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NDVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS

COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 11 décembre 1997

• 1138

[Traduction]

Le président suppléant (M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.)): Avec la permission des membres du comité, je vais ouvrir la séance. Le président et le vice-président ne sont pas libres pour le moment. Nous les attendons sous peu. Ils ont été retenus par d'autres réunions.

Si le comité est d'accord, nous pourrions entendre le témoignage du lieutenant général Leach.

Général, vous pourriez peut-être commencer par nous présenter les gens qui vous accompagnent, après quoi nous passerons directement à votre témoignage.

Le lieutenant général W.C. Leach (chef d'état-major de l'Armée de terre, ministère de la Défense nationale): Merci, je suis chef d'état-major de l'Armée de terre. Je suis accompagné aujourd'hui du colonel Dave Read, directeur du personnel de l'Armée, et de l'adjudant-chef du Commandement de la Force terrestre, Maurice Dessureault.

Le président suppléant (M. David Pratt): Aimeriez-vous commencer votre déclaration?

Lgén W.C. Leach: Oui.

[Français]

Monsieur le président et distingués membres du comité, je suis heureux et honoré de m'adresser à vous aujourd'hui au nom des 40 000 militaires de la Force régulière et de la Réserve, et aussi des quelque 4 000 employés civils qui forment aujourd'hui l'effectif de l'Armée au Canada.

[Traduction]

Je suis conscient aussi que je parle au nom des soldats de la prochaine génération, parce que votre travail pourrait avoir des répercussions positives et à long terme sur l'institution que je représente.

• 1140

Cet effectif de près de 45 000 personnes est dispersé à la grandeur du pays; cependant, le plus grand nombre est affecté à nos trois groupes-brigade d'Edmonton, de Petawawa et de Valcartier, qui comptent chacun environ 5 000 militaires, à notre Centre d'instruction au combat de Gagetown et à nos unités d'instruction, de doctrine et de perfectionnement de Kingston. Les 133 unités de milice qui s'ajoutent à cet effectif nous permettent de couvrir l'ensemble de notre beau pays.

J'inclus ici les employés civils de mon commandement parce qu'ils sont indispensables au soutien en garnison et que c'est grâce à eux que les militaires peuvent se déployer.

[Français]

Comme le sujet qui nous intéresse vous a déjà été expliqué en grand détail, j'essaierai de vous donner le point de vue de l'Armée et je m'en tiendrai aux questions de principe au lieu de revenir sur des points particuliers.

[Traduction]

À mon avis, l'essentiel de votre travail porte sur les responsabilités—celles des militaires envers le Canada, et celles du Canada envers les militaires.

Nous vous avons déjà expliqué que le service dans les Forces canadiennes est unique et que les responsabilités des militaires sont clairement définies dans les règlements; il est entendu que les militaires assument une responsabilité illimitée et qu'ils donnent la priorité aux besoins du service.

Mais qu'est-ce que cela veut dire pour les membres de l'armée? Le soldat qui accepte ce contrat fait face à un défi physique et mental qui ne se mesure pas par des paramètres conventionnels comme les heures normales de travail, les résultats obtenus ou les conditions d'emploi. Le travail du soldat n'est soumis à aucune limite, en ce sens qu'il est appelé à travailler et qu'il travaille régulièrement 24 heures par jour et sept jours par semaine, loin de son foyer et de sa famille, dans des conditions physiques, climatiques et environnementales extrêmes. En bout de ligne, il risque d'être confronté aux ennemis du Canada dans un contact direct et individuel qui est unique à l'Armée de terre.

Bien que les changements apportés aux forces, aux armes et à la technologie militaires puissent modifier quelque peu l'équation, j'estime que dans l'armée, c'est le soldat, beaucoup plus que le matériel, qui reste le principal facteur de réussite.

Le soldat doit être prêt à faire face au connu, mais aussi à l'inconnu. Lorsqu'il est appelé, il doit répondre rapidement et réussir à chaque fois, parce qu'il est notre dernier recours. L'échec n'est pas acceptable.

Conscients de cette lourde responsabilité, nos soldats s'imposent une vie de discipline et d'entraînement au cours de laquelle ils se préparent à faire face aux pires défis qui les attendent sur le terrain.

Le travail traditionnel du soldat est encore plus complexe et plus exigeant dans le monde actuel. Le Canada a des intérêts un peu partout dans le monde et il fait régulièrement appel aux soldats pour les défendre. Les Canadiens s'attendent que leur armée reflète leurs idéaux et donne au monde la meilleure image possible et, grâce à la transparence de la société moderne, ils sont en mesure de voir les soldats à l'oeuvre comme jamais auparavant.

Si le travail de l'armée a déjà été clair et net, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Nous voulons des soldats sensibles, qui comprennent notre monde complexe et qui prennent des décisions fondées sur des valeurs. L'armée doit travailler avec une précision chirurgicale et elle doit s'adapter à de multiples rôles. Nous voulons que les soldats empêchent les guerres et les gagnent, qu'ils construisent et détruisent, qu'ils libèrent et contraignent, qu'ils soient à la fois travailleurs sociaux et policiers et qu'ils se fassent les porte-parole de la démocratie et du Canada.

• 1145

Nos nouvelles responsabilités dépendent aussi de la nature du matériel de guerre et des conflits modernes. Dans tous les domaines de notre profession, les soldats doivent posséder les compétences et les connaissances techniques qui ont révolutionné notre monde et qui sont en forte demande sur le marché du travail.

Toutes ces responsabilités, qui ont trait à la sécurité nationale dans son sens le plus large, sont extrêmement importantes pour le Canada. Si vous êtes d'accord avec cela, vous conviendrez qu'elles ne doivent être confiées qu'aux meilleurs d'entre nous. C'est pourquoi nous devons faire en sorte que le service militaire soit un choix de carrière attrayant et intéressant.

Jusqu'ici, j'ai parlé du métier des armes d'un point de vue théorique. Permettez-moi maintenant d'en décrire les aspects pratiques en prenant comme exemple le Lord Strathcona's Horse (Royal Canadians), un régiment de blindés du premier groupe-brigade d'Edmonton.

Au cours de l'été 1996, l'ensemble du régiment est muté de Calgary à Edmonton. Cette unité, avec ses membres et leur famille, avait vécu à Calgary pendant la plus grande partie de son histoire. Si les soldats ont des racines, celles des membres de ce régiment se trouvaient à Calgary.

À l'automne 1996, l'unité s'entraîne à Wainwright. Puis, elle reste sur place pour soutenir l'entraînement d'une autre unité en vue d'un déploiement en Bosnie au mois de janvier suivant. Comme cette unité est alors la prochaine sur la liste de rotation pour la Bosnie, au début de la nouvelle année, elle devient le noyau d'un groupement tactique de 1 200 soldats et commence son entraînement. En mars 1997, elle se déploie à Wainwright et entreprend son entraînement préparatoire.

En avril, lors du débordement de la rivière Rouge, nous avons tout fait pour la garder à l'entraînement. Les besoins étaient trop pressants, nous avons été forcés de faire appel à ses services. Dans les 36 heures qui ont suivi, le régiment a démonté son matériel à Wainwright, déployé 1 000 soldats et mis en route des centaines de véhicules blindés et sur roues en direction de Winnipeg. Grâce à son entraînement, l'effectif s'est facilement intégré aux opérations une fois sur les lieux. Dix jours plus tard, une fois la crise passée, le régiment Lord Strathcona's Horse a été la première unité à quitter Winnipeg, non pas pour rentrer à la maison, mais pour reprendre l'entraînement interrompu à Wainwright.

À la fin de juin, c'est-à-dire au début des vacances scolaires, l'unité a commencé à se déployer en Bosnie. Là-bas, les soldats ont accompli un travail extraordinaire et ont créé un climat de sécurité qui a favorisé la reconstruction du pays. Le sergent-major du régiment et moi-même leur avons rendu visite la semaine dernière. Je crois que quatre membres de votre comité les ont aussi rencontrés en Bosnie, et j'espère que vous avez été aussi impressionnés que moi. Je vous remercie d'avoir fait l'effort d'y aller.

L'unité ne reviendra au Canada qu'après les fêtes de Noël et du Nouvel An.

Et cela n'est pas tout. Après son congé de rapatriement, le régiment se regroupera et recommencera à s'entraîner afin d'acquérir et de maintenir la large gamme de compétences qui fait sa valeur. Avant la fonte des neiges, les membres du régiment seront de retour à Wainwright et à Suffield pour s'entraîner à la guerre et ainsi jouer le rôle qui est le leur. Bien entendu, ils seront prêts à répondre à l'appel s'il survient une tempête de neige à Victoria ou une autre inondation au Manitoba.

Au risque de trop insister sur cet exemple, je vous demande de penser au stress imposé à ces soldats et à leur famille pendant ces deux années: les familles ont été déracinées, les soldats ont couru des risques au pays et à l'étranger et ils ont souvent été absents du foyer pendant de longues périodes. Les médecins affirment que tous ces événements sont extrêmement stressants et qu'ils augmentent considérablement le niveau de stress normal de la vie quotidienne.

Tous les soldats ne sont pas soumis à un tel régime chaque année. Toutefois, pour la plupart des membres de l'Armée de terre, cela est devenu chose normale. Quel que soit leur lieu de travail, ils peuvent s'attendre à ce régime de vie. Bien peu s'en plaignent.

• 1150

Cela fait partie des conditions de vie qu'ils ont acceptées volontairement et en toute connaissance de cause à leur enrôlement dans les Forces canadiennes. De plus, c'est dans ces conditions que leur moral est le meilleur. Ironiquement, ils voient aussi les déploiements opérationnels à l'étranger comme un moyen d'améliorer leur qualité de vie. Ils seraient tout aussi occupés au Canada, mais ils aiment les opérations internationales parce qu'elles leur permettent de toucher un supplément de solde et de passer des périodes de congé prévisibles et ininterrompues avec leur famille.

Dans ma description des obligations des soldats, je n'ai fait aucune distinction entre les membres de la Force régulière et les réservistes parce que les deux groupes partagent les mêmes responsabilités au cours des opérations. Ceux d'entre vous qui sont allés en Bosnie n'auraient pas pu distinguer un membre de la Force régulière d'un réserviste. Il aurait fallu que vous posiez la question.

Cependant, à moins de se porter volontaires pour participer aux opérations, les réservistes ne sont pas obligés de servir leur pays. Leur engagement diffère de celui des membres de la Force régulière en ce sens que les soldats à temps partiel décident volontairement de consacrer 60 jours ou plus par année à une profession qui occupe normalement la troisième place dans leur vie, après la famille et l'emploi principal. C'est un degré d'engagement que les soldats à plein temps ont beaucoup de mal à comprendre.

Permettez-moi de revenir à la question du contrat. Étant donné les responsabilités et le milieu de travail que j'ai décrits, j'espère que vous pensez comme moi que les soldats donnent aux contribuables canadiens un très bon rendement sur leur investissement. Dans ce contexte, notre tâche consiste à déterminer ce que doivent recevoir les soldats en retour. Au fur et à mesure que vous prendrez connaissance des faits, vous constaterez que les soldats se préoccupent de leur contrat. Selon l'Armée de terre, les cinq principales préoccupations des soldats sont les suivantes.

Premièrement, les soldats veulent que leurs efforts et leurs sacrifices soient récompensés équitablement. De nos jours, nous avons de la difficulté à maintenir une comparabilité avec la fonction publique. Vous vous demanderez peut-être même si la comparabilité est un concept viable, vu que la profession de soldat est fondamentalement différente des autres professions.

Pour illustrer mon propos, je vais revenir au cas du Lord Strathcona's Horse. Je tiens tout d'abord à souligner que les tâches remplies par ce régiment à Winnipeg étaient identiques à bien des égards à celles d'autres services d'urgence, comme les services d'incendie, la police et les ingénieurs municipaux, mais que l'éventail des tâches confiées aux soldats était très vaste. Par ailleurs, les heures de travail des soldats étaient plus longues et leur rémunération était beaucoup moins élevée; le concept de temps supplémentaire ne s'appliquait pas, et les soldats ne rentraient pas chez eux après leur quart de travail. Enfin, les soldats n'étaient pas à la maison avant l'inondation et ils n'ont pas pu y retourner après. Dans un tel cas, il est difficile d'établir des critères de comparabilité.

Deuxièmement, les soldats veulent les outils dont ils ont besoin pour faire leur travail. Sur ce plan, nous n'avons pas fait tout ce que nous aurions dû faire. L'Armée de terre disposera cependant bientôt de nouveaux transports de troupes blindés, mais, pour le moment, elle utilise des véhicules qui reposent sur la technologie des années 60. Et, malgré les conditions climatiques extrêmes du Canada, nous n'avons pas entrepris, par le passé, de dépenser les sommes nécessaires pour donner à nos soldats des vêtements ultramodernes en Gore-Tex, un tissu que vous connaissez probablement et qui est fabriqué selon une technologie mise au point il y a près de 15 ans. Mon fils a un meilleur manteau d'hiver que la majorité de mes soldats. Nous nous attaquons maintenant à cet éternel problème, et le projet d'habillement du soldat est ma plus grande priorité. Cette fois, nous allons relever le défi!

Troisièmement, les soldats veulent qu'on ait des attentes raisonnables à l'égard de leur charge de travail. À l'heure actuelle, la demande est plus grande que l'offre, et nous demandons aux mêmes personnes de faire plus de choses pour combler les lacunes; c'est donc dire que nous prenons avantage de l'attitude volontariste et du contrat ouvert des militaires. Or, il faut que la quantité de tâches fixées soit raisonnable et viable. Cet été, nous allons tenter un certain nombre de mesures pour alléger certaines tâches.

• 1155

Quatrièmement, les soldats veulent, comme tout autre groupe d'employés, être reconnus et compris par leur employeur. De nos jours, les médias donnent à penser que de nombreux Canadiens portent un jugement critique à l'endroit de l'armée, et cette impression est confirmée par les sondages. L'attitude des Canadiens fait contraste avec celle de nos voisins du Sud, par exemple, puisque les militaires américains sont considérés comme une ressource nationale. Lorsque les Américains font référence aux membres de leurs forces armées, ils emploient des expressions comme «nos fils et nos filles» et «de grands Américains». De plus, la majorité des citoyens américains considèrent qu'appuyer les sacrifices des militaires est un devoir national. Les soldats canadiens méritent-ils moins que leurs homologues américains? Nous ne devrions pas recevoir ce que nous n'avons pas mérité, mais des milliers de militaires méritent plus que ce qu'ils ont reçu.

Finalement, les soldats veulent que leur qualité de vie et celle de leur famille soient raisonnables. Je n'ai pas mis l'accent sur les familles dans mon discours, mais chacune des personnes qui est venue vous présenter un exposé a déjà fait ressortir le rôle de la famille. Les répercussions du contrat sur le soldat et ses effets sur la famille ne peuvent être considérés séparément. De même, les pressions familiales ont des répercussions directes sur les soldats.

Nous devons reconnaître l'engagement familial total sur lequel doivent pouvoir compter ceux qui consentent à servir, et mettre en place les mécanismes de soutien nécessaires. Lorsque son bien-être est assuré, une famille contribue à l'efficacité opérationnelle du soldat déployé.

Ces préoccupations légitimes ont augmenté tout au long des années 90, au fur et à mesure que la nature du travail du soldat a évolué. Les budgets ont diminué et l'armée, ainsi que de nombreux autres secteurs de la société, ont tenté de faire plus de choses avec moins de ressources. Dans le cas du soldat, il s'agit de faire plus avec moins et de recevoir moins en retour.

[Français]

Les dirigeants de l'Armée de terre sont conscients de ces préoccupations depuis plusieurs années et ont pris plusieurs initiatives pour y faire face. Je serai heureux de vous donner un aperçu de certaines de ces initiatives pendant la période des questions.

[Traduction]

Au cours des dernières années, nous avons également fait un effort particulier pour mettre à jour notre doctrine et donc pour veiller à ce que la nature de notre armée, y compris ce que nous attendons de nous-mêmes et ce que nous croyons que le Canada attend de nous, corresponde au besoin actuel. Nous voulions que cette doctrine soit exprimée de façon exacte, succincte et éloquente et que soit créé un cadre de référence commun pour notre perfectionnement professionnel. Notre doctrine est énoncée dans la Publication 300 des Forces canadiennes intitulée L'Armée de terre du Canada, dont chacun d'entre vous a reçu une copie. Les points de vue que j'ai exprimés aujourd'hui sont tout à fait conformes à ce document.

Si je puis faire une seule demande, c'est que vous considériez la PFC 300 comme une lecture obligatoire. Cette publication décrit les responsabilités professionnelles de l'armée et l'engagement que le Canada attend de ses soldats. Si la doctrine correspond à ce qui est enseigné—et ce document traite de la doctrine—et qu'il y a des éléments sur lesquels vous n'êtes pas d'accord, j'aimerais sincèrement le savoir.

Au début de la nouvelle année, le document en question sera diffusé à tous les chefs de l'Armée de terre, sans exception, et une version condensée sera remise à chaque soldat plus tard au cours de l'année.

J'ai précisé que les dirigeants de l'Armée de terre ont déployé et déploient tous les efforts possibles pour améliorer les conditions de service et la qualité de vie de nos soldats. Nous avons fait des progrès, mais il reste encore beaucoup à faire.

Même si j'accepte pleinement ma responsabilité à l'égard de la protection des intérêts de l'Armée de terre, ainsi que du succès mitigé que nous avons connu, je reconnais aussi qu'il y a des limites à ce que je peux faire. Cela est dû au fait que les dirigeants militaires sont liés par le même contrat que celui qui motive leurs troupes. Ce qui prime, c'est notre loyauté envers le Canada et le rôle que nous remplissons pour servir la nation. Dans un contexte où les ressources sont limitées, le succès de la mission et le bien-être des subordonnés sont des responsabilités essentielles qui se font continuellement concurrence. Il est rarement possible de satisfaire à ces deux besoins, même si cela serait souhaitable idéalement. C'est ainsi que le succès d'une mission passe toujours en premier et que nous sommes souvent incapables de répondre aux besoins de nos soldats, comme nous le voudrions.

• 1200

C'est dans cette optique que les Forces canadiennes et leurs représentants qui sont avec moi ici aujourd'hui demandent au Canada de réfléchir sur ses responsabilités et ses obligations à l'égard des hommes et des femmes qui portent l'uniforme. Par le passé, les responsabilités et les obligations en question n'ont pas été formulées par écrit. Le contrat actuel ne fonctionne pas bien, et l'éthique militaire, c'est-à-dire le service avant tout, empêche les soldats de défendre leur cause. Il est peut-être temps d'énoncer un contrat plus formel et de faire écho aux principes qui le sous-tendent dans le plan de fonctionnement du ministère.

Je suis très heureux que le CPDNAC ait entrepris cette importante tâche. D'après moi, le défi que vous avez à relever, si vous voulez bien me pardonner mon audace, consiste essentiellement à répondre aux deux questions suivantes. Premièrement, les soldats sont-ils plus que des fonctionnaires en uniforme? Acceptent-ils des obligations spéciales et ont-ils par conséquent le droit d'attendre une considération spéciale de la part de leur pays? Deuxièmement, qui est responsable du contrat des soldats? Je crois fermement que la défense nationale et la fière institution que je représente sont trop importantes pour être laissées uniquement entre les mains de généraux et d'amiraux. D'ailleurs, les généraux sont souvent trop engagés sur le plan professionnel pour être en mesure de rendre justice à leurs soldats.

Les soldats servent les Canadiens. Comme vous représentez les Canadiens et que vous pouvez parler en leur nom, je vous exhorte d'accepter la responsabilité proposée et d'accorder au contrat des soldats la priorité qu'il mérite.

[Français]

Monsieur le président, membres du comité, je vous remercie de votre attention. Si vous avez des questions, je serai heureux d'y répondre.

De la part de tous les membres de l'Armée canadienne, je vous souhaite de passer une bonne et heureuse période des Fêtes.

[Traduction]

Merci.

[Français]

Le président (M. Robert Bertrand (Pontiac—Gatineau—Labelle, Lib.)): Nous passons maintenant à la période des questions. Nous allons commencer par M. Hanger, qui a la parole pour 10 minutes.

Monsieur Hanger.

[Traduction]

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Merci, monsieur le président.

J'aimerais vous remercier, général, ainsi que vos officiers, d'être venus nous rencontrer aujourd'hui et de nous avoir présenté cet exposé. Une ou deux choses surtout ont retenu mon attention, et j'aurais une question à vous poser à ce sujet. Mais je voudrais tout d'abord parler de la Bosnie, dont vous dites revenir. Plusieurs membres de notre comité ont eu la chance d'y aller.

Le voyage en Bosnie a été révélateur pour moi, mais il a aussi été très décevant. Je vais être franc à propos de ce voyage et de tous les voyages du même genre. Nous avons fait une visite éclair. Nous nous sommes arrêtés ici et là, mais nous n'avons pas vraiment eu l'occasion de nous entretenir avec les troupes. C'est une des choses qui est ressortie de ce voyage.

À un endroit en particulier, notre hélicoptère a atterri, nous sommes entrés, nous avons mangé rapidement, puis nous sommes repartis. Les troupes nous attendaient depuis deux heures déjà. Nous étions en retard et il est dommage que nous ayons dû nous contenter de nous asseoir à table pour ensuite repartir en trombe après le repas. Je ne trouve pas cela acceptable non plus.

Je peux aussi me mettre à la place des soldats. J'aurais réagi cyniquement si j'avais été planté là à regarder un groupe de politiciens entrer et sortir. Malheureusement, notre horaire était tel que nous ne pouvions pas faire autrement. Selon moi, les séances du comité auraient dû être organisées un peu différemment, de manière à nous laisser plus de liberté. C'est pourquoi j'avais des réserves et c'est ce que d'autres ont dit aussi.

Je le répète, nous sommes fiers des soldats canadiens—sans contredit. Nous avons été très clairs au sujet du travail qu'ils font là-bas. Je suis en fait très fier de pouvoir dire que nos soldats sont aussi bons sinon meilleurs que les militaires d'un bon nombre d'autres pays.

Lgén W.C. Leach: Est-ce que je peux répondre rapidement à ce que vous venez de dire?

M. Art Hanger: Allez-y.

Lgén W.C. Leach: Je sais exactement de quoi vous parlez. J'ai un horaire à suivre moi aussi, mais je passe pour quelqu'un qui se joue des horaires, parce que j'ai pour dire qu'il y a vingt-quatre heures dans une journée, et il m'est arrivé de faire des choses bizarres et de rencontrer des soldats à des heures bizarres.

• 1205

Je suis tout à fait d'accord avec vous. Ce n'est pas tellement agréable pour les soldats qui se sont préparés à une rencontre que vous n'ayons pas vous et moi le temps voulu à leur consacrer. Je pense qu'il faut reconnaître que ce que vous dites est vrai et, peu importe la façon dont les choses sont organisées, peu importe l'horaire, qu'il faut nous assurer qu'une telle situation ne se reproduira plus. Ça va à l'encontre du but recherché dans mon cas, comme dans le vôtre.

M. Art Hanger: Merci.

Je dois tout d'abord vous poser une question à propos d'une chose que l'armée a faite il y a quelque temps déjà. Elle concerne la mise à l'essai d'un médicament sur les soldats sur deux théâtres, dont la Somalie. Je veux parler de la méfloquine. On a fait état à plusieurs reprises de problèmes associés à l'utilisation de ce médicament contre la malaria, y compris des tendances suicidaires, et certains ont même pensé au meurtre—à en juger par ce qui s'est passé en Somalie et par les renseignements obtenus depuis.

Cette question a-t-elle vraiment fait l'objet d'une enquête? En réalité, l'étude réalisée par l'armée canadienne au moment de la distribution de ce médicament comportait une lacune grave. Ce médicament a-t-il été examiné à nouveau depuis? Est-il toujours utilisé?

Lgén W.C. Leach: C'est la première fois de ma vie qu'on me demande de répondre à une question de ce genre. Vous venez de me poser une question à laquelle je ne peux tout simplement pas répondre parce que je ne m'y attendais pas. Je suis vaguement au courant de la situation et, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je peux m'engager à trouver une réponse à votre question, mais je dois dire, pour être juste, que je ne peux pas y répondre à brûle- pourpoint.

M. Art Hanger: Je pense que c'est une question importante étant donné la grande controverse qui l'a entourée. J'aimerais obtenir de la documentation écrite et savoir au juste quelles critiques ont été formulées lorsque l'armée a entrepris la prétendue étude sur les effets de ce médicament sur ses...

Lgén W. C. Leach: J'ai répondu à votre question le plus honnêtement possible.

M. Art Hanger: Je suis désolé.

Lgén W.C. Leach: Je me demande si la réponse que je viens de vous donner est acceptable, et je vais m'en tenir à ma promesse.

M. Art Hanger: Oui. Je m'attendais à plus, mais...

Le président: Vous n'avez qu'à faire parvenir votre réponse au greffier qui veillera à ce que tous les membres du comité en reçoivent une copie.

M. Art Hanger: Je pense que j'attendais davantage de vous étant donné que vous êtes responsable de l'armée. Je croyais que ce sujet important vous serait familier, mais nous pouvons le laisser de côté pour le moment.

Passons au matériel; vous avez dit que vous prendriez certaines mesures pour que nos soldats puissent compter sur du bon matériel. J'ai entendu dire qu'ils payent eux-mêmes leurs vêtements et une partie de leur équipement. Je serais curieux de savoir comment ils peuvent se le permettre puisqu'ils ont déjà de la difficulté à joindre les deux bouts, surtout ceux qui sont mariés, qui ont une famille et d'autres engagements. Je ne vois pas pourquoi il faudrait qu'il en soit ainsi. C'est le cas, n'est-ce pas?

Lgén W.C. Leach: C'est bien ce que vous avez vu en Bosnie lors de votre visite, et ce que j'ai vu la semaine dernière lorsque j'y suis allé, des soldats qui portent des bottes qu'ils ont achetées dans des magasins d'articles de chasse avant leur départ. Elles sont tellement semblables, sinon identiques, aux bottes qui font partie du projet d'habillement que les commandants ont autorisé leurs soldats à les porter, parce que c'est ce que nous allons nous-mêmes porter dans un an à peu près. Oui, c'est ce qui se passe. Est-ce acceptable? C'est tout à fait inacceptable.

M. Art Hanger: Sont-ils remboursés?

Lgén W.C. Leach: Non, ils ne sont pas remboursés.

• 1210

Dans le passé, on considérait que l'armée n'avait pas vraiment de biens d'équipement nécessitant des dépenses importantes et c'est pourquoi nous avons toujours fait nos achats ici et là au gré des besoins. À la longue, cette approche ne nous a pas permis de répondre à tous les besoins de l'armée dans son ensemble. Nous procédions au coup par coup.

Il y a un an et demi à peu près, on s'est aperçu qu'on se trouvait dans une situation difficile et on a décidé de regrouper 24 projets distincts pour former un seul projet d'habillement du soldat dont la mise en oeuvre serait très bien gérée. Ce projet comporte trois phases. Nous commencerons à voir les résultats de la première phase en 1998. Les trois phases suivantes seront échelonnées sur les trois prochaines années essentiellement.

Ce projet englobe tout, depuis les sous-vêtements qui doivent être adaptés au climat—c'est-à-dire isolants si le climat est froid et d'un type différent si le climat est tropical—jusqu'aux tenues de combat en passant par les uniformes que vous avez vus, les parkas, les bottes et l'équipement tactique, car chaque soldat transporte tout ce dont il a besoin.

Cela va nous coûter au total entre 140 et 150 millions de dollars. C'est une chose que l'armée canadienne n'a pas faite depuis 1964 environ. Nous allons acheter à peu près 60 000 ensembles. Ce programme vise 60 000 personnes. Il vise chaque membre de la Force régulière, chaque réserviste et tous ceux qui ne relèvent pas de mon commandement, mais qui pourraient se retrouver en Bosnie au sein du groupement tactique.

Cela va empêcher les soldats d'acheter leur fourbi ou les gens de fermer les yeux s'ils décident de le faire et mettre un terme au commerce de matériel. Si vous étiez allés à Edmonton ou si vous aviez vu les soldats lorsqu'ils en sont partis, vous auriez constaté que leur fourbi avait appartenu à d'autres contingents. Une partie seulement du matériel était neuf. Nous allons mettre un terme à tout cela.

Est-ce que ça peut se faire du jour au lendemain? Non. Sommes- nous prêts à tout faire pour que ce projet réussisse? Oui, et il est en cours.

M. Art Hanger: Est-ce que je peux dire une dernière chose, monsieur le président?

Je dois vous quitter et je tenais à ce que vos officiers et vous-même sachiez, général, que j'ai une autre réunion. Ce n'est pas que cette réunion-ci ne m'intéresse pas; au contraire, et j'aurais aimé rester un peu plus longtemps. Merci.

[Français]

Le président: Madame Guay.

Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Général, je suis heureuse de vous rencontrer et j'ai pris bonne note de votre discours. Dans la situation actuelle, on parle de plus en plus d'augmentation de salaire pour les soldats. Mais si on considère la situation économique actuelle et les nombreuses erreurs commises, en particulier en Somalie, comment peut-on justifier ces augmentations aux yeux des Canadiens et Canadiennes et des Québécois et Québécoises?

Vous parliez tantôt de l'armée américaine, dont les soldats sont perçus par la population comme des héros. Mais ce n'est pas le cas au Canada, et cela ne refléterait peut-être pas la situation actuelle.

[Traduction]

Lgén W.C. Leach: Vous allez peut-être me trouver un peu effronté, mais je dois dire pour commencer que je ne sais pas si je dois m'offusquer du fait que les bêtises de quelques soldats semblent influer sur la manière dont toute l'armée est perçue et doit être traitée. J'espère que ce n'est pas ce que vous avez voulu dire.

• 1215

[Français]

Mme Monique Guay: Ce n'est pas mon opinion personnelle, général. Je vous parle de l'opinion publique sans vous attaquer personnellement. Ce n'est pas une attaque contre l'Armée. C'est simplement la perception que nous en avons en ce moment et je vous demande comment vous réagissez et comment l'Armée réagit à cela. C'est tout simplement une question.

[Traduction]

Lgén W.C. Leach: Bien.

Je suis partagé à ce sujet, parce que les avis sont partagés. Je sais ce que disent les résultats des sondages. Je peux lire ce que les journaux disent à propos de la façon dont les soldats et en fait tous ceux qui font partie des Forces canadiennes sont perçus. Je ne pense pas être naïf, mais je dois vous dire que lorsque je me rends là où il y a des soldats, lorsque je me rends dans les collectivités où ils vivent ou celles où ils travaillent, lorsque je parle à des gens autres que des soldats, j'en rencontre qui ne comprennent pas la valeur de ma profession, mais j'en rencontre bien plus encore qui, selon moi, comprennent la valeur de ma profession et se rendent compte de la contribution des membres de ma profession.

Je pense que nous devons nous-mêmes faire des efforts pour que les gens apprennent à mieux nous connaître. Je ne suis pas ici pour vous donner une leçon d'histoire, mais je pense que dans le passé nous n'avons pas été de très bons ambassadeurs pour l'Armée. Nous avons érigé des barrières autour de nos bases militaires. Nous avons interdit aux ligues de hockey communautaires l'accès à nos bases et refusé de partager nos patinoires avec elles. Nous avons organisé nos propres campagnes Centraide et ainsi de suite.

J'imagine que si j'étais le maître de l'univers et que je pouvais tout changer, je m'assurerais que tous ceux qui font partie de l'organisation que je représente font tout ce qu'ils peuvent pour qu'on nous connaisse mieux et qu'on nous apprécie davantage. Je dois vous avouer que j'ai du mal à croire qu'il n'y a pas un tas de gens qui nous comprennent et nous appuient. Quant à ceux dont ce n'est pas le cas, il va falloir que j'entreprenne de les faire changer d'avis.

[Français]

Mme Monique Guay: Général, je fais partie de la délégation Canada—États-Unis depuis cinq ans déjà et il y a toujours, lors de nos rencontres, un général américain ou des gens de l'armée qui sont là spécialement pour expliquer le rôle de l'armée. Évidemment, on ne peut pas comparer l'armée américaine et l'armée canadienne, mais il y a toujours des gens qui sont là pour nous expliquer ce qu'ils font et ce qui se passe exactement dans l'armée. On a parlé, entre autres, des mines antipersonnel. Il y avait spécialement des gens de l'armée qui pouvaient nous exprimer leurs inquiétudes face aux mines antipersonnel. Donc, vous avez peut-être raison de dire que cela manque au Canada.

Mon autre question concerne le matériel que vous devez renouveler, comme les habits, les bottines, les manteaux et tout ce que vous voulez. Je sais que c'est important, mais est-ce qu'on donne assez de ressources à nos militaires sur le plan social? Je voudrais savoir s'ils ont des ressources pour les aider psychologiquement quand ils sont éloignés. On sait qu'à cause de l'éloignement et des longues heures de travail, il y a souvent un taux très élevé d'alcoolisme ou de toxicomanie. Est-ce qu'il y a des ressources partout où ils sont en mission pour les aider à surmonter les quelques problèmes qu'ils peuvent avoir?

[Traduction]

Lgén W.C. Leach: Faisiez-vous partie du groupe qui est allé en Bosnie?

Mme Monique Guay: Non.

Lgén W.C. Leach: J'ai moi-même été surpris par ce que j'ai vu en Bosnie la semaine dernière, et je fais pourtant attention à ce qui se passe dans ma profession. J'ai vu en Bosnie, dans de très petits camps où il n'y avait, disons, que 40 ou 50 soldats... Il n'y a pas un seul endroit là-bas à l'heure actuelle où un groupe de soldats n'a pas la télévision avec un magnétoscope, des poids et haltères—il nous faudrait affréter un navire si jamais nous décidions de ramener tous les appareils de gymnastique qui s'y trouvent—des jeux d'arcade, des jeux vidéo et j'en passe.

• 1220

Je me souviens de l'époque où de telles choses n'existaient pas. S'il y en avait, c'est que le groupe de soldats avait réussi d'une manière ou d'une autre à s'en procurer.

Un programme est maintenant en place et, à vrai dire, je suis plutôt fier du genre de choses dont les soldats disposent maintenant dans ces camps. S'il leur manquait quelque chose, je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour m'assurer qu'ils l'obtiennent.

Je dois vous avouer que lors de ma visite de la semaine dernière, je pense que personne ne s'est adressé au SMR ou à moi pour se plaindre qu'il manquait quelque chose.

C'est une bonne question. Nous y travaillons et je crois que nous faisons des progrès.

[Français]

Mme Monique Guay: Général, vous me parlez de ressources matérielles. Moi, je vous parle de ressources humaines. Est-ce qu'ils ont quelque part des ressources pour les aider à traverser ce qu'ils vivent? C'est dur, ce qu'ils voient. Ils voient des gens se faire tuer, des situations dramatiques. Est-ce qu'il y a des ressources humaines pour les aider? Les jeux vidéo n'aident pas à régler un problème psychologique, ils n'aident qu'à faire passer le temps. Je voudrais savoir si les soldats peuvent se tourner vers une ressource quelconque s'ils ont des difficultés.

[Traduction]

Lgén W.C. Leach: J'avais mal compris; je suis désolé.

En ce qui concerne cette partie de votre question, j'ai rencontré la semaine dernière l'aumônier militaire qui les accompagne. Il y a aussi un psychologue. Nous n'avions certainement pas de psychologues avant dans les endroits de ce genre.

J'ai aussi visité les installations médicales du camp Coralici en Bosnie où l'équipement médical et dentaire est aussi moderne— probablement meilleur en fait... Je m'aventurerais même à dire que j'ai vu la semaine dernière des installations médicales qui l'emporteraient probablement sur bien des hôpitaux communautaires de notre pays.

Le médecin de service m'a dit entre autres qu'au tout début de leur affectation, tous les soldats doivent se présenter au centre chirurgical avancé. Ils en font la visite. Ils rencontrent les médecins, les psychologues et les aumôniers militaires. Ils savent qu'une aide leur est offerte de sorte qu'ils y ont recours quand ils en ont besoin.

J'ai l'impression que chaque fois qu'un problème s'est posé, des équipes de traumatologie ont été envoyées... C'est un fait reconnu que s'il se produit des incidents malheureux, on fera intervenir des ressources supplémentaires. Je peux donc dire que nous essayons de régler cette question également.

[Français]

Mme Monique Guay: J'ai un dernier commentaire qui sera très court.

Je vous remercie de votre réponse, général. J'aimerais simplement ajouter qu'on donne toutes ces ressources maintenant, mais que si on l'avait fait par le passé, on aurait pu éviter des situations comme celle que l'on a vécue en Somalie. J'espère que cela va continuer à se perfectionner et j'espère aussi qu'on donnera vraiment toutes ces ressources à tous nos soldats canadiens qui sont postés à l'extérieur du pays.

On sait qu'un travail extraordinaire a été fait en Haïti par des soldats, venant surtout du Québec à cause de la langue. J'espère donc qu'on va pouvoir continuer pour nos gens à l'extérieur.

Lgén W.C. Leach: Merci beaucoup.

• 1225

[Traduction]

M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Général, à la fin de votre exposé, vous nous avez demandé de répondre à deux questions. Je sais que je ne peux pas me faire le porte-parole de mes collègues d'un côté de la table ou de l'autre, mais je peux vous dire que ma réponse à la première question est oui: les soldats sont plus que des fonctionnaires en uniforme.

Vous nous avez aussi demandé qui est responsable du contrat des soldats. Je crois que c'est à comité-ci et à la Chambre des communes dans son ensemble qu'il revient de définir l'orientation de ce contrat.

Ce n'est peut-être pas grand-chose, mais ma question a trait à votre commentaire...

Lgén W.C. Leach: Ce n'est pas le mot que j'utiliserais pour décrire ma vie ces jours-ci.

Des voix: Ah, ah.

M. David Pratt: Je vous comprends.

Ma question concerne l'habillement. Je suppose que je suis choqué de constater qu'on ait tant tardé à se pencher sur la question d'un meilleur habillement pour nos forces armées. Je croyais que les Forces armées canadiennes utilisaient des matériaux de pointe, comme le Gore-Tex et le Thinsulate, depuis plusieurs années déjà. Je suis très surpris que l'on commence à peine à s'intéresser à cette question. Je serais curieux de savoir quand, dans le cadre de ce projet, vous vous attendez à ce que des vêtements adaptés aux conditions climatiques dans lesquelles elles doivent servir soient mis à la disposition de nos forces armées.

J'aimerais aussi connaître l'étendue des recherches effectuées sur la conception de ces vêtements, parce que les besoins d'un soldat sont évidemment bien différents de ceux d'un skieur. Et pour être assurés qu'ils disposent des meilleurs vêtements possibles, il me semble que vous n'essaierez pas nécessairement d'acheter du tout fait. Il y a matière à réflexion si on veut que le soldat porte des vêtements qui lui assurent la liberté de mouvement et la chaleur voulues pour pouvoir se concentrer sur son travail au lieu de se demander comment arriver à se réchauffer.

Lgén W.C. Leach: J'aurais bien aimé que M. Hanger soit ici pour entendre ma réponse à votre question, mais je compte sur vous pour lui répéter ce que j'aurai dit en son absence.

J'aimerais commencer par le dernier point que vous avez soulevé, parce que ce qui me dérange quand je vois un soldat porter une paire de bottes qu'il a achetée avec son propre argent n'a rien à voir, je pense, avec ce qui dérange le plus M. Hanger. Le fait que ce soldat ait dépensé 240 $ pour s'acheter une paire de bottes le dérange peut-être. Ce n'est pas drôle, mais ce qui me dérange, c'est précisément ce que vous venez de dire.

Un soldat en situation opérationnelle ne peut pas être comparé à mon fils sortant de la maison vêtu du magnifique manteau que ma femme a eu la gentillesse de lui acheter pendant que j'étais en Bosnie. Ce manteau qu'il met le matin pour aller attendre l'autobus pour l'Université Carleton est conçu précisément pour cela.

Ce n'est pas nécessairement la même chose que je recherche pour mes soldats en Bosnie, dans l'île d'Ellesmere ou en banlieue d'Edmonton en pleine tempête hivernale. Acheter du tout fait... Cela peut sembler extrêmement facile à certains points de vue, mais à bien d'autres points de vue, nous nous montrerions extrêmement irresponsables en agissant ainsi.

Donc, lorsque je dis que nous avons pris un engagement, et que je tape du poing sur la table en jurant qu'il faut nous croire, sacrebleu, parce que nous allons tenir cet engagement, je suis sérieux. Mais cela ne veut pas dire que nous allons envoyer quelqu'un en ville en camion avec une poche d'argent pour acheter tous les manteaux Sun Ice en magasin. Cela veut dire que nous allons faire en sorte d'acheter le bon matériel.

Je dirais, comme ça, qu'il y a trois choses à considérer. Tout d'abord, nous devons toujours essayer de savoir ce que nos alliés font. Cela dit, il y a une autre chose qu'il ne faudrait pas oublier. Tous les voyages que j'ai faits au cours de mes 38 années de service militaire m'ont amené à constater que personne ne peut mieux rabaisser un Canadien qu'un autre Canadien. Nous ne nous attribuons pas le mérite de la moitié de nos réalisations, qui comptent probablement parmi les plus grandes dans le monde. Nous avons des installations de recherche et de développement au ministère de la Défense nationale et des établissements de recherche et de développement dans différentes régions du Canada qui ont fait des recherches de niveau international dans ces secteurs.

• 1230

À Toronto, près du vieil aéroport de Downsview, il y a un centre de recherche appelé l'Institut militaire et civil de médecine environnementale. Si vous y alliez, vous verriez, je le répète, que nous sommes capables de faire des recherches de niveau mondial, au point où nos alliés veulent visiter nos installations d'essai pour s'entretenir avec les Canadiens qui font des recherches dans ces secteurs.

Je vous assure qu'il ne suffit pas d'avoir l'argent pour atteindre le but recherché. L'argent, nous pouvons le trouver. L'important, c'est à la fois d'avoir l'argent, de faire les recherches qu'il faut et d'avoir une idée claire de ce que nous voulons exactement et de ce dont nous avons besoin. C'est ainsi seulement que nous parviendrons à fabriquer la bonne botte, la bonne parka ou peu importe.

J'ai répondu à votre question à l'envers, mais lorsque vous dites que vous trouvez la situation actuelle choquante, je ne peux que vous répliquer que nous sommes plus avisés aujourd'hui et que nous avons fait pas mal de progrès à cet égard au cours des quelques dernières années.

Pour ce qui est du calendrier de livraison, certains articles ont déjà été distribués, et je crois que le programme doit se poursuivre jusqu'à l'an 2000 environ.

M. David Pratt: Pour équiper au complet...

Lgén W.C. Leach: Pour tous les articles.

Ce que je pourrais faire, en fait, ce que je vais faire, c'est envoyer au greffier, pour qu'il n'y ait pas de malentendu ici... Je ne veux pas dire que le soldat va avoir ses bottes en 1998, mais qu'il ne pourra pas obtenir avant 2001 les gants qui vont avec ses bottes. Nous essaierons de lui fournir tout l'équipement voulu dans un même laps de temps. Les vêtements de combat, c'est à dire tout l'uniforme, de la tête aux pieds, vont probablement être fournis dans les mêmes délais à peu près.

La veste tactique, un nouveau gilet pare-éclats ou la nouvelle génération de casques viendront peut-être plus tard, mais ils remplaceront de l'équipement en assez bon état que nous possédons déjà. Comme vous pouvez le constater, nous avons essayé de tout coordonner de manière intelligente pour que tous les soldats soient adéquatement vêtus. Ce n'est pas chose facile, mais nous y parviendrons.

M. David Pratt: J'ai une ou deux autres questions dans le même ordre d'idées.

Je suis heureux d'apprendre que des recherches sont effectuées. Une des choses auxquelles il faudrait songer davantage lorsque nous mettons au point de nouvelles technologies qui pourraient être utilisées dans d'autres pays—et je pense à d'autres pays nordiques comme la Russie, la Suède, la Norvège, la Finlande—c'est aux possibilités d'exportation des produits qui en découlent, sur la foi peut-être d'informations que vous auriez recueillies auprès d'autres armées quant à savoir si nous pouvons ou non vendre des produits canadiens de ce genre à nos alliés.

Lgén W.C. Leach: Tout au long de ma carrière, on m'a accusé de me mêler de ce qui ne me regarde pas, et cela ne me regarde vraiment pas, mais la réponse est oui.

Les centres de recherche et de développement qui existent actuellement et la communauté industrielle qui y est reliée font partie de... Vous pensez peut-être à l'OTAN et il est vrai que tous ces gens échangent des renseignements régulièrement, partagent les résultats de leurs recherches et ainsi de suite. Quant à savoir si cela peut se traduire par des occasions d'affaires pour l'industrie canadienne, je croirais que oui. Je suis au courant de cas où l'industrie a pu en profiter.

M. David Pratt: Diriez-vous que cela fait partie des prévisions du ministère?

Lgén W.C. Leach: Cela sort du cadre de mes attributions et je ne suis même pas sûr qu'il entre dans le mandat du ministère de la Défense nationale de faire ce qu'Industrie Canada et d'autres ministères ont reçu pour mandat de faire. En fait, nous avons des règles selon lesquelles nous ne devrions pas entrer en concurrence les uns avec les autres à ce sujet.

Nous devons donc nous contenter de faire de notre mieux pour qu'Industrie Canada et d'autres parties intéressées, et l'industrie elle-même fait partie du processus, puisque dans le cas de certaines recherches, il y a... Je ne suis même pas certain de connaître le mot juste, mais les recherches effectuées jouissent d'une protection juridique. Ce que je sais, c'est qu'il y a des échanges d'information et de nombreuses ventes.

• 1235

Cette question n'est pas vraiment de mon domaine. Ce qui m'intéresse, c'est le résultat de tout cela pour les soldats qui sont sous ma responsabilité. Je pense que le travail accompli comporte des avantages pour le Canada et pour l'industrie canadienne.

M. David Pratt: J'ai un dernier commentaire à faire. Je dirais que la question de l'habillement est extrêmement importante en soi et qu'elle l'est pour nous également sur le plan stratégique. Lorsque je pense aux vieux films où on voit les Américains, par exemple, se battre durant la Deuxième Guerre mondiale à Bastogne ou les Russes se battre contre les Finlandais en 1941 ou encore les Allemands se retirer de Moscou, je me rends compte de la très grande importance de l'habillement lors de chacune de ces opérations.

Lgén W.C. Leach: Vous n'avez pas l'air si vieux.

M. David Pratt: Pardon?

Lgén W.C. Leach: Oh, vous parliez de films.

M. David Pratt: Oui, de vieux films d'actualité.

Le président: Nous passons maintenant aux questions de cinq minutes. Monsieur Benoit.

M. Leon Benoit (Lakeland, Réf.): Merci, monsieur le président.

Bonjour, général Leach, messieurs. Je vous remercie d'être venus nous rencontrer ce matin.

À la page 10 de votre mémoire, il y a une petite section que je trouve très importante. Vous dites:

    Les militaires américains sont considérés comme une ressource nationale. Lorsque les Américains font référence aux membres de leurs forces armées, ils emploient des expressions comme «nos fils et nos filles» et «de grands Américains». De plus, la majorité des citoyens américains considèrent qu'appuyer les sacrifices des militaires est un devoir national. Les soldats canadiens méritent- ils moins que leurs homologues américains?

Je trouve que ce que vous dites là est tellement important, et je vous remercie de l'avoir écrit dans votre mémoire.

Je dirais que les soldats canadiens ne sont pas considérés de la même manière que leurs homologues américains et je trouve cela regrettable. Je pense que c'est aux politiciens plus qu'à n'importe qui d'autre qu'il faut reprocher ce qui s'est passé au cours des 30 dernières années, car ils ont laissé croire au grand public qu'il n'est pas important d'avoir une armée forte prête au combat pour nous protéger et pour intervenir dans toutes les autres situations d'urgence à l'intérieur et à l'extérieur de notre pays. Je crois que c'est en quelque sorte aussi la faute des dirigeants de l'armée d'hier qui, comme nous l'avons vu, devraient même, dans certains cas, supporter une grande partie de la responsabilité.

J'aimerais que vous me disiez, dans ce contexte, ce que vous pensez du moral des soldats canadiens présentement. Vous pourriez peut-être me répondre brièvement, parce que j'ai un grand nombre de questions à vous poser. Je vais moi-même essayer d'être très bref à partir de maintenant.

Lgén W.C. Leach: La façon d'évaluer le moral dépend de l'endroit où on va pour l'évaluer. La semaine dernière, j'étais quelque part en Bosnie où il y a 1 200 soldats et je dois vous dire que le moral est au beau fixe. Il l'est parce que ces soldats ont une mission, ils ont un but, ils savent ce qu'ils font, ils savent qu'un tas de gens comptent sur eux, ils savent que les Américains, les Britanniques et les Français ont les yeux rivés sur eux et qu'ils sont curieux de voir comment les Canadiens s'en tirent. Ils sont passablement rassurés par le fait que nous nous occupons d'eux personnellement là-bas et que nous nous occupons de leur famille ici. Ils ont une mission, ils ont un but, leur moral est bon et ils savent qu'ils font du bon travail.

Si vous vous adressez à une personne qui n'est pas appelée à se déplacer et qui est davantage préoccupée par ce qu'elle voit dans les journaux n'importe quel jour de la semaine ou ce qu'elle entend dans l'autobus le matin, vous allez avoir une mesure différente du moral. Cela va de soi. Venez avec moi au 101 de la promenade Colonel By pour évaluer le moral et vous allez obtenir un résultat tout à fait différent de celui que vous obtiendriez en Bosnie.

Je dois fonder mes impressions sur le moral des troupes chargées des opérations sur le terrain. Je me trompe peut-être, mais je pense qu'il est plutôt bon. Je pense aussi que ces soldats se posent certaines questions et éprouvent des craintes, dont je vous ai touché un mot d'ailleurs, mais s'ils savent que nous essayons de régler le problème, alors tout est pour le mieux.

M. Leon Benoit: Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que si nos troupes savent qu'elles font quelque chose de très utile et qu'on les apprécie à leur juste valeur, bien sûr que le moral sera bon. C'est probablement le facteur qui influe le plus sur le moral, mais il y a aussi le salaire. J'aimerais savoir si vous pensez que les augmentations de salaire annoncées récemment vont être d'un certain secours à nos soldats et leur remonter le moral.

Lgén W.C. Leach: C'est une question à laquelle je ne pourrai peut-être pas répondre brièvement, mais je ferai de mon mieux.

• 1240

Une des plus grandes tâches de tous ceux qui sont dans la même situation que moi est... Je dois m'acquitter de mes responsabilités envers mes troupes, mais aussi de mes responsabilités envers mes supérieurs. Il faut que je m'assure que les soldats qui reçoivent ces augmentations comprennent et ne perdent pas de vue la situation difficile dans laquelle notre pays se trouve, le taux de chômage, la conjoncture économique, le nombre de jeunes enfants ou de jeunes adultes, de nouveaux diplômés qui ne se trouvent pas d'emploi à leur goût ou qui ne reçoivent pas ce qu'ils pensent mériter.

Cela dit, les soldats, je crois—et j'ai fait allusion à cela lorsque j'ai parlé de la comparabilité—savent que tous les fonctionnaires canadiens font face à un gel des salaires depuis plusieurs années déjà. Ils le savent. Ils savent également qu'avant que ce gel ne soit décrété, cette comparabilité, cette équation qui existait depuis une trentaine d'années... les choses étaient inégales dans leur cas, et ils étaient en retard.

Je pense que leur principale question pourrait être la suivante. Si la comparabilité est une chose qui devait nous être assurée, si la comparabilité est une chose que le gouvernement de notre pays... et cela fait partie du mode d'indemnisation des militaires, si c'est ainsi qu'il devait en être, pourquoi avions- nous du retard pour commencer? Si c'est une règle, qu'on l'applique. Nous aurions dû être sur un pied d'égalité lorsque le processus a été déclenché, mais nous ne l'étions pas. Vous devez donc nous dédommager. Ils s'attendent aux mêmes augmentations que les autres fonctionnaires, auxquelles il faut ajouter le facteur de comparabilité.

Je pense que leurs attentes sont légitimes. Mais jusqu'à maintenant, le mieux que nous ayons pu faire au sortir de la période de gel des salaires a consisté à essayer de régler la question de la comparabilité, à essayer de rattraper le retard sur les salaires alors même que les négociations avec les syndicats de la fonction publique ne sont pas encore terminées.

Si je devais résumer, je dirais probablement que la réaction dépend en bonne partie de la façon dont nous expliquons la situation et des efforts que nous faisons pour que les gens sachent où nous en sommes et vers quoi nous nous dirigeons. Lorsque les soldats eux-mêmes me posent des questions de ce genre, je leur dis franchement ce quÂil en est.

Je pense donc qu'il serait déraisonnable de croire que quelqu'un serait prêt à faire n'importe quoi moyennant une certaine somme. Ce n'est pas le cas. C'est une question de prévisibilité et d'équité.

M. Leon Benoit: Vous avez là un bon point, général Leach—l'équité. Je crois que le ministre de la Défense a dit au comité—et il citait alors le général Douglas MacArthur—que le moral s'effritera rapidement si les soldats en viennent à se croire victimes d'indifférence ou d'injustice de la part de leur gouvernement.

Vous parlez d'équité. Les troupes ont droit à une augmentation de 0,6 p. 100 peut-être, ou de 1,4 p. 100 pour l'année, alors qu'on leur avait promis une augmentation de 3 p. 100, tandis que les dirigeants, vous y compris, reçoivent une prime au rendement d'au moins 4 000 $. La question n'est pas de savoir si elle est méritée ou non, mais cette prime s'élève au moins à 4 000 $. Pensez-vous que nos troupes trouvent cela équitable? Et quelle incidence, selon vous, ces primes ont-elles sur le moral?

Lgén W.C. Leach: Je vais me permettre des libertés ici et vous dire comment j'ai répondu à cette question lorsqu'elle m'a été posée la semaine dernière en Bosnie par un groupe de très jeunes soldats.

M. Leon Benoit: Je parie qu'on vous la pose. Je parie que bien des soldats vous posent cette question.

Lgén W.C. Leach: Vous n'avez pas à parier parce que je vais vous dire la vérité. Cette question m'a été posée.

Je leur ai répondu que chacun d'entre nous, y compris moi, a sa place dans l'ordre hiérarchique et l'échelle de rémunération.

• 1245

Nous ne nous sommes pas facilité les choses en ne divulguant pas le salaire, passé un certain rang. J'ai dit aux caporaux combien je gagne, parce que j'ai préféré leur dire que je gagne 109 600 $ au cas où ils liraient dans le journal que j'ai un salaire de 132 000 $, une voiture avec un chauffeur et toutes sortes d'autres avantages. Je leur ai indiqué exactement combien je gagne et tout ce à quoi je n'ai pas droit.

Je leur ai aussi dit de réfléchir à la question et de me le dire si ça les dérangeait. Ils ont réfléchi et personne n'est revenu me voir. Étant donné que je suis leur commandant, que je suis responsable de 45 000 soldats et que j'ai toutes sortes d'obligations légales et autres, je leur ai demandé s'ils trouvaient ça juste, à mon niveau, que 66 personnes travaillant pour la Commission des accidents du travail de l'Ontario gagnent beaucoup plus que moi et que 2 000 personnes travaillant dans des universités ontariennes gagnent plus que moi. Tout est relatif. Lorsque je leur ai présenté les choses sous cet angle, ils se sont rendu compte que l'équation est la même pour tous.

M. Leon Benoit: Général, je ne pense pas que cet argument soit de nature à réconforter les membres de nos forces armées, hommes ou femmes, qui ont eu droit à...

Lgén W.C. Leach: Non mais les hommes et les femmes...

M. Leon Benoit: ...une augmentation de 10¢ par jour s'ils sont soldats ou de 25¢ par jour s'ils sont caporaux alors que vous avez droit à une prime au rendement d'au moins 4 000 $. J'ai du mal à croire que c'est bon pour le moral.

Le président: C'est tout?

Monsieur Proud.

M. George Proud (Hillsborough, Lib.): Je vais poursuivre dans la même voie que M. Benoit. Je tiens à revenir au passage du haut de la page 10 où vous comparez les soldats canadiens à leurs homologues américains, appelés «de grands Américains» et «nos fils et nos filles». Je suis d'accord, et je vais vous poser deux questions.

Ma première question est la suivante: comment faire passer le message? Je suis d'accord avec Leon. Les gouvernements n'ont pas réussi au fil des ans à convaincre le public que l'armée est un élément très important de notre société. Nous avons tenu des réunions du genre de celle-ci en 1994 dans le cadre de l'examen de la politique de défense. Chaque fois qu'il était question d'augmenter quoi que ce soit, des députés de tous les partis se demandaient comment faire accepter cela par le public.

J'ai toujours soutenu qu'il n'est pas difficile de convaincre le public. La difficulté, c'est d'arriver à convaincre les banquettes ministérielles, peu importe le parti au pouvoir. C'est ce qui a toujours posé un problème et lorsqu'on se retrouve avec des gens qui sont contre les forces armées—ils sont assez bruyants—l'armée et d'autres organisations militaires sont les premières à être touchées par des compressions s'il faut réduire les dépenses. C'est le problème auquel nous sommes confrontés. J'aimerais que nos soldats jouissent du même respect que leurs homologues américains. Et je voudrais que vous nous indiquiez comment faire passer ce message, parce c'est essentiel selon moi. C'est là ma première question.

Ma deuxième question a trait à l'habillement et d'autres choses dont nous avons parlé. Il y a maintenant près de huit ans que je siège à ce comité-ci. Ce sont toujours les mêmes sujets qui reviennent. Je suis allé en Bosnie en 1994, et l'équipement ne posait pas de problèmes à ce moment-là. Ma question est donc la suivante: si les manteaux et autres articles du genre sont tellement importants, et je ne doute pas qu'ils le soient, n'y aurait-il pas eu moyen de trouver de l'argent au ministère de la Défense—et je sais que son budget a beaucoup diminué depuis que je suis ici—et d'utiliser les fonds affectés à d'autres programmes pour que ce projet puisse être réalisé?

L'achat d'équipements standard est une des choses qui ont été étudiées au moment de l'examen de la politique de défense. Vous conviendrez, je pense, que selon la façon dont les choses se faisaient dans le temps, ce qui aurait pu être acheté tout fait pour 1 000 $—j'ai choisi un chiffre au hasard—pouvait finir par coûter 20 000 $ selon les voies hiérarchiques normales. C'est le problème qui se pose depuis une cinquantaine d'années—ou peut-être même depuis 75 ans. Il devrait bien y avoir moyen de trouver un juste milieu. Je pense qu'il est possible d'acheter certains équipements fabriqués en série. Je crois à la recherche- développement, parce qu'il faut en faire et ainsi établir des normes. Il y a des choses que nous pouvons faire, mais je suis persuadé qu'il est possible d'acheter des produits disponibles dans le commerce en beaucoup plus grande quantité que par le passé.

C'est la question que je vous pose. Comme vous avez très peu de temps pour y répondre, j'ai décidé de garder pour la fin la question du salaire et tout le reste.

• 1250

Lgén W.C. Leach: Peu importe ce qui est advenu de l'argent dont nous disposions à l'époque; ce qui est fait est fait. Les décisions ont été prises par les dirigeants d'alors, en fonction des problèmes et des priorités de l'époque. Il ne sert à rien de revenir sur le passé et de se perdre en conjectures, car nous ne pourrons pas pour autant acheter à nos soldats les bottes dont ils ne disposent toujours pas.

La seule façon que je peux voir d'aborder la question est de dire: «Bon, je n'ai pas choisi de servir, mais maintenant je sers». Les priorités me paraissent très claires. Qu'on remette à plus tard l'achat de vêtements fastueux, mais qu'on s'assure que tous les soldats ont l'habillement qu'il faut. J'ai pris un engagement, et l'habillement est la priorité que j'ai retenue. Dans cinq ans, quelqu'un me reprochera peut-être de ne pas avoir acheté de camion et d'avoir été assez bête pour acheter des vêtements. Je vais m'en tenir à ma décision, et je ne regarderai pas en arrière.

M. David Pratt: Je ne vous demande pas de regarder en arrière, mais ne pensez-vous pas que c'est faisable?

Lgén W.C. Leach: Bien sûr que c'est faisable. La deuxième partie de votre question concerne le tout fait. Détrompez-vous. Nous n'avons pas l'intention de réinventer la roue. Certains des 24 projets qui sont en cours prévoient l'acquisition de produits disponibles dans le commerce. Il n'est pas nécessaire d'avoir un diplôme universitaire pour savoir quel genre de couteau il faut à un soldat, et ces couteaux sont fabriqués en série.

Quant au genre de manteau dont un soldat a besoin par temps froid sur le champ de bataille, il doit lui assurer une certaine protection sur le plan de la visibilité, c'est-à-dire le protéger contre les capteurs intensificateurs de lumière ou l'équipement infrarouge qui permettent à d'autres de le voir dans le noir. Ce manteau doit être conçu de manière à assurer sa survie sur le champ de bataille où toutes sortes d'autres dangers le guettent.

La différence entre le magnifique manteau que ma femme a acheté à mon fils et celui dont je rêve pour le soldat tient à ce que le manteau du soldat ne le protégera pas uniquement contre le froid à l'arrêt d'autobus ou sur le champ de bataille; il le protégera aussi contre certains des armements et équipements que d'autres pourraient avoir. Il sera également conçu de manière à ce que le soldat puisse enfiler son gilet pare-éclats par-dessus, porter son casque et se munir de ses écouteurs s'il doit se servir d'une radio quand il porte son casque.

Lorsque des recherches s'imposent pour répondre aux besoins opérationnels, nous effectuons ces recherches pour être certains d'avoir l'article qu'il faut. Je ne suis pas un expert technique, mais je peux vous dire que les bottes qui sont vendues au magasin d'articles de chasse, dans l'ouest d'Ottawa, et qu'on peut porter la fin de semaine pour aller à la chasse au canard ne sont pas celles dont le soldat a besoin s'il doit les porter 18 heures par jour et parcourir de longues distances à pied. Les bottes du soldat doivent lui protéger la cheville et comporter une semelle de protection balistique au cas où il lui faudrait marcher sur des clous ou de la vitre. C'est à tout cela que nous essayons de penser.

Oui, nous achetons des articles fabriqués en série s'ils peuvent être rapidement adaptés à nos besoins. Nous ne repartons pas à zéro dans tous les cas.

M. David Pratt: Serait-il possible de trouver ces bottes aux États-Unis? La conception serait essentiellement la même, n'est-ce pas, sauf pour le froid?

Lgén W.C. Leach: Nous avons déjà de l'équipement acheté ailleurs, mais il n'y a pas tellement de pays dans le monde qui sont soumis aux mêmes conditions climatiques que le nôtre ou qui envoient leurs soldats là où nous nous sommes engagés à envoyer les nôtres. Si l'équipement existe, nous l'examinons. S'il répond à nos besoins, nous envisageons la possibilité de nous le procurer. Même si l'équipement est disponible ailleurs, nous ne l'achetons pas s'il ne répond pas à nos besoins.

M. David Pratt: Que pensez-vous des relations publiques? Avez- vous des commentaires à faire à ce sujet?

Lgén W.C. Leach: Je suis peut-être le seul à le penser, mais je vais quand même me permettre de vous faire remarquer que je ne vois pas comment, en ma qualité de chef d'état-major de l'Armée de terre, je pourrais arriver mieux que vous à faire bouger les organismes du gouvernement. Je ne pense pas que ce soit dans notre culture que des gens comme moi fassent des choses du genre. La tradition veut que cela revienne à des gens autres que moi.

• 1255

M. George Proud: Comme Mme Guay l'a dit tout à l'heure, aux États-Unis, les chefs d'état-major de la Défense, par exemple, donnent une conférence de presse chaque semaine.

Lgén W.C. Leach: Oui.

M. George Proud: Je ne sais pas si ça aide ou non.

Lgén W.C. Leach: Ça aide.

M. George Proud: On a beaucoup plus d'affection pour eux là- bas que nous en avons ici.

Lgén W.C. Leach: Oui, mais il faut dire qu'il y a une différence culturelle et je me suis montré un peu injuste en faisant une telle remarque sans reconnaître que nos cultures diffèrent.

D'ailleurs, je crois qu'il a déjà été prévu, dans le cadre du suivi du rapport du ministre du printemps dernier, que le chef d'état-major de la Défense présente périodiquement un rapport. Je ne sais pas si ça s'est déjà fait au Canada, mais je pense que nous sommes sur le point de commencer à le faire.

M. John Richardson (Perth—Middlesex, Lib.): Général Leach, je vous remercie d'avoir bien voulu comparaître devant nous.

Je me souviens qu'à l'époque où j'étais soldat les gens avaient l'habitude de faire la queue—c'était la Première Guerre mondiale, comme George le disait—afin d'acheter des vêtements militaires de surplus pour se protéger du froid ou aller à la chasse: des bottes, des manteaux de mouton, des chandails, des bas de laine. À ce moment-là, ces articles étaient de qualité supérieure à ce qu'on trouvait dans le civil.

On a procédé à un changement important en 1962 lorsqu'on a remplacé les bottes que portaient alors les soldats par des bottes hautes. Celles-ci étaient plus confortables pour nos soldats et les faisaient beaucoup mieux paraître.

Napoléon avait l'habitude de dire—et je l'ai probablement mal cité—donnez-moi des milles de ruban coloré et des uniformes flamboyants, et mes soldats me suivront partout. Je pense que la tenue vestimentaire des forces est très importante, mais lorsque nous parlons de tenue, nous devons avant tout parler de la tenue opérationnelle, que nous devons mettre à leur disposition pour leur sauver la vie et qu'ils soient prêts au combat, prêts à se battre et à gagner.

Nous ne vous avons peut-être pas accordé l'appui dont vous aviez besoin, mais vous auriez dû vous montrer plus insistants. C'est important pour le moral d'un soldat d'être à son avantage, qu'il soit un homme ou une femme.

L'impression que nous donnent nos soldats lorsque nous les rencontrons dans la rue... La Marine a son uniforme bleu et blanc et l'Armée de l'air son uniforme bleu pâle tandis que celui de l'Armée de terre est de couleur havane.

Un des problèmes avec l'uniforme havane—et vous savez probablement tous de quoi je veux parler—c'est que si on n'a pas la carrure d'un M. Univers, on a l'air d'Humpty Dumpty. Le pantalon n'a pas de pli de sorte qu'il tombe mal. Le manteau paraît assez bien, mais le pantalon et la chemise... À vrai dire, à moins d'avoir le bon physique, on peut avoir l'air du diable.

Je serais prêt à aller pas mal loin pour essayer d'obtenir aux soldats un uniforme qui les fait paraître à leur avantage et n'accentue pas la moindre imperfection.

Je vous prie de tout faire pour que votre programme d'habillement soit couronné de succès. Ma priorité serait de faire en sorte que la tenue de combat soit conforme à la norme que vous aurez établie et qu'elle soit fournie en nombre suffisant. N'oubliez pas non plus la tenue de service journalière.

Lgén W.C. Leach: Est-ce que vous me permettez...

Une voix: Bien sûr.

Le président: Donnez-nous vos commentaires sur l'uniforme.

Lgén W.C. Leach: J'ai bien l'intention de vous faire part de mes commentaires sur l'uniforme.

Comme vous pouvez le voir, je ne suis pas grand et mince; je suis de plus petite taille et un peu plus large. Je me suis moi- même trouvé dans ce genre de situation.

Pour récapituler, je dirais qu'il y a quelques années, nos soldats nous ont laissé savoir qu'ils n'avaient pas besoin d'un tas d'uniformes différents. Ils nous ont demandé de leur fournir un uniforme bien simple et de nous décider au plus vite pour que la vie reprenne son cours normal. D'après les soldats, il y a deux uniformes qui sont importants pour un soldat et l'un d'eux est la tenue de combat; fournissez-nous un nombre suffisant de bonnes tenues de combat pour que nous nous sentions à l'aise sur le champ de bataille sur le plan opérationnel et sur le plan personnel, et nous aurons bon moral. C'est ce que nous essayons de faire.

• 1300

Les soldats se demandent aussi pourquoi nous avons un uniforme vert, qui est vert foncé en fait et que les soldats aiment, et un uniforme havane que vous avez assez bien décrit—mais que j'aurais probablement décrit moi-même en des termes plus crus. Nous avons donc pris une décision. J'ai pris une décision. Le chef d'état- major de la Défense m'a donné à entendre qu'il appuie ma décision et qu'il y donnera suite. L'armée va donner aux soldats ce qu'ils veulent. Il y aura dorénavant deux uniformes dans l'armée: la tenue de combat et l'uniforme vert. Nous allons arrêter de changer constamment d'uniforme. Nous allons arrêter de porter durant l'été un uniforme qui ne respire pas, qui nous donne l'air d'un épouvantail et qui est tout simplement inconfortable.

Je ne sais pas, peut-être que je n'ai pas laissé au ministre la chance de me répondre par un oui ou par un non. Il reste que c'est une question importante pour les soldats et vous avez tout à fait raison de dire que la tenue vestimentaire est primordiale; on nous a demandé de prendre une décision pour que la vie puisse reprendre son cours. C'est ce que nous avons fait. Pas plus tard qu'à l'été, vous ne verrez probablement plus autant d'uniformes havane dans les rues que par le passé. Des soldats rencontrés en Bosnie nous ont interrogés sur leur tenue vestimentaire. Nous leur avons fait part de notre décision, même si elle n'était pas encore publique, et ils nous ont remerciés.

M. John Richardson: Merci.

Le président: Monsieur Benoit.

M. Leon Benoit: Merci, monsieur le président.

Je trouve que M. Proud a posé une bonne question lorsqu'il a demandé ce qu'il était advenu de l'argent dont on disposait. Pourquoi n'a-t-il pas servi à acheter le matériel de base, les uniformes et l'équipement dont on avait besoin? La réforme entreprise en 1993, en vue d'équilibrer le budget en trois ans, prévoyait une réduction des dépenses militaires de 12,5 milliards à 11 milliards de dollars par année. Nous pensions qu'il était impossible d'aller plus bas. Nous constatons aujourd'hui que les dépenses militaires vont passer à 9 milliards de dollars par année seulement au total. C'est trop bas. Une telle réduction entraîne de trop nombreux problèmes.

Je ne pense pas qu'il s'agisse d'un problème d'argent uniquement. Nous ne savons pas vraiment si l'argent est dépensé à bon ou à mauvais escient. Une plus grande transparence s'impose. Le grand public a besoin d'en savoir davantage et notre comité, comme d'autres, a besoin de plus de renseignements pour pouvoir décider si l'argent est dépensé judicieusement.

J'aimerais que vous me disiez, général, si vous êtes tout à fait en faveur de la transparence que le ministre de la Défense et le chef d'état-major de la Défense nous ont promise. Je vous serais reconnaissant de me répondre brièvement, car j'ai plusieurs questions.

Lgén W.C. Leach: Soit dit sans vouloir vous offenser, vous me posez des questions qui exigent une longue réponse, puis vous me demandez d'être bref.

Essentiellement, je vais vous dire deux choses qui vous donneront une idée de la voie sur laquelle nous nous sommes engagés. Il y a dix ans, au ministère, il n'était pas normal d'indiquer aux différents services le montant de leur allocation budgétaire respective, parce qu'on ne voulait pas que tout le monde sache ce à quoi chacun avait eu droit. Nous vous disions en quoi consistait votre budget, mais nous n'aurions pas indiqué le montant de son budget à cette gentille dame de peur de nous attirer vos foudres.

L'inverse s'est produit. Je me suis mis les pieds dans le plat il n'y a pas tellement en expliquant à tout le monde ce que j'allais faire au sujet d'une question de 134,4 millions de dollars au cours de l'exercice 1998-1999 et en indiquant aux gens où exactement j'allais trouver cet argent et où les répercussions se feraient sentir. La seule façon de faire des affaires est d'abord de connaître assez bien le ministère pour savoir dans l'ensemble ce que nous dépensons et où nous dépensons notre argent.

Je ne sais pas d'où vous venez, monsieur, mais s'il y a près de chez vous une base des Forces canadiennes...

M. Leon Benoit: Cold Lake et Wainwright.

Lgén W.C. Leach: Malgré que Wainwright relève de ma responsabilité budgétaire et que Cold Lake relève de la responsabilité budgétaire du commandant du Commandement aérien, il y a deux... À ces deux endroits, chacun d'entre nous assume certaines responsabilités à l'égard des cadets, de la milice ou de la Réserve navale, par exemple.

• 1305

La visibilité est notre seul moyen de survie, le seul moyen que nous ayons pour nous en sortir. J'ai eu une réunion hier après- midi et je peux vous dire qu'au sein de l'armée, chacun de mes commandants de secteur, chacun de mes commandants subalternes, a un modèle de financement très détaillé pour le commandement dont je suis responsable. Ce n'est pas un document classifié. Je vais vous l'envoyer ce soir par autobus si vous le voulez.

M. Leon Benoit: Je vous en saurais gré.

Vous dites être en faveur de la transparence. À la réunion du 28 octobre 1997 du comité de la défense, le ministre de la Défense, M. Eggleton, a dit que les forces armées avaient fait des recherches pour essayer de savoir si certains de leurs membres avaient recours aux banques alimentaires. Après la réunion, il a indiqué aux journalistes qu'il avait été impossible de trouver des cas particuliers, ou de nombreux cas.

Général, si vous le pouvez, j'aimerais que vous me disiez comment il se fait que le ministre ne sait pas que des soldats et leur famille font appel à des banques d'alimentation. En fait, M. Hanger sait que c'est le cas de plusieurs dizaines de familles de Gagetown. Pas plus tard qu'hier, après avoir fait un seul appel téléphonique, nous avons appris que treize familles de Winnipeg comptent sur des banques d'alimentation parce qu'elles manquent d'argent et de nourriture. Je ne vous parle là que des familles qui passent par le Centre de ressources pour les familles des militaires. Plusieurs autres familles vont directement dans des banques alimentaires situées à l'extérieur de la base pour arrondir leur revenu.

Ma question est la suivante. Avez-vous dit au ministre que des soldats sous votre commandement avaient recours à des banques d'alimentation comme supplément de revenu? Il a dit que des recherches ont été faites, mais qu'elles n'ont abouti à rien tandis que nous avons appris sans grand effort que c'était le cas de plusieurs dizaines de familles de militaires, et je suis certain qu'il y en a bien d'autres.

Lgén W.C. Leach: Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise?

M. Leon Benoit: Eh bien, avez-vous...

Lgén W.C. Leach: Non.

M. Leon Benoit: Autrement dit, avez-vous informé le ministre du fait qu'un grand nombre de familles dépendent des banques d'alimentation?

Lgén W.C. Leach: Est-ce que j'en ai informé le ministre? Non. Est-ce que je savais que c'était le cas et est-ce que je savais qui sont ces familles? J'imagine que non. Est-ce que cette situation me préoccupe? Oui. Est-ce qu'elle fait partie du problème que nous essayons de régler? Oui. Mais si vous voulez savoir si, en fait, j'ai communiqué des informations au ministre, la réponse est non, je ne lui ai communiqué aucune information.

M. Leon Benoit: Nous sommes en présence d'une contradiction incroyable. Le ministre a dit que des recherches avaient été faites et qu'il n'avait entendu parler d'aucun cas... Il a dit, et je répète, qu'il avait été impossible de trouver des cas particuliers, ou de nombreux cas. C'est ce qu'il a dit.

Ne voyez-vous pas qu'un problème se pose—étant donné la promesse de transparence des forces armées? Le ministre dit qu'une étude a été faite. J'imagine que vous êtes au courant de cette étude. Pourtant, il n'a entendu parler d'aucune famille dans le besoin; au pire, quelques familles seulement feraient appel aux banques d'alimentation. Il y a là une contradiction incroyable. À vrai dire, si la communication n'est pas meilleure que cela entre le ministre et des gens comme vous, je ne vois pas comment les choses vont s'améliorer.

Le président: Votre temps de parole est écoulé, monsieur Benoit.

Lgén W.C. Leach: J'essaie de penser à ce que je pourrais vous répondre, parce que je ne voudrais pas que vous vous imaginiez que cette situation me laisse indifférent, car ce n'est pas le cas.

Est-ce que je peux vous poser une question? Et je n'essaie pas de jouer au plus fin avec vous. Vous avez rapporté les propos du ministre et vous avez dit deux choses différentes. Il aurait dit qu'aucune famille n'était dans le besoin et ensuite que quelques familles seulement le sont. Qu'a-t-il dit au juste?

M. Leon Benoit: C'est ce qu'il a dit, qu'il avait été impossible de trouver des cas particuliers, ou de nombreux cas.

Lgén W.C. Leach: Mais ce sont deux choses différentes, n'est- ce pas?

M. Leon Benoit: C'est bien ce qu'il a dit.

Lgén W.C. Leach: Il y a quelques...

M. Leon Benoit: C'est vraiment un politicien accompli, alors.

Lgén W.C. Leach: Il serait déloyal de ma part d'ajouter quelque commentaire que ce soit.

Le président: Merci, monsieur Benoit.

[Français]

Madame Girard-Bujold.

Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Bonjour, monsieur le lieutenant général. Je suis très heureuse d'être ici. C'est la première fois que j'assiste à ce comité.

• 1310

Dans votre exposé, vous dites que les soldats ont cinq préoccupations principales. Je vais m'attarder sur la troisième et la quatrième. Vous dites que les soldats veulent qu'on ait des attentes raisonnables à l'égard de leur charge de travail. Vous dites également que vous tirez avantage de l'attitude volontariste et du contrat ouvert des militaires.

Qu'est-ce que vous voulez dire par là? Quelle est la proportion de volontarisme? Est-ce qu'à l'intérieur de leur charge de travail, ils ont une autonomie potentielle ou si c'est vraiment très rigide?

Vous dites également que les soldats veulent, comme tout autre groupe d'employés, être reconnus et compris par leur employeur. Cela s'appelle des relations entre êtres. Est-ce que de telles relations existent à l'intérieur des Forces armées canadiennes? C'est la quatrième préoccupation des militaires.

Enfin, vous dites que les soldats veulent que leur qualité de vie et celle de leur famille soient raisonnables. Qu'est-ce que vous voulez dire par raisonnable? Qu'est-ce que c'est, d'après vous? Comme vient de le dire mon collègue du Parti réformiste, est-ce que qu'ils ne sont pas assez payés, est-ce qu'ils ont besoin d'une banque alimentaire? Où placez-vous le raisonnable dans votre exposé?

Vous disiez aussi tout à l'heure que vous étiez allés rencontrer des gens pour leur dire que vous étiez d'accord pour que tout le monde soit au courant des rémunérations de toute la hiérarchie. De plus, vous êtes aussi favorables à des augmentations de salaire qui, d'après vous, répondraient bien aux attentes des militaires et de leur famille. Merci.

[Traduction]

Lgén W.C. Leach: J'ai de la difficulté à comprendre vos questions. Pouvez-vous m'aider à...

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold: J'ai pris votre texte et, au troisième point, vous dites que les soldats veulent qu'on ait des attentes raisonnables à l'égard de leur charge de travail. Qu'est-ce que cela veut dire, des attentes raisonnables? Est-ce qu'à l'intérieur de ces attentes raisonnables figure l'autonomie que doit avoir le soldat face à son travail? Vous parlez aussi d'une attitude de volontarisme. Pouvez-vous m'éclairer?

[Traduction]

Lgén W.C. Leach: Ça va, j'ai compris.

En ce qui concerne la troisième préoccupation, c'est probablement davantage à moi et à mes semblables qu'il revient de faire quelque chose plutôt qu'à vous; et je crois que nous faisons quelque chose à ce sujet. Je peux vous dire qu'à une certaine époque, lorsque le SMR et moi-même étions beaucoup plus jeunes et beaucoup moins avancés en grade, nos chefs ne voyaient aucun inconvénient à ce que l'unité devant effectuer un exercice parte à 6 heures le lundi, ce qui voulait dire que les soldats devaient arriver le dimanche soir ou travailler toute la fin de semaine de manière à être prêts pour l'exercice. Nos chefs ne voyaient aucun inconvénient à terminer l'entraînement à 19 heures le vendredi, ce qui obligeait les soldats à empiéter sur du temps que vous et d'autres pourriez vouloir consacrer à vos besoins personnels ou à ceux de votre famille.

Nous avions l'habitude de confier différentes tâches aux soldats—c'est de là qu'est née l'idée d'offrir un cours à Chilliwack, à Gagetown ou ailleurs—et à très bref préavis, ils pouvaient être appelés à se préparer à partir. Je pense que nous nous sommes aperçus au cours des quelques dernières années qu'il faut vraiment que nous prenions soin de nos soldats et que nous ne les traitions pas d'une manière dont nous n'aimerions pas nous- mêmes être traités.

• 1315

De nos jours, je ne pense pas que vous trouveriez dans l'armée des officiers qui organisent des séances d'entraînement qui obligent les soldats à rentrer la fin de semaine pour être prêts à partir le lundi matin. Le départ aura probablement lieu le lundi après-midi ou le mardi matin et nous leur laisserons le temps de se préparer. On ne confie plus de tâches déraisonnables aux soldats.

Nous ne devons jamais perdre de vue le fait que les soldats font ce qu'on leur demande. Un point, c'est tout. C'est ce que j'appelle l'attitude volontariste.

Nous devons avoir des attentes raisonnables en ce sens que nous devons décider ce que nous voulons que les soldats fassent et comment nous allons gérer leurs activités. C'est l'approche que nous avons adoptée. Il faut que vous le sachiez, parce que vous entendrez les militaires en parler dans le contexte de la qualité de vie dans son ensemble.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Vous dites qu'il y a de moins en moins de militaires, mais qu'il faut que les tâches se fassent quand même. J'ai lu votre exposé un peu rapidement, et vous nous dites que vous traduisez les principales préoccupations des militaires. C'est donc vraiment leur qualité de vie qui s'en ressent présentement à l'intérieur des Forces armées?

Vous dites que vous allez vous occuper de tout cela, mais je pense qu'il faut aller bien plus vite parce que le moral est très important. Or, le moral des membres des Forces armées canadiennes n'est pas très fort. Je parle de soldats surtout, parce que ce n'est peut-être pas le cas de la hiérarchie dont vous faites partie. Je pense que les soldats qui représentent le Canada présentement et qui vivent souvent des expériences difficiles doivent être pris en considération.

Vous êtes un lieutenant général, mais moi je parle des soldats. Il faudrait aussi, si vous voulez que nos soldats soient au même niveau que les Américains, que vous reconnaissiez leur difficile tâche en leur octroyant des compensations financières. Quand vous parlez de bottes ou d'équipement, je ne crois pas que ce soit le plus important. Il me semble que la rémunération et la satisfaction dans le travail sont beaucoup plus importantes.

Je pense que le problème est là. Les gens ne sont pas assez bien rémunérés pour la tâche qu'ils doivent accomplir. C'est ce que je constate.

[Traduction]

Lgén W.C. Leach: Je répondrais à cela que les soldats nous observent. Nous leur avons déjà indiqué que nous reconnaissons que nous devrons désormais nous y prendre de manière différente. Je vous ai dit que nous avions déjà pris certaines mesures pour nous assurer qu'ils ne seront pas appelés à se présenter au travail à des heures stupides pour faire des choses stupides. Ils savent que nous avons fait certains changements et ils nous observent.

Par exemple, les unités qui seront appelées à se rendre en Bosnie à l'été 1998 en ont déjà été informées de sorte qu'elles peuvent se préparer mentalement. Elles savent ce qui les attend, à condition bien sûr que nous soyons toujours en Bosnie à ce moment- là.

Supposons que le Canada s'engage à envoyer des troupes en Bosnie après l'été 1998. J'ai déjà dit à l'unité qu'il lui faudrait partir. Je dois être juste envers les soldats. Je leur ai dit que si quelqu'un devait aller en Bosnie à l'été 1998, ce serait à leur tour.

Cette façon de faire leur plaît. Ils savent ce qui les attend, ce qui n'était pas le cas avant. Je suppose que ce que j'essaie de vous dire, c'est qu'il faudra continuer à agir ainsi.

La question du salaire par opposition à l'équipement par opposition aux bottes est celle qui présente le plus grand défi. Le défi consiste pour moi, qui suis responsable de l'armée, à trouver le juste milieu dans tout cela.

Je dois vous dire—et vous ne me croirez peut-être pas—que si les soldats que j'ai rencontrés en Bosnie la semaine dernière savaient que nous nous concentrons sur une partie de l'équation au détriment des autres, ils ne seraient pas contents.

• 1320

Oui, le salaire pose un problème. Il en va de même des bottes qu'ils portent et des camions qu'ils conduisent. Ils comptent sur des gens comme moi pour prendre la bonne décision à propos de l'équation au complet, par opposition à une seule de ses parties. C'est là que se situe le défi.

[Français]

Le président: Merci beaucoup, madame. Si vous me permettez, général, j'aurais aussi quelques questions à vous poser.

Je suis arrivé un peu en retard pour votre présentation, mais j'ai pu la lire rapidement. Dans votre présentation, j'ai remarqué que vous ne faisiez aucunement mention du rôle des femmes dans l'Armée. Est-ce que c'est voulu? Est-ce que pour vous, il n'y a pas de différence entre un soldat masculin et un soldat féminin? C'est ma première question.

[Traduction]

Ma deuxième question concerne le programme d'habillement du soldat. Vous avez dit qu'il prendrait fin vers l'an 2000, si j'ai bien compris. Pourquoi ne s'agit-il pas d'un programme permanent? Pourquoi doit-il se terminer en l'an 2000? Pourquoi ne pas adopter comme politique d'acheter tout ce qu'on peut trouver sur le marché qui puisse convenir pour nos soldats?

Lgén W.C. Leach: Et votre première question concernait...?

Le président: Le rôle des femmes dans l'armée.

Lgén W.C. Leach: S'il y a une personne à qui on a souvent posé cette question, à part peut-être le CEMD, c'est probablement moi. En fait, j'ai écrit certaines choses au sujet desquelles on m'a interrogé à l'extérieur et à l'intérieur de l'armée. Il va sans dire pour moi qu'il n'y a aucun poste dans l'armée qu'une femme ne pourrait pas occuper. Il y a un seul poste à l'échelle des Forces canadiennes qui ne soit pas ouvert aux femmes, et ce sont les fonctions à bord d'un sous-marin. Il n'y en a pas dans l'armée. Je ne vois donc aucune raison d'interdire l'armée aux femmes.

Il y a beaucoup de femmes dans l'armée. Il n'y en a pas tellement aux armes de combat et nous avons prévu des mesures, à compter de cet été, pour essayer de voir... À cause de tout ce que nous faisons, toutes les femmes à qui nous parlons, qu'elles soient dans les forces armées ou non, nous disent qu'elles veulent avoir la chance de servir, et elles l'ont.

Il y a deux choses à tirer au clair. La première, c'est que notre travail est tel que c'est parfois une question de vie ou de mort. Il n'y a qu'une seule norme et ceux qui l'atteignent sont les bienvenus dans l'armée, hommes ou femmes. Il y a des femmes qui ne répondent pas à la norme, mais aussi des hommes. C'est une chose qu'on oublie souvent. On suppose que tous les hommes peuvent l'atteindre. Ce n'est pas vrai. S'ils ne satisfont pas à la norme, ils ne peuvent pas entrer dans l'armée. Les femmes qui satisfont à la norme y sont les bienvenues.

La deuxième chose est l'accueil réservé aux femmes dans l'armée. Quelle femme ayant tous ses esprits accepterait de se joindre à une organisation pour une longue période de temps si elle ne s'y sentait pas la bienvenue?

Deux questions se posent donc ici. La première consiste à s'assurer que tout le monde sait qu'il n'y a pas un seul poste dans l'armée qui ne peut pas être occupé par une femme, et que tous ceux qui satisfont à la norme et qui sont acceptés dans l'armée y sont les bienvenus.

La deuxième question pose plus de difficultés à cause de la culture qui s'est développée au fil des ans et il faudra arriver à sensibiliser tout le monde à l'idée que nous sommes prêts à vous accueillir. Dans l'armée, si vous satisfaites à la norme, nous ne ferons rien qui puisse vous faire sentir que vous n'êtes pas les bienvenues.

Ce qu'il y a d'intéressant à signaler, c'est que si vous allez dans n'importe quelle école des circonscriptions que vous représentez, vous constaterez que les jeunes hommes et les jeunes filles étudient ensemble et font partie des mêmes équipes de hockey et de water-polo. Ils fréquentent les mêmes écoles et grandissent ensemble. Il serait donc très difficile pour nous de leur expliquer que contrairement à la manière dont ils ont vécu jusque là, ils ne pourront rien faire ensemble dans l'armée.

• 1325

Ils peuvent faire des choses ensemble dans l'armée. Nous sommes tout à fait en faveur d'une telle chose. Nous nous intéressons de très près, le colonel Read et moi, aux programmes qui sont offerts actuellement. Si j'ai péché par omission, c'est de ma faute, et si j'ai inconsciemment omis de parler de cette question, c'est peut-être parce que je suis tellement certain que nous allons la régler et la régler comme il le faut que je n'ai pas voulu en faire tout un plat, si vous voyez ce que je veux dire.

Quelle était votre deuxième question?

Le président: Pourquoi le programme d'habillement du soldat n'est-il pas un programme permanent?

Lgén W.C. Leach: C'est un programme permanent et je vous ai probablement induits en erreur en disant que chaque année nous devons acheter juste ce qu'il faut pour regarnir nos stocks et habiller ceux qui continuent à servir.

Le programme consiste à tout remplacer en trois ans. Pour ce faire, nous devons le gérer globalement, mais avant même que le projet en soit à sa troisième année, nous aurons déjà commencé à renouveler une partie des articles achetés la première année. Il s'agit donc d'un programme permanent. Ainsi, en l'an 2000 ou 2001, lorsque tout aura été remplacé, nous ne nous croiserons pas les bras en nous disant que nous n'aurons pas de problèmes pendant 30 ans. C'est un programme permanent, et si nous ne renouvelons pas constamment nos stocks, nous allons nous retrouver exactement au même point dans 30 ans.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Benoit, une dernière petite question.

M. Leon Benoit: Merci, monsieur le président.

Il est ressorti d'une étude sur le suicide réalisée en 1996 à la demande des forces armées qu'on attache trop d'importance à la création d'une force militaire robuste et efficace et pas assez d'importance à la tolérance dont il faudrait faire preuve à l'endroit des jeunes soldats souffrant de troubles affectifs. J'aimerais avoir vos commentaires. Est-ce que les deux sont nécessairement contradictoires?

Je pense qu'il est clair que nous avons besoin d'une force prête au combat, d'une force qui soit prête à défendre notre souveraineté. Nous avons également besoin d'une force qui soit prête à intervenir en cas de troubles civils ou d'émeutes dans les prisons—comme cela est arrivé récemment—en dernier recours, ou encore en cas d'impasse ou de violence dans les réserves indiennes. Malheureusement, je crains que le besoin d'une telle force se fasse sentir de plus en plus. Il se pourrait aussi que l'échec du mouvement séparatiste au Québec et la frustration que les séparatistes en ressentiraient débouchent sur la violence. De plus, nous avons besoin d'une force qui soit prête à intervenir en cas de catastrophes naturelles et pour le maintien de la paix. Nous avons besoin de forces capables de faire face à toutes ces situations.

Là encore, y a-t-il nécessairement une contradiction entre le fait d'avoir des forces prêtes au combat qui soient vraiment enthousiastes et prêtes à protéger les Canadiens encore et encore et le fait de traiter nos soldats de manière à ce qu'ils se sentent partie intégrante de ces forces et à ce qu'ils aient l'impression d'accomplir une tâche utile?

Lgén W.C. Leach: Je le répète, je ne sais pas quels sont mes privilèges ici, mais je ne voudrais pas que la réponse que je vais vous donner soit associée à certains des scénarios que vous avez décrits. Il y a des choses dont je ne veux pas parler, parce que je ne tiens pas à être dans l'embarras. En ce qui me concerne...

M. Leon Benoit: Ce sont mes commentaires, une toile de fond...

Lgén W.C. Leach: Bien.

M. Leon Benoit: ...nous nous comprenons.

Lgén W.C. Leach: Merci.

Je veux m'assurer que les soldats que je commande, qui sont au service du Canada, soient capables de faire tout ce que le gouvernement et la population leur demandent de faire. Je pense que c'est ma responsabilité. Je pense qu'il m'incombe de m'assurer qu'ils sont aussi prêts—aussi bien équipés et aussi bien préparés mentalement et physiquement—qu'ils doivent l'être, peu importe ce que le gouvernement choisira de demander à ces jeunes hommes et à ces jeunes femmes. C'était là le préambule de ma réponse.

• 1330

Dans mon esprit, la réponse est bien simple. Il y a la manière stupide et la manière intelligente de s'y prendre pour avoir des forces robustes. Je qualifierais de stupides les attitudes traditionalistes et l'incapacité à comprendre que la société qui nous entoure a changé. Je veux parler de l'incapacité à comprendre qu'il y a dans notre pays des lois qui disent que nous devons nous comporter en gens civilisés les uns envers les autres. En ce qui me concerne, ce sont là les choses qui sont importantes. Dans ce contexte, il y a une manière de s'y prendre pour faire des jeunes hommes et des jeunes femmes qui font partie de l'armée des soldats robustes: les entraîner intelligemment, parce que ce sont des êtres intelligents et qu'il ne faut pas agir stupidement.

M. Leon Benoit: Merci beaucoup. J'aime bien votre réponse.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Monsieur le président, puis-je poser encore une question?

Le président: Une très petite question.

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Merci.

Dans votre exposé, vous parlez de mettre à jour votre doctrine. Pour moi, le mot «doctrine» veut dire quelque chose et je me demande si c'est la même chose. Je ne sais pas si vous vouliez dire autre chose en anglais, mais pourquoi n'utilisez-vous pas tout simplement le mot «mandat»? Pour moi, le mot «doctrine» va plus loin que ce que je pense être le «mandat» de l'Armée. Est-ce que vous pourriez me donner des explications?

[Traduction]

Lgén W.C. Leach: Le mot «doctrine», de la façon dont je l'ai utilisé ici, désigne les règles écrites qui régissent notre profession sur le plan du processus et de l'organisation.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold: «Organisation», je veux bien, mais pas «doctrine».

[Traduction]

Lgén W.C. Leach: L'attitude, c'est autre chose.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Oui, c'est certain.

[Traduction]

Lgén W.C. Leach: J'ai un certain nombre de défis à relever, et ça me plaît. Un de ces défis consiste à tenir compte de l'attitude des gens qui nous entourent, des attitudes qui ont cours dans la société à l'heure actuelle et de la façon dont notre culture évolue. Cela me ramène à ma réponse à M. Benoit, à qui j'ai dit croire qu'en 1997 nous devons entraîner nos soldats intelligemment. Il faut qu'ils soient robustes, mais il faut tenir compte du contexte...

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Merci.

Le président: Merci beaucoup. J'accorde un dernier commentaire à M. Pratt.

[Traduction]

M. David Pratt: Général, il y a quelque temps, nous avons discuté de l'utilité, pour les membres du comité qui n'en ont pas encore eu la chance, de visiter une zone d'opérations comme la Bosnie. Que nous recommanderiez-vous de faire pour nous acquitter de nos responsabilités?

Lgén W.C. Leach: À mon avis, la réponse est bien simple. Vous représentez un tas de choses pour moi: vous êtes un membre du comité; vous êtes un politicien élu dans le pays dont je fais partie; vous êtes un contribuable; vous êtes un homme ordinaire, comme moi, quand vous rentrez chez vous le soir. Il n'y a rien que je ne ferais pas, à moins qu'on me l'interdise, pour que chaque Canadien ait la chance de connaître au moins un soldat et de le voir au travail en milieu opérationnel. Je suis très sincère quand je vous dis cela.

Je suis prêt à faire n'importe quoi pour qu'on apprenne à mieux nous connaître. Je ne sais pas au juste comment votre comité fonctionne, mais s'il y a une chose que je sais... En fait, si quoi que ce soit vous interdisait d'aller là où vous voudriez aller, je travaillerais jour et nuit pour renverser la situation. Vous devez apprendre à connaître nos soldats. Ce sont de sacrés bons soldats et ils ont besoin de votre appui. Faites ce que vous avez à faire pour mieux les connaître; vous avez ma bénédiction.

Le président: Merci beaucoup.

Général, vous aviez sacrément raison de dire ce que vous avez dit au sujet des Forces armées canadiennes. Ce sont les meilleures au monde. Je vous remercie de vos commentaires de cet après-midi et je tiens à vous dire que vous auriez fait un sacré bon politicien, à en juger par vos réponses.

Lgén W.C. Leach: Est-ce que je dois prendre ça comme un compliment?

Le président: Absolument.

• 1335

C'est notre dernière séance en 1997. Je tiens à offrir mes meilleurs voeux pour Noël et la nouvelle année à tout le monde, pas seulement à mes honorables collègues qui sont ici, mais à tous ceux qui font partie du comité ou qui travaillent pour le comité, dont les greffiers et tous les autres. Je vous souhaite beaucoup de bonheur en 1998. Merci.

La séance est levée.