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JURI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 17 février 1998

• 1539

[Traduction]

La présidente (Mme Shaughnessy Cohen (Windsor—St. Clair, Lib.)): Nous reprenons notre examen du projet de loi C-3, Loi concernant l'identification par les empreintes génétiques, ainsi que la considération des dispositions et de la mise en vigueur du projet de loi C-104 issu de la 35e législature, ces deux projets de loi portant sur l'analyse génétique.

Nous recevons aujourd'hui, de l'Association canadienne des chefs de police, le chef Brian Ford, président du Comité de modifications aux lois; M. Bryan McConnell, le directeur exécutif; M. Thomas Grue, du Bureau du conseiller juridique du Service de police d'Edmonton, et M. Vincent Westwick, avocat général, Services exécutifs du Service de police régional d'Ottawa-Carleton.

Chef Ford, vous connaissez nos habitudes. Vous pouvez commencer. Nous vous poserons ensuite des tas de questions.

• 1540

[Français]

Chef Brian Ford (président, Comité des modifications aux lois, Association canadienne des chefs de police): Merci, madame la présidente. C'est avec plaisir que l'Association canadienne des chefs de police présente devant le comité aujourd'hui les opinions des chefs de police du Canada.

[Traduction]

Je suis ici en tant que président du Comité de modifications aux lois. Permettez-moi de vous présenter Bryan McConnell, le directeur exécutif de l'ACCP; le sergent d'état-major Tom Grue, membre du Service de police d'Edmonton et conseiller juridique auprès de notre comité de modifications aux lois; ainsi que M. Vincent Westwick, avocat général du Service de police régional d'Ottawa-Carleton et conseiller juridique auprès de notre comité.

C'est Tom qui a préparé notre mémoire. Je suis content de vous annoncer que c'est sa première comparution devant le comité au nom de notre association et c'est pourquoi je vous demande d'être bien gentils avec lui.

Madame la présidente, membres du comité, nous sommes en faveur du projet de loi C-3. C'est un projet de loi important et nous vous encourageons à en recommander l'adoption au Parlement. Le projet de loi C-3 diffère d'autres lois criminelles par sa nature essentiellement préventive. C'est ce qui le rend très spécial; je vais vous expliquer.

Dans leur travail, les policiers arrivent souvent après que les dommages sont faits. Vous vous souviendrez que dans notre témoignage au sujet du projet de loi C-16, en rapport avec l'affaire Feeney, nous disions qu'il incombait aux policiers de ramasser les pots cassés. Une bonne part de la frustration importante associée au travail de la police vient du fait que nos officiers ont rarement l'occasion de prévenir le crime, d'intervenir pour éviter les dommages.

L'aspect préventif du projet de loi C-3 vient du fait qu'une personne qui sait que ses empreintes génétiques ont été mises en banque est moins susceptible de récidiver, sachant que les risques de détection et de condamnation sont très élevés. Cette dissuasion constitue de la prévention à l'état pur.

En adoptant ce projet de loi, le Parlement doit savoir qu'il s'agit de prévention du crime et pas seulement d'outils d'enquête qu'on accorde aux policiers.

Voilà pour la bonne nouvelle. La mauvaise, c'est qu'à notre avis, le projet de loi limite beaucoup la prévention, de deux façons. En effet, on y prévoit que le prélèvement ne peut être fait qu'après la condamnation. En outre, l'application rétroactive de dispositions du projet de loi est limitée. C'est une erreur grave et nous voulons vous mettre en garde, afin que ces dispositions ne demeurent pas aussi restrictives qu'elles le sont actuellement.

Vous comprenez et vous reconnaissez qu'il y a des préoccupations relatives aux droits à la vie privée qui sont associées au prélèvement de l'ADN. Actuellement, la loi nous permet de prendre les empreintes digitales et la photographie d'une personne quand des accusations sont portées contre elle. Les policiers peuvent aussi prendre des échantillons de sang et d'haleine avant de porter des accusations. Pourquoi le prélèvement d'ADN ne pourrait-il avoir lieu qu'après la condamnation? Ce qu'on veut, c'est donner une chance à la prévention, d'une manière efficace et opportune, tout comme on a pu le faire grâce aux empreintes digitales pendant presque tout ce siècle.

Je tiens aussi à ajouter que ce projet de loi peut servir à la prévention du crime, mais aussi à éviter des injustices. Des affaires récentes dont on a beaucoup parlé ont montré comment l'ADN permettait d'innocenter quelqu'un. Cela aussi, c'est de la prévention; je parlais des affaires Milgaard et Morin. La plupart de nos lois portent sur des événements, une fois le fait accompli. Il est rare que nos lois permettent de faire de la prévention, d'agir de manière positive et de manière à faire le bien.

Nous vous encourageons sur la voie de la prévention, pas seulement dans l'intérêt de la police mais aussi dans l'intérêt des collectivités du pays que vous représentez. Ces collectivités continuent de craindre les crimes violents et s'attendent à ce que quelqu'un fasse quelque chose pour les empêcher. Ce projet de loi a un élément préventif qui fonctionne non pas par coercition, mais en utilisant la technologie moderne et en respectant le droit à la vie privée.

Nous pensons également que la procédure recourant à des analyses génétiques doit être élargie quant à sa rétroactivité. Il y a bien sûr des dispositions à ce sujet dans le projet de loi, mais elles sont trop limitées et complexes.

Les principes du projet de loi sont précisés à l'article 4. On y dit notamment:

    4. Les principes suivants sont reconnus et proclamés:

      a) la protection de la société et l'administration de la justice sont bien servies par la découverte, l'arrestation et la condamnation rapides des contrevenants, lesquelles peuvent être facilitées par l'utilisation de profils d'identification génétique;

Nous croyons que pour respecter ce principe, la disposition doit être élargie.

Je vais maintenant céder la parole au sergent d'état-major Grue qui vous en dira davantage sur les dispositions qui nous intéressent.

Le sergent d'état-major Thomas Grue (avocat, Bureau du conseiller juridique, Service de police d'Edmonton): Merci, chef Ford.

Madame la présidente, je présume que nous avons le choix entre deux façons de procéder. Je peux vous résumer tout notre mémoire, puis répondre aux questions, ou parler d'un des sujets qui nous intéressent, répondre aux questions qui s'y rapportent, puis passer au sujet suivant. J'aimerais que vous me disiez ce que vous préférez.

La présidente: Nous préférons que vous nous donniez un aperçu de tout votre mémoire, afin que les questions puissent être réparties entre tous les participants.

• 1545

Le sgt é-m Thomas Grue: Merci.

Je vais tout d'abord vous parler de la question des critères relatifs aux infractions dont on donne la liste dans le projet de loi. L'ACCP recommande d'allonger la liste des infractions retenues comme critères.

Tout d'abord, nous demandons que le paragraphe 348(1) du Code criminel, soit l'introduction par effraction dans un dessein criminel, fasse partie de la définition d'infraction primaire dans les situations où il est prouvé que cette infraction a été commise alors que le contrevenant avait l'intention de proférer des menaces, ou l'avait fait, ou l'intention de commettre une agression ou une agression sexuelle, ou l'avait fait. Je parle bien entendu des introductions par effraction dans un logement, et non dans un local commercial.

Deuxièmement, nous recommandons aussi l'ajout de l'infraction de harcèlement criminel dans la définition de l'infraction primaire. La nature de cette infraction, d'après l'expérience policière de diverses collectivités du pays, fait en sorte que le contrevenant constitue un risque important pour la personne harcelée et est tout à fait capable de faire du mal à sa victime. C'est pour cette raison qu'à notre avis, cette infraction doit faire partie de la liste des infractions primaires.

Troisièmement, nous estimons que le paragraphe 163(1) doit aussi faire partie de la définition de l'infraction primaire. Il s'agit en effet de la disposition se rapportant à la production, à la vente et à la possession de pornographie juvénile. À notre avis, les gens qui se livrent à ce genre de pornographie ont tendance à être aussi ceux qui agressent sexuellement des enfants et nous pensons qu'il conviendrait que cette infraction fasse partie de la définition des infractions primaires.

Je me suis trompé. Nous demandons que cette infraction figure à la définition de l'infraction secondaire.

Quatrièmement, nous demandons que ceux qui ont été trouvés non criminellement responsables en raison de troubles mentaux, soit en vertu de l'article 672.34, devraient également faire l'objet d'analyses génétiques selon les dispositions du projet de loi C-3. À notre avis, notre société doit être protégée, malgré le fait que ces individus soient déclarés non coupables en vertu de la disposition 672.34. À notre avis, il est légitime de demander des dispositions qui prévoient qu'on fasse un profil génétique de ces contrevenants.

Au sujet de l'alinéa proposé 487.051(1)b), qui donne au tribunal la discrétion d'accorder une autorisation de prélèvement de substances corporelles, s'il est convaincu que cela servirait au mieux l'administration de la justice, nous estimons que le Parlement doit donner des directives claires aux tribunaux au sujet de cette décision quant à ce qui servirait au mieux l'administration de la justice.

Vous constaterez qu'au paragraphe 487.051(3), certains critères sont proposés. À notre avis, ils sont trop généraux. Nous souhaitons quelque chose de plus précis, des directives détaillées qui restreindraient le pouvoir discrétionnaire du tribunal quand il rend une décision au sujet de l'alinéa 487.051(1)b).

Quand les prélèvements doivent-ils être faits? C'est quelque chose de particulièrement préoccupant pour l'ACCP. Nous aimerions que le projet de loi permette le prélèvement au moment où l'on prend les empreintes digitales et où l'on photographie la personne arrêtée, plutôt qu'à la fin de la procédure, lorsque la personne a fait l'objet d'un procès et a été condamnée.

Si l'on demande à la police d'attendre à la fin de la procédure plutôt que de faire le prélèvement au début, il en résultera toutes sortes de problèmes administratifs et à notre avis, ce serait beaucoup plus efficace si les prélèvements pouvaient être pris au moment de l'arrestation.

D'autres questions peuvent être soulevées au sujet de cet article. Par exemple: si la police doit attendre la fin de la procédure judiciaire avant de faire des prélèvements, on peut se demander qui prendra les échantillons? Est-ce que cette tâche sera confiée au service policier? Aux responsables des services correctionnels? Le projet de loi est muet à ce sujet. En permettant le prélèvement au début de la procédure, voilà un des problèmes qui serait résolu.

• 1550

Le projet de paragraphe 487.051(2) permet au tribunal de ne pas rendre d'ordonnance de prélèvement de substances corporelles pour une personne condamnée ayant commis une infraction primaire, si le juge estime que cela aurait un effet sur les droits à la vie privée du contrevenant qui serait démesuré par rapport à l'intérêt public. À notre avis, cette disposition ne doit pas faire partie du projet de loi. C'est certainement au Parlement de décider quelles infractions sont suffisamment graves pour qu'une personne condamnée soit considérée comme ayant laissé son droit à la vie privée céder le pas à la protection de la société. Nous demandons la suppression de cet article, afin qu'on ne donne pas le choix aux personnes condamnées pour ces infractions.

L'alinéa 487.053a) donne aux poursuivants ce qui semble être une discrétion illimitée pour ne pas demander, je présume, le prélèvement d'un échantillon sur un condamné. Nous craignons qu'on abuse de cette disposition, même par inadvertance, par exemple dans le cas de négociations de plaidoyer. Si cet article doit demeurer dans le projet de loi, nous demandons qu'on précise que son application doit être limitée aux cas où il est établi que le profil génétique du condamné se trouve déjà dans le fichier de criminalistique et dans le fichier des condamnés.

L'article 487.055 est une autre disposition préoccupante pour l'ACCP, puisqu'il exclut bon nombre de criminels qui devraient automatiquement faire l'objet d'une analyse génétique. Cet article se rapporte aux condamnés actuellement en prison. Malheureusement, les crimes de meurtre et d'homicide ne figurent pas dans cet article et nous pensons que c'est une grave omission, particulièrement quand on pense à ceux qui pourraient avoir commis plus d'un meurtre dans le passé.

À notre avis, ceux qui commettent le crime le plus grave ont en fait renoncé à leurs droits à la vie privée et doivent certainement être assujettis aux dispositions du projet de loi relatives au profil d'identification génétique. Nous demandons que cet article soit élargi pour comprendre les infractions d'homicide involontaire et de meurtre dans la catégorie des infractions commises par des condamnés pour lesquelles un profil d'identification génétique peut être établi.

Les dispositions relatives aux sommations de l'article 487.055 constituent aussi un problème. Actuellement, ce paragraphe prévoit qu'une sommation peut être émise pour une personne en libération conditionnelle, et qu'elle peut être signifiée directement ou indirectement en laissant le document à toute personne qui paraît avoir au moins 16 ans, au dernier domicile habituel du condamné.

Le problème, c'est que souvent, en pratique, ceux qui vivent à la dernière adresse connue du condamné peuvent ne pas vouloir aider la police en remettant la sommation, peuvent nier que la personne vive là et cette personne elle-même, si elle y vit, peut choisir de ne pas répondre à la porte. Ce n'est qu'une question pratique.

À notre avis, il faut élargir les dispositions relatives au mandat du paragraphe 487.055(8) afin qu'un juge de paix puisse délivrer un mandat d'arrestation des personnes qu'on ne peut trouver facilement et à qui on ne peut donner de signification indirecte. Voilà, je crois, ce qu'il faut ajouter à cette disposition: Il faut permettre au juge de paix d'émettre un mandat dans les cas où la signification indirecte n'est pas pratiquement possible.

• 1555

L'article 487.07 se rapporte au devoir d'informer la personne sur qui on fera un prélèvement d'ADN. L'agent de la paix doit informer la personne sur qui on prendra des substances corporelles de la teneur du mandat d'autorisation et d'autres choses précisées dans la disposition.

Nous sommes préoccupés par cette disposition parce que nous savons qu'elle sera contestée, c'est-à-dire que les avocats de la défense prétendront que l'avertissement donné était insuffisant et que par conséquent, les résultats de l'analyse génétique ou l'échantillon ne peuvent être pris en preuve et ne devraient donc pas être envoyés au commissaire ni être versés dans la banque des données. Essentiellement, nous estimons que cette disposition prête inutilement le flanc à des attaques d'ordre très technique. Nous recommandons donc qu'elle soit légèrement élargie: On doit dire clairement que le fait de ne pas fournir l'information exigée ou de fournir des informations incomplètes à un contrevenant sur qui on va faire un prélèvement ne justifie pas l'exclusion de la preuve résultant du prélèvement ou du profil d'identification génétique.

Le projet de paragraphe 487.071(1) autorise la transmission de la plupart des résultats d'analyse génétique au commissaire de la GRC. Nous estimons que c'est une excellente disposition du projet de loi. Nous avons toutefois une petite recommandation à faire, au sujet de l'alinéa a). D'après cette disposition, si une personne donne volontairement des substances corporelles dans le cadre d'une enquête relative à une infraction, puis est reconnue coupable de cette infraction, les résultats de l'analyse génétique ne peuvent être transmis au commissaire sans le consentement du contrevenant. À notre avis, si la personne qui a donné volontairement des substances corporelles a été reconnue coupable de l'infraction en cause, les résultats de l'analyse génétique doivent automatiquement être envoyés au commissaire et à la banque de données, sans qu'il soit nécessaire d'obtenir le consentement du condamné.

Le projet de paragraphe 487.0781(2) prévoit que toutes les parties d'échantillons de substances corporelles qui ne sont pas utilisées pour analyse génétique soient transmises au commissaire de la GRC. Nous sommes tout à fait en faveur de cette disposition. On se demande toutefois ce qui se produit lorsque l'échantillon est utilisé au complet pour fins d'analyse.

Nous demandons que si l'échantillon est complètement utilisé pour l'analyse, des pouvoirs supplémentaires soient accordés pour prélever un autre échantillon de substances corporelles, à envoyer au commissaire. Cela permettrait la mise en vigueur de l'article 10 du projet de loi, se rapportant à l'entreposage des substances corporelles et à leur analyse ultérieure, advenant des progrès techniques. Nous craignons que si tout l'échantillon est utilisé pour l'analyse génétique, il n'y aura plus rien à envoyer au commissaire. Nous demandons donc une disposition permettant une autre analyse, pour pouvoir obtenir un autre échantillon à envoyer à la banque de données.

C'est un résumé du mémoire. Nous sommes disposés à répondre à vos questions.

La présidente: Merci.

Tout d'abord, j'aimerais dire à mes collègues et à nos témoins que nous accueillons des visiteurs, une classe de criminologie de la quatrième année de l'Université d'Ottawa. Soyez les bienvenus. Je demande à mes collègues et aux témoins de ne pas se précipiter à la sortie car ces étudiants pourraient vouloir vous poser des questions. Ce serait une bonne occasion pour eux.

N'hésitez pas à les aborder, surtout les politiciens. Ils adorent parler.

Monsieur Ramsay.

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Merci.

Je souscris à la plupart des amendements que vous proposez au projet de loi, notamment en ce qui concerne l'élargissement des catégories pour le prélèvement rétroactif d'ADN. Il s'agit de relever l'ADN de ceux qui sont reconnus coupables d'un délit grave. Pour l'instant, le projet de loi n'autorise le prélèvement d'échantillons d'ADN que de ceux qui ont été reconnus coupables et déclarés criminels dangereux ainsi que de ceux qui ont été reconnus coupables de multiples délits d'ordre sexuel—plus d'un, deux ou davantage. Si l'on se situe donc sur ce plan, je comprends la raison d'être de ces amendements.

• 1600

Dans quelle mesure souhaiteriez-vous élargir les catégories prévues dans cette disposition du projet de loi.

Le sgt é-m Thomas Grue: Comme je l'ai dit, nous souhaitons élargir les catégories qui concernent les auteurs de meurtre, de meurtre au premier ou au second degré, ainsi que d'homicide involontaire.

M. Jack Ramsay: Seriez-vous satisfaits si l'on appliquait la disposition à ces cas?

Le sgt é-m Thomas Grue: Je pense que cette disposition particulière vise à réunir des éléments de preuve de la perpétration de délits antérieurs dont les auteurs qui purgent actuellement des peines n'ont jamais été découverts ou reconnus coupables. Naturellement, il faudrait mettre l'accent sur les délits à fort taux de récidive ou les types de délits qui en raison même de leur gravité pour la société devraient être inclus dans ce processus d'analyse génétique.

Il me semble donc que l'homicide involontaire et le meurtre devraient faire partie de cette catégorie justifiant une analyse.

Il me semble aussi que l'homicide involontaire et le meurtre devraient faire partie des infractions suffisamment sérieuses pour nécessiter une analyse.

Les autres types d'infractions qui pourraient entrer dans la catégorie visant les détenus seraient celles pour lesquelles le taux de récidive est élevé. Je constate que dans la disposition, selon le libellé, on vise des personnes qui ont été reconnues coupables au moins deux fois d'agression sexuelle, et qui sont des délinquants dangereux. Il pourrait aussi y a voir d'autres catégories d'infractions, selon le nombre incroyable de fois qu'on a pu être reconnu coupable de ces divers délits.

Par exemple, je pense au cas d'entrée par effraction, où il y a de nombreux délinquants qui commettent des entrées par effraction 50, 60, 70 fois, 80 et même des centaines de fois. Il me semble que c'est une catégorie d'infraction qui pourrait être incluse dans cette disposition, tout simplement parce qu'il s'agit d'un type de délit à fort taux de récidive et aussi en raison des dommages graves qui peuvent résulter de la perpétration de ce genre de délit. Par exemple, un délinquant peut avoir l'intention d'entrer par effraction dans une habitation simplement pour y voler quelque chose; mais il peut tomber sur l'occupant. Il y a affrontement et il en résulte souvent des voies de fait graves ou pire encore. Je pense que si l'on envisage de dépasser les seules catégories du meurtre et de l'homicide involontaire, des infractions comme l'entrée par effraction dans un domicile devraient aussi être envisagées.

M. Jack Ramsay: Au cours de votre exposé, vous n'avez pas recommandé au comité d'élargir d'autres catégories; j'en déduis donc que vous ne souhaitez pas allonger d'autres listes de catégories mises à part celles que vous venez de nous mentionner.

Le sgt é-m Thomas Grue: C'est cela, oui.

M. Jack Ramsay: L'inspecteur Bass de la GRC nous a dit ce matin que la technologie permettant de recueillir des données génétiques destinées au fichier de criminalistique progressait à pas de géant, si bien que l'on pouvait compter sur une plus grande quantité de preuves de cette nature.

Si j'ai bien compris, de plus en plus on pourra verser au fichier de criminalistique ce genre d'éléments de preuve permettant l'identification des criminels. Toutefois, si cet article en particulier interdit de prélever des échantillons d'ADN sur des gens déjà condamnés, dans le but de tirer au clair certaines affaires, y compris des affaires de meurtre, d'homicide involontaire coupable ou d'agression sexuelle, le travail des autorités sera entravé et non pas facilité dans ces dossiers-là.

• 1605

On nous a abondamment parlé de l'intégrité du système et de la banque de données elle-même. Par exemple, si je ne m'abuse, M. Phillips, le commissaire à la protection de la vie privée, préconise que les échantillons ne soient pas conservés et qu'on ne conserve que le profil d'identification génétique tiré de l'échantillon. Une fois le profil obtenu et versé à la banque de données, l'échantillon serait détruit. Qu'en pensez-vous?

Je constate que vous préconisez qu'une fois l'échantillon utilisé pour obtenir le profil, il faudrait demander une autorisation pour prélever un échantillon supplémentaire si on veut que le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada le conserve. Que pensez-vous de ce que propose M. Phillips, à savoir que l'échantillon soit détruit dès que le profil est obtenu?

Le sgt é-m Thomas Grue: Je pense que ce serait une grave erreur. Je pense que par là on affaiblirait considérablement la loi.

M. Jack Ramsay: Expliquez-nous pourquoi.

Le sgt é-m Thomas Grue: Je pense que la valeur de l'échantillon est... Par exemple, si la technologie s'affine à l'avenir, et cela est inexorable, l'on pourra tirer plus de renseignements de ces échantillons, ce que nous ne pouvons pas faire actuellement. Ainsi, si l'échantillon est détruit, bien entendu on ne pourra pas grâce à de futures méthodes en faire l'analyse. Nous ne conserverions que le profil actuel, ce qui pourrait ne pas être suffisant pour bénéficier des avantages d'éventuelles nouvelles applications technologiques.

Quant à la protection de la vie privée, il existe quantité de dispositions dans la loi qui prévoient de lourdes sanctions contre ceux qui utilisent des substances corporelles ou encore un profil d'identification génétique autrement qu'aux fins prévues par la loi.

M. Jack Ramsay: M. Phillips a employé l'expression «utilisations secondaires» pour décrire une situation où la banque de données grandirait et où la technologie se développerait à tel point qu'on voudrait utiliser cette banque à des fins autres que celles qui sont prévues dans le projet de loi. La demande serait forte. Il a donné comme exemple le régime de perception de l'impôt des particuliers: divers ministères, y compris des organismes chargés du contrôle de l'application de la loi, souhaiteraient que Revenu Canada leur transmette des renseignements fournis dans les déclarations d'impôt sur le revenu car ils pourraient s'en servir.

Que pensez-vous de la possibilité d'une demande croissante d'utilisation des échantillons, non seulement du résultat de l'analyse de ces échantillons mais aussi de ces échantillons eux-mêmes qui pourraient dès lors servir à des fins qui ne sont pas prévues dans ce projet de loi? Pensez-vous qu'il y a lieu de s'inquiéter étant donné que de plus en plus, les organismes chargés du contrôle de l'application de la loi et d'autres ministères prétendent que s'ils avaient accès à cette banque de données, leurs taches en seraient considérablement facilitées? Pensez-vous que le commissaire à la protection de la vie privée a eu raison de mettre les membres du comité en garde contre ces éventuelles utilisations secondaires?

Le chef Brian Ford: Je vais répondre à cette question. À mon avis, non. Je pense que le Parlement a la compétence d'interdire cela. Les dispositions du projet de loi disent clairement que toute autre utilisation est interdite. La protection prévue suffit et je ne pense pas que cela fasse problème.

Quant à savoir si l'on doit conserver uniquement le profil et non pas l'échantillon, je pense qu'il sera utile de pouvoir compter sur l'échantillon au cas où il y aurait contestation quant à la véracité des renseignements, pour que quelqu'un puisse par la suite faire une double vérification. Une fois l'échantillon détruit, en présence du seul profil, plus rien n'est possible. Ainsi, cela peut garantir une plus grande protection à celui qui aura fourni l'échantillon car ainsi l'on pourra faire des recoupements et vérifier s'il s'agit bien du bon échantillon, s'il n'y a pas eu d'erreur. Je pense que cela suffit comme raison de le conserver.

Quant à une utilisation par un autre ministère, je ne vois pas de quoi s'inquiéter.

M. Jack Ramsay: Ma dernière question pour ce tour porte sur le paragraphe 487.051(2) du projet de loi, qui prévoit que le tribunal peut rendre une ordonnance exemptant le prélèvement d'un échantillon. Cela m'inquiète. Il s'agit des cas où le tribunal peut, dans certaines circonstances, autoriser le prélèvement d'échantillons. Ensuite, il y a des cas où le tribunal peut rendre une décision contraire.

• 1610

Voici un exemple: Les tribunaux ont commis une erreur d'appréciation de la volonté du Parlement quand ils ont interprété les dispositions concernant la sentence conditionnelle à l'article 41. Il y a une petite difficulté. Les tribunaux interprètent ces dispositions et les utilisent d'une façon qui n'a jamais été envisagée par le Parlement. Je ne pousserai pas l'argumentation plus loin, mais je constate qu'on peut craindre ici le même danger. Il se peut très bien qu'on soit animé des meilleures intentions et que cette disposition-ci vise des cas d'espèce et uniques, mais il n'en demeure pas moins que les tribunaux auront toute latitude d'exercer leur pouvoir d'exempter quelqu'un du prélèvement de substances corporelles pour l'analyse génétique qui est au coeur même de ce projet de loi.

Qu'en pensez-vous? Je souhaiterais que l'on supprime complètement cet article, mais je ne fais qu'exprimer ici ma propre opinion. Qu'en pensez-vous?

Le chef Brian Ford: Je dois en convenir. En effet, la présence de cette disposition ouvre la porte à des inégalités possibles suivant la région du pays. Un juge, pour une raison quelconque, pourrait décider de se servir de cette disposition parce qu'il juge qu'il n'y a pas lieu de prélever un échantillon dans un cas donné et cela pourrait donner lieu à des incohérences concernant des infractions qui sont désignées de façon précise. Nous reconnaissons que cette disposition ne devrait pas figurer dans le projet de loi.

M. Jack Ramsay: D'accord. Savez-vous à quoi doit servir cette disposition en particulier? En toute logique, je ne peux pas songer à un cas où il serait juste et équitable qu'un accusé s'en serve. Nous avons posé la question au ministre et il nous a donné un exemple que je n'ai pas trouvé satisfaisant en tout cas. Pouvez-vous songer à des circonstances tout à fait particulières et uniques qui justifieraient qu'une exemption soit accordée?

M. Bryan McConnell (directeur exécutif, Association canadienne des chefs de polices): Quand j'ai lu cet article pour la première fois, une affaire dont je me suis occupé il y a bien des années à Vancouver m'est revenue à l'esprit. Il s'agissait d'une livre d'héroïne que l'on n'a pas pu déposer en preuve parce que son effet préjudiciable l'emportait sur sa valeur probante. C'est une situation que j'ai vécue et j'y suis sensible. D'habitude, les policiers n'ont pas de mal à trouver des exemples. Pour ma part, je n'en ai pas trouvé. Je n'ai rien trouvé qui puisse expliquer à quoi les rédacteurs songeaient quand ils ont prévu cet article. Je ne vois pas de raisons de l'inclure. En fait, j'en vois beaucoup qui justifieraient qu'il ne figure pas dans le projet de loi.

M. Jack Ramsay: Avez-vous participé à la rédaction de ce projet de loi? Votre association y a-t-elle participé?

M. Bryan McConnell: Oui, à l'occasion.

M. Jack Ramsay: Merci, madame la présidente.

La présidente: Madame Alarie.

[Français]

Mme Hélène Alarie (Louis-Hébert, BQ): Bonjour, messieurs. Ma première question porte surtout sur les prélèvements. Vous suggérez dans votre intervention, monsieur Grue, que les prélèvements se fassent au moment où la personne est arrêtée, au moment où elle donne ses empreintes et passe une batterie de tests plutôt qu'à la fin du processus, alors qu'il y a condamnation.

Que ferait-on alors du profil génétique des personnes innocentes? Est-ce qu'on le détruirait au lieu de le rendre inaccessible?

[Traduction]

Le sgt é-m Thomas Grue: Oui, tout serait complètement détruit.

M. Vincent Westwick (conseiller juridique et membre du Comité de modifications aux lois, Association canadienne des chefs de police): Permettez-moi d'ajouter quelque chose. Cela présente un avantage supplémentaire car si une personne est accusée et qu'on a fait un prélèvement d'ADN au moment de son arrestation, et que l'on peut vérifier que ce prélèvement ne correspond pas à l'échantillon versé au fichier de criminalistique, l'accusation ne tient plus. Le profil d'identification génétique sert dans les deux cas, à la décharge de l'accusé et également à sa charge. Ainsi, cela est utile pour empêcher qu'il y ait des injustices comme dans le cas de Guy Paul Morin ou de Milgaard. La technologie non seulement peut servir à des fins d'exécution mais également pour faire justice à quelqu'un. Ainsi, il y a un double aspect positif et préventif.

[Français]

Mme Hélène Alarie: Donc, ce n'est pas une question d'efficacité technique; c'est plutôt à des fins d'enquête en faveur des personnes innocentes. Est-ce le sens de votre argument?

[Traduction]

M. Vincent Westwick: Oui, tout à fait.

• 1615

[Français]

Mme Hélène Alarie: Voici ma dernière question. Qui va prendre les prélèvements? Une motion du Bloc suggère que les prélèvements d'échantillons soient faits par des professionnels de la santé formés à cette fin. Vous avez parlé d'agents peut-être. Avez-vous une opinion là-dessus?

[Traduction]

Le chef Brian Ford: Nous pensons que les policiers peuvent faire des prélèvements dans la mesure où ils ont été formés. Le processus est plutôt simple. Nous ne voyons pas d'inconvénient à ce qu'un policier, ayant suivi la formation voulue, procède au prélèvement d'un échantillon. Toutefois, si les rédacteurs du projet de loi avaient l'intention de demander qu'un professionnel de la santé fasse ce genre de prélèvement, nous n'y verrions pas d'inconvénient. Nous estimons toutefois qu'un policier ou une personne travaillant pour les services policiers pourrait très bien le faire.

M. Vincent Westwick: Permettez-moi d'ajouter quelque chose. Il y a une autre composante—liée à la question de savoir qui aura la compétente de faire les prélèvements d'ADN en vertu d'un mandat—, et c'est le coût assez élevé de cette procédure. Si le Parlement décide que ce sont les professionnels de la santé qui seront désignés, cela signifie-t-il que les services policiers locaux vont devoir en assumer le coût? Le fardeau serait alors très lourd et il aurait une incidence appréciable sur l'efficacité, car pour tout prélèvement d'échantillon, il y a une question de minutage et de disponibilité. Faudrait-il que les services policiers embauchent des professionnels de la santé à cette fin uniquement? Dans l'affirmative, cela pourrait faire grimper les coûts, particulièrement—les grosses municipalités en auraient sans doute les moyens—dans les petites localités et les localités rurales, ce qui pourrait représenter un obstacle de taille.

[Français]

Mme Hélène Alarie: Il reste que ce n'est pas du tout la même chose que mettre le pouce sur le truc pour les empreintes digitales ou prendre un test d'haleine. Étant donné tout ce qui entoure le droit des gens d'être extrêmement bien protégés sur le plan de la santé, sur le plan de leur identité, etc., je pense que c'est une tout autre catégorie d'intervention.

Je n'ai pas d'autres questions. Je vous remercie.

[Traduction]

La présidente: Merci.

Monsieur Mancini.

M. Peter Mancini (Sydney—Victoria, NPD): Merci, madame la présidente, et merci messieurs de votre exposé.

J'ai plusieurs questions à vous poser. Tout d'abord, en répondant à une question d'un de mes collègues, vous avez dit que si l'on prélevait un échantillon au moment de l'arrestation et que le prévenu n'était pas coupable, était innocent, l'échantillon serait alors détruit. À l'article 9 du projet de loi, où il est question de ces cas-là, on nÂutilise pas le mot «détruit», et j'y vois un inconvénient. Le libellé dit «doit être rendu inaccessible». Cela signifie-t-il que si une personne est acquittée, l'échantillon sera aussi détruit dans ce cas-là?

Le sgt é-m Thomas Grue: Oui. Si une personne est acquittée, et il conviendrait qu'il le soit.

M. Peter Mancini: Je voudrais poser une question concernant le prélèvement d'un échantillon au moment de l'arrestation. Vous avez dit qu'à ce moment-là, on prenait les empruntes digitales et un échantillon d'haleine et que sais-je encore, mais assurément—et nous avons parlé tout à l'heure de technologie—ce que les échantillons d'ADN permettent de connaître du prévenu est beaucoup plus poussé que ce que les empreintes et d'autres types de prélèvement et de preuves recueillis sur les lieux du crime permettent de découvrir.

Vous préconisez que l'échantillon soit conservé. Nous savons que la technologie évolue à tel rythme que l'on peut toujours se reporter aux mêmes substances pour procéder à des analyses plus poussées.

Et voilà ce qui me préoccupe plus précisément. Nous pouvons en arriver à ce que des renseignements concernant la configuration génétique seront disponibles en raison de l'évolution technologique. Est-ce qu'on ne protégerait pas davantage la vie privée en déclarant que compte tenu de l'évolution technologique, à supposer que des échantillons supplémentaires soient nécessaires, ils seront prélevés en temps utile? Quel inconvénient voyez-vous à cela? Il s'agirait de demander aux tribunaux l'autorisation de prélever des échantillons supplémentaires si les progrès technologiques permettent d'en tirer d'autres renseignements utiles.

Le chef Brian Ford: Votre question découle-t-elle de notre discussion sur l'opportunité de conserver l'échantillon et non seulement le profil?

M. Peter Mancini: Oui.

• 1620

Le chef Brian Ford: Il se peut qu'il soit impossible plus tard d'obtenir ces échantillons. Il faudra avoir une bonne raison de les prélever. Il faudra un mandat. Il faudra passer par toute une procédure compliquée pour un nouveau prélèvement. En outre, nous pensons que la préservation des échantillons permet une double vérification, des recoupements, pour garantir qu'il s'agit d'un échantillon valable qui peut servir de preuve.

Si plus tard on veut procéder à un nouveau profil d'identification génétique d'un prévenu à partir des échantillons conservés, il n'y aurait pas d'inconvénient étant donné que nous disposons de toutes les garanties quant à l'utilisation que l'on peut faire des renseignements versés à la banque de données, et ces garanties figurent dans les dispositions du projet de loi. Le Parlement a prévu cette protection. Si l'on devait donc desserrer cette protection, pour une raison quelconque, le Parlement devrait intervenir et cela... ainsi de suite. Je ne peux pas prédire l'avenir, mais si le Parlement veut s'en tenir à cela pour l'instant, veut interdire que certaines choses se fassent, je pense que dans l'intérêt des droits du prévenu, il faut s'en tenir à cela et il faut empêcher certaines utilisations. Néanmoins, nous préconisons quand même que cet échantillon soit conservé pour vérification ultérieure éventuelle.

M. Bryan McConnell: Je pense toutefois que la protection de la vie privée peut être couverte dans les dispositions du projet de loi. La protection de nos concitoyens dépend énormément du libellé des dispositions de ce projet de loi et de l'adoption des dispositions qui s'imposent.

M. Peter Mancini: Permettez-moi de pousser mon argumentation un peu plus loin. À la lecture des dispositions du projet de loi, je constate que l'utilisation des échantillons est laissée dans une grande mesure à l'appréciation du commissaire. C'est lui qui peut décider qui y aura accès, qui consultera les profils. Ne devrions-nous pas peut-être songer à prévoir des sanctions plus lourdes que l'on imposerait à quiconque violerait la confidentialité prévue dans les dispositions du projet de loi et ne devrions-nous pas restreindre les cas où le commissaire peut rendre ces échantillons accessibles?

M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.): La liberté d'action accordée au commissaire ne vise que la conservation des échantillons.

M. Vincent Westwick: Je m'en tiendrai à dire que la police est constamment critiquée parce qu'elle réclame ici en comité des sanctions plus lourdes. Pour cette raison, nous nous refusons à en réclamer dans ce cas-ci. Si vous insistez toutefois, je ne pense pas que les services policiers vous contredisent.

M. Peter Mancini: Il est singulier que je sois de votre bord en l'occurrence.

Le chef Brian Ford: Il y a des dispositions dans la Loi sur les tables d'écoute qui prévoient des sanctions contre les gens qui en abusent. Ce cas-ci n'est pas tellement différent.

M. Peter Mancini: Je voudrais que les choses soient bien claires. Peut-être que je me trompe, mais je me reporte à l'article 7 et je cite:

    7. Le personnel de tout laboratoire et toute personne—ou catégorie de personnes—que le commissaire estime indiqués peuvent avoir accès à l'information contenue dans la banque de données respectivement à des fins [...]

M. Nick Discepola: Vous mélangez la question de l'accès aux profils, sur laquelle votre première question portait, et l'entreposage et l'accès aux échantillons. Il s'agit de deux groupes différents de dispositions législatives. C'est au paragraphe 10(4) qu'il est question des échantillons.

M. Peter Mancini: D'accord. Merci.

La présidente: Monsieur McKay.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Vous affirmez que l'idée de permettre aux policiers de prélever des échantillons de substances corporelles au moment de l'arrestation présente un avantage considérable. Par là, ne vous donne-t-on pas tout simplement un autre permis de pêche?

Le chef Brian Ford: Je ne vais pas à la pêche de sorte que je vais vous demander de préciser votre pensée.

M. John McKay: Disons, un permis de chasse. À certains égards, il est encourageant de penser que l'on pourra prélever certains échantillons sur des prévenus et voir ce que cela donnera.

Le chef Brian Ford: Pas du tout, ce n'est pas mon interprétation. En fait, d'après les dispositions du projet de loi, c'est tout le contraire. Il s'agit de faire un prélèvement d'échantillons au moment de l'arrestation et c'est par la suite que le prévenu est inculpé. Nous ne portons pas d'accusation à moins de posséder des motifs raisonnables et probables. Dans bien des provinces, cela signifie qu'il faut en discuter avec le procureur de la Couronne. Je ne vois pas comment cela pourrait être considéré comme une partie de pêche.

Il en va de même pour les empreintes digitales. Nous ne prélevons pas d'empreintes digitales tant que le prévenu n'est pas accusé et inculpé. Dans bien des cas, nous n'y procédons qu'après en avoir discuté avec les procureurs de la Couronne avant de porter des accusations. Dans le cas des infractions les plus graves, il y a toujours conférence avec la Couronne. Dans certaines provinces, c'est exigé, en Colombie-Britannique par exemple. En Ontario, ce n'est pas une exigence mais, dans le cas de crimes graves, la plupart des services policiers s'entretiennent avec la Couronne avant de porter des accusations. Nous ne prélevons pas d'empreintes digitales avant...

• 1625

M. John McKay: Dans les dispositions du projet de loi, le prélèvement ne se ferait pas avant qu'il y ait déclaration de culpabilité, mais vous voudriez que ce soit fait au moment de l'arrestation.

Le chef Brian Ford: Non. Au moment de l'arrestation, quand il y a accusation. Au moment où des accusations sont portées.

M. John McKay: Je vois. Au moment de la mise en accusation, on peut supposer qu'en possession de renseignements, vous consulteriez vos ordinateurs et c'est à ce moment-là que les renseignements pourraient être utilisés à d'autres fins, outre cette accusation précisément. Est-ce là que vous voulez en venir?

M. Bryan McConnell: Vous parlez d'infractions antérieures?

M. John McKay: De crimes qui n'ont pas été éclaircis.

M. Bryan McConnell: Oui.

M. John McKay: Ainsi, c'est un cas de conscience, car il s'agit de déterminer si en fait cela constitue un usage approprié d'un échantillon d'ADN, n'est-ce pas?

Le chef Brian Ford: Actuellement, nous procédons ainsi avec les empreintes digitales. Une fois que quelqu'un est arrêté et inculpé, nous prenons ses empreintes digitales, et nous faisons une comparaison avec les données que nous avons sur ordinateur, grâce au système d'identification des empreintes digitales. Par exemple, une personne qui a été arrêtée il y a deux ou trois jours pour vol à l'étalage dans la région d'Ottawa-Carleton s'est révélée être quelqu'un qui était recherché pour deux meurtres en Colombie-Britannique. Nous avons porté des accusations de vol à l'étalage contre elle, pris ses empreintes digitales, et nous les avons vérifiées grâce à notre système automatisé d'identification des empreintes digitales. C'est ainsi que nous avons découvert que cette personne était accusée de meurtre en Colombie-Britannique. Sans cela, parce que cette personne avait des papiers d'identité qui étaient faux, nous n'aurions pas pu l'identifier et constater qu'il s'agissait d'une personne recherchée pour meurtre en Colombie-Britannique.

M. Vincent Westwick: Cette question est très souvent soulevée en comité à propos des protections contre l'abus de force par la police. Il est vrai que la question est controversée mais je ne veux pas relancer le débat. Les tribunaux canadiens, toutes les instances jusqu'à la Cour suprême du Canada, et les tribunaux civils n'ont pas hésité à châtier sévèrement les policiers, au pénal comme au civil, quand il se révélait qu'il y avait eu des excès, des abus de pouvoir. En fait, on l'entend dire de temps à autre, les policiers sont très mécontents de cela.

Toutefois, il ne faudrait pas que les Canadiens aient l'impression que l'exécution de la loi au Canada est incontrôlée. Au contraire, il existe un système de contrôle très rigoureux que l'on n'hésite pas à appliquer. Je pense que les Canadiens devraient s'en sentir grandement rassurés, le Parlement également. La police ne peut pas agir à son gré car il existe bel et bien des systèmes de contrôle.

Le sgt é-m Thomas Grue: Tout à l'heure, M. Westwick a indiqué que l'analyse génétique au moment de l'arrestation présente un autre avantage: elle peut éventuellement exonérer l'accusé. L'analyse est parfois favorable à la personne qui a été accusée d'un crime.

M. John McKay: Une dernière question, sans rapport avec ce qui précède. Il s'agit des échantillons d'origine étrangère, obtenus auprès de sources étrangères. Les normes de collecte et d'analyse des échantillons sont-elles de qualité équivalente dans le monde entier?

Le chef Brian Ford: Il faudrait laisser aux techniciens de laboratoire le soin de répondre à cette question. Je ne suis pas qualifié pour y répondre, et je ne pense pas qu'il ait ici quelqu'un qui puisse le faire.

La présidente: Monsieur Grue, vous avez dit que ce nouveau régime pourrait s'étendre aux entrées par effraction et aux agressions, mais uniquement dans le cas d'une maison d'habitation. Si vous y êtes autorisés, pourquoi ne pas...? Je ne comprends pas très bien. Une personne qui est restée travailler très tard pourrait se faire violer ou agresser par un individu entré par effraction. Y a-t-il...?

Le sgt é-m Thomas Grue: Je ne rejette aucune possibilité. Dans le mémoire, il n'est pas uniquement question des maisons d'habitation. J'ai signalé le problème, parce que c'est dans les maisons d'habitation que se produisent la plupart des crimes de ce genre, c'est-à-dire les agressions et les agressions sexuelles. Mais ce n'est pas limitatif.

La présidente: Savez-vous combien il y a actuellement de crimes non résolus et d'agressions sexuelles dans votre district?

• 1630

Le sgt é-m Thomas Grue: Dans mon district? Je ne sais pas. Il y en a beaucoup. Je peux dire qu'il y en a beaucoup.

La présidente: Savez-vous combien il y en a dans votre district, chef Ford?

Le chef Brian Ford: Il y en a eu trois de l'année dernière. Il faudrait que je consulte mes dossiers, mais je crois que pour les agressions sexuelles, le taux de résolution est de l'ordre de 75 à 80 p. 100. Il reste donc 20 p. 100... J'essaie de réfléchir au nombre d'agressions sexuelles pour l'année dernière. Je pourrais vous le dire. C'est sans doute quelques centaines.

La présidente: Et sans parler de dossiers en particulier, avez-vous des preuves fondées sur l'ADN?

Le chef Brian Ford: Oui, dans certains cas.

La présidente: Combien de ces victimes étaient des femmes?

Le chef Brian Ford: Elles forment la grande majorité des cas d'agression sexuelle, sinon 99,9 p. 100. Dans les cas de meurtre, deux des victimes, je crois, étaient des femmes.

La présidente: C'est intéressant.

Avez-vous d'autres questions, monsieur Ramsay? Allez-y.

Nous progressons bien cette fois-ci, mais tout pourrait se gâter d'une minute à l'autre.

Des voix: Oh, oh!

M. Jack Ramsay: Je voudrais aborder un sujet dont se préoccupent les rédacteurs de lois, et qui pourrait fort bien faire aboutir d'éventuelles contestations sur le terrain de la constitutionnalité. Il s'agit du caractère intrusif.

Nous avons recueilli le témoignage d'un avocat expérimenté dans le domaine des contestations fondées sur la Charte. Tout d'abord, il pense que l'obtention rétroactive d'échantillons d'ADN—dans le cas d'un individu condamné placé en détention ou en libération conditionnelle—pourrait être contestée avec succès, car dans ce cas, l'individu peut s'incriminer lui-même. L'avocat pensait également qu'il pourrait y avoir contestation à cause du caractère intrusif de la procédure, notamment dans le contexte de la jurisprudence de la Cour suprême sur cette question de caractère intrusif et de protection de la vie privée garantie par la Charte.

Voilà ma question, et vous pouvez répondre sur les deux éléments. J'ai toujours considéré—et l'inspecteur Baas y a fait allusion ce matin—que le caractère intrusif est beaucoup plus présent, tant du point de vue physique que de celui de la durée, dans la prise d'empreintes digitales que dans la prise d'un échantillon d'ADN, puisqu'il ne faut que deux secondes pour comprimer un doigt et y prélever une goutte de sang, pour passer un coton-tige dans une bouche ou pour prélever un échantillon de cheveu.

En outre, il semble qu'avec le temps, les prélèvements d'échantillons d'ADN deviendront de moins en moins intrusifs. En Nouvelle-Zélande, par exemple, on dispose désormais d'une technologie qui permet de prélever un échantillon d'ADN par une procédure à peu près semblable à celle des empreintes digitales.

Avez-vous à ce sujet des commentaires qui pourraient être utiles au comité?

Le chef Brian Ford: Je ne pense pas que le prélèvement d'ADN soit plus intrusif qu'une prise d'empreintes digitales, car il faut faire usage de la force pour obtenir les empreintes digitales d'un individu récalcitrant. En vérité, il faut parfois mettre en oeuvre des moyens considérables.

Quant à la possibilité d'une contestation sur le terrain constitutionnel, je suppose que toute loi élaborée par le Parlement et appliquée dans la société peut être contestée sur le plan constitutionnel. Cela vaut, je suppose, pour toutes les lois qui sont adoptées. Et c'est aux tribunaux qu'il appartient d'accueillir ou de rejeter la contestation.

M. Jack Ramsay: D'accord. Et sur la question de la protection de la vie privée?

Le chef Brian Ford: On ne porte pas plus atteinte à la vie privée d'un individu en prélevant un échantillon d'ADN qu'en prenant ses empreintes digitales, comme on le fait actuellement. Il s'agit simplement d'empreintes sous une autre forme. C'est tout. Il s'agit simplement d'empreintes qui nous permettent, d'une part, de déterminer avec plus de précision si l'individu est celui que nous recherchons. Dans le cas de Milgaard et de Morin, il a été très utile de déterminer avec exactitude que ce n'était pas eux qui auraient dû être accusés.

• 1635

Si cette technologie avait existé plus tôt et si les enquêteurs avaient prélevé des échantillons d'ADN au moment de l'accusation pour les comparer aux échantillons prélevés sur le lieu du crime, Milgaard n'aurait pas passé tout ce temps en prison. Il y a donc un avantage de ce point de vue.

L'autre avantage, c'est que des traces infinies laissées par le coupable sur le lieu du crime permettent de le retrouver, alors qu'avec les empreintes digitales, il faut une empreinte lisible de 10 points avant de pouvoir faire une comparaison avec celle d'un suspect.

En ce qui concerne le risque d'erreur avec les empreintes digitales et l'ADN, l'échantillon d'ADN ne comporte apparemment aucun risque d'erreur imputable à cette technologie. Je ne peux pas vous parler de la technologie en question, mais d'après ce que j'ai pu en lire, elle ne permet aucune différence entre les échantillons comparés, par opposition à la technique des empreintes digitales.

La présidente: À moins qu'il y ait eu contamination.

Le chef Brian Ford: Oui, c'est ce que je voulais dire.

M. Jack Ramsay: Vous pensez donc qu'on ne peut contester ce projet de loi en invoquant la Charte?

Le chef Brian Ford: On ne pourra pas davantage le contester que les autres projets de loi adoptés par le Parlement.

M. Jack Ramsay: Qu'est-ce que cela veut dire?

Une voix: Pas grand-chose.

M. Jack Ramsay: Avez-vous obtenu un avis juridique concernant la conformité à la Charte?

Le sgt é-m Thomas Grue: Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, la prise des empreintes digitales a déjà été contestée il y a des années. Les juges ont décidé qu'elle n'était pas contraire à la Constitution. Nous avons une banque d'empreintes digitales. Personne ne l'a contestée. Personne n'a contesté à la police le droit de constituer une banque d'empreintes digitales, et c'est la même chose pour l'ADN.

En ce qui concerne le caractère intrusif, nous faisons déjà des analyses. Par exemple, nous amenons à l'hôpital les conducteurs dont les facultés sont affaiblies et nous leur faisons subir une prise de sang. C'est une procédure beaucoup plus intrusive que la piqûre d'épingle au bout du doigt. Je pense donc qu'on ne pourrait pas s'y opposer en invoquant la Charte, mais comme l'a indiqué le chef, il est possible, aujourd'hui, de contester pratiquement tout en invoquant la Charte; cependant, à notre avis, une contestation portant sur l'ADN n'aboutirait pas.

M. Jack Ramsay: Merci.

La présidente: Monsieur Discepola.

M. Nick Discepola: Je frissonne quand j'entends dire que c'est comme la prise d'empreintes digitales. De tels propos m'inquiètent. Cependant, je ne m'étendrai pas sur le sujet.

Vous dites que vous pouvez prélever des échantillons de sang en plus des empreintes digitales au moment de l'arrestation?

La présidente: À condition d'avoir un mandat.

M. Nick Discepola: Si vous avez demandé un mandat, pourquoi n'est-ce pas suffisant? Pourquoi faut-il faire systématiquement des prélèvements au moment de l'arrestation ou de l'accusation?

Le chef Brian Ford: Nous parlons du moment de l'accusation, car au moment de l'arrestation...

M. Nick Discepola: Pourquoi est-ce que la législation sur les mandats ne vous laisse pas suffisamment de souplesse pour vous permettre de prélever les deux échantillons réputés les plus importants, plutôt que de devoir intervenir dans tous les cas au moment où des accusations sont portées? Pourquoi faut-il aller si loin?

M. Vincent Westwick: Si l'on veut avoir une banque contenant toutes ces données, il faut que son fichier soit aussi vaste que possible.

M. Nick Discepola: Si vous voulez, vous pouvez prendre des prélèvements sur tout le monde à la naissance. Où situez-vous la limite?

M. Vincent Westwick: Ce n'est pas ce que je veux dire. Il y a évidemment une décision à prendre. Ce qui est inquiétant, c'est le niveau de la criminalité violente, le nombre de crimes violents non résolus, les craintes qui en résultent pour la population, et à mon avis, le Parlement a là l'occasion de prendre une mesure préventive, et non pas de donner à la police des pouvoirs exorbitants sur la population.

M. Nick Discepola: Monsieur Westwick, je vous invite à prendre connaissance du témoignage du commissaire à la protection de la vie privée.

M. Vincent Westwick: J'ai déjà été en désaccord avec lui.

M. Nick Discepola: Vous avez déjà été en désaccord avec nous aussi.

M. Vincent Westwick: J'ai du mal à qualifier ce projet de loi d'élargissement considérable des pouvoirs de la police. Il ne s'agit pas d'un élargissement des pouvoirs de la police. À mon avis, dans ce cas, les policiers sont les agents de l'administration de la justice. Ce n'est pas comme si on ajoutait à leur arsenal un nouvel outil d'enquête.

• 1640

Quand on porte des accusations, on exécute une procédure judiciaire; on intervient à l'intérieur du système judiciaire. Ce n'est pas un pouvoir discrétionnaire que les policiers pourraient exercer à loisir. Il s'agit d'une procédure qui fait partie intégrante du système judiciaire et qui est déclenchée par la présentation de renseignements d'ordre criminel.

Je répète simplement que s'il y a des abus et que ces abus sont constatés, ils doivent obligatoirement avoir des conséquences. Personne ici ne saurait prétendre qu'un tel abus de pouvoir puisse rester sans conséquence.

Mais il en va tout à fait différemment lorsque les policiers viennent vous dire qu'ils ont besoin de cet outil d'enquête pour faire leur travail. Nous sommes à l'intérieur du système judiciaire, et une fois qu'une accusation est portée, tout est entre les mains du ministère public, à la discrétion du tribunal.

M. Nick Discepola: Dans notre pays, on reconnaît la présomption d'innocence, et je suis sûr que vous ne voulez pas qu'on y porte atteinte.

Le sgt é-m Thomas Grue: Absolument.

M. Nick Discepola: Vous dites, à mon grand étonnement, que vous voulez conserver les échantillons. D'après ce que je comprends du projet de loi, vous n'y aurez jamais accès. Vous n'obtiendrez que le nom des individus qui figurent au fichier de criminalistique. Vous n'aurez même pas les profils. Pourquoi insistez-vous tant pour que l'on conserve les échantillons?

Le sgt é-m Thomas: Si nous avons dit cela, ce n'est peut-être pas ce que nous voulions dire. Nous ne voulons pas conserver les échantillons. Tous les profils signalétiques et les échantillons seront envoyés à la banque de données.

M. Nick Discepola: Pour autant que je sache, vous n'aurez même pas accès aux échantillons. Il y aura une analyse judiciaire du prélèvement d'ADN, et quand vous ferez votre enquête, on vous dira seulement si on a trouvé l'individu correspondant, en vous indiquant son nom.

Le sgt é-m Thomas Grue: C'est exact.

M. Nick Discepola: Dans ce cas, pourquoi demandez-vous à garder les échantillons?

Le sgt é-m Thomas Grue: Voulez-vous dire dans chaque service de police?

M. Nick Discepola: Oui.

Le sgt é-m Thomas Grue: Non, les échantillons ne seront pas conservés dans chaque service.

M. Nick Discepola: En tout cas, pourquoi demandez-vous que l'on conserve les échantillons? Pourquoi ne pas les détruire une fois que le profil est établi et conservé sur support informatique?

Le sgt é-m Thomas Grue: Si je comprends bien la question, il s'agit de savoir si l'on pourra un jour, grâce à une future technologie, trouver davantage d'informations dans un échantillon qu'on ne pouvait le faire au moment de son prélèvement. Si l'échantillon est versé dans une banque de données, on pourra peut-être le soumettre un jour à des analyses donnant un bon profil d'identification génétique, et qui n'existait pas au moment du prélèvement, ou peut-être pourra-t-on mettre un jour au point une meilleure technologie donnant un profil d'identification génétique complet et de meilleure qualité.

M. Nick Discepola: Est-ce qu'on a prévu de faire témoigner des experts qui nous parleront de la validité de l'échantillonnage et de l'analyse? Oui? Parfait. Je vais leur réserver ma question.

Je vous remercie.

La présidente: Merci, monsieur Discepola.

Monsieur Westwick, vous avez commencé à répondre à la première question de M. Discepola. Elle portait sur le projet de loi C-104, c'est-à-dire sur les dispositions concernant le mandat, qui ont été déposées au cours de la première session de la dernière législature. M. Discepola voulait savoir si ces dispositions s'appliquent et si elles permettent de faire un prélèvement d'ADN au moment de l'arrestation lorsqu'un mandat a été émis.

Le sgt é-m Thomas Grue: Oui, je crois qu'elles s'appliquent. Je n'ai pas de statistiques concernant le nombre de mandats de prélèvement d'ADN, ni le nombre des condamnations qui en ont résulté. Mais n'oubliez pas que l'émission du mandat est assujettie à d'autres exigences. Il faut être fondé de croire que des preuves existent. Ce n'est pas comme des empreintes digitales qui sont prises systématiquement, et que l'on confronte ensuite à celles de la banque de données. Par ailleurs, nous n'avions pas de banque de données lorsque le projet de loi C-104 a été adopté. J'estime qu'il ne sert à rien d'avoir une banque de données si l'on n'a aucun élément pour y faire des recherches.

La présidente: Il y a quand même un argument qu'on peut avancer. Il reste que dans certaines circonstances, vous pouvez obtenir un prélèvement d'ADN à l'arrestation. Les dispositions existent déjà. Désormais, vous pourrez l'effectuer à une étape ultérieure de la procédure et, dans certaines circonstances, vous pourrez le conserver. C'est maintenant une procédure en trois étapes.

Le sgt é-m Thomas Grue: Non, nous ne pouvons pas faire le prélèvement à l'arrestation. Nous ne pouvons le faire qu'avec un mandat du juge.

• 1645

La présidente: C'est bien ce que je vous dis. Vous pouvez faire le prélèvement à l'arrestation si vous avez un mandat. C'est ce qui garantit une certaine protection au suspect. Autrement dit, le juge peut vérifier si vous avez des motifs suffisants pour faire faire une prise de sang. Mais cette possibilité existe.

M. Bryan McConnell: Il faut avoir des motifs raisonnables pour porter une accusation.

Il y a quand même tout un groupe de personnes qui échappent à toute possibilité de détection: ce sont les accusés qui n'ont pu être soumis à aucun prélèvement parce qu'ils ne sont pas encore condamnés. Ensuite, ils peuvent disparaître dans la nature; celui d'Ottawa s'en va à Vancouver et celui de Vancouver vient à Chicoutimi. Ils ne feront pas le voyage de retour, sachant que s'ils reviennent, qu'ils sont condamnés et soumis à un prélèvement, ils seront enfermés pour beaucoup plus longtemps aux frais du contribuable.

La présidente: Si la chance est avec eux, car on va les avoir s'ils vont chercher refuge dans le district de Brian Ford.

M. Bryan McConnell: C'est exact. Je me trouvais à Penticton lorsqu'il y a eu deux meurtres à Summerland, à 10 milles de Penticton.

J'aimerais revenir à la présomption d'innocence dont parlait M. Discepola, parce que la police y porte la plus grande attention et la respecte scrupuleusement. Souvent, cette présomption est justifiée, mais elle ne l'est pas toujours. Si des prélèvements sont effectués au moment de l'accusation et que la présomption d'innocence n'est pas fondée, on va résoudre un crime et la victime ne sera pas doublement pénalisée. C'est pour cela que nous demandons que l'on modifie cet article.

La présidente: Monsieur Forseth.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): On a parlé tout à l'heure de vos recommandations concernant l'extension de la liste et vous avez fait allusion aux entrées par effraction dans les maisons d'habitation par opposition à un commerce. Il semble que vous ayez modifié votre recommandation.

On a toujours fait une distinction entre l'entrée par effraction dans une maison d'habitation et l'entrée par effraction dans un commerce. Tout d'abord, la pénalité maximale est l'emprisonnement à perpétuité pour l'entrée par effraction dans une maison d'habitation, alors qu'elle n'est que de 14 ans de prison dans le cas d'un commerce. Dans l'affaire Feeney, toute l'argumentation tournait autour du fait qu'il s'agissait d'une maison d'habitation. Il n'y aurait pas eu d'affaire Feeney s'il s'était agi d'un magasin de pneus.

On fait donc une distinction précise entre ces deux types d'entrée par effraction et je veux que vous précisiez votre recommandation sur ce point.

Le sgt é-m Thomas Grue: Nous recommandions qu'il n'y ait pas de distinction entre les maisons d'habitation et les locaux commerciaux.

M. Paul Forseth: Vous demandez simplement l'inclusion des entrées par effraction.

Le sgt é-m Thomas Grue: Oui.

La présidente: En cas d'agression ou d'intention d'agresser.

M. Paul Forseth: Par ailleurs, pendant que nous étions en train de débattre de la question, notre présidente a donné un échantillon d'ADN.

La présidente: Et je vais le garder. Vous ne pourrez pas me coincer avec cela.

M. Paul Forseth: J'aimerais connaître l'état actuel du droit concernant le cas d'une personne qui va dans un restaurant, qui prend une serviette ou un mouchoir—notre présidente a un vilain rhume—et qui laisse suffisamment d'ADN dans la serviette, qu'elle pose sur la table avant de s'en aller. Le policier arrive—il est sur une piste—et il affirme avoir vu la personne en question se moucher, et il dit qu'il n'a pas quitté la serviette des yeux.

Quelle est l'état actuel du droit concernant un échantillon obtenu de cette façon dans le cas d'une filature? Quelle règle de droit appliquez-vous et est-ce que le projet de loi constitue une amélioration dans ce domaine?

Le sgt é-m Thomas Grue: La règle de droit est que si l'individu n'est pas en détention au moment du prélèvement, on peut l'utiliser.

Par exemple, le policier qui arrive sur la scène d'un accident et qui trouve du sang dans la voiture ou ailleurs pourra l'utiliser pour faire une analyse génétique. Cependant, si l'individu est en détention et qu'il se mouche, le policier ne pourra pas se servir du mouchoir ni de l'échantillon d'ADN, à moins d'obtenir un mandat du tribunal.

En ce qui concerne le projet de loi, je ne pense pas qu'il apporte d'amélioration à cet égard.

M. Paul Forseth: Donc, si vous êtes sur la piste d'un suspect—et les filatures peuvent parfois durer très longtemps—, vous pouvez, pour savoir s'il s'agit de votre suspect ou non, comparer l'ADN que vous avez prélevé sur le lieu d'un crime avec celui que le suspect laissera sur sa tasse à café, même si vous n'avez pas d'autres informations sur lui?

• 1650

Le sgt é-m Thomas Grue: Oui, à condition que la tasse ne se trouve pas à l'intérieur d'une propriété privée. Le policier ne peut évidemment pas pénétrer dans la propriété pour prendre la tasse, mais si l'individu la laisse dans un endroit public, il pourrait le faire, encore que cela puisse poser toutes sortes de problèmes de preuve si l'échantillon a été prélevé de cette façon.

M. Bryan McConnell: Il me semble que la presse a parlé d'un échantillon de ce genre dans le cas d'un certain Nelvis. À ce propos, c'est d'un mouchoir qu'il était question dans l'affaire Legere au Nouveau-Brunswick, dont on connaît l'issue.

La présidente: Monsieur DeVillers, puis M. Ramsay.

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Merci, madame la présidente.

On a proposé que la banque de données relève non pas du commissaire de la GRC, mais plutôt d'un organisme indépendant. J'aimerais avoir votre avis à ce sujet.

La présidente: D'une société d'État?

Le chef Brian Ford: D'une entreprise privée?

M. Paul DeVillers: D'organismes indépendants dotés de vérificateurs privés.

Le chef Brian Ford: J'ai mon point de vue sur cette formule, mais l'ACCP considère actuellement que dans la mesure où la GRC détient déjà la banque de données des empreintes digitales et qu'elle est également dotée des laboratoires permettant de faire les analyses génétiques dans ce pays, il serait préférable de la lui confier, du moins jusqu'à ce qu'éventuellement, le gouvernement du Canada décide de constituer un service de police national distinct placé sous la responsabilité du solliciteur général, par opposition à la Gendarmerie royale du Canada. Mais je pense que c'est le meilleur à l'heure actuelle.

La présidente: Vous ouvrez là une belle boîte de vers.

M. Nick Discepola: En effet, vous allez à la pêche.

Le chef Brian Ford: Je ne vais pas à la pêche. Je lance simplement une ligne. Je passe la rondelle.

M. Paul DeVillers: Vous n'avez donc pas d'avis? Vous pensez qu'elle devrait...

Le chef Brian Ford: Elle devrait relever de la responsabilité du gouvernement fédéral, et non d'une entreprise privée. Voilà notre avis.

La présidente: Personne n'a proposé l'entreprise privée.

Le chef Brian Ford: Le fait qu'elle soit confiée à la GRC actuellement ne nous pose aucun problème, mais s'il s'agit d'un autre organisme fédéral, c'est tout aussi bien.

M. Paul DeVillers: D'accord.

La présidente: Merci. Monsieur Ramsay.

M. Jack Ramsay: Ma question concerne l'intégrité de la banque. Des témoins nous ont dit craindre qu'elle soit utilisée à mauvais escient, non seulement par les policiers, mais également si des compagnies d'assurance, par exemple, réussissaient illégalement à y accéder.

J'ai déjà fait le commentaire suivant devant le comité. Il est désormais si facile d'obtenir des empreintes génétiques que celui qui veut en avoir peut recourir à tous les exemples proposés par M. Forseth. Un témoin nous a dit qu'on pouvait obtenir un échantillon d'ADN à partir du verre dans lequel une personne a bu.

Les préoccupations concernant l'intégrité de la banque ne sont-elles pas redondantes, du moins dans la mesure où cette banque peut être consultée par des organismes de l'extérieur pour des questions d'assurance, par exemple. La question n'est-elle pas sur le point de devenir superflue? Ceux qui veulent des données génétiques peuvent les obtenir, ils n'ont même pas à consulter la banque de la GRC.

M. Nick Discepola: Les compagnies d'assurance demandent souvent un échantillon de sang avant de consentir une assurance pour certains montants.

M. Jack Ramsay: Oui, mais si je refuse, je ne...

M. Nick Discepola: Vous ne serez pas assuré.

M. Jack Ramsay: Je ne serais pas assuré? Mais c'est contraire à la Charte des droits, et je peux intenter des poursuites.

M. Nick Discepola: Vous pouvez en saisir votre député.

La présidente: Je tiens à vous remercier, messieurs, de cette séance très intéressante. Nous ne nous sommes jamais ennuyés sur ce dossier. Il est tout à fait fascinant. Merci à tous de votre aide.

La séance est levée.