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NDVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS

COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 18 mars 1999

• 0900

[Traduction]

Le président (M. Pat O'Brien (London—Franshawe, Lib.)): J'aimerais ouvrir la séance du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants.

Mes collègues se souviendront que nous allons maintenant passer à une question très importante, celle de l'indemnisation des membres de la marine marchande. Mme Wayne a présenté une motion tout à l'heure, qui a été déposée pour fins de discussion. Plusieurs témoins aimeraient comparaître devant le comité et nous les entendrons au cours des prochaines semaines, je crois, pour que chacun ait l'occasion de se présenter.

Le but du comité, et mon but en tant que président, est de veiller à ce que puissent s'exprimer librement tous ceux qui ont un témoignage pertinent à présenter à ce comité permanent, le Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants, à propos de cette question importante. Une fois que toutes les parties intéressées auront pu dire tout ce qu'elles avaient à dire, le comité sera saisi de cette question ainsi que d'au moins une motion qui a déjà été déposée.

Comme je l'ai dit, il y a plusieurs groupes qui aimeraient comparaître. Nous avons d'autres travaux à effectuer aussi, ce qui pourrait brièvement interrompre ces audiences, par exemple le budget du comité. Comme nous avons très peu de temps pour étudier le budget, il est possible qu'au cours des prochains jours, nos réunions ne portent pas exclusivement là-dessus, mais c'est la question dont nous sommes vraiment saisis actuellement, et à moins d'être obligés d'étudier d'autres questions pour des raisons d'échéances, nous étudierons exclusivement cette question jusqu'à ce que nous en ayons terminé.

J'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins aujourd'hui. Nous allons écouter deux groupes, le premier étant la Légion royale canadienne.

Aviez-vous un rappel au Règlement, monsieur Goldring?

M. Peter Goldring (Edmonton-Est, Réf.): Oui, j'ai un rappel au Règlement. J'aurais un commentaire et une question. J'aimerais savoir s'il y a eu des changements depuis qu'une motion a été présentée devant le comité à l'effet que ces travaux soient effectués et qu'un rapport soit présenté avant le congé d'été.

Il y a eu récemment des articles dans le journal disant que si certaines choses ne se passaient pas d'ici un mois et demi, la grève de la faim continuerait, et j'aimerais donc savoir si notre programme de travail a changé par rapport au congé d'été; je croyais que nous étions tous d'accord là-dessus. Si ce programme n'a pas été modifié, quelle est la raison de la grève de la faim? Quel rapport sera présenté d'ici un mois et demi?

Le président: D'abord, le comité n'a aucun contrôle sur la grève de la faim. Nous sommes désolés. Franchement, nous ne croyons pas que ce soit une tactique nécessaire. Je peux vous assurer en tant que président, que tout groupe qui souhaite comparaître devant ce comité pourra le faire. Que l'on fasse une grève de la faim ou non, on a le droit de comparaître.

Permettez-moi répondre à votre question. Ce n'est pas au comité de discuter de la grève de la faim.

Quant à notre programme de travail, il n'y a eu aucun changement; j'en aurais parlé. Notre but est d'entendre tous ceux qui souhaitent comparaître devant ce comité et de présenter un rapport avant le congé d'été de la Chambre. Voilà ce qu'il en est.

Poursuivons maintenant avec le premier...

Un rappel au Règlement, madame Wayne.

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): J'avais demandé au ministre s'il pouvait accélérer le processus pour que cela se fasse avant le congé d'été, et je l'ai demandé à la Chambre des communes. Il a répondu qu'ils ont une procédure à suivre. Et je crois que maintenant tout le monde comprend que nous leur demandons, avant le congé au mois de juin, si c'est possible, de terminer notre rapport et d'obtenir des recommandations en retour.

Le président: Je vois.

Mme Elsie Wayne: C'est ce que nous avons demandé.

Le président: Merci, madame Wayne.

Je n'étais pas au courant de cela, et je vous remercie de cette précision.

Mme Elsie Wayne: Je vous en prie.

Le président: Le but de notre programme de travail est d'entendre tout le monde, de permettre à tous de s'exprimer. J'espère que nous allons pouvoir terminer au mois de mai, peut-être à la fin du mois d'avril. Il est difficile de savoir aujourd'hui comment les choses vont évoluer et quelles questions vont être soulevées, mais il est très clair que notre but est d'entendre tous les témoins et, comme Mme Wayne vient de dire, d'achever notre rapport avant le congé d'été, et c'est ce que j'ai dit aussi.

• 0905

Sur cette introduction et cette mise au point, j'aimerais maintenant passer aux témoins.

Messieurs, M. Allan Parks et M. Jim Rycroft de la Légion royale canadienne, qui va commencer?

M. Allan Parks (président du Comité des services aux anciens combattants, Légion royale canadienne): Je commencerai.

Le président: Oui, monsieur Laurin, avez-vous un rappel au Règlement?

[Français]

M. René Laurin (Joliette, BQ): Monsieur le président, on m'a dit qu'un seul membre du comité avait reçu une copie du texte que vont nous présenter ce matin nos témoins. J'aimerais savoir s'il est exact qu'une seule copie en a été remise à un membre du Parti réformiste, en anglais, parce que la traduction du document n'a pas faite, contrairement aux règles de notre comité.

Je ne vais pas retarder les travaux du comité pour cette raison, mais j'apprécierais que le membre du comité qui en a reçu une copie en anglais, s'il est vraiment le seul à en avoir reçu une, remette son texte au greffier. Il en recevra une copie en même temps que tous les autres, lorsque la traduction aura été faite.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Laurin. Voici ce qu'il en est. Ce comité, comme la plupart des comités de la Chambre, fonctionne dans les deux langues officielles, et nous demandons à nos témoins de soumettre tout mémoire écrit qu'ils aimeraient faire distribuer au greffier du comité—monsieur Morawski, dans ce cas-ci—suffisamment à l'avance pour qu'il ou elle puisse faire traduire le document et le distribuer aux membres du comité dans les deux langues officielles, conformément aux règlements du comité et de la Chambre.

Le greffier me dit que les témoins ici présents ont en effet soumis leur mémoire mais qu'il y a eu un problème au bureau du greffier. Donc, les témoins ont bien répondu à notre demande et aux conditions, mais malheureusement il y a eu une erreur et le document n'a pas été traduit. M. Goldring a un exemplaire en anglais et les autres membres du comité recevront le même document en anglais dans quelques instants, mais nous devons présenter nos excuses aux deux côtés de la table car, en réalité, il ne s'agit pas seulement de M. Laurin mais de d'autres membres du comité des deux côtés de la table pour qui le français est la langue maternelle et qui sont plus à l'aise en français.

Monsieur le greffier, si je comprends bien, il y a eu un problème au bureau du greffier, et les témoins n'y sont pour rien.

Le greffier du Comité: Le document a été égaré.

Le président: Donc, monsieur Laurin, comme les témoins ont fait ce qui leur était demandé, nous allons devoir permettre que le document soit distribué et, comme vous l'avez demandé, nous obtiendrons un exemplaire pour vous et nous demanderons aux interprètes de vous aider le plus possible.

Monsieur Bertrand.

[Français]

M. Robert Bertrand (Pontiac—Gatineau—Labelle, Lib.): Monsieur le président, j'ai une copie de la traduction du document. Est-ce la présentation de M. Parks qui n'est pas traduite? J'ai une copie de la présentation de M. Ferlatte; elle est traduite.

[Traduction]

Le président: Il s'agit du mémoire de la Légion.

Je ne veux pas prendre tout le temps des témoins et de notre période des questions pour discuter de questions de procédure. J'ai expliqué quel était le problème. Il s'agit de notre problème et non d'un problème des témoins. Des exemplaires en anglais seront distribués. Un exemplaire sera fourni aux interprètes pour qu'ils puissent aider ceux qui seraient plus à l'aise en français, et nous fournirons au moins un exemplaire en anglais à tous les membres du comité.

• 0910

J'aimerais continuer. Pouvons-nous continuer sans passer beaucoup plus de temps à discuter des questions de procédure?

Monsieur Goldring.

M. Peter Goldring: J'aimerais savoir s'il serait possible d'obtenir nos copies un peu plus tôt. Est-ce le plus tôt que nous pouvons obtenir un exemplaire du mémoire ou serait-il possible que les copies du mémoire soient livrées à nos bureaux plus tôt pour que nous puissions les étudier?

Le président: Je suis ici depuis près de six ans, et je peux vous dire que souvent les témoins arrivent avec plusieurs documents qu'ils apportent avec eux. Je suppose que c'est difficile pour eux d'effectuer tout ce travail et de nous envoyer les documents plus tôt parfois, mais j'ai dit aux témoins dans le passé qu'à ma connaissance, tous les députés peuvent lire. Je ne plaisante pas, c'est dans leur intérêt de nous fournir ces documents le plus tôt possible.

Nous avons reçu les documents il y a une dizaine de jours. Nous allons faire notre possible pour que les documents soient distribués aussi vite que possible une fois que le greffier les a reçus. Voilà. Je suis désolé que ce document n'est pas disponible, M. Morawski a dit que le problème s'est produit à son bureau.

J'aimerais maintenant commencer. Monsieur Rycroft, allez-vous commencer?

M. Allan Parks: Non, je vais commencer.

Le président: Bienvenue. Allez-y, s'il vous plaît.

[Français]

M. René Laurin: Monsieur le président, je regrette, mais s'il y a des membres du comité qui ont une copie du texte entre les mains, je considère que je suis désavantagé pour interroger les témoins. Si le député qui a une copie entre les mains n'accepte pas, par courtoisie, de remettre sa copie au greffier afin qu'on puisse tous travailler sur le même pied, je me retirerai du comité.

[Traduction]

Le président: Je l'ai déjà dit, mais vous ne m'avez peut-être pas entendu. Tous les membres du comité vont recevoir un exemplaire du mémoire d'ici une minute ou deux, car le greffier fait des photocopies pour tous les membres. Nous aurons tous un exemplaire du mémoire, mais, malheureusement, seulement en anglais. Nous ne l'avons pas en français. Je ne peux pas dire aux témoins que même s'ils ont répondu aux critères, nous ne pouvons les entendre. Je comprends votre déception, monsieur Laurin, mais je crois que vous devrez en parler au greffier, parce qu'il a dit que le problème s'est produit à son bureau.

[Français]

M. René Laurin: Monsieur le président, je ne vous demande pas de ne pas entendre les témoins. Ces gens-là méritent le respect du comité. Je demande simplement aux membres du comité qui ont une copie du mémoire entre les mains de la remettre au greffier pour que nous puissions tous travailler sur le même pied. C'est ce que je demande. Si les membres du comité ne sont pas prêts à faire cela, je considère que je ne suis pas un membre du comité à part égale et je devrai me retirer pendant l'audition de ces témoins.

[Traduction]

Le président: Oui, je comprends maintenant. Les interprètes ont un exemplaire en anglais et pourront donc nous aider. On est en train de faire des photocopies. Puis-je demander pourquoi des copies en anglais n'ont pas été distribuées aux députés plus tôt?

Le greffier: Nous les distribuons seulement quand nous les avons dans les deux langues.

Le président: D'accord, je vois quel est le problème. Les documents sont distribués seulement une fois que nous les avons dans les deux langues officielles. La Légion a fourni un exemplaire suffisamment à l'avance, mais un problème s'est produit au bureau du greffier. On n'a pas pu le faire. Le mémoire n'a pas été traduit en français. Le greffier est en train de faire des photocopies en ce moment. Aussitôt qu'elles seront disponibles, nous les fournirons aux membres du comité.

Nous allons écouter les témoins, et tous les députés auront leur exemplaire dans un instant. Je confirme que les témoins ont satisfait aux conditions. Je présente mes excuses aux députés pour cette erreur au nom du bureau du greffier, et je vais maintenant continuer avec cette réunion, en commençant avec la Légion et M. Parks.

M. Allan Parks: Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité. La Légion royale canadienne est heureuse de cette occasion de répondre aux commentaires formulés par...

M. Robert Bertrand: J'invoque le Règlement, monsieur le président.

Le président: Monsieur Bertrand.

M. Robert Bertrand: Dans ce cas-ci, je crois que M. Laurin a raison. Je ne crois pas que ce soit acceptable qu'un membre du comité ait le document tandis que, si j'ai bien compris, les autres ne l'ont pas. Que l'on suspende les travaux deux ou trois minutes pour que tout le monde puisse recevoir un exemplaire du mémoire.

Le président: D'accord. Les autres membres du comité sont-ils d'accord? Très bien, la séance est suspendue pour quelques minutes.

M. Robert Bertrand: Je ne sais pas quel membre du comité l'a entre ses mains, mais si ce député pourrait donner son exemplaire au greffier, nous pourrions commencer.

• 0915

Le président: Si vous me le permettez, je ne crois pas que M. Goldring soit obligé de donner un document qu'il est... Je sais que vous voulez intervenir, monsieur Earle, mais je vais finir mon commentaire. Ça me fait penser aux étudiants, vous savez. Les députés sont nerveux aujourd'hui. Je suis comme le professeur de classe qui essaie de dire quelque chose et qui a cinq jeunes auxquels il veut donner la parole aussi. Il va pouvoir leur donner parole, mais il doit pouvoir parler aussi.

Je crois qu'on vous a très bien compris. Je ne voulais pas manquer de considération pour M. Laurin, mais il faut être juste envers les témoins qui ont respecté les critères, et très franchement, ils ne sont pas responsables du bureau du greffier. Une erreur a été commise. Voici les exemplaires, et pendant qu'on les distribue, je donne la parole à mon collègue et ami, M. Earle.

M. Gordon Earle (Halifax-Ouest, NPD): Si j'ai bien compris le problème, ce n'est pas vraiment qu'on n'a pas tous reçu une copie en anglais. Je crois que M. Laurin essayait de dire qu'il aurait dû recevoir une copie en français.

Le président: Oui, c'est cela.

M. Gordon Earle: Au lieu de m'opposer à cela, je proposerais qu'aucun membre n'ait de copie et que nous demandions aux témoins de faire leurs exposés. De cette manière, nous serons tous sur un pied d'égalité. Nous pourrions écouter l'exposé et en discuter. Une fois le document traduit, tout le monde pourrait en recevoir un exemplaire dans l'une ou l'autre langue.

Le président: Eh bien, je suis ouvert à vos suggestions. En tant que président, j'ai l'impression que M. Goldring a le droit d'avoir une copie du document. Le fait qu'il l'a ne pose pas de problème, entendons-nous bien. Les autres membres du comité et moi-même recevrons tout de suite une copie en anglais au moins. On a fait une erreur, qui ne touche pas seulement M. Laurin. J'ai des collègues de ce côté-ci pour qui le français est aussi la langue maternelle, et je suis certain qu'ils préféreraient avoir le document en français, mais en raison d'une erreur commise ici, cela n'est pas possible. Je dirais que si nous avions tout le document en anglais et qu'avec l'aide des interprètes, nous pourrions plus facilement prendre en considération les points soulevés par les témoins que si on faisait comme vous proposez, monsieur Earle. Mais si les membres ne sont vraiment pas d'accord, j'accueillerai une motion dans un instant.

M. Goldring veut faire un autre rappel au Règlement. Je ne m'y attendais pas, je suis désolé.

M. Peter Goldring: J'espère que les témoins n'auront pas l'impression qu'ils ont manqué à leur devoir en nous donnant un exemplaire du document. Nous sommes arrivés tôt et nous leur avons demandé un exemplaire, et nous avons été très heureux de le recevoir. Nous n'avions pas la moindre idée que cela pourrait créer des difficultés. Je tiens donc à rassurer les témoins qu'ils n'ont commis aucune faute en nous remettant une copie du document. Nous sommes tout simplement arrivés un peu avant les autres. Je voulais apporter cette précision.

Merci.

Le président: Très bien.

[Français]

M. René Laurin: Monsieur le président, en permettant au greffier de distribuer à tous les membres du comité une copie en anglais seulement, vous ne réglez pas le problème. Au contraire, vous l'aggravez parce que je serai le seul à ne pas en avoir une copie dans sa langue. Il me semble qu'il serait plus juste que le membre du comité qui en a une copie entre les mains accepte, par courtoisie pour les autres membres du comité, de remettre au greffier la copie qu'il a reçue. Je sais qu'il n'est pas obligé de le faire. Il a reçu le document et il peut bien le garder. Cependant, pour que tous puissent travailler sur le même pied, j'apprécierais que ce geste de courtoisie soit posé.

Si, en plus, monsieur le président, vous distribuez à tous les autres membres du comité une copie dans leur langue alors que je n'en ai pas une dans ma langue, vous aggravez le problème au lieu de l'atténuer.

[Traduction]

Mme Elsie Wayne: Est-ce que je peux faire un rappel au Règlement à ce sujet?

Le président: Oui, madame Wayne.

Mme Elsie Wayne: Avec tout le respect que je dois à mon collègue du Bloc, l'exposé qui sera présenté ce matin sera traduit pour tout le monde. Je tiens pour acquis que les témoins ne vont pas lire le document. Vous allez nous faire un exposé, en passant certaines choses sous silence, en résumant certains points et en abordant seulement certaines questions. Allez-vous lire le document?

M. Allan Parks: Je vais lire un rapport de cinq pages.

Mme Elsie Wayne: Le document contient cinq pages et il sera traduit pour tous les membres. Entre temps, je crois qu'on pourra vous fournir aussi une traduction écrite.

Le président: Je comprends très bien le point soulevé par M. Laurin, mais j'aimerais y apporter une petite précision. Si je ne m'abuse, le français est aussi la langue maternelle de notre collègue M. Bertrand, et peut-être d'autres. Dans le cas de M. Cloutier, je ne suis pas sûr. Il parle très bien les deux langues, mais je ne sais pas laquelle est sa langue maternelle. Ce n'est donc pas seulement M. Laurin pour qui le français est la langue maternelle et la langue de préférence. Soyons clairs là-dessus.

Je vous rappelle encore une fois que la Légion a bien respecté nos exigences concernant la documentation. Comme je l'ai dit à maintes reprises, il y a eu un problème au bureau du greffier, et le problème ne se reproduira pas. Sinon, nous devrons faire enquête sur la situation pour savoir qui a commis l'erreur et comment corriger le problème. Je voudrais m'excuser auprès des témoins pour toute cette discussion sur la procédure.

• 0920

J'aimerais signaler que M. Goldring vient de nous aider à trouver une solution en remettant son exemplaire au greffier. Il n'était pas obligé de le faire et nous apprécions son geste.

Merci, monsieur Laurin. Je comprends très bien votre point de vue. Je regrette que nous ayons commencé la réunion par une longue discussion de procédure. Passons à l'essentiel, c'est-à-dire M. Parks et la Légion.

M. Allan Parks: Merci encore une fois, monsieur le président.

La Légion royale canadienne accueille favorablement cette occasion de répondre aux commentaires formulés par le Comité le 1er décembre 1998. Mon nom est Allan Parks, et je suis président du Veterans' Service and Seniors Committee. Je suis accompagné du sénateur Jack Marshall, grand président de la Légion royale canadienne, et de M. Jim Rycroft, directeur du Service Bureau Dominion Command.

En ce qui a trait à l'indemnisation des anciens combattants de la marine marchande, la direction nationale de la Légion royale canadienne a endossé le principe d'indemniser les anciens combattants de la marine marchande à sa réunion des 27 et 28 février 1999 à Ottawa.

La direction nationale est l'organe qui dirige la Légion, lorsque sa convention nationale, qui a lieu aux deux ans, ne siège pas. Elle se réunit deux fois par année afin de traiter des affaires courantes de la Légion et des problèmes qui surviennent entre les congrès.

La Légion royale canadienne représente les intérêts de tous les anciens combattants au Canada. Elle tient à ce que le comité utilise une formule équitable pour indemniser les anciens combattants de la marine marchande qui ont été lésés dans le passé. Quelle que soit la méthode retenue, la Légion souhaite sincèrement qu'elle réponde également aux besoins des autres groupes d'anciens combattants laissés pour compte, comme les pilotes du transport aérien, afin que la contribution d'aucun ancien combattant ne soit négligée.

La Légion demande que tous les organismes d'aide aux anciens combattants veillent ensemble à l'application de mesures justes à l'endroit des anciens combattants de la marine marchande. Nous sommes convaincus que la même approche fera en sorte que d'autres groupes qui ont souffert d'injustices dans l'application des lois d'indemnisation soient traités équitablement.

M. Jim Rycroft (directeur, Bureau d'entraide, Légion royale canadienne): Trouver une méthode qui rétablisse la justice 55 ans après le fait n'est pas chose facile. Du point de vue de la Légion royale canadienne, il y a deux aspects à considérer. Le premier, c'est l'indemnisation pour les occasions perdues. La Loi sur les terres destinées aux anciens combattants et l'aide financière aux études sont deux avantages qu'on a refusés à certains anciens combattants de la marine marchande.

Nous avons appris qu'une certaine aide financière a été mise à la disposition de la marine marchande en 1949, tout comme les avantages de la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants, quand l'ancien combattant visé touchait une pension d'invalidité. Le ministère des Anciens combattants révèle que seulement 13 p. 100 des anciens combattants de l'armée se sont prévalus de l'un de ces avantages, auxquels ils étaient admissibles. Le ministère des Anciens combattants a d'ailleurs fait savoir récemment qu'environ 5 p. 100 seulement des anciens combattants qui étaient admissibles ont demandé les avantages prévus par la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants entre 1945 et le début de la guerre de Corée. Après la guerre de Corée, les chiffres ne sont pas répartis, mais il serait peut-être possible de demander au ministère des précisions à ce sujet.

Pour des questions comme la priorité d'emploi dans la fonction publique, peut-on prétendre que cet avantage était compensé par l'admissibilité des anciens combattants de la marine marchande à l'assurance-chômage, y compris aux allocations de chômage?

Étant donné la complexité des problèmes, il est à peu près impossible de voir rétrospectivement qui était admissible à quoi et de déterminer ce que quelqu'un aurait fait il y a plus de cinquante ans. Selon nous, une certaine indemnisation s'impose pour redresser l'injustice créée par les occasions perdues, mais elle doit être pondérée par le fait que les anciens combattants de la marine marchande ne se seraient pas tous prévalus des avantages et que certains d'entre eux ont pu en profiter dans la mesure restreinte où ces avantages étaient disponibles. Nous souhaitons vivement connaître l'avis des autres groupes sur cette question.

Le deuxième aspect est celui de l'injustice créée par les critères appliqués aux anciens combattants de la marine marchande avant qu'ils deviennent admissibles à une pension d'invalidité, en 1992. Le principe de l'assurance était acquis aux anciens combattants de l'armée, de la marine et de l'aviation, tandis que pour un ancien combattant de la marine marchande, la pension devait découler d'une situation de combat. Ainsi un ancien combattant de la marine marchande n'aurait pas eu droit à pension pour une invalidité causée par une chute due à une mer houleuse, tandis qu'un marin de l'armée y aurait eu droit.

• 0925

Tout cela a changé en 1992, mais il faut considérer les cas non couverts par le principe de l'assurance avant cette date. Si, comme le ministère le laisse entendre, plus de 75 p. 100 des anciens combattants de la marine marchande reçoivent aujourd'hui des prestations, il n'est pas trop difficile d'établir ceux parmi les autres qui se sont vu refuser la pension avant 1992 parce que le principe de l'assurance ne s'appliquait pas.

Le gouvernement tente de donner une valeur rétroactive à la loi, et nous lui en savons gré. Par conséquent, la Légion royale canadienne recommande le versement à titre gracieux—c'est-à-dire fondé sur une obligation morale—d'un montant égal à la pension que l'ancien combattant de la marine marchande ou ses héritiers aurait reçu si le principe de l'assurance s'était appliqué avant 1992.

M. Allan Parks: Les anciens combattants de la marine marchande sont admis à la Légion royale canadienne comme membres à part entière depuis 1926. La Légion royale canadienne a longtemps réclamé la reconnaissance des anciens combattants de la marine marchande, jusqu'à ce que cela soit reconnu par la Loi sur les avantages liés à la guerre pour les anciens combattants de la marine marchande et les civils. La résolution 11 adoptée à notre congrès de 1990 réclamait cette reconnaissance entière, et l'accès des anciens combattants de la marine marchande au programme d'autonomie des anciens combattants.

Le comité devrait maintenant trouver une façon équitable de corriger les injustices du passé. Ce ne sera pas facile. Il faudra tenir compte des circonstances exceptionnelles qui s'appliquent aux prisonniers de guerre détenus à Hong Kong et à Buchenwald, qui ont récemment reçu un montant forfaitaire. Ces deux groupes ont vécu des épreuves particulièrement pénibles.

Comme nous l'avons dit au début du mémoire, la question, pour les anciens combattants de la marine marchande, est de savoir comment obtenir la parité avec les anciens combattants de l'armée, de la marine et de l'aviation avant 1992. Cela doit se faire d'après divers facteurs appliqués au service qu'ils ont rendu à leur pays. Quoi qu'il en soit, les anciens combattants arrivent à un âge où leurs besoins se confondent, et il est temps de les indemniser équitablement pour corriger les injustices du passé. Nous espérons que le témoignage de la Légion royale canadienne aidera le comité à atteindre ce but.

Le président: Vous avez terminé votre exposé? Très bien, merci beaucoup. Vos remarques étaient succinctes.

Nous passons maintenant à un tour de questions de 10 minutes, en commençant par M. Goldring, du Parti réformiste.

M. Peter Goldring: Merci pour votre exposé, messieurs.

J'ai deux ou trois questions à vous poser. Vous avez parlé du versement forfaitaire à titre gracieux. Est-il censé tout comprendre ou est-il censé être distinct du calcul aux fins du principe de l'assurance? Vous pourriez peut-être nous expliquer comment ce calcul se ferait. Se ferait-il au cas par cas, selon les états de service de chacun? Tient-on compte dans le calcul du fait que les états de service des anciens combattants sont aussi plus ou moins longs? Autrement dit, le versement à titre gracieux viendrait-il se substituer complètement au principe de l'assurance ou viendrait-il plutôt s'y ajouter?

M. Jim Rycroft: Merci, monsieur Goldring.

Il y a deux volets à notre proposition. Le premier vise le versement d'une somme globale à titre gracieux pour tenir compte des éléments intangibles, de ce qu'il est impossible de mesurer de façon exacte 55 ans après le fait. L'autre est plus facile à calculer de façon exacte. Le montant correspondrait aux prestations d'invalidité qui auraient été versées aux anciens combattants de la marine marchande si le principe de l'assurance s'était appliqué à eux tout comme leurs homologues en uniforme. Le calcul serait fait de façon individuelle pour ceux qui souffriraient d'une invalidité en raison de leur service dans la marine marchande.

M. Peter Goldring: Le calcul se ferait donc à partir de la guerre jusqu'à ce jour?

• 0930

M. Jim Rycroft: Ce serait effectivement le cas, d'après nous, à condition que l'ancien combattant en ait fait la demande. Dans le cas des anciens combattants en uniforme, le calcul se fait à partir du moment où la demande a été faite. Il en serait de même pour les anciens combattants de la marine marchande. Ceux qui en auraient fait la demande auraient bien entendu été refusés parce que le principe de l'assurance ne s'appliquait pas à eux. Il y en a cependant parmi eux qui ont présenté une demande qui a été rejetée, et il serait assez facile de retrouver la trace de leur demande dans les dossiers.

M. Peter Goldring: Ainsi, il vous faudrait obtenir la confirmation que la demande aurait été faite à une date précoce. C'est comme cela que le processus serait déclenché?

M. Jim Rycroft: Il faudrait effectivement qu'il y ait des éléments de preuve. Il pourrait s'agir, non pas d'une demande officielle, mais de lettres, qu'il s'agisse de lettres adressées à des ministres ou de demandes de renseignements adressées à des ministères. Il faudrait toutefois qu'il y ait des éléments de preuve pour montrer que des démarches ont été entreprises en vue d'obtenir des prestations d'invalidité. Nous proposons de procéder ainsi afin d'éviter d'ouvrir la porte à tout un chacun et de porter ainsi préjudice à tous les anciens combattants en uniforme, qui pourraient soutenir que leurs prestations devraient aussi remonter à 1945, et non pas à 1950 ou 1955, par exemple, ou à la date à laquelle ils ont finalement présenté une demande.

M. Peter Goldring: N'était-il toutefois pas de notoriété publique dans la marine marchande que les demandes ne seraient pas examinées ni acceptées de toute façon? Il y en a peut-être parmi les anciens combattants qui n'ont tout simplement présenté de demande parce qu'ils savaient que cela ne servirait à rien puisque leur demande ne serait pas acceptée. Y aurait-il de ces cas-là?

M. Jim Rycroft: Il se pourrait très bien qu'il y en ait, et vous voudrez peut-être prévoir un critère plus souple pour ce qui est de ce qui serait considéré comme des éléments de preuve acceptables; vous pourriez même aller jusqu'à inclure, par exemple, une plainte, une lettre à la rédaction de la part d'un ancien combattant dans laquelle il aurait indiqué qu'il présenterait bien une demande, mais qu'il ne serait pas admissible aux prestations. Ce serait là des éléments de preuve qui pourraient montrer que l'ancien combattant en question avait voulu faire valoir ses droits.

M. Peter Goldring: Il s'agirait donc, dans votre optique, d'anciens combattants qui pourraient documenter une blessure de guerre qui leur donnerait droit à une pension. Peu importe qu'ils aient présenté une demande en bonne et due forme, il se pourrait néanmoins que leur cas mérite d'être étudié s'ils peuvent fournir la preuve qu'il s'agissait d'une blessure qui leur aurait donné droit à une pension.

M. Jim Rycroft: C'est effectivement dans cette optique que nous envisageons la chose, mais nous ne voudrions pas léser les anciens combattants en uniforme qui n'auraient présenté une demande que 10 ou 15 ans après la guerre. Nous ne voudrions pas non plus obliger le comité ou le Parlement à réexaminer le cas de tous les prestataires d'une pension d'invalidité si l'on n'arrive pas à s'entendre ici sur une formule convenable.

M. Peter Goldring: Bon, alors, comment se ferait le calcul finalement? Vous dites que c'est une question liée au principe de l'assurance. Comment feriez-vous le calcul et comment arrondiriez-vous le montant en dollars d'aujourd'hui, tout en tenant compte de l'augmentation du coût de la vie et des 40 ou 50 ans pendant lesquels les intéressés auraient pu toucher une pension? Ce doit être un véritable cauchemar que de devoir en arriver à une formule qui permette de calculer tout cela. Avez-vous une idée de ce qui pourrait être utilisé comme formule?

M. Jim Rycroft: Tout d'abord, monsieur Goldring, nous ne pensons pas que le nombre de ceux qui ont effectivement levé la main à un moment donné et dit qu'ils avaient été lésés sera excessif. Ils seront peut-être au nombre de 500, ou peut-être de 1 000. Les cas de ces personnes pourront alors être examinés. Ce sera un fardeau pour le ministère des Anciens combattants—qui est l'organisme responsable selon nous—mais la tâche ne sera pas impossible. Le ministère des Anciens combattants doit déjà s'occuper de calculs rétroactifs, si bien qu'il a sûrement des mécanismes et des formules pour déterminer le montant de la pension à laquelle ces personnes n'ont pas eu droit, même si ces calculs ne dépassent pas trois ans à l'heure actuelle.

M. Peter Goldring: Avez-vous une idée du montant qui devrait être versé en dollars et cents d'aujourd'hui en remplacement d'une pleine pension à laquelle l'ancien combattant n'aurait pas eu droit?

M. Jim Rycroft: Non, je ne pourrais qu'y aller de mes conjectures. S'il s'agissait de quelqu'un qui était handicapé à 100 p. 100 en 1945, l'indemnisation pour la période allant de 1945 à 1992 irait certainement chercher dans les centaines de milliers de dollars. Il s'agirait toutefois là de cas exceptionnels. Par ailleurs, il y avait des régimes d'indemnisation pour la marine marchande, même s'ils n'étaient pas équivalents à ceux des militaires en uniforme, mais quelqu'un qui serait déjà handicapé à 100 p. 100 aurait obtenu une forme quelconque d'aide de la société. Ainsi, ce montant de centaines de milliers de dollars serait un montant théorique, mais je serais très surpris qu'il s'applique à une personne en particulier.

M. Peter Goldring: Par déduction donc, quelqu'un qui serait handicapé à 10 p. 100 irait chercher dans les dizaines de milliers de dollars.

M. Jim Rycroft: C'est juste, mais nous tenons toutefois à bien préciser ceci. Au lieu de dire simplement que c'est trop difficile, qu'il faudrait simplement donner un montant forfaitaire à tout le monde et inclure dans ce montant une indemnisation qui engloberait l'invalidité, nous vous proposons de traiter la question de l'invalidité de façon distincte. C'est là l'essentiel de notre témoignage ici aujourd'hui, l'instauration d'un régime à deux volets, l'un pour l'invalidité et l'autre pour les occasions perdues. Nous estimons qu'il vaut sans doute mieux s'en remettre aux fonctionnaires du ministère des Anciens combattants pour déterminer la formule à utiliser, mais nous aimerions travailler avec eux afin de les aider à atteindre la perfection.

• 0935

M. Peter Goldring: Si on vous demandait d'attribuer un montant au premier volet, au versement forfaitaire à titre gracieux, en auriez-vous à proposer?

M. Jim Rycroft: Tout ce que nous pouvons dire à ce sujet—et ce, avant d'avoir entendu les autres témoignages—c'est que le montant serait nominal et qu'il se situerait aux alentours de 5 000 $. Nous ne voulons pas que ces 5 000 $ soient considérés comme un montant auquel nous tenons absolument, mais quand on les compare aux 20 000 $ et plus qui ont été donnés aux prisonniers de guerre ou de Hong Kong ou de Buchenwald, nous voulons nous assurer de ne pas créer d'injustice ici non plus.

M. Peter Goldring: Bien entendu, Hong Kong, c'est autre chose, il s'agit là d'un pays étranger qui n'a pas respecté ses obligations et qui, en toute franchise, n'a pas pris l'initiative de payer pour ce travail de forçat. On a comparé les deux situations, mais je ne crois pas qu'elles puissent vraiment être comparées, si ce n'est en raison simplement du terme «à titre gracieux».

Ainsi, le montant, selon vous, devrait être d'environ 5 000 $.

M. Jim Rycroft: En termes simples, quand on sait que 13 p. 100 seulement des militaires en uniforme se sont prévalus de certains avantages, il y a lieu de faire un certain rajustement à la baisse. Nous ne voulons pas nous prononcer catégoriquement en faveur d'un montant en particulier—il faudrait retourner en arrière et faire le calcul—mais nous croyons qu'il devrait être inférieur au montant de la valeur des avantages relatifs aux études et des avantages accordés en vertu de la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants, et ce, pour les 55 dernières années.

M. Peter Goldring: Il semble donc, d'après votre témoignage, que votre organisation soit bien décidée à obtenir le règlement de ce dossier et qu'elle appuie entièrement l'idée d'un régime d'indemnisation. Ai-je bien compris? Appuyez-vous entièrement l'idée d'un régime d'indemnisation et reconnaissez-vous pleinement qu'il y a des raisons tout à fait valables d'indemniser les personnes qui ont souffert de ces injustices depuis la guerre jusqu'à ce jour?

M. Jim Rycroft: Oui, monsieur Goldring, cela ne fait aucun doute. Nous avons simplement voulu proposer qu'il y ait deux volets à ce régime d'indemnisation, pour que les deux volets soient examinés par votre comité.

M. Peter Goldring: Bon, alors, nous avons cet autre projet de loi concernant les autres sujets de préoccupation de la marine marchande qui fait son chemin à la Chambre. J'aimerais savoir si, d'après vous, le dossier dont nous discutons s'inscrit dans le cadre de ce projet de loi et si l'indemnisation aurait dû être prévue dans le projet de loi en tant que tel. Ou pensez-vous que ce que vous proposez ici comme indemnisation constitue une façon équitable de régler le dossier?

M. Jim Rycroft: Selon nous, c'est cette façon de procéder qui était la bonne. Les dispositions du projet de loi C-61 sont très importantes. Dans certains cas les veuves et les héritiers des anciens combattants ne pourront recevoir de prestations tant que le projet de loi n'aura pas été adopté, si bien que nous ne voulions pas en retarder l'adoption le temps d'examiner ces autres questions. Dans la mesure où votre comité fera maintenant un examen équitable de ces questions, justice aura été faite.

M. Peter Goldring: Très bien, merci.

Le président: Merci, monsieur Goldring. Vous avez pris exactement dix minutes.

Comme je l'ai dit au début, monsieur, je peux vous donner l'assurance que quiconque souhaite venir s'exprimer devant notre comité pourra le faire.

Cela dit, je donne maintenant la parole à notre collègue du Bloc.

[Français]

Monsieur Laurin, dix minutes, s'il vous plaît.

M. René Laurin: Je ne sais pas si ma question s'adresse à M. Parks ou à M. Rycroft, mais enfin, vous verrez.

Pour ce qui est de l'établissement des personnes ayant droit à une indemnité, vous faites allusion à une demande qui aurait été présentée dans le passé. Cela me paraît difficile d'application et cela me paraît aussi être une source d'injustice pour certains anciens combattants. Par exemple, expliquez-moi comment vous feriez pour traiter une demande qui aurait été faite à l'époque par un marin de la marine marchande, aujourd'hui décédé, et à laquelle, évidemment, on n'aurait pas donné de réponse positive puisqu'il n'y avait pas de programme. Est-ce que sa veuve aurait droit à cette indemnité? Comment pourrait-on établir la somme de la pension d'invalidité à laquelle la personne a droit puisqu'elle n'est plus là? Il faudrait probablement essayer de trouver d'anciens dossiers médicaux pour voir quelle somme devrait lui revenir. Comment nous suggérez-vous de régler ces problèmes?

• 0940

M. Jim Rycroft: Premièrement, monsieur Laurin, cette indemnité sera certainement donnée aux marins de la marine marchande ou à leurs survivants. Cela doit être un critère. Le montant n'est jamais facile à déterminer. Même de nos jours, il est difficile de calculer le degré d'invalidité. Dans le cas de quelqu'un qui est décédé depuis des années, il s'agit de tenter de décrire la situation qui prévalait juste avant le décès. Cela peut être fait par le médecin de famille ou on peut consulter des dossiers civils. Dans d'autres cas, on doit se fier uniquement au témoignage des survivants, qui décrivent la situation de la personne avant son décès. Ce n'est jamais facile, mais le ministère a l'expérience de ce type de calculs.

M. René Laurin: Est-ce que, dans votre esprit, les droits s'arrêteraient à la veuve? Si la veuve était elle aussi décédée, les autres ayants droit seraient-ils considérés dans la demande?

M. Jim Rycroft: Non. La situation serait la même que celle qui existe pour les membres actuels. Une fois que la veuve est décédée, c'est terminé, sauf quand il y a une personne à charge, mais ce n'est pas une situation normale 55 ans après la fin de la guerre.

M. René Laurin: Vous êtes sans doute au courant des demandes qui ont été faites par les marins la marine marchande. Êtes-vous pleinement d'accord sur toutes ces demandes? Avez-vous des divergences d'opinions?

M. Jim Rycroft: Il y a toujours de petites divergences d'opinions, mais la Légion royale canadienne appuie les marins de la marine marchande dans leur tentative pour obtenir justice. Nous ne sommes peut-être pas d'accord sur tous les détails, et même sur le montant, qui n'est pas encore fixé. Nous voulons maintenant entendre les autres groupes et faire part au comité de tous les faits afin que justice soit faite.

M. René Laurin: M. Ferlatte nous présentera tout à l'heure un document à titre de témoin. Êtes-vous au courant des demandes qui seront présentées par M. Ferlatte?

M. Jim Rycroft: Je n'ai pas vu le document de M. Ferlatte.

M. René Laurin: Ils ont établi des montants qui pourraient être réclamés. Vous n'en avez jamais discuté ensemble. Vous n'êtes pas au courant et vous ne pouvez donc pas me dire si vous êtes d'accord ou pas sur les chiffres qu'ils ont présentés.

M. Jim Rycroft: Non, car je ne les ai pas vus.

M. René Laurin: Vous ne les avez pas vus. Quel est le meilleur moyen, selon vous, de régler le problème? Est-ce qu'il serait plus facile de le régler en donnant simplement un montant forfaitaire aux gens qui font la preuve qu'ils ont été membres de la marine marchande? Est-ce que ce serait une solution plus simple que de dépenser des centaines de milliers de dollars pour tâcher d'établir un dossier sur la situation exacte de chaque personne? Tout cet argent qu'on dépenserait en paperasse et en enquêtes n'irait pas aux anciens combattants ou aux marins de la marine marchande. Est-ce qu'il ne serait pas plus simple de calculer un montant forfaitaire qui serait donné à tous ceux qui feraient la preuve qu'ils ont fait du service pendant la période indiquée?

M. Jim Rycroft: Monsieur Laurin, ce serait peut-être plus simple, mais pas nécessairement plus équitable. Le problème est toujours que les autres groupes ont reçu des bénéfices pendant de nombreuses années. Si on donnait un montant forfaitaire sans étudier les situations individuelles de tous les marins de la marine marchande, ce serait injuste envers les autres groupes. Nous voulons éviter cette situation.

M. René Laurin: Pouvez-vous nous donner un exemple de ce qui pourrait arriver dans les autres groupes? Je suppose que vous pensez à l'armée de l'air ou à l'armée de terre. Pouvez-vous me donner un exemple d'une situation inéquitable qui pourrait être créée ou de demandes qui pourraient venir d'autres groupes afin que leur situation soit ajustée à celle-ci? Je vois mal comment cela pourrait entraîner des demandes des autres groupes. Pouvez-vous me donner un exemple?

• 0945

M. Jim Rycroft: Prenons l'exemple de quelqu'un qui, après la guerre, n'a pas fait une demande de prestations d'éducation ou une demande en vertu de la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants.

M. René Laurin: Vous parlez de l'armée de terre.

M. Jim Rycroft: Cette personne se dit aujourd'hui que si elle avait su qu'elle avait droit à ces choses, elle aurait été indemnisée il y a longtemps. Il y a des milliers d'anciens combattants dans cette situation. Ce ne serait pas juste qu'on dise que tous les membres de la marine marchande peuvent recevoir un montant, mais pas les membres de l'armée de l'air ou de la marine. Tel est notre problème.

M. René Laurin: On sait qu'à la fin de la guerre, on a offert des cours de formation professionnelle aux militaires, mais pas aux gens de la marine marchande parce qu'on croyait qu'ils allaient pouvoir continuer à gagner leur vie dans la marine. Malheureusement, cela n'a pas été le cas. Si on cherchait à déterminer qui a pu recevoir des cours de formation professionnelle, qui n'a pas pu en recevoir ou qui aurait pu en recevoir mais les a refusés, on n'en finirait plus.

M. Jim Rycroft: Oui, et c'est la raison pour laquelle nous suggérons un montant global pour tous les membres de la marine marchande ou leurs survivants en raison des bénéfices perdus. Pour l'autre aspect, qui est celui des pensions, il faut réviser les dossiers et ainsi de suite.

M. René Laurin: Est-ce que votre association serait prête à s'engager à ne pas faire d'autres réclamations, quel que soit le traitement accordé aux anciens combattants de la marine marchande?

[Traduction]

M. Allan Parks: Pour répondre à votre question, en ce qui a trait à l'indemnisation et à tout le reste, notre principal souci à la Légion est de veiller à ce que tout le monde ait droit à un traitement équitable.

Vous nous demandez si nous nous engagerions à ne pas faire d'autres réclamations. Je dirais simplement, au nom de la Légion et de la marine marchande, que si nous étions d'avis que le traitement n'était pas équitable, nous nous battrions sans doute pour défendre leurs intérêts.

C'est la meilleure réponse que je puisse vous faire à ce moment-ci.

[Français]

M. René Laurin: Oui, mais ce n'est pas tout à fait le sens de la question que j'ai posée, monsieur Parks. Je me dis que le comité fera sûrement des recommandations au ministère après avoir entendu les témoins et que le ministre prendra une décision quant aux gens de la marine marchande.

Ma question est la suivante. Quel que soit le traitement accordé aux gens de la marine marchande, est-ce que vous êtes prêts à dire que vous ne cherchez pas aujourd'hui à protéger nos arrières au cas où ces gens en recevraient plus que pensiez qu'ils auraient dû recevoir, mais tout simplement à leur donner votre appui afin que leur situation soit régularisée et qu'ils obtiennent un peu plus de justice?

Si, par la suite, votre groupe revenait à la charge, on tomberait alors dans un cercle vicieux qui risquerait de ne pas avoir de fin. Est-ce que votre association, la Légion canadienne, serait prête à s'engager à ne pas faire de réclamations subséquentes, quelle que soit la décision qui sera prise dans le cas des marins de la marine marchande?

[Traduction]

M. Allan Parks: Je crois que la Légion serait effectivement prête à s'engager en ce sens.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Laurin.

[Traduction]

Pour le côté ministériel maintenant, ou le côté de la majorité, c'est le secrétaire parlementaire qui sera le premier intervenant. Monsieur Wood.

M. Bob Wood (Nipissing, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Rycroft, au début du mois de décembre dernier, vous avez dit, en réponse à la question de M. Proud qui vous demandait si vous appuyiez les demandes d'indemnisation rétroactive de la marine marchande, que vous ne pouviez pas donner votre aval à ce que demandait la marine marchande parce que vous n'aviez rien vu qui puisse étayer ces demandes.

Je voudrais savoir comment vous en êtes venus à ce revirement complet qui fait que vous appuyez maintenant ces demandes.

• 0950

M. Jim Rycroft: Notre position n'a pas vraiment changé du tout au tout. L'objection que nous avions se fondait sur le fait qu'on nous avait dit que tout le monde recevrait le même montant, sans qu'il y ait de rajustement à la baisse ou de défalcation pour tenir compte du fait que ce n'est pas tout le monde qui aurait été admissible et d'autres facteurs aussi. C'est pourquoi, comme vous pourrez le voir dans le mémoire que nous avons déposé aujourd'hui, nous avons essayé de bien faire la distinction entre les deux principes, celui de la pension d'invalidité et celui de l'équité et des occasions ou avantages perdus.

La position fondamentale de la Légion n'a pas changé. En 1992, au moment où la loi a été adoptée, la Légion était là pour veiller à ce que les anciens combattants de la marine marchande reçoivent un traitement égal au chapitre des pensions d'invalidité. Ce dont nous parlons aujourd'hui, maintenant que cette étape a été franchie, ce sont les autres injustices qui restent. Il se peut bien que vos audiences vous amènent à conclure que le montant devrait être de beaucoup supérieur à la somme modeste que nous avons proposée. Il faudra simplement attendre de voir, afin que la formule qui sera retenue par le comité ne crée pas des injustices pour les autres groupes avec lesquels on traite depuis plus de 55 ans.

Je vous dirai cependant, monsieur Wood, que nous n'avons finalement rien fait d'autre que de raffiner un petit peu plus la position que nous avions et que nous voulons poursuivre le processus engagé par la loi de 1992.

M. Bob Wood: Je voudrais revenir à la question de mon collègue, M. Laurin, au sujet de l'indemnisation. Vous avez vous-même admis, monsieur, que ce ne sont pas tous les anciens combattants qui se sont prévalus des programmes d'après-guerre du gouvernement. Si donc le comité, dans sa sagesse, décide d'indemniser les anciens combattants de la marine marchande pour le fait qu'ils n'aient pas eu accès aux programmes d'après-guerre, il nous faudra de toute évidence et en toute bonne foi, indemniser ceux qui n'ont pas eu l'occasion—les autres anciens combattants qui ne se sont pas prévalus de ces programmes. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus.

Avez-vous une idée du nombre de ceux qui ne se sont pas prévalus de ces programmes d'après-guerre? Je crois que, quand vous avez témoigné devant nous auparavant, vous nous avez donné des nombres—je les ai sans doute ici—pour ce qui est de ceux qui auraient raté la date limite et qui maintenant... Comme vous l'avez dit, nous ne voulons pas donner un avantage injuste à un groupe par rapport à l'autre. De combien de personnes est-il question ici? Cela pourrait finir par nous coûter très cher.

M. Jim Rycroft: C'est justement ce qui fait problème, et c'est pourquoi la perspective d'un montant forfaitaire nous préoccupe. D'après les estimations, il y aurait 400 000 anciens combattants. Au ministère des Anciens combattants, on dit que 13 p. 100 seulement des anciens combattants se sont prévalus après la guerre des avantages accordés soit pour les études soit en vertu de la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants. Il y aurait donc la possibilité que tous les autres viennent frapper à la porte.

M. Bob Wood: Vous avez aussi fait une autre affirmation quand vous avez témoigné devant notre comité, monsieur. Il s'agissait d'équité et de besoins. Vous avez dit que vous vouliez aussi discuter de la question de savoir s'il était juste que l'indemnisation soit calculée en fonction de la longueur des états de service, et je vous cite encore une fois:

    Le ministère des Affaires des anciens combattants s'efforce autant que possible de veiller à ce que ses programmes soient axés sur le besoin, et c'est là un principe auquel la Légion souscrit entièrement. Il y a peut-être lieu d'aborder avec beaucoup de circonscription le principe selon lequel la personne qui aurait des états de service de six mois recevrait un certain montant et que celle qui aurait des états de service de six ans recevrait plus. Si l'on appliquait cela aux anciens combattants, la personne qui n'aurait que quelques semaines de service n'aurait-elle droit qu'à trois mois du programme d'autonomie pour les anciens combattants? Il faut que l'indemnisation soit calculée en fonction du besoin.

C'est ce que vous avez vous-même dit. Ainsi, d'après ce que vous avez dit en décembre dernier, puis-je conclure ce matin que la Légion serait tout à fait d'accord pour qu'on adopte un régime d'indemnisation qui se fonderait sur le même principe, c'est-à-dire que l'argent serait donné à ceux qui en auraient le plus besoin, au lieu de calculer un montant en fonction de la longueur des états de service?

M. Jim Rycroft: C'est ce que l'on devrait pouvoir déduire logiquement, mais la question est très distincte de celle des occasions et des avantages perdus. Dans le cas des occasions ou des avantages perdus au cours des 55 dernières années, il ne s'agit manifestement pas de faire un calcul fondé sur le besoin, et je suppose que c'est une des raisons pour lesquelles notre comité directeur a choisi de proposer un montant nominal à titre d'indemnisation.

Dans le cas de programmes qui entraînent des dépenses considérables, comme le programme d'autonomie pour les anciens combattants, c'est l'avenir et non pas le passé qui compte. Ce programme doit donc se fonder sur le besoin et doit être équitable pour tous les groupes d'anciens combattants. Il faut d'ailleurs faire remarquer à son honneur que le ministère des Anciens combattants y est presque déjà. Il reste encore certains rajustements à apporter.

Il s'agit donc ici d'une petite part de l'injustice qui est attribuable aux occasions perdues et de l'injustice inhérente de la Loi sur les pensions qui n'appliquait pas le principe de l'assurance avant 1992. Le principe du calcul selon le besoin s'applique donc à l'avenir. Les propositions que nous avons présentées ici s'appliquent au passé.

• 0955

Quand il s'agit du passé, il va presque de soi qu'il n'est pas question de besoin. Les besoins ont d'une façon ou d'une autre été comblés jusqu'à ce jour—peut-être pas de façon suffisante, mais ils ont été comblés d'une façon quelconque.

M. Bob Wood: Vous avez aussi dit en décembre, monsieur, en réponse à la question de mon collègue, M. Goldring, que vous pensiez que les pilotes du transport aérien mériteraient peut-être aussi d'être indemnisés:

    Je dirais que les pilotes du transport aérien sont dans la même situation; ils ont piloté des aéronefs outre-mer dans des circonstances très dangereuses. Ils ne se font peut-être pas entendre aussi haut que leurs collègues de la marine marchande, mais ils ont été tout aussi défavorisés.

Êtes-vous toujours de cet avis, à savoir que le cas des pilotes devrait aussi être examiné et qu'ils devraient être inclus dans l'étude de notre comité? Y a-t-il aussi d'autres groupes auxquels on peut penser, comme les forestiers de Terre-Neuve, dont il faudrait examiner le cas? Je crois que, comme nous faisons cette étude, il faudrait examiner le cas de tous ces groupes qui se sont peut-être heurtés aux mêmes problèmes.

M. Jim Rycroft: Je ne voudrais pas faire détourner l'attention que mérite la marine marchande, car il est évident que c'est grâce à elle que le comité est saisi de ces questions, mais je tiens à dire que la Légion appuie fortement tous les groupes qui ont été défavorisés. C'est pour cette raison que nous avons fait référence plus particulièrement aux pilotes de transport aérien. Mais la deuxième partie de la Loi sur les avantages liés à la guerre pour les anciens combattants de la marine marchande et des civils porte sur tous les groupes de civils qui ont participé à l'effort de guerre, et eux aussi, ils ont subi des injustices. Nous espérons que la formule que vous choisirez aujourd'hui sera équitable pour tous ces groupes.

Les pilotes de transport aérien sont peut-être le groupe le plus remarquable, car il n'en reste que 75 membres, et il est un peu plus facile d'établir une analogie entre les activités de ce groupe et de la marine marchande que celles de certains autres groupes de civils qui ont participé à l'effort de guerre.

Mais vous avez tout à fait raison. La Légion estime que tous les groupes qui ont participé à l'effort de guerre doivent être traités de façon équitable, peu importe la formule que choisira le comité.

M. Bob Wood: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Wood.

Nous avons encore deux minutes. Est-ce que d'autres collègues de ce côté désirent poser des questions? Sinon, je donne la parole à M. Earle du... Ah, désolé, monsieur Richardson.

M. John Richardson (Perth—Middlesex, Lib.): J'essaie de comprendre la démarche que vous recommandez, qui est basée sur les besoins, ainsi que l'argument que vous avancez maintenant.

La marine marchande a subi des pertes plus lourdes que toute autre arme et tout autre groupe pendant la guerre, et il est question maintenant des pilotes de transport aérien. Ils ont été rémunérés généreusement pour leurs services, à la différence des membres de la marine marchande. À l'époque, on trouvait que la rémunération pécuniaire était considérable. J'avais des amis plus âgés que moi qui ont fait le transport aérien, et après la guerre, ils ont commencé leur vie sur une base assez solide.

Si l'on commence à inclure tous ces groupes, je vois déjà les gens commencer à faire la queue. La rémunération que ces personnes ont touchée à l'époque était beaucoup plus élevée. Une portion de cette rémunération était pour le service dans des circonstances menaçantes. Ce n'était certainement pas facile pour ces pilotes de passer par le Nord. Mais c'était certainement beaucoup plus dangereux d'être à bord de ces navires marchands, la proie des sous-marins allemands et sans défense.

À mon avis, nous ne devrions pas prétendre que tous ces groupes ont servi de la même façon. Ils ont tous servi leur pays, mais les avantages variaient considérablement. Je le dis publiquement.

M. Jim Rycroft: Si vous me permettez, je dirais que c'est une observation très valable. Il est difficile de faire une analyse 55 ans après les événements pour déterminer la sévérité des conditions de service. Voilà pourquoi une démarche en fonction des besoins est la meilleure façon d'envisager l'avenir. À un certain moment de l'histoire, et peut-être est-il maintenant arrivé, il faut prévoir qui aura besoin du programme pour l'autonomie des anciens combattants, qui aura besoin de l'aide de son pays. Il est très facile d'établir des parallèles au niveau des besoins. Voilà pourquoi nous proposons une indemnisation un peu symbolique pour ces injustices du passé pour que nous n'ayons pas à mesurer exactement qui a servi dans des conditions plus sévères et pour combien de temps.

J'ai quelques brèves observations sur la question des états de service. Le danger, c'est que si l'on se met à essayer de mesurer l'indemnisation sous toutes ses formes, il est pratiquement impossible de parvenir à quelque chose de juste. Si la personne a servi pendant trois mois, il faut tenir compte des conditions de service. A-t-elle passé trois mois à affronter l'ennemi? A-t-elle passé presque trois mois au Canada, et seulement deux semaines devant l'ennemi? Sur le plan pratique, il est impossible de tenir compte de ces éléments. Donc, le critère de base pour la Légion est de savoir si la personne est un ancien combattant. Est-ce que la personne a servi dans des conditions semblables à celles que les anciens combattants ont endurées? Aujourd'hui, plus de 55 ans après les événements, c'est peut-être la meilleure façon de procéder—on fixe un critère de base assez élémentaire et ensuite on fait des prévisions en fonction des besoins. Pour ce qui est du passé, on offre une indemnisation symbolique ou on fixe des formules qui tiennent compte des injustices du passé selon les deux principes que nous avons adoptés. Ces deux principes sont les suivants: un paiement forfaitaire symbolique pour les études que l'on n'a pas pu faire, ou pour des prestations en vertu de la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants, mais une somme calculée avec exactitude dans le cas des pensions d'invalidité, parce que si la personne a souffert en raison de son service pendant la guerre, et si quelqu'un a aujourd'hui un handicap à cause de son service pendant la guerre, nous suggérons qu'il soit traité de la même façon que les autres.

• 1000

Le président: Merci.

Monsieur Earle, vous avez la parole pour dix minutes, puis ce sera le tour de Mme Wayne, pour dix minutes également.

M. Gordon Earle: Merci, monsieur le président.

Je vous remercie beaucoup de votre exposé. Je ne suis pas certain de la formule que vous proposez là où vous faites un grand effort pour faire preuve d'équité envers les hommes en uniforme. Je comprends vos motifs, je les apprécie, car l'équité est un principe très important, mais je pense que nous oublions que les hommes en uniforme auraient pu profiter de ces occasions. Qu'ils en aient profité ou non, c'est une autre question. Mais je crois comprendre que les anciens combattants de la marine marchande n'avaient pas ces occasions. Donc, ils n'ont pas pu profiter de ces avantages, comme les mêmes pensions d'invalidité que les autres ou les possibilités de faire des études et ainsi de suite. Voilà la grande différence entre les deux groupes.

Nous pouvons tous regarder vers le passé et nous dire que nous aurions fait telle ou telle chose si nous avions profité de telle ou telle occasion, mais dans ce cas-ci, l'occasion existait bel et bien. Lorsque quelqu'un est exclu, ce n'est pas la même chose. À mon avis, nous devons adopter cette perspective et nous ne devrions pas compter tellement juste que nous nous inquiétons trop de défavoriser les hommes en uniforme, parce que les hommes en uniforme n'ont pas été défavorisés, ils ont profité de divers avantages.

Pourriez-vous m'expliquer davantage pourquoi vous avez établi cette distinction? On a clairement démontré que les anciens combattants de la marine marchande ont subi des injustices. Le comité essaie de trouver un moyen de réparer ces injustices d'une façon équitable. J'admets qu'il ne faut pas oublier les autres groupes, mais si les autres groupes n'ont pas servi dans les mêmes circonstances, je dirais que nous n'avons pas à nous en faire. À mon avis, nous devrions nous concentrer sur les gens de la marine marchande et nous devrions essayer de régler ce problème.

Pourquoi avez-vous établi cette distinction subtile?

M. Jim Rycroft: Je vous donne un exemple précis pour expliquer pourquoi nous avons établi cette distinction.

Dans certaines circonstances, les anciens combattants de la marine marchande étaient admissibles aux avantages prévus dans la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants. Un ancien combattant de la marine marchande qui a été blessé en affrontant l'ennemi et qui touchait une pension d'invalidité était admissible. Certains anciens combattants de la marine marchande étaient donc admissibles, même si les critères étaient plus sévères, et ces personnes auraient pu faire une demande pour bénéficier de ces avantages. Il est possible que certains d'entre eux ne l'ont pas fait. Donc, sans penser à «qui aurait fait quoi si seulement ils auraient su», on constate toujours des injustices même des iniquités même à l'intérieur de ce groupe d'anciens combattants de la marine marchande.

M. Gordon Earle: Quant à moi, je pense que nous allons ouvrir une boîte de Pandore si nous nous posons de telles questions, parce que, comme vous l'avez fait remarquer, il s'agit d'événements qui ont eu lieu il y a 55 ans. On a déjà clairement démontré les injustices ainsi que l'inertie du gouvernement dans ce dossier. À mon avis, le moment est venu de passer aux actes et nous devrions cesser de nous perdre en conjectures, parce que nous allons ouvrir toute une boîte de Pandore, ce qui engendrera encore des injustices à l'égard des gens qui devraient être admissibles.

Si nous adoptons une démarche globale et si nous admettons que les anciens combattants de la marine marchande ont subi des injustices, et si nous essayons de corriger la situation en prenant des mesures positives, il est possible qu'une personne ou deux bénéficient d'un avantage qu'elles n'auraient pas dû avoir. Toutefois, je pense que ces personnes seraient beaucoup moins nombreuses que les personnes qui seraient exclues si nous commençons à chercher des dossiers et si nous prenons la voie que vous proposez.

M. Jim Rycroft: Monsieur Earle, nous disons exactement la même chose pour ce qui est de l'indemnisation globale. On ne peut pas revenir en arrière et fignoler pour déterminer qui aurait fait quoi et qui aurait demandé quoi. Donc, une partie de l'indemnisation serait basée sur un montant global qui serait versé à chaque ancien combattant de la marine marchande ou sa survivante, et ce montant serait calculé d'une manière équitable, compte tenu du fait que certains n'auraient pas fait une demande pour ces avantages. Donc, on ne pourrait pas tout simplement prendre le montant de tous les avantages possibles, ajouter des augmentations selon l'indice des prix à la consommation au fil des ans, et ensuite calculer une somme pour chaque personne. On ne pourrait pas procéder de cette façon. Mais il s'agirait d'un montant global, on ne ferait pas de fignolage.

C'est le deuxième aspect, le principe de l'assurance pour les pensions d'invalidité, qui n'est pas trop complexe à nos yeux, parce que très peu de gens seront touchés par ce principe. Si vous ne tenez pas compte de ce principe, ceux qui sont invalides du fait d'avoir servi le pays en temps de guerre, seront laissés pour compte et ne recevront pas un dédommagement équitable, ce qui, a nos yeux, serait une injustice.

M. Gordon Earle: Quand vous parlez de ceux qui ne seront pas dédommagés équitablement, voulez-vous parler des anciens combattants de la marine marchande ou d'autres groupes?

• 1005

M. Rycroft: Il s'agirait de groupes autres que les anciens combattants de la marine marchande pour ce qui est des pensions d'invalidité, parce que vous pouvez mesurer ces injustices individuellement.

M. Gordon Earle: Voilà pourquoi j'ai dit que la situation était différente pour les groupes autres que les membres de la marine marchande parce qu'ils ont pu bénéficier de certains avantages, même des prestations d'invalidité, à la différence des membres de la marine marchande. C'est pour cette raison que j'estime que votre conception de la compensation globale s'appliquerait également aux pensions d'invalidité, à tout l'ensemble.

Vous avez dit que très peu d'anciens combattants de la marine marchande seraient admissibles. Donc, les sommes en question ne sont pas énormes, et des gens ne vont pas tout d'un coup bénéficier de toutes sortes d'avantages qu'ils n'auraient pas eus avant. Je trouve qu'à un moment donné, il faut laisser le bénéfice du doute à ceux qui ont été désavantagés. C'est ça que j'essaie de dire.

M. Jim Rycroft: Eh bien, monsieur Earle, très peu de gens dans les autres groupes seraient admissibles à des pensions bonifiées. Mais si vous décidez de traiter les anciens combattants de la marine marchande de cette façon, d'après la même logique, vous devez traiter les pilotes de traversier en service commandé de la même façon, parce qu'il s'agit d'invalidité dont ils ont été victimes pendant leur service de guerre; il faut tenir compte de cet aspect.

Quant à l'autre aspect, il s'agit d'un montant global. On pourrait fixer un montant pour la marine marchande; on pourrait fixer un montant différent pour les pilotes de traversier en service commandé parce qu'ils étaient mieux rémunérés, mais le même principe s'appliquerait aux deux cas. Le premier principe serait de reconnaître qu'il y a eu une équité par le passé et de fixer un montant pour dédommager les gens de cette iniquité. Le second principe serait de reconnaître les iniquités en matière de pension d'invalidité, et de trouver un moyen de les dédommager.

M. Gordon Earle: Permettez-moi de faire deux observations rapidement. Vous avez mentionné d'autres groupes, comme les pilotes de traversier en service commandé et... Si je ne me trompe, le mandat de ce comité est d'étudier la situation des anciens combattants de la marine marchande. Je me rends compte qu'il nous faut traiter les autres groupes équitablement, comme par exemple les anciens combattants autochtones, qui ont également subi des torts, mais je pense que nous ne devrions pas nous attarder sur leur cas aujourd'hui. Il nous faut nous concentrer sur le cas des anciens combattants de la marine marchande et régler ce problème. Nous pourrons étudier les autres problèmes en temps et lieu.

Vous avez aussi parlé dans votre témoignage du fait que les anciens combattants de Buchenwald et de Hong Kong auraient reçu 20 000 $... Je tiens à rétablir les faits et à préciser que les survivants de Buchenwald n'ont pas reçu 20 000 $. La formule qui a été utilisée était la même que pour les anciens combattants de Hong Kong, mais ceux de Buchenwald se sont retrouvés avec un montant dérisoire d'environ 1 000 $. Je tenais simplement à rétablir les faits pour qu'on n'ait pas l'impression que les survivants de Buchenwald ont reçu un montant qui pourrait peut-être tenir compte de tout ce qu'ils ont subi.

C'est tout ce que j'ai à dire à ce sujet pour l'instant. Merci.

Le président: Merci, monsieur Earle.

Pour le Parti progressiste-conservateur, madame Wayne, 10 minutes.

Mme Elsie Wayne: Merci beaucoup, monsieur le président.

Tout d'abord, je ne sais pas si nos témoins ont vu la vidéo que Cliff Chadderton a produite récemment et qui s'intitule Sail or Jail. Je crois que, quand on regarde cette vidéo, on ne peut pas ne pas tenir compte du fait que les membres de la marine marchande ont subi le plus fort pourcentage de perte de vies. Un sur huit d'entre eux a été tué.

Je ne sais pas si cette information est exacte, monsieur le président, mais on me dit que les pêcheurs à qui on a demandé de surveiller les mouvements des navires allemands dans la région de l'Atlantique et du Pacifique ont reçu tous les avantages au bout du compte; ils ont été traités comme les autres et ont eu droit à tous les avantages. Les pêcheurs, comme tout le monde d'ailleurs, gagnent leur vie à pêcher, mais les membres de notre marine marchande n'ont pas eu droit à tous les avantages.

Les États-Unis et la Grande-Bretagne... la Grande-Bretagne les a mis sur un pied d'égalité en 1941. Ils sont devenus le quatrième corps des Forces armées. Vous savez que les États-Unis ont récemment déclaré qu'il y avait eu injustice dans le cas de la marine marchande et ont aussi décidé d'indemniser les marins, mais ils ont choisi de le faire en achetant pour chacun d'eux une police d'assurance; voilà comment ils ont décidé de le faire.

Je ne sais pas ce que vous pensez de la répartition que nous a proposée Cliff Chadderton. Vous avez parlé de 5 000 $. Cliff était d'avis qu'il conviendrait de donner 5 000 $ à celui qui aurait fait l'aller-retour outre-mer. Quand on tient compte des avantages que tous nos anciens combattants ont reçus—qu'ils ont reçus à juste titre; on les leur a offerts même s'ils ne les ont pas tous pris; il n'en reste pas moins qu'on les leur a offerts, et à juste titre—mais ces hommes ont risqué leur vie pour nous et n'ont pas eu droit à ces avantages.

• 1010

Quand on sait quel est le montant proposé, et quand on remonte à 1940 ou à 1941... finalement, ces gars-là ne demandent même pas qu'on remonte jusque-là. Ils demandent une forme quelconque d'indemnisation et que nous acceptions, enfin, de les inclure dans la Loi sur les allocations aux anciens combattants, pour qu'ils aient droit aux avantages que prévoit cette loi. Mais, Seigneur, nous avons 55 ans de retard.

Ils nous disent, donnez-nous cette indemnité minime et nous ne demanderons plus rien; nous aurons le sentiment que vous appréciez vraiment ce que nous avons fait pendant la Seconde Guerre mondiale. Je n'arrive pas à croire que la Légion royale canadienne ne donne pas son aval à cela. Je n'arrive pas à le croire.

M. Jim Rycroft: Je ne sais pas trop, madame Wayne, ce que c'est au juste que la Légion royale canadienne refuse d'avaliser selon vous. Il n'y a sans doute pas moyen d'en arriver à une somme précise qui mesurerait l'importance du sacrifice en dollars. Que ce soit 20 000 $, 50 000 $ ou 100 000 $, le montant reste symbolique.

Nous représentons la marine marchande, les anciens combattants en uniforme et leurs survivants pour tout ce qui touche aux pensions d'invalidité. Beaucoup d'entre eux sont maintenant au stade de leur vie où ils ont besoin du programme d'autonomie pour les anciens combattants et d'autres formes d'aide offerte par le pays, et nous voulons veiller à ce que le gouvernement fasse ce qu'il doit faire pour tous les anciens combattants et qu'il les traite tous également.

Mme Elsie Wayne: Je peux comprendre ces propos étant donné qu'ils viennent de la Légion royale canadienne. Je dirais toutefois, monsieur le président, que nous sommes ici pour parler de la marine marchande. Vous reviendrez devant nous—cela ne fait aucun doute—et nous serons là pour écouter, du moins je l'espère, tous les autres groupes avec un esprit aussi ouvert. Nous sommes toutefois là aujourd'hui pour parler de la marine marchande.

Quand vous me dites qu'il y aura un régime d'indemnisation et que tous ceux qui sont invalides devraient toucher une pension d'invalidité et que les autres auraient droit à 5 000 $, je trouve cela très difficile à accepter.

Je dois vous dire, ayant moi-même eu deux frères qui sont allés là-bas et qui ne seraient pas rentrés s'ils n'avaient pas eu de quoi se nourrir... Pour l'amour de Dieu, la Grande-Bretagne n'aurait pas survécu si ce n'avait été de ce que les marins ont transporté là-bas, et nous aurions sans doute perdu la foutue guerre. Il est temps que nous le reconnaissions et que nous nous entendions tous pour dire: C'est ainsi que nous voulons maintenant reconnaître pleinement ce que vous avez fait; nous reconnaissons le taux de mortalité que vous avec subie; nous reconnaissons tout ce que vous avez fait. C'est là une conviction profonde chez moi.

Je sais que diverses propositions ont été faites, mais celle de Cliff Chadderton... Seigneur, quand on voit combien il y en a qui reste, cela ne nous coûterait pas grand-chose et ne coûterait pas grand-chose au gouvernement non plus. Pour l'amour du ciel, nous avons assez d'argent, monsieur le président. L'argent est allé dans le Trésor public, Dieu vous garde. Quoi qu'il en soit, nous allons l'en retirer, nous allons conclure l'entente et leur serrer la main pour les remercier au nom de tous les Canadiens. J'ose espérer que la Légion royale canadienne va nous appuyer.

M. Jim Rycroft: Permettez-moi de dissiper un malentendu. Nulle part nous n'avons dit que le montant comme tel devrait être le même pour chacun des groupes. Nous avons proposé l'adoption de deux principes: une indemnisation globale et une pension d'invalidité calculée selon le principe de l'assurance. Ces deux principes—et c'est finalement tout ce que nous sommes venus dire ici aujourd'hui—devraient s'appliquer. Il se peut que les montants soient différents, ce à quoi nous ne nous opposerions pas, puisque les montants seront calculés en fonction des circonstances individuelles.

Nous ne sommes pas ici aujourd'hui pour défendre l'intérêt des autres groupes. Vous avez parfaitement raison. C'est au tour de la marine marchande cette fois-ci. Quand nous reviendrons la prochaine fois, nous ne voudrions pas que vous nous disiez que nous n'avons pas parlé de ces autres groupes. Nous voulons donc être sûrs que ces autres groupes soient mentionnés. Vous avez toutefois raison de dire que nous sommes là aujourd'hui pour nous concentrer sur la marine marchande.

Mme Elsie Wayne: Merci beaucoup.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, madame Wayne.

Chers collègues, nous entreprenons maintenant le deuxième tour de questions. Chaque intervenant aura cinq minutes et c'est M. Goldring qui, encore une fois, sera le premier à prendre la parole pour le Parti réformiste.

M. Peter Goldring: Merci beaucoup. Je veux revenir à ce que nous disions, pour que nous comprenions tous très clairement, à savoir que le cas de l'indemnisation de la marine marchande ne doit pas être confondu ni comparé à d'autres cas, car ce serait comme de comparer des pommes et des oranges. Les situations sont différentes. À tel point que la similitude s'arrête peut-être, comme je l'ai déjà dit, aux simples termes «à titre gracieux». Cela dit, ce que nous tentons de faire ici aujourd'hui, selon moi, c'est de trouver un mécanisme qui permette de concrétiser l'indemnisation.

• 1015

J'ai déjà posé la question suivante: dois-je comprendre que votre organisation, la Légion royale canadienne, propose—et il ne s'agit que d'une proposition—d'abord, un paiement global à titre gracieux de 5 000 $ et, deuxièmement, une indemnisation calculée en fonction du principe de l'assurance qui se serait appliqué préalablement et en fonction d'une échelle qui varierait selon le pourcentage d'invalidité? Ce sont là vos propositions. Vous ne dites pas qu'il faut absolument procéder ainsi. Vous reconnaissez toutefois qu'il y a des problèmes dans le cas des membres de la marine marchande, et ce, depuis une cinquantaine d'années, et qu'il est temps de clore le dossier et d'indemniser ces gens.

Nous sommes réunis ici pour la toute première fois, je crois, afin de discuter de la façon de clore ce dossier. C'est un objectif qu'appuie entièrement votre organisation, et vous avez fait des propositions afin d'aider le gouvernement à trouver un moyen de réaliser cet objectif. N'est-ce pas?

M. Jim Rycroft: Oui, c'est bien cela, monsieur Goldring. Vous n'êtes pas obligés de retenir ce montant, il s'agit simplement d'un montant symbolique ou représentatif. C'est à vous de décider du montant qui convient. Vous entendrez le témoignage d'autres groupes au cours des semaines à venir et cela vous aidera à en arriver à un montant quelconque.

M. Peter Goldring: Si donc votre témoignage arrivait à la fin de nos audiences, vous seriez peut-être plus en mesure, avec le recul, de proposer un nombre et un montant exacts, car vous pensez bien que les autres auront aussi des propositions à faire.

M. Jim Rycroft: Nous avons pensé que non, monsieur Goldring. La Légion royale canadienne représente divers groupes d'anciens combattants. Nous pensons donc qu'il vaut peut-être mieux que nous passions en premier afin de vous donner une vue d'ensemble et que vous puissiez ensuite vous concentrer sur la marine marchande et entendre les détails à ce sujet de la part des divers groupes.

Dans l'ensemble, bien qu'il y ait des avantages et des inconvénients d'une façon comme de l'autre, je crois qu'il vaut mieux qu'on vous brosse d'abord un tableau d'ensemble de la situation des anciens combattants et que vous concentriez votre attention au cours des jours à venir sur la marine marchande.

M. Peter Goldring: Il y a toutefois un point très important que je veux être sûr de bien comprendre; c'est que la Légion royale canadienne souscrit entièrement aux propositions d'indemnisation qu'elle a faites et qu'elle demande énergiquement et en toute sincérité au gouvernement de s'attaquer à ce dossier et d'en arriver à un règlement sur la question de l'indemnisation avant l'été.

M. Allan Parks: C'est tout à fait juste. Il s'agit finalement d'une décision du comité directeur. C'est la position qui a reçu le feu vert à la réunion de février et c'est ce que nous vous avons présenté ici aujourd'hui.

M. Peter Goldring: Il y a donc deux questions très importantes qui doivent finalement être soulignées. D'abord, il y a la proposition que vous avez faite quant à la façon de procéder, puis il y a aussi cette question très importante des chiffres que vous avancez et qui ne doivent pas, parce qu'ils ne sont pas catégoriques, être considérés comme un signe d'hésitation de votre part; il faut plutôt y voir le signe de la bonne volonté de votre organisation et de l'appui sans réserve qu'elle apporte aux demandes des membres de la marine marchande en vue d'obtenir une indemnité quelconque.

M. Allan Parks: Oui.

M. Peter Goldring: Merci.

Le président: Merci, monsieur Goldring.

Monsieur Clouthier, nous avons maintenant cinq minutes pour ce côté-ci.

M. Hec Clouthier (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Lib.): Je veux être sûr de bien comprendre ce que la Légion recommande: vous recommandez un paiement global à titre gracieux à tous les membres de la marine marchande.

M. Jim Rycroft: Ou à leurs survivants.

M. Hec Clouthier: Ou à leurs survivants. Comme deuxième volet du régime d'indemnisation que vous proposez, vous dites aussi que tous les membres de la marine marchande qui ont demandé une pension d'invalidité devraient avoir droit à une somme supplémentaire calculée en fonction du principe de l'assurance?

M. Jim Rycroft: Exactement.

M. Hec Clouthier: Établiriez-vous des paramètres à cet égard? Fixeriez-vous une certaine date limite après la guerre?

M. Jim Rycroft: Nous avons dit qu'il faudrait que la personne ait une preuve quelconque du fait qu'elle aurait fait des démarches auprès du gouvernement pour obtenir une pension d'invalidité. Elle ne peut pas simplement dire maintenant qu'elle aurait fait une demande si seulement elle avait su. Il faut qu'elle ait effectivement fait des démarches et qu'il y ait une preuve quelconque qu'elle ait fait une demande, même si la demande a été rejetée parce qu'elle ne répondait pas au critère du principe de l'assurance.

C'est simplement pour tenir compte du fait que ceux qui ont fait des démarches se sont retrouvés dans une situation manifestement injuste; ils ont fait une demande à leur gouvernement, et ils peuvent en fournir la preuve, et ils n'ont aucun recours à l'heure actuelle—nous voulons leur donner ce recours. Nous ne savons pas quel est le nombre des personnes en cause, mais nous pensons qu'il est assez peu élevé.

M. Hec Clouthier: Imposeriez-vous toutefois une date limite?

• 1020

M. Jim Rycroft: Il n'y aurait pas de date limite. La personne aurait pu avoir écrit en 1945, par exemple; il suffirait qu'elle ait la preuve qu'elle a présenté une demande en 1945 qui a été rejetée.

M. Hec Clouthier: Qu'en serait-il de celui qui aurait présenté une demande en 1955 ou en 1965?

M. Jim Rycroft: Ce serait la même chose.

M. Hec Clouthier: Et en 1997?

M. Jim Rycroft: Quiconque aurait présenté une demande après 1992 serait exclu parce qu'il avait déjà le droit à ce moment-là de présenter une demande et que sa demande aurait été agréée; son cas aurait donc été réglé. Ce que nous proposons vise simplement à faire remonter dans le temps le principe de 1992 afin qu'il s'applique à ceux qui ont effectivement présenté une demande.

M. Hec Clouthier: Il faudrait toutefois qu'ils en aient la preuve. Le paiement à titre gracieux de 5 000 $ serait versé à quiconque aurait servi.

M. Jim Rycroft: C'est juste. Quiconque faisait partie de la marine marchande y aurait droit, et nous pensons que la définition des membres de la marine marchande qui se trouve dans le projet de loi C-61 serait celle qui conviendrait d'utiliser pour déterminer qui était membre de la marine marchande.

M. Hec Clouthier: Vous êtes donc catégoriques sur ce paiement de 5 000 $.

M. Jim Rycroft: Quel que soit le montant. Nous disons toutefois qu'il s'agit d'une reconnaissance symbolique pour quelque chose dont on ne peut pas calculer le prix. Vous déciderez peut-être que le montant devrait être plus élevé. C'est à vous d'en décider. Il s'agit toutefois d'un montant qui vise à tenir compte de l'intangible.

M. Hec Clouthier: Merci.

Le président: Merci, monsieur Clouthier.

[Français]

Monsieur Laurin, avez-vous d'autres questions?

M. René Laurin: Monsieur Rycroft, il y a quelque chose qui m'étonne un peu dans votre démarche. Je trouve un peu regrettable que deux organismes ne semblant pas avoir tout à fait les mêmes préoccupations parlent au nom de la marine marchande. Je m'étonne que vous vous donniez tant de mal pour nous mettre en garde contre un traitement qui pourrait être éventuellement préjudiciable aux autres armées et je crains que cela nuise à la marine marchande. La meilleure façon pour un gouvernement de ne pas créer d'injustice envers les autres groupes, c'est d'en donner le moins possible pour ne pas que ces gens-là chialent. Si on partait avec cette idée-là, on pourrait ne pas donner un montant équitable aux gens de la marine marchande.

Je trouve cela un peu regrettable et je me demande pourquoi ce n'est pas plutôt l'Association des anciens combattants de la marine marchande qui établit ces critères, critères que vous vous contenteriez d'appuyer ou de ne pas appuyer. Évidemment, si vous n'êtes pas sur la même longueur d'onde, ce n'est pas mieux. L'idéal serait que vous parliez d'une seule voix et que vous soyez d'accord sur la même solution. Ne croyez-vous pas?

M. Jim Rycroft: Il s'agit simplement de considérer qu'à un autre moment, dans l'avenir, si on constate que d'autres groupes subissent des injustices, on devra avoir un formulaire pour trouver une solution équitable pour ces groupes aussi.

Nous ne parlons pas au nom des marins de la marine marchande, mais au nom de tous les anciens combattants. J'espère que vous êtes conscient que nous sommes tout à fait d'accord sur une indemnité pour les marins de la marine marchande. Il n'est pas question de préjuger de la cause des marins de la marine marchande, mais simplement de voir que ce groupe n'est pas le seul dans le grand contexte des anciens combattants.

M. René Laurin: En ce moment, est-ce que les autres groupes se sentent traités injustement?

M. Jim Rycroft: On dit toujours qu'il y a de petites injustices à l'égard d'un groupe ou d'un autre. La loi sur les pensions ne sera jamais parfaite. Il y a toujours de petits changements à y apporter pour l'améliorer. La situation n'est pas parfaite de nos jours, mais elle est aussi équitable qu'elle l'a jamais dans le passé, grâce au projet de loi C-61. Je pense que c'est essentiellement juste envers tous les groupes.

M. René Laurin: Donc, vous prétendez qu'actuellement, la situation des autres groupes est acceptable.

• 1025

M. Jim Rycroft: Si on pense à un montant pour réparer les injustices du passé, il faut considérer que ces injustices s'appliquent plus ou moins aux autres.

M. René Laurin: Je veux bien, mais à vouloir être équitable pour tout le monde, on risque d'être injuste pour un groupe qui, lui, n'a jamais été indemnisé. Si on cherche trop l'équité, on demeure dans l'injustice et on perpétue une injustice qui dure depuis 50 ans.

M. Jim Rycroft: C'est le défi du comité, je pense.

M. René Laurin: Oui, évidemment.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Laurin.

[Traduction]

Y a-t-il d'autres ministériels qui ont d'autres questions? Comme il ne semble pas y en avoir, je donne de nouveau la parole à M. Earle pour cinq minutes.

[Français]

M. Gordon Earle: Merci, monsieur le président. Je suis d'accord avec M. Laurin.

[Traduction]

Il faut parfois reconnaître que, pour être équitable, il ne faut pas nécessairement traiter tout le monde de la même façon. Quand une personne est plus défavorisée qu'une autre, il faut parfois, pour être équitable, lui donner plus qu'à une autre. C'est ainsi qu'on arrive à une certaine équité.

Je veux simplement revenir brièvement à ce que vous avez dit au sujet du caractère symbolique de l'indemnisation. Je suis entièrement d'accord avec vous pour dire qu'il est impossible de mesurer le prix du sacrifice qu'ont fait les membres de la marine marchande pour notre pays. Je ne pense pas cependant qu'il s'agisse de mesurer le prix des sacrifices faits par ces marins. Il s'agit plutôt de mesurer le prix de l'injustice qui leur a été faite après la guerre, du traitement injuste qu'ils ont reçu de leur gouvernement et de leur pays. Voilà ce qui nous préoccupe.

Il n'en reste pas moins que l'indemnisation, quelle qu'elle soit, sera symbolique, mais il faut reconnaître que nous vivons dans un monde très pragmatique où il faut non seulement que justice soit faite mais qu'elle soit perçue comme ayant été faite. Nous ne voulons donc pas retourner le fer dans la plaie en versant un paiement symbolique si minime qu'il ne peut absolument pas être conçu comme étant juste. Il me semble que, même s'il s'agit d'un montant symbolique, il faut tenir compte de la réalité de notre monde, et il faut qu'il soit assez élevé étant donné le contexte et le milieu dans lesquels nous vivons aujourd'hui.

Si je tiens à le signaler, c'est non pas seulement pour votre bénéfice, mais aussi pour celui des ministériels afin qu'ils en tiennent compte quand ils entendront les témoignages et quand le comité aura à en arriver à une décision et que nous ne nous trouvions pas à la fin du compte à aggraver l'injustice.

Je reviens encore une fois au cas des anciens combattants de Hong Kong et de Buchenwald, à qui on a appliqué la même formule, mais dont la situation était différente. Nous sommes peut-être arrivés à une situation injuste dans un cas, parce que nous tentions par souci excessif d'équité de traiter tout le monde de la même façon. Je crois que chaque cas doit être jugé selon ses mérites. C'est pour cela que nous sommes ici aujourd'hui pour examiner le cas des membres de la marine marchande sur ses mérites et leur demande d'être indemnisés pour l'injustice dont ils ont été victimes. Merci.

Le président: Merci, monsieur Earle. Je le demande encore, y a-t-il des questions de la part des ministériels? Comme il ne semble pas y en avoir cette fois-ci non plus, je donne la parole à Mme Wayne pour cinq minutes.

Mme Elsie Wayne: Monsieur le président, je sais que le premier ministre est en faveur d'indemniser les anciens combattants de la marine marchande parce que le 29 juin 1992, lorsqu'il était le chef de l'opposition, dans une lettre qu'il écrivait à M. Phil Etter, le monsieur qui est assis à ma gauche ici, il a dit que la Chambre des communes avait adopté un projet de loi visant à indemniser les anciens combattants de la marine marchande et il a fait état de leurs valeureux services, etc., et de la nécessité de les indemniser.

Je veux également ajouter ceci, monsieur le président. Sir Winston Churchill a déclaré:

    La bataille de l'Atlantique n'a pas été remportée par la marine ni par l'armée de l'air; elle a été gagnée grâce au courage, à la force d'âme et à la détermination des marines marchandes alliées.

Il a également été dit qu'aujourd'hui, nous avons l'occasion de corriger une erreur du passé. Nous allons la corriger, monsieur le président. Je constate qu'en Australie, on a reconnu la contribution de la marine marchande. Nous ne l'avons pas fait comme nous aurions dû le faire. Nous l'avons fait en 1992, mais non pas sur un pied d'égalité, en les assujettissant à la Loi sur les pensions et allocations de guerre pour les civils.

Nous rectifions maintenant cela avec le projet de loi C-61. Mais il faut autre chose, et c'est pourquoi j'ai déposé cette motion, monsieur le président, pour nous permettre de tous travailler ensemble pour adopter le projet de loi C-61.

• 1030

Dans un discours à Londres en 1945, le général Dwight Eisenhower déclarait:

    Chaque membre de ce commandement allié exprime sans hésitation son admiration face à la loyauté, au courage et à la force d'âme des officiers et des hommes de la marine marchande. Nous dépendons de leur efficacité et de leur dévouement absolu pour nous épauler; ils ne nous ont jamais laissés tomber et dans toutes les luttes à venir, nous savons qu'ils ne se laisseront pas détourner de la lutte par quelque danger, difficulté ou privation. Lorsque la victoire finale sera nôtre, aucune autre organisation n'aura plus de mérite que la marine marchande.

Je vous le dis, monsieur le président, et je le dis à nos collègues et amis de la Légion royale canadienne. Ils ont besoin de votre plein appui, incontestablement. Je pense que si nous travaillons tous ensemble, nous trouverons une solution qui leur permettra de recevoir l'indemnisation qu'ils méritent depuis 55 ans.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, madame Wayne.

Puisqu'il n'y a aucun autre intervenant, j'aimerais, au nom du comité, remercier M. Parks et M. Rycroft d'être venus ici aujourd'hui et de nous avoir fait part de leurs idées. Nous vous remercions d'avoir pris le temps de le faire. Merci.

Puis-je proposer une très brève pause du président de deux minutes. Nous reprendrons dans un instant.

Merci.

• 1035




• 1038

Le président: Nous reprenons après cette courte pause.

Je suis heureux d'accueillir les représentants des Anciens combattants de l'Association de la marine marchande canadienne ce matin. Nous recevons M. Aurele Ferlatte, président, le capitaine Hill Wilson ainsi que M. Ossie MacLean. Je pense que ces trois messieurs nous diront quelques mots. Bienvenue, messieurs. Qui veut commencer et faire son exposé?

M. Aurele Ferlatte (président, Les anciens combattants de l'Association de la marine marchande canadienne): Je serai là dans un instant.

Le président: Très bien.

Les membres du comité ont en main, ou ont reçu plus tôt, les mémoires préparés par M. Ferlatte et le capitaine Wilson dans les deux langues officielles et un deuxième mémoire du capitaine Wilson également disponible dans les deux langues officielles.

Nous vous remercions de vos mémoires, messieurs, et nous sommes maintenant heureux de passer à vos exposés. Monsieur Ferlatte, je vous en prie.

M. Aurele Ferlatte: Tout d'abord je tiens à remercier le comité. Nous allons commencer en demandant au capitaine Hill Wilson de faire son exposé. Ensuite nous entendrons Ossie, puis, je dirai le mot de la fin.

Le président: Très bien. Merci.

Capitaine Wilson, nous vous écoutons.

Capitaine Hill Wilson (Les anciens combattants de l'Association de la marine marchande canadienne): Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs du comité. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui et je vous remercie de l'occasion qui m'est offerte. Avant de passer à mon mémoire, j'ai entendu l'exposé des membres de la Légion au nom des membres de la marine marchande et deux déclarations me préoccupent. Je demande donc votre indulgence pour revenir sur ces deux points.

• 1040

Excusez-moi, je vois double ce matin, monsieur. Cela n'a rien à voir avec la Saint-Patrick, mais je dois fermer un oeil pour voir ce que je fais.

Tout d'abord, il a été dit:

    Le ministère des Anciens combattants a révélé que seuls quelque 13 p. 100 des anciens combattants de l'armée, de la marine et des forces aériennes se sont prévalus de l'un de ces avantages auxquels ils avaient droit.

Je présume que 13 p. 100, c'est le chiffre juste. Toutefois, ce qui n'apparaît pas dans le mémoire, c'est le fait que les autres 87 p. 100 des anciens combattants ont obtenu une priorité d'emploi lorsqu'ils sont revenus au pays alors que les marins marchands n'ont pas eu cet avantage.

Les membres des forces armées sont partis à la guerre en sachant qu'à leur retour de la guerre, leur emploi et leur ancienneté étaient garantis. Ceux qui n'avaient pas d'emploi avant de se joindre aux forces armées ont été mis en tête de liste pour les emplois disponibles, mais pas les marins marchands. Nous étions à l'arrière de l'autobus, à l'arrière de la ligne.

On a donné un autre chiffre, à savoir que 75 p. 100 des anciens combattants de la marine marchande touchent des prestations du ministère des Affaires des anciens combattants, chiffre qui me semble injustifiable.

J'ai eu une discussion semblable, il y a trois ans, avec un des principaux membres du personnel du ministre, M. MacAulay à l'époque, et d'après ce que j'ai compris, ces chiffres proviennent d'une source externe. Pour établir ce pourcentage, on s'est basé sur le nombre d'anciens combattants de la marine marchande supposés vivants à l'époque. Je sais d'où on a tiré ce chiffre et il n'est pas juste. Je dirais que la vérité se situe à environ la moitié des 75 p. 100.

Maintenant, mon mémoire. J'ai déjà fait parvenir à chacun de vous un mémoire personnel et je vous ai expédié, monsieur le président, trois livres que j'ai écrits ou auxquels j'ai contribué. Je sais très bien qu'au cours des derniers mois, de nombreux mémoires et documents ont été soumis au comité au nom des anciens combattants de la marine marchande, et je crois que d'autres mémoires seront déposés d'ici quelque temps.

Je suis sûr que les membres du comité connaissent bien le contexte dans lequel se situent ces mémoires, mais je veux vous exposer brièvement mes observations personnelles sur le traitement honteux infligé après la guerre aux marins marchands par les gouvernements précédents.

Ces marins étaient des hommes habiles et valeureux; le contre-amiral Leonard, commandant des Forces alliées dans le nord-ouest de l'Atlantique a dit—et non pas Churchill, comme l'avait laissé entendre Mme Wayne—que: «La Bataille de l'Atlantique n'a pas été remportée par la marine ni par l'armée de l'air; elle a été gagnée grâce au courage, à la force d'âme et à la détermination des marins marchands alliés».

Mme Elsie Wayne: Mon cher, Winston Churchill l'a dit et l'amiral Murray l'a repris.

Capt Hill Wilson: Vraiment? Eh bien, voilà. Quoi qu'il en soit, nous en avons pris connaissance.

Je veux donner un visage à ces marins dont parle le contre-amiral Murray.

Que l'on me permette d'affirmer, dès maintenant, que j'appuie pleinement et que j'approuve les vues de notre président, M. Aurèle Ferlatte, des Anciens combattants de l'Association de la marine marchande canadienne, organisme qui représente quelque 1 600 anciens combattants de la marine marchande. Ce bref mémoire vient s'ajouter aux documents que vous avez déjà reçus.

Qui étaient ces marins marchands canadiens qui mettaient leur vie en jeu pour défendre le monde libre? La plupart de ceux qui ont sillonné les mers en temps de guerre achèvent maintenant leur vie, les plus jeunes étant âgés de 70 ans ou presque. Mais à l'époque où le Canada avait un besoin urgent d'hommes, ces anciens combattants étaient les recrues qui ont formé les équipages des navires dont le pays avait besoin pour garder ouvertes les lignes de ravitaillement qui alimentaient les mâchoires d'une guerre avide de fournitures.

Ils étaient jeunes, dynamiques, faciles à impressionner et pressés de répondre à l'appel de notre pays. Ils venaient de fermes dans les Prairies, de villes et de villages côtiers ou de grandes villes industrielles du centre du pays, et des villes et villages du Québec. J'ouvre ici une parenthèse pour vous rappeler que 40 p. 100 des marins marchands tués étaient originaires du Québec.

• 1045

Comme il n'y avait au Canada, à toutes fins utiles, presque personne pour diriger ces navires marchands, on fit venir des officiers brevetés de l'étranger, surtout de Grande-Bretagne. Ceux que nous avions se joignirent presque tous à la marine royale canadienne et formèrent la base des corvettes.

La majorité des marins canadiens sortaient tout droit des écoles secondaires; certains d'entre eux étaient beaucoup trop jeunes pour s'enrôler, mais ils y réussirent. Ils ont laissé leur travail de camelot, leur travail de bureau ou leur ferme. Ils venaient de tous les milieux et formaient des équipages hétéroclites. Leurs noms rappelaient les origines nationales, culturelles et religieuses diverses de leurs parents et de leurs ancêtres, mais en peu de temps, les différences s'estompèrent et tous ces volontaires devinrent des marins marchands compétents. Même si pour la vaste majorité d'entre eux, ce travail était différent de tout ce qu'ils avaient fait jusque-là, ils firent de leur mieux pour accomplir ce que l'on attendait d'eux et ils apprirent rapidement.

Les hommes avec qui j'ai navigué ne s'attendaient pas à beaucoup de choses de leur gouvernement; ils se sont engagés dans la marine pour aider à défaire l'ennemi et ils sont heureux d'être revenus vivants de cette guerre. Ils ont cru leur gouvernement lorsque ce dernier leur a affirmé qu'ils pourraient, après la guerre, faire carrière dans la marine marchande canadienne. Ils n'étaient sans doute pas en mesure de comprendre les contraintes économiques auxquelles les sociétés de transport maritime faisaient face, mais ils étaient confiants que leur gouvernement comprendrait: ils s'attendaient donc vraiment à pouvoir continuer à naviguer pendant le reste de leur vie active.

Ils voulaient entendre la vérité de la part de leur gouvernement, et ils y avaient droit. Mais que leur a-t-on dit? Certains ont été récompensés de leurs efforts par des souffrances horribles: huile brûlante, éclats de shrapnel, choc de torpillages, explosions de bombes ou de mines, obligation d'abandonner leur navire en détresse en sautant dans des embarcations de sauvetage, sur des radeaux ou après avoir seulement enfilé un gilet de sauvetage; ils ont souffert du froid, de la chaleur et de la faim, certains sont morts de froid après ce qui a certainement été une longue agonie. Ils ne bénéficiaient pas du même appui que leurs collègues militaires pour surmonter les séquelles des traumatismes et du stress résultant de ces terribles expériences, mais la plupart d'entre eux s'engageaient à nouveau le plus tôt possible et sans hésitation sur le prochain navire en partance. Après tout, au cours des premières années de guerre, ils ne recevaient plus de solde dès que leur bateau avait sombré.

L'honorable C.D. Howe, alors ministre de la Reconstruction et des Approvisionnements, affirmait, à propos de nos marins:

    De toutes les actions héroïques de la dernière guerre, le rôle des marins marchands qui se sont rendus dans les zones de combat mérite une place d'honneur. Ces hommes se sont acquittés de leurs tâches quotidiennes sous la menace constante de sous-marins et de vaisseaux ennemis. Ceux qui ont perdu la vie au service de la marine marchande méritent la même reconnaissance que ceux qui sont morts au combat.

Mais pourquoi ne parle-t-il pas de la reconnaissance envers les survivants? Il poursuivit:

    Si nos navires marchands n'avaient pas pu compter sur des équipages prêts à affronter les dangers et les attaques de l'ennemi, beaucoup de régions du Royaume-Uni auraient été aux prises avec la famine, ce qui aurait bien pu entraîner notre défaite. Les marins marchands canadiens ont fait face à ces situations de plein gré et, ce faisant, ils ont joué un rôle primordial pour assurer notre victoire.

Il s'agit des mêmes hommes dont le contre-amiral Murray louait le courage, mais à la fin des hostilités, lorsqu'ils eurent perdu leur emploi à la suite de la vente des navires ou qu'ils eurent démissionné, ils éprouvèrent beaucoup de difficultés à se trouver des emplois parce qu'on accordait la préférence aux anciens combattants des forces armées. Et ceux qui tentaient de parfaire leur éducation constatèrent qu'ils appartenaient à une tout autre catégorie que leurs camarades militaires pour ce qui était des avantages offerts.

Mais qu'est-ce qui se cachait derrière les promesses faites par le Canada à ces hommes pour les inciter à prendre la mer, promesses d'une carrière durable en mer, et derrière les incitations à rester sur leurs navires après la guerre? Pourrait-on expliquer la situation en reprenant l'une des nombreuses citations attribuées à sir Winston Churchill et qui s'appliquait à ses amis plutôt qu'à ses ennemis: «En temps de guerre, la vérité est si précieuse qu'elle devrait toujours être défendue par une garde de mensonges.»

Ce ne sont peut-être pas des mensonges que l'on a racontés aux marins marchands qui se sont enrôlés en temps de guerre ou à ceux qui ont poursuivi leur carrière après la fin des hostilités, mais il semble y avoir certaines preuves étayant les soupçons que les promesses d'emploi futur ou de «carrière durable en mer» pour les marins marchands n'étaient pas aussi solides qu'on a bien voulu le leur laisser croire.

• 1050

L'honorable C.D. Howe, à titre de ministre des Munitions et des Approvisionnements et dont le ministère était chargé de la construction des navires, a déclaré:

    [...] j'espère que les navires construits pendant la guerre répondront aussi, dans une large mesure, aux besoins du Canada après la guerre [...]

Il ajouta même, devant les membres de la Chambre des communes:

    En ce qui a trait au programme actuel de construction, nous construisons des navires dont nous savons que le Canada aura besoin, des navires qui feront leurs preuves, des navires qui constitueront l'infrastructure de la flotte marchande qui sera nécessaire au Canada.

L'année précédente, il avait déclaré:

    Nous nous attendons à ce que la marine marchande canadienne soit une importante source d'emplois au cours des années qui suivront la guerre et qu'elle sera alors un réel avantage pour le commerce canadien.

Mais vient ensuite l'honorable M. Michaud, ministre des Transports, et il semble avoir été en désaccord avec M. Howe sur ce point, car il aurait dit, au cours d'une allocution publique: «Je ne crois pas qu'il sera avantageux pour le Canada de s'engager dans le transport maritime à grande échelle après la guerre.»

Je demande ceci aux membres du comité: d'après vous, lequel de ces deux parlementaires avait raison?

Il faut se rappeler que moins de dix ans avant ces déclarations, lesquelles ont été faites au milieu de la guerre, le Canada avait vendu, en 1936, les derniers navires de la Marine marchande du gouvernement du Canada (MMGC). Ces navires avaient été construits pour servir pendant la Première Guerre mondiale, mais ils avaient été achevés trop tard pour être utilisés pendant ce conflit. Notre gouvernement avait appris de dure façon qu'il est futile de tenter d'être compétitif dans le monde du transport maritime lorsqu'on ne dispose que de navires périmés dont l'exploitation coûte très cher. Les politiciens de l'époque avaient-ils retenu quelque chose de cette leçon? Il est permis d'en douter!

Sur quels types de navires nos marins marchands canadiens ont-ils servi pendant la Seconde Guerre mondiale? Ils ne s'attendaient certainement pas à des navires de classe «Park», navires de 10 000 tonnes décrits comme «gros navires de charge et navires-citernes tout usage capables d'une vitesse de 10 noeuds», transportant plus de membres d'équipage que les navires modernes qui sortaient des chantiers et pouvaient atteindre les deux tiers de leur vitesse de 15 noeuds. Je mentionne aussi les navires de «Victory» que les États-Unis construisaient depuis le milieu de la guerre, et je rappelle que les Britanniques avaient eux aussi entrepris, dès 1943, un programme de construction de navires plus efficaces et plus économiques, notamment des navires à moteurs.

Le livre intitulé The Massacre décrit le type de navires que les Britanniques construisaient à cette époque. Le livre raconte aussi, malheureusement, la tragique histoire de l'un de ces navires dont l'équipage fut assassiné par les Japonais après qu'il eut fait naufrage dans l'océan indien. Il s'agissait de la marine japonaise impériale. L'amiral responsable a été exécuté après la guerre. Ce livre vaut vraiment la peine d'être lu.

Nos navires de classe «Park» avaient été construits suivant un modèle de conception britannique d'avant la guerre, modèle choisi parce qu'il était de construction simple et parce qu'il était facile à manoeuvrer par un équipage nouveau et sans formation. Les navires, bien construits par les travailleurs canadiens des chantiers maritimes, exigeaient beaucoup de main-d'oeuvre pour en assurer l'exploitation, consommaient beaucoup de carburant et, à l'instar de leur homologue américain, le «Liberty», étaient en réalité une récompense d'après-guerre pour les pays à faibles salaires.

À la fin de la guerre, on comptait 40 p. 100 de plus de ce type de «gros navires de charge capables d'une vitesse de dix noeuds» qu'il n'y en avait avant la guerre, par rapport au pourcentage de navires spécialisés qui était beaucoup moins élevé qu'avant la guerre.

Aux États-Unis, la politique de transport maritime avait amené le dépôt au Congrès d'un projet de loi connu sous le titre de HR4486, dans le but d'établir un programme de vente, par le gouvernement, de la vaste flotte de navires marchands qu'il possédait après la guerre. Si l'on en juge d'après la formule compliquée qui fut mise au point, l'acheteur devait payer environ le tiers du coût du navire, ce qui signifiait en général de 60 à 70 $ la tonne de port en lourd, mais les conditions devaient être généreuses, soit 12,5 p. 100 de comptant et le reste sur 20 ans. Les Américains avaient trois à quatre mille navires à vendre aux étrangers, ce qui allait entrer en concurrence directe avec l'industrie canadienne du transport maritime d'après-guerre.

Il s'avéra que les États-Unis et la Grande-Bretagne allaient, en fait ils y furent contraints, concevoir une politique commune mutuellement acceptable, mais il n'en demeurait pas moins que d'autres nations maritimes avaient tiré des plans pour leur flotte nationale de navires marchands.

• 1055

Tout comme ce fut le cas après la dernière guerre, plusieurs pays cherchaient à se constituer une marine marchande—la Norvège, la Suède, la Belgique, la Hollande, la Grèce, la Yougoslavie voulaient tous reprendre, et si possible, accroître leur transport maritime. Le Comité du Franc libre avait déjà annoncé son intention de s'approprier une part raisonnable du commerce maritime mondial. Selon les rapports de l'époque, le gouvernement grec avait dit qu'après la guerre, il devait avoir droit à un paiement de réparation en matière de transport maritime constitué d'au moins 50 navires de ligne, et un volume adéquat de tramping.

De son côté, le gouvernement polonais avait officiellement annoncé que la Pologne devait avoir une flotte marchande de 1 000 000 de tonnes. Le gouvernement argentin entreprit un programme d'acquisition de navires qu'il avait déjà lancé et proposa de porter sa flotte nationale à 100 navires après la guerre, selon Jose Bares, gestionnaire de la flotte d'État, navires qui seraient utilisés pour les échanges interaméricains.

Certains soutenaient que le premier ministre Chiang Kai-Shek avait dit que la Chine aurait besoin de 3 500 000 tonnes de transport maritime au cours des dix premières années après la guerre. L'Union soviétique, qui possédait jusque-là peu de navires, devait décider d'entreprendre des opérations à une plus grande échelle, ce qu'elle fit.

D'autres pays, dont notre voisin les États-Unis, firent preuve de protectionnisme en accordant des subventions visant à préserver leur marine marchande, geste que n'imita pas notre gouvernement. Le seul incitatif consistait à exiger des armateurs canadiens, qui avaient acheté les bâtiments à la Park Steamship, qu'ils utilisent l'argent de la revente des navires à des étrangers et le mettent en garantie pour l'amélioration de la flotte canadienne. Cependant, la majeure partie de cet argent mis en garantie fut affectée à la construction de navires côtiers; à ma connaissance, seulement trois navires étrangers ont été construits dans le cadre de ce programme, mais il appert que les remorqueurs côtiers pour la Colombie-Britannique, et les navires pour une société des Grands Lacs bénéficièrent apparemment de l'argent mis en garantie.

Devons-nous sérieusement croire que l'honorable C.D. Howe n'était pas suffisamment informé pour réaliser que les navires d'urgence construits en temps de guerre, les «navires à cargaisons diverses de dix noeuds» dont il parlait, étaient trop nombreux, peu économiques à exploiter pour une société canadienne en raison des équipages importants qu'ils nécessitaient? Quel miracle devions-nous attendre qui permettrait à une société canadienne d'exploiter ces navires tout en faisant concurrence à la Grande-Bretagne, à la Grèce, à l'Italie ou à une multitude d'autres pays où les salaires étaient beaucoup moindres qu'au Canada? Et sans subvention pour l'industrie canadienne du transport maritime? Foutaise!

M. J. V. Clyne, dans le rapport de la Commission qu'il dirigea peu de temps après la guerre, dit ceci:

    Le coût d'exploitation d'un navire battant pavillon canadien est le deuxième en importance au monde. Si l'on compare les coûts d'exploitation quotidiens (en excluant le carburant et l'amortissement) de navires semblables de neuf pays, les États-Unis viennent en tête avec 972,52 $, le Canada au deuxième rang avec 810,50 $, le Royaume-Uni se situant au sixième rang avec 525,46 $ et l'Italie au dernier rang avec 421,71 $.

Devons-nous croire que l'honorable C.D. Howe ne s'était pas rendu compte de cela quelques années auparavant, lui qui, en tant que ministre, devait disposer d'un important personnel de recherche? Ou est-il possible qu'il voulait que les navires soient dotés d'équipages et actifs afin de les rendre plus attrayants aux yeux des acheteurs étrangers plutôt que de les «remiser», ce qui aurait été suffisant pour refuser les avantages de la démobilisation aux marins marchands, assurer une main-d'oeuvre suffisante, «et que mon gouvernement recouvre son investissement» comme le signala le commissaire J.V. Clyne?

Le premier ministre de la Nouvelle-Écosse et ancien ministre de la Défense nationale pour les services navals, le très honorable Angus L. Macdonald, dit ceci:

    Du milieu de l'été 1940 à la fin de la guerre, j'étais en mesure de voir et de comprendre la nature des risques que tous les marins de la marine marchande devaient courir et des difficultés auxquelles ils devaient faire face. Je puis dire avec assurance que n'eut été la bravoure des marins de la marine marchande du Canada, de la Grande-Bretagne et des États-Unis, la guerre aurait peut-être bien pu être perdue, avec tout ce qu'une telle éventualité impliquait pour les pays libres du monde.

    Tous les honneurs reviennent aux marins de la marine marchande des pays alliés. Puissent leurs sacrifices héroïques et leur bravoure n'être jamais oubliés par notre peuple.

• 1100

Il semble que les marins de la marine marchande canadienne ont été oubliés, mis de côté par les gouvernements du Canada pendant 50 ans. Aujourd'hui, 55 ans plus tard, ils doivent être acceptés comme anciens combattants et nous en remercions notre gouvernement. Cependant, nos camarades militaires que nous respectons et admirons, grâce aux sommes qui leur ont été accordées et qu'ils méritaient grandement, ont pris de l'avance sur nous, avance que nous n'avons jamais rattrapée. Le moment est venu de le faire.

Bref, les jeunes Canadiens s'enrôlèrent pour servir leur pays et sacrifièrent leur vie au besoin dans cet effort de guerre vital et dangereux pour assurer les approvisionnements. À cette époque, leur héroïsme fut louangé, et avec raison, par les hauts gradés. Mais alors vint la fin de la guerre, ces braves marins à qui on répéta à maintes et maintes reprises durant la guerre que leur carrière en mer était assurée, se rendirent compte que ces promesses étaient vides de sens.

Les gens qui occupaient des postes ministériels devaient savoir, ou ils ont choisi de faire la sourde oreille, que l'état du service maritime canadien n'était pas viable sans un appui fort et des navires autres que les navires lents et peu économiques dont disposait le Canada. Cette aide n'a pas été offerte. Le service canadien de la marine marchande a été décimé. Les engagements pris à l'égard de ces marins ne furent pas honorés.

Monsieur le président, si vous le permettez, j'aimerais interjeter une note personnelle. En 1953, j'avais 25 ans lorsqu'on m'a retiré de mon dernier navire amiral canadien, le S.S. Sicamous. Le navire a été vendu à une entreprise grecque. Le S.S. Sicamous avait été mon foyer. J'ai été son capitaine en second pendant un an et demi et nous venions de terminer notre deuxième voyage vers la Corée en guerre. Je peux témoigner du fait que les marins canadiens qui composaient l'équipage de ce navire étaient sans pareils.

Je le dis en toute confiance car j'ai été pilote sur la côte de la Colombie-Britannique pendant 26 ans et j'ai 3 014 affectations à bord de navires étrangers. J'ai piloté de petits navires de pêche soviétiques et polonais, des bateaux de croisière comme le Royal Princess, des navires de guerre puissants comme le USS Missouri ou l'énorme porte-avion nucléaire USS Nimitz, et je peux donc affirmer qu'aucun équipage sur ces navires n'était supérieur à nos marins canadiens. Vous pouvez être fiers d'eux. Nos hommes ont travaillé fort et lorsqu'à quelques reprises l'occasion s'en est présentée, ils ont joué fort. Mais le navire passait toujours en premier. Ils en étaient fiers.

Pourtant, à l'été de 1953, l'équipage du navire amiral canadien S.S. Sicamous a été largué, sans cérémonie. Avec le temps, on peut presque entendre les paroles qui venaient d'Ottawa: «Salut les gars. Soyez prudents. On vous verra lors de la prochaine guerre».

Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, j'espère sincèrement que vous vous acquitterez honorablement de votre tâche, et qu'au nom du peuple canadien, vous mettrez un terme à cette injustice difficile à accepter et qui dure depuis trop longtemps, et que vous recommanderez au gouvernement d'établir un règlement équitable pour tous les anciens combattants de la marine marchande et leurs veuves. Ils ne méritent rien de moins. Une fois de plus, je vous remercie de me permettre de vous présenter ce mémoire. Merci.

Le président: Merci, capitaine Hill. Vous nous avez présenté ce très intéressant mémoire avec beaucoup d'élégance, et je suis sûr que nous sommes tous d'accord avec vous.

Monsieur Maclean.

M. Ossie MacLean (Les anciens combattants de l'Association de la marine marchande canadienne): Bonjour, mesdames et messieurs, monsieur le président. Mon mémoire est court, mais je voudrais dire quelques mots concernant la Légion royale canadienne. Les interventions d'aujourd'hui m'ont enflammé. Les portes étaient fermées aux marins de la marine marchande depuis 1926, et elles viennent tout juste de s'ouvrir. J'ai des hommes au Nouveau-Brunswick. On refuse de les accueillir à la Légion royale canadienne. J'ai un homme sur l'Île de Grand Manan où même les civils sont accueillis dans la Légion. Lorsqu'elle prétend appuyer la marine marchande, c'est faux, et je peux le prouver.

• 1105

Cette réunion d'aujourd'hui—et je vous remercie d'avoir tenu parole et de nous avoir invités de nouveau—est consacrée exclusivement à la marine marchande. L'heure des autres victimes viendra, mais on parle de la marine marchande aujourd'hui à cause de ceux qui font la grève de la faim, et j'espère qu'ils verront la solution qu'on va apporter au problème, mesdames et messieurs.

Ainsi, au bout de 11 jours et demi de grève de la faim, on reçoit ce genre de courrier. Il s'agit du 75e anniversaire de l'armée de l'air—félicitations. C'est un document de 96 pages. Je vous décerne une médaille si vous y trouvez les initiales MN, ou celles des grévistes de la faim, ou les noms des hommes de la marine marchande. Les seuls qu'on y trouve sont ceux qui meurent, et ils sont à la dernière page.

Quant aux deux messieurs qui sont ici... Nous avons besoin de leur appui. Nous avons besoin de tous les appuis, notamment de celui du comité, mais de les écouter... j'ai bien du mal à garder mon calme. Elsie Wayne m'a dit de rester calme.

Le président: Elle en est capable.

M. Ossie MacLean: Pourtant, je ne suis pas comme cela. Il y a cinq ans, j'ai demandé au Secrétariat du 69e d'écrire à ce comité et aux Affaires des anciens combattants. Le président m'a appelé le lendemain et m'a dit: «Le ministère prétend que vous avez déjà tout obtenu; qu'est-ce que je peux leur dire?»

Je vais vous dire ce qui me vient à l'esprit.

En tout cas, messieurs, j'espère que vous avez bien étudié la question et que vous avez écouté la vidéo Sail or Jail, de Cliff Chadderton. Je connaissais à peu près la moitié de ce qui se passait, mais après l'avoir écoutée, je me suis littéralement enflammé. Je prie le Seigneur que vous autres, les jeunes farfelus, regardiez cette vidéo ainsi que le livre qui vient de paraître—53 ans trop tard. C'est un livre extraordinaire, et j'aime beaucoup la lettre charmante du ministère des Affaires des anciens combattants qui l'accompagne. Il faudrait diffuser cela dans les écoles et j'ai veillé moi-même à en donner dans les écoles du Nouveau-Brunswick, car j'en ai reçu 25.

Je connais un homme qui s'appelle Richard Lightly. Il était dans l'armée. Il a regardé la vidéo avec cinq autres anciens soldats. Il m'a appelé dimanche soir et il m'a dit: «Monsieur MacLean, je ne sais pas vraiment ce que le gouvernement du Canada vous a fait et la seule chose que je puisse faire pour vous... J'en commande cinq, une pour moi et je vous donne les quatre autres, vous pourrez en donner deux aux collèges de la ville de Saint John, une à l'Université à Saint John et un à l'Université à Fredericton. Vous avez un petit-fils qui va au collège. Donnez-lui-en une pour qu'il la montre à son doyen.» Tout cela est en cours, et j'en suis bien content.

Mon mémoire est très court. Il vise à rappeler à ce comité que pour les marins de la marine marchande en temps de guerre, les dangers ont disparu non pas en 1945, mais plutôt en 1947, à cause des mines qui infestaient encore tous les océans.

En 1994, je crois, lorsque nous avons déposé ce livre dans la Tour de la Paix, la sous-ministre Sheila Copps a fait un discours pour dire que pour ces héros pleins de bravoure, ces hommes de la marine marchande, la guerre ne s'était terminée qu'en 1947. Donc, celui qui est arrivé dans la marine marchande au milieu de 1945 et qui a navigué jusqu'en 1948 a fait deux ans et demi de service, et non pas six mois.

Nous demandons qu'une loi du Parlement accorde des prestations étendues, une prestation de pension et le programme pour l'autonomie des anciens combattants que ceux de la marine marchande attendent depuis trop longtemps. La loi devrait comprendre également des prestations aux survivants. Je dois vous rappeler que l'honorable Brian Mulroney a donné aux Japonais 21 500 $ à chaque membre de la famille, non pas uniquement à la veuve, mais aux petits-enfants, et je pense qu'il devrait en aller de même pour tous les membres de la famille des anciens combattants de la marine marchande, et non pas uniquement pour les veuves.

• 1110

Troisièmement—chemin faisant, je vois qu'il y a bien des choses à rajouter. Un soldat qui a servi de six mois à un an en temps de guerre mais qui n'a jamais quitté le Canada a droit à ces prestations. Nous demandons donc que les anciens combattants de la marine marchande y aient droit également. Cliff Chadderton a parlé de 5 000 $; moi, j'en demande de 15 000 à 30 000 selon la durée du service. Je demande également qu'une pension mensuelle de 150 $ soit versée à tous les anciens combattants de la marine marchande qui vivent encore. Ce dont on nous prive profite à la trésorerie fédérale... ce qui n'est pas exact, je crois, mais c'est ce que nous a dit le capitaine Hill Wilson aujourd'hui.

Ces montants d'argent doivent être exonérés d'impôt.

En ce qui concerne le Fonds du Souvenir, il serait préférable que l'indemnisation forfaitaire soit calculée sur une échelle dégressive de 22 500 $ pour un service à plein temps jusqu'à 11 000 $. Le dernier Fonds du Souvenir a été rabaissé de 22 500 $ à 11 000 $, et je crois qu'il faut le ramener à 22 500 $.

La pension d'invalidité ne devrait pas être récupérée lors des premiers versements de la pension de vieillesse. Pourquoi ceux qui ont touché une pension d'invalidité pendant des années devraient-ils la perdre lorsqu'ils touchent la pension de vieillesse? J'ai touché une pension d'invalidité à partir de 1982, après être tombé du toit d'un immeuble du gouvernement. Lorsque j'ai eu 65 ans, elle m'a été supprimée. Je suis pourtant toujours invalide. Pour moi, ce n'est pas juste. Si c'était vous qui touchiez une pension d'invalidité et que vous atteigniez l'âge de la pension de vieillesse, je suis prêt à parier qu'on ne vous supprimerait pas votre pension d'invalidité.

Les anciens combattants de la marine marchande devraient avoir une carte d'assurance médicale pour anciens combattants pour indiquer qu'ils ont fait la guerre. Vous vous demandez tous de quoi je parle. Il ne s'agit pas uniquement des anciens combattants de la marine marchande. Je parle maintenant de tous les anciens combattants. Voici une bouteille de sirop pour la toux. Je bénéficie du programme d'assurance des anciens combattants. Je suis pauvre, mais lorsque je vais à la pharmacie, comme n'importe quel autre ancien combattant—c'est un narcotique, mais je ne me saoule pas avec—il m'en coûte 25 $. Personne ne me rembourse, ni le gouvernement provincial, ni le ministère des Anciens combattants. Ce n'est pas juste. Si vous voulez supprimer des prestations aux gens ordinaires, pour l'amour du ciel, ne les supprimez pas aux anciens combattants qui ont sauvé non seulement le Canada, mais le monde entier.

Je vais revenir un instant en arrière. J'ai fait partie des chanceux qui sont allés à la bataille de l'Atlantique en 1992. Lorsque l'évêque a fait son discours, il a dû rajouter quelque chose à la fin. Sans les marines marchandes du monde, qui ont transporté la nourriture, les munitions, le carburant et tout le reste, l'Angleterre aurait été perdue, et elle était trop loin pour que le Canada et les États-Unis puissent la récupérer.

Deuxièmement, ceci est un chauffe-corps qui se porte sur le cou par les épaules. J'ai des problèmes de vertèbres. J'ai eu une prescription de mon médecin pour me le procurer. Le pharmacien m'a dit: «Monsieur MacLean, ils ne paient que 15 $.» J'ai répondu: «De quoi parlez-vous?» Ils ont apporté un petit coussin, grand comme ça, pour réchauffer les mains en hiver. J'ai dit: «Rendez-moi la prescription. Nous allons y voir.»

• 1115

J'ai appelé au MAAC à Saint John, Nouveau-Brunswick—soit dit en passant ça coûte 39,99 $ plus taxe. On m'a dit que je devrais appeler à Halifax. Alors j'ai appelé à Halifax, et on m'a dit, qu'on ne remboursait que 15 $. Alors j'ai répondu: «Je vais devoir en acheter quatre». Ils m'ont dit que je ne pouvais pas faire cela.

J'ai fait trois appels téléphoniques sans avoir de réponse. Alors j'ai appelé ma bonne amie Verna, qu'on a rencontrée ici la dernière fois, de l'Île-du-Prince-Édouard, et elle a dit, il me semble connaître cette voix. Alors je lui ai raconté mon problème. Elle a dit: «Je ferai un appel à Halifax, monsieur Maclean». On m'a appelé vendredi après-midi et on a dit, selon cette dame, ils sont tous partis, et on vous rappellera lundi matin.

Eh bien, ils m'ont rappelé le lundi matin, et après trois appels téléphoniques de plus, j'ai rejoint un homme qui m'a dit qu'il examinerait mon cas et que j'aurais besoin d'une lettre de mon médecin. J'ai dit: «Écoutez. Ça fait deux semaines et demie que j'essaye d'obtenir ce chauffe-corps. Vous me dites que je dois recontacter mon médecin. Faut-il que j'appelle Ottawa ou quelqu'un?»

Je ne parle pas simplement pour moi-même. Je ne suis pas le seul à avoir eu cette expérience.

Monsieur Wood, écoutez.

M. Bob Wood: C'est ce que je fais.

M. Ossie MacLean: Merci.

En tout cas, j'ai fini par l'avoir. Ils m'ont appelé et m'ont dit: «On va le payer. Donnez-moi une demi-heure pour appeler la pharmacie, puis allez le chercher.»

J'aimerais voir des changements à ces règlements. Un paiement de 15 $—c'est quand ils avaient des bouillottes, en 1945.

J'ai quelques autres questions à soulever. Le terme «hautes mers» devrait être changé pour «eaux dangereuses», parce qu'on prend les hommes qui ont navigué dans le Saint-Laurent... Ce sont des eaux côtières, n'est-ce pas? Beaucoup d'hommes ont été tués dans le fleuve Saint-Laurent. Je pense qu'on devrait changer «hautes mers» pour «eaux dangereuses».

Le Fonds du Souvenir ne devrait-il pas absorber les coûts des funérailles d'un ancien combattant de la marine marchande? S'il ne le paie pas, il faut attendre cinq ans pour avoir une pierre tombale pour l'ancien combattant. Cela devrait être fait dans un délai de six mois.

Les frais de voyage devraient être augmentés de 11c par kilomètre pour le Nouveau-Brunswick à un minimum de 28c par kilomètre. Les autres provinces devraient s'ajuster selon le taux fédéral en vigueur.

Une fois établis le montant du paiement et des prestations, on devrait fixer une date pour la réception de ces chèques et prestations par les anciens combattants de la marine marchande.

Voilà mon court mémoire. Je vais dire une chose de plus. On va donner un mandat à ce comité, mais c'est l'affaire de M. Ferlatte, notre président. Je vous remercie beaucoup, mesdames et messieurs, et j'espère et que vous ferez ce qu'il faut faire. Je ne veux pas passer par une autre grève de faim.

Le président: Merci, monsieur MacLean.

J'ai deux choses à dire avant de passer à M. Ferlatte.

Je pense que je vous comprends. Sans vouloir vous contredire, le mandat des membres du comité vient des citoyens du Canada, qui nous ont élus parmi les divers partis. On nous a dûment assignés à ce comité. Donc, c'est de là que vient notre mandat. C'est ce que votre lutte, à vous et aux autres anciens combattants, a servi à obtenir.

L'autre chose que je vais répéter, sans vouloir vous contredire, c'est que vous n'êtes pas là à cause d'une grève de la faim, mais parce qu'en tant que Canadiens, vous exercez votre droit de comparaître devant un comité parlementaire. Nous entendons littéralement des milliers de délégations à divers comités à travers le Canada. C'est pour cela que vous et les autres anciens combattants avez lutté.

Simplement pour clarifier, vous êtes là, et tout ce qui était nécessaire était de faire une simple demande, selon notre procédure, pour avoir le droit de comparaître. Nous sommes très heureux que vous soyez des nôtres aujourd'hui.

Nous allons passer à M. Ferlatte.

• 1120

M. Aurele Ferlatte: Monsieur le président, le débat, lors de la réunion du comité qui s'est tenue le 28 novembre 1998, a porté principalement sur le fait que le gouvernement canadien a, de façon répétée, failli à ses responsabilités vis-à-vis des anciens combattants qui ont servi dans la marine marchande canadienne au cours de la Seconde Guerre mondiale en refusant de leur verser des pensions, des allocations ainsi que des indemnités de rétablissement adéquates. Mes collègues et moi-même reconnaissons que nous avons été mis au courant des principes sous-tendant le projet de loi omnibus, au cours d'une réunion à laquelle assistaient M. Robert Wood, secrétaire parlementaire, ainsi que M. Richard Brunton, membre du Cabinet du ministre des Anciens combattants. Néanmoins, nous n'avons pas eu la possibilité de parler du projet de loi, sous prétexte qu'il n'était pas à l'ordre du jour de la réunion du 26 novembre 1998.

Les circonstances ne sont plus les mêmes, et à ce que nous sachions, l'objet de la présente audience est de donner aux anciens combattants de l'Association de la marine marchande du Canada ainsi qu'à d'autres organismes l'occasion d'exprimer son opinion sur le texte du projet de la loi C-61, à condition de respecter les délais raisonnables qui lui seront imposés pour ce faire. Le ministre des Anciens combattants nous a informés que le projet de loi était une «formalité» dont l'objet était d'assujettir les anciens combattants de la marine marchande aux dispositions de la Loi sur les pensions aux anciens combattants et de la Loi sur les pensions, et non plus de plusieurs lois s'appliquant aux civils. Dans ce contexte, nos observations sont les suivantes.

Dès lors que, conformément aux procédures qui s'appliquent à la deuxième lecture à la Chambre des communes, le comité est chargé d'examiner le projet de loi C-61, nous sommes prêts à déclarer que, de l'avis de notre Association, le projet de loi omnibus est satisfaisant. Le comité, comme le gouvernement, sait que nous cherchons à faire en sorte que le projet de loi omnibus prévoie des avantages supplémentaires, notamment: un paiement forfaitaire aux anciens combattants de la marine marchande à titre d'indemnisation pour leur avoir refusé des prestations de rétablissement à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

L'Association que j'ai le privilège de représenter est fermement convaincue que les arrangements nécessaires devraient être faits pour permettre au Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants d'entendre d'autres témoignages à propos de ce qui pourrait être décrit comme des allocations supplémentaires qui viendraient s'ajouter à celles qui sont prévues dans le projet de loi omnibus. Je suis heureux de constater que dans la lettre que vous avez adressée le 12 février 1999 à M. H.C. Chadderton, vous vous êtes engagés à procéder ainsi.

Nous appuyons sans réserve aucune la position si bien définie et décrite dans la présentation vidéo préparée par M. H. Clifford Chadderton, président du Conseil national des associations d'anciens combattants et expert-conseil auprès de notre association. Grâce à ses recherches assidues, il a pu mettre en lumière les raisons précises pour lesquelles on a refusé de verser aux marins marchands des allocations d'anciens combattants.

Le lamentable manque d'intégrité du gouvernement canadien est bien démontré par les faits historiques suivants: une promesse écrite selon laquelle les services rendus par les marins marchands devraient être considérés d'une valeur égale aux services rendus par les membres des forces armées en uniforme; l'engagement pris par le gouvernement du Canada de soutenir une marine marchande viable après la fin de la Seconde Guerre mondiale; une déclaration explicite démontrant que le gouvernement a refusé d'accorder aux marins marchands des allocations d'anciens combattants parce qu'il prévoyait avoir recours aux services de ces marins marchands en temps de paix au sein d'une marine marchande établie en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada; l'échec des plans concernant le fonctionnement de cette marine marchande en temps de paix à cause de la faiblesse des salaires proposés; les menées d'un gangster qui ont détruit la Canadian Seamen's Union, le seul organisme viable capable de négocier des salaires décents pour les marins marchands canadiens et, partant, le seul organisme ayant l'influence nécessaire pour contester la politique gouvernementale qui privait les marins marchands de prestations de rétablissement.

Un document de deux pages, produit par Anciens combattants Canada, a été distribué lors de l'audience du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants qui a eu lieu le 1er décembre 1998. Nous souhaitons maintenant attirer l'attention du comité sur certains des points soulevés dans ce document car, à notre avis, le seul objectif de ses auteurs était de faire rejeter les propositions présentées par notre association concernant le paiement d'une somme forfaitaire pour compenser les prestations de rétablissement dont ont été privés les anciens combattants appartenant à la marine marchande. En deux mots, nous sommes d'avis que l'information que renferme ce document reflète l'idée maîtresse qui sous-tend des décisions arbitraires et inconséquentes que n'appuie aucune preuve substantielle. Les questions auxquelles le comité devrait tenter d'apporter une réponse sont énoncées dans la pièce justificative «A».

De façon générale, le présent mémoire a pour objet de contrer l'argument sur lequel repose le document intitulé «La marine marchande» Les faits (du moins c'est ce que l'on prétend), qui a été publié par Anciens combattants Canada. On trouvera, ci-joint, copie d'un autre document—une flèche décochée plus récemment par Bob Gardham, directeur, Direction des communications, Anciens combattants Canada—qui a été publié, nous le savons, dans les journaux à travers le Canada. Nous joignons également copie de la réponse signée par Foster Greizic, Cliff Chadderton et Muriel MacDonald.

• 1125

M. Gardham a dit que:

    [...] contrairement aux membres des forces armées démobilisés, les anciens combattants de la marine marchande ont, de façon générale, continué à gagner un salaire et ont donc eu la possibilité d'organiser leur avenir dans l'économie en plein essor d'après-guerre.

Le simple fait d'insinuer cela... et nous sommes la preuve vivante que cela est faux. Il continue:

    En outre, les anciens combattants de la marine marchande ont reçu ce qui était considéré comme une gamme équitable d'allocations d'anciens combattants, pour reconnaître leur contribution considérable à l'effort de guerre.

Encore une fois, c'est très trompeur.

J'aimerais attirer l'attention du comité sur le fait que les écrits de M. Gordham sont un autre exemple des tentatives qui sont faites pour défendre le bien-fondé d'une injustice qui demeure entière.

Admettez-le, messieurs, aucune contorsion politique ne changera le fait que le gouvernement canadien en place après la guerre s'est trompé lorsqu'il a soutenu les armateurs en faisant fi des droits démocratiques des marins marchands.

Étant donné que c'est peut-être la dernière occasion que nous avons de nous adresser au comité, j'aimerais prendre un peu de temps pour lire une partie d'une lettre que je viens de recevoir d'un ancien marin marchand. Ça ne prendra qu'une seconde car je sais que nous n'avons plus beaucoup de temps.

M. Lorne G. Goudey était manoeuvrier sur le SS Colborne et a été blessé quand son navire a été bombardé et mitraillé par les Japonais dans le port de Penang en Malaisie en 1942.

Je ne veux pas entrer dans les détails, sauf pour dire que M. Goudey a été hospitalisé à son retour et n'a pu reprendre la mer. Il avait été marin à bord du Chomedy depuis 1935. Au bout du compte, il a été obligé d'abandonner sa maison et d'aller vivre avec son gendre à Oshawa. Durant ces années de vache maigre, il a réussi à subvenir aux besoins de sa famille en occupant divers petits emplois. Il ajoute que ce n'est qu'en 1992 qu'il a pu bénéficier d'une petite pension de 85 $ par mois, en compensation des blessures qu'il avait subies, mais que ce montant était défalqué, ainsi que la pension de vieillesse que sa femme et lui touchaient et qui se chiffrait à 816 $ par mois, ce qui laissait une petite pension allouée dans le cadre du Programme pour l'autonomie des anciens combattants qui s'élevait à 590 $ par mois, le maximum des allocations pour les couples mariés étant fixé à 1 491 $ par mois.

Franchement, quand j'entends la Légion qui fait des présentations, ils savent aussi bien que moi... C'est frustrant. J'entrerai dans les détails plus tard.

On peut revenir, mais je crois qu'il est important de couvrir ce qui a effectivement eu lieu après la guerre. Je veux attirer votre attention sur quelques extraits du deuxième rapport de la Commission maritime canadienne. À la page 51, on dit qu'en 1948

    Il n'était pas possible ni souhaitable d'obliger les acheteurs étrangers à expédier leurs marchandises sur des navires canadiens s'ils n'étaient pas en mesure de payer le fret. Il était donc manifeste que la flotte naviguant sous pavillon canadien devait être radicalement réduite.

Plus loin dans le rapport, on peut lire:

    À ce stade, il est souhaitable de rappeler certains détails du plan de remplacement qui est entré en vigueur le 25 février 1948. Après la guerre, le gouvernement avait vendu les navires exploités précédemment par la Park Steamship Company, dans le cadre d'un contrat de vente standard connu par la suite sous le nom de «Formule Park». Les navires ont été vendus à un prix raisonnable

... à un tiers, je crois, de leur prix de revient...

    et dans des conditions favorables aux exploitants privés canadiens, conformément à une politique expresse du gouvernement qui était de créer une flotte de navires marchands naviguant sous drapeau canadien. L'accord stipulait que les armateurs ne pouvaient pas demander la permission de transférer des navires sous immatriculation canadienne sans le consentement du gouvernement.

    Au début de 1948, le déclin du marché des frets semblait inévitable. Confrontée à la concurrence exercée par les vaisseaux étrangers et coûtant plus cher à exploiter, la flotte perdait rapidement du terrain. Parce qu'il n'y avait pas de marché, on ne pouvait envisager de vendre les navires au Canada, et, si leur vente à l'étranger n'était pas autorisée, la flotte naviguant sous pavillon canadien stagnerait et tomberait éventuellement en désuétude. Il a semblé préférable d'autoriser la vente de navires que l'on ne pouvait exploiter de façon rentable s'ils naviguaient sous pavillon canadien, plutôt que de les désarmer, ce qui épuiserait les ressources des armateurs

... et cela est très important: «les ressources des armateurs»...

    et ne procurerait aucun emploi aux équipages canadiens.

À noter que c'est la situation des armateurs qui préoccupait les pouvoirs publics, et non celle des marins marchands canadiens, qui furent remplacés par des équipages étrangers à des salaires de famine.

• 1130

Dans le cadre du plan, les armateurs furent autorisés à vendre les navires étrangers à condition d'avoir reçu la permission de la commission. Il était évident que le gouvernement en place était plus préoccupé par la marge bénéficiaire des armateurs ou leurs résultats que par l'avenir des marins marchands du Canada.

On trouve dans le rapport beaucoup plus de points intéressants, mais étant donné les limites de temps qui nous sont imposées, je ne soulignerai que quelques-uns des plus importants, à savoir:

Suivant ce que recommandait la Politique sur la marine marchande, le gouvernement vendit à des exploitants privés la plupart des navires utilisés en temps de guerre. Le terme «privatisation» n'était pas encore utilisé en 1948. À noter que l'entente finalisant la vente et l'exploitation de ces navires, que le gouvernement avait construits au cours de la dernière guerre et dont il avait confié la gestion à la Park Steamship Company, société appartenant à la Couronne, permettait aux pouvoirs publics de récupérer environ 200 millions de dollars, alors que le total des dépenses engagées s'élevait à 270 millions de dollars. Étant donné que ces navires étaient, en un sens, des installations devant servir en temps de guerre, la somme que leur exploitation et leur vente permettaient de récupérer représentait une économie substantielle pour les contribuables canadiens. Pas un sou des économies ainsi réalisées ne fut consacré au rétablissement des marins marchands, qui se sont retrouvés sur le carreau lorsque les navires ont été vendus. Les marins marchands, qui étaient les victimes des mauvais calculs et des manipulations des hommes politiques, ne reçurent aucune prestation de cessation d'emploi.

Étant donné que la marine marchande a disparu seulement trois ans après la fin de la guerre, le gouvernement en place aurait pu offrir aux marins marchands la même gamme d'allocations dont bénéficiaient les anciens combattants des forces armées. La volonté politique pour ce faire n'existait pas, et les marins marchands ne jouissaient pratiquement plus d'aucune influence une fois la Canadian Seamen's Union démantelée, par suite des manipulations du gouvernement en place, aidé en cela par la Seafarers' International Union, dirigée par un gangster américain du nom de Hal Banks. Les marins marchands ne jouissaient d'aucune influence dans le monde politique et ne pouvaient compter sur personne pour les défendre énergiquement, et les résultats de cette situation déplorable sont encore tout à fait visibles.

Aujourd'hui, 53 ans plus tard, les agissements honteux du gouvernement sont évidents pour tout le monde. Il est noté que 75 p. 100 des anciens marins marchands qui sont encore de ce monde reçoivent, dans le cadre d'un programme d'allocations aux anciens combattants, des prestations calculées en fonction de leurs moyens financiers et qui se situent bien au-dessous du seuil de pauvreté dans notre pays. Si ce pourcentage est exact, c'est un rappel ignoble du fait que les marins marchands n'ont pas profité de la prospérité du Canada ni de sa croissance économique après avoir été laissés pour compte, sans la formation ni les compétences qui leur auraient permis de s'intégrer dans la société. S'ils touchent une pension minable, c'est tout simplement parce qu'ils n'ont pas travaillé dans le secteur privé, qui propose des régimes de pensions et d'autres régimes de prestations. La plupart d'entre eux se retrouvent avec une pension minable à cause de cela, ce qui prouve bien qu'à la fin de la guerre ils ont été laissés pour compte.

Même si l'on ne possède pas de statistiques précises ni de moyens pour les établir, on estime que l'ancien combattant moyen de la marine marchande a été privé, pour la période allant de sa sortie des services au cours de la Deuxième Guerre mondiale à l'entrée en vigueur de la législation de 1992, d'environ 47 000 $ de pensions et d'environ 42 000 $ d'allocations d'ancien combattant. En plus de la discrimination touchant la pension d'invalidité de guerre et l'allocation d'ancien combattant, les anciens membres de la marine marchande ont été privés, à leur sortie du service, des allocations offertes aux membres des forces armées. Je ne donnerai pas lecture de ces prestations supplémentaires parce que nous manquons de temps et que vous avez déjà lu ce passage.

Mais je voudrais revenir sur la pension d'invalidité de guerre de 78 290 $—c'est notre estimation—et les allocations d'ancien combattant de 72 590 $. Il est recommandé que le gouvernement verse à tous les anciens membres de la marine marchande ayant droit à une pension d'invalidité de guerre ou une allocation d'ancien combattant des prestations en guise de compensation pour la perte résultant du fait que l'on n'a pas placé les services de la marine marchande sur un pied d'égalité avec celui des forces armées, en donnant droit aux uns comme aux autres aux mêmes prestations de pension et allocations d'ancien combattant; et pour les allocations supplémentaires offertes aux membres des forces armées et refusées aux anciens membres de la marine marchande. Il est évident qu'il n'y a aucune façon précise de déterminer le montant qui pourrait représenter une compensation juste envers les marins marchands à qui l'on a refusé le bénéfice des dispositions législatives concernant la pension d'invalidité de guerre et l'allocation d'ancien combattant, ainsi que les allocations supplémentaires.

Il est toutefois proposé d'établir une échelle de paiements fondée sur la durée du service dans la marine marchande et sur d'autres facteurs pertinents. Nous parlons ici, et je sais que pour le comité, tout cela prête à confusion... Nous avons commencé nos prévisions à 5 000 $ jusqu'à un maximum de 30 000 $. Mais j'ai reçu énormément d'appels, et nous avons changé ces chiffres pour une échelle de 15 000 $ à 30 000 $. Encore une fois, nous avons procédé à ce changement parce qu'on m'a rappelé que le dernier navire qui a coulé avec un équipage canadien était le Point Pleasant Park. Pour quelques-uns des neuf hommes qui sont morts, c'était leur tout premier voyage. Sur ce même navire qui a été torpillé, il y avait également deux marins dont c'était le premier voyage, qui ont passé deux semaines dans un bateau de sauvetage. Leur expérience a été très pénible.

• 1135

Je reconnais qu'il faut du temps pour tout cela, et c'est sans doute le seul point sur lequel je suis d'accord avec la Légion. Peut-être faudrait-il créer un comité qui sera chargé d'étudier la meilleure façon d'indemniser les anciens combattants de la marine marchande. Mais nous n'avons plus guère le temps d'attendre, comme je vous le dirai tout à l'heure, et j'espère qu'on trouvera la solution le plus vite possible.

En ce qui concerne la pièce justificative «A», je pourrais vous la lire, mais vous l'avez déjà lue. J'aurais aimé pouvoir insister sur certains éléments, mais je constate que le temps joue contre nous. Si je peux vous demander de vous y reporter rapidement, j'aimerais que vous regardiez le deuxième paragraphe, après la question «En quoi le projet de loi omnibus qui est proposé aide-t-il les anciens combattants de la marine marchande?» On peut lire: «Le document fait état de prestations qui coûteront jusqu'à 8 millions de dollars par an», comme si les hommes de la marine marchande touchaient cet argent. C'est incroyable.

Le président: Excusez-moi, monsieur Ferlatte. Je voudrais préciser une chose. Comme je l'ai dit au début de cette réunion, le comité et moi-même ne voulons surtout pas que des témoins aient l'impression de ne pas avoir pu formuler tous leurs arguments à la fin de leur exposé. Je vous donne l'assurance que nous disposons de cette salle tant que nous en avons besoin. Il y a des membres du comité qui sont appelés par d'autres fonctions, mais les autres vont pouvoir rester. Nous avons reçu votre mémoire et nous l'avons lu—je vous le rappelle—mais je tiens à vous assurer que dans les comités que je préside je ne veux surtout pas entendre un témoin dire qu'il n'a pas pu insister sur tous les points qui lui semblaient importants. Ce rappel étant fait, je vous laisse poursuivre.

M. Aurele Ferlatte: Merci beaucoup. J'apprécie votre remarque, et je crois que vous êtes tout à fait équitable. Mais je vous assure que je ne profiterai pas de votre bonté pour m'éterniser.

Toujours à la pièce justificative A, on peut lire ensuite: «Combien un ancien combattant de la marine marchande reçoit-il d'Anciens combattants Canada (ACC)?» Je crois que la réponse concerne le maximum de la pension d'invalidité. On dit ensuite que nos hommes ont pu l'obtenir.

Je voudrais vous faire part de mon expérience personnelle. En 1948, lorsque je suis revenu, le surintendant du personnel d'International Paper était le président de la Légion. J'ai été engagé comme commis à temps partiel. À cette époque, c'était six jours par semaine. Je travaillais quatre jours à la Légion et deux jours à l'usine, et j'émargeais à la liste de paie d'International Paper. J'étais bilingue et je me souviens que j'allais sur la côte nord du Nouveau-Brunswick, en Acadie. Je ne me souviens pas d'avoir rempli la moindre demande pour un homme de la marine marchande. Il y en avait beaucoup dans la péninsule acadienne, parce que leurs parents les avaient élevés sur les dragueurs et les autres bateaux. Pour eux, c'était normal de se retrouver dans la marine marchande.

Pendant les trois ans où j'ai travaillé pratiquement à plein temps à remplir des demandes pour tous les autres, les anciens combattants qui n'avaient pas été informés de leurs droits, je ne me souviens pas d'une seule demande remplie pour un homme de la marine marchande. En effet, aucune demande n'était prévue pour eux. Je sais qu'en 1949... J'ai ici quelques lettres. Il y en a une d'un ancien opérateur radio qui a présenté une demande au ministère des Transports; on lui a dit qu'il était aussi qualifié pour aller en mer que pour travailler à terre, et qu'on ne pouvait lui proposer aucune formation. On peut dire tout ce qu'on voudra, ce n'est qu'après 1992 que les hommes de la marine marchande ont obtenu quelque chose. Je me souviens très bien que pendant les trois années qui ont précédé mon arrivée dans le monde syndical je travaillais pratiquement à plein temps, et il n'y avait aucune forme de demande pour la marine marchande. J'aurais été le premier à devoir leur dire qu'ils n'avaient droit à rien.

Bien, continuons, jusqu'à «Le saviez-vous?» On cite le chiffre de 995,64 $ par an. La belle affaire! C'est à peu près 80 $ par mois. Je ne sais pas. J'ai interrogé le ministère à ce sujet, mais les fonctionnaires ignorent eux-mêmes ce que cela signifie.

Toujours à la pièce justificative A, «Combien d'anciens combattants de la marine marchande reçoivent-ils des prestations d'ACC?» Encore une fois, je peux simplement vous dire que ce chiffre de 75 p. 100 est contestable. Néanmoins, si c'est vrai, je peux retourner l'argument et vous dire que si seulement 75 p. 100 des anciens combattants de la marine marchande reçoivent cette pension minable, c'est parce qu'ils n'ont pas travaillé dans l'industrie primaire, où l'on pouvait obtenir des pensions.

• 1140

Le cas de la pension du conjoint survivant est lui aussi très intéressant. Combien de veuves les anciens combattants de la marine marchande ont-ils laissées? Jusqu'en 1992, les veuves ne touchaient rien du tout. Depuis 1992, nous savons que 134 veuves touchent actuellement des pensions. Avant cela, de 1948 à 1992, la femme qui perdait son mari ne touchait rien. On n'en parle jamais, et c'est une honte.

Lorsque la Légion a fait... Ses représentants craignaient surtout que nous n'obtenions quelque chose que les autres n'ont pas. Imaginez-vous, nous sommes 12 000 à en être revenus. Nous nous sommes tous mariés par la suite. Nous avons laissé bien des veuves, et rien n'était fait pour elles. Si nous obtenons un accord quelconque et si le gouvernement peut nous donner quelque chose, pourquoi s'inquiéter de la possibilité que nous en obtenions plus que d'autres?

Je voudrais également parler du paragraphe intitulé «Pourquoi le gouvernement ne veut-il pas verser une indemnisation rétroactive aux anciens combattants ayant appartenu à la marine marchande?» Encore une fois, je peux vous dire qu'il nous a fallu bien du temps pour en arriver là. Hier, nous avons eu toute une discussion. J'essaie d'être aussi démocrate que possible, mais c'est un peu comme dans le mouvement syndical, quand certains travailleurs veulent se mettre immédiatement en grève, mais que d'autres veulent continuer à négocier.

Je veux vous dire—et ce n'est pas une menace... Comment le dire de façon aimable? C'est bien difficile. Comme je disais toujours: «Ceci n'est pas une menace, c'est une promesse à l'industrie», mais je ne peux pas dire la même chose ici.

Nous avons décidé de tenir notre congrès en juin plutôt qu'en juillet. Comme je l'ai dit à Vancouver, nous avons maintenant la journée de vigile, où nous restons au garde-à-vous pendant qu'une cloche de bateau sonne et qu'on énumère tous les navires qui ont sombré, mais c'est terminé. Il est temps de cesser nos génuflexions; il ne faut plus prier pour obtenir un miracle.

Je tiens à dire au comité que j'aimerais bien qu'on en finisse. Mettez-vous d'accord avec nous et fermons le dossier, mais de grâce faisons-le avant le 1er juin. En effet, nous allons avoir notre congrès—je crois que c'est vers le 10 juin—qui va rassembler 400 anciens combattants de la marine marchande venus de toutes les régions du Canada.

Pour l'instant, je sais que dans une certaine mesure la présence de ces cinq personnes sur la colline était quelque peu embarrassante. Et je sais que pour un comité, ou un président de comité, la façon normale de réagir est de ne jamais reconnaître que les grèves de la faim ont pu avoir un effet quelconque. C'est la même chose lorsqu'on fait grève dans une industrie. L'employeur dit qu'il aurait signé de toute façon et qu'on n'avait pas besoin de faire grève. Ce n'est pas vrai. C'est bel et bel la seule façon d'attirer votre attention, et ils sont prêts à recommencer. J'espère qu'au lieu de réagir à ce qui se passe et à ce qui va se passer, vous allez prendre l'initiative de clore le dossier. Vous avez le temps pour le faire. Nous devrions pouvoir constituer un comité qui trouvera la meilleure façon d'indemniser équitablement nos hommes en fonction de la durée de leur service, de leur ancienneté et de tous les autres éléments pertinents.

Pendant 10 ans j'ai fait partie d'un comité de sécurité au travail. Je me souviens que pour les travailleurs qui sont exposés à un danger le risque augmente considérablement en fonction de la durée d'exposition. D'où une tension qui s'ajoute à tout le reste. Ce que je veux vous dire, c'est qu'il est vrai que les gens qui ont servi pendant six ans ont été exposés plus longtemps aux dangers, mais le revers de la médaille, c'était que dès que les navires quittaient le port d'Halifax, de Saint John, etc., les marins se trouvaient immédiatement exposés aux dangers et ne savaient pas s'ils allaient en revenir.

• 1145

Je ne sais pas comment le dire. Je ne voudrais surtout pas dire au comité de faire n'importe quoi. Mais si la question n'est pas réglée avant le 1er juin, il faudra laisser faire la nature. Et je peux vous dire qu'il y aura bien plus de cinq personnes sur la colline. J'espère qu'une telle confrontation sera inutile.

Ils ont assurément déjà prouvé au gouvernement canadien ainsi qu'à vous-mêmes, les politiciens, qu'ils ont l'énergie nécessaire pour le faire; alors pourquoi donc faire volte-face et pousser encore les choses plus loin? Je pense que s'il y a quoi que ce soit à faire, qu'on le fasse. Dites oui ou non; nous comprendrons, et nous ferons ce qu'il faudra. Comme j'ai été enfant de coeur, je me souviens d'avoir prié à genoux pour qu'un miracle se produise. Mais maintenant, je n'y crois plus.

Je vous remercie beaucoup de nous avoir donné de votre temps et je voudrais simplement ajouter qu'en ce qui concerne le mémoire de la Légion et les préoccupations de cette dernière, pour être franc avec vous... J'étais là en 1948. J'ai ici une épinglette commémorative des 51 ans. Et même pendant les 20 ans que j'ai passés à Montréal, j'ai toujours payé mes cotisations à la Légion du Nouveau-Brunswick. Je ne parviens pas à me faire à l'idée que ces gens ont oublié qui étaient leurs légionnaires. C'est à ne rien comprendre. Quoi qu'il en soit, tant pis, ce qui est fait est fait. Je vous remercie beaucoup.

Le président: Je vous remercie, monsieur Ferlatte.

La présidence aurait simplement une ou deux remarques à faire avant d'ouvrir la période de questions et réponses. Lorsque vous demandez que le dossier soit bouclé pour le 1er juin, j'espère que nous aurons abouti en mai, mais je ne saurais toutefois vous le garantir. Ce ne serait pas honnête de ma part. Nous avons essayé aujourd'hui de vous donner à tous, messieurs, tout le loisir possible de vous faire entendre. Toutes les délégations qui souhaitent comparaître devant nous ont le même droit à une audience aussi complète et aussi équitable que possible, et je leur en donne la garantie. Lorsque nous aurons entendu tous les particuliers et toutes les délégations qui souhaitent se faire entendre, le comité se saisira de la question, et je formule l'espoir qu'il arrivera à une décision finale. J'espère que cette décision surviendra en mai, mais je ne tiens pas plus que cela à le garantir, parce qu'il m'est impossible de prévoir le déroulement des choses. Peut-être aurons-nous d'autres témoins encore. Toutefois, d'après la liste des groupes qui souhaitent comparaître devant le comité et témoigner devant nous, j'espère effectivement que nous pourrons boucler le dossier en mai.

Je le répète, pour la troisième fois je crois, je préside ce comité depuis octobre 1998 et, lorsque votre groupe a pour la première fois demandé par écrit à comparaître, j'ai dit au greffier d'organiser une séance. Je respecte votre droit, ce droit pour lequel vous vous êtes battus, de manifester et de faire la grève de la faim, ce qui ne se révélera pas nécessaire, je l'espère, pour des raisons de santé, mais ce n'est pas cela qui a fait que vous avez comparu devant ce comité que je préside. Nous n'avons jamais nié le droit de se faire entendre ici à quiconque me l'a demandé par écrit en ma qualité de président. Je dois insister là-dessus, parce que j'ai vraiment l'intime conviction que c'est pour cela, entre autres, que vous vous êtes si courageusement battus.

Quant aux autres actes que vous pourriez juger nécessaires si l'échéance du 1er juin n'est pas respectée pour une raison ou une autre, je le répète, vous vous êtes battus pour le droit que vous avez en tant que citoyens canadiens de manifester ou de faire la grève de la faim ou d'intenter tout autre recours licite selon que vous le jugerez bon. Espérons simplement qu'une décision sera rendue avant d'en arriver à ce stade. Nous allons faire de notre mieux pour y arriver.

Merci beaucoup encore une fois pour vos exposés.

Nous allons maintenant procéder à un tour de questions et de réponses à concurrence de 10 minutes par membre, en commençant par M. Goldring pour le Parti réformiste.

M. Peter Goldring: Merci beaucoup, monsieur le président.

Merci également à vous, messieurs, pour vos exposés.

À mon tour je voudrais exprimer la sincère conviction qu'une grève de la faim n'est pas le bon moyen pour arriver à un résultat ici. Je suis toutefois très heureux d'entendre que les articles publiés dans les journaux ne correspondaient pas à la réalité et que la possibilité d'une grève de la faim qui surviendrait à la fin d'avril ne semble pas devoir se concrétiser. Toutefois, vous venez de laisser entendre qu'il pourrait y en avoir une au début de juin.

J'oserais croire qu'au lieu d'axer notre attention sur les grèves de la faim, nous pourrions peut-être nous employer plutôt à présenter des exposés clairs, complets et concis afin de nous atteler sérieusement au problème qui consiste à trouver le moyen d'offrir une indemnisation qui nous permette enfin de tourner la page. Cela dure depuis bien trop longtemps, et je pense que tout le monde en conviendra.

• 1150

Le président: Monsieur Goldring, excusez-moi de vous interrompre, mais Mme Wayne voudrait invoquer le Règlement, et, après l'avoir entendue, je vous rendrai la parole.

Madame Wayne.

Mme Elsie Wayne: Monsieur le président, je dois malheureusement vous quitter en raison d'une situation très sérieuse chez moi, et je le déplore. Je continuerai néanmoins à travailler pour eux là-bas, mais je dois vous quitter parce que mon avion m'attend.

Le président: Merci beaucoup, madame Wayne. Je pense que tout le monde ici sait à quel point ce dossier vous tient à coeur. Toutes nos pensées vous accompagnent ainsi que votre famille.

Nous allons revenir dans quelques instants à M. Goldring.

Le président suppléant (M. Hec Clouthier (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Lib.)): Allez-y, monsieur Goldring, je vous en prie.

M. Peter Goldring: Merci, monsieur le président.

J'aimerais dire quelques mots à propos de votre liste, et peut-être aussi faire une observation à ce sujet, puis vous poser des questions. Vous avez calculé dans votre liste, à la page 7, que les prestations supplémentaires totalisaient 30 590 $. Il me semble que cette liste correspond à celle qui est utilisée par les Amputés de guerre. Est-ce que je me trompe?

M. Aurele Ferlatte: Non, vous avez raison.

M. Peter Goldring: Donc, c'est encore une fois le même chiffre qui est porté à notre attention.

Ai-je raison de dire que cette liste ne se veut pas parfaitement exacte? Ces chiffres ne sont que des estimations permettant d'avoir une idée de l'envergure de la chose, mais aussi d'insister sur le fait qu'une certaine formule mathématique a été utilisée pour y arriver. Tous ces éléments confortent le sentiment d'inégalité, une inégalité qui remonte à la fin de la guerre. Par contre, les chiffres ne se veulent pas une représentation fidèle de la réalité.

M. Aurele Ferlatte: Nous n'avons pas consulté d'actuaires. Nous pourrions le faire, je n'en doute pas, mais il est certain qu'avec toutes ses ressources le gouvernement pourrait...

M. Peter Goldring: Il y a des subventions et il y a des prêts, et pourtant vous avez fait la somme de tout cela pour arriver à un total. Selon moi, ce n'est pas vraiment comme cela qu'on procède pour aboutir à un résultat final, mais il est certain que vous avez fait valoir certains éléments qu'au fil des ans les marins de la marine marchande ont été prompts à prendre à leur compte.

M. Aurele Ferlatte: Permettez-moi de vous répondre ainsi: je me souviens qu'à un moment donné, lorsque je négociais, je n'étais pas arrivé à un chiffre tout à fait exact, mais j'avais dit que même si je n'avais pas mis tout à fait dans le mille, j'avais tout de même atteint la cible.

Je voudrais également ajouter, monsieur Goldring, que vous avez parfaitement raison: les journaux ont effectivement rapporté que nous allions revenir au Parlement en avril. Il a fallu un peu forcer la main au nom du président pour gagner du temps, parce que certains de mes collègues n'étaient pas tout à fait d'accord, mais hier soir, à une heure avancée, nous avons réussi à gagner du temps, et c'est la raison pour laquelle...

M. Peter Goldring: J'ai déjà dit à une réunion précédente que même s'il semblait que certains des dirigeants des différents groupes ne pensaient pas vraiment à l'unisson à ce sujet, l'idée demeure néanmoins qu'il faut que les prestations soient les mêmes, le problème étant la question de l'indemnisation des marins de la marine marchande. Nous devons donc parfois voir un peu plus loin que l'organisme et la structure des différents groupes qui interviennent auprès de nous. Est-ce que j'exprime bien la situation?

M. Aurele Ferlatte: En effet.

M. Peter Goldring: Les chiffres que vous mentionnez à la page 8 sont respectivement de 15 000 $ et de 30 000 $. Ici encore, ces chiffres ressemblent-ils à ceux qui figureront dans le mémoire à venir, ou y aura-t-il une différence par rapport à ce que présenteront les Amputés de guerre?

M. Aurele Ferlatte: J'ignore ce que les Amputés de guerre vont proposer. Je peux simplement dire qu'à mon avis il faudrait instituer un comité. J'ai toujours dit que dès lors qu'on ouvrirait la porte aux négociations, le reste coulerait de source.

• 1155

Je pense que nous devrions pouvoir constituer un comité. J'espérais que nous eussions pu proposer que M. Cliff Chadderton en soit le président. Nous constituerions donc un comité qui rencontrerait les représentants du gouvernement, qui étudierait toute la patente, toute la situation, pour déterminer quelle serait la façon juste et équitable d'indemniser ces gens qui ont sillonné les mers pendant six ans, ainsi que les autres qui ont navigué beaucoup plus longtemps encore, jusqu'en 1948 ou 1949-1950, lorsque les bateaux sur lesquels ils servaient ont été vendus. Les facteurs dont il faut tenir compte sont très nombreux.

M. Peter Goldring: Encore une fois donc, ce chiffre n'est qu'une estimation, une orientation générale en quelque sorte.

M. Aurele Ferlatte: En effet.

M. Peter Goldring: Parce que vous parlez ici de tellement... cela laisse tellement à l'imagination. Ce n'est pas simplement une division mathématique. C'est une suggestion que vous faites au groupe.

Je pense qu'il faudrait également préciser ce qui a été dit un peu plus tôt. En l'occurrence il semble y avoir des comparaisons avec d'autres groupes, les Autochtones ou le Commandement des traversiers. Avez-vous également le sentiment que c'est un dossier complètement différent et qu'il faut le considérer comme tel, qu'il n'est pas possible de parler des deux en même temps, parce que pour être franc avec vous, cela produirait une énorme confusion, et qu'il y a donc peut-être une terminologie commune, mais rien de plus?

M. Aurele Ferlatte: Je pense qu'à une autre époque nous aurions sans doute été relativement favorables au Commandement des traversiers et à d'autres groupes à vocation civile, mais, à ce moment-ci, c'est nous qui avons été laissés pour compte pendant si longtemps. L'injustice est vieille de 53 ans, et je pense que si nous devons prendre l'habitude d'essayer de régler les problèmes de tout le monde, nous n'en verrons jamais la fin.

Je pense que si la Légion, à l'époque... elle le savait que pendant toutes ces années la marine marchande... J'ai toujours eu de la considération pour la Légion, parce qu'elle disait qu'elle se souciait des anciens combattants. C'est un peu comme un agent négociateur, comme dans le cadre d'un syndicat. Mais pendant 53 ans la Légion n'a rien fait, et nous avons donc dû prendre nous-mêmes les choses en main.

Et maintenant, tout d'un coup, la Légion dit qu'elle veut embarquer, qu'elle veut se raccrocher à tous ces autres groupes qui, manifestement, n'ont jamais été bien représentés. D'accord, si ces groupes ne sont pas bien représentés, c'est à mon avis parce que leur agent négociateur, en l'occurrence la Légion, n'a pas fait son boulot. C'est bien dommage de devoir dire les choses de cette façon, mais je me plais à penser qu'en temps normal, les syndicats se font jeter dehors dès lors qu'ils ne représentent pas bien leurs membres. Et il est évident que si le Commandement des traversiers n'a rien pu obtenir jusqu'à présent, à qui la faute? Certainement pas à la marine marchande.

Pendant la guerre, nous avons déjà suffisamment transporté d'orphelins. Nous n'avons pas besoin qu'ils s'accrochent à nouveau à nos basques.

Le président: Ce sera votre dernière question.

M. Peter Goldring: Vous avez parlé de la présentation vidéo, et j'aimerais vous demander d'une façon assez générale si nous n'aurions pas intérêt à visionner ce film avant d'écouter tous les autres groupes. Ce film ne nous donnerait-il pas un contexte utile dont nous aurions besoin pour nous faire une idée de l'ensemble de ce dossier?

M. Aurele Ferlatte: Je vous le recommanderais en effet vivement, et cela pour une raison très simple... Cliff Chadderton l'a si bien dit d'ailleurs—la traîtrise du gouvernement d'alors. Je pense que ce dont nous devons parler, ce n'est pas de ce qui s'est produit pendant la guerre, mais plutôt de ce qui s'est produit après la guerre. Ce qui s'est produit, c'est que les armateurs avaient tout intérêt à recevoir le droit de vendre leurs navires aux Grecs ou à je ne sais qui, à les faire naviguer sous pavillon étranger avec un équipage payé de gages de misère, et ainsi à se débarrasser purement et simplement des marins marchands canadiens.

M. Peter Goldring: Pourquoi n'avons-nous donc pas...

Le président: Si vous me permettez de vous aider un peu, monsieur Goldring, il me semble que chaque membre du comité a reçu il y a déjà un certain temps une copie de cet enregistrement. Je sais que moi-même je l'ai déjà regardé deux fois. Chaque membre du comité devrait donc avoir ce film.

• 1200

Le greffier pourra peut-être m'aider, mais je pense que lorsque M. Chadderton est venu faire son exposé... Nous avions d'ailleurs plus ou moins essayé de donner satisfaction à tout le monde en déterminant les dates de comparution. Je voulais également souligner cela. Nous avions le sentiment qu'il fallait que nous vous fassions passer le tout premier jour, mais nous avons essayé d'accommoder M. Chadderton... Est-il vrai qu'il souhaiterait projeter ce film ce jour-là? Si cela permet de faire un peu la lumière sur toute cette situation, nous acceptons sa demande, ce qui nous permettra en même temps de voir le film tous ensemble. Il n'empêche que chaque membre du comité en a déjà reçu une copie.

M. Peter Goldring: Effectivement, mais les membres du comité ne sont pas tous ici chaque fois, c'est compréhensible. À l'intention donc des membres du comité qui ne sont pas ici à toutes les réunions, je pense qu'il serait instructif que tous puissent le visionner, parce que selon moi cela pourrait les aider à se former une opinion d'ensemble et à voir ce à quoi nous tendrons dans le rapport qui en résultera.

Tout comme vous, j'ai vu ce film, mais je pense qu'il y a peut-être certains membres du comité qui ne l'ont pas encore vu, ou encore des membres qui seront ici la prochaine fois et qui ne l'ont pas vu.

Le président: Eh bien, ils auront alors la possibilité de le voir en compagnie de M. Chadderton. J'espère qu'ils seront tous aussi diligents que nous essayons de l'être et qu'ils regarderont ce film fort instructif qu'ils ont déjà en main depuis plusieurs semaines.

Merci donc à vous, monsieur Goldring.

[Français]

Monsieur Laurin, s'il vous plaît.

M. René Laurin: Je voudrais d'abord poser quelques questions d'information.

Dans son témoignage, M. Wilson disait que son organisme, l'Association des anciens combattants de la marine marchande, représentait quelque 1 600 anciens combattants de la marine marchande.

Combien y en a-t-il qui ne sont pas membres de votre association? La Légion prétendait représenter un certain nombre de marins de la marine marchande et vous dites en représenter 1 600. Quelles sont les proportions? Est-ce qu'il y en a qui ne sont pas représentés?

M. Aurele Ferlatte: C'est très difficile à dire.

M. René Laurin: Est-ce qu'il y en a qui sont ni membres de l'une ni membres de l'autre?

M. Aurele Ferlatte: On ne le sait pas. Quand on a commencé à examiner cette situation, on pensait que le gouvernement, par l'entremise du ministère, aurait pu trouver une méthode. Il n'y a pas longtemps, ils ont voulu savoir combien de vieux anciens combattants de la Première Guerre étaient encore en vie et ils l'ont su. Ils ont fait un effort pour le savoir. S'ils voulaient savoir combien d'anciens combattants de la marine marchande sont encore en vie, cela ne leur prendrait pas beaucoup de temps.

Nous savons que nous avons 1 600 membres. Il se pourrait bien qu'il y ait 1 000 autres anciens combattants au Canada dont on ne connaît pas l'existence.

M. René Laurin: Est-ce qu'il en a qui sont membres de la Légion et qui ne sont pas membres de votre association?

M. Aurele Ferlatte: Cela se pourrait très bien.

M. René Laurin: Ou l'inverse?

M. Aurele Ferlatte: Ou l'inverse.

M. René Laurin: Vous pouvez sûrement savoir combien sont membres de la Légion, parce que la Légion a ces statistiques-là.

M. Aurele Ferlatte: Je me pose la question. Non. J'en suis sûr parce que j'ai été secrétaire-trésorier. Je le suis en ce moment pour la Légion chez moi, et je ne pense pas qu'ils aient ces renseignements dans leur ordinateur.

M. René Laurin: Ils ne sont pas identifiés comme étant légionnaires provenant de la marine marchande.

M. Aurele Ferlatte: Non, pas du tout.

M. René Laurin: Ils sont identifiés comme des légionnaires.

M. Aurele Ferlatte: C'est cela.

M. Wilson voudrait ajouter quelque chose. Je pense que cela pourrait vous aider.

M. René Laurin: Excellent.

[Traduction]

M. Aurele Ferlatte: Fort bien, allez-y.

Le capt Hill Wilson: Effectivement, ce chiffre de 1 600 représente le total de nos membres. Mais encore tout récemment, un numéro de la revue de la Légion mentionnait dans une de ses chroniques, intitulée, je crois, «Au champ d'honneur», les noms de 21 marins de la marine marchande, dont cinq seulement étaient membres de notre association. Voilà donc pour cela.

Personnellement, je fais partie d'autres associations, ou du moins j'en faisais partie. Il y a par exemple la Compagnie des capitaines au long cours du Canada, et il y a sur l'île de Vancouver un bon nombre de capitaines au long cours qui sont des anciens de la marine marchande, mais qui n'appartiennent pas à notre association. Il en va de même pour un autre groupe dont je fais partie. Il y a un assez grand nombre de gens de mer de la Deuxième Guerre mondiale qui ne font pas partie de notre organisme, et j'ignore d'ailleurs pourquoi.

[Français]

M. Aurele Ferlatte: Monsieur Laurin, si le gouvernement décidait de nous donner 20 000 $ et qu'on imprimait cela dans les journaux, je suis sûr qu'on apprendrait le nombre d'anciens marins marchands.

• 1205

M. René Laurin: Il y aurait de bonnes chances.

M. Aurele Ferlatte: Il ne faudrait pas qu'ils manquent cela.

M. René Laurin: Monsieur, j'ai aussi une simple question de curiosité. Vous avez ouvert une parenthèse pour nous rappeler que 45 p. 100 des marins marchands tués étaient originaires du Québec. Comment expliquez-vous cela?

M. Aurele Ferlatte: Quand je naviguais, dans les années 1930 et 1940, il y avait beaucoup de trajets qui se faisaient sur le fleuve Saint-Laurent et c'était pour cela qu'il y ait autant de Canadiens français. Quand la guerre a été déclarée, tous ces gars-là sont entrés dans la marine marchande. C'était normal pour eux de continuer.

M. René Laurin: Parce qu'ils étaient déjà là.

M. Aurele Ferlatte: Il y avait des barges qui amenaient le bois de Godbout aux moulins de Québec. C'était normal que...

M. René Laurin: Donc, ils ont été les premiers recrutés?

M. Aurele Ferlatte: Au Québec, beaucoup de jeunes officiers étaient d'anciens marins qui avaient navigué dans les régions de Trois-Rivières et de Québec, sur le fleuve Saint-Laurent.

M. René Laurin: M. Wilson a mentionné, en parlant des déclarations du contre-amiral Murray qui louait le courage des marins, qu'ils éprouvaient beaucoup de difficulté à se trouver des emplois parce qu'on accordait la préférence aux anciens combattants des forces armées. Quand on dit qu'on leur accordait la préférence, est-ce que cela veut dire qu'aucun des marins marchands ne pouvait bénéficier de la chose? Cela laisse entendre qu'on donnait la préférence aux autres, mais qu'il y en avait quand même qui pouvaient en profiter. Est-ce que le nombre de ceux qui ont pu en profiter est important?

M. Aurele Ferlatte: Franchement, c'est très important. J'ai travaillé dans l'industrie des pâtes et papier. Un gars qui avait travaillé sur les bateaux avait la chance d'entrer dans une usine quand il était un ingénieur et qu'il était qualifié, mais il n'y en avait pas beaucoup. En autres mots, la préférence était donnée aux anciens combattants et non à nos membres.

Deuxièmement, tous les gars qui retournaient dans l'armée avaient leur pleine ancienneté. En plus de cela, pendant que les anciens combattants étaient outre-mer, les compagnies de pâtes et papier payaient la différence entre le salaire qu'ils gagnaient et le salaire qu'ils auraient gagné s'il avaient travaillé à l'usine. Il y a bien des bénéfices que les anciens combattants ont eus et que nous n'avons pas eus.

M. René Laurin: Est-ce que cela veut dire qu'à compétences égales, on favorisait un ancien combattant de l'armée plutôt qu'un ancien combattant de la marine marchande?

M. Aurele Ferlatte: Oui, et il y a plus. Je me souviens qu'il y avait chez moi cinq bateaux qui faisaient la navette avec du papier journal entre le Canada et l'Angleterre durant la guerre. Il y en a quatre sur cinq qui ont été coulés, mais les matelots qui faisaient la navette ne pouvaient pas déplacer un ancien combattant dans l'usine même s'ils avaient travaillé pour la même compagnie.

M. René Laurin: Je reviens au document de M. Ferlatte. Dans votre présentation, vous faites allusion aux pertes d'allocations rétroactives que vous avez évaluées, dans le cas de la pension d'invalidité de guerre, à plus de 78 000 $ et, dans le cas des allocations d'anciens combattants, à 72 590 $. Laquelle demandez-vous? Est-ce que vous demandez l'une ou l'autre? Demandez-vous les deux?

M. Aurele Ferlatte: Aussi bien être honnête. Quand on est dans une telle situation, on prend tout ce qu'on peut.

M. René Laurin: Je comprends, mais...

M. Aurele Ferlatte: Pour être vraiment honnête, on a pris les chiffres qu'on avait et on a fait une projection. Pour vous dire la vérité, c'est pour cette raison-là que je vous dis qu'on devrait peut-être établir un comité pour étudier tout cela.

M. René Laurin: Je m'excuse, monsieur Ferlatte, mais je trouve que la question est importante. On appelle cela une pension d'invalidité de guerre. Les critères d'invalidité et les critères d'anciens combattants sont deux choses vraiment différentes.

M. Aurele Ferlatte: Oui.

• 1210

M. René Laurin: Si on devait vous accorder une pension pour vous rendre justice par rapport aux anciens combattants de l'armée en se basant sur des critères d'invalidité, il y en a peut-être moins qui en bénéficieraient.

M. Aurele Ferlatte: C'est vrai, mais il faut dire que les marins de la marine marchande ne sont pas comme les autres anciens combattants. Un ancien combattant peut être estropié. Dans la marine marchande, quand un bateau était coulé, les marins n'étaient pas estropiés mais morts. C'était fini. Il y a des anciens combattants de la marine marchande qui ont été estropiés. À cette époque, les prestations pour les accidents du travail n'existaient pas. Quand les gars revenaient, on ne leur donnait rien, comme dans le cas du type accidenté dont je vous ai parlé.

Il y a ici M. Willis Marsolais qui a été prisonnier de guerre. Aussitôt que le bateau a été coulé, ils l'ont ramassé et la paye s'est terminée. En plus de cela, il a été accidenté. Ils l'ont tiré dans une jambe. Tu as 80 $ par mois pour ton invalidité en ce moment?

M. Willis Marsolais (témoignage à titre personnel): J'ai 2,13 $.

M. Aurele Ferlatte: Il a 2,13 $. Cela vous donne une idée de la situation. Il a passé beaucoup de temps dans... Il a 2,13 $.

M. René Laurin: Faire le chèque coûte plus cher que le montant du chèque.

M. Willis Marsolais: C'est cela.

M. Aurele Ferlatte: La pension de vieillesse est au montant de 986 $ et ils nous donnent la différence. Il reçoit 2,13 $ pour avoir été estropié et fusillé. Ce n'est pas utile, comme on dit parfois. C'est révoltant.

M. René Laurin: Merci.

[Traduction]

Le président: Merci.

Monsieur Wood, vous avez 10 minutes.

M. Bob Wood: J'ai déjà eu l'occasion de m'entretenir assez longuement avec M. Ferlatte et la plupart des autres depuis six ou sept mois, et je pense donc avoir une assez bonne idée de leurs points de vue.

Cela dit, monsieur Ferlatte, vous savez que nous avons entendu parler ce matin de plusieurs formules qui permettraient de calculer l'indemnisation. D'aucuns ont préconisé un paiement forfaitaire, d'autres une rente ou un paiement à titre gracieux. M. Rycroft, de la Légion, a son opinion à ce sujet, et la Légion a également la sienne au sujet de l'indemnisation.

Dans votre mémoire, vous proposez une formule qui tient principalement compte du temps de service en mer, et j'imagine que dans les jours qui vont suivre nous allons recevoir toutes sortes de propositions à ce sujet.

Vous avez fait une suggestion qui a retenu mon attention, et je voudrais vous poser quelques questions à ce sujet. Vous avez parlé ce matin de la constitution d'un comité qui serait chargé de déterminer la formule d'indemnisation à utiliser. Je pense que nous en convenons tous: le dossier va être complexe et prêter à beaucoup de confusion et il va probablement être extrêmement difficile d'arriver à une formule, j'en conviens facilement.

Alors, monsieur Ferlatte, j'imagine que la question que je vous poserais est la suivante: à votre avis, qui devrait siéger à ce comité? Vous avez parlé de M. Chadderton comme candidat possible à la présidence, mais qui d'autre? À quels autres groupes pensez-vous lorsqu'il s'agirait de constituer un comité comme celui-là? Qui en ferait partie?

M. Aurele Ferlatte: Si l'on retient la formule d'un comité, combien de membres devrait-il avoir pour être efficace et pour parvenir rapidement à une solution? J'estime que si nous pouvions avoir cinq ou six représentants, ainsi que des représentants du ministère des Anciens combattants et de votre ministère, avec quelques élus, on devrait parvenir à une solution équitable.

Comme je l'ai dit, il faut tenir compte du fait que ceux qui ont navigué à partir de 1939 ont été exposés très longtemps au danger et que certains d'entre eux ont continué à naviguer jusqu'à ce que les navires soient désarmés. Ils ont eu plus de difficulté à réintégrer la vie civile à cause de leur groupe d'âge. Par exemple, je connais un marin qui avait plus de 35 ans à l'époque et qui a eu beaucoup de mal à faire sa place dans l'industrie lourde. C'est pour cela que nous avons de nombreux marins qui n'ont droit qu'à une pension minable.

• 1215

M. Bob Wood: Est-ce que vous allez prendre l'initiative de constituer ce comité si nous décidons de procéder ainsi...

M. Aurele Ferlatte: Oui.

M. Bob Wood: ...ou sinon, qui devra en prendre l'initiative?

M. Aurele Ferlatte: J'estime que si le gouvernement accepte de créer un comité, nous proposerons que sa présidence soit confiée à Cliff Chadderton, et nous désignerons quelqu'un de notre groupe pour y siéger. Je ne sais pas combien de représentants votre comité voudrait avoir, en plus des fonctionnaires des Anciens combattants.

M. Bob Wood: À mon avis, le comité devrait être apolitique, si vous êtes d'accord.

M. Aurele Ferlatte: Oui. Nous n'avons pas le choix. Je dis simplement que la meilleure façon...

M. Bob Wood: Cette idée est la vôtre.

M. Aurele Ferlatte: Oui, je m'en rends bien compte. Le plus simple, c'est de dire qu'on va donner 20 000 $ ou 30 000 $ à tout le monde, et c'est tout. Chacun rentre chez soi, au revoir et merci.

Le président: Je crois que M. MacLean a quelque chose à ajouter.

M. Ossie MacLean: Oui. Monsieur Wood et monsieur Ferlatte, n'oubliez pas une chose: c'est lui qui va vous donner un mandat. C'est au comité parlementaire ou à vous-même qu'il appartient de constituer ce comité, car s'il n'a pas réalisé son mandat avant le 1er juin, vous savez ce qui va se passer. Nous voulons un versement rétroactif, ou appelez ça comme vous voudrez, car nous ne voulons pas que d'autres hommes en soient privés à la fin de leurs jours. Ils ont tous besoin de cet argent. J'ai reçu de très nombreux appels qui me mettaient les larmes aux yeux, et c'est la même chose en ce moment.

Il faut leur verser de l'argent. C'est l'essentiel. C'est vous qui devriez constituer ce comité, ou bien vous pouvez faire une proposition à notre président, que nous pourrons toujours accepter. Je ne sais pas. Mais, s'il vous plaît, que tout soit terminé pour le 1er juin. Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur MacLean.

Monsieur Wood, avez-vous d'autres questions?

M. Bob Wood: Non.

Le président: Bien. Monsieur Clouthier? Non.

On passe à M. Earle, du NPD, pour 10 minutes.

[Français]

M. Gordon Earle: Merci, monsieur le président. Je n'ai pas de questions, mais j'aimerais faire un petit commentaire.

[Traduction]

Je tiens à remercier les témoins de leur exposé. Vous avez été très clairs et vous avez parfaitement précisé ce que vous attendez.

Je tiens à indiquer qu'en tant que membre de ce comité je vous accorde mon appui, et nous allons faire de notre mieux pour trouver une solution raisonnable à ce problème.

J'ai ici une lettre qui m'est parvenue de la section de Halifax-Dartmouth de votre association, les Anciens combattants de l'Association de la marine marchande canadienne, à laquelle était jointe une lettre d'appui d'un ancien combattant de la marine marchande norvégienne. On étudie donc votre situation dans des pays lointains, et vous recevez toutes sortes d'appuis. Je ne déposerai pas ce document parce qu'il n'est disponible qu'en anglais, mais je vais le transmettre à notre greffier en lui demandant de le distribuer à tous les membres du comité une fois qu'il aura été traduit.

Je voulais simplement dire que nous appuyons certainement vos démarches, et nous espérons pouvoir finir avant le délai ou en arriver à une conclusion qui satisfera tous les intervenants. Merci.

Le président: Merci, monsieur Earle.

Est-ce que les membres du comité ont d'autres questions? Puisque je n'en vois pas, je remercie beaucoup nos trois témoins d'être venus ici aujourd'hui pour nous aider à mieux comprendre une situation très complexe, que nous résoudrons le plus rapidement possible. Merci beaucoup.

La séance est levée.