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NDVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS

COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 4 mai 1999

• 1619

[Traduction]

Le président (M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.)): Je déclare ouverte la séance du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants... [Note de la rédaction: Difficultés techniques]

J'aimerais souhaiter la bienvenue à MM. Griezic et Bill Riddell.

Vous avez déjà comparu devant nous pour discuter de cette question, et nous sommes très heureux de vous revoir.

Nous avons une question de procédure à régler. M. Pratt souhaite proposer un changement au temps attribué aux questions. Comme M. Morawski est absent pour cause de maladie, nous avons deux greffiers qui travaillent pour nous. Celui qui était présent à la réunion, quand la motion a été présentée...

Quoiqu'il en soit, il y a eu un problème de communication. Nous allons donc examiner votre motion dès le début de la prochaine réunion, monsieur Pratt, parce qu'elle ne figure pas à l'ordre du jour d'aujourd'hui. Le greffier pourrait peut-être en distribuer une copie à tous les membres.

• 1620

Nous avons donc une motion de M. Pratt, et je ne l'aborderai pas aujourd'hui, qui souhaite proposer un changement à l'attribution de temps pour les questions.

Ainsi, nous n'avons qu'un seul point à l'ordre du jour aujourd'hui, et c'est le témoignage de nos deux invités. Je vous demanderais d'être aussi brefs que possible pour que nous puissions avoir du temps pour les questions. Nous avons reçu beaucoup de renseignements sur cette question importante et, comme je l'ai mentionné, les deux témoins ont déjà comparu devant nous. Bien entendu, nous sommes très heureux de les accueillir de nouveau.

Je vais commencer par M. Riddell, et ensuite M. Griezic. Nous passerons ensuite aux questions.

Je vous encourage, messieurs, à nous laisser beaucoup de temps pour les questions.

Monsieur Riddell, vous avez la parole.

M. Bill Riddell (représentant, Coalition pour l'égalité de la marine marchande): J'ai soumis au comité un mémoire écrit à la main, mais ils l'ont reçu en retard. M. Morawski ne se sentait pas bien, les dossiers se sont empilés, mais le mémoire sera traduit et distribué à tous les membres, sans doute cette semaine.

Je peux attendre qu'ils l'aient reçu, pour gagner du temps, et m'en tenir aux grandes lignes.

Le président: Vous avez l'occasion de nous exposer votre point de vue, monsieur Riddell, et nous pourrons obtenir d'autres précisions plus tard. Alors, profitez-en, et nous entendrons ensuite M. Griezic avant de passer aux questions.

M. Bill Riddell: D'accord.

Comme tout le monde le sait, les marins marchands sont maintenant reconnus comme des anciens combattants en vertu de la loi. Cela nous donne droit à certains avantages que j'aimerais porter à votre attention.

D'abord, non seulement nous avons été victimes de discrimination à la fin de la guerre—nous n'avons pas eu droit aux mêmes avantages que les autres anciens combattants, comme vous le savez tous, de sorte qu'il est inutile de répéter que nous n'avons rien eu—mais le gouvernement nous a également fait du tort délibérément, en encourageant les manoeuvres d'un syndicat de fiers à bras, en dressant les ministres du cabinet contre nous, en légalisant ce soi-disant syndicat qui, en fait, regroupait des briseurs de grève et des racketters de la Californie.

Ils ont réussi à se débarrasser de nous. Nous n'avons eu droit, pour la plupart, à aucune indemnité d'études—rien. Nous avons mené une vie plus difficile que la plupart des autres personnes. J'ai obtenu beaucoup moins que vous tous ici réunis.

Nous avons été reconnus comme des anciens combattants, mais il n'y a rien sur le monument commémoratif de guerre qui indique que des civils ont participé à l'effort de guerre. Je vous demanderais d'envisager la possibilité—et ce n'est pas un précédent—de graver l'insigne de la marine marchande sur le côté du monument. Ainsi, les générations futures sauraient que des civils ont pris part à la guerre. On pourrait peut-être graver l'insigne du Ferry Command.

Ce ne serait pas un précédent. On l'a fait pour les anciens combattants de la Première Guerre mondiale, de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée. Ils pourraient refaire la même chose pour nous.

Par ailleurs, nous avons maintenant accès aux hôpitaux pour anciens combattants, mais j'ai l'impression que le gouvernement—et je parle des deux partis, les Libéraux et les Conservateurs, au fil des ans—se lave les mains de toute la situation en cédant ces hôpitaux aux provinces.

Mon frère habitait à Calgary. Je suis resté auprès de lui au cours des derniers mois de sa vie, et j'ai essayé de le faire entrer à l'hôpital Belcher. À l'époque, il y avait entre 12 et 16 anciens combattants qui figuraient sur la liste d'attente. Ils doivent attendre que quelqu'un meure avant d'entrer. Il n'y a donc pas suffisamment de lits pour eux.

Le président: Monsieur Riddell, nous partageons tous vos préoccupations concernant les hôpitaux pour anciens combattants—il y en a un dans ma circonscription—mais je vous demanderais de vous en tenir au sujet à l'étude, soit l'indemnisation qui devrait être accordée aux marins marchands.

M. Bill Riddell: D'accord.

Le président: Nous devrions essayer de nous en tenir au sujet à l'étude pour gagner du temps.

• 1625

M. Bill Riddell: En ce qui concerne l'indemnisation que le gouvernement juge adéquate, il vient de verser aux prisonniers de guerre de Hongkong, incarcérés par les Japonais, 24 000 $. Ça veut dire à peu près 6 000 $ par année pour avoir fait du travail de forçat. Personne ici ne serait prêt à faire ce genre de travail même pour 60 000 $. Ils ont été honteusement sous-payés.

Certains prisonniers de guerre de l'ARC ont été incarcérés dans un camp de concentration pour civils plutôt que d'être enfermés dans des camps pour prisonniers de guerre avec leurs camarades. Je crois comprendre qu'ils ont eu droit à 1 000 $, même si bon nombre de ces prisonniers ont touché, au fil des ans, des centaines de milliers de dollars de l'Allemagne de l'Ouest.

Ils pourraient peut-être rembourser ou indemniser les anciens combattants de l'Aviation royale du Canada qui ont été enfermés là- bas. Le Canada pourrait très bien présenter une facture aux Japonais plutôt qu'aux contribuables canadiens, et réclamer un montant généreux pour les anciens combattants de Hongkong.

En ce qui concerne les membres de la marine marchande qui ont été faits prisonniers de guerre, nous voulons qu'ils soient indemnisés pour tout le temps qu'ils ont été incarcérés. Ils ont eu droit à une indemnité pour 30 ou 36 mois d'incarcération, alors que la plupart l'ont été pendant 50 mois. Ils ont également droit à des dommages-intérêts pour la négligence et la discrimination dont ils ont été victimes pendant 55 ans.

Il ne faudrait pas oublier les marins marchands des pays alliés qui se sont installés au Canada après la guerre. Les anciens combattants des pays alliés qui sont venus au Canada ont eu droit aux mêmes avantages que les anciens combattants canadiens, mais pas les anciens combattants de la marine marchande.

Nous avons beaucoup d'anciens combattants de pays alliés qui vieillissent et qui devraient avoir droit aux mêmes avantages que les marins marchands du Canada. Les anciens combattants de la marine marchande y auraient droit parce qu'ils ont servi dans des eaux dangereuses pendant la Première et la Seconde Guerres mondiales, et ils doivent tous être inclus également.

Or, la question qu'il faut se poser est la suivante: qu'est-ce qu'on entend comme une indemnisation qui est juste? On a proposé un montant de 150 $, une subvention s'échelonnant entre 5 000 et 30 000 $, calculée au prorata, ou encore une indemnité de 20 000 et de 40 000 $ pour les prisonniers de guerre.

Croyez-vous que ces montants sont justes? À combien s'élèvent vos revenus? Quelle est la valeur nette de vos avoirs? Est-ce que votre qualité de vie est comparable à la mienne? Combien toucherez- vous quand vous prendrez votre retraite?

Nous devons tenir compte des économies que vous avez réalisées votre vie durant, des actions que vous possédez, des obligations, des biens immobiliers, et de l'intérêt. Moi, je n'ai rien. Je suis certain que la plupart des Canadiens qui réussissent bien ont plus de 200 000 ou 300 000 $.

Le président: J'aimerais bien que la valeur nette de mes avoirs soit celle que vous pensez que j'ai, monsieur Riddell.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Je m'excuse, je ne pouvais m'empêcher de faire cette remarque. Je ne peux même pas cotiser le maximum à mes REER. J'ai une famille, monsieur.

M. Bill Riddell: Je vais jeter mes factures et prendre ce que vous avez.

Le président: Nous ne sommes pas tous comme M. Clouthier, vous savez.

Des voix: Oh, oh!

M. Bill Riddell: Eh bien, que l'on soit riche ou pauvre, l'argent aide toujours.

On a proposé un montant de 30 000 $ pour les 55 années de négligence que nous avons connues. S'ils nous donnaient 30 000 $ pour chacune des 55 années, alors nous aurions quelques centaines de milliers de dollars.

Oui, si on nous donnait un montant forfaitaire et qu'on continuait à nous verser jusqu'à notre décès, ou au décès de notre conjoint, cela correspondrait davantage à ce que les autres ont aujourd'hui. Toutefois, vous ne pourrez jamais compenser ce que bon nombre d'entre nous avons souffert ou enduré en vivant bien en deçà du seuil de pauvreté. Cette pauvreté est tout ce qu'elle comporte nous a été imposée par un gouvernement indifférent, un gouvernement libéral, qui est maintenant aux commandes et qui peut réparer le tort qu'il a fait il y a 55 ans.

• 1630

Les libéraux ne sont pas les seuls qui auraient pu réparer ce tort. Les conservateurs auraient pu le faire à de nombreuses reprises. Or, ils ont tout simplement choisi de continuer de nous traiter avec discrimination.

C'est à vous maintenant, le Parlement, de rétablir le sens moral du Canada. Je n'ose pas vous dire maintenant «donnez-nous ce que nous méritons» parce que vous pourriez très bien me dire ce que je mérite et cela pourrait être pratiquement rien, ou pire encore.

Nous n'avons toujours rien reçu. Nous espérons que le Parlement va réparer cette injustice. De nombreuses personnes refuseraient encore de nous donner quoi que ce soit. Elles disent que nous avons été trop payés et que nous pouvons très bien nous débrouiller. Nous entendons toutes sortes de mythes, et ils sont tous faux.

Si vous ne le croyez pas, demandez-le moi.

Des voix: Oh, oh!

M. Bill Riddell: Les pêcheurs hauturiers ont également été laissés de côté. Je les considères comme des anciens combattants. Ils ont servi dans des eaux dangereuses. Bon nombre d'entre eux ont été tués. Des U-boats les bombardaient et brûlaient les embarcations. Ils n'ont pas fait de prisonniers. Bon nombre d'entre eux sont morts. Ils devraient être reconnus comme des anciens combattants.

La plupart d'entre vous semblez d'accord pour dire que nous avons un dossier solide, que nous devrions être indemnisés. Les faits sont là. Le gouvernement nous a maltraités.

De nombreux marins marchands sont venus témoigner devant vous. Je ne sais tout ce qu'ils vous ont dit. Vous êtes ici tout le temps. J'ai de la chance d'être ici aujourd'hui, grâce à votre générosité.

Je suppose que vous avez remarqué que bon nombre de marins marchands ne partagent pas tous le même point de vue. Nous sommes assez indépendants—indisciplinés, non lavés, peu importe le qualificatif que vous voulez utiliser—mais je tiens à vous dire que nous sommes unis dans la conviction que ce que nous voulons, c'est de l'argent, de l'argent qui nous est dû, peut-être une centaine de milliers de dollars pour que nous puissions nous acheter une belle maison, une voiture, pour que nous puissions mener une vie décente, ce que nous n'avons pas fait pendant plus de 55 ans.

Ils ne sont pas tous d'accord avec moi, et je ne suis pas d'accord avec tout ce qu'ils disent. Certains des montants qu'ils réclament me semblent ridicules. Vous ne pouvez pas acheter une voiture usagée décente pour 5 000 $. C'est ridicule. Mais le Canada pourrait se laver les mains de ses obligations et juger qu'il a rempli son devoir.

Quoi qu'il en soit, je pense que vous avez une bonne idée de la situation. Reste à voir combien vous allez nous donner.

Le président: Merci, monsieur Riddell.

Nous avons entendu beaucoup de témoignages. Beaucoup de chiffres différents ont été proposés, allant de zéro jusqu'à 200 000 $. C'est sans doute le chiffre le plus élevé qui a été avancé. Diverses sommes ont été proposées.

Il y a plusieurs autres témoins qui veulent comparaître devant le comité. Nous allons leur donner l'occasion de se faire entendre une fois que nous aurons entendu tous les témoignages, nous prendrons une décision. Le comité formulera une recommandation au gouvernement, et nous verrons ensuite ce qui va se passer.

J'aimerais maintenant céder la parole à M. Griezic.

Je vous souhaite la bienvenue. Une fois votre exposé terminé, nous passerons aux questions.

M. Foster J.K. Griezic (conseiller/expert-conseil auprès de la Coalition pour l'égalité de la Marine marchande): Merci, monsieur le président.

Je suis heureux de comparaître de nouveau devant le comité.

[Français]

Je vous remercie de m'accueillir. Je suis venu ici la dernière fois il y a quatre ou cinq mois avec M. Olmstead.

[Traduction]

Le présent mémoire illustrera et soulignera le fondement des recommandations en vue d'une indemnisation et prouvera pourquoi cette catégorie de Canadiens, qui ont été victimes de discrimination après la Seconde Guerre mondiale, négligés et rejetés par le gouvernement de l'époque et par les gouvernements successifs, méritent une indemnisation après plus d'un demi-siècle d'exclusion et de refus, et comment cela pourrait se faire.

• 1635

Je tiens à dire que je ne suis pas un marin marchand, que j'étais trop jeune pour m'enrôler et que je n'ai aucun intérêt direct dans cette affaire.

Feus Tom McGrath et Gordon Olmstead m'ont approché pour obtenir de l'aide. Après avoir lu les recherches de Gordon et effectué mes propres recherches, je me suis rendu compte de l'injustice existante. À sa demande, j'ai assisté à sa première présentation devant le Sous-comité sénatorial du sénateur Marshall.

Je me suis rendu compte que quelque chose n'allait. Je suis devenu un conscrit consentant. J'aimerais ouvrir une parenthèse et vous parler de Gordon dont l'épouse, Dorothy, est ici aujourd'hui. Vers la fin, je parlais très souvent à Gordon au téléphone. Il avait un ordinateur portatif dans son bureau. Il me disait parfois qu'il n'arrivait plus à taper comme il le voulait. Il demandait ensuite à Dorothy ou à Jamie, «pourquoi n'avez-vous pas trouvé les formules d'impôt?»

Il s'inquiétait de Dorothy, il voulait faire en sorte qu'elle ne soit privée de rien après son départ. L'ordinateur, qui était pour lui un jouet—il aimait bien tout ce qui était électronique—il ne pouvait plus l'utiliser. C'était quelques jours avant son décès.

Mais il s'inquiétait de Dorothy. Dorothy voulait rester à l'hôpital avec lui. Il lui a dit tout simplement, «non, rentre à la maison. Tu as besoin d'une bonne nuit de sommeil. Je suis bien entouré ici, les infirmières s'occupent de moi.» Voilà le genre d'homme qu'il était.

Mais continuons. Nous avons déjà eu le projet de loi C-61. Après 11 ou 12 ans, ils ont dit que cela ne pourrait pas se réaliser. Or, vous l'avez fait. Vous méritez des félicitations pour ce que vous avez fait. Cette situation laissera une marque dans l'histoire du Canada, parce que vous avez corrigé une injustice.

Les Britanniques l'ont fait en 1940, mais en donnant à leurs mesures législatives un effet rétroactif. Il les ont reconnus en 1939 en raison de ce qui leur arrivait. Les Australiens et les Néo- Zélandais l'ont fait immédiatement après la guerre, en adoptant une loi spéciale pour les membres de la marine marchande.

L'Australie, et vous ne le savez peut-être pas—ce n'est pas de notoriété publique—avait le même taux de décès que le Canada, un sur huit. Ce taux était très élevé. Récemment, il y a six ans de cela, les Australiens viennent de poser le même geste que nous, en partie à cause de ce qui se passait ici au Canada. Les États-Unis ne l'ont fait qu'en 1998, mais pour les Canadiens de ce pays, mieux vaut tard que jamais.

Il reste maintenant un dernier chapitre à aborder, celui de l'indemnisation. Appliquer les recommandations concernant la rémunération effaceraient le souvenir du mauvais traitement et de l'injustice du passé.

Je vais vous parler des recommandations et aussi brièvement de certaines des autres questions qui à mon avis sont importantes—soit les salaires, l'impôt sur le revenu, l'absence d'indemnisation des accidents de travail, le chômage, l'accès aux prestations des militaires, l'éducation, ainsi de suite.

J'ai consacré 25 ans de mon existence, soit presque toute ma vie, à l'éducation. Je suis un étudiant perpétuel.

Je vais également vous parler du coût des études post- secondaires. Je vais formuler quelques suggestions ou propositions sur ce que cela pourrait coûter au gouvernement, et sur le nombre de personnes qui seraient visées.

Ces chiffres ne sont définitifs, ils constituent un point de départ. Ils vont vous donner une idée de ce que nous pourrons faire ensemble.

• 1640

Je commence simplement par recommander qu'une indemnisation forfaitaire non imposable, ex gratia, d'un montant de 20 000 $ soit versée aux marins marchands ou à leur conjoint(e)—vous en avez déjà entendu parler—avec un montant supplémentaire de 20 000 $ pour les prisonniers de guerre de la marine marchande en raison essentiellement de la négligence du gouvernement et de la discrimination dont ils ont fait l'objet.

Étant donné qu'ils sont enfin reconnus comme des anciens combattants, il est temps qu'ils reçoivent ce que l'on leur a refusé il y a 54 ans; c'est un corollaire naturel. Cette indemnisation représenterait la négligence et la discrimination qui ont entraîné une perte de possibilités pour eux.

Le comportement du gouvernement, il faut le faire remarquer, a été contraire à la Déclaration universelle des droits de l'homme proclamée par les Nations Unies en 1948, que le Canada a signée, quoique à contre coeur, comme vous le savez.

La négligence est évidente même aujourd'hui et j'ai parlé à un ou deux des députés de ce qui s'est passé en décembre. Des prisonniers de guerre de la marine marchande ont été indemnisés. Le gouvernement ne savait pas qui ils étaient et ne les a pas mentionnés contrairement aux prisonniers de guerre de Hong Kong et de Buchenwald qui l'ont été dans les communiqués des deux ministères, le ministère des Affaires étrangères et le ministère des Anciens combattants; les prisonniers de guerre de la marine marchande n'ont pas été mentionnés. J'ai dû téléphoner pour donner leur nom.

Cette mentalité et cette attitude ne sont pas recommandables et doivent cesser. Si vous avez des propositions à faire à cet égard, je serais heureux de les connaître, car il n'est pas juste, à mon avis, que des Canadiens subissent ce genre de traitement.

Il est vrai que le gouvernement n'a pas en main tous les dossiers pour les prestations fondées sur le revenu. Par conséquent, il faudrait verser une somme forfaitaire non imposable dans les limites des définitions et de la reconnaissance du projet de loi C-61. Nous avons passé beaucoup de temps—presque deux ans—à arriver à ce projet, si bien qu'il est important d'essayer d'y avoir recours le mieux possible.

De même, notre proposition d'un versement forfaitaire est sensée, équitable et juste. Les calculs au pro rata sont un peu plus difficiles et les autres propositions dont on parle sont inéquitables et injustes, vu que l'accès aux prestations de réadaptation après la guerre n'a pas été calculé au pro rata pour les militaires. Je suis prêt à reconnaître qu'il y a eu quelques exceptions, mais ces exceptions font la règle.

Il existe des précédents à ce sujet—les Canado-Japonais internés; la réinstallation forcée des Inuit en 1953; le déplacement des Premières nations également. Tout cela a découlé d'actes délibérés de la part du gouvernement.

En deuxième lieu, nous recommandons que votre comité reconnaisse que les marins marchands étaient sous l'obligation de servir le pays sous l'autorité du gouvernement et qu'ils étaient assujettis à la dure discipline du décret concernant les matelots marchands, du JAG de la marine, du contrôle du service naval, des ordonnances de l'amirauté, etc.

Troisièmement, nous recommandons qu'une indemnisation forfaitaire ex gratia non imposable de 5 000 $ soit versée aux marins marchands qui ont été blessés ou tués pendant la guerre et qui n'ont reçu aucune indemnisation—à moins ce ne se soit produit à la suite d'une intervention de l'ennemi ou d'une contre-attaque, et pour des prestations de santé, et du fait qu'ils se sont vu refuser le PAAC depuis la date d'entrée en vigueur des programmes destinés aux anciens combattants militaires. Nous avons des cas documentés de personnes qui n'ont pas reçu ces prestations.

Quatrièmement, nous recommandons qu'en raison du grand âge des prisonniers de guerre—la marine marchande ayant 89 ans—le gouvernement offre des pensions basées sur un temps plein aux prisonniers de guerre de la marine marchande.

Cela bien sûr crée un autre problème dont je me rends compte et qui nécessitera une législation omnibus. Néanmoins, je crois qu'il faut l'envisager. Cette proposition a d'ailleurs été faite dans le rapport du Comité de la Chambre des communes de 1991 et on n'y a toujours pas donné suite. C'est honteux, à mon avis.

Nous recommandons également que les marins marchands reçoivent un remboursement d'impôt sur le revenu pour l'impôt payé pendant la guerre. Cela va être très difficile car il va falloir fouiller les dossiers, etc.; je le sais bien puisque j'ai moi-même fait beaucoup de recherches. Je sais qu'il en existe, mais je ne peux pas dire en fait s'il y en a beaucoup.

L'autre proposition qui se rattache à celle-ci est la suivante: comme leur âge moyen est de 79 ans et de 89 ans, nous recommandons que le gouvernement leur accorde une existence exonérée d'impôt pour le reste de leurs jours. S'ils ont en moyenne 76 et 81 ans respectivement, il est clair qu'ils ne vont pas vivre très longtemps et ce serait un beau geste.

• 1645

Sixièmement, comme compensation pour avoir exclu les marins marchands des études universitaires gratuites et payées après la guerre, que le gouvernement établisse des bourses universitaires ou collégiales de l'an 2000 pour les enfants, les petits-enfants ou les arrière-petits-enfants des marins marchands en temps de guerre.

C'est ce qui a déjà été fait pour les anciens combattants militaires des Premières nations et le premier ministre l'a fait pour d'autres Canadiens. Ce ne serait pas un coût très élevé.

Septièmement, nous recommandons que l'indemnisation n'empêche, ne minimise ou n'élimine d'aucune façon les modestes prestations que certains marins marchands et leurs épouses peuvent recevoir. Que tous les bénéficiaires de pensions, de soins de santé, de cartes-santé, d'assistance médicale, de soins de longue durée, du PAAC continuent à les percevoir et que ces prestations soient offertes aux nouveaux demandeurs même si le ministère les diminue, ce qui est assez honteux.

Huitièmement, nous recommandons que votre comité ne mette pas sur pied un sous-comité pour enquêter sur les propositions d'indemnisation. Même s'il a le pouvoir de former un tel sous- comité, une mesure de ce genre retarderait indûment le processus et vous enlèverait votre responsabilité démocratique. Je serais heureux de revenir sur ce point un peu plus tard.

Neuvièmement, nous recommandons que votre comité contacte le ministère des Anciens combattants pour s'assurer que les discussions reprennent le plus tôt possible lorsque vous publierez votre rapport—en d'autres termes au lieu d'attendre 150 jours après la publication du rapport. Nous n'avons pas le temps. Chaque mois, 13 marins marchands disparaissent et ne peuvent donc pas profiter de ces mesures.

Je pense qu'il est inutile de revenir là dessus. Vous connaissez suffisamment l'histoire. Nous parlons des marins marchands depuis cinq ou six mois et je m'y intéresse depuis 11 ou 12 ans.

J'aimerais maintenant simplement examiner leur contribution à l'effort de guerre—à mon avis, ils ont contribué doublement—si l'on tient compte des salaires inférieurs qu'ils ont reçus, par exemple.

Je ne vais pas vous lire toute la partie sur les salaires inférieurs si ce n'est pour faire remarquer que personne, jusqu'à présent, n'a été en mesure de réfuter le tableau des salaires inférieurs réalisé par Gordon Olmstead. Cela apparaît clairement dans les dossiers de la Défense nationale, dans les anecdotes racontées par des marins marchands ainsi que dans les journaux de bord.

Nous avons des exemples de marins qui ont simplement quitté la marine marchande pour intégrer la marine et ce, pour deux raisons—c'était plus sûr et cela payait davantage. Le taux de pertes l'indique bien ainsi que les salaires payés.

Vous pouvez examiner les dossiers du gouvernement de plusieurs années—1942, 1943, 1944. Je me ferais un plaisir d'envoyer aux attachés de recherche les RG-24 et RG-27 pour documenter tout ceci.

En mai 1944, Arthur Randles, directeur des marins marchands, a simplement écrit à la compagnie de navigation Parks Shipping en soulignant qu'ils devraient en fait respecter le contrat signé afin que les marins continuent de naviguer.

Je pense qu'il est très important de comprendre que ces salaires n'étaient pas les mêmes.

Il y a aussi la question du bonus de guerre. Il s'agissait d'un bonus de 10 p. 100, mais si la recrue avait moins de 16 ans—comme le jeune Billy Riddell—elle ne recevait que la moitié de ce bonus et cela était parfaitement accepté. Il y a eu donc double discrimination.

• 1650

J'ai indiqué également qu'il existe en fait certains documents qui peuvent prouver de façon concluante que même avec le bonus de guerre, les salaires étaient inférieurs.

J'aimerais passer maintenant à l'impôt sur le revenu. C'est un peu plus difficile, sauf que cela a bel et bien existé et que c'est clairement documenté. Il existe des articles de journaux et des lettres au rédacteur, et il en est question dans les débats de la Chambre des communes: les membres de la marine marchande payaient un impôt sur le revenu contrairement au personnel militaire.

Certains marins marchands ont conservé des bordereaux de paye que j'ai photocopiés et remis au ministère. C'est donc documenté. J'indique ici le montant maximum intentionnellement—peut-être à tort, mais intentionnellement—pour donner une indication de ce que c'était. Je vous ai remis une liste des pourcentages réels d'impôt sur le revenu qui a été perçu.

Il n'y a pas d'indemnisation des accidents du travail. Il y a eu des accidents mortels et des maladies chroniques qui n'étaient pas couverts. C'est vraiment dommage, car les marins marchands ne pouvaient se rendre dans les hôpitaux militaires; ils étaient pratiquement responsables de leur propre santé même s'ils étaient assujettis à la discipline et au contrôle du gouvernement.

Un autre point est à mon avis très important. Ce n'est qu'en 1943 que des cartes officielles ont été créées pour avertir les familles de la perte des marins marchands.

John Milmine, jeune de 16 ans, originaire de Verdun au Québec, a été tué sur son premier navire, le Carolus, en partance de Montréal, torpillé et coulé le 2 septembre 1942. Ses parents n'ont jamais reçu confirmation de son décès par le gouvernement. Aucune prestation de décès n'a été versée car cela s'est passé une année avant la création des cartes d'information.

Le manque de soins et l'exclusion après la guerre—ils ont été maltraités, dénigrés, jugés indésirables par le gouvernement—sont de nouveau clairement documentés. Un des meilleurs exemples est le chômage qui, curieusement, a été institutionnalisé. Cela ne fait aucun doute.

Peut-être pourrais-je souligner deux points. Premièrement, les navires qui ont été privatisés ont été vendus à 25 p. 100 de rabais parce que, selon la publicité faite auprès des acheteurs grecs, ils étaient mal construits. Le gouvernement ne l'avait pas dit aux marins marchands pendant la guerre, mais après la guerre, il s'est servi de cet argument pour liquider ses navires.

C.D. Howe a admis qu'il ne subsisterait que 4 000 des 12 000 emplois. En 1947, il n'y avait plus que 135 navires et 7 000 marins. Un an plus tard, en 1948, ils étaient moins de 4 000 et six ans plus tard, l'effectif était tombé à 20 navires et moins de 1 000 marins, situation pire qu'en 1939.

Le capitaine Brand s'est plaint du rapport de la commission maritime. Il l'avait écrit, mais il a été révisé à des fins politiques plutôt qu'en se basant sur des faits, selon lui.

Du fait de la privatisation, les navires naviguaient simplement sous des pavillons de complaisance. Il n'y avait pas d'emplois, les salaires étaient bas, les conditions de travail étaient mauvaises, etc. Ces gens-là venaient juste d'améliorer leur situation. Le chômage a été mentionné dans les journaux et abordé à la Chambre des communes.

Le 26 septembre 1946, les marins marchands de la côte ouest ont formé la Merchant Marine Rehabilitation Society pour fournir une sorte d'aide aux marins marchands puisqu'ils ne pouvaient trouver d'emplois.

• 1655

Ils ont rencontré Earl Jacobson, prisonnier de guerre japonais en Extrême-Orient, qui a raconté comment il est revenu du camp de prisonniers dans des fringues de l'armée américaine jusqu'à Vancouver. Il s'est rendu au dépôt de personnel pour essayer de trouver un emploi. Il avait perdu 60 livres et ne pesait que 100 livres à son retour. Le dépôt de personnel a simplement dit que non, il ne pouvait lui donner d'emploi. Le gouvernement n'a rien fait pour lui non plus. Il n'était pas question de s'occuper de lui dans un hôpital ou de lui prodiguer des soins—absolument pas.

Que dire des écoles d'entraînement mises sur pied? Eh bien, en 1947, le gouvernement a fermé les écoles d'entraînement ouvertes pendant la guerre. Les nouvelles écoles fournissaient des places—et je cite—«à un effectif limité». Cela figure dans les documents officiels.

En 1948, le gouvernement a admis que «très peu... avaient une formation ou une expérience quelconque leur permettant de gagner leur vie sur terre.» La même année, la Déclaration des droits mentionnait que les pays devaient offrir à leurs ressortissants le droit au travail et à l'éducation.

Le président: Foster, je suis désolé de vous interrompre, mais je vais vous encourager à conclure, si vous le pouvez. Vous donnez des renseignements anecdotiques très intéressants, mais le comité en a déjà beaucoup entendu parler.

Je veux juste m'assurer que les députés vont avoir la possibilité de poser deux séries de questions.

Si vous concluez votre exposé en cinq minutes, nous serons en mesure de le faire.

M. Foster Griezic: Je vais conclure en cinq minutes, monsieur le président, si c'est le temps que vous m'accordez.

J'aimerais parler de l'accès aux prestations des militaires. À ce sujet encore, on s'est opposé à leur verser ces avantages et c'est C.D. Howe en particulier, qui s'y est opposé avec le plus de véhémence.

Le problème en fait, c'est que les marins marchands sont passés entre les mailles du filet de nombreux ministères, les Affaires des anciens combattants, les Transports, le Travail. Ils n'avaient pas de ministre pour défendre leur dossier et cela a véritablement posé un problème.

Ils ont créé leurs propres organisations, mais cela n'a pas suffi. Lorsque des gens sont au chômage et ont la possibilité d'obtenir un emploi au gouvernement, ils peuvent certainement l'accepter et récolter le fruit de ce travail plutôt que de simplement recevoir l'assurance-chômage, comme certains des marins marchands ont dû le faire.

D'autres problèmes ont surgi alors qu'ils essayaient d'améliorer leur situation et ce, malgré un appui considérable qu'ont manifesté après la guerre des entreprises comme Eaton's, Western Bridge and Steel, Beaver Lumber. Néanmoins, le gouvernement a simplement refusé de faire quoi que ce soit pour les aider.

En ce qui concerne les études postsecondaires, il est difficile de déterminer le coût des occasions perdues, mais les marins marchands ont été délibérément exclus de cette possibilité d'améliorer leur situation. Figurer parmi les chefs de file du monde des affaires, du secteur professionnel et de la fonction publique pour les années à venir était réservé au personnel militaire qui a bénéficié d'études universitaires gratuites et payées.

J'ai énuméré le nom de certains de ceux qui ont réussi tout seuls et que j'ai eu en fait l'occasion de rencontrer. J'ai donné l'année 1955 comme point de repère, soit pratiquement dix ans plus tard, mais selon les documents dont je dispose, le personnel de la marine recevait 225 $ par mois pour aller à l'université. Ils font bien sûr partie de la même famille, mais les marins marchands n'ont rien eu.

Pour ce qui est des études professionnelles des marins marchands, seulement 282 des 12 000 marins marchands ont été autorisés à suivre le cours, soit 2 p. 100.

[Français]

Je me souviens bien que M. Lang avait parlé de 10 p. 100. Ce n'est pas 10 p. 100, mais bien 2 p. 100.

[Traduction]

Au chapitre des prestations de pension, la situation est déplorable. Comme cela l'a été documenté, en 1947, 3 p. 100 recevaient des pensions et ce pourcentage n'a augmenté que de façon infime.

J'aimerais citer le cas de Jim Kelley, qui a perdu un pied, ou celui de Sam McGladdery, qui était à l'entraînement avec la marine et qui a dû se faire amputer une partie du pied. Au bout du compte, ces deux personnes recevaient en 1994 84 $ d'indemnisation par mois, même s'ils avaient présenté des demandes à cet effet des années auparavant.

• 1700

On peut rationaliser, à mon avis, le calcul des coûts et des effectifs. Nous savons que la presse a parlé de 100 millions de dollars. Nous savons que le ministre a parlé à la Chambre des communes de 88 millions de dollars. Nous savons que la Gazette du Canada a parlé de 82 millions de dollars pour cinq ans.

Où tout cela a-t-il disparu, c'est un autre problème. Il a toujours été difficile d'obtenir de l'information. Nous croyons, toutefois, qu'il y a des fonds qui pourraient servir. Bien sûr, il se peut qu'ils aient servi à d'autres programmes ou qu'ils aient simplement été reversés au Trésor.

Le fait est, je crois, que le montant de l'indemnisation proposée—20 000 $, 20 000 $ et 5 000 $—est rentable pour le gouvernement. Ce que les militaires ont reçu a été bien supérieur et il est temps que les marins marchands soient traités de la même façon.

Le coût total que représentent les 20 000 $ et les 20 000 $ pour les 2100 marins marchands encore en vie, y compris leur conjoint(e), est estimé entre 52 et 62 millions de dollars environ. L'indemnité supplémentaire pour les prisonniers de guerre—il en reste environ 30—s'élèverait à 800 000 $. Les 5 000 $ supplémentaires pour les marins marchands blessés coûteraient environ 2,5 millions de dollars; on y ajouterait ensuite 1 million de dollars pour les bourses universitaires ou collégiales du millénaire.

Cela arrive au total, mesdames et messieurs, à 56,3 millions de dollars ou au maximum, à 66,3 millions de dollars. C'est à mon avis une demande très raisonnable et très modeste.

Les bénéficiaires seraient les marins marchands en temps de guerre ou leur conjoint(e) selon la définition donnée dans le projet de loi C-61.

La formule utilisée pour arriver aux chiffres en question repose principalement sur le montant brut dû aux marins marchands en temps de guerre. Il est difficile de dire avec une certitude absolue combien il en coûterait pour rembourser ces personnes. Les chiffres que j'ai utilisés sont de simples approximations tirées d'autres exposés que j'ai donnés au ministère ou devant le comité.

Ce fait est souligné par les statistiques de Tom Brooks dans son excellent mémoire. Même dans le mémoire de M. Chatterton, en date du 26 novembre 1998, on retrouve ces estimations.

En conclusion, il reste 2 100 marins marchands encore vivants, mais ils disparaissent rapidement. Ils méritent cette indemnisation. Ils font partie d'une classe marginalisée et dépossédée, comme l'indique le grand nombre de ceux qui reçoivent des prestations calculées en fonction des ressources.

Ils ont attendu un demi-siècle pour obtenir justice. Ils ont raté des occasions. Vous avez la possibilité et l'obligation de leur rendre justice. Les Canadiens de tous les horizons applaudiront vos actes car vous nous libérerez de notre honte collective. C'est avec humilité, mais aussi avec fierté, convaincus de notre bon droit, que nous vous demandons d'agir maintenant, avant qu'il soit trop tard.

Je répondrai volontiers à vos questions.

Le président: Merci, professeur Griezic.

Avant de commencer les questions, je signale la présence parmi nous de Mme Olmstead. Au nom de notre comité, et particulièrement de ceux d'entre nous qui avons eu l'occasion de voyager et de discuter avec M. Olmstead, qui a dépensé énormément d'énergie dans ce dossier, je tiens à lui exprimer, ainsi qu'à sa famille, nos plus sincères condoléances.

C'est bon de vous voir ici aujourd'hui, madame.

Le premier tour de table, avec dix minutes pour les questions, commencera avec M. Goldring du Parti réformiste.

M. Peter Goldring (Edmonton-Est, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je veux moi aussi exprimer mes condoléances à Mme Olmstead. Pour ma part, j'estime que le projet de loi C-61 reflète en grande partie l'excellent travail de Gordon au fil des années.

• 1705

Je vous remercie de vos exposés, monsieur Griezic et monsieur Riddell.

Aujourd'hui, je voudrais parler un peu des occasions perdues, de leur signification et de leurs répercussions. Le capitaine Brooks nous a présenté un exposé qui a chiffré à 100 000 $ environ ces occasions perdues. Mais lorsqu'on tient compte des frais de scolarité, des concessions de terre, des prêts aux entreprises et des subventions aux entreprises, je ne pense pas que M. Riddell soit bien loin du compte lorsqu'il parle de 200 000 $.

D'autres députés ont gloussé de rire, mais si l'on regarde sérieusement les occasions que votre famille... et pas seulement vous, mais également vos frères et soeurs. Plus d'une génération est en cause. Il s'agit de la période qui s'est écoulée depuis la guerre. On ne parle pas uniquement des personnes qui sont ici dans la salle mais de leurs familles entière qui ont été défavorisées depuis de nombreuses années. D'ailleurs, la somme en question aurait pu être donnée aux enfants et aux petits-enfants. Les avantages que vous auriez pu tirer d'un diplôme universitaire, d'une subvention ou d'un prêt pour une entreprise sont autant d'éléments dont vous auriez pu bénéficier à la fin de la guerre et dont les avantages auraient pu être transmis de génération en génération, jusqu'à aujourd'hui. Je pense qu'en soi, le chiffre de 200 000 $ est probablement en deçà de la réalité.

Je tiens à ce que cela soit très clair. En effet, il faut bien comprendre que des avantages énormes découlent du fait d'avoir un diplôme universitaire. Ce sont des avantages qu'à partir de 1948 ou 1949, les marins marchands auraient pu transmettre à leur famille, à leurs enfants et petits-enfants.

Monsieur Riddell, j'aimerais que vous nous en disiez un petit peu plus long. Ai-je raison de dire qu'il s'agit d'un apport considérable à la qualité de vie d'une famille?

M. Bill Riddell: Je le pense. Si j'avais eu les mêmes occasions que d'autres ont eues... Sans argent, je n'ai pas pu tirer parti des occasions qui se sont présentées. Peut-être serai- je très riche aujourd'hui? Nous ne le saurons jamais.

On peut bien dire: «Voyez, c'est aussi bien qu'on ne lui ait rien donné; regardez-le, c'est un idiot; il aurait sans doute gaspiller cet argent de toute façon.»

Mais au bout du compte, nous ne le saurons jamais. Je n'ai pas eu l'occasion de faire quoi que ce soit.

M. Peter Goldring: Oui.

Chose certaine, il est bien connu qu'une éducation universitaire ou une forme quelconque d'aide à la famille peut contribuer à catapulter une carrière, à accélérer le cheminement professionnel.

Bon nombre de personnes autour de cette table ont pu tirer parti de ces avantages au fil des ans, mais les anciens combattant de la marine marchande en ont été privés.

J'aimerais que M. Griezic exprime une opinion sur le fait que d'autres nous ont dit que ces chiffres de 100 000 $ et de 200 000 $ sont des chiffres minimaux. Ce serait très difficile, évidemment, de calculer à combien pourrait ou devrait se chiffrer l'indemnisation, mais ces estimations représentent un minimum.

Qu'en pensez-vous, monsieur Griezic?

M. Foster Griezic: Si l'on considère le revenu de quelqu'un qui a une formation professionnelle, qui a fréquenté l'université, par rapport à quelqu'un d'autre qui ne l'a pas fait, même aujourd'hui; si l'on transpose cela et qu'on revient 40 ou 50 ans en arrière, l'écart de revenu entre les travailleurs scolarisés et les autres est considérable. En fait, ce sont deux mondes distincts.

En l'occurrence, il faut tenir compte de la réalité dans nos propositions. Il faut avoir des attentes réalistes quant à ce que le gouvernement peut nous verser. Il se peut, comme Bill l'a dit, que 100 000 $ ou 200 000 $, ce ne soit pas assez. À bien des égards, ce ne l'est pas, compte tenu des souffrances que les marins marchands ont endurées pendant toutes ces années. Par ailleurs, il faut prendre en compte la réalité financière du gouvernement et ce que peuvent accepter les contribuables à ce stade-ci.

• 1710

Pour l'heure, nous—et vous m'excuserez d'employer le «nous» collectif, qui englobe la coalition et les marins marchands—avons convenu de 20 000 $. Il y a consensus à ce sujet.

À mes yeux, 20 000 $, ce n'est pas suffisant. Dans le domaine universitaire, un diplômé de fraîche date peut immédiatement toucher un revenu de 40 000 $ par année. À côté de cela, 20 000 $, c'est une somme dérisoire.

M. Peter Goldring: À votre vis, qu'est-ce qui a cloché depuis le début? Il est acquis que la marine marchande a été envoyée au front. Les marins marchands ont été déployés dans le théâtre des opérations. Ils ont subi des pertes plus élevées que les trois autres services. Ils ont été prisonniers dans des camps pendant la guerre.

À votre avis, ont-ils été victimes de discrimination dès le départ? Cette discrimination a-t-elle un rapport avec la crainte du communisme, du McCarthyisme ou du syndicalisme? Cela entre-t-il en ligne de compte? Pourquoi n'ont-ils pas eu gain de cause dès les premières années? Pourquoi a-t-il fallu qu'ils attendent 1992 pour se voir accorder une forme de reconnaissance, même si elle n'a pas répondu à toutes vos attentes? Quels autres facteurs ont joué un rôle, quels éléments pourraient expliquer cette discrimination dès le début?

M. Foster Griezic: Un certain nombre de choses entrent en jeu. Le facteur le plus important a été la crainte du communisme et la syndicalisation. L'année cruciale est 1948. Comme nous le savons, c'est cette année-là que la Russie a envahi la Tchécoslovaquie. Le monde a été bouleversé. Dans les pays occidentaux, on craignait que les Russes prennent le contrôle et que le communisme domine le monde entier.

Ce n'était pas seulement en Europe. On a vu le même phénomène ailleurs dans le monde, y compris en Extrême-Orient et au Vietnam.

Le fait est qu'ils étaient syndiqués et que leurs syndicats étaient puissants. Il faut se rappeler de cela. Un syndicat puissant est perçu par les milieux d'affaires—et je ne pense pas vous apprendre quoi que ce soit de nouveau—comme une menace à la rentabilité. Il a été prouvé que ce n'est pas le cas, mais en l'occurrence, nous parlons d'images, d'attitudes et de mythes. Ce fût un facteur critique.

Un autre phénomène intéressant mérite d'être mentionné. Encore une fois, en tant que chercheur, j'aimerais bien pouvoir comprendre. Une chose m'a toujours mystifié, soit le fait que des gens comme J.V. Clyne, président de la Commission maritime canadienne, et M. Chevrier, ministre des Transports, ont détruit leurs dossiers.

M. Peter Goldring: Diriez-vous—et encore une fois, il est difficile de mettre le doigt dessus—que quelque chose s'est vraiment passé d'entrée de jeu, que c'est un acte de discrimination qui a entravé leur reconnaissance tout au long de ces années, jusqu'en 1992 et encore jusqu'à maintenant, alors qu'il faut remettre la pendule à l'heure?

Encore une fois, le fait de demander une indemnisation en argent est plus symbolique qu'autre chose. On ne s'attend pas à ce que cette somme indemnise vraiment les marins marchands—je ne pense pas que cela puisse jamais se faire—, mais cela est perçu comme un symbole important aux yeux des quelque 2 000 marins marchands encore vivants. Cela montre qu'on reconnaît qu'ils ont subi un tort et qu'on tente de le redresser maintenant.

En ai-je assez dit?

Le président: Pourriez-vous répondre brièvement, je vous prie? Nous allons manquer de temps.

M. Foster Griezic: C'est certainement un geste symbolique. Il va de soi qu'on peut demander à des vérificateurs de se pencher sur le problème et ils vous fourniront divers chiffres. Compte tenu de la façon dont les marins marchands ont été traités...

Il existe des documents qui prouvent que cette crainte du communisme a joué. Cela ne fait absolument aucun doute. Ils ont été taxés de communistes et en ont souffert, sans qu'il y ait eu de leur faute.

C'est un geste symbolique que de leur verser à chacun 20 000 $ et 20 000 $ de plus aux prisonniers de guerre... Il va de soi qu'il est de notre devoir de le faire.

M. Peter Goldring: Merci.

[Français]

Le président: Monsieur Laurin, vous avez dix minutes, s'il vous plaît.

• 1715

M. René Laurin (Joliette, BQ): Monsieur le professeur, dans votre texte, vous dites que les marins marchands ont été exclus du Programme d'autonomie des anciens combattants en 1988 et qu'en 1990, la Légion a appuyé leur inclusion dans ce programme.

Pour moi, cela ne correspond à rien. Pourriez-vous m'expliquer de quoi vous parlez?

M. Foster Griezic: Je vais essayer de le faire, mais je ne suis pas membre de la Légion. En 1988, le gouvernement a modifié le règlement pour exclure les marins marchands de ce programme, mais à sa réunion annuelle à Vancouver, en 1990, la Légion a adopté une résolution recommandant qu'on accepte maintenant les marins marchands. Selon moi, c'est parce que des gens comme M. Olmstead, M. Riddell et moi avions dit qu'il fallait que le gouvernement inclue les marins marchands dans le Programme d'autonomie des anciens combattants.

M. René Laurin: Quel est ce Programme d'autonomie des anciens combattants?

M. Foster Griezic: Les anciens combattants vivent à la maison au lieu de vivre dans un hôpital. Il y a des gens qui vont chez eux pour faire des réparations, etc. Une infirmière se rend chez ceux qui sont malades pour les aider. Il en coûte très cher pour ceux qui restent à l'hôpital. Il vaut mieux qu'ils restent à la maison; c'est moins cher.

M. René Laurin: C'est une sorte de virage ambulatoire qui a eu lieu 10 ans avant celui qu'on connaît aujourd'hui.

Il y a une autre chose qui m'intrigue beaucoup. Remarquez bien que je suis d'accord sur une indemnisation; ce sont les montants qui sont matière à discussion. Lorsque vous parlez d'indemniser les marins marchands pour des études postsecondaires qu'ils n'ont pu faire parce qu'ils n'ont pas obtenu d'argent, je me pose des questions.

La gratuité scolaire pour les enfants, qui est mise en oeuvre aux niveaux primaire et secondaire et un peu au niveau collégial mais non au niveau universitaire, est basée sur le principe que l'instruction est une richesse nationale qui bénéficie à toute la nation et qu'il est normal que la nation en paie une partie parce que les gens mieux instruits contribueront davantage à l'économie de la nation.

Si la nation donnait aujourd'hui une indemnité pour des études universitaires qui n'ont pas été faites, comment pourrait-elle en retirer des profits puisque ces gens ne feront pas des études aujourd'hui? À ce moment-là, on ne ferait que leur donner à eux une indemnité pour ce qu'ils ont manqué personnellement. La nation n'en tirerait aucun profit. L'individu recevrait une indemnité, mais la nation n'y trouverait pas son compte.

Deuxièmement, c'est un mythe quand on dit que certains ont fait leur études gratuitement. Les gens qui font aujourd'hui des études universitaires au Québec finissent leurs études avec une dette moyenne de 22 000 $. Dans les autres provinces, ils doivent rembourser une dette moyenne de 40 000 $. Je ne vous apprends rien puisque vous êtes un professeur d'université. Vous êtes parfaitement au courant que cet argent n'est pas donné aux étudiants et qu'ils doivent rembourser la nation. Il y a bien quelques bourses, mais les bourses qui sont données sans exigence de remboursement sont la plupart du temps données par des organismes privés. L'État en donne peut-être quelques-unes, mais tel n'est pas le principe général. Il n'y a pas d'injustice parce que ceux qui reçoivent aujourd'hui de l'argent doivent le rembourser.

• 1720

M. Riddell nous a dit qu'il avait été privé de cela et qu'il aurait probablement pu devenir riche s'il en avait bénéficié et il réclame de 100 000 $ à 200 000 $. Il dit que ce ne serait pas exagéré. Je suis bien d'accord avec lui. Connaissant M. Riddell et son talent pour s'exprimer, il aurait probablement pu devenir président de la Banque Royale. Alors, 100 000 $ à 200 000 $, ce n'est sûrement pas assez parce que le président a un million de dollars. Je trouve que c'est vrai dans son cas: il aurait peut-être pu arriver là. Mon problème, c'est quand il prend son cas et l'élargit à tous les autres anciens marins marchands. Si ceux-là avaient tous pu devenir président de la Banque royale, on aurait de sérieux problèmes dans le calcul de l'indemnité, mais on est dans le fictif.

Vous disiez qu'un diplômé universitaire gagnait 40 000 $. Monsieur le professeur, je pourrais vous en présenter plusieurs qui terminent à l'université et qui doivent attendre un an ou même deux ans avant de se trouver un emploi, et quand ils en trouvent un, c'est à 23 000 $ ou 25 000 $ par année. Ils ne gagnent pas tous 40 000 $.

Devant des arguments comme ceux-là, on est vraiment dans l'arbitraire. Nous pourrions fixer un montant que nous trouverions juste mais que les marins marchands pourraient trouver injuste. Devant un fait comme celui-là, je me dis qu'on n'arrivera sûrement pas à chiffre basé sur des données scientifiques. Il va falloir qu'un jour on s'entende sur un montant arbitraire, qui va devoir être acceptable pour la majorité des contribuables qui le paient. Ce n'est pas le gouvernement qui fait un cadeau aux anciens marins marchands, mais les contribuables. C'est toute la population. Nous ne sommes que leurs représentants. C'est comme si on demandait le paiement d'indemnités de 20 000 $ aux 30 millions de Canadiens. Ils diraient: Trouvez-vous que j'en ai fait assez pour mon pays pour mériter ça?

Je me pose des questions à cet égard.

M. Foster Griezic: Monsieur Laurin, je comprends bien ce que vous dites, mais j'ai un problème et je vais essayer de vous l'expliquer.

D'après moi, la marin marchand est un gars qui a bien travaillé pour le gouvernement. Au bout de cinq ou six ans, il y avait deux gars: l'un avait été dans l'armée et l'autre, dans la marine marchande. Le militaire a eu droit à des études universitaire dans le domaine de son choix. Il n'est peut-être pas devenu président d'une grande compagnie, mais il est peut-être devenu avocat ou médecin.

M. René Laurin: Il faut aussi réussir des examens.

M. Foster Griezic: Oui, il faut réussir et c'est toujours vrai aujourd'hui, mais quand même, il a eu l'occasion d'aller à l'université. Le gouvernement a ouvert la porte à ces gens-là, mais pas aux marins marchands.

M. René Laurin: Oui, je le comprends.

M. Foster Griezic: Ce n'est pas juste. Vous parlez des gens qui fréquentent actuellement l'université. Ce n'est pas la même chose. Eux ont le choix, mais M. Riddell s'est engagé dans la marine marchande à l'âge de 15 ans et y a passé trois ou quatre ans, et le gouvernement, à la fin de la guerre, lui a dit: «Merci beaucoup.» Qu'est-ce qu'un gars peut faire? Il ne peut pas aller à l'école car il doit se chercher un emploi.

Il y a aussi le cas de M. Arsenault, un homme à qui j'ai demandé de venir témoigner ici mais qui n'a pas pu venir parce qu'il était malade. Il habite Terrebonne. Il dit qu'il a été vraiment chanceux car ses parents ont tout fait pour lui. Le bateau de M. Arsenault a été torpillé. Il a réussi, mais grâce à sa famille. Il n'a rien reçu du gouvernement canadien.

• 1725

Je pense que c'une chose vraiment différente. Le marin marchand et le militaire ont fait la même chose pendant la guerre. L'un a reçu de l'aide du gouvernement, surtout pour s'instruire. L'autre n'a rien reçu.

[Traduction]

Le président: Merci.

Monsieur Wood, vous avez 10 minutes.

M. Bob Wood (Nipissing, Lib.): Merci, monsieur le président.

Professeur Griezic, je m'inquiète quelque peu des totaux dont il est question ici. D'après les chiffres que vous citez à la page 15, si l'on englobe le remboursement de l'impôt sur le revenu dans le régime d'indemnisation, on arrive à 1 milliard de dollars. Lorsque M. Shadderton a comparu la semaine dernière, il nous a dit qu'il y avait environ huit autres groupes civils qui espèrent obtenir une indemnisation semblable—ce qui représente au total 2 000 personnes, si je ne m'abuse. Il s'agit donc de sommes considérables et possiblement d'un précédent qui pourrait être appliqué à d'autres ministères du gouvernement. Cela dit, je veux revenir à vos chiffres, monsieur.

Vous dites qu'en ce qui a trait au remboursement de l'impôt sur le revenu, vous souhaitez qu'il soit versé à la totalité des 12 000 marins. Cela m'amène à poser deux questions. Premièrement, que va-t-il se passer dans le cas de ceux qui ont rempli une déclaration d'impôt à la fin de chaque année au cours de la guerre et qui ont reçu un certain montant qui constituerait un remboursement à tout le moins partiel? Deuxièmement, si tel était le cas, ils recevraient un deuxième remboursement 55 ans plus tard. Avez-vous des statistiques à cet égard?

M. Foster Griezic: Non, j'avoue que je n'en ai pas.

Monsieur Wood, permettez-moi d'apporter une précision. Les éléments proposés au titre de l'impôt sur le revenu, de même que certaines autres suggestions, sont des arguments plausibles compte tenu de ce qui leur est arrivé. Au bout du compte, si l'on met les choses en contexte, nous souhaitons essentiellement le versement d'une somme additionnelle de 20 000 $ et de 5 000 $. Voilà pourquoi lorsque nous avons évoqué ce montant à la page précédente, nous avons parlé de 62 ou 66 millions selon cette liste. Si nous englobons cet autre élément, vous avez raison. Il s'agit, selon mon interprétation, et selon l'interprétation de la coalition et d'autres intervenants... Lorsque nous avons réuni cela, nous voulions essentiellement illustrer ce qui était arrivé à la marine marchande. Il s'agit de cas documentés qui montrent quelles ont été les interactions entre la marine marchande et le gouvernement pendant la guerre.

Autrement dit, je laisse entendre qu'ils pourraient demander ces sommes et ces remboursements. Que cela pose quantité de problèmes complexes, je ne le nie pas. Au bout du compte, je rapporte simplement que nous sommes au courant de tout cela et que nous ne demandons pas de telles sommes; ce que nous espérons obtenir est mentionné ici.

M. Bob Wood: Vous les demandez.

M. Foster Griezic: Les autres qui ont été mentionnés...

Le président: Professeur, chaque député a 10 minutes et si vous prenez tout le temps pour la réponse... Je me dois de redonner la parole à M. Wood.

M. Bob Wood: Mais vous demandez tout de même des remboursements d'impôt. Je voudrais savoir pourquoi vous proposez d'indemniser rétroactivement uniquement les marins marchands vivants et leurs conjoints? Vous avez parlé d'un remboursement d'impôt. Lors de sa comparution, M. Chadderton a déclaré que ces versements devraient être remis à la succession des marins décédés. Dans votre mémoire, vous proposez de verser des bourses universitaires ou collégiales aux enfants des marins marchands. Ce qui m'inquiète, c'est que dans certains cas, on parle d'indemniser uniquement les survivants et leurs conjoints et que dans d'autres, on parle de verser certaines sommes à la succession et aux parents survivants de ces anciens combattants. Dans les deux cas, il s'agit de chiffres imposants. J'aimerais que vous me disiez ce qu'il en est car j'estime, professeur Griezic, qu'il faut que vous soyez précis.

M. Foster Griezic: J'essaie d'être aussi précis que possible.

Vous constaterez qu'à la page 2, j'ai proposé que la succession... Nous n'avons pas inclus les successions et si nous le faisions, nous remonterions à 1997 car c'est la première année où le gouvernement a mandaté des porte-parole pour discuter avec nous. Ces derniers nous ont dit que le gouvernement était disposé à envisager l'adoption d'une mesure législative et le versement d'une indemnisation, les volets un et deux. Souvenez-vous que ce sont eux qui nous ont contactés et qui ont fait cette répartition. Par conséquent, cela nous a semblé la date qu'il convenait d'utiliser comme point de départ.

• 1730

Pour ce qui est de la succession, je pense... il y a des gens en marge de la succession qui espéraient, avec l'annonce des bourses du millénaire, par exemple, que leurs enfants et leurs petits-enfants pourraient en tirer parti. Cela ne se comparerait pas à ce que les autres recevraient, mais c'est le mieux que nous pouvions faire. Il y a peut-être des meilleures approximations. Croyez-moi, monsieur Wood, nous sommes ouverts aux propositions et suggestions.

M. Bob Wood: Merci.

Le président: Cinq minutes, monsieur Wood.

M. Bob Wood: Il y a une autre question qu'il faut régler, professeur Griezic, et c'est l'attitude de nos Alliés à l'endroit de leurs marine marchande. À maintes reprises, on a répété que la Grande-Bretagne avait inclus les marins marchands dans sa loi relative aux anciens combattants pratiquement depuis le début de la Seconde Guerre mondiale. C'est peut-être vrai, mais les prestations que reçoivent les Britanniques sont-elles comparables à celles que touchent les anciens combattants canadiens? Je reçois souvent des demandes d'anciens combattants britanniques qui vivent au Canada qui souhaitent avoir accès aux prestations des anciens combattants canadiens parce qu'elles sont plus généreuses que celles versées par la Grande-Bretagne.

C'est bien beau de dire que la Grande-Bretagne a reconnu la contribution de sa marine marchande et verse des prestations, mais il faut savoir quelle est la nature de ces prestations et ce que cela représente aujourd'hui. Pouvez-vous répondre à cette question? Si vous ne le pouvez, y a-t-il des témoins ici qui pourraient me répondre avec précision.

M. Foster Griezic: Je peux faire deux suggestions à cet égard. Je sais, pour avoir participé à cet exercice, qu'au ministère des Affaires des anciens combattants, on a passé en revue les prestations versées par divers pays aux termes de la législation existante. J'ai signalé aux responsables ce qui a été fait immédiatement après la guerre et pendant la guerre. Pour reprendre l'exemple du régime britannique, les Britanniques ont offert...

M. Bob Wood: Je veux poser d'autres questions et j'ai l'impression que vous faites traîner les choses. Mais ça va.

M. Foster Griezic: ... des cours universitaires à leurs marins marchands après la guerre.

M. Bob Wood: Je sais.

M. Foster Griezic: Il est vrai qu'il y a des différences. Certains Britanniques affirment pouvoir obtenir davantage ici. D'autre part, en Norvège, les prestations sont encore plus généreuses.

M. Bob Wood: D'accord.

Bon nombre d'autres témoins ont également affirmé que nos autres Alliés, dont certains ont été mentionnés par vous—les États-Unis, l'Australie et la Nouvelle-Zélande—ont reconnu la contribution de la marine marchande et ont proposé de leur verser la totalité des prestations versées aux anciens combattants. Comme vous le savez, le Canada maintient la même position depuis 1992, date à laquelle le gouvernement conservateur a présenté son projet de loi. Comme vous le mentionnez, nous avons fait un pas en avant avec le projet de loi. Mais ne 1992, il n'était pas question de rétroactivité. Corrigez-moi si je me trompe, mais en réponse à une question de mon collègue, M. Proud, il me semble que M. Chadderton a répondu que si cette disposition avait figuré dans le projet de loi en 1992, il n'aurait pas été adopté. Sept années se sont écoulées et cela est de nouveau sur le tapis.

Je crois savoir que les avantages que nous offrons sont approximativement les mêmes que ceux des autres pays. Par exemple, quels avantages les États-Unis ont-ils offerts aux anciens combattants de leur marine marchande que le Canada n'a pas offerts? Quels avantages le gouvernement d'Australie a-t-il donnés à ses anciens combattants de la marine marchande que le Canada n'a pas offerts? Y a-t-il des avantages consentis par la Nouvelle-Zélande que le Canada n'offre pas? En d'autres mots, qu'est-ce que la marine marchande canadienne a à envier à celle des autres alliés?

M. Foster Griezic: Le premier est l'accès aux études. Je peux commencer par celui-là, et très simplement... Puis-je prendre comme exemple l'Australie?

M. Bob Wood: Faites comme bon vous semble.

M. Foster Griezic: D'accord. Essentiellement, ils ont obtenu... Comme vous employez l'expression «anciens combattants», j'ai de la difficulté à faire la distinction entre les anciens combattants de l'armée...

M. Bob Wood: Je parle des anciens combattants de la marine marchande.

M. Foster Griezic: Parlons donc d'anciens combattants de la marine marchande. Si vous examinez la situation en Grande-Bretagne, ils ont obtenu les mêmes avantages, tout comme en Australie et en Nouvelle-Zélande. Aux États-Unis, la situation est différente; des changements ont été apportés en 1988. En Australie, les changements apportés sont simplement venus du fait que les Australiens ont décidé que ces Canadiens avaient en réalité raison, qu'ils devraient relever de la même loi que les autres anciens combattants. Ils ont donc élargi la portée de leur loi pour les y inclure et ils se sont débarrassés de la loi qui les désignait comme des marins marchands. Toutefois, ils ont eu droit aux mêmes avantages qu'ils avaient avant—je dis bien avant—d'être assujettis à cette loi. C'est le Canada qui a été négligent.

Le président: Un instant, monsieur Wood.

• 1735

M. Bob Wood: D'accord.

Dans votre exposé, vous faites des comparaisons entre les anciens combattants de la marine marchande et d'autres groupes. Vous vous en servez comme exemples de personnes que le gouvernement a indemnisées en réparation d'une injustice. Je me demande simplement si la comparaison est juste, parce que certains groupes mentionnés ont subi plus ou moins le même sort et peuvent être facilement repérés. Les marins marchands représentent selon moi un groupe plus hétérogène. C'est ce que nous avons constaté. Certains n'ont fait que quelques traversées, d'autres y ont passé six années de leur vie et d'autres encore ont affronté des périls plus grands ou ont été incarcérés plus longtemps que les autres. De toute évidence, la situation de chacun varie. Pouvez-vous justifier qu'ils aient par conséquent tous droit à la même indemnisation?

M. Foster Griezic: Oui, je le crois. Puis-je vous répondre en vous posant moi-même une question?

M. Bob Wood: C'est vous le témoin.

M. Foster Griezic: Fort bien, si j'ai le droit de le faire.

Pouvez-vous me dire quelle est la différence entre un jeune qui, à 16 ans, effectue son premier voyage—comme celui que j'ai mentionné dans mon exposé, John Milmine—et qui, en septembre 1942, est tué au service de son pays et un autre qui a été tué en 1945, en mai pour être plus précis, soit vers la fin de la guerre, un gars qui ne s'était enrôlé qu'en décembre 1944? Quelle est la différence entre les deux?

Le président: Je suis désolé,...

M. Foster Griezic: Quelle est la différence?

Le président: ... mais je vais devoir céder la parole à M. Earle, des néo-démocrates, qui dispose de dix minutes.

M. Gordon Earle (Halifax-Ouest, NPD): Merci, monsieur le président. Je ne crois pas que j'aurai besoin des dix minutes au complet.

Je peux tout d'abord honnêtement dire que j'aimerais moi aussi transmettre mes condoléances à Mme Olmstead, les féliciter, elle et son époux, du travail qu'ils ont fait dans ce dossier et de leur donner l'assurance que nous les appuyons en principe dans ce qu'ils essaient de faire, c'est-à-dire d'obtenir justice pour la marine marchande.

La difficulté que nous éprouvons tous, je suppose, est d'évaluer le montant qui ferait réellement justice à ces hommes et femmes, parce que nous savons qu'en réalité, rien ne compense l'injustice commise à leur égard. Donc, ce qu'il faut faire, je suppose, c'est d'essayer de trouver une solution très pratique et acceptable à tous en vue de clore, en quelque sorte, ce chapitre de notre histoire.

Divers témoins nous ont suggéré différents montants, allant de 5 000 $ jusqu'à 200 000 $, comme nous l'avons entendu aujourd'hui. En dernière analyse, y a-t-il un montant à propos duquel tous sont d'accord pour dire qu'il représente une indemnité juste ou symbolique en réparation de l'injustice? On parle constamment d'un montant de 20 000 à 30 000 $ comme indemnité raisonnable.

Toutefois, ceux qui ont recommandé un montant de 200 000 $ ou de 100 000 $ se sentiraient-ils à l'aise si l'indemnité correspondait à ce qu'a proposé M. Griezic? Constaterions-nous plutôt, en bout de ligne, que nous sommes toujours confrontés à des personnes insatisfaites du règlement?

L'essentiel, c'est que, si nous appuyons l'idée d'une indemnité, il faudra que le comité propose un montant. Il faudra proposer quelque chose qui, avec un peu de chance, satisfera, en fin de compte, la majorité des personnes intéressées à ce dossier.

Je suppose que ma question s'adresse davantage à M. Riddell, qui a cité le montant de 200 000 $. Je sais qu'en toute équité, comme l'a mentionné M. Goldring, on pourrait peut-être justifier un pareil montant, mais je doute fort que le gouvernement finisse par verser 200 000 $ à tous les marins marchands qui ont subi cette injustice. Donc, en réalité, quel montant vous semblerait raisonnable? Je suppose que je lance le débat à cet égard.

M. Bill Riddell: Quelques centaines de milliers de dollars.

M. Gordon Earle: D'accord.

M. Bill Riddell: M. Laurin demande en quoi cela est avantageux pour le pays? Nous avons payé il y a 55 ans pour la qualité de vie dont vous jouissez tous aujourd'hui. Où seriez-vous aujourd'hui? Auriez-vous cette qualité de vie si nous étions demeurés à la maison, si nous n'avions pas fait ce qu'il fallait, il y a 60 ans? J'ai fait ce qu'il fallait. C'était considéré comme étant le bon choix pour son pays, pour les Alliés, mais ce ne fut pas le bon choix pour moi. J'aurais dû rester chez moi, poursuivre mes études et m'enrichir comme certains d'entre vous.

• 1740

Le président: Toutefois, votre réponse est 200 000 $, n'est-ce pas, monsieur Riddell?

M. Bill Riddell: Bien sûr!

Le président: D'accord.

Monsieur Earle.

M. Gordon Earle: Monsieur Griezic, je vous pose la même question. Vous avez fourni pas mal de renseignements dans votre mémoire en fonction de différents scénarios, mais, en définitive, quel serait le montant...?

M. Foster Griezic: Le montant final, comme j'ai essayé de le dire tout à l'heure à M. Wood, est essentiellement... Nous sommes unanimes—je crains presque d'utiliser l'expression—au sein des associations et des groupes de marine marchande pour dire que, tout d'abord, ce n'est pas suffisant, mais qu'on est disposé à accepter une première indemnité de 20 000 $, une autre indemnité de 20 000 $ et 5 000 $. Nous semblons avoir l'appui des grands organismes de représentation des anciens combattants, ce dont je suis absolument ravi, l'appui de M. Chadderton des Amputés de guerre et de l'AMDA—je ne souhaite pas parler en son nom, mais c'est ce que je crois savoir—tout comme celui de la Légion.

Je ne suis pas sûr au sujet des anciens combattants de l'ANAF. Nous n'avons pas encore communiqué avec ce groupe, mais ils ont affirmé être disposés à accepter un règlement. Je vous ai fait une critique de leur proposition dont je laisserai un exemplaire aux attachés de recherche et à M. O'Brien pour qu'on la fasse circuler. Cependant, je crois savoir qu'ils se contenteraient... Se contenter n'est peut-être pas l'expression juste. Si j'ai bien compris, ils seraient «disposés» à accepter ce montant.

Le président: Fort bien.

Monsieur Earle, je vous remercie.

Monsieur Price, du Parti progressiste conservateur.

M. David Price (Compton—Stanstead, PC): Merci, monsieur le président.

Je transmets aussi mes condoléances à Mme Olmstead. Je suis convaincu que les efforts déployés par M. Olmstead n'auront pas été vains. Nous en arrivons à un point maintenant...

Pour sauver du temps, je poserai une série de questions. Tout d'abord, nous en sommes au projet de loi C-61 maintenant. Croyez- vous que les anciens combattants de la marine marchande sont satisfaits de cette mesure jusqu'ici?

De plus, tout au long de votre exposé, vous nous avez fait la liste des indemnités qui, additionnées, représente entre 53 millions et 66 millions de dollars. Est-ce l'avis de la coalition? Vous avez dit, il y a quelques instants, que toute une série de groupes sont plus ou moins unanimes à ce sujet. Si nous examinons le montant, le montant définitif, est-ce un règlement définitif? Il n'y en aurait pas d'autres?

Enfin, en avez-vous discuté avec le groupe d'étude proposé par M. Chadderton, celui qu'il a mentionné la semaine dernière? Seriez- vous en faveur de la formation d'un pareil groupe et du calendrier qu'il a décrit, soit d'une échéance de 30 jours, je crois?

Voilà mes questions.

M. Foster Griezic: À nouveau, je ne peux pas parler au nom de M. Chadderton, parce qu'il le fait lui-même avec beaucoup d'éloquence.

M. David Price: Je comprends. En avez-vous discuté avec lui?

M. Foster Griezic: Oui, nous en avons discuté. Il se trouve que je n'étais pas là quand les discussions ont eu lieu, mais je crois savoir qu'il n'est pas nécessaire de former un sous-comité.

La formation d'un sous-comité me préoccupe, d'une part, parce qu'il prend trop de temps...

M. David Price: C'est pourquoi j'ai mentionné une échéance...

M. Foster Griezic: ... même si nous lui imposons une échéance, car à ce moment, si l'on fixe une échéance, on dispose alors de 150 autres jours,... cela ne finirait plus. Vous savez, M. Price, je fais cela depuis 12...

M. Bill Riddell: Depuis longtemps.

M. Foster Griezic: Depuis longtemps... J'aimerais qu'on en finisse. Je ne dis pas cela pour moi, croyez-moi. Je parle dans l'intérêt de ces gars-là, comme Bill. Ils en ont besoin. Le gouvernement est en train de réduire les avantages. Bientôt, il n'y aura plus de «quasi-bénéficiaires». Celui qui a été envoyé sur un théâtre de guerre n'obtiendra rien. C'est ce qui est en place pour les anciens combattants de la marine marchande qui ont besoin des indemnités dès maintenant. Ils ont atteint un âge où leur niveau de vie, leur qualité de vie, exige ce montant. Ils en ont besoin tout de suite, parce qu'il ne leur reste pas beaucoup d'années...

M. Bill Riddell: C'est vrai.

M. Foster Griezic: ... et qu'un montant de 20 000 $ ferait l'affaire.

Pour ce qui est du sous-comité, je n'en vois tout simplement pas la nécessité. Toutes sortes d'autres facteurs entrent en jeu. Il faudra incontestablement que nous discutions avec les ministères des Finances, de la Justice et des Anciens combattants. Cela, nous l'avons compris, mais cela se produira même si vous décidez de...

• 1745

M. David Price: C'est donc là votre proposition définitive.

M. Foster Griezic: À nouveau, je ne voudrais pas dire qu'on ne peut pas aller jusqu'à 66,4 millions de dollars. Il faut qu'il y ait une certaine latitude.

M. David Price: D'accord.

Pour ce qui est du projet de loi C-61, du reste, et du niveau de satisfaction à cet égard, qu'en est-il?

M. Foster Griezic: J'en suis certes satisfait. Bill a participé à sa rédaction. M. Olmstead a abattu une tâche incroyable. Tom Brooks, Bill Bruce, Muriel MacDonald... Ce que nous entendons comme réaction des marins marchands et des capitaines, c'est qu'ils sont très satisfaits parce qu'enfin, l'histoire les a...

M. David Price: Reconnus.

M. Foster Griezic: C'est cela.

Le président: Merci, monsieur Price.

J'ajouterais simplement moi-même, en réponse à votre question, en vue de simplement rafraîchir la mémoire des membres du comité, qu'en ce qui concerne le projet de loi C-61, les groupes d'anciens combattants, y compris les marins marchands et les divers organismes de représentation des marins marchands y ont accordé leur appui. Presque tous ceux qui nous ont écrit ont affirmé qu'ils appuyaient entièrement le projet de loi à condition que nous réglions cette question—ce que nous sommes en train de faire. Selon ce que j'ai vu en tant que président, le projet de loi jouit de très grands appuis.

M. David Price: Je me demande simplement, monsieur le président, à quel point on se sentait à l'aise après...

Le président: La manière dont ont été informés les membres? Je comprends votre question, mais je croyais simplement qu'il convenait de vous rafraîchir la mémoire à ce sujet.

Nous allons entamer un deuxième tour de table, chacun disposant de cinq minutes cette fois, en commençant par M. Goldring.

M. Peter Goldring: Merci, monsieur le président.

Monsieur Griezic, quelqu'un a mentionné tout à l'heure une préoccupation concernant les autres groupes et organismes qui pourraient eux aussi demander une indemnisation. D'autres groupes et organismes ont été indemnisés, par exemple, les Canadiens japonais, les Autochtones placés dans des internats... et il y en aura probablement d'autres.

Toutefois, j'aimerais savoir quel rapport cela a avec cette affaire-ci. À mon avis, il faudrait que chaque question se défende et, manifestement selon moi, les revendications des anciens combattants de la marine marchande sont justifiées. Il ne faudrait pas tenir compte de la façon dont cela influe sur d'autres groupes et organismes, parce que chaque situation est tout à fait unique. Pourriez-vous me donner votre opinion à ce sujet? Qu'en pensez- vous?

M. Foster Griezic: Vous avez parfaitement raison. Chaque situation est unique. Cela ne fait aucun doute. Je serais un très piètre historien si je ne reconnaissais pas le fait. En histoire, la répétition n'existe pas.

M. Peter Goldring: Il pourrait donc y avoir d'autres revendications, d'autres groupes...? Il appartient au gouvernement d'en juger, selon sa bonne conscience.

M. Foster Griezic: Ce dont il faut tenir compte, monsieur Goldring, quand on examine cette question... Il se peut fort bien que d'autres demandes soient valables. Il faudra que ces groupes fassent le genre de recherches qu'a effectuées Gordon.

M. Peter Goldring: Il faudrait qu'elles se justifient d'elles- mêmes, à ce moment-là.

M. Foster Griezic: C'est juste. Vous avez tout à fait raison.

M. Peter Goldring: Par conséquent, votre proposition, qui semble être une proposition «20-20», soit 20 000 $ pour les anciens combattants et 20 000 $ pour les prisonniers de guerre...

M. Foster Griezic: Non. C'est une autre indemnité de 20 000 $.

M. Peter Goldring: Oui. Cette proposition ou quelque chose s'en rapprochant a vraiment l'appui fondamental de la plupart des groupes d'anciens combattants et de l'organisme de M. Chadderton et jouit d'un bon appui des groupes et organismes d'anciens combattants comme solution au problème. Je suis sûr que cet appui serait aussi considéré comme un geste symbolique, car bon nombre de personnes sont d'accord, je crois, avec M. Riddell pour dire que l'indemnité aurait pu être beaucoup plus élevée. Cependant ce genre de proposition «20-20» me semble acceptée par de nombreux groupes et organismes d'anciens combattants comme un geste symbolique. Pouvez-vous me donner votre opinion à ce sujet?

• 1750

M. Foster Griezic: À nouveau, elle établit un précédent, en un certain sens, mais ce n'est pas vraiment un précédent—en dépit de la contradiction. Le fait est qu'il faudra régler chaque dossier au cas par cas. Il faudra effectuer de la recherche, documenter, prouver. Quant aux montants symboliques de 20 000 $, de 20 000 $ et de 5 000 $, si j'étais un homme d'affaires, je dirais que c'est une véritable aubaine pour le gouvernement, étant donné ce qui s'est produit dans le passé et où vivent actuellement ces gens.

Il ne faut pas oublier non plus que cet argent—ces indemnités de 20 000 $, de 20 000 $ et de 5 000 $—, comme nous le savons tous, contribuera à stimuler l'économie. Ces personnes ne se contenteront pas simplement de les mettre en banque. Elles vont s'en servir pour améliorer leur qualité de vie, comme elles sont censées le faire.

M. Peter Goldring: On semble insister pour savoir si l'argent va servir à l'éducation. Il y a beaucoup plus que les études en jeu. On parle de la multitude d'avantages dont jouissaient les forces régulières, allant de subventions à l'achat de maison à des prêts à l'entreprise. C'est beaucoup plus qu'une simple question d'éducation, bien que l'accès aux études soit très important.

M. Foster Griezic: Absolument.

Le président: Très bien. Je vous remercie, monsieur Goldring.

Monsieur Proud.

M. George Proud (Hillsborough, Lib.): Merci, monsieur le président. J'ai deux ou trois petites questions.

Je tiens tout d'abord à exprimer mes condoléances à Mme Olmstead. Elle n'était pas ici l'autre jour lorsque j'ai fait ce discours. La première fois que j'ai rencontré Gordon, c'était en 1991-1992, à l'époque où le projet de loi C-84 occupait toute notre attention. J'étais dans l'opposition. Il venait souvent à mon bureau accompagné de Bill Riddell et d'autres, et je l'ai toujours respecté. Il s'est dévoué énormément au service des anciens combattants, les marins marchands, et à l'époque, les grands sujets de discussion entourant le projet de loi C-84 étaient les expressions «anciens combattants de la marine marchande» ou «anciens combattants» et «la haute mer et les eaux dangereuses» et des notions de cette nature. Aujourd'hui, nous avons le projet de loi C-61 et il est question maintenant de cette indemnisation rétroactive.

Monsieur Griezic, ma question concerne les 20 000 $ destinés aux marins marchands et les 20 000 $ destinés aux prisonniers de guerre. J'ai peut-être manqué quelque chose, mais comment êtes-vous parvenu à ce chiffre? D'où vient ce chiffre? D'après ce que j'ai cru comprendre—et corrigez-moi si j'ai tort—, la Légion a calculé, en fonction des ressources, un chiffre de 5 000 $.

M. Foster Griezic: L'ennui des calculs en fonction des ressources, comme je le mentionne dans mon mémoire, c'est que le gouvernement ne possède pas les documents permettant de faire un tel calcul dans le cas des marins marchands.

M. Chadderton nous a parlé de la lettre qu'il a reçue de M. Collenette, disant que les dossiers avaient été détruits. Nous avons copie de la correspondance de Johnson, où on dit aux gens de détruire les documents. L'on pourra difficilement verser une somme de 5 000 $ en prétendant qu'elle est fondée sur un examen des ressources. Je ne savais pas que la Légion avait suggéré un montant précis de 5 000 $, calculé en fonction des ressources.

Le président: Ils ont comparus ici il y a quelques semaines et c'est ce qu'ils ont proposé.

M. Bob Wood: Les autres anciens combattants avaient eux aussi une proposition semblable, mais ce n'était pas...

Le président: Quoi qu'il en soit, tous ceux qui étaient là peuvent le confirmer. C'est consigné au procès-verbal.

Monsieur Proud.

M. George Proud: C'était donc ma question: comment êtes-vous parvenu à la somme de 20 000 $, d'où vient ce chiffre? J'aimerais le savoir. Nous entendons toutes sortes de chiffres. M. Riddell en a un autre.

M. Foster Griezic: En gros, nous l'avons calculé à partir de la somme qu'ils étaient censés toucher du gouvernement. Celle-ci était fondée elle aussi sur un montant réaliste que le gouvernement pouvait accepter. Voilà comment nous sommes arrivés à ce chiffre.

Lorsque j'ai présenté cette proposition pour la première fois... M. Wood a dit que c'était la première fois que l'on en parlait, mais ce n'est pas tout à fait vrai, exact, parce que Les Benjamin, dans un débat à la Chambre, a parlé d'indemnisation, sans qu'un montant particulier...

Une voix: Cent dollars.

Une voix: Cent dollars?

M. Foster Griezic: En effet, pour s'habiller; c'est ce qu'ils ont reçu.

Mais il était question à l'époque d'indemnisation. Je l'ai mentionné pour la première fois en 1988. Gordon l'avait déjà mentionné. Il en avait été question auparavant. Il n'y avait pas eu de demande officielle. C'est exact.

M. George Proud: Selon vous, où en serions-nous aujourd'hui s'il en avait été question dans le projet de loi de 1992, C-84? Où en serions-nous à votre avis dans toute cette affaire?

M. Foster Griezic: Seigneur! Vous me demandez... Chose certaine, on ne peut récrire l'histoire.

• 1755

M. George Proud: Non. Vous n'êtes pas obligé de répondre à cette question.

M. Foster Griezic: J'aurais bien aimé que l'on en parle à l'époque, mais je ne...

Le président: Très bien.

M. George Proud: Une dernière chose, monsieur Griezic. C'est cette terrible histoire du jeune de 16 ans, John Milmine, de Verdun, au Québec. Je vous le demande sans arrière-pensée: pour quelle raison ses parents n'auraient-ils pas été indemnisés? Il a perdu la vie en faisant son devoir. Vous avez dit qu'il n'y avait d'indemnisation pour les marins marchands à l'époque que s'ils tombaient directement sous les balles de l'ennemi. Inutile de chercher plus loin: son navire a été torpillé.

M. Foster Griezic: Il y a eu une omission dans son cas. C'est tout.

M. George Proud: Je vois.

M. Foster Griezic: M. Bruce connaît la famille. J'ai fait les recherches. J'ai obtenu une copie du rôle d'équipage qui le concerne et je l'ai envoyée à la famille.

Le président: Merci, monsieur Proud.

[Français]

Monsieur Laurin, cinq minutes.

M. René Laurin: Je voudrais revenir à la proposition de M. Riddell, qui parle d'au moins 100 000 $. Je lui ferai remarquer que ce que demandent les autres regroupements de marins marchands n'est pas loin de sa proposition, parce qu'ils demandent un montant exempt d'impôt. Ils demandent 20 000 $, plus 20 000 $, plus 5 000 $, ce qui fait 45 000 $. Si on donnait un montant imposable de 100 000 $, il ne resterait pas beaucoup plus que 45 000 $ ou 50 000 $. D'autre part, si cet argent avait été payé chaque année depuis la fin de la guerre, ces gens auraient probablement profité de tous les avantages, ils auraient reçu un meilleur salaire et ils auraient payé plus d'impôt tout au long de ces 50 années. Donc, il ne leur en serait pas resté autant. La somme de 20 000 $, plus 20 000 $ plus 5 000 $, qui a plus de chances de faire l'objet d'un consensus que l'autre, pourrait, si on calcule l'impôt, correspondre au montant que réclame M. Riddell.

Je vais faire un dernier commentaire. Monsieur le président, les témoignages qu'on a entendus étaient très éloquents et nous ont bien renseignés. Je parle en mon nom personnel. Je ne sais pas si mes collègues partagent mon sentiment, mais comme il s'agit d'un problème urgent qui nécessite une solution urgente, puisqu'il disparaît chaque mois de ces gens, je pense que le comité devrait formuler une recommandation dès maintenant. Il est prêt à le faire puisqu'il est bien informé. Depuis un certain nombre de semaines, les témoins qu'on entend reprennent essentiellement les arguments qu'avaient soulevés les témoins précédents.

Si d'autres témoins veulent se faire entendre, il sera difficile de les refuser, mais si ces gens-là acceptaient de ne pas venir témoigner, cela pourrait accélérer les travaux du comité et on pourrait formuler une recommandation qui pourrait être acheminée au gouvernement avant l'intersession d'été. Autrement, cela pourrait prendre beaucoup plus de temps. Pour ma part, je me sens suffisamment informé pour être en mesure d'étudier une recommandation avec mes collègues du comité.

Je vous réitère toute ma sympathie. J'ai l'impression que le principe d'une indemnité est acquis. Il s'agira qu'on s'entende sur un montant.

[Traduction]

Le président: Merci.

Je ne crois pas qu'il y avait là une question adressée aux témoins, mais ce sont certainement des observations très pertinentes qu'a faites mon collègue et j'aimerais en parler à titre de président. Demain, le greffier et moi allons examiner combien d'autres témoins souhaitent comparaître devant le comité pour parler de cette question. Il y a certainement d'autres témoins qui aimeraient comparaître et je crois savoir que certains députés voudraient entendre les fonctionnaires.

Je vais demander à M. O'Reilly ce qu'il en pense; c'est qu'il m'a dit que la chose l'intéressait.

M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.): Je vous remercie infiniment, monsieur le président.

Je dirais à ce sujet que les chiffres sont loin de se ressembler et qu'il manque beaucoup de choses. J'aimerais savoir ce que le ministère des Anciens combattants... On pourrait peut-être demander à des fonctionnaires du ministère de comparaître; leurs attitudes et leurs réponses seraient utiles au comité.

• 1800

Je crains que... On a créé des attentes. Je pensais que le comité était chargé d'établir, non pas le montant d'une indemnisation, mais le droit pur et simple à une telle indemnisation. Nous semblons parler maintenant de montants, et si une indemnisation n'est pas ce que le ministère a derrière la tête—c'est strictement une observation personnelle que je fais, après avoir entendu les questions des secrétaires parlementaires adressées au ministère—, je crois que les responsables du ministère doivent venir comparaître. J'ai des questions à leur poser concernant l'attitude du ministère, surtout pour savoir si une indemnisation est envisagée. Si ce n'est pas le cas, nous devrions prendre garde de ne pas créer des attentes chez les gens.

Le président: Merci.

Je dirais que...

M. John O'Reilly: C'est plutôt une question de fonctionnement interne qui ne concerne pas les témoins.

Le président: Non, c'est recevable.

Le comité devra à un moment donné décider de deux choses. D'abord, faut-il recommander au gouvernement d'offrir une indemnisation ou de ne pas en offrir une? Ensuite, si le comité recommande qu'une indemnisation soit offerte, la logique et le bon sens veulent qu'il propose un montant ou un ordre de grandeur que le gouvernement pourrait examiner.

À l'instar d'autres députés des deux côtés, M. O'Reilly dit souhaiter que des fonctionnaires des Anciens combattants viennent témoigner. J'ai dit tout à l'heure que j'allais examiner cet aspect demain avec le greffier. Il y a d'autres témoins qui souhaitent comparaître et il y a certainement des responsables aux Anciens combattants que certains députés aimeraient interroger là-dessus. Bien sûr, nous avons aussi notre propre personnel de recherche. Nous avons examiné la possibilité de nous faire expliquer les options. Tant de chiffres ont été lancés et tant de mesures ont été proposées que nous n'avons pas mis beaucoup de temps à constater qu'il y vaudrait sans doute mieux demander à notre personnel de recherche de nous préparer un document d'information—pas nécessairement un gros rapport mais au moins un document d'information—expliquant les voies qui s'offrent au comité.

M. Laurin a raison de dire que nous commençons à entendre les mêmes choses de la part des témoins, mais je crois qu'il nous faudra plus d'une réunion ou deux avant de pouvoir prendre une décision dans ce dossier, surtout si nous tenons à entendre les témoins qui veulent comparaître—et peut-être aussi les fonctionnaires du ministère—et si nous voulons donner au personnel un peu plus de temps pour nous préparer les options. Une échéance un peu plus réaliste serait sans doute la fin des jours de séance en cours, avant le congé d'été. C'est un peu la date butoir que j'avais à l'esprit, mais à moins que le comité n'en décide autrement, je dirais que nous ne sommes pas à une réunion ou deux d'une décision là-dessus, sauf si nous renonçons à entendre d'autres témoins.

Monsieur Goldring, si c'est à ce propos.

Mme Judi Longfield (Whitby—Ajax, Lib.): Monsieur le président...

Le président: Madame Longfield.

Mme Judi Longfield: Sur une question de privilège, c'est agréable de vous entendre, mais les témoins sont encore ici, j'étais la suivante à prendre la parole, l'heure avance...

Le président: Oui.

Mme Judi Longfield: ... et j'aimerais pouvoir poser ma question aux témoins. Nous pourrions reprendre la discussion là- dessus après mon intervention.

Le président: Certainement. Vous pourrez poser vos questions, madame Longfield. M. Laurin n'avait pas épuisé son temps de parole et nous en profitions pour discuter de cette très importante question de fonctionnement interne.

Une voix: Oh, Oh.

Le président: J'aimerais entendre rapidement ce que M. Goldring a à dire là-dessus, puis nous reviendrons aux questions.

M. Peter Goldring: Très rapidement, monsieur le président, si les fonctionnaires devaient participer à nos travaux, j'ose croire que ce ne serait que pour nous informer. Toute décision à prendre ici doit l'être par les députés.

Le président: Ça, c'est certain. La décision appartient aux députés. Ceux qui ont des comptes à rendre aux électeurs devront faire une recommandation dans un sens ou dans l'autre. C'est certain. Mais les fonctionnaires pourront nous aider.

Ça va? Je vous en suis reconnaissant. Je pense qu'il était important de nous le rappeler. Passons maintenant aux questions. Nous pouvons certainement dépasser un peu l'horaire si les députés sont d'accord et les témoins aussi.

Madame Longfield, vous avez la parole.

Mme Judi Longfield: Je vous remercie.

Je tiens à remercier les deux témoins, les nombreuses autres personnes qui ont comparu et les nombreux autres encore qui sont venues me voir à mon bureau de circonscription ou qui m'ont appelée.

J'aimerais d'abord faire une petite déclaration. C'est pour que tout soit bien clair.

Il serait peut-être bon que vous sachiez que je suis la fille d'un ancien combattant. Ses quatre frères ont également servi leur pays. J'en remercie Dieu tous les jours parce que c'est grâce à eux que ma famille, mes enfants et les enfants de ma soeur bénéficient de ce que nous avons aujourd'hui.

Toutefois, pour une raison quelconque, il y a des gens qui pensent que si l'on était un membre des Forces armées canadiennes et un ancien combattant, il y avait beaucoup plus de choses dont on pouvait se prévaloir.

• 1805

Par exemple, mon père était très jeune lorsqu'il s'est enrôlé. Il n'a pas donné son âge exact. Il avait une 3e année lorsqu'il s'est enrôlé. À la fin de la guerre, les études universitaires payées n'existaient pas pour mon père et pour de nombreux autres qui s'étaient enrôlés. Les marins marchands et les autres membres des forces armées qui se sont enrôlés dans le service général étaient tout jeunes et certains avaient très peu d'instruction. Même s'il avait fait partie de la marine marchande... Il avait une 3e année. Il ne pouvait faire des études universitaires. Il était trop vieux pour retourner à l'école élémentaire. Il devait subvenir à ses besoins. Il n'y avait personne pour lui offrir un emploi. Il a travaillé à la mine et c'est de là qu'il est parti à la retraite. Il était atteint de silicose lorsqu'il est mort. Il était inscrit à une liste d'attente pour être admis à un hôpital des anciens combattants. Lui non plus n'a pu être admis; la liste d'attente s'appliquait à lui aussi bien qu'aux marins marchands.

Son régime de pension n'était pas mirobolant lorsqu'il est mort. Il n'y avait pas d'argent pour permettre à sa famille de faire des études. Je ne veux pas vous raconter une autre histoire de pauvreté; il a travaillé dur, comme bien d'autres l'ont fait, mais je dirais qu'il s'en est toujours trouvé pour penser que ceux qui ont servi dans les forces armées ont pu recevoir tous qu'il leur fallait à la fin, contrairement à ceux qui étaient dans la marine marchande.

Je ne nie pas une seconde qu'il y a une injustice et que le même statut que les autres anciens combattants aurait dû être reconnu à la marine marchande longtemps avant le projet de loi C- 61. Mais lorsque l'on parle de tenir compte de l'éducation postsecondaire... J'aimerais savoir combien d'anciens combattants de la marine marchande avaient plus qu'une 9e ou une 10e année. Je ne veux certainement pas en dire du mal, mais je pense qu'ils étaient comme la plupart des simples soldats dans les autres forces armées; ils avaient très peu d'instruction lorsqu'ils se sont enrôlés.

Selon vous, et seulement pour ce qui est de la formation scolaire, combien d'entre eux auraient pu en profiter si elle leur avait été offerte?

M. Foster Griezic: Qui aurait pu...?

Mme Judi Longfield: Ceux qui, lorsqu'ils sont sortis à la fin de la guerre, étaient à un niveau leur permettant de faire des études universitaires si l'aide monétaire leur avait été offerte, ayant le niveau de scolarité...

M. Foster Griezic: Judi, d'abord, je suis heureux de voir que vous êtes complètement rétablie de vos problèmes de santé.

Pour revenir à ce que vous disiez, nous avons affaire ici à une situation où les militaires avaient accès à... Personne ne dit que l'on choisissait les personnes comme votre père. Votre père, s'il avait été au courant—et c'est là une tout autre question—, aurait pu en fait, dès son retour, s'inscrire à un programme d'études pour se perfectionner—à l'école élémentaire, à l'école secondaire—en vue d'études universitaires. Ces programmes étaient offerts à l'année longue. S'il n'était pas au courant, c'est qu'il ne le savait pas. Je ne saurais vous dire combien n'ont pas su en profiter, mais ils doivent être nombreux.

C'était la même chose dans le cas des marins marchands. Des jeunes de 13, 14 et 15 ans, qui venaient de sortir de l'école, partaient en mer. Ou encore, ils ne venaient pas de terminer leurs études, mais c'est ce qu'ils prétendaient, d'une certaine manière, là encore parce que l'on ne voyait pas les études de la même façon à ce moment-là, à cette époque-là. Combien auraient pu profiter de ces programmes? J'ai une liste de certains d'entre eux que j'ai établie simplement à partir de mes travaux de recherche et de mes entretiens. Ces gens font partie d'une minorité bien précise, mais le gouvernement est arrivé en disant qu'il les préparait, qu'il leur donnait «accès» à ce qu'il fallait pour devenir... Ce que l'on a offert aux marins marchands, c'est l'accès au chômage.

Un bon nombre sont allés travailler à la mine, comme votre père, et je peux vous raconter des cas comme Sheep Creek, en Colombie-Britannique. Il y a vraiment une mine à cet endroit. C'était une mine d'or, et je sais que des marins marchands sont allés travailler là-bas parce qu'ils ne pouvaient trouver un emploi.

Quant à leur nombre, je ne saurais vous dire, mais si je cherchais à établir une comparaison à partir des renseignements que j'ai pu réunir, qui provenaient du ministère des Transports et qui se trouvent aujourd'hui aux Archives, la plupart des gens n'avaient pas accès aux études et ne se s'y ont pas adonné, comme votre père, parce que pour eux, c'était une question de survie. La plupart des jeunes de la marine marchande venaient des couches inférieures de la société. C'est un fait documenté, et dès que l'on touche à cela, il est question de... Je suis l'exception. J'ai été élevé près du dépotoir de Toronto. C'est là que nous trouvions ce qu'il nous fallait pour survivre.

• 1810

Le président: Mes excuses, le temps prévu pour ce tour de questions est écoulé. M. Pratt a la parole pour cinq minutes.

M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

J'aimerais renchérir sur ce qu'ont dit mes collègues à propos de la contribution de Gordon Olmstead à ce débat. Il a certainement été au centre de ce débat pendant de nombreuses années. Lui aussi a habité à Nepean pendant longtemps. Je tiens certainement à lui rendre hommage pour son travail.

Professeur Griezic, il y a deux ou trois choses que j'aimerais éclaircir. Vous avez parlé des Américains et des mesures qu'ils ont prises pour régler la question en reconnaissant les anciens combattants de la marine marchande, en 1988, si je ne m'abuse. Savez-vous s'ils ont versé une indemnisation à l'égard des avantages qui n'ont pas été offerts à la marine marchande et qui ont été reçus plus tard sous la forme d'une indemnisation rétroactive?

M. Foster Griezic: Monsieur Pratt, en premier lieu, je n'hésite jamais à dresser des comparaisons entre les Canadiens, les Américains, les Australiens et d'autres encore, mais j'estime qu'il ne faut pas oublier qu'il est question ici des Canadiens et que nous avons affaire à la marine marchande canadienne et au personnel militaire canadien.

Cela étant dit, pour revenir à votre question, à ma connaissance, aucune nation alliée n'a versé d'indemnisation rétroactive sous forme de paiement global. Là encore, d'après les travaux de recherche que j'ai effectués, d'après les gens qui connaissent bien la marine marchande aux États-Unis et d'après les dossiers gouvernementaux que j'ai pu consulter là-bas, il n'y a pas eu rétroactivité. Lorsque des gens ont dit ça à des réunions auxquelles j'ai participé, c'était la première fois que je l'entendais et j'ai donc fait des recherches. Il n'y a pas eu de versement rétroactif.

La différence—elle est cruciale—est qu'ils recevaient les prestations immédiatement après la guerre. Ce n'est pas le cas des Canadiens. Voilà la différence, et il faut s'en souvenir.

M. David Pratt: Les Américains ont reçu leurs prestations immédiatement après la guerre?

M. Foster Griezic: Oui. Mais ils n'étaient pas considérés comme des anciens combattants.

L'autre chose que je vous dirais à propos des Américains, c'est qu'ils étaient très bien payés par comparaison aux... Voilà pourquoi, en 1943, le gouvernement canadien a pris un décret interdisant aux Canadiens de travailler à bord des navires américains, parce qu'on ne payait pas bien les Canadiens. Voilà pourquoi, en 1944, M. Randles a dit à Park Shipping: «Il faut que vous commenciez à verser une rémunération décente à ces gars-là, ou ils vont tout simplement ne pas embarquer—et nous avons besoin d'eux».

M. David Pratt: Ce qui m'amène à ma deuxième question à propos de la rémunération. On nous a donné des renseignements contradictoires à propos de ces échelles de salaire. Je me demandais en examinant votre exposé si vous pourriez nous fournir de la documentation—de préférence des documents originaux, bien sûr—qui viendrait appuyer vos observations et vos arguments.

M. Foster Griezic: Les talons de chèque? Je les ai déjà remis au ministère des Anciens combattants; ils connaissent les sommes qui ont été payées et l'impôt versé.

Il y a un vrai problème à cet égard, monsieur Pratt, qui est que les marins de la marine marchande ne conservaient pas nécessairement tous leurs talons de chèque parce que... ils ne le faisaient tout simplement pas. Dans certains cas, certains matelots... même en ce qui a trait aux soins de santé, en cas d'hospitalisation et ainsi de suite, il faut fouiller à n'en plus finir pour trouver l'information pertinente. Comme je l'ai dit, j'ai trouvé un certain nombre de boîtes au ministère des Transports; ils ne savaient même pas qu'ils les avaient. C'est grâce à un autre archiviste avec qui je travaillais que nous avons trouvé ces renseignements à propos de la santé et des accidents des marins de la marine marchande. Nous avons pu nous en servir.

Le président: Dernière question, monsieur Pratt.

• 1815

M. Foster Griezic: Nous allons donc vous fournir des renseignements à propos des salaires et des sommes versées pour le travail qu'ils ont effectué, pour certaines catégories précises, des données comparables. Il y a un problème en ce qui a trait à la marine, car pour les catégories de la marine—j'en ai parlé avec Roger Sarty et j'ai de la documentation ici que m'a fournie Roger—on ne donnait pas de description de poste précise. On note toutefois la rémunération qu'on leur versait, et quand on fait des comparaisons, comme dans le tableau de Gordon...

Le président: Je suis désolé, mais nous manquons de temps, monsieur Pratt. Vous pouvez poser une dernière question très rapidement et puis nous allons passer à M. Laurin.

M. David Pratt: J'ai beaucoup de mal à déterminer l'ordre de grandeur d'une éventuelle indemnité—si jamais le comité en arrive à la conclusion qu'on devrait leur verser une indemnité. Si on regarde la situation, la conjoncture en période de guerre... C'est une chose d'examiner la situation 55 ans plus tard et d'essayer d'appliquer les mêmes normes que nous avons aujourd'hui à ce qui se passait à l'époque...

Dans votre exposé, vous faites allusion au fait que même un an ou deux après la guerre, au moins 60 p. 100 des marins de la marine marchande—donc, 7 000 personnes sur 12 000—étaient toujours employés par la marine marchande, alors qu'on démobilisait les membres des forces régulières. Dans certains cas, je suppose qu'ils se sont prévalus des bourses d'étude. Dans de nombreux cas, ils étaient tout simplement au chômage et cherchaient du travail.

Mais pour en venir au coeur du sujet, il me semble que les marins de la marine marchande, d'après ce qu'on m'a dit, avaient accès aux prestations d'assurance-chômage, ce qui n'étaient pas le cas des membres des forces régulières.

M. Foster Griezic: Non, ce n'est tout simplement pas le cas. Si je peux...

M. David Pratt: Eh bien, c'était dans les renseignements qu'on m'a remis, et qu'on a sans doute aussi remis aux autres membres du comité.

M. Foster Griezic: C'est dans le rapport ANAF à propos des anciens combattants. M. Brooks a établi une comparaison portant sur l'assurance-chômage. La Légion a comparé la situation de ceux qui recevaient de l'assurance-chômage à celle de ceux qui détenaient un emploi dans la fonction publique, ce qui me paraît absurde, mais ils sont entièrement libres de faire cette comparaison. Quand j'ai dit...

Le président: Professeur, je vais vous demander... Vous avez dit que c'était faux. C'était une question assez simple, et vous avez répondu que c'était faux. D'autres députés veulent poser des questions. Peut-être pourriez-vous nous soumettre tout renseignement qui pourrait...

M. Foster Griezic: Oui, je vais le faire, comme je l'ai dit auparavant.

Le président: Nous vous en savons gré. D'autres aimeraient poser des questions et nous sommes en retard, j'aimerais donc poursuivre.

M. Foster Griezic: Oh, j'aimerais faire un petit commentaire, avec votre permission, à l'intention de M. Pratt.

Le président: Très brièvement.

M. Foster Griezic: Très, très brièvement, en ce qui a trait aux statistiques que je vous ai données à propos des navires, en 1955 il n'y en avait plus que 1 000 et en 1948 il n'y avait plus que 4 000 marins qui travaillaient encore.

Le président: Merci.

[Français]

Monsieur Laurin, une brève question.

M. René Laurin: Je vais poser une question à M. Riddell, mais comme c'est un peu personnel, il est tout à fait libre d'y répondre ou non.

Monsieur Riddell, lorsque vous vous êtes engagé dans la marine marchande, quel âge aviez-vous?

[Traduction]

M. Bill Riddell: J'avais 16 ans. J'ai quitté l'école en huitième année.

[Français]

M. René Laurin: Avant de vous engager dans la marine marchande, que faisiez-vous?

[Traduction]

M. Bill Riddell: J'étais un petit gars qui allait à l'école.

[Français]

M. René Laurin: En quelle année étiez-vous?

[Traduction]

M. Bill Riddell: J'étais en huitième année, ma huitième année d'école.

[Français]

M. René Laurin: Je m'adresse maintenant à M. Griezic. Est-il possible qu'il y ait des anciens combattants des forces armées qui n'ont bénéficié d'aucune des mesures qu'on a offertes à ce moment-là? Est-il qu'il y en a un certain nombre qui n'en ont pas profité parce que cela ne leur convenait pas? Par exemple, ils ne voulaient pas aller à l'université ou les autres mesures qu'on leur offrait ne leur convenaient pas.

• 1820

M. Foster Griezic: Monsieur Laurin, il est bien probable qu'il y ait des gens qui sont décédés ou qui ne savaient pas que certaines choses étaient offertes par le gouvernement.

M. René Laurin: Je vous pose cette question pour la raison suivante. S'il y en avait et qu'on donnait aujourd'hui une indemnité aux marins marchands parce qu'ils n'ont pu profiter d'aucune de ces mesures, faudrait-il accorder une pareille indemnité aux anciens combattants de l'armée qui n'auraient eu recours à aucune des mesures qui leur étaient offertes?

M. Foster Griezic: Je comprends, mais comme je l'ai dit tout à l'heure, la situation est bien différente. Les militaires pouvaient recevoir des choses s'ils les demandaient. Les marins marchands pouvaient chercher des choses, mais il n'y avait rien pour eux. Il y a une différence entre les deux. Je suis certain qu'il y a des gens, comme le père de Mme Longfield...

M. René Laurin: L'ancien combattant qui a cherché et qui n'a rien trouvé qui lui convenait n'a rien eu. Aujourd'hui, on donne une indemnité pour ce qu'on n'a pas eu. Est-ce qu'il faudrait indemniser ceux à qui on a offert des mesures qui ne leur convenaient pas et qui n'ont donc rien reçu?

M. Foster Griezic: Monsieur Laurin, d'après moi, dans de tels cas, c'est un choix personnel. Si le gouvernement dit à un ancien combattant qu'il peut avoir une maison et demander de l'argent pour établir une affaire et que l'ancien combattant décide de ne pas accepter, c'est son choix personnel. Les gens de la marine marchande ont été incapables de faire ce choix parce qu'ils n'avaient pas le choix. Je suis incapable de dire qu'il faut donner de l'argent à ces gens qui ont décidé de ne pas accepter les offres du gouvernement. C'est bien dommage pour eux, mais je ne crois pas qu'il faille leur donner de l'argent pour cela.

Le président: Merci, monsieur Laurin.

[Traduction]

Une dernière question, monsieur Wood.

M. Bob Wood: Une petite question très rapide, monsieur Griezic. Vous avez peut-être donné les mauvaises dates à M. Pratt par inadvertance quand il vous a posé une question à propos de la rémunération aux États-Unis. Peut-être ai-je tort, mais on m'a laissé entendre qu'à la fin de la guerre on n'a rien versé aux marins américains de la marine marchande et il a fallu que les anciens combattants de la marine marchande poursuivent les États-Unis en justice pour obtenir des prestations qu'on a commencé à leur verser en 1988. Je pense que vous avez peut-être donné les mauvaises dates à M. Pratt. C'est tout.

M. Foster Griezic: J'espère que non.

M. Bob Wood: Je pense que vous avez dit qu'on leur versait des prestations dès la fin de la guerre, et je...

M. Foster Griezic: Ils recevaient des prestations, mais on ne les indemnisait pas. Je n'ai jamais parlé «d'indemnisation».

M. Bob Wood: Ils n'avaient pas non plus toutes leurs prestations. Ils n'ont pas obtenu d'indemnisation non plus en 1988, monsieur.

M. Foster Griezic: C'est exact. Ils n'ont rien reçu, et...

M. Bob Wood: Ils ont finalement reçu leurs prestations et il a fallu qu'ils traduisent les États-Unis en justice pour les obtenir.

M. Foster Griezic: Eh bien, il y a eu d'autres améliorations. On leur paie maintenant leurs funérailles, entre autres, ce qui n'était pas le cas auparavant.

Mais je n'ai pas dit qu'ils avaient reçu tout ce qui leur était dû, et si c'est ce que j'ai dit à M. Pratt, je tiens à me corriger.

M. Bob Wood: Je pense que si vous regardez la transcription... vous verrez que vous avez peut-être dit cela.

M. Foster Griezic: D'accord.

Le président: Ce que nous allons faire, je suppose... et je pense que c'est aussi l'avis des députés qui dans leur sagesse veulent faire comparaître les fonctionnaires du ministère, au moins pour une séance—c'est que nous allons soumettre une liste de questions aux fonctionnaires et à nos adjoints de recherche à propos de témoignages contradictoires—tous faits de bonne foi, j'en suis sûr. Je pense qu'il serait sage que nous obtenions réponse à certaines questions fondamentales, et voilà pourquoi certains députés ont proposé cette démarche.

Je tiens à vous remercier, monsieur Riddell et monsieur le professeur Griezic, d'être revenus devant le comité encore une fois, de votre exposé, et d'avoir répondu à notre série de questions. Il incombe au président d'être le chronométreur de la réunion, ce qui n'est pas toujours une tâche agréable, mais il faut quand même tenter de l'effectuer. Si j'ai semblé vous presser à quelque moment que ce soit, c'était simplement pour essayer de permettre au plus grand nombre de députés possible de poser le plus grand nombre de questions possible. Je vous remercie énormément.

Nous reprendrons nos travaux jeudi matin. La séance est levée.