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JURI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 27 octobre 1998

• 0910

[Traduction]

La présidente (Mme Shaughnessy Cohen (Windsor—St. Clair, Lib.)): Chers collègues, je dois ouvrir la séance. Eleni Bakopanos vient de nous faire une recommandation. Étant donné qu'il y aura un vote à la Chambre à 10 h 30, elle suggère que nous examinions tout de suite le rapport sur les droits des victimes—il y a déjà accord de principe—et que nous l'adoptions. Je sais pourquoi elle fait cette suggestion. Si nous adoptons le rapport aujourd'hui, je pourrai le déposer à la Chambre aujourd'hui et le rapport pourra figurer à l'ordre du jour de la Conférence fédérale-provinciale et territoriale des ministres de la Justice, vendredi.

Pour ce faire, nous devons déranger beaucoup de gens, car il nous faudra vider la pièce et siéger à huis clos pendant quelques minutes. Nous n'avons pas l'habitude de traiter ainsi nos invités, mais je pense que les témoins comprennent l'importance de ce que nous voulons faire.

Nous sommes d'accord?

Des voix: D'accord.

La présidente: Très bien. Nous poursuivons notre séance à huis clos. Les employés peuvent rester.

[Note de la rédaction: la séance se poursuit à huis clos]

• 0911




• 0919

[Note de la rédaction: la séance publique reprend]

La présidente: Pendant que nos témoins prennent place, et puisqu'il n'y a plus huis clos, je voudrais dire ceci: je n'ai pas une longue expérience de député, mais ce rapport est pour moi le fruit d'une de mes plus belles expériences ici; nous avons su collaborer et faire progresser rapidement nos travaux, et je vous en remercie tous.

Mais vous savez comme moi—vous aussi, Michel et Richard, qui avez été très obligeants—que rien n'aurait été possible sans Phil et Marilyn.

Des voix: Bravo.

La présidente: Ils ont rédigé un rapport fantastique. Nous leur en savons gré.

Merci.

Je crois que nous devrions remettre le premier exemplaire du rapport à Steve Sullivan.

Une voix: Bonne idée.

La présidente: Si on veut divulguer des extraits de ce rapport, on peut maintenant le faire.

Une voix: C'est déjà fait.

Des voix: Oh, oh.

• 0920

Une voix: Ah oui?

Une voix: La mention «confidentiel» n'y paraissait pas.

La présidente: Je sais. Je sais aussi que ce n'est pas Michel Bellehumeur qui a divulgué des extraits de notre rapport.

Des voix: Oh, oh.

La présidente: La presse a parlé d'un rapport minoritaire que Michel n'avait même pas encore rédigé.

Je suis désolée, mesdames et messieurs, de vous avoir demandé de quitter la pièce, mais vous serez heureux d'apprendre que le rapport sur le rôle des victimes dans le système de justice pénale vient d'être adopté et qu'il sera déposé dès que possible à la Chambre et rendu public—avec un rapport minoritaire.

Nous examinons maintenant le projet de loi C-51, Loi modifiant le Code criminel, la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

Nos témoins représentent le ministère de la Justice: Yvan Roy, avocat général principal, section de la politique en matière de droit pénal, Chris Ram, conseiller juridique, section de la politique en matière de droit pénal, et Jodie van Dieen, conseillère juridique, section de la politique en matière de droit pénal.

Je vous souhaite la bienvenue. Nous procédons un peu dans le désordre. Je sais que, habituellement, lorsque nous étudions des projets de loi comme celui-ci, nous accueillons d'abord la ministre, mais nous tentons d'abattre le plus de travail possible dans les meilleurs délais afin de pouvoir amorcer dès que possible notre examen de la conduite avec facultés affaiblies.

Mme Eleni Bakopanos (Ahuntsic, Lib): Madame la présidente...

La présidente: Oui?

Mme Eleni Bakopanos: ...avant de commencer, j'aimerais indiquer au comité que nous recommandons que soit supprimé l'article 13 du projet de loi. Je sais que je ne pourrai le faire qu'à l'étude article par article, mais je voulais que l'opposition prenne note du fait que nous avons accédé aux demandes qui nous avaient été faites, pour une fois.

[Français]

Michel, tu écoutes? On a pris en considération tes remarques faites à la Chambre des communes concernant la juridiction provinciale et aussi le fait que ça puisse toucher à un point sensible. On a donc décidé de recommander au comité de voter contre l'article 16. C'est qu'on ne peut pas le biffer maintenant, car c'est dans le projet de loi.

[Traduction]

Il vous intéressera peut-être de savoir—et je suis certaine que M. Roy et ses collègues en parleront—qu'on avait l'intention de permettre aux procureurs fédéraux de poursuivre dans deux genres de cas. Lorsque les activités de contrebande trouvaient leur origine dans les Territoires du Nord-Ouest, où le procureur général fédéral a déjà compétence—je tiens à le souligner—et qu'une ou plusieurs provinces ou un ou des pays étrangers étaient aussi en cause, c'est le procureur fédéral qui coordonnait la poursuite. Lorsqu'il y avait aussi les activités d'une importante bande de criminels organisée, et que les procureurs de la province avaient besoin de l'aide ou des ressources du gouvernement fédéral, cela leur était aussi accordé.

La GRC a étudié les mines de diamants de l'étranger, de l'Afrique et de l'ex-Union soviétique, par exemple, et a constaté que les diamants bruts sont volés par les mineurs et utilisés par le crime organisé comme monnaie d'échange. C'est pour cela que, à l'origine, nous avions prévu cette disposition, parce que, dans les Territoires du Nord-Ouest, les procureurs fédéraux ont toujours participé à ces causes. Toutefois, nous avons pensé qu'il y aurait peu d'activités de criminalité organisée ou de contrebande transfrontalière de diamants bruts, mais que cette disposition pourrait entraîner des problèmes importants de compétence. Par conséquent, nous avons décidé de demander au comité de rejeter l'article 16.

La présidente: Merci.

Mme Eleni Bakopanos: Merci.

La présidente: Avant de vous céder la parole...

Mme Eleni Bakopanos: La coopération fédérale-provinciale.

La présidente: D'accord. Allons-y.

Avant de vous céder la parole, je veux remercier le ministère d'avoir fourni à tous les membres du comité et à tout notre personnel de recherche, des cahiers d'information. Vous ne pouvez vous imaginer à quel point ils nous sont utiles, surtout compte tenu de l'horaire que nous avons. Il y a déjà longtemps que nous les avions demandés, et je sais que c'est votre section qui nous les a fournis. Nous vous en remercions.

Allez-y.

M. Yvan Roy (avocat général principal, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice): Merci, madame la présidente.

Nous sommes ravis d'être ici ce matin pour répondre aux questions des membres du comité sur le projet de loi C-51.

Vous avez sans doute déjà remarqué que ce projet de loi omnibus n'a pas de thème principal; plutôt, il contient plusieurs petits changements que certains intervenants du système de justice pénale ont demandés et que la ministre nous a demandé de rassembler en un seul projet de loi avec l'espoir que le Parlement acceptera les changements proposés. Madame la présidente, je n'ai pas l'intention de faire des remarques liminaires. La ministre le fera lors de sa comparution de mercredi.

• 0925

Toutefois, je crois savoir qu'elle voudrait que nous répondions à vos questions. Alors, sans plus tarder, passons aux questions.

La présidente: Voulez-vous commencer, John?

M. John Reynolds (West Vancouver—Sunshine Coast, Réf.): Puis- je?

La présidente: Allez-y. Je vous donne environ 10 minutes. Nous allons tout simplement faire un tour de table.

M. John Reynolds: En ce qui a trait à la prostitution juvénile, ne pourrait-on pas prévoir une peine d'emprisonnement minimale?

M. Yvan Roy: Monsieur Reynolds, la modification à ce sujet prévue par ce projet de loi, c'est l'article 8, si je ne m'abuse. Permettez-moi d'abord de vous décrire les événements qui ont mené à la présentation de cette proposition.

Il y a quelques années, le ministre de la Justice de l'époque, M. Rock, a présenté dans le projet de loi C-27, une modification visant à rendre possibles les opérations policières menées par des agents d'infiltration. En matière de prostitution, la police avait systématiquement refusé—et, à mon humble avis, à juste titre—de faire appel à des prostituées ou à d'autres personnes mineures afin de prendre quelqu'un en flagrant délit de sollicitation de services sexuels auprès d'un mineur.

Le libellé qui a été choisi à l'époque n'a pas entièrement satisfait certaines provinces, surtout la Colombie-Britannique. Le maire de Vancouver et la province de l'Alberta nous ont demandé de modifier le libellé de façon à faciliter les poursuites. C'est ce qui explique l'article 8. Il a été inclus à ce projet de loi pour faciliter les poursuites et pour permettre à la police de faire appel à des agents de diversion ou d'infiltration qui ne sont pas âgés de moins de 18 ans.

Déjà, le Code criminel prévoit l'infraction de proxénétisme à l'égard des mineurs. S'il s'agit de proxénétisme pour faire un profit ou avec violence, la loi prévoit déjà une peine d'emprisonnement minimale de cinq ans.

Il n'y a rien dans cet ensemble de mesures qui vise d'une façon plus générale la question de la prostitution. Comme on l'a déjà dit, on vise ici à introduire dans le Code des dispositions qui vont faciliter les poursuites, et rien de plus, de même qu'à faire porter l'attention sur des questions comme celles que vous nous proposez, à savoir les peines minimales pour les affaires de prostitution.

M. John Reynolds: D'accord. Mon autre question porte sur le crime organisé. Estimez-vous vraiment que la modification que vous envisagez changera quelque chose? Ne devrions-nous pas nous pencher sur... Les personnes qui sont reconnues coupables d'actes de gangstérisme...

M. Yvan Roy: La question est fort difficile.

M. John Reynolds: C'est pourquoi je l'ai posée.

M. Yvan Roy: Je crois que vous faites allusion à l'article 51 du projet de loi. Je m'attendais à ce que l'un de vos collègues ici présent la soulève. Permettez-moi donc de tenter d'expliquer quel sera d'après nous l'effet de l'article 125, une fois modifié par le Parlement—le cas échéant.

Pour vous fournir l'explication, je dois remonter au projet de loi C-95. Il s'agit d'un autre projet de loi adopté récemment—en 1997—par le Parlement pour fournir aux corps policiers les outils qui leur permettront de combattre le crime organisé—ou tout au moins pour leur fournir un certain nombre d'outils.

Lorsque nous nous sommes penchés sur le projet de loi C-95 et que nous l'avons formulé, nous avions comme instruction de déterminer dans quelle mesure il serait possible d'intégrer à nos lois un délit consistant à faire partie, disons, d'une organisation criminelle. Nous avons mené des recherches assez approfondies sur la question, nous avons recueilli les avis d'experts du domaine, pour enfin aboutir à la conclusion que la chose n'était pas possible.

• 0930

Au lieu de cela, le ministre de l'époque a institué comme délit—et la définition se trouve à l'article 2 du Code criminel—l'acte de gangstérisme. Il s'agit d'un concept qui a été créé pour donner aux forces policières les outils nécessaires pour combattre le crime organisé; il ne s'agit pas d'un délit en tant que tel.

Dans l'article qui nous intéresse, deux types de conduite constitueront un acte de gangstérisme au sens de notre loi. D'une part, il s'agit de l'article 467(1) du Code, où il est question de l'infraction consistant à participer aux activités—et il y a une distinction à faire entre le fait de faire partie d'une organisation criminelle et celui de participer aux activités d'une organisation criminelle—le premier délit entraînant une peine de 5, 7 ou 10 ans et le second une peine de 14 ans. Voilà l'effet de l'article 467(1).

Et puis il y a les infractions qui sont commises à l'avantage ou plus généralement à l'instigation d'une organisation criminelle.

Vous vous demandez peut-être pourquoi je vous donne toute cette information préliminaire. J'arrive justement à l'objet visé par l'article 125.

Le ministre et le solliciteur général—et en effet il s'agit d'une disposition à laquelle le solliciteur général accorde tout son appui—souhaitent que la Commission nationale des libérations conditionnelles puisse refuser la libération conditionnelle à toute personne ayant participé à des activités criminelles liées au crime organisé.

Et c'est l'effet qu'aura l'article 125 lorsqu'il aura été modifié pour inclure le libellé suivant:

    un acte de gangstérisme, au sens de l'article 2 du Code criminel, y compris l'infraction visée au paragraphe 82(2).

Cette disposition, monsieur Reynolds, a pour effet de permettre à l'État, à savoir le ministère public dans la plupart des cas, par exemple lorsque quelqu'un a participé à une activité de blanchiment d'argent, de faire déclarer la personne coupable de l'infraction de blanchiment d'argent devant un juge et un jury—le cas échéant. Mais, en tant que tel, le blanchiment d'argent n'est pas nécessairement fait avec l'aide ou à l'instigation d'une organisation criminelle. On peut très bien commettre cette infraction sans avoir de lien avec le crime organisé.

Ainsi, supposons que la personne ait été reconnue coupable d'une telle infraction. À l'étape de la détermination de la peine, il est déjà prévu dans la loi, selon le projet de loi C-41, que l'État, le procureur du ministère public, puisse faire la preuve devant le juge qui aura à imposer la peine qu'il y a lieu de tenir compte de certaines circonstances aggravantes. Ainsi, si la modification proposée est adoptée, le procureur du ministère public comparaîtra devant un juge et prouvera hors de tout doute raisonnable que l'activité criminelle—dans ce cas ayant trait aux produits de la criminalité—a été entreprise à l'instigation ou à l'avantage du crime organisé.

S'il y a détermination par un juge—et, je le répète, cela se passera vraisemblablement à l'étape de la détermination de la peine—alors, l'article 2 du Code criminel s'applique et, par conséquent, l'article 125, aux termes duquel la procédure d'examen expéditif ne peut être accordée.

Le ministre souhaite ainsi faire en sorte que les personnes qui commettent des infractions à l'avantage des milieux du crime organisé ne bénéficient pas de l'examen expéditif. C'est la détermination par le juge de première instance à l'étape de la détermination de la peine que l'infraction dont l'intimé a été reconnu coupable en est une qui a été commise à l'avantage ou à l'instigation d'une organisation criminelle qui permet d'aboutir à ce résultat et, ici, par «organisation criminelle», on entend un groupe de cinq personnes qui commettent un acte de gangstérisme pour en tirer un bénéfice.

La présidente: Permettez-moi de contribuer à la discussion en vous signalant, John, du fait notamment que vous n'étiez pas ici au cours de la période précédente, que, lors de sa comparution devant notre comité, Andy Scott nous a fait savoir qu'il souhaitait aborder cette question, tout en sachant fort bien que nous étions à examiner la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Il a demandé si nous nous opposions à ce qu'il prenne des mesures à cet égard en dépit du fait que nous étions à examiner la loi. Personne ne s'étant opposé, la disposition fait partie du projet de loi même si nous nous penchons sur la loi dans son ensemble et si nous envisageons d'étudier cet article modifié dans le cadre de nos délibérations à ce sujet.

• 0935

M. John Reynolds: Permettez-moi de poser une question connexe.

Si une personne se voit infliger une peine de 18 ans, elle pourra normalement faire une demande de libération conditionnelle après avoir purgé le tiers de sa peine. Que se produira-t-il dans ce cas-ci? Pouvez-vous m'expliquer, compte tenu du fait que la procédure d'examen expéditif n'est pas autorisée, quel pourcentage de la peine la personne devra purger?

M. Yvan Roy: Selon la procédure d'examen expéditif, un détenu peut demander la libération conditionnelle après avoir purgé le sixième de sa sentence.

Il y a une affaire à cet égard qui est du domaine public et je ne crois pas que le fait d'en discuter ici pose problème. Il s'agit du cas d'une personne de Montréal, un certain M. Lagana, qui a participé à une activité de blanchiment de produits de la criminalité. Le juge de première instance lui a imposé une peine de 13 ans, me semble-t-il. Aux termes de l'article 125 tel qu'il est formulé à l'heure actuelle, il pourrait se prévaloir du programme et ainsi obtenir—ce qu'il a d'ailleurs fait—une libération conditionnelle après avoir purgé un sixième de sa peine. Comme vous le savez très bien, cette personne continue d'être assujettie à sa peine tant qu'elle n'aura pas purgé 13 ans, mais une partie de la peine est purgée dans la communauté, à partir du moment où un sixième de la durée de la peine est écoulé. Avec la modification qui est proposée, à l'avenir, une personne comme M. Lagana—et je parle ici non pas de peines déjà prononcées mais de peines qui le seront à l'avenir—ne sera pas en mesure de bénéficier du programme et devra purger au moins le tiers de sa peine.

Permettez-moi de signaler qu'il ressort du sous-aliéna 125(1)a)(iv), soit une disposition déjà prévue au Code, que le juge de première instance peut imposer dans certains cas particuliers que la personne purge au moins la moitié de la peine, mais cela a lieu à l'étape de la détermination de la peine. C'est déjà prévu dans la loi. En apportant une autre modification, nous garantissons en plus que, lorsque le juge n'invoque pas cette disposition, la personne purgera au minimum le tiers de la peine. Elle ne bénéficiera pas du...

M. John Reynolds: La personne pourrait donc être libérée sous condition après avoir purgé le tiers de la peine, même si elle a commis un acte de gangstérisme.

M. Yvan Roy: En effet.

Mon collègue, M. Ram, aimerait dire quelque chose.

M. Chris Ram (conseiller juridique, Section de la politique en matière de droit criminel, ministère de la Justice): Il résulte notamment de ce qu'Yvan vient de décrire qu'il y aurait au moment de la détermination de la peine, une détermination selon laquelle le contrevenant a participé au crime organisé ou qu'il existe un lien avec un acte de gangstérisme. Étant donné que la procédure d'examen expéditif est écartée, au moment où la personne devient admissible à la libération conditionnelle après avoir purgé un tiers de sa peine, le dossier relatif à la participation aux activités d'une organisation criminelle est nécessairement porté à l'attention de la commission. La personne est donc admissible après avoir purgé le tiers de sa peine, mais cela ne signifie pas que la libération conditionnelle va lui être accordée.

M. John Reynolds: Connaissons-nous le pourcentage de ceux qui se voient accorder la libération conditionnelle?

M. Chris Ram: À ma connaissance, cette disposition aurait pu viser à peine 10 contrevenants incarcérés à l'heure actuelle, de sorte que toutes données statistiques à cet égard ne seraient pas significatives.

M. John Reynolds: À peine 10 personnes incarcérées provenant du milieu du crime organisé?

M. Chris Ram: Non—je veux parler des personnes qui auraient été touchées par la modification relative à la procédure d'examen expéditif.

M. Yvan Roy: Le gouvernement espère que les responsables de l'application des lois seront en mesure de saisir un beaucoup plus grand nombre de données à ce sujet et qu'il sera donc possible à l'avenir d'obtenir des statistiques significatives. Le projet de loi C-95 vise justement à faire en sorte que l'État—et les corps policiers, à toutes fins pratiques—disposent des instruments voulus pour obtenir de telles données.

En effet, monsieur Reynolds, non seulement le ministère de la Justice a formulé le projet de loi et le ministre de la Justice l'a déposé devant le Parlement, mais encore le ministre nous a chargés de former les procureurs aussi bien que les corps policiers à l'application du projet de loi C-95. Il existe donc un manuel de formation et certains de nos avocats parcourent le pays en donnant des ateliers grâce auxquels les intéressés sont informés du fait qu'ils disposent désormais d'un instrument puissant dans la mesure où ils voudront s'en servir.

M. John Reynolds: Par rapport à la disposition qui nous intéresse, envisageriez-vous d'obliger à purger les deux tiers de sa peine toute personne condamnée pour acte de gangstérisme? Autrement dit, envisageriez-vous de ne laisser la décision ni à la discrétion du juge—ni à celle de quelqu'un d'autre? Si la personne se voit infliger une peine et s'il existe une preuve qu'elle a participé à un acte de gangstérisme, alors elle doit purger au minimum les deux tiers de sa peine ou davantage.

M. Yvan Roy: Comme vous pouvez bien le comprendre, on évalue un certain nombre de possibilités lorsque des mesures de cette nature sont envisagées. Comme je l'ai souligné, le juge de première instance peut déjà décider que la personne devra purger au moins la moitié de sa peine. Il faut savoir également que quiconque est reconnu coupable de meurtre est passible d'une peine très sévère.

• 0940

Quant à savoir maintenant s'il convient de passer de la moitié aux deux tiers, aux trois quarts ou à la totalité de la peine... Voilà évidemment des possibilités qui sont toujours ouvertes. Mais il faut également essayer d'arriver à un juste milieu. Ainsi, d'après mon expérience—et il se peut que d'autres ne soient pas du même avis—les juges, lorsqu'ils ont affaire à des membres du monde du crime organisé, voient en cela un facteur aggravant de sorte que, dans la plupart des cas, la peine est plus sévère qu'elle ne le serait autrement.

Il me semble donc que le système s'adapte dans les cas de personnes dont les agissements ont des effets extrêmement perturbateurs pour la société. Les juges en tiennent compte. Ils peuvent prendre les mesures qui s'imposent. Cependant, à l'heure actuelle, je dois dire que la loi ne prévoit pas que les deux tiers de la peine doivent être purgés avant que la personne ne soit libérée ou admissible à la libération conditionnelle.

La présidente: Merci, John. Michel.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Monsieur Roy, on s'était rencontrés de toute façon concernant le projet de loi C-51 et vous connaissiez nos préoccupations. Je veux juste m'assurer de bien comprendre, car je me souviens que, quand on avait adopté les modifications à la procédure expéditive des délibérations, on avait posé certaines questions et, selon les réponses, cela devait couvrir pas mal de choses, incluant le blanchiment d'argent et certaines affaires.

Dans les faits, on a vu l'affaire Lagana, comme vous l'avez mentionné très clairement plus tôt. Je veux juste que vous me précisiez quelques points concernant l'article 51 du projet de loi C-51. On va y aller par élimination. Au sous-alinéa proposé 125(1)a)(v), quand on parle de:

    (v) un acte de gangstérisme, au sens de l'article 2 du Code criminel, y compris l'infraction visée au paragraphe 82(2);

on fait bien référence au paragraphe 82(2) du Code criminel qui, lui, parle de possession et de fabrication d'explosifs pour des fins de gangs, d'associations criminelles.

On exclut donc le blanchiment d'argent avec celui-là.

M. Yvan Roy: Me permettez-vous de répondre?

M. Michel Bellehumeur: Oui, on va y aller par élimination.

M. Yvan Roy: D'accord. L'acte de gangstérisme, il est constitué dans sa définition de deux éléments essentiels: premièrement, il y a l'article 467.1, qui est la participation à une activité de criminalité organisée, et ensuite, il y a l'autre partie de la définition, qui traite essentiellement d'individus qui commettent des infractions, mais pour le bénéfice de la criminalité organisée.

Lorsque vous vous présentez devant un jury et qu'on vous accuse...

M. Michel Bellehumeur: Le deuxième cas, c'est au paragraphe 82(2)?

M. Yvan Roy: Pas nécessairement, non. C'est beaucoup plus large que cela et c'est pour cela qu'on est amené au lessivage d'argent.

Lorsque vous amenez quelqu'un devant les tribunaux pour lessivage d'argent, ce n'est pas l'un des éléments essentiels de l'infraction, qu'il ait fait cela pour le bénéfice de la criminalité organisée ou dans le cadre général du crime organisé.

Or, le procureur, lorsqu'il doit faire la démonstration des éléments d'infraction devant un jury, n'a pas à faire cette démonstration-là. Cela ne fait pas partie de l'infraction. Donc, une fois qu'on a terminé, une fois que le jury a pris sa décision de vous trouver coupable de lessivage d'argent, on n'a fait aucune constatation, aucun finding, dirions-nous en anglais, relativement à la criminalité organisée. Ceux qui participent au lessivage d'argent ne sont pas couverts dès le départ. Ils deviennent couverts par ce scheme lorsque la Couronne, au stade de la sentence, présente au tribunal les éléments aggravants. Cela, l'article 724 du Code criminel le prévoit. Voulez-vous m'arrêter?

M. Michel Bellehumeur: Là, vous êtes rendu à l'article 743.6.

M. Yvan Roy: Non, pas nécessairement. L'article 743.6, c'est la disposition qui vous dit que l'individu devra purger, si le juge le détermine, la moitié de sa sentence.

M. Michel Bellehumeur: D'accord.

M. Yvan Roy: Le juge, au procès, va devoir prendre une décision. Il va recevoir la preuve de la Couronne, qui va vouloir faire la preuve que le lessivage d'argent a été fait au profit de la criminalité organisée. La criminalité organisée est définie au Code criminel comme étant au moins cinq personnes travaillant ensemble dans le but de faire un profit de la criminalité.

• 0945

Une fois cette constatation faite, on la porte au dossier. Le juge a pris sa décision. Il peut, à ce moment-là, passer à l'étape suivante en imposant à cet individu de purger au moins la moitié de sa peine dans un pénitencier. S'il ne le fait pas, maintenant que l'article 125 est modifié, la Commission nationale des libérations conditionnelles ne pourra étudier son cas avant qu'il ait purgé au moins le tiers de sa peine. Il ne pourra plus dorénavant bénéficier de la procédure d'examen expéditif.

M. Lagana, par exemple, en a bénéficié. En effet, après avoir purgé le sixième de sa peine, il a été en mesure de présenter une demande de libération conditionnelle. Comme il satisfaisait aux critères, il a pu en bénéficier. Si M. Lagana avait dû passer à travers le filtre dont je parle ici, si la Couronne avait fait la preuve que le blanchiment d'argent avait été fait au profit de la criminalité organisée, il aurait été obligatoire, en droit, de transmettre cette information à la Commission nationale des libérations conditionnelles. Avec cet amendement, le criminel ne peut plus bénéficier du programme permettant de ne purger que le sixième de la peine; il doit en purger au moins le tiers.

Si le juge avait voulu aller encore plus loin, dans ce cas particulier, il aurait pu lui imposer, grâce à l'amendement qui existe depuis 1997, de purger au moins la moitié de la sentence avant que la libération conditionnelle ne soit accordée.

En somme, plutôt que de passer du sixième à la moitié de la peine, vous passez automatiquement du tiers à la moitié.

M. Michel Bellehumeur: Sans qu'un juge se soit prononcé en vertu de l'article 743.6.

M. Yvan Roy: Sans qu'un juge ait à se prononcer en vertu de l'article 743.6. Cependant, un juge aura à se prononcer sur le lien avec la criminalité organisée dans une affaire de ce genre. C'est pourquoi cela se fera à l'étape de la sentence.

M. Michel Bellehumeur: Et quelle sera la preuve à fournir pour en arriver là?

M. Yvan Roy: C'est une preuve qui doit être hors de tout doute raisonnable, mais qui peut se faire par des moyens moins restrictifs qu'au moment du procès. Je veux dire par là qu'au moment du procès, on n'accepte pas le ouï-dire. Au stade de la sentence, la preuve peut s'appuyer sur le ouï-dire. Ce qui va se produire habituellement, c'est qu'on entendra évidemment le témoignage d'experts, de policiers experts dans le domaine qui viendront décrire devant le tribunal les circonstances dans lesquelles l'infraction a été commise pour démontrer de façon satisfaisante au juge que le crime a été commis à l'avantage de la criminalité organisée.

M. Michel Bellehumeur: N'aurait-il pas été plus simple d'inscrire en toutes lettres le blanchiment d'argent parmi les exceptions?

M. Yvan Roy: Cela aurait été plus simple, mais je ne suis pas sûr que cela aurait été correct. On voit que la définition du lessivage d'argent, donnée dans l'article 462.31, couvre une gamme de possibilités qui dépassent très largement ce qui se fait en matière de criminalité organisée.

Le lessivage d'argent porte sur des comportements qui vont... Je vais vous donner un exemple qui fonctionne à l'inverse: si j'avais volé quelque chose dont je vous demande de disposer, cela pourrait constituer du lessivage d'argent. On n'est pourtant pas partie prenante au crime organisé. C'est aussi du recel. Donc, la définition est tellement large qu'elle couvre le recel et davantage. Si on avait ajouté cela, on aurait couvert énormément de choses.

M. Michel Bellehumeur: Est-ce qu'on n'aurait pas pu donner une définition un peu plus ciblée du blanchiment d'argent, dans le sens où on en parle pour les cas de Lagana et d'autres avocats ou comptables?

M. Yvan Roy: Cela aurait été une possibilité.

M. Michel Bellehumeur: Très sincèrement, c'est à peu près l'assurance qu'on nous avait donnée en ce qui concerne la procédure accélérée dans le cas de crimes graves. On avait parlé de toutes sortes de choses, par exemple de crimes par assimilation. Je me souviens d'avoir parlé du blanchiment d'argent lors de cette réunion, où on disait que le blanchiment touchait à toute la question de la drogue, de la violence, etc., que cela pourrait être couvert de telle façon ou de telle autre. On a vu dans les faits que ce n'était pas couvert. Lagana en est un exemple vivant.

J'ai peur qu'aujourd'hui, malgré vos affirmations et vos réponses, que vous nous faites avec tant d'assurance et de bonne foi, on passe encore une fois à côté. En effet, les gens du crime organisé ont les moyens de se payer les meilleurs avocats et ils connaissent le Code criminel encore plus à fond que nous, les députés. Malgré votre professionnalisme, je pense qu'ils le connaissent aussi bien que vous et sont capables de le contourner.

Il s'agit d'une situation claire. Tout le monde s'entend ici pour dire qu'il faut agir en ce qui touche au blanchiment de l'argent, qu'il ne faut pas que des cas comme celui de Lagana puissent se reproduire. Pourquoi n'essaie-t-on pas d'introduire un texte serré, un texte très clair, pour qu'on ne puisse plus finasser à propos d'une description ou d'une preuve à faire en vertu de l'article 2? Pourquoi ne donne-t-on pas une définition précise de ce qu'on entend par blanchiment d'argent dans le secteur du gangstérisme ou tout autre secteur? Pourquoi ne l'indique-t-on pas clairement dans cet article-là?

• 0950

Qu'allez-vous me répondre? Que c'est une question politique?

M. Yvan Roy: Je vous donnerai une réponse à double volet. Premièrement, je pense que le solliciteur général serait heureux, dans le cadre de la révision de ce projet de loi que votre comité doit entreprendre bientôt, je crois, de recevoir des propositions en ce sens.

Deuxièmement, oeuvrant dans ce domaine depuis déjà quelques années, je vous dirai qu'élaborer une définition qui soit précise sans être en même temps trop restrictive est loin d'être facile. Nous avons tenté, avec cet amendement, de parer au plus pressé. Soyons candides. Le plus urgent, c'est que des cas comme celui de M. Lagana ne puissent pas se reproduire. Donnons-nous les moyens de régler ce point rapidement. C'est le but de l'opération. S'il était possible d'élaborer une définition qui aille dans le sens de ce que vous souhaitez et de ce que nous souhaitons, je serais heureux de la connaître. Ce n'est pas parce qu'on n'a pas essayé.

M. Michel Bellehumeur: Je serai très honnête envers vous, monsieur Roy. Lors de notre rencontre, nous avions parlé du cas Lagana et, à moins que vous ayez réexaminé le cas et que vous ayez consulté d'autres avocats du ministère, vous m'aviez semblé moins certain que les modifications apportées couvriraient les cas comme celui de Lagana. Aujourd'hui, vous êtes très affirmatif sur ce point.

M. Yvan Roy: Je vais vous dire pourquoi, car j'y ai repensé par la suite. Je vous disais que le cas de Lagana ne serait pas couvert par cet amendement. Pour les individus qui sont déjà pris à l'intérieur du système carcéral, c'était vrai et cela continue d'être vrai. En effet, ce dont on parle aujourd'hui, soit qu'un juge puisse décréter qu'un individu a agi au profit de la criminalité organisée, ne peut pas se faire rétroactivement. Cela ne sera possible que dans l'avenir.

Donc, quand je vous disais que les cas comme celui de Lagana ne seraient pas couverts, je pensais à ceux qui ont déjà fait l'objet d'un jugement, aux 10 dont M. Ram parlait tout à l'heure, s'ils sont bien 10. Pour ce qui est de l'avenir, vous avez ici quelque chose qui permettra de le faire.

Je vous dirai que dans le cadre du processus d'information et de formation qui a été mis en oeuvre et que je mentionnais dans ma réponse à M. Reynolds, c'est un des aspects qu'on cherche à faire connaître davantage, tant aux corps policiers qu'aux procureurs de la Couronne. Nous voulons qu'ils sachent que cet article existe et qu'ils l'utilisent en fonction de ce que nous proposons, en somme qu'ils utilisent une série de dispositions qui mènent à ce résultat.

Mais je ne suis pas certain, entre vous et moi, qu'à l'heure actuelle, ces dispositions soient bien connues et soient effectivement utilisées. Je n'en suis pas du tout certain. Nous faisons un effort pour le mettre à l'ordre du jour afin d'y arriver.

M. Michel Bellehumeur: Si je comprends bien, pour vraiment...

[Traduction]

Le vice-président (M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.)): Monsieur Bellehumeur, je m'excuse. Nous devons passer à quelqu'un d'autre. Votre temps est écoulé. Vous aurez à nouveau l'occasion de prendre la parole au prochain tour.

Monsieur Mancini.

M. Peter Mancini (Sydney—Victoria, NPD): Merci, monsieur le président.

Je vous remercie de votre comparution. Je n'ai que quelques questions à poser. Permettez-moi tout d'abord d'aborder l'article 23, où l'on propose des modifications à l'article 516 ayant trait au renvoi de l'accusé avant l'enquête sous cautionnement. Si j'ai bien compris, il est prévu par cet article que si, au moment de l'arrestation de l'accusé et de son renvoi avant l'enquête sous cautionnement visant à déterminer les conditions de libération, le juge peut, à sa discrétion, ordonner à l'intimé de s'abstenir de communiquer.

Deux réflexions me viennent à l'esprit à cet égard. Tout d'abord—et j'y reviens constamment—a-t-on tenu compte du principe de la présomption d'innocence? Vous me voyez inquiet à l'idée qu'on impose des conditions avant même que la personne n'ait pu être entendue, et j'aimerais avoir des renseignements supplémentaires à ce sujet.

Deuxièmement, a-t-on réfléchi à la possibilité d'un débordement dans le domaine du droit de la famille? Il me semble que la question serait d'une importance capitale pour beaucoup des juges qui ont affaire à des causes où il y a, par exemple, des allégations de violence familiale dans un contexte de tolérance zéro et où le prévenu sera presque de manière certaine renvoyé à la détention—et je siège au comité de la garde d'enfants et des droits de visite avec certains de mes collègues qui sont ici—, auquel cas, la situation familiale pourrait être telle que le prévenu se verrait interdire toute communication avec sa famille.

J'ai donc deux questions, celle concernant la présomption d'innocence et deuxièmement, je veux savoir si on a pensé au débordement éventuel dans des domaines autres que celui du droit criminel?

• 0955

M. Chris Ram: Je crois qu'il y a certaines préoccupations à cet égard. Il y a finalement trois étapes entre le moment où l'infraction est commise et celui où la personne est arrêtée: la période qui s'écoule entre le moment de l'arrestation et la mise en détention; la première comparution devant un juge; et l'enquête sur le cautionnement en vertu de l'article 515 du Code criminel. À l'heure actuelle, aux termes de cet article du Code criminel, si le prévenu est en détention, le juge peut lui imposer une ordonnance de non-communication. C'est là une procédure judiciaire.

Le juge peut tenir compte de la présomption d'innocence et des faits de la cause. Cela vaut jusqu'au moment de la première comparution devant le juge. Nous n'avons pas essayé de faire en sorte de prévoir dans la loi une ordonnance de non-communication automatique qui s'appliquerait à la période entre le moment où le prévenu est arrêté et le moment où il comparaît devant le juge, précisément pour cette raison. Il faut qu'un juge se prononce sur le bien-fondé d'imposer au prévenu une ordonnance de non- communication avec un témoin ou une victime en particulier.

M. Peter Mancini: Ce que je veux savoir finalement, c'est ce qui pourrait être pris en considération pour en arriver à cette décision.

M. Chris Ram: D'après les souvenirs que j'en ai, c'est là quelque chose qui est laissé ni plus ni moins à la discrétion du juge. Le juge pourrait tenir compte de la probabilité que le prévenu entre en communication avec les témoins ou les victimes. Par ailleurs, comme vous dites, il pourrait aussi y avoir d'autres considérations liées à la famille qui entreraient en ligne de compte. Je ne connais pas très bien cet aspect de la loi. Je suppose finalement qu'on pourrait tenir compte de ce que le prévenu ou son avocat aurait invoqué ou encore de ce dont le juge voudrait tenir compte.

M. Peter Mancini: D'accord. Voilà qui m'éclaire un petit peu.

J'aimerais passer maintenant au paragraphe 32(1). Je vous serais très reconnaissant si vous pouviez m'aider à comprendre cette disposition. Il me semble qu'en disant à l'alinéa b.1) du projet de loi «prendre en considération toutes autres accusations», on limite en quelque sorte le pouvoir discrétionnaire du juge, par rapport à l'ancienne disposition. Nous trouvons-nous à limiter les préoccupations dont le juge peut tenir compte en décidant d'accepter le plaidoyer de culpabilité ou de déterminer la peine relativement aux autres accusations?

Mme Jodie van Dieen (conseillère juridique, Section de la politique en matière de droit criminel, ministère de la Justice): Je ne crois pas que le pouvoir discrétionnaire se trouve limité. À l'heure actuelle, aux termes de l'alinéa 725(1)b), le juge peut prendre en considération dans la détermination de la peine toutes autres accusations à l'égard desquelles le délinquant plaide coupable. L'alinéa b.1) autorise le tribunal à prendre en considération toutes autres accusations à l'égard desquelles il n'y a pas eu de plaidoyer de culpabilité à condition que les critères annoncés dans le Code soient satisfaits.

M. Peter Mancini: Je reviens là-dessus: y aurait-il lieu de craindre qu'il y ait atteinte aux droits du prévenu dans la détermination de la peine, pour ce qui est de prendre en considération des accusations dont le prévenu n'aurait pas été trouvé coupable ou auxquelles il n'aurait pas plaidé coupable?

Mme Jodie van Dieen: J'estime que les critères répondent à ces préoccupations, puisqu'il faut que le prévenu donne son consentement et qu'il accepte les faits concernant l'accusation, tels qu'ils ont été décrits au cours d'une procédure judiciaire publique. Il s'agit donc d'un processus très public...

M. Peter Mancini: Inclusif.

Mme Jodie van Dieen: ...et qui est généralement à l'avantage du prévenu.

M. Peter Mancini: Merci.

Le vice-président (M. John Maloney): Merci, monsieur Mancini. Monsieur MacKay.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Merci, monsieur le président.

Je remercie nos témoins de leur présence aujourd'hui.

Ma première question est de portée générale. La présidente précédente, Shaughnessy, y a répondu en partie. Cela vous a-t-il gênés le moindrement de savoir qu'un examen de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition est prévu sous peu et qu'il sera pour nous l'occasion d'examiner cette question en détail? Cela vous pose-t-il le moindre problème étant donné que, de toute évidence, vous vous êtes déjà penchés dans une certaine mesure sur cette question, dans le projet de loi à l'étude?

M. Yvan Roy: Les mots importants sont «dans une certaine mesure». Le changement est mineur. La modification en question, à savoir la disposition dont nous avons parlé avec les deux autres membres du comité, s'imposait, à mon sens.

• 1000

Tout le monde s'entend à dire qu'il n'est pas normal qu'une personne coupable d'actes de gangstérisme soit autorisée à ne purger qu'un sixième de sa peine. En essayant de résoudre le problème sur-le-champ, nous espérons que cela réglera au moins cette question.

Il est possible qui à l'avenir, votre comité recommande d'autres mesures à ce sujet. Très bien. Mais au moins, ne permettons pas à ces gens-là de profiter de ce que bien des gens considèrent comme une échappatoire de la loi. Ce que nous disent les ministres, je suppose, c'est qu'il faut supprimer cette échappatoire au plus tôt, un point c'est tout.

M. Peter MacKay: Très bien. Je suis d'accord avec vous. Je me doutais que c'était la raison de cette modification.

J'ai une question plus précise au sujet de l'article 22, soit le projet d'alinéa 515(6)d), visant à modifier la disposition relative aux cautions.

Par cette modification, vous supprimez à toutes fins utiles le paragraphe 5(4) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances de la liste des infractions graves passibles d'un emprisonnement à perpétuité, et pour ce genre d'infractions, c'est à l'accusé qu'il incombe de prouver pourquoi il ou elle mérite une mise en liberté sous caution.

Ma question est la suivante: De quels facteurs avez-vous tenu compte avant de décider de supprimer le paragraphe 5(4), lequel, comme vous le savez, porte précisément sur les drogues liées au cannabis? En outre, pourquoi a-t-on décidé d'abroger de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances la disposition selon laquelle il faut prouver pourquoi l'accusé mérite une mise en liberté provisoire?

M. Chris Ram: En fait, cela visait à remédier à une erreur d'ordre législatif. L'alinéa 516(6)d) porte sur les infractions passibles d'emprisonnement à perpétuité, et le paragraphe 5(4) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances prévoit une infraction passible d'une peine de cinq ans et non à perpétuité. D'après ce que je sais, c'est tout simplement une erreur de rédaction.

M. Yvan Roy: Nous n'aimons pas l'avouer publiquement, mais nous corrigeons ici une erreur.

Des voix: Oh, oh!

M. Chris Ram: C'est l'un des rôles peu connus des projets de loi omnibus.

M. Peter MacKay: M. Lee s'en serait de toute façon rendu compte un jour ou l'autre.

L'article 6 porte sur les jeux de dés.

Mme Shaughnessy Cohen (Windsor—St. Clair, Lib.): Attention à ce que vous dites.

M. Peter MacKay: Attention?

Cette modification vise, je suppose, à retirer les jeux de dés de la liste des loteries qui sont tout à fait interdites pour les inscrire à la liste des loteries autorisées. C'est là que se pose la question de compétence, je suppose—puisque cela relève des provinces.

Si certaines provinces ou entreprises ont exercé des pressions pour faire inclure cette disposition dans le projet de loi, j'aimerais savoir quel processus de consultation a eu lieu avant que cette décision ne soit prise. Les hauts fonctionnaires de la Justice sont-ils prêts à déposer tout échange de correspondance, ou tous les rapports ou mémoires qu'ils ont reçus et qui ont influé sur cette décision?

J'aimerais également savoir si la GRC ou les services de police ont fait une analyse des répercussions qu'est susceptible d'avoir l'assouplissement de telles dispositions?

M. Yvan Roy: Cette modification en particulier est censée avoir une portée très restreinte. Vous avez signalé, monsieur MacKay, qu'elle vise à modifier une disposition aux termes de laquelle certains jeux de dés sont tout à fait interdits, afin qu'ils puissent se dérouler dans le cadre de loteries gérées par les gouvernements provinciaux. Les sociétés privées n'ont pas le droit de gérer ce genre de chose. Les casinos exploités par des organismes de bienfaisance n'auront pas le droit d'offrir ce genre de jeu. Ces jeux de dés doivent tomber sous le contrôle strict des provinces et se dérouler dans des casinos gérés par les provinces.

Je ne pense pas dévoiler des secrets d'État en disant qu'en gros, il y a des instances qui s'intéressent particulièrement à ce que ce jeu soit offert dans leurs casinos, simplement parce qu'elles sont en concurrence avec des casinos étrangers.

En clair, dans le sud de l'Ontario, il y a des casinos qui ont fait savoir, par l'intermédiaire du ministre intéressé, que ce jeu devait être offert pour qu'ils puissent concurrencer les casinos du Michigan et de New York.

• 1005

Au bout du compte, c'est aux provinces de décider si ce jeu doit faire partie de ceux qu'elles offrent dans leurs casinos. Je ne sais pas si la province du Québec le fera, par exemple. Je sais qu'en Ontario, on voudrait avoir ce jeu pour des questions de concurrence avec d'autres casinos.

Pour ce qui est des consultations, oui, nous avons consulté les gouvernements provinciaux tant du côté de la Justice que du solliciteur général. Nous avons aussi communiqué avec la GRC.

Des préoccupations ont été soulevées quant à l'intégrité de ce jeu. Nous savons tous que ces jeux ont été interdits parce qu'il était facile de...

M. Peter MacKay: De piper les dés.

M. Yvan Roy: Tout simplement, de piper les dés.

En confiant cela aux gouvernements provinciaux, d'une part, nous sommes convaincus qu'il est dans l'intérêt de la province de s'assurer que le jeu est intègre, qu'il est protégé... J'ai été étonné d'apprendre que l'on peut maintenant insérer dans les dés des puces électroniques pour s'assurer que rien de louche ne leur arrive.

Tous ceux que nous avons consultés semblaient généralement croire pouvoir protéger l'intégrité de ce jeu. C'est pourquoi on a proposé de présenter l'amendement au Parlement, pour voir s'il aurait l'appui de la majorité.

Depuis que le projet de loi a été déposé à la Chambre, je n'ai vu ni entendu personne formuler des objections au sujet des dés; au contraire, on appuie cette idée. On nous a dit: «Oui, ça semble être une bonne idée». C'est tout.

M. Peter MacKay: C'est assez inoffensif.

M. Yvan Roy: Oui.

M. Peter MacKay: Pouvez-vous me dire qui a proposé ce changement? D'où en est venue l'idée?

M. Yvan Roy: L'idée provient de l'Ontario.

Mme Shaughnessy Cohen: De Al Palladini. C'est un conservateur.

M. Peter MacKay: Eh bien, c'est que cela produira des revenus.

Vous avez surtout parlé de l'Ontario et de la proximité des États-Unis comme étant un facteur. Je sais que la situation évolue au Sheraton ITT, en Nouvelle-Écosse. Je me demande si vous avez consulté la province de la Nouvelle-Écosse au sujet de ce changement.

M. Yvan Roy: La Nouvelle-Écosse a été représentée, dans le cadre des consultations qui ont eu lieu. C'est certain.

M. Peter MacKay: Bien. Merci beaucoup.

Le vice-président (John Maloney): Merci, monsieur MacKay. Madame Cohen.

Mme Shaughnessy Cohen: Parlons de l'article 6 et d'autres articles. Je n'arrive pas à croire que nous avons un projet de loi omnibus qui parle d'expansion économique.

M. Peter Mancini: Moi non plus.

Mme Shaughnessy Cohen: Et c'est très important dans le projet de loi.

Par exemple, saviez-vous, monsieur Roy, qu'à Windsor, en Ontario, la légalisation des jeux de dés créera de 400 à 500 nouveaux emplois? Je précise, à l'intention de M. Mancini, qu'il s'agit d'emplois syndiqués, par les TCA, dont les salaires varieront entre 40 000 et 60 000 $ par an. Le saviez-vous?

M. Yvan Roy: Je transmettrai volontiers ces renseignements à la ministre de la Justice.

Mme Shaughnessy Cohen: Oui.

Et saviez-vous que nous serons non seulement sur le même pied que les casinos de Détroit, mais que nous aurons même un avantage? Nous aurons désormais les mêmes jeux que les casinos de Détroit. Mais en plus, nous avons le contrôle des armes à feu et nous pouvons marcher en toute sécurité dans les rues de Windsor.

Vous le ne saviez peut-être pas. Peut-être n'y aviez-vous pas pensé?

M. Yvan Roy: Je connais assez bien la question des armes à feu, en fait.

Mme Shaughnessy Cohen: Je tenais à dire tout ceci au nom de ma collectivité. Vous pouvez constater que j'ai quitté mon fauteuil de présidente pour ce faire et que personne d'autre que vous ne m'écoute, en ce moment.

Des voix: Oh, oh!

Mme Shaughnessy Cohen: C'est un excellent projet de loi.

Je tiens à dire, toutefois, que le gouvernement conservateur de l'Ontario qui se plaignait depuis longtemps, en public, que nous n'ayons pas légalisé les jeux de dés, avait malheureusement omis de nous envoyer une lettre à ce sujet, jusqu'au printemps dernier. Si j'ai bien compris, sur réception de la lettre, votre ministère a préparé ce projet de loi et l'a fait déposer au Parlement. Est-ce exact?

M. Yvan Roy: C'est exact, madame la présidente.

Mme Shaughnessy Cohen: Vous êtes un excellent témoin, monsieur.

M. Peter MacKay: Elle dirige le témoin.

Mme Shaughnessy Cohen: Au sujet des navires de croisière internationaux, j'aimerais que vous me donniez encore quelques explications. Si j'ai bien compris, ces modifications sont très importantes pour le Québec, n'est-ce pas? Elles le sont aussi pour la Nouvelle-Écosse et pour la Colombie-Britannique.

• 1010

[Français]

M. Yvan Roy: Effectivement, madame Cohen, les amendements qui sont proposés relativement aux navires de croisière visent à favoriser les Maritimes, le Québec et la Colombie-Britannique, en permettant à ces navires de croisière de continuer d'exploiter leur casino à bord.

Des consultations ont été menées indiquant que cela pouvait engendrer des activités économiques d'importance dans ces régions, puisqu'il serait alors possible que ces navires de croisière augmentent leur trafic. Autrement dit, il y aurait un plus grand nombre de passagers intéressés à venir à Halifax, à Montréal, à Charlottetown, à Québec ou à Vancouver grâce à un amendement comme celui-là.

Si vous me demandez d'évaluer ce que représenteraient ces activités économiques, je vous répondrai qu'on nous a parlé de quelques dizaines de millions de dollars. Ce n'est pas négligeable.

[Traduction]

C'est un changement important à notre loi qui permettra à ces exploitants de faire venir encore plus de navires de croisière dans nos eaux, particulièrement en septembre et en octobre, me dit-on. Cela devrait donc stimuler l'activité économique dans ces régions.

Ce genre de modification a vraiment l'appui des bureaux de tourisme de tout le pays, particulièrement des régions où navigueront ces bateaux de croisière.

Mme Shaughnessy Cohen: Bien.

L'autre question relative à l'expansion économique se trouve dans les articles portant sur les diamants et les pierres précieuses. Ces articles sont proposés parce que nous avons maintenant aux Territoires du Nord-Ouest une mine de diamant.

M. Yvan Roy: Oui.

Mme Shaughnessy Cohen: Est-ce que cela nous permet de répondre aux préoccupations internationales? Est-ce que des instances internationales voulaient s'assurer, ou nous aider à nous assurer, que nos lois étaient à jour pour ce qui est des pierres précieuses?

M. Yvan Roy: M. Ram a suivi cette question de près. Je devrais sans doute le laisser vous en dire un peu plus sur la raison d'être de ces modifications, si elles sont adoptées par le Parlement, bien entendu.

M. Chris Ram: L'objet était certainement de veiller à ce que ces mesures de protection soient en vigueur lorsque les nouvelles mines de diamants des Territoires du Nord-Ouest seront en exploitation. Traditionnellement, au Canada, la production de minéraux de valeur était celle de métaux précieux, et beaucoup de dispositions du Code criminel se rapportaient aux métaux précieux, soit l'or, l'argent et le platine ainsi que les minerais contenant ces métaux. Dès qu'on ajoute à cet ensemble les pierres précieuses et les éléments de terres rares, il fallait une définition plus large.

Les modifications visent notamment à élargir la définition, afin de s'assurer que la loi modernisée tiendra compte non seulement des diamants, mais aussi de toute autre pierre précieuse qui pourrait être découverte au Canada, puisqu'on a des raisons de croire qu'il y en a des gisements ailleurs au Canada.

J'ai bien étudié la question lorsque nous avons rédigé les modifications et j'ai constaté que certaines des dispositions n'avaient pas été revues par le Parlement depuis le tournant du siècle. Le Code criminel comprenait l'infraction de la possession d'échantillons de mica, ce qui a horrifié le ministère des Ressources naturelles, lorsque je l'ai signalé. J'en ai moi-même dans mon bureau, je les collectionne. Ça nous a tous bien étonné. On a réglé ce problème.

Pour ce qui est des mesures de contrôle imposées relativement au vol, au trafic et à la contrebande, la Charte limite ce que nous pouvons faire. La GRC s'est renseignée, en regardant notamment ce qui se passe dans d'autres pays où il y a des mines de diamants, pour connaître le risque que ces pierres deviennent un moyen d'échange pour le crime organisé. Le risque existe. Les médias en ont bien fait état. Tout ce qu'on peut faire, c'est créer un fardeau de la preuve pour ceux qui sont pris en possession de ces articles.

La loi disait que si vous étiez pris en possession de minerai d'or alors que vous travailliez dans une mine, vous étiez présumé l'avoir volé. C'est contraire au principe de la présomption d'innocence énoncé dans la Charte et c'est ce qu'a confirmé la Cour suprême. Une fois modifiée, la loi dira que si les faits permettent de croire que vous l'avez volé ou que vous êtes en possession de minéraux obtenus frauduleusement, l'accusé pourra réfuter l'accusation en soulevant un doute raisonnable.

Il s'agit de la troisième partie de la modification qui vise à rendre ces dispositions conformes à la Charte.

• 1015

Mme Shaughnessy Cohen: Monsieur Roy, j'ai une autre question.

En suivant les tendances de la législation ces dernières années, j'ai remarqué que le ministère s'était laissé contaminer par un virus pernicieux qui réduit l'accès aux procès avec jury pour les accusés. Pourriez-vous me dire si, selon vous, ces modifications vont contribuer à inciter davantage les procureurs généraux des provinces à réduire l'accès des accusés à un procès avec jury.

Je songe aux infractions hybrides, qui permettent à la Couronne de réduire l'accusation pour éviter la tenue d'un procès avec jury ou aux autres lacunes du système qui réduiraient le droit de l'accusé à un procès avec jury.

M. Yvan Roy: Pendant que vous posiez la question, madame Cohen, je feuilletais la loi en essayent de me souvenir si elle contenait quelque chose de ce genre. Je ne pense pas que ce soit le cas.

Mme Shaughnessy Cohen: C'est ce que j'avais compris, mais je tenais à le souligner.

M. Yvan Roy: À nous mettre en garde.

Mme Shaughnessy Cohen: Je pense que vous l'êtes déjà.

M. Yvan Roy: Merci.

Mme Shaughnessy Cohen: Merci.

C'est toutes les questions que j'avais à poser.

Le vice-président (M. John Maloney): Merci, madame Cohen.

Il nous reste un peu de temps, monsieur Grose. Avez-vous une brève question?

M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Non, je n'ai pas de brève question et je vais donc...

Mme Eleni Bakopanos: Posez-la quand même.

M. Ivan Grose: Très bien. Ce sera davantage une déclaration.

Je ne peux pas croire que les gens raisonnables qui sont réunis ici puissent penser que le jeu, qu'il ait lieu dans les casinos ou les bateaux de croisière, va apporter quelque chose de plus à l'économie. La quantité d'argent que les gens peuvent y consacrer est limitée. Cet argent viendra ou bien des pistes de course ou des bars—là où les gens le dépensent maintenant—ou il faudra que le gouvernement fasse marcher la planche à billets afin que le public ait de quoi faire ce genre de dépenses.

C'est absurde. Je ne comprends pas. Comment peut-on dire logiquement que toute forme de jeu légalisé pourrait contribuer à l'économie et créer de nombreux emplois supplémentaires. Cela dépasse mon entendement.

Si quelqu'un peut répondre à cela, très bien.

Le vice-président (M. John Maloney): Voulez-vous répondre à cette dernière remarque?

M. Yvan Roy: Je ne voudrais certainement pas discuter de cette question, ce n'est pas mon rôle et peu importe que je sois d'accord ou non. Mais je dois souligner, monsieur, que ces modifications, surtout celle qui concerne le jeu à bord des navires de croisière, visent à faire venir ces navires de l'étranger. L'argent dont il est question ici est donc apporté des États-Unis au Canada. Dans cette mesure, c'est une activité qui génère de l'argent pour les Canadiens. Tel est le raisonnement, c'est tout.

M. Ivan Grose: Vous n'allez donc pas faire la même chose pour obtenir des dollars canadiens.

C'est ridicule.

Le vice-président (M. John Maloney): Merci, monsieur Roy.

Monsieur Cadman, vous avez cinq minutes.

M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Réf.): À titre d'éclaircissement, je crois que les navires de croisière qui vont jusqu'en Alaska en passant par la Colombie-Britannique ont déjà des casinos. Pourriez-vous m'expliquer comment cela se fait?

M. Yvan Roy: On a eu un problème il y a quelques années sur le fleuve Saint-Laurent. Le procureur général du Québec de l'époque avait décidé de faire respecter ces dispositions particulières. On y avait envoyé la police. Les agents de police sont montés à bord, ils ont saisi le casino et depuis les exploitants de ces navires de croisière disent qu'à moins qu'on éclaircisse parfaitement la situation, ils n'enverraient pas de navire de croisière sur le Saint-Laurent.

Je crois savoir que la situation est encore moins claire en Colombie-Britannique où, premièrement, ces navires de croisière se trouvent dans les eaux canadiennes, et deuxièmement, s'ils se trouvent dans les eaux canadiennes... on semble faire preuve de ce qu'on peut appeler de la «tolérance». Ce qui expliquerait pourquoi cela s'est produit.

On régulariserait vraiment la situation en précisant que ces activités sont légales.

M. Chuck Cadman: Merci.

Le vice-président (M. John Maloney): Merci, monsieur Cadman. Monsieur Marceau.

[Français]

M. Richard Marceau (Charlesbourg, BQ): Maître Roy, je suis convaincu que votre travail vous amène à suivre de près les affaires parlementaires et les projets de loi privés déposés par les députés. Je suis convaincu que vous n'êtes pas sans savoir que j'ai déposé un projet de loi, le projet de loi 416, qui visait, entre autres, des cas comme celui de M. Lagana.

• 1020

Dans ce projet de loi privé, qui comporte un seul article, je mentionne une modification qu'il serait possible d'apporter au sous-alinéa 125(1)a)(iv) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, qui ressemble un peu à l'amendement que vous proposez dans l'article 51, dans lequel je mentionne l'infraction suivante:

      une infraction prévue à l'article 463 du Code criminel et relative à une infraction mentionnée à l'alinéa 1e), 2f) ou 3e) de l'annexe II..

qui identifie de façon très pointue les cas de recyclage des produits de la criminalité, dans différentes lois.

M. Yvan Roy: L'article 463 du Code criminel traite des tentatives de complot et des cas de complicité.

M. Richard Marceau: Oui.

M. Yvan Roy: Je ne suis pas certain que les autres alinéas me soient suffisamment familiers pour que je comprenne exactement en quoi consisterait le changement que vous proposez.

M. Richard Marceau: On y identifie les cas de recyclage des produits de la criminalité dans différentes lois, par exemple la Loi sur les aliments et drogues, la Loi sur la réglementation de certaines drogues et la Loi sur les stupéfiants, entre autres.

M. Yvan Roy: Donc, selon votre proposition, dans chaque cas où il y aurait recyclage de produits de la criminalité et blanchiment d'argent touchant aux stupéfiants, les individus seraient couverts, que cela se fasse ou non dans le cadre du crime organisé.

M. Richard Marceau: Non...

M. Yvan Roy: Le petit gars qui vend deux joints, qui collecte l'argent et le remet à quelqu'un d'autre est spécifiquement couvert par une disposition comme celle-là.

M. Michel Bellehumeur: Est-ce qu'il est poursuivi en vertu de l'article 463, ce jeune qui vend deux joints?

Une voix: C'est là une autre question.

M. Michel Bellehumeur: On a déjà de la difficulté à le poursuivre pour possession simple.

M. Yvan Roy: Non, mais pour bien comprendre cet amendement... Écoutez, notre crainte, c'est d'apporter un changement qui soit trop large sans avoir fait les consultations appropriées.

J'ai répondu tout à l'heure à une question de M. MacKay en disant que cet article comporte une carence qu'on a déterminée et que l'objectif du gouvernement est de pallier cette carence en attendant de procéder à une révision de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Donc, c'est par une révision plus complète qu'on pourra faire les choses plus adéquatement.

M. Richard Marceau: Mais quand on veut boucher un trou, il faut le faire correctement, sinon l'eau continue de s'infiltrer. Est-ce qu'il vous serait possible, d'ici assez bientôt, d'examiner le projet de loi C-416...

M. Yvan Roy: Volontiers.

M. Richard Marceau: ...et de nous faire part de vos observations en vue de l'améliorer? En effet, un projet de loi peut toujours être amélioré. Je sais que certaines personnes ont du mal à le croire, mais c'est le cas.

M. Yvan Roy: Vous avez mon plein assentiment là-dessus. Et s'il s'agit de le faire faire, on le fera.

M. Richard Marceau: D'accord, merci.

M. Michel Bellehumeur: Simplement pour faire le tour de la question, monsieur Roy, si on s'en tient à vos remarques, je ne pense pas que le jeune qui a vendu deux joints ou autre chose en sa possession serait poursuivi, en vertu de la Loi sur les stupéfiants ou de la Loi sur les aliments et drogues, pour le recyclage de produits de la criminalité. Je pense qu'on se comprend sur l'intention du législateur.

Dans la Loi sur les stupéfiants, la Loi sur les aliments et drogues ou la Loi sur la réglementation de certaines drogues, je ne pense pas qu'on vise le petit gars de l'école secondaire qui a deux joints de marijuana dans sa poche. Je pense que la motivation et l'objectif de la loi sont bien différents.

Alors, la question de M. Marceau était plutôt de l'ordre suivant: est-ce que, dans le projet de loi C-51, à l'article 51—dans lequel on modifie déjà le sous-alinéa 125(1)a)(iv) de la loi—il serait possible d'ajouter un autre sous-alinéa faisant référence justement aux lois sur les stupéfiants, sur les aliments et drogues et sur la réglementation de certaines drogues pour les inclure comme étant des exceptions, comme vous le faites présentement dans les deux sous-alinéas? Telle est la question.

Si on veut colmater adéquatement la brèche, ne pensez-vous pas qu'il serait bon de le faire avec les outils à notre disposition, quitte à apporter d'autres améliorations plus tard, comme vous le dites?

M. Yvan Roy: Permettez-moi de faire deux commentaires là-dessus. Tout d'abord, je pense que l'amendement proposé colmate le trou dont vous parlez, dans la mesure où ce qui est visé, c'est la criminalité organisée.

• 1025

Or, la criminalité organisée ne porte pas que sur les stupéfiants. C'est aussi la fraude par télémarketing et les réseaux de vol d'autos. Il y a une très vaste quantité d'activités criminelles. Ramener la criminalité organisée aux seuls stupéfiants est restrictif, je crois. Ce n'est probablement pas ce que le Parlement souhaite faire, du moins je le crois.

Mon deuxième commentaire porte sur l'attitude qui voudrait qu'on puisse proposer au Parlement des amendements incorrects quant à leur forme en se fondant sur la conviction qu'on peut se fier à la Couronne ou à la police pour n'intenter des poursuites que dans les cas appropriés.

Moi, je préfère proposer aux parlementaires des amendements qui ne requièrent pas qu'on s'en remette autant à la discrétion des agents du système. Ils ont suffisamment d'occasions d'exercer leur pouvoir et leur discernement sans qu'un texte de loi, dont on sait qu'il a plus d'extension que nécessaire, leur permette de déterminer quelles sont les situations où il convient d'agir.

L'amendement que nous proposons, je pense, fournit à l'État, au procureur et à la police la possibilité d'exercer leur jugement. C'est clair. Ainsi, s'ils décidaient, au moment du prononcé de la sentence, de ne pas produire la preuve dont je parlais, le tribunal ne rendrait pas de décision à cet égard. Donc, il y a une marge discrétionnaire.

Mais lorsque cet article s'applique, il ne peut viser que des cas graves, des cas de criminalité organisée sans en couvrir plus large et permettre qu'on se dise qu'on pourra choisir les cas justifiés parmi plusieurs.

Sans connaître exactement tous les tenants et aboutissants de ce que présente votre collègue, M. Marceau, c'est un peu la crainte que j'éprouve en entendant les propos qu'on tient ici.

[Traduction]

Le vice-président (M. John Maloney): Merci, monsieur Roy. Monsieur Mancini.

M. Peter Mancini: J'aimerais obtenir brièvement quelques précisons.

D'abord, le paragraphe 34(1) porte sur l'amende. J'ai lu l'article actuel et l'article proposé dans le projet de loi. Puis, quand je vois quel est le sujet—et peut-être que quelque chose m'échappe; c'est pourquoi j'ai besoin d'explications—il semble que lorsque la disposition sur l'imposition des amendes inclut une période minimale d'emprisonnement, une amende peut seulement être imposée en sus de cette peine et non pas au lieu de celle-ci.

Mais je pense—et aidez-moi à comprendre—par exemple, aux dispositions sur la procédure par voie sommaire. C'est habituellement six mois ou une amende de 200 $ ou les deux.

Est-ce que cela y change quelque chose? Cela change-t-il quelque chose au pouvoir discrétionnaire qu'a le tribunal d'imposer une amende plutôt qu'une période minimale d'emprisonnement?

Mme Jodie van Dieen: Le pouvoir discrétionnaire du tribunal subsiste. Il a toujours la possibilité d'imposer une amende. Toutefois, dans les cas où il y a une période minimale d'emprisonnement—par exemple, un an de prison—le délinquant se voit imposer au moins cette peine.

Le tribunal peut décider en outre d'imposer une amende parce qu'il juge que c'est la sentence appropriée, et il en a le pouvoir discrétionnaire.

M. Peter Mancini: Mais s'il est question dans le Code «d'une période donnée d'emprisonnement ou d'une amende»,le tribunal a toujours le pouvoir discrétionnaire d'opter pour l'amende.

Mme Jodie van Dieen: Oui, certainement.

M. Peter Mancini: Très bien. C'est tout ce que je voulais savoir.

M. Yvan Roy: C'est seulement dans le cas où une période minimale d'emprisonnement est prévue dans la loi. Alors on ne peut la remplacer par une amende et dire, eh bien, vous n'allez pas passer un an en prison, mais nous allons vous imposer une très lourde amende.

Non, on doit vous imposer cette année d'emprisonnement. En outre, le tribunal peut vous imposer une amende.

M. Peter Mancini: D'accord. Merci pour cette précision.

Merci d'être venus.

Je dois maintenant vous quitter, monsieur le président.

Le vice-président (M. John Maloney): Merci, monsieur Mancini. Monsieur MacKay.

M. Peter MacKay: Merci, monsieur le président.

Pour faire suite à cette question sur les changements relatifs aux navires de croisière, je me demande si nous pourrions faire déposer ou si nous pourrions consulter la correspondance provenant des provinces, celle des sociétés, et cette lettre de Palladini dont Mme Cohen a parlé.

Le vice-président (M. Maloney): Monsieur MacKay, je me demande si ce ne sont pas là des questions qu'il vaudrait mieux poser à la ministre.

M. Peter MacKay: Je suppose, dans ce cas, qu'elle va simplement demander au ministère de le faire. C'est-à-dire que je peux poser la question à la ministre—je n'y vois pas d'inconvénient—mais je suppose que la question sera finalement renvoyée aux fonctionnaires du ministère.

Mme Eleni Bakopanos: Je dirais que c'est une question de privilège.

Le vice-président (M. John Maloney): Monsieur Roy, avez-vous quelque chose à ajouter à ce propos?

• 1030

M. Yvan Roy: Comme vous pouvez tous le comprendre, la correspondance dont vous parlez a été envoyée à la ministre. Je ne peux pas dire oui, je ne peux pas dire non, mais ce n'est certainement pas à moi de décider.

J'imagine que vous poserez la question à la ministre demain.

M. Peter MacKay: Très bien.

Aux fins du compte rendu, je pense que M. Grose soulève un point très important ici. Je ne vois pas comment il pourrait être financièrement avantageux pour notre pays que des paquebots de croisière étrangers viennent ici offrir leurs jeux de loterie aux citoyens canadiens. Ces jeux ne rapportent pas aux joueurs, dans la majorité des cas, ce sont les paquebots de croisière qui font de l'argent. Ces paquebots quittent alors les eaux canadiennes et repartent avec notre argent.

M. Chris Ram: Il est certainement possible pour un navire de circuler entre Boston et Toronto et de prendre des passagers canadiens, mais les dispositions sont structurées de façon à les empêcher de transporter des passagers d'une région à une autre du Canada, tout en permettant à ces passagers de jouer à des jeux d'argent.

De façon générale, cette disposition a été rédigée de façon à permettre aux navires qui viennent déjà au Canada d'avoir des activités de jeu. Je pense que le principal avantage financier qui découle de ces activités sera de les encourager à faire escale dans des ports canadiens, ou tout au moins permettre aux ports canadiens de faire concurrence aux ports américains dans les régions de Seattle et de Victoria.

M. Peter MacKay: En leur permettant de faire escale dans des ports canadiens, on permet à des Canadiens de s'embarquer et de jouer à des jeux d'argent.

M. Chris Ram: Non.

M. Peter MacKay: Non?

M. Yvan Roy: C'est la chose que nous espérons que ces dispositions ne permettront pas. Les jeux d'argent sur les bateaux fluviaux ne sont pas permis à la suite de ces changements. Loin de là. Les navires en question doivent avoir une destination internationale ou un point de départ vers le Canada et y revenir. Ils ne peuvent pas remonter et redescendre le fleuve Saint-Laurent, prendre des gens à Mont-Joli et les amener jusqu'à Québec pour jouer, puis ensuite les ramener à Halifax. Non. Ils doivent avoir une destination internationale, c'est-à-dire à l'extérieur du Canada.

Donc, la façon dont cela est structuré, c'est essentiellement pour les clients américains qui veulent venir au Canada. Ils s'arrêteront à Québec, ils s'arrêteront peut-être à Halifax, Charlottetown ou Montréal, ils y dépenseront de l'argent et ils rentreront ensuite aux États-Unis.

Il n'est donc pas question de prendre des gens à bord et de les faire voyager à l'intérieur du Canada. On tomberait alors exactement dans ce piège que l'on redoute. La disposition est structurée de façon à ce que cela ne se produise pas.

M. Chris Ram: Selon la règle, il ne peut y avoir aucune activité de jeu dans une limite de cinq milles nautiques d'un port où le navire fait escale ou est censé faire escale. L'une des raisons pour lesquelles on a inclus cette disposition, c'est que les provinces l'ont demandée. Elles ne voulaient pas que ces navires fassent concurrence à leurs activités de jeu existantes.

M. Peter MacKay: Très bien.

J'ai une dernière question, au sujet du paragraphe 9.1. Je voudrais dire d'abord que je suis d'accord qu'il s'agit d'un changement positif. Cet article élargit les dispositions en ce sens qu'il fait en sorte qu'elles s'appliquent lorsque le fait qui a causé la mort est survenu au plus tard un an et un jour avant leur entrée en vigueur. Il y a cependant une retombée. J'ai vu cela se produire assez récemment dans la province de la Nouvelle-Écosse.

Une personne a été accusée de voies de fait graves et la victime a été dans le coma pendant près de deux ans. C'était vraiment bizarre; il y a eu poursuite, et après que les trois quarts du procès se soient déroulés, la victime est décédée.

Or, plus d'un an et un jour s'était écoulé, alors il était donc impossible d'intenter des poursuites pour meurtre. À toutes fins utiles, une fois qu'un procès est intenté en invoquant une accusation moins grave, il n'est donc pas possible d'intenter des poursuites avec une accusation plus grave. Dès qu'un accusé est poursuivi pour une infraction moins grave, il ne peut être accusé du crime plus grave, même si la victime meurt.

M. Chris Ram: Je ne suis pas un ancien procureur et je ne suis pas certain exactement à quel moment la règle s'applique, mais ce qui empêche de porter des accusations plus graves dès qu'on a entamé les poursuites pour une accusation moins grave, c'est la règle de la double incrimination que l'on retrouve dans la Charte.

M. Peter MacKay: C'est l'argument invoqué, c'est-à-dire qu'il s'agirait d'une double incrimination, mais à moins...

M. Chris Ram: La règle est là dans la Charte. Cela élimine tout simplement le délai dans la mesure où la Charte le permet.

• 1035

M. Peter MacKay: De toute évidence, la peine ne sera moindre pour une accusation moins grave de voies de fait graves et je m'inquiète tout simplement qu'il puisse y avoir un certain nombre de cas où cela pourrait se produire effectivement. Si, à la suite des blessures qu'elle a subies, la victime se retrouve dans un coma pendant deux, trois ou quatre ans, qu'il y a des poursuites pour voies de fait graves ou agressions armées et que la victime meurt par la suite, il n'est pas possible de poursuivre pour meurtre, même si le décès est directement attribuable au crime initial.

Cela me semble peut-être bête à dire, mais on poursuit quelqu'un pour cette accusation moins grave et une peine de deux est imposée. Personnellement, je pense que c'est offensant que l'on ne puisse porter des accusations de meurtre. Écoutez, on peut leur imposer une peine de deux ans, c'est certain, mais cela ne devrait être qu'un premier versement en quelque sorte puisque la peine d'emprisonnement à vie devrait être imposée.

M. Yvan Roy: Comme vous le comprenez certainement tous, cette limite est imposée par la Charte.

M. Peter MacKay: Oui.

M. Yvan Roy: Je ne pense pas que je puisse y faire grand- chose.

Si cette modification est adoptée, la Couronne se retrouvera peut-être parfois dans cette situation à l'avenir. Dès qu'ils se rendent compte qu'on a porté des accusations à l'égard d'une infraction—dans ce cas particulier, il s'agit de voies de fait graves—alors en raison du paragraphe 11b) de la Charte concernant le droit accordé par la Constitution de subir un procès dans un délai raisonnable, il n'est pas possible d'attendre éternellement. On arrive donc à un point où il faut intenter des poursuites à l'égard de ces accusations.

Lorsque la personne a été trouvée coupable de cette infraction, je crains qu'il sera extrêmement difficile, en vertu de la Constitution, d'essayer d'intenter d'autres poursuites, cette fois-ci pour meurtre. Naturellement, la Couronne a le choix de ne pas intenter de poursuites et d'attendre pour voir ce qu'il va arriver à cette victime en particulier, mais encore une fois, le paragraphe 11b) de la Charte impose un délai, je le crains.

Je pense que c'est la réalité de notre loi.

M. Peter MacKay: Je pense que c'est une situation perverse qui ne se produira pas très souvent mais...

Le vice-président (M. John Maloney): Monsieur MacKay, nous devons continuer, étant donné l'heure.

Monsieur Saada.

[Français]

M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): C'est fascinant pour un non-avocat d'entendre les débats autour de cette table. C'est instructif.

Je voudrais juste comprendre quelque chose de très simple auquel M. Bellehumeur a fait allusion au début de notre tour de table. Ai-je bien compris que le processus qu'il propose ne se ferait qu'en un seul temps, alors que celui qu'on propose ici se ferait en deux temps, à savoir, d'une part, la condamnation et, d'autre part, la sentence? Est-ce bien ce que vous proposez? Je n'ai pas compris l'intervention que vous avez faite et j'aimerais la comprendre.

M. Michel Bellehumeur: Il y en a plusieurs.

M. Jacques Saada: La première de toutes, celle où vous parlez de l'article 125.

M. Michel Bellehumeur: La première...

M. Yvan Roy: Je puis peut-être intervenir. Vous me corrigerez si je vous saisis mal.

L'amendement que le gouvernement propose à l'article 125 requiert l'intervention d'un juge, une fois la personne trouvée coupable d'avoir commis une infraction, par exemple de blanchiment d'argent. Au stade du prononcé de la sentence, le juge pourra déterminer que l'action a été faite dans le cadre de la criminalité organisée. Donc, c'est un processus en deux étapes.

Je pense que l'amendement dont M. Bellehumeur et M. Marceau parlaient en serait un en une seule étape. Ainsi, du simple fait d'avoir commis un certain type d'infraction, la personne ne bénéficierait pas du régime avantageux prévu à l'article 125.

M. Jacques Saada: J'ai compris.

M. Yvan Roy: Si je comprends bien leur proposition, cela éviterait que le juge ait à intervenir pour déterminer si l'infraction a été faite au profit de la criminalité organisée. Ce serait automatique.

M. Michel Bellehumeur: Non, non, non, non. Le juge détermine quand même quelle sera la peine. Mais s'il s'agissait de blanchiment d'argent par rapport à un article donné, on préciserait dans le projet de loi si cela s'applique. Alors, il n'aurait pas droit à la libération conditionnelle après avoir purgé le sixième de sa peine. Dans la vraie vie, actuellement, le juge qui déclare un individu coupable et lui impose une peine de 25 années n'a pas à se prononcer sur le moment de sa libération. Dans la vraie vie, ce n'est pas ainsi que ça se passe.

Quand Lagana a été condamné à 13 ans de prison, le juge n'a pas pris en considération le fait qu'il pouvait être libéré après avoir purgé un sixième ou un tiers de sa peine. Il l'a condamné à 13 ans de prison, that's it. C'est que la loi, à l'heure actuelle, permet à un gars comme Lagana d'être libéré rapidement seulement après le sixième du temps. Cela s'appelle le niveau expéditif.

La modification que nous voulons proposer, c'est que dans un cas comme celui de Lagana, pas dans le cas des 10 individus qui sont déjà en prison... Tout à l'heure, vous m'avez fait dire des choses et je n'ai pas protesté, mais je comprends bien qu'on ne peut rétroactivement toucher à ceux qui sont en prison. C'est comme dans l'affaire Olson; on ne peut pas aller arrêter le type rétroactivement. Mais dans des cas comme celui de Lagana, on pourrait indiquer très clairement dans la loi qu'en ce qui concerne le blanchiment d'argent, le droit à la libération expéditive n'existe pas.

• 1040

Pour ce qui est de l'intervention du juge, ce que présente le gouvernement rend la chose beaucoup plus compliquée que ce que nous voulons présenter, parce que la preuve est plus difficile à faire. Elle doit être «hors de tout doute raisonnable», ainsi que le dit la définition contenue dans l'article 2, etc. Le gangstérisme, qu'est-ce que c'est? C'est une bibitte nouvelle. Il n'est pas évident que les juges vont en donner une définition qui ira dans le sens de ce que nous donnons aujourd'hui. Il n'est pas non plus évident que la Commission des libérations conditionnelles va agir dans le sens que nous pensons.

Selon l'expérience très personnelle que j'ai acquise depuis cinq ans que je siège ici, ce que nous pensons ici et ce qu'ils pensent eux, quand ils ont un coupable devant eux, peut être bien différent. Donc, ne prenons pas de chance et indiquons très clairement que ce qu'on veut toucher, c'est le blanchiment d'argent.

On ne me fera pas croire qu'au ministère de la Justice, avec tous les avocats qui s'y trouvent, on n'est pas capable, monsieur Roy, d'identifier clairement, rapidement, ce qu'on veut faire quant au blanchiment d'argent. C'est impossible! C'est impossible, monsieur Roy!

[Traduction]

Le vice-président (M. John Maloney): Voulez-vous dire quelque chose, monsieur Roy.

M. Yvan Roy: Je ne crois pas que ce soit nécessaire, monsieur le président.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: J'ai plus de considération pour le ministère de la Justice que vous semblez en avoir, monsieur Roy.

Une voix: ...

[Note de la rédaction: Inaudible] ...

M. Michel Bellehumeur: Non. Ce n'est pas exact.

M. Yvan Roy: Je vous en remercie.

[Traduction]

Le vice-président (M. John Maloney): Nous arrivons à la fin de la séance. Est-ce que les membres du comité auraient d'autres questions à poser rapidement?

Monsieur Grose.

M. Ivan Grose: J'aime vraiment être membre de ce comité car c'est étonnant de constater combien de fois je suis d'accord avec les députés de l'opposition.

M. MacKay a soulevé un point auquel je n'avais même pas songé. Les paquebots de croisière qui sillonnent les Grands Lacs, dès qu'ils arrivent au milieu du lac, à l'exception du lac Michigan...

[Note de la rédaction: Difficultés techniques]... donc si ces paquebots, en passant par Détroit, embarquent des passagers à Toronto et traversent ensuite à Syracuse, votre loi ne s'applique pas.

L'autre point que je voulais soulever—et je pense que c'est plus important—c'est que je suis vraiment troublé par le fait que l'on confond la Commission des libérations conditionnelles et le juge qui prononce la peine. Ces deux entités sont censées être distinctes. L'une ne doit pas fonctionner avec l'autre.

Merci.

Le vice-président (M. John Maloney): Monsieur Roy.

M. Yvan Roy: J'aimerais répondre, si vous me le permettez, monsieur le président. Je pense qu'il est important de répondre aux fins du compte rendu.

Le scénario des Grands Lacs proposé par M. Grose ne peut se produire selon le libellé de cette modification. Pour que le jeu soit légal en vertu de cette modification, le navire doit aller en eaux internationales. Or, il n'y a pas d'eaux internationales dans les Grands Lacs. Il y a des eaux américaines et des eaux canadiennes.

C'est exprès. Nous ne voulons pas de jeux sur les fleuves et les rivières pas plus que sur les Grands Lacs. Ce sont les instructions que nous avons reçues de la ministre et c'est pour cette raison que nous avons ainsi libellé la modification, justement pour cette raison.

M. Yvan Grose: Les avocats feront des millions de dollars grâce à cela.

Une voix: Quel mal y a-t-il à cela?

Le vice-président (M. John Maloney): Merci, monsieur Ram, monsieur Roy et madame van Dieen.

M. Yvan Roy: Merci, monsieur le président.

Le président: La séance est levée. Notre prochaine rencontre aura lieu mercredi après-midi, et la ministre comparaîtra.

Nous prévoyons faire l'examen article par article jeudi. La réunion prévue à 10 h 45 ce matin semble avoir été reportée à plus tard aujourd'hui.