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JURI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 3 juin 1998

• 1543

[Traduction]

La présidente (Mme Shaughnessy Cohen (Windsor—St. Clair, Lib.)): La séance est ouverte.

Nous sommes le mercredi 3 juin, et nous allons finalement entendre le témoignage des représentants du Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes.

Il me semble que cela aurait dû avoir lieu beaucoup plus tôt, Steve, mais en tout cas, soyez le bienvenu.

Pour ceux de nos collègues qui n'étaient pas là la dernière fois, je précise que ces audiences nationales—et le forum national, en particulier—sont dans une large mesure le fruit de négociations de couloir entre Steve, Priscilla de Villiers et moi-même, lorsque nous nous sommes embarqués dans cette entreprise lors du dernier Parlement.

Nous sommes très heureux de vous accueillir.

Je souhaite également la bienvenue à Theresa McCuaig, qui intervient à titre individuel et représente sa famille et son petit-fils.

Vous avez la parole.

M. Steve Sullivan (directeur exécutif, Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes): Merci, madame la présidente.

S'il est toujours agréable de comparaître devant votre comité, les audiences actuelles revêtent une importante particulière. Nous avons en effet souvent eu l'occasion de parler de la législation relative à la protection des futures victimes, aux pouvoirs de la police, aux décisions de la Cour suprême, et autres questions de cet ordre. En revanche, il est rare de pouvoir intervenir dans un forum où il est possible de parler des victimes elles-mêmes, de leurs besoins et des services qu'elles requièrent.

Certains d'entre vous ont peut-être entendu le témoignage de Mme McCuaig lors de la dernière séance. Son petit-fils, Sylvain Leduc, a été victime d'un meurtre en 1995. Les procès mettant en cause à la fois des adultes et des jeunes contrevenants ont récemment pris fin. Tout à l'heure, Mme McCuaig vous dira quelques mots au sujet de l'expérience qu'elle a vécue, ainsi que des services dont elle avait besoin et qui ne lui ont pas toujours été fournis.

Avant de commencer, je voudrais mentionner—je suis d'ailleurs certain que le comité le sait—que la notion même de droit de la victime est inexacte car, dans le fond, les victimes n'ont aucun droit, du moins au sens où les accusés en ont, par exemple. Dans le cas d'un accusé, lorsque son droit de garder le silence et son droit d'avoir un avocat ne sont pas respectés au moment de son arrestation, une foule de choses se produisent. Le procès est retardé ou abandonné, l'accusation est retirée, etc. Il y a toujours une réaction de cause à effet lorsque les droits d'un accusé sont enfreints.

• 1545

Lorsque les droits d'une victime—la possibilité pour la victime de faire une déclaration, ou d'obtenir des renseignements—ne sont pas respectés, il ne se passe rien. Le processus judiciaire suit son cours, les accusations ne sont pas retirées, et rien d'important n'arrive.

Je crois que pour amorcer le débat, il est essentiel de tenir compte du fait que les victimes se trouvent dans une situation totalement différente sur le plan judiciaire. La question qui se pose est donc la suivante: que veulent les victimes? Fondamentalement, je crois qu'elles veulent quatre choses qui n'affectent en rien les droits de l'accusé. La première est d'avoir le sentiment d'être habilitée par le système. Quand un cambrioleur saccage votre logement, ou que quelqu'un enlève votre fils ou votre fille—et dans le cas de Mme McCuaig les assassine—vous n'intervenez pas dans la décision. Celle-ci est prise pour vous. Elle est prise par le contrevenant, par celui qui a pénétré chez vous et a mis votre logement à sac. Même s'il enlève votre petit-fils, vous demeurez totalement impuissant.

Vous vous tournez alors vers le système judiciaire en vous disant, là, au moins j'aurai un rôle à jouer. Le procureur vous informe immédiatement, à juste titre d'ailleurs, qu'il n'est pas votre avocat; qu'il représente l'État. Au regard de la loi, le crime n'a pas été commis contre vous, mais contre l'État. C'est pourquoi vous avez La Reine c. L'accusé et non McCuaig ou Leduc c. Richardson. Le procureur est le représentant de l'État, ce qui donne encore une fois à la victime l'impression qu'elle est totalement impuissante.

Il est donc important que les familles et les victimes aient le sentiment d'avoir été habilitées, d'avoir un rôle à jouer dans le système puisque leurs vies ont été affectées par le crime. Que faire pour cela? Eh bien, une des demandes les plus fréquentes des familles et des victimes, est d'être au moins tenues informées—au sujet du procès, de la date de l'audience préliminaire, de ce qu'elles peuvent attendre du système, des dates fixées pour les libérations conditionnelles. Elles veulent des renseignements simples sur le fonctionnement du processus, sur ce qu'elles peuvent en attendre, et sur les dates importantes. Dans tout cela, il n'y a rien qui enfreigne le droit d'un contrevenant ou d'un accusé à un procès équitable.

Ce que veulent aussi les victimes, je crois, c'est d'avoir droit de s'exprimer, de pouvoir contribuer au processus lorsqu'un procureur négocie une transaction pénale avec l'avocat de la défense, les victimes souhaiteraient simplement pouvoir exprimer leur avis sur cette transaction ou sur cette discussion. Elles n'ont nullement l'intention de dicter la marche à suivre à ce procureur, et ne le demandent d'ailleurs pas. Elles n'ont aucune intention de contrôler le système. Elles veulent simplement savoir que lorsque le procureur prend sa décision, il le fait en tenant compte de leur avis.

Cet avis est important. C'est contre ces personnes que le crime a été commis. Elles voudraient, par exemple, avoir voix au chapitre, aux audiences de détermination de la peine. Comme vous le savez, les victimes ont le droit de faire des déclarations, mais pour l'instant, ces déclarations sont uniquement écrites—nous y reviendrons plus tard—mais qu'il s'agisse des audiences de détermination de la peine, des auditions en vertu de l'article 745, ou des audiences de libération conditionnelle, il est important que les victimes sachent qu'elles ont leur mot à dire dans les décisions prises.

Répétons-le, elles n'ont pas la prétention de se substituer au juge et de rendre les décisions. Elles ne prétendent pas non plus se substituer à la Commission des libérations conditionnelles et prendre les décisions à sa place, mais elles s'attendent à ce que l'on tienne compte de leurs opinions et de leurs commentaires.

La quatrième chose que veulent les victimes, c'est qu'on leur offre des options et des choix. Je crois que c'est un élément important de l'habilitation des familles. Les victimes voudraient pouvoir choisir entre les déclarations orales et écrites aux audiences de détermination de la peine, aux auditions en vertu de l'article 745, et aux audiences de libération conditionnelle. Elles veulent pouvoir participer au processus si elles désirent; elles veulent aussi être libres de faire une déclaration ou de s'en abstenir. Comme nous le savons tous, certaines victimes veulent rester totalement en dehors du processus. Il faut leur offrir ce choix. Il faut aussi nous assurer qu'elles savent qu'elles peuvent participer si elles le souhaitent.

Je crois que c'est sur ce point que de nombreuses dispositions législatives provinciales au sujet du droit des victimes à l'information et d'autres questions du même genre laissent à désirer, car si l'on n'avertit pas la victime des options qui lui sont offertes, ses droits perdent toute signification. Je crois donc qu'il serait important de leur offrir des choix.

La ministre de la Justice a beaucoup parlé de ses priorités, et je crois que dès le tout premier jour, les victimes figuraient sur sa liste. La confiance du public qui est également une priorité du solliciteur général du Canada figure aussi sur cette liste. Je crois que l'habilitation des victimes et la confiance du public sont indissociables. Si vous créez un système qui habilite Mme McCuaig et lui donne le sentiment d'y avoir un rôle utile à jouer, je crois que cela contribuera beaucoup à rétablir la confiance à l'égard du système. Si des familles telles que celle de Mme McCuaig—et elle vous l'expliquera tout à l'heure—viennent protester contre l'absence de service, il n'est pas surprenant que le public n'ait pas confiance dans le système.

Nous avons fourni à tous les députés, et au comité en particulier, une copie d'un rapport intitulé Équilibrer la balance. Il n'y a pas encore de version française et je prie les membres francophones du comité de m'en excuser. Comme vous l'imaginerez aisément, c'est un document substantiel. Il vient seulement d'être traduit et il est en cours d'impression. Lorsque la version finale sera prête, nous ferons le nécessaire pour que tous les membres du comité en aient un exemplaire.

• 1550

Nous avons choisi le titre Équilibrer la balance pour une bonne raison. Au début de la semaine, lorsque j'ai assisté au forum sur les victimes organisé par M. MacKay dans sa circonscription, on a beaucoup parlé d'équilibre—d'équilibre entre les droits de l'accusé et du contrevenant et ceux des victimes.

Nous lui avons donc donné ce nom, parce que, comme vous le savez, il y a deux façons de rétablir l'équilibre lorsque les droits du contrevenant, par exemple, sont un peu plus forts que ceux de la victime. On peut dépouiller le contrevenant ou l'accusé de ses droits, et rétablir ainsi l'équilibre, mais je ne pense pas que ce soit une bonne idée. Si l'on accorde des droits aux accusés, c'est qu'il y a une raison pour cela. Nous voulons éviter à tout prix que des personnes soient condamnées à tort, comme cela s'est produit dans deux récentes affaires qui ont captivé l'attention du public.

L'autre façon de rétablir l'équilibre est de renforcer les droits des victimes. Encore une fois, cela ne signifie nullement que l'on réduit les droits des contrevenants. Ce que cela veut dire c'est que l'on fait le nécessaire pour reconnaître les droits des victimes.

Dans le début de notre étude, nous avons évoqué un thème commun, et il est important pour le débat de reconnaître que le système judiciaire a fait des progrès sensibles en ce qui concerne le traitement des victimes. M. et Mme McCuaig et moi parlions il y a quelques minutes du fait que 15 ou 16 ans plus tôt, il eût été inconcevable qu'une victime comparaisse devant un comité parlementaire.

Si cela est aujourd'hui possible, c'est en grande partie grâce aux efforts d'un couple qui a également déjà témoigné devant le comité, celui de Gary et Sharon Rosenfeldt. Si je mentionne ces noms, c'est parce que j'ai pu constater l'été dernier combien la question des droits des victimes avait évolué lorsque j'ai assisté à l'audition en vertu de l'article 745 de Clifford Olson, le meurtrier de leur fils.

Au début—et j'ai également eu l'occasion de rencontrer beaucoup d'autres familles—il y avait énormément de méfiance à l'égard de la police, du procureur, des travailleurs sociaux qui s'occupaient des victimes ainsi que des juges, car 16 ou 17 ans plut tôt, le bureau du procureur ne répondait jamais à leurs appels téléphoniques et la police refusait de leur parler. Personne ne voulait reconnaître que ces personnes s'intéressaient au système et aux meurtres de leurs enfants. J'ai donc trouvé le processus de l'été dernier extrêmement intéressant, car je n'avais jamais vu une telle atmosphère de colère et de méfiance entre les victimes, les procureurs et la police.

Au cours du processus, les procureurs ont cependant pris le temps nécessaire pour expliquer certaines choses aux familles et la police s'est montrée prête à répondre aux questions. Vous pouvez imaginer ce qui s'est passé. Le père d'un des enfants n'a appris qu'il y a cinq ou six ans comment son fils était mort; il l'a lu dans un livre consacré à l'affaire. Une des familles n'a appris qu'à l'audience que leur fille était demeurée en vie pendant une période de temps prolongée. J'ai trouvé extraordinaire la naissance de ce dialogue entre la police, le procureur et les professionnels de l'aide aux victimes.

Après avoir parlé avec Gary et Sharon Rosenfeldt, qui ont joué un rôle très actif dans ce domaine depuis le meurtre de leur fils, après les avoir écoutés décrire leurs expériences passées et présentes, je crois avoir compris le chemin parcouru par les victimes. Cela ne signifie certainement pas que nous ne pouvons pas aller plus loin, mais il importe de noter que nous avons réalisé des progrès dans la façon dont le système judiciaire traite les victimes.

Une grande partie de notre rapport porte sur des questions d'ordre provincial, et je ne m'étendrai pas dessus. Comme vous le savez, beaucoup de droits et de services qu'attendent les victimes relèvent directement de la mouvance provinciale. Il est important de noter ces chapitres, mais nous n'en parlerons pas en détail. Je voudrais simplement souligner quelques-unes des principales recommandations du rapport.

Le chapitre 3 traite des programmes d'indemnisation des victimes d'actes criminels. Certains d'entre vous savent peut-être qu'avant 1993, le gouvernement fédéral apportait une aide financière aux provinces dans ce domaine. En 1993, cette aide a pris fin et depuis lors je crois que deux territoires et une province ont complètement éliminé leurs régimes d'indemnisation. Cela signifie qu'à Terre-Neuve, par exemple, les victimes ne sont pas indemnisées pour les crimes commis contre elles, alors qu'en Ontario et en Colombie-Britannique, elles le sont.

Je crois qu'il est important de pouvoir assurer aux victimes que quel que soit le crime commis, nous ferons de notre mieux pour les aider et pour répondre à leurs besoins financiers. Une des recommandations du rapport est donc que le gouvernement fédéral reprenne son aide financière aux programmes d'indemnisation.

Le chapitre 4 traite essentiellement du Code criminel. Certaines des recommandations qu'il contient visent surtout les déclarations des victimes sur les répercussions du crime. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous souhaiterions qu'on utilise plus largement cette méthode afin de permettre aux victimes de faire des déclarations orales ou écrites à leur choix.

Actuellement, le Code criminel autorise les victimes à faire des déclarations écrites, et le juge peut, s'il le veut, leur permettre de faire une déclaration orale. Cela varie, et il est certain que les déclarations orales sont aujourd'hui mieux acceptées, mais il est important que les victimes puissent elles-mêmes faire ce choix et qu'elles sachent qu'elles peuvent être entendues au tribunal. Il y a des familles qui se refusent à faire toute déclaration; d'autres qui veulent uniquement faire des déclarations écrites, mais il y en a aussi qui estiment qu'il est important de les faire oralement.

• 1555

Nous voudrions également que l'on modifie dans la loi sur les jeunes contrevenants les dispositions actuelles concernant l'examen des décisions. Comme vous le savez peut-être—Mme McCuaig, elle le sait certainement—les dispositions autorisant l'examen des décisions prises à l'égard des jeunes contrevenants placés sous garde... Je crois que l'examen peut se faire une fois par an, et qu'il est possible de placer le jeune contrevenant dans une installation moins sécuritaire ou dans la collectivité. Pour le moment, les déclarations des victimes ne sont pas prévues dans le processus. Nous voudrions qu'elles le soient.

Nous voudrions également que les victimes soient libres, si elles le souhaitent, de faire des déclarations orales aux auditions en vertu de l'article 745. C'est une des questions les plus importantes qui sont posées lors des auditions concernant l'affaire Olson. À bien des égards, l'audition avait un caractère tout à fait particulier, mais les juges ont décidé que les familles ne seraient pas autorisées à faire des déclarations orales. Ce qu'ils craignaient, bien entendu, c'est qu'Olson lui-même ne soumette ces familles à un contre-interrogatoire. Je ne pense pas que la question se pose dans la plupart des cas, mais il est important d'offrir aux victimes la possibilité de faire une déclaration orale si elles le désirent.

Les autres recommandations sont les suivantes: étendre les dispositions actuelles du Code criminel, protéger les jeunes témoins, et utiliser des écrans et la télévision en circuit fermé, mais je n'entrerai pas dans le détail.

La dernière modification que nous voudrions voir apporter au Code criminel a trait aux victimes d'agressions sexuelles. M. Lee connaît fort bien la question. Nous recommandons que si elles le désirent, ces victimes puissent demander à un tribunal de contraindre une personne accusée d'une telle agression de subir un examen de détection de maladies sexuellement transmissibles. J'ai mentionné M. Lee parce qu'il avait présenté un projet de loi sur cette question, initiative qui lui avait été inspirée par le cas d'une grand-mère, au Québec, qui avait été agressée sexuellement par un contrevenant participant à un programme de placement à l'extérieur.

Le chapitre 5 traite d'un autre domaine fédéral, dont nous entendrons beaucoup parler l'automne prochain, celui que couvre la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC). Dans ce domaine, nous souhaiterions également voir se généraliser le recours aux déclarations des victimes afin de permettre à celles-ci d'intervenir oralement aux audiences de mise en liberté sous condition. Pour le moment, seules les déclarations écrites sont autorisées.

Nous recommandons aussi d'élargir le champ des informations que les familles et les victimes peuvent obtenir au sujet du contrevenant pendant que celui-ci est sous garde. C'est une condition très importante du maintien de la confiance du public. Actuellement, les familles peuvent obtenir des renseignements sur les dates de remise en liberté, les dates de mise en liberté sous condition, l'endroit où le contrevenant purge sa peine, et le niveau de sécurité de l'établissement dans lequel il est incarcéré. En revanche, il ne leur est pas possible de se renseigner sur les mesures prises par le contrevenant pour assurer sa réinsertion ni sur les programmes d'éducation ou de formation professionnelle qu'il a pu suivre.

Certaines victimes auraient certainement plus confiance dans le processus de mise en liberté sous condition si elles savaient qu'un contrevenant fait un effort concerté pour s'améliorer. À l'heure actuelle, ce sont des informations qui ne sont pas communiquées aux victimes si bien que celles-ci n'ont pas la moindre idée de ce que fait le contrevenant. Il est bien certain que dans les cas où il existe des liens entre le contrevenant et la victime—des liens de famille, par exemple—ce type d'information contribuerait beaucoup à apaiser les craintes.

Nous avons présenté de nombreuses autres recommandations au sujet de la LSCMLC sur lesquelles nous ne nous étendrons pas, mais elles ont toutes essentiellement trait à la protection des intérêts et des droits des victimes.

Le chapitre 7 porte sur la question sans doute la plus fréquemment évoquée lorsqu'on aborde le domaine du droit des victimes. On en a discuté l'an dernier quand le Parti réformiste a présenté une motion en faveur de la rédaction d'une déclaration nationale des droits des victimes. Le problème était de savoir si une charte nationale serait applicable ou s'il faudrait l'appeler par un autre nom.

Les personnes auxquelles j'ai parlé et les groupes de victimes avec lesquels nous travaillons veulent que la même norme de traitement des victimes soit utilisée dans l'ensemble du pays, que ce soit en Ontario ou en Colombie-Britannique. Je ne pense pas que la question est de savoir si une charte nationale des droits des victimes ou une autre forme de projet de loi ou de déclaration permettrait d'atteindre ce résultat. Nous n'avons jamais pensé qu'une charte nationale serait applicable, car la plupart de ces questions relèvent de la compétence provinciale.

Cela permettrait cependant—qu'il s'agisse d'une charte des droits ou d'une déclaration quelconque—d'établir la norme nationale qui attesterait que le peuple canadien considère que les victimes ont tel ou tel droit. On pourrait alors collaborer avec les provinces à l'élaboration de ces programmes et de ces droits. Le gouvernement fédéral n'a peut-être pas directement compétence pour ces types de services, mais il a certainement un rôle directeur à jouer au Canada en ce qui concerne le traitement des victimes.

• 1600

Le huitième chapitre traite des services d'aide aux victimes dans les diverses provinces et des services dont elles ont vraiment besoin. Je crois que Theresa pourra vous dire à sa façon quels sont les services dont sa famille et elle-même ont eu besoin au cours des deux ou trois dernières années et vous décrire ceux qu'elles ont obtenus et ceux qui leur ont été refusés.

Le chapitre sur la force exécutoire des droits est important. Comme je l'ai dit tout à l'heure, les victimes n'ont pas vraiment de droits. Tant qu'il n'y aura pas de mécanisme d'exécution, tout demeurera tributaire de la bonne volonté des gens, du procureur, de la police et des juges.

C'est un domaine difficile et controversé. Considérez cependant certaines de nos recommandations. Supposons qu'on ne dise pas à une victime qu'elle a droit de faire une déclaration. Les juges seront dorénavant tenus de demander au procureur si la victime a été informée qu'elle pouvait faire une déclaration si elle le souhaitait. Si le procureur répond par la négative et que la victime ne voulait manifestement pas... Mais si le procureur n'a pas demandé la question à la victime, l'audience de détermination de la peine devra être retardée jusqu'à ce que l'option ait été offerte à la victime.

Dans le cas d'une transaction pénale, le juge demandera au procureur si on a permis à la victime de participer au processus. Si l'on n'a pas offert à la victime la possibilité de présenter ses vues au procureur, la transaction devra être écartée pour le moment.

Bien entendu, il n'est pas question que les victimes puissent déterminer les conditions de la transaction pénale ou la peine, mais on devrait au moins leur offrir la possibilité de faire valoir leur point de vue. On serait beaucoup plus près d'atteindre ce but si l'on imposait le respect des droits des victimes.

Le dernier point que je voudrais soulever a trait à un sujet dont vous avez entendu beaucoup parler ces deux derniers mois lorsque vous avez examiné l'affaire Raymond Russell et l'affaire Michael Hector. Le solliciteur général, le commissaire du Service correctionnel du Canada, et le président de la Commission nationale des libérations conditionnelles ont témoigné au sujet d'affaires dans lesquelles des contrevenants mis en liberté sous condition avaient commis des crimes graves dans la collectivité.

Il s'agit encore une fois là d'un domaine que Mme McCuaig ne connaît que trop bien, car un des hommes impliqués dans le meurtre de son petit-fils avait été mis en liberté d'office. Je crois qu'on a en fait déjà posé des questions au comité à ce sujet. La semaine dernière, le ministère du Solliciteur général, ou le Service correctionnel du Canada, ont rendu public le rapport sur cette affaire.

Comme l'intérêt que nous accordions à ces affaires vous l'a probablement montré, une des choses qui nous troublent le plus est qu'aucun des organismes ou personnes impliqués dans ces enquêtes n'est indépendant du gouvernement. Les services correctionnels et de libération conditionnelle font en fait enquête sur eux-mêmes. Le commissaire du Service correctionnel et le président de la Commission nationale des libérations conditionnelles ont répondu à cela qu'ils nommaient toujours un membre de la collectivité aux commissions afin d'assurer l'objectivité et l'indépendance de ces dernières.

Eh bien, dans le cas qui nous intéresse, une de ces personnes travaillait à l'administration centrale du Service correctionnel du Canada et l'autre était M. Ross Hastings, à l'époque, président du Conseil national de la prévention du crime.

Je ne connais pas très bien M. Hastings, sinon de réputation, et je ne doute pas de ses compétences. Ce qui m'inspire des réserves, cependant, c'est qu'on ait chargé un membre d'un conseil constitué en partie par le solliciteur général d'examiner une des composantes de son propre ministère. Pour moi, cela n'a rien d'objectif; rien d'indépendant. Mme McCuaig et moi-même en avons beaucoup discuté, et elle partage mes doutes.

L'objet de telles enquêtes est de déterminer ce qui s'est passé, de trouver la vérité et d'en tirer des leçons. La page titre du rapport utilise toujours les thèmes «obligation de rendre des comptes, intégrité et ouverture», qui sont exactement les mêmes que ceux qui ont été utilisés dans l'enquête sur les incidents qui se sont produits à la Prison des femmes il y a un certain nombre d'années.

Comme vous le savez peut-être, ce rapport a été considéré comme un pur exercice de disculpation. En effet, les détenues impliquées dans l'incident ont pu se tourner vers quelqu'un pour plaider leur cause. C'était un enquêteur correctionnel qui a effectué sa propre enquête et a conclu que l'examen effectué par les services correctionnels et le rapport publié par eux ne correspondaient pas à la réalité.

Cela a inspiré l'établissement d'une commission importante présidée par madame le juge Arbour. Celle-ci a déclaré dans ses conclusions que le rapport final des Services correctionnels était très différent du rapport original. Il s'agissait en fait de la huitième ou de la neuvième mouture du document. Les éléments litigieux en avaient été progressivement éliminés au fur et à mesure des révisions successives. Finalement, le rapport concluait que tout allait bien et qu'il n'y avait pas de problème.

La commission a montré que c'était faux. C'est de ce processus qu'est née l'idée de faire appel à un membre de la collectivité. Je ne pense pas qu'à l'époque où la commission avait envisagé une telle la participation, elle pensait qu'il serait approprié de faire appel à un membre d'un organisme financé par le gouvernement fédéral. Il n'y a rien d'indépendant ni d'objectif dans tout cela.

• 1605

Ce que nous recommandons—un des chapitres de notre mémoire traite spécifiquement de la question—est la création d'un bureau d'ombudsman chargé de la défense des droits des victimes. La ministre a également parlé d'un bureau de la défense des victimes, idée que nous avons appuyée. Nous avons en fait rencontré Mme Cohen et Mme Bakopanos pour leur soumettre nos idées et nos suggestions sur ce qu'un tel bureau pourrait et devrait faire.

Une de nos recommandations est que le bureau devrait avoir l'autorité nécessaire pour intervenir dans ces enquêtes, comme l'avait fait l'enquêteur correctionnel. Dans ce chapitre, nous avons en fait repris les pouvoirs de cet enquêteur et les avons attribués au bureau de l'ombudsman des victimes.

Il est important de le faire car des personnes telles que Mme McCuaig ont besoin de savoir qu'elles ont obtenu toutes les réponses possibles avant de pouvoir mettre psychologiquement un terme à l'épreuve. Elle pourra elle-même vous en parler.

Les Canadiens parlent de confiance à l'égard du système. Comment peuvent-ils être sûrs de ce qui s'est passé dans le cas de John Richardson puisque les enquêteurs viennent des services correctionnels, les personnes qui décident de la conduite de l'enquête viennent des services correctionnels; les personnes qui décident de l'information qui doit être rendue publique appartiennent aux mêmes services et les personnes qui doivent répondre aux recommandations aussi? Pour pouvoir parler d'indépendance, il faut faire appel à quelqu'un d'extérieur au système, d'extérieur au processus, qui en surveille le déroulement et qui décide si toute la vérité a vraiment été dite.

En conclusion, une de nos principales recommandations serait de créer ce bureau, qui pourrait d'ailleurs assumer d'autres tâches. La ministre a évoqué cette question dans sa lettre au comité. Mais ce que je viens de décrire devrait être un des principaux rôles d'un tel bureau.

Je vais maintenant céder la place à Theresa, qui vous parlera de l'expérience qu'elle a vécue.

La présidente: Merci, madame McCuaig. Allez-y. Vous êtes la bienvenue.

Mme Theresa McCuaig (Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes): Merci d'avoir bien voulu m'entendre.

[Français]

Je parle aussi français et j'invite ceux qui le désirent à me poser des questions en français.

[Traduction]

Par où commencer? Eh bien, par le soir où ma fille a été appelée à l'hôpital des enfants où on lui a dit que sa nièce avait subi de graves brûlures. Lorsqu'elle est arrivée, un agent de police se tenait devant la porte de la chambre, et cet agent avait reçu pour instruction de ne lui dire absolument rien de ce qui s'était passé.

Ma fille était totalement affolée. Elle ne savait pas si Sylvain était avec sa petite nièce. Tout ce qu'elle savait, c'était qu'en arrivant chez elle, elle avait constaté que trois enfants avaient disparu de la maison. Le téléphone avait sonné et elle s'était aussitôt rendue à l'hôpital. Elle se demandait donc si les trois enfants étaient ensemble; si Sylvain s'était rendu chez son ami, etc.?

Quoi qu'il en soit ce n'est qu'à 6 h du matin qu'on lui a appris que Sylvain avait été victime d'un meurtre. Pourquoi? On ne nous l'a jamais dit. Ignorant tout de ce qui s'était passé, elle s'est mise à hurler; elle a en fait même frappé l'agent parce qu'elle voulait à tout prix qu'il réponde à ses questions. Il a fallu qu'elle attende jusqu'à 6 h du matin pour cela.

Lorsque les agents sont arrivés, personne n'avait même songé à me demander, moi qui était sa mère, de venir la soutenir moralement au moment où on lui apprenait ces terribles nouvelles. Il n'y avait pas non plus d'agent spécialisé dans les conseils aux personnes affligées, ce qui aurait pourtant été extrêmement utile. Ma fille a finalement réussi à rejoindre un de ses bons amis qui vivait plus près de chez elle que moi. Il est aussitôt venu pour lui tenir compagnie.

On a ensuite amené ma fille à la morgue. Pardon, c'est faux. On l'a amenée au poste de police où on l'a questionnée pendant deux heures et demie environ avant de la conduire à la morgue pour identifier son fils. Pendant tout ce temps-là, personne n'a songé à téléphoner à sa mère pour lui demander de venir. Je ne l'oublierai jamais car c'est très difficile à pardonner et la colère me reprend lorsque j'y pense.

Il aurait fallu un agent spécialisé pour soutenir ma fille et s'assurer que quelqu'un l'accompagne. Il aurait fallu que cet agent vienne ensuite chez nous pour nous expliquer ce qui allait se passer.

Ma fille était en état de choc. Elle est rentrée et nous a appris que Sylvain était mort, mais elle n'avait aucune idée de ce qui devait se passer ensuite. Nous ne sommes pas des criminels, nous ignorons tout du système judiciaire.

• 1610

Elle m'a téléphoné et je me suis aussitôt rendue chez elle. Elle m'a raconté l'horrible histoire. Mon mari et moi avons sauté dans notre voiture et nous nous sommes rendus au poste de police. Après tout, c'était de notre enfant qu'il s'agissait. Nous l'avons élevé pendant 17 ans. Nous voulons savoir ce qui lui est arrivé. Qui lui a fait cela et pourquoi? On ne nous a rien dit.

Voyez-vous, lorsqu'il est mort à 2 h 30 du matin, il est devenu la propriété de la Couronne, de la police et du coroner. À partir de ce moment-là il n'était plus à nous. Nous n'avons pu rien dire au sujet de la disposition de son corps ou au sujet de sa défense, pas un mot. C'est tout juste si on nous a dit ce qui se passait et pourquoi cela s'était produit. Nous avons eu de la chance car mon mari et moi-même avons refusé de rester chez nous à nous lamenter. Non. Nous voulions savoir. Nous sommes donc allés au poste de police où l'on nous a dit en deux mots, «Sylvain a été battu à mort. Il est mort à 2 h 30 du matin. C'est tout ce que nous pouvons vous dire pour le moment.»

Nous avons dit, «Mon Dieu, qui a fait cela?» Un gang, ont-il s répondu. Nous avons demandé pourquoi, et ils nous ont dit, «Nous n'en savons rien; nous ne pouvons pas vous le dire.»

Nous avons été tenus totalement à l'écart. Je comprends parfaitement que la police doive protéger les éléments de preuve dont elle dispose. Mais tout de même, elle aurait pu nous dire que Sylvain était resté 20 minutes dans cet appartement. Elle ne nous a absolument rien dit.

D'autre part, lorsque nous posions des questions, on nous traitait comme des importuns, comme si cela ne nous regardait pas et comme si on n'attendait que notre départ. On nous a donné l'impression que nous n'avions nul droit de poser des questions au sujet de notre enfant. Il y a quelque chose qui ne va pas là-dedans. On nous a dit qu'il y avait une enquête sur le cautionnement. Une enquête sur le cautionnement, qu'est-ce que c'est? Je n'en ai pas la moindre idée.

Bon. Le lendemain, nous assistons donc à cette enquête sur le cautionnement et nous apprenons avec une stupéfaction profonde que ces gens-là seraient peut-être remis en liberté. Mon Dieu!

Il a fallu nous expliquer comment tout cela fonctionnait—pourquoi la police était autorisée à le garder, etc. Lorsque vous n'avez pas de casier judiciaire, on ne peut pas vous conserver sous garde, et l'affaire est reportée d'une quinzaine de jours. Et si vous voulez être présent, c'est à vous de vous renseigner car personne ne vous appellera pour vous dire que l'affaire passera au tribunal le lundi suivant ou un autre jour.

Nous avons été obligés de nous rendre presque quotidiennement au tribunal pour savoir ce qui se passait et de savoir quels éléments de preuve se dégageaient. Nous avons alors appris qu'une jeune fille de 18 ans conduisait la voiture lors des trois enlèvements. Elle avait Sylvain, Natalie et Mélanie à bord. Et pendant le trajet d'une demi-heure, ses compagnons n'ont pas arrêté de battre ces enfants, de les terroriser et de leur dire qu'ils allaient les tuer. Voilà donc une conductrice qui a tout entendu, qui a tout vu et qui, malgré tout cela, n'est pas inculpée. Vous imaginerez aisément notre fureur et nos vigoureuses protestations devant la police à qui nous demandions constamment pourquoi, oui, pourquoi, cette fille n'avait pas été inculpée. Bien entendu, le fait que nous ayons osé poser toutes ces questions a eu pour seul résultat d'indisposer la police à notre égard.

Si quelqu'un nous avait pris à part pour nous dire qu'il allait y avoir une transaction pénale et nous avait expliqué que cela signifiait que cette jeune fille allait révéler les noms de tous ses complices à la police et désigner les responsables au cours d'une séance d'identification au poste de police... Si on nous avait dit, oui, elle est coupable, mais comme c'est la seule qui acceptera de parler, nous sommes obligés de négocier avec elle. Nous ne sommes pas idiots. Nous l'aurions compris mais on ne nous l'a jamais expliqué. On ne nous a pas mis au courant de cette transaction, si c'est comme cela que ça s'appelle—pour moi, c'est de la «magouille».

Et cela s'est reproduit à trois reprises, il y a eu trois transactions avec trois personnes différentes, et ce n'est qu'après coup qu'on nous a avertis. Bien sûr, nous avons recommencé à nous agiter et à protester en demandant pourquoi ces gens-là n'avaient pas été inculpés.

Nous étions si souvent au tribunal que le procureur a commencé à nous considérer un peu comme faisant partie de la famille. Ce n'est qu'alors qu'on a commencé à nous expliquer un peu ce qui se passait. Mais ne croyez-vous pas qu'il eût été préférable que quelqu'un au tribunal nous fournisse des explications? Je ne parle pas du procureur, qui est trop occupé, ni des détectives qui ont leur travail à faire; nous comprenons tout cela très bien. Mais il n'y avait personne. Nous avons été obligés de faire tout le travail nous-mêmes.

• 1615

Une colère permanente vous dévore. En plus du chagrin que vous inspire la perte de votre enfant, vous êtes plein de rage car il est inexcusable de traiter les gens ainsi. J'avais parfois l'impression que nous n'existions que parce que nous avions fourni un corps, celui de notre enfant. Sinon, tous ces avocats pour la défense n'auraient pas de travail, le juge ne serait pas là, le procureur n'aurait pas d'emploi. Malgré tout cela, on nous traite comme des moins que rien. Nous n'avons pas droit au chapitre. C'est pourtant de notre enfant qu'il s'agit. Songez un peu à ce que vous éprouveriez si c'était le vôtre.

J'ai rencontré une toute jeune femme, la semaine dernière. Quelqu'un avait tué son bébé. Je suis allée au tribunal pour lui apporter un peu d'aide, pour essayer de lui expliquer ce qui se passait et lui dire à qui s'adresser, car il n'existe pas de service d'aide à Ottawa. Elle n'avait même pas assez d'argent pour prendre l'autobus et se rendre au tribunal. La même chose s'est passée pour nous. Nos visites au tribunal étaient totalement à nos frais. Nous avons été obligés de revoir entièrement notre budget à cause des frais supplémentaires d'essence, de stationnement et de nourriture.

Une femme est venue témoigner dans notre affaire. Elle a fait preuve de beaucoup de courage car elle a témoigné contre sa propre fille. Pendant sept jours, elle a vécu dans la terreur de représailles de l'Ace Crew gang; il lui a vraiment fallu beaucoup de courage pour faire ce qu'elle a fait. Cette femme n'avait pas d'argent pour prendre l'autobus; elle n'avait pas les moyens de venir prendre un café avec nous le matin, elle n'avait pas un sou. Là aussi, quelque chose ne va pas. Voilà une personne qui aide le Canada à mettre ces individus derrière les barreaux et c'est ainsi qu'on la traite! C'est inacceptable. Le détenu lui-même est escorté, il n'a pas à se préoccuper des frais de stationnement. Et lorsqu'il arrive au poste de police, on lui sert à dîner.

Voilà des choses, comme le disait Steve, qui touchent au domaine de l'information. Nous n'avions aucune intention de dire au procureur ou à la police ce qu'il fallait faire, tout ce que nous voulions c'était obtenir des informations.

Lorsque Sylvain est mort, c'est la presse qui nous a appris ce qui lui était arrivé. C'est elle qui a déclaré qu'il avait passé des heures dans cet appartement, et qu'il avait été torturé et battu pendant des heures, qu'il avait été sodomisé, qu'il avait été brûlé avec un fer à friser. Voilà les images qui nous hantaient lorsque nous nous couchions le soir. J'ai téléphoné à deux ou trois reprises à la police et je l'ai suppliée de nous confirmer tout cela, de nous dire combien de temps il avait passé dans cet appartement, de nous expliquer ce qu'on lui avait fait et comment il était mort.

Je sais que c'est une chose horrible à entendre, mais il s'agit de votre enfant et vous avez besoin de savoir, quelle que soit l'horreur de la réalité. La police a pris son temps avant de nous rappeler. Je sais qu'il est difficile pour un agent de police de vous raconter de telles choses; cela ne fait pas partie de son travail. Il devrait y avoir un agent spécialisé dans ce genre de situations qui vient vous voir à domicile pour vous dire que votre enfant est mort, et dans quelles conditions. Au lieu de cela, vous êtes obligé d'écouter toutes ces horribles rumeurs.

Il a fallu neuf mois pour que nous apprenions que Sylvain était mort dans cet appartement. Il n'y avait passé que 20 minutes. Pour le savoir, il a fallu que nous allions au tribunal pour entendre le témoignage de l'agent qui avait découvert Sylvain et qui a expliqué à quelle heure il l'avait trouvé et ce qu'on lui avait fait. Certes, votre peine demeure entière, mais c'est quand même un tout petit soulagement d'apprendre que votre enfant n'avait passé que 20 minutes dans cet appartement et qu'il n'avait pas été torturé pendant quatre heures, ni brûlé ni sodomisé.

Je vais vous dire ce qui nous a vraiment mis profondément en colère, en particulier au procès des jeunes contrevenants. Tous les jours, leur avocat se levait et annonçait, avec un bel effet de manche, «Monsieur le juge, leur père et leur mère sont dans la salle». Et alors? Personne ne s'est jamais levé pour dire, «La famille de Sylvain Leduc est dans la salle; la mère et le père de la victime sont ici.» Nous ne comptons pas. Cela fait bien de dire au juge que la mère et le père du jeune contrevenant sont présents, mais pas question de parler de Sylvain Leduc, il ne compte pas. Cela m'a profondément choquée.

• 1620

La seule et unique fois où on a reconnu notre présence—cela nous a vraiment fait chaud au coeur—c'est lorsque nous avons comparu devant la Cour d'appel à Toronto. Je ne sais pas exactement pourquoi, mais les juges ont noté que les parents de Sylvain Leduc étaient présents. Cela nous a fait du bien, car nous avons eu l'impression que nous comptions, qu'effectivement, nous étions importants, et que Sylvain n'était plus un être anonyme.

Lorsque le rapport présentenciel sur ces jeunes gens a été présenté au tribunal, on leur a accordé l'aide de travailleurs sociaux de la prison où ils étaient placés sous garde de jour; on a autorisé les visites d'un prêtre, de leurs mères, de leur agent de probation. Ils ont tous pris la parole pour nous dire combien leur comportement avait été irréprochable depuis qu'ils avaient tué notre fils. À l'époque, ils avaient déjà passé un an en prison, et ils sont tous venus nous dire quels prisonniers modèles ils avaient été depuis leur incarcération. Très bien.

Par contre, nous n'avons jamais eu l'occasion de dire au juge qui était Sylvain, ce qu'auraient été sa vie, ses plans, ses espoirs et ses rêves. On ne nous a pas permis de le faire. Sylvain n'a pas eu droit à un porte-parole qui aurait dit au juge qu'il avait été sous probation une fois, et qu'il s'était vraiment bien comporté; qu'il était retourné à l'école; qu'il jouait au hockey; qu'il avait obtenu un travail d'entraîneur. Sylvain était vraiment heureux. C'était un bon petit garçon qui n'avait jamais fait de mal à personne. C'eût été une consolation de pouvoir dire tout cela au juge. On ne nous a jamais accordé ce droit. Seuls les accusés en jouissaient.

Selon le rapport... Dans le formulaire de déclaration de la victime... J'ai ri, car il dit... Il y a un petit formulaire grand comme ceci qui dit «Utilisez ce formulaire pour expliquer au juge les répercussions que ce crime a eues sur vous». Vous disposez de 20 lignes au maximum. J'ai trouvé cela ridicule. J'ai écrit une lettre que j'ai agrafée au formulaire, dans l'espoir qu'on l'accepte. Je me suis alors aperçue que le document indiquait que le juge ne tiendrait pas nécessairement compte de ces observations. À quoi bon écrire quelque chose si l'on n'en tient pas nécessairement compte? Peut-être le juge sera-t-il prêt à m'entendre parler de ma peine, tout dépendra de son humeur du jour.

Rien n'oblige le juge à en tenir compte. Nous avons été stupéfaits d'apprendre que lorsque nous avons finalement écrit ces lettres, une copie en a été remise aux accusés. Apparemment, c'est leur droit. Par contre, à moi, on ne me remet pas de copie du récit larmoyant qu'ils font au juge des raisons pour lesquelles ils ont commis le crime. Pourtant, je voudrais bien en avoir une copie.

Lorsque Sylvain est mort, ma fille touchait une allocation familiale et avait un petit travail à temps partiel. Il n'y avait aucun service auquel Carole pouvait s'adresser pour lui dire «J'ai besoin qu'on m'aide à enterrer mon fils de manière décente, avec dignité». Il n'y en avait pas. On nous a renvoyés au bureau du bien-être social. Deux jours après la mort de son fils, alors qu'elle est encore totalement traumatisée et qu'elle était en larmes, elle a été obligée de passer trois heures à expliquer sa situation au service de bien-être social et à remplir des formulaires.

On nous a envoyés au salon funéraire où le directeur nous a dit, «Vous avez droit au moins cher des cercueils que nous vendons.» Non, mon mari n'a pas les 1 000 $ supplémentaires nécessaires pour offrir quelque chose d'un peu plus présentable à Sylvain. Vous avez droit à une journée au salon, pas une de plus, et cela ne couvre pas le prix du café ni de la messe. Mais le directeur était un homme de coeur et il nous a accordé trois jours. Il a même fait le café pour nous.

Ma fille a été obligée d'emprunter la carte de crédit de quelqu'un pour acheter les fleurs qu'elle voulait placer sur le cercueil. Elle n'avait pas un sou. Elle a utilisé l'argent du loyer pour acheter des habits à Sylvain car elle voulait qu'il porte quelque chose qui sorte de l'ordinaire pour son dernier voyage. Elle a pris deux mois de retard sur son loyer. Sa prestation d'aide sociale et son allocation familiale ont immédiatement été suspendues.

• 1625

Sachez que les jeunes meurtriers de Sylvain ont conservé leurs allocations familiales pendant tout le temps qu'ils ont passé en prison. Leur procès n'a eu lieu qu'un an plus tard. Ce n'est qu'après qu'ils ont été reconnus coupables que ces allocations familiales ont été supprimées. Donc, pendant leur séjour au Hay Centre, ils ont continué à toucher l'allocation et leurs prestations hebdomadaires. Où est la justice dans tout cela?

Ma fille a presque été obligée d'aller dans un foyer. Elle a dû quitter son appartement car, bien entendu, il était devenu trop cher pour elle. La petite nièce qu'elle avait prise chez elle pour l'aider à payer le loyer de son coquet logement est celle qui a fait entrer la mort chez elle. Ma fille s'est donc retrouvée avec sa nièce et avec Daniel, son fils. Lorsque la nièce a été enlevée ce soir-là, elle portait la veste d'hiver toute neuve de Daniel que Carole avait payée 150 $, à force d'économies. Les clés de l'appartement étaient dans la poche. Les tueurs avaient la veste. Ma fille a été obligée de trouver de l'argent pour en acheter une autre; il a fallu qu'elle fasse changer toutes les serrures, à ses frais, et tout cela, le même mois. Elle a été obligée d'acheter un mouchard qu'elle a branché sur le téléphone parce qu'elle recevait constamment des menaces de l'Ace Crew gang qui l'appelait constamment, tirait des coups de revolver au téléphone pour lui faire peur. Nous avons utilisé ces enregistrements au tribunal. Ils ont contribué à faire incarcérer cette bande de...

Ce que je veux dire c'est que ma fille avait besoin de tout cet argent à l'époque pour protéger sa famille et elle-même et qu'il n'y avait personne pour l'aider financièrement. Dans le document de demande d'indemnisation des victimes, il est écrit, «En cas d'urgence, téléphonez-nous». C'était bien un cas d'urgence, mais c'était de la frime. Il y a eu une période d'attente de trois ans avant que ma fille ne soit dédommagée de toutes ces petites dépenses qui représentaient un total de 2 500 $. Il a fallu trois ans pour qu'elle soit remboursée, et nous avons été obligés de nous battre constamment pour l'obtenir. Ce n'est pas juste. Ce n'est pas juste du tout. N'aurait-il pas été bien préférable, quand on lui a dit que son fils venait de mourir, qu'il y ait un bureau, quelque part à Ottawa, auquel on puisse s'adresser et où on vous dise «Voilà ce à quoi vous avez droit. Enterrez votre fils. Ne vous préoccupez pas d'autre chose aujourd'hui.» Cela l'aurait beaucoup aidée.

Ce qu'il aurait fallu c'est que quelqu'un dise «Voici ce que dit la loi. Voici ce qui va se passer demain: une audience préliminaire, une audience de justification, une enquête sur le cautionnement.» Nous avions besoin que quelqu'un nous explique tout cela. Cela aurait été tellement mieux que quelqu'un dise à Carole «Nous savons que vous êtes obligée de déménager immédiatement parce que vous n'avez plus les moyens de payer votre loyer. Allez là-bas; vous avez droit à une aide financière; nous vous aiderons.» Mais il n'y avait rien de tout cela. C'est nous qui avons fait tout le travail. Nous avons couru de tous les côtés, nous sommes allés au bureau du maire, nous sommes allés au bureau du bien-être social, au bureau d'aide aux victimes de la violence. Tout le monde nous a un peu aidés.

Je vais vous dire qui nous a vraiment aidés: Max Keeping, à CJOH. Il a lancé un appel pour ma fille à la télévision et 3 000 $ ont pu ainsi être recueillis. Cela nous a permis de rembourser les deux mois de loyer, d'acheter de quoi manger un mois de plus et de disposer d'un peu d'argent pour nous rendre chaque mois au tribunal. C'est CJOH qui a payé les droits de greffe que devait verser Carole—pas le Canada, pas les meurtriers de son enfant.

Au dos du document destiné au juge, il y avait la question suivante, «Réclamez-vous de l'argent à titre de dommages punitifs?» J'ai écrit, «Oui, nous voulons récupérer la veste de l'enfant, nous voulons que le mouchard et le téléphone soient payés.» Je ne crois pas qu'il y ait jamais eu une réponse. Alors, à quoi bon ces questions au dos du formulaire?

Voilà la situation dans laquelle les victimes sont placées. Le procès est terminé depuis près de trois ans. On nous a dit «Pourquoi ne rentrez-vous pas chez vous? C'est fini maintenant. Allez-vous-en.» C'est parce que je ne veux pas qu'une autre jeune mère connaisse la même situation. Ce n'est pas juste. De toute façon, la vie n'a plus du tout de sens pour moi. J'ai tant de peine et de colère en moi qu'il ne me reste que le choix suivant: Je peux poursuivre ces gens-là qui vont être mis en liberté cette semaine, et je peux perdre énormément de temps à le faire—et je sais comment faire—ou je peux utiliser cette énergie, cette colère, pour essayer de tirer un peu de bien de tout cela, car, pour moi, ma vie est finie.

• 1630

J'ai donc choisi d'aider les victimes, de rester mentalement active et de lutter pour obtenir les changements dont nous avons désespérément besoin. Ce n'est pas un luxe. Je crois que le Canada nous doit quelque chose.

Si vous êtes prêts à payer les frais d'un tueur incarcéré pour qu'il assiste aux obsèques d'un membre de sa famille... La connaissez-vous, celle-là? On a dépensé 10 000 $ pour qu'un détenu puisse assister aux obsèques de son père qui était mort quelque part à l'étranger. Quant à la personne tuée par cet individu—il est en prison pour avoir tué un enfant—la mère n'a pas pu avoir des obsèques décentes pour sa fille. Elle n'en avait pas les moyens.

Il y a quelque chose qui ne va pas; il y a quelque chose de profondément vicié dans le système. Puisqu'on parle d'équilibre, commençons par essayer de l'établir. Mon Dieu, nous ne pouvons pas continuer à traiter les gens de cette façon. Les victimes commencent à réagir; elles ne vont plus se contenter de rester sagement chez elles pour pleurer. Non.

Ce n'est pas juste. Cette enquête est une plaisanterie. Ai-je un avocat? Allez-vous me donner un avocat par l'intermédiaire de l'aide juridique, demain pour déclarer que tout cela est une vaste plaisanterie et que je veux intenter un procès? Puis-je en avoir un? Parce que s'il faut intenter des poursuites pour changer le système, je suis prête à le faire.

Nous essayons d'agir comme il le faut, sans faire de mal à personne. Nous demandons simplement des réponses; nous voulons simplement la vérité. Pourquoi a-t-on remis en liberté celui qui allait devenir le meurtrier de Sylvain? Qui a commis l'erreur? Comment trouver un remède pour éviter qu'un autre Sylvain ne subisse le même sort? C'est tout ce que je veux.

Et qu'est-ce qu'on me donne? Rien du tout. Et demain, je supplie un avocat de se charger de le faire. S'il faut passer par-là, je le ferai. Mais ce n'est pas juste. Pourquoi devrais-je être traitée ainsi?

Ces jeunes qui, littéralement, ont tué impunément parce qu'ils ont refusé de témoigner les uns contre les autres, sortent de prison cette semaine. Demain, je vais aller demander à l'aide juridique de me fournir un avocat car je veux engager une procédure civile contre eux. Je refuse en effet d'accepter qu'ils viennent me rire au nez. Pas question qu'après avoir vécu aux frais de l'État pendant deux ans, que ces individus continuent à mener leur vie impunément? Non.

Non. Je veux que ma fille soit dédommagée de la perte de cette maudite veste qu'ils lui ont volée ainsi que des clés de l'appartement et tout le reste. Je veux les poursuivre tous devant un tribunal civil. Croyez-vous vraiment que lorsque je vais entrer dans ce bureau on va me dire, «Mais certainement, Mme McCuaig, vous avez droit à un avocat de l'aide juridique. N'hésitez pas à le demander.» J'en doute fort.

La nuit où Sylvain a été tué, un agent s'est présenté chez une dame qui lui a dit que quelque chose de terrible allait se produire, que quelqu'un allait être gravement blessé et qu'il fallait faire quelque chose. Il n'a rien fait. Il n'a pas arrêté le garçon qui devait tuer Sylvain deux heures plus tard. J'aimerais beaucoup avoir un avocat de l'aide juridique pour intenter un procès à cet agent, mais je n'y ai pas droit, n'est-ce pas? C'est un droit qui est réservé à Richardson.

Richardson est un vieil abonné de notre système judiciaire. Je ne sais plus à combien de personnes il a fait du mal. Chaque fois, il a bénéficié de l'aide juridique et cette fois-ci, ce sera encore la même chose—parce que, bien entendu, il y aura appel. Ce n'est pas juste.

Les prestations d'assurance-emploi? Ne serait-ce pas merveilleux si les victimes en bénéficiaient? Si votre fils était assassiné ce soir et si vous voulez aller au tribunal pour voir ce qui se passe et apprendre qui est le meurtrier de votre fils parce que vous voulez que justice soit faite, vous ne pouvez pas vous permettre de quitter votre emploi et d'aller passer le reste de l'année au tribunal—le processus demande en effet près d'un an. Mais ne serait-il pas bien que les victimes bénéficient de l'assurance-emploi pendant qu'elles sont au tribunal? Pas toute la famille, mais un seul membre de celle-ci qui pourrait rapporter l'information à la maison car on nous tient dans l'obscurité; de tous les côtés, nous nous heurtons à des obstacles.

• 1635

Le soir même, j'ai téléphoné au service d'ambulances pour lui demander à quelle heure on avait embarqué Sylvain, pour avoir au moins une idée du moment de sa mort, du temps que cela avait pris pour le tuer. On a refusé de me répondre. C'était une question qui relevait de la police. J'ai téléphoné à l'hôpital et j'ai demandé depuis combien de temps il y était. On a refusé de me parler. C'était une question qui relevait de la police. Impossible d'obtenir le moindre renseignement.

Qui va me donner un numéro à appels gratuits pour que je puisse savoir où Richardson, Williams et Edwards vont être au cours des 25 prochaines années? Apparemment, il y a maintenant un numéro qu'on peut appeler pour cela.

Personne ne peut m'assurer que s'il s'évade, il ne va pas m'appeler chez moi. Nous avons en effet reçu des menaces. Pendant que nous étions au tribunal, il y a eu des appels, et c'est l'équipe d'intervention qui nous a ramenés chez nous. Au bout de deux ou trois jours, nous avons dit «Ça suffit. Nous ne voulons pas vivre de cette façon.» Nous avons été menacés de mort.

Si ces individus s'échappent, y aura-t-il quelqu'un à la prison pour me téléphoner? Ai-je ce droit? Ai-je cette garantie? Je n'en sais rien. On ne me dit jamais rien.

Je crois que je vous en ai suffisamment dit pour que vous ayez une idée assez claire de la situation, du moins je l'espère. Nous ne voulons pas nous immiscer dans le processus judiciaire; nous voudrions simplement qu'on nous dise ce qui se passe et quand cela se passe.

Et pour l'amour du ciel, permettez à cette mère d'avoir des obsèques décentes pour son enfant. La pauvreté n'est pas un vice. Nous ne sommes pas des citoyens de deuxième zone. Nous sommes des gens valables. Nous l'avons toujours été. Nous avons toujours travaillé dur pour le bien de la collectivité. Nous continuons à le faire. Ma fille ne mérite pas d'être traitée ainsi. Personne ne le mérite.

M. Steve Sullivan: Je crois que nous avons donné suffisamment matière à réflexion aux membres du comité. Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.

La présidente: Je vais voir qui... Chuck ne veut probablement pas poser de question.

Une voix: Oh, oh.

La présidente: Et vous avez des questions à poser, monsieur MacKay.

J'ai ensuite M. Telegdi et Derek, qui...

Allez-y, Chuck.

M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Réf.): Merci, madame la présidente.

La présidente: Il nous reste près d'une heure.

M. Chuck Cadman: Je n'ai pas grand-chose à dire.

La présidente: Je sais que vous n'avez pas besoin d'une heure pour le faire.

M. Chuck Cadman: Steve, je tiens à vous remercier d'être venu ici aujourd'hui.

Quant à vous, Theresa, que puis-je dire? Croyez-moi, je sais combien il vous a fallu de courage. Et j'espèce que ce que vous nous avez dit a fait prendre conscience de la situation à quelques-unes des personnes qui se trouvent dans cette salle.

Steve, je voudrais vous poser une question au sujet du bureau national d'aide aux victimes dont vous proposez la création. Je sais que vous avez évoqué les problèmes relatifs à SCC et à la Commission nationale des libérations conditionnelles, notamment en ce qui concerne leurs enquêtes. Mais y aurait-il d'autres domaines dans lesquels ce bureau pourrait intervenir et avez-vous une idée de la façon de l'empêcher de se bureaucratiser?

M. Steve Sullivan: Cela dépend en grande partie de la personne qui dirigera le bureau. Si c'est un bureaucrate qui ne connaît rien aux problèmes et aux besoins des victimes, cela deviendra une administration de plus qui se contentera de diffuser des documents et des brochures. Je crois par contre qu'avec des gens soigneusement choisis et une participation appropriée des victimes elles-mêmes, une commission ou un organisme de ce genre pourrait être efficace.

À mon avis, le rôle d'un tel bureau serait de coordonner les services provinciaux à l'intention des victimes dans tout le pays. Si un système fonctionne très bien dans une province, le bureau pourrait en informer les autres provinces. Le bureau pourrait aussi fournir des informations aux professionnels des services d'aide aux victimes, ainsi qu'aux victimes et aux groupes de victimes qui leur posent des questions au sujet des lois fédérales ayant des répercussions sur les victimes de crimes.

• 1640

Selon moi, ce bureau devrait jouer un rôle actif d'information sur les répercussions que les lois fédérales administrées par le ministère de la Justice ou par celui du solliciteur général ont sur les victimes et sur l'apport possible de celles-ci à l'élaboration de ces lois. Le bureau pourrait s'assurer que les points de vue des victimes sont portés à la connaissance des rédacteurs des projets de loi.

Dans la situation actuelle, le bureau pourrait jouer un rôle très précieux qui ne se limiterait pas à la publication de brochures attrayantes et autres activités du même genre. Il y a de nombreuses années de cela, il y avait un centre national d'information des victimes. Il s'est finalement réduit à un petit bureau installé dans un sous-sol avec un seul employé qui prenait les messages de demandes de renseignements. Ce n'est pas du tout ce que devrait être le bureau dont je parle. Ce devrait être un organisme actif, capable de représenter les besoins et les intérêts des victimes à l'échelon fédéral. Nous vous avons aussi parlé du rôle qui devrait être, à notre avis, celui des Services correctionnels du Canada et de la Commission nationale des libérations conditionnelles.

Tout cela se ramène en fait à la personnalité de celui qui sera chargé de la direction du bureau. Il est important que les victimes aient leur mot à dire sur le fonctionnement, que ce soit en faisant partie d'un conseil consultatif ou du conseil d'administration.

M. Chuck Cadman: Une dernière question. Comment envisageriez-vous de régler les problèmes éventuels—comment puis-je m'exprimer—que causerait l'intervention du gouvernement dans un domaine relevant des compétences provinciales? Les entretiens que j'ai eus avec certaines personnes en Colombie-Britannique m'ont clairement montré qu'elles étaient opposées à toute ingérence.

M. Steve Sullivan: À mon avis, ce bureau ne traiterait pas directement avec les victimes, mais avec les fournisseurs de services aux victimes et avec les groupes de défense des victimes. Les services proprement dits et l'information communiquée à des personnes telles que Mme McCuaig et d'autres victimes, seraient fournis à l'échelon provincial. Ce serait à la province et non au bureau de définir les droits et la manière dont les services seraient fournis.

Je crois cependant que le bureau pourrait jouer un rôle important sur le plan du leadership et de l'information et être ainsi fort utile aux fournisseurs de services et aux décideurs provinciaux. Par exemple, s'il existait un modèle vraiment efficace en Colombie-Britannique, le bureau pourrait recommander qu'on l'utilise également en Nouvelle-Écosse. Un organisme central permettrait de rassembler la totalité de l'information relative aux activités d'une province et des ressources à l'échelon fédéral. Il ne serait pas question que le bureau—crainte également exprimée par d'autres—gène les provinces dans l'exercice de leurs compétences. L'Ontario, par exemple, a annoncé la création d'un bureau d'aide aux victimes.

Je crois que la solution idéale serait de créer un bureau national qui travaillerait en collaboration avec des bureaux provinciaux similaires.

M. Chuck Cadman: Theresa, j'espère que tout le monde a écouté attentivement ce que vous aviez à dire, mais pourriez-vous nous expliquer en deux mots ce qui vous paraît vraiment important en tant que victime et nous dire ce qui vous a manqué; par exemple, quels seraient, selon vous, les informations et les services qui vous paraissent essentiels et qu'on ne vous a pas fournis?

Mme Theresa Cadman: Je comprends que la Commission d'indemnisation des victimes d'actes criminels accorde maintenant 2 500 $ à titre de dédommagement à la victime en cas de meurtre.

S'il avait existé un service vers lequel ma fille aurait pu se tourner le lendemain, le lendemain du décès, si on lui avait dit «Ne vous en faites pas.» «Voici la somme à laquelle vous avez droit, allez acheter des fleurs, faites-en ce que vous voulez»... Et s'il y avait eu quelqu'un pour lui dire qu'on l'aiderait, qu'on lui indiquerait où trouver un appartement subventionné... Si quelqu'un lui avait dit qu'il y avait des gens qui se spécialisent dans le traitement de l'affliction, si on lui avait indiqué où aller le soir pour parler à d'autres victimes et prendre un café, pour ne pas pleurer toute seule à la maison... Si quelqu'un lui avait dit qu'elle pouvait travailler là, nettoyer les tables, faire le café, revenir encore et encore, parler à d'autres victimes... Tout cela aide un peu.

Quand il y a un meurtre dans votre famille, le vide se fait autour de vous. Personne ne vous visite. Personne ne veut vous parler. Tout le monde a peur. C'est une chose horrible, on ne veut pas en entendre parler. Je pense que l'on croit que cela est contagieux. Vous vous retrouvez seul. Ce n'est pas une situation agréable.

M. Chuck Cadman: C'est bien vrai, je le sais.

• 1645

Mme Theresa McCuaig: Vous êtes abandonné. Nous avons essayé de trouver d'autres victimes qui nous comprendraient, des gens à qui nous pourrions parler. Dieu merci, nous avons fait la connaissance de Sharon Rosenfeldt. Elle nous a un peu aidés, mais évidemment tous ces gens travaillent. Vous le savez bien, Chuck, on se sent perdu, on ne peut rien faire. Pendant au moins trois semaines, on est comme un zombie, on agit comme un automate. Il aurait été bon de pouvoir aller quelque part, seulement pour parler, boire un café, est-ce que je sais, se rendre utile, obtenir des conseils ou de l'information.

Nous avons frappé à toutes les portes tous les jours, pour trouver un endroit où Carole pourrait vivre. Nous avons écrit des lettres à l'aide sociale pour demander si on ne pouvait pas lui donner un peu plus d'argent pendant deux ou trois mois, afin qu'elle puisse se remettre. Il était difficile de trouver comment il fallait s'y prendre. Vous vivez un deuil et vous voulez aller au tribunal. Il aurait été bon de trouver quelqu'un dans ce bureau qui aurait dit «C'est ma spécialité, venez ici et je vais vous expliquer comment votre enfant est mort. Je vais vous dire ce qui va se passer au tribunal demain, ce qu'est une enquête préliminaire.» Alors, nous aurions compris. Il se passait tant de choses à la fois, vous savez!

Vous êtes assis dans une salle d'audience et vous apprenez qu'on a mis le cerveau de votre enfant dans un bocal rangé quelque part sur une étagère dans un hôpital. Rien ne vous a préparé à cela, personne ne vous a prévenu. Nous l'avons appris par le coroner. Nous en avons bondi de nos sièges. Mon Dieu! Nous pensions que nous avions bien enterré notre enfant. C'est difficile à accepter. Ou alors quelqu'un vous déclare «La journée va être difficile parce que l'on va montrer des images de votre enfant au tribunal, et les prisonniers ont le droit de les voir.» Nous ne savions pas cela. Cette journée a été vraiment très pénible. Ce sont des détails de ce genre, vous voyez.

M. Steve Sullivan: Chuck, vous comprenez bien que Theresa fait essentiellement valoir l'importance de l'information. Elle a parlé du régime d'indemnisation, des 2 500 $ que l'on accorde actuellement aux familles des victimes de meurtre. C'est en Ontario et c'est tout récent. Certains changements positifs ont été apportés par la Commission d'indemnisation des victimes d'actes criminels en Ontario, à la suite de la nomination de Sharon Rosenfeldt à la présidence de l'organisme.

Je crois que la Colombie-Britannique dédommage aussi les familles, mais certaines provinces ne prévoient rien pour le counselling. Ainsi, dans le cas des familles de victimes de meurtre, il y a des provinces qui n'ont aucun régime d'indemnisation. C'est pourquoi nous parlons de disparités entre les provinces. Certaines ont de bons programmes, d'autres pas.

Mme Theresa McCuaig: Cela me fait rire, monsieur Cadman. Évidemment, ce n'est pas amusant, mais on dit que l'indemnité versée aux victimes d'actes criminels comprend un montant pour les soins psychiatriques. Mais qui donc a le temps d'aller chez le psychiatre lorsqu'il faut être présent au tribunal tous les jours? Vous voulez savoir ce qui est arrivé à votre enfant, et pourquoi. Vous devez choisir entre aller au tribunal ou aller chez le psychiatre. Je n'ai pas le temps d'aller chez le psychiatre et je n'aime pas beaucoup les psychiatres. Mais s'il y avait eu un groupe de soutien dans ce bureau, des gens avec qui j'aurais pu passer la soirée, boire un café et exprimer ma douleur, je pense que cela nous aurait beaucoup aidés à nous remettre.

M. Chuck Cadman: Merci.

La présidente: Monsieur MacKay.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Merci, madame la présidente.

Je tiens à remercier M. Sullivan d'avoir participé à l'assemblée locale que j'ai organisée au sujet des droits des victimes dans ma circonscription.

Madame McCuaig, je vous remercie de nous avoir fourni cette information. Je crois que la méthode que vous avez choisie pour canaliser votre colère et votre douleur est le témoignage le plus touchant que vous puissiez porter à la mémoire de votre petit-fils.

Je comprends, et nous comprenons tous, ce que vous dites. L'information doit mieux circuler. Il faut mieux former les intervenants au sein du système, ceux qui luttent contre le crime, les procureurs de la Couronne, les policiers, les avocats et les juges.

Il m'appert que bon nombre des horreurs, à défaut de meilleur terme, qui se sont produites au cours de la dernière année et même avant auraient pu être évitées grâce aux dispositions existantes du Code criminel. Il y a des façons d'aborder différemment ces aspects, si on fait place à la compassion et au bon sens. Le recours à une déclaration de la victime constitue un exemple. Cette disposition existe, la mesure est obligatoire—le juge doit l'envisager.

• 1650

Pendant tout le procès, le juge peut accepter une déclaration de la victime sous une forme différente. Cette discrétion n'est pas toujours utilisée et, bien souvent, en raison du déséquilibre dont vous parlez entre les droits de la victime et les droits de l'accusé, le juge péchera par prudence en faveur de l'accusé, de crainte d'un appel, de crainte d'une objection quelconque qui pourrait entraîner le rejet d'une preuve.

Mais il m'est apparu pendant que vous nous faisiez ce témoignage poignant que l'on pourrait mettre plus d'ardeur à tenter de veiller à ce que les intervenants utilisent les dispositions existantes du Code criminel ou des lois provinciales, c'est déjà un point de départ, au moins, pour les victimes. Si les victimes étaient bien au courant de cela, le système fonctionnerait mieux.

Il me vient aussi à l'esprit, à titre d'affirmation générale—et j'aimerais connaître votre réaction à cela ainsi que celle de M. Sullivan—, que les personnes qui oeuvrent actuellement dans le système, tous ces intervenants que j'ai mentionnés, sont surchargées de travail. Cela ne constitue pas une explication valable ni une excuse pour ce qui vous est arrivé, mais la charge de travail des procureurs de la Couronne, des avocats de la défense, des avocats de l'aide juridique en particulier, et des policiers ainsi que le retard accumulé des tribunaux semblent la grande cause de tous ces autres problèmes systémiques dont vous avez parlé.

Il faudrait allouer plus de ressources simplement pour accroître les effectifs. Nous avons besoin de plus d'agents de police de première ligne, de plus d'enquêteurs spécialement désignés pour atténuer le traumatisme, comme vous l'avez dit. Une personne spécialement désignée au bureau du procureur devrait veiller à ce que l'information relative à chaque cas soit distribuée, en particulier quand il y a des victimes de violence. Il est humain de vouloir savoir ce qui est arrivé à quelqu'un que l'on aime. Ce besoin n'est pas satisfait. La responsabilité incombe au procureur chargé du dossier.

Les procureurs de la Nouvelle-Écosse ont débrayé hier, ce qui est ridicule. La charge de travail moyenne est d'environ 80 cas par jour. Je ne veux pas minimiser ce qui vous est arrivé, mais quand un procureur lit un dossier et prend connaissance des terribles circonstances qui entourent l'affaire, s'il a encore 60 dossiers à examiner, il lui est tout simplement impossible de transmettre l'information à la victime qui en a besoin.

Alors pensez-vous que l'allocation de nouvelles ressources, une simple augmentation du personnel, permettrait de régler certaines iniquités?

Mme Theresa McCuaig: Est-ce que vous voulez dire au poste de police ou au tribunal?

M. Peter MacKay: Oui. Plus de personnel.

Mme Theresa McCuaig: Si un agent spécial de la police, capable d'aider les personnes affligées, pouvait venir chez vous et vous dire «Je vais demander le rapport d'autopsie et trouver de quelle façon votre enfant est mort. Voici ce qui va se produire au tribunal demain.»—certainement. Est-ce qu'il va venir jusque chez moi? Est-ce que cela ne serait pas plus facile s'il y avait un bureau où tous ces services étaient offerts? À mes yeux, cela serait plus logique, mais peut-être pas ici.

M. Steve Sullivan: Je crois que vous avez bien raison. Une partie de ce qu'il nous faut pour répondre aux besoins des victimes, c'est tout simplement plus de ressources. Cela va coûter de l'argent aux provinces pour embaucher du personnel et des procureurs, etc.

Hier, le gouvernement fédéral a annoncé qu'il consacrerait 32 millions de dollars à la prévention du crime. Comprenez-moi bien, la prévention du crime est une notion philosophique extrêmement importante que nous appliquons. Mais pourquoi est-ce que nous n'agissons pas aussi du côté des services aux victimes? Nous pourrions instaurer une norme nationale pour établir ce que le système devrait offrir aux victimes. Le gouvernement fédéral pourrait collaborer avec les provinces et fournir les fonds nécessaires pour veiller à ce que les services provinciaux répondent à ces critères, alors il y aurait un bureau où Theresa pourrait s'adresser au Palais de justice d'Ottawa pour demander «Mon petit-fils a été assassiné; à quoi puis-je m'attendre?», et on lui parlerait de l'indemnisation des victimes d'actes criminels et on lui donnerait de l'information au sujet des déclarations de victime.

• 1655

Mme Theresa McCuaig: Oui, oui.

M. Steve Sullivan: Le gouvernement fédéral a un rôle à jouer, un rôle financier, pour aider les provinces à assurer ces services.

M. Peter MacKay: J'ai été très étonné d'apprendre qu'il n'y avait pas de préposé des services aux victimes. Je sais que la notion est relativement récente, mais en Nouvelle-Écosse il y a un bureau des services aux victimes, et un préposé est affecté à chaque dossier pour assurer la liaison entre la victime et le bureau du procureur.

M. Steve Sullivan: De fait, il y a un bureau ici, au Palais de justice d'Ottawa, un programme pour les victimes et les témoins.

Mme Theresa McCuaig: En effet.

M. Steve Sullivan: Je n'ai pas encore rencontré de victime qui se soit adressée à ce bureau et qui ait reçu un service adéquat.

Ce qui est intéressant, c'est que nous parlons des disparités au pays. Je pourrais parler des disparités en Ontario, parce qu'il y a des services à Hamilton et à Toronto ainsi qu'ailleurs dans la province...

La présidente: À Windsor.

M. Steve Sullivan: À Windsor évidemment, le centre de l'univers.

La présidente: Nous essayons de toujours parler de Windsor, Steve, et de cette façon tout le monde est content.

M. Steve Sullivan: Fort bien.

M. Chuck Cadman: Toute la Colombie-Britannique.

M. Steve Sullivan: Cela est certainement en partie attribuable à l'influence du sergent d'état-major Jessop à Windsor.

La présidente: Oh, certainement, vous avez bien raison.

M. Steve Sullivan: Il y a dans tout l'Ontario des bureaux qui offrent d'excellents services, mais il n'existe pas de norme, même dans la province.

Il y a donc un bureau à Ottawa. Ce que fait ce bureau, je ne saurais vous le dire.

M. Peter MacKay: Je crois que nous tous, ici, souhaitons que soit créé un poste d'ombudsman des victimes ou un bureau national afin de régler certains de ces problèmes. Pensez-vous qu'il devrait aussi y avoir un agent ou un bureau de coordination dans les bureaux régionaux? Cela contribuerait à imposer la norme nationale que vous souhaitez.

M. Steve Sullivan: Oui, le bureau pourrait faciliter l'instauration d'une norme nationale et travailler directement avec les provinces intéressées.

M. Cadman a mentionné les compétences provinciales, et je connais les préoccupations à ce sujet, mais il s'agit peut-être, à mon avis, d'un secteur où nous pouvons mettre ces préoccupations de côté et travailler de concert. Il n'est pas question que le gouvernement fédéral dise aux provinces ce qu'elles ont à faire, mais je ne vois pas pourquoi une province ne voudrait pas offrir les meilleurs services possibles aux victimes. Ce bureau fédéral pourrait donc travailler en collaboration avec chacune des provinces et établir une norme dans tout le pays.

M. Peter MacKay: Il m'est venu une autre question au début de votre exposé, Steve. Je me fais l'avocat du diable en vous la posant, mais j'aimerais simplement savoir ce que vous en pensez, parce qu'on m'a souvent posé cette question.

À votre avis, est-ce que l'utilisation d'une déclaration verbale de la victime, à l'audience de libération conditionnelle, à l'audition prévue à l'article 745 ou, plus fréquemment, à l'audience de détermination de la peine, introduit un élément émotif? L'émotion n'est pas toujours logique, nous le savons. Est-ce que cela ajoute un élément qui, peut-être, n'a pas sa place à l'étape de la détermination de la peine? Je vous le demande très sérieusement et non pas pour minimiser les émotions que suscitent, naturellement, les atrocités perpétrées.

Je sais que les tribunaux peuvent être très froids, mais les juges doivent prendre des décisions appropriées. Pensez-vous que l'émotion que provoquerait certainement une déclaration verbale de la victime puisse nuire à l'opportunité de la décision?

M. Steve Sullivan: Je ne le crois pas. J'ai vu des victimes présenter des déclarations verbales au cours d'auditions prévues à l'article 745 et d'audiences de détermination de la peine, et l'émotion est certes présente, mais je ne suis pas de ceux qui croient que l'émotion n'a pas sa place dans la salle d'audience. Lorsqu'un homme raconte qu'il a assassiné sa femme parce qu'elle le trompait et qu'elle se moquait de lui parce qu'il ne pouvait pas lui faire un enfant, c'est de l'émotion. Lorsqu'un accusé ou un condamné explique comment il essaie de régler ses problèmes, fait allusion à la famille qui l'appuie et qui l'aime et proclame sa volonté de réussir, c'est de l'émotion. Alors la théorie selon laquelle il n'y a pas d'émotion dans les salles d'audience est sans fondement aucun.

Lorsqu'un juge détermine la peine, il devrait tenir compte de toute la gamme des questions soulevées par le crime, et si le geste d'un époux qui assassine sa femme, d'une bande de voyous qui tue un jeune homme ou d'un adolescent qui entre par effraction dans un domicile incite la victime à raconter au tribunal ce qui s'est passé et en quoi elle a été affectée, c'est une conséquence de l'infraction. Il ne s'agit même pas de déterminer l'innocence ou... Cela n'a rien à voir avec la culpabilité ou l'innocence de l'accusé, parce que la culpabilité est déjà établie.

• 1700

Il est donc important que les juges obtiennent, au moyen de déclarations verbales ou écrites, le point de vue des familles désireuses de le leur fournir. J'ai vu des victimes faire des déclarations verbales et, sur le coup, on ressent de l'émotion, mais notre système a peut-être besoin d'un peu plus d'émotion.

Est-ce que vous vouliez ajouter quelque chose, Theresa?

Mme Theresa McCuaig: Eh bien, je suis renversée que vous me demandiez une telle chose. Je suis furieuse, parce que dans les salles d'audience, les accusés ont bien le droit de dire au juge...

La semaine dernière, un tout jeune enfant a été assassiné, un enfant de 21 mois. L'accusé a pu se lever et parler; le juge lui a demandé s'il avait quelque chose à dire. Il a eu le droit de dire tout ce qu'il voulait. Ce garçon a connu 29 foyers nourriciers, le premier à l'âge de deux ans—il a 20 ans maintenant—, et aujourd'hui il est accusé de meurtre. J'ai éprouvé de la pitié pour lui. Vraiment. C'est l'accusé, et il a commis ce meurtre, mais j'ai pitié de lui. Je suis certaine que le juge a été ému. La jeune mère n'a pas eu le choix, il a fallu qu'elle se lève et qu'elle dise ce qu'elle ressentait.

M. Peter MacKay: Madame McCuaig, comprenez-moi bien, je n'ai pas posé la question pour vous provoquer.

Mme Theresa McCuaig: Oh, non!

M. Peter MacKay: J'admets tout ce que Steven dit et j'ai répondu à la question de la même façon. Je voulais simplement que l'information soit communiquée au comité.

Mme Theresa McCuaig: Oui, je suis désolée. La colère m'envahit à nouveau. Je revis un peu ce que j'ai vécu au tribunal.

M. Peter MacKay: Évidemment.

Mme Theresa McCuaig: Pourquoi est-ce que les accusés ont un droit que nous n'avons pas? En particulier, les jeunes contrevenants—leur mère vient parler en leur nom, les travailleurs sociaux, les psychiatres, etc. Nous, nous n'avons droit à rien du tout.

M. Peter MacKay: Est-ce que vous avez reçu un exemplaire des rapports présentenciels?

Mme Theresa McCuaig: Non.

M. Peter MacKay: Vous n'en avez pas reçu?

Mme Theresa McCuaig: C'est encore autre chose. On ne nous a jamais permis de lire les déclarations des témoins. Je ne savais même pas que nous avions le droit de les voir.

M. Peter MacKay: Quand on constate tout ce qui a mal tourné dans votre cas...

Mme Theresa McCuaig: Est-ce que vous me dites que nous avions le droit d'avoir une copie du rapport présentenciel?

La présidente: Pas en Ontario, je ne crois pas.

Mme Theresa McCuaig: On nous a dit que non.

La présidente: Non, non, je ne le pense pas.

M. Peter MacKay: En Nouvelle-Écosse, cela est possible.

Mme Theresa McCuaig: Parce qu'il s'agissait d'un jeune contrevenant, nous n'avions pas le droit.

La présidente: Permettez-moi d'apporter une précision. Cela n'est même pas possible dans le cas d'adultes en Ontario, j'en suis pratiquement certaine. D'après mon expérience, nous ne divulguons pas ces rapports. L'avocat de l'accusé en reçoit une copie, mais je pense que sinon ces documents sont protégés.

Qu'en pensez-vous, Steve?

Mme Theresa McCuaig: En effet, vous avez raison.

M. Steve Sullivan: Je n'en suis pas convaincu.

La présidente: C'est certainement une question que nous allons vérifier.

M. Peter MacKay: En Nouvelle-Écosse, de fait, il y a une partie du rapport présentenciel où l'auteur du rapport consulte la victime.

La présidente: En effet, cela est différent.

Mme Theresa McCuaig: On nous a demandé si nous voulions dire quelque chose à ce moment-là. En effet, on nous a demandé de participer au...

M. Peter MacKay: Mais vous ne recevez pas les rapports en Ontario?

La présidente: N'oubliez pas que mes souvenirs à ce sujet remontent à 1993, mais...

Mme Theresa McCuaig: Non, vous avez raison.

La présidente: ... lorsque j'étais procureur et lorsque j'étais avocat de la défense, le procureur, l'avocat de la défense et le juge recevaient tous des exemplaires du rapport présentenciel. Le service de probation consultait les victimes pendant l'élaboration du rapport. Évidemment, s'il s'agissait d'un K Mart, on ne consultait pas nécessairement les responsables du K Mart au sujet du vol à l'étalage, mais on consultait les victimes d'actes criminels de nature personnelle ou les victimes d'introduction par effraction, des choses de ce genre, généralement pour envisager une forme quelconque de restitution ou de service communautaire, quelque chose comme cela, puis on poursuivait. Mais je ne pense pas qu'un exemplaire du rapport présentenciel était remis directement aux victimes.

M. Peter MacKay: Cela peut se faire, sur demande.

Mme Theresa McCuaig: Nous n'avons droit à aucun document qui a été présenté au tribunal. L'accusé les voit.

La présidente: Mais c'est le genre de choses que nous examinerions, de toute façon.

Je vais maintenant passer aux autres témoins.

M. Peter MacKay: Très bien.

Merci, madame McCuaig.

La présidente: M. Telegdi, puis Derek Lee.

M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Merci, madame la présidente.

Steve, pour en revenir à l'un des commentaires que vous avez faits au sujet de la Reine contre le délinquant, je pense qu'il serait nettement préférable que l'on parle de la société contre le délinquant. Toute la froideur que cela comporte, vous savez, nous porte à nous demander si nous ne devrions pas accepter les déclarations verbales.

• 1705

Il me semble que si vous appliquez toujours le modèle de la justice réparatrice—et il est très difficile de l'envisager dans ce cas—il est très important que le jour du jugement serve de catharsis aussi bien pour les familles des victimes que pour les délinquants.

Je pense qu'il est essentiel qu'ils se rendent compte des répercussions de leurs gestes sur la vie des gens. Dans le cadre de l'examen de la Loi sur les jeunes contrevenants—nous l'aborderons à l'automne—, j'espère que nous tiendrons compte de cet aspect. Je pense en effet qu'il est essentiel que les personnes qui seront libérées prennent conscience du tort et de la destruction qu'elles ont provoqués.

Il pourrait être absolument automatique à ce moment d'envisager une réparation. Je crois que cela pourrait se faire de façon automatique. Il y a une façon de procéder.

C'est la deuxième fois que je vous entends témoigner devant le comité. Cela fait énormément de tort à notre société et je pense que ce que vous demandez, et je pense que ce que les victimes demandent, c'est un peu de respect et de compassion de la part des intervenants, du système.

Je connais le système judiciaire. J'y ai travaillé et je l'ai observé. Je sais que les procureurs de la Couronne sont surchargés de travail et que les agents de police sont surchargés de travail, les personnes qui vivent une crise ont besoin d'une forme d'intervention de crise à cette étape.

Je sais que dans les années 80, monsieur le président—et j'espère que nous pourrons obtenir certains de ces renseignements—, dans ma collectivité, il y avait un service aux victimes qui relevait du service de police et qui offrait une aide en cas de crise. Ce service était financé par des fonds fédéraux et il défendait les droits des victimes.

Et cela est nécessaire. Il vous faut quelqu'un qui peut vous expliquer le système, vous dire à qui vous adresser et vous mettre en rapport avec des groupes de soutien.

Dans ma collectivité, j'ai vérifié combien d'organisations offraient des services aux victimes. Il y en a plus de 40. Mais quand tout s'écroule et que vous vous retrouvez devant un juge, vous traversez une crise, une crise très pénible, il faut que quelqu'un soit en mesure de répondre, d'intervenir véritablement en fonction de la crise. C'est vraiment ainsi que je vois les choses.

Je pense que nous devons examiner les expériences effectuées par le gouvernement fédéral, parce que le gouvernement fédéral a réalisé des projets pilotes. Nous devons voir comment nous pouvons les établir. Après tout, le coût est déjà énorme.

Il y a un aspect que j'aimerais discuter avec vous, Steve. Est-ce que vous connaissez bien le programme de réconciliation entre la victime et le délinquant, le programme Community Justice Initiatives dans la région de Waterloo?

M. Steve Sullivan: Pas précisément celui de la région de Waterloo. Je connais le concept de réconciliation avec le contrevenant, mais pas dans la région de Waterloo.

M. Andrew Telegdi: De fait, en Amérique du Nord, cela a débuté dans la région de Waterloo vers le milieu des années 70. Il s'agissait d'une initiative du Comité central mennonite. Il a été très difficile d'établir le programme. Ce qu'on y fait, entre autres, c'est de diriger le plus possible les gens ailleurs que devant les tribunaux, pour ce qui est de la victime et du délinquant.

Ce programme ne convient pas aux affaires comme la vôtre, madame McCuaig, qui sont beaucoup trop graves.

Certains des principes qui s'appliquent auraient certainement leur utilité dans un modèle national. En faisant contribuer la victime, le délinquant et le médiateur, on a beaucoup plus l'impression que justice est rendue.

• 1710

Mme Theresa McCuaig: Évidemment. Bien sûr.

M. Andrew Telegdi: Il y a un très fort taux de dédommagement pour les victimes.

J'ai piloté moi-même certaines affaires—la réconciliation entre la victime et le délinquant—, et lorsque la victime d'une introduction par effraction est confrontée à l'auteur de cette infraction, outre qu'elle peut lui dire ce qu'elle pense, elle est rassurée parce que tout à coup elle s'aperçoit qu'il ne s'agit pas de Clifford Olson, mais d'un gamin qui connaît toutes sortes de problèmes.

Mme Theresa McCuaig: Précisément.

M. Andrew Telegdi: Je sais que dans ces cas il importait que le jeune prenne conscience des malheurs qu'il causait sans même s'en rendre compte. Et puis, vous constatez que les victimes s'intéressent aux délinquants et à la façon dont on peut les aider à changer leur vie.

Le modèle de justice réparatrice est incroyablement thérapeutique. Il est non seulement beaucoup moins coûteux que le processus judiciaire, mais aussi beaucoup plus efficace, si on l'utilise à bon escient.

Je vais vous donner de l'information à ce sujet, à vous Steve ainsi qu'à Mme McCuaig. Nous allons vous parler après la séance. Je ne suis pas certain de la façon dont nous pouvons vous aider auprès des services d'aide juridique, etc., mais nous pourrions vous donner un peu d'appui à cet égard.

Mme Theresa McCuaig: Vraiment?

M. Andrew Telegdi: Merci beaucoup.

M. Steve Sullivan: J'aimerais reprendre deux ou trois points que vous avez soulevés au sujet de la déclaration de la victime. Je pense que d'une certaine façon elle est fondée sur le modèle de la justice réparatrice et de la réconciliation entre la victime et le délinquant—vous confrontez le délinquant. Cela devrait en faire partie. Là encore, dans le cadre des programmes de réconciliation entre la victime et le délinquant, vous donnez aux victimes des choix quant à la façon dont elles vont traiter avec le système, à la façon dont elles veulent l'aborder.

Dans notre dernier chapitre, nous avons parlé de justice réparatrice et de programmes de réconciliation entre les victimes et les délinquants ainsi que de la responsabilité qu'ont les mouvements classiques de défense des droits des victimes—les groupes d'aide aux victimes comme le nôtre et CAVEAT ou Victimes de violence—; ils doivent s'engager plus à fond et se renseigner beaucoup plus au sujet de programmes de ce genre. Parce que vous avez raison, ces programmes peuvent beaucoup pour les victimes. C'est une autre façon de les habiliter, parce qu'elles ont l'occasion de rencontrer la personne qui est entrée chez elle ou qui a abîmé leur voiture, des choses de ce genre.

Mme Theresa McCuaig: Et vous savez, vous dites que cela ne s'applique pas à notre affaire parce que le crime est trop grave. J'aurais donné n'importe quoi pour pouvoir m'asseoir avec ces gens et leur parler, leur demander pourquoi ils avaient agi ainsi. Je leur aurais dit «Voici ce que je ressens; voici ce que vous m'avez pris. Expliquez-moi pourquoi vous avez fait cela. Peut-être qu'alors je pourrai surmonter ma douleur et reprendre ma vie, peut-être que je travaillerai pour améliorer la société, pour moi et pour vous.»

M. Andrew Telegdi: Non—lorsque j'ai dit cela, ce n'était pas pour vous. Non; cela pourrait très bien se faire dans une salle d'audience.

Mme Theresa McCuaig: En effet.

M. Andrew Telegdi: Dans bien des cas, la réconciliation entre la victime et le délinquant se fait tout à fait à l'extérieur du tribunal, c'est une solution de rechange à la procédure judiciaire, mais dans votre cas, parce qu'il devait y avoir bien sûr une peine d'emprisonnement, il fallait passer par le tribunal. Rien n'empêche toutefois de procéder ainsi devant le tribunal.

Mme Theresa McCuaig: Mais j'aurais aimé pouvoir faire quelque chose comme cela, si le délinquant voulait rencontrer la victime, en tête-à-tête, et lui parler... Peut-être que cela aiderait le délinquant à devenir honnête. Je ne le sais pas. Je suis prête à faire cet essai.

Le vice-président (M. John Maloney): Merci, monsieur Telegdi.

Monsieur Lee.

M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Merci.

Je voulais d'abord affirmer à Mme McCuaig et à M. Sullivan que leur témoignage d'aujourd'hui nous aide beaucoup à définir un contexte approprié à nos délibérations sur ce thème des victimes. D'une certaine façon, la très grande perte qui a affligé votre famille nous servira, du moins j'en ai le sentiment, à construire quelque chose, au Parlement.

Mme Theresa McCuaig: Merci.

M. Derek Lee: Dans le récit que vous nous avez... Eh bien, ce n'est pas un récit. C'est un fait vécu que l'on nous a relaté. Vous et votre famille—et pardonnez-moi d'être un peu trop analytiques, mais dans le cadre de ce processus nous devons être analytique, parce que nous devons produire, il faut l'espérer, quelque chose, alors nous devons réfléchir beaucoup—avez été victime d'un crime qui a fait l'objet d'une enquête pendant une brève période de temps, et vous avez ensuite été victime d'un crime qui a fait l'objet de poursuites.

• 1715

Mme Theresa McCuaig: Trois fois, il y a eu trois procès.

M. Derek Lee: Plusieurs, en effet. Puis vous avez été victime d'un crime pour lequel les personnes reconnues coupables ont été punies, et vous continuerez d'être la victime d'un crime dont les auteurs sont emprisonnés par Service correctionnel Canada. Le processus est donc encore en cours. Ce sont là au moins quatre étapes.

Mme Theresa McCuaig: C'est exact.

M. Derek Lee: Il y en aura peut-être d'autres, je n'ai peut-être pas bien divisé les choses. Mais il y a au moins quatre étapes.

À chacune de ces étapes—parce que vous les avez vécues, du moins en partie, toutes les quatre—est-ce qu'il y a un service aux victimes ou une procédure que vous avez remarqués, que vous avez jugés valables et que vous aimeriez nous indiquer?

Mme Theresa McCuaig: Victimes de violence nous a aidés car, sur le papier en-tête de l'organisme, les responsables ont écrit à l'aide sociale pour demander qu'on nous aide pendant cette période difficile. Cela a eu un effet, je crois, parce que l'aide sociale nous a accordé un peu de secours pendant six mois.

Le personnel de Victimes de violence a tapé pour nous une lettre où il recommandait l'octroi d'un logement subventionné, parce que même si ma fille n'était pas victime de violence, d'une certaine façon elle était désespérée, elle n'en pouvait plus et vivait dans la crainte que ces gens viennent lui enlever son autre fils. Cela nous a un peu aidés à obtenir un logement subventionné. Cela a aidé à trouver un logement pour elle. Nous leur en sommes très reconnaissants. C'est à peu près tout.

Le service des victimes... on parle du bureau des témoins au palais de justice. Je ne sais pas pourquoi on l'appelle le bureau des témoins alors que cela devrait être le bureau des victimes. Ils ont été très aimables là-bas; ils ont tapé la déclaration que nous avons présentée au juge. Nous n'avons pas d'ordinateur et de choses de ce genre à la maison, alors le personnel du bureau a transcrit ce que nous voulions dire. Il l'a fait très proprement et il nous a remis des copies. Nous lui en sommes très reconnaissants.

Un jour, M. Harnick se trouvait là et je l'ai abordé. Je lui ai demandé «Mon Dieu, dites-moi pourquoi il n'y a pas de ressource pour cette pauvre fille qui vient au tribunal tous les jours, à ses frais, pour essayer de faire mettre des assassins derrière les barreaux?» Je ne sais pas ce qui s'est passé, mais tout à coup ma fille a reçu sept dollars par jour pour venir au palais de justice. Nous étions très très heureux de cela. Je ne sais vraiment pas comment cela s'est fait, mais, vraiment, quel soulagement.

Ce sont les deux domaines où nous avons reçu un peu d'aide. Le reste est venu de la population, qui a accumulé les petits dons. Comme je l'ai dit, Max Keeping de CJOH a fait appel à la générosité des gens à la télévision, et les gens ont ouvert leur bourse.

M. Derek Lee: Alors quelques organisations, quelques personnes au sein de la collectivité, ont réagi quand on le leur a demandé ou lorsqu'elles ont eu connaissance de vos difficultés.

Mme Theresa McCuaig: Mais c'est humiliant, vous comprenez? Vous savez, vous êtes à la télévision, vous parlez à Dieu sait combien de personnes dans tout le Canada, vous pleurez parce que vous n'avez pas d'argent pour l'épicerie cette semaine. C'est humiliant. Vous pleurez un fils, vous savez... Vous vous passeriez bien de tout cela. Nous étions reconnaissants de cette aide, comprenez-moi bien, mais c'était humiliant pour le reste de la famille de voir tout cela à la télévision.

M. Derek Lee: Est-ce qu'il aurait été utile...? Je vous influence peut-être un peu ici, car vous allez sans doute répondre oui, mais peut-être pas. Est-ce qu'il aurait été utile, au cours des premières étapes—ce sont sans doute les services de police qui l'auraient fait—, si l'on vous avait dit «Voici le service aux victimes, un bureau d'orientation des victimes; on ne fournit rien d'autre que des services d'orientation, mais si vous communiquez avec ce bureau on vous mettra en contact avec des bénévoles ou des organismes gouvernementaux qui pourraient vous aider»—pensez-vous que cela vous aurait été utile?

• 1720

Mme Theresa McCuaig: On l'a fait.

M. Derek Lee: C'était le service de police d'Ottawa.

Mme Theresa McCuaig: Les policiers d'Ottawa m'ont donné le numéro de téléphone d'un agent de la police d'Ottawa, Louise Logue. Elle est censée assurer, j'imagine, les soins psychologiques, quelque chose de ce genre. J'ai demandé à Louise si elle ne pourrait pas trouver de quelle façon Sylvain était mort, combien de temps il avait été là-bas. Elle a dit «Je vais téléphoner aux officiers pour leur demander si je peux vous le dire et je vais vous rappeler.» Elle ne nous a jamais rappelés.

M. Derek Lee: Cette personne travaillait au service de police d'Ottawa.

Mme Theresa McCuaig: Son travail consistait à nous aider sur le plan psychologique, et c'est la seule chose que nous lui demandions, le rapport d'autopsie. Vous avez besoin de savoir, pour pouvoir dormir la nuit.

M. Derek Lee: Vous ne connaissez peut-être pas la réponse à ma question, mais pensez-vous que cet agent aurait été en mesure de vous orienter vers d'autres organismes?

Mme Theresa McCuaig: Elle a dit qu'elle allait communiquer avec les officiers chargés de l'enquête, qui possédaient toute l'information, et qu'elle nous rappellerait immédiatement pour nous transmettre cette information. J'ai dit «Oh, parfait», mais elle ne nous a jamais rappelés. Cela m'a donné l'impression que nous n'avions pas le droit de savoir.

M. Derek Lee: Alors vous n'avez jamais eu l'occasion de lui poser d'autres questions parce qu'elle ne vous a pas rappelés.

Mme Theresa McCuaig: Elle ne m'a pas rappelée, et j'étais trop blessée par son manque de... Dites un peu, c'est votre travail, et vous ne rappelez pas. À quoi sert-elle?

M. Derek Lee: Si la police d'Ottawa vous avait fourni ne serait-ce qu'un document—deux pages peut-être, je ne sais pas, et je ne vais certainement pas vous dire de fouiller dans Internet—, si elle vous avait donné deux ou trois pages décrivant ce qui se passe dans le cadre du processus de mise en accusation et du processus judiciaire et si elle vous avait indiqué trois ou quatre organismes ou bureaux qui fournissent de l'information au sujet des étapes A, B, C et D, est-ce que cela vous aurait été utile, au début du processus?

Mme Theresa McCuaig: Eh bien, le procureur nous a immédiatement remis une petite brochure appelée «Indemnisation des victimes d'actes criminels» ou quelque chose comme cela. J'ai pensé, Dieu merci, on va nous aider. Eh bien, nous avons appelé ces gens, et je vous jure que c'était une véritable farce. C'était lamentable. Les choses ont changé maintenant, je dois l'admettre. Il y a maintenant des employés qui travaillent là-bas, mais ces personnes n'étaient que... C'était parfaitement dégoûtant.

M. Derek Lee: On ne vous a pas aidés.

Mme Theresa McCuaig: Ma fille a dû raconter toute son histoire trois fois au téléphone, à trois personnes différentes. On la mettait toujours en attente. On lui a demandé où était le corps, on lui a demandé si elle avait avisé les policiers. Tout ce qu'elle voulait, c'était une aide financière immédiate pour inhumer son enfant.

M. Derek Lee: Alors vous tentiez de suivre les instructions qu'on donnait dans cette brochure.

Mme Theresa McCuaig: Oui.

M. Derek Lee: Ou du moins elle essayait de les suivre.

Mme Theresa McCuaig: Oui. Cela s'intitulait...

M. Steve Sullivan: Il s'agissait d'une brochure qui décrivait en termes généraux le programme d'indemnisation des victimes d'actes criminels en Ontario.

Mme Theresa McCuaig: Et on y disait que l'on offrait de l'aide en cas d'urgence. Nous avions besoin d'aide de toute urgence, mais lorsque nous avons appelé, vous n'auriez pas cru...

M. Derek Lee: Est-ce que c'était à Ottawa ou à Toronto?

M. Steve Sullivan: Le bureau est à Toronto. Je pense qu'il y a un numéro 800. Mais il n'y a qu'un seul bureau, et sans doute, comme dans les autres provinces, la charge de travail est absolument incroyable, ce qui, du moins en Ontario, est en voie d'être corrigé, il faut l'espérer. Une partie du problème vient du manque de fonds.

Mme Theresa McCuaig: Ce sont eux qui viennent de régler l'affaire de Carole. Comme je le disais, ils lui ont remis 2 500 $ pour la dédommager de ses pertes, il a fallu près de trois ans.

M. Derek Lee: Merci. Mon temps est épuisé.

Le vice-président (M. John Maloney): Est-ce qu'il y a d'autres questions de ce côté de la salle? Monsieur MacKay, allez-y.

M. Peter MacKay: Je n'ai qu'une question à poser, essentiellement pour faire suite à ce dont Derek parlait.

Est-ce que vous seriez en faveur de la création d'un fonds—pour l'indemnisation des victimes d'actes criminels, et cela serait administré peut-être par un ombudsman des victimes—et l'on pourrait puiser dans ce fonds en fonction de divers critères. On mettrait de côté un million de dollars, il y aurait peut-être des dons de charité, et les victimes...

Mme Theresa McCuaig: Oui.

M. Peter MacKay: ... pourraient demander des fonds lorsqu'elles ont des besoins financiers pressants, comme vous l'avez décrit?

Mme Theresa McCuaig: Absolument. Cela nous aurait énormément aidés.

• 1725

M. Steve Sullivan: Vous pourriez pratiquement le faire en vertu des programmes provinciaux existants, dans les provinces où il y en a. Le problème, à nouveau, c'est que le gouvernement fédéral a interrompu les paiements en 1993. Pour cette raison, je pense que certaines provinces ont entièrement éliminé leur programme et que d'autres les ont réduits.

Là encore, c'est un secteur où tout est question de ressources. Mais un tel fonds... Theresa a parlé de trois ans. Ce n'est pas inhabituel. Une femme avec qui nous avons travaillé pendant deux ou trois ans a été victime de voies de fait plutôt sérieuses, et je l'ai accompagnée à l'audience il n'y a que quatre ou cinq semaines. C'est incroyable ce qu'elle a dû supporter.

Il n'est pas inhabituel qu'il y ait deux à trois ans d'attente, en Ontario du moins, et je pense que c'est aussi le cas dans d'autres provinces.

M. Peter MacKay: Alors pour ce qui est de l'annonce d'hier, au sujet des 32 millions de dollars, si une importante partie—un million de dollars, par exemple—devait servir à créer un fonds que l'on pourrait utiliser, en vertu de certains critères, c'est quelque chose qui vous semblerait très positif, à vous, en tant que victime?

Mme Theresa McCuaig: Infiniment.

Vous savez, s'il y avait un tel bureau, je serais bien prête à y travailler comme bénévole, sans salaire. Je tiendrais le bureau, je ferais le ménage, je répondrais au téléphone, tout ce qu'il faut faire. Bien des victimes viendraient travailler de bon coeur dans ce bureau, je peux vous le garantir. C'est exactement ce qu'il faut à une victime à ce moment de sa vie.

M. Steve Sullivan: Nombre de ces services sont fournis par Victimes de violence. Il y a parfois des bénévoles qui se rendent au tribunal avec les familles. Ils s'assoient et les aident à remplir les formules d'indemnisation et à rédiger des déclarations. Je sais qu'il y a ailleurs au pays des groupes similaires—CAVEAT, CRY, FACT et d'autres groupes comme ceux-là. Des gens qui travaillent à temps plein s'engagent parce qu'ils savent ce que l'on ressent quand on est face au système.

Alors pour ce qui est des services dont les victimes ont besoin, il n'y a pas de formule magique. Cela ne va pas tomber du ciel. Nous savons ce qu'il faut faire. C'est une question de financement et de travail.

M. Peter MacKay: Madame McCuaig, je vous remercie infiniment. Vous avez été très courageuse, et c'est un honneur que vous nous avez fait en venant ici aujourd'hui.

Mme Theresa McCuaig: Merci.

Le vice-président (M. John Maloney): Vous avez des commentaires à ajouter, monsieur Cadman?

M. Chuck Cadman: Oui, j'aimerais ajouter quelque chose à ce que M. MacKay disait.

Premièrement, vous devez reconnaître que la définition de victime varie selon les provinces. Je sais qu'en Colombie-Britannique, il y a deux ou trois ans nous avons ajouté dans la loi les membres de la famille des victimes de meurtre. Ils ont maintenant droit à une indemnité.

Cela ne vaut pas dans tout le pays, mais avant de modifier... Je connais des histoires d'horreur. Je connais une mère à qui l'on a dit qu'elle ne toucherait rien au titre du counselling des personnes affligées parce qu'elle n'avait pas été témoin du meurtre de sa fille. J'en connais une autre qui n'a rien reçu pour le counselling parce que quelqu'un a décidé qu'elle n'avait pas été suffisamment traumatisée en assistant à l'exhumation de son fils. Cela n'était pas suffisamment bouleversant.

À cette époque, bien des problèmes en Colombie-Britannique, venaient de ce que l'indemnisation des victimes d'actes criminels relevait du régime d'indemnisation des accidentés du travail. C'est encore le cas, mais les choses ont bien changé grâce à la loi. Tout est fonction de la personne avec qui vous travaillez; avoir mal au dos n'équivaut pas à être témoin du meurtre de votre enfant.

M. Steve Sullivan: Ce n'est que tout récemment en Ontario que les familles des victimes de meurtre ont droit à un soutien financier pour le counselling et ce genre de services. Auparavant, il fallait pratiquement être placé en établissement psychiatrique pour avoir droit à une indemnisation. Il fallait satisfaire à la définition de «choc nerveux». Dans d'autres provinces, on ne reconnaît pas du tout les familles des victimes de meurtre.

Le vice-président (M. John Maloney): Merci, monsieur Cadman.

Monsieur John McKay.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Merci, monsieur Sullivan, merci, madame McCuaig.

Votre témoignage me trouble au point qu'il m'est difficile de formuler des questions pour nous faire progresser vers notre but, qui est de préparer un projet de loi et des conseils à l'intention du ministre.

J'aimerais être un peu plus précis, si j'ose dire, en ce qui concerne la consultation à l'étape de la négociation du plaidoyer, qui est un point tournant du procès. Je vois bien que cette étape est semée d'embûches, que le procureur doit examiner la preuve avec une objectivité que la victime ne partage peut-être pas et qu'il a pour mandat de consulter la victime.

• 1730

Quand il y a conflit entre la façon dont le procureur veut procéder, ce que le procureur croit pouvoir obtenir d'après les preuves dont il dispose, et ce que la victime juge approprié, je me demande comment on peut régler ce genre de conflit

M. Steve Sullivan: En réalité, la décision appartient au procureur. Nous recommandons de donner à la victime la possibilité d'exprimer son opinion, mais cela ne signifie pas que la victime sera satisfaite du résultat. Il y a bien des éléments, à mon avis, dont les victimes—et Theresa en a certainement parlé—ne seront pas satisfaites, au bout du compte, mais le moins que nous puissions faire est de veiller à ce que les victimes soient entendues, à ce que le procureur évalue leur point de vue et prenne une décision qui ne plaira peut-être pas aux victimes mais qui, à son avis, est la meilleure décision possible.

Il y aura toujours des victimes qui ne seront pas satisfaites. C'est la réalité. Le système, pour être franc, n'a pas pour mandat de rendre les victimes heureuses. Il devrait cependant leur donner le sentiment qu'elles ont un rôle à jouer et qu'on leur reconnaît un peu de pouvoir.

Mme Theresa McCuaig: Au bout de deux ans, le procureur qui nous voyait au tribunal depuis si longtemps nous a appelés un jour pour nous expliquer ce qu'était la négociation du plaidoyer. Le simple fait d'être invité était tout un événement. Le simple fait d'être reconnu était tout un événement. Nous sommes entrés dans son bureau, et elle nous a très bien expliqué pourquoi elle n'avait pas le choix: si nous faisons telle chose, voilà ce qui va se produire, et si nous faisons telle autre chose, voilà ce qui pourrait se produire, alors je préfère cette option, qui est, je crois, celle qui vaut le mieux pour nous tous.

En effet, nous pouvions comprendre. Oui, nous n'étions pas stupides. Nous comprenions exactement ce qui se passait. En effet, le procureur n'avait pas le choix. Nous lui avons dit qu'elle n'avait pas le choix, et de procéder comme elle l'entendait.

Bref, nous n'avions aucun poids de toute façon, mais au moins nous avons eu l'impression de participer au processus. Nous comprenions certainement sa position. C'est la façon dont la loi fonctionne, et nous n'en étions pas satisfaits, mais nous comprenions sa position, nous la respections, nous ne lui avons jamais créé de difficultés et nous n'avons pas été impolis.

Lorsque nous sommes rentrés dans la salle d'audience, nous savions ce qui se préparait parce que nous avions été informés. Nous savions tout. Nous n'étions pas satisfaits, mais cela nous paraissait acceptable. Cela n'a pas été fait derrière notre dos.

M. Steve Sullivan: Là encore, on en revient à la question de l'information, de s'asseoir et d'expliquer, comme Theresa l'a dit, pourquoi il faut négocier un plaidoyer.

Mme Theresa McCuaig: Parce qu'il y a, en général, de très bonnes raisons.

M. John McKay: Comment cela devrait-il fonctionner? Est-ce que vous pensez que la victime doit effectivement signer le plaidoyer négocié?

M. Steve Sullivan: Je ne sais pas si les choses devraient être aussi officielles. Je crois qu'après la conclusion d'un accord de plaidoyer entre l'avocat de la défense et le procureur, au moment de la détermination de la peine, le procureur pourrait indiquer au juge qu'il a consulté la victime ou qu'il a parlé avec la victime, ou le juge pourrait le demander. Je ne crois pas qu'il faille signer un bout de papier. Après tout, vous êtes devant un tribunal.

M. John McKay: Est-ce que vous exigeriez que le juge demande à la victime si elle a été consultée?

M. Steve Sullivan: J'exigerais que le juge demande au procureur s'il a consulté la victime.

M. John McKay: Poser la question au procureur, mais pas nécessairement à la victime.

M. Steve Sullivan: Dans certains cas, la victime est peut-être absente. Elle ne veut pas être consultée. Elle ne veut pas savoir ce qui se passe. Alors cela pourrait créer des difficultés. Si on pose la question au procureur, je crois que cela suffirait.

M. John McKay: Très bien. Et comment vous y prendriez-vous? Est-ce que vous rédigeriez des instructions à l'intention des procureurs ou est-ce que vous modifieriez la loi elle-même?

M. Steve Sullivan: Je crois qu'il faudrait modifier la loi, peut-être le Code criminel. Il faudrait que le gouvernement fédéral en discute. Je pense—et je me trompe peut-être—que la question relève de la compétence fédérale. Mais je crois qu'il serait approprié de légiférer à l'intention des juges.

M. John McKay: Permettez-moi d'aborder une autre question, un point fort litigieux, le moment de la remise en liberté de l'accusé—ce n'est plus l'«accusé», mais plutôt le «condamné»—au sein de la collectivité. J'aimerais savoir ce que vous pensez de la façon dont cela doit se faire. Vous avez un comité d'agents des libérations, ou de diverses personnes, qui décident que cette personne est prête à retourner dans la collectivité. À ce moment-là, je pense qu'on se contente d'une déclaration. Pourrait-on procéder autrement?

• 1735

M. Steve Sullivan: À l'heure actuelle, les victimes peuvent, si elles le désirent, demander à la Commission des libérations conditionnelles ou au Service correctionnel les dates de libération sous condition du délinquant. Elles peuvent assister à l'audience et connaître la décision. Elles peuvent obtenir copie de la décision de la Commission des libérations conditionnelles qui explique pourquoi cette décision a été prise et de quoi il s'agit, ou la Commission communique avec la victime pour l'informer que la libération conditionnelle sera approuvée le 22 juin et que le délinquant sera libéré dans la région le 4 juillet. Les victimes ont donc droit à ce genre d'information à l'heure actuelle.

M. John McKay: Est-ce que vous iriez plus loin?

M. Steve Sullivan: Je ne le crois pas. Je crois que notre seule préoccupation dans ce domaine est de veiller à ce que les victimes sachent qu'elles ont droit à l'information. Très souvent, des gens nous appellent pour nous dire qu'ils ont vu le délinquant dans la rue. Si je leur demande s'ils ont communiqué avec la Commission des libérations conditionnelles et demandé ce renseignement, ils me répondent qu'ils ne savaient pas qu'ils pouvaient le faire.

Alors il ne s'agit pas d'une absence de disposition, mais bien du fait que les victimes ne sont pas au courant. Là encore, je ne dis pas que la Commission des libérations conditionnelles devrait communiquer avec chaque victime au Canada, mais le procureur ou le service de police, quelqu'un tôt ou tard devrait dire «Voici un numéro, voici une adresse, vous avez droit à cette information».

M. John McKay: Alors pour l'instant vous ne demandez pas vraiment de changement législatif...

M. Steve Sullivan: Comme je l'ai dit dans mon introduction, il y a certains renseignements auxquels les victimes devraient avoir droit et qui leur sont refusés à l'heure actuelle. Si les victimes assistent aux audiences elles obtiennent cette information.

Que le délinquant s'est efforcé de modifier son comportement, de s'améliorer, de suivre des cours, c'est le genre d'information qui pourrait sensiblement calmer les préoccupations des victimes au sujet de la libération conditionnelle, si elles savent que la personne fait vraiment des efforts pour changer. Là encore, c'est plus important dans les situations où il y a des liens. Ce genre d'information à l'heure actuelle ne peut être communiqué aux victimes, à moins bien sûr que les victimes n'assistent aux audiences et n'entendent les commentaires. C'est le seul domaine où nous demandons d'élargir un peu l'information qui peut être communiquée aux victimes.

M. John McKay: Est-ce que vous souhaitez que des documents soient versés au dossier de la Commission des libérations conditionnelles, ou de tout autre organisme de libération?

M. Steve Sullivan: Quand la victime écrit à la Commission des libérations conditionnelles ou appelle un agent de la commission, je crois savoir qu'à l'heure actuelle le dossier est marqué et que cela est inscrit dans l'ordinateur ou versé au dossier...

M. John McKay: Mais c'est à l'initiative de la victime plutôt qu'à celle de la commission.

M. Steve Sullivan: En effet. Là encore, tout se ramène aux choix que l'on offre à la victime. Si la victime veut communiquer avec la Commission des libérations conditionnelles, c'est à elle d'agir. Certaines victimes passent par notre bureau parce qu'elles ne veulent pas recevoir directement l'information. Je laisserais cette responsabilité à la victime. Si elle veut l'information, elle prendra des mesures pour l'obtenir.

M. John McKay: La victime veut parfois simplement oublier toute l'affaire, ne plus y penser, et un jour elle rencontre quelqu'un au centre commercial.

Mme Theresa McCuaig: C'est vrai.

M. Steve Sullivan: Si elle choisit de ne pas demander l'information, vous ne pouvez pas l'y obliger. Certaines victimes ne veulent plus entendre parler de l'affaire, et c'est leur choix.

Le vice-président (M. John Maloney): Une dernière question, monsieur McKay.

M. John McKay: Au sujet de la définition du terme victime, nous avons une petite formule en Ontario. On y dit qu'une victime peut être un enfant, une personne à charge ou le conjoint de la victime décédée. Est-ce que vous pensez qu'en Ontario la définition est plus large?

M. Steve Sullivan: Je crois que c'est là la définition utilisée en Ontario.

M. John McKay: C'est exact. Mais selon cette définition, Mme McCuaig ne serait pas une victime.

M. Steve Sullivan: Je ne crois pas que Mme McCuaig ait reçu d'indemnité.

Mme Theresa McCuaig: Oui, j'y ai eu droit.

M. Steve Sullivan: Vraiment? Je suis désolé. Le régime d'indemnisation est beaucoup plus large. Mais vous avez raison—c'est l'un des secteurs que nous mentionnons dans notre ouvrage—que la définition utilisée en Ontario exclut les grands-parents. Dans d'autres provinces, c'est la même chose. La Colombie-Britannique a certainement la définition la plus large.

L'autre domaine où nous recommandons aux provinces d'élargir leur définition est celui des couples de même sexe, parce que certaines provinces ne reconnaissent pas les relations homosexuelles. Là encore, je pense que la Colombie-Britannique reconnaît ces personnes.

M. John McKay: J'imagine que les beaux-parents seraient aussi...

M. Steve Sullivan: Les beaux-parents, les demi-frères et soeurs—la définition du Code criminel est, je crois, beaucoup plus large.

Mme Theresa McCuaig: Il faudrait englober quiconque est responsable de quelqu'un. Que ce soit les liens du sang ou pas, vous êtes responsable de cette personne.

M. John McKay: Merci.

Le vice-président (M. John Maloney): Merci, monsieur McKay.

Madame Cohen.

• 1740

Mme Shaughnessy Cohen (Windsor—St. Clair, Lib.): Dites-moi rapidement quel argent a été retiré en 1993. Je n'ai pas bien compris. J'étais en bas, j'essayais de ramener le calme.

M. Steve Sullivan: Le gouvernement fédéral fournissait autrefois une aide financière aux provinces pour les programmes d'indemnisation des victimes d'actes criminels. Cette aide a été abolie en 1993, je crois, par le gouvernement précédent. Je ne suis pas certain des motifs de cette mesure, mais certaines provinces ont réduit leurs programmes en conséquence. D'autres provinces ont entièrement éliminé les programmes d'indemnisation.

Mme Shaughnessy Cohen: Mais vous n'y voyez pas la cause de toutes les lacunes des programmes d'indemnisation provinciaux.

M. Steve Sullivan: Non. Je mentionnais simplement que cela avait été fait. C'est un domaine où nous pensons que le gouvernement fédéral a aussi un rôle à jouer.

Mme Shaughnessy Cohen: Est-ce que vous êtes encouragé par ce processus? La question est-elle équitable, Steve, pour ce qui est de la façon dont nous avons procédé, de nos buts et de ce genre de choses?

M. Steve Sullivan: Je le crois. Je sais que l'on tiendra un forum national et que le ministre a fait des commentaires positifs. Nous avons eu l'occasion de lui parler. Chaque fois qu'un comité tient des audiences ou qu'un forum est consacré aux victimes, je pense que l'activité porte fruit. Nous sommes donc heureux de cela jusqu'à maintenant. Quand nous verrons le produit final, nous ne serons peut-être pas satisfaits, mais nous sommes certainement heureux du processus.

Mme Shaughnessy Cohen: Au moins, vous êtes tenus au courant des progrès.

Finalement, je sais que vous avez pris la parole à la réunion organisée par M. MacKay dans sa circonscription. Tous les députés ont été priés de tenir de telles assemblées, et je pense que nombre d'entre eux en préparent. Sans vouloir vous mettre dans l'embarras, est-ce que vous seriez disposé à y participer si des demandes raisonnables vous étaient présentées en ce sens?

M. Steve Sullivan: Oui.

Mme Shaughnessy Cohen: Est-ce que vous avez des fonds pour le faire?

M. Steve Sullivan: J'ai un budget de déplacement.

Mme Shaughnessy Cohen: Alors si nous informons tous nos caucus que vous êtes disponible et prêt à participer, quel que soit le parti politique, vous le feriez?

M. Steve Sullivan: Je le ferais avec plaisir.

Mme Shaughnessy Cohen: Merci beaucoup.

Le vice-président (M. John Maloney): Merci, madame Cohen.

Monsieur Sullivan, madame McCuaig, nous vous sommes très reconnaissants d'être venus ici aujourd'hui. Vous avez certainement beaucoup aidé le processus et nous vous en remercions infiniment.

Sur ce, la séance est levée.