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JURI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 20 octobre 1998

• 0910

[Traduction]

La présidente (Mme Shaughnessy Cohen (Windsor—St. Clair, Lib.)): Nous sommes de retour pour étudier le projet de loi C-208, un projet de loi d'initiative parlementaire présenté par Colleen Beaumier, qui a risqué sa vie pour être parmi nous. Même si elle a eu un accident de voiture il y a deux jours en se rendant à l'aéroport, elle a réussi à se rendre ici aujourd'hui. Nous sommes heureux qu'elle soit des nôtres, et nous allons la laisser voter malgré ses facultés fragiles.

Ce matin, nous entendrons des témoins du ministère de la Justice: Michael Zigayer, Brian Jarvis et Lita Cyr. Bienvenue.

Michael, je vous donne la parole.

M. Brian Jarvis (conseiller juridique, Section des politiques de droit public, ministère de la Justice): Madame la présidente, je ne savais pas exactement... Voulez-vous que je lise un mémoire?

La présidente: Vous êtes l'expert. Je suis habituée aux deux Michael.

M. Brian Jarvis: Voulez-vous que je présente une déclaration...

La présidente: Je vous laisse le choix.

M. Brian Jarvis: Bon, tout ce que je peux dire après avoir lu hier soir la transcription des délibérations de ce comité en mai à ce sujet, je pense que Mme Beaumier a énoncé avec éloquence et clairement l'objectif de son projet de loi.

La présidente: D'accord.

M. Brian Jarvis: C'est-à-dire, promouvoir la reddition de comptes.

La présidente: D'accord.

Est-ce que le ministère de la Justice a des questions du point de vue de l'opposition?

Chuck, avez-vous des questions?

Monsieur Bellehumeur, avez-vous des questions?

J'ai une question, mais est-ce que quelqu'un d'autre de ce côté en a une?

John.

M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.): Est-ce qu'il faut comprendre que les fonctionnaires du ministère sont satisfaits du projet de loi dans sa forme actuelle?

Mme Colleen Beaumier (Brampton—Mississauga, Lib.): Je crois avoir discuté des amendements avec le ministère. Est-ce que je peux les déposer maintenant, madame la présidente?

La présidente: Bien sûr. Pourquoi ne pas examiner ce sur quoi nous travaillons. Nous pouvons discuter des amendements proposés.

Mme Eleni Bakopanos (Ahuntsic, Lib.): Dans les deux langues?

La présidente: Oui, les amendements sont dans les deux langues.

Nous allons laisser à nos collègues l'occasion d'examiner les amendements que Mme Beaumier propose d'apporter à son projet de loi. Pendant ce temps, est-ce que quelqu'un d'autre a...? Colleen, est-ce que vous voulez les passer en revue avec nous?

Mme Colleen Beaumier: Est-ce que M. Rubin va avoir l'occasion de s'exprimer?

La présidente: Oui. Nous n'allons mettre les amendements aux voix tout de suite, mais puisque vous avez déjà préparé les amendements, nous devrions les examiner pour savoir exactement de quoi nous parlons. Si nous discutons de l'ancien projet de loi et que nous examinons ensuite les amendements à la dernière minute, nous ne pourrons pas tenir un débat équitable.

Nous allons donc prendre une minute pour lire les amendements.

Colleen, est-ce que vous vouliez parler des changements?

Mme Colleen Beaumier: Je pense qu'ils règlent certaines des préoccupations soulevées lors de la dernière réunion et qu'ils précisent davantage le projet de loi.

• 0915

Un des éléments que je pensais pouvoir maintenir était la peine de cinq ans. Cependant, après en avoir discuté avec d'autres personnes, j'ai décidé que je pouvais accepter de réduire la peine à un emprisonnement maximal de deux ans.

Je pense que c'est à peu près tout. Je suis à votre disposition pour répondre aux questions.

La présidente: Je constate, toutefois, que l'amende maximale demeure de 10 000 $, ce qui est beaucoup, mais compatible avec ce genre d'infraction, n'est-ce pas, monsieur Jarvis, avec ce genre de faute administrative?

M. Brian Jarvis: Madame la présidente, Michael pourrait aborder ce point.

M. Michael Zigayer (avocat-conseil, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice): Madame la présidente, j'aimerais dire deux choses à ce sujet.

La présidente: Je vous en prie.

M. Michael Zigayer: D'entrée de jeu, je pense qu'il est important de reconnaître que les amendements créent une infraction hybride. Ils offrent plus de souplesse pour ce qui est des poursuites du point de vue de quelqu'un qui serait chargé d'appliquer cette loi.

Je pense en outre qu'il n'y a en fait qu'un mot dans ce projet de loi qui me préoccupe, est c'est le terme «amener» à l'alinéa d) du paragraphe 67.1(1). Je pourrais vous expliquer pourquoi l'emploi de ce terme me préoccupe.

Au sujet de l'amende de 10 000 $, il n'y a pas normalement d'amende prescrite pour les infractions criminelles. Cela laisse au tribunal toute la latitude voulue pour imposer l'amende qu'il juge indiquée. Mais il est aussi indiqué, si vous jugez que c'est le cas, de préciser une amende maximale de 10 000 $.

La présidente: Enfin, l'amende de 10 000 $ envoie un message très clair, n'est-ce pas?

M. Michael Zigayer: En effet. Hier, j'écoutais un reportage au bulletin de nouvelles au sujet d'une loi américaine sur l'ADN, où l'on impose une amende de 100 000 $ pour l'usage à mauvais escient de l'information contenue dans la bande de données codées. Comme on le voit, les amendes peuvent être très élevées. Je pense qu'au Canada, il y a une loi qui fixe le maximum à 1 million de dollars.

La présidente: Oui. Il y a beaucoup de lois sur l'environnement qui renferment ce genre d'amendes.

M. Michael Zigayer: Peut-être que dans le contexte de cette infraction, c'est une amende indiquée... C'est certainement établi au maximum, à mon avis.

J'aimerais maintenant vous dire pourquoi l'emploi du terme «amener» me préoccupe.

La présidente: Oui, s'il vous plaît.

M. Michael Zigayer: Je ne sais pas ce que ce terme signifie exactement. Est-ce que ça signifie, par exemple, conseiller, tel que ce terme est défini à l'article 22 du Code criminel: d'amener quelqu'un à faire quelque chose? Ou est-ce que ça signifie contraindre quelqu'un par des menaces ou d'une autre façon? Ou est- ce que ça signifie donner à quelqu'un l'ordre de faire quelque chose, du point de vue de quelqu'un qui en a reçu l'ordre d'un supérieur? Prenons l'exemple d'un commis à qui le gestionnaire donne l'ordre de détruire des documents et qui ne sait pas vraiment ce qui se passe. On lui donne tout simplement une pile de documents et des instructions. Cela fait partie des tâches habituelles de cette personne, mais en fait elle contribue à la destruction de l'information.

Donc, il serait peut-être indiqué de définir le terme «amener» comme englobant—sans s'y limiter, on pourrait dire que cela s'entend de contraindre ou d'ordonner. Voilà mes inquiétudes au sujet du terme «amener», et je pense qu'elles vont dans le sens de l'objectif visé par le projet de loi.

Mme Colleen Beaumier: Je pense que les termes ordonner ou contraindre sont probablement plus justes.

La présidente: M. Bellehumeur avait une question.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Lorsque j'ai fait un discours sur ce projet de loi, disant que j'y étais favorable, j'ai demandé si on ne pouvait pas apporter une modification pour que les cadres...

[Traduction]

La présidente: Excusez-moi. Je ne sais pas si je suis seule à l'éprouver, mais je pense qu'il y a un problème de traduction. Nous recevons les deux langues. Le parquet et l'interprétation anglaise sont transmis sur le même canal.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Ça, c'est du vrai bilinguisme.

[Traduction]

La présidente: Elle est bonne. Nous recevons deux langues en même temps. Est-ce que quelqu'un peut vérifier?

• 0920

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Ça va? Je disais donc que lorsqu'on avait discuté de ce projet de loi à la Chambre, le Bloc québécois l'avait appuyé et avait félicité la députée. Cependant, le projet de loi ne semblait rien contenir concernant l'imposition d'une peine aux cadres supérieurs ou aux hauts fonctionnaires qui donnent à certaines personnes l'ordre de détruire ou modifier des documents.

Je voulais poser une question sur l'ajout de l'alinéa 67.1(1)d), «amener une autre personne à commettre un acte visé», mais je pense que le haut fonctionnaire vient de répondre. Ma question était celle-ci: cette modification touche-t-elle les hauts fonctionnaires ou cadres dont j'ai parlé? Si j'ai bien compris, vous dites que c'est le cas, mais que ce n'est pas très clair et qu'il faudrait rendre cet alinéa plus clair pour s'assurer de toucher ces personnes-là.

Une voix: On pourrait le faire.

M. Michel Bellehumeur: On pourrait le faire, mais pensez-vous qu'avec le libellé actuel de la disposition proposée, on pourrait trouver un haut fonctionnaire coupable?

M. Michael Zigayer: «Amener une autre personne» est peut-être plus compatible avec l'intention, mais il me semble que le mot anglais «cause» est très large et vague.

M. Michel Bellehumeur: Donc, on pourrait dire: «donner l'ordre à, demander ou amener». On pourrait préciser, et cela répondrait aux questions.

M. Michael Zigayer: Oui, mais il ne faudrait quand même pas fermer la définition.

M. Michel Bellehumeur: D'accord.

M. Michael Zigayer: On pourrait faire quelque chose pour obliger quelqu'un à faire quelque chose, mais cela ne serait pas couvert par notre définition si elle était trop restreinte.

M. Michel Bellehumeur: Je pensais partir avec le bon projet de loi, mais je ne suis pas parti avec le bon. On remplace «cinq ans» par «deux ans», mais il y a également l'alinéa b) qui n'existait pas auparavant.

M. Michael Zigayer: Le b)?

M. Michel Bellehumeur: Oui, l'alinéa (2)b). On dit: «soit d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité». Était-ce seulement par acte criminel auparavant?

M. Michael Zigayer: Oui.

M. Michel Bellehumeur: Et c'est là qu'on en fait une infraction hybride; c'est-à-dire qu'on peut poursuivre par acte criminel et par déclaration sommaire. A-t-on fait cet ajout à la demande du ministère?

M. Michael Zigayer: Oui. Également, lorsque ce comité a discuté de ce projet de loi, en mai, plusieurs personnes ont indiqué que ce serait plus souple si c'était hybride et non pas uniquement criminel. Ce comité a discuté de cela en mai.

M. Michel Bellehumeur: On est d'accord pour dire qu'en en faisant une infraction de ce genre-là, qui permet de poursuivre l'individu par acte criminel et par déclaration sommaire de culpabilité, on atténue beaucoup le message qu'on veut envoyer.

M. Michael Zigayer: Je ne veux pas vous contredire, mais je dois dire que, si c'est uniquement criminel, poursuivre quelqu'un est plus compliqué. Le ministère de la Justice ne voulait pas du tout atténuer le message, mais rendre la disposition plus souple.

M. Michel Bellehumeur: En quoi est-il plus compliqué de poursuivre quelqu'un par acte criminel plutôt que par des procédures sommaires? La preuve est identique. Le dossier est monté de façon identique.

M. Michael Zigayer: Dans un cas où on peut poursuivre par acte d'accusation sommaire, ce serait... L'acte est découvert et la poursuite est intentée dans les six mois suivant le geste. Une fois ces six mois passés, il est évident qu'on ne peut poursuivre que par acte criminel.

• 0925

C'est aussi une question de souplesse. Il y a peut-être des cas où la personne a effectivement l'intention spécifique nécessaire pour commettre ce crime, mais où l'impact du crime n'est pas aussi grand que dans un autre cas. Il m'est difficile de préciser ces situations, mais il ne s'agit pas toujours de cas où de l'information vraiment cruciale est détruite. Il s'agit parfois d'information moins importante, et ce sera au procureur de décider s'il doit procéder par acte criminel ou par voie d'accusation sommaire. On doit aussi examiner les antécédents de la personne.

Dans tous les cas, on doit examiner toutes les circonstances avant d'intenter des poursuites.

La présidente: Paul DeVillers.

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): J'appuie les modifications proposées. Je trouve qu'en donnant plus de souplesse, on ne risque plus de perdre des poursuites dans certains cas, notamment quand le fonctionnaire est assez junior ou quand l'infraction n'est pas assez grave pour qu'il vaille la peine de poursuivre par acte criminel.

Je pense que cela donne plus de souplesse et que cela démontre qu'on est encore plus sérieux, contrairement à ce qu'affirme M. Bellehumeur, qui dit que parce qu'on donne de la souplesse dans ce projet de loi, on est moins sérieux.

M. Michel Bellehumeur: Je ne sais pas si j'ai bien compris, et les fonctionnaires voudront peut-être me répondre. Que ce soit pour faire la preuve d'un acte criminel ou faire la preuve d'une déclaration par procédure sommaire, il faut quand même démontrer hors de tout doute raisonnable que l'individu a falsifié, tronqué ou modifié quelque chose. Cela ne change rien à la preuve.

M. Paul DeVillers: Cela permet de poursuivre même quand les conséquences ne sont pas aussi graves.

M. Michel Bellehumeur: Quand une personne a l'intention coupable de détruire, de tronquer ou de modifier des documents afin que les gens n'aient pas accès à l'information comme il se doit, dans ma tête, cette personne est une criminelle et devrait être ainsi traitée.

Si le gouvernement veut en faire une déclaration par procédure sommaire pour donner à la Couronne la souplesse nécessaire pour qu'elle puisse poursuivre par acte criminel ou par des procédures sommaires, c'est une chose, mais je pense qu'on atténue le message. On réduit la peine de cinq ans à deux ans et on atténue le message en disant que maintenant, ce n'est plus seulement un acte criminel car on peut poursuivre par voie sommaire. Quand on poursuit par voie sommaire, les peines sont moindres: un maximum de six mois et une amende maximale de 5 000 $.

Mme Beaumier voulait peut-être envoyer un message plus fort, mais là on l'atténue.

M. Paul DeVillers: Non, je pense qu'on...

M. Michel Bellehumeur: La secrétaire parlementaire m'avait parlé de cette réduction de la peine de cinq à deux ans. Si ce n'était qu'une question de trois ans de différence, il n'y aurait pas de problème à adopter le projet de loi, mais il y a davantage. On n'en fait plus uniquement un acte criminel, avec toutes les conséquences que cela comporte, parce qu'il n'y a pas seulement d'amende; il y a aussi le casier judiciaire, etc., et la façon de faire le procès est différente. Maintenant, on en fait une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité, et je pense qu'on atténue ainsi le message. Je ne suis pas d'accord avec vous, monsieur DeVillers, mais j'ai peut-être mal compris votre introduction.

M. Paul DeVillers: Il est important de tenir compte de ce qui a été détruit. On a la souplesse nécessaire pour agir selon la gravité de l'offense. La Couronne peut décider de procéder par acte criminel ou par déclaration sommaire.

[Traduction]

La présidente: Merci.

Laissons Michael Zigayer répondre et puis nous reviendrons à vous.

• 0930

M. Michael Zigayer: Madame la présidente, deux amendements sont proposés au projet de loi, mais je pense que nous devons les examiner séparément.

Oui, la peine maximale lorsque l'on procède par voie de mise en accusation a été réduite. C'est un point, et je ne vais pas en parler immédiatement. L'autre question c'est que l'acte criminel est devenu une infraction mixte, où le procureur est libre de décider de poursuivre une infraction par voie de mise en accusation ou par voie de déclaration sommaire de culpabilité. Parfois, la décision est prise à sa place, simplement parce que plus de six mois se sont écoulés depuis que l'infraction, à savoir la destruction de l'information, a été commise. Dans ce cas, il doit poursuivre par voie de mise en accusation.

J'aimerais référer le comité à l'article 430 du Code criminel, qui définit le méfait, qui encore une fois peut s'entendre de la destruction d'un bien. Vous remarquerez que l'article 430 renferme des infractions mixtes. Par exemple, lorsque le bien détruit constitue un titre testamentaire ou lorsque sa valeur dépasse 5 000 $, on peut poursuivre par la mise en accusation d'un acte criminel, passible d'un emprisonnement maximal de 10 ans, ou par voie de déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Il appartient au procureur de décider. Et bien sûr, le tribunal a toute la latitude voulue quant à l'établissement de la peine.

Je ne fais que parler du pouvoir discrétionnaire dont jouissent les procureurs dans le cas d'une infraction mixte. Je pense que c'est une amélioration importante au projet de loi.

La présidente: Imputez cela au procureur général. On n'aime pas payer pour des procès à la haute cour.

Madame Beaumier.

Mme Colleen Beaumier: J'ai une petite question. Il y avait une certaine confusion, et je l'ai quelque peu dissipée.

La présidente: Est-ce que je pourrais... On est en train de poser les questions que j'avais. Eleni, je vous accorde la parole.

Mme Eleni Bakopanos: J'allais simplement proposer un amendement à l'alinéa 67.1(1)d), mais si vous avez une question, je peux attendre.

La présidente: D'accord.

Lorsque vous en avez discuté au ministère de la Justice, avez-vous tenu compte de l'article 464 du Code criminel qui porte sur le fait de conseiller une infraction?

M. Brian Jarvis: Oui. Je crois que cette question a été soulevée lorsque le comité en a discuté la dernière fois.

La présidente: Oui.

M. Brian Jarvis: Madame la présidente, est-ce que vous voulez dire en rapport avec...? Laissez-moi recommencer. Ce que j'ai retenu des délibérations du comité au mois de mai, c'est que certains de ses membres se posaient des questions au sujet de ce que M. Bellehumeur vient de mentionner, à savoir une situation où un supérieur, quelqu'un qui est en position d'autorité, demande à un subalterne de détruire un document. On craignait essentiellement qu'il y ait une lacune dans la loi en ce qui concerne l'intention criminelle.

La présidente: Oui.

M. Brian Jarvis: Ma démarche consistait à ajouter l'alinéa 67.1(1)d): amener une autre personne à commettre un des actes visés—pour tenir compte de cette situation. Je suppose que la notion de conseiller qui figure dans le Code pourrait faire l'affaire, mais il me semblait préférable de le préciser dans...

La présidente: Je suis d'accord avec vous, mais l'emploi du terme «amener» me préoccupe.

M. Brian Jarvis: Je vois ce que vous voulez dire.

La présidente: Je le vois constamment dans la loi, dans l'exercice de mes fonctions, mais je ne l'ai jamais contesté.

M. Brian Jarvis: Madame la présidente, je ne veux pas donner l'impression que je suis en désaccord avec mes collègues, mais ma réaction lorsque le rédacteur a suggéré le terme «amener»... À un certain moment, nous avons discuté de la notion d'«inciter», mais j'ai pensé que nous devrions couvrir un champ plus vaste; c'est-à-dire, non seulement quelqu'un qui donne un ordre à quelqu'un d'autre, ou qui le conseille, mais les situations où un cadre supérieur dit à un subalterne «peux-tu déchiqueter ce document pour moi», et l'agent subalterne s'acquitte de cette tâche et tout ce qu'il sait, c'est qu'on lui a demandé de déchiqueter un document.

• 0935

Dans ce cas, je crains que si on précise «inciter» ou «conseiller», le cadre supérieur pourrait dire «j'ai simplement dit à ma secrétaire de déchiqueter le document pour moi: je ne l'ai pas conseillée ni incitée».

C'est pourquoi j'ai choisi un terme plus général, comme «amener», mais si le comité veut donner suite à la suggestion de mon collègue selon qui des exemples pourraient être utiles, je suis tout à fait d'accord. Je ne sais pas, par exemple, ce que Mme Beaumier en pense.

La présidente: Nous avons reçu—et je vais la déposer dans une minute—une lettre de l'AFPC, qui n'a pas témoigné, et cette lettre renferme des points très intéressants. L'Alliance signale en outre qu'elle soutient l'esprit de ce projet de loi d'initiative parlementaire. L'Alliance poursuit en disant qu'elle estime que le fait de conseiller quelqu'un de faire quelque chose constitue une infraction, même si le conseil n'est pas suivi—en d'autres termes, lorsque quelqu'un ordonne ou dit à quelqu'un d'autre «détruit ce document parce que je veux pas qu'il soit divulgué», que le subalterne répond «je refuse de le faire» et qu'il dénonce son supérieur, ce genre de situation.

L'article 464 du Code criminel stipule que quiconque conseille à une autre personne de commettre un acte criminel est, même si l'infraction n'est pas commise, coupable d'un acte criminel. Ce que je vous demande, c'est est-ce que vous êtes d'accord avec moi que l'article 464 pourrait être utilisé pour accuser un cadre supérieur ou un surveillant qui ordonne à un subalterne de commettre cette infraction?

M. Brian Jarvis: Je crois que c'est plus de la compétence de Michael. Je pense que vous avez raison, mais...

M. Michael Zigayer: J'aimerais simplement revenir au paragraphe 22(3) du Code criminel qui définit le terme «conseiller»: pour l'application de la présente loi, «conseiller» s'entend d'amener et d'inciter. Et il ne s'agit pas d'une liste exhaustive. Cependant, si vous voulez être absolument clair pour les besoins de ce projet de loi, vous pourriez préciser «ordonner», ce qui à mon avis répondrait aux préoccupations de l'Alliance.

Le fait d'ordonner à quelqu'un de faire quelque chose, même s'il ne s'exécute pas, suffirait à mon avis pour constituer une infraction.

La présidente: Toutefois, il y a une différence. L'article 22 traite du fait de conseiller lorsque le conseil est suivi. Donc vous me dites...

M. Michael Zigayer: Ce n'est qu'une définition du terme mentionné à l'article 464.

La présidente: Non, je comprends cela. Mais vous lisez la définition qui figure à l'article 22... Je ne veux pas jouer au professeur de droit. Mais c'est difficile de lire le Code criminel à 40 pieds de distance. L'article 22 dit «Lorsqu'une personne conseille à une autre personne de participer à une infraction et que cette dernière y participe subséquemment...». L'article 464 est différent. Dans l'article 22, vous conseillez à quelqu'un de faire quelque chose et l'autre le fait. L'article 464 dit que vous pouvez être poursuivi si vous conseillez à quelqu'un de commettre un acte criminel. Si l'infraction n'est pas commise, vous êtes quand même coupable. Donc, si vous me dites de faire quelque chose et que je ne le fais pas, vous êtes coupable en vertu de l'article 464 si les faits se révèlent vrais.

J'essaie simplement de voir si nous pouvons utiliser l'article 464 pour poursuivre quelqu'un qui donne un ordre à un employé. À mon avis, nous le pouvons.

M. Michael Zigayer: En général, je le pense aussi. J'ai lu les délibérations du comité lorsqu'il a examiné cette question au mois de mai, et on avait fait référence à l'article 126. Donc hier soir, j'ai fait quelques recherches et j'ai trouvé la cause de la Reine c. Perrault qui traite de cette question. Il s'agit essentiellement de l'utilisation de cette autre infraction criminelle comme peine pour la violation d'une autre loi.

Cela dit, je pense que la portée de l'article 464 est suffisamment vaste pour s'appliquer à d'autres secteurs, car il ne dit pas «cette loi». Il dit «sauf disposition expressément contraire de la loi...». Il semble aller au-delà du Code criminel.

• 0940

La présidente: Vous voudrez peut-être parler à M. Mosley du conflit apparent entre l'article 22 et l'article 464, que je n'avais jamais remarqué auparavant et que probablement personne n'avait eu besoin de comparer. De toute façon, ce n'est pas l'endroit pour en discuter.

Eleni Bakopanos.

Mme Eleni Bakopanos: Merci, madame la présidente.

Dans le même ordre d'idées, j'allais recommander que nous essayions d'amender l'alinéa 67.1(1)d)—et Mme Beaumier est d'accord, vu ce que les représentants du ministère nous ont dit—en remplaçant le terme «amener» par les termes «ordonner et conseiller».

[Français]

En français, ce serait «ordonner et conseiller».

[Traduction]

La présidente: N'oubliez pas qu'il ne s'agit pas ici d'une motion.

Mme Colleen Beaumier: Vous vous rendez compte que vous n'êtes pas à la hauteur lorsque vous vous asseyez avec un groupe d'avocats. Cependant, au risque de passer pour une idiote, j'aime bien le terme «amener». Il y a d'autres moyens: ordonner, conseiller, classer des documents avec d'autres documents destinés à être détruits. «Amener» englobe beaucoup de cas qui seraient exclus si nous utilisions les termes «ordonner» ou «contraindre». On sait qu'un document va être détruit si on le met sur une pile de documents à déchiqueter.

La présidente: J'aimerais signaler que le terme «amener» ne s'appliquerait pas si vous me dites de faire quelque chose et que je ne le fais pas. C'est donc là où à mon avis...

Mme Colleen Beaumier: Peut-on mettre «amener, ordonner ou contraindre»? Je pense simplement qu'il faudrait conserver le terme «amener».

La présidente: Que pensez-vous de «amener, ordonner ou conseiller»?

Michel.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Si je comprends bien...

[Traduction]

La présidente: Nous avons à nouveau un problème. Nous avons le même problème de traduction. Nous pouvons entendre l'anglais, mais nous entendons aussi le français en même temps. Le parquet est transmis dans les microphones.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Je suis d'accord avec Mme Beaumier en ce qui a trait au terme «amener». Je pense que c'est ce qui peut amener le plus de choses. Cependant, d'après ce que vous avez dit, un haut fonctionnaire pourrait ordonner à son employé de détruire tel document. Il pourrait également proposer: «Un parti d'opposition cherche tel document; il ne faudrait jamais qu'il mette la main là-dessus.» Il pourrait proposer certaines choses et faire comprendre à son employé ou à son subalterne...

Il pourrait aussi conseiller, comme vous dites: «Je te conseille de faire disparaître ce document-là, car il ne faudrait jamais qu'on le retrouve dans ton dossier.» Il y aurait aussi le terme large «amener».

Vous connaissez mieux que moi la rédaction législative et vous avez une vue d'ensemble beaucoup plus large. Si l'alinéa 67.1(1)d) se lisait comme suit: «ordonner, proposer, conseiller ou amener une autre personne à commettre un acte visé à l'un des alinéas a) à c)», cela répondrait-il aux questions que vous vous posiez?

M. Michael Zigayer: Il faudrait ajouter, après «amener», «de n'importe quelle façon», pour être en mesure de prévoir des façons qu'on ne prévoit pas aujourd'hui.

M. Michel Bellehumeur: D'accord. Donc, ce serait «ordonner, proposer, conseiller ou amener de n'importe quelle façon une autre personne à commettre un acte visé à...».

[Traduction]

Mme Eleni Bakopanos: D'accord.

La présidente: Est-ce qu'il y a d'autres commentaires?

Colleen, est-ce que je peux vous demander si la nouvelle formulation vous convient?

Mme Colleen Beaumier: Oui, ça me convient.

La présidente: Nous allons y travailler pendant un moment, et je vais demander aux fonctionnaires du ministère de la Justice de se retirer et nous allons inviter M. Rubin à prendre la parole.

• 0945

Monsieur Rubin, nous sommes heureux de vous rencontrer. Est-ce que vous avez une déclaration?

M. Ken Rubin (témoignage à titre personnel): Oui. Madame la présidente, avant de lire ma déclaration—et je vois que ce projet de loi va bon train, ce qui est une bonne nouvelle—, j'aimerais demander qu'on distribue des exemplaires de certaines causes ainsi qu'une autre déclaration que j'ai présentée au comité, si c'est possible.

M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.): Depuis combien de temps avez-vous accès à cette information?

M. Ken Rubin: Étant aussi Manitobains, nous avons toujours été partisans de l'ouverture.

M. Reg Alcock: C'est vrai, non? Vous le saviez qu'il était là?

M. Ken Rubin: Vous parlez de Louie?

M. Reg Alcock: Oui.

M. Ken Rubin: Il semble avoir été poursuivi au criminel.

Est-ce à la satisfaction de la présidente?

La présidente: Je pense que tout le monde en a reçu des exemplaires.

M. Ken Rubin: Ah, je vois. C'est un fait accompli.

La présidente: Cela a déjà été fait.

M. Ken Rubin: D'accord.

Madame la présidente, j'ai accepté de comparaître malgré le bref délai de préavis, et je suis heureux de l'avoir fait, parce que ce projet de loi est très important. Ça peut paraître comme une goutte d'eau dans l'océan, mais il envoie un message clair ici même à Ottawa, un message dont nous avions clairement besoin.

Au cours des 20 dernières années, j'ai témoigné devant ce comité et devant d'autres comités parlementaires sur des questions relatives à l'accès à l'information et à la protection des renseignements personnels, et j'ai moi-même souffert de falsification et de destruction de dossiers. Je me réjouis donc que ce comité se penche sur cette question. Je crois que la plupart des Canadiens veulent que l'on mette fin à la manipulation des documents et que des amendes et des peines d'emprisonnement soient infligées à ceux qui s'en rendent coupables.

Il est maintenant temps que le Parlement criminalise des gestes visant à entraver l'accès à l'information, ainsi que la destruction, la falsification ou la mutilation de documents. Un gouvernement qui manipule et qui détruit des documents ne satisfait pas au principe de reddition de compte et d'ouverture. La Loi sur l'accès à l'information ne prévoit aucune sanction réelle pour mettre fin à ces manipulations et au tripotage aux plus hauts niveaux du gouvernement.

Le cabinet, dont le code d'éthique n'a pas été rendu public, n'a toujours pas trouvé de solution pour mettre fin à la manipulation des documents à Ottawa. Tout au plus, la récente enquête officielle sur les fuites entourant les propositions du cabinet au sujet de la LSPA et du programme des jeunes contrevenants jette un froid en imposant une tolérance zéro sur la discussion ouverte des politiques à Ottawa au lieu d'exiger que soient punis ceux qui manipulent des documents et qui tentent de camoufler des gestes répréhensibles. Certains de nos plus hauts fonctionnaires ont besoin d'une leçon sur la démocratie et l'esprit de l'accès du public et de la transparence.

Personne n'insinue que tous les fonctionnaires falsifient délibérément les documents publics. De fait, il y a encore des fonctionnaires disposés à servir le public et qui sont libres de le faire.

Le projet de loi C-208 tire sa raison d'être des manipulations de documents dont on a tant parlé au cours de l'enquête sur la Somalie et de la destruction des dossiers du Comité canadien du sang. Mais cela se poursuit encore aujourd'hui, avec la modification et la destruction de documents portant sur la sécurité et les manifestations lors de la conférence de l'APEC qui a eu lieu à Vancouver l'année dernière. À l'instar des pancartes des manifestants de l'APEC qui ont été saisies afin de les retirer de la vue des dirigeants étrangers, on dissimule les documents faisant état des ordres qui ont été donnés à cette fin.

• 0950

J'attire également l'attention du comité sur la pile de documents que je vous ai remise... Je maîtrise très bien l'art de produire des piles de documents pour les autres; et j'espère qu'ils s'en servent. J'attire l'attention du comité sur d'autres exemples plus récents de manipulation de documents, comme la destruction par la Commission de la capitale nationale des transcriptions de ses réunions décisionnelles et le fait qu'elle ait mis fin à la pratique d'enregistrer ses réunions. Cette décision a été prise par hasard au moment où j'ai présenté une demande, parce que j'avais appris que la commission enregistrait ses réunions. Puis, deux semaines plus tard, la commission a décidé de ne plus enregistrer ses réunions.

Je soumets également à l'attention du comité des dossiers obtenus aux termes de la Loi sur l'accès à l'information. Des fonctionnaires du ministère des Pêches ont cherché plus tôt cette année, en février, à imposer un accord au Comité des pêches de la Chambre selon lequel les rapports des observateurs étrangers devaient non seulement être présentés à huis clos, mais aussi seulement après que le comité se soit engagé à ne pas conserver de compte rendu de ses délibérations et à ne jamais divulguer au public le contenu de ses discussions.

Dans les documents que vous avez devant vous, j'aimerais citer une note d'information datée du 5 février 1998 et destinée au ministre des Pêches au sujet du traitement des rapports d'observateurs en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. On peut y lire ce qui suit:

    Le cas échéant, les services juridiques recommandent que nous obtenions l'assurance que l'information ne sera utilisée que par le comité, à huis clos, qu'aucune transcription ne sera faite et que l'information ne sera pas rendue publique.

Madame la présidente, j'ai fait des démarches auprès du Président de la Chambre avec la collaboration de l'archiviste et j'ai obtenu au moins que les délibérations à huis clos de comités comme celui-ci puissent être communiquées au public après 30 ans. Selon l'accord souhaité par les fonctionnaires, aucun dossier ne serait tenu et personne ne serait jamais mis au courant de la situation.

D'autres manipulations se produisent ailleurs et sont signalées, comme la disparition de dossiers du solliciteur général et de la police provinciale de l'Ontario au sujet des événements survenus à Ipperwash où la PPO a causé la mort de Dudley George. Et en ce moment-même, l'enquête de la GRC sur la destruction des documents du Comité canadien du sang se poursuit.

Le projet de loi d'initiative parlementaire C-208 va bon train et a des chances de réussir. C'est un sujet sur lequel nous pouvons tous nous entendre pour gagner la confiance du public. J'invite ce comité et le Parlement à ne pas laisser passer cette occasion.

Même si j'aimerais que la Loi sur l'accès à l'information soit considérablement améliorée, je ne m'attends pas à ce que dans un proche avenir on opère des réformes pour rendre le gouvernement entièrement ouvert. Après tout, ce comité a suggéré ce genre de réforme pour accroître la transparence du gouvernement dans son rapport non partisan Une question à deux volets il y a plus de dix ans. Je me souviens d'avoir témoigné devant ce comité, j'étais en fait le premier à comparaître après que le gouvernement a témoigné, et j'ai demandé des réformes. Je m'étais réjoui à l'époque que ce comité, dans un esprit non partisan, ait dit oui. Nous revoici donc dix ans plus tard.

Le projet de loi C-208 ne corrige pas et ne peut pas corriger tous les problèmes sous-jacents de la Loi sur l'accès à l'information, une loi qui interdit de dissimuler des documents ou d'en retarder la divulgation, sans toutefois disposer de beaucoup d'armes pour ce faire, y compris des dispositions pour la nomination d'un commissaire à l'information indépendant et doté de pouvoirs exécutoires.

De plus, le projet de loi C-208 ne peut corriger le problème que pose l'informatisation accrue de l'appareil gouvernemental sur le plan de la suppression et de la modification des dossiers, ni le besoin urgent d'améliorer et de resserrer les normes de gestion des dossiers. La Loi sur l'accès à l'information a au moins en partie contribué à mettre un terme aux pratiques de gestion des dossiers totalement chaotiques, et le projet de loi C-208 peut amener les fonctionnaires à réfléchir deux fois avant d'égarer ou d'effacer les dossiers dont ils sont responsables.

Qu'il faille mettre un terme aux pratiques cachottières d'Ottawa n'est un secret pour personne. Entre-temps, l'adoption du projet de loi C-208 à la Chambre et au Sénat permet d'exprimer clairement ce qu'Ottawa ne semble pas disposé à dire officiellement, mais le Parlement, dans le contexte d'un vote libre, peut exprimer ce message.

Je le répète, j'estime qu'il vaut mieux adopter ce projet de loi, assorti de quelques modifications, que de le rejeter. Il vaut mieux l'avoir que n'avoir aucune mesure législative, pour signaler puissamment qu'à Ottawa, on ne tolérera plus la manipulation des dossiers.

Je propose quelques amendements. Je sais que certains autres ont déjà été proposés et je ne les désavoue pas, pas plus que je ne rejette la présentation d'autres modifications au projet de loi C-208. Le comité est déjà saisi de l'une de ces modifications, à savoir que soient visés les supérieurs ordonnant ou conseillant à des subalternes de détruire, tronquer ou modifier un document, que le subalterne se soit exécuté ou non.

• 0955

La seule observation que je tiens à faire après avoir écouté la discussion précédente, c'est qu'il vaut mieux ajouter le plus de précisions possible, parce que connaissant la bureaucratie à Ottawa comme je la connais, je sais que les directives ne sont pas nécessairement transmises sous forme d'ordres. On peut installer quelqu'un devant un écran d'ordinateur et lui dire: «Tu vois ça? Tu l'effaces». Il existe à Ottawa des façons subtiles d'amener un autre à faire le sale boulot à votre place.

Dans la modification proposée, plus on augmente le nombre de termes visant à définir cette pratique ou cette intention, comme l'a dit madame la présidente, car il est tout aussi délictueux de vouloir agir que d'agir en ce sens, mieux cela vaudra.

En deuxième lieu, je reconnais, même si j'y répugne un peu, que la peine maximale d'emprisonnement de deux ans plutôt que cinq ans est un bon compromis. Il faut une certaine souplesse qui permette de distinguer entre des actes criminels, des infractions et des infractions mixtes. Je préfère des amendes supérieures à 10 000 $. J'ai entendu un représentant du ministère de la Justice dire qu'aux États-Unis, pour un certain type d'infraction, on prévoit des amendes de 100 000 $. J'aimerais tout de même vous demander une chose, c'est que l'amende de 10 000 $ ne soit pas payée par le Trésor mais bien par la personne qui a commis l'infraction. Il faut que l'intention de punir les transgresseurs soit manifeste.

Troisièmement, j'estime que les peines prévues à l'article 67 pour entrave au mandat du commissaire à l'information devraient être cohérentes et, par conséquent, semblables aux peines envisagées dans le projet de loi C-208. Autrement dit, à l'article 67 de la Loi sur l'accès à l'information, les contrevenants sont passibles d'une amende maximale de 1 000 $. Il me semble qu'il faudrait prévoir des dispositions parallèles et cohérentes au projet de loi C-208. Cela ne représente pas un grand changement.

Ma quatrième observation est importante, parce qu'elle porte et sur la Loi sur l'accès à l'information et sur la Loi sur la protection des renseignements personnels. Comme vous le savez, elles sont relativement semblables. Je pense que cette modification tout à fait opportune à la Loi sur l'accès à l'information devrait s'appliquer également à la Loi sur la protection des renseignements personnels. L'intimité, la réputation personnelle, les dossiers médicaux des gens sont en jeu et il est très important de punir tous ceux qui se rendent coupables de modifier ou de détruire des documents par malveillance.

Cinquièmement, j'ajouterais aux trois motifs indiqués, à savoir la modification, la falsification ou la dissimulation de documents, un motif plus général. Je suis bien placé pour savoir qu'à Ottawa, il existe d'autres moyens que ces trois-là pour censurer des documents. On pourrait donc ajouter, après les trois premiers motifs, à l'alinéa d), un motif d'ordre plus général portant sur toute fraude à l'endroit d'un document. Cet alinéa serait ensuite suivi de l'alinéa que vous proposez, et qui deviendrait l'alinéa e).

Je peux vous donner trois exemples d'autres fraudes à l'endroit de documents, simplement pour vous montrer que vous n'avez pas tout prévu. Veuillez m'en croire, de la même façon que, lorsque la Loi sur l'accès à l'information a été instaurée et que les gens ont appris à la contourner de façon créative, ils sauront créativement contourner ces dispositions-ci tout en ayant l'intention délictueuse de frauder le système.

Le premier exemple que je pourrais donner est celui qui consiste à dissimuler des documents ou à prétendre qu'ils sont introuvables. Je vous donnerai un exemple de cela relativement à la sécurité aérienne.

Mon deuxième exemple est celui d'une tentative délibérée d'empêcher la création d'informations pour des documents lisibles à la machine. Il faut se souvenir qu'à Ottawa de nombreux documents sont maintenant informatisés et qu'ils peuvent être assujettis à de nouveaux tours de passe-passe qui n'étaient pas possibles pour les documents sur papier ou qui alors étaient moins raffinés. Vous savez, il n'est pas aussi facile d'effacer une partie d'un document sur papier qu'on peut le faire sur un ordinateur.

Le troisième exemple consiste à avoir délibérément des habitudes d'entreposage des documents qui soient inférieures à la norme. Dans les directions des ministères, il y a certains éléments qui, délibérément, ne suivent pas les directives du Conseil du Trésor ou des archivistes relativement à la gestion des documents. Voici que, tout à coup, on ne peut plus trouver tel ou tel document; c'est incroyable. Je traite en ce moment avec Revenu Canada. Comme vous le savez, il y a un projet de loi qui a été présenté au Parlement à ce sujet. On veut créer une nouvelle agence. On me dit qu'on n'arrive pas à trouver les documents qui ont été créés au cours des 18 derniers mois parce que les dossiers ne sont pas tout à fiat en ordre. C'est inexcusable.

M. Reg Alcock: C'est inacceptable.

M. Ken Rubin: C'est inacceptable.

M. Reg Alcock: Absolument.

M. Ken Rubin: Merci.

• 1000

Dans le cas du projet de loi C-208, j'associerais des peines au droit du public d'accéder aux documents publics, comme cela est fait aux articles 2 et 4 de la Loi sur l'accès à l'information. Après tout, il s'agit d'une modification à cette loi, et je pense que ce dont nous traitons ici est précisément du droit d'accès.

À la Cour d'appel fédérale, j'ai gagné un procès contre Nation Air. Cela m'a confirmé que c'est l'esprit de la loi qui est le plus important, pas les exemptions, pas ce que pensent les hauts fonctionnaires. Ils ne sont pas au-dessus de la loi. Désormais les peines prévues montrent qu'ils ne sont pas au-dessus de la loi. Je pense qu'il est très sain de se reporter à la signification principale de cette loi.

En dernier lieu, j'ajouterai que le commissaire à l'information doit s'engager à préparer des rapports de surveillance sur les manipulations de documents et sur les peines et sanctions imposées. Ces rapports devraient être rendus publics au moins une fois par année et renvoyés au Comité permanent de la justice et des droits de la personne pour y être examinés.

Je peux vous donner des exemples, tels que des rapports sur la sécurité aérienne au ministère des Transports. Je dois recourir à la Loi sur l'accès à l'information pour savoir quel transporteur aérien est pénalisé ou non. On me rend la tâche extrêmement difficile. Le ministère décide d'aller consulter chaque transporteur aérien. C'est ridicule, puisque ces amendes sont imposées publiquement. J'estime que pour que l'effet de dissuasion opère, il faut que les gens sachent que la mesure est mise en oeuvre et votre comité doit être capable d'assurer la mise en oeuvre par l'examen de la situation.

Soit dit entre parenthèses, je note le silence total sur les questions de destruction de documents, y compris les documents relatifs à l'APEC. L'actuel commissaire à l'information, contrairement au commissaire précédent, ne s'est pas exprimé sur la question des manipulations ou dissimulations de documents.

Il existe d'autres exemples de ces manipulations que je fournis au comité, qu'il s'agisse de dossiers sur la sécurité aérienne disparus ou de documents détruits sur les implants mammaires. Vous noterez également dans le dossier que je vous ai remis une manchette qui se lit ainsi: «selon un journal, le gouvernement a modifié des documents portant sur le danger possible des implants». Cela remonte à un certain temps. Il s'agit d'un article du Ottawa Citizen, portant sur un article du Montreal Gazette, en date du 29 mars 1989. Ensuite, il y a la note de service que j'ai obtenue grâce à la Loi sur l'accès à l'information, note qu'avait reçue Pierre Blais, scientifique au ministère de la Santé, et qui provenait de son supérieur, le Dr Hinberg. On y disait «Prière de détruire toutes les copies de la pièce jointe». Il s'agit là d'une preuve directe et incriminante. Qu'a-t-on fait à l'époque? Rien. Ce que vous faites ici servira à quelque chose.

Ce sont là des exemples méprisables. Cacher au public canadien des problèmes relatifs à la santé et à la sécurité en modifiant grossièrement des documents ou en les détruisant, c'est se livrer à une dissimulation aux effets les plus dévastateurs.

Tout aussi nuisible est la tendance croissante à exclure de l'accès au public des séries entières de documents sur la sécurité tels que ceux de NAVCAN. Nous avons là tous les incidents, y compris un qui s'est produit ce matin même, causé par des problèmes de câblage ou d'autres problèmes, et l'une des agences clés relevant du Bureau de la sécurité des transports du Canada ou du ministère des Transports n'est plus visée par la Loi sur l'accès à l'information. Le droit du public à savoir n'est malheureusement pris en compte.

Modifier des documents sans en donner avis public, comme cela a été fait pour les rapports d'inspection de la viande où l'on minimisait les problèmes constatés, est une autre pratique inacceptable. Permettez-moi d'expliquer brièvement. Après avoir gagné un procès à la Cour d'appel fédérale avec d'autres plaignants, j'ai obtenu des rapports d'inspection des viandes auprès des conserveries. Qu'ont-ils décidé alors de faire? Il y avait là des parties que l'on pouvait cocher, sur les techniques sanitaires, l'hygiène, la salubrité de la conserverie. Il y avait également une partie contenant les observations des inspecteurs, qui, après tout, sont des professionnels. L'industrie peut craindre qu'ils soient subjectifs. Qu'a-t-on donc fait? On a supprimé de façon permanente cette partie du rapport qui contenait les observations des inspecteurs, partie qui, du point de vue du public, était probablement le document le plus important. Il y a donc là une intention délibérée, et je pense que les Canadiens n'ont pas été bien servis dans ce cas-ci.

Un autre exemple de ce type de problème est le démantèlement récent de mesures de protection de la santé des Canadiens par l'élimination de nombreux laboratoires gouvernementaux et d'une grande partie de la capacité interne de recherche sur les aliments et les drogues. Cela a eu pour résultat que des documents d'autovérification et d'autoréglementation sont exclus et se retrouvent entre les mains du secteur privé. Les gens veulent savoir si l'air que nous respirons est salubre, si les aliments que nous mangeons sont sains, et ainsi de suite. Or, nous avons de plus en plus de difficulté à nous renseigner là-dessus, parce que ces documents sont transférés sans autre forme de procès au secteur privé, sans que l'on songe à la façon de gérer les documents et de rassurer le public. Il existe d'autres administrations qui essaient de régler ce genre de problème.

• 1005

Le projet de loi C-208 soulève également d'autres questions, mais je pense que nous allons devoir nous contenter de la situation actuelle. L'une de ces questions, à laquelle le comité ne s'est peut-être pas intéressé, est l'idée que la poursuite, étant donné qu'elle relève du gouvernement fédéral, soit effectuée par des fonctionnaires du ministère de la Justice après enquête de la GRC, dans l'espoir qu'il n'y aura pas de compromis lorsque viendra le moment d'imposer des sanctions, s'il y a lieu. Le comité devrait examiner cette situation de plus près.

Une autre question tient à la nécessité de protéger, par une mesure législative distincte, les dénonciateurs qui rendent publiques les fraudes relatives à des documents. Rappelez-vous toutefois que certaines de ces fraudes n'ont été découvertes qu'après des enquêtes approfondies. Si l'on ne peut même pas protéger l'honnête fonctionnaire qui dit que son supérieur lui a ordonné de détruire ou de modifier un document... Ces gens ont besoin d'être protégés à Ottawa. Je sais qu'il y a eu de nombreux projets de loi d'initiative parlementaire portant là-dessus et que de nombreuses personnes le réclament.

Je voudrais soulever une dernière question. Je constate qu'elle a été supprimée dans la dernière version du projet de loi. Il s'agit de l'établissement obligatoire de documents. Je pensais que c'était l'élément le plus radical de ce projet de loi. Dans un contexte différent, mais pour une autre fois et pour une autre loi j'imagine, nous avons besoin d'une base législative claire. Il s'agirait d'une toute nouvelle loi sur les documents publics, qui définirait ce qui constitue un document public, y compris ceux qui doivent obligatoirement être établis, qui ne doivent pas être détruits ni présentés simplement oralement, sans trace d'écrit.

Par exemple, je pense que la loi devrait prévoir que les procès-verbaux des réunions du Cabinet devraient être transcrits, comme devraient l'être ceux des réunions de la haute direction et des conseils d'administration. Il s'agit là de documents que le Comité canadien du sang et que la CCN ont jugé bon de détruire.

Si l'on ne dispose pas de politiques sûres en matière de gestion de l'information contenue dans les documents... Au gouvernement canadien, ces politiques sont plutôt nébuleuses. Je ne parle même pas d'intention criminelle. Je parle de la gestion professionnelle des documents à des fins de récupération des données. Cela devrait également servir les générations futures. C'est une chose importante, que ce comité-ci ne peut pas régler aujourd'hui.

J'aimerais que vous puissiez résoudre plus de problèmes que vous en avez résolus. Je sais que vous avez déjà beaucoup de questions de justice à régler. Un bon nombre d'entre elles portent sur des questions de sécurité publique. Dans ce cas-ci, il ne s'agit pas vraiment de sécurité publique, mais votre comité s'occupe de justice et de droits de la personne. Or, depuis une vingtaine d'années, il existe deux nouveaux droits, celui de l'accès du public à l'information et celui de la protection des renseignements personnels. Pour qu'ils soient inscrits de façon plus permanente, étant donné que ces incidents sont de plus en plus communs, nous en sommes au point où vous devez prévoir des peines criminelles pour punir les contrevenants.

Je déclare au comité que ce projet de loi est une bonne chose. Je félicite Colleen Beaumier de l'avoir présenté. Je félicite tous les partis pour avoir participé au débat et l'avoir appuyé. Je pense que vous avez le feu vert. J'espère que le Sénat aura des vues similaires; je suis sûr que oui. La sobre réflexion à laquelle ils doivent se livrer les mènera à cette conclusion.

En conclusion, ceux qui s'ingénient à trouver des moyens pour effacer ou manipuler des documents, empêchant ainsi le public d'y avoir accès, doivent être amenés à rendre des comptes. C'est là l'essentiel. Le projet de loi C-208, assorti de quelques modifications, rendra honneur au Parlement et laissera le souvenir du moment où le Parlement a voulu mieux protéger et avantager la population.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Rubin.

Monsieur Cadman.

M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Réf.): Je n'ai pas vraiment des questions. Je voudrais simplement remercier M. Rubin de son exposé.

Je pense que vous avez réussi à signaler beaucoup de domaines où nous avons de graves préoccupations. Beaucoup d'entre nous tendent à penser que les documents sont des documents sur papier. J'ai trouvé particulièrement intéressant ce que vous aviez à dire au sujet des fichiers informatiques.

Je ne suis pas tout à fait sûr que le projet de loi C-208 soit le projet de loi idéal pour régler tous les problèmes présentés par M. Rubin. Je ne suis pas non plus sûr de vouloir attendre la très mince probabilité qu'un autre projet de loi d'initiative parlementaire nous permette d'aborder toutes ces questions. J'estime vraiment que le gouvernement devrait examiner soigneusement certains des problèmes que M. Rubin nous a présentés et en tenir compte dans ses propres mesures législatives.

Encore une fois, je n'ai pas de question. Merci de cet excellent exposé.

La présidente: Merci, monsieur Cadman.

Monsieur Bellehumeur.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Pas de questions.

[Traduction]

La présidente: Madame Bakopanos.

Mme Eleni Bakopanos: Monsieur Rubin, merci. J'ai deux questions à vous adresser.

La modification que M. Bellehumeur a proposé ne porterait-elle pas sur des documents tels que les documents informatiques et les documents semblables? Je pense que cela inclurait probablement la destruction de courrier électronique ou de documents qui ne sont pas rédigés à la main. On parle bien de: «contraindre, conseiller, ordonner de quelque façon que ce soit».

• 1010

M. Ken Rubin: Je pense que ce type de documents seraient ainsi visés de façon plus précise. Toutefois, ce que je préfère... J'ai noté que dans le projet de loi original, il y avait, comme dans certains projets de loi, des explications sur ce qui était visé. Si le message est clair, vu la façon dont les documents sont maintenus, je pense qu'il s'agit là d'une des intentions d'origine du projet de loi. Il serait utile pour les lecteurs futurs et les avocats appelés à se prononcer devant les tribunaux de comprendre l'intention du législateur.

Mme Eleni Bakopanos: Vous reconnaissez donc, comme moi, qu'il faudra que les avocats au procès fassent la preuve de ce qui a été détruit et des moyens de destruction choisis.

M. Ken Rubin: Oui.

Mme Eleni Bakopanos: Toutefois, cet alinéa d) permettrait à la couronne ou à la partie défenderesse de traiter de situations où quelqu'un détruit des documents informatiques ou des documents de quelque type que ce soit.

M. Ken Rubin: Oui.

Je cherchais quelque chose et je ne sais pas si je réussirai à le trouver dans mes papiers. En Colombie-Britannique, le commissaire a récemment rendu une décision sur les courriers électroniques, sur le fait que quelqu'un les avait détruits et sur la possibilité qu'ils soient disponibles ailleurs. Dans les mémoires de sauvegarde, on a trouvé que certains de ces documents pouvaient être récupérés, et cela s'est révélé utile pour résoudre la cause en question.

Voilà donc ce à quoi vous vous heurtez avec la technologie qui ne cesse d'évoluer. Vous pourrez d'ailleurs constater dans les documents que je vous ai remis que je suis retourné aux dossiers du Comité canadien du sang et que j'ai demandé au ministère de la Santé... Il y avait des représentants des provinces qui siégeaient au comité, et je me disais qu'il se pourrait qu'il y ait d'autres documents. J'ai donc demandé s'il y avait des reproductions des transcriptions sur disquettes ou sur un autre support que celui qui avait été détruit, par inadvertance ou pour quelque autre raison, par ceux qui siégeaient au comité. Il ne faut jamais oublier que les gens ont effectivement tendance à accumuler des choses.

Il me semble que la sagesse exige qu'on tente de tout cerner.

La présidente: Permettez-moi de signaler qu'il faut toujours retourner à l'article des définitions de la loi, où le terme «document» est défini comme incluant tout enregistrement informatique. Je crois donc que cette possibilité a été cernée.

Mme Eleni Bakopanos: J'ai une deuxième question. Votre but, d'après ce qu'on peut lire dans les journaux, est de mettre les autorités fédérales dans l'embarras et de les ridiculiser. Je ne crois pas vous ayez pour but de ridiculiser les fonctionnaires. Est-ce bien là ce que vous cherchez surtout à faire? Comment le Canada se compare-t-il à d'autres pays pour ce qui est de sa législation sur l'accès à l'information et sur la protection des renseignements personnels?

M. Ken Rubin: J'estime que mon but c'est plutôt de rendre les hauts fonctionnaires plus responsables...

Mme Eleni Bakopanos: Responsables, bien sûr.

M. Ken Rubin: Cela les met parfois dans l'embarras, mais c'est là le but de la démocratie. Il arrive qu'on commette des erreurs, et il faudrait les reconnaître; il faudrait s'en excuser. Trop souvent, ce n'est pas du tout ce qui se passe.

Comment soutenons-nous la comparaison? Essentiellement, je trouve que nous n'obtenons pas la note de passage, mais il n'y a pas non plus beaucoup de régimes qui font mieux que nous. Il y a d'autres pouvoirs publics, comme dans l'État de New York, qui ont jugé bon de prévoir l'accès non seulement à l'information mais aux réunions comme telles. Il y a bien des progrès que nous pourrions faire et qui n'ont peut-être rien à voir avec le sujet à l'étude aujourd'hui...

Mme Eleni Bakopanos: Vous devez toutefois convenir avec moi que la Loi sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur l'accès à l'information... Il y a bien des pouvoirs publics qui n'ont aucune mesure législative qui s'applique quelle que soit la situation.

M. Ken Rubin: Les lois actuelles ne s'appliquent pas à beaucoup de situations, selon moi. Elles ne s'appliquent pas au secteur privé. Elles ne s'appliquent pas à certains groupes professionnels. Ainsi, elles ne s'appliquent pas aux universités, à l'échelle provinciale. Nous avons bien du chemin à faire, mais nous avons déjà quelque 15 ou 20 années d'expérience.

Nous n'avons pas nécessairement d'affaire Watergate pour nous mobiliser. Nous avons toutefois la Somalie, de même que le Comité canadien du sang, pour nous mobiliser, du moins dans la situation présente. Nous avons en tout cas besoin de nous mobiliser et de comprendre que le public a jusqu'à maintenant été privé de l'accès aux renseignements personnels à son sujet et aux documents de politique gouvernementale en raison des exemptions qui sont actuellement prévues dans ces deux lois et qui, malheureusement, tendent à compliquer et à retarder les choses.

Mme Eleni Bakopanos: Merci.

La présidente: Monsieur Bellehumeur.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: J'aimerais préciser une chose pour éclairer le comité et répondre à une question que le témoin posait quant à la définition de «document». Dans le projet de loi de Mme Beaumier, on dit, à l'alinéa a): «détruire, tronquer ou modifier un document».

• 1015

J'ai demandé aux fonctionnaires si, dans la loi, on définissait le terme «document». On m'a dit qu'on le définissait très bien et que c'était très, très large. Pour répondre à la question que le témoin se posait, on ne donne pas de support, et c'est même encore plus explicite dans la définition française que dans la définition anglaise, qui est très large, même au niveau de l'informatique.

Mme Eleni Bakopanos: Elle a précisé cela plus tôt.

M. Michel Bellehumeur: Je devais être absent.

[Traduction]

M. Ken Rubin: Si vous le permettez, je voudrais faire une observation en réponse à ce qu'on vient de dire. Je suis en fait d'accord pour dire que la définition de «document» qui se trouve dans la Loi sur l'accès à l'information et dans la Loi sur la protection des renseignements personnels est assez vaste. Faites travailler un peu votre imagination. Il ne s'agit pas simplement de documents informatiques par opposition aux documents traditionnels.

La loi américaine sur la liberté d'information a notamment été invoquée pour obtenir un document clé, à savoir la carabine qui a servi à assassiner le président Kennedy. J'ai moi-même eu à m'occuper de cas où il était tout aussi important de retrouver telle microfiche, telle carte ou tel autre support que le support traditionnel que nous considérons généralement comme étant le document clé. Je vous invite donc à vous intéresser à une vaste gamme de documents de types différents, voire de documents qui, à cause de la technologie, restent à créer.

La présidente: Y a-t-il d'autres questions?

Merci, monsieur Rubin.

M. Ken Rubin: Merci.

La présidente: Je crois que nous sommes prêts.

Je veux simplement vous signaler que l'Alliance de la fonction publique du Canada a déposé auprès du comité une lettre dont je voudrais lire quelques... Certaines des observations qui sont faites dans la lettre ne concernent pas directement notre propos d'aujourd'hui, mais je veux simplement en lire quelques extraits pour qu'ils soient consignés au compte rendu.

La lettre porte la signature de Daryl Bean, qui dit:

    [...] L'Alliance et ses membres qui travaillent pour des ministères et organismes fédéraux qui sont soumis à la Loi sur l'accès à l'information comprennent très bien que les modifications que propose le projet de loi C-208 visent à combler un vide législatif et répondent donc à un besoin. Nous sommes en mesure d'apprécier, et nous approuvons entièrement, le principe voulant que l'accès à l'information soit protégé de tout geste qui pourrait être posé secrètement pour compromettre le droit du public à obtenir l'information qu'il désire. Nous reconnaissons par ailleurs que les personnes qui sont à l'emploi du gouvernement fédéral et qui modifient ou détruisent des documents gouvernementaux pour les soustraire à l'examen du public devraient être passibles de sanctions. En conséquence, nous arrivons à la conclusion que le projet de loi C-208 ne présente aucune difficulté qui nous empêcherait d'en appuyer le principe.

Il poursuit en disant que l'Alliance a toutefois des réserves au sujet du langage utilisé dans le projet de loi, et les modifications que propose l'Alliance sont faites dans l'optique suivante:

    Il semble que le projet de loi C-208 ait été rédigé en partant du principe que la personne qui a) détruit, tronque ou modifie un document, ou encore qui b) falsifie un document ou y fait une fausse inscription, agit seule ou de son propre chef.

L'Alliance veut donc que nous tenions compte de ces questions, questions dont Colleen Beaumier a d'ailleurs tenu compte dans les amendements qu'elle propose, afin que, dans le cas de la personne qui aurait reçu l'ordre de détruire un document, nous veillions à ne pas nous en prendre à celui ou à celle qui aurait fait cela par mégarde ou sans intention délictueuse.

Enfin, l'Alliance voulait aussi que nous adoptions l'autre amendement dont je vous ai parlé tout à l'heure, à savoir que la personne qui ordonnerait ou qui conseillerait de détruire un document soit tenue responsable même si, dans les faits, le document n'était pas détruit.

L'Alliance mettait également en doute le bien-fondé de l'infraction visant le défaut de conserver les documents nécessaires. Colleen répond à cette préoccupation dans les amendements qu'elle propose.

Cette lettre fera donc partie du rapport que nous présenterons. Cela me donne d'ailleurs l'occasion de signaler publiquement que nous acceptons les mémoires. Il n'est pas toujours nécessaire de venir témoigner devant le comité. Nous prenons au sérieux les mémoires qui nous sont soumis.

La lettre fait état d'autres préoccupations qui, à mon avis, sont périphériques. Je vous en recommande la lecture.

Très bien. Y a-t-il d'autres observations avant que nous n'entamions l'étude article par article? D'accord.

Madame Beaumier, voulez-vous proposer une motion officielle, ou voulez-vous déposer quelque chose de différent...? Comment allons-nous procéder? Vous avez de nouveaux amendements. Voulez- vous les proposer tous vous-même?

• 1020

Mme Colleen Beaumier: Je voudrais proposer l'amendement, mais quelqu'un va-t-il proposer d'amender l'alinéa 67.1(1)d)?

La présidente: Je voudrais que nous fassions en sorte que tout cela forme un tout. D'accord?

Mme Colleen Beaumier: Très bien.

La présidente: La nouvelle formulation est-elle prête?

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Il y a un amendement.

[Traduction]

La présidente: Allez-y, monsieur Bellehumeur.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: J'ai un amendement à l'article 1, que j'ai rédigé plus tôt. Je propose qu'on modifie l'alinéa 67.1(1)d) proposé en remplaçant le mot «amener» par ce qui suit : «ordonner, proposer, conseiller ou amener de n'importe quelle façon», et le reste de l'alinéa d) demeure identique: «une autre personne à commettre un acte visé à l'un des alinéas a) à c)».

[Traduction]

La présidente: Bien, le français dirait donc «ordonner, proposer, conseiller ou amener de n'importe qu'elle façon».

Accordez-moi un instant pour consulter les intéressés sur la façon dont nous allons procéder.

Madame Beaumier, nous avons donc un sous-amendement à votre amendement qui est proposé par M. Belleheumeur. Vous acceptez le sous-amendement?

Mme Colleen Beaumier: Pourriez-vous en faire lecture, s'il vous plaît?

La présidente: On dirait: «ordonner, proposer, conseiller ou amener de n'importe quelle façon».

Mme Colleen Beaumier: Un instant, s'il vous plaît.

La présidente: Bien sûr.

Mme Colleen Beaumier: Nous nous interrogeons simplement sur l'à-propos des termes utilisés. Pouvons-nous dire «in any manner» en anglais?

La présidente: Bien sûr. C'est la même chose—«in any manner».

Mme Colleen Beaumier: Oui, «in any manner».

La présidente: Parce que cela ne change rien au texte français.

Êtes-vous d'accord, Michel?

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Oui.

[Traduction]

La présidente: Très bien, ainsi, en anglais, le sous-amendement—si vous l'acceptez, madame Beaumier—se lit: «directs, proposes, counsels or causes any person in any manner». Je vais m'essayer en français:

[Français]

«ordonner, proposer, conseiller ou amener de n'importe quelle façon...».

Mme Eleni Bakopanos: Bravo!

[Traduction]

La présidente: Merci.

[Français]

Mme Eleni Bakopanos: Il faut l'encourager, Michel.

[Traduction]

La présidente: On n'est jamais trop vieux pour apprendre du nouveau.

Qui m'a traitée de vieille?

Acceptez-vous les changements?

Mme Colleen Beaumier: Je les accepte, madame la présidente.

La présidente: Le sous-amendement proposé?

Mme Colleen Beaumier: Oui. Je propose l'amendement, tel qu'amendé.

    (L'amendement est adopté)

    (L'article 1 tel qu'amendé est adopté)

La présidente: Le titre est-il adopté?

Des voix: D'accord.

La présidente: Le projet de loi tel qu'amendé est-il adopté?

Des voix: D'accord.

La présidente: Dois-je faire rapport à la Chambre du projet de loi tel qu'amendé?

Des voix: D'accord.

La présidente: Le comité ordonne-t-il la réimpression du projet de loi pour usage à l'étape du rapport?

Des voix: D'accord.

La présidente: Merci.

Félicitations, madame Beaumier.

Je tiens aussi à remercier les fonctionnaires du ministère de la Justice d'avoir travaillé en aussi étroite collaboration avec nous. Nous vous en sommes très reconnaissants. Nous avons fait du bon travail.

Madame Bakopanos, vous aviez quelque chose à dire?

• 1025

Mme Eleni Bakopanos: Oui. Je veux simplement faire remarquer quelque chose, car c'est un problème qui va se présenter de nouveau. Tous les lundis après-midi, trois des membres de notre comité siègent au comité sur la garde d'enfants et les droits de visite. Je serais très reconnaissante que nous n'ayons pas de réunion les lundis. Nous en sommes à l'étape du rapport au comité sur la garde d'enfants et les droits de visite. Les recommandations du comité sont très importantes à mon avis pour l'examen de la législation sur la garde d'enfants et les droits de visite. J'apprécierais donc beaucoup que l'on s'entende pour ne pas tenir de réunion les lundis. J'ai déjà abordé la question. M. Mancini, M. MacKay et deux ou trois autres membres du comité siègent au comité sur la garde d'enfants et les droits de visite. Je vous en prie. Je ne peux pas être à trois endroits en même temps.

La présidente: Permettez-moi simplement de rappeler qu'en règle générale, nous ne nous réunissons pas les lundis après-midi. Nous ne le faisons que quand il y a des débordements, comme cela s'est produit cette semaine. Nous essaierons donc de ne pas le faire. Je ne crois pas toutefois que nous puissions dire que nous ne le ferons jamais.

Mme Eleni Bakopanos: Non. Je demande une décision ferme.

La présidente: Dans ce cas, vous devrez proposer une motion.

Mme Eleni Bakopanos: D'accord. Je proposerai donc une motion.

La présidente: Je ne crois pas que nous soyons en mesure de faire cela.

Mme Eleni Bakopanos: C'est seulement jusqu'en novembre, madame la présidente, car le Comité sur les droits de visite siégera jusque-là.

La présidente: C'est pourtant votre travail que nous essayons de faire à notre comité, c'est le travail de votre ministère.

Mme Eleni Bakopanos: Je proposerai une motion.

La présidente: D'accord.

Cet après-midi, nous aurons le rapport sur les victimes. Soyez là et soyez clairs.

Merci. La séance est levée.