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JURI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 3 décembre 1997

• 1640

[Traduction]

La présidente (Mme Shaughnessy Cohen (Windsor—St. Clair, Lib.)): La séance est ouverte.

Nous étudions aujourd'hui le projet de loi C-18, Loi modifiant la Loi sur les douanes et le Code criminel. Nous accueillons Karen Dwyer, Ronny Moran et Wayne Mercer, du syndicat des Douanes.

Je suis heureuse de vous revoir, monsieur Moran. M. Moran et moi-même sommes allés ensemble à Windsor, en Ontario, pour annoncer ce projet de loi avant les dernières élections.

Je vous prie de présenter nos excuses à vos confrères et consoeurs de Windsor, qui souhaitaient témoigner devant le comité, je le sais, mais le temps nous a manqué. Nous voulions en effet finir notre étude de ce projet de loi pour pouvoir l'adresser au Sénat. Si nous avions attendu pour accueillir d'autres témoins, cela nous aurait amenés dans la nouvelle année. J'ai pensé qu'il était préférable d'achever nos travaux plus rapidement.

Merci d'être venus. Si vous avez une déclaration à faire, je vous donne la parole, après quoi nous vous poserons des questions.

M. Ronny Moran (président national, Canadian Customs Excise Union Douanes et Accise): Merci beaucoup. Je m'appelle Ronny Moran et je suis président national de la CEUDA, le syndicat des Douanes et Accise.

Je suis accompagné de la consoeur Karen Dwyer, première vice-présidente nationale du syndicat, qui travaille à Calgary, et du confrère Wayne Mercer, deuxième vice-président national, qui travaille à Halifax.

[Français]

Membres du comité, au nom de l'organisation que je représente, je tiens à vous remercier d'avoir accepté d'entendre notre témoignage aujourd'hui, nous permettant ainsi de vous faire part des inquiétudes de nos membres par rapport au projet de loi C-18.

[Traduction]

La CEUDA représente quelque 10 000 employés de Revenu Canada, dont 3 500 sont des douaniers en uniforme qui seront touchés par le projet de loi C-18, celui-ci leur attribuant des pouvoirs de détention et d'arrestation relevant du Code criminel.

Je tiens à nouveau à exprimer notre reconnaissance aux membres du comité qui ont accepté de nous entendre sur le projet de loi C-18. Nous sommes heureux de témoigner devant votre comité et nous espérons que notre témoignage vous sera utile. Nous avons remis un exemplaire de notre mémoire au greffier du comité, hier matin. J'espère que vous avez eu la possibilité de le lire et je vais donc simplement en faire ressortir les points essentiels avant de répondre à vos questions.

Tout d'abord, la CEUDA appuie ce projet de loi. De fait, il y a plus de 10 ans qu'elle exerce des pressions auprès du gouvernement pour l'obtenir. Nos membres réclament depuis tout ce temps-là que le gouvernement comble le vide législatif qui existe entre le moment où un inspecteur des douanes constate qu'une infraction au Code criminel a été commise et le moment où un agent de police arrive au port d'entrée pour intervenir. Si vous me permettez de paraphraser madame Bates, de l'organisation Mothers Against Drunk Driving, il est absurde que des conducteurs en état d'ivresse puissent traverser la frontière sans pouvoir être retenus ou arrêtés par les douaniers.

Il y a donc fort longtemps que nous réclamons ce projet de loi. Il y a déjà des décennies que le législateur aurait dû donner aux douaniers le pouvoir de détenir et d'arrêter les conducteurs en état d'ivresse, les personnes qui enlèvent des enfants, les personnes qui possèdent des biens volés et les personnes ayant fait l'objet d'un mandat d'arrestation.

L'une de nos inquiétudes au sujet du projet de loi C-18 vient du fait que les douaniers vont devoir détenir et arrêter des personnes soupçonnées d'avoir commis une infraction au Code criminel mais qu'ils n'ont pas reçu de formation particulière à ce sujet. Or, il est essentiel que tous reçoivent une formation adéquate sur les motifs raisonnables, notamment dans le contexte de la Charte des droits et libertés. Il faut par ailleurs qu'ils reçoivent une formation adéquate pour assurer leur protection personnelle, et une formation sur l'usage de la force pour se protéger et pour appliquer la Loi. Il faut donc que tous les douaniers obtiennent une formation sur tous les aspects du Code criminel dont ils devront assurer l'exécution.

Il n'y a cependant pas que cela. Il faut aussi que les douaniers reçoivent sans retard les outils et le matériel requis. Je veux dire par là qu'ils ont besoin de gilets pare-balles, lesquels devraient leur être remis automatiquement, comme élément standard de leur uniforme. Il faut que Revenu Canada cesse d'obliger les douaniers à demander—voire à mendier—des gilets pare-balles. En outre, les douaniers auront besoin de matraques et de gaz poivré, et ils en auront besoin immédiatement.

• 1645

Il y a déjà plusieurs années que nous exprimons ces besoins devant la direction de Revenu Canada, à l'occasion des réunions de notre comité syndical-patronal sur la santé et la sécurité. Nous espérons maintenant que le ministère comprendra l'urgence de ces problèmes, du fait de l'adoption de ce projet de loi.

La question de savoir si les douaniers devraient être armés ou non vient encore de susciter des controverses. Contrairement à ce que s'est dit en Chambre, le gouvernement ne s'est pas penché récemment sur cette question. La dernière étude à ce sujet remonte au début des années 80.

Notre position est que les arguments avancés par le gouvernement pour refuser d'armer des douaniers sont relativement faibles. Voilà pourquoi nous demandons à votre comité de recommander au gouvernement d'établir immédiatement un groupe de travail pour étudier cette question. Les choses ont beaucoup changé depuis la dernière étude. En outre, lorsque ce projet de loi entrera en vigueur, les douaniers seront appelés à intervenir auprès d'une toute nouvelle clientèle.

Puisque le gouvernement a l'intention de demander aux douaniers de détenir et d'arrêter les personnes soupçonnées d'avoir enfreint le Code criminel, il est crucial qu'il agisse de manière responsable pour préparer adéquatement les inspecteurs des douanes en leur donnant la bonne formation et le bon matériel. Il est crucial de veiller à ce que les douaniers et l'ensemble de la population soient bien protégés.

Sur une question connexe, il est paradoxal de voir le gouvernement adopter ce projet de loi au moment même où il invoque la diversification des modes de prestation des services pour remplacer des douaniers par des caméras. La diversification des modes de prestation des services va directement à l'encontre du rôle que devront jouer les douaniers suite à l'entrée en vigueur du projet de loi.

Avant de conclure, je demande à la présidente du comité d'annexer notre mémoire au procès-verbal de cette séance.

J'invite maintenant les membres du comité à nous poser des questions, auxquelles nous essaierons de répondre le mieux possible.

[Français]

Il me fera plaisir de répondre à vos questions en français.

[Traduction]

La présidente: Nous avez-vous fourni votre mémoire dans les deux langues officielles, monsieur Moran?

M. Ronny Moran: Oui.

La présidente: Très bien. Dans ce cas, nous l'acceptons. Nous l'aurions aussi accepté si nous ne l'avions reçu que dans une seule langue mais nous aurions alors dû le faire traduire avant de l'annexer.

M. Ronny Moran: Je comprends.

La présidente: Nous allons donc l'annexer au procès-verbal de la séance.

M. Ronny Moran: Merci.

La présidente: Monsieur Forseth, avez-vous des questions à poser? Je vous donne sept minutes.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Merci.

Je remercie les témoins de leur présence. Il me semble que vous tenez beaucoup à ce que les douaniers soient armés, ce qui soulève évidemment la question de leur formation professionnelle. Vous avez dit qu'il faut leur donner des matraques, du gaz poivré, des gilets pare-balles, etc.

Considérant la portée du projet de loi dont nous sommes saisis, avez-vous l'assurance que vos membres obtiendront la formation nécessaire pour assumer efficacement leurs nouvelles responsabilités? Je vous demande à répondre à cette question en vous fondant sur votre expérience.

J'ai dit hier au ministre que les douaniers devraient être désignés agents de la paix. En effet, au lieu de leur donner des pouvoirs supplémentaires dans un nombre limité de domaines, je me demande s'il ne vaudrait pas mieux déclarer purement et simplement que tous sont aussi des agents de la paix. À l'heure actuelle, on essaie de limiter leurs nouveaux pouvoirs.

L'argument que j'ai présenté au ministre était le suivant: après plusieurs années d'expérience, nous constaterons certainement qu'il convient d'élargir les pouvoirs des douaniers. Pourquoi donc ne pas le faire immédiatement? J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Ma troisième question concerne le fait que, chaque fois que l'on donne aux employés de nouvelles tâches exigeant une formation supplémentaire, cela se traduit généralement par un changement de classification professionnelle et de salaire. D'après vous, les échelles salariales actuelles sont-elles adéquates pour les nouvelles responsabilités qui seront confiées aux douaniers, et considérant la formation qu'ils devront recevoir?

• 1650

Pouvez-vous répondre à ces questions?

M. Ronny Moran: Merci beaucoup. Je vais d'abord répondre à la deuxième et à la troisième questions, qui me semblent reliées, et je demanderai au premier vice-président de notre syndicat, qui préside aussi notre comité national de santé et de sécurité, de répondre à la première.

Pour ce qui est de la désignation, nous avons constaté que le ministre a déclaré hier devant votre comité que les douaniers ne seraient pas désignés parce que certains sont des étudiants. C'était son explication.

À ce sujet, je dois vous dire qu'il y a 3 500 douaniers en uniforme qui ne sont pas des étudiants. Cela veut dire que quelque 1 000 à 1 500 douaniers qui ne sont pas des étudiants ne seront pas désignés. En outre, les étudiants ne sont pas des douaniers. Cela devrait être parfaitement clair pour tout le monde. Il y en a 3 500, et 1 000 à 1 500 d'entre eux ne seront pas désignés. En ce qui nous concerne, nous parlons des vrais douaniers.

Notre crainte est que le gouvernement essaie de réduire ses coûts, ce qui m'amène à votre troisième question. S'il y avait une reclassification des postes, seulement ceux qui auraient été choisis pour être désignés... Notre position est que tous les CI—les douaniers—devraient être désignés étant donné que la plupart, voire la totalité, travaillent selon un système de roulement dans les divers services des douanes.

C'est d'ailleurs l'une des choses qui ont été soulevées lorsque nous sommes allés à Windsor. Une question avait été posée au ministre—c'était Jane Stewart à ce moment-là—et elle avait répondu qu'il était évident que les étudiants ne seraient pas désignés, mais qu'il y a aussi des gens qui travaillent dans les services postaux, par exemple, qui n'ont évidemment pas besoin du pouvoir d'arrestation. Notre préoccupation est que ces gens travaillent selon un système de roulement qui sera donc beaucoup plus difficile à appliquer si tous inspecteurs ne sont pas tous désignés. De fait, cela risque d'isoler encore plus certains douaniers et de limiter leurs possibilités professionnelles.

En ce qui concerne le problème de classification professionnelle, le seul objectif de notre syndicat est toujours de veiller à ce que ses membres soient correctement classifiés et rémunérés. Nous espérons que le ministère va collaborer avec nous à ce sujet. Il nous a déjà laissé entendre qu'il reverrait les descriptions de tâches, c'est-à-dire l'outil dont on se sert pour classifier les postes.

Je vais demander à ma consoeur de vous répondre au sujet de la formation professionnelle.

Mme Karen Dwyer (première vice-présidente nationale, Canadian Customs Excise Union Douanes et Accise): Merci, Ronny.

En ce qui concerne la formation professionnelle, c'est une question dont nous traitons avec le ministère au sein de notre comité mixte sur la santé et la sécurité. Il existe déjà un programme de formation d'une semaine sur la protection personnelle.

Pour ce qui est de la formation requise du fait de l'adoption de ce projet de loi, il est certain, d'après nous, qu'elle n'aura pas été dispensée à temps. Nous aimerions donc exercer des pressions sur le ministère pour qu'il dispense la formation requise à ceux de nos membres qui seront chargés d'appliquer cette loi au nom de la société canadienne. Il est très important qu'ils aient la formation voulue pour assurer leur protection.

Pour ce qui est des outils de travail—et je sais que vous n'avez pas soulevé cette question—nous aimerions évidemment que le gilet pare-balles fasse automatiquement partie de l'uniforme, ce qui n'est pas le cas actuellement. L'inspecteur des douanes qui veut en obtenir un doit en faire la demande. Le ministère examine alors la demande pour voir si elle est justifiée et il décide ensuite si l'inspecteur obtiendra son gilet pare-balles. Nous estimons que celui-ci devrait faire automatiquement partie de l'uniforme.

Peut-être pourriez-vous répéter vos autres questions sur la formation professionnelle?

M. Paul Forseth: Il s'agissait de désigner les douaniers comme agents de la paix. On dit dans le projet de loi que le douanier est un agent de la paix, mais on limite ensuite les cas où cette désignation s'applique. Au lieu de dire purement et simplement que les douaniers sont d'office des agents de la paix, on cite certains articles du Code criminel auxquels s'applique cette désignation.

• 1655

Comme je l'ai dit au ministre, nous reviendrons probablement sur cette question dans deux ou trois ans et nous constaterons alors que ce système de désignation n'est pas satisfaisant. De ce fait, pourquoi ne pas désigner dès maintenant les douaniers comme des agents de la paix? S'il faut appliquer des limites, il ne faut pas le faire dans la loi mais sur le plan administratif, à l'intérieur même du ministère.

Voilà donc ma réflexion là-dessus. Qu'en pensez-vous?

M. Ronny Moran: Comme nous l'indiquons dans notre mémoire, il y avait un système à deux paliers. Après quatre ou cinq années de pressions exercées par notre syndicat, nous avons pu éliminer le fait que des douaniers supérieurs et des douaniers réguliers puissent se trouver sur les mêmes lieux de travail pour accomplir exactement les mêmes tâches. Notre crainte vient du fait qu'il risque d'y avoir dans un port d'entrée, c'est-à-dire sur le même lieu de travail, des gens désignés et des gens qui ne le sont pas. Or, les désignations influeront sur la classification et, par conséquent, sur la rémunération, ce qui va recréer d'un seul coup le problème que nous venons tout juste de régler. Croyez-moi, lorsque des gens travaillaient côte à côte pour faire exactement la même chose mais sans recevoir le même salaire, cela avait de fâcheuses conséquences sur le moral et sur la productivité.

Notre position est donc claire: tous les douaniers devraient être désignés de façon à avoir les mêmes pouvoirs étant donné qu'ils travaillent par roulement, ce qui veut dire que même les gens qui exécutent aujourd'hui des fonctions commerciales peuvent être appelés à travailler dans les ports d'entrée.

M. Paul Forseth: Monsieur Mercer.

M. Wayne Mercer (deuxième président national, Canadian Customs Excise Union Douanes et Accise): Je comprends votre question. Vous dites que l'on fait un pas en avant aujourd'hui mais que, dans trois ans, on constatera que ces pouvoirs ne sont pas suffisants. Je crois qu'il faut aussi être juste envers les douaniers et envers le ministère, c'est-à-dire qu'il faudrait étudier exactement le genre de pouvoirs qui sont nécessaires. Le projet de loi d'aujourd'hui n'est probablement qu'une première étape et il faudra sans doute faire plus dans quelques années.

Nous avons dû faire des pressions pendant 10 ans pour arriver au point où nous en sommes aujourd'hui, c'est-à-dire pour avoir le pouvoir d'arrêter les gens qui ne devraient pas entrer dans notre pays ou les gens qui ne devraient pas circuler sur nos routes parce qu'ils sont en état d'ébriété ou qu'ils ont pris de la drogue. Cela constitue un premier pas. Il se peut que nous soyons amenés à demander d'autres pouvoirs dans trois ans, mais je ne pense pas que nous puissions dire aujourd'hui que nous devrions avoir tous les pouvoirs tout de suite. Ni le ministère ni le syndicat ne peuvent le dire. De toute façon, nous ne pourrions pas mettre le système en place assez rapidement si l'on nous donnait immédiatement tous les pouvoirs élargis dont vous parlez.

M. Paul Forseth: Merci.

La présidente: Merci, monsieur Forseth.

[Français]

Monsieur Laurin, vous avez sept minutes.

M. René Laurin (Joliette, BQ): J'aimerais tout d'abord clarifier un point, monsieur Moran. Dans son discours, le ministre a laissé entendre que les agents des douanes ne seraient pas armés, tandis que j'ai cru vous entendre dire que vous seriez armés. Quelle est la situation exacte?

M. Ronny Moran: Monsieur Laurin, nous remettons en question les motifs qui sont invoqués pour refuser que les agents soient armés.

M. René Laurin: Ah, bon.

M. Ronny Moran: Nous demandons la mise en place d'un processus qui ferait appel aux gens qui travaillent dans le milieu policier ainsi qu'aux agents des douanes pour aller chercher l'expertise nécessaire pour déterminer cela. Nous ne croyons pas détenir cette expertise, et il semble, du moins jusqu'à preuve du contraire, que le ministère s'appuie sur une étude faite au début des années 1980 pour dire que cela n'est pas nécessaire. On ne prend même pas en considération ce que le nouveau projet de loi apportera et on n'en profite pas pour changer son fusil d'épaule, si je puis me permettre ce jeu de mots.

• 1700

M. René Laurin: Autrement dit, vous êtes en train de me dire que vous ne savez pas encore si vous devriez être armés ou non et que vous souhaiteriez qu'une étude soit faite à ce sujet.

M. Ronny Moran: Tout à fait. On voudrait que le ministère, donc le gouvernement, prenne en considération l'équipement, y compris les armes à feu.

M. René Laurin: On parle de l'usage de la force nécessaire pour arrêter des criminels.

M. Ronny Moran: Oui.

M. René Laurin: Vous faites déjà face à des situations semblables actuellement. Prévoyez-vous vivre une situation très différente de celle que vous vivez actuellement lorsque vous aurez à arrêter des personnes soupçonnées d'être en état d'ébriété ou que vous aurez besoin d'utiliser de la force pour les détenir?

M. Ronny Moran: Tout à fait. Il est bien connu qu'un mélange de rage, d'adrénaline et d'intoxication peut nécessiter la présence de quatre ou cinq personnes pour maîtriser un individu ainsi affecté qui décide de résister. Nous avons tous entendu parler de tels scénarios. Dans le passé, nous ne confrontions pas ces individus; nous les laissions continuer leur route et appelions les autorités, espérant que quelque part à l'intérieur du pays, les autorités policières seraient capables de les intercepter.

M. René Laurin: Il y a une chose qui m'a un peu surpris. Vous dites que vous acceptez le projet de loi, alors que ses dispositions se traduiront par un accroissement de la charge de travail des douaniers. Il me semble qu'ils auront à faire des choses qu'ils ne faisaient pas jusqu'à maintenant. Est-ce qu'on doit comprendre que vous acceptez ces tâches supplémentaires même si vous n'aurez pas d'augmentation de salaire et des conditions de travail plus favorables? Tout ceci serait fait volontairement? C'est un peu surprenant, parce que les syndicats n'ont pas l'habitude d'accepter des tâches supplémentaires sans réclamer des augmentations de salaire en conséquence. J'aimerais que vous m'expliquiez ce qui vous amène à accepter une telle chose.

M. Ronny Moran: Dans notre document, nous demandons au ministère et au gouvernement de s'engager fermement à effectuer une révision de la description de tâches, ce qui aura une incidence sur la classification. Les niveaux de classification sont directement reliés aux descriptions de tâches, et nous voulons que tout ce qui découlera du projet de loi soit reflété dans les descriptions de tâches. Ceci répond à la partie de votre question qui portait sur la rémunération. Donc, on demande que les gens soient payés pour le travail qu'ils font, ce dont fait état notre document.

En ce qui a trait à l'affectation des ressources nécessaires, nous mettons sérieusement en question ce fait et sommes d'avis que nos gens travaillent déjà avec un minimum de ressources. Ils auront effectivement une charge de travail supplémentaire, ce qui comprendra un plus grand nombre de comparutions devant les tribunaux en tant que témoins. C'est pourquoi, comme nous le mentionnons très clairement dans notre document, nous voulons que l'affectation de ressources soit aussi révisée à la suite de l'adoption du projet de loi. Nous n'acceptons pas volontairement cette surcharge de travail.

M. René Laurin: D'accord. Croyez-vous que la bonne exécution de ces fonctions exigera une augmentation du nombre d'employés?

M. Ronny Moran: Tout à fait. Quand je parle d'affectation de ressources, c'est de cela que je parle.

M. René Laurin: Est-ce que vous avez chiffré cela?

M. Ronny Moran: Non, nous demandons au ministère de s'asseoir avec nous et de le faire.

M. René Laurin: D'accord. J'imagine que lorsque vous vous occupez d'un bonhomme en état d'ébriété, vous n'avez pas le temps de faire autre chose. Puisque de telles gens ne comprennent pas toujours rapidement, les files d'attente risquent de s'allonger aux douanes, ce qui créera de sérieux problèmes. Je crois que le ministre n'a pas tout à fait raison lorsqu'il dit qu'il n'y aura pas une augmentation de coûts énorme.

M. Ronny Moran: Oui, tout à fait. Nous avons soulevé ce fait dans notre mémoire, mais peut-être n'avons-nous pas été assez clairs. Nous mettons sérieusement en question l'affirmation voulant qu'il n'y ait pas beaucoup de coûts rattachés à cela. Lorsqu'un de nos agents suit des cours de formation, on doit le retirer de son poste et demander à un remplaçant de faire des heures supplémentaires, puisqu'un nombre minimum de gens est nécessaire pour offrir les services à un port d'entrée.

• 1705

M. René Laurin: Le ministre avance un chiffre d'environ 5,5 millions pour installer les équipements nécessaires. Est-ce que cette somme vous paraît réaliste?

M. Ronny Moran: Pas du tout. Je crois que c'est beaucoup trop bas.

M. René Laurin: Qu'est-ce que ça pourrait être, selon vous?

M. Ronny Moran: Comme je vous le disais, il me serait difficile de vous donner des chiffres aujourd'hui. Cette somme de 5 millions de dollars est toutefois extrêmement basse. Nous en avons discuté entre nous et, comme je le précisais, c'est ce que pourrait coûter la mise en oeuvre d'un programme de formation.

M. René Laurin: Il y a un autre élément sur lequel j'aimerais revenir. Vous dites qu'il y a environ 3 500 agents de douanes et le ministre nous a dit que de 2 000 à 2 500 d'entre eux seraient désignés; c'est donc dire qu'il en reste 1 000 si on soustrait le nombre d'étudiants. Je ne pense pas que le projet de loi prévoie la façon dont se fera le choix des personnes désignées. Souhaitez-vous que la loi le prévoie ou bien que la désignation soit établie par voie de convention collective? Ou est-ce que vos conventions prévoient déjà ce processus qui pourrait être mis en vigueur?

M. Ronny Moran: Lorsque nous avons soulevé cette question, on nous a expliqué que ce serait le sous-ministre qui ferait les désignations. On retrouverait cette désignation au dossier de chaque employé à qui l'on accorderait ces pouvoirs. Ces employés seraient uniquement ceux qui travaillent aux ports d'entrée. Il y a une certaine logique à cela, comme je vous le disais plus tôt, puisque certains de nos employés qui sont affectés à des opérations postales n'ont pas besoin de pouvoirs d'arrestation. Cependant, ces employés peuvent être appelés à travailler par roulement. Il serait avantageux pour le ministère de développer tous les aspects des fonctions de leurs agents, ne serait-ce que pour maintenir leurs connaissances dans tous les domaines, y compris les systèmes automatisés, puisque le travail change de semaine en semaine.

M. René Laurin: Vous souhaitez que la formation soit donnée à tous vos agents, mais puisqu'ils ne seront pas tous appelés à remplir ces fonctions immédiatement, est-ce qu'il n'y aurait pas danger que la formation reçue à un moment donné soit oubliée si ces fonctions ne doivent être exercées qu'un an ou deux plus tard?

M. Ronny Moran: Monsieur Laurin, je ne mets pas en doute l'intelligence des gens. Je sais qu'au départ, ils donneront la formation là où elle s'avérera le plus nécessaire et qu'ils la dispenseront ensuite aux endroits où elle est jugée moins nécessaire. À tout le moins, tous les gens qui travaillent aux ports d'entrée et qui, dès le jour 1, pourront être appelés à procéder à des arrestations devront recevoir la formation. Le contraire est impensable.

M. René Laurin: Vous accepteriez donc que la formation ne soit pas donnée immédiatement à tout le monde?

M. Ronny Moran: Pas à tout le monde, mais sûrement à tous ceux qui travaillent à un port d'entrée.

M. René Laurin: Ceux qui pourraient être appelés à travailler par roulement pourraient recevoir leur formation plus tard, au moment de leur affectation.

M. Ronny Moran: Tout à fait, mais on ne doit pas s'attendre à ce qu'ils procèdent à des arrestations tant et aussi longtemps qu'ils n'auront pas reçu leur formation.

M. René Laurin: Je vous remercie.

La présidente: Monsieur Mancini.

M. Peter Mancini (Sydney—Victoria, NPD): Merci, madame et messieurs, pour votre présentation et votre documentation.

[Traduction]

C'est tout ce que je pourrais dire en français ce soir.

Des voix: Oh!

M. Peter Mancini: Je devrais pouvoir accumuler mon temps parce que je n'ai pas posé beaucoup de questions.

La présidente: C'est fini.

Des voix: Oh!

M. Peter Mancini: Pour revenir sur les questions de mon collègue, je voudrais vous demander s'il y a actuellement certains douaniers qui sont là depuis 20 ou 25 ans et qui n'apprécient pas qu'on leur demande d'un seul coup d'assumer de nouvelles responsabilités? Y a-t-il des réactions à ce sujet parmi vos membres? Y a-t-il des douaniers qui préféreraient ne pas exercer ces nouvelles fonctions?

M. Ronny Moran: Quand j'étais petit, ma mère me disait toujours que je devais faire attention quand je demandais quelque chose parce que je risquais de l'avoir. C'est un peu la même chose ici.

Je dis toujours qu'on ne peut pas faire d'omelettes sans casser des oeufs, et sachez bien que nous sommes conscients que certains de nos membres ne tiennent pas particulièrement à s'occuper, par exemple, de conducteurs en état d'ivresse. Certains sont proches de la retraite.

Je dois cependant reconnaître que le ministère nous a déjà dit qu'il ferait tout son possible pour essayer de transférer ces personnes ailleurs que dans des ports d'entrée. Il y a d'autres services douaniers et d'autres tâches que peuvent exécuter les inspecteurs sans devoir traiter avec les voyageurs.

• 1710

M. Peter Mancini: L'autre question que je voudrais vous poser, tout comme je l'ai posée au ministre, concerne le paragraphe 63.5(3), qui porte sur la détention d'individus par les agents de douane.

Je constate dans votre mémoire que, lorsque vous parlez de la détention de suspects, vous citez un membre du bureau du ministre. Vous dites que votre argument est que les douaniers ne pourraient pas du tout assurer la détention des contrevenants. En ce qui concerne le fait qu'un inspecteur des douanes puisse détenir un suspect en effectuant une fouille reliée aux douanes, vous ajoutez que cela risque de poser de sérieux problèmes devant les tribunaux. Cette remarque est-elle fondée sur une opinion juridique solide?

M. Ronny Moran: La réalité est que nous n'avons actuellement aucun pouvoir de détention des gens à la frontière. Lorsque nous le faisons, actuellement, par exemple parce que ce sont des gens en état d'ivresse, nous outrepassons les pouvoirs qui nous sont conférés par la Loi sur les douanes. En effet, nous ne sommes censés détenir les gens que lorsque nous les soupçonnons de faire de la contrebande ou de porter atteinte à la loi actuelle.

Il y a certains de nos membres qui m'ont dit que, même si cela ne leur plaît pas, lorsqu'ils voient quelqu'un arriver à la frontière en état d'ivresse évident et qu'il y a des enfants dans la voiture, par exemple, la solution est de prétendre que la personne fait de la contrebande. Ainsi, la personne est envoyée à l'inspection secondaire mais, avant d'y arriver, on a prévenu les autorités et elles peuvent venir intercepter la personne au port d'entrée. Cela constitue cependant un abus de pouvoir évident.

M. Peter Mancini: C'est la situation à l'heure actuelle mais ma question était de savoir si vous avez des réserves au sujet de ce paragraphe qui vous autorisera à détenir des gens jusqu'à ce qu'ils puissent être confiés à un agent de la paix.

Le ministre m'a donné une réponse qui m'a donné satisfaction mais je voudrais voir si vous avez une autre position. Ma préoccupation vient du fait qu'aucune limite de temps n'est prévue. On dit en effet à l'inspecteur des douanes qu'il va pouvoir détenir les gens jusqu'à ce qu'il puisse contacter quelqu'un d'autre. Les douaniers ont-ils des préoccupations quelconques au sujet du temps qu'ils devront peut-être attendre pour que des agents de police arrivent sur place?

M. Ronny Moran: Nous disons dans notre mémoire que la plupart des postes de douane sont équipés comme il faut pour détenir des individus. Nous espérons que le ministère procédera à un nouvel examen de toutes ses installations pour s'assurer qu'elles sont vraiment bien équipées. Il arrivera en effet que les services de police soient débordés. Si tel est le cas, ce qui veut dire que l'on ne pourra pas avoir d'agent de police avant plusieurs heures, il faudra que nous ayons les installations nécessaires pour détenir les gens.

Pour répondre à votre question, notre seule crainte est de ne pas avoir les bonnes installations pour détenir les gens.

Karen voudrait ajouter quelque chose.

Mme Karen Dwyer: En lisant le compte rendu des débats de la Chambre des communes, j'ai constaté que le ministre disait qu'il s'attendait à une certaine coopération de la GRC ou des services de police locaux. Notre position est que le ministère doit absolument faire le nécessaire pour obtenir cette coopération. Sinon, nous aurons certainement des problèmes. Il est donc crucial que le ministère mette l'accent sur la consultation des autres services de police.

M. Peter Mancini: Vous ajoutez d'ailleurs que cette coopération ne s'est pas nécessairement manifestée jusqu'à présent. Y a-t-il des raisons particulières à cela? Je crois que c'est ce que vous dites dans votre mémoire.

Mme Karen Dwyer: Si vous examinez une carte du pays, vous verrez que les points d'entrée sont parfois très éloignés des postes de la GRC ou des services de police locaux. Il faut parfois à la police plusieurs heures pour se rendre au point d'entrée. De ce fait, nous estimons qu'il est essentiel que le ministère fasse le point avec les autres services de police pour assurer cette coopération.

M. Peter Mancini: Très bien, je n'ai pas d'autres questions. Merci beaucoup.

• 1715

La présidente: Monsieur Muise, vous avez sept minutes.

M. Mark Muise (West Nova, PC): Merci, madame la présidente. Je veux commencer en remerciant nos invités.

Ma première question est la suivante: y a-t-il des amendements que vous voudriez obtenir avant que ce projet de loi ne soit adopté?

M. Ronny Moran: Pour le moment, non. Le projet de loi correspond à ce que nous réclamons depuis un certain temps et il nous donne satisfaction.

M. Mark Muise: Il semble que le ministre du Revenu national détiendra grâce au projet de loi de très vastes pouvoirs de désignation des agents autorisés à faire des arrestations. Y a-t-il un contrepoids quelconque à cette délégation de pouvoirs apparemment illimitée au ministre? Avez-vous réfléchi à cela?

M. Ronny Moran: Je ne suis pas sûr de bien comprendre votre question. Voulez-vous savoir si le fait que le ministre détienne ces pouvoirs me pose un problème?

M. Mark Muise: Oui.

M. Ronny Moran: Notre problème est que, selon nous, tous les CI devraient être désignés agents de la paix, pour les raisons que nous avons déjà indiquées. Si l'on décidait unilatéralement que tous les douaniers devraient être ainsi désignés, il ne serait plus nécessaire de donner ce pouvoir au ministre ou à son représentant.

M. Mark Muise: En ce qui concerne l'article 77, l'une de mes craintes est que les ressources dont disposent les agents de douane soient beaucoup trop dispersées. Cela a été évoqué. Pensez-vous que ce soit une préoccupation sérieuse?

M. Ronny Moran: Oui.

M. Wayne Mercer: C'est une préoccupation sérieuse, monsieur Muise. Parlons une seconde de West Nova, qui n'a qu'un seul port douanier, à Yarmouth, en Nouvelle-Écosse.

M. Mark Muise: Oui.

M. Wayne Mercer: Il s'agit là d'une des côtes les plus longues de tout le Canada. Shelburne est un bon port en eau profonde. Personne ne peut empêcher qui que ce soit d'y aller. Nous n'avons plus d'inspecteur des douanes à Sherburne, ni à Liverpool ou à Chester. Chester est un port très visible qui accueille beaucoup de trafic. Voilà ce qui nous inquiète—ce sont les secteurs où l'on a fermé les bureaux de douane.

Au Cap-Breton ou à Port Hawkesbury, il ne reste plus qu'un seul inspecteur des douanes à temps partiel. À Sydney, en Nouvelle-Écosse, il y a trois inspecteurs, tous les autres se trouvant à Halifax. Voilà ce qui nous préoccupe.

M. Mark Muise: J'ai posé une question à ce sujet au ministre, hier, mais cela ne semblait pas trop l'inquiéter. Il a répondu quelque chose qui semblait vouloir dire que les agents de douane continueront de faire ce qu'ils font maintenant, mais avec des pouvoirs accrus, ce qui me donne l'impression qu'ils vont travailler plus. Est-ce que je me trompe?

M. Wayne Mercer: S'ils ont plus de pouvoirs, ils auront aussi plus de travail. Cela veut dire que nos agents assumeront d'autres tâches. Comme l'a expliqué M. Laurin, s'ils sont occupés par ces autres tâches, cela augmentera la charge de travail des autres. Or, si nous n'obtenons pas d'autres inspecteurs, cela provoquera des retards dans le dédouanement des gens qui veulent entrer dans notre pays.

Cela nous préoccupe aussi.

M. Mark Muise: Je songe à autre chose. Il est bien beau d'être protégé mais, si vous vous trouvez dans une situation où vous devez faire usage de la force, ou s'il y a quelque chose de ce genre... J'aimerais revenir sur la question des armes à feu. Je dois vous dire que j'ai été très choqué, il y a quelques années, à West Nova, lorsque j'ai croisé un agent des pêcheries qui se promenait dans la rue avec un énorme revolver à la ceinture. Je croyais qu'il partait faire quelque chose de spécial mais il m'a expliqué qu'il portait toujours cette arme.

Dans la grande majorité des cas, ces gens n'ont pas besoin d'une telle arme. Par contre, quand vous êtes confrontés aux éléments criminels qui essaient de traverser la frontière, qui font de la contrebande ou qui veulent faire entrer de la drogue, vous risquez de devoir vous défendre. Je ne recommande pas l'utilisation des armes à feu mais je voudrais savoir ce que vous en pensez.

• 1720

M. Ronny Moran: Dans ses déclarations d'hier devant le comité, le ministre a dit que la solution de bon sens, pour les douaniers confrontés à des situations potentiellement dangereuses, serait de prendre du recul et d'appeler la police. Si tel est le cas, cela va complètement à l'encontre de l'objectif visé par ce projet de loi. En outre, ceux d'entre nous qui exercent ce métier savent fort bien que c'est une option qui nous est rarement offerte. En fait, la vraie solution de bon sens consisterait à donner à nos agents la formation nécessaire pour qu'ils puissent s'acquitter de leurs nouvelles tâches en toute sécurité.

Ce que je peux vous dire, c'est que nous demandons au ministère d'étudier la question. Je connais des cas, par exemple, où nos agents surveillent des livraisons de marchandises qu'ils savent contenir de l'héroïne ou de la cocaïne. Pendant leur surveillance, ils espèrent que quelqu'un va s'en rendre compte. Ils font ce travail en collaborant avec les services de police mais ce sont les seuls, dans ces opérations, qui ne sont pas armés. Sur le terrain, on dit qu'ils sont un poids mort. Cela veut dire que, s'il y a un échange de coups de feu, les gens qui sont armés doivent assurer non seulement leur propre sécurité mais aussi celle de ceux qui ne le sont pas. De ce fait, les agents de douane ne peuvent pas jouer un rôle aussi actif qu'ils le voudraient et, à mon avis, cela les met sérieusement en danger.

M. Mark Muise: En fait, vous venez de répondre à la question que j'ai posée hier au ministre. Je ne veux pas dire que les agents de douane devraient d'office être armés mais j'ai tendance à dire, comme vous, qu'il devrait y avoir...

M. Ronny Moran: Il y a certaines situations où...

M. Mark Muise: D'accord. Considérant ces pouvoirs supplémentaires, nous devons veiller à ce que les agents aient les outils nécessaires pour se protéger et pour protéger le public.

M. Ronny Moran: Je suis d'accord avec vous.

Mme Karen Dwyer: C'est ce que nous recommandons dans notre mémoire. On a fait une étude à ce sujet au début des années 80 mais les choses ont beaucoup changé depuis, et l'élargissement des pouvoirs des inspecteurs constituera pour eux un nouveau changement. Voilà pourquoi nous disons dans notre mémoire que le gouvernement du Canada devrait faire preuve de responsabilité et, lorsque ces pouvoirs auront été conférés aux douaniers, entreprendre une autre étude sur l'usage approprié des armes à feu par les douaniers ou sur la nécessité de les armer.

Du point de vue syndical, notre objectif est de veiller à ce que les douaniers soient protégés, qu'ils travaillent en toute sécurité et que personne ne soit exposé à des risques indus. Lorsque le ministre dit que la solution de bon sens consiste à prendre du recul, nous savons fort bien que ce n'est pas toujours possible. Il peut arriver que l'inspecteur des douanes ne puisse absolument pas se retirer de la situation, et c'est pourquoi notre position est que la solution de bon sens consiste à analyser les risques et à voir s'il ne serait pas nécessaire d'armer les douaniers.

La présidente: Merci, monsieur Muise.

M. Maloney, d'une circonscription frontalière.

M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.): Combien de vos membres se trouvent dans les postes que vous avez appelés des services postaux?

M. Ronny Moran: Un petit nombre. Je crois que leur nombre est plus petit que celui des gens que le ministère a l'intention de ne pas désigner. C'est le ministère qui pourrait vous donner le chiffre exact. Pour ma part, je ne pourrais vous donner qu'une estimation assez vague. Je crois cependant que le nombre est sensiblement inférieur à celui des gens que le ministère a l'intention de ne pas désigner.

M. John Maloney: Comme vous travaillez par roulement, pouvez-vous me dire si l'agent qui est affecté à un service postal s'y trouve pendant un an, un mois ou une semaine?

M. Wayne Mercer: Je travaille à Halifax, en Nouvelle-Écosse, dans le cadre d'un système de roulement. Nous avons une équipe d'examen des conteneurs, une division maritime, une division à l'aéroport de Halifax et une division commerciale. Selon les qualifications, les circonstances et les besoins, le roulement peut aller de six à 18 mois. Nous avons aussi des équipes d'intervention flexibles qui peuvent aller prêter assistance selon les besoins, et elles font partie du système de roulement.

Chaque inspecteur doit être capable d'exercer la gamme complète des fonctions. Cela veut dire qu'il doit pouvoir monter à bord d'un cargo et en descendre, se présenter le lendemain matin à l'Aéroport international de Halifax pour dédouaner un avion, travailler au bureau pour traiter des documents commerciaux—travail qui est effectué par des agents en uniforme—et procéder à l'examen d'un conteneur. Lorsqu'il faut chercher de la contrebande dans un conteneur qui a été repéré par une équipe spéciale de renseignement et d'interception, il faut faire un travail d'équipe qui est très spécialisé. Les inspecteurs travaillent parfois dans un milieu fermé qui est très sécuritaire, loin du public, mais leur roulement les oblige aussi à travailler ailleurs pendant des périodes pouvant aller de six à 18 mois.

• 1725

M. John Maloney: À votre avis, est-ce que toutes ces fonctions exigent le port d'un gilet pare-balles?

M. Wayne Mercer: Tout dépend de l'environnement. J'ose croire que notre environnement est beaucoup plus sécuritaire que celui d'un grand centre comme Windsor, en Ontario, ville qui se trouve à proximité de Detroit et qui voit passer beaucoup plus de trafic, avec beaucoup plus d'éléments indésirables.

La présidente: Ville au demeurant fort agréable.

M. Ronny Moran: J'en conviens.

M. Wayne Mercer: Je suis allé à Windsor. J'ai passé trois jours au bureau de douane et ça m'a beaucoup plu.

La présidente: C'est beaucoup plus agréable que Fort Erie, n'est-ce pas?

M. Wayne Mercer: Nous parlions d'équipement standard et d'uniformes. Si vous vous promenez dans la rue, à Ottawa, vous verrez que chaque agent de police porte un gilet pare-balles. Un jour, alors que je faisais réparer un téléphone cellulaire, j'ai vu arriver un agent de police qui voulait faire réparer sa radio et je lui ai demandé pourquoi il portait un gilet pare-balles. Il m'a dit que c'était obligatoire pour l'assurance. S'il ne le portait pas, il n'était pas assuré.

Nos inspecteurs, qu'ils se trouvent à Vancouver, à Windsor, à Fort Erie, à Niagara Falls, à Lacolle ou à Stanstead, travaillent également dans ce type d'environnement et pourraient avoir ce genre de protection. Ils ne devraient pas être obligés de se justifier chaque fois. Cela devrait faire partie de leur équipement normal, tout comme les chaussures de sécurité qui sont fournies aux gens qui sont chargés d'inspecter les conteneurs.

M. John Maloney: Le ministère vous a-t-il communiqué les critères utilisés pour donner ou non un gilet pare-balles?

M. Wayne Mercer: Il s'agit de la santé et de la sécurité.

Mme Karen Dwyer: À l'heure actuelle, si l'agent se sent en danger, il peut demander un gilet pare-balles. Après avoir examiné la demande, le ministère décidera de lui en donner un ou non. Il faut cependant comprendre qu'un gilet pare-balles n'est pas quelque chose que l'on demande aujourd'hui pour demain, même si le ministère est prêt à le donner demain. Un gilet pare-balles doit être porté pendant un certain temps pour pouvoir s'adapter au corps du porteur. Il doit être spécialement conçu pour la personne. Cela répond-il à votre question?

M. John Maloney: Oui—et si mon corps change pendant ce temps-là, je serais en difficulté.

Pour ce qui est des armes à feu, croyez-vous que certaines personnes désignées devraient recevoir l'équipement adéquat, pouvant aller jusqu'à des armes à feu? Qui seraient ces personnes désignées? Comment seraient-elles choisies?

Mme Karen Dwyer: Comme nous ne cessons de le répéter, nous pensons que tous les douaniers devraient être désignés. Le ministère dit que seulement certains seront désignés mais Wayne vient de vous expliquer que tous les inspecteurs font partie du système de roulement. De ce fait, même s'ils n'ont pas à travailler auprès du public aujourd'hui, ils peuvent être appelés à le faire demain. Voilà pourquoi nous pensons que tous devraient obtenir la formation et l'équipement requis, et que tous devraient être désignés.

M. John Maloney: Dans la police, les recrues doivent toutes passer par une période de formation pendant laquelle on vérifie si elles ont le bon psychisme, si je puis utiliser ce terme, c'est-à-dire la bonne personnalité pour pouvoir porter une arme. Si la réponse est négative, on peut ne pas les accepter dans la police.

Vous nous demandez de donner une arme à feu à tous les inspecteurs. Qu'allons-nous faire de ceux qui n'ont peut-être pas le bon psychisme? Qu'allez-vous faire aussi de ceux qui ne veulent peut-être pas porter une arme?

• 1730

M. Ronny Moran: C'est une question que nous avons examinée attentivement. C'est un autre exemple de la prudence dont il faut faire preuve quand on demande quelque chose. Nous comprenons bien que, si l'on décidait que les douaniers doivent être armés, certains ne seraient pas autorisés à l'être, pour certaines des raisons que vous venez d'expliquer.

Cela dit, comprenez bien que nous ne réclamons absolument pas que tout le monde soit armé. Nous demandons simplement que l'on fasse une étude approfondie de la question pour savoir qui devrait l'être. Nous ne prétendons pas avoir toute l'expertise voulue pour pouvoir recommander que telle ou telle personne soit armée, tout comme nous affirmons que le gouvernement n'a pas non plus l'expertise requise pour ce faire. Notre préoccupation vient du fait que la raison pour laquelle on ne donne pas d'armes aux douaniers est reliée à un sentiment général, à une question de coût et à une question d'image.

M. John Maloney: Avez-vous des préoccupations quelconques au sujet de votre image? Pensez-vous que les douaniers ont une meilleure image en ce moment, alors qu'ils ne sont pas armés?

M. Ronny Moran: La plupart des gens pensent que nous le sommes.

M. John Maloney: Dans ce cas, pourquoi...

M. Ronny Moran: Je ne pense pas que ce soit un facteur pertinent.

M. John Maloney: Voici ma dernière question. Combien y a-t-il de ports avec une seule personne dans le pays?

M. Ronny Moran: Il y en a beaucoup trop.

Savez-vous combien il y en a dans les Prairies?

Mme Karen Dwyer: De mémoire, je dirais qu'il y en a une cinquantaine ou une soixantaine. Pour l'ensemble du pays, il y en a probablement près de 300 mais je ne connais pas le chiffre exact.

M. John Maloney: Vous avez 300 ports à une seule personne?

Mme Karen Dwyer: Oh, à une seule personne? Veuillez m'excuser, je croyais que vous parliez du nombre total de points d'entrée.

M. Ronny Moran: D'après vous, il y a combien de ports à une seule personne? Il nous est difficile de le dire car certains d'entre eux ont deux personnes qui travaillent à des heures différentes. Cela dit, la plupart des ports éloignés n'ont qu'une seule personne.

M. Wayne Mercer: Ce n'est d'ailleurs pas le seul problème à envisager dans ce contexte. On envoie souvent des douaniers opérer seuls dans des endroits où il n'y a pas de bureau permanent. Il faut tenir compte de cela. Par exemple, un agent peut être envoyé à Sheet Harbour, en Nouvelle-Écosse, pour dédouaner un navire de bois d'oeuvre. Il ne faut donc pas tenir compte seulement des ports à une seule personne, il faut envisager aussi les cas où les inspecteurs travaillent seuls.

M. John Maloney: Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci.

Monsieur Muise, je vous donne le dernier mot.

M. Mark Muise: Merci beaucoup, madame la présidente.

La présidente: C'est un grand honneur que je vous fais.

M. Mark Muise: Sachez bien que j'y suis très sensible.

Vous avez parlé de formation professionnelle. Si le projet de loi était adopté demain, vos membres auraient-ils déjà obtenu la formation requise?

Un témoin: Non.

M. Mark Muise: Je connaissais la réponse à cette question mais je voulais savoir si le ministère a pris des mesures pour que vous puissiez obtenir la formation nécessaire avant l'entrée en vigueur de la loi. Cela me paraît indispensable pour que vous puissiez effectuer correctement votre travail, en toute sécurité.

M. Ronny Moran: Notre syndicat a clairement indiqué qu'il s'opposait vigoureusement à ce que ses membres commencent à exercer ces nouvelles fonctions sans avoir reçu de formation adéquate. J'ai la ferme conviction que le ministère partage notre opinion.

Je dois dire que le syndicat et le ministère ont élaboré ensemble un programme de protection personnelle. Nous en sommes satisfaits mais notre préoccupation vient du fait que la mise en oeuvre de ce programme est beaucoup trop lente. À l'heure actuelle, la mise en oeuvre n'est pas acceptable. Voilà pourquoi nous disons que nous nous opposerons vigoureusement à ce que nos membres assument ces nouvelles tâches s'ils n'ont pas reçu la formation.

M. Mark Muise: C'est comme demander un gilet pare-balles au moment où vous êtes en danger, alors qu'il faut peut-être quatre semaines pour l'obtenir.

M. Ronny Moran: Entre-temps, le danger est là et ce n'est pas acceptable.

M. Mark Muise: Merci.

La présidente: Merci, monsieur Muise.

Merci beaucoup d'être venus témoigner devant le comité. Nous vous remercions beaucoup et nous tiendrons sérieusement compte de vos remarques.

M. Ronny Moran: Merci beaucoup, madame la présidente.

La présidente: La séance est levée.