Passer au contenu
Début du contenu

NDVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS

COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 9 février 1998

• 1916

[Français]

Le président (M. Robert Bertrand (Pontiac—Gatineau—Labelle, Lib.)): Mesdames et messieurs, j'aimerais vous souhaiter la bienvenue à notre séance d'information de ce soir.

Vous connaissez sans doute la raison d'être de notre comité: le ministre nous a donné le mandat de visiter les militaires sur les bases et de formuler des recommandations en vue d'améliorer leurs conditions de vie.

Il est très important de souligner à nouveau que notre comité n'est pas un comité du ministère de la Défense nationale. Nous sommes un comité de parlementaires qui est très différent et complètement indépendant du système militaire. Comme vous pourrez le constater plus tard, lorsque je demanderai aux différents participants de se présenter, nous représentons presque tous les partis politiques.

J'invite ceux qui désirent utiliser des appareils de traduction à se les procurer à l'arrière de la salle.

Notre liste des témoins compte actuellement trois noms. Chaque témoin se présentera au micro et fera une présentation, après quoi les parlementaires poseront des questions. Si d'autres intervenants veulent faire des interventions par la suite, je les invite à donner leur nom à Eric.

Je demanderai maintenant aux parlementaires de se présenter. Si vous me le permettez, je débuterai. Je m'appelle Robert Bertrand et je suis président du comité. Je représente le comté de Pontiac—Gatineau—Labelle dans l'Outaouais.

[Traduction]

Veuillez vous identifier.

M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Mon nom est David Pratt. Je suis le député qui représente la circonscription de Nepean—Carleton, juste à l'extérieur d'Ottawa.

Mme Judi Longfield (Whitby—Ajax, Lib.): Je m'appelle Judi Longfield. Je représente la circonscription de Whitby—Ajax, juste à l'est du grand Toronto.

M. Leon Benoit (Lakeland, Réf.): Je suis Leon Benoit, député du Parlement du centre-est de l'Alberta et porte-parole du Parti réformiste pour la défense.

[Français]

M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Pierre de Savoye, député de Portneuf. Pour vous qui habitez Val-Bélair, Sainte-Catherine et Shannon, je suis votre député.

Mme Pierrette Venne (Saint-Bruno—Saint-Hubert, BQ): Pierrette Venne, députée du Bloc québécois et porte-parole du Bloc en matière de défense nationale. Je représente le comté de Saint-Bruno—Saint-Hubert.

Le président: Merci beaucoup. Sans plus tarder, nous allons entendre notre premier témoin. Capitaine Rodrigue.

Capitaine Suzie Rodrigue (chef, Services psycho-sociaux, BFC Valcartier): Je ne prendrai pas longtemps la parole ce soir pour donner aux gens de la communauté militaire la chance de s'exprimer eux-mêmes. J'aimerais toutefois faire un court résumé de ce qu'on a vu un peu aujourd'hui et vous donner une idée de ce qu'on constate du côté familial.

• 1920

Comme on l'a vu aujourd'hui, l'institution des Forces armées canadiennes a vécu beaucoup de changements au cours des dernières années. Ces changements ont grandement affecté les militaires, leurs familles, leurs enfants et tous ceux qui leur sont liés. Oui, il est vrai qu'en tant qu'institution, on a vu beaucoup de changements.

Puisque le sujet de la rencontre de ce soir est la famille, j'aimerais qu'on reconnaisse aussi la famille comme une institution. En tant qu'institution, dans le contexte canadien, la famille a elle aussi connu beaucoup de changements au cours des 10 dernières années. Notamment, la définition de la famille a changé. Auparavant, on voyait la famille dans un cadre traditionnel: l'homme, la femme, l'enfant et le chien. Depuis 10 ans, cette définition s'est grandement élargie. On voit beaucoup plus de divorces, non seulement chez les militaires, mais aussi chez les civils. On voit beaucoup plus de familles reconstituées, de familles monoparentales. Cela nous touche. À la tête d'une famille monoparentale, on peut retrouver autant un homme qu'une femme. De nombreuses familles ont été reconstituées. Ces éléments constituent des facteurs stressants qui affectent beaucoup la famille.

Dans les Forces armées canadiennes, quand on pense à la famille, on la perçoit peut-être encore comme la famille traditionnelle d'il y a 20 ans, où l'épouse suivait son époux partout où il allait. La nécessité de travailler n'était pas ce qu'elle est actuellement. Tout se passait dans un cadre plus traditionnel.

Tous les Canadiens et Canadiennes ont été témoins des nombreux changements qui se sont produits à l'intérieur de la famille. Les structures ont changé et maintenant tout est davantage partagé au niveau de la structure familiale et des besoins familiaux. On s'attend à ce que l'époux fasse plus et, de plus en plus, les épouses retournent sur le marché du travail. Dans certains cas, elle ne le font pas par choix mais parce qu'elles y sont obligées en raison des conditions socioéconomiques actuelles.

Pour résumer le contexte qui prévaut en 1998, on peut dire que l'institution militaire et celle de la famille vivent beaucoup de changements. Beaucoup de choses sont à revoir au niveau des structures familiales. Comment gère-t-on les conflits familiaux? Comment gère-t-on les besoins des familles? Comment gère-t-on les exigences de notre système militaire?

Ces situations génèrent des conflits à l'intérieur des familles et créent des problèmes. Il est vrai que les gens d'ici sont souvent appelés à être mutés, ce qui exige des familles qui restent en arrière qu'elles travaillent encore beaucoup plus en termes d'organisation. Bien que ces personnes soient souvent capables de s'organiser, les services qui sont en arrière, dont les garderies et les activités sportives, sont importants. Plutôt que d'énumérer tous ces services, je laisserai les gens vous en parler.

Ce qu'il faut principalement retenir, c'est qu'il y a eu beaucoup de changements à l'intérieur des structures familiales et qu'ont surgi beaucoup de conflits à l'intérieur, entre l'institution familiale et l'institution militaire. C'est pourquoi nous disons avoir besoin d'une politique familiale pour nous aider à trouver des moyens de gérer ces conflits qui sachent convenir aux familles et au système.

Je termine ainsi mon intervention. J'aimerais inviter les gens à parler des situations qu'ils ont vécues au cours des 10 dernières années et à appuyer ce que j'ai dit jusqu'ici. Merci.

Le président: Merci.

• 1925

Certains députés auraient peut-être des questions à vous poser.

Monsieur de Savoye.

M. Pierre de Savoye: Vous nous parlez de gérer les besoins familiaux et ceux de l'organisation militaire. Il est évident, et vous le mentionnez, que la société a évolué, tandis que les structures en place sont figées. Elles sont ce qu'elles étaient il y a 20 ans ou peut-être même plus.

D'après vous, si on voulait identifier une seule priorité—on va sûrement en identifier davantage—, qu'est-ce qui serait le plus important?

Capt Suzie Rodrigue: Si on veut faire un changement éminent, on peut sans doute envisager une augmentation salariale. À cet égard, il ne s'est absolument rien passé au cours des cinq dernières années. Il faut se pencher de façon prioritaire sur l'aspect économique.

Un autre aspect important est celui des mutations. Certains militaires dont la femme poursuit une carrière intéressante ne veulent pas être mutés. Il y a une multitude d'exemples de cela. C'est un aspect qu'il nous faut étudier quand on tente de jumeler les besoins et de trouver un juste milieu pour les deux parties.

Un militaire peut refuser une promotion au grade de sergent et une progression de carrière parce qu'il juge plus important de donner une chance à son épouse, qui l'a déjà suivi lors de ses trois mutations et qui s'est jusqu'alors vue obligée de tout recommencer. Pourquoi n'offre-t-on pas de possibilités à cette personne? Nous devons trouver une forme de compensation. Comme je le disais, la famille n'est plus ce qu'elle était et il faut tenir compte de cette réalité, la comprendre, la digérer et arriver à quelque chose. Je n'ai pas toutes les réponses.

Certaines gens pourront peut-être vous proposer de meilleures solutions, mais il est sûr qu'en tant qu'institution, on doit songer à faire les choses différemment. Il est évident que des politiques sont nécessaires, mais qu'est-ce que ces politiques signifient vraiment? Je n'ai pas toutes les réponses. Il est sûr qu'on doit commencer par se pencher sur les choses où ça accroche beaucoup, surtout au niveau familial. Est-ce vraiment important? C'est aussi cela qu'il faut se demander.

M. Pierre de Savoye: Merci.

[Traduction]

Le président: Monsieur Benoit.

M. Leon Benoit: Bonsoir.

Vous avez exprimé certaines des préoccupations que d'autres ont exprimées ici aujourd'hui et ailleurs au pays. Vous avez parlé de la nécessité de réduire les conflits entre le service militaire et la famille. Pour leur part, les autorités militaires qui ont comparu devant nous nous ont dit qu'elles étaient très sensibles aux besoins des familles. Pourtant, vous dites qu'il y a beaucoup à faire et énormément de changements à apporter.

Y a-t-il eu un changement au cours des cinq dernières années? Avez-vous constaté une amélioration depuis cinq ans ou les choses sont-elles toujours aussi difficiles qu'elles l'étaient il y a cinq ans. Les autorités militaires se soucient-elles davantage des familles?

Capt Suzie Rodrigue: Pourriez-vous reformuler votre question?

M. Leon Benoit: Je voulais simplement savoir s'il y a eu une amélioration depuis cinq ans.

Capt Suzie Rodrigue: Je pense qu'il y a eu une amélioration à un certain niveau, et je ne dis pas que sur chaque base, comme ici, il n'y a pas de gens sensibles à ce problème. À mon avis, le problème vient de plus haut.

Pour ce qui est de notre base, il y a eu énormément d'amélioration quant aux services qui sont offerts. Mais parfois, il faudrait s'interroger sur ce que nous faisons et pourquoi et voir s'il n'y aurait pas lieu d'améliorer les choses. Il faut se demander quel est le véritable problème.

• 1930

Comme je l'ai dit, je n'ai pas toutes les réponses, mais je constate qu'à un certain niveau, il y a eu une amélioration dans les services fournis aux familles. J'ignore comment on peut mesurer cette amélioration à une échelle plus vaste.

M. Leon Benoit: Pensez-vous que les autorités militaires ont fait davantage pour répondre aux besoins des couples dont les deux conjoints sont dans les forces armées, particulièrement lorsqu'ils ont des enfants? Fait-on des efforts pour qu'ils ne soient pas séparés plus souvent qu'il n'est nécessaire à la suite de déploiements à l'étranger? Y a-t-il eu une amélioration dans ce domaine? Nous avons entendu énormément de plaintes à ce sujet.

Capt Suzie Rodrigue: C'est un domaine où il y a un problème surtout, comme je l'ai dit, parce que la famille a changé. Lorsqu'on parle de nouvelles structures, c'en est une qui risque de causer des problèmes. Comment les forces armées peuvent-elles composer avec des couples dont les deux conjoints doivent être déployés, surtout s'ils ont des enfants?

Comme je l'ai dit, dans une certaine mesure, le système essaie de venir en aide à ses membres du mieux qu'il peut, mais parfois nous avons aussi les mains liées. Voilà pourquoi je pose la question, comment s'y prendre pour changer de système? Quelle est la solution?

Don vient de me poser une question. Je ne veux pas monopoliser la tribune car il y a beaucoup de monde ici. Les autres intervenants ont sans doute de nombreux exemples à vous fournir et pourront sans doute vous proposer de meilleures solutions. Ils pourront faire état de scénarios qu'ils ont vécus au sein de leurs couples et avec leurs enfants également.

M. Leon Benoit: Merci.

[Français]

Le président: Madame Venne.

Mme Pierrette Venne: J'aimerais tout simplement vous demander si vous savez combien de femmes militaires sont mariées à des militaires. Si on veut faire des recommandations sur une politique pour les couples militaires, il faut savoir si le nombre le justifie, ou du moins en avoir une idée.

Capt Suzie Rodrigue: Je n'ai pas le nombre.

Mme Pierrette Venne: Serait-il possible de l'obtenir, monsieur le président? Il serait important qu'on le sache pour formuler nos recommandations.

Le président: Oui.

Capt Suzie Rodrigue: Nos services des statistiques à Ottawa devraient pouvoir vous procurer ces chiffres. Il ne faudrait pas se limiter aux couples militaires, mais aussi tenir compte des familles monoparentales.

Mme Pierrette Venne: Je le sais. J'ai en effet parlé à des couples militaires cet après-midi des problèmes très spécifiques qu'ils vivent quand ils sont tous deux mutés à l'extérieur et qu'ils ont des enfants. Il y a aussi des familles monoparentales, mais je voulais qu'on me renseigne particulièrement sur les couples militaires.

Capt Suzie Rodrigue: Personnellement, je souhaiterais qu'une commission se penche sur cette problématique pour qu'on puisse formuler une politique et établir les directives nécessaires. Il faudrait qu'on consulte des gens qui sont impliqués dans le domaine même.

Mme Pierrette Venne: Merci.

Le président: Une dernière question de ma part, capitaine. Ce matin, le général Couture nous disait que le comité devrait peut-être recommander qu'on formule une politique familiale. Partagez-vous cet avis et, si oui, qu'est-ce que cette politique pourrait inclure? On a entendu parler tout à l'heure de certains aspects, mais j'aimerais que vous en proposiez d'autres à notre étude.

Capt Suzie Rodrigue: Comme je le disais à ceux qui sont venus visiter l'hôpital, nos travailleurs sociaux ont constaté, lors de visites de screening, une problématique de plus en plus fréquente qui survient quand, au cours du même mois, on mute une famille, par exemple de l'Ontario à ici, et on envoie le militaire participer à une mission de six mois.

• 1935

Nous avons rencontré des difficultés à cet égard. Après une évaluation des problèmes potentiels, nous avons conclu que la personne n'était pas apte à être envoyée en mission immédiatement, invoquant des raisons telles que le fait que le couple n'avait pas eu le temps de s'adapter à son nouvel environnement.

Lorsque nous faisons de telles évaluations, nous ne pouvons qu'émettre des recommandations. Nous n'avons pas de politique familiale qui stipulerait qu'en certaines circonstances, les gens mutés à de nouveaux endroits ne devraient pas être envoyés en mission pendant six mois, à moins d'une dérogation ou d'une évaluation confirmant qu'ils y sont aptes. Présentement, notre pouvoir d'action en vue de diminuer les facteurs stressants chez les familles est limité. Cette situation est très exigeante pour les membres d'une famille qui reste en arrière. Dès leur arrivée dans un endroit opérationnel comme celui-ci, avant qu'ils aient eu le temps de s'ajuster, de s'adapter à la communauté et de trouver les ressources dont ils ont besoin, le militaire part en mission.

Nous demandons que la famille dispose d'au moins six mois lorsqu'elle arrive à un nouvel endroit avant que le militaire fasse pas l'objet d'une mutation parte suivre des cours. On souhaite que la famille ait le temps de se créer un réseau, de s'acclimater à la région et de bien s'installer. Si les enfants ont des besoins quelconques ou qu'ils éprouvent des problèmes particuliers, on doit s'assurer que les ressources nécessaires soient mises à leur disposition.

C'est là un exemple, et je suis assurée que vous en entendrez d'autres. Comme je le disais, j'aimerais laisser les gens vous en parler.

Le président: Merci beaucoup, capitaine.

Monsieur Raymond Carrier.

M. Raymond Carrier (directeur, Centre de la famille): Monsieur le président, mesdames et messieurs, membres du comité, je serai très bref, préférant de beaucoup laisser la parole aux messieurs et dames qui sont ici. Des représentants de nos 130 bénévoles qui travaillent au Centre de la famille sont ici présents et j'aimerais qu'ils nous disent ce qu'ils pensent des services du Centre et de son appui dans leur travail de partenariat. J'aimerais également que ces dames et messieurs vous disent s'ils jugent que ce centre n'a pas assez d'argent pour appuyer les femmes et les aider à réintégrer le milieu du travail, malgré la subvention qu'il reçoit du fédéral. Une foule de femmes et d'hommes qui auraient besoin de tels services sont exclus ou presque de ce programme d'aide à l'emploi parce qu'on n'a pas assez d'argent pour engager des personnes.

J'aimerais aussi que les parents d'ados vous disent s'ils sont satisfaits du fait qu'on n'ouvre le club de jeunesse de la base que deux soirs par semaine et qu'il est fermé pendant l'été, faute d'argent pour payer les animateurs.

J'aimerais que les conjointes des militaires viennent nous dire si elles apprécient les services qui leur sont rendus lorsque leur conjoint est en mission à l'étranger. J'aimerais aussi qu'elles nous disent quelle sorte de services elles souhaitent obtenir, y compris lorsqu'elles éprouvent des problèmes avec leurs enfants.

Bref, ces messieurs et ces dames ont beaucoup de messages à vous livrer ce soir. J'espère personnellement, comme directeur du Centre de la famille, que votre comité transmettra leur message au directorat d'Ottawa qui s'occupe du soutien aux familles des militaires et que ce message indiquera clairement à ces personnes qu'elles doivent nous laisser assez d'autonomie ici, au Centre de la famille, pour qu'on puisse adapter nos services à nos problèmes et non à ceux des autres provinces.

Le cadre opérationnel nous oblige actuellement à offrir les mêmes services d'un océan à l'autre, ce qui, à mon avis, ne répond pas à nos besoins. On aimerait bien avoir un peu plus de latitude pour pouvoir desservir nos familles comme elles le souhaitent elles-mêmes. Je suis convaincu qu'il y a beaucoup de personnes ici qui ont des choses à dire et je souhaiterais qu'elles les expriment spontanément et en toute liberté, parce qu'elles sont ici pour parler des problèmes qu'elles vivent concrètement. Croyez-moi, ces personnes vivent beaucoup plus de problèmes qu'on ne le pense. Donc, j'espère qu'elles prendront la parole en toute liberté. Je suis convaincu que ce sera le cas.

• 1940

Le président: Merci beaucoup, monsieur Carrier. Je demanderais maintenant à M. Yves Labonté de venir s'adresser à nous.

Adjudant-maître Yves Labonté (représentant du personnel du quartier général et escadron des transmissions): Monsieur le président, membres du comité, on a déjà discuté à l'heure du midi du mémoire que je vais présenter, mais j'aimerais le présenter d'une autre façon, pour le bénéfice de la communauté. Il traite de problèmes qui viennent d'être mentionnés et qui sont vraiment importants. Il traite justement de l'impact des mutations sur le personnel.

Je vais parler de la politique de mutation dans les Forces, identifier les lacunes et proposer certaines solutions.

Il n'y a pas eu de changement majeur dans la politique de mutation du personnel depuis plusieurs années. Cette politique était peut-être adéquate il y a une vingtaine ou une trentaine d'années, mais aujourd'hui, elle ne répond pas aux besoins de nos membres.

Au contraire, la politique de mutation actuelle est une source de stress auquel notre personnel doit faire face, tant du point de vue familial et social qu'économique. Dans bien des cas, une mutation est ordonnée simplement parce que le temps d'affectation normal est écoulé. En quelque sorte, on mute quelqu'un pour la seule et unique raison qu'il est au même endroit depuis six ou huit ans.

De plus, ces mutations sont régulièrement annoncées quelques mois à peine avant la date du changement. Cela ne permet pas toujours à la famille de se préparer adéquatement. Il n'est pas rare de recevoir des messages quelques mois ou même quelques jours avant qu'on soit appelé à se déplacer. C'est vraiment inadéquat quand on pense à l'impact que cela peut avoir sur une famille. La gérance de carrière doit être faite à beaucoup plus long terme.

Cette façon de procéder met souvent notre personnel dans des situations familiales, personnelles et économiques difficiles. Cela est vécu par beaucoup de nos membres. Il y a plusieurs années, lorsque la plupart des règlements que nous gouvernent ont été mis en vigueur, le revenu familial était principalement constitué du salaire de l'homme. La réalité d'aujourd'hui, autant dans la société que dans les Forces, est que la survie économique d'une famille dépend du revenu des deux parents, des deux conjoints. De plus en plus, les deux conjoints ont des revenus comparables, et les conjoints de militaires possèdent des carrières bien établies, avec des avantages sociaux et autres conditions qu'il serait impossible de transférer au nouveau lieu d'affectation. L'un des conjoints est donc confronté à l'abandon possible de son emploi et, souvent, de sa carrière pour accommoder l'autre.

Il n'est pas rare que le conjoint du militaire doive quitter son emploi à la suite d'une mutation. Habituellement, il est impossible de retrouver un emploi comparable ou assorti des mêmes conditions au nouveau lieu d'affectation. Il n'existe actuellement aucune compensation ou aide disponible pour faciliter le retour au travail.

Il y a quelques années, une mutation se traduisait souvent par un gain financier réalisé lors de la vente d'une maison, ce qui contribuait à alléger le fardeau financier que devait assumer la famille. De nos jours, il est fréquent de perdre de l'argent lors d'une telle transaction. Bien qu'il existe des programmes de remboursement ou de rachat, ils sont inflexibles et ce ne sont pas tous les militaires qui ont subi des pertes qui peuvent en profiter.

L'éducation des enfants est souvent un problème lors d'une mutation. Les programmes sont souvent différents selon les provinces, et il n'est pas rare qu'un enfant doive reprendre une année scolaire à la suite d'une mutation.

C'est surtout durant la période de l'adolescence que les enfants développent leurs propres valeurs personnelles. Il est important qu'ils puissent se développer dans un environnement stable. À certaines périodes, une mutation peut avoir un effet dévastateur et provoquer des effets indésirables tels que la diminution de la performance scolaire. Cela peut aller jusqu'à la délinquance.

• 1945

Il est important de comprendre que, lors d'une mutation, à certains moments, les parents devraient avoir beaucoup à dire. Ils sont les seuls à savoir quand et dans quelles circonstances une mutation peut être acceptable pour leur famille.

À la suite d'une mutation, le filet social d'une famille est à son minimum. À ce moment-là, les membres de la famille sont très vulnérables, particulièrement si le conjoint militaire doit s'absenter pour une période prolongée, par exemple pour une mission des Nations unies ou un long exercice. C'est une nouvelle source d'énormes tensions et cela requiert les services d'une arrière-garde élaborée, d'agences et de personnel spécialisés, ce qui a déjà été dit.

Lorsqu'une famille emménage dans une nouvelle maison, certains travaux de rénovation sont souvent nécessaires pour que la famille puisse jouir d'une qualité de vie comparable à celle que procurait la demeure familiale perdue. Actuellement, les indemnités de relocalisation ne permettent pas de couvrir adéquatement les frais réels associés à l'insertion de la famille dans son nouveau milieu.

Cela ajoute au fardeau financier que doivent assumer nos membres. Les voyages pour une recherche de domicile sont généralement d'une durée d'une semaine. Cela n'est pas suffisant pour trouver un domicile, un travail pour le conjoint, une école pour les enfants et un quartier qui corresponde aux besoins de la famille. Il faut faire tout cela en cinq ou six jours. C'est impossible. Cela ne permet pas non plus au militaire de se familiariser avec les conditions du marché immobilier local et peut l'amener à commettre des erreurs qu'il devra assumer lors de la revente.

Il est évident que la façon actuelle de gérer les mutations ne correspond plus aux besoins de notre personnel et lui cause trop souvent des préjudices. Nous proposons certaines modifications afin d'améliorer les procédures de mutation et de les rendre compatibles avec la réalité d'aujourd'hui.

On propose que les périodes de mutation soient prolongées afin de minimiser le nombre de déplacements au cours d'une carrière. Les mutations devraient être offertes seulement pour combler les besoins du service; muter quelqu'un seulement parce qu'il est à un endroit depuis six ans n'est pas toujours sensé, et c'est très coûteux.

Les mutations devraient être annoncées au moins une année à l'avance afin de permettre aux membres et à leurs familles de se préparer adéquatement. Dans certains cas, cela veut dire que chaque membre de la famille doit apprendre la deuxième langue officielle. Quand on est parachuté dans un nouvel environnement et qu'on ne connaît pas la langue, l'intégration est beaucoup plus difficile. Si on pouvait le savoir une année à l'avance, cela permettrait aux gens de mieux se préparer et éviterait beaucoup de problèmes.

Nous avons un autre reproche à formuler. Nos gérants de carrière font maintenant de l'administration de carrière. On ne fait pas de gestion à ce niveau-là. On réagit. On planifie à la dernière minute et le fardeau est assumé par nos membres, par nous. C'est nous qui subissons les conséquences et qui payons les coûts des erreurs de gestion de nos administrateurs.

Si on avait une année pour se préparer à une mutation, on serait mieux en mesure de passer à travers cette pénible expérience. Il est essentiel de garantir qu'un militaire muté ne subira jamais de pertes financières simplement parce qu'il a répondu aux besoins du service. C'est un gros cauchemar. Actuellement, à peu près tous ceux qui sont mutés et qui sont propriétaires d'une maison perdent de l'argent, et il n'est pas toujours possible de se faire rembourser, parce qu'il y a souvent une petite condition qu'on ne remplit pas et qui fait en sorte que le système ne nous rembourse pas. Cela a un effet dévastateur. C'est incroyable. Il est essentiel de tenir compte de la situation familiale lorsqu'on envisage une mutation, et c'est spécialement important lorsqu'il s'agit de déménager une famille avec des enfants. On parlait plus tôt d'une politique familiale. Il est essentiel qu'on développe une politique de ce genre quand on mute des gens. Il faut s'occuper de tout l'impact que cela a sur les individus. Une personne qui arrive dans un nouveau lieu d'affectation et qui a toute sortes de tracas financiers, personnels ou familiaux ne sera pas une personne productive. Elle ne pourra être utile au système si elle a tous ces ennuis-là, peu importe la position qu'elle occupera. On va créer un problème au lieu d'avoir les services d'une personne pleinement compétente et en pleine possession de ses moyens.

Les frais réels de relocalisation devraient être remboursés. Actuellement, on ne parle que d'environ 800 $ pour emménager dans une nouvelle maison; cela ne défraie que le coût des rideaux; c'est à peu près tout. Le reste est à nos frais. Tout est à recommencer lors de chaque déménagement. Il faut tout recommencer: mettre de l'asphalte, faire un patio, un cabanon, le paysagement, peindre la maison, changer les rideaux, et c'est seulement cela qui est remboursé.

• 1950

Un programme d'aide à l'emploi sérieux pour les conjoints de militaires est nécessaire pour faciliter leur réinsertion sur le marché du travail. Actuellement, on n'offre que de l'aide pour la rédaction d'un curriculum vitae. Croyez-moi, l'impact de cela est assez minime.

Mon épouse est hygiéniste dentaire. On a déménagé en Ontario. Elle n'a pu travailler immédiatement parce qu'elle n'avait qu'une certification au Québec. En Ontario, il a fallu qu'elle subisse des examens et cela a pris un certain temps. Il a fallu qu'elle apprenne l'anglais. Il a fallu qu'elle suive des cours. Elle a subi l'examen avec des gens qui venaient du Japon, de l'Europe et de l'Amérique du Sud. Avant qu'elle ne puisse travailler dans sa profession—et elle était pleinement compétente—, elle a été traitée comme quelqu'un qui arrivait d'un autre pays.

Un voyage de recherche de domicile d'une durée plus longue devrait être accordé afin que les gens puissent faire face aux exigences réelles d'une relocalisation. L'impact de cela est énorme quand arrive le moment de vendre. Si on fait un mauvais choix au cours des deux ou trois jours qu'on a pour se décider à faire l'acquisition d'une demeure, on va en payer le prix quand on va partir. À ce moment-là, le système va nous dire: Écoute, tu ne remplis pas telle condition et on ne peut donc pas te rembourser ou t'aider.

C'est difficile, lorsqu'on arrive dans un nouveau quartier, dans une nouvelle province, de saisir toutes les subtilités du marché immobilier local. C'est extrêmement difficile de faire cela en deux ou trois jours. Dans les faits, c'est ce qu'on a. C'était adéquat il y a 20 ans, quand on faisait des profits de 10, 15 et 20 p. 100 chaque fois qu'on vendait une maison. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas: on perd 10, 15 et 20 p. 100 quand on vend une maison. On perd cet argent-là.

C'est un sujet qui mérite une attention particulière. Les mutations sont une source d'ennuis pour beaucoup de gens. C'est à la base du déclin des gens. Ensuite, cela devient des fardeaux, des problèmes administratifs, etc. Merci.

Des voix: Bravo!

Le président: Merci beaucoup, monsieur Labonté.

[Traduction]

Monsieur Benoit, vous avez une question?

M. Leon Benoit: Merci.

Je vous remercie de votre mémoire. J'ai particulièrement apprécié que vous proposiez certaines solutions. Je pense avoir déjà entendu à maintes reprises cet après-midi et ailleurs les commentaires que vous venez d'exprimer. Vous n'êtes donc pas le seul à penser de cette façon.

J'ai deux questions à vous poser. Vous avez suggéré un préavis d'un an pour les affectations. Est-ce réaliste? L'armée pourra-t-elle fonctionner si elle doit donner un avis d'un an pour les affectations?

Adjum Yves Labonté: À mon avis, oui. Si les gestionnaires de carrière étaient autorisés à vraiment gérer au lieu de simplement administrer, ce serait possible. On ne réussira peut-être pas à tout coup, mais si on peut réussir dans 70 ou 80 p. 100 des cas, cela représenterait une amélioration sensible par rapport à la situation actuelle. Ce sera sans doute impossible de réussir à tout coup, mais plus le préavis sera long, mieux les gens seront préparés et moins ils auront de problèmes à vivre l'expérience.

M. Leon Benoit: Il y a plusieurs années, j'ai eu une secrétaire qui me disait que le manque de planification de ma part ne constituait pas une urgence pour elle.

Il y a sûrement des moyens de donner un préavis beaucoup plus long qu'à l'heure actuelle. J'ai entendu dire que dans certains cas, le préavis n'était littéralement que de quelques jours.

Adjum Yves Labonté: Absolument. L'année dernière, de nombreux messages ont été envoyés en mai et en juin. C'est ridicule. Je dois partir en affectation cette année. Dans mon coin, les gens ont déjà vendu leur maison. Il y a déjà des maisons vendues sur le marché domiciliaire. Moi, ma maison n'est même pas encore sur le marché. Je ne sais pas ce qui va se passer. Je sais qu'il y a une possibilité... Je le saurai peut-être en mars ou en mai. Il se peut que je parte seul. Je l'ignore. Cette année, les gestionnaires de carrière ne sont pas autorisés à envoyer de lettres avant la fin de février. C'est une obligation qui leur est imposée cette année.

Ce n'est pas la meilleure gestion possible. C'est une administration de comptables. Cela n'a rien à voir avec la gestion.

M. Leon Benoit: Si j'ai bien compris, malgré les beaux discours où l'on dit se soucier du personnel, ce qui est important, bien entendu, pour assurer le bon fonctionnement d'une organisation ou des forces militaires, vous êtes d'avis qu'à tout le moins dans certains cas, ces propos ne se traduisent pas par des mesures concrètes.

• 1955

Adjum Yves Labonté: À l'échelon inférieur, au sein de la brigade ici, on est très sensible à ce problème. On manifeste beaucoup de compassion et de compréhension. Mais plus on monte dans la hiérarchie, plus les décisions sont prises froidement, pour des motifs administratifs. Elles ne reflètent pas les besoins ou la réalité de la situation. Ce sont des décisions strictement administratives, et c'est nous qui écopons.

J'ai l'impression qu'aux échelons supérieurs, on a reçu l'ordre de faire des économies et, trop souvent, cet exercice se fait à nos dépens. Chaque fois que l'armée fait des économies, c'est moi qui paie. Ce ne sont pas de bonnes économies. Les répercussions sont phénoménales.

M. Leon Benoit: Oui, et dans bien des cas, il n'y a sans doute pas d'économie du tout.

Dans les cas où un conjoint est déployé et où des enfants sont en cause, cela se traduit par la séparation d'un couple... Dans certains cas dont j'ai entendu parler, une autre personne ayant les compétences voulues pour assumer les fonctions requises s'était portée volontaire pour le déploiement et pourtant, cette solution n'a même pas été envisagée.

Adjum Yves Labonté: Pour une raison quelconque, on entend beaucoup d'histoires de ce genre. Voilà pourquoi il faut élaborer une politique sur laquelle nous pouvons compter, que nous pourrions appliquer et aux termes de laquelle nous pourrions exiger protection.

J'aimerais aussi signaler le fait que nous ne sommes pas syndiqués. Tous les membres des forces armées y ont adhéré volontairement et sont prêts à être déployés n'importe où dans le monde à bref préavis. D'ailleurs, nous avons vu un exemple de cela récemment. En l'espace de 12 heures, la brigade toute entière est partie à Montréal. Il n'y a pas eu une seule plainte. Personne ne s'est récusé en disant qu'il ne voulait pas y aller. Personne n'était contre. Il n'y a pas eu un murmure de contestation parce que nous sommes tous prêts à accepter ce genre de défi. À mon sens, nous avons sacrifié la protection d'un syndicat à cause des exigences opérationnelles des forces militaires. Les forces ne peuvent fonctionner sans pouvoir compter sur cette souplesse. Mais ce faisant, nous avons également perdu la possibilité de nous défendre adéquatement.

À l'heure actuelle, je suis partie prenante au processus de règlement d'un grief concernant ma dernière affectation, qui remonte à cinq ans. J'ai consacré deux ans à un processus administratif, deux ans à une procédure de règlement de grief, et ce n'est toujours pas fini. Je ne suis pas un avocat; je ne suis pas un écrivain. Vous devriez voir la tonne de paperasse que j'ai dû remplir pour mener à bien ce processus. C'est incroyable, et je dois faire tout cela sans aide. Comme je l'ai dit, je ne peux compter sur un délégué syndical pour m'aider. Je dois assumer ce fardeau individuellement et la pression est parfois écrasante. Les obstacles sont tellement nombreux. On se sent dépassé.

M. Leon Benoit: Je n'ai qu'une autre question.

Vous avez dit qu'il faudrait accorder une considération spéciale aux familles. Faut-il croire que ce n'est pas le cas à l'heure actuelle? Avez-vous l'impression qu'on n'accorde pas d'attention particulière au cas où une famille est en jeu par rapport à un autre où ce serait différent?

Adjum Yves Labonté: Je reviens à ce qui se passe aux échelons inférieurs. Au sein de l'organisation ici, je suis sûr qu'on en tient compte, qu'il y a des gens à qui nous pouvons parler et de qui nous pouvons obtenir de l'aide, mais on ne peut les consulter pour réparer les pots cassés. Il n'y a pas de mécanisme de prévention pour empêcher ces séparations, pour empêcher qu'une famille traverse des moments difficiles. On ne peut empêcher cela à l'avance. Dans la plupart des cas, il y a un train de mesures disparates qu'on prend ultérieurement. C'est très utile, mais cela ne constitue pas de la prévention. On essaie de réparer les torts par après. Je suis très heureux qu'on le fasse, mais bien souvent, on aurait pu prévenir le problème en ayant simplement une politique familiale, une directive qui précise qu'on doit tenir compte de la situation des gens avant de prendre des décisions qui les concernent.

Souvent, les membres des forces armées sont prêts à sacrifier leur avancement pour répondre aux besoins de leur famille, et cela n'est pas accepté normalement. Les gens doivent aller de l'avant.

• 2000

M. Leon Benoit: Je suis encouragé par le fait qu'aujourd'hui j'ai entendu plusieurs personnes dire que sur cette base, on tient compte de ce facteur. Le problème est lié aux décisions prises à Ottawa.

Adjum Yves Labonté: Je pense que cela reflète le sentiment de la collectivité ici, oui.

M. Leon Benoit: Oui. Il est donc encourageant qu'il y ait ici sur cette base des gens qui travaillent fort pour vous. Nous ferons tout notre possible pour faire bouger les choses à Ottawa.

Merci beaucoup.

[Français]

Le président: Monsieur de Savoye.

M. Pierre de Savoye: Monsieur Labonté, je veux vous féliciter pour la présentation que vous avez faite. Je veux également vous féliciter pour les neuf recommandations que vous communiquez au comité; ce sont des recommandations qui touchent directement les points que vous avez soulevés, et ils les touchent d'une façon opérationnalisable.

Je comprends, de ce que vous nous dites, que lorsqu'une mutation arrive, il y a des coûts familiaux et financiers, et vous avez l'impression que, des deux côtés, vous payez la facture de toute manière. Vous aviez accumulé un petit capital pour vous acheter une maison, vous vendez la maison à perte et vous vous retrouvez peut-être sans le moyen de vous acheter une nouvelle maison sur l'autre base.

Adjm Yves Labonté: Et il faut expliquer tout cela à notre conjointe.

M. Pierre de Savoye: Et il faut expliquer tout cela à la conjointe. Oui, les conjointes méritent d'être applaudies.

Des voix: Bravo!

M. Pierre de Savoye: Je me suis laissé dire aujourd'hui que, pour être conjointe de militaire, il fallait être une personne bien spéciale.

Des voix: Bravo!

M. Pierre de Savoye: Mais je dois vous dire que pour être militaire, il faut aussi être une fille ou un gars bien spécial. Vous êtes très vaillants et très travaillants.

Cela dit, vous dites que s'il doit y avoir des mutations, elles devraient avoir lieu seulement pour répondre aux besoins du service. Vous avez tous été mutés et vous avez parfois l'impression que les mutations ne sont pas faites pour répondre aux besoins du service, mais parce que c'est écrit dans le règlement et que c'est une vieille habitude qu'on traîne et qu'on devrait peut-être cesser de traîner.

Adjm Yves Labonté: Quand on change quatre «trente sous» pour «une piastre», qu'est-ce qu'on accomplit? Il y a des personnes qui ont été formées, qui sont qualifiées, qui sont compétentes dans leur travail et un jour, pour une raison ou une autre, il leur arrive un message de mutation. Cette personne part et quelqu'un d'autre du même grade vient la remplacer. Qu'est-ce qu'on a accompli?

M. Pierre de Savoye: On a déplacé deux familles et on a rendu deux militaires moins heureux.

Adjm Yves Labonté: Exactement.

M. Pierre de Savoye: Selon vous, combien de mutations sont réellement utiles pour le service et combien d'entre elles, proportionnellement, sont simplement la conséquence d'un règlement qui s'applique depuis longtemps?

Adjm Yves Labonté: Généralement, quand il y a un vide à combler parce qu'il y a eu une promotion, il est évident que la mutation est nécessaire. Habituellement, elle est accompagnée d'une promotion. À ce moment-là, il y a un certain avantage pour la personne qui est mutée.

Il y a certains autres postes pour lesquels il faut obligatoirement faire des rotations après un certain temps. Certains postes sont isolés. Il y a des postes qui ne sont pas tellement agréables. Dans ces cas-là, on est obligé de faire des rotations de personnel. Mais il arrive très souvent qu'on mute des gens sans savoir pourquoi. Les gens ne veulent pas bouger. La personne qui remplace celui qui ne veut pas partir, ne veut pas partir d'où elle est. On se retrouve dans un cercle vicieux. On déplace deux, trois ou cinq personnes, et aucune d'entre elle n'en est heureuse.

M. Pierre de Savoye: Vous dites qu'une mutation devrait être assortie de certains incitatifs. Vous dites également qu'il y a des personnes qui préfèrent sacrifier un morceau de carrière pour maintenir la stabilité familiale. Quel genre d'incitatif voyez-vous? Quelles seraient les conséquences pour la carrière de quelqu'un qui préfère conserver sa stabilité familiale?

Adjm Yves Labonté: Cela affecterait sa progression de carrière. Actuellement, la seule façon d'obtenir des augmentations de salaire, c'est par ces promotions. Il arrive que des personnes décident de renoncer à leur progression de carrière et à leurs augmentations de salaire pour permettre à leur conjoint ou à leur conjointe de poursuivre aussi une carrière. On compte sur le fait qu'on a de la stabilité et qu'on peut payer sa maison pour arriver finalement à la retraite avec des acquis. Ce sont des avantages. C'est le prix que des gens peuvent payer.

• 2005

Quelle était la première partie de votre question?

M. Pierre de Savoye: Dans votre recommandation, vous dites qu'une mutation devrait être assortie d'incitatifs. À quoi songez-vous?

Adjm Yves Labonté: Par exemple, la politique de mutation devrait être basée seulement sur le besoin. Au lieu de muter les gens, on afficherait un certain nombre de postes disponibles. On inviterait les militaires à poser leur candidature et on choisirait la personne la plus compétente, la plus apte à occuper le poste. Les gens qui auraient posé leur candidature seraient ceux qui sont prêts à effectuer le déménagement; ils se seraient préparés et ils le feraient dans le but d'acquérir quelque chose: aller à l'endroit où ils veulent ou obtenir la promotion qui vient avec le poste.

Il me semble que ce serait facile de gérer les choses comme cela. En tout cas, ce ne serait pas impossible. Les corps de police provinciaux et fédéral fonctionnent un peu selon ce principe-là.

M. Pierre de Savoye: Merci beaucoup, monsieur Labonté.

Le président: Merci beaucoup, Pierre.

Madame Venne.

Mme Pierrette Venne: Monsieur Labonté, vous avez tous, d'après ce que j'ai compris aujourd'hui, des gérants de carrière. Ce gérant de carrière vous consulte-t-il pour savoir si vous êtes intéressés à être mutés?

Adjm Yves Labonté: Je parle très régulièrement avec notre gérant carrière. Si je pars d'ici cet été, ce sera pour aller dans un poste de gérant de carrière.

Je vais possiblement sauter dans cette marmite-là s'il arrive à se brancher. Je parle fréquemment avec le gérant de carrière de mon métier. Je constate qu'il a les mains liées. Il suit des directives et il est contraint de prendre les décisions qu'il prend. Il ne fait pas de la gestion. Il fait de l'administration. C'est ce que je constate.

Mme Pierrette Venne: Vous parlez des frais de relocalisation qui devraient être remboursés et vous dites que le montant remboursé actuellement aux militaires ne correspond pas du tout à la réalité. Quel est ce montant?

Adjm Yves Labonté: On pourra me corriger là-dessus, mais je vous affirme qu'avec 850 $, on n'achète que des rideaux. Le reste est à nos frais. À chaque déménagement, c'est à recommencer. Certaines personnes peuvent entrer dans une maison, l'habiter et n'y rien faire. Malheureusement, je fais partie de ceux qui, en entrant dans une maison, la repeignent, font du paysagement, etc. On parle toujours de quelques milliers de dollars. C'est inévitable si on veut obtenir une qualité de vie comparable à celle qu'on avait auparavant. Déménager, c'est bien beau, mais on ne veut pas avoir pire. On veut avoir une maison confortable et chaleureuse.

Mme Pierrette Venne: Vous m'avez dit plus tôt, si je ne me trompe, que vous n'êtes pas syndiqués et que vous ne pouvez compter que sur vous-mêmes; enfin, vous laissiez entendre cela. Entre vous et votre supérieur, ne doit-il pas exister un lien de confiance qui serait censé vous aider?

Adjm Yves Labonté: Très certainement. Comme je vous le disais plus tôt, je parle d'une expérience personnelle que je suis encore en train de vivre. J'ai reçu beaucoup d'appuis au niveau de mon unité. J'ai reçu un appui au niveau de la brigade, mais plus on s'éloigne, moins cet appui est évident. Dans un processus de réparation d'injustices, on peut obtenir les services d'un individu pour nous aider à passer à travers ce travail. J'ai choisi de le faire par moi-même, mais cela représente une quantité de travail énorme: de la préparation, de l'écriture, de la confrontation avec des autorités supérieures, etc. Ça n'en finit plus. On se fait recaler sur des détails techniques. Les gens, dans les bureaux supérieurs, étudient tout ce qu'on peut écrire. Ils notent le moindre accroc afin de pouvoir refuser notre demande.

• 2010

S'ils consacraient autant d'énergie à regarder de quelle façon les règlements actuels peuvent nous aider, cela nous aiderait considérablement. Ces gens-là, de leur propre aveu, sont là tout simplement pour économiser de l'argent. Quant à moi, ils devraient aussi être là pour nous donner ce à quoi on a droit.

Oui, les règlements peuvent être interprétés, mais l'interprétation est habituellement restrictive. On ne cherche pas à nous aider.

Par exemple, actuellement, le seul règlement qui permet d'obtenir un remboursement de tous les frais encourus s'applique seulement à la perte immobilière. Mais on trouve le moyen, même dans ces cas-là, de nous refuser le remboursement à cause de détails techniques. C'est vraiment décevant. Malgré tout cela, nous devons continuer à bien faire le travail, à être motivés et, dans des postes de leadership, il faut aussi former les autres et les motiver. Ce n'est pas toujours facile. Il faut répondre aussi à l'être suprême, le sergent-major local à la maison.

Des voix: Ah, ah!

Mme Pierrette Venne: C'est comme cela que vous l'appelez, vous?

Adjm Yves Labonté: Cela non plus n'est pas facile.

Mme Pierrette Venne: Merci, monsieur Labonté.

Des voix: Bravo!

[Traduction]

Le président: Monsieur Pratt, et ensuite une petite question de M. Benoit.

M. David Pratt: Merci, monsieur le président.

Monsieur Labonté, je ne sais pas exactement comment vous avez formulé cela, mais vous avez dit quelque chose qui allait en ce sens: si les gens sont malheureux, ils ne s'acquittent pas de leurs fonctions de façon optimale. Ils ne donnent pas le maximum s'ils sont préoccupés par d'autres questions que leur travail. Pensez-vous que l'ensemble des problèmes auxquels se heurtent les membres des forces canadiennes à l'heure actuelle a nui à l'efficacité opérationnelle des forces dans leur ensemble? En guise de corollaire à cette question, comment jaugez-vous le moral de votre unité, de votre base et des Forces armées canadiennes en général?

Adjum Yves Labonté: Pour ce qui est de l'incidence sur les opérations, il m'est difficile de répondre à cette question. Les problèmes ne sont certes pas sans répercussion, mais par ailleurs je suis très fier des membres de cette organisation. J'estime que les soldats sont très professionnels et même s'ils se heurtent à d'énormes difficultés dans leur vie personnelle, ils s'acquittent toujours de leur travail. C'est une tradition dans les forces militaires canadiennes depuis de nombreuses années. Comme on peut le constater dans les théâtres d'opération où il est déployé, le soldat canadien est très respecté et son professionnalisme est reconnu par la communauté internationale.

Il y a certainement un effet qui se fait sentir sur les opérations, mais je suis convaincu que le soldat canadien a suffisamment de professionnalisme pour surmonter la situation. Mais cela se fait aux dépens de sa vie personnelle, et on ne peut quantifier cela. C'est grâce à son professionnalisme qu'il peut surmonter ces obstacles.

Pouvez-vous répéter la deuxième partie de votre question?

M. David Pratt: La deuxième partie portait sur le moral des troupes. Comment décririez-vous le moral dans votre propre unité, votre base et dans l'ensemble des forces armées?

Adjum Yves Labonté: Je dirais que le moral est excellent. Il est très bon. Encore une fois, c'est le fruit d'un travail d'équipe. Il arrive parfois que les gens qui traversent des situations difficiles s'unissent, se serrent les coudes. Ce n'est pas nécessairement parce que tout va tellement bien, c'est plutôt que l'adversité a tendance à inciter les gens à se regrouper. À ce moment-là, le moral est bon.

• 2015

Dans mon unité, les gens sont généralement heureux d'être là, ils se sentent unis. En janvier 1997, toute l'unité est revenue d'une tournée en Bosnie. Il s'agit donc d'un groupe de personnes très uni et c'est pourquoi le moral est élevé. Ce n'est pas nécessairement parce que la situation est idéale. Mais nous avons des liens étroits et cela influe sur le moral.

M. David Pratt: Oui. Si j'ai posé la question, c'est que sur d'autres bases on nous a dit que le moral était bon au niveau de l'unité, mais mauvais dans l'ensemble des forces armées. Êtes-vous en accord ou en désaccord avec cette affirmation?

Adjum Yves Labonté: Encore une fois, à l'échelon inférieur, si l'on reste au niveau de la brigade, le moral est élevé. Mais ce sont les décisions prises en haut lieu qui ne sont pas tellement satisfaisantes. Encore une fois, j'ai le sentiment qu'à l'échelle de la brigade, nous avons affaire à des dirigeants qui se soucient de leurs effectifs. Tout le monde partage le sentiment de faire partie d'une communauté. Mais dès qu'on quitte ce niveau, il semble qu'on traite davantage avec des administrateurs qui prennent leurs décisions froidement et cela peut expliquer ce sentiment d'insatisfaction.

À une ou deux reprises, j'ai eu connaissance de gens qui ont demandé... Leur contrat d'un an était presque arrivé à échéance. À deux occasions, il s'agissait de soldats revenant d'une mission de l'ONU qui avaient demandé une prolongation d'un an pour organiser leur vie. Nous avons présenté en leur nom une demande qui a été envoyée à Ottawa et la réponse est revenue sous forme de message lapidaire: «Non».

C'est à moi qu'il appartient de dire à ces personnes face à face que nous ne pourrons les accueillir. Quelqu'un, au siège social, a pris une décision en se fondant sur les statistiques. Après avoir ouvert quelques manuels, il s'est prononcé: «D'après les règles et règlements, c'est non; par conséquent, c'est impossible.» Mais moi, je dois communiquer cela directement à la personne. Ce n'est pas une situation agréable.

Je suis sans doute insuffisamment payé pour m'acquitter de ce genre de mission très souvent.

M. David Pratt: Merci.

Le président: Merci, David.

Monsieur Benoit, une très brève question.

M. Leon Benoit: Je pense qu'à deux reprises, vous avez dit que les gestionnaires de carrière se bornaient à administrer plutôt qu'à gérer. Je vais maintenant vous affecter à Valcartier à titre de gestionnaire de carrière. Comment feriez-vous les choses différemment?

Adjum Yves Labonté: Je ne sais pas si je pourrais entrer dans le moule. Je durerais au plus six mois et ensuite, ce serait la fin.

M. Leon Benoit: Mais comment feriez-vous les choses différemment? Comment vous y prendriez-vous pour gérer plutôt qu'administrer?

Adjum Yves Labonté: Je ne pense pas qu'une personne puisse y arriver seule. Je connais des gens très compétents qui assument ces fonctions, de très bons amis, des gens que je respecte beaucoup, mais je ne pense pas qu'ils aient pu surmonter les obstacles systémiques. Je ne pense pas qu'en allant là-bas moi-même, je pourrais redresser la situation, à moins que les règles changent.

M. Leon Benoit: Ce sont donc les règles auxquelles ils sont assujettis qui font problème.

Adjum Yves Labonté: Oui.

M. Leon Benoit: Merci.

[Français]

Le président: Merci beaucoup, monsieur Labonté.

Adjm Yves Labonté: Merci.

Le président: Madame Ginette Tremblay, s'il vous plaît.

Mme Ginette Tremblay (témoigne à titre personnel): Bonsoir. J'aimerais parler avec vous de quelques sujets. M. Labonté a parlé de mutations. J'habite ici depuis un an et demi. J'arrive de l'Outaouais. Je sais donc ce que c'est que de perdre de l'argent. J'ai perdu 25 000 $ en vendant ma maison. Elle a été mise en vente à la dernière minute. J'ai un enfant handicapé. Cela a été très compliqué de trouver en une semaine un endroit pour se loger, une école et des services.

Il a fallu que je vienne vivre dans les PMQ parce que je n'ai pas trouvé de maison. Ayant perdu beaucoup d'argent, je n'en avais plus pour acheter une autre maison. J'ai alors compris que cela pouvait être très très difficile pour une famille. J'ai perdu tout ce que j'avais investi dans ma maison pendant cinq ans.

• 2020

Je fais partie du Centre de la famille depuis que je suis ici, soit depuis un an et demi. Les compressions budgétaires ont fait que les services aux familles ne sont pas ce qu'ils devraient être. Le message transmis aux familles par les hauts dirigeants n'est pas ce qu'il devrait être. Beaucoup de familles qui sont sur la base depuis très longtemps ne savent même pas ce que le Centre peut leur offrir. La communication ne se fait pas. Je ne sais pas où la coupure se fait à un moment donné, mais cette information ne se rend pas aux militaires. Ou bien il y a des rumeurs: on dit des choses fausses, ce qui fait que le Centre de la famille n'est pas représenté à sa juste valeur.

Pour l'arrière-garde, ce qui est un autre point très chaud, j'ai vu certaines choses. Heureusement pour moi, depuis que j'habite la base, mon mari n'est pas allé ailleurs. Cependant, quand j'habitais l'Outaouais, à Gatineau, mon mari est parti deux fois, chaque fois pour six mois.

Quand ton mari est soldat à Ottawa, il part seul. Il n'y avait pas de centre de la famille près de chez moi. Il n'y avait pas d'arrière-garde. Le comité de conjoints, c'était moi, moi et moi. Quand on avait des problèmes, on se remontait le moral comme on le pouvait. Jamais quelqu'un ne m'a appelée pour savoir si j'allais bien. J'ai perdu mon emploi. Je travaillais dans l'hôtellerie comme réceptionniste jusqu'à minuit et je ne pouvais faire garder mon petit garçon. Je n'avais donc pas le choix: il a fallu que je quitte mon emploi.

J'ai subi une opération, de même que mon fils, mais il n'y avait personne, et mon mari était loin. Sur une grande base comme celle-ci, ce sont des choses importantes. On fait beaucoup même s'il y a de grosses lacunes. Mais les familles de militaires qui vivent à l'extérieur, par exemple à Ottawa ou à Montréal—je viens de Montréal et j'ai vu Longue-Pointe aussi—, ne sont pas aidées. Qu'il y ait une femme ou qu'il y en ait 125, le problème est aussi grave.

Je soulève un troisième sujet. Sur la petite liste de questions que vous nous avez remise, vous demandez ce que le gouvernement pourrait faire pour les personnes qui demeurent dans des logements familiaux. Aujourd'hui, je suis restée à la maison. Je n'ai pas fait de bénévolat parce que j'avais des tâches ménagères à effectuer. Je ris parce qu'il y a beaucoup de gens qui savent de quoi je parle. Il y a un important problème d'eau sur la base. L'eau que vous avez sur les tables n'est pas l'eau que nous avions quand je suis arrivée ici. L'eau a été changée depuis que je suis entrée dans la salle, parce que j'ai sorti mon eau à moi, trop vite peut-être. Une de mes voisines est ici avec moi. Il y a beaucoup de gens ici qui demeurent sur la base et je suis certaine qu'ils ont les mêmes problèmes que moi.

On a fait plusieurs plaintes, mais cela ne se règle pas. Les moyens de pression, quand on habite les logements familiaux, ne sont pas les mêmes que quand on demeure en ville. J'avais ma propre maison et j'ai demeuré dans des édifices à appartements. Lorsque tu veux faire une plainte, tu t'adresses au propriétaire et il faut que cela se règle. Si on était des civils, cela ne traînerait pas comme cela. Cela fait plusieurs mois que les choses traînent. Je ne sais pas ce qui se passe, car on n'est pas avertis. J'ai quelque chose à vous montrer.

Pour ceux qui ne m'ont pas entendue, voici mon eau de 15 heures, cet après-midi, et voici l'eau de 17 heures pour faire cuire les patates. Heureusement, c'est de l'eau de source que je suis allée acheter parce que je n'étais pas capable de me servir de l'autre.

• 2025

Ça, c'est l'eau de ma voisine. Il y en a peut-être qui voudront venir voir ce qu'il y a dans le fond. Celle-là, c'est l'eau que mon fils pourrait boire sans que je m'en rende compte quand il monte à l'étage pour aller à la toilette. Et celle-là, c'est l'eau de ma deuxième voisine. Cela, c'est le fond. Je ne veux pas savoir ce qu'il y a là-dedans.

Voici le chandail UN de mon mari, que j'ai lavé ce matin. Il est très beau. C'est le chandail que j'ai lavé à 15 heures aujourd'hui. C'est le sien. Il n'était pas content quand il est arrivé de son travail. Les deux chandails sont identiques. Ils ont été achetés tous les deux en Israël, mais ils n'ont pas été lavés dans la même brassée.

Des voix: Bravo!

Le président: Merci beaucoup, Ginette. Je suis convaincu que certains députés auront des questions à vous poser, M. de Savoye le premier.

M. Pierre de Savoye: Madame Tremblay, vous avez le sens du théâtre et vous avez raison! Madame Tremblay, depuis combien de temps est-ce que cela dure?

Mme Ginette Tremblay: Cela fait un an et demi que je suis ici. Au début, ce n'était pas si mal. Maintenant, les choses empirent.

J'ai appelé le service de logements familiaux. J'ai appelé aujourd'hui parce qu'auparavant, je n'étais pas souvent là le jour. La plupart du temps, cela se produit le jour. Depuis combien de temps est-ce que cela dure? Depuis très longtemps.

Cet été, on a été branchés sur des tuyaux extérieurs qui nous fournissaient notre eau potable. J'ai vu des enfants ouvrir les tuyaux. J'ai vu les tuyaux qui étaient là et l'eau qui parvenait à nos maisons. Ils ne pourront pas me faire croire que cette eau-là ne contient aucun microbe.

J'ai appelé au service de logements familiaux et ils m'ont dit: «Cela fait une heure que je reçois des appels de gens me disant que l'eau n'est pas bonne. Je ne comprends pas cela.» L'eau est brune.

M. Pierre de Savoye: Vous dites que déjà, cet été, le problème existait.

Mme Ginette Tremblay: Oui.

M. Pierre de Savoye: Et l'année d'avant?

Sergent Marc Desfossés (témoigne à titre personnel): On peut reculer au moins jusqu'à 1991. Je suis arrivé en poste en 1991 et on avait les mêmes problèmes. Donc, le problème existe au moins depuis ce temps-là.

Mme Ginette Tremblay: Je sais qu'ils sont en train de faire des réparations. S'ils me le disaient, cela ne me dérangerait pas; on pourrait peut-être s'organiser. L'eau de source que j'achète, c'est moi qui la paie. Je paie actuellement un loyer. En passant, toutes les fois qu'on a une augmentation de salaire, on a une augmentation de loyer. Donc, on n'en parlera pas.

Je paie mon loyer. Je ne peux exercer aucun moyen de pression. Je ne peux dire: «Je ne te paierai pas si tu n'arranges pas mon eau» parce qu'ils prennent le loyer directement de la paie de mon mari. Mon gars prend son bain dans cela. Et même s'ils installaient un filtre, je ne suis pas sûre que les vêtements que je porte redeviendraient comme avant. Je n'installerai pas un filtre et je ne commencerai pas à laver mon linge dans l'eau de source.

M. Pierre de Savoye: Madame Tremblay, je ne sais pas quelle est la cause de ce problème, mais je sais que je vais la trouver.

Mme Ginette Tremblay: Merci.

M. Pierre de Savoye: Je ne suis pas un expert en aqueduc et je ne peux donc vous dire ce que je vais faire pour régler le problème, mais je peux vous dire que je vais vous tenir au courant. Après la séance, vous viendrez me voir, vous me donnerez votre numéro de téléphone, je vous donnerai la réponse et vous la publierez au bénéfice de tout le monde.

Mme Ginette Tremblay: Au moins, ils pourraient nous le dire. Ils pourraient nous donner un avis disant: «Écoutez, cette journée-là, l'eau ne sera pas potable.» Aujourd'hui, quand j'ai appelé au service de logements, ils le savaient, eux, mais nous, nous ne le savions pas.

M. Pierre de Savoye: Vous avez tout à fait raison. C'est la moindre des choses que de tenir les gens informés.

Mme Ginette Tremblay: Les enfants boivent cette eau-là, monsieur, et ce n'est pas correct.

M. Pierre de Savoye: Je vais changer de sujet; celui-ci était prévisible.

Vous dites que les services aux familles ne sont pas adéquats et vous avez mentionné certains événements que vous avez vécus vous-même. Que vous faudrait-il de plus? Par exemple, disons que votre conjoint est parti en mission pour six mois. Quels sont les problèmes auxquels vous devez faire face et qu'est-ce que vous aimeriez avoir comme soutien?

• 2030

Mme Ginette Tremblay: Je peux me baser sur l'expérience que j'ai vécue à Ottawa. Il n'y a pas seulement les missions de six mois. Il y a aussi les cours qui peuvent durer jusqu'à huit ou neuf mois. Il y a toutes sortes de choses. Lorsque les gars partent, ils sont obligés de faire l'objet d'une clearance. Pourquoi n'y aurait-il pas un bureau précis où l'homme ou la femme serait obligé de se rendre pour faire signer sa carte et pour s'assurer qu'on ait l'adresse et le numéro de téléphone de la conjointe afin qu'on puisse communiquer avec cette dernière à chaque semaine, par la poste ou par téléphone?

J'étais toute seule et j'aurais aimé que quelqu'un me dise qu'on pense à moi et me demande si tout allait bien. J'avais ma propre maison et j'ai eu des problèmes de paie. Quand j'ai perdu mon emploi, j'aurais aimé parler avec quelqu'un. Il y avait un décalage horaire de sept heures entre mon mari et moi. Je ne pouvais pas le contacter comme je le voulais. Le service téléphonique entre Israël et ici n'est pas toujours bon.

Je souhaiterais qu'il y ait un endroit spécifique autre que l'arrière-garde, mais qui ferait affaire avec elle. L'arrière-garde devrait compter un groupe de personnes formées pour s'occuper des conjointes et comprendre les femmes. Les groupes d'arrière-garde que j'ai vus étaient constitués d'hommes. Tout le monde sait que les femmes connaissent des hausses et des baisses d'hormones. Qu'est-ce qu'un homme peut comprendre à cela? Je ne le sais pas.

Il y a des problèmes qui sont spécifiques aux femmes; j'en suis une et je le sais. Je peux vous dire que s'il avait fallu que je parle à un homme, parfois cela n'aurait pas été facile. J'aurais aimé parler avec une femme. Peut-être aurais-je aussi aimé parler avec un homme. Mais dans mon cas, j'aurais aimé parler avec n'importe qui.

Il devrait y avoir un système obligeant les gars à se présenter à un bureau afin que quelqu'un sache que la femme est toute seule, qu'on l'appelle ou lui envoie une formule à toutes les semaines pour lui rappeler tous les numéros de téléphone qui pourraient lui être utiles. Certaines personnes hésitent à se rendre dans les centres de la famille et je les comprends. Plusieurs semblent croire qu'ici on ne fait que du placotage et des choses comme ça. Ce n'est pas ce que je fais depuis que je suis ici.

Il faudrait aller chercher ces personnes qui ont peur de se rendre dans les centres de la famille. Elles entendent tout ce qui se passe autour d'elles et ce ne sont pas toujours de bonnes choses. Si j'avais écouté cela, je ne serais pas ici. Quand j'y suis venue, j'étais contente. Quand j'ai commencé à voir comment fonctionnait l'arrière-garde, je me suis dit que j'aurais peut-être été mieux toute seule.

M. Pierre de Savoye: Madame Tremblay, j'aurais d'autres questions, mais je vais en laisser à mes collègues. C'est un très beau témoignage que vous nous donnez. Je dirais même que c'est un témoignage coloré.

Le président: Merci beaucoup, monsieur de Savoye.

Une question très rapide, madame Tremblay. Est-ce que vous savez où la base s'approvisionne en eau? Est-ce que ce sont des puits artésiens?

Mme Ginette Tremblay: Je crois que l'eau vient directement de la base.

Le président: Oui, mais vient-elle de la ville de Québec? Est-elle puisée dans une rivière?

Mme Ginette Tremblay: Elle vient de la base et est directement fournie par la base de Valcartier.

Une voix: Elle vient d'un puits artésien.

Le président: Monsieur Benoît.

[Traduction]

M. Leon Benoit: En fait, on a répondu à mes questions. Je voulais simplement dire que lorsque j'avais deux ans, ma mère m'a dit de ne pas manger de la neige jaunie ni de boire de l'eau de couleur jaune.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Benoit.

Judi.

Mme Judi Longfield: Merci. Je vais laisser l'eau. Je ne peux me résoudre à la boire.

Vous avez dit être la mère d'un enfant ayant des besoins particuliers, un enfant handicapé. Offrons-nous—et j'utilise le nous au sens général—des services spéciaux aux familles qui ont des enfants ayant des besoins particuliers ou handicapés?

Mme Ginette Tremblay: J'ai de la chance parce que mon mari s'est fait des amis dans un bon endroit. D'habitude, non. J'ai entendu bien des choses, mais nous avons été chanceux. Nous avons pu choisir une base francophone. Mon fils est déficient mental et je devais trouver un endroit où l'on parle français. J'ai déjà vécu à Halifax et c'est pour cette raison, pour le français, que nous sommes déménagés à Gatineau. Après, au moment de nos affectations, nous avons eu le choix de la base où nous voulions aller, et j'ai choisi Valcartier. Si j'avais su au sujet de l'eau, je ne serais pas venue.

• 2035

Mais d'habitude, non, on ne tient pas compte de nos besoins. Comme tout le monde, je n'ai eu que cinq jours de préavis, et j'ai besoin d'un psychologue, d'un orthophoniste, du CLSC, etc. J'ai dû tout trouver au préalable car j'ai appris à travers les branches que nous déménagerions alors que mon mari est en Israël. L'un de ses amis m'a appris pour me dire qu'il avait entendu une rumeur selon laquelle mon mari allait être affecté ailleurs. J'ai commencé à chercher par moi-même des endroits, de l'information pour ceci ou cela. Si je n'avais pas eu ce coup de fil, je n'aurais été avertie qu'à la fin de mars, lorsque mon mari est rentré d'Israël.

La réponse est non. Lorsque je suis arrivée ici, j'avais cinq jours pour trouver toutes les ressources dont j'avais besoin. Nous avons tous une assurance groupe, et je peux vous dire que la nouvelle ne vaut pas grand-chose. J'ai besoin d'un orthophoniste pour mon fils car il ne parle pas. Il utilise le langage gestuel. Parce que je n'ai pas consulté de médecin avant de retenir les services de l'orthophoniste—tout simplement parce que je ne savais pas que c'était ainsi qu'il fallait procéder—, cela m'a coûté 100 $. Il fallait que je voie l'orthophoniste parce que l'école me réclamait un rapport précisant qu'il avait besoin d'interprétation gestuelle. Les assureurs m'ont dit que parce que je n'avais pas consulté de médecin et que je n'avais pas d'ordonnance, je ne serais pas remboursée.

Comme je l'ai dit, mon fils est handicapé. On a décelé un problème à l'âge de trois ans. Je ne suis pas allée voir l'orthophoniste pour le simple plaisir de la chose. L'assureur m'a dit que c'était dommage, mais qu'on n'allait pas me rembourser, et je ne l'ai pas été.

Par conséquent, non, on ne tient pas vraiment compte du fait que nous avons un enfant ayant des besoins particuliers.

Le président: Monsieur Pratt.

M. David Pratt: Merci, monsieur le président. Même si j'aimerais revenir sur le sujet de l'eau pendant un instant, je vais laisser tomber.

Mme Ginette Tremblay: Si vous avez de l'eau claire maintenant, vous pouvez me remercier.

M. David Pratt: Monsieur le président, je me demandais s'il ne serait pas possible d'obtenir certaines photos de l'eau qui ont été prises, pour notre rapport. D'après ce que nous avons entendu de l'auditoire, le problème de l'eau semble assez répandu.

Mme Ginette Tremblay: Pratiquement tous les logements familiaux de la base ici ont eu ou ont encore un problème d'eau depuis longtemps. Les écoles sont situées sur la base, ainsi que le centre familial, de sorte que tout le monde autour d'ici boit la même eau. Mon fils a besoin d'une attention spéciale et lorsqu'il boit de l'eau, je ne suis pas toujours là pour vérifier. Je suis sûre que si de nombreux enfants boivent cette eau... Vous ne voudriez pas que vos enfants en boivent. Lorsqu'on lave ses vêtements, il arrive souvent qu'on les détruise car ils ne survivent pas au lavage.

M. David Pratt: Êtes-vous au courant de cas de maladies résultant de la consommation d'eau?

Mme Ginette Tremblay: Peut-être. Nous avons des amis qui sont très malades, et c'est peut-être attribuable à l'eau. Mais nous ne pouvons le prouver.

M. David Pratt: Monsieur le président, le comité devrait peut-être envisager de rapporter cette petite bouteille d'eau à Ottawa et de faire faire des tests indépendants.

Le président: Monsieur Pratt, je suis certain que si l'on fait faire une analyse à Ottawa, elle montrera que la jument est grosse.

[Français]

Madame Tremblay, connaissez-vous le nom de la personne responsable du service de logement?

Mme Ginette Tremblay: Je n'en ai aucune idée.

Le président: Je vais être honnête avec vous: ça ne peut pas durer.

• 2040

Mme Ginette Tremblay: S'il n'y a pas de réponse quand on appelle aux services de logement ici, on compose le numéro 1-800 à Ottawa.

Un témoin: Mme Savard est une des personnes responsables.

Mme Ginette Tremblay: Elle est une des personnes qui nous répondent lorsqu'on téléphone. Aujourd'hui, on m'a dit que l'eau était potable.

Le président: Madame Tremblay, je vous remercie de votre témoignage. Je vous encourage à venir chercher la bonne bouteille; vous en aurez besoin.

Monsieur Christian Simard.

Caporal Christian Simard (témoigne à titre personnel): Bonjour, membres du comité. Je viens appuyer les dires des témoins qui sont intervenus avant moi.

Puisqu'on parle de mutations, je vous raconterai ce qui m'est arrivé pas plus tard qu'en fin de semaine dernière. Mon épouse et moi venons de vivre un peu de stress parce que nous sommes en plein renouvellement de notre prêt hypothécaire.

Les taux hypothécaires sont présentement bas et nous voudrions donc nous engager pour un long terme. Ce n'est pas un problème et nous voudrions signer un renouvellement de cinq ans. Mais j'ai appris une chose la semaine passée: si jamais j'étais muté dans un an, ce n'est pas trois mois d'intérêt que je devrais rembourser à la banque, mais le taux différentiel. J'ai fait sans tarder de petits calculs sur mon ordinateur: 2 000 $ de pénalité. Et ça, messieurs, les Forces ne le remboursent pas.

En fin de semaine, on se demandait: signe-t-on un renouvellement d'un an, de trois ans ou de cinq ans? Si nous signons un renouvellement d'un an et que je ne suis pas muté, c'est encore nous qui serons pénalisés si les taux d'intérêt grimpent à 8, 9 ou 10 p. 100 l'année prochaine. Je ne le sais pas. Je n'ai pas de boule de cristal. On ne peut pas le savoir. Mais on perdra encore de l'argent.

Comme on le mentionnait plus tôt, nous perdons souvent beaucoup d'argent lors de l'acquisition de nos résidences. La plupart du temps, cela représente pour nous notre plus important investissement. Nous essayons de négocier notre prêt hypothécaire de sorte qu'il soit entièrement remboursé au moment où nous quittons les Forces. Mais ce n'est pas facile dans de telles situations. Je ne devrais débourser que 2 000 $ parce que j'ai contracté une petite hypothèque. J'ai parlé avec des gens qui ont payé des pénalités allant jusqu'à 4 000 $, ce qui représente un montant énorme pour des salariés comme nous. Cela devrait au moins être révisé.

Les Forces peuvent rembourser des pénalités allant jusqu'à six mois. Dans plusieurs cas, ces pénalités sont plus coûteuses pour les Forces que ne le serait le paiement du taux différentiel qu'elle refusent de payer. Parfois, certains s'arrangent avec le gérant de banque, parce que c'est un jeu de mots, et risquent de se faire prendre à ce jeu parce que cela constitue alors une fraude.

Un autre point: les augmentations de salaire, si minimes soient-elles présentement. Au lieu d'être accordées selon un pourcentage, les augmentations de salaire devraient l'être selon un taux fixe. On nous a accordé une petite augmentation de 0,6 p. 100 et, peu de temps auparavant, une petite augmentation de 2,2 p. 100. Pour le soldat et le caporal qui sont présentement les plus serrés, ces 2,2 p. 100 représentent peu. Par contre, pour l'adjudant-maître et l'adjudant-chef, ces 2,2 p. 100 commencent à être plus intéressants. Une majoration basée sur un pourcentage ne fait qu'augmenter la différence salariale entre les grades. Plusieurs compagnies civiles ont maintenant réglé ce problème en appliquant un taux fixe et en accordant par exemple une augmentation de 200 $ à tout le monde.

• 2045

Ma famille et moi ne craignons pas d'être mutés; ça ne nous dérange pas d'être mutés n'importe où au Canada et même à l'étranger. Par contre, en tant que caporal et père de deux enfants dont l'épouse ne travaille pas, j'ai peur d'être obligé d'aller faire la file au bureau du bien-être social de Vancouver parce que mon salaire n'est pas assez élevé pour que nous puissions nous loger là-bas.

Le salaire devrait être ajusté selon les régions. Je n'éprouverais aucun problème si j'étais muté à Bagotville demain matin. Par contre, si on décidait de me muter à Ottawa ou à Vancouver, je ferais mieux de sortir de l'armée parce que je refuse de faire vivre à mes deux enfants une telle misère. Ce n'est pas parce que je n'aime pas Vancouver, bien au contraire. J'y suis allé avant les Fêtes pour un devoir militaire et j'ai adoré Vancouver. Je ne suis toutefois pas prêt à aller crever de faim là-bas.

On parle de mutations et de réclamations. Les politiques devraient être plus claires. Elles varient d'une base à l'autre. On part d'une base où l'on nous dit qu'on a droit à ceci et à cela, et quand on arrive à une autre base, on nous dit le contraire et on nous demande qui a bien pu nous dire cela. On invoque le fait que c'est une base de la force aérienne et que ce n'est pas pareil. C'est extrêmement frustrant.

Les politiques devraient être non seulement plus claires, mais davantage uniformisées pour tous. Au niveau de la clarté, il y a un grand problème: un manque de communication. Les politiques sont souvent interprétées de façons très différentes parce qu'elles ne sont pas claires. Tout le monde les interprète à sa façon. Je serais curieux de prendre un livre qu'on utilise à la base de Valcartier et de le comparer au même livre qu'on utilise à tous les autres bureaux d'administration. D'une part, il est très rare que les livres soient à jour et, d'autre part, très peu seraient pareils. Je trouve cela déplorable.

Même pour nous qui travaillons en administration, il y a un gros problème de communication. Toutes sortes de renseignements sont communiqués: il y a les TRPOL et des messages divers. On doit vérifier si on a reçu tel renseignement ou mise à jour. J'aimerais qu'on publie des politiques claires et qu'on mette à la poubelle les livres périmés. Publiez de vrais livres qui soient bien faits et pareils pour tout le monde.

Étant encore jeune, je n'ai pas vraiment eu affaire aux gérants de carrière dont on parlait plus tôt. Je crois toutefois qu'un problème existe parce que dans nos rapports avec nos patrons, trop de sentiments personnels entrent en ligne de compte. Je ne parle pas uniquement des gérants de carrière, mais de la personne à qui l'on présente un problème personnel qui pourra, au lieu d'être réceptive, observer que celui qui se confie à elle n'est rien qu'un caporal et se demander pour qui il se prend pour demander une telle chose. Par contre, si un gars prend la peine d'aller voir son supérieur et de lui en parler, c'est parce que c'est important pour lui. En tant que supérieur, le patron peut ne pas être d'accord, mais il n'est pas obligé de le dire tout de suite. Il peut prendre en note le problème, prendre un moment de réflexion et aller en discuter avec plusieurs autres personnes afin de connaître leur avis. Il ne devrait pas se faire une opinion en se basant sur son seul jugement et dire à son subalterne de prendre son trou et de ne pas arriver avec de telles niaiseries. Quand un gars a un problème, pour lui, ce n'est pas une niaiserie.

Agir ainsi démontre un manque de professionnalisme. On voit ça à tous les niveaux. On parlait plus tôt de gérants de carrière, et je crois que c'est parfois le même problème qui se produit. À mon avis, un seul individu ne devrait pas décider tout le temps. On devrait pouvoir consulter trois ou quatre individus au sujet de ces questions personnelles. Mais on n'a pas tout le temps les ressources nécessaires à notre disposition.

• 2050

Par contre, cela a commencé à changer, et nous avons entre autres maintenant des procédures pour les cas de harcèlement. Nous avons peut-être plus de ressources, mais elles demeurent insuffisantes. À qui peut-on s'adresser si son superviseur immédiat juge que la demande qu'on lui présente est ridicule? On reste alors sans parler et on supporte sa frustration, bien que je ne sois pas sûr qu'on puisse alors être efficace à 100 p. 100.

Une autre question inquiète les militaires de ma génération: nous sommes ceux qui ont subi toutes les réductions budgétaires. Je taquine parfois les militaires plus âgés qui nous disent que nous, les jeunes, sommes bien dans l'armée, qu'on ne fait plus rien dans l'armée et ainsi de suite. Je rétorque qu'ils ont profité des augmentations de salaires au maximum et de longs contrats de service de 25, 30 et 35 ans. Nous n'avons plus cela maintenant: c'est 20 ans. Ces militaires ont aussi profité du PRF et de toutes les autres primes. Ils ont eu tout le gâteau avant de partir, et c'est tant mieux pour eux.

Je m'inquiète quand je songe qu'après 20 ans de service, je pourrai me retrouver avec rien, avec une pension insuffisante pour vivre. N'oubliez pas que lorsque j'aurai complété 20 années de service, ma fille aînée aura 12 ou 13 ans, sans compter la plus jeune. C'est l'âge où elle entrera au secondaire, et j'ai l'intention, si je puis me le permettre, de l'envoyer à l'école privée. Ce sera à condition que je continue de toucher un salaire et de travailler dans les Forces. Dans le contexte économique actuel, il est difficile de commencer une autre carrière à 40 ans. J'aimerais avoir l'assurance de pouvoir rester. J'aime l'armée, cela malgré les petites lacunes qu'on y trouve parfois. Je ne voudrais pas faire autre chose. Je veux rester plus longtemps.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Simard. Votre exposé a été très clair. Il n'y a aucune question.

Adjudant Richard Gosselin.

Adjudant Richard Gosselin (témoigne à titre personnel): Bonsoir, messieurs, bonsoir, mesdames.

Je vais vous parler d'un problème que j'ai vécu, tout comme beaucoup d'autres gens qui ont parlé plus tôt.

Je vous parlerai de trois programmes qui existent dans les Forces à l'intention des militaires qui sont mutés, mais qui ne s'avèrent pas toujours bons pour tout le monde. Dans le cadre du PVHG, le Programme de vente d'habitation garantie, des évaluateurs se présentent à votre résidence et préparent une évaluation de votre maison. Par exemple, si votre maison est évaluée à 84 000 $, on vous offre 76 000 $.

Dans le cadre du programme GRIP, si le marché immobilier de votre région chute de 10 p. 100, vous avez droit à 90 p. 100 de vos pertes.

Le troisième programme porte sur la double résidence et vous octroie 600 $ par mois pendant 12 mois, donc 7 200 $ par an.

Je vais vous expliquer un peu le problème que j'ai vécu. À l'été 1993, j'ai été muté de Valcartier à Sherbrooke avec les miliciens. J'y suis allé seul, étant incapable de vendre ma maison de Val-Bélair et j'y ai vécu seul pendant 15 mois. J'ai finalement vendu ma maison. On n'a pas eu trop de problèmes et on a su s'accommoder de la situation. Ma conjointe et mes deux enfants sont venus me rejoindre à Sherbrooke, où nous avons acheté une maison. À l'été 1996, puisque j'appartenais au 3e bataillon qui arrivait ici, à Valcartier, j'ai été à nouveau muté.

En avril 1996, quand j'ai su que je serais muté, le Conseil du Trésor mettait en oeuvre un projet-pilote, le PVHG. Bien que ce projet ait été mis en oeuvre en avril, on ne nous en a informés que le 13 mai. Vous voyez un peu comment se font nos mutations. On reçoit nos messages au mois de mars et on doit songer à prendre des décisions relativement à la vente de notre maison et à la possibilité, selon ce que les Forces peuvent nous offrir, de venir s'installer dans les logements familiaux ici. Ce programme visait à éliminer l'angoisse que vivent les militaires.

• 2055

À partir de là, j'ai déposé une demande dans le cadre du programme PVHG. J'avais tout ce qu'il fallait pour adhérer à ce programme-là. Les évaluateurs sont venus chez moi à Sherbrooke. Comme je vous l'ai dit, j'avais payé la maison 84 000 $. On m'a fait une offre de 76 000 $; je perdais donc 8 000 $. J'ai trouvé que ce n'était pas raisonnable et nous avons décidé, ma femme et moi, d'essayer de vendre la maison nous-mêmes afin de perdre le moins d'argent possible.

Avant que je ne refuse l'offre que les Forces me faisaient, j'avais essayé d'avoir un autre programme, le GRIP, que j'ai finalement refusé. Ensuite, j'ai fait une demande pour un logement familial, que j'ai obtenu. Je suis donc entré dans un logement familial avec ma famille. Comme je l'ai déjà mentionné, j'ai été séparé de ma femme et de mes enfants pendant 15 mois, et nous ne voulions plus être séparés.

Quand je suis arrivé ici, j'ai adhéré au programme de double résidence. Mais du fait que j'avais refusé le PVHG, j'ai été pénalisé et n'ai obtenu que 9 mois d'indemnisation au lieu de 12. Cela veut dire qu'au lieu d'avoir 7 200 $ par an pour ma double résidence, je n'ai eu que 5 400 $. Tout cela nous rendait encore plus angoissés.

Ensuite, je suis allé à Haïti. Je suis parti le 1er avril et j'ai vendu ma maison, mais en subissant une perte de 8 500 $. J'ai perdu plus que je n'aurais dû. Si les Forces m'avaient donné les 7 200 $ du programme GRIP, cela aurait réglé tout le problème. En effet, je perdais 8 000 $ avec l'offre initiale des Forces, mais avec les 7 200 $ qu'ils m'auraient donné—puisqu'ils auraient couvert 90 p. 100 de ma perte—, je n'aurais pas trop perdu.

Au vu de tout cela, il est certain que l'on peut apporter quelques améliorations.

Je vous donnerai un autre exemple. Nous étions trois membres du bataillon qui avions perdu un total de 29 000 $. J'ai frappé à beaucoup de portes, envoyé beaucoup de lettres, et tout le monde me disait que j'avais raison et qu'il n'y avait pas de problèmes. Mais pendant mon enquête, j'ai découvert un militaire très chanceux qui avait subi une perte de 60 000 $ mais qui avait bénéficié du programme GRIP et avait été remboursé de 54 000 $. Quant à nous trois, qui présentions une perte totale de 29 000 $, nous ne pouvions bénéficier du même programme.

Même si cette personne a été mutée pour une raison opérationnelle ou pour le bien du service, je pense que je suis militaire comme elle et que j'y ai droit tout comme elle. Pour ma part, je pense que la seule solution serait d'abolir le GRIP. On ne devrait pas avoir à demander la compensation pour la baisse de 10 p. 100 du marché immobilier; on devrait l'obtenir automatiquement. D'autre part, il est certain qu'on ressent de l'angoisse et que les messages qui ont été envoyés dans le but de diminuer cette angoisse l'ont au contraire fait augmenter.

Pour la double résidence, ils donnent 7 200 $. Je pense qu'il faudrait aussi y repenser, parce que ce sont des programmes parallèles. Il me semble que les Forces économiseraient de l'argent et que cela diminuerait notre angoisse. Il ne faut pas oublier qu'il y a des gens qui sont mutés en fin de carrière et qui ne veulent pas vendre leur maison. Ceux-là laissent leur famille en arrière. C'est une question de choix. Je crois donc qu'il faudrait être un peu plus flexible et modifier ces programmes afin d'aider les militaires.

Les fonctionnaires fédéraux bénéficient de programmes qui sont bien meilleurs que les nôtres et je pense que nous devrions bénéficier des mêmes programmes. Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur de Savoye.

M. Pierre de Savoye: Monsieur Gosselin, je vous remercie pour votre témoignage. Vous n'êtes pas la seule personne à avoir des problèmes à cause de ces programmes. En tant que député de ce comté, j'ai entendu de nombreuses récriminations, non seulement de la part de militaires mais également de courtiers qui ont des problèmes avec l'immobilier, Royal Lepage par exemple.

• 2100

C'est, je crois, une question qui va retenir l'attention du comité; d'ailleurs, elle retient déjà mon attention. Je vous remercie beaucoup de votre témoignage.

Le président: Merci beaucoup.

Adjudant-maître Paul Leblanc (témoigne à titre personnel): Bonjour, messieurs et mesdames. Ce matin et cet après-midi, des militaires, des généraux et le personnel des différents services vous ont présenté les problèmes qui existaient dans les bases militaires et dans l'armée en général.

Je sais bien qu'il y a des problèmes majeurs et que vous cherchez des solutions. Comme vous avez déjà entendu beaucoup d'histoires ce soir, je ne vais pas vous raconter en détail tous mes problèmes. Je suis quand même de ceux qui ont perdu 50 000 $ sur une maison parce que, malheureusement, je l'ai vendue 15 jours avant que le programme ne commence. Mais depuis, l'eau a coulé sous le pont.

En ce qui concerne le problème des salaires, il y a des primes dans l'armée. Chaque grade, que ce soit caporal, caporal-chef, sergent ou adjudant-chef, a des mesures incitatives. Quelqu'un vous a dit tout à l'heure qu'il n'y aurait pas de promotions à moins qu'un autobus plein de majors ne tombe d'une falaise ce matin.

Personnellement, j'ai 24 ans de service et j'ai fait le tour de tous les endroits. J'ai fait cinq tours avec les troupes des Nations unies. Les mesures incitatives, je les ai vu passer; elles ont été gelées. Les augmentations de salaire ont également été coupées. Moi, je n'en ai pas eu du tout.

Maintenant, on va avoir des caporaux de carrière, des adjudants-maîtres de carrière, des majors, des capitaines de carrière, et ainsi de suite. On a des techniciens, des gens qui sont très compétents dans leur métier. Je crois qu'ils doivent aussi bénéficier de mesures incitatives.

Lorsque je suis entré dans les Forces, il y a 25 ans, on disait qu'on allait réviser cela. Il serait peut-être temps de le faire maintenant et de réviser les mesures incitatives. Offrez-moi 10 primes en tant qu'adjudant-maître, et je vais aller partout où on aura besoin de moi. Je participerai à toutes les missions des Nations unies. Mais après avoir accepté quatre primes, j'aimerais obtenir une promotion, car c'est ce dont j'ai besoin pour faire vivre ma famille. On devrait y penser.

Je sais bien qu'il n'y a pas d'argent. Il est inutile de se leurrer: vous n'avez pas d'argent à nous donner. Mais vous pouvez très bien trouver des moyens de nous faire bénéficier des mesures incitatives d'une façon progressive.

Il faut chercher des moyens pour ce faire et il n'est peut-être pas utile de mettre tout de suite la somme de 1,4 milliard de dollars dans le budget. Le programme de mesures incitatives va avoir pour effet de garder des personnes dans les différents grades pendant 10, 12, 13 et 14 ans.

Un capitaine avec sa huitième prime gagne plus qu'un adjudant-chef avec ses quatre primes. Pour avoir un salaire égal à celui de cet adjudant-chef avec ses quatre primes, il me faudrait 28 ou 29 ans de service. Il est donc évident qu'on devrait peut-être considérer toutes les possibilités de mieux payer nos soldats si on veut les garder.

Une des possibilités est d'augmenter les mesures incitatives pour chaque grade afin de garder les gens un peu plus longtemps au même grade, puisqu'on ne peut espérer aucune promotion. Vous allez probablement encore faire des coupures dans le personnel des Forces. Quand je suis entré dans l'armée, nous étions 100 000 et, comme le général vous l'a dit, nous ne sommes plus que 60 000. De plus, on coupe dans les budgets. Malheureusement, vous nous avez fourni de l'équipement, comme les LAV-25, dont l'utilisation coûte 40 p. 100 de plus que celle des véhicules qu'on a en ce moment. Le général vous a dit que le budget, d'ici l'an 2000, devra subir des coupures de 40 p. 100. Où va-t-on prendre l'argent dont nous aurons besoin?

Par conséquent, je pense qu'il faut faire une croix sur les mesures incitatives et les promotions. Les mesures incitatives seraient pourtant une manière de régler le problème des salaires. On ne demande pas de grosses augmentations de salaire, mais simplement une augmentation correspondant au coût de la vie.

Depuis 15 ou 16 ans, le coût de la vie a augmenté d'environ 38 p. 100. Les salaires et les mesures incitatives—il faut le dire vite parce qu'on les a coupées à un moment donné—ont augmenté de 17 p. 100. Cela veut dire qu'à un moment donné, on ne suit plus la valeur de notre dollar.

• 2105

Pourtant, il faut reconnaître que l'armée fait marcher l'économie quand elle arrive quelque part. Val-Bélair va bien du point de vue économique du fait de la présence de l'armée. Il en est de même pour Shannon et Sainte-Catherine. Par conséquent, il serait peut-être bon de nous mettre à niveau.

D'autre part, je peux vous dire qu'il n'est pas facile pour un militaire faisant partie d'une mission des Nations unies de se comparer à un membre de la GRC posté au même endroit. Croyez-moi, j'ai vécu cette situation. En 1993, j'étais en Bosnie; en 1995, j'étais en Croatie, et j'arrive d'Haïti. Le gars de la GRC, de la Sûreté du Québec, qui était à Srebrenica avec moi, lorsque je déclouais des bébés sur les portes, gagnait 30 000 $ non imposables tandis que moi, je gagnais à peine 1 100 $ par mois, pendant six mois. Il a fallu que je sorte de l'argent de ma poche pour revenir voir ma famille. Il m'a fallu six jours et demi pour me rendre de Srebrenica jusqu'à chez nous. Et c'était pris sur mon congé.

Il y a une section à Ottawa qui s'occupe du bien-être des soldats et qui est dirigée par un major à la retraite avec trois ou quatre personnes qui travaillent pour lui. Il s'occupe d'une partie de notre bien-être, d'une partie de l'argent qui nous est donné pour rentrer voir nos familles. Il n'y a pas assez de personnel pour s'occuper de nos déplacements. Il y avait justement 2 200 ou 2 500 soldats de la base de Valcartier qui étaient déployés. Ce major doit s'occuper de tout le personnel militaire canadien qui est déployé dans le monde. Il n'y a donc pas assez de personnel. Il faut trouver des solutions.

Assurément, il n'y a pas assez d'argent. Assurément, il n'y a pas assez de personnel. Assurément, et je le répète, on paie de notre poche.

Donc, si vous voulez jouer avec les grands garçons, il va peut-être falloir payer ces gars-là ou lui donner les outils pour le faire. On sait ce dont le major a besoin parce qu'on est sur le terrain. On peut l'aider, mais ça va vous coûter un peu d'argent.

Quand j'étais en Bosnie, j'avais droit à 10 minutes par semaine pour téléphoner à ma femme et mon tour ne venait qu'à trois heures du matin parce que je suis sergent-major et que mes hommes passent avant moi. Je pense qu'on aurait pu avoir assez de téléphones pour que tout le monde appelle au moins une fois par jour. En Croatie, c'était pareil, et en Haïti aussi.

Si vous voulez donner une indemnité ou si vous voulez aider le soldat sans que cela ne vous coûte quoi que ce soit, vous pourriez peut-être, lorsque le soldat est déployé pendant six mois ou un an, faire en sorte qu'il soit exempt d'impôts pendant cette période. Il faudrait qu'on lui dise: Cette année, vous ne paierez pas d'impôts parce que vous êtes allé servir votre pays.

Des voix: Bravo!

Adjm Paul Leblanc: Je suis dans l'infanterie et je ne suis pas comptable, mais je pense que ce serait faisable. Ça aiderait la famille à payer la gardienne, à payer le soutien dont madame a besoin lorsque son mari est parti. Il ne faut pas se leurrer: le mari est absent pendant pratiquement neuf mois de l'année à cause de l'entraînement que nous devons faire. Nous allons nous entraîner à Gagetown avec mon bataillon qui est venu de Montréal s'entraîner ici, à Québec pendant quatre mois, et ensuite on va être déployés.

Je pense que ce serait une solution qui ne coûterait rien au gouvernement. D'un côté, cela nous aiderait et de l'autre, on n'aurait pas besoin de mettre 1,4 milliard de dollars encore une fois au budget.

Une dame a parlé de l'aide à la famille. Je ne suis pas aussi compétent que le capitaine Rodrigue, mais je connais certaines méthodes pour lutter contre le stress afin d'aider les soldats qui se trouvent dans des situations de crise, comme piler sur une mine ou ramasser des morts. Le capitaine Rodrigue, je la vois aller et venir dans trois missions des Nations unies. C'est la même qui entre et c'est la même qui sort. Malheureusement, elle ne fait qu'éteindre des feux. C'est uniquement cela qu'elle fait parce qu'elle n'a pas les ressources nécessaires. Malheureusement, on ne lui donne pas les ressources qu'il lui faut pour aider les troupes.

• 2110

Ce service d'aide à la famille d'un membre d'une unité est fait pour s'occuper de nos familles. Je suis tout à fait d'accord sur ce que vous dites. Il faudrait avoir une service d'aide à la famille sur la base pour aider toutes nos familles. Lorsque quelqu'un est déployé dans mon unité, c'est le bataillon de service qui s'occupe de lui ou l'arrière-garde du bataillon de service. Je prends juste cet exemple, mais il y en a d'autres.

Tout le monde pourrait être servi par la base, mais pour faire cela, il faudrait que vous donniez les moyens au général commandant. Il faudrait que vous lui donniez un peu plus de monde pour faire ce travail, pour créer la cellule ou le peloton, la compagnie, ou le nombre de personnes nécessaires pour le faire. Cela veut peut-être dire qu'il faudra augmenter les unités majeures d'une dizaine de personnes et cela créera des emplois par la même occasion. On est prêts à s'entraider, mais si on n'a pas les outils pour le faire, ce n'est pas possible.

Je voudrais parler maintenant des indemnités. Nombreux sont ceux qui ont un travail très dur physiquement, ceux qui font partie du Régiment aéroporté, par exemple, et qui sautent en parachute. Au bout de 20 ans, tous ces gens-là sont finis. Ils ont le dos et les genoux en bouillie, malheureusement. Comme M. Simard l'a dit, après 20 ans, on leur dit à peine bonjour. On n'a rien pour ces gars-là. Au bout de 20 ans, c'est fini. Je pense que c'est un problème sérieux et qu'il va falloir y penser.

Un gars comme celui-ci ne voudra pas travailler pour vous pendant les cinq dernières années de sa carrière parce que c'est presque la fin et que cela n'ajoutera rien à son curriculum vitae. Il faut créer d'autres programmes pour aider ce gars-là, car c'est très sérieux.

Je voudrais mentionner un dernier point. Lorsque l'on revient des missions des Nations unies et d'autres endroits, ce n'est qu'au bout de trois, quatre, cinq ou six mois que les problèmes sérieux, c'est-à-dire les divorces ou les séparations, se développent. C'est un problème très sérieux également.

J'ai entendu à la télévision, dernièrement, quelqu'un dire que ce genre de choses arrivait autant chez les militaires que chez les civils. Je peux vous dire que dans le 2e bataillon, lorsque j'étais en Bosnie, il y a eu 77 séparations et divorces. Quand je suis retourné en Croatie, on en était rendu à 87. En ce moment, dans mon bataillon en partance pour Haïti, je ne sais pas combien il y en a, mais je sais qu'il y en a un bon nombre et je suis sûr que cela va augmenter d'ici l'été. Tous ont peur d'aller voir leurs supérieurs pour leur parler de leurs problèmes parce qu'ils ne savent pas ce qui peut arriver à leur carrière. Ce sont des problèmes dont il faut absolument s'occuper.

Si on veut que notre soldat donne sa vie pour son pays, il faut le respecter. Malheureusement, en ce moment, une bonne partie des soldats des Forces armées canadiennes qui partent pour des missions des Nations unies ou qui se déploient ailleurs n'ont aucune confiance dans notre hiérarchie. Tout ceci fait que l'on est contre le système, que l'on commence à manquer de loyauté envers le système. Ceci est inacceptable si on veut être capable d'agir sur un terrain opérationnel, car quelqu'un peut mourir!

Ces points-là sont très importants. J'ai essayé de vous donner quelques solutions aux problèmes, mais je peux vous dire que nous avons plusieurs solutions aux problèmes parce qu'on a plusieurs problèmes. Pour revenir à ce qu'a dit l'adjudant Gosselin au sujet des maisons, je voudrais vous faire remarquer que dans les autres sections du gouvernement fédéral, ceux qui font partie du même gouvernement que moi achètent leur maison et ça s'arrête là. Moi, je suis prêt à donner ma vie pour vous autres et vous n'êtes pas prêts à faire la même chose pour moi que pour le gars de la GRC, le ministre ou le politicien. Je suis prêt à mourir pour vous autres! S'il vous plaît, aidez-nous! Merci beaucoup.

• 2115

Le président: Monsieur de Savoye, vous avez une courte question à poser.

M. Pierre de Savoye: Ne mourez pas tout de suite, je vous en prie! Votre témoignage a été très éloquent et vibrant. Nous avons eu l'occasion, nous membres du Comité, de rencontrer aujourd'hui bon nombre de militaires qui nous ont tenu de semblables propos. Nous étions en groupe, mais les échanges ont été aussi intimes que les propos que vous venez de tenir.

Or, il est important pour nous d'entendre de tels témoignages, parce que le commandant de la base et le général Forand, qui, bien sûr, voient davantage les grandes lignes des problèmes, nous ont présenté des mémoires démontrant qu'ils perçoivent les problèmes exactement comme vous.

Pour que nous comprenions bien de quoi il s'agit, il est nécessaire de connaître votre façon de vivre les situations, votre vécu. Je veux donc vous remercier de nous l'avoir livré avec autant de simplicité et de naturel que vous l'avez fait. Merci.

Adjm Paul Leblanc: Merci, monsieur.

Caporal Sébastian Couture (témoigne à titre personnel):

[Note de la rédaction: Inaudible].

Le président: Monsieur, est-ce que vous pouvez vous identifier, s'il vous plaît?

Capl Sébastian Couture: Caporal Couture, milicien. Vous savez, nos gens se mettent en quatre en Croatie. En 1995, je suis allé en Croatie en tant qu'ingénieur. La tâche, en 1995, était ardue; il fallait construire 25 postes d'observation pour protéger une zone démilitarisée. Je n'ai pas une grande résistance physique; je n'ai pas reçu l'entraînement que les militaires de l'armée régulière subissent quotidiennement. Je suis parti et je me suis blessé là-bas. J'ai eu un papier de retour qui mentionnait que j'étais blessé.

Quand je suis revenu au Canada, mon dossier militaire s'est égaré pendant cinq ou six mois. Après qu'il soit réapparu comme par miracle, dans mon unité, on a entrepris une enquête. Elle dure toujours. Nous étions en 1995. Nous sommes maintenant en 1998 et mon dossier n'est pas encore réglé. J'ai eu une réponse d'Ottawa qui disait: «Excusez-nous, mais nous n'avons pas de preuves.» Pourtant, j'ai ici le papier qui dit que le 23 août 1995, j'ai subi un examen médical. Et sur ce papier, il est bien écrit qu'à la palpation, j'ai des douleurs dans la zone lombaire latérale gauche.

Puis quand j'ai fait une demande au civil parce que dans le temps, cela traînait trop, on m'a fait passer une écho qui a révélé que j'avais une hernie discale centro-latérale gauche entre L4 et L5. C'est bien beau de se briser le dos quand on est dans l'armée depuis 20 ans. Toutefois, on peut aussi se le briser après six années de service. Ce qui est déplorable, c'est que les réguliers, ceux qui n'ont pas beaucoup de service ou bien ceux qui sont un peu croches ont quelque chose, alors que nous, les miliciens, on n'a absolument rien.

On se fie à l'image que nous avons de l'armée régulière; c'est comme un idéal pour nous. On se dit qu'eux représentent la norme. Mais si ses membres ne l'ont même pas, comment voulez-vous que nous obtenions quelque chose?

Le point que je veux défendre aussi, c'est de ne pas seulement vous occuper des membres de l'armée régulière, mais aussi des miliciens. Merci.

Le président: Un instant, je crois que M. de Savoye a une courte question à poser.

M. Pierre de Savoye: Ce n'est pas une question mais plutôt un commentaire. Je veux d'abord vous remercier de votre témoignage qui illustre bien un problème supplémentaire, celui des réservistes. Je sais qu'aux États-Unis, les réservistes ont une sécurité considérable. Ici, manifestement, la sécurité est inexistante. Si on a besoin de réservistes, il me semble qu'il serait raisonnable de leur donner des assurances convenables.

Cela dit, en ce qui a trait au problème qui vous affecte plus particulièrement, peut-être pourriez-vous, après la rencontre, m'en saisir directement. On verra alors si on peut faire avancer les choses d'une façon ou d'une autre. Je ne connais pas précisément votre cas. Il faudra donc s'en parler et je suis disposé à le faire.

Capl Sébastian Couture: Parfait, merci bien.

M. Pierre de Savoye: Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Mesdames et messieurs, il est 21 h 20, et je propose une pause d'une dizaine de minutes.

• 2120




• 2139

Le président: Je demanderais à Mme Micheline Laurencelle de faire sa présentation.

Mme Micheline Laurencelle (témoigne à titre personnel): Bonsoir. Je m'appelle Micheline Laurencelle. Je suis bénévole au Centre de la famille de Valcartier. Je suis très impliquée. Cela fait maintenant deux ans que je suis à la BFC de Valcartier et je pourrais vous raconter beaucoup d'histoires d'horreur au sujet des PMQ, peut-être pas aussi éloquentes que d'autres parce que je n'ai pas apporté d'exemples, mais j'en aurais un, entre autres: mon chauffe-eau a sauté en plein milieu de la nuit.

Un chauffe-eau qui saute, c'est comme une bombe. Les systèmes d'alarme partent. On ne sait pas d'où cela vient. C'est la panique générale, en fin de compte. Tu cherches le numéro des PMQ, un numéro 1-800. On répond à Ottawa et la dame te demande: «C'est où, la base de Valcartier?» Tu tombes en bas de ta chaise. Vraiment, je n'ai pas cru ce qu'elle me disait. Elle m'a demandé quelle était la ville la plus proche de Valcartier.

• 2140

Cela est véridique. J'ai fait une plainte, et là on bégayait: «Voyons, quelle ville est près de la base de Valcartier? Je sais qu'à Québec, il y a une base.» Ça, c'est véridique. Ça m'est arrivé.

En fin de compte, il a fallu que j'appelle moi-même le 911, au moins pour qu'on me sécurise au sujet du chauffe-eau, parce qu'on n'a pas le droit de réparer quoi que ce soit. Et on n'est pas remboursés. Il faut attendre qu'ils veuillent bien venir faire les réparations. Le problème, c'est qu'ils se lancent la balle. Tu composes un numéro et ce n'est pas eux. Tu composes l'autre numéro, et ce n'est pas leur quart. Tu n'en finis plus. À un moment donné, il faut que tu fasses appeler le mari.

Maintenant les choses bougent un peu. Ils te rappellent pour te dire que ta femme est hystérique, qu'elle fait une plainte parce que l'eau est jaune ou parce que les fenêtres tombent. L'année passée, on a eu des problèmes de neige qu'on n'a pas cette année. Moi, je ne peux pas monter sur les toitures. J'ai trois enfants, et on a des logements collés les uns sur les autres. Elle m'a demandé combien de pouces de neige il y avait sur la toiture. Je lui ai demandé à partir de combien de pouces ils venaient. Elle m'a donné un chiffre et je lui ai dit que j'en avais un pouce de plus. Cela aussi, c'est véridique.

Un autre sujet m'amène ici. Je suis impliquée au niveau de FORT, Formation en orientation au retour au travail, un programme qui a été inauguré le mois dernier. C'est bien beau. Développement des ressources humaines Canada a accordé une subvention au Centre de la famille de Valcartier pour offrir des services d'aide à l'emploi aux conjoints des militaires.

Cette subvention doit servir en priorité aux conjoints qui sont actuellement prestataires de l'assurance-emploi ou qui l'ont été durant les cinq dernières années. Toutefois, pour une bonne proportion des conjoints qui sont ici, à Valcartier, ce n'est pas le cas. Ce sont des femmes qui n'ont pas travaillé au cours des trois ou quatre dernières années. Souvent, elles ont ont eu deux ou trois bébés et n'ont pas travaillé au cours des cinq dernières années. Souvent, elles ont été mutées. Cela entre aussi en ligne de compte.

Comme elles ne sont pas admissibles à ce programme, la subvention ne leur sert pas à grand-chose pour le moment, parce que cela revient encore aux personnes qui ont déjà ce privilège, soit par SPRINT, soit par d'autres services que le gouvernement offre.

Il n'y a pas que cela. Ce programme-là sert d'encadrement pour effectuer un retour au travail grâce à une formation continue ou à une nouvelle formation. C'est toujours le problème des femmes de militaires: on se trouve toujours du travail au niveau des services, dans la restauration ou le commerce, parce que c'est ce qui est le plus rapide.

Comment pouvons-nous avoir un soutien de qualité si nous ne sommes pas considérées comme prioritaires par les bailleurs de fonds, en particulier dans ce programme qui est offert aux femmes des familles de Valcartier? J'ai l'impression de ne faire partie d'aucune minorité, qu'elle soit visible ou pas. Je suis juste femme de militaire, et cela ne cadre nulle part dans le système.

Une voix: On est dépendants.

Mme Micheline Laurencelle: On est dépendants. Oui, on a un titre: on est dépendants. C'est notre titre officiel dans l'armée. La solution est qu'ils nous donnent des subventions, mais qu'ils les rendent accessibles et les donnent en priorité aux femmes de militaires qui veulent avoir une formation pour s'en sortir dans la vie. Cela fait 16 ans que je fais le régime militaire avec mon mari. Dans quatre ans, il va se retirer. S'il ne peut se recycler, c'est moi qui devrai le faire. Et je ne suis pas la seule dans cette situation. Il y en a beaucoup qui s'y retrouvent.

Je parlerai maintenant de la garderie du Centre de la famille. Il faut la subventionner, car le taux horaire est trop élevé. Les tarifs qui sont en vigueur actuellement amènent une diminution de la fréquentation. Ils sont trop élevés et les gens ne sont pas intéressés à faire garder leurs enfants ici. À la fin, on risque de fermer ce service-là, parce que c'est régi par l'armée. Comme administration, ce n'est pas rentable.

Une autre chose est assez aberrante: on n'a aucun accès à la garderie de 5 $ par jour qui doit ouvrir. La garderie se trouve sur le territoire fédéral et sous la gouverne de l'armée et on n'a pas droit à ce service-là. Expliquez-moi ça, car je ne comprends pas.

Compte tenu des revenus des familles de militaires, nous avons besoin de ce service; il est primordial et essentiel pour nous. Mais le nombre de places est insuffisant. Il n'y a que 51 places de disponibles à la base de Valcartier alors qu'il y a 900 logements familiaux. On peut dire qu'il y a en moyenne un enfant par logement, et il n'y a que 51 places de disponibles à la garderie. Le calcul n'est pas difficile à faire.

• 2145

Récemment, trois militaires sont partis en même temps pour Montréal. Huit places, cela ne suffit pas. On est débordé de partout. Pour ma part, cela a duré presque un mois. À huit places, il faut qu'il y ait une liste d'attente pour savoir qui en aura besoin dans deux semaines. S'il faut aller chez le médecin avec le deuxième bébé... Huit places, c'est insuffisant.

C'est pour cela qu'on en est venus à la conclusion qu'il devait y avoir un service de garderie ponctuel à tout déploiement. Mon mari est parti pendant neuf mois pour suivre un cours. Quand l'absence dure moins d'un an, la femme et la famille ne suivent pas le mari. C'est neuf mois quand même. Ce n'est pas une mission des Nations unies. Ce n'est pas «glamour», et on passe neuf mois toute seule à attendre que le mari revienne.

Il serait important d'envisager un service de garderie qui privilégierait la famille qui subit un déploiement, si minime soit-il. Ce n'est pas que les services ne veulent pas nous le donner. Ils ne le peuvent pas. Ils n'ont ni l'autorisation ni l'autorité de le faire parce qu'ils dépendent du comité d'administration, qui est l'armée.

De plus, les heures d'ouverture sont fonction de l'horaire du militaire. En général, l'horaire est de 8 heures à 16 h 30. Quand les maris sont partis pour deux mois, c'est la femme qui vient chercher l'enfant. Si elle travaille au centre-ville, elle ne peut terminer son travail à 17 heures et être ici à 17 heures, surtout si elle travaille dans un commerce. Dans un tel cas, elle ne termine pas à 16 h 30, mais à 19 heures, 20 heures ou 21 heures.

Supposons que vous finissez à 16 h 30. À la garderie, après 17 heures, chaque tranche de 15 minutes de retard coûte 5 $. Cela coûte à peu près le salaire minimum juste pour 15 minutes de retard. C'est une autre chose qui, avec une subvention, serait peut-être payée. Ce serait plus juste. Au moins, qu'ils prolongent les heures d'ouverture jusqu'à 18 heures, parce que la plupart des autres garderies normales sont ouvertes jusqu'à 18 heures.

Comme je vous le dis, comme nous n'avons pas droit aux places à 5 $, ce sont les garderies de Val-Bélair et des alentours qui prennent les gens d'ici, mais cela pénalise encore ceux qui n'ont pas deux autos. Que je sache, ici, les familles n'ont pas deux autos, et les familles n'habitent pas toutes à deux minutes... Quant à moi, je dois faire deux heures et demie de route pour voir ma famille. Donc, je ne peux compter sur ma famille. C'est pour cela que le Centre de la famille est vital. Quand la garderie ferme à 18 heures, cela te donne le temps d'aller chercher les autres et de revenir. Ce sont tous ces petits détails qui nous rendent la vie misérable quand on est deux mois et plus sans son mari.

Évidemment, il y a toujours le système D mais, comme je vous dis, la voisine, avec toute sa bonne volonté, a les siens. S'il faut qu'elle prenne les miens en plus, c'est plus qu'essouflant. On commence un marathon chaque fois qu'il y a un déploiement.

C'est ce que je tenais le plus à dire, sans parler de l'école. L'année passée, je faisais partie du comité de parents, et la directrice nous expliquait qu'il y avait au moins un roulement de 30 p. 100 dans une classe chaque année à cause des déploiements et des changements de base. Cela désoriente un enfant.

Je sais que cela a été dit, mais je tiens à dire que ce sont toutes des choses qui sont rattachées au fait qu'on subit trop de déploiements.

On ne parlera pas du pelletage, du gazon, etc. On peut appeler le Centre de la famille, qui peut nous donner des noms, mais ce sont encore des gens de la base qui essaient de donner un service. Les gens s'épuisent au bout de quelques mois. La tempête de verglas est le meilleur exemple qu'on puisse donner. En plus, avec l'Irak qui nous tombe sur la tête, je ne suis pas encore rassurée.

Merci.

Le président: Madame Laurencelle, je crois qu'il y a une question de M. Pierre de Savoye.

M. Pierre de Savoye: Ce n'est pas vraiment une question. Vous soulevez des problèmes auxquels j'ai déjà été sensibilisé, entre autres la question de la garderie.

J'ai eu l'occasion de parler avec la présidente de votre organisme, Mme Dubreuil. C'est elle qui m'a indiqué qu'il y avait apparemment un problème entre les avocats du Québec et ceux d'Ottawa. Quand on aborde ces problèmes avec les avocats, cela dure longtemps car eux sont payés à l'heure. Alors, on va essayer de casser cela et de sortir de ce cercle vicieux.

• 2150

Je me suis engagé auprès de Mme Dubreuil à prendre connaissance du dossier et à communiquer avec Raymond Brouillet, votre député dans la circonscription de Chauveau à l'Assemblée nationale. Comme on s'entend bien, lui et moi, j'ai l'impression qu'on va trouver une solution pour que la garderie soit subventionnée.

Maintenant, pour le reste des heures, cela dépend évidemment de l'organisation interne de la garderie, mais on va au moins faire le bout de chemin qu'il faut faire.

Mme Micheline Laurencelle: J'aurais une question à vous poser: allez-vous en faire un cheval de bataille pour votre réélection?

Une voix: Pour les élections, car on ne sait pas encore s'il va se présenter.

Mme Micheline Laurencelle: Parce que je voterais pour vous.

M. Pierre de Savoye: Non, je n'en ferai pas un cheval de bataille pour ma réélection parce que, voyez-vous, on vient tout juste d'être élus et vous ne voulez pas attendre quatre ans.

Mme Ginette Tremblay: De tout façon, Micheline a dit qu'on pouvait se trouver en situation de dépendance. Je n'aime pas le mot, mais c'est vrai qu'on l'est. L'an dernier, j'ai dû être évacuée de chez moi parce que le plafond craquait et les murs pliaient. Lorsque tu appelles pour rapporter un problème de ce genre et que tu mentionnes que ton mari est absent, qu'il est parti suivre un cours à Borden, tu te fais demander comment il se fait que tu ne t'en sois pas aperçu avant, quel est le nom de ton mari, etc. Qu'est-ce que le nom du mari vient faire là-dedans? Sommes-nous dépendantes? Non? Mais oui, nous le sommes car si nous ne donnons pas le nom de notre mari, nous n'avons pas de service. Cela, je ne le comprends pas non plus.

M. Pierre de Savoye: J'aurais envie de répondre à cela que je n'ai jamais été pour la dépendance; je suis davantage pour l'indépendance.

Le président: Merci.

Madame, est-ce qu'il y avait d'autres questions? Madame Monique Éthier.

Mme Monique Éthier (témoigne à titre personnel): Bonsoir. Je suis bénévole au Centre de la famille, ici. Je travaille principalement dans le cadre du programme Carrousel. Donc, je vais vous parler de ce qui me tient à coeur, soit les conditions de vie des femmes.

Il ne faut pas se leurrer: être femme de militaire est une carrière à temps plein. Essayer de travailler en dehors, c'est assez compliqué quand on a des enfants et que nos maris partent, comme le mien qui a participé à trois missions des Nations unies en quatre ans et demi. Si on ajoute à cela les cours, les exercices préparatoires et tout le reste, sur quatre ans et demi, il en a passé peut-être deux chez nous. J'estime que ce que nous avons à faire, c'est vraiment du plein temps.

Il y a plusieurs choses qu'il faudrait peut-être améliorer pendant l'absence de nos maris. Certains en ont parlé: augmenter et améliorer les communications entre les membres de la famille quand les maris sont au loin. Vous vous en doutez peut-être, mais 10 minutes par semaine pour parler au téléphone, c'est plutôt court quand on a deux petits bouts de chou qui veulent parler à papa aussi. Ils parlent à papa chacun trois ou quatre minutes, il reste environ une minute ou une minute et demi à la maman pour dire l'essentiel et la ligne est coupée. On n'a pas le temps de finir sa phrase, de se dire bonjour et à la semaine prochaine, je t'aime, ou salut. La ligne est coupée et il faut attendre une autre semaine.

C'est une chose qui est difficile à accepter parce que l'important pour réussir une vie de couple, c'est bien la communication. N'importe qui vous le dira. Or, elle nous est parfois rendue impossible.

Il y a aussi le point qui porte sur les arrière-gardes. C'est compliqué. Ce devrait être uniformisé dans toutes les bases. Comme quelqu'un le disait tout à l'heure, il devrait y avoir un peloton ou une compagnie, à leur choix, des gens qui soient au service de la famille. De notre côté, nous sommes au service de notre pays en restant à l'arrière, prêtes à appuyer nos maris. Il faudrait également que les services offerts soient les mêmes pour tous, qu'ils soient offerts équitablement à tout le monde et non en rapport avec le rang et le grade du mari.

Ce que je veux dire, c'est que la femme d'un petit caporal, lorsqu'elle est enceinte et qu'il tombe trois pieds de neige, a peut-être besoin de davantage d'aide que la femme du major qui n'a pas d'enfants. Il est tombé trois pieds de neige chez cette dernière aussi, mais le déneigement est sûrement plus urgent dans le cas de la première. De plus, les salaires ne sont pas les mêmes pour défrayer ces coûts.

Quant à l'information transmise aux familles lorsque les maris partent, il n'y en a pas. Ce n'est pas compliqué, il n'y en a pas! Tu essaies de savoir quand l'avion qui ramène ton mari va arriver et il faut appeler la ligne 1-800 à Ottawa. Ce n'est pas l'arrière-garde d'ici qui est en mesure de vous le dire. Je le sais, parce que c'est moi qui, déjà, ai informé l'arrière-garde du retour des avions.

Il y a une autre chose. Le Centre de la famille nous aide beaucoup, grâce au programme Carrousel justement, à nous préparer, surtout sur le plan émotionnel et sur le plan moral, à gérer la durée de l'absence.

• 2155

Un mois et demi avant et un mois et demi après les six mois ou plutôt les neuf mois d'absence, la première chose qu'on nous dit toujours—c'est un peu comique, un peu ironique—, c'est de ne pas essayer d'être une superwoman. Pourquoi cela? Parce qu'aujourd'hui, pour avoir un style de vie décent sur le plan économique, il faut que les deux travaillent. Militaires millionnaires, ce n'est plus vrai. Or, ne pas être une superwoman quand on a deux enfants et que l'auto lâche lorsque le mari part, quand ce n'est pas la tuyauterie, c'est assez difficile.

Donc, s'occuper des enfants, leur donner les soins supplémentaires qu'ils demandent évidemment—parce qu'ils demandent plus d'attention quand les pères sont partis—, voir à leurs activités, aux tâches ménagères, à l'auto qui a cassé, au chauffe-eau qui a lâché, cela fait beaucoup à digérer. Mais, à un moment donné, une personne ne peut faire plus qu'une personne. C'est pourquoi je dis qu'être conjointe de militaire, c'est un job à temps plein et qu'il ne faut pas demander aux femmes d'aller travailler à l'extérieur du foyer quand elles ont des enfants tout jeunes. Il faudrait peut-être penser à ajuster les salaires en fonction de cela. Je sais que c'est demander beaucoup aujourd'hui, mais en tout cas, on essaie quand même.

Une petite pensée: c'est que notre vie à nous, les femmes de militaires, est réglée par le rythme des Forces armées canadiennes. Quelqu'un a dit en fin de semaine que la condition de vie des femmes de militaires faisait un peu penser à la condition de vie d'Émilie Bordeleau dans Les filles de Caleb. J'ai trouvé cela un peu drôle, mais, toute réflexion faite, oui, c'est vrai. Nous sommes dépendantes. Nous n'avons pas un mot à dire, parce que, paraît-il, cela pourrait nuire à la carrière de notre mari si nous parlions trop fort. Quand nous tentons d'obtenir des services, il nous faut donner le nom, le grade, l'unité et tout le pedigree de notre mari. Nous sommes vraiment des...

Une voix:

[Note de la rédaction: Inaudible].

Mme Monique Éthier: C'est le cas même à la clinique. C'est partout pareil. Nous sommes dépendantes. Nos conditions de vie sont celles des années 1930. Malheureusement, nous sommes en 1998.

Une autre chose a été discutée de long en large. Mais j'ai quelques chiffres ici. Les militaires disent toujours qu'ils sont payés 24 heures par jour. Ce n'est pas pire! Mon mari, qui est sergent, après 18 ans dans l'armée, touche donc 4,68 $ l'heure. Vous devez savoir que le salaire minimum au Québec est de 6,85 $. Un caporal, après 10 ans, n'a que 4,05 $. Il est aussi bien de s'en aller au Biafra où il vivrait aussi bien.

Pour finir, il y a une pensée, écrite par une copine au cours d'une mission de son mari, que j'aimerais vous lire parce qu'elle représente bien ce que nous avons à vivre.

    Le quotidien de mère est la principale source de stress, parce que nous devons voir à tout, des questions ménagères à l'entretien de l'auto en passant par les besoins des enfants.

    Bien sûr, l'auto aurait besoin d'un changement d'huile même si notre conjoint était en ville. Les enfants s'égratigneraient les genoux de toute façon. Mais de ne pas avoir un autre adulte le soir ou la fin de semaine pour partager le fardeau mine les énergies de tout parent, même le plus fort. La résistance diminue proportionnellement avec l'usure.

Merci.

Le président: Madame Venne.

Mme Pierrette Venne: Vous parlez d'arrière-garde. Comme nous ne connaissons pas tous les termes, j'aimerais que vous me disiez ce que c'est.

Mme Monique Éthier: C'est difficile à définir. C'est un groupe de militaires qui reste en arrière pour aider les familles lorsqu'il y a des déploiements massifs, comme des missions des Nations unies.

Mme Pierrette Venne: Ils restent ici pour aider les familles qui sont sur place.

Mme Monique Éthier: Qui sont restées en arrière.

Mme Pierrette Venne: Ils vous aident comment? Ils sont censés vous aider comment?

Mme Monique Éthier: Les sorties, ce sont des comités de conjoints qui s'en occupent. Ils sont là pour aider des femmes qui ont des urgences. J'essaie de trouver des exemples. Ils peuvent déneiger des toitures quand il a trop de neige. Quand une femme se casse une jambe, ils l'amènent à l'hôpital.

Mme Pierrette Venne: Bon.

Caporal Pierre Villeneuve (témoigne à titre personnel): L'arrière-garde aide premièrement les personnes malades.

• 2200

C'est pour les gens qui sont malades, qui sont dans un état qui les empêche de participer à une mission des Nations unies ou à un déploiement comme celui qu'on a fait pour Montréal, qui ont une restriction quelconque. En fin de compte, la personne est malade. Comment voulez-vous qu'elle aille aider une autre personne qui est malade? Elle peut avoir un bras ou une jambe cassé. Va-t-elle essayer de relever quelqu'un qui a une jambe cassée?

Mme Ginette Tremblay: Ce que monsieur essaie de dire, c'est que malheureusement, les femmes doivent toujours avoir recours au système D.

Mme Pierrette Venne: Je comprends maintenant ce qu'est l'arrière-garde.

Mme Ginette Tremblay: Comment quelqu'un peut-il se mettre à notre place alors que ce sont actuellement des militaires qui font l'arrière-garde? Je ne suis pas contre cela, mais comment peuvent-ils se mettre à notre place? Ils ne savent pas ce qu'on vit. Mon mari n'est jamais resté seul avec mon garçon pendant six mois.

Sgt Marc Desfossés: J'aimerais ajouter un point. Il ne faut pas penser que ceux qui restent en arrière sont tous des éclopés. Vous semblez percevoir les choses ainsi, madame Venne, en disant que les gens en arrière sont incapables de fournir un service. Il y en a plusieurs qui restent en arrière, quel que soit le déploiement, que ce soit les Nations unies ou quoi que ce soit d'autre, qui sont aptes à faire n'importe quel travail et qui vont essayer d'aider le plus possible les gens qui en ont besoin.

Il y a une priorité qui est établie par chacun des commandants d'arrière-garde. Chaque cas est évalué à son mérite. Il ne faut pas dire qu'il y a là seulement des gens handicapés. Il y a des gens qui sont aptes à travailler et il y en a d'autres qui ne le sont pas.

Mme Pierrette Venne: Je vous remercie de la précision. Vous parlez des missions des Nations unies. On m'a dit que c'était fait sur une base volontaire. Est-ce vrai?

Mme Monique Éthier: Absolument pas. Pour qu'un gars ne soit pas tenu de participer à une mission des Nations unies, il faut qu'il passe par le travailleur social et le médecin de sa femme, si c'est pour une raison médicale; parfois ils essaient même d'aller fouiller dans le dossier médical de la femme. Ce n'est pas volontaire. Il ne faut pas croire cela. Même si la femme ne le veut pas, il arrive que le gars parte quand même. Même si la femme est enceinte et sur le point d'accoucher, le gars part quand même.

Mme Pierrette Venne: Quand je dis que c'est volontaire, je parle du militaire lui-même.

Mme Monique Éthier: Non.

Sgt Marc Desfossés: J'aimerais préciser une autre chose. On parle du niveau opérationnel. Il y a souvent des gens qui ont fait deux missions et qui ne sont pas intéressés à en faire une autre pour quelque raison que ce soit, mais qui, à cause de la situation opérationnelle, sont obligés d'y participer quand même. Même s'il y a ailleurs des volontaires qui veulent y aller, cette personne-là va partir quand même étant donné les besoins opérationnels. Elle n'a pas le choix: elle doit y aller.

Mme Pierrette Venne: D'accord. Merci, c'est tout.

Le président: Merci beaucoup.

Capitaine Lessard.

Capitaine Robin Lessard (témoigne à titre personnel): Bonsoir. J'ai deux points à soulever. Le premier concerne les indemnités de campagne. On revient d'une opération qu'on a appelée l'Opération récupération. Au cours des dernières années, à Montréal, nous sommes allés au Manitoba. À court préavis, nous sommes allés au Saguenay et à Oka, il y a quelques années.

Comme militaires, on reçoit ce qu'on appelle une indemnité de campagne, un FOA. Je me trompe peut-être de terme, mais c'est l'équivalent d'environ 7,50 $ nets par jour. De toute façon, ce sont des «peanuts» et il ne vaut vraiment pas la peine d'en discuter.

• 2205

Je voulais simplement souligner que lorsque les militaires participent à des opérations intérieures comme celle de Montréal et qu'il n'ont que quelques heures de préavis, ils n'ont pas le temps de bien se préparer.

Par contre, lorsqu'ils partent pour un mois en exercice à Gagetown au Nouveau-Brunswick, les militaires ont le temps de se préparer, de demander à leur famille de prendre soin du chien et de retenir les services de la gardienne pendant leur absence. Lorsqu'on a un préavis, on est en mesure de prévenir beaucoup de ces frais.

Malheureusement, lorsqu'on part après court préavis comme ce fut le cas, on doit se virer de bord et compter sur le téléphone pour tenter de s'organiser, ce qui ne fonctionne pas toujours. Par exemple, lorsque les célibataires reviennent chez eux après trois semaines, le réfrigérateur sent un peu mauvais et ils doivent subir certaines pertes. Il ne s'agit pas nécessairement de montants énormes, mais ce ne sont pas les seuls montants. L'animal domestique, le chien ou le chat, doit être soigné et, encore une fois, à court préavis comme cela, on n'a pas le temps de se virer de bord. Dans la réalité de la vie d'aujourd'hui, si les deux conjoints travaillent, ils devront prévoir des frais de garde accrus en raison justement de ce trop court préavis. Je ne suis pas nécessairement au courant de tous les frais encourus, mais je pense que l'indemnité FOA qu'on verse aux militaires n'est pas adéquate.

Normalement, lorsqu'un militaire part en mission, on a tendance à croire qu'il engagera moins de dépenses puisque sa famille aura une bouche de moins à nourrir. Bien que nous n'ayons pas encore reçu tout le feedback quant aux coûts de la récente mission, ces derniers demeureront difficiles à mesurer. Je crois que certains militaires qui y ont participé se retrouveront avec moins d'argent que s'ils étaient restés à la maison. C'était là une facette du FOA.

Lorsqu'on met en parallèle l'indemnité FOA et des journées de travail de 16 à 20 heures, on se dit que cette journée de travail ne se compare pas nécessairement à une journée qu'on passerait raisonnablement en garnison ou dans un autre théâtre. On ne récompense peut-être pas le militaire à sa juste valeur, d'autant plus qu'il se comparera souvent aux travailleurs des autres organismes qui sont sur place.

Il est difficile de travailler et de côtoyer les policiers à Oka ou les travailleurs d'Hydro-Québec. Ils font raisonnablement bien leur travail et je ne saurais le critiquer. Je sais toutefois qu'ils vont dormir dans des hôtels et manger dans des restaurants, alors que nous endurons des conditions différentes. Nous sommes même très fiers de le faire. Les militaires sont très contents d'accomplir un travail pareil. Mais le fait de côtoyer ces gens a souvent des répercussions sur le moral des troupes.

Je n'oserais pas me prononcer sur l'importance de cette argumentation, mais je sais que c'est important pour le moral des soldats. Il est peut-être possible de se pencher sur cette indemnité et d'évaluer si elle comble bien les besoins réels des militaires qui sont envoyés en mission, souvent à court préavis.

Je consulte mes notes pour m'assurer de ne rien oublier. J'aimerais ajouter qu'il est facile d'argumenter sur la question de la solde que l'on reçoit en la comparant aux salaires que touchent les travailleurs d'autres organismes, dont les policiers de la SQ et les cols bleus de Montréal. On nous dit qu'on est payés 24 heures sur 24 et on est tous prêts à le reconnaître. Cependant, dans ce genre de contexte, il serait peut-être nécessaire d'expliquer aux militaires pourquoi ils ne reçoivent pas plus d'argent ou pourquoi ils ne reçoivent pas d'indemnités plus élevées. Si c'est inclus dans notre solde annuel, il faudrait nous l'expliquer. On a soulevé la question du pourcentage, mais le pourcentage n'explique pas toujours bien la solde.

• 2210

C'est ce que je voulais dire concernant les indemnités.

Deuxièmement, je voudrais parler du personnel réserviste. Je sais qu'il n'y en a pas beaucoup ici, mais j'ai travaillé deux ans avec le personnel de la réserve et j'ai vu quelques enquêtes sommaires sur des personnes qui sont allées en théâtre opérationnel et qui, après avoir été blessées, ont fait une demande d'indemnité. Cette demande est acheminée par la chaîne de commandement, se rend jusqu'à Ottawa et est ensuite transmise au ministère des Anciens combattants. Je regardais le major pour voir s'il pouvait m'aider, mais ce que je sais, c'est que les miliciens attendent souvent pendant six mois à un an, et ça, c'est quand le délai est raisonnable. Souvent il faut attendre deux ou trois ans avant de recevoir une indemnité.

Les montants ne sont peut-être pas toujours importants. Cependant, s'il faut deux ou trois ans pour verser une indemnité à un soldat, il ne se sent pas nécessairement appuyé. Peut-être qu'il y aurait moyen d'examiner cet aspect des enquêtes sommaires et des indemnités pour les réservistes. Je pense que c'est un peu trop long. C'est tout ce que j'avais à dire. Je ne sais pas si vous avez des questions.

Le président: Merci beaucoup. Vous avez un commentaire?

Capl Sébastian Couture: Oui, j'en ai un. En parlant des enquêtes sommaires, j'ai fait l'objet d'une enquête sommaire au sujet de ma blessure. C'est une personne à temps partiel de la réserve qui fait l'enquête sommaire. C'est censé être une personne à temps plein qui fait l'enquête sommaire pour que le dossier se règle rapidement. Le problème qu'on a en tant que miliciens, c'est que c'est un réserviste que travaille le mardi soir et une fin de semaine sur deux qui fait l'enquête sommaire. C'est donc normal que les choses prennent autant de temps. Non, ce n'est pas normal, mais c'est eux qui le font, et ce ne devrait pas être eux. On devrait assigner à cela au moins une personne de l'armée régulière qui travaille à temps plein à cela et qui y mette tout l'effort nécessaire. Ce n'est pas en travaillant le mardi soir et une fin de semaine sur deux qu'on va être en mesure de mener à bien une enquête sommaire. En cas de blessure, c'est assez important. Merci.

Le président: Sergent Marc Desfossés.

Sgt Marc Desfossés: Bonjour, mesdames, messieurs. Je voudrais soulever deux ou trois petits points.

Je voudrais d'abord justifier ce que M. Labonté a dit à un moment donné sur les postings. Il arrive régulièrement que le conjoint est muté et a le temps de s'installer dans son PMQ. Ses meubles et ses boîtes arrivent, mais il repart le lendemain matin à cause des besoins opérationnels. Il s'en va parfois juste en exercice, puis il doit partir parce qu'il est indispensable. À ce moment-là, on voit que la famille est vraiment prise en ligne de compte. Je ne vise aucune unité spécifique, mais ça arrive régulièrement. Ce sont des choses qui nuisent beaucoup au statut familial. Une femme a des enfants, et son mari s'en va en laissant toutes ses boîtes là-bas. Cela affecte la famille et le moral du militaire.

Monsieur Pratt, on parlait tantôt de moral. Personnellement, je peux voir que le moral des gens avec qui je travaille est affecté. On parle des soldats, qui sont à un niveau plus bas.

• 2215

Il arrive régulièrement que des soldats sortent de l'armée après leur contrat initial de trois ans. Premièrement, ils voient que la rémunération n'est pas adéquate. Ensuite, ils voient la façon dont le système fonctionne et ils décident d'aller dans le civil car ce sera meilleur pour eux. Cela arrive régulièrement. J'ai passé 18 ans dans les Forces et j'ai vu des gens ayant passé 15 ou 20 ans dans l'armée faire cela. Ces gens sont fatigués de ce système des années 1930 et 1940 et veulent en sortir.

On a parlé plus tôt des gérants de carrière. Il est à noter que nous, personnellement, de la troupe en descendant, on ne travaille pas avec les gérants de carrière. On a la chance de les rencontrer une fois par année. On nous dit que nous sommes notre propre gérant de carrière. On a la possibilité de le rencontrer une fois par année pour lui poser différentes questions ayant trait à notre carrière ou à des choix de mutation. Des choix de mutation, il y en a trois. C'est inscrit dans les dossiers et il arrive souvent que les trois choix ne sont pas pris en considération. On va donc à un quatrième endroit. Cela arrive.

Je ne veux pas critiquer le premier ministre, car je sais que ce sont des questions politiques. Je ne touche pas à la politique. Je ne lis même pas les articles sur la politique dans les journaux parce que je déteste la politique. Je me permettrai cependant de faire un commentaire. Le ministère de la Défense avait l'intention d'acheter des hélicoptères. Le gouvernement a donné 500 millions de dollars à la compagnie parce qu'il annulait la commande et il va peut-être acheter les mêmes hélicoptères sous un autre nom. Il aurait pu offrir à la compagnie de lui racheter les hélicoptères à condition qu'elle enlève ces 500 de dollars de sa facture. Cela n'a pas été fait. On a donné 500 millions de dollars à une compagnie civile, qui est probablement aux États-Unis. Ces 500 millions de dollars, on aurait pu les donner aux militaires canadiens, à leurs personnes à charge, aux centres de service, etc.

On parle d'équipement. J'ai assisté à une conférence au mois de novembre pendant un de mes cours et on m'a dit que quand on achetait de l'équipement, c'était politique. La politique, c'est vous autres; ce n'est pas moi. On nous a dit que la décision concernant l'équipement était déjà prise, la plupart du temps, avant l'enclenchement du processus d'achat. C'est ce qu'on nous dit à notre niveau. C'est ce qu'on dit au petit bonhomme en bas.

Cependant, par la suite, ceux qui se servent du système qu'on a le trouvent inadéquat et sont obligés de vivre avec pendant plusieurs années. Cela a été décidé au niveau politique et cela reste là. Ce n'est pas nous qui décidons d'acheter les véhicules. On peut les essayer et faire des tas de choses. C'est nous qui nous en servons, mais c'est vous qui les achetez.

Il arrive souvent qu'une compagnie fasse un essai pendant deux semaines à un endroit et pendant trois autres semaines à un autre endroit. Cela ne justifie pas qu'on achète 80 000 ou 60 000 pièces, qu'on dise ensuite que c'est de la «scrap» et qu'on en achète d'autres trois ou quatre ans plus tard. Mais cela n'est pas à mon niveau à moi; c'est à votre niveau à vous.

On parle de différents équipements. Que ce soit pour l'armée de terre, l'armée de mer ou l'armée de la marine, le problème est le même. Nous, on n'a rien à dire. On n'a qu'à utiliser cet équipement qui est acheté, et c'est tout ce qu'on a à dire. On n'a rien à dire à la compagnie; la compagnie va le faire. On sait que c'est fait par appel d'offres. Celui qui fait la meilleure offre obtient le contrat et une fois que c'est acheté, la qualité baisse.

Je vais prendre l'exemple du gortex. On avait des vareuses et des parkas en gortex, mais il n'y en avait pas pour tout le monde. Il y en avait six conteneurs en Yougoslavie qui ont moisi et ils les ont tous brûlés. C'est de l'argent qu'on a brûlé. Ce n'est ni mon argent personnel ni le vôtre, mais on n'a pas encore notre gortex. Ça va venir cette année, paraît-il.

Il y a une autre chose. Il arrive souvent que les épouses, parce que leurs maris sont militaires, aient de la difficulté à trouver un emploi dans le civil. Cela arrive régulièrement. Vous arrivez là-bas, vous êtes mariée et on vous demande ce que fait votre mari. Il est militaire? D'accord, pas de problème, on va vous appeler quand ce sera le temps. Ils ne rappellent jamais parce qu'ils savent qu'on est susceptibles de bouger d'un bord et de l'autre. Si on était plus stables, comme l'adjudant-maître Leblanc ou d'autres l'ont mentionné, ce serait peut-être plus simple pour les conjointes et conjoints de se trouver un emploi et de le garder plus longtemps. Ça réglerait le problème des salaires.

• 2220

Les familles monoparentales, hommes ou femmes avec enfants, sont dédommagées quand elles sont déployées en exercice ou en opération. Quel que soit l'endroit, elles sont remboursées. Quand les deux personnes d'un couple de militaires, l'homme et la femme, sont déployées, elles ne sont pas remboursées. C'est vrai qu'elles ont deux salaires, mais elles partent quand même toutes les deux. Ils sont allés à l'Opération récupération à Montréal. Ils avait le même problème que le gars qui est chef de famille monoparentale.

Les frais de gardiennage sont remboursés à l'une des deux personnes, pour la personne qui est gardée, et non pas à chacune des deux. Pourquoi n'est-ce pas accepté? On se fait dire que ce n'est pas normal. Un chef de famille monoparentale et deux gens mariés militaires qui partent, quant à moi, c'est la même chose. Je ne sais pas si vous le comprenez de la même façon que moi.

On parlait tout à l'heure de l'Opération récupération. On parlait de rémunération et ainsi de suite. Je vous donne un exemple. On travaillait avec les gars de l'Hydro. Ils étaient bien heureux. Ils faisaient deux pylônes en une journée et nous, on en faisait 10. Ils nous disaient qu'ils étaient payés à temps et demi, à temps double, 80 $ l'heure de plus pour nous regarder. Ils se promenaient en motoneige.

Je ne critique personne, mais je voudrais dire qu'on était là pour aider les gens et que notre but était de donner le maximum aux gens pour qu'ils aient l'électricité. Je ne critique pas la façon dont on travaille. Je ne critique pas les gens de l'Hydro non plus. Le travail, on le fait avec coeur.

On parle de l'Opération récupération. En Haïti, c'est la même chose. On se compare toujours avec les gens de la GRC, les policiers, etc. Les gens de la GRC et ceux de la Sûreté du Québec et des corps policiers municipaux reçoivent leur salaire en plus d'être exemptés d'impôt. Si je ne me trompe pas, on leur donne aussi 100 $ US par jour pour vivre là-bas parce qu'ils doivent payer leur hôtel et leur nourriture.

Comme n'importe quelle famille, ils vont s'installer à trois, quatre ou cinq ensemble au même endroit; ils paient 150 $ US chacun et ils ont le même argent. Le travail n'est pas pareil, que ce soit en Yougoslavie ou en Haïti. Par exemple, en Haïti, le militaire est ambulancier, pompier, travailleur social, policier, etc. Ça ne valorise pas le travail des gars. C'est ce que j'avais à dire personnellement. C'est mon point de vue. Merci.

Le président: Un commentaire de M. de Savoye.

M. Pierre de Savoye: Vous dites que vous ne vous occupez pas vraiment de politique, que vous ne lisez même pas les journaux à ce sujet. Il y a des tas de gens comme vous, et ce n'est pas anormal. Je vous dirai franchement que pendant un bout de temps, moi non plus je ne m'en occupais pas, mais un bon jour j'ai eu la réaction que vous venez d'avoir. Je me suis dit: Si les décisions se prennent là, il faudrait peut-être que j'y aille. Depuis ce temps-là, je m'en occupe beaucoup. Je voulais vous dire que je partage vos préoccupations.

Sgt Marc Desfossés: J'aimerais soulever rapidement un autre point. On parle d'une augmentation pour les députés. C'est une chose qui me tient à coeur. Les députés ont eu une augmentation, ou ils vont peut-être en avoir une, de quelque 60 000 $ à 106 000 $. Je n'ai rien contre les augmentations. Je n'ai rien contre le fait qu'il leur faut seulement six ans de service pour avoir une pension alors qu'il nous en faut 20 ou 25 pour avoir un certain pourcentage de notre pension. Je pense qu'avant d'en donner aux députés, il faudrait peut-être regarder le travail des militaires, et non pas seulement celui des politiciens.

M. Pierre de Savoye: J'aurais le goût de dire qu'il y a des mythes. Par exemple, après 20 ans, vous avez une pension.

Sgt Marc Desfossés: On a 40 p. 100.

M. Pierre de Savoye: Vous avez seulement 40 p. 100. Dans notre cas, après six ans, la pension serait de 24 p. 100. Vous n'avez jamais vu de députés défaits vivre très richement. Je pense à celui qui m'a précédé. C'était un conservateur, Marc Ferland. Il avait été là huit ou neuf ans. Il est parti avec une maigre pension. Évidemment, il avait travaillé... Je dis des choses parce qu'on se parle coeur à coeur.

Vous partez en mission. Eh bien, moi, je pars demain matin pour Ottawa et je vais revenir vendredi. Je fais cela semaine après semaine. Ça brise certaines vies familiales.

• 2225

Pour ce qui est de Marc Ferland, ce n'est un secret pour personne. Je ne révèle pas sa vie privée, car tout le monde est au courant. Il a perdu sa femme et sa maison. Il était dessinateur quand il est entré en politique en 1983. Quand il est revenu à la vie privée en 1993, son métier se faisait par ordinateur. Il n'avait aucune formation dans ce domaine et il s'est retrouvé au chômage.

Il y a des mythes sur bien des choses. Cette augmentation dont vous faites mention n'est pas une augmentation en réalité. C'est quatre «trente sous» pour une «piastre». On a 64 000 $ plus un budget de 21 000 $ pour payer nos dépenses qui n'est pas imposable. Maintenant on dit qu'on va nous donner le double mais qu'on va l'imposer. On en paie la moitié en impôt. Quand on additionne 64 000 $ et deux fois 21 000 $, cela fait 106 000 $. C'est quatre «trente sous» pour une «piastre». Mais je ne me plains pas. Je ne veux pas un cent de plus et je suis certain que tous mes collègues pensent exactement comme cela. On ne demanderait pas aux gens de faire des sacrifices alors que nous ne serions pas prêts à faire les mêmes sacrifices, je vous en donne ma parole. Je suis convaincu que tous mes collègues partagent ce point de vue. Merci.

Le président: J'aimerais ajouter un commentaire concernant les salaires. Il est prévu dans la Loi électorale qu'après chaque élection, un comité est formé pour étudier la rémunération des parlementaires. Ce comité a déposé un rapport la semaine dernière. Cela ne veut pas nécessairement dire que ce qui est dans le rapport va être accepté. Cela fait partie de la loi. Je voulais juste apporter cette précision.

Sgt Marc Desfossés: Je comprends. C'est comme nos augmentations: c'est décrété et ce n'est pas accepté, puis à un moment donné, c'est décidé ou pas. Je comprends cela, sauf qu'on procède plus rapidement dans votre cas que dans le nôtre. On pourrait peut-être travailler là-dessus.

Le président: Madame Venne, avez-vous quelque chose à ajouter?

Mme Pierrette Venne: Oui, j'aimerais ajouter que les députés du Bloc ont bien dit qu'ils ne voulaient pas d'augmentation, Nous avons accepté les conditions telles qu'elles sont. En plus, je voudrais vous faire remarquer que je suis députée depuis 1988 et que ça fait sept ans que les députés n'ont pas eu d'augmentation non plus. Merci.

Sgt Marc Desfossés: Pas de problème. Merci.

Adjm Paul Leblanc: J'aurais un petit commentaire à ajouter. On parlait tantôt des militaires quand ils sont déployés. On parle de l'Opération récupération et de tout cela. Voici pourquoi on éprouve parfois de la frustration quand on travaille avec des gens d'organismes comme Hydro-Québec ou la Sûreté du Québec. Le soldat sait qu'il n'est pas envoyé là parce que l'armée est opérationnelle, parce que les soldats sont de bons travailleurs. Il sait qu'il est envoyé là parce que ça coûte moins cher. C'est exactement ça que les soldats pensent.

On parlait tantôt d'équipement. Je vais vous donner l'exemple du sac alpin. C'est le sac à dos qu'on a. Je parle surtout du domaine de l'infanterie parce que je viens de quitter l'infanterie. Il y a des gars dans le domaine de l'infanterie dont la passion est le plein air. Ils sont tout le temps en train de faire du plein air. Quand on fait des achats d'équipement, pourquoi ne va-t-on pas dans les bataillons d'infanterie? Pourquoi ne va-t-on pas chercher les gens qui vont travailler avec l'équipement? Le gars qui fait du plein air sait quel sac il lui faut. Je puis vous assurer que vous allez de cette façon payer deux fois moins que ce que vous avez payé pour les sacs qui nous défont le dos et qui vous coûtent cher en pensions.

Autre chose. Je suis moi-même un maniaque du plein air. Je me promène dans les magasins de sport et je vois les bottes de marche qu'il y a dans les magasins de sport. Est-ce qu'il y en a des sortes de bottes de marche? Salomon, Adidas, Nike, etc. Qu'est-ce qu'on fait avec nos bottes de combat? Je suis un gars en forme. Je m'entraîne beaucoup. Je cours 20 ou 21 kilomètres tout seul. Curieusement, quand je cours, je n'ai pas d'ampoules. Quand je vais faire mon 13 kilomètres—c'est un test annuel qu'il faut passer avec je ne sais plus combien de livres sur le dos—, j'ai de grosses boules en-dessous des pieds quand j'ai fini ma marche. Ce sont des ampoules. Ce n'est pas normal.

• 2230

Ce n'est pas normal d'avoir des bottes comme celles-là dans une armée qu'on dit moderne. Ce n'est pas normal. Il y a tant de bonnes bottes de marche aujourd'hui sur le marché. S'il vous plaît, monsieur, j'aimerais bien avoir une paire de Salomon ou une paire d'Adidas. Je me demande pourquoi on a encore des bottes hautes comme cela. Quand je regarde toutes les bottes de marche qu'il y a sur le marché, elles sont courtes comme les miennes. Ce ne sont pas de bonnes bottes, en passant.

J'aurais peut-être un petit dernier point à soulever. Je vais en profiter pendant que j'ai le micro. C'est concernant l'entraînement physique dans les Forces canadiennes.

Quand on est dans une unité d'infanterie, normalement, il n'y a pas de problème. On a du temps pour s'entraîner. Cependant, quand on arrive dans un métier de soutien, les charges sont tellement élevées que le personnel n'a pas le temps de faire son travail de militaire. Il y en a qui me disent: Oui, mais si tu étais dans le civil, tu ne t'entraînerais pas. Je suis d'accord, mais si j'étais dans le civil, je n'aurais probablement pas demain matin un coup de téléphone me demandant de partir pour le Koweït ou ailleurs. Dans le civil, mon patron ne me dirait pas demain matin: Prépare ton sac parce que tu vas faire le test des 13 kilomètres.

Je suis capable de vivre avec cela. Je suis militaire. Cela ne me dérange pas. Mais je veux qu'on ait du temps pour se préparer et pour s'entraîner. C'est cela, la vie d'un militaire. Tu es censé être prêt. Mais les gens n'ont plus le temps de se préparer parce qu'ils sont chargés de trop de dossiers. On manque de personnel. Dans l'armée, on devrait avoir du temps pour s'entraîner, quel que soit le métier qu'on exerce. Les gens de n'importe quel métier devraient être en forme et avoir du temps pour s'entraîner.

Il faudrait aussi penser à changer les programmes d'entraînement. La mentalité veut que tout le monde soit pareil, que tout le monde se mette en peloton pour aller courir. Il faudrait peut-être commencer à penser à changer les choses et à faire des systèmes d'entraînement pour que les gens...

Il y en a qui arrivent du commando. Ils ont le dos et les genoux finis. Le problème de base, c'est un problème d'entraînement. Ces gars-là ont été mal entraînés.

Je termine là-dessus. Merci.

Le président: Merci beaucoup. Monsieur Jean-Marc Provost.

Caporal Jean-Marc Provost (témoigne à titre personnel): Bonsoir. J'aimerais vous parler des problèmes des familles éclatées, des familles reconstituées. Je vis présentement le problème. Je suis divorcé. Mon ex-femme a la garde des deux plus jeunes enfants, qui ont 8 et 10 ans. Moi, j'ai la garde du plus vieux, qui a 12 ans. Je suis remarié avec une femme qui a deux enfants et un emploi stable.

L'année dernière, tout allait bien parce que j'étais à Montréal. On était établis. On s'était acheté une maison et tout. Tout était parfait. Tout était merveilleux. Puis là, ils avaient besoin d'un transfert. Ils ont dit: «Provost, tu t'en vas à Valcartier.» Bon militaire, j'accepte la situation. Je me prépare à venir ici. Ah, mon fils veut venir avec moi. Il ne veut pas vivre avec sa belle-mère. C'est compréhensible. Il y a juste un an qu'on vit ensemble, Il n'est pas habitué. Je lui ai dit: «D'accord, je vais t'emmener avec moi.»

Mais, soudainement, quand je me présente aux arrivées et départs pour gérer mon déménagement, j'apprends que je n'ai droit à rien. Ma femme a un emploi depuis 23 ans. Elle ne peut pas quitter son emploi. Elle perdrait sa pension et tous ses avantages. Il me reste quatre ans à faire. Voyons, ce serait illogique!

Alors, je m'en viens ici seul avec mon fils. Je déménage mon fils. C'est un déménagement partiel. En arrivant ici avec mon enfant, je n'ai droit à aucune aide financière. Si j'étais arrivé ici tout seul, j'aurais eu droit au quartier, aux rations gratuites garanties pendant un an, à 4 $ par jour et à un interurbain par semaine.

J'arrive ici avec mon enfant. Je dois payer un loyer. J'ai une hypothèque et un loyer à payer. Je dois payer l'hydro à deux endroits. Je dois payer toutes les factures qui vont avec les deux appartements et les deux autos. Je n'ai plus d'aide financière. Il me semble qu'il y a un manque du côté du gouvernement. Je n'avais pas besoin d'être posté. La personne qui a pris ma place à Montréal arrivait justement d'ici. On s'est croisés sur l'autoroute 20. C'est un peu ridicule.

C'est un stress financier pour ma famille. Avec deux salaires et une seule maison à payer, on vivait bien. On pouvait se permettre de petits voyages. Je voyais mes deux autres enfants régulièrement. Je suis un père responsable. Du moins, j'essaie de l'être. On essaie d'être de bons parents peu importe les situations. Dans les Forces, malheureusement, on déménage ou on ne déménage pas. On a peut-être le choix de déménager, mais aujourd'hui j'en paie les conséquences.

• 2235

En arrivant ici, on fait des demandes. Je me suis dit qu'à Ottawa, il y avait peut-être un endroit où on étudierait mon dossier et où on me dirait qu'on me donnerait quand même 4 $ par jour. Ce n'est pas beaucoup, mais cela paie au moins l'essence dont j'ai besoin pour aller voir mes enfants et ma femme en fin de semaine. Cela ne s'est même pas rendu au commandant de l'unité. On m'a répondu que ma situation familiale, ce n'était pas de leurs affaires. On m'a dit que je m'étais remarié et que ma femme devait prendre soin de mes enfants, les considérer comme les siens et s'en occuper, et que je devais venir ici seul. Ce n'est pas notre problème, ont-ils dit.

Il me semble qu'il y a un manque d'humanité et qu'on privilégie le célibat mais non la famille. Un célibataire qui part en mission des Nations unies peut réclamer des frais de garde de maison, mais moi, chef de famille monoparentale, qui viens de passer trois semaines à Saint-Hyacinthe à aider nos citoyens, je ne peux même pas réclamer les 300 $ de frais de gardienne que cela m'a coûté.

Quand je suis arrivé ici, au mois d'août de l'année dernière, je n'ai eu qu'une semaine pour trouver école, dentiste, médecin et tout ce qu'il faut trouver pour les soins de son enfant quand on vit en situation monoparentale. Ce n'est pas facile et je ne peux pas dire que les Forces sont là pour nous soutenir.

J'aimerais aussi parler de la façon dont on est rémunéré dans les Forces armées. On est payés au mois. Il y en a qui sont payés régulièrement à toutes les deux semaines. Nous, on budgète mensuellement et on doit étirer notre paie sur 31 jours. Le seul mois qui se gère bien, c'est le mois de février.

Si vous nous payiez aux deux semaines, on pourrait gérer pour deux semaines. Deux fois par année, on aurait une paie supplémentaire qui nous servirait à payer des petits extras à notre famille. Quand on fait de 30 000 à 35 000 $ par année, ces deux petites paies supplémentaires sont les bienvenues. Ce sont celles-là qui permettent d'amener les enfants au Village des sports, à la Ronde et ainsi de suite.

Je vous rappelle un petit fait qui est arrivé. Une fille est venue nous interpeller l'automne dernier, dans un Dunkin' Donuts, pour nous dire: «Je fais partie des Jeunes voyageurs du Québec et je vous demanderais de m'aider à financer mon voyage en Europe.» Je lui ai répondu: «Nous, on fait partie des jeunes familles reconstituées du Québec; voudrais-tu financer notre voyage au Village des sports?» Aujourd'hui, la situation fait que tout le monde quête de l'argent aux autres. Enfin, je voulais dire que la paie aux deux semaines serait, pour les militaires, une façon d'éviter les problèmes financiers qu'ils vivent.

Actuellement, avec la paie au mois, on vit des situations qui font qu'à deux ou trois reprises par année, on passe trois fins de semaines consécutives sans être rémunérés. La troisième fin de semaine est dure à vivre quand on gagne 30 000 $ par année. Quand on gagne entre 60 000 et 65 000 $ par année, ça s'absorbe peut-être mieux. Mais à 30 000 $ par année, ce n'est pas toujours facile.

Je vous remercie.

[Traduction]

Le président: Monsieur Benoit.

M. Leon Benoit: J'aimerais faire préciser une ou deux choses, pour être certain d'avoir bien compris ce que vous avez dit. D'abord, vous avez dit que vous êtes père célibataire et que votre fils est avec vous. Êtes-vous en train de nous dire que vous êtes traité différemment d'une mère célibataire comme père célibataire ou est-ce que les circonstances qui vous ont fait décider de garder votre fils quand vous aviez votre conjointe ailleurs signifie que vous êtes traité différemment?

[Français]

Capl Jean-Marc Provost: La note que j'ai reçue me disant: «Caporal Provost, votre situation familiale, c'est vous qui l'avez choisie; vivez-la tout seul car on n'est pas là pour vous faire la charité», je l'ai noir sur blanc. Je ne demande pas qu'on me traite différemment d'une mère célibataire. Cette dernière vit les mêmes problèmes que moi, peut-être dans des circonstances différentes. Quand les patrons me demandent si je suis prêt à être déployé n'importe quand, mon coeur me dit d'y aller, mais mon portefeuille me dit de ne pas faire cela.

• 2240

Quand je vais en mission des Nations unies, je ne fais pas d'argent. C'est vraiment pour aider les autres, puisque je peux en bénéficier comme être humain. On est quand même dans un pays capitaliste. Si on veut me faire bouger et me séparer de ma famille, qu'on me donne quelque chose pour compenser. Qu'est-ce que je dois présenter à ma femme? Je m'en vais pour six mois. Au moins, qu'on me donne quelque chose pour que je puisse dire en revenant que l'hypothèque de 2 000 $ sera à moitié payée.

[Traduction]

M. Leon Benoit: Encore une fois, je ne suis pas certain d'avoir bien compris ce que vous avez dit. Avez-vous dit que lorsque vous avez été muté de Montréal à Valcartier, votre remplaçant venait de Valcartier?

Cpl Jean-Marc Provost: Oui.

M. Leon Benoit: D'accord, je voulais que ce soit clair. Merci.

Le président: Monsieur Pratt.

M. David Pratt: J'ai une question toute courte, monsieur le président.

Votre chèque de paye est-il déposé directement dans un compte de banque?

Cpl Jean-Marc Provost: Oui, et si c'est un samedi, un dimanche ou un congé férié, on est payé le vendredi. C'est pour ça que trois fins de semaine par année, on n'a pas notre paye. Nous avons une paye le vendredi, et trois fins de semaine plus tard, la paye tombe un lundi ou un mardi.

M. David Pratt: Ça semble un peu curieux que la fonction publique soit payée toutes les deux semaines et que...

Cpl Jean-Marc Provost: Je sais, je sais.

Ce serait environ 0,9 p. 100, de diviser en deux notre mois de paye. Si on nous payait tous les 14 jours, cela nous donnerait une augmentation d'environ 0,9 p. 100. Ce serait une bonne chose.

M. David Pratt: Merci.

[Français]

Le président: Merci beaucoup.

Major Gilles Harbec.

Major Gilles Harbec (officier de direction du personnel pour Valcartier et pour les unités des Forces terrestres, BFC Valcartier): Monsieur le président, mesdames, messieurs du comité, l'heure se fait de plus en plus tardive, et je vais donc essayer d'être bref.

En ma qualité d'officier de direction du personnel pour Valcartier et pour les unités des Forces terrestres, je vais aborder ce soir la question du Service de préparation de seconde carrière. Vous avez eu l'occasion d'entendre des commentaires de gens qui ont parlé des difficultés qui sont rencontrées par les militaires en vue de se préparer à une seconde carrière au moment où ils doivent quitter les Forces canadiennes, généralement lorsqu'ils atteignent l'âge de 40 ans ou encore après 20 années de service continu dans les Forces canadiennes. Le Service de préparation de seconde carrière a été mis sur pied il y a une vingtaine d'année. Il vise essentiellement la planification, la préparation et l'aide aux gens dans leur réinsertion à la vie civile sur le plan personnel, mais aussi sur le plan professionnel.

J'insiste sur ces deux points, parce qu'il y a des préparations à faire en cours de carrière, ou à tout le moins vers la fin de la carrière, pour s'assurer que quelqu'un soit en mesure de se trouver un autre emploi sur le marché du travail civil, mais aussi de faire des ajustements qui s'imposent sur le plan personnel en ce qui a trait à la famille, parce qu'il quitte une organisation dont il a fait partie pendant 20, 25, 30 ou 35 ans à titre de militaire.

Je suis en mesure de vous dire aujourd'hui, comme responsable de ce programme pour Valcartier et la région de Québec, que nous sommes en mesure d'évaluer qu'au plan de la transition à la vie civile, l'objectif du programme n'est pas atteint et que nombre de retraités éprouvent des difficultés de réinsertion, d'adaptation et de recherche d'emploi une fois qu'ils ont quitté les Forces armées canadiennes.

Soit dit en passant, monsieur le président, vous avez une copie du mémoire qui a été déposé ce matin.

Il y a lieu de revoir trois points essentiels du programme.

Il y a d'abord l'équité. On a soulevé des exemples. Les deux autres sont les avantages financiers y afférents et le suivi après la libération.

• 2245

Dans un premier temps, sur le plan de l'équité, à mon sens, il est fondamental que la population militaire puisse bénéficier équitablement des services liés au Service de préparation de seconde carrière. À ce titre, les services doivent être harmonisés. On a soulevé ce point à plusieurs reprises et on a mentionné, sans être en mesure de préciser la nature des motifs, qu'il y avait des différences notables entre les bases, entre les différents organismes et entre les différentes sections au sein de l'organisation militaire pour un même service donné.

Le service dont je vous parle est clairement défini au sein d'un ordre administratif et, pourtant, si vous si vous allez à Shiloh, à Bagotville ou à Ottawa, vous allez trouver que sur le plan pratique, les services ne sont pas nécessairement disponibles, ne sont pas nécessairement abordés de la même manière ou ne sont pas nécessairement offerts, pour toutes sortes de raisons qui seront mentionnées à cet endroit.

Les procédures diffèrent, ce qui fait que quand un militaire qui quitte une base et a déjà amorcé une certaine préparation arrive a un autre endroit, il se rend compte que certaines procédures ont changé, etc. Donc, il est important que les services soient harmonisés et accessibles à tous, nonobstant le lieu de service et la nature des emplois exercés.

La préparation professionnelle implique, bien entendu, une forme de recyclage ou des cours de perfectionnement en cours de carrière, pour qu'un militaire puisse se trouver un emploi civil par la suite. Compte tenu de ce qui a été dit aujourd'hui, notamment, les militaires sont incapables de s'acquitter à la fois de leurs obligations militaires et de cours du soir dans le but de préparer leur seconde carrière. C'est ce qui leur est actuellement suggéré dans le cadre du programme, mais dans les faits, on s'aperçoit qu'ils ne sont pas en mesure de le faire. Ils vont le tenter, ils vont s'inscrire mais, pour toutes sortes de raisons, ils devront abandonner en cours de route.

Évidemment, on les rembourse si la formation est complétée, à moins qu'il puissent justifier leur abandon. Je reviendrai sur la question des coûts. Les cours par correspondance, par exemple, ne sont pas à la portée de tous. Ils ne peuvent pas aider toutes les personnes qui veulent se perfectionner ou améliorer leur formation académique en vue d'un second emploi.

On a parlé ce matin à plusieurs reprises, et j'en ai également parlé dans mon mémoire, des militaires libérés pour des raisons médicales, à la suite de blessures subies en mission ou à l'entraînement. Il n'y a rien d'autre que les services actuellement offerts dans le cadre du Service de préparation de seconde carrière qui sont disponibles pour tout le monde. Donc, à toutes fins pratiques, pour eux, c'est très souvent la catastrophe. On le voyait dans notre travail, parce qu'on avait à rencontrer ces gens et à écouter un peu leurs doléances. En bout de ligne, on devait leur dire qu'il n'y avait pas grand-chose qu'on pouvait faire pour les aider.

Il serait légitime de penser que des avantages particuliers devraient être disponibles afin de répondre adéquatement aux besoins des militaires éprouvés lors de ces situations.

Finalement, et c'est un point qui intéresse certainement les conjoints et conjointes de militaires, les particularités du service militaire entraînent, comme vous le savez, des restrictions sur le plan de la poursuite et du développement de la carrière des conjoints. Cela a été soulevé à plusieurs reprises. Conséquemment, selon moi, il serait approprié de rendre les services et les avantages financiers liés au programme de préparation à une seconde carrière accessibles au conjoint ou à la conjointe du militaire. Voilà pour l'équité.

En ce qui a trait aux avantages financiers, depuis 20 ans, le programme prévoit une somme totale de 2 500 $ en carrière, moins les impôts. On n'y échappe pas. Selon la rémunération que vous avez, l'impôt joue avantageusement ou désavantageusement. De toute manière, le résultat final est que vous n'aurez pas le bénéfice auquel on prétend que vous avez droit, soit 2 500 $ en carrière. Le remboursement se fait sur le principe des dépenses encourues dans une même année scolaire, sur la base de 280 $ par année ou 50 p. 100 de la totalité des frais encourus.

• 2250

Si quelqu'un dépassait 5 000 $ au cours d'une année, on lui verserait 2 500 $ moins les impôts et il toucherait la somme totale à laquelle il a droit pour se préparer à sa seconde carrière. Depuis 20 ans, cette somme a été très peu ajustée. Elle n'est certainement pas le reflet de la réalité sur le plan des coûts liés à l'éducation, à la scolarité et au perfectionnement. Donc, une révision de la politique de remboursement à cet égard s'impose.

En dernier lieu, je vais parler du suivi après la libération. Je vous ai dit au départ que l'objectif principal du programme, quand il a été mis sur pied, et il demeure le même, était d'aider le militaire dans sa transition vers la vie civile. Je ne connais pas beaucoup d'individus qui vivent une transition au moment où ils sont en train de faire quelque chose. La transition, c'est après que cela se vit. Dans nos contacts réguliers ou quotidiens avec des militaires qui sont sur le point de quitter l'organisation, on se rend compte qu'ils ont peine à identifier les difficultés auxquelles ils seront confrontés une fois qu'ils auront quitté l'organisation.

On rencontre, dans les quelques mois qui suivent leur départ, des gens pour qui c'est l'euphorie. Ils sont encore très, très bien. Ils viennent de quitter et c'est un peu comme s'ils étaient en vacances. Ils ne sont pas encore conscients qu'au tournant, ils vont rencontrer des difficultés sur le plan personnel et sur le plan professionnel. Ils quittent en pensant qu'ils n'auront pas à se chercher un emploi et qu'ils pourront se reposer sur l'argent de leur pension. Cependant, au bout de six mois ou un an, les problèmes d'identité reprennent le dessus et, à un moment donné, ils se disent: «Eh bien, je vais essayer de me trouver quelque chose, etc.»

Ce que je propose, c'est évidemment une prolongation de la période donnant droit aux bénéfices de préparation à une seconde carrière pour nous permettre de faire un suivi plus serré de ces gens-là ainsi qu'un accompagnement. On serait alors en mesure de faire le pont entre les individus qui ont des problèmes et un représentant militaire qui, lui, pourrait trouver la solution ou acheminer le problème en haut lieu.

Très souvent, une fois qu'ils sont libérés, les gens ont un numéro 1-800, comme pour les PMQ: si vous parlez français, faites le 1; si vous parlez anglais, faites le 2; pour autre chose, faites le 3. Finalement, on n'a pas de service. C'est une réalité qui est difficile à vivre.

Je termine par les recommandations. Il y en a cinq.

Il faudrait harmoniser les services offerts dans le cadre du Service de préparation de seconde carrière afin que tous les militaires aient accès à des prestations et à des services harmonisés sur l'ensemble du territoire. Il s'agirait de s'assurer que tout le monde ait la même boîte à outils, que tous soient équipés de la même façon. On a l'expertise nécessaire, mais on manque évidemment de ressources en termes de personnel, etc. Il devrait y avoir moyen d'injecter des sommes pour s'assurer que les services soient disponibles et harmonisés.

Il faudrait élaborer des mesures additionnelles adaptées aux besoins des militaires libérés pour une raison médicale, à la suite de blessures subies en mission ou en entraînement.

Il faudrait offrir l'option d'inclure le conjoint ou la conjointe du militaire comme cobénéficiaire des services offerts dans le cadre du Service de préparation de seconde carrières et des avantages financiers.

Il faudrait hausser les avantages financiers liés au remboursement des frais de cours de formation à 500 $ par année—j'avais mentionné 280 $—ou à 80 p. 100 des frais totaux encourus—le plus élevé des deux—dans une année scolaire donnée jusqu'à concurrence de 5 000 $ en carrière. Cela veut dire que si un militaire considère qu'il n'a pas nécessairement besoin, pour toutes sortes de raisons, de ces sommes d'argent pour préparer sa seconde carrière, sa conjointe pourrait en bénéficier. Étant donné la nature des restrictions qu'elle a rencontrées, je pense qu'il serait tout à fait normal qu'elle puisse tirer avantage de cela.

Je pense qu'il serait aussi tout à fait normal qu'elle puisse assister aux différentes séances qu'on peut offrir, entre autres sur le c.v. Il y a toute une gamme de services qui vont s'élaborer, et je ne vois absolument pas ce qui empêcherait les conjoints et les conjointes de profiter de l'ensemble des services qu'on offre à la population militaire. Je ne vois pas de différence entre monsieur et madame. On est capable d'offrir exactement le même service.

• 2255

Finalement, il faudrait prolonger de deux ans, après la libération, la période ouvrant droit aux services offerts dans le cadre du SPSC, ce qui serait suivi d'une année additionnelle pour tous les détails techniques administratifs, de remboursement de dépenses, etc. Pendant cette période-là, on serait nettement en mesure de suivre l'individu et de l'aider à mieux vivre sa transition en l'aidant sur le plan du placement. Cela termine ma présentation.

Le président: Merci beaucoup, major.

Monsieur Ricardo Gagné.

Caporal Ricardo Gagné (témoigne à titre personnel): Bonjour messieurs, mesdames. J'ai deux ou trois petits points à soulever.

En tant que caporaux dans l'infanterie, on participe souvent à des missions des Nations unies. On est déployés ailleurs et on a souvent besoin d'une langue seconde. Je suis seulement caporal dans l'infanterie et j'ai demandé à suivre un cours en langue seconde. On m'a répondu que j'étais juste caporal, que je n'en avais pas besoin et que c'était juste à partir du grade de sergent qu'on en avait besoin. Pourtant, c'est nous qui étions au front en Yougoslavie, à Chypre, où il y a des conflits. On est les premiers arrivés et on pourrait régler certaines situations dans les cinq minutes suivant notre arrivée, mais on ne le peut pas parce qu'il faut dire à notre patron de venir parce qu'il y a un problème qu'on n'est pas capables de régler parce qu'ils ne parlent que l'anglais et qu'on ne comprend pas un mot de ce qu'ils disent.

Cela pourrait peut-être aussi nous aider en tant que militaires. Faisant partie de l'infanterie, je pourrais aller à Edmonton, mais ils demandent qu'on soit complètement bilingues. Je ne peux être muté à cet endroit parce que je ne parle que le français et qu'il faut attendre d'être sergent pour avoir accès au cours d'anglais. C'est un des points que je voulais soulever.

En ce qui a trait aux missions des Nations unies, six mois, c'est long pour certaines personnes. Pourquoi ne pas avoir la possibilité de participer aux missions des Nations unies pendant seulement trois mois? Cela pourrait aider les familles. Les conjointes trouvent cela long. Elles ont des problèmes avec leurs enfants ou parfois des enfants handicapés. Une mission de seulement trois mois serait plus avantageuse pour ces gens-là.

On a aussi parlé des garderies à 5 $. J'ai trois enfants et ma conjointe travaille en garderie. Si elle veut aller travailler, il faut qu'elle paie 20 $ par semaine juste pour qu'on puisse garder les petits. Je trouve que la garderie à 5 $ a beaucoup d'allure. C'est tout ce que j'avais à dire.

Le président: Merci beaucoup. Monsieur King Kiley.

[Traduction]

M. King Kiley (témoignage à titre personnel): Bonsoir, mesdames et messieurs.

Je ne suis pas un militaire. Depuis 30 ans, je suis un civil qui enseigne ici à la base des forces canadiennes. J'ai écouté toute la soirée et j'ai entendu des témoignages éloquents des problèmes que rencontrent les militaires et leurs femmes ainsi que la garderie lorsque les hommes sont partis. Pour ma part, je voudrais parler au nom des adolescents.

Depuis 10 ans, j'ai vu énormément de changements; encore plus au cours des cinq dernières années. Nous commençons à voir dans nos écoles les effets de ce qui arrive aux militaires, hommes et femmes.

Il y a cinq ans environ, le gouvernement fédéral a cessé de s'occuper de l'enseignement. Avant, on pouvait compter sur l'aide militaire et sur les autobus militaires; il y avait toutes sortes de matériel. Aujourd'hui, nous sommes exactement sur le même pied que les commissions scolaires provinciales, qui font tout ce qu'elles peuvent pour comprimer les budgets.

Les adolescents qui sont à la charge des militaires ont des problèmes supplémentaires. Il y a bien un centre de ressources pour les familles, mais les adolescents n'y vont pas. Peut-être les enfants qui vont à la garderie et les épouses, mais pas les adolescents. Ils ont besoin d'un coup de pouce supplémentaire, et nous ne sommes pas là pour le leur donner.

• 2300

À l'école secondaire, je vois aujourd'hui des élèves qui souffrent de migraine. Il y a 10 ans, ça n'existait pas. Je vois des enfants anorexiques, beaucoup qui sont boulimiques, des cas de familles dysfonctionnelles, de déficit de la capacité d'attention, des enfants hyperactifs. J'enseigne les mathématiques, et je peux vous dire que les cas d'enfants venant de familles militaires dysfonctionnelles est au moins 10 à 20 fois plus grand qu'il y a 10 ans.

Est-ce qu'il y a une solution? Eh bien, il est impossible que le gouvernement fédéral reprenne en main l'enseignement, mais peut-être pourrait-on recommencer à se servir des installations fédérales. Ici, sur la base, il y a une pente de ski. Nos écoles peuvent s'en servir, mais au même prix que les autres écoles de Québec. Nous avons des patinoires et des piscines sur la base, mais elles ne sont pas accessibles aux écoles.

Il faut que l'armée recommence à s'occuper de notre école. Nous sommes pénalisés. Non seulement on nous traite comme les autres écoles de la province, mais contrairement aux autres écoles qui reçoivent de l'aide des anciens élèves, il n'y a personne pour faire un don de 30 000 $ pour acheter un tableau d'affichage, comme c'est arrivé dans une autre école de langue anglaise ici. Nos anciens élèves ne restent pas.

Sur tous les autres élèves militaires de la base, je pense qu'il en est resté trois. L'un d'eux, M. Leblanc, est intervenu tout à l'heure. C'était un élève à moi. L'an dernier, son fils a terminé ses études secondaires sur la base et fréquente aujourd'hui le CEGEP. S'il déménage l'an prochain, le système d'enseignement sera tout à fait différent.

Il nous arrive en secondaire 4 des élèves de 10e année en Alberta. Ils doivent être fonctionnellement bilingues, sans quoi ils ne peuvent pas recevoir leur diplôme. Ils ont beau avoir 90 p. 100 en mathématiques ou en chimie, s'ils n'ont que 40 p. 100 en français, ils échouent. Ils ne reçoivent pas leur diplôme d'études secondaires, ce qui leur interdit l'accès à l'université. Ils ne peuvent même pas entrer au CEGEP au Québec. Bien sûr, on peut envoyer un militaire suivre un cours de français, mais ce n'est pas possible avec un adolescent.

Il y a donc une multitude de problèmes de plus à l'école secondaire ici parce qu'elle dessert les militaires.

Les solutions? Peut-être que les autobus qui sont là-bas—souvent, on peut s'en servir. On pourrait peut-être aussi avoir des heures fixes à la piscine de la base. On vient de construire un nouvel aréna; il pourrait peut-être y avoir des périodes réservées pour les écoles. Il faut faire quelque chose pour ces adolescents.

On nous dit qu'il n'y a pas d'argent ou qu'on n'en a pas les moyens. Moi, ma crainte, c'est que l'on va faire de nos jeunes des adolescents et de jeunes adultes problème. On n'a pas les moyens de ne pas le faire. Il le faut.

Merci.

Des voix: Bravo!

Le président: Vouliez-vous ajouter quelque chose?

M. King Kiley: Seulement que lorsque je suis venu ce soir... J'ai sûrement oublié beaucoup de ce que j'avais à dire. Je n'avais pas l'intention d'intervenir; j'étais venu pour écouter. Mais quand j'ai constaté que de tous ceux qui sont intervenus, personne ne parlait au nom des adolescents... Il y a beaucoup d'autres choses qui vont me revenir plus tard et que j'aurais dû dire, mais je ne m'étais pas préparé. Si ça semblait un peu décousu, c'est parce que je consultais mes petites notes.

Le président: Je pense que Judi veut vous poser une question.

Mme Judi Longfield: Êtes-vous en train de nous dire que les enfants des militaires n'ont pas de traitement préférentiel aux installations militaires?

M. King Kiley: Non. Nous sommes traités exactement comme n'importe quelle école de Québec.

Mme Judi Longfield: Qui décide?

M. King Kiley: C'est que, voyez-vous, jusqu'à il y a cinq ans, nous avions une commission scolaire fédérale et nous étions pour ainsi dire dans le giron de l'armée. Ce n'est plus le cas maintenant. Nous faisons partie du réseau d'enseignement provincial, et on dirait que l'armée s'est lavé les mains et que nous n'existons plus. Avant, on avait accès aux autobus et à toutes sortes d'avantages, ce qui rendait moins difficile la situation des enfants.

Vous savez, l'école doit devenir leur deuxième chez-soi. Il y a des enfants qui arrivent à l'école une heure avant le début des classes et qui attendent dehors que je les fasse entrer parce que le père est parti et que la mère est au travail ou qu'ils n'ont qu'un seul parent ou qui ont d'autres problèmes. Pour que ce soit un deuxième chez-soi, il leur faut des installations. Nous n'en avons plus.

• 2305

Mme Judi Longfield: Encore une fois, je ne comprends pas pourquoi les installations militaires inutilisées ne sont pas mises à la disposition des membres de la famille.

M. King Kiley: Très souvent, elles le sont, et il est vrai qu'ils n'ont pas les moyens de nous y donner accès. Je suis certain que l'aréna qui est là-bas est utilisé en permanence. Lorsque la nouvelle ouvrira, j'espère qu'ils penseront à nous.

Il y a des choses qui sont prévues, mais ils ne tiennent pas compte... Vous voyez, c'est comme la soirée ici. Les gens ont parlé de leurs épouses et de la garderie et de leurs maris et de la retraite, mais personne n'a parlé des adolescents. Dans les familles militaires, ce sont eux qui ont les gros problèmes.

Mme Judi Longfield: Je ne veux pas trop insister là-dessus, mais si un groupe d'adolescents, enfants de militaires, voulaient se servir du gymnase, y a-t-il un mécanisme qui leur permette de le faire gratuitement ou à peu de frais?

M. King Kiley: Non, pas à l'heure actuelle.

À notre école—nous sommes la deuxième là-bas—nous n'avons pas les moyens d'acheter des mini-paniers pour le gymnase. Le gouvernement provincial refuse de les acheter. Nous allons à l'école Alexander-Wolff. Nos élèves du primaire vont là pour jouer au mini-basket-ball parce que nous n'avons pas les moyens d'installer des filets de basket-ball abaissables pour que les bouts de chou puissent s'en servir, comme les plus grands. Nous n'avons pas d'argent.

Mme Judi Longfield: Merci.

[Français]

Le président: Monsieur de Savoye.

[Traduction]

M. Pierre de Savoye: Je comprends ce que vous dites, parce que j'ai moi-même déjà été enseignant.

Plus tôt aujourd'hui on nous a dit qu'il y avait un club pour les jeunes sur la base. Ça s'appelle Repaire, je crois.

M. King Kiley: Oui.

M. Pierre de Savoye: Pendant à peu près huit heures par semaine, il y a des animateurs rémunérés sur place. On m'a dit que ça vaut 15 000 $ par année, mais que cet argent ne sera plus là l'an prochain. C'est vrai?

M. King Kiley: À ce que je sache, oui, c'est vrai, le Repaire a réglé les besoins de certains élèves. Ils ont besoin de se regrouper. Le plus dur pour les adolescents dans l'armée, c'est qu'ils ne peuvent pas se faire un ami à qui se confier. On ne peut pas trop se rapprocher parce que c'est l'armée qui s'occupe de vous. Vous ne voulez pas être trop proche de votre ami parce qu'il peut déménager du jour au lendemain. Ils ne forment donc pas les mêmes liens que les autres adolescents.

Il est certain que le Repaire sert à quelque chose. C'est là où les jeunes vont passer leur temps. Les jeunes ont besoin de cela aussi. Mais ce n'est pas ouvert assez souvent. Il faut que l'école devienne un deuxième lieu de rencontre et c'est de moins en moins le cas parce que nous avons de moins en moins d'argent.

On peut toujours dire que l'enseignement relève du gouvernement provincial. C'est vrai, mais il y a sur la base des problèmes particuliers. Il suffit d'écouter tout ce qu'ont dit les militaires et les membres de leurs familles. Il nous faut les moyens financiers de régler le problème.

M. Pierre de Savoye: Vous avez bien fait d'intervenir. Ce que vous avez dit est très important. Merci.

M. King Kiley: Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Adjum Paul Leblanc: Excusez-moi, monsieur. Est-ce que je pourrais ajouter quelque chose? C'est vrai qu'il a été mon instituteur il y a une vingtaine d'années.

Lorsque l'armée s'occupait des écoles, les principales unités, comme la mienne, se voyaient attribuer une école. Lorsque j'étais à Petawawa et qu'il y avait des écoles, on nous attribuait une école et on l'aidait.

M. King a parlé des filets de basket-ball et des améliorations à apporter. C'est le commandant de l'unité qui improvisait, adaptait et réglait le problème et les choses s'arrangeaient parce que c'était nos écoles et nos enfants qui étaient en jeu.

Lorsque la Défense nationale a perdu tout ça et que nous sommes passés sous le contrôle des commissions scolaires civiles, le commandant d'unité s'est retrouvé les mains liées. Aujourd'hui, on ne donne plus un coup de main aux écoles parce qu'on n'a plus de liens avec elles. Je ne sais pas si ça nous serait possible. Je ne sais pas si le commandant de la base pourrait affecter des unités aux écoles pour les aider, mais c'est ce qui se faisait avant.

M. King Kiley: J'aimerais ajouter une dernière chose à propos des parents militaires. Les autres commissions scolaires peuvent compter sur les comités de parents. C'est très difficile ici. Je dirais que 90 p. 100 de ceux qui commencent leurs études secondaires ici ne les finissent pas ici. Comment voulez-vous qu'un parent s'intéresse à l'école—Paul est l'exception—, donne un coup de main, qu'il s'agisse d'une vente de pâtisseries ou de déjeuners communautaires, s'il sait que l'élève ne sera là que trois ou quatre ans?

• 2310

La participation des parents à la vie scolaire, comme elle existe ailleurs au Québec, nous manque beaucoup parce que les militaires ne sont ici que pour deux ou trois ans. Nous ne pouvons donc pas compter sur l'appui des parents, enfin pas tous, parce qu'il y a d'excellents parents qui nous aident pendant qu'ils sont ici. Mais après deux ans ils partent.

Le président: Merci.

[Français]

Madame Danielle Longpré.

Mme Danielle Longpré (témoigne à titre personnel): Je veux appuyer ce qui a été dit, mais tout de même ajouter quelque chose au sujet du programme FORT et des subventions du programme FIRH à l'intention de Micheline Laurencelle. Elle disait que la subvention était accordée pour les cinq dernières années à ceux qui ont eu des enfants et qu'aux autres, elle était accordée pour trois ans. Or, moi, je n'y suis pas admissible et je vais vous dire pourquoi.

En 1993, quand je suis arrivée ici, je suis retournée aux études. Quand le trimestre a été terminé, au mois de mai, je n'ai pas trouvé de travail. En 1993, quand je suis revenue d'Europe, j'ai eu droit à un peu moins qu'une année de chômage. À cause de cela, je ne suis pas admissible aux subventions du FIRH.

À propos des politiques familiales, j'aimerais dire qu'il serait bon de renforcer les autres services. On sait que pour le gouvernement, dans la conjoncture actuelle, tout est en restructuration, même dans les hôpitaux. Les services aussi ont été diminués.

Peut-être serait-il bon qu'on examine aussi les services offerts actuellement. Cela ouvrirait peut-être les yeux des employeurs, et des militaires aussi. Nous avons en effet besoin que les services s'ajustent à nos besoins, à la réalité de ce qu'on vit.

En ce qui concerne le programme FORT, j'y travaille comme intervenante et bénévole. Je suis prête à me battre pour conserver ce programme-là, parce qu'on en a vraiment besoin, de même que les conjoints et conjointes, lorsqu'ils laisseront l'armée pour entreprendre une deuxième carrière.

Mon troisième point porte sur la façon de savoir comment les propositions faites aujourd'hui seront concrétisées, par quelles actions, et comment nous serons informés de l'évolution des choses.

Le président: Madame Longpré, tout ce qu'on aura entendu ce soir va être rapporté à Ottawa. Nous allons essayer de tout insérer cela dans notre rapport pour ensuite le présenter au ministre. Je ne sais pas si nous pourrons y inclure tout ce qu'on a entendu, parce qu'on a entendu beaucoup de choses dans les diverses bases. Ce sont parfois des problèmes à saveur locale. Mais, en tout cas, j'espère que nous serons capables de bien cerner les problèmes qui touchent tout le monde. À partir de cela, nous les insérerons dans notre rapport pour le présenter à la Chambre des communes, pour qu'il soit acheminé au ministre.

• 2315

Mme Danielle Longpré: Merci beaucoup.

Mme Ginette Tremblay: Mme Longpré a parlé des hôpitaux. J'aimerais savoir pourquoi les dépendants—je n'aime pas le mot—n'ont pas le droit, en cas d'urgence, d'aller à l'hôpital militaire. Il faut aller à Loretteville. S'il arrive une urgence, on n'a pas le droit d'aller à l'hôpital situé à la base. J'aimerais savoir s'il serait possible qu'éventuellement, partout au Canada, on puisse, en cas d'urgence, utiliser les installations de la base où il se trouve un hôpital. Quand il arrive une urgence, que tu es toute seule, que ton mari est parti, aller à Loretteville avec ton enfant, c'est loin.

Le président: Merci beaucoup de cette suggestion. On arrive à notre dernier témoin, M. Louis Buteau.

Caporal Louis Buteau (témoigne à titre personnel): Mon premier point va porter sur les adolescents. Il touchera aussi un petit peu plus à l'armée. En fin de compte, la famille finit toujours par payer. Quand le militaire paie, toute la famille suit par derrière.

Le premier de mes griefs, sans entrer dans le détail de ma vie personnelle, c'est qu'un grief peut prendre jusqu'à cinq ans à se régler. Quelques autres personnes en ont glissé un mot. Dans une carrière de 20 ans, cinq ans, c'est long. Dans certains cas, un gars aura travaillé plus longtemps à son grief qu'à sa carrière. Je pense qu'il y a un problème sur ce plan. C'est un exemple qui a été donné. On en a déjà parlé. Un grief peut durer cinq ans.

Contrairement à mon collègue, je suis un peu la politique. J'écoute ce qui se dit à propos de la CPAC. On a déjà parlé de créer un ombudsman. Je me trompe peut-être de terme, mais en tout cas, je pense que cela sera connu.

On n'a pas besoin d'un syndicat dans l'armée. Je ne pense pas qu'on en soit là. Mais si on a une personne de l'extérieur pour juger des situations, peu importe l'individu, si elle trouve que quelque chose ne va pas, elle sera hors du système. Elle ne regardera pas dans le livre vert de l'armée. Si le commis de ma compagnie m'a répondu que je n'ai pas le droit de faire quelque chose, quand même je ferais un grief qui se rende jusqu'à Ottawa, le commis d'Ottawa va ouvrir le même livre et cela ne changera pas grand-chose. Cela peut prendre du temps, mais cela ne peut pas changer grand-chose.

Si une interrogation est posée, cela veut dire que la réponse n'est pas tout à fait claire ou satisfaisante pour l'individu. Si on sortait la question du système, sans pour cela la mettre entre les mains du secteur privé ou dans celles des juges, il faudrait que ce soit quand même rapide et simple. Ce serait intéressant, à ce moment-là, de créer un tel système pour aérer un peu le problème et obtenir une réponse plus franche, plus directe. Si la réponse n'existe pas dans ce fameux livre-là, il faudrait qu'on puisse créer une réponse. Trop souvent, on s'arrête à ce que dit le livre, alors qu'on devrait aller un peu plus loin.

Mon autre point concerne encore une fois les salaires. Tout le monde en veut toujours davantage et nous ne sommes pas différents des autres. Ce qu'on m'a expliqué—je ne sais pas jusqu'à quel point c'est vrai, mais peu importe—, c'est que pour déterminer mon salaire, on fait la comparaison avec les employés de la fonction publique. Par exemple, on me compare avec une personne qui travaille au bureau de poste, qui est en charge de quatre ou cinq personnes et qui gagne par exemple 35 000 $. Donc, on établit le salaire du caporal-chef Buteau à 35 000 $.

On ne tient pas compte du fait que moi, je dois parfois coucher dehors, ce qui n'arrive pas souvent à l'employé du bureau de poste. Je ne veux pas entrer dans tous ces détails. Il est vrai que depuis environ 10 ou 15 ans, en tout cas depuis quelques années, on tolère une légère différence. On a toléré que les salaires dans l'armée prennent un léger retard. Avec les années, on l'a toléré de plus en plus et de plus en plus.

Est-ce bien ainsi qu'on calcule les salaires? Je vous demande, à vous qui êtes députés pour la plupart, si vous toléreriez qu'un député de l'Ontario gagne moins cher ou plus cher qu'un député de Terre-Neuve. Je ne pense pas que vous répondiez oui. Cela serait intolérable.

Ce qui fait que tout le monde se sent frustré, c'est de voir des gens être payés temps double pour des heures supplémentaires alors que nous gagnons 12 $ et quelques sous. Je ne veux pas entrer dans les détails. Ce que nous demandons, ce n'est pas nécessairement une augmentation, mais que cette tolérance qui a prévalu et que je ne trouve pas acceptable, que peu de gens trouvent acceptable,... On ne quête pas. Si notre salaire se compare à celui d'un employé du bureau de poste, eh bien, qu'au moins on ait un salaire égal. Selon moi, je devrais peut-être avoir plus parce que moi, je couche dehors et je vais à Haïti. Qu'on me donne au moins un salaire égal.

• 2320

J'estime que je devrais peut-être recevoir plus parce que justement, je couche dehors, je suis appelé à travailler à Haïti, etc. Je souhaite qu'on me donne au moins un salaire égal. Je ne penserais même pas à demander une augmentation. Je ne pense pas devoir quêter, mais je pense qu'on devrait nous donner ce qui nous revient.

À tous les mois, lorsque je reçois ma paie, j'ai l'impression qu'on m'a enlevé 200 $ ou 300 $ et qu'il me manque quelque chose, que quelqu'un ne me donne pas ce qui m'est dû. Je ne l'ai pas volé, ce n'est pas de la pitié, mais il y a quelqu'un qui a dit que c'est cela que ça vaut. Alors, donnez-nous notre dû. C'est mon point de vue.

Comme dernier point, je parlerai des congés. On peut ici aussi se comparer aux employés des Postes au fédéral, à qui on accorde je ne sais trop combien de congés. Les Forces ont émis une politique nous interdisant désormais d'accumuler nos congés parce que cela coûtait trop cher à la longue, etc. Je suis d'accord à ce qu'on prenne nos congés—25 jours par année dans mon cas—, si cela est possible, bien entendu. Cela a l'air plus facile. Ce n'est pas beaucoup, 25 jours, mais parfois c'est quasiment trop. On ne réussit pas toujours à les prendre.

Je me demande pourquoi et comment on peut obliger quelqu'un à prendre des congés. Quand on se penche sur la politique familiale, on constate que le militaire doit prendre ses congés, sinon il risque de se brûler et, après 20 ans, il sera écoeuré au lieu d'être plein de pep. En prenant congé 25 jours à tous les ans, il est bon pour endurer une carrière de 30 ou 40 ans dans l'armée sans problème. Il aimera cela tout au long.

Je me demande comment on peut être en congé et réussir à apprécier pleinement ces moments en compagnie de sa famille et de ses enfants. Lorsqu'un militaire est brassé un peu, toute sa parenté s'en ressent. Comment peut-il être en congé avec sa famille, se reposer, se détendre, se changer les idées et déconnecter un petit peu quand il peut recevoir un préavis de deux, trois ou quatre heures lui demandant de revenir au travail? Moi, j'ai de la misère à faire cela.

J'ai de la difficulté quand on m'accorde huit de mes 25 jours de congé et qu'on m'appelle et me demande de rentrer au travail dans deux heures. Je ne suis pas capable de déconnecter et de prétendre pour un instant que je ne suis plus dans l'armée. Lorsque je me promène aux Galeries de la Capitale avec mes enfants, j'apporte ma pagette. Si je l'ai oubliée, j'appelle au bureau de service à toutes les deux heures. Je ne suis pas tout à fait en congé, n'est-ce pas?

Si vous affirmez que nous sommes égaux, il faut que vous nous offriez au moins des conditions égales. Sinon, arrêtons de le dire. Disons que l'armée, c'est cela et n'en parlons plus. Comparez des pommes avec des pommes.

C'est tout.

[Traduction]

Le président: Monsieur Benoit, vous aviez une question.

M. Leon Benoit: Vous parlez de différence de salaire. Je ne suis pas certain de comprendre là où vous voulez en venir. Vous parliez de la différence entre ce que vous touchez et ce que vous valez? C'est de ça que vous parlez?

[Français]

Capl Louis Buteau: À mon avis, on devrait pouvoir comparer le salaire d'un caporal-chef qui dirige cinq ou six personnes à celui d'un employé des Postes qui supervise lui aussi cinq ou six personnes. Si cet employé gagne 35 000 $, je devrais gagner 35 000 $. Si je couche dans le bois et tout cela, qu'on en tienne compte ou pas dans le calcul de ma prime, cela ne me dérange pas. Je ne veux pas toucher un salaire de 60 000 $ non plus.

Mais si on part du fait qu'un employé des Postes gagne 35 000 $ et que je devrais gagner 35 000 $, on constate qu'au cours des quelque huit dernières années, on a toléré un écart qui, au lieu de se résorber, est allé en s'agrandissant. Je ne connais pas les chiffres exacts, bien que d'autres les connaissent sûrement. Je crois me souvenir qu'il s'agit d'un écart de l'ordre de quelque 16 p. 100 pour les officiers et de 6 ou 8 p. 100 pour les militaires du rang. Cet écart est inacceptable. Il s'agit pour moi d'un manque à gagner de 6 p. 100, tandis que pour d'autres, c'est encore plus.

[Traduction]

M. Leon Benoit: Entendu. Maintenant, vous avez dit que si quelqu'un ne veut pas 25 jours de congé, il ne devrait pas y être forcé. J'imagine que vous voulez dire qu'il devrait pouvoir travailler et être rémunéré s'il ne veut pas prendre congé?

[Français]

Capl Louis Buteau: Je crois qu'il y a environ quatre ans, on nous donnait droit à 25 jours de congés annuels payés et que si, au 31 mars, nous n'en avions utilisé que 12 parce que nous suivions des cours ou pour toute autre raison, il nous restait huit journées dites «accumulées». Depuis que la nouvelle politique est en vigueur, on ne permet plus à un militaire d'accumuler 100 jours au cours d'une période de 20 ans.

• 2325

On affirme que cela coûtait trop cher et que les motifs importent peu. On insiste pour qu'on utilise nos 25 journées de congé. Par contre, il peut arriver qu'un militaire qui est instructeur ne puisse pas utiliser ses 25 jours. S'il lui reste trois ou quatre jours, on peut lui dire: «Too bad, tu pars en congé quand même; c'est dommage que ce soit en mars.» Le premier bataillon peut être appelé à participer à une intervention immédiate et, comme cela s'est produit la semaine passée, on ne nous donne que deux heures d'avis. Il est difficile de prendre congé et de se reposer quand on nous enjoint de ne pas aller trop loin. Je trouve cela un peu dur.

[Traduction]

M. Leon Benoit: Merci.

[Français]

Le président: Merci beaucoup.

Mesdames et messieurs, merci beaucoup. La journée a été très longue, mais elle a été très intéressante pour nous. Je vous remercie encore pour vos suggestions et vos commentaires. Merci et bonsoir.

La séance est levée.