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JURI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 9 juin 1998

• 1007

[Traduction]

La présidente (Mme Shaughnessy Cohen (Windsor—St. Clair, Lib.)): Nous avons le quorum voulu pour entendre les témoignages.

Nous recevons aujourd'hui de l'organisation MADD, Mothers Against Drunk Driving, Susan MacAskill, présidente nationale, Joanne Jarvis, coordonnatrice nationale pour les services aux victimes, et Susan McNab, cofondatrice de la section d'Ottawa.

Nous sommes très heureux de vous recevoir. Je sais que vous avez un exposé à faire, et je vais donc tout de suite vous laisser la parole. Nous aurons ensuite certainement des questions à vous poser.

Mme Susan MacAskill (présidente nationale, Mothers Against Drunk Driving): Bonjour, je m'appelle Susan MacAskill et je suis présidente nationale de Mothers Against Drunk Driving depuis octobre dernier.

Je viens de Windsor, en Nouvelle-Écosse, où j'ai été membre de la section de la vallée de l'Annapolis de cet organisme depuis 1995. Susan McNab, Joanne Jarvis et moi-même ferons quelques observations liminaires et nous nous ferons ensuite un plaisir de répondre à vos questions.

Comme beaucoup d'entre vous le savent peut-être, MADD Canada est un organisme sans but lucratif dont les membres sont des bénévoles qui se sont donné pour mission de mettre fin à la conduite en état d'ébriété et de venir en aide à de nombreuses victimes de ce crime violent. Notre organisme national est unique en son genre à bien des égards. Pour les parlementaires qui doivent surveiller les fonds publics, je signalerai que MADD Canada tire toutes ses ressources des dons qu'il reçoit de Canadiens. Il n'y a pas de subventions gouvernementales. Nous avons remis au greffier notre rapport annuel de l'année dernière qui vous permettra de constater que près de 98 p. 100 de nos ressources nous ont été données.

MADD Canada compte plus de deux millions de sympathisants au pays. Malheureusement, nombre de nos membres actifs sont victimes de conduite en état d'ébriété. Nos membres passent des heures innombrables à aider d'autres victimes et à lutter contre la conduite en état d'ébriété. Ils passent d'innombrables heures à aider les victimes, les familles et les amis qui ont affaire à la justice et qui traversent des périodes de deuil et de souffrance, et ils font des exposés devant des groupes d'écoliers et dirigent des programmes de sensibilisation de la population.

Nos bénévoles travaillent en étroite collaboration avec la police et les chefs de file locaux afin d'améliorer la sécurité dans les rues. Les bénévoles de MADD Canada n'ont pas peur d'énoncer les solutions qu'ils voient aux problèmes qui découlent de la conduite en état d'ébriété, et nous souhaitons tous que le gouvernement devienne plus proactif dans tout le Canada face à cette activité criminelle terrible.

• 1010

Sachant que 1 600 Canadiens sont tués chaque année dans des accidents dus à la conduite en état d'ébriété, il est temps de faire quelque chose. En moyenne, chaque jour, quatre Canadiens et demi sont tués dans de tels accidents. Si l'on compare cela au taux d'homicide national, la conduite en état d'ébriété tue trois fois plus de monde chaque année au Canada. Or ce crime pourrait être évité, et nous devons tout faire pour y mettre fin.

Les 29, 30 et 31 mai, MADD Canada a tenu son congrès de direction annuel. Nous sommes sortis de cette fin de semaine encouragés et prêts à redoubler d'efforts. Ce fut une fin de semaine très importante. Notre organisation a défini pour les cinq prochaines années certains buts stratégiques majeurs pour elle-même et pour l'ensemble des Canadiens. Je m'arrêterai sur deux de ces objectifs.

Tout d'abord, afin d'essayer de mettre fin à la conduite en état d'ébriété, MADD Canada s'est fixé l'objectif de réduire le nombre de personnes tuées chaque jour dans des accidents causés par la conduite en état d'ébriété à trois d'ici à décembre 2000 et à deux d'ici à décembre 2003. Nous nous sommes engagés à réduire de moitié dans les cinq prochaines années le nombre de Canadiens qui meurent dans des accidents causés par la conduite en état d'ébriété.

Deuxièmement, notre organisation s'est engagée à offrir à un plus grand nombre de victimes un nombre de services accrus. Nous tenons à rejoindre plus de victimes de ce crime. Nous mettons sur pied des programmes qui nous permettront de former plus de bénévoles et de veiller à ce que les professions concernées aient la formation voulue pour traiter avec ces victimes.

Nous vous communiquons ces objectifs parce que le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer en nous aidant, ainsi que tous les Canadiens, à atteindre ces objectifs, soit sauver des vies et aider les victimes de tous les crimes.

MADD Canada est ici aujourd'hui pour à nouveau demander au ministre fédéral de la Justice et au Parlement de faire adopter une charte nationale des droits des victimes afin de fixer des normes nationales aux tribunaux de notre pays pour la façon dont ils traitent les victimes. L'essentiel de ces normes serait de veiller à ce que toutes les victimes de crimes soient traitées de façon équitable et bénéficient de droits parallèles à ceux des accusés dans le processus judiciaire.

Nous demandons au gouvernement fédéral de faire adopter une charte nationale des droits des victimes qui donnera aux provinces un code garantissant les mêmes droits à toutes les victimes, devant n'importe quel tribunal du pays.

Nous reviendrons là-dessus. Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions à ce sujet.

Je demanderais maintenant à Susan McNab de continuer. Elle est cofondatrice de la section d'Ottawa de MADD.

Mme Susan McNab (cofondatrice de la section d'Ottawa, Mothers Against Drunk Driving): Bonjour.

Tout le monde pense que les victimes ont des droits, toutefois, au Canada, aujourd'hui, ce n'est pas le cas, les victimes n'ont pas de droits. Si elles ont de la chance, on fait preuve de courtoisie vis-à-vis d'elles. Ce qui est une pratique commune vis-à-vis des victimes dans certaines provinces n'est pas forcément offert dans d'autres provinces. Ce qui arrive à Ottawa n'arrive pas à Vancouver. Cela n'arrive même pas toujours ailleurs dans la province, comme à Windsor. Cela, parce que certains tribunaux font preuve de politesse vis-à-vis des victimes, qui, toutefois, n'ont pas de droits. La réalité, c'est que notre système de justice pénale ne considère pas les victimes et leurs droits.

Dans votre étude sur les droits des victimes, vous avez entendu des gens vous dire que les victimes sont doublement victimes parce qu'elles sont aussi victimes du système. C'est un sentiment très réel quand l'être humain fait face à des tribunaux et à un processus juridique qui ne comprennent rien à ses problèmes, et je puis personnellement vous en dire autant.

Vous pourrez regarder tout cela après. Il s'agit essentiellement de coupures de presse au sujet de la mort de mon fils. J'ai tiré cela de nombreuses boîtes de documentation, que je ne vous ai pas évidemment apportées aujourd'hui.

Le 22 août 1994, mon fils de 16 ans, Shayne, avait passé la journée avec son bon ami et copain, Sean. Ils avaient fait de la bicyclette, joué au Nintendo, avaient soupé chez Sean et regardé un film. Shayne était parti de chez Sean vers 21 h 50.

Dans le même quartier que Sean, le gendarme-détective Serge Loranger avait retrouvé d'autres agents et un ami intime au bar City Slickers pour boire de la bière et manger des ailes de poulet. Le gendarme Loranger a quitté le bar vers 22 heures. Mon fils Shayne et lui étaient sur la même route, et à 22 h 10 mon fils était mort.

• 1015

Le cauchemar a commencé le matin du 23 août 1994. Shayne ne m'appartenait plus; il appartenait aux autorités. Je n'avais pas le droit de le voir et, probablement à cause de cela, je ne pouvais croire qu'il avait disparu—que son coeur, qui avait autrefois fait partie de mon propre corps, ne battait plus. Je pensais que peut-être ils se trompaient tous et que si je pouvais seulement le tenir dans mes bras je réussirais à faire rebattre son coeur.

Finalement, cinq jours plus tard, j'ai vu mon Shayne, étendu dans son cercueil. Là encore, on m'a dit de ne pas le toucher, de ne toucher que ses mains—ses beaux longs doigts sans ongles.

Je ne savais toujours pas s'il était resté étendu au bord de cette route encore en vie, attendant que quelqu'un vienne l'aider—s'il avait souffert. Personne ne me disait rien. Je ne pouvais plus ni manger ni dormir, et ce n'est qu'à force de prendre des médicaments que je ne hurlais pas ma douleur toute la journée.

Pendant tout ce temps, j'étais tourmentée par ses ongles. Savait-il? À quoi avait-il pensé en ces derniers instants? Avait-il su que c'était son dernier soupir, que quelque chose de terrible était en train de se produire, et avait-il serré son guidon tellement fort qu'il en avait cassé tous ses ongles? Je voulais savoir comment la police avait transporté son corps; j'espérais que l'on avait fait preuve d'affection et de tendresse. Mais personne ne voulait répondre à mes questions.

Nous suppliions la police et les enquêteurs de l'unité des enquêtes spéciales, et, enfin, après deux semaines, cette unité m'a dit que le rapport du médecin légiste indiquait que le coeur de mon fils s'était arrêté instantanément sous l'impact et que mon fils n'avait pas souffert. On ne m'a pas laissé lire le rapport du médecin légiste. On ne m'a jamais donné d'autres détails.

Nous avons demandé à la police et à l'UES de répondre à nos nombreuses questions et nous avons demandé de parler aux agents de service, sans aucun résultat. Le 22 septembre 1994, un mois après la mort de Shayne, le gendarme Serge Loranger fut accusé. Nous avons continué à poser des questions, maintenant à la police, à l'UES et à la Couronne. Nous avons reçu les réponses qui leur semblaient convenir, souvent de façon un peu condescendante, et l'on nous disait que ces renseignements étaient essentiels pour le procès. Nous avons demandé d'être informés de toute la procédure, et ils ont finalement réalisé que nous n'étions pas des gens qui demandaient vengeance, que nous étions simplement des parents qui souffraient et qui attendaient certaines réponses.

Nous avons soumis des plaintes écrites à la Commission des plaintes contre la police quant à certaines de nos constatations et de nos frustrations et aussi contre certains agents. Grâce à cela, il y a des agents qui sont venus nous voir et nous ont présenté des rapports. Lors d'une de ces visites, cinq mois après la mort de Shayne, nous avons vu un agent à qui ses supérieurs avaient dit de venir nous parler du premier agent qui s'était présenté sur la scène de l'accident. Son rôle était de nous dire comme cet agent était magnifique, comme il s'était bien acquitté de ses fonctions ce soir fatal, et que nous ne devrions pas lui en vouloir, mais plutôt retirer les plaintes que nous avions déposées contre lui.

Il a ensuite décidé de nous laisser lire le rapport de l'agent en question, ou une partie de ce rapport. Ce rapport devait nous ramener à la scène de l'accident et répondre à certaines de nos questions. Je vois le pare-brise éclaté avec les mèches de cheveux châtain clair coincées dans les moulures. Je vois une chaussure de Shayne. Un peu plus loin, je trouve une autre chaussure. Encore plus loin, sa casquette préférée. Plus loin, une partie de son crâne. Et tout du long de cette route, un bras, une jambe, et plus loin le visage de mon Shayne, les yeux fixés au ciel.

Je sais comment ils ont ramassé le corps de mon fils: bout par bout, l'estomac retourné par cette tragédie horrible dont les traces étaient éparpillées autour d'eux.

Toutefois, cet agent qu'on nous avait envoyé continuait à nous montrer la photo de ce gentil collègue et de son chien qui avait été le premier sur la scène de l'accident. Nous étions en état de choc. Après avoir lu cela—en fait, nous l'avons relu indéfiniment—j'entendais des cris à vous figer le sang, et je me suis bientôt aperçue que c'était moi qui criais, dans le noir.

Durant le procès, j'ai vu pour la première fois la bicyclette, la roue noire qui n'était plus qu'une poignée de métal écrasé. Le cadre était tordu et brisé. J'ai écouté les témoignages sur les derniers instants de la vie de Shayne, sur la façon dont le véhicule a heurté la bicyclette, sur le son de la bicyclette contre la voiture, sur l'impact du corps de Shayne sur le métal de la voiture et sur la façon dont ses pieds et ses jambes furent brisés.

• 1020

J'ai assisté à une démonstration de la façon dont son corps a rebondi sur le capot, ses hanches et son coude enfonçant le pare-brise, sa tête renversée en arrière et décapitée par l'armature du toit. J'ai appris comment son corps brisé et mutilé fut projeté en l'air sous la force d'accélération du véhicule pour retomber à un demi-terrain de football de là, sur l'herbe au bord de la route.

C'est la vision qui me reste des derniers moments de la vie de mon fils. C'est quelque chose qu'une mère ne devrait pas connaître. C'est quelque chose que personne ne devrait connaître.

Chaque fois que j'entends des pneus crisser ou une sirène, chaque fois que j'entends parler d'une autre mort insensée qui aurait pu être évitée, je suis remplie d'émotion et rongée par ces visions d'horreur.

Je vous ferais remarquer en passant que le gendarme-détective Loranger fut amené au tribunal via un garage souterrain, s'est vu offrir une salle privée, des repas, du café, etc. Rien de semblable pour nous.

La Couronne doit dévoiler à la défense tous les renseignements; l'accusé a donc accès à tous les renseignements et a le droit de travailler avec son avocat. Ces informations ne sont pas communiquées aux victimes. Les victimes ne collaborent pas avec la Couronne. La Couronne, la défense et le juge décident, à l'occasion d'une séance d'information privée tenue avant le procès, quelles accusations seront portées. Les victimes n'ont pas leur mot à dire.

Dans notre cas, la concentration d'alcool dans le sang a été rejetée au cours de cette séance privée parce que l'on avait fait une prise de sang plutôt qu'un alcootest, à cause du moment où on avait fait la prise de sang—bref, pour des artifices de procédure plutôt qu'autre chose. L'agent Loranger n'a été accusé que de ne pas être resté sur la scène de l'accident. Toutefois, durant tout le procès, la question de la conduite en état d'ébriété revenait toujours, et la juge a ainsi décidé que parce qu'elle ne pouvait pas savoir ce que le gendarme-détective Loranger pouvait voir ou ne pas voir ce soir-là, après avoir consommé dix bières ou plus, il y avait non-lieu.

Les victimes ne peuvent faire appel que des faits. L'accusé peut faire appel de n'importe quoi—simplement parce qu'il n'apprécie pas le verdict ou les conséquences.

Nous avions déjà été victimes de la mort de Shayne et nous avons été à nouveau victimes durant tout ce processus. En 1994, Shayne a été tué. En 1995, il y a eu le procès criminel. En 1996, il y a eu les audiences disciplinaires de la PPO—42 jours. En 1997, il y a eu deux médiations et un appel à la commission d'enquête par Serge Loranger. En 1998, la commission d'enquête a rendu une décision, et un appel a été interjeté par Serge Loranger devant la cour divisionnaire. Cet appel a été abandonné.

Pendant tout ce temps, nous avons dû prendre des heures et des journées de congé: pour des rencontres avec la famille, la police l'UES, la Couronne, le PCC, la PPO, etc., etc.; pour des appels téléphoniques et des téléconférences. Tous ceux qui participaient au processus, notamment le gendarme-détective Loranger, étaient payés pendant tout ce temps, mais pas les victimes.

Je serais prête à vous donner d'autres précisions si vous avez des questions à me poser.

Comme l'a mentionné Susan, lorsque nous essayons d'aider les victimes de crimes, MADD Canada insiste pour qu'on adopte une charte nationale des droits des victimes. Cela pour veiller à ce que toutes les victimes de crimes soient traitées équitablement et aient des droits parallèles à ceux des accusés dans le processus judiciaire.

Notre système actuel présente beaucoup de lacunes auxquelles il faudrait remédier pour l'intérêt des victimes. Par exemple, dans notre système actuel, les droits des victimes ne sont pas garantis, les droits des victimes ne sont pas applicables, le libellé et les termes utilisés dans les lois concernant les victimes n'engagent à rien, et il n'y a pas de recours en cas de plaintes ou de problèmes concernant le processus judiciaire.

En tant que victime, j'aimerais ajouter ma voix à toutes celles qu'a déjà entendues le gouvernement fédéral. Les victimes de crimes méritent d'avoir des droits devant les tribunaux—des droits qui soient garantis et que l'on puisse faire respecter. J'ajouterais que les droits des victimes doivent être les mêmes dans tout le pays, de sorte que les Canadiens jouissent des mêmes droits devant les tribunaux, qu'ils se trouvent à Vancouver ou ici, à Ottawa, à Windsor, en Ontario, ou à Windsor, en Nouvelle-écosse.

• 1025

J'ai été élevée dans le respect de la loi, de notre système de justice, croyant que si jamais j'en avais besoin, il serait là pour me protéger. Comme j'étais naïve et mal informée!

Toutefois, j'espère encore. C'est en vous que je mets mon espoir. Les lois doivent refléter l'opinion de la société. Notre société, notre pays, demande et doit avoir une charte nationale des droits des victimes.

De 1983 à 1991, les conducteurs en état d'ébriété ont tué à eux seuls 17 630 personnes et en ont blessé 1,1 million—soit la population de l'Est de l'Ontario; la population de l'Alberta. Si vous ajoutez la période de 1992 à aujourd'hui, si vous ajoutez les homicides, les Theresa McCuaig, les Leslie Mahaffy, les Gary et Sharon Rosenfeldt—ce sont des années de destruction et de perte, des vies changées à jamais.

Demandez-vous pourquoi notre société, notre pays, fait appel à vous, tend les mains vers vous, vous tous. C'est parce que vous pouvez changer les choses, vous avez le pouvoir de réviser le Code criminel si vous le désirez, si vous le souhaitez.

Je vous invite, MADD vous invite, à nous donner une norme applicable et une charte garantissant les droits des victimes.

Merci.

La présidente: Merci.

Mme Susan McNab: J'aimerais maintenant passer la parole à Joanne Jarvis.

Mme Joanne Jarvis (coordonnatrice nationale pour les services aux victimes, Mothers Against Drunk Driving): Merci.

Bonjour. Je m'appelle Joanne Jarvis et je suis la coordonnatrice nationale pour les services aux victimes de MADD Canada. Je travaille au siège social de notre organisation, à Mississauga (Ontario), et je parle tous les jours à des victimes de conducteurs en état d'ébriété de tout le Canada.

Une bonne partie de notre mission consiste à aider les victimes d'accidents dus à la conduite en état d'ébriété, et nous nous y prenons essentiellement de deux façons. Nous aidons les victimes à faire face à leur chagrin et à leur deuil et nous les aidons aussi durant les procédures judiciaires, qui sont très pénibles. Je vais vous expliquer brièvement comment nous nous y prenons.

MADD Canada a un numéro de téléphone sans frais. Nous distribuons gratuitement de la documentation sur les services en cas de deuil et les services aux victimes. Nous fournissons de la documentation sur l'aide aux victimes. Nous accompagnons les victimes devant les tribunaux et nous les aidons à s'y préparer. Nos bénévoles vont devant les tribunaux avec les victimes, les aident à préparer leurs déclarations, leur expliquent le processus judiciaire et la procédure, et font la liaison avec la police et l'avocat de la Couronne.

Nos bénévoles participent à des groupes de discussion sur les répercussions sur les victimes. Nous organisons des ateliers de formation sur la défense des droits des victimes à l'intention de nos bénévoles. La plupart de nos sections organisent des groupes d'entraide pour les victimes. Chaque année, nous avons une vigile nationale à la chandelle sur l'espoir et le souvenir et une fin de semaine des victimes.

MADD Canada offre beaucoup de services aux victimes. Ces services sont extrêmement nécessaires quand les gens essaient de faire face à la perte d'un être cher ou à une blessure grave et aux expériences traumatisantes que l'on peut retirer du processus judiciaire de notre pays.

Récemment, MADD Canada a examiné le système de justice pénale du pays et le rôle qu'y jouent les victimes. Nous en avons tiré un modèle pour les droits des victimes au Canada. Ce modèle sert de base à un rapport que nous vous avons soumis. En offrant ce modèle au gouvernement et en nous assurant de susciter des débats publics sur ce sujet important, nous espérons que l'on ne négligera plus les droits des victimes.

MADD Canada demande au gouvernement fédéral de montrer l'exemple en définissant les droits des victimes qui devront être reconnus par les tribunaux de notre pays. Au nom des victimes que nous servons et de toutes les victimes de crimes, nous voulons que le gouvernement fédéral fasse adopter une charte nationale des droits qui fixe une norme minimum pour les droits des victimes et serve de norme et de guide aux provinces.

Comme le précise notre rapport, cette norme comporterait un code judiciaire pour les victimes dont la base serait le travail réalisé par les Nations Unies. Le modèle que nous proposons considère tous les paliers d'administration. Les administrations provinciales doivent en priorité adopter et faire appliquer une loi sur les droits des victimes qui correspondrait à une norme minimum de services aux victimes de crimes. Le principe d'une loi provinciale serait que toutes les victimes seraient traitées avec courtoisie et compassion et dans le respect de leur dignité et de leur vie privée.

• 1030

Les victimes doivent avoir les mêmes droits que les accusés. Les victimes doivent avoir le droit d'être informées durant tout le processus judiciaire et le droit à un recours civil durant et après l'action en justice. Une suggestion de recours serait la création d'un ombudsman fédéral et provincial auquel pourraient s'adresser les victimes qui auraient des plaintes ou des problèmes concernant le processus judiciaire.

Notre conclusion est que les victimes de crimes doivent avoir des droits qui soient garantis, que l'on fasse respecter.

Je terminerai par quelques commentaires sur la proposition visant un bureau d'information national pour les victimes de crimes. Nous savons que, bien que le besoin d'information des victimes soit important, le gouvernement fédéral peut faire beaucoup plus pour les victimes de crimes que d'ouvrir un centre d'information et de consultation national.

Le bureau américain pour les victimes de crimes, que copie notre gouvernement, ne devrait pas être pris comme modèle. Le bureau d'information à l'intention des victimes doit être beaucoup plus qu'un centre d'information et de consultation.

Nous ne savons pas s'il est prévu que ce bureau accorde des subventions, mais s'il offre des subventions similaires à celles qu'offre le bureau américain, il faudra qu'il en offre plus aux victimes et pas aux organisations qui ont déjà des programmes de recherche sur les victimes. Ces subventions aident les gens qui s'occupent du système de justice pénale et des programmes qui existent déjà; ils ne font rien pour les victimes. Avant d'accepter le modèle du bureau américain, nous invitons instamment le ministère de la Justice à poursuivre ses recherches et à trouver un meilleur moyen d'aider les victimes de notre pays.

En conclusion, MADD Canada estime que nous avons besoin de plus qu'un autre bureau; il nous faut des droits garantis et exécutoires.

Une charte canadienne des droits des victimes peut être plus que théorique si son libellé définit de façon précise les droits reconnus aux victimes. Nous devons nous efforcer de veiller à ce que les termes utilisés soient fermes et précis; que la forme soit directive plutôt que vague et facultative. Je suis sûre que nous pourrons préciser cela.

Merci.

Mme Susan MacAskill: En conclusion, nous demandons au gouvernement fédéral d'agir.

L'automne dernier, nous étions à Ottawa pour dévoiler les résultats d'un sondage qui a révélé que neuf Canadiens sur dix estiment que la conduite en état d'ébriété pose un problème et que trois sur quatre croient que nos gouvernements ne font pas suffisamment pour lutter contre ce crime qu'est la conduite en état d'ébriété. Durant la dernière campagne électorale fédérale et depuis lors, nous n'avons cessé de demander au gouvernement fédéral de faire adopter une charte nationale des droits des victimes.

La triste réalité est qu'aujourd'hui beaucoup des victimes de crimes sont également victimes de notre système de justice pénale. MADD Canada est fermement convaincu que l'adoption d'une charte nationale des droits des victimes établirait un code pour les victimes dans le processus judiciaire. De la sorte, le gouvernement fédéral garantirait que les victimes ont des droits parallèles à ceux des accusés. Pour les membres de Mothers Against Drunk Driving, cela signifierait que leur chagrin et leur malheur ne sont pas aggravés par une procédure judiciaire pénible et inhumaine.

MADD Canada espère qu'en soumettant ce rapport au gouvernement, avec notre modèle, le ministre de la Justice agira au cours de ce mandat du gouvernement en faisant adopter une charte nationale des droits des victimes. Nous voulons que le gouvernement fédéral fixe des normes nationales concernant les droits des victimes et fasse adopter une loi qui serve de norme et de guide aux provinces.

En conclusion, je voudrais préciser un certain nombre de choses quant aux droits que nous demandons de garantir dans la loi.

L'essentiel d'une charte nationale des droits serait de garantir que toutes les victimes de crimes sont traitées équitablement. MADD Canada veut que les victimes obtiennent des droits parallèles à ceux des accusés dans le processus judiciaire. MADD Canada veut que les victimes de crimes aient des droits qui soient garantis et respectés.

MADD Canada veut que les droits soient uniformes d'un bout à l'autre du pays, ce qui signifie simplement que la norme doit être fixée par le gouvernement fédéral. MADD Canada veut que ces droits soient enchâssés dans la charte nationale des droits des victimes et que celle-ci contienne un code pour les victimes de crimes qui s'applique à tout le pays.

Je répète pour toutes les voix oubliées des victimes du Canada à l'intention du comité, du ministre, que vous devez prendre l'initiative pour faire reconnaître les droits des victimes dans le processus judiciaire de notre pays.

Merci.

La présidente: Merci.

Chuck, êtes-vous prêt?

M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Réf.): Oui, madame la présidente.

La présidente: Vous pouvez prendre environ 10 minutes.

M. Chuck Cadman: Je ne serai pas si long.

La présidente: Je sais bien, et c'est pourquoi je m'amuse à vous dire que vous avez dix minutes.

• 1035

M. Chuck Cadman: Je voudrais d'abord vous remercier toutes les trois d'être venues aujourd'hui. J'ai une question un peu générale à vous poser, et vos réponses varieront peut-être un peu. Percevez-vous une différence dans la façon dont les victimes de la conduite en état d'ébriété sont traitées par rapport aux victimes de ce que l'on considérerait davantage comme des crimes violents traditionnels, tels que l'homicide et l'agression sexuelle? Avez-vous l'impression d'être traitées différemment...

Mme Susan MacAskill: Non.

M. Chuck Cadman: Il y a des gens qui disent que le crime que constitue la conduite en état d'ébriété n'est pas toujours traité aussi sévèrement, ou du moins que l'on a une attitude différente à l'égard de la gravité de ce crime.

Mme Susan McNab: La conduite en état d'ébriété est également un crime violent.

M. Chuck Cadman: Je ne dis pas le contraire. Je dis simplement que certains ont l'impression que c'est considéré différemment.

Mme Joanne Jarvis: J'aimerais répondre. Je parle tous les jours à des victimes de la côte ouest à la côte est, du nord du Canada, partout, et l'on constate en effet que beaucoup considèrent que la conduite en état d'ébriété est un accident, que ce n'est pas réellement un crime, qu'il n'y avait jamais eu d'intention de faire mal. Nous nous sommes efforcées d'informer la population du drame que cela représente. Les victimes sont bien placées pour le savoir, les deux Susan le savent personnellement, et nous avons tout fait pour changer l'attitude de la population et des tribunaux. J'ai parlé à des victimes, qui m'ont dit que la police leur avait dit de ne pas s'inquiéter alors qu'elles venaient de perdre quelqu'un à la suite d'un accident causé par la conduite en état d'ébriété. Il est donc tout à fait vrai que beaucoup ne considèrent pas cela comme un crime violent. Nous savons pour notre part pourtant que c'en est un, nos sympathisants le savent et les victimes le savent bien.

Mme Susan McNab: J'ajouterai qu'ici, dans la région d'Ottawa-Carleton, je travaille aussi avec beaucoup de victimes de la conduite en état d'ébriété. Je parle à beaucoup d'autres victimes d'homicides, notamment à Theresa McCuaig et à Gary et Sharon Rosenfeldt, qui sont devenus des connaissances puis des amis au cours de la lutte que nous avons menée pour sauver des vies. Essentiellement, je n'ai pas l'impression que devant les tribunaux ces quatre types de crime soient traités en fait différemment. Nous sommes tous traités de la même façon. Et c'est la raison pour laquelle nous demandons une charte des droits des victimes.

M. Chuck Cadman: Quel est à votre avis le plus gros problème que présente le système judiciaire par rapport aux victimes? Qu'est-ce qui manque plus que toute autre chose à votre avis?

Mme Susan MacAskill: Je crois qu'il y a une chose qui est très importante et qui doit être examinée de près, et c'est l'uniformité. Dans les lois provinciales, on considère les victimes du crime de façon différente d'une province à l'autre. Ainsi quelqu'un qui est victime d'un crime commis en Alberta n'est par forcément traité de la même façon que quelqu'un qui est victime du même crime en Nouvelle-Écosse. Nous sommes tous citoyens du même pays. Si je me trouve dans une autre province, il est important que je sache que la justice sera la même, où que je me trouve.

M. Chuck Cadman: Y a-t-il autre chose? On a par exemple parlé des questions d'avis pour le déroulement des procédures, même s'il n'est pas directement impliqué dans le processus. Est-ce que vous pensez qu'il y a là aussi un problème, ou est-ce que vous pensez qu'il y en a plusieurs? Je parle des questions de notification par rapport à l'implication, la participation.

Mme Susan MacAskill: Je crois qu'on peut dire qu'il y a quelque chose de commun à tout cela. Dans la plupart des cas, on s'inquiète beaucoup que l'on ne donne pas avis de la procédure criminelle, des audiences de libération conditionnelle, que l'on ne puisse pas ainsi remettre une déclaration de la victime—toute la question des enquêtes, où la victime devrait pouvoir savoir tout ce qu'elle doit savoir au sujet de la procédure, mais n'est souvent même pas avisée. La loi dit que les victimes devraient savoir ou peuvent savoir, mais non pas qu'elles doivent savoir, et il faudrait donc modifier le libellé pour insister sur le fait qu'elles «doivent savoir».

• 1040

M. Chuck Cadman: Il y a encore une chose que j'aimerais mentionner brièvement: ce bureau que l'on propose. Pourriez-vous préciser un peu les choses? Vous voulez peut-être toutes les trois répondre et me dire ce que devrait être à votre avis le rôle de ce bureau.

Mme Joanne Jarvis: Je crois que là aussi je dois dire que je ne sais pas exactement quelle serait la fonction de ce bureau. Je ne pense pas que cela ait été révélé.

M. Chuck Cadman: Non, nous non plus, nous ne savons pas. C'est ce que je vous demande justement. Que pensez-vous que ce devrait être?

Mme Joanne Jarvis: Je connais un peu le bureau des victimes du crime aux États-Unis. Si c'est le modèle que l'on doit suivre, il s'agit essentiellement d'un organisme de subvention. Il distribue beaucoup d'argent à différentes organisations—dont MADD U.S.—pour aider à former ceux qui travaillent pour les victimes et à organiser des groupes sur les déclarations des victimes. Ils ont un fonds des victimes du crime, des amendes fédérales que paient les contrevenants. Il ne s'agit pas du Trésor public.

Il s'agit essentiellement d'un organisme de subvention. Il n'aide pas directement les victimes. Cela peut avoir un certain mérite, mais je pense qu'une charte nationale des droits des victimes... Et la raison pour laquelle nous tenons tellement à cela, et je répète ce qu'a dit Susan, c'est parce que je peux être ici et être traitée d'une certaine façon alors que si je vais en Colombie-Britannique, je serai traitée d'une autre façon, et au Yukon, encore différemment, car il n'y a pas même de loi sur les droits des victimes dans ces territoires.

C'est là qu'une ligne téléphonique d'information et de référence, un numéro 1-800 pour obtenir le nom du procureur de la Couronne, ne changera pas grand-chose. Ce n'est pas ce que souhaitent les victimes et ce n'est pas ce dont elles ont besoin. Elles ont besoin qu'on leur garantisse les mêmes droits dans chaque province.

M. Chuck Cadman: Merci, madame la présidente.

Le président: Merci, Chuck.

[Français]

Monsieur Marceau.

M. Richard Marceau (Charlesbourg, BQ): Bonjour et merci d'être venues ici aujourd'hui. C'est la première fois que j'ai l'occasion de vous rencontrer en tant que membre du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.

Je dois d'abord vous dire que je trouve extrêmement important le travail de sensibilisation que vous faites. Je crois que vous le faites très bien. J'aimerais aussi dire comme remarque préliminaire, madame McNab, que je comprends la peine que vous ressentez devant la tragique histoire que vous nous avez racontée. Je suis bien d'accord avec vous que personne ne devrait partir après ses propres enfants. Étant moi-même un nouveau papa, je comprends très bien ce sentiment.

Cela étant dit, un chose m'a dérangé un tout petit peu dans votre présentation, chose que vous avez répétée plusieurs fois. Vous avez dit que les victimes n'avaient aucun droit. Vous l'avez dit à plusieurs reprises, et c'est même la prémisse sur laquelle vous avez basé votre présentation.

Je ne suis pas tout à fait d'accord sur cela. J'ai devant moi, et je suis convaincu que vous l'avez vue aussi, la Loi sur l'aide et l'indemnisation des victimes d'actes criminels du Québec, dont un chapitre complet porte sur les droits et responsabilités des victimes d'actes criminels. On y mentionne même la création d'un bureau pour venir en aide aux victimes. Il y a un article sur les droits de la victime d'être informée, d'avoir une indemnité raisonnable pour les frais encourus, de recevoir réparation ou indemnisation des dommages subis, d'être informée de son rôle dans le cadre du processus pénal, d'être informée des droits et recours dont elle dispose et d'être informée de l'existence de services spécialisés.

• 1045

Donc, dire que les victimes n'ont pas de droits, c'est aller un peu loin, me semble-t-il. Je crois qu'il faut plutôt dire que les droits des victimes varient d'une province à l'autre.

Dans le document que vous nous avez remis, qui est d'ailleurs très intéressant, à la page 3 de la version française, vous dites:

    On convient qu'il incombe aux provinces de promulguer des lois sur les droits des victimes et d'assurer la prestation de services aux victimes d'actes criminels, cependant, on ne peut faire fi du rôle du gouvernement fédéral à l'égard des victimes.

On peut trouver dommage que la Constitution attribue le droit criminel au fédéral et l'administration de la justice ou les trucs de nature locale aux provinces. Malheureusement, c'est le cas. Je suis le premier à dire que cela ne devrait pas être ainsi. Cependant, on n'a peut-être pas la même conception du niveau de gouvernement qui devrait être en charge de ces relations.

Je voudrais que vous m'expliquiez une chose. Si vous dites que c'est aux provinces de s'occuper des droits des victimes, sur quoi vous basez-vous pour dire que le gouvernement fédéral devrait le faire si ce n'est pas dans sa sphère de compétence?

[Traduction]

Mme Susan MacAskill: Nous reconnaissons qu'il y a des normes législatives différentes dans les provinces, mais ce que nous demandons, c'est que le gouvernement fédéral établisse une norme commune. Si les provinces veulent offrir davantage, c'est parfait, mais nous estimons que le gouvernement fédéral doit jouer un rôle en établissant une norme minimum qui permettra aux citoyens de notre pays, victimes de crimes, d'être traités de la même façon que les accusés ou les contrevenants dans le système judiciaire.

[Français]

M. Richard Marceau: Même si ce n'est pas la responsabilité du gouvernement fédéral, selon vous, cela n'a pas d'importance. On devrait le faire et ce serait aux provinces de suivre.

[Traduction]

Mme Susan MacAskill: MADD Canada estime que le gouvernement fédéral devrait prendre les devants et établir une norme minimum.

[Français]

M. Richard Marceau: J'ai personnellement un problème devant cette espèce de dédoublement qui peut exister dans différents domaines. Je pense que la dernière chose dont les victimes ont besoin, c'est de se sentir un peu comme une balle de ping-pong et de dire: «On va frapper au bureau de la province et on nous répond que c'est le fédéral qui s'en occupe, et le fédéral nous dit que cela relève des provinces. Quand c'est flou, les gens ne savent pas où aller. En tant que député, je vois de telles choses. C'est moins le cas quand il s'agit des programmes d'emploi ou de main-d'oeuvre, mais les gens ne savent quand même pas où aller.

Si le gouvernement fédéral s'immisce là-dedans alors que plusieurs provinces, du moins celle du Québec, ont déjà des programmes d'aide, ne pensez-vous pas que la victime va se sentir un peu perdue dans un labyrinthe administratif? On sait très bien qu'une fois qu'une bureaucratie commence à s'incruster, ce n'est pas fini.

[Traduction]

Mme Joanne Jarvis: Peut-être pourrais-je répondre à cela. Il est important de reconnaître que les provinces et les territoires n'ont pas tous une loi sur les droits des victimes. Certains ont aboli leurs programmes d'indemnisation. En fixant une norme nationale, le gouvernement fédéral serait le seul gouvernement à pouvoir le faire. C'est la raison pour laquelle nous avons dit que nous aimerions qu'il prenne les devants.

Un code pour les victimes, par exemple, pourrait fonctionner de la même façon que le Code criminel fixé par le gouvernement fédéral et appliqué par les provinces. Ce serait la même chose, sauf qu'il s'agirait d'un code concernant les victimes.

[Français]

M. Richard Marceau: Là-dessus, on a un point de vue différent, mais je voudrais vous poser une autre question sur des choses plus particulières.

L'article 486 du Code criminel permet aux jeunes victimes d'agression sexuelle de témoigner derrière un écran ou à l'extérieur d'une salle d'audience, par un système de télévision en circuit fermé. Pensez-vous que les protections prévues à cet article pour les jeunes personnes devraient être consenties non seulement aux victimes de moins de 14 ans, mais à toutes les victimes d'agression sexuelle?

[Traduction]

Mme Joanne Jarvis: L'agression sexuelle n'est pas le domaine dans lequel nous nous spécialisons. À titre de travailleuse sociale, je travaille avec des victimes d'agressions sexuelles. Je sais qu'une chose que nous aimerions voir, c'est que tous les témoins et la famille de la victime soient protégés contre tout acte d'intimidation de la part de l'accusé. J'ai parlé à un certain nombre de personnes qui ont dû attendre dans la même salle d'attente que la famille de l'accusé et qui ont fait l'objet d'invectives ou de regards menaçants, etc.

• 1050

Nous voudrions donc des droits pour les victimes afin qu'elles soient protégées contre l'intimidation et qu'il leur soit plus facile de participer au processus. Si elles le font, elles comprennent que leur deuil et leur douleur seront plus supportables, qu'elles ne se sentiront pas à nouveau victimes du système, lorsque celui-ci devrait les aider.

[Français]

M. Richard Marceau: N'est-ce pas par des gestes concrets, comme celui de permettre à une victime de ne pas être en présence de l'agresseur, qu'on réussirait à mieux protéger les droits des victimes plutôt que par un simple document appelé «Déclaration des droits des victimes»? N'est-ce pas en s'attaquant à des choses plus précises et non en faisant un énoncé de principes qu'on y arrivera? De toute façon, il appartient aux provinces de légiférer sur les victimes de conduite en état d'ébriété et d'autres victimes.

N'est-ce pas par des gestes simples comme ceux-là qu'on réussirait à rendre service aux gens qui en ont besoin?

[Traduction]

Mme Joanne Jarvis: Là encore, je répète que le gouvernement fédéral doit fixer une norme minimum que respecteraient toutes les provinces. Ce n'est pas le cas actuellement. S'il m'arrivait quelque chose au Yukon, je n'aurais pas de droits à titre de victime. Si cela m'arrivait en Ontario, à St. Catharines ou à Toronto, je serais traitée différemment selon le cas.

De façon générale, ce dont se plaignent les victimes et ce qui les frustre et les enrage, c'est qu'elles ne sont pas traitées avec respect. Elles n'ont pas accès aux informations nécessaires. On ne les avise pas des procédures. Elles découvrent que l'on a négocié un plaidoyer une fois l'affaire réglée.

Je répète donc que le gouvernement fédéral doit établir une norme nationale, une norme minimum que les provinces pourront ensuite excéder, si elles le souhaitent. À l'heure actuelle, il n'y a pas de norme nationale, et cela frustre les victimes. Cela complique la situation et cela représente un coût social énorme.

[Français]

M. Richard Marceau: Merci.

[Traduction]

La présidente: Il y a plusieurs personnes de ce côté qui voudraient prendre la parole. M. Bryden s'est joint à nous aujourd'hui, mais je crois qu'il s'intéresse à des choses un peu différentes. Je vais laisser les membres réguliers du comité commencer, parce qu'il s'agit là d'un sujet que nous avons pris très à coeur. Je passerai ensuite à M. Bryden. Je vais simplement laisser aux membres réguliers du comité la possibilité de poser leurs questions.

Monsieur Telegdi.

M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente, et merci, monsieur Bryden, de votre indulgence.

Madame McNab, vous avez vraiment partagé avec nous ce qui est certainement le pire cauchemar pour un parent, à savoir perdre un enfant à cause d'un acte criminel. Je vous félicite sincèrement de vos efforts. Malheureusement, il y a trop de gens comme vous dans ce pays. Je sais que vous connaissez Jim et Sherilee Wideman chez nous, qui ont également connu une tragédie horrible.

Je suis toujours ébahi de voir que vous avez réussi à transformer votre douleur en une action très positive. Il ne fait aucun doute que l'attitude des gens sur la conduite en état d'ébriété a changé et change, et je crois que c'est en partie grâce à des gens comme vous.

Pour ce qui est de la charte nationale des droits des victimes, je crois comprendre que vous voudriez une norme minimale qui s'applique à tout le pays. Un des problèmes, à cet égard, c'est que le Québec est très à l'avant-garde. M. Marceau serait probablement très heureux de le savoir. C'est une des leçons que le reste du Canada pourrait tirer du Québec.

• 1055

Je me suis renseigné sur les services aux victimes dans ma localité. Cela m'a permis de constater que la majorité des programmes s'adressant aux victimes sont de nature provinciale. Ils sont dans l'ensemble financés par la province, à l'exception de quelques projets pilotes menés par le gouvernement fédéral.

Il ne fait donc aucun doute qu'il nous faudrait une norme nationale qui s'applique à tout le pays, mais je voulais vous signaler cela, car beaucoup de ces services relèvent de la province.

Je vous demanderais donc d'en avoir bien conscience et de travailler aussi avec les provinces en présentant l'exemple du Québec, dont elles pourraient s'inspirer. C'est simplement une suggestion.

Mme Susan McNab: Nous travaillons aussi avec les provinces. Joanne serait probablement mieux placée que moi pour répondre à cela, en fait. Elle a plus travaillé au palier national.

Mme Joanne Jarvis: Nous aurons un forum national à Toronto jeudi à Queen's Park, au sujet des victimes et de la façon dont elles sont traitées. Il est donc évident que nous nous intéressons aussi aux provinces.

MADD Canada va en outre instituer un système pour «noter les provinces». Nous examinerons toutes les provinces, ce qu'elles font actuellement à propos de la conduite en état d'ébriété et ce qu'elles font pour soutenir et aider les victimes.

M. Andrew Telegdi: Merci, madame la présidente.

La présidente: Madame Finestone.

Mme Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente.

Je suis désolée que le député du Bloc québécois soit parti, parce que je pense qu'il aurait peut-être aimé apprendre...

La présidente: Il revient.

Des voix: Oh, oh!

Mme Sheila Finestone: Je me disais que c'était une bonne idée.

M. Richard Marceau: Seulement pour vous.

Mme Sheila Finestone: Merci.

Je suppose qu'il sera édifié d'apprendre que nous avons eu hier soir à Montréal un groupe de discussion publique organisé par Eleni Bakopanos et moi-même sur les droits des victimes. La ministre de la Justice était là pour la soirée. Je crois que nous pourrions tous nous sentir beaucoup mieux informés si nous savions que la ministre a déclaré qu'elle était très préoccupée par la question des droits des victimes. Elle l'a dit de façon très sincère à la fois en français et en anglais. Il ne fait aucun doute qu'il faut faire quelque chose à ce sujet.

Quand je pense à votre groupe, je me souviens très bien de l'époque où nous étudiions à la Chambre des communes le premier projet de loi sur la conduite en état d'ébriété. Je faisais alors partie du Comité de la justice. Votre intervention et celle de Susan furent extraordinaires, je m'en souviens très bien. Cela a permis d'informer la population, de faire de la publicité et de sensibiliser tout le monde au fait que les victimes sont en plus victimes du système judiciaire.

Il est certain que ce fut vraiment l'objectif—qu'il s'agissait de sensibiliser le système judiciaire aux besoins de ceux qui souffrent du résultat de ces actes horribles, de ces pertes, de ces répercussions psychologiques, de l'absence de soutien et de services, du fait que les besoins financiers des victimes ne sont pas considérés. Je ne me souviens plus exactement quand le projet de loi a été adopté—je crois que c'était en 1987 ou 1988—mais je me souviens y avoir pris part.

J'ai écouté hier soir des témoins qui étaient des victimes, des jeunes qui étaient des victimes et d'autres qui avaient fait des victimes et travaillaient maintenant dans des écoles à sensibiliser la jeunesse et ceux qui administrent le système.

Je peux vous dire, madame la présidente, qu'il est ressorti très clairement de cette assemblée publique que les juges ne semblent pas comprendre le problème et le manque de compassion, de compensation et de considération pour les victimes, qu'il faudrait aider par des services et des indemnisations.

• 1100

Je pensais que la question que nous voudrions poser à nos témoins aujourd'hui était celle du cadre dans lequel il faut envisager le problème des victimes. Ce que nécessite le système est une chose, mais il faut savoir quels sont les besoins des victimes et ensuite voir comment on peut y répondre.

Vous avez très bien expliqué par le passé—je suis sûre que vous continuez de le faire—en quoi proactivement et par réaction le système ne fonctionne pas. Il a été établi il y a trop longtemps comme un système pénal, et nous nous retrouvons en fait avec un système civil qui n'est pas compatible dans tous les cas.

Au Québec, voilà ce que nous avons entendu dire hier soir—et n'ayant jamais été victime, Dieu merci—il fallait entendre ce que les gens avaient à dire au sujet du système, qui en théorie est peut-être magnifique, mais en fait ne marche toujours pas. Ce que demandaient surtout ces 100 victimes ou plus qui étaient là hier soir, c'était une norme nationale. Il nous faut une même loi qui tienne compte des préoccupations des victimes et indemnise celles-ci de façon équitable.

Les victimes nous ont dit qu'elles recevaient 600 $ pour enterrer l'être cher qu'elles avaient perdu. Cela coûte beaucoup plus cher. S'il y a d'autres genres d'accidents, le paiement est totalement différent. Elles ont parlé du fait qu'au Québec, lorsqu'il y a des blessures physiques, le système judiciaire n'a pas un grand rôle à jouer. C'est l'assurance-maladie qui intervient dans les cas de blessures physiques.

Il faut absolument combler le gouffre financier. L'assurance est importante. Être obligé de suivre la voie du tribunal civil avec un juge entièrement différent et un système entièrement différent et de plaider à nouveau sa cause est terrible du point de vue psychologique et du point de vue financier. Ils ont parlé de douleur mentale et de souffrance. On nous a dit qu'il y avait certains services sociaux, mais qu'il n'y a pas véritablement de gens formés en la matière qui peuvent accompagner la victime, la réconforter et l'aider et offrir ces services moyennant rémunération, ou gratuitement, afin de permettre à la victime de fonctionner normalement.

Vous avez peut-être l'impression que je vous fais un discours, mais il y aura peut-être une question à la fin; je n'en suis pas certaine. Toutefois, nous avons entendu une femme qui avait l'air très forte lorsqu'elle s'est présentée au micro. Elle a une maîtrise en travail social et est l'une des chefs de service des CLSC au Québec. Elle nous a parlé du meurtre de sa soeur et du fait qu'elle a dû identifier son corps après qu'il eut été maltraité. Elle ne pouvait plus du tout fonctionner tellement le choc psychologique et social a été fort et elle n'est plus capable d'assumer son rôle de femme, de mère et de chef de service important. On comprendra que les services ne sont pas encore suffisants ni au Québec ni ailleurs au Canada. On a désespérément besoin d'un centre d'information pour les victimes et de lignes directrices pour les services offerts au Québec.

Quand on considère la loi au Québec, on lit que les victimes ont, si les ressources le permettent, droit aux soins médicaux et sociaux nécessaires pour les protéger contre l'intimidation et les représailles. On dit aussi que la victime est tenue de coopérer. On ne dit pas que nous sommes tenus d'aider cette victime dans son rôle afin de permettre à l'État d'en arriver à conclure qui est coupable et qui ne l'est pas.

On dit que la victime a le droit d'être informée. On ne dit pas qu'elle doit être informée; on dit que, sur demande, les victimes ont le droit d'être informées, notamment des enquêtes de police, dans toute la mesure du possible. Cela ne dit pas qu'elles doivent obtenir ces renseignements.

On ne parle absolument pas de la raison d'une poursuite. Pour les victimes qui ont besoin de conseillers juridiques, on ne dit pas comment procéder. On ne mentionne pas les services de médiation.

• 1105

Pour ce qui est des réparations, on dit que, de par la loi, la victime a droit à une indemnisation raisonnable et on dit ainsi combien elle peut obtenir par jour, mais cela ne suffit même pas pour s'acheter un repas convenable à midi. On dit que la victime a droit à un dédommagement ou à une indemnisation juste et rapide, mais elle ne l'obtient pas, et le droit de retrouver ses biens s'il n'est pas nécessaire de l'en priver, ce qui peut durer six ans, comme dans le cas de l'homme dont le fils a été tué. Le procès a duré six ans parce que les tribunaux se livraient à des tractations infâmes et n'en finissaient pas. Cet homme a souffert pendant six ans et a dû comparaître comme père de la victime. Le procès n'en finissait pas. Cet homme est venu parler de la nécessité d'avoir une charte des droits des victimes et un centre d'information pour les victimes, le droit de se faire accompagner, et a dit que l'on devrait être obligé de donner une formation spécialisée aux personnes s'occupant des victimes.

Le Québec a une loi excellente, et nous n'avons pas le droit d'intervenir dans ce domaine parce qu'il s'agit d'une compétence provinciale. Je puis toutefois vous dire que tous ceux qui étaient dans cette salle ont supplié la ministre de travailler avec le groupe fédéral-provincial-territorial afin de mettre sur pied un programme national que chacune des provinces serait ensuite tenue d'appliquer, en se fondant sur une norme nationale qu'elles auraient toutes acceptée. L'argent qu'elles touchent sert à la recherche, à l'éducation et aux programmes de formation, mais les groupes ne sont pas tous financés de la même façon. Il n'y a pas de subvention de base. Toute cette situation est à l'origine de grandes souffrances morales et doit être sérieusement améliorée.

Si vous en avez besoin, on nous a soumis des évaluations de ce qui existe dans chacune des provinces. Si cela peut vous être utile, puisque vous avez rendu un service extraordinaire à notre société, je suis certaine que le comité, par l'intermédiaire de la présidente et du greffier, se fera un plaisir de vous les communiquer, parce que votre travail sert tous nos concitoyens.

Je ne sais pas si vous voulez répondre, mais je puis vous dire que la soirée d'hier soir fut épuisante et émouvante et nous a révélé que même si l'on a une loi sur les droits des victimes, notre système judiciaire n'est certainement pas encore adapté à la société d'aujourd'hui. Il a été conçu il y a longtemps du point de vue criminel. Il a été souvent modifié, mais pas suffisamment, et il faut qu'il le soit en fonction des victimes.

La présidente: Merci, madame Finestone.

Mme Sheila Finestone: Je crois que si c'est dans le sens de ce que nous avons entendu... Cela révèle un manque de transparence, de respect, d'uniformité et d'indemnisation financière. Les victimes n'ont pas véritablement le droit de s'exprimer, et en cas de mise en liberté sous condition elles ne sont pas toujours averties. On ne les avertit pas et on ne leur explique pas pourquoi. Comme c'est le Québec, c'est censé être ce qu'il y a de mieux au pays. Mais il y a des programmes très bien dans de petites localités. Malheureusement les fonds manquent. Les responsables consacrent une bonne partie de leur temps à essayer de trouver des subventions. D'autre part, les meilleures pratiques ne sont pas appliquées dans tout le pays. Alors, que l'on ne me dise pas que parce qu'il y a des droits spéciaux au Québec les victimes n'ont pas besoin d'information venue d'ailleurs dans le monde ou du reste du Canada.

La présidente: Merci.

Chuck, avez-vous d'autres questions?

Monsieur Marceau.

[Français]

M. Richard Marceau: Je me sens un peu visé par les remarques de ma collègue d'en face. Je pense que rien de ce qu'elle a dit en ce qui a trait aux épreuves émotives que les victimes peuvent subir...

L'hon. Sheila Finestone:

[Note de la rédaction: Inaudible], monsieur.

M. Richard Marceau: Je l'ai écoutée de façon polie et j'aimerais qu'elle m'écoute sans m'interrompre.

J'ai dit aux gens de MADD, et je le répète, que ce n'est pas en récrivant les mêmes droits dans un autre document qui répéterait ce que les provinces ont dit ou fait qu'on va changer quoi que ce soit. Au lieu de venir ici demander au gouvernement fédéral de s'ingérer dans des compétences qui ne sont pas les siennes, allons voir chacune des provinces. Vous avez vous-même dit, sinon c'est mon ami Andrew Telegdi qui l'a dit, qu'il fallait aller voir les provinces et leur dire: «Écoutez, le programme que vous avez sur papier, il est beau. Vous devez maintenant passer aux actes pour vous conformer aux barèmes que vous avez vous-même fixés.»

• 1110

Vous l'avez dit vous-même, madame Finestone, et c'est exactement ce que je dis. Le gouvernement fédéral n'a pas à s'immiscer là-dedans.

L'hon. Sheila Finestone: Je regrette, mais je n'ai pas dit cela. J'ai dit

[Traduction]

«fédéral-provincial-territorial». Monsieur Marceau, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit.

[Français]

M. Richard Marceau: Madame la présidente, je suis fatigué de cela. Cela n'arrivera pas une autre fois.

L'hon. Sheila Finestone: Je suis fatiguée de vous entendre mentir.

M. Richard Marceau: Madame la présidente, je dis qu'un travail doit être fait auprès des provinces. Je pense cependant que vous frappez à la mauvaise porte.

Je pense que l'administration de la justice et les droits des victimes doivent être adaptés à chaque situation et à chaque province, et je crois sincèrement que le système n'est pas parfait. Même si c'est beau sur papier, ce ne l'est peut-être pas en réalité.

Vous commencez jeudi prochain à Queen's Park, et je pense que cela doit être fait auprès de chaque province. Mais ce n'est pas en demandant au gouvernement fédéral de s'ingérer dans des champs de juridiction qui ne sont pas les siens que vous allez améliorer la situation des victimes.

On devrait poser des gestes concrets et faire des demandes plus spécifiques au lieu de reprendre dans un document ce que plusieurs provinces ont déjà, ou du moins ce que le Québec a déjà. C'était le point que je voulais faire ressortir, madame la présidente.

[Traduction]

La présidente: Merci.

Avez-vous des commentaires?

Mme Joanne Jarvis: Si vous me le permettez, je ne crois pas que je pourrais jamais, en toute conscience, expliquer au téléphone à une victime de l'Ontario que parce que son fils a été tué par un conducteur en état d'ébriété, et que le fils de quelqu'un d'autre a été tué par un conducteur en état d'ébriété en Alberta, elles ne peuvent être traitées de la même façon, puisque cela relève de la compétence provinciale. Je reviens à ce que nous disions: le gouvernement fédéral est le seul gouvernement qui puisse imposer une norme nationale; les provinces ne le peuvent pas. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici et demandons ce que nous demandons.

La présidente: Merci.

Monsieur Bryden.

M. John Bryden (Wentworth—Burlington, Lib.): Merci, madame la présidente.

Je ne suis pas membre du comité, mais il peut être utile pour le comité et pour le grand public de se renseigner un peu sur les organisations qui comparaissent, et c'est pourquoi j'aimerais poser quelques questions sur l'organisation elle-même.

Je sais que vous êtes un organisme à but non lucratif et que vous avez adopté le nom et certains des principes d'une organisation américaine. C'est bien cela? C'est bien MADD U.S.?

Mme Susan MacAskill: Oui.

M. John Bryden: Merci.

Puis-je vous demander ce que vous considérez être votre principale activité de bienfaisance?

Mme Susan MacAskill: Nous avons un énoncé de mission qui consiste à mettre fin à la conduite en état d'ébriété et à offrir des services aux victimes de ce crime violent.

M. John Bryden: Pouvez-vous faire une distinction entre vos priorités? Est-ce que vous donnez la priorité aux services aux victimes ou à la lutte contre la conduite en état d'ébriété?

Mme Susan MacAskill: Nous insistons sur les deux. Nous faisons beaucoup pour informer, pour sensibiliser, pour prendre contact avec nos députés afin de tout essayer pour réduire le problème de la conduite en état d'ébriété.

Je crois que c'est avant que vous arriviez dans la salle que nous avons dit dans notre déclaration liminaire que nous avons un plan stratégique et que nous avons établi des stratégies spécifiques pour parvenir à une réduction du nombre de décès quotidiens au Canada d'ici à l'an 2000, puis d'ici à l'an 2003. L'objectif est de réduire de moitié le nombre de décès actuel, qui est de 4,5 personnes par jour.

M. John Bryden: Je comprends. J'aimerais parler maintenant du genre d'activités de bienfaisance que vous menez. Votre propre bilan financier indique que seulement 10 p. 100 de vos revenus sont consacrés aux services aux victimes et aux services qu'offrent les sections. J'imagine que ces services qu'offrent vos sections, ce se sont des services aux victimes au niveau de la section.

Mme Susan MacAskill: Oui.

M. John Bryden: Ce qui signifie, selon votre propre tableau, que 88,4 p. 100 de vos dépenses sont consacrées à la sensibilisation publique, aux demandes de fonds et à l'éducation. J'imagine que la sensibilisation publique, à laquelle vous avez consacré 1,5 million de dollars, ce sont ces belles annonces que je vois à la télévision. La sensibilisation publique, c'est de la publicité, n'est-ce pas?

Mme Susan MacAskill: En partie. La sensibilisation publique prend plusieurs formes. Nous faisons de la promotion au niveau des écoles secondaires dans tout le pays. Nous avons un programme que nous offrons, là où nous encourageons la conduite sécuritaire, aux finissants des écoles secondaires. Et pour réaliser notre mandat, les sections locales encouragent la sécurité routière de concert avec les services de police et d'autres organismes.

• 1115

M. John Bryden: Mais vous savez, n'est-ce pas, que Revenu Canada a des règles strictes pour ce qui constitue des activités de bienfaisance et ce qui n'en est pas?

Et je remarque que dans votre formulaire T-3010 de 1996, vous affirmez que 96 p. 100 de vos recettes sont consacrées à des activités de bienfaisance. Comme vous le savez, Revenu Canada a une règle de 80 p. 100: un organisme de bienfaisance ne peut consacrer que 20 p. 100 de ses revenus à des activités qui ne sont pas des activités de bienfaisance. Vous affirmez que c'est presque 98 p. 100 dans votre cas, en fait, mais votre déclaration de 1997 dit clairement que vous consacrez 30 p. 100 de vos revenus, à tout le moins, aux activités de demandes de fonds. Et pour ce qui est des 1,5 million de dollars que vous consacrez à la sensibilisation publique et à l'éducation, j'imagine que vous entendez par «éducation» le programme de sensibilisation dans les écoles. Selon mes calculs, même en étant le plus charitable possible, c'est peut-être 15 p. 100 du total de vos revenus que vous consacrez en fait aux activités de bienfaisance.

La présidente: Je vous arrête, monsieur Bryden.

M. John Bryden: Le reste, c'est...

La présidente: Je vous arrête. Un instant, s'il vous plaît. Veuillez vous reporter à l'ordre du jour.

M. John Bryden: Oui?

La présidente: Il est dit que, conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous étudions le rôle des victimes dans le système de justice pénale. Je sais fort bien que cette question vous intéresse, mais ces personnes ne sont pas venues ici pour répondre à des questions concernant le fonctionnement interne de leur organisation. Elles nous ont fourni des informations que j'ai été surprise de trouver aujourd'hui en ce qui concerne leurs revenus et leurs dépenses.

Mais je dois vous rappeler, en ma qualité de membre du comité et de présidente du comité—et des collègues du comité me jettent des regards étranges—que toute notre attention porte sur un projet très important, et je ne crois pas que notre comité s'intéresse à cette question aujourd'hui. Je ne dis pas que cette question qui vous intéresse n'est pas valide ou que nous ne devons pas regarder de ce côté, mais nous devons vraiment nous en tenir à notre ordre du jour.

M. John Bryden: Me permettez-vous de conclure? Non pas par une observation, parce que ce ne serait pas équitable, à mon avis... Je suis censé poser des questions, et non pas faire des déclarations. Je vous en saurais gré.

La présidente: Allez-y.

M. John Bryden: Je tiens seulement à faire valoir que le but premier de cette organisation, abstraction faite de tout ce que je viens de dire, est exprimé justement dans la déclaration que vous venez de faire, qui fait maintenant partie du procès-verbal. Étant donné que l'organisation nous a remis un bilan faisant état de ses dépenses et de ses revenus, mes observations sont fondées sur le document qu'on nous a remis.

J'imagine que cela décrit fidèlement l'organisation telle que vous la voyez, qui est essentiellement une organisation d'éducation et de défense des droits, et non pas une organisation fournissant des services aux victimes. Est-ce exact?

Mme Susan MacAskill: Non. La moitié de notre mandat a trait aux services aux victimes, et nous disons très clairement que c'est extrêmement important pour notre organisation. Il y a beaucoup de gens qui deviennent membres de MADD Canada parce qu'ils ont été victimes de la conduite en état d'ébriété. Il est extrêmement important de garder cela à l'esprit.

M. John Bryden: Donc vos dépenses ne reflètent pas la mission, l'objectif de votre organisation. Est-ce exact?

Mme Susan MacAskill: Je ne suis pas sûre de bien comprendre votre question. Si vous voulez que je vous dise que nous venons en aide financièrement à nos victimes... Est-ce la question que vous me posez?

M. John Bryden: Non. Votre énoncé de mission... Votre bilan des dépenses est censé intéresser notre comité, étant donné que vous le lui avez remis ce matin, et il montre que vous consacrez presque tout votre argent à la défense des droits des victimes, à la sensibilisation publique, à l'éducation et aux demandes de fonds.

Et, madame la présidente, je crois qu'il est dans l'intérêt public de savoir comment cette organisation demande des fonds.

La présidente: Monsieur Bryden...

M. John Bryden: C'est autre chose.

La présidente: ...je crois seulement...

M. John Bryden: Ça va, madame la présidente.

La présidente: ...que nous n'invitons pas des gens ici pour leur tendre un piège. Je vous ai donné une certaine liberté...

M. John Bryden: Ce n'était pas un piège.

La présidente: ...mais je pense que nous devons nous en tenir à notre ordre du jour.

Une voix: Je considère que c'était un piège.

M. Andrew Telegdi: Madame la présidente...

M. John Bryden: Non. Il s'agit d'un document public...

La présidente: À l'ordre, s'il vous plaît.

Allez-y, monsieur Telegdi.

M. Andrew Telegdi: Madame la présidente, j'invoque le Règlement; il me semble que mon collègue met en doute l'aspect bienfaisance de la sensibilisation publique, ou de l'éducation, quant à cela, et je ne crois pas qu'il y a quoi que ce soit dans la loi qui va à l'encontre de cela. Ces réclames télévisées s'inscrivent dans les annonces de services publics. Elles servent à sensibiliser les gens, et on espère qu'elles feront diminuer le nombre de victimes. Je crois que cela doit être dit. Il ne s'agit pas d'une activité partisane.

La présidente: Merci, monsieur Telegdi.

M. John Bryden: Vous avez parfaitement raison.

La présidente: Monsieur Maloney.

M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.): Merci, madame la présidente.

• 1120

J'ai lu votre résumé des principaux points de discussion de votre mémoire. C'est de cela que je veux parler. Vous disiez qu'il n'existe pas de définition nationale, uniforme, du terme «victime». Avez-vous une définition à nous proposer?

Mme Joanne Jarvis: Je crois qu'il y en a une dans le modèle que nous proposons.

Mme Susan MacAskill: Lorsque nous sommes venues sur la colline en avril, nous vous avons proposé un modèle de déclaration des droits de la victime que nous vous demandions d'introduire dans le Code criminel. À la page 6 de ce document, article 2.3, «Définition de la victime», les paragraphes a) et b) définissent clairement qui, selon notre organisation, doit être considéré comme une victime.

M. John Maloney: Merci.

Je veux aussi que vous me disiez si vous êtes pour ou contre la création d'un bureau national pour les droits des victimes. Quelle est votre position à ce sujet?

Mme Joanne Jarvis: Encore là, comme je l'ai dit plus tôt, nous ne savons pas au juste ce que sera la fonction de ce bureau. Est-ce qu'il doit être modelé sur le bureau des victimes des États-Unis... Il s'agit ici essentiellement d'un organisme subventionnaire. Cet organisme dispose d'un fonds pour les victimes de crimes qui est alimenté par l'argent que l'on perçoit des auteurs d'infractions fédérales—il ne s'agit pas de l'argent des impôts, mais de l'argent provenant des amendes—et ces fonds sont répartis entre les groupes qui offrent des services innovateurs aux victimes.

Par exemple, je sais que MADD U.S. s'est servie de l'argent qu'elle a reçu de ce bureau pour financer la formation des agents de police qui doivent annoncer les décès aux familles, et nous croyons fermement d'ailleurs à ce sujet que c'est une chose absolument nécessaire chez nous. Le bureau finance aussi des comités qui se chargent d'étudier les effets du crime sur les victimes, par exemple. Ce bureau n'est pas une organisation vouée aux victimes en tant que telles, il finance surtout les activités d'autres groupes.

M. John Maloney: Êtes-vous également favorables à la création d'un poste de protecteur national? Cela compléterait ce que vous pourriez obtenir d'un bureau national.

Mme Joanne Jarvis: La fonction d'un protecteur aurait certainement... À l'heure actuelle, si l'on en juge d'après les lois des provinces, les victimes n'ont aucun recours. Il n'y a pas d'endroit où elles peuvent se plaindre et se faire entendre. Elles s'adressent normalement à des organisations comme la nôtre lorsqu'elles sont au bout de leur rouleau, lorsqu'elles sont épuisées et ne savent plus à qui s'adresser. Si l'on crée ce poste de protecteur, celui-ci, tout comme l'agent du Service correctionnel pour les délinquants, aurait les moyens de faire enquête, de faire des recommandations et d'entendre les victimes qui jugent qu'on a violé leurs droits ou qu'on n'en a tenu aucun compte.

M. John Maloney: Vous dites en dernier lieu dans votre résumé qu'une seule province protège les victimes de toute pénalité que pourraient imposer les employeurs. C'est le cas de la Colombie-Britannique. Je connais le cas de la Colombie-Britannique, mais je ne sais pas très bien comment on applique cette disposition de la loi. Pouvez-vous m'éclairer?

Mme Joanne Jarvis: Si je comprends bien, la Colombie-Britannique est la seule province du Canada qui interdit aux employeurs de pénaliser les victimes si celles-ci doivent se présenter au tribunal et si elles doivent rencontrer le procureur de la Couronne. D'ailleurs, la province impose une amende à l'employeur qui pénalise la victime obligée de prendre congé pour se présenter au tribunal ou chez le procureur.

Il y a des victimes qui nous téléphonent, et parce que les choses prennent tellement de temps... Comme l'a dit Mme Finestone, les choses peuvent traîner pendant des années. Il y a des employeurs qui sont très généreux pour ce qui est des congés qu'ils donnent aux victimes et il y en a d'autres qui ne le sont pas. Donc, lorsque ces victimes doivent assister à des rencontres importantes et qu'elles n'ont pas le droit de prendre congé, les employeurs peuvent les obliger à se présenter au travail. On a déterminé que la Colombie-Britannique était la seule province qui offrait cette protection aux victimes.

M. John Maloney: Est-ce qu'on oblige l'employeur à verser le salaire normal à la victime?

Mme Joanne Jarvis: Pardon?

M. John Maloney: Est-ce que la loi prévoit aussi la rémunération de la victime, c'est-à-dire que l'employeur est obligé de lui verser son salaire tous les jours?

Mme Joanne Jarvis: Je crois que oui, mais je ne suis pas sûre de ce détail.

Mme Susan McNab: J'aimerais ajouter quelque chose ici, John. Au cours des trois dernières années et demie, dans les processus où j'étais présente—il est dommage que vous n'ayez pas été ici plus tôt pour en entendre parler—au début, le procès criminel lui-même était un processus qui s'étendait sur 20 jours. Les audiences disciplinaires exigeaient 42 jours d'audience. Si l'on ajoute à cela les commissions d'enquête et les autres aspects, j'ai dû prendre un long congé après la mort tragique de mon fils. Je n'étais pas payée pour cela, à moins de travailler et de reprendre mon temps la fin de semaine, etc. Et à cette époque je ne pouvais pas me permettre cette perte de salaire; alors j'ai fait tout le temps supplémentaire voulu.

• 1125

Je pensais que c'était équitable. À tout le moins mon employeur me permettait de faire cela. Cependant, c'est aussi ce qui m'a causé des difficultés plus tard, non pas sur le plan financier, mais sur le plan physique et mental à cause de la douleur psychologique que j'ai subie au cours de tous ces processus. Enfin, au bout d'un certain temps, tout s'effondre. J'ai dû faire appel à de l'aide extérieure; c'est pourquoi j'ai été obligée de payer pour obtenir des services psychiatriques et des services de santé aussi.

Tout cela ne fait que se multiplier. Le travail n'en est qu'un aspect. Il faut tenir compte de tout le processus.

M. John Maloney: Pardonnez-moi si je n'étais pas ici...

Mme Susan McNab: Ça va.

M. John Maloney: ...au début de votre exposé. Mes collègues et moi-même devions être à la Chambre.

Mme Susan McNab: C'est ce qu'on nous a dit.

M. John Maloney: On ne peut pas faire respecter les droits des victimes. Il peut y avoir entre 50 et 80 causes au rôle de la cour provinciale pendant une journée normale. Si malheureusement—et vous donnez ici d'excellents conseils sur la façon dont il faut traiter les victimes pendant le processus judiciaire—le procureur de la Couronne ou le bureau du service de police chargé des services aux victimes oublie d'informer la victime d'une certaine procédure en chemin, êtes-vous d'avis qu'il faudra pénaliser le bureau du procureur de la Couronne ou le service de police qui ne respecteront pas les règles que nous allons adopter?

Mme Susan McNab: Je vais répondre brièvement et ensuite céder la parole à Joanne, parce que c'est son domaine à elle.

Je tiens seulement à mentionner que tout au long du processus judiciaire provincial que j'ai vécu—et cela ne répond pas peut-être tout à fait à votre question—il y avait plusieurs processus vers lesquels nous pouvions nous tourner et dont nous ignorions l'existence. Il y avait entre autres une chose qui n'existe plus en Ontario, qui était la Commission des plaintes contre la police. Et il y avait le bureau des services aux victimes, qui se trouvait au palais de Justice. Ce n'est que lorsque nous nous sommes présentés au palais de Justice pour assister au procès criminel que j'ai appris qu'il existait un bureau chargé des services aux victimes.

Ça commence dès le début, lorsque l'agent de police vient vous dire que votre enfant a été tué par un conducteur aux facultés affaiblies, qu'il a été assassiné, ou quelque chose de ce genre. Il faut que ces gens apprennent à nous donner des informations au départ, et il faut qu'ils aient le droit de nous donner des informations... Et c'est comme ça jusqu'à la fin. Personne ne vous donne ces informations. Je n'ai jamais songé à intenter des poursuites contre le gouvernement; je me suis contentée de lui écrire pour dire: écoutez, s'il vous plaît, ouvrez-vous les yeux, écoutez et voyez les problèmes que les victimes ont.

Je vais laisser à Joanne le soin de continuer.

Mme Joanne Jarvis: Cela nous ramène à la discussion sur la fonction du protecteur et sur la raison d'être d'une telle institution.

Quand on y songe, à mon avis les victimes ne demandent pas grand-chose. Elles veulent que justice soit rendue. Elles veulent être informées et elles veulent participer, et elles veulent comprendre ce qui se passe et pourquoi. Elles n'exigent pas vengeance et elles ne veulent pas se substituer au processus judiciaire, comme certains le croient.

Je pense que si l'on porte plainte contre le procureur de la Couronne, par exemple, qui n'a pas fourni à la victime les informations auxquelles elle a droit, il devrait y avoir en place un processus et des procédures pour traiter une telle plainte. S'il s'agit d'une mesure visant le procureur de la Couronne, je ne suis pas sûre... Mais si l'on en croit les lois qui existent aujourd'hui dans les provinces, les victimes n'ont aucun recours. Il n'arrive rien si on ne les écoute pas, les textes de loi ne s'engagent à rien, etc., comme nous l'avons dit.

Donc, si l'on avait un protecteur des victimes en place, par exemple, ce serait un bon début, parce que les victimes sauraient qu'elles peuvent s'adresser à quelqu'un qui saura les écouter.

M. John Maloney: Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci, John.

Monsieur McKay, suivi de M. DeVillers.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Merci, madame la présidente.

• 1130

Je veux m'en tenir à cette même question, parce qu'il est évident que des droits sans recours ne veulent rien dire. J'aimerais discuter de votre définition, parce que c'est une définition assez large de ce qui constitue une victime. Voici les lignes directrices que vous proposez, et vous incluez ici les gens qui pourraient souffrir sur le plan psychologique, émotif, financier ou physique d'une perte de biens ou de dommages parce qu'on a violé leurs droits, etc. Je veux savoir comment vous entrevoyez le fonctionnement du système, parce que vous dites, dans votre texte du paragraphe 2.2, que les victimes doivent être informées de toutes les procédures, que les victimes ont le droit d'être présentes, etc., ainsi de suite, et qu'il faut donner aux victimes des copies de tous les documents.

Donc, si je suis une personne proche de la victime qui a souffert directement—disons que je suis le conjoint—et s'il s'agit d'un événement qui a traumatisé notre famille et que le procureur de la Couronne ne fait pas tout ce qui lui est prescrit au paragraphe 2.2, pensez-vous que j'aurais un recours en droit contre le procureur de la Couronne ou le gouvernement?

Mme Joanne Jarvis: Selon ce que nous avons défini, la définition que nous proposons de la victime, oui, ce serait le cas.

Nous savons que pour chaque victime d'homicide il y a au moins dix personnes qui sont touchées, durement touchées. Je crois donc que nous avons bien défini ce que c'est qu'une victime. Certains diront que nous allons trop loin, mais nous savons que c'est toute la famille qui est ébranlée par la mort d'une personne. Tout le monde est touché. Tout le monde est en deuil, et le deuil peut être aggravé.

M. John McKay: Permettez-moi d'aller un peu plus loin. Si je suis le frère ou l'enfant de la victime, ou si je suis le voisin qui a trouvé la personne baignant dans une marre de sang, ou peu importe, et que cette situation m'a touché, ai-je le droit de recevoir tous ces avis que vous énumérez au paragraphe 2.2?

Mme Joanne Jarvis: Je pense que quiconque doit signifier ces avis... Si l'on décide que la police a pour rôle de signifier ces avis, elle a alors la responsabilité de rechercher les victimes qui ont exprimé un intérêt et qui veulent être contactées.

M. John McKay: Ce qui me préoccupe, c'est de savoir si, au moment où commencent les procédures, disons, la police ou une entité quelconque, le procureur de la Couronne ou la police, ou peu importe, aura l'obligation de définir qui sont les victimes dans le cadre de ce crime en particulier?

Mme Joanne Jarvis: À mon avis, cela nous ramène au désir que nous avons exprimé d'avoir une norme nationale et une définition nationale du terme «victime». Dans certaines provinces, il appartient au comité des services aux victimes de décider qui est une victime au sens de la loi; je crois donc que si l'on établissait une norme nationale et s'il existait un niveau minimum quelconque pour définir qui est une victime, les provinces pourraient alors aller plus loin si elles le désiraient; tout dépendrait d'elles.

M. John McKay: Est-ce que vous incluriez une compagnie d'assurance parmi les victimes, par exemple, qui aurait «subi des dommages à la propriété», à cause des dommages commis dans le cas de ce crime? La compagnie d'assurance compterait-elle parmi les victimes?

Mme Joanne Jarvis: Je ne peux pas répondre à cette question.

M. John McKay: Qu'en serait-il de votre employeur? Disons que votre employeur est très généreux, qu'il vous donne congé dans des limites «raisonnables», et qu'il essaie d'aider l'employé qui vit ce traumatisme. Compterait-il parmi les victimes?

Mme Joanne Jarvis: Encore là, je ne peux pas répondre à cette question.

M. John McKay: D'accord. Le problème, c'est que lorsqu'on crée une loi, il faut avoir des définitions pas mal précises.

• 1135

À première vue, je réagis positivement, comme tout être humain, à la définition que vous donnez de la «victime». Mais si l'on continue d'élargir cette définition, on va créer un si grand nombre de victimes potentielles qu'on pourrait fort bien se retrouver avec la «loi de Murphy sur les réalités inversées», à tel point que vous pourriez en fait vous jouer un tour. Est-ce que cela vous dit quelque chose?

Mme Susan McNab: Me permettez-vous de dire quelques mots à ce sujet? Je pense qu'on exagère un peu ici. D'accord? Pour en revenir à la victime et à la question de savoir qui doit recevoir les informations et tout le reste, on pourrait dire aussi que le policier, le pompier, ou vous-même qui avez trouvé le ou les corps, êtes une victime, mais vous êtes une sorte de victime extérieure. Essentiellement, les victimes dont nous parlons ici, c'est la famille immédiate ou les personnes qui avaient la charge de la personne décédée.

M. John McKay: Je m'en tiens à votre définition. Vous dites que c'est toute personne qui est touchée sur le plan psychologique ou émotif.

Mme Susan McNab: Oui.

M. John McKay: Vous savez, on a entendu parler d'agents de police qui ont dû prendre congé parce que...

Mme Susan McNab: J'imagine que c'est un domaine où nous aurions dû être plus précis. Excellente observation. Chose certaine, en vous demandant d'adopter cette déclaration où cette charte nationale des droits de la victime—c'est essentiellement la société qui vous demande de l'ériger en loi—nous savons que vous allez clarifier tout cela pour nous.

M. John McKay: Non, merci.

J'ai une dernière question. Elle porte également sur la définition de la victime. C'est une clarification que je veux; je veux savoir ce que vous voulez dire ici:

    La définition de «victime» ne tient pas au fait que le délinquant ait été identifié, appréhendé, poursuivi en justice ou accusé.

À mon avis, cela veut dire que votre définition de la «victime» peut inclure une victime en l'absence d'un crime, ou vous pouvez avoir le résultat d'un crime, mais son auteur n'a pas été identifié. Est-ce bien cela? Est-ce que...

Mme Joanne Jarvis: Prenez le cas d'un délit de fuite, d'un accident causé par une personne en état d'ébriété; il est évident qu'il y a eu crime et victime.

M. John McKay: Mais personne n'a été inculpé.

Mme Joanne Jarvis: Mais sans inculpation ni identification, la victime aurait le droit de savoir s'il y a un suspect et aurait le droit d'être informée de toute procédure en cour. Il s'agirait bien évidemment d'un incident impliquant une victime, mais sans contrevenant identifié.

M. John McKay: En fait, vous demandez le droit pour les victimes d'être partie prenante à l'enquête policière.

Mme Joanne Jarvis: Nous demandons le droit pour les victimes d'être partie prenante à toute la procédure. Je parle tous les jours à des gens qui se battent avec la police, qui n'arrivent pas à être renseignés en aucune façon avec respect et dignité et qui ensuite doivent se battre avec les procureurs et les agents de probation. Tout le long de la procédure, ce n'est que frustration après frustration.

M. John McKay: Est-ce que ces droits concernent ceux que mécontentent le temps ou les ressources consacrés par la police à l'accident, à ce délit de fuite, pour reprendre notre exemple?

Mme Joanne Jarvis: S'ils sont mécontents, c'est parce qu'ils n'ont pas accès aux dossiers qu'ils ont tout à fait le droit de consulter et parce qu'on ne les rappelle pas quand ils appellent. Ce peut être aussi simple que cela. Je ne crois pas que leur mécontentement soit simplement général; ce qui les mécontente, c'est qu'on ne tienne pas compte d'eux.

M. John McKay: La victime devrait-elle prendre connaissance de la liste de suspects établie par les policiers? C'est ce que vous demandez? Je m'excuse de vous mettre un peu au pied du mur, mais je voudrais exactement savoir à partir d'où, d'après vous, doit commencer et jusqu'où doit aller la participation de la victime à la procédure.

Reprenons votre exemple du délit de fuite. Disons que la police a fait son enquête préliminaire et qu'elle a établi une liste de suspects.

Mme Joanne Jarvis: D'accord.

M. John McKay: La victime devrait-elle en être informée?

Mme Joanne Jarvis: Je crois que la victime devrait savoir qu'il y a une liste de suspects. Je crois que la victime devrait savoir où en est l'enquête. Oui, ils ont un suspect. Oui, ils ont plusieurs suspects. Non, ils ne savent pas qui conduisait la voiture. Lorsqu'ils le sauront, ils vous contacteront par écrit. Si vous n'avez pas de nouvelles d'ici cette date, sachez que leur prochain service reprend jeudi à 15 heures.

• 1140

Cela me ramène à ce que je disais tout à l'heure: les victimes ne réclament pas grand-chose, mais lorsqu'elles sont tenues dans l'ignorance et ne comprennent pas la procédure... Elles ne veulent pas faire le travail de qui que ce soit d'ailleurs, elles ne veulent pas avoir la responsabilité de décider du châtiment.

M. John McKay: Mais c'est de la création de droits juridiques qu'il s'agit ici. Nous créons des droits qui auront des conséquences au niveau de la loi.

Mme Joanne Jarvis: Bien sûr.

M. John McKay: Disons qu'il y a un agent de police qui après trois mois d'enquête n'a pratiquement plus de ressources. Il pourrait très bien dire qu'il vous a déjà dit plus de cent fois qu'ils ont une liste de suspects. Ou bien éliminer les suspects les uns après les autres prend du temps, ou bien ils ont décidé que cette enquête n'était pas prioritaire. En donnant ce genre d'explications à la victime, engage-t-il la responsabilité de ses supérieurs, de l'administration municipale ou de tout palier de gouvernement?

Mme Joanne Jarvis: C'est une question de principe, encore une fois. S'il a traité les victimes avec respect et leur a dit tout ce qu'il était autorisé à leur dire sur l'enquête sans porter atteinte aux droits des accusés, les victimes, en fait, n'en demandent pas plus. Si elles estiment avoir été traitées correctement, avoir obtenu les renseignements qu'elles demandaient, être informées de l'évolution de l'enquête, je crois que d'une manière générale cela les satisfait, et elles ne se sentent pas re-victimisées par un système qu'elles estiment censé être là pour les protéger.

M. John McKay: La question fondamentale demeure, cependant: est-ce que cela leur donne un droit de poursuite?

Mme Joanne Jarvis: Je crois qu'un recours est nécessaire s'il est porté atteinte à leurs endroits, tout comme il existe un recours lorsqu'il est porté atteinte aux droits de l'accusé. Je ne dis pas qu'il devrait être le même. Je ne suis pas juriste, mais je crois...

M. John McKay: Mais vous réclamez la création de droits.

Mme Joanne Jarvis: Oui.

M. John McKay: Toute création de droits doit être accompagnée de recours.

Mme Joanne Jarvis: Oui.

M. John McKay: Il faut être très précis quant à ce que vous réclamez exactement.

Merci.

La présidente: Allez-y, Susan.

Mme Susan MacAskill: Monsieur McKay, si nous sommes ici, c'est principalement pour insister sur l'importance d'avoir une norme minimum sur le plan fédéral. D'une région à l'autre du pays, pour le même crime, les droits des victimes ne sont pas considérés de la même manière.

M. John McKay: Oui.

Mme Susan MacAskill: Je suis de la Nouvelle-Écosse, de la vallée de l'Annapolis. Voici l'expérience que j'y ai vécue en 1993.

Mon père a été renversé par un chauffeur en état d'ébriété dans la vallée de Wentworth, dans le comté de Cumberland. Il est resté pendant 10 jours dans le coma avant que notre famille ne donne la permission à l'équipe médicale de mettre fin à son maintien en survie artificielle. Nous avons donc pris la décision de mettre fin à sa vie.

Six mois plus tôt, j'avais terminé un cours de formation particulier édicté par le ministère de la Justice pour la province de la Nouvelle-Écosse. Il s'agissait d'un cours de formation au soutien des victimes, sur les services aux victimes, offert par la Gendarmerie royale. Je venais juste de terminer cette formation quand notre famille a vécu cette expérience.

Quand nous avons commencé à nous poser des questions sur l'enquête et sur la procédure, j'ai demandé à la police si je pouvais voir les procès-verbaux. Je leur ai demandé de me dire ce qu'ils pouvaient faire, s'ils pouvaient m'emmener sur le lieu de l'accident, procéder à une reconstitution, me dire quels étaient les chefs d'inculpation, et me dire quelles procédures criminelles seraient entreprises. Ils ont répondu à toutes mes questions.

Quand j'ai demandé ce qui allait arriver à la personne qui était responsable de la mort de mon père, on m'a répondu que mon père était mort et qu'il n'y avait pas de chef d'accusation pour conduite avec facultés affaiblies. Mon père est mort, mais cette personne est... Il y avait plusieurs chefs concernant la loi sur les véhicules à moteur et un certain nombre d'autres choses.

La gendarme chargée de l'enquête, de la manière la plus douce qu'elle l'a pu, m'a regardée droit dans les yeux et m'a dit qu'il fallait que je comprenne que ce n'était pas moi la victime, que c'était mon père. C'est ça le problème.

M. John McKay: C'est évident.

Mme Susan MacAskill: Donc, si nous vous proposons une définition, un modèle, c'est parce que nous voulons que les droits de ceux qui sont directement touchés soient pris en considération. Dans de nombreuses provinces, la loi dit que nous avons le droit de savoir. Oui, nous avons le droit d'être informés. Oui, nous avons ce droit. Mais si nous ne nous en réclamons pas, personne n'a la responsabilité de tenir la victime au courant de la procédure. C'est ce que nous réclamons.

Vous avez parlé des compagnies d'assurances et des employeurs. J'avais une compagnie d'assurances qui représentait mes intérêts. C'est pour ça que je paie une prime. Que cette proposition les touche ou non, ce n'est pas la raison de notre présence ici aujourd'hui. Si mon employeur est touché par cette proposition, il verse des compensations au gouvernement, ce genre de choses. Ce n'est pas personnel; pour les victimes c'est personnel. Nous réclamons pour ceux dont les droits ont été violés la même considération personnelle pour leurs besoins que les accusés et les contrevenants.

• 1145

M. John McKay: Vous et moi avons peut-être aujourd'hui une excellente idée de ce que nous entendons par victime. Il faut l'écrire noir sur blanc. Cela fait trop longtemps que je fréquente les tribunaux pour savoir qu'une définition finit inévitablement par enfler...

La présidente: Ou rétrécir.

M. John McKay: ... ou rétrécir—cela peut aller dans un sens ou dans l'autre—et nous faisons courir le risque d'obtenir exactement le contraire de ce que nous souhaitons, à savoir la participation des victimes à la procédure. C'est la raison pour laquelle j'insiste tellement sur cette définition. Il est excessivement important que notre comité sache exactement ce que vous entendez par «victime» pour en lever toute ambiguïté.

Merci.

La présidente: Monsieur DeVillers

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Merci, madame la présidente.

Je vois un problème au niveau de l'application de ces normes nationales que vous recommandez. Nous en avons eu l'exemple ici aujourd'hui avec le député du Bloc. Le Bloc, cependant, n'est pas le seul parti auquel des normes nationales posent des problèmes. Il y a des provinces auxquelles cela pose des problèmes et qui protègent jalousement leur sphère de compétence.

Il s'agit en l'occurrence d'un problème d'administration de la justice pénale, qui relève du niveau provincial. Nombre des services sociaux réclamés par les victimes sont la responsabilité des provinces. Je crois énormément aux normes nationales dans beaucoup de domaines, mais ce qu'il nous faut savoir, c'est si nous pouvons les faire appliquer.

Votre organisme a-t-il réfléchi aux moyens qui pourraient être mis en oeuvre pour assurer le respect de ces normes nationales? Lorsque cette déclaration des droits des victimes aura été adoptée sur le plan national, il faudra que le gouvernement fédéral veille à ce que les provinces y adhèrent. Il y a des dispositions dans la Loi canadienne sur la santé qui permettent au gouvernement fédéral d'imposer des normes nationales. Avez-vous réfléchi à la question?

Mme Joanne Jarvis: Très brièvement, notre idée d'un ombudsman fédéral et d'un ombudsman dans chaque province serait déjà un bon début qui permettrait aux victimes de contacter ces gens pour qu'ils les aident.

M. Paul DeVillers: Mais quel pouvoir aura cet ombudsman fédéral? Il appellera les provinces et leur dira qu'elles n'offrent pas des services sociaux dignes de ce nom aux victimes? Elles lui répondront d'aller se faire voir.

Mme Joanne Jarvis: Mais si le gouvernement fédéral établit une norme nationale, l'ombudsman fédéral aura alors pour responsabilité de s'assurer que cette norme est respectée par chaque province.

M. Paul DeVillers: Mais le problème de la compétence naîtra lorsque les provinces diront: «C'est nous qui administrons ces services sociaux, et non pas le gouvernement fédéral; nous ne voulons pas qu'un ombudsman fédéral vienne nous dire comment gérer nos affaires.» Nous avons eu la démonstration de cette attitude aujourd'hui. Je crois qu'il y a beaucoup d'autres provinces et d'entités politiques dans ce pays qui ne sont peut-être pas sur la même longueur d'onde que le Bloc, mais qui partagent certains de ses points de vue.

Mme Joanne Jarvis: Je crois que c'est analogue au Code criminel. Les provinces ont la responsabilité de l'appliquer et de fournir les ressources nécessaires. C'est une obligation qu'elles ont contractée envers le gouvernement fédéral. Une sorte de code judiciaire pour les victimes fonctionnerait d'une manière analogue.

M. Paul DeVillers: Très bien. Merci.

La présidente: Monsieur Lee.

M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Votre exposé était excellent. Il fait le tour de la question vue sous toutes sortes d'angles. Je m'excuse, mais ce sont les détails techniques qui m'intéressent le plus.

Lorsque nous parlons des droits des victimes nous ne parlons pas en réalité de droits juridiques absolus, nous parlons—pour reprendre vos termes ou les termes utilisés tout à l'heure—d'une série de normes; vous êtes d'accord? Si le Parlement devait édicter un droit, ce serait un droit absolu, inaltérable; d'accord? Il ne s'agit pas d'élaborer toute une série de nouveaux droits pour les Canadiens, mais une série de normes. Êtes-vous d'accord avec ma représentation de l'objectif recherché, ou nous dites-vous en réalité que MADD veut que des droits réels, juridiques, inaltérables et inaliénables soient accordés aux victimes? Avez-vous réfléchi à la question?

• 1150

Mme Joanne Jarvis: Nous réclamons des droits. Ce que nous avons maintenant dans les différentes provinces a été rappelé: les victimes devraient avoir un accès, ou sous réserve de limites des ressources, les victimes devraient avoir au moins ça. Nous savons qu'elles n'ont même pas cet accès et c'est très frustrant. Nous demandons en conséquence au gouvernement fédéral d'établir une norme de droits des victimes, de dire que les victimes doivent avoir, comme norme, cette série de droits et demander en conséquence aux provinces de les administrer.

M. Derek Lee: D'accord. Les victimes ont besoin d'avoir ces droits. Il n'est pas possible de tergiverser. Soit on doit avoir un droit, soit on ne doit pas l'avoir. Il ne s'agit pas de savoir si on devrait ou non avoir un droit; il s'agit de savoir si on l'a ou si on ne l'a pas. Vous recommandez donc vraiment que des droits explicites soient accordés aux personnes qui relèvent de la catégorie des victimes?

Mme Joanne Jarvis: Exactement.

M. Derek Lee: La lecture de votre document ne me permet pas vraiment d'en être aussi sûr; c'est la raison pour laquelle je vous pose la question. Vous réclamez des normes et vous essayez de codifier des droits, mais je ne crois pas que vous ayez vraiment réfléchi à toutes les ramifications de l'application de ces droits. Je prends cependant acte que vous demandez à notre comité de penser en termes de droits, de droits absolus. Je vous ai compris?

Mme Susan McNab: Oui.

Mme Joanne Jarvis: Oui.

M. Derek Lee: D'accord. Si ce sont des droits, il est essentiel de déterminer leur place car après ce sera trop tard. Vous n'aurez plus le choix. Vous ne pourrez plus choisir, personne d'ailleurs ne pourra plus choisir car ce seront devenus des droits. Et il faudra qu'ils soient suffisamment explicites autrement il sera très difficile de les faire respecter.

Mme Susan McNab: C'est bien ce que nous espérons.

M. Derek Lee: Oui.

Dans notre système de justice actuel, l'administration du droit est devenue très complexe. Autrefois, c'était le shérif qui s'occupait de toutes ces questions, il y a 500 ans, mais aujourd'hui il existe un certain nombre d'acteurs différents qui sont quelque peu compartimentés.

Je sais que vous avez pensé à la victime dans chacune des pièces de cette structure, mais dans votre document vous ne les avez pas organisées de cette manière. Ce n'est pas grave, mais avez-vous réfléchi à une liste explicite de ces droits que nous pourrions qualifier comme étant ceux des victimes dans chacune des cinq catégories que je propose?

Dans la première catégorie, il y a la victime, quelle que soit sa définition, pendant l'enquête criminelle, et à ce niveau c'est la police qui est responsable. Ensuite, vous avez la victime pendant le procès, et à ce niveau c'est le procureur de la Couronne qui est responsable. Ensuite vous avez la victime au moment du prononcé de la peine et c'est un juge qui est responsable. Ensuite vous avez la victime pendant l'application de la peine et le responsable c'est le Service correctionnel. Enfin, dans certains cas, vous avez la victime pendant la phase de la libération conditionnelle et c'est la Commission des libérations conditionnelles qui est responsable.

Pensez-vous que ce que vous avez recommandé prend en compte chacun de ces acteurs ou y en a-t-il certains dans la liste que j'ai mentionnée auxquels nous ne nous sommes peut-être pas suffisamment intéressés pour déterminer si la position de la victime est correctement comprise et protégée—au niveau de chacune de ces cinq catégories: la police, la Couronne, le juge, le Service correctionnel ou la Commission des libérations conditionnelles?

• 1155

Mme Susan MacAskill: Nous proposons un modèle qui reconnaît les droits des victimes dans toutes ces procédures. Nous demandons à ce que leurs droits soient respectés, qu'ils soient uniformes dans tout le pays et qu'il existe une instance à laquelle s'adresser si on estime un recours nécessaire dans le cadre de l'action menée. Nous estimons que dans chacune des catégories que vous mentionnez, notre modèle s'inscrit parfaitement.

M. Derek Lee: Il est évident que l'information est une des faiblesses du système actuel—il y en a peut-être beaucoup d'autres du point de vue de la victime. Généralement la victime connaît très peu la procédure, la loi, et connaît encore moins les intervenants. Quel serait d'après vous le niveau le plus propice pour fournir à la victime les informations qui lui sont nécessaires—au niveau de quelle catégorie? Ou bien, chaque intervenant devrait-il avoir la responsabilité d'informer la victime? Serait-ce au début, à la fin ou au milieu de la procédure?

Mme Susan MacAskill: Il faut que ces informations soient fournies pendant toute la procédure.

Quand je suis devenue victime, on ne m'a pas donné de manuel pour victime, il a donc fallu que je pose mes questions sur la base de ce que m'avait appris ma formation, ce qui m'a donné un avantage sur beaucoup de gens qui n'ont pas cette expérience. Lorsque j'ai demandé au détachement de la Gendarmerie royale dans la juridiction où mon père a été tué s'ils avaient un programme d'aide aux victimes, ils m'ont répondu que non. J'ai donc commencé par créer mon propre programme.

La seule raison pour laquelle j'ai trouvé les renseignements que je cherchais et la seule raison pour laquelle on a répondu à mes questions c'est parce que j'avais suivi cette formation. J'avais la chance de savoir quoi faire, mais beaucoup de gens ne l'ont pas. C'est là que recommence ce cycle de victimisation, il y a non seulement l'acte du contrevenant accusé, mais aussi la participation à la procédure.

Il faut donc que cette information soit fournie à chacune de ces étapes que vous avez mentionnées afin que ceux qui ont la responsabilité de cette partie de la procédure communiquent également à la victime les renseignements dont elle a besoin pour bénéficier du degré maximum de protection.

M. Derek Lee: Si chaque partie a la responsabilité d'informer les victimes à chacune de ces étapes, vous vous retrouvez avec une espèce de segmentation. Il peut même y avoir une certaine redondance quand la police fournit les mêmes informations que le juge à l'étape numéro trois que le Service correctionnel à l'étape numéro 5.

Je sais que le public compte généralement sur le gouvernement pour combler les lacunes de la société, mais y a-t-il une agence ou une instance quelconque que le gouvernement pourrait créer pour combler ce besoin? Pour certains, ce rôle devrait être joué par les parlementaires ou par les bureaux des procureurs de la Couronne ou par l'Armée du Salut, que sais-je. Y a-t-il une agence qui pourrait être créée ou qui existe peut-être déjà et qui pourrait, sur une base continue, fournir les informations—générales et particulières—inhérentes à chacune de ces étapes?

Mme Joanne Jarvis: Dans une certaine mesure les services aux victimes, qu'ils soient la responsabilité de la police ou de la Couronne, font une partie de ce travail. Selon notre expérience, près de 90 p. 100 de ces affaires concernent des actes d'agression sexuelle ou de violence conjugale et on ne peut pas compter sur les organismes bénévoles... Ils n'ont pas les ressources nécessaires pour offrir ce genre de service d'information sur une base continue.

Nous formons nos bénévoles pour qu'ils puissent aider les victimes, mais le problème, encore une fois, c'est que les victimes n'ont pas un droit d'accès à ces informations. Devraient-elles l'avoir? Absolument, et c'est ce que nous essayons d'obtenir pour elles. Chaque fois qu'elles demandent quelque chose on leur répond «vous n'avez pas vraiment besoin de savoir» ou «laissez-nous nous en occuper, ce n'est pas votre problème». C'est ce qu'elles entendent dire tous les jours.

Elles devraient être informées. Le problème c'est qu'elles n'ont pas le droit à cette information et nul ne sait clairement qui est censé donner cette information et sous quelle forme.

La présidente: Merci, Derek.

J'avais juste une question à poser à Susan McNab. Le Centre de résolution des différends d'Ottawa-Carleton doit comparaître devant notre comité cet après-midi sur la même question. Avez-vous eu des contacts avec eux à propos des agents de la police provinciale impliqués dans l'affaire de votre fils?

• 1200

Mme Susan McNab: Non.

La présidente: Très bien.

Susan MacAskill, avez-vous coordonné vos activités avec d'autres groupes comme CAVEAT ou le Centre de ressources des victimes?

Mme Susan MacAskill: À propos des droits des victimes?

La présidente: Oui.

Mme Susan MacAskill: Nous avons ouvert le débat avec d'autres membres qui sont concernés par la question de l'alcool et les droits des victimes en font partie. Il y a eu beaucoup de choses.

Oui, nous sommes prêts à converser avec d'autres organismes qui s'intéressent à cette question. Nous aimerions avoir la direction des opérations, mais il est certain que nous sommes prêts à travailler avec les autres groupes que cela intéresse.

La présidente: Dans l'introduction à votre document, page 4—je ne vous cherche pas querelle, je veux simplement être sûre—vous parlez de modifications apportées à la Loi sur les jeunes contrevenants et au droit d'assister aux audiences de libération conditionnelle.

Savez-vous qu'il n'y a pas de système de libération conditionnelle pour les jeunes contrevenants? Dans l'affirmative, pourquoi avoir ajouté cela?

Mme Susan MacAskill: C'est le modèle proposé?

La présidente: Je suis au paragraphe F, «Modifications à apporter à la Loi sur les jeunes contrevenants». Vous dites, «Encore une fois, toutes les victimes doivent avoir le droit d'assister aux audiences de libération conditionnelle». Il n'y en a pas pour les jeunes contrevenants. Est-ce que vous vouliez dire autre chose ou est-ce que c'est une erreur?

Mme Joanne Jarvis: Il aurait fallu l'inclure au paragraphe E sur les modifications à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

La présidente: Très bien. C'est ce que je me demandais car il n'y a pas de procédure qui prévoit une révision des peines des jeunes contrevenants. Était-ce dans cette optique? Est-ce peut-être la raison?

Mme Joanne Jarvis: Oui, certainement.

La présidente: Merci. C'étaient toutes mes questions.

Chuck, vous aviez un dernier commentaire?

M. Chuck Cadman: Suite aux propos de M. Lee, j'aimerais faire un tout petit commentaire sur mon expérience en Colombie-Britannique. À l'heure actuelle il y a trois niveaux. Nous avons les services aux victimes de la police où pratiquement chaque détachement compte un responsable des services aux victimes. Ensuite il y a les tribunaux avec les services aux victimes de la Couronne dans les plus petites régions doublés par la police. Il y a aussi un coordinateur des services aux victimes qui est mis en place, selon mes renseignements, dans la région du Pacifique où les victimes ont un recours et le moyen de s'adresser au Service correctionnel du Canada à propos de leurs problèmes.

C'était une simple addition à ce que vous avez dit.

La présidente: Vous êtes notre témoin résident.

M. Chuck Cadman: Devrais-je m'asseoir de l'autre côté.

La présidente: Est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît?

Merci beaucoup. Nous vous en savons gré.

Nous faisons une petite pause.

• 1203




• 1207

La présidente: Reprenons nos places. Jack a un argument à nous présenter.

Jack, vous avec trois motions; vous en avez deux et M. Breitkreuz en a une. Elles sont toutes ensemble. C'était votre intention?

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Oui. Je m'en charge.

La présidente: Très bien, allez-y.

M. Jack Ramsay: Si je peux commencer par la première, elle propose qu'en vertu de l'article 18 de la Loi constitutionnelle, de l'article 4 de la Loi sur le Parlement du Canada et de l'alinéa 108(1)a) du Règlement, le comité convoque la ministre de la Justice et les hauts fonctionnaires de ce ministère pour discuter des incohérences dans les coûts liés au bureau d'enregistrement des armes à feu.

Si je pouvais commencer par celle-là, le lundi 20 avril 1998, lors d'une réunion du Comité de la justice, un membre de ce comité a posé des questions à la ministre sur le coût de l'enregistrement des armes à feu. M. MacKay a dit:

    J'aimerais vous demander combien d'argent a été dépensé jusqu'ici. Quel est le coût prévu d'un système qui doit être opérationnel d'ici l'an 2000?

L'honorable Anne McLellan, qui était présente, a demandé à M. Thomson, le sous-ministre, de répondre:

    Dans l'ensemble, il y a trois grands coûts. Il y a d'abord les coûts de fonctionnement du programme actuel, celui du C-17. Puis, il y a les frais de démarrage du nouveau système, qui correspondent aux 85 millions de dollars dont M. Rock a parlé. Et enfin, il y a les coûts liés au fonctionnement permanent du système. En tenant compte de ces trois activités, les dépenses au 1er avril sont d'environ 66 millions de dollars. C'est le montant total dépensé à ce jour.

• 1210

Ce sont les renseignements qui ont été donnés à ce comité le 20 avril de cette année. Cependant, environ un mois plus tard, le 21 mai, dans un article de Sean Durkan dans l'Ottawa Sun intitulé «New gun registry cost shooting up», on a publié une série de chiffres totalement différents. Dans son article, M. Durkan disait:

    Jean Valin, porte-parole du nouveau centre sur les armes à feu, déclare que le coût initial de mise en place du nouveau registre universel de toutes les armes à feu et de tous les propriétaires d'armes à feu au Canada est passé de 85 millions de dollars à 120 millions de dollars.

    Ce chiffre de 120 millions de dollars ne comprend pas les dépenses d'exploitation du système une fois celui-ci devenu opérationnel. En revanche, le gouvernement reste discret à ce sujet.

    Au total, le contrôle des armes à feu coûtera cette année, 113,9 millions de dollars...

Il semble y avoir discordance entre ce qu'affirme le sous-ministre au sujet des frais d'exploitation et la déclaration de M. Valin qui, semble-t-il, parlait au nom du nouveau centre. Pour qu'il n'y ait aucun malentendu au sujet de ces frais et qu'on ne soit pas porté à penser que le comité a été induit en erreur, nous demanderions à ce que la ministre comparaisse une nouvelle fois, peut-être en compagnie de son sous-ministre, pour préciser ce qu'il en est au juste.

La confusion à ce sujet ne s'arrête toutefois pas là. Cela est bien entendu également du domaine public. Si vous me le permettez, j'aimerais vous citer quelques extraits d'éditoriaux. Le Edmonton Journal écrivait à ce sujet le 3 novembre 1997:

    Dans le contexte de la conjoncture financière actuelle et des réductions massives apportées aux dépenses de l'État, il importe d'examiner de très près, avant même la mise en oeuvre, ce que coûterait l'application d'un nouveau programme et faire en sorte que les contribuables canadiens sachent ce qu'il en est.

Bien sûr, le journaliste parle ici des prévisions des dépenses qui font état d'une somme de 146 millions de dollars ou de 150 millions de dollars qui auraient été dépensés jusqu'à présent. Par conséquent, une certaine confusion demeure à nos yeux non seulement suite à ce que déclarait M. Valin à M. Durkan, mais également aux yeux du public qui ne sait pas au juste ce qu'a coûté jusqu'à présent le programme d'enregistrement.

La première motion dont je fais état repose sur ce qui semble être une discordance entre ce que le comité a appris au moment de la comparution de la ministre de la Justice et de ses fonctionnaires et ce que lui a dit ensuite M. Valin.

Madame la présidente, il serait, je crois, normal de donner à la ministre de la Justice la possibilité d'apaiser les inquiétudes suscitées quant à la véracité et à l'exactitude des renseignements qui ont été fournis au comité, ce qui permettrait de déterminer si c'est M. Valin ou M. Durkan qui se trompait. Il ne fait aucun doute qu'on peut s'interroger sur l'exactitude des renseignements qui ont été soumis au comité le 20 avril par le sous-ministre. Voilà l'essence de ma préoccupation et la justification de la première motion.

La présidente: Merci, monsieur Ramsay.

Y a-t-il d'autres interventions? Monsieur Forseth.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Ce qui m'inquiète, c'est évident, c'est qu'un témoignage soit fait devant le comité et présente les choses d'une certaine façon alors que lorsque l'auteur de ce témoignage quitte la salle et est interrogé par un journaliste, il donne une version différente. Cela me semble être en substance l'objet de notre propos. Le comité entend certains témoignages venant d'une délégation alors qu'une partie de cette même délégation donne à un journaliste une version totalement différente à sa sortie de la salle. On peut alors légitimement se demander ce qui se passe réellement ici et qui parle à qui. Savent-ils vraiment de quoi ils parlent? Je pense que c'est la crédibilité même du comité qui en souffre.

• 1215

Nous devons être certains, surtout lorsqu'il s'agit de la déposition d'un ministre, que... En relisant le compte rendu, je constate que les chiffres en question ont donné lieu à une longue discussion et que la ministre ne semblait pas vraiment être prête à donner une réponse complète. Toujours en relisant le compte rendu, je constate également qu'il y a eu toute une série d'échanges entre la ministre et ses collaborateurs au sujet de ces mêmes chiffres.

De sorte que nous essayons de faire toute la lumière sur la question, puisqu'il y a manifestement un facteur coût en cause et que le gouvernement doit s'être fait une idée relativement exacte de l'ordre de grandeur de la dépense. Il est certain que le gouvernement doit savoir ce qui a été dépensé jusqu'à présent. Ensuite, il y a la question beaucoup plus vaste de la justification politique lorsqu'il s'agira de dire à la population ce que va coûter l'ensemble de ce programme.

Nous pouvons nous demander si cÂest sage ou non sur le plan politique, mais il est certain que pour que la population puisse savoir ce qu'elle doit en penser, il faut au minimum qu'on lui dise la vérité quant aux coûts de tout ce programme. Et lorsque la ministre a comparu devant le comité, les chiffres qui ont été donnés à ce moment-là étaient pour le moins ambigus, surtout compte tenu du caractère très direct des questions qui lui avaient été posées. Après tout, ce n'est pas une chose très compliquée.

Des questions simples, des questions directes, des questions qui étaient parfaitement conformes au mandat du comité, n'ont pourtant produit aucune réponse directe, du moins d'après ce que nous avons entendu jusqu'à présent. Voilà donc le fondement de cette motion.

La présidente: Monsieur DeVillers.

M. Paul DeVillers: Dans le même ordre d'idées, je pense quant à moi que les chiffres qui nous ont été donnés par la ministre et par le sous-ministre sont très clairs. De toute évidence, l'article en question parle d'autre chose, mais je ne pense pas que chaque fois qu'un journal publie un article dans lequel quelqu'un donne des chiffres, le comité doive à chaque fois revenir sur la même question.

Les chiffres seront disponibles au moment du budget. Je sais que l'une des motions parle des années à venir. Le comité pourra toujours se saisir de ces chiffres lorsqu'ils figureront dans les budgets des années à venir. Je pense qu'on nous a donné des réponses claires. Je sais que quelqu'un nous a produit des chiffres différents, mais il est toujours possible de confirmer ou d'infirmer ces chiffres sans devoir faire intervenir le comité dont le programme est déjà très lourd.

La présidente: Je vous remercie.

Madame Finestone.

Mme Sheila Finestone: Puis-je vous demander qui était ce monsieur Valin?

La présidente: Qui?

Mme Sheila Finestone: On a parlé d'un monsieur Valin et de quelqu'un du ministère de la Justice qui auraient donné des chiffres différents et une réponse différente.

La présidente: C'est le directeur du Bureau d'enregistrement des armes à feu.

Mme Sheila Finestone: Dans ces conditions, madame la présidente, j'aimerais savoir pourquoi on ne pourrait pas faire quelque chose sans nécessairement devoir passer par une motion de ce genre qui, je le pense, est inutile.

La présidente: Excusez-moi, madame Finestone, c'est le porte-parole du nouveau centre des armes à feu, mais il n'en est pas le directeur. Ce n'est que le porte-parole, le responsable des communications.

Mme Sheila Finestone: J'avais mal compris. Je pensais qu'ils avaient parlé du ministère de la Justice, et j'allais précisément demander pourquoi nous ne pourrions pas plutôt écrire à la ministre en lui demandant une précision. Mais si cela vient du service des armes à feu, tout dépend bien sûr de l'objectif poursuivi et je préférerais personnellement pouvoir conclure que la ministre et ses collaborateurs nous ont donné les chiffres correspondant à la date en question et que les chiffres à venir nous seraient communiqués par la suite.

La présidente: Je vous remercie.

Monsieur Lee.

M. Derek Lee: Je voudrais féliciter M. Valin, le responsable des communications, qui a bien fait passer le message. J'espère simplement que ses propos ont été cités de façon aussi exacte que le sont les nôtres de temps en temps.

Quoi qu'il en soit, je ne pense pas que M. Ramsay ait évoqué une question pressante. Ce n'est pas plus urgent que le devis d'installation du nouvel égout sur le côté gauche de ce bâtiment. C'est un sentier en cours. Il y a un contrat. Il y a des devis et des dépenses. Je ne pense pas qu'il y ait qui que ce soit au ministère de la Justice capable de citer un montant précis—et il est certain que ces gens-là partent de devis qui ont été faits—de ce que cette série d'initiatives va coûter d'ici la fin de l'année financière ou jusqu'à l'année prochaine. Il est abusif de demander ce genre de précision, tout comme il serait abusif de demander ce que coûtera au juste la pose d'un nouvel égout. Excusez-moi, c'est une canalisation d'eau et non pas un égout. Je ne voudrais certainement pas induire mes collègues en erreur.

Mme Sheila Finestone: C'est précisément à l'égout que je voudrais voir aller toutes les armes à feu.

• 1220

M. Derek Lee: Monsieur Ramsay, le renseignement dont vous parlez vient d'un journaliste et je ne peux que supposer que vous avez vérifié vos sources.

Le chiffre de 120 millions de dollars n'est pas tellement éloigné de ce dont nous a parlé M. Thomson. La question à laquelle il a répondu portait sur le montant qui avait été dépensé jusqu'à ce jour et il avait parlé de 60 millions de dollars.

M. Jack Ramsay: Il avait dit 66 millions de dollars.

M. Derek Lee: Excusez-moi, il avait donc dit 66 millions de dollars.

Cela ne devrait donc étonner personne ici. Incidemment donc, ces 66 millions de dollars ont été dépensés... Je ne parviens pas à me souvenir, s'agissait-il de l'application des trois programmes?

Mme Sheila Finestone: Jusqu'à ce jour.

M. Derek Lee: Jusqu'à ce jour donc, pour les trois programmes. Mais vous vous souviendrez qu'il y a également l'ancien régime, le lancement du nouveau, qui a nécessité un certain investissement plus d'autres dépenses, puis l'application du programme proprement dit.

Vous nous avez dit que la confusion ne s'arrêtait pas là. À mon avis, Jack, la confusion ne commence même pas là, parce que pour moi tout est clair. Nous avons en somme ici une initiative qui a été approuvée par le Parlement. Nous avons un budget qui a été approuvé et, s'il y a des dépassements, nous y arriverons en temps utile. Je ne pense pas que cela soit urgent. S'il y a un dépassement dans le cas de la pose de la canalisation d'eau dont je parlais, j'espère que vous serez tout aussi insistant.

Mais moi je ne pense pas que cela soit urgent. Je ne pense pas que quiconque ait été induit en erreur. Vous avez tout à fait le droit, lorsqu'on vous donne des chiffres différents, de critiquer les fondés de pouvoir du gouvernement ou la ministre, mais pour moi, il n'y a eu ni confusion, ni tromperie. Si vous parveniez à prouver le contraire, je serais vivement intéressé en tant que membre du comité, mais je ne constate rien de ce genre jusqu'à présent.

Je vous remercie.

La présidente: Merci, monsieur Lee.

Madame Bakopanos, vous ai-je vue lever la main?

Mme Eleni Bakopanos (Ahuntsic, Lib.): Oui. Merci, madame la présidente.

Je ne voudrais pas répéter ce que M. Lee a déjà dit, mais je suis entièrement d'accord avec lui. Je ne pense pas qu'à l'heure actuelle, nous devions nous pencher sur ce genre de question étant donné que le nouveau système est en train d'être mis en place. Je pense qu'on en a déjà amplement débattu. J'ai personnellement débattu d'une motion semblable présentée à la Chambre conjointement par les Réformistes et les Conservateurs.

J'estime quant à moi, Jack, que lorsque le système sera opérationnel, ce sera le moment de revenir à cette question. La ministre comme moi-même avons pris ombrage d'avoir entendu dire qu'elle n'avait pas été franche et qu'elle ne s'y retrouvait pas. Bien au contraire, elle a dit fort honnêtement que le système était en train d'être mis en place. Au 1er octobre, nous saurons pour l'essentiel ce qu'il en coûte.

Il y a également à l'heure actuelle, des négociations en cours avec les provinces, et il est certain que nous ne voulons pas négocier en public. Vous ne voudriez pas, n'est-ce pas, que le gouvernement négocie en public. Le chiffre qui vous intéresse sera rendu public dans le cadre du budget du gouvernement.

La présidente: La sonnerie nous appelle au vote et on me dit que ce sera une sonnerie de 15 minutes.

Mme Eleni Bakopanos: Mettons donc la motion aux voix.

La présidente: Je vais demander le vote.

M. Jack Ramsay: Je voudrais que ce soit un vote par appel nominal, madame la présidente.

La présidente: Allez-y, monsieur le greffier.

Mme Sheila Finestone: Puis-je proposer, madame la présidente, que le vote s'applique aux deux motions puisqu'elles sont très semblables.

M. Jack Ramsay: Nous n'avons pas encore fait le décompte.

(La motion est rejetée par 6 voix contre 3)

La présidente: Aviez-vous un rappel au Règlement, madame Finestone?

Mme Sheila Finestone: Étant donné que tout cela concerne la même question et qu'on nous a en somme tout bien expliqué ce dont il s'agit, je ne vois pas pourquoi nous devrions voter une deuxième fois, à moins qu'on veuille un autre vote par appel nominal sur les deux autres motions qui portent elles aussi sur l'article 18...

M. Jack Ramsay: J'aimerais pouvoir discuter de ces motions, mais si nous n'avons pas le temps, nous devrions lever la séance.

La présidente: C'est ce que nous allons faire.

J'ignore quand je pourrai remettre cela au programme, Jack.

M. Jack Ramsay: Lorsque nous y reviendrons, il faudra prévoir suffisamment de temps pour en parler.

La présidente: Vous savez quoi, je pense que c'est la faute des Réformistes si nous n'avons pas eu le temps d'en parler aujourd'hui.

M. Jack Ramsay: Peu importe à qui la faute, on pourra toujours trouver le temps pour le faire.

La présidente: Nous verrons.

M. Jack Ramsay: Si cela ne se produit pas, nous déposerons simplement une autre motion.

La présidente: Bon amusement.

Le greffier du comité: Il vous reste 13 minutes, madame.

La présidente: Il ne nous reste que 13 minutes.

La séance est levée.