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JURI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 12 mai 1998

• 0940

[Traduction]

La présidente (Mme Shaughnessy Cohen (Windsor—St. Clair, Lib.)): La séance est ouverte.

Au nom de notre comité qui se penche sur le rôle des victimes dans le système de justice pénale, je souhaite la bienvenue à Catherine Kane, conseillère juridique à la Section de la politique en matière de droit pénal du ministère de la Justice.

Certains d'entre nous—John Maloney, Andrew, Jack et moi-même—étions là lors de la dernière visite de Catherine au comité, lors de la dernière législature. Je tiens à dire aux autres membres du comité, les nouveaux, que Catherine connaît tout sur ce sujet. Elle est ici pour nous renseigner sur ce à quoi nous pouvons nous attendre dans le cadre de notre étude nationale de cette question. Catherine a vraiment une bonne idée de ce qui est offert dans les provinces et peut nous orienter dans notre étude de ce sujet.

Pour moi, Catherine, c'est aujourd'hui une séance d'information. Nous sommes ravis que vous soyez là. Je sais que vous avez des choses à nous dire, nous allons donc nous détendre et tout assimiler.

Merci.

Mme Catherine Kane (conseillère juridique, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice): Merci de m'avoir présentée.

Cela pourra sembler un peu répétitif pour ceux qui étaient là l'an dernier, mais comme le disait Mme Cohen, c'est probablement une bonne base. Je vais essayer de vous résumer les activités du gouvernement dans les domaines des victimes depuis le début des années 80, sans trop aller dans les détails. Je serai ravie de vous en fournir, toutefois, si vous le souhaitez. Autrement, mon exposé serait trop long. Si vous voulez davantage d'information sur un sujet particulier, je vous renseignerai volontiers.

Le gouvernement s'intéresse aux questions relatives aux victimes depuis le début des années 80, et même avant, au début des années 70, lorsqu'on a commencé à partager les coûts des programmes d'indemnisation des victimes d'actes criminels. A l'époque, quelques provinces avaient des programmes d'indemnisation des victimes et le gouvernement a jugé qu'il serait bon d'avoir des normes minimales. On a encouragé les autres provinces à emboîter le pas avec des mesures législatives semblables et une entente de partage des coûts a été élaborée.

Au début des années 80, divers gouvernements y compris le fédéral ont voulu réfléchir à la façon de mieux répondre aux préoccupations des victimes au sein du système pénal. Un groupe de travail fédéral-provincial a donc été créé, présidé par la province de l'Ontario et regroupant la plupart des provinces, ainsi que le ministère de la Justice et celui du Solliciteur général.

Il s'agissait essentiellement d'un examen assez large des besoins des victimes et de leurs expériences au sein du système judiciaire. Le groupe de travail avait pour mandat d'examiner les lois, le financement des programmes, la disponibilité des services, les services à créer, et de recommander aux ministres la façon de mieux faire connaître les besoins des victimes. De plus, il devait commencer à envisager la façon dont les deux paliers de gouvernement pourraient travailler ensemble, puisque c'est un domaine de compétences partagées.

Comme la plupart d'entre vous le savent, le gouvernement fédéral met en oeuvre les lois pénales, qui s'appliquent partout au Canada. Ce sont toutefois les provinces qui doivent veiller à l'application de la loi, aux poursuites contre les contrevenants et, en gros, à toute l'administration de la justice. Les services aux victimes semblent relever de l'administration de la justice et c'est pourquoi c'est surtout une responsabilité provinciale.

Le groupe de travail a présenté un rapport au ministre en juillet 1983 qui contenait des représentations sur la santé, les services sociaux, la justice, les juges, la police, les décisionnaires, etc. On y avait adopté une démarche très large qui rejoignait la procédure judiciaire, les réformes, les services aux victimes, la divulgation de renseignements, les besoins spéciaux des personnes âgées et des enfants, les victimes de violence familiale, les victimes d'agressions sexuelles, les victimes autochtones, les familles des victimes d'homicides et, bien entendu, le besoin d'identifier les ressources.

Les divers niveaux de gouvernement ont été dépassés par la nature des recommandations. En effet, ces 79 recommandations ne donnaient pas de plan d'action. On a reconnu que d'autres consultations étaient nécessaires pour trouver des modèles de mise en oeuvre des recommandations.

Dans l'intervalle, on faisait du travail dans le domaine de la violence familiale. Le Comité permanent de la santé, du bien-être et des affaires sociales a déposé son rapport en 1981, par suite de quoi a été créé le Centre national d'information sur la violence dans la famille. On faisait aussi des sondages auprès des victimes. Le ministre de la Justice et le solliciteur général ont émis des lignes directrices à l'intention des procureurs et des policiers des territoires en ce qui a trait aux agressions entre conjoints. Une loi a été adoptée pour réformer la Loi sur les agressions sexuelles.

En outre, on parlait beaucoup d'agressions sexuelles des enfants. Le Comité Badgley a présenté son rapport; il en a résulté des modifications au Code criminel relatif à l'exploitation sexuelle des enfants, en 1988.

• 0945

Comme suivi aux recommandations au groupe de travail, le ministère du solliciteur général et celui de la Justice ont collaboré à divers projets, au milieu des années 80, pour financer des projets pilotes afin de trouver la meilleure façon d'offrir des services. Ainsi, des groupes pouvaient demander du financement pour essayer quelque chose dans leurs collectivités, souvent en partenariat avec la province. Beaucoup de projets pilotes ont ainsi été financés.

Par exemple, au sujet des déclarations des victimes, à peu près à la même époque, divers modèles de déclarations des victimes ont été mis à l'essai un peu partout au Canada, ce qui nous a permis d'adopter une disposition relative aux déclarations des victimes qui permettait une certaine souplesse aux autorités provinciales, aux collectivités ou aux districts judiciaires, afin qu'ils puissent adopter le modèle qui leur convenait le mieux.

En 1984, un centre de ressources pour les victimes a été mis sur pied au ministère du solliciteur général, comme centre d'information. Il a été transféré en 1988 au ministère de la Justice, mais n'a pratiquement plus servi de centre de ressources. Il s'agit maintenant d'un site Web du ministère de la Justice, que nous espérons améliorer dans l'année qui vient pour qu'il soit plus convivial pour les victimes et pour qu'il offre davantage d'information.

En 1985, le Canada était l'un des parrains de la Déclaration des Nations unies des principes de justice fondamentaux pour les victimes d'actes criminels. Cette Déclaration des Nations Unies a servi de cadre à l'énoncé canadien des principes de justice fondamentaux pour les victimes d'actes criminels, qui a été élaboré par les provinces et le gouvernement fédéral et adopté en 1988.

En 1987-1988, nous envisagions une stratégie plus complète pour répondre aux besoins des victimes. On y trouvait notamment un projet de loi, le projet de loi C-89 de 1988 et une nouvelle entente de partage des coûts pour l'indemnisation des victimes, afin d'améliorer ces programmes. Le partage des coûts a été modifié de manière à assurer un financement plus important aux provinces.

En outre, un fonds d'aide aux victimes a été créé, avec un financement de 10c. per capita, afin que les provinces puissent mettre sur pied les services ou les programmes qu'elles n'avaient pas déjà, comme des programmes d'information, ou des services qui n'étaient pas déjà compris dans l'accord d'indemnisation des victimes d'actes criminels. Cette contribution avait une durée fixe de deux ans. Nous pensions qu'entre-temps, les recettes découlant de la suramende compensatoire intégrée au Code criminel seraient suffisantes pour permettre aux provinces d'offrir des services aux victimes, à l'échéance du fonds d'aide aux victimes.

Comme je le disais, le projet de loi C-89 a été adopté en 1988. Il y a eu diverses modifications au Code criminel, y compris au sujet des déclarations des victimes et des dédommagements, qui ont été adoptées de nouveau et modifiées dans la Loi sur la détermination de la peine de 1995. Il y a eu aussi des dispositions sur la restitution des biens, sur la suramende compensatoire et sur les interdictions de publication. Plutôt que de passer à travers toute cette chronologie, je vous résumerai plus tard les dispositions actuellement dans le Code qui répondent aux besoins des victimes.

D'autres mesures ont été prises pour répondre à des besoins particuliers. Par exemple, le projet de loi C-15 sur l'exploitation sexuelle des enfants, qui comprenait de nouvelles infractions relatives au contact sexuel, à l'incitation à des contacts sexuels et à l'exploitation sexuelle des enfants. Plus récemment, en 1996, le projet de loi C-126 est allé au-delà des modifications apportées par le projet de loi C-15 en ce qui touche les ordonnances relatives à un engagement du défendeur et des interdictions fixant par exemple comme condition de ne pas se trouver dans un endroit fréquenté par des enfants.

En 1988, à l'époque du projet de loi C-89, nous discutions aussi avec les provinces de l'opportunité d'adopter une loi nationale sur les victimes qui refléterait l'énoncé de principes fondamentaux. A l'époque, les provinces estimaient que le contenu de l'énoncé était surtout de leurs compétences et que toute loi à son sujet devait être une loi provinciale et c'est ce qui s'est produit.

• 0950

Mais afin d'avoir une entente servant à orienter les politiques et les mesures législatives, l'énoncé canadien a été rédigé et toutes les provinces l'ont adopté. On n'en a pas fait beaucoup état, mais cela a certainement jeté les bases des mesures législatives aux niveaux provincial, territorial et fédéral. Beaucoup de lois provinciales comportent un préambule ou un objet, des principes ou des objectifs, selon l'appellation, qui réitèrent en gros ces principes. Dans certaines lois, on va même jusqu'à parler de droits.

L'entente sur le partage des coûts pour l'indemnisation des victimes d'actes criminels est venue à échéance en 1992, de même que le fonds d'aide aux victimes. Des réformes plus récentes des lois, tout en répondant aux préoccupations des victimes, n'étaient pas désignées comme des mesures législatives se rapportant aux victimes comme le projet de loi C-89. Toutefois, beaucoup de mesures dans lesquelles nous nous sommes engagés visaient à s'assurer que les droits des victimes étaient autant pris en compte que ceux des contrevenants. Dans certains cas, on a répondu aux préoccupations des victimes de manière à favoriser leur participation.

Ainsi, en 1992, le projet de loi C-49 apportait des modifications visant à protéger les victimes d'agressions sexuelles en limitant les questions qui pouvaient leur être posées au sujet de leur passé sexuel. En outre, les définitions du consentement ont été adoptées pour les agressions sexuelles ainsi que des restrictions à la défense de l'intime conviction et du consentement.

En 1994, des modifications omnibus au Code criminel répondaient aux attentes des groupes de victimes de conducteurs en état d'ébriété comme MADD et PRIDE. Ils nous ont signalé que la peine pour avoir quitté les lieux d'un accident n'était que deux ans alors que celle pour le refus de se prêter à un test d'ébriété ou pour la conduite avec facultés affaiblies pouvait aller jusqu'à cinq ans en cas d'accident et les peines ont été rajustées.

Le projet de loi C-104 a créé la possibilité d'obtenir des mandats spéciaux pour le prélèvement d'échantillons corporels pour fins d'analyse génétique, en 1995. La même année, des modifications à la Loi sur les jeunes contrevenants ont précisé que les déclarations des victimes étaient aussi utilisables lors de poursuites de jeunes contrevenants.

L'an dernier, le projet de loi visant l'amélioration du Code criminel comprenait aussi des modifications destinées à répondre aux préoccupations des victimes, y compris des précisions sur le prélèvement d'échantillons de sang dans le cadre de poursuites pour conduite avec facultés affaiblies. On a aussi renforcé les dispositions relatives aux interdictions obligatoires et aux engagements de ne pas troubler la paix.

On a modifié la détermination de la peine pour obliger le tribunal à tenir compte de la déclaration de la victime, quand elle a été préparée, plutôt que de simplement lui «permettre» d'en tenir compte.

En outre, le projet de loi C-41 a abrogé les dispositions non promulguées sur les dédommagements et a apporté quelques autres changements aux dispositions existantes pour élargir la portée du dédommagement et pour qu'il soit clair que le tribunal peut l'ordonner de sa propre initiative. Il n'est plus nécessaire que la victime demande un dédommagement au moment de la détermination de la peine.

Le projet de loi C-27, adopté l'an dernier à cette époque-ci, comprenait des dispositions visant à faciliter le témoignage de jeunes victimes et de jeunes témoins en élargissant l'emploi d'écrans et de télévisions en circuit fermé tant pour les victimes que pour les témoins de moins de 18 ans. On a aussi ajouté les infractions de prostitution, de pornographie infantile et d'agression à celles pour lesquelles ces dispositions offrent une protection. Le projet de loi établissait aussi qu'un décès causé par une personne commettant un harcèlement criminel était considéré comme un meurtre au premier degré.

En outre, le projet de loi C-46, loi modifiant le Code criminel (divulgation d'un dossier et procédure relative à une infraction sexuelle), est destiné à accroître la protection accordée aux victimes d'infraction de nature sexuelle en exigeant des juges quÂils examinent soigneusement les demandes visant la divulgation de leurs dossiers.

Le Code criminel comprend aussi d'autres dispositions. J'ai évoqué celle qui permet au tribunal de tenir compte, le cas échéant, de la déclaration de la victime au moment de déterminer la peine. Il s'agit d'une déclaration dans laquelle la victime fait état du préjudice ou du tort qu'elle a subi à cause de l'infraction. Aux termes de cette disposition, les provinces peuvent désigner des programmes qui définissent les modalités à prendre pour recueillir la déclaration de la victime. Il semble toutefois que, même quand la province n'a pas désigné de programme, la déclaration de la victime est acceptée sous diverses formes.

• 0955

Le code prévoit aussi une disposition autorisant le tribunal à tenir compte de tout autre renseignement fourni par la victime d'une infraction, laquelle disposition peut être invoquée pour le cas où il n'y aurait pas de programme désigné et où il y aurait des doutes quant à la capacité du tribunal à recueillir l'information en question.

Le code contient aussi une disposition permettant d'imposer une suramende compensatoire, c'est-à-dire une peine pécuniaire qui vient s'ajouter à l'autre peine. Le règlement prévoit que la suramende ne peut pas dépasser 35 $ quand il s'agit d'une peine non pécuniaire et qu'elle ne peut pas dépasser 15 p. 100 de l'amende quand la peine est une amende.

Nous tentons depuis plusieurs années, en consultation avec les provinces, de déterminer quel est le montant qu'il conviendrait d'imposer, car il est très évident que ces maximums ne produisent pas de revenus assez considérables pour permettre aux provinces de faire ce qu'elles veulent faire pour les victimes. Les revenus en question demeurent la propriété de la province, et les directeurs provinciaux des services aux victimes pourront certainement mieux vous décrire à quelles fins ils sont utilisés quand ils témoigneront devant vous.

Les dispositions du code concernant la restitution permettent au tribunal d'ordonner au contrevenant de donner à la victime un paiement en argent au montant de toute perte ou de tout dommage matériel facilement vérifiable ou encore des dépenses engagées en raison de blessures causées par l'infraction. Il ne s'agit pas d'un dédommagement pour souffrances et douleurs, mais, si la victime avait des dépenses liées aux soins à long terme dont elle aurait besoin en raison de l'infraction, le montant de ces dépenses pourrait faire l'objet d'une ordonnance de restitution. Il pourrait aussi s'agir d'un paiement dédommageant la victime d'une perte de revenu résultant de son incapacité à travailler.

L'application de l'ordonnance de restitution se fait à la suite d'un jugement obtenu au civil. Certaines provinces tentent de prendre des dispositions pour aider les victimes à obtenir l'application de leurs ordonnances de restitution. Ainsi, certaines renoncent par exemple à imposer les frais liés au dépôt de documents et certaines indiquent aux victimes quels sont les mécanismes auxquels elles doivent avoir recours pour obtenir l'exécution du jugement.

Le code contient aussi bien des dispositions destinées à faciliter le témoignage du témoin ou de la victime et à mieux protéger sa vie privée, dans la mesure du possible. Les dispositions les plus fréquemment utilisées ou les plus connues sans doute sont celles concernant les infractions sexuelles, qui permettent au tribunal d'imposer une ordonnance de non-publication de l'identité de la victime ou tout témoin de moins de 18 ans.

On trouve aussi dans le Code criminel des dispositions générales concernant les ordonnances de non-publication—qui peuvent être obtenues sur demande—dans le cas d'infractions sexuelles. Le tribunal a le pouvoir discrétionnaire de faire sortir certaines personnes de la salle d'audience s'il juge qu'il est dans l'intérêt de l'administration de la justice de le faire. Le code contient aussi des dispositions prévoyant que la jeune victime ou le jeune témoin en cause dans une affaire d'infraction sexuelle peut être accompagné d'une personne qui le soutient. Il prévoit des dispositions selon lesquelles il est possible être derrière un écran quand on témoigne ou encore de diffuser le témoignage en circuit fermé si le juge est d'avis que ces mesures sont nécessaires pour obtenir un témoignage franc et complet.

Il y a aussi une disposition limitant le droit de l'inculpé qui assume lui-même sa défense de contre-interroger personnellement le témoin qui a moins de 14 ans. Dans des cas comme celui-là, le tribunal peut nommer un avocat chargé de représenter l'inculpé pour les fins du contre-interrogatoire. Cette disposition a été adoptée afin d'améliorer les dispositions visant à protéger les jeunes victimes, car on avait constaté que, même si l'enfant peut être derrière un écran pour donner son témoignage ou que le témoignage peut être diffusé en circuit fermé, cette protection n'a plus aucun sens quand l'inculpé se représente lui-même. C'est pour cette raison que cette disposition a été spécifiquement conçue pour les jeunes de moins de 14 ans.

Il y a aussi des dispositions spéciales relatives aux victimes d'agressions sexuelles. Ainsi, quand on tient un voir dire pour déterminer la recevabilité de preuves concernant les activités sexuelles antérieures, le voir dire s'accompagne d'une ordonnance de non-publication. De même, l'audition de demandes visant à obtenir les dossiers personnels des plaignants dans les cas d'infractions sexuelles peut être soumise à une ordonnance de non-publication.

J'ai aussi évoqué brièvement les dispositions concernant le harcèlement criminel. Il y a également les objectifs et les principes en matière de détermination de la peine, qui font ressortir l'importance de tenir compte des répercussions sur la victime. On y trouve deux principes en particulier, l'un prévoyant la réparation en compensation d'un dommage subi par la victime ou par la collectivité et l'autre visant à promouvoir la responsabilisation des contrevenants et à les amener à reconnaître le tort causé à la victime et à la collectivité.

• 1000

Comme je l'ai déjà indiqué, toutes les provinces et les deux territoires ont maintenant leurs propres lois. Ces lois varient considérablement d'une province à l'autre, mais la plupart d'entre elles reprennent en quelque sorte leur énoncé de principes ou d'objectifs, l'énoncé de principes fondamentaux s'appliquant à l'échelle canadienne. Certaines des lois provinciales prévoient la création d'un fonds d'aide aux victimes, où sont versées les suramendes compensatoires obtenues au niveau fédéral de même que les suramendes obtenues au niveau provincial. Dans toutes les provinces et les deux territoires, sauf le Québec et Terre-Neuve, les infractions provinciales s'accompagnent de suramendes compensatoires. Les revenus tirés de ces suramendes sont aussi utilisés pour financer des services aux victimes.

Je pourrais récapituler brièvement certaines des lois provinciales, mais je ne veux pas vous donner trop de détails, puisque les représentants des provinces viendront témoigner devant vous et pourront vous les décrire bien mieux que moi.

Comme vous l'avez sans doute lu dans les quotidiens, le Manitoba vient de déposer—je crois que c'était vendredi—une nouvelle loi concernant les victimes. Je n'ai pas encore eu l'occasion de l'examiner dans le détail, mais elle paraît semblable à celle de la Colombie-Britannique pour ce qui est de définir ce à quoi les victimes ont droit—par exemple, la communication d'information et l'accès aux services. La loi crée le poste de directeur, qui doit s'occuper des cas des victimes qui estiment ne pas avoir obtenu ce à quoi elles avaient droit aux termes de la loi. Le directeur peut alors faire enquête. Il est tenu de faire rapport annuellement à l'Assemblée législative. La loi n'a toutefois pas encore été adoptée.

Cependant, le Manitoba a été la première province à adopter une loi concernant les victimes, soit en 1986, et la nouvelle loi comprend une déclaration de principes et prévoit la création d'un comité d'aide aux victimes qui est censé faire la promotion des services et fournir de l'information aux victimes. Elle établit aussi un fonds d'aide aux victimes.

La Nouvelle-Écosse a maintenant sa loi sur les droits des victimes et sur les services aux victimes, qu'elle a adoptée en 1989. Il y est question de «droits», et la loi définit certains droits absolus, notamment le droit d'être traité avec courtoisie, compassion et dignité et le droit à la prompte restitution des biens. Elle définit aussi d'autres droits qui sont soumis à la disponibilité des ressources, notamment le droit d'être informé au sujet des accusations déposées et de l'état d'avancement de la poursuite ainsi que des services et des correctifs disponibles.

L'Ontario a une loi intitulée Déclaration des droits des victimes, qui a été adoptée en décembre 1995 et qui a été proclamée en vigueur en juin 1996. Cette loi énonce divers principes relatifs au traitement des victimes d'actes criminels ainsi que des droits exhaustifs pour ce qui est d'être informé au sujet du système de justice pénale en général et de l'état d'avancement d'un cas en particulier—enquête, poursuite, dates d'audition, nature de la peine à imposer et conditions de libération.

La Colombie-Britannique a une loi qui est souvent citée en exemple. Cette loi, qui a été proclamée en vigueur en juillet 1996, est très complète. À l'encontre de celles d'autres provinces, elle attribue la responsabilité de différentes tâches à divers membres du système judiciaire. Ainsi, elle précise que tous les membres du système judiciaire doivent traiter les victimes avec courtoisie et respect. Dans d'autres paragraphes, elle ordonne, par exemple, au procureur de la Couronne de veiller à ce que la victime ait la possibilité de faire présenter au tribunal toutes preuves recevables concernant les répercussions de l'infraction. Elle contient aussi un énoncé d'objectifs que le gouvernement doit viser dans la mise sur pied de services aux victimes.

L'Alberta a adopté récemment une loi qui est un amalgame de sa loi sur les programmes d'aide aux victimes et de sa loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels. La nouvelle loi prévoit aussi la nomination d'un directeur qui est chargé d'en assurer l'application, de recevoir les plaintes et de régler les préoccupations des victimes qui estimeraient ne pas avoir été traitées conformément aux principes énoncés dans la loi.

La motion que M. White a déposée à la Chambre en avril 1996 et qui a reçu beaucoup d'appui prévoit notamment que le ministre de la Justice discute avec ses collègues des provinces de la façon de régler les questions qui se posent dans les domaines de compétence partagée.

C'est ainsi que M. Rock, qui était ministre de la Justice à l'époque, a soulevé la question à l'attention de ses homologues provinciaux à leur rencontre fédérale-provinciale de mai 1996. L'idée que les provinces et le gouvernement fédéral cherchent ensemble à déterminer ce qui pourrait être fait pour améliorer la situation des victimes dans le cadre du système de justice pénale a reçu beaucoup d'appui.

• 1005

Par conséquent, un groupe de travail fédéral-provincial-territorial a été créé et chargé d'étudier plusieurs questions, notamment la possibilité d'adopter une loi nationale, les améliorations à apporter aux dispositions concernant les suramendes compensatoires, les mesures à prendre pour mieux informer les victimes, pour mieux les sensibiliser aux services auxquels elles ont accès, pour mieux coordonner ces services, etc.

De ce groupe sont nés deux groupes comprenant tous les directeurs des services aux victimes qui existent dans les différentes provinces et les deux territoires. En outre, plusieurs provinces ont nommé une personne responsable de la politique concernant les victimes ou de leur législation concernant les victimes.

Le groupe sert de tribune à l'échange d'information. Il s'est déjà réuni quatre fois et se réunira de nouveau le mois prochain. Le groupe a présenté un rapport provisoire aux ministres en décembre dernier, et je vous fais part de certains faits saillants de ce rapport.

Le groupe de travail est rapidement venu à la conclusion qu'il y avait bien trop de questions qui se posaient pour qu'il puisse toutes les étudier et les régler. D'où la décision de présenter un rapport provisoire et de demander à pouvoir continuer à étudier ces questions de façon permanente et à échanger de l'information entre les provinces et les territoires, dans l'espoir d'établir quelque chose de plus permanent qui permettrait la création d'un réseau plus officiel, pour que, s'il y avait un cas au Manitoba pour lequel il fallait de l'information qui ne pourrait être obtenue qu'au niveau fédéral, il soit possible de faire rapidement parvenir cette information au Manitoba et qu'on sache qui appeler de part et d'autre.

Si, par exemple, un contrevenant avait été libéré sous condition au Manitoba et que la victime se sentait intimidée de ce fait, le groupe saurait immédiatement à qui s'adresser à la Commission nationale des libérations conditionnelles à Ottawa ou ailleurs pour obtenir de l'information sur les motifs de la décision, etc.

De même, si quelqu'un cherchait à savoir du gouvernement fédéral pourquoi cette situation s'était produite au Manitoba, s'il s'agissait d'un cas relevant de la compétence du Manitoba en raison de la nature de la poursuite ou de l'enquête, la personne pourrait rapidement être mise en contact avec les directeurs des services aux victimes, le procureur de la Couronne ou qui que ce soit d'autre qui pourrait lui fournir l'information en question; les provinces pourraient ainsi apprendre les unes des autres en faisant connaître leurs meilleures pratiques. Ainsi, la prestation des services aux victimes en Alberta pourrait certainement intéresser l'Île-du-Prince-Édouard, et ainsi de suite. Nous aurions un excellent réseau, avec des contacts formidables et une excellente base d'information, et nous pourrions rapidement nous communiquer tout cela.

Le groupe de travail s'est penché sur diverses questions nouvelles, notamment sur la question de savoir si les déclarations des victimes répondent aux besoins de victimes; sur l'opportunité et la façon d'améliorer la disposition relative à la suramende compensatoire afin d'obtenir des fonds suffisants pour assurer la survie des services aux victimes dans les provinces; et sur les moyens de sensibiliser davantage tous les membres du système de justice pénale à la nécessité de répondre aux besoins des victimes et à ceux du public. Ainsi, certains ont proposé la tenue d'une journée de sensibilisation à l'intérêt des victimes. Aux États-Unis, on a la semaine des droits des victimes.

Le groupe de travail a aussi recommandé qu'on lui permette de poursuivre ses travaux afin d'explorer davantage le rôle des victimes ainsi que celui des procureurs de la Couronne et des autres employés du système de la justice pénale, et pour explorer d'autres sources de financement, examiner l'impact que les demandes de dossiers personnels peuvent avoir sur les plaignants et les témoins lors de procès pour infraction sexuelle, et enfin explorer la nécessité de permettre aux victimes d'être représentées par un avocat indépendant dans ces situations et dans d'autres situations de poursuites pour infraction non sexuelle, souvent lorsqu'il est clair que les intérêts de la victime diffèrent de ceux de la Couronne et il y a certaines situations où les victimes peuvent estimer avoir besoin d'être représentées par un avocat indépendant.

Il est également recommandé que le groupe supervise les programmes concernant la justice réparatrice et le rôle des victimes dans ces programmes, qu'il continue de dresser un inventaire des programmes et des services dans chaque province et territoire, et à les faire connaître davantage.

• 1010

Le groupe de travail a aussi recommandé plusieurs modifications spécifiques au Code criminel en ce qui concerne la déclaration de la victime, la suramende compensatoire, et l'ordonnance de non-publication, et il a examiné l'idée d'établir une sorte de bureau des victimes au gouvernement fédéral pour coordonner les informations et servir de centre d'expertise.

Le rapport a été présenté au ministre en décembre, et la ministre fédérale ainsi que les ministres provinciaux ont convenu que le groupe de travail devait poursuivre ses travaux et nous les poursuivrons donc. Les procureurs généraux des provinces sont généralement d'accord pour dire qu'il faut définir des modifications au Code criminel.

Depuis, la ministre a indiqué qu'elle est tout à fait disposée à proposer plusieurs de ces modifications pour tenir compte de ces préoccupations, mais si votre comité étudie ces questions, il nous fournirait encore plus d'informations et de documentation qui nous aideraient à préparer d'autres options à lui soumettre afin de mieux tenir compte des besoins des victimes et d'assurer la plus grande participation possible au débat. Ainsi, lorsque nous préparerons une mesure législative, elle comportera toutes sortes de dispositions concernant les besoins des victimes.

Je vais m'arrêter ici. Si vous avez des questions...

La présidente: Quand aura lieu la prochaine réunion du groupe de travail fédéral-provincial?

Mme Catherine Kane: Les 11, 12 et 13 juin.

La présidente: Ce sera donc juste avant notre colloque, n'est-ce pas?

Mme Catherine Kane: En effet.

La présidente: Très bien.

L'honorable Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): J'ai besoin d'un renseignement, madame la présidente. Existe-t-il une analyse ou un schéma qui donne un aperçu comparatif des renseignements sur chaque province au sujet des programmes et services pour les victimes?

Une voix: C'est inclus dans les documents que vous avez.

La présidente: Avez-vous reçu vos notes?

L'hon. Sheila Finestone: Non, je suis désolée.

La présidente: Il n'y a pas de quoi. Nous en avons des exemplaires ici.

L'hon. Sheila Finestone: Merci beaucoup. Je suis désolée. On ne peut pas garder tous ces renseignements en mémoire, il nous les faut sur papier. Merci beaucoup.

La présidente: Bien.

Merci, Catherine.

N'oubliez pas que certains des chiffres concernant les provinces seront envoyés au comité au cours des prochains jours.

Chuck, vous avez droit à sept minutes environ.

M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Réf.): Merci, madame la présidente.

Je vous remercie, madame Kane, d'être venue comparaître aujourd'hui et de nous avoir présenté un exposé très approfondi. Ce faisant, vous avez répondu à plusieurs de mes questions.

Comme vous le savez, il y a quelques semaines, la ministre a dit qu'elle était prête à envisager la création d'un bureau national, et vous y avez fait allusion.

Mme Catherine Kane: Oui.

M. Chuck Cadman: Je me demande si vous avez une opinion quant aux fonctions éventuelles de ce bureau. Quand l'idée a-t-elle été soumise au ministère? L'avez-vous examinée? Avez-vous fait des recherches sur le sujet? Avez-vous regardé le modèle américain? Pourriez-vous nous donner votre avis sur ce que ce bureau serait?

Mme Catherine Kane: Oui, je me suis même rendue à plusieurs reprises au US Office for Victims of Crime. On s'était même demandé dès le milieu des années 80, s'il faudrait un organisme semblable. J'ai aussi examiné des modèles comme celui de la Grande-Bretagne, soit le Victims' Services and Support Unit au Home Office. Et au cours de nos travaux sur le groupe d'experts des Nations Unies sur les victimes de crimes, nous avons vu qu'il semble exister plusieurs modèles.

La plupart des gouvernements—la France, la Suisse, le Royaume-Uni et plusieurs autres, en plus des États-Unis—ont un service dans leur ministère de la Justice ou un autre ministère semblable. Les Hollandais en ont également un. On ne l'appelle pas toujours bureau pour les victimes de crimes, mais c'est une sorte d'unité centrale chargée de s'assurer que dans l'élaboration de lois et de politiques en matière pénale, on tient compte du point de vue des victimes.

Au Royaume-Uni, par exemple, on assure directement les services, parce qu'il n'y a pas là le même type de compétences partagées que nous avons au Canada.

Nous en avons discuté avec nos collègues des provinces au sein du groupe de travail. Je sais que la ministre a soulevé la question avec ses collègues lors de leurs réunions, et il semble qu'on soit vraiment en faveur de la création d'une entité au niveau fédéral.

L'organisme ferait un certain nombre de choses. Comme je l'ai dit, il pourrait s'assurer d'abord que le point de vue des victimes entre en ligne de compte dans l'élaboration de toutes les initiatives en matière de droit pénal. Par conséquent, que quelqu'un prépare une loi sur les victimes ou une loi sur l'extradition, par exemple, nous aurions la possibilité de discuter de toutes les répercussions de la nouvelle loi sur les victimes de crimes. S'il était possible de tenir davantage compte des intérêts des victimes ou si la mesure risque d'avoir un impact négatif sur elles, nous pourrions discuter de la façon dont on pourrait résoudre le problème.

• 1015

Le bureau serait également chargé de créer un réseau regroupant toutes les provinces afin que nous puissions échanger des renseignements, faire connaître les meilleures façons de procéder, et assurer un service de renvoi en cas de besoin. Même aujourd'hui, les gens me téléphonent et me posent des questions auxquelles je ne peux pas répondre. Je sais que je dois me fier aux contacts que j'ai établis personnellement avec mes collègues des provinces. Cela pourrait se faire plus facilement si nous avions une sorte d'unité, car nous saurions qui sont ces gens et ils sauraient qui nous sommes. Nous pourrions faire connaître le fait que nous pourrons fournir une foule de renseignements au sujet du système de justice pénale, si nous avons ces renseignements à notre disposition. Nous pourrions préparer des documents d'information destinés au public, des dépliants et des brochures au sujet du rôle des victimes dans le système de justice pénale.

Nous pourrions aussi identifier des domaines dans lesquels il faut effectuer encore d'autres recherches et nous assurer que ces recherches se feront, en partenariat, je l'espère, avec certaines des provinces qui veulent aussi qu'on effectue ces recherches. Les déclarations de victimes sont un bon exemple. Nous savons qu'il y a beaucoup de disparités entre ce qui se passe dans les différentes salles de tribunal, mais nous aimerions vraiment bien saisir les diverses préoccupations—savoir si une façon de procéder n'est pas mauvaise ou s'il y a des problèmes, et s'il faut par conséquent proposer des mesures législatives différentes. À cette fin, il faut vraiment qu'on effectue de bons travaux de recherche.

De même, on pourrait chercher à savoir comment nous pourrions mieux faire appliquer les dispositions sur l'amende supplémentaire et chercher aussi à savoir si des victimes ne signalent pas des crimes parce qu'elles ont peur de la publicité ou d'une intrusion dans leur vie privée. Il faut examiner toutes ces questions. L'une des fonctions de l'unité serait d'identifier les secteurs où il faudrait effectuer des recherches.

La présidente: Avant que vous poursuiviez, Catherine, je rappelle seulement à mes collègues qu'il nous reste maintenant environ 25 minutes. Il y aura un vote. Pour ceux que la chose intéresse, il s'agit d'une motion d'attribution de temps pour l'étude du projet de loi sur le Code canadien du travail. J'ai pensé que nous pourrions donc continuer encore 10 minutes peut-être et ensuite nous devrons lever la séance.

Une voix: Nous avons juste assez de temps pour que je puisse poser mes questions, n'est-ce pas?

Des voix: Oh, oh!

La présidente: Madame Finestone.

L'hon. Sheila Finestone: J'ai besoin d'un renseignement. Avons-nous aussi dans nos documents l'étude comparative entre tous les pays que vient de mentionner Catherine?

La présidente: Y a-t-il un document présentant une comparaison à l'échelle internationale, Catherine?

Mme Catherine Kane: Non.

L'hon. Sheila Finestone: Pouvons-nous en demander un?

Mme Catherine Kane: Le groupe d'experts des Nations Unies sur les victimes de crimes a déposé en avril à la Commission des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale le manuel et guide destiné aux responsables de l'élaboration des politiques pour la mise en oeuvre de la déclaration. Ce n'est pas vraiment une analyse de ce que chaque pays a fait, mais il pourrait intéresser les membres du comité, si je peux en obtenir des exemplaires.

La présidente: Très bien, cela serait utile. Merci.

L'hon. Sheila Finestone: Oui, cela serait très utile.

Mme Catherine Kane: Il est parfois un peu trompeur de regarder les lois d'autres pays, parce que le régime constitutionnel est tellement différent.

La présidente: Alors, Catherine, vous étiez en train de répondre à une question. Vous souvenez-vous où vous étiez rendue?

Mme Catherine Kane: Oui, je parlais de ce que le bureau pourrait faire.

Le bureau pourrait s'assurer que nous sommes capables de consulter des défenseurs des droits des victimes, le Barreau, des universitaires et d'autres sur une base régulière au sujet de questions et de préoccupations qui peuvent surgir. Le bureau serait également le centre d'expertise pour notre participation à des initiatives internationales comme le Comité d'experts des Nations Unies. Nous pourrions aussi assurer la liaison en ce qui concerne toutes les autres initiatives en vue de répondre aux questions liées aux victimes, bien qu'on ne les appelle pas nécessairement toujours ainsi—par exemple, la réforme du système de détermination de la peine, les initiatives concernant la justice réparatrice, et les initiatives concernant les enfants—nous pourrions donc ainsi nous assurer de pouvoir faire tous les liens nécessaires.

Nous aimerions aussi développer davantage notre site web, comme je l'ai mentionné tout à l'heure. C'est la voie de l'avenir pour ce qui est de la diffusion de l'information, peut-être pas directement aux victimes de crimes, mais à ceux qui assurent la liaison avec elles. Si ces gens n'avaient pas les informations nécessaires à leur disposition, ils pourraient utiliser ce site et d'autres pour essayer d'obtenir les renseignements dont ils ont besoin.

Nous pourrions préparer des documents d'information destinés à la population et essayer aussi de faire connaître davantage l'énoncé des principes de justice fondamentaux pour le Canada et les dispositions législatives existantes.

Le bureau pourrait aussi servir à garantir que nous appuyions les initiatives provinciales et que les provinces appuient les nôtres, afin que nous sachions ce qui se passe dans tous les autres gouvernements. Nous pourrions continuer d'essayer d'aider les directeurs des services aux victimes à se rencontrer de temps à autres afin de pouvoir échanger des informations sur ce qui se passe dans leurs provinces et sur la façon dont ils s'occupent de certaines questions.

• 1020

Si nous pouvons établir cette unité, je pense que cela ne sera qu'un début, car le mandat s'élargira. Si nous obtenons un tel bureau, il n'y aura pas de limite aux questions dont il pourra s'occuper.

La présidente: Je vous en prie, Chuck.

M. Chuck Cadman: Vous avez parlez des victimes de la Colombie-Britannique. Je connais très bien la situation, j'ai moi-même beaucoup participé à la préparation de cette loi et je sais que c'est une bonne loi. D'après vous, qu'est-ce qui empêche le gouvernement fédéral de prendre les bons éléments des diverses lois provinciales pour essayer d'en faire des normes nationales?

Prenez par exemple une question comme la déclaration des victimes. Une chose qui me met en rogne est le fait que la victime ne peut pas décider de la façon dont la déclaration devrait être présentée. C'est au tribunal de décider si elle doit être lue. J'estime que la victime devrait avoir le droit de prendre cette décision.

Existe-t-il un mécanisme que le gouvernement fédéral pourrait utiliser pour établir une norme selon laquelle dans toutes les régions du pays, la déclaration des victimes serait inscrite au dossier du tribunal?

Mme Catherine Kane: Étant donné que la disposition relative à la déclaration des victimes se trouve actuellement dans le Code criminel, c'est donc le mécanisme qui détermine comment la déclaration des victimes doit être faite. Pour modifier les dispositions relatives à la déclaration des victimes, il faudrait modifier le Code criminel.

M. Chuck Cadman: Autrement dit, le gouvernement fédéral pourrait dire aux provinces et aux tribunaux qu'ils doivent donner aux victimes le choix de faire leur déclaration oralement?

Mme Catherine Kane: C'est une modification qui serait possible. Habituellement, nous consultons les provinces lorsque nous rédigeons des modifications au Code criminel, parce qu'elles peuvent nous fournir de bons renseignements sur l'impact de dispositions de cette nature. Le libellé actuel leur donne le choix d'établir un programme spécifique stipulant qu'il faut rédiger la déclaration ou remplir un formulaire, et elles ont leurs propres raisons de choisir un programme particulier.

Certaines provinces pourraient s'opposer à ce qu'on permette à la victime de décider comment elle fera sa déclaration, mais c'est peut-être une question que vous pourriez poser à certains des représentants provinciaux qui comparaîtront devant vous. C'est certainement une question, cependant, qui pourrait faire l'objet d'une modification au Code criminel

M. Chuck Cadman: Merci.

La présidente: Merci beaucoup, Chuck.

Monsieur Marceau.

[Français]

M. Richard Marceau (Charlesbourg, BQ): Madame Kane, merci d'être venue ici aujourd'hui. J'ai quelques questions à vous poser. Vous avez déjà répondu à certaines d'entre elles. Selon vous, les lois fédérales actuelles—je parle du Code Criminel, de la Loi sur les jeunes contrevenants, etc.—répondent-elles aux besoins et aux attentes des victimes d'actes criminels?

[Traduction]

Mme Catherine Kane: D'après mes discussions avec des victimes et des défenseurs des droits des victimes, je sais qu'elles ne répondent pas à leurs attentes. Je suis certaine que certains vous le diront. C'est ce qui se produit en pratique qui les préoccupe, plutôt que ce qui est écrit dans la loi.

[Français]

M. Richard Marceau: Donc, c'est plus une question de pratique qu'une question de rédaction de la loi.

[Traduction]

Mme Catherine Kane: C'est souvent le cas.

[Français]

M. Richard Marceau: Vous avez parlé plus tôt du constitutional make-up. Il y a vraiment un problème au Canada dans ce domaine. Ne craignez-vous pas que la mise sur pied d'un programme fédéral d'aide aux victimes d'actes criminels ait pour effet de dédoubler des organismes très efficaces qui existent déjà dans certaines provinces?

[Traduction]

Mme Catherine Kane: Le ministère de la Justice n'a certainement pas l'intention de créer un programme qui ferait double emploi avec un programme provincial existant. Il est très difficile pour les provinces de maintenir les programmes qu'elles ont parce que leurs budgets sont souvent très limités.

Le gouvernement fédéral n'a pas apporté de contributions financières à ces programmes depuis presque 10 ans et nous n'avons toujours pas les fonds nécessaires pour le faire, de sorte que nous ne voulons certainement pas faire double emploi avec des programmes existants. De fait, nous ne sommes même pas en train de parler de programmes comme tels, nous parlons de compléter ce que les provinces font et de les aider à assurer leurs propres services en leur permettant d'échanger des informations ou en accroissant notre capacité de leur fournir des informations qu'elles pourront ensuite utiliser dans l'exécution de leurs propres programmes et la prestation de leurs services.

[Français]

M. Richard Marceau: On parle des droits des victimes et de normes nationales. Cependant, mes souvenirs de droit constitutionnel me disent que l'administration de la justice est de compétence provinciale.

• 1025

Comment fait-on pour délimiter le rôle du gouvernement fédéral et celui du gouvernement provincial, compte tenu du fait que l'administration de la justice est de compétence provinciale?

[Traduction]

Mme Catherine Kane: Comme je l'ai dit au début, l'administration de la justice relève généralement des provinces. L'application de la loi, les poursuites en cas d'infraction et d'une manière générale la prestation des services aux victimes relèvent de la compétence des provinces.

Évidemment, lorsqu'on parle de normes nationales, plusieurs provinces ne sont pas très réceptives face à cette idée, parce que ce sont elles qui savent ce qu'elles peuvent fournir comme services dans leur propre juridiction. Plusieurs d'entre elles ont fait des études sur les besoins des victimes et elles estiment que les lois qu'elles ont préparées répondaient aux besoins dans leur propre province.

Le gouvernement fédéral aurait beaucoup de difficulté à adopter une loi qui imposerait des normes nationales aux provinces, étant donné la répartition constitutionnelle des pouvoirs.

Lorsque j'ai répondu à la question de M. Cadman au sujet des déclarations des victimes... je disais que c'était une chose qui pouvait être dans le Code criminel, parce que c'est une question essentiellement de procédures pénales. En outre, la détermination de la peine est une responsabilité fédérale.

En ce qui concerne les services, je pense qu'il serait impossible au gouvernement fédéral d'adopter des lois qui dicteraient à une province de fournir un service particulier à des victimes.

Nous avons tenté d'établir des normes nationales minimales dans le domaine de l'indemnisation au moyen d'ententes de partage des coûts pour l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Les lois provinciales devaient respecter huit ou neuf exigences pour que la province bénéficie du partage des coûts, mais en dépit de ces normes minimales, il reste encore de grandes différences entre les divers programmes.

Si nous ne pouvons pas verser d'énormes sommes d'argent pour aider les provinces à assurer un service donné, il nous sera impossible d'exiger qu'un tel service soit fourni aux victimes dans une province.

En dépit de tout cela, j'estime cependant qu'il y a beaucoup d'éléments communs dans les services des diverses provinces. Plusieurs d'entre elles offrent des services très semblables.

La présidente: Je pense que nous devons partir. Tout le monde devient un peu nerveux au sujet du vote. Nous devons nous y rendre.

Madame Kane, je ne veux pas vous mettre dans l'embarras. Nous recevons une délégation de parlementaires bulgares à 11 heures, après le vote. Je ne veux pas vous mettre dans l'embarras, mais seriez-vous libre jeudi vers 10 h 30?

Mme Catherine Kane: Certainement.

La présidente: Pourriez-vous revenir?

Mme Catherine Kane: Certainement.

La présidente: Nous recevrons des témoins de la Colombie-Britannique jeudi matin, et je suppose que vous voulez tous continuer d'écouter Catherine. Elle a une foule de renseignements pour nous. En outre, j'ai rencontré Catherine et d'autres représentants du ministère de la Justice la semaine dernière. Elle a accepté d'assurer officieusement la liaison pour nous afin que nous puissions continuer de recueillir des informations et elle pourra également aider notre personnel. Catherine sera donc avec nous pour la durée de notre étude.

Mme Catherine Kane: Très bien.

Le président: Merci.

Nous levons maintenant la séance et nous reviendrons ici à 11 heures. La séance est levée.