nous aurait fallu dépenser une somme d'argent considérable pour réparer le système de communication le long de la voie. Comme on était déjà en pourparlers avec VIA Rail, étant donné notre intention d'abandonner ce tronçon, on l'a laissé aller à ce prix.

M. Michel Guimond: Pourquoi n'a-t-on pas fait ça à Lévis, indépendamment du verglas? Pourquoi cela ne s'est-il pas fait sur la subdivision Harlaka?

M. Paul Tellier: À propos de la subdivision de Lévis, ce qu'on dit essentiellement, c'est qu'on est prêt à louer l'équipement, c'est-à-dire nos voies ferrées, à VIA Rail jusqu'à ce qu'un projet, une solution de rechange, soit adopté.

• 1735

M. Michel Guimond: Mais au lieu d'agir ainsi, au lieu de construire une nouvelle gare en plein champ, pourquoi n'avez-vous pas vendu la subdivision Harlaka pour 1 $, afin de maintenir ouverte la gare de Lévis?

M. Paul Tellier: Pourquoi ferais-je un cadeau à VIA Rail? Si vous étiez un actionnaire du Canadien National, est-ce que vous voudriez que je vende les lignes dont je n'ai plus besoin ou si vous voudriez que je les donne? Si j'ai pour 2 ou 3 millions de dollars de rails que je peux récupérer, pourquoi en ferais-je cadeau à VIA Rail? Nous ne sommes pas un agence de services sociaux.

Le président: Ceci complète le deuxième tour.

[Traduction]

Nous pouvons maintenant passer à une troisième série de questions de deux minutes. M. Keyes, puis M. Cullen.

M. Stan Keyes: Monsieur Tellier, je veux tirer les choses au clair à propos de cette question des deux voies que M. Bailey a été le premier à soulever. Pour permettre le passage de trains de voyageurs rapides, soit du type ABB, soit bien sûr du type TGV, la Cadillac des trains à grande vitesse, il faudrait disposer de voies bien meilleures que celles que vous avez à offrir. Si nous retenions cette option, n'est-il pas exact que nous devrions supprimer tous les passages à niveau pour...

Vous voyez, les gens ne sont pas intéressés par la vitesse à laquelle vous vous déplacez. Ce n'est pas la vitesse qui les préoccupe, c'est le temps mis pour parvenir à destination. Ainsi, pour relier Toronto à Ottawa, aussi bien prendre l'avion si je ne peux le faire en moins de trois heures par train. Donc, ce n'est pas la vitesse qui est en jeu mais le temps. Sur l'axe Toronto-Ottawa, le seuil maximum est de trois heures. Pour en arriver là, ne serait-il pas nécessaire de supprimer tous les passages à niveau? Pour permettre à des trains de se déplacer à de telles vitesses sur vos voies, il faudrait tout changer pour supprimer les passages à niveau, n'est-ce pas?

M. Jack McBain: Si vous vouliez faire passer des trains à une vitesse supérieure à celle proposée de 100 milles à l'heure, vous auriez besoin de beaucoup plus de ponts ou de tunnels. Si vous exploitiez un TGV, il vous faudrait des passages à croisement superposé qu'emprunteraient également les trains de marchandises.

M. Stan Keyes: Je ne sais pas où est l'argent pour la version Cadillac, mais peut-être que la solution consisterait à créer un partenariat financier secteur public-secteur privé. L'autre solution, c'est bien sûr le système ABB, qui se contente de voies améliorées et de coudes redessinés, etc.

Supposons que le gouvernement du Canada dise—je reconnais que c'est de la pure conjecture, monsieur le président—très bien, nous allons maintenir tous les passages à niveau, mais nous voulons améliorer les voies pour que les trains puissent aller plus vite, par exemple à 100 milles à l'heure? Vous dites que ce n'est pas possible étant donné l'état actuel des voies, mais une telle amélioration pourrait être également intéressante pour votre compagnie, parce que vous pourriez peut-être déplacer vos marchandises un peu plus vite étant donné qu'on améliorerait la plate-forme, qu'on poserait des traverses de béton, tout cela pour permettre le passage de trains de voyageurs à des vitesses de 100 milles à l'heure ou plus. Cela étant, vous pourriez augmenter le tonnage transporté sur cette ligne, parce que les voies seraient meilleures. Peut-on imaginer qu'il y a place à la négociation dans ce sens?

M. Jack McBain: Il n'est pas vraiment possible d'améliorer la situation en ce qui nous concerne, pour le transport des marchandises. Aucune compagnie ferroviaire en Amérique du Nord, exploitant des charges par essieu aussi lourdes que les nôtres, ne fait circuler ces trains à plus de 60 ou 65 milles à l'heure. En fait, les trains de haut tonnage, même sur des axes rectilignes d'excellente qualité, circulent à 50 milles à l'heure.

M. Stan Keyes: Parce qu'ils ne peuvent pas rouler à 60 milles à l'heure ou plus?

M. Jack McBain: C'est une simple question de loi physique, à cause des charges à l'essieu et des impacts que les essieux doivent encaisser, même sur des voies de très grande qualité.

M. Stan Keyes: Donc, l'amélioration des voies n'améliorerait pas forcément votre situation.

M. Jack McBain: Ce ne serait pas mieux qu'à l'heure actuelle.

M. Stan Keyes: Eh bien, nous sommes décidément enfermés dans notre boucle de raisonnement, n'est-ce pas?

Le président: Monsieur Cullen.

M. Roy Cullen: Merci, monsieur le président.

Je ne veux pas transformer ce débat en marathon parce que je suis sûr que vous voulez tous rentrer à la maison. Cependant, je vais reformuler ce qui s'est dit et peut-être m'éloigner un peu du sujet.

Ma question ne concernait pas vraiment le transport des voyageurs et je comprends très bien, monsieur le président, que la circulation de trains de voyageurs sur des voies également empruntées par des convois de marchandises puisse avoir un effet sur le juste-à-temps. En fait, je me demandais plutôt quel pourrait être l'effet d'une politique gouvernementale sur l'environnement établissant... Je me suis occupé de transport dans le secteur forestier et je me souviens que nous acheminions le gros de notre production par camions. Tout cela n'était pas très logique, sauf sur le plan de la rentabilité. Personnellement, j'ai l'impression qu'on pourrait acheminer une grande partie de ces marchandises par chemin de fer. Cela nécessite peut-être un calcul plus fin, mais je suis certain qu'on pourrait le faire.

S'agissant du juste-à-temps, j'aimerais savoir si vous auriez la capacité voulue pour absorber une partie de ce qui est actuellement transporté par la route. N'y a-t-il pas un volume important qu'on transporte actuellement par la route, malgré la logique économique, et qu'on pourrait transporter par chemin de fer? C'est cela que je veux savoir. Sur quelles marges peut-on compter?

• 1740

M. Paul Tellier: Nous avons, pour l'instant, la capacité voulue pour augmenter le volume de marchandises que nous transportons. Reste, par exemple, à convaincre les compagnies forestières qu'elles ont davantage intérêt à traiter avec nous qu'avec les entreprises de camionnage. Vous avez donc tout à fait raison.

M. Roy Cullen: Nous aurons peut-être envie, à cet égard, de nous pencher sur certaines politiques gouvernementales si on ne nous invite pas à le faire avant. Tout ce problème se ramène-t-il simplement à vos coûts de base et à votre structure de coûts?

M. Paul Tellier: Oui. Comme je le disais, au cours des 10 dernières années, nos prix moyens ont diminué d'environ 3 p. 100 par an. Cela, nous le devons au contrôle de notre structure des coûts.

Comme vous le savez, le CN réalise un chiffre d'affaires de 4 milliards de dollars, en fait 4,3 milliards en 1997. Au cours des cinq dernières années, nous avons amputé notre structure de coûts d'environ 650 millions de dollars. Cela étant, quand nous négocions avec un expéditeur, nous pouvons lui promettre un meilleur service parce que nous sommes en mesure d'aligner du matériel supplémentaire, un matériel mieux adapté et de lui offrir bien d'autres choses. Dans d'autres situations, nous pouvons nous entendre sur des tarifs forfaitaires plutôt que sur des tarifs progressifs, nous pouvons absorber l'inflation, et ainsi de suite. C'est donc cela qui se passe.

Comme nous avons su augmenter la vitesse de déplacement de nos trains et améliorer la fiabilité de notre service, nous avons pu arrêter l'hémorragie vieille de 30 ans qui profitait au secteur du camionnage. Nous avons arrêté cette hémorragie et c'est nous, maintenant, qui gagnons en parts de marché sur le camionnage, dans certains secteurs.

Le président: Monsieur Morrison.

M. Lee Morrison: Je retiens de ce que vous venez de nous dire, monsieur Tellier, que vous n'êtes pas enthousiasmé par l'idée de partager vos voies dans le corridor. Et dans la vallée du Fraser, dans le Canyon du Fraser? Je m'interroge tout le temps quand je vois ces deux merveilleuses voies côte à côte, là-bas. Avez-vous jamais sérieusement négocié vous-même et votre concurrent, pour qu'une compagnie prenne la voie montante et l'autre exploite la voie descendante dans le Canyon du Fraser?

M. Paul Tellier: Oui. C'est ce que nous faisons à l'heure actuelle; nous sommes en train de discuter.

Jack, voulez-vous dire quelques mots à ce sujet?

M. Jack McBain: Il est question de deux choses dans ces négociations. D'abord, nous voulons qu'il soit plus facile à chaque compagnie de détourner son trafic sur les voies de l'autre, en cas d'urgence ou quand une voie est fermée à cause d'importants travaux. C'est ce dont nous parlons à l'heure actuelle. Nous sommes en train de former nos équipes pour qu'elles puissent travailler sur les voies du CP, et le CP fait la même chose.

En outre, nous avons proposé au CP d'utiliser les voies d'une façon que nous avons qualifiée de «bidirectionnelle», c'est-à-dire que tous les trains chargés emprunteraient une voie et que tous les trains vides emprunteraient l'autre. Cependant, nous abordons là des négociations très délicates parce que les deux compagnies de chemin de fer doivent s'entendre non seulement sur le partage des coûts, mais aussi sur le partage des économies. C'est vraiment là que... Le plus difficile, c'est quand on en arrive au niveau du détail. C'est d'ailleurs là que nous en sommes.

M. Lee Morrison: Merci.

Le président: Merci.

Voilà qui met un terme aux questions des députés. Je dois vous dire qu'en très peu de temps 22 questions ont été posées, ce qui est vraiment beaucoup, et j'ai l'impression que vous avez répondu à toutes. C'est toujours très bien pour un président de ne pas avoir à tirer les vers du nez des témoins, et croyez bien que je l'apprécie beaucoup. Le bureaucrate que vous êtes a dû trouver très difficile de tenir ce rythme.

Des voix: Ah, ah!

Le président: Je ne dis pas que les bureaucrates ne sont pas efficaces.

Des voix: Ah, ah!

Le président: Ce que je veux dire, c'est qu'il est difficile, pour un bureaucrate, de répondre à des tas de questions, alors qu'il doit songer à toutes les répercussions possibles ainsi qu'aux notes de service qui circuleront au bureau le lendemain matin. J'apprécie les renseignements que vous nous avez communiqués.

Avant de vous laisser le mot de la fin, permettez-moi, encore une fois, de vous remercier chaleureusement.

M. Paul Tellier: Merci, monsieur le président, et merci à vous tous et toutes.

Pour conclure, je dirai en mon nom et au nom de mes collègues, que j'ai très bien senti votre frustration. C'est une question qu'il est difficile d'appréhender. Vous comprenez donc, comme M. Morrison et d'autres l'ont dit—comme vous-même l'avez dit aussi—que nous pouvons être déçus. J'admets que nous n'avons pas présenté de solution au comité, mais je tiens à vous dire que nous ferons tout en notre pouvoir pour négocier avec des gens raisonnables et examiner ou explorer toute solution éventuelle.

• 1745

Je vous laisserai sur ceci. Veillez, dans vos recommandations, à ne pas risquer de mettre en péril un très bon système de transport de marchandises par chemin de fer, tellement essentiel à la performance économique du Canada—puisque nous sommes une nation de commerçants—pour régler le problème d'une compagnie ferroviaire de transport de voyageurs, VIA Rail, qui ne représente que 3 p. 100 du chiffre d'affaires global de notre secteur.

Nous sommes ouverts à toute solution valable susceptible de rendre VIA rentable, mais il ne faudra pas que ce soit aux dépens de notre rentabilité.

Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup.

La séance est levée.