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JURI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 22 avril 1998

• 1535

[Traduction]

La présidente (Mme Shaughnessy Cohen (Windsor—St. Clair, Lib.)): Nous sommes aujourd'hui le mercredi 22 avril 1998 et nous avons avec nous trois témoins qui nous viennent de la Commission nationale des libertés conditionnelles. Ces audiences sont tenues conformément aux articles 110 et 111 du Règlement et constituent un examen des nominations par décret.

J'accueille Kathy Louis, qui est membre de la Commission nationale des libertés conditionnelles de la région du Pacifique; Cindy Caudron, du Nord et Patricia Thériault de Montréal.

Souhaitiez-vous faire des déclarations ou vous attendiez-vous à répondre à des questions?

Un témoin: Répondre à des questions.

La présidente: Bon. C'est très bien.

Monsieur Ramsay, voulez-vous commencer, ou monsieur Thompson?

Pour que vous compreniez bien, les députés du gouvernement siègent à ma droite et les députés de l'opposition à ma gauche. Nous allons commencer par M. Thompson et, selon les autres questions susceptibles d'êtres posées, je ne vais pas imposer de limite pour le moment.

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): C'est très bien.

La présidente: Nous n'allons pas oublier qu'il s'agit de fonctionnaires et nous allons donc être courtois et agréables.

M. Myron Thompson: Je suis toujours courtois et je suis toujours agréable et je suis très poli.

La présidente: Oui. Allez-y.

M. Myron Thompson: J'aimerais vous accueillir mesdames et féliciter les deux nouveaux membres. J'aurais des questions précises pour ces deux dernières que je vais poser dans quelques minutes.

Mais j'aimerais commencer immédiatement par un problème qui me tient à coeur. Je ne sais pas si vous êtes au courant de l'évasion qui s'est produite dans ma circonscription récemment, au pénitencier de Bowden. Il s'agit des deux détenus qui se trouvaient dans une aile à sécurité minimum. Le premier avait un laissez-passer d'une journée et l'autre s'était vu refuser récemment une libération conditionnelle car la Commission estimait qu'il représentait un risque élevé. Pourtant, il est resté dans l'aile à sécurité minimum à l'extérieur des murs à travailler dans un jardin d'où il lui était très facile de s'évader. Il est simplement parti.

Par conséquent, certains membres des familles de ces deux condamnés avaient très peur. Ils ont appris leur évasion par les médias. Ils se sont tenus au courant par les médias. Il n'y a eu aucune réaction de la part des responsables.

Un des aspects que l'on a portés à mon attention, et qui m'inquiète vraiment, c'est que la Commission nationale des libérations conditionnelles avait imposé des conditions aux libérés. Dans l'un des cas, cet homme du nom de Kennedy, qui avait un laissez-passer d'une journée, s'était vu imposer la condition suivante: s'il était libéré de façon conditionnelle ou autre, la seule condition qui lui était imposée est qu'il n'ait aucun contact avec sa femme ou ses victimes. Et pourtant, ces mêmes personnes lui ont rendu visite. Une des jeunes filles allait le rencontrer à la station d'autocar Greyhound lorsqu'il était en liberté pour une journée, à la demande du détenu. En fait, ils faisaient tout ce que la Commission leur avait dit de ne pas faire. Et pourtant, c'était la condition en vertu de laquelle on lui accordait ce laissez-passer d'une journée.

Ma question est la suivante. Que pensez-vous du fait que le SCC agisse ainsi et permette et organise ce genre de choses, qui sont en conflit direct avec les conditions fixées par la Commission? Quelle serait votre réponse à un responsable de la prison, ou qui que soit d'autre, qui a effectivement organisé ce que la Commission a précisément interdit et en ait fait une condition? Est-ce que vous comprenez ce que je veux dire?

La présidente: Je me demande à qui vous posez la question.

• 1540

M. Myron Thompson: Je pense que je vais la poser à Kathy, en premier. C'est elle qui a le plus d'expérience si je comprends bien. Ensuite, je pourrais donner la parole aux autres, si elles veulent répondre.

La présidente: Allez-y.

Mme Kathy J. Louis (membre, Commission nationale des libérations conditionnelles): Tout d'abord, je voudrais dire qu'à titre de décideur à la Commission nationale des libérations conditionnelles, je suis extrêmement mal à l'aise lorsque ce genre de choses se produit. Je peux vous dire que lorsque je prends une décision au sujet d'une libération, j'examine toute l'information qui m'est fournie. J'examine le rapport de la police, le rapport du procureur, le rapport de l'avocat de la défense—nous avons parfois cette information également—les documents du tribunal, les rapports du Service correctionnel qui sont présentés à la Commission à des fins d'évaluation du risque de manière à évaluer le risque que représentent les délinquants.

Lorsque je libère un délinquant, je suis convaincue qu'il ne va pas récidiver, d'après l'information que j'ai devant moi. Lorsqu'il est libéré dans la société et que j'ai fixé les conditions, je m'attends à ce que ces conditions soient respectées. Mais pour ce qui est des surveillants de liberté conditionnelle, ils ne font pas partie de la Commission mais du Service correctionnel du Canada et ils ont leurs propres normes. Ce que je peux dire, c'est que lorsque je décide, je m'attends à ce que les conditions que j'impose aux délinquants soient respectées. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

M. Myron Thompson: Je suis heureux de vous entendre dire que c'est ce que vous attendez. Mais lorsque cette situation se produit, pensez-vous que l'on devrait prendre des mesures? Par exemple, dans le cas de Kennedy et de Wannamaker, l'autre personne qui s'est évadée avec lui, il y avait une soirée de Noël. Il est bien connu que les membres du comité de libération conditionnelle ont été informés que l'un des deux avait pratiquement agressé, jusqu'à un certain point, un des visiteurs qui était venu voir Kennedy. Les victimes, pour commencer, qui étaient des membres de la famille, ont été mises en contact avec les détenus lors d'une soirée, au cours de l'une de ces visites.

Wannamaker a ensuite été puni et frappé d'ostracisme par le Service correctionnel pour avoir fait des avances à l'une des filles, qui était la victime d'un des deux. Des conditions très rigoureuses ont été fixées pour que cela ne se reproduise plus, en particulier lorsqu'ils étaient à l'extérieur. Il a été dit clairement que Kennedy ne devait avoir aucun contact avec son ex-femme ni avec les victimes—c'est ce qu'a décidé la Commission—au moment de leur libération conditionnelle. Pourtant, ses conseillers et les responsables du dossier ont pratiquement pris des dispositions allant dans le sens contraire.

Kennedy lui-même a pris contact avec l'une des jeunes filles et lui a dit qu'il avait la permission de lui rendre visite et qu'il aimerait qu'elle se rende à la station d'autocar où il l'a rencontrerait, etc.

Il semble que les communications ne soient pas très bonnes. Vous vous attendez à ce que vos décisions soient respectées, mais si elles ne le sont pas, quelle mesure pouvez-vous prendre?

Mme Kathy Louis: Si vous me le permettez, madame la présidente, je ne suis pas autorisée à parler de cas particuliers comme celui qui a été mentionné.

M. Myron Thompson: Bien, je comprends. Mais je sais que cela se produit fréquemment et que les membres de la Commission s'en préoccupent.

Élargissons la question...

[Français]

Mme Patricia Thériault (membre, Commission nationale des libérations conditionnelles): Je voudrais préciser que la Commission impose des conditions particulières quand elle les juge raisonnables et nécessaires pour gérer le risque. Il arrive bien souvent qu'il y ait des bris de conditions par la suite. La Commission agit généralement en accord avec le Service correctionnel en ce qui concerne la surveillance des individus qui sont en semi-liberté, en libération totale ou en libération d'office. Dans le cas où le Service correctionnel s'aperçoit d'un bris de conditions, il ramène en général le dossier devant la Commission. C'est d'ailleurs ce à quoi s'attend la Commission. À ce moment-là, la Commission refait une évaluation du risque suivant le bris de conditions. Si la Commission est d'avis que le risque n'est plus assumable en société, à savoir que le fait d'avoir brisé les conditions a fait augmenter le risque, elle peut alors, sans avoir besoin de recommandation du Service correctionnel, révoquer d'une façon automatique la libération qui a été accordée au détenu.

• 1545

[Traduction]

M. Myron Thompson: D'accord, et je suppose que c'est ce que vous estimez que l'on doit faire lorsqu'il y a bris de ces conditions.

[Français]

Mme Patricia Thériault: Effectivement.

[Traduction]

M. Myron Thompson: Le Bureau du solliciteur général a publié un rapport du Service correctionnel du Canada—de 1987 à 1996—sur le nombre de condamnations et le nombre de crimes qui ont été commis par des personnes en liberté conditionnelle. Il y a eu des accusations graves, notamment des meurtres, des tentatives de meurtre, des agressions sexuelles, des agressions graves et autres agressions sensationnelles.

Pendant ces 10 ans, le nombre est passé de 245 à 243 puis à 250, puis est retombé à 235, 237, 226, puis de nouveau à 240 et même à 256 en 1994-1995. En 1995-1996, il y a eu une diminution importante. Curieusement, c'est exactement l'année au cours de laquelle le taux d'incarcération a été très élevé. Il y avait plus de gens en prison que jamais auparavant et moins de libérations conditionnelles et il y a donc eu moins de crimes, naturellement.

Le fait est qu'il y a un total de 2 097 nouvelles victimes au pays aux mains de gens qui ont fait l'objet d'une libération conditionnelle. Je crois que lorsque nous libérons des délinquants violents et que les chiffres sont aussi élevés, c'est un trop grand sacrifice que de demander aux Canadiens de payer pour continuer à libérer des délinquants violents.

Pensez-vous que ce sacrifice soit trop grand, lorsque l'on a 2 097 nouvelles victimes, y compris 207 meurtres? Est-ce un prix trop élevé à payer pour poursuivre dans cette voie et dire que parce que nous avons un taux de réussite de 90 p. 100, nous devons continuer de libérer ces personnes, compte tenu du genre de sacrifice que cela représente? Les choses ne s'améliorent pas. Elles restent plutôt stables.

Je pose la question à qui veut bien y répondre—peut-être les trois d'entre vous—qu'en pensez-vous personnellement?

La présidente: Madame Louis, voulez-vous commencer?

Mme Kathy Louis: Je pourrais dire que ce serait parfait de tout savoir, mais nous pouvons apprendre de ce genre de situation. En fait, nous tirons des leçons de ce genre d'incident.

Pour en revenir à votre question précédente, monsieur Thompson, je crois savoir que le SCC effectue une étude du cas dont vous avez parlé. Je voulais simplement vous le mentionner.

Bien entendu, une seule récidive est déjà de trop et pourtant, les lois du pays sont telles que le processus de libération conditionnelle fait partie intégrante du système de justice criminelle au Canada. La libération conditionnelle est un moyen de réintégrer les contrevenants dans la société. En fait, cela protège la société et offre une orientation et une aide aux contrevenants qui sont libérés mais qui, en fait, continuent de purger leur peine dans la société.

Bien que les statistiques que vous mentionnez puissent sembler alarmantes... Cela me préoccupe en tant que membre du public. Je représente la société, j'en fais partie. Je ne prends donc pas cela à la légère, en tant que décideur. Nous appliquons la loi, nous appliquons les politiques. Lorsqu'il se produit un problème, on effectue des vérifications et on mène des enquêtes. Comme je vous l'ai dit, le SCC procède à des vérifications internes, ce qui est apparemment fait dans les cas mentionnés ici.

M. Myron Thompson: Je peux donc supposer que votre réponse est non. Ce n'est pas un trop grand sacrifice. Si je dis cela c'est qu'au cours des dix ans, même si nous tirons des leçons de nos erreurs et que nous apportons des changements, il n'y a pas d'amélioration. Les choses ne s'améliorent pas.

En fait, nous pouvons nous attendre à ce que des gens soient agressés par des personnes libérées de prison qui sont considérées à risque, compte tenu de leur violence et de ce qu'elles ont fait par le passé, et qu'il est normal de continuer dans cette voie.

J'ai de la difficulté à dire aux Canadiens que les choses se passeront ainsi. Les chiffres sont là. Je ne suis pas d'accord, mais j'aimerais savoir ce qu'en pensent les nouveaux ou les nouvelles.

• 1550

Mme Cindy Caudron (membre, Commission nationale des libérations conditionnelles): Je dois vous dire que je suis tout à fait nouvelle. Je suis membre depuis huit jours. Mais je peux certainement vous dire également qu'avant de devenir membre de la Commission des libérations conditionnelles, j'étais très sceptique à son sujet.

Je viens des Territoires du Nord-Ouest. Si l'on peut considérer cela comme un avantage... certains ne le verraient pas ainsi. Dans le Sud, vous êtes très proche de la politique à un niveau différent et vous utilisez des statistiques. Bien trop souvent, j'ai vu des statistiques qui sont censées représenter le Canada dans lequel les Territoires du Nord-Ouest et son territoire jumeau, le Yukon, n'étaient pas représentés.

Avant d'entrer en contact avec la Commission des libérations conditionnelles, je pensais qu'en travaillant comme surveillant de liberté conditionnelle, je libérerais des gens en me demandant avec angoisse ce qu'ils allaient faire? Mais je dois vous dire que chaque personne que j'ai libérée a été en mesure de respecter les conditions qui étaient fixées par la Commission des libérations conditionnelles.

Je partage certainement vos préoccupations. Je suis d'accord avec ma collègue qu'une seule récidive est déjà de trop. J'avais beaucoup de questions, lorsque je suis entrée à la Commission, sur les raisons exactes pour lesquelles on permettait à des gens que l'on avait condamnés à la prison d'être libérés. J'étais très critique. À l'époque, je pensais que lorsque l'on est condamné à perpétuité, on doit rester en prison pour toujours et ne jamais en sortir. Mais je peux vous dire qu'après les huit jours que je viens de passer à la Commission nationale des libérations conditionnelles, d'après ce que j'ai vu de son programme de formation exhaustif et intensif, que j'ai suivi, l'impression que j'avais était due à mon ignorance des critères qui permettent à la Commission de prendre ses décisions, ainsi que de ses principes et des préoccupations qu'elle a pour tous les Canadiens.

On m'a certainement fait bien comprendre—ce sera également mon sentiment en ce qui concerne la prise de décision—que si je dois libérer quelqu'un en vertu de certaines conditions, je dois être prête à ce que cette personne soit mon voisin et être en sa compagnie comme avec mon propre enfant. J'ai trouvé que cela était fondé sur quelque chose de solide. Je respecte la Commission et, en tant que citoyenne canadienne, je suis persuadée qu'elle recherche tous les moyens d'assurer la sécurité des Canadiens.

Comme ma collègue l'a dit, il est dommage que nous ne puissions prédire le comportement. Cela nous donnerait une perspective très différente, mais c'est impossible. J'ai appris au cours des derniers jours qu'on épuise toutes les possibilités pour s'assurer que les décisions visent avant tout à protéger la population canadienne.

M. Myron Thompson: Ce que vous dites, c'est donc simplement ceci: même si les chiffres sont les mêmes chaque année, ce n'est pas un trop grand sacrifice à demander aux Canadiens.

Mme Cindy Caudron: Je ne crois pas, monsieur, que je pourrais vraiment utiliser le mot «sacrifice», dans ce contexte, si je peux me permettre. La Commission nationale...

M. Myron Thompson: Pourriez-vous utiliser vos propres mots et dire la même chose?

Mme Cindy Caudron: Quel mot pourrais-je utiliser? Je ne suis même pas certaine que c'est ce que je voudrais dire La Commission nationale des libérations conditionnelles ne libère pas intentionnellement des gens en sachant que des vies humaines seraient sacrifiées.

M. Myron Thompson: Mais c'est ce qui s'est produit. Vous êtes bien d'accord. C'est ce qui arrive régulièrement.

Mme Cindy Caudron: Monsieur, je n'utiliserais peut-être pas cette phrase dans le même contexte.

• 1555

M. Myron Thompson: En tant que nouvelle venue, vous devez bien avoir quelques idées pour réduire ces chiffres. Zéro étant le chiffre idéal.

Mme Cindy Caudron: Et je pense que c'est ce qu'il y a de merveilleux au sujet de la Commission nationale des libérations conditionnelles.

M. Myron Thompson: Quel genre de nouvelles idées seraient avancées, selon vous, qui amélioreraient cette situation et permettraient aux Canadiens de penser que ce système est le seul valable? Ils n'ont pas confiance actuellement—je pense que vous seriez d'accord.

Mme Cindy Caudron: Cela est peut-être dû en partie à bien des facteurs, comme le manque d'information, comme c'était mon cas, à l'égard des méthodes utilisées par la Commission nationale des libérations conditionnelles pour en arriver à ses décisions. Je pense que la Commission doit être louée pour ses modes de recrutement et pour les niveaux de qualification des Canadiens en général.

J'ai été surveillante de liberté conditionnelle. Je sais ce que l'on ressent lorsqu'on est au bas de l'échelle et que les décisions sont prises tout en haut. J'ai dû gérer des cas de façon à ce que la population de ma communauté ou d'autres communautés du Nord soient protégées au mieux. Jusqu'à présent, je n'ai pas connu d'échec.

La présidente: Monsieur Thompson, pourrais-je passer à quelqu'un d'autre? Nous reviendrons à vous, si vous voulez.

M. Myron Thompson: Oui, j'aimerais avoir une autre occasion de poser des questions.

La présidente: Monsieur Lee.

M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Merci, madame la présidente.

J'aimerais demander à Mme Thériault et à Mme Caudron si elles peuvent décrire la région dans laquelle elles vont travailler pour que nous puissions comprendre. Premièrement, Mme Thériault.

[Français]

Mme Patricia Thériault: En ce qui me concerne, j'ai été nommée, en juin 1995, commissaire à temps partiel dans la région du Québec et je suis, depuis mars 1998, membre à temps plein de la Commission pour la région du Québec. Au Québec, nous avons environ 32 p. 100 de toute la population carcérale. Est-ce que c'est bien dans ce sens-là, par rapport à la région, que vous voulez être informé?

[Traduction]

M. Derek Lee: C'est très bien. Merci.

Madame Caudron.

Mme Cindy Caudron: J'ai été nommée membre à temps partiel dans la région des Prairies, c'est-à-dire les Territoires du Nord-Ouest, l'Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba.

M. Derek Lee: Je vais poser la question suivante à Mme Caudron.

Au cours des 10 dernières années, le comité a vu un certain nombre d'incidents malheureux, notamment des évasions d'institutions fédérales, des libérations conditionnelles de détenus d'institutions fédérales et des détenus qui ne reviennent pas. La Commission nationale des libérations conditionnelles a été partie à certaines de ces décisions. Connaissez-vous ces cas malheureux qui ont entraîné la mort de Canadiens innocents...

Mme Cindy Caudron: Non.

M. Derek Lee: Vous n'êtes pas au courant. Bien. Donc, votre expérience dans le domaine de la libération conditionnelle se limite à la région que vous avez décrite tout à l'heure, c'est-à-dire le Nord-ouest.

Mme Cindy Caudron: C'est seulement dans les Territoires du Nord-Ouest et dans une région bien précise, car les territoires varient d'Est en Ouest et du Nord au Sud.

M. Derek Lee: Au cours de votre travail, vous allez traiter avec des personnes dont certains ont passé la plus grande partie de leur vie à berner les gens en prétendant, à leurs yeux et aux yeux des autres, être quelqu'un d'autre ou avoir été quelqu'un d'autre. Parfois, ils prétendent être les fils, les parents, les amis, les employés, les amants ou autres. Mais certains sont des criminels, pour des raisons qu'eux seuls connaissent. Ou qu'ils ne connaissent peut-être même pas. Avez-vous déjà traité avec ce genre de personne?

Mme Cindy Caudron: Oui, en tant que surveillante de liberté conditionnelle, j'ai eu affaire à des manipulateurs.

M. Derek Lee: Avez-vous été bernée ou avez-vous fait partie d'une équipe qui a été bernée?

• 1600

Mme Cindy Caudron: Au tout début de ma carrière, lorsque j'étais dans le domaine de la toxicomanie, en effet. Et ce fut une leçon extraordinaire. Je peux seulement dire qu'il s'agissait d'une personne se rendant à un centre de traitement... cela n'impliquait donc pas la sécurité ou la sûreté des gens dans la rue.

M. Derek Lee: Comment avez-vous appris ou comment avez-vous l'intention d'aborder le problème de l'équilibre entre le risque pour les Canadiens et ces personnes elles-mêmes d'une part et la volonté de préparer ces personnes à leur libération pour qu'ils puissent se préparer eux-mêmes? Comment équilibrez-vous ce risque? Car—et vous serez peut-être d'accord—c'est un risque grave dans certains cas. J'ai souvent dit que la Commission nationale des libérations conditionnelles traitait avec la contrepartie humaine de l'énergie nucléaire, comme les agences nucléaires ont parfois à le faire. Comment équilibrez-vous ce risque? Où avez-vous appris à l'équilibrer?

Mme Cindy Caudron: Lorsque j'étais travailleuse sociale auprès des enfants, bien qu'il s'agisse d'un domaine différent, nous avions affaire à des aspects relativement semblables, lorsque les enfants étaient renvoyés dans leur famille, où il y avait des niveaux de risque et des besoins dont il fallait tenir compte. La Commission nationale des libérations conditionnelles a établi des critères qui permettent d'examiner les risques et les besoins et de faire en sorte que, grâce à toute l'information disponible, que la réintégration dans la société sera telle que ces personnes seront respectueuses de la loi lorsqu'elles sortiront.

D'après mon expérience de travailleuse sociale auprès des enfants, de mon travail avec les familles de même qu'à titre de surveillante de liberté conditionnelle, bien des gens ont essayé de me manipuler et de vouloir me faire croire toutes sortes de choses. Il est vrai qu'en matière d'évaluation des risques et autres, d'après la formation que j'ai suivie depuis huit jours, je dois dire que la Commission nationale des libérations conditionnelles donne une formation approfondie dans ce domaine et sur tous les facteurs dont il faut tenir compte avant d'envisager une libération.

M. Derek Lee: D'accord.

Madame Thériault, dans les cas où les détenus font une bonne action pour l'institution... cela arrive parfois, pour toutes sortes de raisons. Ils ont une bonne conduite pendant une journée. Ils font quelque chose que l'institution juge bien. En tant que membre de la Commission des libérations conditionnelles, en tenez-vous compte? Seriez-vous prête à conclure une entente? Seriez-vous prête à un compromis avec un détenu?

[Français]

Mme Patricia Thériault: Il est évident que tous les jours, il y a des détenus qui essaient de nous berner. Les détenus nous présentent des changements qui, pour eux, sont des changements significatifs par rapport au risque qu'ils présentaient au moment de leur incarcération. Il est évident également, comme ma collègue vient de vous le mentionner, que la Commission a des critères d'évaluation du risque.

On se doit, malgré les allégations d'un détenu selon lesquelles il se conduit bien, de consulter les documents qui nous parviennent du Service correctionnel et des intervenants qui côtoient ces gens-là. Je dois dire aussi que des évaluations psychologiques, psychiatriques, sexologiques et criminologiques sont faites dans chacun des cas pour voir si les changements allégués par le détenu sont suffisants. Par la suite, au moment de l'audience, nous avons la possibilité de poser des questions aux détenus pour voir les bénéfices qu'ils ont retirés des programmes qui avaient pour but de les faire changer.

On peut facilement déterminer si les acquis dont ils nous parlent sont bien intégrés. On peut également se faire une opinion grâce aux questions que l'on pose, lors des audiences, aux agents de gestion de temps qui accompagnent les détenus et qui sont généralement des criminologues. Ces gens-là vivent le quotidien des détenus et sont en mesure de nous dire qu'une bonne conduite pendant une journée ne suffit pas.

• 1605

[Traduction]

M. Derek Lee: Il y a eu des incidents que l'on peut trouver dans les dossiers parlementaires de quasi-professionnels du Service correctionnel du Canada... Je ne me rappelle plus si c'était la Commission des libérations conditionnelles ou non. Peut-être pas. Ces professionnels ont fait des erreurs, ont dit des choses favorables au sujet de détenus, parfois parce que ces détenus avaient dit des bonnes choses à leur sujet. Cela est ensuite consigné dans le dossier du détenu, on le lit à la Commission des libérations conditionnelles, qui l'accepte tel quel. Vous venez justement de dire que vous lisez les travaux des criminologues, des psychologues et des psychiatres et vous semblez cela accepter tel quel.

Vous voudrez peut-être répondre. Je me suis adressé à vous, mais j'aimerais en fait poser la question à Mme Louis. N'hésitez pas à commenter.

Mais je vais manquer de temps également.

La présidente: Ça va. M. Thompson a eu 16 minutes, ce qui est un vrai record.

Des voix: Oh, oh.

M. Derek Lee: D'accord. Donc je vous demande à vous si vous avez manifesté un scepticisme de bonne augure à l'égard de votre travail? Avez-vous toujours été une bonne personne? Êtes-vous prête à contester les responsables et les professionnels du Service correctionnel du Canada ainsi que vos collègues de la Commission pour protéger le public? Je pose cette question.

J'aimerais la poser également à Mme Louis, qui travaille depuis longtemps à la Commission, mais je la poserai d'abord à Mme Thériault.

[Français]

Mme Patricia Thériault: Mon intérêt premier, en tant que membre de la Commission nationale des libérations conditionnelles, est de protéger la société. C'est également l'énoncé de mission de la Commission des libérations conditionnelles. L'objectif premier, comme je l'ai dit, est de protéger la société tout en favorisant la réhabilitation du délinquant.

Je vais me permettre de rectifier ce que j'ai dit tout à l'heure, à savoir que la Commission n'entérine pas nécessairement toutes les recommandations qui lui sont formulées par le Service correctionnel, pas plus qu'elle ne partage nécessairement l'opinion des spécialistes et intervenants dont elle a les rapports dans le dossier et dont elle prend connaissance avant l'audience. Ces documents sont des documents parmi d'autres documents.

La Commission a, comme je le soulignais tout à l'heure, des critères d'évaluation du risque et elle prend ses décisions après avoir fait une évaluation du risque à partir d'éléments d'information sûrs, convaincants et pertinents.

[Traduction]

M. Derek Lee: Madame Louis, vous avez de l'expérience dans ce domaine. Quatre-vingt-quinze pour cent des données sur les détenus sont exactes. D'après mon expérience personnelle—je connais un peu la question—je dirais qu'il y a 5 p. 100 d'inexactitude et puis il y a la partie inquiétante, c'est-à-dire les 10 p. 100 que l'on ne voit jamais et que personne n'a le courage de consigner sur papier ou qui disparaît d'un dossier à titre de faveur ou par inadvertance. En tant que membre de la Commission nationale des libérations conditionnelles, comment incorporez-vous ce risque supplémentaire dans les décisions que vous prenez sur la libération des détenus?

Mme Kathy Louis: Premièrement, je pense que c'est une bonne question et j'aimerais y répondre. J'étudie le cas d'après l'information contenue dans le dossier. J'étudie tout le volume. Je connais le dossier tel qu'il existe sur papier. Ensuite, l'audience est une façon pour moi de mieux évaluer ce que j'ai lu sur le délinquant. Nous appliquons la loi, nous appliquons les critères conformément à la loi et les politiques sur l'évaluation des risques.

Mais j'aimerais dire qu'au cours des années, la Commission des libérations conditionnelles a élaboré d'excellentes politiques sur l'évaluation des risques. Surtout, il y a eu beaucoup de recherches en médecine légale, en psychiatrie et en psychologie qui ont été intégrées aux politiques sur l'évaluation des risques.

En appliquant ces politiques et ces outils, les taux de risque mathématiques... par exemple, la liste de vérification sur la psychopathie indique le genre de signaux dont je dois tenir compte lorsque j'examine les dossiers de certains délinquants. Il y a également l'échelle d'ISR, qui donne une information statistique générale sur la récidive. C'est un autre outil possible.

• 1610

Ce sont simplement deux des outils que j'utilise, en gardant à l'esprit, au moment de prendre la décision, que l'essentiel est la protection de la société et que c'est ma responsabilité en tant que décideur.

M. Derek Lee: J'aurais une brève question pour Mme Thériault. En fait une précision.

Dans votre curriculum vitae, vous dites que votre citoyenneté est canadienne française. Êtes-vous également citoyenne de France? Avez-vous la double citoyenneté?

[Français]

Mme Patricia Thériault: Je suis citoyenne canadienne.

[Traduction]

M. Derek Lee: D'accord. Merci.

Merci, madame la présidente.

La présidente: Monsieur MacKay.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Merci, madame la présidente.

Je voudrais remercier tous les témoins d'être parmi nous aujourd'hui. Je sais qu'il faut du courage pour se présenter et être interrogé de la sorte.

J'ai entendu au moins deux d'entre vous dire que la protection de la société est l'élément principal de votre mandat. Je suppose que tout comme les agents de police, vous êtes à la porte d'entrée du système judiciaire, vous êtes les gardiens de cette porte qui est là pour protéger tous les Canadiens, au moment de décider qui peut être libéré.

Madame Louis, à titre d'information, je veux vous dire que le comité a examiné le cas de Raymond Russell, un criminel condamné. Alors qu'il avait été libéré par la Commission nationale des libérations conditionnelles de Colombie-Britannique, il a assassiné une femme du nom de Darlene Turnbull.

Vous connaissez ce cas, car en votre capacité de vice-présidente régionale de la Commission nationale des libérations conditionnelles pour la région du Pacifique, je crois que vous avez été interrogée par le comité d'enquête sur le cas Russell. J'aimerais vous poser une ou deux questions sur ce sujet, si vous le voulez bien.

Les témoignages qu'a entendus le comité laissent à penser que Mme Turnbull ne savait pas que Raymond Russell était un meurtrier condamné lorsqu'elle l'a fait rentrer chez elle. En tant que membre de la Commission des libérations conditionnelles, ne pensez-vous pas que quelqu'un qui se trouve dans la situation de Mme Turnbull, que ce soit à titre de propriétaire, d'employeur potentiel, d'amante potentielle ou d'une personne qui va être en contact étroit avec quelqu'un comme M. Russell, ne devrait pas recevoir toujours de l'information, de façon personnelle et spécifique si elle va se trouver devant ce type de risque?

La présidente: Avant de répondre, madame Louis—et je n'essaie pas d'intervenir dans ce processus; je veux également connaître les réponses—j'aimerais savoir si vous êtes partie à une poursuite judiciaire ou autre en ce moment.

M. Peter MacKay: Bonne question.

Mme Kathy Louis: Puis-je vérifier?

La présidente: Si vous voulez consulter un conseiller juridique, je suis sûre que personne n'y voit d'objection.

Mme Kathy Louis: Je préférerais ne pas répondre.

La présidente: D'accord.

M. Peter MacKay: Vous préférez ne pas répondre. Bien, laissez-moi vous poser une question générale à ce sujet.

M. Derek Lee: À propos du Règlement, madame la présidente...

La présidente: Je pensais que cela allait arriver. Allez-y.

M. Derek Lee: Le témoin nous a demandé d'accepter sa décision de ne pas répondre. Je suis prêt à l'accepter, non parce qu'elle ne serait pas obligée de répondre si nous le lui demandions. Il existe une immunité générale pour toutes les dépositions parlementaires, orales et autres. Si elle croit que sa réponse pourrait nuire à une position à l'extérieur du Parlement, dans un tribunal, le comité a bien entendu la possibilité, puisqu'il y a déjà immunité, de demander que sa réponse ne soit pas publiée et qu'elle soit donnée à huis clos. C'est une option que nous pourrions adopter.

L'autre bien entendu est de simplement éviter la question, comme nous semblons le faire. C'est à M. MacKay de décider. Si la réponse à la question n'est pas réellement nécessaire, nous pouvons l'abandonner.

Donc, dans le cadre du règlement, j'aimerais demander à M. MacKay...

M. Peter MacKay: Est-ce que ce conseiller juridique était pour M. MacKay?

Des voix: Oh, oh.

M. Derek Lee: Non, je demande à M. MacKay de décider s'il croit ou non qu'il doit avoir une réponse. S'il croit que nous pouvons passer outre, je suis prêt à l'accepter.

M. Peter MacKay: D'abord, j'aimerais savoir, en réponse à la question de la présidente, si des poursuites sont imminentes ou s'il risque d'y en avoir.

Mme Kathy Louis: Je crois comprendre que c'est possible.

• 1615

M. Peter MacKay: D'accord. Je respecte la position dans laquelle vous vous trouvez et je ne veux pas vous mettre dans l'embarras...

La présidente: Nous connaissons la situation.

M. Peter MacKay: ...mais je connais suffisamment le système juridique pour savoir.

Ce que je pourrais peut-être faire, madame la présidente, et je vous remercie de cette intervention, M. Lee...

La présidente: M. Lee est notre expert sur ces questions. Il a déjà vécu cette expérience. Mon intervention visait uniquement à nous assurer que nos témoins se sentent à l'aise et que nous connaissons tous les problèmes qui peuvent se poser.

M. Peter MacKay: C'était une intervention très judicieuse, madame la présidente.

Ce que je ferais peut-être dans ce cas c'est de reposer la question différemment, de façon plus générale. Encore une fois, avant de répondre, si vous voulez demander des conseils ou choisir de ne pas répondre, je respecterai votre choix.

En ce qui concerne la Commission nationale des libérations conditionnelles et l'imposition de conditions aux personnes libérées, ce qui exige parfois des rapports spéciaux du SCC, on s'attend, je suppose, à ce que ces conditions soient respectées. Il s'agit de conditions précises qui visent la réhabilitation et d'empêcher la récidive: les conditions de non-association, de non-consommation d'alcool et de drogues, d'interdiction d'alcool, des choses de ce genre. Les décisions sur l'évaluation du risque et sa gestion s'appuient, je suppose, sur le fait que le délinquant comprend parfaitement les conditions qui lui sont imposées avant sa libération.

Ma question est la suivante: n'y a-t-il pas dévalorisation du travail de la Commission nationale des libérations conditionnelles lorsque les employés du SCC sur le terrain ne font pas appliquer ces conditions? Quelle mesure prend-on pour que le personnel de premier niveau, sur le terrain, connaisse bien les conditions imposées aux personnes qu'ils doivent surveiller? Quelle importance accorde-t-on à l'information donnée au personnel sur le terrain pour qu'il fasse respecter les conditions, sous peine de ramener la personne en prison?

Mme Kathy Louis: Premièrement, dans un cas comme celui-ci, la Commission est informée. Elle reçoit un rapport et décide par un vote. La Commission peut en fait décider de révoquer ou de ne pas prendre de mesure.

Je dois vous dire qu'en fait, nous avons tenu une session d'information conjointe avec les travailleurs de première ligne et les membres de la Commission des libérations conditionnelles. Il s'agit d'un processus permanent de façon à essayer de devenir beaucoup plus professionnels et d'avoir plus d'expertise pour prévoir le comportement humain. Vous savez vous-même que ce n'est pas une science exacte, mais tout est fait pour qu'il y ait un système d'équilibre des pouvoirs.

M. Peter MacKay: Je vous ai posé une question très longue. En fait, il s'agit de savoir si vous pensez qu'il y a suffisamment d'échange d'information entre les divers intervenants. Pensez-vous que l'on puisse améliorer cet échange d'information? Je le pense personnellement.

Mme Kathy Louis: Monsieur MacKay, je suis d'accord avec vous. Il est toujours possible d'améliorer la situation, comme je viens de le dire. Prévoir le comportement humain n'est pas une science exacte. Comme je vous l'ai dit, nous avons acquis des outils prévisionnels grâce aux différents professionnels qui, au fil du temps, nous ont donné la formation et les instruments nécessaires à nous les décideurs. Tout ceci vise à nous permettre de mieux évaluer les risques et à prévoir le comportement humain.

M. Peter MacKay: J'aimerais reformuler ma première question précise de façon plus générale. Pensez-vous que les membres du public, ceux qui ont eu des contacts ou qui prévoient d'avoir un contact avec une personne en liberté conditionnelle... devraient être mis au courant de la situation de cette personne et quelles mesures sont prises en ce sens?

Mme Kathy Louis: Je pense que vous essayez de me faire répondre à votre première question. Ce que je peux vous dire, c'est que la Commission exige qu'il y ait des vérifications des personnes garantes, les personnes de la collectivité qui figurent sur la liste donnée par le délinquant comme étant des personnes susceptibles de l'aider... ce genre d'information est fournie à la Commission. Nous pouvons toujours avoir davantage d'information et en demander davantage pour savoir exactement quelle sera la situation lorsque nous prenons une décision.

M. Peter MacKay: Vous parlez de «vérification de personnes garantes». J'aimerais avoir plus de précision. Parlez-vous d'une lettre? Parlez-vous d'un contact direct avec un surveillant de liberté conditionnelle?

Mme Kathy Louis: Un contact direct.

• 1620

M. Peter MacKay: Je n'essaie de vous mettre sur la sellette, mais dans le cas où une personne a déjà eu un contact avec un délinquant libéré et qu'elle a reçu de l'information qui, dans bien des cas, n'est pas exacte, ou si la personne ne pose pas de questions précises, toute l'information sur le délinquant est-elle divulguée lorsqu'il y a ce contact entre le surveillant de liberté conditionnelle et une personne de la collectivité? Y a-t-il une entrevue approfondie? L'information sur la personne est-elle divulguée ainsi que le fait qu'il s'agit d'un délinquant violent?

Mme Kathy Louis: En général, les enquêtes communautaires sont effectuées par les superviseurs qui communiquent directement avec ces gens de la collectivité. En fait, Cindy vient de dire qu'elle a été surveillante de liberté conditionnelle. Je pense qu'elle pourrait mieux répondre car je suis sûre qu'elle a déjà effectué ce genre d'enquête.

M. Peter MacKay: Certainement. Madame Caudron, voulez-vous répondre?

Mme Cindy Caudron: Oui. Lorsque la Commission des libérations conditionnelles envisage de libérer quelqu'un, elle demande une enquête communautaire. Là d'où je viens, cela a une incidence quelque peu différente. C'est pourquoi j'essaierai d'expliquer les deux situations.

Pour faire une enquête communautaire, on s'adresse à des personnes garantes dont le nom nous a été donné par le délinquant. Ce sont des personnes à qui il souhaite que nous parlions pour obtenir de l'information sur ses antécédents et sur ses relations. Nous examinons l'information sur l'emploi, sur la personnalité et ce genre de chose.

Nous n'avons pas à nous limiter aux personnes que le délinquant identifie. Je suis toujours allée plus loin. Car je pense que nous ne devons pas voir uniquement les personnes à qui il veut que nous parlions.

M. Peter MacKay: Ils auraient évidemment intérêt à vous donner certains noms.

Mme Cindy Caudron: Exactement. Je sais que mes autres collègues qui travaillent sur le terrain font exactement la même chose. Ils vont voir d'autres gens que les garants pour parler avec des gens qui connaissent le délinquant, afin d'avoir une autre perspective.

Il est évident que lorsqu'ils nous donnent le nom de quelqu'un, cette personne va nous donner de l'information plutôt positive, quelle que soit son opinion sur le délinquant. Nous obtiendrons une information positive car elle est partagée avec le délinquant.

D'autre part, et j'en ai fait l'expérience moi-même, la Commission a autorisé une autre possibilité dans les Territoires du Nord-Ouest. Lorsqu'on envisage de renvoyer dans la communauté quelqu'un qui a commis une infraction violente, cela a une incidence sur l'ensemble de la communauté. Je ne suis donc pas intéressée par les contacts précis que cette personne a identifiés ou les cinq ou dix autres personnes que je pourrais aller voir, car l'ensemble de la communauté est touché à ce niveau.

Je ne savais pas vraiment si la Commission allait me laisser tenir un cercle de libération. J'appelle cela une équipe de soutien et, pour vous dire la vérité, je ne savais même pas que cela existait jusqu'à ma formation des huit derniers jours. Cela nous a permis, dans une petite collectivité, de demander aux gens de former une équipe. Les personnes garantes ont été interrogées individuellement et non collectivement.

Je les ai réunies collectivement et j'ai fait participer d'autres membres de la communauté, comme le chef, le responsable de l'alcool et de la drogue, des membres de la famille et des aînés qui passent du temps avec le délinquant. Je les ai réunies et j'ai effectué mon enquête communautaire à ce moment-là. Cette équipe m'a donné de l'information et des recommandations dont la Commission pourrait tenir compte en sachant ce que le délinquant pourrait faire lorsqu'il est libéré.

Bien entendu, cela a été précisé, car ces deux critères—les recommandations sur ce qui doit être redonné à la communauté—ne relèvent pas de la Commission des libérations conditionnelles. Cela donne une certaine protection, comme des ordres d'abstention et des interdictions de posséder une arme. Nous sommes donc au courant.

• 1625

J'ai parlé avec le chef. Je lui ai dit que je ne savais pas si on allait nous laisser organiser une enquête communautaire dans un contexte de groupe.

Cela a donc été renvoyé à mes supérieurs qui m'ont éventuellement dit que je pouvais aller de l'avant. On m'a dit que l'on étudierait le rapport et que l'on recommuniquerait avec moi. C'est donc ce qui s'est passé.

Dans ces communautés du Nord, il n'y avait pas une seule personne pour superviser. Il y en avait plusieurs qui apportaient leur aide, et cela s'est très bien passé. Cette méthode peut s'appliquer dans les petites collectivités, mais pas nécessairement dans toutes. La Commission a fait preuve de souplesse en nous permettant d'utiliser cette option.

Ce genre de garantie et d'enquête communautaire sont ensuite envoyées à la Commission pour qu'elle ait une bonne idée de la situation dans laquelle va se trouver le délinquant car il faut dire que dans le Nord, nous n'avons pas les psychologues, les maisons de transition et autres. Cela donne donc à la Commission une bonne idée de ce dont dispose chaque communauté ainsi que les renseignements qui nous viennent de gens autres que les délinquants et ce qu'elles font pendant que la personne est incarcérée.

M. Peter MacKay: J'aimerais revenir à l'échange d'information et je vous remercie de votre réponse. Je viens également d'une petite collectivité en Nouvelle-Écosse et je sais donc de quoi vous parlez. Ils considèrent que toute personne qui vient de l'extérieur avec une serviette est un expert.

La présidente: Je pense que je vais vous rendre visite plus souvent.

M. Peter MacKay: Venez quand vous voulez.

J'aimerais avoir l'opinion d'un des membres du groupe ou de tous sur les initiatives prises par la police dans certaines petites collectivités et dont j'ai eu connaissance. À la libération d'un délinquant, les agents de police décident de tenir des séances d'information ou de rendre public, au moyen d'affiches ou d'annonces, le fait qu'un prédateur sexuel ou un délinquant a été libéré dans leur collectivité. J'aimerais avoir votre opinion sur cette décision et si vous pensez que la Commission des libérations conditionnelles devrait avoir un rôle à jouer.

Mme Kathy Lewis: Mon opinion est partagée sur ce sujet et ce n'est pas nécessairement celle de la Commission, c'est-à-dire j'ai des craintes à ce sujet. Ce genre de délinquant purge probablement une peine très précise. Sa peine va se terminer à un moment donné et tant qu'il se trouve la communauté, il y a une certaine imputabilité, la responsabilité de le superviser. Mais face à ce genre de publicité de la part de la police, le délinquant peut décider de disparaître et il pourrait en fait récidiver sans que personne ne le sache.

C'est là ma crainte. Comme je l'ai dit, ce n'est pas la position de la Commission, mais c'est la crainte que suscite chez moi ce genre de situation.

M. Peter MacKay: L'imputabilité est ce qui me préoccupe. Je sais que l'on a également exprimé la crainte des gens qui font leur propre justice, lorsque la police vous fait savoir qu'un délinquant sexuel va vivre auprès de chez vous.

Mais pour en revenir à l'essentiel, à mon avis, les gens de la collectivité ont le droit de savoir et le droit de connaître le risque possible. Je ne suis pas tout à fait à l'aise avec ce genre de méthode et je ne la préconise pas, mais je me demande si la Commission l'a envisagée et quel rôle elle pourrait jouer pour informer les gens au sujet des personnes susceptibles d'habiter à côté de chez eux.

Mme Kathy Lewis: Je suppose que si la loi l'exige, nous le ferons. Pour le moment, ce n'est pas obligatoire.

M. Peter MacKay: C'est une bonne réponse.

La présidente: Merci, monsieur MacKay.

M. Peter MacKay: Merci.

La présidente: Pour votre gouverne, vous avez utilisé 19 minutes.

Je sais. Je vais revenir à vous, Myron.

Pouvons-nous passer à M. Telegdi, qui, je le sais, va être très bref?

M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Merci, madame la présidente. Je ne vais pas battre de nouveaux records.

Je dois dire que j'ai regardé les curriculum vitae et j'ai tout à fait confiance dans les capacités de ces personnes.

• 1630

Il me semble que toute la question de la protection de la société est un peu inutile dans la mesure où évidemment, si l'on garde quelqu'un en prison et que l'on ne le laisse pas sortir au moment où on est légalement en mesure de le faire, le risque est minime pour la société. Je suppose que le risque naît lorsque la personne sort. Nous devons alors réintégrer cette personne dans la société. Et si nous ne choisissons pas de lui accorder une liberté conditionnelle, nous pourrions ne pas être en mesure de la réintégrer.

Sur tous les cas que j'ai examinés, les plus dérangeants ont été ceux de Russel et de Michael Hector. Ce qui m'a le plus frappé dans le cas de Michael Hector, c'est la méthode nonchalante adoptée non pas en matière de libération mais de supervision. La personne venait voir le surveillant de liberté conditionnelle une fois toutes les deux semaines puis après une certaine période, une fois par mois. Le surveillant de liberté conditionnelle ne vérifiait pas l'information que le délinquant lui fournissait.

Dans quelle mesure pouvez-vous exiger un plan de libération pour les différentes personnes que vous libérez? Dans quelle mesure pouvez-vous assurer un suivi pour voir si ce plan est respecté?

Mme Kathy Louis: Madame la présidente, la situation est la même que pour la première question. Je ne me sens pas en mesure de pouvoir parler de cas personnels.

La présidente: Très bien.

M. Andrew Telegdi: Parlons de façon très générale. Vous accordez une libération conditionnelle en fonction d'un plan qui vous est présenté. Dans quelle mesure pouvez-vous vous assurer que le plan sera respecté? Le pouvez-vous dans une certaine mesure ou votre travail est-il terminé lorsque vous avez accordé la libération conditionnelle?

Mme Kathy Louis: J'ai parlé tout à l'heure du genre de renseignements dont nous disposons lorsque nous examinons le dossier et les renseignements qui y sont contenus et lorsque nous interrogeons le délinquant. Des plans de libération sont effectivement présentés en cas de recommandation d'une libération. La Commission des libérations conditionnelles sait donc où le délinquant va aller, compte tenu des renseignements dont nous disposons. Nous pouvons demander des renseignements supplémentaires au moment de l'entrevue avec le délinquant. Nous connaissons donc le plan de libération.

Ce que nous ne savons peut-être pas tout de suite, c'est lorsque le plan de libération n'est pas respecté une fois le délinquant libéré. Normalement, dans ce genre de cas, la Commission doit être immédiatement informée car nous avons la possibilité, si la libération n'est pas possible, de revenir sur la décision.

M. Andrew Telegdi: Le surveillant de liberté conditionnelle est-il obligé de rendre compte à la Commission et de dire que cette personne qui est libérée sous condition, qui relevait de la Commission, ne respecte pas son plan? Doit-il le faire? Le surveillant doit-il donner ce renseignement?

Mme Kathy Louis: Le surveillant doit informer la Commission de ce genre de situation, mais en réalité, c'est la responsabilité du Service correctionnel et je ne suis pas ici pour le défendre. Je sais qu'ils ont des normes de supervision. Je sais qu'il y a des renseignements qu'ils doivent présenter à la Commission.

M. Andrew Telegdi: Je suppose, madame la présidente, que si j'étais un surveillant de liberté conditionnelle, j'aurais l'impression de me faire avoir si un libéré ne respectait pas son plan de libération et que cette personne ait de nouveau des difficultés avec la loi.

J'aimerais passer à un autre cas. Il y a eu deux cas à Kitchener—Waterloo dans les années 80, je crois. Le premier, qui était local, a fait beaucoup de bruit. Il s'agissait d'un professeur de l'Université de Waterloo qui avait agressé sexuellement un nombre incroyable de jeunes. Il est passé par le système, il a été emprisonné. Lorsque le temps est venu de le libérer, on lui a ordonné de rester éloigné de la municipalité régionale de Waterloo.

• 1635

Au même moment, sans que les membres de Kitchener soient au courant, un délinquant a été libéré, également un prédateur sexuel. Il était incarcéré dans les Prairies mais a été renvoyé à Kitchener. Personne n'était au courant. Il a fini par épouser une femme de Kitchener. Cette femme avait une fille de 14 ans. Au cours de l'année qui a suivi sa libération, il a fini par violer sa belle-fille, par la tuer et a brûlé la maison.

J'essaie de vous montrer que, comme dans n'importe quelle collectivité, il aurait été préférable que le premier délinquant sexuel retourne dans la région de Waterloo. Car s'il commençait à tourner autour des écoles élémentaires, nous saurions que l'ordre lui enjoignant de rester éloigné serait respecté car les gens le connaissent. Bien entendu, dans le cas de l'autre personne, il aurait été préférable qu'il retourne dans sa propre collectivité où les gens le connaissaient.

Je peux comprendre que l'on ne veuille pas de justiciers. La seule personne que nous protégeons lorsqu'une personne représente un risque réel pour la société, c'est cette personne. Nous ne protégeons pas la société mais nous protégeons le délinquant.

Avez-vous des problèmes en ce moment avec des gens qui sont renvoyés dans leur propre collectivité où ils sont connus, avec l'aide peut-être d'un groupe de soutien, par rapport à des cas où on leur interdit de rentrer chez eux?

Mme Kathy Louis: Non, en fait, les délinquants retournent dans leur collectivité. J'ai libéré des délinquants qui sont retournés chez eux. Dans certaines régions, les ressources ne sont pas toujours disponibles, comme les maisons de transition où ils peuvent résider. C'est l'un des problèmes. Mais s'ils viennent d'une région où il n'existe pas de maison de transition, ils vont certainement se rendre dans un endroit où il est possible de les surveiller de près, de faire appliquer les conditions supplémentaires que la Commission impose.

M. Andrew Telegdi: J'aimerais reformuler ma question. Y a-t-il des cas où l'on peut dire aux délinquants qu'ils peuvent retourner dans leur propre collectivité?

Mme Kathy Louis: Oui, en fait, comme je l'ai dit tout à l'heure, j'ai accordé des libérations à des délinquants qui retournaient chez eux.

M. Andrew Telegdi: Non, avez-vous jamais dit à la Commission que le délinquant ne pouvait pas... Je ne dis pas que vous ne pouvez pas.

Mme Kathy Louis: Oui. Qu'ils ne pouvaient pas retourner chez eux? C'est très très rare.

M. Andrew Telegdi: Comprenez-vous le danger dont je parle?

Mme Kathy Louis: Oui.

M. Andrew Telegdi: Je préférerais avoir un délinquant que je connais dans la collectivité qu'il connaît que d'avoir quelqu'un que nous ne connaissons pas, en particulier si c'est une personne à haut risque considérée comme un prédateur.

Mme Kathy Louis: Je pourrais peut-être vous expliquer ceci. Compte tenu du genre d'évaluation des risques et de formation qui nous est donnée et de ce que nous savons des types de délinquants sexuels... nous savons en fait qu'il existe trois types de délinquants sexuels. Je ne sais pas combien d'entre vous le savent. Là encore, c'est le résultat de toute l'information qui nous a été donnée par les psychiatres et les psychologues judiciaires, les chercheurs et les universitaires qui nous aident.

Il y a des gens que l'on peut très bien gérer. Ce sont par exemple les cas d'inceste. Ceux qui sont plus difficiles à gérer sont ceux qui ne sont pas nécessairement guéris: les pédophiles homosexuels et hétérosexuels. Puis il y a les violeurs—les violeurs en série, les agresseurs sexuels, ce genre de cas. Au cours des années, nous avons appris à connaître ces trois types de délinquants.

• 1640

C'est le genre d'information que nous n'avions pas autrefois. C'est une information qui découle de toute la formation que la Commission offre. En fait, un de nos stagiaires, notre stagiaire principal, Jean Sutton, est avec nous aujourd'hui à titre de personne-ressource.

La présidente: Monsieur Telegdi, je vais passer maintenant à M. Ramsay.

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Merci, madame la présidente.

J'aimerais remercier nos témoins d'être présentes aujourd'hui. Kathy Louis, j'ai attendu longtemps avant de vous mettre sur la sellette.

Des voix: Oh, oh.

La présidente: Elle n'a pas peur de vous.

M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.): Et nous non plus.

Des voix: Oh, oh.

M. Jack Ramsay: J'aimerais m'adresser à vous trois.

Vous avez une énorme responsabilité car lorsque l'on examine les statistiques, et si elles sont vraies pour ceux qui ont commis un meurtre et sont en liberté conditionnelle et si elles sont vraies pour la dernière année pour lesquelles nous en avons, 1995-1996, 15 personnes vont être assassinées par des gens en liberté conditionnelle. Votre responsabilité est donc énorme lorsque vous évaluez une demande de libération conditionnelle. Et lorsque vous faites une erreur, quelqu'un meurt. Je ne parle ici que des cas de meurtre.

J'ai examiné vos curriculum vitae et aucune d'entre vous n'a pris un cours de clairvoyance.

Des voix: Oh, oh.

M. Jack Ramsay: Je dis cela en plaisantant car c'est presque ce dont vous avez besoin pour que ces chiffres soient réduits à zéro.

Lorsque vous faites une erreur... le dernier espoir d'une victime qui n'est pas informée est que le surveillant de liberté conditionnelle saura si la personne montre des signes de réhabilitation.

J'aimerais revenir sur ce qu'a demandé M. MacKay et j'aimerais être très clair. C'est une question simple et j'aimerais avoir une réponse.

Peut-être que vous Kathy, avec votre expérience... et je vous suis reconnaissant de cette expérience car nous avons besoin de comprendre ce qui se passe et de comprendre les problèmes que vous connaissez à la Commission. Vous y travaillez depuis 20 ans.

Si quelqu'un était libéré et allait vivre chez moi, serais-je averti du dossier criminel de cette personne? En serais-je averti?

Mme Kathy Louis: On m'a dit et je sais qu'il y a un équilibre à établir avec le respect des droits à la vie privée de la personne.

M. Jack Ramsay: Par conséquent, vous ne pouvez pas, constitutionnellement, m'informer que je pourrais abriter chez moi un ancien criminel, que je loue une chambre à quelqu'un qui est un assassin? Est-ce ce que vous me dites?

Mme Kathy Louis: Pourriez-vous répéter votre question s'il vous plaît?

M. Jack Ramsay: Si les droits à la vie privée vous ôtent le droit de m'informer que la personne à qui je loue une chambre dans ma maison a été condamnée pour un meurtre, je veux le savoir. Est-ce votre réponse?

Mme Kathy Louis: Il y aurait eu une enquête communautaire à votre sujet...

M. Jack Ramsay: Pourquoi?

Mme Kathy Louis: ...parce que si la personne est un meurtrier et qu'il est en liberté et vit dans votre maison, une enquête communautaire aurait été nécessaire.

M. Jack Ramsay: Mais ce n'est pas...

Mme Kathy Louis: Et par conséquent vous seriez au courant.

La présidente: Je pense que ce que Jack veut savoir c'est si, en tant que propriétaire, il serait informé que la personne qui emménage chez lui est en liberté conditionnelle pour meurtre. Est-ce ce que vous voulez savoir, Jack?

• 1645

M. Jack Ramsay: C'est exact. Je veux savoir si je loue une chambre à quelqu'un qui a été condamné pour un meurtre. Est-ce que l'on m'informerait?

Mme Kathy Louis: S'il y a une loi ou une autorité qui nous autorise à le faire, vous seriez informé.

M. Jack Ramsay: S'il y a une loi ou une autorité qui vous autorise à le faire?

Mme Kathy Louis: Pour le moment, en raison des questions de vie privée, je crois comprendre que cela n'est pas le cas.

M. Jack Ramsay: Je vous remercie de donner ce renseignement au comité car c'est très important. Le système que nous avons établi dans ce pays permet la libération de délinquants violents qui peuvent se déplacer et emménager quelque part sans que vous ni quiconque dans le système juridique puisse informer les gens qui habitent à côté d'eux qu'ils ont été condamnés pour un crime.

Mme Kathy Louis: Monsieur Ramsay, je dois dire qu'en tant que décideur, je ne libère pas de délinquants violents lorsque je prends une décision.

M. Jack Ramsay: Mais, Kathy, ce n'est pas ma question. La question est de savoir si vous en avez l'autorité? Savez-vous si le surveillant de liberté conditionnelle a cette autorité? Si vous ne savez, c'est très bien, dites que vous ne savez pas car je poserai la question à quelqu'un d'autre. Savez-vous si le surveillant de liberté conditionnelle a l'autorité d'informer un propriétaire que le locataire a été condamné pour une infraction criminelle?

Mme Kathy Louis: Je vais être prudente et dire que je ne sais pas.

M. Jack Ramsay: D'accord.

La présidente: Puis-je intervenir?

M. Jack Ramsay: Bien sûr.

La présidente: Je vais voir si je peux vous aider. J'ai bien peur que nous soyons en train de confondre votre rôle avec celui de surveillant de liberté conditionnelle. Mais disons que vous avez le cas d'une personne que vous seriez prête à libérer et vous essayez d'établir les conditions à lui imposer. Je ne sais pas si j'ai tort ou raison, mais pourquoi Kathy Louis ne pourrait-elle pas émettre une ordonnance disant «Je vais libérer Jack Ramsay»?

M. Jack Ramsay: Elle ne devrait jamais me libérer.

La présidente: Je vais libérer ce Myron Thompson ici au regard farouche, dans ce cas.

M. Myron Thompson: Je vous en prie, libérez-moi.

La présidente: Je vous en prie libérez-moi. Laissez-moi partir. Une des conditions serait que Myron Thompson soit obligé de dire à quiconque lui louerait une chambre ou l'emploierait qu'il est un criminel reconnu. Pourriez-vous faire cela? Pensez-vous pouvoir le faire? Voyez-vous une raison de le faire?

Mme Kathy Louis: Je pense que s'il y avait une loi sur laquelle je puisse m'appuyer, oui.

M. Peter MacKay: Je pense que la question est de savoir s'il y aurait une raison de ne pas le faire.

M. Jack Ramsay: Je pense que c'est le devoir et la responsabilité d'une personne au sein du régime de libération conditionnelle d'informer les gens, dont la sécurité pourrait être compromise, du dossier de ce délinquant, si la Commission des libérations conditionnelles a pris la mauvaise décision à son sujet. Si ce n'est pas le cas, cela vous met dans une situation précaire, en tant que membre de la Commission, car si vous faites une erreur—et nous savons que la Commission a déjà fait des erreurs, des erreurs légitimes—et vous vous rendez compte que la personne...

Je suis propriétaire et cette personne se présente. Je lui offre chambre et pension pour lesquels elle paye ou quelqu'un paye pour elle. Si je ne sais pas que cette personne peut être dangereuse et que je ne suis pas alerté par certains signes—elle entre à 2 h du matin et elle sent l'alcool, etc.—je ne m'inquiéterais pas, en tous cas beaucoup moins que si je savais qu'il s'agit de quelqu'un en liberté conditionnelle pour une infraction violente, en particulier un meurtre.

C'est pourquoi, en qualité de membres de la Commission, si vous ne savez pas si cette information a été transmise à l'employeur par l'agent de liberté conditionnelle ou un responsable quelconque, cela rend les choses plus difficiles pour vous. Je suis tout à fait épaté de voir que vous travaillez dans ces conditions, que vous devez croire honnêtement que tous ceux que vous libérez ne posent pas le moindre risque, alors que vous savez que statistiquement, il y toujours un risque, et comme on l'a dit ici, vous ne pouvez pas juger ni prédire le comportement humain.

• 1650

Si vous ne pouvez pas avertir les gens, ou tout au moins leur donner les renseignements qui leur permettraient de se protéger s'ils voient quelque chose d'anormal dont ils peuvent rendre compte à l'agent de liberté conditionnelle, si c'est ainsi...

Mais je ne veux pas insister. Vous m'avez donné votre réponse. Je poserai peut-être la question à M. Ingstrup ou Willie Gibbs car vous avez répondu à la question précédente de M. MacKay, en ce qui me concerne.

J'aimerais passer à autre chose, mais avez-vous d'abord quelque chose à ajouter?

Mme Kathy Louis: Je pourrais vous suggérer d'adresser ces questions au Service correctionnel. C'est lui qui est chargé de la surveillance des libertés conditionnelles. Je prends la décision. Oui, je veux participer lorsque les choses tournent mal, mais pour ce qui est de la surveillance et de la gestion du cas, ce n'est pas mon rôle. C'est celui du Service correctionnel du Canada.

M. Jack Ramsay: Je comprends, mais le fait que vous ne sachiez pas, lorsque cet individu s'approche d'une personne innocente, si cette dernière va être mise au courant du dossier, représente un plus grand fardeau pour vous à titre de membres de la Commission des libérations conditionnelles.

Mme Kathy Louis: Oui.

M. Jack Ramsay: D'accord.

J'aimerais vous demander...

La présidente: Excusez-moi, mais vous voudrez peut-être examiner plus tard le paragraphe 25(3) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

M. Jack Ramsay: D'accord. Merci.

J'ai assisté à un symposium international sur la pénologie, où de très bons exposés ont été présentés. Tous les participants à ce symposium parlaient de libérer davantage de gens de prison. La personne ayant présenté un exposé pour l'État de l'Utah a signalé que la population de tout l'État appuyait généralement le système de libération conditionnelle de cet État, chose qui n'est pas évidente ici au Canada. Cependant, j'ai compris pourquoi lorsqu'il a expliqué ce système.

Dans cet État, lorsqu'une personne présente une demande de libération conditionnelle et qu'elle a satisfait à tous les critères, on lui fait passer un contrat comportant des conditions. Si cette personne enfreint l'une des conditions du contrat, elle est remise immédiatement en prison.

Au Canada, les policiers n'ont même pas le pouvoir d'arrêter un libéré conditionnel s'ils constatent qu'il a enfreint les conditions de sa liberté conditionnelle. Ils ne peuvent même pas procéder à une arrestation.

Pour tenter d'améliorer le système et de faire passer les meurtres de quinze à près de zéro, que penseriez-vous de ce genre de système? Il y a clairement une entente conclue entre les autorités et le libéré conditionnel selon laquelle il rentrera chez lui à une heure fixe; il s'abstiendra de fréquenter les bars; il s'abstiendra de consommer de l'alcool et il se tiendra loin des terrains de jeu, etc. Favorisez-vous ce type de système? Au cas où vous commettriez une erreur, qu'un surveillant de liberté conditionnelle puisse attraper cette personne, parce qu'il s'aperçoit qu'elle ne respecte pas les conditions de sa liberté conditionnelle. Qu'en penseriez-vous?

[Français]

Mme Patricia Thériault: Est-ce Mme Louis qui doit répondre?

Quand on accorde à un détenu une forme de libération en lui imposant des conditions particulières, c'est un peu comme si le détenu signait un contrat avec la Commission des libérations conditionnelles et avec le Service correctionnel. Il est libéré, mais il devra respecter certaines conditions. Par la suite, on surveille l'individu dans la collectivité et, s'il ne respecte pas les conditions qui lui ont été imposées, le Service correctionnel aura l'obligation statutaire de rapporter à la Commission les bris de conditions particulières. Et même s'il n'y a pas de bris de conditions particulières, si on s'aperçoit que le détenu qui a été remis en liberté a un comportement qui change l'évaluation du risque qui a été faite au moment où on l'a libéré, le Service correctionnel, avec qui nous travaillons en partenariat dans le système de justice pénale, aura l'obligation statutaire de revenir devant la Commission, qui devra alors réévaluer le risque que l'individu représente pour la société.

• 1655

On peut donc dire que c'est un contrat que l'individu signe avec le Service correctionnel et avec la Commission quand il est remis en liberté.

[Traduction]

M. Jack Ramsay: Dans quelle mesure cela se produit-il? Combien de libérés conditionnels sont réincarcérés par suite d'un bris des conditions de leur liberté conditionnelle? Nous entendons dire exactement le contraire. Nous entendons dire que ces individus fréquentent les bars, qu'ils sont censés ne pas consommer l'alcool. Et ils sont assis devant un bar, parce que le surveillant de liberté conditionnelle est chargé de trop nombreux dossiers ou quoi encore, et ceux-ci enfreignent chaque jour les conditions de leur liberté conditionnelle. Certains d'entre eux sortent du secteur où ils doivent demeurer et ils ne sont toujours pas ramenés en prison. Donc, si de telles conditions existent et si elles ne sont pas appliquées, il n'est alors pas surprenant que nous ayons de telles statistiques.

Lorsqu'il y a des signes qu'une personne ne devrait pas se trouver à l'endroit où elle se trouve—c'est-à-dire dans un bar ou même à l'extérieur de sa cellule—, la mesure appropriée n'est pas prise. Donc, ce que nous recherchons, c'est un système qui permettra la liberté conditionnelle de ces personnes, tout en améliorant par tous les moyens possibles la sécurité de la société. Cependant, si nos responsables des libertés conditionnelles ne vont pas prendre de mesures lorsqu'ils constatent une violation des conditions de la liberté conditionnelle, comme c'est le cas dans l'État de l'Utah, alors nous éprouverons, bien sûr, ces problèmes. Si une personne a un problème d'alcoolisme et que sa condition de liberté conditionnelle est de ne pas consommer d'alcool, et si elle fréquente un bar et si le surveillant de liberté conditionnelle qui en est conscient ne prend pas de mesure corrective pour réincarcérer cette personne par suite du bris de la condition de sa liberté conditionnelle, il n'est pas surprenant que nous ayons des problèmes au Canada concernant certains de nos libérés conditionnels.

Par conséquent, si je pouvais poser à Cindy, qui a de l'expérience dans le domaine de la liberté conditionnelle, la question suivante, peut-être qu'elle pourrait nous aider à ce sujet.

Mme Cindy Caudron: Je ne veux pas trop parler au nom du surveillant de liberté conditionnelle, parce que ce n'est pas mon rôle ici. Cependant, j'aimerais vous aider à ce sujet.

Le surveillant de liberté conditionnelle est obligé, sans avoir à porter de jugement, de faire rapport de toute infraction, de tout manquement, directement à son superviseur. Il y a certainement des personnes qui sont venues se rapporter à moi et qui sentaient l'alcool. J'ai donné un coup de téléphone et leur liberté conditionnelle a été révoquée sur l'heure. Il n'y a pas de tergiversation au téléphone sur ce que nous allons faire dans un cas donné. Cela est vrai aussi pour les policiers avec qui j'ai travaillé, parce qu'on leur fournit la même information dont nous disposons sur qui est en liberté conditionnelle et qui ne l'est pas. Par «qui ne l'est pas», je ne veux pas dire qui est à l'extérieur, autrement ils auraient toute une liste.

M. Jack Ramsay: Les policiers connaissent-ils aussi les conditions de la liberté conditionnelle?

Mme Cindy Caudron: Oui, ils les connaissent.

M. Jack Ramsay: Très bien.

Mme Cindy Caudron: S'ils constatent un manquement, ils sont tenus de le signaler à la Commission des libérations conditionnelles. Selon mon expérience, une révocation est toujours survenue immédiatement. Les libérés conditionnels font alors l'objet d'une réévaluation pour savoir si nous pouvons continuer de les remettre dans la collectivité, et une décision est prise à ce niveau.

M. Jack Ramsay: Auriez-vous une objection à ce que les agents de la paix aient le pouvoir d'arrêter un libéré conditionnel qu'ils estiment avoir enfreint les conditions de sa liberté conditionnelle? Est-ce que cela vous poserait un problème?

Mme Cindy Caudron: De la façon dont la loi s'applique actuellement, cela peut ne pas être la manière dont elle est...

M. Jack Ramsay: Mais nous pouvons modifier la loi. Souhaiteriez-vous que la loi soit modifiée?

Mme Cindy Caudron: Il me faudrait plus d'expérience que le fait d'avoir siégé durant huit jours à la Commission nationale des libérations conditionnelles.

M. Jack Ramsay: À titre d'ex-agente de probation et de surveillante de liberté conditionnelle, qu'en penseriez-vous?

Mme Cindy Caudron: Je ne peux me fonder sur rien ni vous donner une réponse affirmative, ce qui serait merveilleux, parce que la GRC a fait preuve, à mon avis, d'une grande diligence pour le signaler. Par conséquent, quel en serait l'avantage, je n'en suis pas certaine.

M. Jack Ramsay: Et chaque fois que vous avez signalé... vous ne disposiez pas du pouvoir de faire une révocation, mais c'est votre superviseur qui est investi du pouvoir de révoquer la liberté conditionnelle d'une personne...

Mme Cindy Caudron: Oui.

M. Jack Ramsay: Donc, les surveillants de liberté conditionnelle ne sont pas investis de ce pouvoir. Ils doivent faire rapport à un superviseur.

• 1700

Mme Cindy Caudron: Oui, et nous avons accès à ces superviseurs 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

M. Jack Ramsay: D'accord.

Mme Cindy Caudron: Je peux vous assurer que dès que nous constatons qu'une personne fait cela, nous le signalons immédiatement. Nous savons exactement où se trouve cette personne, à partir du moment où nous constatons que l'infraction est commise.

M. Jack Ramsay: Quel est le processus? Vous entendez parler d'un bris des conditions de liberté conditionnelle, et vous le signalez à votre superviseur. Que se passe-t-il ensuite? Si le superviseur désire révoquer la liberté conditionnelle, qui procède à l'arrestation de l'individu?

Mme Cindy Caudron: La GRC.

M. Jack Ramsay: Communiquez-vous avec le libéré conditionnel pour lui dire, «Écoute, il faut que tu réintègre la prison parce que nous révoquons ta liberté conditionnelle», ou est-ce que vous vous adressez à un agent chargé de l'application de la loi?

Mme Cindy Caudron: Cela dépend de la personne. Voulez-vous lui dire que nous venons l'arrêter, pour qu'il prenne la fuite?

M. Jack Ramsay: Très bien, vous n'auriez donc pas comme pratique de simplement dire, «Écoute, tu te trouvais dans un bar l'autre soir, en violation de ta liberté conditionnelle; tu dois te présenter».

Mme Cindy Caudron: Je veux être certaine de ne pas tomber dans le piège qui est tendu ici...

M. Jack Ramsay: Nous ne désirons pas vous piéger.

Mme Cindy Caudron: ...d'avoir à représenter le Service correctionnel, parce que ce n'est pas juste pour lui, selon moi, et j'ai certes l'impression d'être mise subitement sur la sellette en tant que sa représentante.

M. Jack Ramsay: D'après vos expériences antérieures—c'est tout ce que nous vous demandons, et c'est tout ce à quoi nous pouvons nous attendre.

Mme Cindy Caudron: Normalement, nous communiquons avec les agents de la GRC, pendant que la paperasse est immédiatement adressée par télécopieur, parce qu'ils ont tous un télécopieur ou parce qu'ils y ont accès, et que l'autorisation est donnée, selon mon expérience, pendant que la police se rend arrêter la personne.

M. Jack Ramsay: Très bien, j'ai eu mon tour.

La présidente: Madame Louis aimerait prendre la parole.

Mme Kathy Louis: Merci.

Monsieur Ramsay, pour votre gouverne, de nombreux délinquants sont réincarcérés pour avoir enfreint d'autres conditions, par exemple, des conditions relatives à des abstentions et la fréquentation de débits de boisson. Ils sont réincarcérés, et il existe des statistiques ou des données à ce sujet.

M. Jack Ramsay: Pour mémoire—et je ne mentionnerai pas de noms—le comité a étudié des cas où il semble évident qu'il y avait des signaux d'alarme et que l'on ne les a pas reconnus, ou si on les a constatés, on en n'a pas tenu compte.

Parce que des erreurs sont commises, des décisions erronées, de la part de la Commission des libérations conditionnelles, la dernière ligne de défense, ce sont nos surveillants de liberté conditionnelle, qui sont censés communiquer chaque semaine ou deux fois par mois avec les individus. C'est sur eux que nous fondons le dernier espoir que l'on constatera qu'une personne déroge à ses conditions. Ils relèveront les erreurs qui sont commises au niveau de la Commission des libérations conditionnelles. C'est pourquoi ce sujet m'intéresse beaucoup.

Je dirai ceci, et c'est une question que vous devez vous poser. Si vous prenez le 1er janvier et si vous vous dites: 15 personnes vont être assassinées et ce sera par suite des décisions que nous avons prises. Ces personnes nous ont échappé, elles nous ont dupés ou elles semblaient simplement bien et elles ont commis ces mauvaises actions, c'est un prix très élevé à payer, et c'était ce que M. Thompson disait.

J'aurais beaucoup de mal à dire que je demande à la société de payer ce prix pour pouvoir continuer de faire le bien que vous faites. C'est payer très cher. Si nous pouvons réduire ce prix à payer au moyen du genre de système que représente le système de liberté conditionnelle de l'État de l'Utah, en nous assurant que ces personnes sont réincarcérées si elles dérogent à leurs conditions de liberté conditionnelle, si elles enfreignent tout élément de leur entente, je pense que nous sommes alors sur la bonne voie. Avec tout le respect que je vous dois, je ne pense pas que ce soit notre situation actuellement au Canada.

C'est tout ce que j'ai à dire.

La présidente: Merci, monsieur Ramsay.

Monsieur Grose désire poser une question.

M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Merci, madame la présidente.

Madame Thériault, j'ai été fasciné par votre citoyenneté—fasciné, et non pas dérangé. Si je devais indiquer ma citoyenneté mixte, je ne crois pas pouvoir l'inscrire sur une seule ligne, et vous êtes donc très chanceuse.

Cela dit, je ne vais pas vous ennuyer, mes trois chères dames, avec la loi. Vous n'avez aucunement participé à son adoption; vous travaillez dans son cadre.

J'aborde cette question d'un point de vue complètement différent de celui des autres dans cette salle. Je pourrais avoir 50 points de vue sur lesquels j'aimerais que vous me donniez une réponse, mais nous nous limiterons à un seul parce que je pose une question et parce que je m'en vais.

Je crois que c'était vous, madame Thériault, qui aviez déclaré que lorsqu'on étudie le dossier d'un demandeur de liberté conditionnelle, vous retournez au juge et au procureur de la Couronne, ainsi qu'à leurs commentaires. Cela m'a tracassé un peu, parce qu'au moment où la personne a été condamnée, le juge, sur avis du procureur de la Couronne, a prononcé une peine appropriée au crime perpétré, en sachant très bien quelle était la date d'admissibilité à la liberté conditionnelle. Si vous retournez examiner les commentaires du juge et du procureur de la Couronne, vous prononcez en fait alors une nouvelle peine à l'endroit de cette personne.

• 1705

Je ne pense pas que ce soit votre rôle. Je pense que votre rôle commence lorsque le détenu passe la barrière de l'établissement. À partir de ce moment, vous jugez le mieux possible—croyez-moi, cela est difficile—d'après ce qu'il y fait et d'après son comportement. Vous tentez de savoir ce qu'il pense. Outre le fait de vivre avec lui, vous ne saurez jamais exactement ce qu'il devient, s'il reste le même ou s'il empire.

C'est un travail très difficile. C'est une question de jugement. Vous prenez des décisions fondées sur votre jugement. Vous pouvez avoir une bien meilleure moyenne que moi quant aux décisions fondées sur le jugement.

J'aimerais savoir ce que vous pensez toutes les trois du fait de prononcer une nouvelle sentence à l'égard de cette personne.

[Français]

Mme Patricia Thériault: En fait, ce n'est pas une nouvelle sentence qu'on impose à la personne. L'aspect punitif a été donné par le juge et le punitif court jusqu'à la période, si vous voulez, d'admissibilité. C'est à partir de la période d'admissibilité que commence la réhabilitation.

Si mes collègues et moi-même, à la Commission, allons chercher aussi loin que dans les commentaires du juge et du procureur de la Couronne, c'est qu'il est très important pour nous, dans l'évaluation des critères et dans l'évaluation du risque que nous avons à faire, de voir où en est notre détenu par rapport à la compréhension de son délit. C'est important qu'il se soit posé des questions, qu'il ait compris les raisons qui l'ont amené à commettre de tels actes. Tant qu'un individu ne peut pas identifier les raisons de ses actes, nous estimons qu'on n'a pas travaillé sur les facteurs qui l'ont amené à commettre un tel acte, et la Commission estime alors que le cheminement n'a pas été fait, que les facteurs de risque sont toujours présents et qu'il n'y a donc pas de diminution du risque par rapport au moment où il est entré. On considère alors que cet individu constitue un risque inacceptable pour la société.

La compréhension, pour cet individu, est une chose très importante. Il doit être capable d'empathie vis-à-vis de ses victimes et être capable également d'identifier les raisons de son incarcération quelques années auparavant. C'est donc grâce aux commentaires du juge et du procureur que l'on peut se faire une idée de ce qui s'est passé et confronter le détenu avec les faits, parce qu'il faut bien dire qu'il y a des détenus qui nient les faits pendant très longtemps.

On peut également, dans les commentaires du juge, retrouver des informations qui sont adressées directement à la Commission des libérations conditionnelles et qui serviront aux membres de la Commission qui auront à décider un jour de la libération de tel ou tel individu. On peut, par exemple, voir qu'on suggère un traitement psychiatrique ou une cure de désintoxication pour tel ou tel individu avant sa libération. C'est la raison pour laquelle on revient sur les commentaires du juge et du procureur de la Couronne.

[Traduction]

M. Ivan Grose: Voici ce qui me tracasse. À supposer qu'une peine de dix ans ait été imposée à une personne. Disons qu'elle ait purgé cinq années de sa peine et qu'elle soit alors admissible à la demande de liberté conditionnelle. Son dossier est excellent durant ces cinq années. Le psychiatre et le psychologue ont déclaré qu'elle avait changé.

Disons que vous constatiez, lors de votre entrevue, qu'elle est raisonnablement réceptive. Je suis d'accord avec vous que vous devriez réexaminer la peine originale imposée pour voir ce qu'elle a fait. Ces personnes sont toutes innocentes, bien sûr, parce qu'elles n'ont pas commis ce crime. Je ne veux pas que vous déclariez que cet individu était un sale type et que vous pensiez qu'il doive purger une plus longue peine. Je pense que ce n'est pas votre rôle.

Je pense que votre rôle consiste à vérifier la peine. Peu importe que vous jugiez qu'elle soit appropriée ou non, elle l'était alors dans l'esprit du juge. Je pense que ce n'est pas votre affaire de prolonger les peines.

Cependant, votre réponse a été très satisfaisante. Le fait de savoir ce que l'individu a fait et les circonstances lors du procès, cela ne me pose aucune difficulté. S'il le nie lorsque vient le temps de présenter sa demande de liberté conditionnelle, alors je suis d'accord avec vous: ne le laissez pas sortir, parce que rien n'a changé; il est encore le même qu'au moment de son incarcération.

C'était ce qui me tracassait. J'aime la manière dont vous envisagez la question. Je craignais seulement que... J'ai supposé que les deux autres dames seraient assez d'accord et je suis satisfait de la réponse.

• 1710

Merci beaucoup, madame la présidente.

La présidente: Merci, monsieur Grose.

Monsieur Lee, vous désiriez poser une brève question.

M. Derek Lee: Nos témoins comprendront que le comité est sceptique sur le plan des procédures. Le comité avait l'impression que nous devions examiner, de manière ponctuelle, les nominations à la Commission des libérations conditionnelles parce qu'il y eu des faiblesses dans le passé. Nous estimons que c'est ce que nous devons faire du point de vue de notre fonction parlementaire. Donc, vous êtes les quelques chanceuses qui subissez l'épreuve ponctuelle. Bien entendu, ce n'est pas votre rôle ici de défendre la législation ou les politiques, ce que nous comprenons. Je vais vous poser une question qui ne vous demande pas de faire cela. Je recherche dans ce cas-ci une attitude ou des perceptions de votre part.

S'il y a une liberté conditionnelle—bien sûr, il en survient tout le temps—disons qu'un problème survienne au moment de la libération. Je pense que vous dites que le Service correctionnel du Canada, qui supervise la liberté conditionnelle, en est informé.

Je poserai la première question à ce sujet à Mme Thériault. Qu'arrive-t-il lorsqu'il y a manifestement un bris grave des conditions de la liberté conditionnelle?

[Français]

Mme Patricia Thériault: J'aimerais que vous précisiez votre question.

[Traduction]

M. Derek Lee: Que se produit-il soit de la part de la Commission des libérations conditionnelles, soit du Service correctionnel du Canada lorsqu'il y a un bris grave d'une condition de la liberté conditionnelle? Qu'arrive-t-il relativement à ce détenu, à ce libéré conditionnel?

[Français]

Mme Patricia Thériault: Comme nous l'avons dit tout à l'heure, le délinquant peut être suspendu et ramené en prison. Par la suite, quand la Commission a été saisie de son dossier, la libération de cette personne-là peut être révoquée.

[Traduction]

M. Derek Lee: Vous dites donc que le détenu ou le libéré conditionnel peut faire l'objet d'une révocation. Quels sont les critères? Je cherche à déterminer votre connaissance de la procédure. Qu'est-ce qui entraîne la réincarcération du détenu?

[Français]

Mme Patricia Thériault: À partir du moment où le risque n'est plus acceptable pour la société, la libération de ce délinquant peut être révoquée. À la suite d'un bris de conditions et même s'il n'y a pas bris de conditions, ou à la suite d'un comportement qui laisserait supposer une désorganisation ou un retour vers la criminalité, la libération de ce délinquant peut être révoquée par la Commission, qui aura été saisie de son dossier et qui aura tout pouvoir pour réévaluer le risque qu'il fait prendre à la société. La Commission a d'ailleurs pour rôle principal l'évaluation du risque que le délinquant pose pour la société.

[Traduction]

M. Derek Lee: Je ne cherche pas à insister en posant mes questions. Je veux que vous me disiez ce qui arrive précisément lorsque la Commission des libérations conditionnelles révoque cette liberté conditionnelle. Le jour où elle révoque la liberté conditionnelle, qu'advient-il du libéré conditionnel?

La présidente: Mme Louis a tenté de répondre à la question, elle pourrait peut-être donc...

M. Derek Lee: D'accord, passons à Mme Louis.

La présidente: Allez-y.

Mme Kathy Louis: Allez-y et consultez quelqu'un d'autre. Si vous désirez quelqu'un d'autre.

M. Derek Lee: Nous examinons toutes les nominations et je recherche des perceptions.

La présidente: Oh, désolée.

M. Derek Lee: Je recherche l'attitude appropriée pour évaluer le risque pour la société. Je vais être peut-être très direct. Comment procédez-vous pour que votre libéré conditionnel soir réincarcéré?

[Français]

Mme Patricia Thériault: Quand la personne est suspendue, elle est ramenée au pénitencier. À partir de là, le Service correctionnel exerce ses droits sur le détenu.

• 1715

[Traduction]

M. Derek Lee: Excusez-moi. Comment procédez-vous pour réincarcérer le libéré conditionnel? C'est ma question. Je ne vous demande pas ce qui se produit après qu'il est réincarcéré, mais comment vous procédez pour le remettre en prison.

Mme Kathy Louis: Par voie de mandat de suspension—pardon, d'arrestation.

M. Derek Lee: Très bien. Je vais continuer avec Mme Louis.

Vous dites que par voie de mandat de suspension, vous procédez à sa réincarcération.

Mme Kathy Louis: D'arrestation.

M. Derek Lee: Est-ce que le document émis permet de le faire?

Mme Kathy Louis: On exécute le mandat et le délinquant est ramené au pénitencier.

M. Derek Lee: D'accord. Vous avez formulé votre réponse en utilisant un verbe intransitif. Qui fait cela?

Mme Kathy Louis: La GRC.

M. Derek Lee: Le fait-elle partout au pays?

Mme Kathy Louis: Que je sache. Différentes polices et autorités le font.

M. Derek Lee: D'accord. Comment se fait-il qu'elles font cela? Comment savez-vous qu'elles le feront lorsque vous émettez le document qui s'appelle mandat de suspension?

Mme Kathy Louis: Il existe des relations de travail entre le Service correctionnel du Canada, le secteur de la supervision des libertés conditionnelles du Service correctionnel, lesquels entretiennent une étroite relation de travail avec les corps policiers de tout le pays.

M. Derek Lee: D'accord. La Commission des libérations conditionnelles n'entretient-elle pas ce genre de relations, alors?

Mme Kathy Louis: Si. Je fais beaucoup de relations publiques avec la police. Je dispense beaucoup de formation au personnel policier.

M. Derek Lee: D'accord. Pourriez-vous alors me dire précisément comment le détenu ou le libéré conditionnel est réincarcéré après l'émission de votre document?

Mme Kathy Louis: Ce n'est pas mon document, mais le pouvoir délégué conféré au surveillant de liberté conditionnelle qui donne ensuite lieu à la suspension de la liberté conditionnelle du délinquant, du détenu, du libéré conditionnel, et ce mandat est exécuté en vertu d'un pouvoir policier.

Le libéré conditionnel, si je puis dire, est ramené au pénitencier à cette étape.

M. Derek Lee: D'accord. Qu'est-ce qui amène... et je désire connaître vos perceptions des choses. Madame Thériault, qu'est-ce qui amène la police à exécuter ce mandat?

[Français]

Mme Patricia Thériault: La personne du Service correctionnel qui a été informée du bris avertit les policiers. Le Service correctionnel émet le mandat de suspension. Les policiers sont avertis et ils vont chercher l'individu à la maison de transition, et ensuite on l'incarcère.

[Traduction]

M. Derek Lee: Ce que vous me dites toutes, c'est que votre travail est terminé dès que vous émettez un document. Le libéré conditionnel est au dehors, en train peut-être de faire du grabuge, mais votre travail est fait lorsque le document est émis et vous n'avez aucun autre lien avec le processus d'arrestation. Est-ce exact?

Mme Kathy Louis: Pas nécessairement. J'ai déjà ordonné directement une révocation lorsque j'ai pris connaissance d'un cas, d'un rapport postsuspension qui m'a été signalé, que j'examine le cas et que je possède assez de renseignements pour ordonner directement une révocation. C'est un pouvoir que je peux exercer et que j'ai exercé.

M. Derek Lee: D'accord.

Madame Caudron, vous rendez-vous compte que si l'un de vos libérés conditionnels fait l'objet d'une suspension de sa liberté conditionnelle et s'il ou elle se trouve à Toronto, et si le mandat est communiqué à ce qui constitue maintenant la police de la ville de Toronto, qu'il s'agit simplement d'une communication parmi des centaines qui sont adressées chaque heure à ce corps de police, y compris des rapports de cambriolage et d'incendie, de vol qualifié, d'incendie criminel, de tentative de meurtre, de viol, etc.? Vous rendez-vous compte qu'on pourrait ne pas donner rapidement suite à votre document, à votre communication, dans de nombreux coins du pays?

Mme Cindy Caudron: Je peux seulement me fier à mon expérience. Bien entendu, comme vous le savez, je n'ai jamais encore siégé à la Commission, mais je peux certes vous dire que j'ai déjà demandé à mes superviseurs de téléphoner à la GRC et de m'appeler pour m'assurer qu'on s'était occupé de ce processus.

La présidente: Monsieur Lee, il me déplaît de...

M. Derek Lee: J'ai presque terminé. Je pense avoir obtenu des réponses satisfaisantes. Mme Louis désirait ajouter quelque chose.

La présidente: Allez-y.

Mme Kathy Louis: Permettez-moi simplement d'ajouter, monsieur Lee, que c'est pourquoi il est si important, à mon avis, que les différentes composantes de tout le système de justice criminelle entretiennent de bonnes relations de travail entre elles, de sorte qu'elles puissent travailler ouvertement ensemble et se communiquer des renseignements. J'espère que vous comprenez cela. Je pense que la Commission a travaillé très fort pour en arriver là et pouvoir communiquer avec les divers corps de police du pays.

• 1720

La présidente: Merci.

Il nous reste seulement quelques minutes et quelqu'un attend pour utiliser notre pièce à 17 h 30. Je sais que MM. MacKay, Telegdi et Thompson désirent tous poser des questions. M. Thompson s'est montré très patient, je vais donc commencer par lui et il partagera son temps.

M. Myron Thompson: Je serai bref. Je vais passer à un tout autre sujet. Lorsque j'ai été élu, ainsi que bon nombre de mes collègues, il y avait une préoccupation que nous avions toujours eue, et c'était le favoritisme dans les nominations. C'est une de nos grandes préoccupations. Nul besoin de vous dire que lorsque Willie Gibbs a annoncé qu'il avait un nouveau processus de sélection dépolitisé, ce fut une bonne nouvelle pour beaucoup d'entre nous.

Malheureusement, au cours des derniers jours, cela peut ne pas être aussi vrai lorsque j'examine la nomination de Elizabeth McKall et ses liens avec le Parti libéral. Je ne mettrai pas en doute ses compétences ou quoi que ce soit; ce n'est pas ce qui me préoccupe. Je suis préoccupé par le fait que cette nomination soit survenue dans une ville de 800 000 habitants et que ce soit elle qui ait été choisie.

Je poserai donc deux questions aux deux nouvelles commissaires. Comment avez-vous appris l'existence de ce poste? Quel processus avez-vous suivi pour remplir votre demande?

[Français]

Mme Patricia Thériault: Personnellement, j'ai vu un avis dans la Gazette officielle. J'ai envoyé mon curriculum vitae ainsi qu'une lettre d'accompagnement. Par la suite, je suis passée par un processus de sélection très rigoureux, qui consistait, entre autres, à passer devant un comité de trois personnes qui m'ont interrogée pendant deux heures après avoir pris connaissance de mon curriculum vitae ainsi que de mes expériences antérieures de travail. C'est de cette façon-là que j'ai eu connaissance de l'emploi à la Commission.

[Traduction]

M. Myron Thompson: Merci. Madame Caudron.

Mme Cindy Caudron: Ma situation ressemble beaucoup à celle de ma collègue. Un collègue qui travaille dans le domaine m'a informée qu'il y avait une annonce. Je pense que c'était dans le Globe and Mail, si ma mémoire est bonne. Mon collègue m'a dit qu'on acceptait les curriculum vitae ou quelque chose du même genre pour étudier une nomination. J'ai rédigé mon curriculum vitae, ainsi qu'une lettre d'accompagnement, et je les ai envoyés.

De plus, j'ai passé une très longue entrevue et un examen écrit, si je peux utiliser ce mot, sur lesquels on m'a ensuite interrogé pour savoir comment j'étais arrivée à mes décisions.

On m'a également placé devant un scénario de cas pour savoir si je refuserais ou si j'accorderais une liberté conditionnelle, etc. Et la personne qui me l'a demandé, qui était membre de l'équipe d'entrevue, laquelle se composait de quatre personnes, était le vice-président pour la région des Prairies. Il m'a dit: «Je suis le vice-président et je dis que nous lui accordons une liberté». Ma réponse a été: «Franchement, peu importe qui vous êtes. Ma décision est que je ne possède pas assez d'information et qu'il m'en faut davantage».

Je vous dis cela pour vous montrer que l'on cherche à appliquer un système d'autocontrôle, pour s'assurer que je ne serais influencé par aucun autre membre de la Commission ou par quiconque et que m'en tiendrais aux renseignements qui m'étaient fournis. Je prends une décision indépendante. Dans ce contexte, je crois qu'il me mettait à l'épreuve pour vérifier si j'avais les reins assez solides, indépendamment du fait qu'il était le président, pour que je lui dise «cela importe peu, si c'est ce que vous désirez faire».

Ce fut une longue entrevue, durant laquelle on a examiné mon expérience, mes perceptions, ma capacité à répondre rapidement aux questions, mes compétences et mes antécédents professionnels. Elle était en grande partie semblable à celle que ma collègue a passée.

La présidente: Merci, monsieur Thompson.

Monsieur MacKay, une question brève. Nous avons seulement quelques minutes et il y a encore deux autres personnes.

• 1725

M. Peter MacKay: J'aimerais revenir à la question de M. Thompson. Ma question s'adresse précisément à Mme Thériault.

Je note dans votre curriculum vitae, qui a aussi été fourni au comité... et je ne remets pas du tout en question vos compétences; en fait, je suis très impressionné par vos compétences à titre de commissaire à temps partiel de la Commission des libérations conditionnelles, premièrement, et à titre de conseillère juridique auprès de la Sûreté du Québec, et de votre profession d'avocate et de votre travail en pratique privée.

Cependant, je ne peux m'empêcher de noter que vous avez joint à votre curriculum vitae une page distincte, intitulée «Expérience politique». Je note que de 1976 à 1993, lorsque semblent avoir pris fin vos engagements politiques, vous avez mentionné des campagnes électorales provinciales et fédérales auxquelles vous avez participé.

Premièrement, s'agissait-il dans tous les cas de campagnes libérales auxquelles vous avez participé? Pourquoi avez-vous jugé nécessaire de joindre cette page à votre curriculum vitae? Vous a-t-on demandé de joindre cette page à votre curriculum vitae? Et croyez-vous que ce soit un élément nécessaire et approprié à prendre en considération dans le cadre des pratiques d'embauche de la Commission nationale des libérations conditionnelles?

[Français]

Mme Patricia Thériault: En regardant mon curriculum vitae, vous remarquerez qu'avant d'être commissaire aux libérations conditionnelles, j'ai obtenu une formation d'avocate. J'ai également eu des affiliations avec des partis politiques. Ma participation aux campagnes électorales précédentes, que j'ai mentionnée dans mon curriculum vitae, a consisté principalement à travailler comme conseillère juridique lors de référendums, d'élections provinciales et d'élections fédérales pour former les scrutateurs, les greffiers et les représentants, et également à travailler, les journées d'élection, dans des bureaux de scrutin.

[Traduction]

M. Peter MacKay: Des partis? Vous avez indiqué des partis? Quels partis?

[Français]

Mme Patricia Thériault: Le Parti libéral.

[Traduction]

M. Peter MacKay: Pensez-vous que ce soit un élément approprié à prendre en considération? Pensez-vous que ce soit une chose à inclure dans un curriculum vitae pour postuler au sein d'une commission apolitique comme la Commission nationale des libérations conditionnelles?

[Français]

Mme Patricia Thériault: Je pense qu'on a plutôt évalué mes qualifications et mes expériences lorsque l'on m'a choisie pour devenir membre de la Commission des libérations conditionnelles. Le curriculum vitae que vous avez entre les mains est un curriculum vitae que j'avais préparé à l'époque où je faisais des demandes d'emploi. Je n'ai jamais, cependant, mis de côté les affiliations politiques que j'ai pu avoir et je ne pense pas que le fait d'avoir été ou non membre d'un parti ait été pertinent à ce point dans la nomination que j'ai obtenue il y a trois ans.

J'ai déjà expliqué que j'étais commissaire à temps partiel en 1995 et que j'ai été nommée commissaire à temps plein en mars 1998. À ce moment-là, j'ai soumis ma candidature à la Commission des libérations conditionnelles pour obtenir un poste à temps plein. On a tenu compte des évaluations de rendement qui avaient été faites par le vice-président régional, dont le rôle est, entre autres, d'évaluer les commissaires qui travaillent en région.

Je peux vous dire que les évaluations que j'ai obtenues pendant mes deux années de travail comme commissaire à temps partiel m'ont valu la note «entièrement satisfaisant» au niveau du travail. Je ne pense pas avoir été engagée nécessairement parce que j'avais ces antécédents. Toutefois, je ne veux pas et je ne peux pas les nier. J'ai fait ce travail en tant que conseillère juridique puisque j'étais avocate, et je ne pense pas qu'on m'ait engagée à la Commission uniquement à cause de ces antécédents politiques.

• 1730

Comme vous avez pu le voir dans mon curriculum vitae, je pense avoir accompli et réalisé beaucoup d'autres choses.

[Traduction]

M. Peter MacKay: C'est pourquoi mes observations comportaient un préambule...

La présidente: Monsieur MacKay...

M. Peter MacKay: ...pour dire que vous êtes compétente, selon moi. Je ne remets pas en question les compétences. La question concerne davantage la pertinence d'une pièce jointe comme celle-ci.

La présidente: Monsieur MacKay, nous avons terminé. Nous avons deux autres personnes qui désirent poser rapidement des questions.

Monsieur Telegdi.

M. Andrew Telegdi: Madame la présidente, quand nous traitons d'une question difficile comme celle-ci, je crois qu'il est important de comprendre que selon toute probabilité, si l'un d'entre nous dans cette pièce est ultérieurement victime d'un homicide, il y a alors des chances que cela survienne dans notre propre résidence et il y a des chances que notre propre conjoint soit à l'origine de cet homicide. Je pense qu'il est important de le signaler. Je ne veux pas que les Canadiens commencent à dire que les gens sont victimes de meurtre partout. Nous vivons dans une société plutôt sûre.

Nous éprouvons le difficile problème de traiter avec des gens difficiles. Parfois, vous prenez une décision, et c'est une bonne décision, mais un plan de gestion de cas s'effondre. Quelqu'un qui avait un emploi ou qui avait un groupe de soutien n'en a plus ou il doit passer par un divorce. Les situations changent.

La seule chose que je dirais, c'est de surveiller le plan. Si le plan de libération n'est pas suivi, assurez-vous d'obtenir de la rétroaction pour pouvoir réagir en conséquence.

C'est tout, madame la présidente.

La présidente: Merci.

Monsieur Ramsay, je vais vous laisser le dernier mot. Vous désiriez poser une question?

M. Jack Ramsay: Je vous en remercie, madame la présidente.

Je désire remercier les commissaires de leur comparution. Je désire faire une observation et ensuite vous poser une question.

Peu importe les erreurs que commettent les commissaires de la Commission des libérations conditionnelles, je ne sais pas quelles sont les responsabilités à l'égard des conséquences d'une erreur. Je désire que cela soit consigné au compte rendu.

J'aimerais aussi vous demander quelles sont vos impressions sur votre comparution devant le comité. Pensez-vous que c'était un exercice valable? J'ai en tout cas appris beaucoup de choses, mais je me demande souvent si nous n'aurions pas dû élaborer un système... Avant vos nominations, auriez-vous songé à comparaître devant un comité, peut-être à partir d'une courte liste de candidats?

Quoi qu'il en soit, vous avez été nommées à la Commission et j'aimerais maintenant savoir ce que vous pensez de cette expérience. Est-ce que ce fut une expérience bénéfique pour vous?

La présidente: Allez-y.

[Français]

Mme Patricia Thériault: Je voudrais tout d'abord remercier le comité de cette invitation. Dans la mission de la Commission, on parle beaucoup de transparence, d'intégrité et également de rendre compte. Je pense que le fait de comparaître devant vous aujourd'hui nous permet justement de faire valoir ces caractères différents que l'on attribue à la mission.

Je pense qu'il est également très important que vous, les élus, ayez le point de vue des membres de commissions qui ont à mettre en application quotidiennement les lois qui sont votées.

Je pense également que mes collègues de la Commission et moi-même sommes quand même des êtres humains qui faisons également partie de la société canadienne et que nous sommes préoccupés par le travail et la responsabilité qui nous incombent en tant que commissaires aux libérations conditionnelles. Je peux vous dire aussi que chaque fois qu'un membre prend une décision, il le fait après avoir obtenu le maximum d'information et après avoir fait l'évaluation du risque la plus honnête en fonction des critères de la loi.

• 1735

En ce qui me concerne, si j'avais été convoquée avant d'être nommée, je n'aurais pas vraiment pu vous parler de mon expérience au niveau de la libération conditionnelle. Je n'étais pas agent de libération, mais avocate. Je pense donc qu'il m'aurait été beaucoup plus difficile de répondre à vos questions si vous m'aviez reçue ici avant ma nomination.

[Traduction]

M. Jack Ramsay: Merci.

[Français]

Mme Patricia Thériault: Merci.

[Traduction]

Mme Cindy Caudron: Ce fut une très bonne expérience. Cela a créé chez moi un stress supplémentaire...

Des voix: Oh, oh.

Mme Cindy Caudron: ...car lorsque je l'ai appris, je me suis dit que je ne possédais même pas encore un stylo de la Commission nationale des libérations conditionnelles, comment pouvais-je comparaître devant le comité permanent? Mais j'ai trouvé que c'était une expérience instructive, parce que j'avais aussi certaines idées fausses sur ce en quoi cela allait consister exactement. Je supposais que vos questions ne seraient pas différentes de celles de toute personne ordinaire, parce que vous ne possédez pas non plus l'information ou n'avez pas accès à l'information dont nous disposons, que j'assimile au fur et à mesure.

Il y a quelques semaines, avant d'obtenir mes manuels de documentation, etc., j'ignorais totalement ce dont il s'agissait exactement. Donc, cela a été une bonne expérience pour moi de pouvoir venir ici et d'écouter vos questions parce que je suis persuadée que ce ne sera pas la seule fois qu'on me posera ces questions ou qu'on m'interrogera sur les diverses perspectives qu'ont les gens avec qui je vis, même en fait ma propre famille.

Pour ce qui est de savoir si cela devrait se passer avant notre nomination, je peux certes être d'accord avec ma collègue pour dire que je n'aurais probablement pas eu beaucoup de choses à vous communiquer, parce que j'ignorais tout de la Commission des libérations conditionnelles. J'aurais pu très bien m'asseoir à vos côtés et déclarer «Oui, je me pose les mêmes questions» lorsque vous auriez posé vos questions.

Il est très important que j'aie été en immersion intensive avec mes formateurs et mes collègues du domaine sur ce qu'est exactement la Commission nationale des libérations conditionnelles, ce qu'elle représente, ce qu'elle fait, la responsabilité qu'elle assume et sa responsabilité vis-à-vis de la population canadienne. Je pense que vous avez posé bon nombre des questions que d'autres personnes ont posées.

Bien sûr, maintenant que c'est terminé, je pense avoir été un peu plus stressée qu'il n'était nécessaire, et je vous suis reconnaissante de la sensibilité dont vous avez fait preuve pour certaines des questions posées, parce que j'avais envisagé certainement quelque chose de très différent. Cependant, je tiens à vous remercier de cette occasion. Cela a été instructif et certes une bonne expérience, surtout du fait que je suis originaire des Territoires du Nord-Ouest. Je peux y retourner et dire: «Eh bien, ils posent réellement des questions. Le genre de questions que vous poseriez, ils les posent».

Par conséquent, ce fut très bénéfique en ce qui me concerne, et j'espère que ce le fut aussi pour vous. Merci.

La présidente: Madame Louis, vous avez déjà comparu antérieurement, je pense.

Mme Kathy Louis: Il y a des années, j'ai comparu devant le comité permanent avec le président d'alors. C'était vers 1983, et on lui posait des questions sur les délinquants et sur les questions autochtones, et j'ai donc comparu avant lui. Mais ce n'était pas dans cette pièce.

La présidente: Ce n'est pas habituellement dans cette pièce. C'est une pièce assez étrange.

Mme Kathy Louis: Je voudrais remercier les membres du comité de nous avoir invitées à comparaître. J'estime aussi que cela a été pour moi une expérience instructive. Durant toutes les années où j'ai siégé à la Commission, je n'ai jamais eu cette occasion.

Cependant, j'aimerais vous dire qu'il y a plusieurs années, avant d'être nommée à la Commission, j'ai été interviewée par le président d'alors, le vice-président et un commissaire principal de la Commission. J'étais apparemment en lice avec 19 autres personnes et comme je n'ai jamais eu d'affiliation politique ou n'ai jamais été membre d'un parti, j'ai été celle qui a été choisie.

• 1740

Mon travail est stimulant. Je vous invite à venir observer les audiences de la Commission des libérations conditionnelles et d'en apprendre davantage sur le processus, parce que c'est réellement une expérience d'apprentissage. Selon moi, cela montre que la Commission est responsable, transparente et ouverte. Je crois que la loi l'a permis lorsque des modifications ont été apportées en 1992 pour permettre la présence d'observateurs, des avis à donner aux victimes, etc.

Je désire revenir sur une question antérieure de M. Jack Ramsay sur le fait de savoir si nous l'aviserions à titre de propriétaire. À l'heure actuelle, nous sommes limités par la loi. Nous pouvons informer les victimes, mais nous n'avons pas beaucoup de marge de manoeuvre. Vous devez sans doute en être conscients, à titre de parlementaires qui adoptez les lois.

J'aimerais également vous faire part d'une chose très personnelle que vous, parlementaires et membres du comité, devriez savoir. En ma qualité de décideur—vous avez lu mon curriculum vitae—je possède au départ de l'expérience. Je fais beaucoup de formation auprès de différentes composantes du système de justice criminelle.

Nous avons pu instaurer un processus qui tient compte des délinquants autochtones et des audiences de libération conditionnelle assistées par les aînés. Une fois de plus, je vous invite à venir observer ce processus. Il est un peu différent. C'est un processus participatif, auquel pourraient en fait participer les victimes. Autrement dit, ce que je veux dire, c'est qu'on permettrait aux victimes d'être des participants.

Je veux que vous sachiez que je suis une victime. Ma famille a été victime d'un meurtre. En 1983, une de mes soeurs a été tuée. Il s'agissait de l'un des types de meurtre comportant de l'agression.

La présidente: Je vous remercie beaucoup tous. Il s'agissait d'un processus spécial que votre nomination a suscité, mais nous nous engageons à examiner maintenant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition à partir de la fin de la semaine prochaine, et nous sommes donc susceptibles de vous rencontrer de nouveau. Je sais que notre processus nous amènera à assister à des audiences de la Commission des libérations conditionnelles. Je suis heureuse d'entendre parler d'audiences spéciales, d'arrangements spéciaux concernant les délinquants autochtones, parce que cela intéresserait réellement tous les membres de la Commission.

Je vous remercie donc tous. Je suis désolée que vous ayez été stressées, mais cela ne fait rien. Stress est ici notre deuxième nom.

La séance est levée.