Passer au contenu
Début du contenu

JURI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 9 juin 1998

• 1545

[Traduction]

La présidente (Mme Shaughnessy Cohen (Windsor—St. Clair, Lib.)): Nous sommes de retour et nous étudions toujours le rôle des victimes dans le système de justice pénale. Nous accueillons aujourd'hui Carole Eldridge, directrice exécutive du Centre pour la résolution de disputes d'Ottawa-Carleton. Je sais que vous aimeriez faire un exposé avant de répondre à nos questions.

Mme Carole Eldridge (directrice exécutive, Centre pour la résolution de disputes d'Ottawa-Carleton): Merci beaucoup.

Je veux résumer brièvement la documentation que j'avais présentée et en souligner les points saillants. Je serai ensuite heureuse de répondre à vos questions.

La présidente: Si vous n'avez pas déjà comparu devant notre comité auparavant, je vous signale que le personnel change parfois. On ne peut rien y faire, c'est comme cela.

Mme Carole Eldridge: C'est la première fois que je témoigne devant votre comité. Je dois dire que, dans une vie antérieure, j'ai travaillé au bureau de l'ombudsman, à Toronto, et que j'ai comparu devant un comité permanent provincial à ce titre. Toutefois, c'était il y a un bon nombre d'années, et j'avais oublié. Je vous remercie du rappel.

Il y a maintenant neuf ans que l'organisme pour lequel je travaille applique des programmes dans le contexte de la justice pénale. Nous avons été les premiers à fournir des services à toutes les étapes du processus, que ce soit avant que des accusations ne soient portées, après que des accusations ont été portées mais avant le procès, après qu'une personne a enregistré un plaidoyer, ou après une condamnation.

Dans le cadre de notre activité, nous traitons avec des personnes qui sont considérées comme des victimes, ou plutôt des plaignantes puisque, comme vous le savez, une personne n'est pas, à strictement parler, une victime—même si elle a été victimisée—tant qu'il n'y a pas eu condamnation dans le cadre du système de justice pénale. Un nombre indéterminé de personnes nous ont dit merci parce qu'elles ont le sentiment d'avoir été écoutées, parce qu'elles ont pu obtenir des réponses qu'elles ne pouvaient obtenir dans le cadre du système traditionnel, et parce qu'elles ont pu tourner la page relativement à un incident dont elles ont été victimes.

En 1987, nous avons mis sur pied le premier programme de médiation entre pairs au Canada dans les écoles. Cette initiative a eu pour effet de faire en sorte que nous avons un plus grand nombre de jeunes que d'adultes qui sont prêts à recourir à un processus de résolution de conflits. Cela est probablement lié au fait que les jeunes dans les écoles apprennent à régler les conflits entre eux et sont donc plus à l'aise lorsqu'on leur propose des variantes dans le cadre du système traditionnel.

En 1989, nous avons lancé un programme d'intervention après la mise en accusation pour les adultes. En 1993, nous avons inclus les jeunes puis, en 1995, nous avons obtenu un appui suffisant de la part du Service de police régional d'Ottawa-Carleton. Nous avons commencé à accepter les renvois provenant directement de ce service relativement à des cas impliquant des jeunes et concernant lesquels la police a décidé de ne pas porter d'accusations. Le nombre de ces renvois a augmenté et nous avons maintenant des séances de formation avec la police afin d'améliorer ce service.

Le mémoire que j'ai présenté fait allusion aux statistiques. Nos chiffres sont établis en fonction du nombre d'accusés. Tout est dans la façon d'établir et d'utiliser les statistiques. Nous avons choisi de nous fonder sur le nombre d'accusés. Par conséquent, lorsqu'il y a un nombre plus élevé d'accusations, c'est parce que des accusés ont fait l'objet de plus d'une accusation. Certains d'entre vous s'en sont probablement rendus compte en regardant les statistiques.

Toutefois, environ les trois quarts de toutes les affaires pénales que nous étudions semblent convenir à un processus de règlements de conflits. Exception faite des cas qui nous sont confiés directement par la police, nous ne sommes pas un programme de déjudiciarisation. Par conséquent, si vous entendez parler de cas de déjudiciarisation, nous ne sommes pas en cause.

Tous les dossiers dont nous nous occupons continuent d'être assujettis à la procédure traditionnelle. En effet, nous nous occupons de ces dossiers, mais ceux-ci retournent ensuite dans le système. Une victime qui accepte de travailler avec nous ne renonce pas à son droit d'aller devant les tribunaux, l'appareil judiciaire, la Couronne ou toute autre autorité.

Au fil des années, le pourcentage de personnes qui ont volontairement accepté de recourir à une variante du système se situe entre 30 p. 100 et 40 p. 100. Cette décision dépend en partie de la personne qui communique avec la victime et qui l'encourage à envisager cette option.

• 1550

Nous avons constaté que les victimes veulent avoir la chance de parler. Elles veulent avoir la chance de se faire entendre. Elles veulent poser des questions. Parfois, ce sont des questions simples qui portent sur le système de justice pénale. Les victimes ont parlé à l'agent; des accusations ont été portées il y a six mois et elles ne savent absolument pas ce qui se passe. Leur connaissance du système leur vient de la télévision, où les choses se passent rapidement. Par conséquent, ces personnes se demandent pourquoi l'affaire traîne toujours devant les tribunaux.

Lorsque nous parlons aux gens, nous finissons par leur fournir beaucoup de renseignements. Aucune des personnes de notre organisme qui fournit de l'information n'est avocat. Par conséquent, les renseignements fournis ne sont pas de l'information juridique, mais tout simplement des renseignements généraux sur un système de justice. Ainsi, environ 40 p. 100 de ces personnes acceptent d'essayer une solution de rechange en vertu de laquelle elles conviennent de s'asseoir et de confronter l'accusé. Cette rencontre peut se faire d'un à un.

Hier, je m'occupais d'un cas où il y avait cinq personnes d'un côté et cinq de l'autre. Nous avons fini par être entraînés dans une affaire qui touchait 47 personnes et nous avons procédé en cercle. Il y avait de jeunes contrevenants et des personnes qui les appuyaient. La méthode que nous employons dépend du genre de cas, et c'est la raison pour laquelle je n'emploie pas uniquement le mot «médiation».

Dans plus de 90 p. 100 des cas où les personnes acceptent de se rencontrer, celles-ci en arrivent à des ententes mutuelles. Nous ne forçons personne à essayer d'en arriver à un règlement. Nous avons certains avocats bénévoles qui, peut-être, souhaitent qu'une entente soit conclue, mais le plus important pour nous c'est le processus comme tel. Malgré tout, plus de 90 p. 100 des personnes qui ont recours au processus en arrivent à des ententes mutuelles. Dans la trousse de documents que je vous ai fournis aujourd'hui, vous trouverez deux exemples d'ententes mutuelles. À la fin de mon exposé, j'aimerais dire quelques mots sur ces ententes. Il est fait mention de l'une d'entre elles dans la documentation que je vous avais déjà fournie. Quant à l'autre cas, celui-ci est porté à votre attention pour la première fois.

L'autre point pertinent est le fait que probablement la moitié des cas dont nous nous occupons ont trait à des infractions qui, selon le public, ne devraient peut-être pas être incluses, notamment les voies de fait, les menaces et les voies de fait causant des lésions corporelles. Nos interventions visent en général des infractions contre les personnes, plutôt que des infractions contre les biens. Je pense que c'est assez inhabituel, parce qu'en général ce sont des personnes qui commettent les infractions contre les biens. Les infractions contre les personnes peuvent inclure n'importe quoi, y compris une poussée...

Je ne pas si c'est le cas de certains d'entre vous, mais j'ai appris à conduire au Québec, de sorte que lorsque je suis déménagée à Toronto, j'avais un style de conduite particulier qui n'était pas nécessairement adapté à celui des gens de Toronto. J'étais parfois frustrée par la façon de conduire des autres conducteurs. Mais j'ai eu de la chance. J'ai décidé de ne jamais sortir de mon véhicule pour dire ma façon de penser à d'autres conducteurs. Si je l'avais fait, j'aurais pu être accusée de voies de fait. Si j'avais donné un coup de pied sur les pneus d'une autre auto, j'aurais été accusée de méfait.

Au début, nous nous occupions de ce genre d'incidents. On peut penser que ceux-ci sont relativement mineurs, mais ils étaient graves pour les personnes qui voulaient avoir recours à la médiation après avoir été impliquées dans de telles disputes au volant. C'était un épisode qui les préoccupait en permanence, mais auquel les policiers n'attachaient pas d'importance. Une accusation était parfois portée, mais il y avait de bonnes chances que la cause ne se rende pas devant les tribunaux. Il y avait des personnes qui avaient subi un grave préjudice, qui voulaient parler, qui voulaient être au courant de ce qui se passait, qui voulaient poser des questions et savoir pourquoi on leur avait fait une queue de poisson au volant: «Quel était votre problème et pourquoi avez-vous essayer de me tuer?» De telles réactions peuvent sembler un peu extrêmes, mais nous les avons parfois entendues.

Je veux dire un mot sur notre processus. Nous acceptons les renvois d'à peu près n'importe qui dans le système de justice pénale, notamment des victimes et des accusés. Il faut toutefois que la personne soit directement concernée par l'incident ou par le traitement de celui-ci. Nous examinons le cas et déterminons si, selon nous, celui-ci se prête à la médiation. Ainsi, la Couronne ou la police peut nous confier un cas, mais cela ne veut pas nécessairement dire que nous allons accepter de nous en occuper. Nous avons des normes dont nous nous inspirons. Celles-ci ne sont pas coulées dans le béton, mais elles nous servent de lignes directrices.

Nous vérifions ensuite si le processus de médiation ou de résolution de conflits convient, puis nous communiquons avec la victime afin de savoir si elle est disposée à essayer une méthode de résolution de conflits.

• 1555

Si l'accusé n'a pas d'avocat, nous communiquons directement avec lui. Autrement, nous communiquons avec l'avocat.

Si les parties conviennent de se rencontrer, une date est fixée et les services nécessaires sont fournis par un bénévole qui est membre de la collectivité. Notre centre fait appel à des bénévoles et les quelque 25 médiateurs que nous avons forment un échantillon représentatif de la population d'Ottawa-Carleton.

La rencontre a ensuite lieu. Si les parties en arrivent à une entente mutuelle, celle-ci est normalement consignée par écrit. Les rencontres durent d'une heure et demie à trois heures. La rencontre d'hier soir a duré plus longtemps, parce qu'il a fallu au moins une demi-heure seulement pour faire un tour de table et donner à chacune des dix personnes présentes la chance de se faire entendre. Par conséquent, il faut plus de temps dans un tel cas.

Le seul document qui émane du processus de médiation ou de résolution de conflits est l'entente mutuelle qui est conclue. Nous ne fournissons pas de rapports aux tribunaux, à la police, aux écoles ou au système judiciaire. Le seul document produit est l'entente. Celle-ci a un caractère confidentiel, sauf si les deux parties nous donnent l'autorisation d'en divulguer le contenu. Dans l'exemple qui vous a été fourni dans la documentation originale, les deux parties nous ont donné cette autorisation.

Hier soir, on m'a demandé ce que j'allais dire au procureur de la Couronne. J'ai répondu que je n'allais rien lui dire. On m'a demandé pourquoi je prenais des notes. J'ai dit que j'allais les déchirer à la fin de la journée.

On demande aux intéressés de signer un document en vertu duquel ils conviennent de ne pas citer à comparaître le médiateur ou le représentant du Centre pour la résolution de disputes. Jusqu'à maintenant, cette renonciation n'a pas été contestée devant les tribunaux. Au Manitoba, des médiateurs ont été visés par trois citations à comparaître, mais ceux-ci n'ont jamais été convoqués devant les tribunaux. Je ne suis au courant d'aucun cas où une personne aurait été tenue de témoigner.

Ensuite, nous renvoyons le dossier au système judiciaire, qui prend une décision. Comme je l'ai dit, nous ne sommes pas un processus de déjudiciarisation, sauf lorsque la police nous confie des cas avant que des accusations ne soient portées. Les tribunaux tiennent ensuite compte de l'information renfermée dans les ententes.

Quelqu'un a déjà dit que la meilleure façon de parler de ce que l'on fait est de donner des exemples. Je ne sais pas depuis combien de temps vous siégez, mais vous avez probablement beaucoup entendu parler de processus et de statistiques. J'aimerais vous fournir des exemples. Je veux vous parler de l'une des ententes mutuelles dont il est fait mention dans le document que j'ai distribué aujourd'hui.

Il s'agit du cas d'un jeune qui avait volé une auto. Celui-ci croyait avoir été pris en chasse par les policiers. Malheureusement, il ne savait pas conduire. Il a perdu le contrôle du véhicule et est allé percuter une autre auto. Heureusement que l'autre véhicule était très solide, autrement les deux occupants auraient été tués. Ceux-ci furent néanmoins gravement blessés. Ils ont dû être hospitalisés et ils éprouvent tous deux des problèmes de mobilité. Les avocats de la défense et de la Couronne ont communiqué avec nous et nous ont demandé si nous envisagerions la médiation dans ce cas. Je n'étais pas certaine. Je me disais que la dernière chose dont ces deux personnes avaient besoin c'était d'un petit fin finaud qui se foutait de ce qu'il avait fait et qui allait par conséquent les blesser de nouveau, bien que d'une autre façon.

En effet, même si je suis très en faveur des méthodes de règlement de conflits, je pense qu'il faut aussi s'assurer que les parties sont adéquatement préparées, ce qui inclut non seulement les victimes, mais aussi les autres personnes qui vont participer au processus.

Un agent de probation a rédigé un rapport prédécisionnel concernant le jeune en cause. Nous avons communiqué avec lui. Étant donné que le jeune était en détention, nous avons aussi communiqué avec les autorités de l'institution. Tous estimaient que le jeune n'allait pas causer un préjudice additionnel aux deux dames qui avaient été blessées. Nous avons donc décidé de recourir à la médiation.

J'étais le médiateur dans ce cas. Lorsque le jeune est entré dans la pièce, il a regardé les deux dames et leur a dit: «Je suis tellement content que vous n'ayez pas été tuées dans l'accident.» C'était la première fois que les dames avaient des nouvelles du jeune depuis l'incident, neuf mois plus tôt. Elles l'ont regardé et lui ont dit merci. Elles avaient cru qu'elles auraient affaire à un petit punk. Elles avaient beaucoup de questions à poser sur ce qui s'était produit. Elles voulaient savoir pourquoi l'accident s'était produit et la dame qui conduisait s'est demandée si elle aurait pu éviter l'autre véhicule. Au moment de l'accident, son amie avait été dans un fauteuil roulant pendant un certain temps et était sur le point de ne plus avoir besoin de ce fauteuil. Celle-ci est maintenant en permanence dans un fauteuil roulant, par suite de l'accident. Quant à la conductrice, celle-ci éprouve des problèmes de mobilité. Ces deux personnes sont très blessées.

• 1600

Elles ont passé environ trois heures avec le jeune.

Plus tôt, on a fait allusion au chien. Quelqu'un ici doit aimer les chiens. L'une des dames était accompagnée d'un chien d'utilité parce que son handicap physique est tel qu'elle ne peut rien transporter. Au début de la rencontre, le chien était très attentif. Après s'être endormi, celui-ci a en quelque sorte commencé à chasser des lapins. Il bougeait dans son sommeil. C'était un animal très décontracté. C'est ainsi que j'ai su que son maître était une bonne personne. Mon intuition me disait que tout se passait bien, mais c'est vraiment lorsque j'ai regardé le chien que j'en ai été convaincue.

Les dames ont posé des questions et le jeune y a répondu. Elles voulaient savoir qui il était, d'où il venait, pourquoi il était là, qu'est-ce qu'il essayait de faire, quel était son dossier, où il allait, et s'il savait ce qu'il leur avait fait. À la fin de la rencontre, les dames ont dit qu'elles voulaient savoir où le jeune serait six mois plus tard. Les six mois en question sont maintenant écoulés. Le jeune leur a écrit pour leur dire où il se trouvait et ce qu'il faisait, et ils ont décidé d'avoir une sorte de contact permanent.

À un moment donné, le jeune pourrait savoir ou ne pas savoir où les dames vivent. À l'heure actuelle, le contact se fait par l'entremise de l'un des travailleurs sociaux. Le jeune est dans une installation de garde en milieu ouvert et je pense—pour avoir vérifié avant de venir ici aujourd'hui—qu'il assume la responsabilité de ses actes. Il ne dit plus «ce n'était pas moi, c'était quelqu'un d'autre». Ceux qui le connaissent le mieux sont d'avis que la rencontre qu'il a eue face à face avec les victimes a contribué à lui faire assumer la responsabilité de son geste.

La documentation que je vous avais déjà remise faisait mention du cas de Susan. Aujourd'hui, j'y ai ajouté le discours prononcé par celle-ci à une conférence intitulée «Satisfying Justice», qui s'est tenue à Vancouver il y a plus d'un an. Susan a parlé de sa vie au cours des deux années qui se sont écoulées entre le moment où son frère est décédé et celui où la personne accusée d'avoir laissé son frère mourir dans l'accident d'auto a été traduite en justice. À un moment donné, Susan rappelle qu'elle voulait simplement poser certaines questions à l'accusé. À la cour, elle s'est avancée vers lui et il lui a dit: «Je ne peux te parler.» Elle est venue de Toronto pour assister à chaque séance à Ottawa, et elle commençait à être très frustrée. Elle a dit à l'accusé: «Je veux que tu me parles.» Celui-ci lui a répondu: «Je ne peux pas.»

J'imagine que Susan est devenue très en colère, puisqu'elle a été expulsée de la cour, même si elle était la soeur de la victime. Toutefois, l'accusé faisait ce qu'on lui avait dit de faire, c'est-à-dire ne pas parler à l'autre partie. Susan voulait simplement obtenir des renseignements. Lorsque je lui ai demandé pourquoi elle avait accepté la médiation, elle a répondu qu'elle avait besoin de réponses à ses questions: «Je voulais savoir comment s'était passé la dernière journée de mon frère. Je voulais savoir s'il avait parlé de sa famille. S'il avait parlé de son fils. S'il avait passé une bonne journée. Je voulais savoir ce qui s'était passé.»

Voici les détails de cette affaire. Deux copains étaient en train de boire ensemble. Ils sont sortis pour aller chercher de quoi manger et de l'alcool. La route était glissante. La voiture a dérapé et a embouti une série de voitures garées, et le chauffeur a pris la fuite à pied, laissant son copain mourir.

La mère et la soeur de la victime et le chauffeur ne sont pas devenus les meilleurs amis du monde, mais ils ont pu tirer un trait sur cet épisode. Cela a eu un effet sur la peine, car la personne qui avait plaidé coupable et purge une peine de trois ans... Lorsque cet homme sortira, il y a eu une entente là-dessus au cours de la médiation, il ira parler à des jeunes des dangers de la conduite en état d'ébriété. Il y aura donc un certain suivi.

Je pourrais raconter encore bien des histoires comme celle-là, et je ne me ferais pas trop prier pour le faire, mais l'essentiel de ce que je veux dire, en somme, c'est que, depuis neuf ans que je fais ce travail, ce que j'ai appris surtout, c'est que les victimes ont besoin d'avoir l'occasion de poser des questions qui n'ont pas nécessairement grand-chose à voir avec la loi. Elles demandent par exemple: pourquoi moi? est-ce que j'aurais pu faire quelque chose pour éviter d'être victime? Est-ce que j'y ai été pour quelque chose? Est-ce que, simplement, je me suis trouvé au mauvais endroit au mauvais moment? Comment passer à autre chose et arrêter de m'inquiéter?

• 1605

Parfois, les victimes ont besoin de situer l'autre personne dans le contexte, pas de devenir de grands amis, pas de dire qu'elles pardonnent et qu'elles espèrent que l'accusé évitera la prison, etc. Elles ont besoin de situer le problème dans un contexte. Cela me semble plein de bon sens.

À un moment donné, je conduisais sur la route et un camion de transport a franchi la ligne médiane. Il a traversé la route derrière moi. J'ai vu tout cela très clairement et j'ai poursuivi ma route. Une dizaine de milles plus loin, je me demandais si le camion avait bien traversé la route ou si j'avais imaginé tout cela? Est-ce que des gens avaient été blessés?

Je me suis arrêtée et j'ai demandé à la Police provinciale de l'Ontario. Le camion avait effectivement traversé la route. Personne n'avait été blessé. Ce qui m'a frappée, c'est que j'étais là, à me poser des questions même si je n'avais pas été personnellement touchée par ce que j'avais vu.

Je crois que les victimes ont besoin de visualiser elles-mêmes le scénario de l'incident.

Comme il est 4 h 5, je vais m'arrêter là. Merci.

La présidente: Merci.

Monsieur Cadman, avez-vous des questions à poser?

M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Réf.): Merci, madame la présidente. Merci, madame Eldridge, d'être venue aujourd'hui. J'ai une ou deux questions à poser. Tout d'abord, quelle est l'infraction la plus violente dont vous ayez eu à vous occuper comme médiatrice?

Mme Carole Eldridge: Je ne veux pas faire des manières, mais en parlant de violence est-ce que vous voulez parler de l'inculpation la plus grave?

M. Chuck Cadman: De lésions corporelles, de blessures à des personnes.

Mme Carole Eldridge: C'est probablement le cas des deux dames et d'un jeune; elles ont subi des préjudices corporels dont elles ne se remettront jamais.

M. Chuck Cadman: Il s'agissait d'un accident de la circulation.

Mme Carole Eldridge: Effectivement. Il y a aussi d'autres cas.

J'ai une question inhabituelle à poser. Est-ce que les délibérations sont à huis clos?

M. Chuck Cadman: Non.

Mme Carole Eldridge: J'ai certaines difficultés ici parce que tout ce que nous faisons est confidentiel. Si je parle de cas particuliers, les personnes en cause pourront être facilement reconnues.

Nous nous sommes occupés de cas d'agressions graves, d'agressions causant des lésions corporelles. Ce sont probablement les cas les plus graves.

M. Chuck Cadman: Pour donner des chiffres, quel est votre taux de succès pour ce qui est d'amener des personnes à participer à la médiation?

Mme Carole Eldridge: De 92 à 95 p. 100, une fois que les personnes ont accepté de se rencontrer.

M. Chuck Cadman: Comment rejoignez-vous la victime? Quelle est votre démarche? D'après certaines expériences que j'ai eues ou dont j'ai entendu parler en Colombie-Britannique, il y a eu des épisodes assez horribles où on est allé presque jusqu'à forcer des victimes à participer à des séances de médiation sous prétexte que c'était bon pour elles.

Mme Carole Eldridge: Non. Nous prenons toutes les précautions. Je suis très stricte là-dessus. Personne n'est contraint.

Je vais vous raconter ma rencontre avec les deux femmes qui ont accepté de faire face au jeune. C'est sans doute la meilleure explication que je puisse donner. Je le répète, ce sont elles qui ont été le plus gravement blessées.

Les deux femmes se sentaient tellement blessées et bouleversées qu'elles ne pouvaient venir au tribunal. Des rendez-vous étaient pris avec le procureur du ministère public, mais ils n'étaient pas respectés.

J'ai communiqué avec les dames chez elles parce que nous avions décidé que, vu la nature de l'affaire, il était important qu'elles sachent que le procureur était en faveur de cette option. Mais elles ne devaient pas se sentir obligées d'assister; cela n'allait pas nécessairement influer sur la peine parce qu'il s'agissait d'une démarche avant procès, présentencielle; elles avaient droit à des réponses à toutes les questions qu'elles pouvaient se poser sur le processus. D'où l'idée de la rencontre au palais de justice.

J'ai communiqué avec les victimes et je leur ai demandé pourquoi elles ne pouvaient venir. Il était difficile d'obtenir le transport pour handicapés. Je leur ai demandé si nous pouvions venir chez elles. Elles ont fini par dire oui. Quand nous y sommes allés, je leur ai parlé du processus, de ce que donnerait la médiation dans leur cas, des réponses qu'elle pourrait apporter à leurs questions.

Comme j'avais lu leurs déclarations sur les répercussions du crime, je savais sur quels points elles avaient des questions et sur quels plans elles se sentaient le plus lésées.

• 1610

Je leur ai dit en somme que la rencontre se déroulait dans un certain cadre, selon un certain processus, qu'elle était confidentielle, qu'elles pouvaient se retirer quand elles le voulaient. C'est l'une des conditions que nous posons. Tous peuvent quitter la séance de médiation. Il faut simplement accepter de dire qu'on s'en va et pourquoi, et laisser un ou deux jours de réflexion.

Nous ne demandons à personne d'assister à la médiation immédiatement. Nous disons que le tribunal estime que c'est une option à envisager et que, lorsque nous contactons les victimes, nous pouvons leur expliquer certains des éléments qu'elles peuvent soulever à la séance.

Est-ce que cela répond à votre question?

M. Chuck Cadman: Oui.

Mme Carole Eldridge: Nous espérons que le judiciaire va nous renvoyer les causes avant le prononcé de la peine. Nous avons fait cette proposition. Le rapport que je vous ai remis est en gros une proposition que nous avons faite au ministère du Procureur général de l'Ontario pour obtenir un certain financement. Nous demandons entre autres choses que les juges nous renvoient les causes directement.

Les juges ont demandé pourquoi la victime se prêterait à une médiation. Quel est l'intérêt pour elle? Elle a subi un préjudice. Elle ne devrait pas avoir à céder quoi que ce soit. Il est peut-être temps de trouver un autre terme. Il s'agit d'un cadre, d'un processus dans lequel les intéressés peuvent étudier des possibilités qu'ils n'ont pas envisagées par le passé, et clore l'affaire. La formule peut donner des résultats pour les crimes graves comme pour les crimes mineurs.

Certains juges n'ont pas de réticences à nous renvoyer des causes, mais d'autres en ont. D'ici un an, j'espère pouvoir faire état du nombre de causes et du taux de succès. Une des conditions préalables est qu'aucune victime ne doit avoir l'impression que, si elle accepte ou refuse de participer, cela aura un effet sur la peine. Nous ne demandons jamais à la victime ce qu'elle souhaite comme peine. Les avocats de la défense voudraient que nous le fassions, mais nous ne posons jamais cette question. Nous donnons des explications. Nous ne sommes au service ni du ministère public ni de la défense. Le médiateur ou l'animateur, selon le cas, doit être impartial.

Dans l'affaire dont je m'occupais hier, qui comprend cinq chefs d'inculpation pour agression contre une personne, il était très important de s'assurer que cette personne ne sente pas victime. J'ai invité les intéressés à se faire accompagner de quatre amis. C'est pourquoi il y avait dix personnes.

M. Chuck Cadman: Vous êtes vous occupée de causes après condamnation et avant libération?

Mme Carole Eldridge: Une seule.

M. Chuck Cadman: Si je pose la question, c'est que j'ai entendu dire certaines choses à propos de délinquants qui, avant leur libération, décidaient qu'il serait bien de discuter avec la victime, dans l'espoir que cela faciliterait l'obtention de la libération conditionnelle. Avez-vous constaté ce genre de chose?

Mme Carole Eldridge: Très peu. Il peut y avoir certains avantages à tenir une rencontre directe, peu importe la formule, avant la libération, surtout si le détenu doit réintégrer la même collectivité, parce qu'il restera sans doute toujours des questions sans réponse.

Je me rappelle une médiation dont je me suis chargée. Je ne me souviens pas des chefs d'accusation, mais je me suis retrouvée dans la pièce avec deux personnes d'environ 5 pieds 4 pouces. Chacune d'entre elles croyait que l'autre faisait 6 pieds 3 pouces. Elles ont été étonnées de voir leur taille respective, qui était plutôt modeste. Cela montre simplement que les gens échafaudent toutes sortes d'idées.

Parfois, je crois que, avant la libération, le détenu essaie effectivement de gagner des points. Ce qui est intéressant, toutefois, c'est que, pendant le processus, les gens se font avoir en essayant d'utiliser ce stratagème. C'est la réaction que nous avons observée, car nous faisons des évaluations auprès des prévenus et des délinquants; ils disent que ces rencontres sont beaucoup plus pénibles que l'audition de leur cause au tribunal. Au tribunal, ils n'avaient pas besoin de parler; l'avocat le faisait. Ils n'avaient pas grand-chose à faire. À la médiation, ils doivent rendre des comptes. Nous n'en sommes pas encore là, mais je crois que c'est possible.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Dans cet ouvrage que je suis en train de regarder, je remarque un diagramme sur le centre de règlement des différends d'Ottawa-Carleton, janvier 1995: aperçu du processus, programme de médiation pénale. Le diagramme est très détaillé. Est-ce toujours le modèle qui vous sert de guide?

• 1615

Mme Carole Eldridge: Nous en sommes à l'étape après inculpation et avant procès.

M. Paul Forseth: Fait intéressant, il ne s'agit pas de déjudiciarisation. Le processus s'inscrit dans le système, lorsque les accusations pèsent sur le prévenu, en quelque sorte, et le processus de médiation intervient lorsque le système de justice peut continuer de sévir. Dans l'expérience que j'ai connue, le ministère public optait au départ pour la déjudiciarisation, et il fallait faire pour le mieux une fois cette décision prise. Ici, il peut y avoir un élément de contrainte, presque. Vous obtenez la coopération du délinquant, qui veut faire atténuer les conséquences de ses infractions en coopérant. C'est presque un modèle pour battre le système. Avez-vous constaté que cela se produisait?

Mme Carole Eldridge: Nous avons fait des recherches. La participation est volontaire. Vous demandez ce que volontaire veut dire pour l'accusé. Nous avons eu en neuf ans deux accusés qui ont refusé. C'est donc volontaire, jusqu'à un certain point. Nous avons essayé de voir ce que les victimes et les accusés pensaient de la question, après coup.

En 1992 et en 1997, nous avons eu des entrevues avec les accusés et les plaignants ou les victimes, après le fait. En 1992, 96 p. 100 des accusés et 88 p. 100 des victimes qui avaient participé à la médiation ont dit que les accords avaient été respectés. À cette époque, 85 p. 100 de nos dossiers étaient retirés au système judiciaire. La décision prise était qu'il fallait un retrait. Malgré tout, le taux de respect des accords était bien supérieur aux résultats du système traditionnel.

Le fait est que nos accords sont équilibrés. Il n'y a pas de norme du type: «Je vais payer 300 $ pour ceci» ou bien: «J'accepte de faire une lettre d'excuses.» Les accords dépendent de ce que les parties en présence souhaitent. Si une des parties n'est pas d'accord sur une chose, nous travaillons sur autre chose jusqu'à ce qu'elle puisse accepter une autre solution.

La semaine dernière, j'ai rencontré quatre jeunes de 17 ans qui habitent sur une autre planète que moi. J'ai eu beaucoup de mal, comme médiatrice, à faire en sorte que l'accord soit le leur et non le mien. Ils ont pu s'entendre sur les choses qui leur importaient dans une langue qu'ils comprenaient.

M. Paul Forseth: Je vous interromps pour attirer votre attention sur l'encadré qui se trouve au bas, ici. On y dit qu'il y a accord et que, à cause de cet accord, il est possible que les accusations soient retirées, avec une entente officieuse ou bien on s'entend sur un plaidoyer de culpabilité en échange d'une peine réduite. Il peut y avoir par exemple des services communautaires. Est-ce que cela peut faire partie d'une ordonnance de probation?

Mme Carole Eldridge: C'est possible. Ou bien la question est reportée. Il est arrivé que la question soit reportée de quelque mois pour qu'il y ait accord.

M. Paul Forseth: Qui sont ceux qui se chargent de la médiation? Est-ce qu'ils sont payés? Est-ce que ce sont des bénévoles? Est-ce qu'ils appartiennent à une société sans but lucratif. Je voudrais avoir des renseignements sur la formation, la surveillance courante, les normes de rendement de ceux qui font ce travail. Ils peuvent s'épuiser. Comment maintenir la motivation? Pourriez-vous nous parler de ceux qui font la médiation?

• 1620

Mme Carole Eldridge: Ce sont tous des bénévoles qui ont manifesté de l'intérêt pour ce processus. Au départ, en 1989, j'étais médiatrice et directrice générale, et je préparais les dossiers. Notre premier médiateur bénévole était chargé du programme de médiation entre pairs à l'école secondaire Woodroffe qui avait appris la médiation grâce à la formation que l'organisation avait offerte à l'époque dans les écoles.

Nous avons eu un travailleur des services d'électricité qui voulait aider sa collectivité. Il a été notre deuxième médiateur. Le troisième a été un étudiant en criminologie qui est aujourd'hui agent de la Police provinciale de l'Ontario.

Des avocats ont été bénévoles. Ils travaillent en droit et sont médiateurs bénévoles. Nous avons un ou deux travailleurs sociaux, des gens qui ont travaillé dans le système de justice, un travailleur qui s'occupe de la petite enfance.

M. Paul Forseth: Vous avez toujours environ six personnes qui s'occupent de votre programme?

Mme Carole Eldridge: Vingt-cinq.

M. Paul Forseth: Avez-vous une formule établie, lorsqu'un nouveau arrive, une certaine formation à lui faire suivre, ou bien vous occupez-vous de la surveillance de la formation, etc.?

Mme Carole Eldridge: La plupart des membres du personnel sont à mi-temps. C'est mon cas. C'est aussi le cas du coordonnateur de la formation.

Nous avons des normes passablement élevées. Nous exigeons que ces gens suivent une formation de base en médiation, dans un programme dont nous connaissons et approuvons le contenu, ou bien nous leur demandons de suivre notre formation générale en médiation qui dure deux jours et demi. Cela ne garantit pas un rôle de médiateur. Cela veut dire que la personne a les rudiments pour commencer à travailler.

Nous exigeons que les médiateurs aient travaillé avec nous comme bénévoles et connaissent nos programmes et leur fonctionnement. Nous faisons des entrevues à peu près deux fois par an, et nous ouvrons alors des postes. Nous avons une formation permanente une fois par mois; nous disons que c'est du perfectionnement.

Je dois expliquer qu'il n'y a pas que les médiateurs des tribunaux qui puissent assister à cette formation. Tous les bénévoles peuvent le faire. Dans notre système, les heures de bénévolat donnent des crédits. Pour le cours de médiation générale, c'est 30 heures, ou 300 $ pour un membre de la collectivité qui veut y assister. Pour le perfectionnement, dont la durée est de trois heures, c'est 30 $ ou 3 heures de bénévolat.

Comment nous arrivons à maintenir les normes? Tous les accords de médiation ou autres qui sont conclus font l'objet d'une révision. S'il y a un problème, j'en suis avertie. On me paie généreusement pour parler aux intéressés, quand il semble y avoir un problème.

M. Paul Forseth: Quel est le budget de fonctionnement global de votre programme de médiation et d'où vient l'argent?

Mme Carole Eldridge: Je souhaitais entendre cette question, parce que je peux ainsi me reporter au dernier document que vous avez reçu. Le document de couleur porte sur une vente aux enchères que nous tiendrons la semaine prochaine au palais de justice. Je vous invite à y assister.

Cette année, nous recevons apparemment 40 000 $ du ministère du Solliciteur général de l'Ontario pour collaborer avec le Service de police régional d'Ottawa-Carleton à un programme de déjudiciarisation avant la mise en accusation destiné aux jeunes. Avec créativité, j'affecte cet argent à la gestion de tous nos programmes. Auparavant, nous organisions un bingo chaque semaine.

Le ministère provincial du Solliciteur général nous subventionne actuellement, même si une demande reste en suspens. Au niveau fédéral, le ministère de la Justice cherche un moyen de nous subventionner pour travailler avec les jeunes. Il le faisait d'ailleurs dans le passé. Nous recevons aussi des dons. Quand je dis qu'on me paie généreusement... ce n'est pas vraiment le cas, mais je gagne un taux horaire plus élevé que celui d'autres personnes.

M. Paul Forseth: Selon ce que vous dites, le coût global de votre programme serait donc d'environ 40 000 $ par an?

Mme Carole Eldridge: Non, il est de l'ordre de 150 000 $, quoique c'était moins que cela l'an dernier.

Je ne peux vous citer un chiffre global. Il y a quatre mois, j'ai écrit le dernier chèque de paie et c'est à ce moment que nous avons reçu 40 000 $ du ministère provincial du Solliciteur général. C'est comme cela que nous fonctionnons.

• 1625

M. Paul Forseth: Avez-vous un groupe de référence, un conseil d'administration par exemple, qui supervise les activités de la société?

Mme Carole Eldridge: Oui, nous avons un conseil d'administration. Nous sommes un organisme de bienfaisance enregistré.

M. Paul Forseth: Vous avez maintes fois répété que tout est confidentiel. Je crains que vous insistiez trop là-dessus et que certains soient portés à en douter. Comme vous le savez, le seul élément privilégié est la relation avocat-client et il existe ailleurs dans la loi des dispositions précises concernant un témoin non contraignable et, peu importe ce que les gens signent ou autorisent, tout le monde peut être cité à comparaître.

Vous dites que cela se produit rarement comme cela et que vous ne divulguez pas vos dossiers, mais qu'il faut simplement prendre garde de ne pas exagérer la question de la confidentialité.

Mme Carole Eldridge: Sauf votre respect, je n'ai aucun document écrit sur ce qui s'est produit. Je ne peux me rappeler tout ce qui est arrivé concernant les dossiers dont nous sommes saisis, de sorte qu'à titre de témoin, je me demande si je pourrais fournir les renseignements demandés. Quand je parle de confidentialité, je fais allusion en gros à des parties qui conviennent que ce qu'elles ont appris l'une sur l'autre au cours du processus est confidentiel et qui s'engagent de bonne foi à ne pas le divulguer.

M. Paul Forseth: Dans la mesure où il y a un esprit de collaboration de la part de l'avocat de la Couronne et peut-être de l'avocat de la défense, parce que j'imagine que les choses pourraient se révéler moins satisfaisantes et l'un des deux avocats pourrait recourir à des assignations de témoins.

Mme Carole Eldridge: Nous avons un engagement selon lequel la Couronne ne nous assignerait pas comme témoin à Ottawa.

M. Paul Forseth: À ce que je vois, ce programme s'applique même si des accusations sont pendantes. La déjudiciarisation fonctionne vers l'intérieur plutôt que vers l'extérieur. Selon votre expérience, vous fonctionnez à ce jour conformément aux règles afférentes au Code criminel actuel. Auriez-vous des recommandations à formuler concernant des modifications au Code criminel qui pourraient aider des organismes comme le vôtre?

Mme Carole Eldridge: On pourrait définir plus clairement l'engagement de ne pas troubler l'ordre public et les circonstances dans lesquelles cet engagement s'applique, parce que je crois que l'on recourt parfois à tort à l'article 810 du Code criminel. Cette clarification serait utile, parce qu'il arrive que des victimes veulent l'assurance que l'individu restera à distance, mais se demandent ce que signifie vraiment cet engagement.

Il serait utile de reconnaître officiellement des solutions de rechange. Il m'est impossible de citer mon budget global. Mais il est ridicule de penser que nous pouvons avoir des taux de réussite d'environ 92 p. 100 et obtenir l'accord de toutes les parties après coup, alors que la population considère qu'il y a trop de permissivité face au crime. À mon avis, il serait utile de reconnaître officiellement que certaines solutions de rechange ne traduisent pas une tolérance excessive. En fait, nous obligeons les gens à rendre compte de leur crime directement, et non par l'intermédiaire d'un tiers. Je pense que cette reconnaissance serait plus utile.

M. Paul Forseth: Vous avez dit que vous ne travaillez ni pour la Couronne ni pour la défense. Dans votre organisme, pour qui dites-vous donc que vous travaillez?

Mme Carole Eldridge: Pour la collectivité.

M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Madame Eldridge, dans le cours de votre travail au sein de l'organisme, renseignez-vous les victimes sur le régime de justice pénale?

Mme Carol Eldridge: Oui.

M. Derek Lee: Comment le faites-vous? Quels moyens utilisez-vous?

• 1630

Mme Carol Eldridge: L'occasion s'y prête souvent quand nous appelons la victime pour l'avertir que le dossier nous a été renvoyé. Nous lui demandons si elle est au courant de la médiation, si elle sait ce qui arrive à son dossier actuellement? Elle ne le sait pas toujours. Nous la mettons donc au courant du processus judiciaire. Nous lui disons avec qui elle peut communiquer ou comment l'affaire se présente. Il n'est pas question de lui dire quelles dispositions seront prises, mais de lui expliquer que tout est en place pour le procès ou que l'avocat de la Couronne étudie le dossier. Nous lui disons qu'il est possible de communiquer avec cet avocat ou avec l'agent, ou lui demandons si d'autres renseignements sont nécessaires.

Essentiellement, un thème revient constamment dans ce que je dis aujourd'hui: nous répondons à des questions. Nous ne fournissons pas d'avis juridique. J'insiste là-dessus.

M. Derek Lee: C'est correct. Acceptez-vous l'idée qu'au départ, la plupart des victimes avec qui vous communiquez connaissent peu le processus de justice pénale?

Mme Carole Eldridge: Oui.

M. Derek Lee: Et que ce manque de connaissance représente probablement un handicap pour votre organisme?

Mme Carole Eldridge: Oui.

M. Derek Lee: Par contre, je suppose que le fait de commencer à zéro vous facilite peut-être la tâche.

Mme Carole Eldridge: Quand nous communiquons avec les victimes, elles disent parfois: «Je voudrais simplement savoir qui est cet individu. Je ne tiens pas nécessairement à ce qu'il aille en prison.» Pour la personne qui est victime pour une première fois, accusation correspond automatiquement à emprisonnement. Elle ignore souvent qu'il y a une gamme de solutions et c'est là-dessus que nous pouvons la renseigner. La victime ne tient pas mordicus à ce que l'individu aille en prison, mais elle veut comprendre pourquoi il a commis le crime, d'où il vient et ce qu'il pensait au moment du crime. C'est alors que nous lui demandons si elle est disposée à s'asseoir et à interroger l'individu. À cet égard, la victime n'est peut-être pas aussi cynique que nous pouvons l'être.

M. Derek Lee: Quand on vous demande des renseignements sur le processus de justice pénale, comment vous y prenez-vous? Donnez-vous simplement une réponse verbale ou conseillez-vous des documents ou des brochures?

Mme Carole Eldridge: Tout ce que vous venez de dire. Quand nous appelons quelqu'un et passons en revue les diverses options, nous pouvons lui demander si l'application de l'article 810 l'intéresse. Les questions de déjudiciarisation après la mise en accusation et avant le procès, auxquelles se reporte le tableau, font souvent l'objet d'un processus spécial devant les tribunaux de la région d'Ottawa, de sorte que la Couronne se penche peut se pencher sur la possibilité d'appliquer l'article 810, soit de recourir à un engagement de ne pas troubler l'ordre public. Nous pouvons expliquer à la victime ce que représente cet engagement et lui demander si cette solution l'intéresse. Nous avons l'information sous les yeux. Si quelqu'un demande des renseignements sur la Commission d'indemnisation des victimes d'actes criminels ou le Programme d'aide aux victimes et aux témoins, nous faisons les renvois.

M. Derek Lee: Dans le cours de votre travail auprès des victimes, avez-vous accès à d'autres types d'information? Je pense à la victime qui demande ce qu'elle doit faire, maintenant que la mise en accusation a eu lieu ou est sur le point de l'être. Que se passe-t-il ensuite? Quelle réponse pouvez-vous fournir à la victime?

Mme Carole Eldridge: Si ce n'est pas compliqué, nous lui fournissons la réponse. D'autres fois, nous la renvoyons à l'agent de police, dont elle a pu perdre les coordonnées. De même, si les circonstances le justifient, nous pouvons la renvoyer au Programme d'aide aux victimes et aux témoins du palais de justice.

Je n'ai pas mentionné que nos bureaux se trouvent au palais de justice. Nous pouvons compter sur un appui ferme de la communauté juridique locale, de sorte que nos bureaux sont situés au palais de justice, dont nous utilisons d'ailleurs le matériel, le papier. Nous avons accès à toutes les ressources qui s'y trouvent.

M. Derek Lee: Votre travail semble exiger beaucoup de main-d'oeuvre.

Mme Carole Eldridge: Oui.

M. Derek Lee: N'y a-t-il pas une encyclopédie sur les séances relevant de la justice pénale sur les murs du palais de justice d'Ottawa qui permettrait...

Mme Carole Eldridge: Faites-vous allusion à quelqu'un qui aurait tout le pays sous les doigts?

M. Derek Lee: Oui.

Mme Carole Eldridge: Non.

M. Derek Lee: Ce serait une ressource précieuse. Je pense à une mini-encyclopédie de la procédure de justice pénale au Canada qui serait centrée sur les questions des victimes, sur leur point de vue.

• 1635

Mme Carole Eldridge: Qui mettrait l'accent sur la collectivité?

M. Derek Lee: Oui. Cette encyclopédie pourrait être adaptée localement. Ce devrait être possible. À mesure que la victime fait une demande, on pourrait saisir le sujet ou une série de sujets. Je pense à un système électronique. On pourrait obtenir deux ou trois feuilles de réponses. Des références pourraient aussi y figurer.

Mme Carole Eldridge: L'idée est intéressante et pourrait aider certaines personnes, peut-être pas les victimes dont la langue maternelle ne serait pas l'anglais...

M. Derek Lee: Ni le français.

Mme Carole Eldridge: ...ou dont l'aptitude à la lecture ne serait pas au niveau de la dixième année. Certains n'arrivent pas à formuler une question clairement. Le système se révélerait toutefois pratique pour ceux qui fournissent des services.

M. Derek Lee: Si une victime demandait: «Pourquoi parle-t-on d'un processus de négociation de plaidoyer? Qu'est-ce que c'est?», elle pourrait savoir ce que cela signifie ou encore ce veut dire un autre élément de la procédure criminelle, la détermination de la peine ou d'autres dispositions, d'autres solutions, le processus que l'on...

Mme Carole Eldridge: La version anglaise de la procédure criminelle serait utile.

M. Derek Lee: Non. Il faudrait qu'elle soit dans les deux langues.

Mme Carole Eldridge: Je voulais dire en termes simples, pas nécessairement en anglais. Elle pourrait être en français, mais en termes simples.

M. Derek Lee: Vous voulez dire pas en jargon juridique.

Mme Carole Eldridge: Oui.

M. Derek Lee: Si un tel système existait, est-ce que cela allégerait ou alourdirait votre tâche?

Mme Carole Eldridge: J'ai deux idées là-dessus et je vais vous répondre en tentant compte de ces deux idées. Le ministère de la Justice vient de nous fournir des renseignements sur sa nouvelle stratégie concernant les jeunes. Ces renseignements sont utiles pour nous, à cause de nos activités. J'ai donc mis les renseignements à la disposition des membres du personnel en leur demandant de les lire. Nous sommes cinq. On m'a répondu qu'on n'était pas certain d'avoir le temps nécessaire.

Si le système était convivial, oui. Est-ce que cela nous sauverait beaucoup de temps? Je l'ignore, parce que notre premier objectif n'est pas de fournir les renseignements nécessaires. Le système serait certainement utile au palais de justice, en particulier dans la salle d'audience numéro cinq, où les nombreux hurluberlus qui y comparaissent trouveraient ce système incroyablement utile. Le système se révélerait aussi précieux pour les nouveaux avocats qui doivent connaître ces renseignements, étant donné que les gens de robe doivent modifier certaines façon de penser, sauf le respect que je dois aux avocats qui sont peut-être présents ici. Je pense qu'il vaudrait la peine de miser sur ce système. Voilà pour mes deux idées.

M. Derek Lee: Vous voulez dire que ce système d'information serait conçu de façon conviviale pour les victimes, mais qu'il pourrait aussi se révéler utile pour les gens de robe.

Mme Carole Eldridge: Oui. Il est bon d'éprouver un peu de sympathie et de connaître les réponses fondamentales.

M. Derek Lee: Votre point de vue est intéressant. Merci de l'avoir présenté.

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Ce matin, nous avons entendu des témoins qui exhortaient le Parlement à adopter une déclaration des droits de la victime, qui établirait des normes nationales et qui recevrait l'appui de toutes les provinces afin de garantir l'observation de ces normes. Cela me préoccupe, compte tenu des conflits de compétence, des services dont les victimes ont besoin, des services sociaux, du système de justice dont la gestion relève des provinces, entre autres.

Dans votre travail auprès des victimes, quelle influence exercez-vous sur le système fédéral en comparaison du système provincial? Avez-vous des conseils à formuler sur la manière dont pourrait s'appliquer une déclaration fédérale des droits de la victime prescrivant des normes nationales?

• 1640

Mme Carole Eldridge: Je ne suis probablement pas la bonne personne pour répondre à cette question. Comme je l'ai dit dès le début, j'ai travaillé au bureau de l'ombudsman de l'Ontario et je crois fermement aux services que doit fournir un ombudsman. Après 17 ans au gouvernement de l'Ontario, j'ai dû démissionner parce que j'étais l'empêcheur de tourner en rond et que l'un d'entre nous devait changer.

Quand j'entends parler de normes, je devine que quelqu'un restera sur le carreau et j'hésite, par exemple, à exiger qu'il y ait des normes pour les médiateurs, et je sais qu'à cet égard la tendance est tellement plus forte en Colombie-Britannique qu'en Ontario, parce que les normes ont tendance à créer une situation artificielle où tout le monde s'y perd. À mon avis, des lignes directrices sont utiles et elles laissent une marge de manoeuvre à chaque collectivité.

Je pense que les groupes qui font valoir les droits de la victime sont animés de bons sentiments et veulent sincèrement améliorer la société. Mais il faut parfois mettre ses sentiments de côté, ne serait-ce que pour obtenir la moitié de ce que l'on veut. J'ignore les détails du projet de loi qu'ils préconisent et je ne parle qu'en mon nom personnel.

Pour étudier les cas qui nous sont soumis, nous avons des lignes directrices, mais pas de normes ni de critères comme tels.

M. Paul DeVillers: Donc, si je vous comprends bien, le fait d'avoir une déclaration définissant les droits de la victime et établissant des normes à cet égard ne faciliterait pas particulièrement votre travail.

Mme Carole Eldridge: Je dis, connaissant mal dispositions que l'on souhaite, j'aurais tort de me prononcer catégoriquement.

M. Paul DeVillers: Merci.

M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.): Dans votre organisme, quel pourcentage du temps est consacré à effectuer de la médiation et quel pourcentage l'est à répondre aux questions des victimes au palais de justice?

Mme Carole Eldridge: La question est excellente. Je dirais qu'en gros, nous consacrons notre temps à répondre aux questions, parce qu'une fois qu'un dossier est confié à un médiateur, c'est lui qui s'en charge. Ainsi, les employés du bureau passent leur temps à répondre à des questions et le médiateur, à faire de la médiation. Je n'ai jamais pensé à établir des pourcentages. Je serai heureuse de me pencher là-dessus pour pouvoir répondre à votre question.

M. John Maloney: Si l'on se fie au titre de votre organisme, vous êtes un centre de résolution de conflits, mais en réalité vous êtes presque un centre de ressources pour les victimes de la région d'Ottawa-Carleton.

Mme Carole Eldridge: Nous fournissons aussi des services communautaires.

M. John Maloney: Un peu de tout quoi.

Mme Carole Eldridge: Oui, un peu de tout, sauf la médiation familiale, étant donné qu'il y a beaucoup de médiateurs familiaux.

M. John Maloney: Vous dites que votre taux de réussite est de 92 p. 100. Quand pouvez-vous parler de réussite? Lorsqu'une entente est signée?

Mme Carole Eldridge: C'est exact. Si l'on en arrive à une entente acceptée par les deux parties, nous disons que le processus a fonctionné. C'est à partir de ce critère que j'ai commencé à établir le taux de réussite. Toutefois, nous faisons aussi des évaluations à peu près à tous les cinq ans afin de voir si les personnes concernées estiment que l'entente était raisonnable et si les engagements pris ont été respectés. Par conséquent, on ne se fie pas uniquement au fait qu'une entente a été signée.

M. John Maloney: Vous évaluez vos ententes à tous les cinq ans?

Mme Carole Eldridge: Oui, nous avons évalué le programme en 1992, puis en 1997.

M. John Maloney: Vous évaluez des situations précises, vous vous penchez sur chaque cas, ou vous y allez au hasard?

Mme Carole Eldridge: En 1992, vous avons évalué la qualité de la médiation et les dispositions prises, et nous avons établi une comparaison entre les cas pour lesquels nous avons fait de la médiation et ceux pour lesquels les intéressés auraient pu recourir à la médiation mais ne l'ont pas fait. Nous voulions savoir combien de temps le processus nous avait pris et ce que les parties pensaient de cet exercice.

En 1997, notre évaluation a porté les jeunes. Les parents sont exclus du processus de médiation. Par exemple, nous voulions savoir si les jeunes voulaient que leurs familles soient présentes. Ceux qui ont répondu à la question ont dit non.

J'ai omis de préciser qu'il n'y a ni avocats, ni procureurs de la Couronne, ni policiers présents. Seuls les deux parties sont présentes. Dans le cas des jeunes, nous invitons les familles à demeurer à l'extérieur mais, d'une façon générale, nous ne leur permettons pas de participer à la médiation. Par conséquent, nous avons consulter les jeunes et nous leur avons demandé ce qu'ils pensaient du processus et des ententes à ce stade.

• 1645

M. John Maloney: Vous avez fait des déclarations concernant la période qui précède et celle qui suit l'inculpation. Avez-vous des objections à ce que les avocats de la Couronne ou de la défense parlent à leurs clients?

Mme Carole Eldridge: Non. Lorsque nous avons créé le centre, en 1989, le procureur de la Couronne à Ottawa nous a fourni un appui incroyable. Sans Andrejs Berzins, ce programme n'existerait pas. Andrejs était prêt à nous confier des dossiers dès le début. Les avocats de la défense étaient assez hésitants, mais un certain nombre d'entre eux se sont dits prêts à donner une chance au processus. À peu près deux ans plus tard, l'un d'entre eux est venu me voir et m'a dit: «Carole, au début nous nous sommes dits que tu étais une travailleuse sociale qui allait foutre la pagaille. Nous avons constaté que ce n'était pas le cas. Les cas sont réglés plus rapidement. Nos clients sont plus satisfaits.» En un sens, nous avons contribué à la réputation des avocats de la défense.

Nous parlons du processus de médiation aux étudiants universitaires, aux futurs avocats, aux étudiants en droit. Par conséquent, les jeunes qui entreprennent maintenant leur carrière de juristes nous connaissent mieux, étant donné que cela fait neuf ans que nous existons. D'une façon générale, ceux-ci nous encouragent et nous appuient dans nos efforts.

Nous avons constaté qu'il est important pour nous de fournir aux avocats plus d'information pour leurs clients, afin qu'ils puissent mieux préparer ces derniers. Nous connaissons les avocats qui préparent bien leurs clients et qui leur disent de collaborer au processus. Au début, il y avait quelques avocats qui disaient à leurs clients de recourir au processus de médiation, mais de ne rien dire. Cela était bien utile. Vous vous retrouviez avec un jeune qui était assis et qui vous disait que son avocat l'avait enjoint de ne rien dire. Nous allions alors discuter avec l'avocat de la défense. Cette façon de faire n'était guère utile.

À l'heure actuelle, nous jouissons d'un appui pas mal spécial. Cela est en partie dû à Denise, qui s'occupe des activités quotidiennes, à la qualité de la médiation que nous fournissons, au fait qu'il n'y pas eu de contrecoup et que, d'une façon générale, les gens sont plus satisfaits.

Comme je l'ai dit, le procureur de la Couronne en chef nous a fourni un appui très solide et les autres avocats de la Couronne emboîtent de plus en plus le pas. Il en est ainsi en partie parce que c'est la chose à faire du point de vue politique, parce qu'on se rend compte que le fait de recourir à la médiation ou au règlement de conflits ne signifie pas que l'on est mou, et parce que cela n'est pas non plus synonyme de déjudiciarisation. Les avocats ont longtemps cru que c'était une mesure de déjudiciarisation. Un certain nombre d'entre eux nous font maintenant confiance. Nous avons aussi l'appui des écoles. Les policiers ont probablement été les plus difficiles à convaincre. À ce stade-ci, le service responsable des jeunes est très satisfait de notre travail. Je pense que tout cela est dû à la crédibilité des médiateurs.

M. John Maloney: Est-ce qu'un plus grand pourcentage de contrevenants qui ont accepté de passer par le processus de médiation finissent par plaider coupable? Y a-t-il un certain pourcentage d'entre eux qui plaident non coupable après le processus de médiation?

Mme Carole Eldridge: Nous avons eu quelques cas où les accusés ont dit qu'ils n'étaient pas coupables et ont laissé tomber le processus de médiation en disant qu'ils ne voulaient pas y participer. Toutefois, une entente a généralement été conclue entre la Couronne et la défense, ou encore l'accusé a convenu de plaider coupable avant que l'on amorce le processus de médiation. Encore là, tout dépend de la nature de l'accusation et de sa gravité. Dans les deux cas que j'ai mentionnés dans la documentation distribuée aujourd'hui, nous savions que les accusés allaient plaider coupable. Tout dépend de la nature de l'accusation. Je ne peux vous donner une réponse catégorique...

Je peux vous dire qu'en 1992, environ 85 p. 100 des accusations ont été retirées. En 1996, 90 p. 100 des accusations furent retirées lorsqu'on a eu recours à la médiation et 2 p. 100 des accusés sont allés en prison.

M. John Maloney: Y a-t-il des dispositions restrictives en ce qui a trait à votre clientèle? Par exemple, celle-ci est-elle uniquement composée de délinquants primaires ou peut-elle inclure des récidivistes?

Mme Carole Eldridge: Nous avons une ligne directrice portant que l'accusé ne doit pas être en période de probation au moment de l'incident. Toutefois, ce n'est là qu'une ligne directrice. Il est possible que l'on communique avec l'agent de probation pour lui demander s'il pense que son client devrait rencontrer l'autre personne. Parfois, l'accusation met en cause un jeune et un parent. Nous tenons compte de ces aspects au moment de prendre une décision en ce qui a trait à la médiation.

• 1650

Une chose que nous ne faisons pas c'est d'inviter quelqu'un qui a participé à un processus de médiation ou de règlement de conflits dans les cinq dernières années à y participer de nouveau. Cette règle est incontournable.

Si je souris un peu disant cela, c'est parce que nous n'avons pas toujours le casier judiciaire de l'accusé lorsque nous étudions son dossier. Par conséquent, il peut arriver que l'on prenne des dispositions sans savoir ce qu'il en est. Il m'est arrivé de participer à un processus de médiation visant un différend survenu au volant et impliquant une personne qui avait passé 27 années dans un pénitencier. Je n'ai appris ce fait qu'une fois le processus terminé. Néanmoins, le cas convenait tout à fait à la médiation.

Nous avons donc certaines lignes directrices, mais celles-ci ne sont pas liées au casier judiciaire, et le processus ne s'applique pas uniquement aux délinquants primaires. Tout dépend de l'ensemble des circonstances.

M. John Maloney: La victime est-elle informée ou doit-elle donner son consentement ou, à tout le moins, son acquiescement, lorsqu'une accusation est retirée?

Mme Carole Eldridge: D'une façon générale, on tient compte de la volonté de la victime. Dans le cas de Susan, dont je vous ai fait part aujourd'hui, les intéressés ont dit qu'ils n'estimaient plus nécessaire qu'une peine d'emprisonnement soit imposée. Toutefois, la Couronne a jugé que le contrevenant devait être emprisonné, de sorte que celui-ci est en train de purger une peine de trois ans d'emprisonnement. En ce qui a trait au jeune, les deux victimes ont décidé de ne pas exprimer d'opinion relativement à cette question. Par conséquent, cet aspect est optionnel. Toutefois, lorsque des accusations sont retirées, c'est parce que la victime souhaite qu'il en soit ainsi. Une autre mesure peut être prévue. Il peut arriver que la personne fournisse un service communautaire ou autre et que les accusations soient retirées.

La présidente: Merci beaucoup, madame Eldridge. Vous avez dit que des évaluations avaient été faites en 1992 et en 1997. Si vous pouviez nous fournir ces évaluations, cela nous serait utile pour étudier ce modèle.

Mme Carole Eldridge: Je serai heureuse de le faire. Puis-je conclure un marché avec vous? Je vous les fournis et vous m'en faites faire une traduction.

La présidente: Aucun problème.

Mme Carole Eldridge: Je peux en obtenir la traduction? Dans ce cas, je serai heureuse de vous fournir ces évaluations.

La présidente: Très bien.

Mme Carole Eldridge: Merci. Vous êtes tous invités à la vente aux enchères au palais de justice.

La présidente: Merci. Nous avons aussi des ventes aux enchères et des activités semblables dans notre collectivité.

Mme Carole Eldridge: Je sais, mais vous résidez ici et le palais de justice est tout près.

La présidente: Nous résidons dans nos circonscriptions. N'étirez pas trop la notion de résidence. Merci.

Le comité s'ajourne.