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JURI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 27 mai 1999

• 0925

[Traduction]

Le vice-président (M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Réf.)): Il semble que nous soyons en nombre suffisant. Le président s'en vient, mais autant commencer tout de suite. Nous avons beaucoup de témoins ce matin.

Nous examinons le projet de loi C-440, une loi modifiant le Code criminel et se rapportant à la fuite. Nous recevons des témoins aujourd'hui. Je leur souhaite la bienvenue et je les remercie d'être venus.

Avez-vous fixé un ordre de présentation? Le cas échéant, nous pouvons commencer. Vous avez chacun dix minutes.

M. Bruce Brown (conseiller juridique, Comité de modification des lois, Association canadienne des chefs de police): Merci. Je suis accompagné par l'inspecteur Michael Shard, de la Police provinciale de l'Ontario. Je suis le directeur des normes professionnelles pour le service de police de London. L'inspecteur Shard et moi-même sommes ici au nom du Comité de modification des lois de l'Association canadienne des chefs de police. Nous sommes tous deux des conseillers juridiques de ce comité.

D'emblée, nous tenons à dire que l'Association canadienne des chefs de police appuie le projet de loi C-440. Ce projet de loi tombe bien, puisque la question des poursuites policières et celle du risque qu'elles représentent tant pour les policiers que pour le public fait l'objet de vives discussions publiques.

En 1996, à l'assemblée générale de notre association, nous avons adopté la résolution no 9. On y exhortait le gouvernement fédéral à adopter une loi créant une infraction distincte pour les conducteurs de véhicules volés qui ont été pourchassés par la police. Une fois condamnés, ils recevraient une peine d'emprisonnement minimale obligatoire en plus de toute peine imposée pour les autres infractions.

Le ministre de la Justice Allan Rock avait rejeté la résolution no 9 parce qu'on y demandait une peine minimale obligatoire. À l'époque, on n'a toutefois pas traité de la question plus substantielle de la nécessité d'une infraction distincte pour les conducteurs de véhicules volés pourchassés par la police. Nous sommes donc ravis du dépôt du projet de loi C-440, qui répond aux principales préoccupations soulevées par notre association en 1996 dans sa résolution no 9: principalement, le risque que représente le fait de ne pas s'arrêter à la demande d'un policier, causant ainsi une poursuite. Des policiers et des civils innocents ont été blessés ou tués à cause de conducteurs qui ne se sont pas arrêtés ou ont refusé de le faire.

En février dernier, par exemple, la police de Thunder Bay pourchassait le conducteur d'un véhicule loisir travail qui avait été volé. Ce véhicule est entré en collision frontale avec un véhicule conduit par une jeune mère; cette dame est décédée instantanément. Le conducteur du véhicule volé a plaidé coupable à des accusations de négligence criminelle causant la mort et à diverses autres infractions dans le contexte de ce tragique incident.

Dans la ville de London, ma communauté, en 1998, il y a eu 48 poursuites policières. Pendant ces poursuites, 23 véhicules civils ont été endommagés. La valeur des dommages a été évaluée à environ 99 150 $. Cinq voitures de police ont été endommagées, pour des dommages d'environ 5 400 $. Deux civils ont été blessés.

Dans l'année précédente, en 1997, cinq civils et un agent de police ont été blessés dans le cadre de poursuites.

Pendant le premier trimestre de 1999, soit du 1er janvier au 31 mars, nous avons déjà eu 16 poursuites. Huit véhicules civils ont été endommagés, et les dommages sont évalués à 39 700 $; une voiture de police a subi des dommages de 10 000 $. Il y a eu un blessé civil pendant l'une des poursuites de cette période.

Nous estimons donc que ce projet de loi est très important par le message qu'il transmet, autant que par son contenu. Le projet de loi C-440 ferait clairement comprendre au public que le gouvernement fédéral reconnaît les graves dangers que cause le refus d'obtempérer d'un conducteur quand un policier lui demande d'arrêter son véhicule. Nous reconnaissons que cela ne mettra pas fin automatiquement aux poursuites policières. Nous estimons toutefois que c'est un outil précieux pour la police et les tribunaux pour éloigner ce grave danger de nos routes.

Je crois que l'inspecteur Shard veut aussi parler.

M. Michael Shard (conseiller juridique, Comité de modification des lois, Association canadienne des chefs de police): Oui, merci.

Je pense qu'il est impossible pour moi de trop insister sur la gravité de ce problème. Je sais que nous présentons des statistiques dans notre mémoire—que vous n'avez peut-être pas encore reçu—comme le fait l'Association canadienne des policiers dans le sien, que j'ai eu l'occasion d'examiner. D'après ma propre expérience, je peux vous dire que ces statistiques ne rendent pas justice à l'importance du problème.

• 0930

Je suis membre du Bureau des normes professionnelles de la Police provinciale de l'Ontario et j'ai notamment pour tâche quotidienne d'examiner les dossiers se rapportant aux poursuites. C'est mon rôle actuel. J'étais auparavant agent de première ligne, j'ai participé à de nombreuses poursuites, et je peux vous dire personnellement que des vies sont détruites, sinon perdues, lors de poursuites policières. Toutefois le problème ne vient pas des policiers, mais des criminels qui décident de fuir la police.

Les forces policières de tout le Canada s'efforcent depuis quelque temps de régler le problème. Nous avons mis en oeuvre des politiques prévoyant la supervision des poursuites par des surveillants. Nous avons créé des lignes directrices qui mettent en balance les questions de sécurité et celles d'application de la loi. Nous utilisons des tapis cloutés et d'autre matériel de ce genre, et récemment les services de police de Toronto ont commencé à envisager l'emploi d'hélicoptères. Ce sont toutes de bonnes initiatives, des pas importants, mais qui ne règlent pas le problème et ne peuvent le régler. Je le répète, le problème, c'est que les contrevenants décident parfois de fuir.

Nous demandons votre aide. Je crois vraiment que le projet de loi C-440 est une mesure importante et nécessaire pour lutter contre ce problème. Le problème demeure. Certains événements récents sont des facteurs importants, comme l'augmentation des peines pour la conduite avec facultés affaiblies, qui encouragent les contrevenants à fuir la police, de même que le resserrement des politiques policières et des lois provinciales récentes limitant la capacité des agents de première ligne de poursuivre un suspect en fuite.

Je crois vraiment que c'est un outil précieux pour la police et les tribunaux. Je crois bien que le projet de loi C-440 donne un message clair au contrevenant, au policier et au public, et j'aimerais vous parler de ces trois cibles du projet de loi.

Je pense qu'on donne un message important au contrevenant qui voit les gyrophares de la police dans son rétroviseur et qui songe à fuir. On donne aussi un message important aux policiers qui sont confrontés quotidiennement à des risques inutiles associés aux poursuites. C'est aussi une question importante pour le moral des policiers, à qui on dit de cesser une poursuite, alors que d'après les statistiques 30 p. 100 des contrevenants réussissent à leur échapper.

Mais il est clair que le message le plus important, c'est celui qu'on transmet au public, le grand public, le public innocent, ces personnes qui ont été blessées ou tuées, ainsi que les membres de leur famille. Encore une fois, je vous demande simplement d'approuver le projet de loi C-440.

Merci.

Le président (M. John Maloney, Erie—Lincoln, Lib.)): Merci, monsieur Shard.

Monsieur Prud'homme.

[Français]

M. Yves Prud'homme (président, Fédération des policiers et policières du Québec): Monsieur le président, je m'appelle Yves Prud'homme et je suis président de la Fédération des policiers et policières du Québec. Je suis accompagné de Mme Christine Beaulieu, qui est coordonnatrice aux communications à la corporation des services de la Fédération des policiers et policières du Québec.

Je dois vous signaler que la Fédération des policiers et policières du Québec représente l'ensemble des corps policiers municipaux de la province de Québec. Elle compte quelque 130 associations membres, incluant la Fraternité des policiers et policières de la Communauté urbaine de Montréal. La fédération représente donc la presque totalité des policiers et policières municipaux de la province, soit 8 800 policiers et policières, dont 4 100 de la Communauté urbaine de Montréal.

Au nom de toutes ces associations, je tiens à remercier le comité de nous offrir l'occasion de nous présenter devant lui et de lui transmettre nos commentaires concernant le fameux projet de loi C-440 tant souhaité par les forces policières, ainsi que par les chefs de police, selon ce que j'ai pu comprendre.

La fédération s'associe aux différentes associations policières du Canada qui réclament la criminalisation du refus d'un conducteur d'arrêter son véhicule automobile lorsqu'il est poursuivi par un agent de la paix.

La fédération est sans cesse interpellée par ses membres, qui dénoncent le laxisme de la loi à l'égard des conducteurs qui refusent de s'arrêter lorsqu'un agent de la paix veut les intercepter.

Fuir la police avec un véhicule automobile est un comportement criminel grave qui met en danger la sécurité d'autrui; pourtant, ce comportement ne donnera lieu à des poursuites criminelles que dans les cas dramatiques, sous le couvert de la conduite dangereuse, qui constitue une tout autre infraction qui est assujettie à des règles de droit qui lui sont propres.

• 0935

Celui qui fuit la police avec une automobile ne risque rien au niveau criminel s'il ne cause pas d'accident et, même là, il n'est pas toujours évident qu'une accusation de conduite dangereuse entraînera une condamnation.

Je ne lirai pas l'alinéa 149(1)a) du Code criminel, car vous le connaissez aussi bien que moi. Comme on peut le voir à la lecture de cet alinéa, les conditions d'application de cette disposition sont très restrictives et les échappatoires nombreuses; elle ne répond pas du tout au besoin criant de sanctionner le comportement répréhensible en soi du conducteur qui refuse de s'arrêter sur l'ordre d'un agent de la paix.

Le Code criminel doit prévoir une infraction particulière et sanctionner distinctement celui qui omet d'arrêter son véhicule lorsqu'il est intercepté par un agent de la paix. L'ajout d'une telle infraction au Code criminel et les condamnations qui s'ensuivront auront, selon nous, un effet dissuasif certain et contribueront à mettre un frein à l'expansion d'un fléau qui prend de l'ampleur.

Que risque le conducteur au volant d'une voiture volée en fuyant la police qui veut l'intercepter? S'il s'arrête, il sera accusé de vol. S'il fuit et se fait prendre, il sera aussi accusé de vol, sans plus. S'il provoque un accident, il faudra prouver une conduite dangereuse suivant les règles de l'alinéa 249(1)a) du Code criminel.

Les sanctions rattachées à l'attribution des permis de conduire ne sont d'aucune façon dissuasives et ne peuvent résoudre efficacement la problématique. C'est au niveau du Code criminel qu'il faut agir puisque c'est un comportement criminel.

On ne peut interdire complètement les poursuites policières sans compromettre l'efficacité de l'intervention policière. Les poursuites sont inévitables, mais elles sont à ce point encadrées par des politiques rigoureuses dans chaque corps de police que, plus souvent qu'autrement, on laisse filer le fuyard sans trop insister. Le laxisme de la loi permet aux criminels de s'en tirer et les conforte dans leur comportement.

De plus en plus, on limite les policiers dans leur pouvoir d'intervention, mais on ne fait rien pour limiter l'action des criminels, qui ont beau jeu. Il faut que la loi traite de ces cas avec un degré de sévérité qui correspond au degré de gravité de la situation.

Les règles internes d'intervention en matière de poursuites policières ne vont pas changer pour autant. Elles resteront les mêmes et seront aussi rigoureuses, mais les policiers pourront compter sur une loi efficace pour dissuader les uns et sanctionner les autres, ou vice versa.

Nous n'avons pas de données précises sur le nombre de poursuites policières survenues au Québec en 1998. Elles ne sont pas comptabilisées partout, dans l'ensemble de nos corps policiers, justement parce que le refus d'obtempérer des conducteurs récalcitrants n'est pas une infraction criminelle dont on tient compte dans les statistiques usuelles.

Nous savons par contre qu'il y a eu quelque 81 poursuites policières sur le territoire de la CUM en 1998, ce qui nous donne une bonne idée de l'ampleur du phénomène à travers le Canada. À ce nombre, il faut ajouter tous les cas qui n'ont pas donné lieu à une poursuite, à cause du niveau de dangerosité pour autrui ou parce que le fuyard était de toute façon identifié.

Incidemment, un policier municipal de la ville de Joliette a été tué au mois de juillet 1998 alors qu'il s'affairait à retirer un tapis clouté sur lequel un conducteur en fuite venait de passer. Ironie du sort, il fut happé par le véhicule d'un collègue qui pourchassait le fuyard. Tout en étant responsable de l'événement, le fuyard n'encourt aucune responsabilité au niveau criminel en relation avec le décès du policier Dominique Courchesne.

La fédération est tout à fait d'accord sur les amendements au Code criminel qui ont été présentés par le projet de loi C-440, qui sanctionnent le simple défaut de s'arrêter d'une peine maximale de deux ans d'emprisonnement tout en prévoyant des peines plus sévères lorsque le contrevenant cause des blessures ou la mort d'une personne. Ces amendements sont nécessaires pour que justice soit faite et pour sécuriser la population en général et et en particulier les policiers et policières dans l'exercice de leur travail.

La fédération demande donc au gouvernement fédéral d'amender le Code criminel dans le sens suggéré dans le projet de loi C-440 afin de criminaliser un comportement de nature criminelle qui reste présentement impuni.

Au Québec, actuellement, plusieurs municipalités et villes appuient la démarche de la Fédération des policiers et policières du Québec. Pour n'en nommer que quelques-unes, Trois-Rivières-Ouest et la ville de Trois-Rivières ont passé des résolutions, qu'on vous distribuera un peu plus tard, pour appuyer les démarches des associations afin d'éviter ce qu'on a connu récemment à Trois-Rivières-Ouest, où un fuyard a causé la mort de deux innocentes victimes.

• 0940

Je vous remercie de votre attention. Je suis disposé à répondre à vos questions.

Le président: Merci, monsieur Prud'homme.

[Traduction]

Monsieur Griffin.

M. David Griffin (agent exécutif, Association canadienne des policiers): Merci, monsieur le président. Nous apprécions d'avoir l'occasion de venir ici aujourd'hui.

Je vais lire un court exposé, puis notre président, Grant Obst, vous parlera de diverses questions dont est saisi le comité. Nous avons fourni des copies de notre mémoire, dans les deux langues officielles, aux membres du comité.

[Français]

L'Association canadienne des policiers représente du personnel policier à la grandeur du Canada. En plus de compter des associations membres représentant les 10 provinces canadiennes, l'ACP regroupe des représentants de la GRC ainsi que des services policiers des chemins de fer CN et CP. Notre devise, Au service de la population d'abord, assure les Canadiens et les Canadiennes que les membres de l'ACP aspirent à être les professionnels d'intervention policière les meilleurs au monde. L'ACP s'est engagée à servir et à protéger chaque citoyen et citoyenne du Canada.

L'Association canadienne des policiers est heureuse d'avoir l'occasion de se présenter devant le comité pour témoigner en faveur du projet de loi C-440. À titre de professionnels qui consacrent leur vie à assurer la sécurité de leur communauté et à réduire la criminalité, nos membres sont vivement conscients des risques courus par le public et la police lorsque le conducteur d'un véhicule tente d'échapper à l'appréhension en refusant de s'arrêter sur l'ordre d'un policier ou d'une policière.

Depuis plusieurs années déjà, lors de chaque assemblée générale annuelle, notre association adopte une résolution visant à faire introduire parmi les infractions criminelles le défaut de s'arrêter sur l'ordre d'un policier. En mars dernier, cette question faisait partie du programme de notre Jour de lobbying national et fut accueillie favorablement par les députés de tous les partis.

Aux yeux des policiers et des policières, les poursuites à haute vitesse constituent des situations extrêmement dangereuses. Des tragédies récemment survenues d'un bout à l'autre du Canada nous rappellent le coût d'un comportement aussi téméraire et irréversible en termes de vies humaines. Ces tragédies mettent également en évidence la nécessité d'imposer des conséquences plus lourdes aux conducteurs qui choisissent de risquer leur vie et celle d'autrui en tentant d'échapper à la police.

[Traduction]

M. Grant Obst (président, Association canadienne des policiers): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, c'est encore une fois un plaisir et un honneur pour nous de pouvoir être ici pour parler d'une question très importante pour les policiers de tout le pays et qui touche de près à leur travail quotidien. Comme vous le savez tous, je suis à l'emploi du Service de police de Saskatoon, comme patrouilleur en uniforme. La question dont vous êtes saisis aujourd'hui touche de très près les policiers en uniforme et les patrouilleurs de niveaux municipal et provincial, dans tout le Canada.

Pour commencer, je tiens à vous dire que l'Association canadienne des policiers et les policiers de l'ensemble du pays ne croient pas que l'adoption du projet de loi C-440 sera la solution, la panacée qui réglera tous nos problèmes de fuite de criminels et de poursuites. J'ai l'impression que ce genre de situation se produira tant qu'il y aura des véhicules à moteur à la disposition des criminels, et, évidemment, de la police. Nous croyons fermement, toutefois, que c'est un pas dans la bonne direction et qu'il faut utiliser chaque outil dont nous disposons pour mettre fin à ce genre d'activité, qui a si souvent pour résultat des tragédies humaines et des pertes de vie irrémédiables.

• 0945

Quand il s'agit de poursuites policières, les policiers canadiens sont tenus responsables d'une manière très, très stricte. Il y a des politiques dans presque chaque service de police du pays qui précisent ce que doit envisager l'agent avant de se lancer à la poursuite d'un fuyard: les conditions climatiques; les conditions routières; ce que fuit le contrevenant; la raison de la fuite—la plupart du temps, on n'en a aucune idée, mais il y a parfois des indices—et la circulation piétonne. En une fraction de seconde, le policier doit évaluer de nombreux facteurs, et continuer de les évaluer pendant la poursuite. Ce haut degré de responsabilité est nécessaire et ajoute au professionnalisme des policiers.

Ce que nous demandons, nous les policiers, c'est l'adoption de ce projet de loi, en sorte que le Code criminel et les lois canadiennes tiennent les criminels responsables, autant que nous. Mes collègues ont parlé du message qui serait donné par le Parlement par l'adoption de ce projet de loi, et je crois que c'est un message essentiel.

Le genre de situations dont nous parlons aujourd'hui sont choses courantes. Les exemples que nous fournissons à la fin de notre mémoire sont de ceux qui ont causé des blessures ou des décès. Ils ne représentent qu'une petite portion de tous les incidents. Heureusement, à l'issue de la plupart des poursuites de contrevenants, les policiers se retrouvent sains et saufs, et ont réussi à arrêter le fuyard. On ne parle pas de ces poursuites. Mais je peux vous dire une chose: ce n'est pas comme au cinéma, ni comme à la télévision. Quand vous êtes dans votre voiture de patrouille, dans ce genre de situation, les pensées se bousculent dans votre esprit, et à chaque seconde vous savez qu'une tragédie peut se produire. Cela fait partie de l'ensemble du processus d'évaluation auquel doit se livrer le policier.

Nous pensons que si ce projet de loi est adopté, et que la loi est créée, il y aura un facteur de dissuasion. Peut-être que certains, tentés d'écraser le champignon, y penseront à deux fois. Bien entendu, la peine imposée pour la fuite doit être plus lourde que la peine pour l'infraction commise par le contrevenant, pour l'inciter à s'arrêter.

Il n'y a pas si longtemps, nous sommes venus vous parler de la conduite avec facultés affaiblies et des peines qui y sont associées. Évidemment, si on alourdit les peines pour la conduite avec facultés affaiblies, celles prévues dans ce projet de loi doivent être encore plus lourdes, autrement les poursuites se multiplieront.

On nous demande souvent pourquoi on n'arrête tout simplement pas les poursuites. Pourquoi? Du point de vue du policier, bien franchement, ce serait bien plus facile, pour tous les policiers, ce serait aussi bien moins dangereux de décider de ne plus pourchasser les fuyards. Mais tout ce que comprendraient les criminels, c'est que s'ils veulent enfreindre la loi et éviter l'arrestation ils n'ont qu'à voler n'importe quel véhicule, à sauter dedans et à rouler à toute allure et en tous sens, et ils ne se feront pas arrêter. Certaines instances au pays ont décidé d'appliquer des politiques sans poursuite. Le seul résultat, c'est que les criminels ont volé des véhicules, sont passés devant les policiers en se moquant d'eux, en leur lançant des bouteilles de bière, etc. Je ne pense pas que ce soit une solution.

Mes collègues ont parlé d'autres façons de faire, à part les poursuites: l'emploi d'hélicoptères notamment. Bien entendu, ce serait très bien d'avoir un hélicoptère. Malheureusement, la plupart des services de police ne peuvent s'en payer un. Leur coût est exorbitant. Mais je peux vous dire que dans tout le pays on a fait des efforts dans d'autres domaines, que ce soit la formation, ou l'emploi de ce que l'on appelle un tapis clouté ou un dispositif de crevaison. Beaucoup de corps policiers canadiens ont investi dans ce genre de projets et de matériel pour essayer de remédier au problème.

Il y a moyen de s'y attaquer sur un autre front, et nous sommes venus au Parlement pour ce faire, c'est-à-dire agir par l'intermédiaire de peines imposées par le Code criminel.

Les poursuites policières ne sont pas prises à la légère par les agents de police. L'évaluation à faire est très sérieuse quand on doit décider de se lancer dans une poursuite. Les policiers ne décident pas toujours de pourchasser les fuyards, contrairement à ce que nous laissent parfois entendre les médias. D'ailleurs, dans bien des cas et pour diverses raisons, le policier décidera de ne pas se lancer dans une poursuite.

• 0950

À mes yeux, cette disposition s'applique à ces cas, et je vais vous citer une expérience personnelle que j'ai vécue en janvier dernier.

Au Service de police de Saskatoon, nous avons divers types de véhicules. Ce soir de février, je conduisais ce qu'on appelle un panier à salade. C'est une grosse camionnette, peu propice aux poursuites. La tenue de route n'est pas très bonne dans les virages, le centre de gravité étant très élevé.

J'ai reçu un appel au sujet d'un conducteur en état d'ébriété qui quittait un hôtel, aux abords de la ville. J'y suis allé et j'ai eu la chance de trouver ce conducteur et le véhicule décrit dans la plainte. J'ai placé mon véhicule derrière le sien—il s'agissait d'un camion d'une demi-tonne—et nous sommes sortis de la ville, sur l'autoroute.

Nous avons mis en marche les dispositifs d'urgence du véhicule de police, soit des gyrophares de toutes sortes, ce camion étant vraiment très éclairé, ainsi que la sirène. Le camion a décollé, sur l'autoroute. Vous voyez la scène: le panier à salade sur l'autoroute, et je peux vous dire que ce véhicule-là ne va vraiment pas très vite. Je pense que j'ai accéléré jusqu'à environ 120 km/h, mais j'étais encore bien loin derrière.

Pas de problème. Nous avons pu le suivre sur l'autoroute. Il faut garder à l'esprit que dans une situation de ce genre les dispositions du Code criminel sur la conduite dangereuse ne seraient probablement pas applicables. Nous étions sur une autoroute, et nous roulions à environ 120 ou 130 km/h. Mais tout de même, nous ne pouvions le rattraper.

Il a plus tard quitté l'autoroute pour prendre une route de gravier. Je l'ai suivi sur cette route tout en décidant qu'à partir de là il n'était plus possible de continuer la poursuite. Je pourrais peut-être même dire que jusque-là il n'y avait pas vraiment eu de poursuite. Nous ne faisions en fait que le suivre. Nous avons continué ainsi, et vu son camion disparaître, plus loin sur la route de gravier. J'ai ralenti mon panier à salade, à environ 80 km/h, et continué à rouler. J'ai fait ainsi 19 kilomètres. J'avais perdu de vue le camion. Nous ne l'avions pas vu depuis 15 ou 20 minutes. Mais j'ai tout de même continué sur cette route et je l'ai trouvé, enseveli dans la neige jusqu'aux portières, arrêté par une clôture de barbelés.

Les faits ne me permettaient pas d'accuser cette personne de conduite dangereuse, mais avec ce projet de loi j'aurais probablement pu porter des accusations. Je ne suis qu'un policier; il y en a beaucoup au Canada, et il y a donc probablement beaucoup de situations de ce genre où cet article pourrait être invoqué.

Il s'est trouvé que le conducteur avait les facultés affaiblies, et nous avons donc pu porter des accusations en vertu du Code criminel pour conduite avec facultés affaiblies; nous avons pris ensuite des échantillons d'haleine et obtenu une lecture de .08. Mais s'il n'avait pas eu les facultés affaiblies, je suppose qu'on aurait pu porter des accusations en vertu de la Highway Traffic Act pour refus de s'arrêter à la demande d'un policier, mais c'est tout ce que nous aurions eu à ce moment-là.

J'ai apporté un enregistrement audio. Toutes les communications avec la police de Saskatoon sont enregistrées. Tout ce que disent les policiers et les répartiteurs est enregistré. À la Saint-Valentin, le 14 février dernier, il y a eu une poursuite impliquant la police de Saskatoon. J'ai apporté cette cassette parce qu'elle montre exactement ce dont nous parlons, notamment quelles peuvent être les conséquences et la rapidité avec laquelle ce genre de chose se produit. Toute cette poursuite dure à peine 96 secondes.

Je vous décris le contexte. Je crois que c'était un dimanche soir. Nombre d'entre nous étaient mécontents de ne pouvoir aller au restaurant avec leurs proches. C'était la Saint-Valentin, et nous devions travailler. C'était un soir comme tous les autres, une soirée calme. Tôt dans la soirée, on a rapporté le vol d'une voiture K, une voiture Aries K. Elle avait été laissée en marche, devant un dépanneur, dans l'ouest de la ville.

Je pense que cela vous décrit suffisamment le contexte. Sans plus tarder, écoutons la cassette. Comme c'est un enregistrement de police, il y a un peu de friture, et c'est pourquoi nous avons remis une transcription des conversations, pour que vous puissiez suivre. Nous avons même une transcription en français, pour M. Bellehumeur; je ne sais pas si on la lui a remise.

Le président: Les interprètes l'ont, monsieur Bellehumeur. Ils vont en donner lecture.

[Note de la rédaction: Présentation audio]

• 0955

Le président: Monsieur Cadman, nous commençons par une ronde de sept minutes.

M. Chuck Cadman: Merci, monsieur le président.

Je tiens à remercier les témoins d'être venus aujourd'hui. Ce que nous venons d'entendre est très éloquent.

J'ai quelques questions. Ce projet de loi porte essentiellement sur les poursuites policières en véhicule motorisé. Je sais que dans ma ville de Surrey nous avons une patrouille à vélo très active l'été, comme il y en a dans d'autres grandes villes. Il y a certainement des poursuites dans la circulation et les petites rues de côté sans que les policiers soient nécessairement dans une voiture de patrouille; ce peut être à vélo. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Ce projet de loi doit-il s'appliquer à ces situations? Je crois que le projet de loi précise que le policier doit être dans un véhicule motorisé.

M. David Griffin: Nous en avons parlé, et je sais que la question a été soulevée lorsque le comité a été saisi de la question, le 12 mai: on a parlé de bicyclettes, de bateaux, et même d'aéronefs.

De l'avis de l'Association canadienne des policiers, ce n'est pas une question cruciale. La question cruciale, c'est la poursuite en véhicule motorisé de fuyards en véhicule motorisé. À notre avis, l'arrestation de personnes à bicyclette...

M. Chuck Cadman: Non, je parle du policier à vélo qui poursuit un véhicule automobile.

M. David Griffin: Ce ne saurait être une très longue poursuite!

M. Chuck Cadman: Nous en avons eu quelques-unes dans mon patelin, dans les petites rues transversales et la circulation, qui ont certainement mis en danger le public.

M. Grant Obst: Dans des situations de ce genre, monsieur Cadman, le policier à vélo demande habituellement des renforts motorisés. La situation peut se produire, mais, comme le disait David, nous nous concentrons davantage sur la question de la vitesse, la vitesse à laquelle roulent les fuyards poursuivis par des véhicules motorisés, qui causent des accidents meurtriers comme celui qu'on a entendu sur la cassette, celui de la Saint-Valentin, d'un genre qui se produit trop souvent. C'est ce qui nous intéresse. Je ne pense pas qu'avec le policier à vélo la vitesse soit meurtrière, du moins pas s'il s'agit de nos policiers à vélo.

• 1000

M. Chuck Cadman: Je posais la question simplement parce que je sais que cela s'est produit, lorsque la circulation était dense et aussi dans les petites rues transversales de la ville, alors qu'aucune voiture de patrouille n'a pu intervenir avant quelques minutes. Beaucoup de choses peuvent se produire.

Quelqu'un d'autre a-t-il des commentaires?

[Français]

M. Yves Prud'homme: J'aimerais ajouter qu'il est clair dans notre esprit que cette disposition ne s'appliquerait pas au vélo parce que ce n'est pas un véhicule automobile. Le projet de loi C-440 vise uniquement les véhicules automobiles. Si un policier ou une policière à vélo devait être appelé à collaborer, cela ne s'appliquerait pas, quant à nous.

[Traduction]

M. Chuck Cadman: J'ai une autre question. Qu'en est-il du refus de s'arrêter lorsqu'il n'y a pas nécessairement de poursuite: si un officier fait signe à quelqu'un de s'arrêter, mais que ce conducteur décide d'accélérer, qu'il n'y a pas de poursuite immédiate, mais que cela cause une collision avec un autre véhicule?

À la dernière séance, j'ai parlé d'un cas particulier, qui s'est produit à deux pâtés de maison de chez moi. Les policiers avaient cessé la poursuite et étaient stationnés au bord de la route. Le fuyard est passé à vive allure, comme disait M. Obst, en faisant des signes et en criant à tue-tête, il a traversé une intersection et tué une femme. Il n'y avait pas vraiment de poursuite dans ce cas-là, mais il y avait refus de s'arrêter. Avez-vous des commentaires?

M. Grant Obst: Des lois provinciales porte sur le refus de s'arrêter à la demande d'un agent de la paix. Évidemment les peines sont... En Saskatchewan, je crois que c'est une amende de 60 $.

Dans le cas où quelqu'un passe devant un policier, il y aurait insuffisance de preuve. Je ne sais pas si on pourrait vraiment porter des accusations en vertu de cet article et je ne dirai pas qu'il s'agit là d'une poursuite judiciaire. Le conducteur était déjà au volant.

M. Chuck Cadman: Il y avait eu une poursuite, mais on l'avait interrompue. Peut-on présumer, si on a mis fin à la poursuite, et que ce résultat...

M. Grant Obst: Je pense qu'on pourrait tout de même porter des accusations en vertu de ce projet de loi.

M. Chuck Cadman: Je n'ai pas d'autres questions.

Le président: Monsieur Bellehumeur.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Depuis 1993, depuis l'arrêt Hundal de la Cour suprême du Canada, je crois, des choses se sont précisées relativement à l'application de l'article qu'on étudie présentement, l'article 249. De mémoire, l'arrêt Hundal disait que c'était sur des critères objectifs, au niveau de la mens rea et de l'actus reus—je vois qu'il y a ici des conseillers juridiques—qu'il fallait évaluer si l'individu avait eu une conduite dangereuse. Il est découlé de cet arrêt des jugements de cours inférieures dans lesquels on disait entre autres, pour répondre à M. Prud'homme, qu'il n'était pas nécessaire qu'il y ait eu collision ou décès pour accuser quelqu'un de conduite dangereuse en vertu de l'article 249. Même en Cour municipale de Montréal, il y a eu des décisions disant la même chose. Des gens n'ayant frappé personne et n'ayant causé aucun dommage ont été accusés de conduite dangereuse sur la base de l'arrêt Hundal. Selon des critères objectifs, on a évalué qu'il y avait eu la mens rea de conduire dangereusement et que l'actus reus, l'acte, avait été commis.

Cela dit, je veux bien vous donner des outils utiles et nécessaires qui n'existent pas, mais je ne veux pas qu'il y ait double emploi. Il existe peut-être déjà quelque chose à cet effet dans le Code criminel.

Ma question s'adresse surtout à M. Prud'homme parce que j'aime son style quand il répond; on sait ce qu'il pense. Vous avez parlé de l'affaire de Trois-Rivières; on s'en est parlé tout à l'heure. J'ai même vu qu'on m'avait fait le plaisir de mettre dans le petit cahier de l'association l'un de vos commentaires dont je me souviens très bien.

Vous dites qu'il faudrait modifier le Code criminel pour qu'il existe vraiment une infraction de défaut d'arrêter et vous ajoutez que cette modification permettrait d'éviter, sinon de contrôler des événements tels que celui qui s'est produit à Pointe-du-Lac.

• 1005

Vous allez m'expliquer comment vous pouvez contrôler cela avec une modification au Code criminel, sachant que cela existe déjà, je pense. Il y a certaines choses qu'on peut faire.

M. Yves Prud'homme: Je vais essayer de clarifier ce point qui peut paraître, non pas contradictoire, mais à tout le moins un peu ambigu. Je suis entièrement d'accord avec le député lorsqu'il affirme qu'il y a eu des décisions au niveau du paragraphe 249(1). Je n'ai pas dit que cela était impossible, mais bien que cela était extrêmement difficile dans les circonstances et que c'était loin d'être évident qu'avec l'actuel paragraphe 249(1), on atteignait l'objectif visé.

Ce qu'il faut comprendre, et vous l'avez dit, c'est que les policiers et policières ont la responsabilité de faire respecter les lois que le législateur adopte. Les lois et les règlements sont pour nous des moyens et des outils.

Lorsque nous avons émis ce communiqué, à la fédération, je ne faisais pas allusion à un contrôle en tant que tel du suspect Sylvain Boies, qui a pris un véhicule policier et circulé en sens inverse sur l'autoroute 40. J'ai tout simplement voulu faire comprendre aux gens que si nous avions un article du Code criminel prévoyant que quiconque refusant d'obtempérer à un ordre d'un agent de la paix est susceptible de...

C'est ce qu'on vous dit ici. Vous pouvez être trouvé coupable de conduite dangereuse, mais à aucun endroit dans votre dossier ou dans la description de la nature de votre accusation, on ne fait allusion au fait que vous avez refusé d'obtempérer à un ordre d'un agent de la paix, un peu comme le député l'a soulevé tout à l'heure.

Vous pouvez conduire dangereusement, et c'est une infraction. On demande au gouvernement que le seul fait de refuser d'obtempérer à un ordre d'un agent de la paix constitue à l'avenir un acte criminel dont l'auteur sera passible d'une sanction maximum, selon qu'il y a eu des dommages, des blessures ou des décès, en sus des autres sanctions.

Cela ne pourra peut-être pas prévenir tous ces incidents, mais on pourra à tout le moins les contrôler parce qu'il y aura un message dissuasif à ceux et celles qui vivent en marge de la société. C'est l'argument que soulèvent l'Association canadienne des policiers ainsi que les chefs. C'est un moyen additionnel. Si M. Boies avait été au courant qu'il y avait une possibilité d'accusation supplémentaire, aurait-il commis son infraction? Peut-être, je dis bien peut-être, ne l'aurait-il pas commise, mais Dieu seul le sait. On ne le saura jamais.

N'oubliez pas que les policiers et policières au Canada, au Québec et dans toutes les provinces, appliquent les règlements et les lois que vous leur donnez. Ce sont pour nous des outils et des moyens. Lorsque viendra le temps de remettre en liberté quelqu'un qui, à deux reprises, a refusé d'obtempérer à un ordre d'un agent de la paix, comme cela a été le cas dans l'affaire Boies, si cela constitue un acte criminel distinct, il y aura peut-être des décisions un peu différentes. Il ne faut pas oublier que deux innocentes victimes qui n'avaient rien à voir avec tous ces événements y ont perdu la vie.

Monsieur le président, j'ai déjà été impliqué dans une poursuite policière alors que j'étais au Service de la police de la CUM, dans les années 1980. Il y a eu cinq pertes totales; il y a eu risque de blessures à des citoyens pendant 30 à 40 minutes; il y a eu deux policiers gravement blessés, dont l'un a été déclaré invalide pour le reste de ses jours. J'ai vécu cela comme policier, comme Grant Obst a vécu ce qu'il vous a expliqué.

• 1010

C'est ce qu'on vous demande. Ne pensez pas qu'on va déclencher des poursuites pour rien. Nous sommes très bien encadrés dans les services de police. Par exemple, au SPCUM, il est interdit d'enclencher une poursuite lorsqu'il y a un citoyen à bord d'un véhicule de police ou lorsqu'on est à bord d'un véhicule banalisé, sans gyrophare, qui est une voiture pour les enquêteurs. C'est cela que j'ai simplement voulu vous signifier. Nous espérons que vous comprendrez.

M. Michel Bellehumeur: Monsieur Prud'homme, dans l'article 249.1 qu'on propose, on ne prévoit aucune discrétion. Si un policier dit à une personne de s'arrêter ou fait partir son gyrophare, que ce soit en vertu de (2), (3) ou (4), la personne sera poursuivie par acte criminel. Il n'y a aucune discrétion. La personne n'est pas poursuivie par voie sommaire, mais par acte criminel.

En répondant à une de mes questions, vous nous avez demandé de vous permettre de poursuivre quelqu'un du seul fait qu'il a refusé d'obtempérer à l'ordre d'un policier. Je sais que dans la majorité des...

M. Yves Prud'homme: On ne s'est pas compris.

M. Michel Bellehumeur: On ne s'est pas compris?

M. Yves Prud'homme: Je vais recommencer.

M. Michel Bellehumeur: C'est bien cela que vous avez dit. Je sais que dans la majorité des cas, les policiers font du bon travail, mais on en trouve toujours des zélés, comme en politique et dans d'autres sphères d'activités.

Je trouve que l'article 249.1 proposé tel que rédigé peut conduire à de l'abus de la part des policiers, tandis que dans l'autre cas, lorsqu'il y a conduite dangereuse, on peut poursuivre l'individu de façon criminelle. Je n'ai pas étudié le cas de Sylvain Boies, mais je vais aller chercher le dossier de la cour pour voir comment il a été poursuivi. Je suis persuadé qu'ayant circulé en sens inverse sur la 40, il a été poursuivi par acte criminel et je suis sûr qu'il ne s'en sortira pas avec une sentence légère. Pour ma part, je trouve dangereux d'inscrire telle quelle cette disposition dans le Code criminel.

M. Yves Prud'homme: Premièrement, vous devez voir que ce serait une accusation supplémentaire.

Deuxièmement, tous les membres du comité doivent savoir que, lorsqu'un policier enclenche une poursuite, c'est parce qu'il y a un conducteur qui refuse d'obtempérer à un ordre d'un agent de la paix. Il n'y a pas de poursuite quand un honnête citoyen s'arrête. Quand allons-nous assister à des abus?

M. Michel Bellehumeur: Je dois vous corriger. Vous faites la poursuite parce que l'individu a commis une infraction.

M. Yves Prud'homme: Non.

M. Michel Bellehumeur: Vous ne faites pas la poursuite parce qu'il refuse de s'arrêter.

M. Yves Prud'homme: C'est inexact. Lorsqu'un policier enclenche une poursuite, il peut avoir plusieurs motifs. Dans la très grande majorité des cas, il s'agit d'un conducteur qui est à bord d'une auto volée. Deuxièmement, nous pouvons avoir devant nous un véhicule dont le conducteur correspond à la description d'un suspect qui vient de commettre un vol qualifié ou un autre acte criminel. Lorsqu'on actionne nos gyrophares et qu'on tente de l'intercepter, l'honnête citoyen s'arrête. Comment voulez-vous qu'on abuse de nos pouvoirs? Quand quelqu'un prend la fuite, c'est qu'il a fait quelque part quelque chose de pas correct. Il est à bord d'un véhicule volé. On le sait parce qu'on pitonne et qu'on a immédiatement l'information. Deuxièmement, il peut être suspect dans un vol qualifié. Troisièmement, si vous êtes un honnête citoyen, vous allez vous arrêter et il n'y aura pas de poursuite. Lorsqu'il enclenche la poursuite, le policier informe sa centrale du fait qu'il est à la poursuite d'un véhicule suspect dont le conducteur refuse d'obtempérer à un ordre d'un agent de la paix. Où allons-nous abuser de nos pouvoirs? Où?

• 1015

Vous, vous allez vous arrêter. Si vous êtes en état d'ébriété, vous allez peut-être tenter de fuir, mais la loi va s'appliquer à ce moment-là. Il y aura une accusation supplémentaire. Lorsque nous verrons le portrait de M. X, nous saurons qu'il a peut-être été trouvé coupable, comme M. Boies, de conduite dangereuse, de conduite avec facultés affaiblies, de vol de véhicule automobile, mais également de refus d'obtempérer à un ordre d'un agent de la paix, ce qui est distinct. On n'a pas cela actuellement. Actuellement, quand on regarde des dossiers, on voit des accusations de conduite dangereuse et de conduite avec facultés affaiblies, mais si la personne a refusé d'obtempérer à un ordre d'un agent de la paix et a été à l'origine d'une poursuite parce que le policier, pour protéger les citoyens, ne pouvait pas se permettre de laisser aller une personne en état d'ivresse ou ayant commis un acte criminel, il n'y a pas d'accusation pour cela. On doit faire respecter la loi et l'individu a refusé de s'arrêter. C'est ainsi qu'il faut voir les choses.

M. Michel Bellehumeur: Ce n'est pas une infraction moindre et incluse?

M. Yves Prud'homme: Peut-être lorsque viendra le temps... On en parle dans le document de l'ACP. Lorsqu'il y aura des accusations, cela pourra être considéré ainsi, mais pas dans tous les cas. C'est cela qu'il faut analyser dans le fameux projet de loi. M. Obst ou M. Griffin pourrait peut-être élaborer. J'ai juste parlé de l'aspect dissuasif pour ceux qui vivent en marge de la société.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Prud'homme.

John McKay.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib): Merci, monsieur le président.

J'aimerais tout d'abord remercier M. McTeague pour l'énergie qu'il a dû déployer pour que ce projet de loi se rende ici. En tant que député, je sais ce qu'il faut de la persévérance pour amener un projet de loi à cette étape et je tiens à le féliciter.

Je veux aussi vous remercier pour vos exposés. Dans l'exposé de l'Association des policiers, vous avez parlé d'un incident qui s'est produit dans mon comté. D'ailleurs, c'était à peine à deux pâtés de maison de mon bureau de circonscription. Comme souvent au Toronto Sun, on n'avait rien compris. Le titre de l'article, «Une poursuite cause le décès d'un prêtre» (Cop Chase claims life of a priest), était en fait erroné.

Le radar était installé juste devant mon bureau. Un véhicule volé a franchi le radar. L'agent de police a fait signe au conducteur, qui ne s'est pas arrêté. Il a traversé des feux de circulation et a tué un prêtre en le frappant. Le policier avait à peine eu le temps de ramasser ses choses, de monter dans son véhicule, lorsqu'il est arrivé sur les lieux.

Cela m'amène à la question, sur les éléments constitutifs de l'article 249.1. Parlons de vos exposé, où vous divisez l'article en cinq éléments consécutifs. D'abord, il faut conduire un véhicule motorisé; deuxièmement, il faut être poursuivi; troisièmement, il faut omettre de s'arrêter sans motif raisonnable; quatrièmement, il faut le faire dans le but de fuir; et cinquièmement, il faut omettre de s'arrêter dès que les circonstances le permettent.

Ma question s'adresse à tous les témoins, mais commençons par l'Association des policiers. Monsieur Obst et monsieur Griffin vous pouvez répondre à cette question: pourquoi faut-il que la poursuite par un agent de la paix soit un élément constitutif de l'article proposé. Qu'est-ce que cela ajoute à la chose, en gardant à l'esprit l'exemple que je vous ai donné?

Je pose la question parce qu'on pourrait facilement prétendre que l'agent de police ne poursuivait pas le fuyard et que par conséquent, cet article n'est pas applicable. J'aimerais savoir si à votre avis, cet élément constitutif est nécessaire à ce projet de loi pour atteindre le but fort louable dont vous avez tous parlé.

• 1020

M. David Griffin: Nous en avons discuté longuement, et je crois que les chefs de police voudront aussi répondre à cette question.

Après avoir examiné le libellé de la proposition, nous avons craint qu'il ne fixe une norme trop élevée, qu'il soit très difficile pour l'agent de police de faire la preuve du fait que le suspect savait que le policier tentait de l'arrêter, qu'il a délibérément refuser d'arrêter et qu'il tentait de fuir la police.

Toutefois, nous savons que les membres du comité—M. Bellehumeur en a touché quelques mots—tiennent à ce que les policiers justifient leurs gestes et aient des motifs pour demander à un automobiliste de s'arrêter. Nous sommes donc disposés à accepter ce compromis. Non, cela ne réglera pas le cas de celui qui ne s'arrête pas à un barrage routier et qui tue quelqu'un au carrefour suivant. Mais il y a d'autres dispositions du Code criminel qui s'appliqueraient en l'occurrence, telles que celles sur la négligence criminelle causant la mort, la conduite dangereuse causant la mort, ce genre de choses. Mais il nous apparaît important de faire de cela une infraction distincte.

Préférerions-nous une disposition moins exigeante? Bien sûr. Mais nous savons qu'il y a des Canadiens qui craignent de conférer trop de pouvoir à la police.

J'aimerais dire que nos membres... Ces coupures de journaux ne représentent qu'un échantillon. Chaque fois qu'un incident de ce genre se produit dans une collectivité, la première chose qu'on fait, c'est de se demander si l'agent de police aurait dû prendre l'automobiliste en chasse. On met d'abord l'accent sur les policiers et on remet en question les mesures prises par les policiers qui sont en cause. Nous aimerions que le Parlement affirme qu'il est temps de mettre sur la sellette les conducteurs de ces véhicules, ceux qui fuient la police. Comme l'a dit M. Obst plus tôt, n'ont-ils pas de comptes à rendre, eux? Chaque fois, je suis convaincu que les criminels se disent que, la prochaine fois, la police hésitera à les poursuivre, car elle craindra de faire l'objet d'une enquête.

D'ailleurs, en Ontario, on a déjà porté des accusations de conduite dangereuse contre des agents de police ayant participé à des poursuites. Vous devez donc signifier clairement, je vous implore de signifier clairement aux criminels que personne au pays n'a le droit de fuir les policiers, que des sanctions sévères seront imposées à ceux qui sont prêts à risquer leur vie et la vie des autres dans ces poursuites. C'est le message le plus important qui découlera de l'adoption de ce projet de loi. Il s'adresse à ceux qui croient que la police—parce que le policier s'inquiète de la sécurité, parce qu'il sait que les conditions météorologiques ne s'y prêtent pas—préférera mettre fin à une poursuite ou ne pas se lancer dans une poursuite; il faut qu'ils comprennent qu'ils devront dorénavant justifier leur conduite.

M. John McKay: Si notre comité décidait tout simplement de supprimer les mots «alors qu'il est poursuivi par un agent de la paix», j'en conclus que vous n'y verriez pas d'objection. Cela serait conforme au point de vue exprimé par la police, n'est-ce pas?

M. Bruce Brown: Oui, monsieur McKay. Au nom de l'ACCP, je peux vous dire que nous n'y verrions pas d'objection. Vous avez raison. M. Griffin, je crois, a expliqué clairement, autant au nom de l'ACP qu'au nom de l'ACCP, soit dit en passant, que nous appuyons le concept...

M. John McKay: Oui, je comprends les aspects politiques et le message que vous voulez transmettre. Cela ressort clairement des documents que vous nous avez remis: plus du quart des poursuites se soldent par des dommages, des blessures et des morts; la moitié des poursuites, environ 43 p. 100, où l'on parvient à faire arrêter le véhicule entraînent des dommages, des blessures ou des morts; près de 9 p. 100 des poursuites se soldent par des blessures pour les occupants du véhicule. Je dois reconnaître que, comme simple citoyen, je ne savais pas que c'était un problème d'une telle envergure.

Je le répète, le gouvernement fédéral ne peut agir que dans le cadre du Code criminel. Encore une fois, si notre comité adoptait ce projet de loi et que la Chambre en faisait autant, quels sont les autres éléments qu'il faudrait mettre en place pour faire baisser ces statistiques? La simple adoption de l'article 249.1 proposé ici pourrait n'avoir aucune incidence sur ces chiffres; alors quoi d'autre vous semble-t-il absolument nécessaire de la part des provinces?

• 1025

M. Grant Obst: Voulez-vous dire, outre la création d'une infraction au Code criminel...

M. John McKay: Oui, car nous ne traitons que du Code criminel. C'est tout. Pratiquement tout le reste incombe aux provinces. Quels sont les autres éléments que vous considérez comme essentiels?

M. Grant Obst: Après la poursuite que vous avez entendue sur la bande audio, il y a eu de nombreuses discussions, du moins dans ma province, et, par suite de tragédies semblables, le conseil d'administration de l'ACP et les délégués ayant participé à nos conférences en ont aussi discuté. En fait, nous en parlons depuis des années.

Pour ma part, et je crois que c'est aussi l'opinion des membres de l'ACP, j'aimerais que les services de police se concentrent sur la formation des policiers, sur le processus de réflexion du policier avant qu'il se lance ou soit impliqué dans une poursuite. Le processus d'évaluation mérite davantage d'attention. En Saskatchewan, nous, les patrouilleurs, nous devons suivre un cours de conduite chaque année pour obtenir de nouveau notre qualification professionnelle. Nous avons mené un petit sondage à l'échelle du pays, et nous avons constaté que, à cet égard, la situation était meilleure dans certaines provinces que dans d'autres. Il y a des endroits où, sauf pendant la formation de recrues, vous ne recevez aucune formation en conduite automobile.

Bien sûr, c'est une question de budget. Mais si vous pensez aux conséquences de ce genre d'incident, je crois que c'est un bon investissement que de s'assurer que les agents de police aient non seulement tous les outils que puisse leur conférer le Code criminel, mais aussi la capacité de réflexion et de conduite nécessaire pour se lancer dans une chasse à l'homme.

M. John McKay: J'ai une dernière question à poser, monsieur le président.

Ma question vous semblera peut-être un peu étrange, mais ces autres outils, les tapis cloutés, l'hélicoptère, et les sommes considérables d'argent que cela nécessiterait, tout cela, honnêtement, m'apparaît assez rudimentaire du point de vue technologique. Pourriez-vous nous faire d'autres suggestions à ce chapitre? La première chose qui me vient à l'esprit est le fusil à éclaboussures. Vous savez, si vous vous approchez suffisamment de la voiture, vous pouvez l'éclabousser de peinture fluorescente, de sorte que tout le monde sait que ce véhicule fait l'objet d'une poursuite. Vous pouvez même mettre fin à la poursuite et arrêter la voiture un peu plus tard.

M. Grant Obst: Malheureusement, dans bien des cas c'est un véhicule volé, monsieur McKay, et nous pouvons déjà identifier la voiture par sa plaque minéralogique. Vous savez, nous avons pensé à cela, nous en avons discuté, et je sais que vous cherchez désespérément une solution...

M. John McKay: En effet.

M. Grant Obst: ...tout comme nous. Il y a déjà des choses sur le marché, telles qu'un petit harpon que le véhicule de police peut projeter sous le véhicule poursuivi afin de mettre hors service le système électronique et ainsi arrêter la voiture. Encore une fois, c'est un dispositif coûteux. De plus, il faut que la poursuite soit déjà entamée et que vous puissiez vous approcher suffisamment de l'autre voiture pour lancer le petit harpon.

Il n'y a pas de solution facile. Nous nous creusons les méninges depuis longtemps, et c'est pourquoi nous avons décidé d'aborder la question sur différents fronts, et ce projet de loi en est un.

Je pourrais peut-être faire suite à votre question précédente, qui, je crois, nous ramène à la question de M. Bellehumeur, à savoir si le Code criminel ne nous confère pas déjà tous les outils qu'il nous faut pour lutter contre ces poursuites. Pour les policiers, la poursuite est une situation distincte, bien différente d'une situation ordinaire—je ne devrais peut-être pas employer ce mot—de conduite dangereuse. M. Bellehumeur a raison de dire que nous portons souvent des accusations de conduite dangereuse quand il n'y a eu ni blessure, ni décès, ni même un accident. Le simple fait de conduire avec imprudence peut constituer un cas de conduite dangereuse que nous pourrons prouver.

Mais lorsque le conducteur tente précisément de fuir la police, je crois, comme l'Association canadienne des policiers, que c'est différent. Si je peux comparer la conduite dangereuse à des voies de fait, je dirais que le fait de fuir la police équivaut à des voies de fait armées.

Par ailleurs—cela peut sembler moins important, mais cela l'est tout de même—disons que je dois porter des accusations contre quelqu'un qui a déjà des antécédents criminels, et notamment une condamnation pour conduite dangereuse; dans ma province, je devrai porter des accusations de conduite dangereuse. Si ce type commet la même infraction en Ontario, on fera de même. Le juge qui impose la peine ne verra que la condamnation pour conduite dangereuse et sera rarement mis au courant des circonstances. Si le casier judiciaire indiquait plutôt une condamnation pour avoir tenté de fuir la police, par exemple, cela indiquerait au juge que cette personne a tenté plus d'une fois de fuir la police, ce qui est grave, par opposition à des condamnations pour conduite dangereuse.

• 1030

Le président: Merci, monsieur Obst.

Monsieur Cadman.

M. Chuck Cadman: Je n'ai plus de question.

Le président: Monsieur Saada.

[Français]

M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Tout d'abord, je voudrais dire à nos panélistes que certains d'entre eux pourraient devenir membres honoraires du comité s'il y avait une telle catégorie, parce qu'on les voit régulièrement. Je suis très heureux de vous voir de nouveau.

J'ai trois questions, une première à M. Prud'homme et deux autres à ceux de l'autre côté.

Je ne connais pas bien le terrain et vous allez pouvoir m'éclairer. Si on adopte des dispositions législatives comme celles que propose mon collègue McTeague, que je félicite d'ailleurs pour son initiative, est-ce que cela risque de limiter le nombre de poursuites à effectuer réellement et concrètement?

M. Yves Prud'homme: Nous pensons que le seul fait que le Parlement déclare que c'est un acte criminel, une infraction distincte, aura un effet dissuasif. Selon nous, lorsqu'un jeune empruntera un véhicule automobile pour faire une ballade, si un policier tente de l'intercepter, il sera peut-être plus porté à s'arrêter, sachant qu'en plus du vol du véhicule automobile, il aura à répondre de cette autre infraction. Il y en a plusieurs qui font cela. On appelle cela des promenades d'été. Les jeunes volent des véhicules automobiles.

M. Jacques Saada: Honnêtement, j'ai un problème quant à l'interprétation sur le plan de la dissuasion. Je vais vous dire pourquoi. En fait, c'est en lien avec la question que je voulais poser à M. Obst et à M. Griffin.

[Traduction]

Vous avez aussi fait allusion à l'effet dissuasif d'une telle disposition. Ne serait-il pas raisonnable de présumer que les délinquants, généralement, ne réfléchissent pas aux conséquences de leurs actes, comme ils le feraient peut-être dans d'autres circonstances criminelles? Croyez-vous que ceux qui s'enfuient du lieu d'un crime ou qui refusent de s'arrêter lorsqu'on leur ordonne de le faire ont pesé le pour et le contre dans leur esprit, savent ce que dit la loi, ce qu'ils peuvent se permettre de faire et ce qu'ils devraient faire? Croyez-vous vraiment que les gens réfléchissent à tout cela? Pourquoi croyez-vous à un effet dissuasif?

M. Grant Obst: Dans ces situations, je dirais que les délinquants avec lesquels nous faisons affaire se classent dans deux catégories. Il y a celui qui vole un véhicule—ce qui est courant—pour commettre un crime plus sérieux, tel qu'une entrée par effraction, un vol à main armée, ou même un meurtre, et éviter de se faire prendre. Ce type-là ne se demandera pas si on lui imposera deux ans de prison pour avoir tenté de fuir la police. Ce projet de loi n'aurait aucun effet dissuasif sur ce criminel.

L'autre catégorie est aussi très courante dans notre province et certainement dans la plupart des régions du pays. J'hésite à leur donner ce nom, mais ce sont généralement de jeunes contrevenants qui volent une voiture tout simplement pour aller faire une promenade, et peut-être même pour inciter des policiers à se lancer à leur poursuite. Ils ont généralement très peu de comptes à rendre, et, en adoptant ce projet de loi, vous leur indiqueriez clairement que ce genre de chose n'est plus acceptable et qu'ils devront en assumer les conséquences. Voilà donc les deux grandes catégories de délinquants.

Par ailleurs, cette disposition, si elle était adoptée, nous aiderait à faire condamner ceux qui tentent de fuir la police et, ainsi, à les envoyer en prison pendant un certain temps, ce qui rehausserait la sécurité du public. Vous avez raison de dire que nous invoquons toujours le facteur dissuasif, mais je ne crois pas que ce soit ici le seul facteur déterminant. Mais le fait de signifier clairement que ce genre de comportement ne sera plus toléré serait très important.

Le dossier de ces contrevenants est aussi crucial. Cela indiquerait non seulement à la police et au public, mais aussi aux nombreuses victimes de ce genre de... Il y a eu de nombreuses victimes dans l'incident que vous avez entendu. Deux personnes sont mortes, et 18 agents de police font encore l'objet d'interventions anti-stress à la suite de cet incident. La plupart d'entre eux vivront avec le souvenir de cette tragédie toute leur vie. Et ce genre de chose se produit chaque jour au pays.

• 1035

Je suis venu ici en mars pour parler de ce projet de loi à des députés. Je suis rentré chez moi et, lors de deux quarts de nuit consécutifs, j'ai participé à une chasse à l'homme, et ce n'est que mon cas à moi. Ces poursuites sont trop fréquentes. Le temps est venu pour le Parlement du Canada de déclarer clairement qu'il ne tolérera plus ce genre de comportement.

[Français]

Le président: Monsieur Bellehumeur.

M. Michel Bellehumeur: Monsieur Obst, nous avons entendu la bande sonore de la poursuite et vous avez dit par la suite qu'on avait retrouvé le véhicule de l'individu dans un banc de neige, près d'une clôture, et qu'on n'avait pas accusé cette personne en vertu de l'article 249. Pourquoi?

[Traduction]

M. Grant Obst: Je n'ai peut-être pas été clair. La situation que j'ai décrite dans laquelle nous avons retrouvé le véhicule dans un banc de neige s'est produite en janvier. Ce que vous avez entendu sur la bande audio s'est produit le 14 février et s'est soldé par un accident mortel. Les suspects ont été coincés dans leur véhicule et ont dû en être extraits par les pompiers. Il n'y a aucun lien entre les deux incidents.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Eh bien, vous n'avez pas porté d'accusation en vertu de l'article 249 contre le gars dont vous avez trouvé le véhicule dans un banc de neige, près d'une clôture. Pourquoi? Il y avait eu une poursuite.

[Traduction]

M. Grant Obst: À mon avis, ce n'était pas une chasse à l'homme. Je vous rappelle la situation: je suivais le camion sur l'autoroute. J'ai allumé mes signaux d'urgence, et le conducteur du camion a accéléré. J'aurais alors pu l'accuser d'excès de vitesse. Puis il a quitté l'autoroute et tourné sur une route en gravier. Je l'y ai suivi tout en respectant la limite de vitesse et en tentant de ne pas le perdre de vue. Mais comme il a accéléré et dépassé la limite de vitesse, je l'ai perdu de vue. C'était là toutes les preuves que j'avais. Je ne pouvais l'accuser de conduite dangereuse, seulement d'excès de vitesse. Cela s'est passé à deux heures du matin, sur l'autoroute. Je ne crois pas que la Couronne aurait cru bon de porter des accusations de conduite dangereuse, monsieur Bellehumeur. Je ne pouvais le prendre en chasse en raison du genre de véhicule que je conduisais, mais je l'ai suivi sur la route en gravier et, 19 kilomètres plus loin, je l'ai trouvé dans le banc de neige.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: D'accord.

Monsieur Prud'homme, à l'article 249.1 proposé, on dit que dans le cas d'une fuite causant la mort, la personne sera passible d'une peine d'emprisonnement à vie. Ne trouvez-vous pas que c'est un peu fort?

M. Yves Prud'homme: Écoutez, ce n'est pas à moi d'évaluer si c'est un peu fort ou pas. Quant à nous, il faut regarder les conséquences des actes qui sont posés. Il faut aussi se préoccuper de ceux et celles qui perdent la vie. J'ajouterai, si M. le président me le permet, que vous pouvez toujours me poser la question, et M. le député Saada me l'a posée, mais qu'en toute honnêteté, je ne peux pas vous répondre. Est-ce que cela va avoir l'effet dissuasif que vous escomptez? Personne autour de la table, ni parmi nous ni parmi vous, ne peut répondre à cela. On peut avoir des opinions très, très partagées à ce sujet.

Je pense que c'est une question de message et de choix de société. Est-ce que la société va tolérer cela plus longtemps? Est-ce qu'elle tolère qu'on commette des voies de fait sur son épouse ou qui que ce soit d'autre? Non. Est-ce qu'elle permet qu'on s'introduise dans une maison d'habitation, dans une industrie ou dans un commerce? Non, et on a fait de ces choses des actes criminels, des infractions. Est-ce que cela a fait baisser ou augmenter le taux de crime? Je ne pense pas qu'il faille voir les choses de ce point de vue. Il faut regarder les conséquences des actes des gens qui refusent d'obtempérer à un ordre d'un agent de la paix à qui vous avez confié la mission de protéger M. et Mme Tout-le-Monde. C'est ce qu'on vient plaider devant vous. Nous sommes profondément convaincus qu'il va y avoir encore de ces choses. Nous ne pouvons pas vous certifier quoi que ce soit. Nous pensons qu'il s'agit d'un message et que cela peut inciter les gens à respecter davantage la vie. Une telle chose compromet la vie et la sécurité de l'ensemble des citoyens canadiens.

• 1040

À Trois-Rivières-Ouest, on a vécu un drame. Chaque fois qu'il y a des conséquences comme le décès d'innocentes victimes, que ce soit du côté policier ou du côté de la population, c'est extrêmement douloureux et pénible. Les autorités de la ville ont cru bon d'adopter des résolutions appuyant les démarches. La ville de Trois-Rivières et même l'Union des municipalités du Québec discutent de cette orientation. Ce n'est pas pour rien. C'est parce qu'elles veulent assurer un milieu paisible à leurs citoyens.

M. Michel Bellehumeur: Monsieur Prud'homme, selon vous, y a-t-il une différence entre un meurtre au premier degré, dont l'auteur est passible d'une peine à vie, et une fuite causant la mort?

M. Yves Prud'homme: Comme je vous le disais plus tôt, dans son document, l'ACP a traité de la question de l'infraction incluse ainsi que de celle de la négligence criminelle causant la mort.

M. Michel Bellehumeur: Je vais lire ça.

M. Yves Prud'homme: Elle a également traité de l'homicide involontaire. L'association traite de tout cela dans son mémoire parce qu'elle a approfondi davantage la question. Nous avons été convoqués à la toute fin et nous n'avons donc pas été en mesure de faire une analyse technique aussi détaillée de l'article en question. Donc, on traite de l'infraction incluse dans le document.

M. Michel Bellehumeur: [Note de la rédaction: Inaudible] ...mais ce n'est pas grave.

[Traduction]

Le président: Monsieur Griffin, vous avez une remarque à faire?

M. David Griffin: La peine maximale est la même que pour un meurtre au premier degré, mais pas la peine minimale. L'article 249.1 proposé ne prévoit aucune peine minimale pour celui qui commet cette infraction et cause la mort. Ce n'est donc pas comme s'il s'agissait d'un meurtre au premier degré ou d'une autre infraction qui est punissable de la peine minimale.

Le président: Très bien. Nous passons maintenant à M. Derek Lee.

M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je suis certainement d'accord avec vous pour dire qu'il nous faut une disposition comme celle-ci pour combler une lacune du common law, probablement parce qu'il n'y avait pas de véhicules à moteur il y a cent ans; il y avait des chariots tirés par des chevaux. Mais cet article me pose certains problèmes. À mon avis, il ne survivrait pas longtemps dans sa forme actuelle. Il faudrait lui apporter deux ou trois modifications.

La bonne nouvelle, bien que personne ne l'ait encore mentionné aujourd'hui—vous m'excuserez si cela a été mentionné avant que j'arrive—c'est que cet article permet à la police d'interrompre la poursuite sans devoir abandonner la possibilité de porter des accusations. C'est un aspect très positif de cette disposition. Dans ce que la police considérerait comme une poursuite, l'infraction peut être commise, la poursuite peut être interrompue et les accusations portées plus tard, ce qui est très bien.

Ce qui est moins bien, c'est que la disposition dit essentiellement ceci: «Bonjour, je suis un policier dans ma voiture, et vous êtes un citoyen ordinaire dans votre voiture. Vous devez vous arrêter, sinon j'appliquerai le Code criminel.» Pour les gens ordinaires, ce n'est pas acceptable. Ce n'est pas parce que le policier est dans sa voiture qu'il devrait avoir le droit d'ordonner à toute autre personne se trouvant dans sa voiture...

Je me mets à la place de celui qui n'a absolument rien fait de mal et qui est tout à fait inconscient de ce qu'il aurait pu avoir fait de mal. Lorsque je lis cet article, je me dis que si je suis dans ma voiture et que je vois un policier dans mon rétroviseur, j'aurais avantage à m'arrêter, car selon le libellé de cette disposition, le défaut de s'arrêter peut être interprété comme une tentative de fuite.

Alors, lorsque je regarde dans mon rétroviseur et que je vois un policier, même s'il ne me fait pas signe de m'arrêter, je me dis que je dois m'arrêter. D'une certaine façon, les policiers pourraient se retrouver avec une file de voitures arrêtées devant eux qui n'auraient pas dû s'arrêter, mais qui l'ont fait par crainte d'être peut-être poursuivies, par crainte que leur défaut de s'arrêter ne soit interprété comme une tentative de fuite, par crainte de commettre une infraction.

Je crois donc qu'il faudrait faire ce qui suit. Prenons le cas d'un type qui n'a rien fait de mal. C'est de cela que je veux qu'on traite. Je veux bien aider le policier à faire son travail, et je ne veux pas aider le criminel qui tente de s'enfuir. Mais je veux aussi aider le citoyen ordinaire.

• 1045

La disposition dans sa forme actuelle ne prévoit pas l'obligation pour le policier de faire quelque signal que ce soit. Il suffit qu'il y ait une poursuite dans l'esprit du policier. Je crois qu'on devrait exiger du policier qu'il ait des motifs raisonnables d'arrêter le conducteur d'un véhicule pour que s'applique cette disposition. Cela devrait être une condition.

Deuxièmement, il faut exiger qu'un signal soit donné, peu importe ce qu'il est. Ce peut être un signal du policier au radar routier ou la mise en marche des signaux d'urgence de la voiture de police. Je trouve injuste de mettre le citoyen ordinaire dans une situation où il n'y a aucune indication évidente de son obligation de s'arrêter. Cela devrait être prévu; on pourrait dire par exemple que, lorsqu'on a fait signe au conducteur de s'arrêter... Même l'infraction provinciale à laquelle vous avez fait allusion prévoit qu'on a d'abord fait signe de s'arrêter. Cela devrait être prévu ici aussi.

De plus, j'estime que la phrase «sans motif raisonnable et dans le but de fuir» devrait être remplacée par «et avec l'intention de fuir». L'expression «dans le but de fuir» veut peut-être dire la même chose; peut-être que le rédacteur du projet de loi pourrait nous dire si la distinction est importante.

Je vous fais donc ces deux suggestions, et j'aimerais que vous les commentiez.

Le président: Monsieur Griffin.

M. David Griffin: Au risque de passer pour un plaisantin, je vous dirai que les agents de police n'ont pas l'habitude de jouer à cache-cache. Dans la plupart des provinces, sinon dans toutes, le code de la route exige des automobilistes qu'ils s'arrêtent lorsqu'un agent de police leur fait signe de le faire.

Mais on ne permet pas à l'automobiliste de refuser de s'arrêter tout simplement parce que, dans son esprit, il n'a rien fait de mal. Ce n'est d'ailleurs pas le cas qui nous intéresse ici. Il n'arrive jamais que les gens qui respectent la loi refusent de s'arrêter au signal de la police parce qu'ils estiment qu'ils n'ont rien fait de mal. Ce sont les premiers à s'arrêter pour la police. En fait, ce sont ceux qui s'arrêtent alors que vous tentez d'en arrêter d'autres. Ce n'est pas eux, le problème. Le problème, ce sont ceux qui, sachant qu'ils ont fait quelque chose de mal, tentent de fuir la police et de se soustraire aux conséquences de leurs actes.

Il est du ressort du comité de proposer des modifications à la Chambre, et nous les appuierions. Mais nous ne pourrions soutenir l'idée selon laquelle l'automobiliste devra s'arrêter seulement si le policier a des motifs de lui demander de s'arrêter. Il y a différentes façons de traiter des motifs de l'agent de police, et nous en parlons à la page 10 de notre mémoire. Si l'automobiliste estime que l'agent n'a pas agi comme il se doit, il peut se plaindre de la conduite du policier.

M. Derek Lee: Après être comparu devant le tribunal.

M. David Griffin: Après avoir arrêté sa voiture. Pourquoi ne s'arrêterait-il pas?

M. Derek Lee: Mais si c'est après qu'ils ont refusé de s'arrêter? Ils ont alors commis une infraction.

M. David Griffin: C'est exact.

M. Derek Lee: Mais rien ne justifie pour eux l'obligation de s'arrêter. Je vous parle de la dame honnête qui, pour quelque raison que ce soit, ne s'est pas arrêtée. Elle a vu le gyrophare, a pris peur, a voulu appeler à la maison sur son téléphone cellulaire, n'a pas pu le faire, s'est demandé quoi faire, a tourné à droite, puis à gauche. Je pense à celle ou celui qui n'a rien fait de mal. Je veux m'assurer que, avant que cette disposition ne s'applique, le policier a des motifs qui justifient qu'il ait ordonné à cet automobiliste de s'arrêter.

M. David Griffin: Je crois...

Le président: M. Prud'homme voudrait faire une remarque.

[Français]

M. Yves Prud'homme: Je partage le point de vue de M. Griffin lorsqu'il dit que le comité devrait peut-être analyser le libellé en tant que tel. Notre recommandation porte sur le refus d'obtempérer à un ordre d'un agent de la paix. Cela veut dire qu'un citoyen cherche à se soustraire à son obligation légale d'obéir à un ordre d'un agent de la paix. C'est cela qu'il faut comprendre. Cela sous-entend un ordre d'un agent de la paix. Je partage les préoccupations de monsieur. Quand nous faisons fonctionner nos gyrophares, nous avons des motifs d'intercepter ce véhicule. Quand il s'agit d'un véhicule volé, nous sommes dans notre droit en ce sens que nous exécutons notre mandat d'arrêter ou d'intercepter l'auteur du vol.

• 1050

Le libellé de la disposition n'est peut-être pas suffisamment clair. Je pense que tout le monde a témoigné en ce sens. Il s'agit du refus d'obtempérer à un ordre d'un agent de la paix. Un ordre veut dire qu'on demande expressément au conducteur de s'immobiliser en actionnant nos gyrophares ou en lui faisant un signe. C'est ce que veut dire un ordre dans notre profession de policier.

On devrait peut-être dire «le refus ou le fait qu'il cherche à se soustraire à son obligation légale d'obéir à un ordre d'un officier», ou «un refus d'obtempérer à un ordre d'un policier», au lieu de dire «poursuivi par un agent de la paix». Je ne suis pas un conseiller juridique ou un avocat, mais le comité, avec ses propres conseillers, pourrait fort bien libeller cette disposition de manière qu'elle atteigne l'objectif que nous visons.

[Traduction]

Le président: Merci. Vous avez une dernière remarque à faire, monsieur Shard?

M. Michael Shard: Oui, brièvement. Merci.

D'après mon interprétation du projet de loi, il ne s'appliquerait pas aux personnes innocentes. L'élément clé, à mon avis, c'est «omet d'arrêter son véhicule». De plus, on prévoit notamment que cela devra avoir été fait «sans motif raisonnable». Je crois qu'une personne innocente ayant de bons motifs de ne pas s'arrêter avant un certain temps en raison d'une certaine confusion pourrait invoquer avoir eu un motif raisonnable ou avoir arrêté son véhicule «dès que les circonstances le permettent». L'autre condition prévue est «dans le but de fuir». Il est certain que le tribunal exigerait que l'intention soit prouvée. Je crois que ces trois conditions, «sans motif raisonnable», «dans le but de fuir» et «dès que les circonstances le permettent», protègent les personnes innocentes.

Dans l'ensemble, je crois que le projet de loi assure l'équilibre entre le besoin que nous avons exprimé et les préoccupations qui ont été exprimées ici au sujet des personnes innocentes et de la possibilité d'abus de la part de la police.

Ces dispositions ne s'appliqueront pas dans toutes les situations. Elles ne s'appliqueront pas si l'agent de police n'est pas dans un véhicule à moteur ou s'il n'y a pas de poursuite. Elles ne s'appliqueront pas dans les cas de conduite dangereuse ou, du moins, elles s'appliqueraient autant que les dispositions sur la conduite dangereuse. Ce que nous tenons à vous faire comprendre, c'est que les dispositions s'appliqueront à certaines situations et que, si tel est le cas, il importe d'adopter le projet de loi.

Le président: Merci, monsieur Shard.

Monsieur MacKay.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Merci, monsieur le président. Je serai bref.

J'ai jeté un coup d'oeil sur votre mémoire et j'ai entendu certaines de vos remarques. Je connais bien le projet de loi et je l'appuie. D'emblée, je vous remercie de votre témoignage.

Il y a deux questions importantes ici. Premièrement, pour faire suite à ce que vient de dire M. Shard, il est évident qu'il faut créer une infraction particulière. Lorsque des criminels tentent de s'enfuir, il y a des articles du code qui s'appliquent à ceux qui tentent de résister à l'arrestation de façon générale dans d'autres contextes, mais on veut ici reconnaître de façon bien précise ce qui se passe lorsqu'une personne décide de fuir. Dans la plupart des cas, lorsqu'une personne tente de fuir, c'est très clair.

Pour en revenir à l'exemple de M. Lee, que j'avais moi-même donné à M. McTeague lors de sa dernière comparution devant notre comité, ou au cas de celui qui panique et qui, pour quelque raison, n'obéit pas sur-le-champ à une demande évidente de la part du policier de s'arrêter, on pourrait régler le problème en faisant de cette infraction une infraction mixte. J'aimerais que vous y réfléchissiez. Vous pourriez procéder par déclaration sommaire de culpabilité dans les cas où il n'y a pas eu de circonstances aggravantes, pour ainsi dire. Le conducteur n'est pas passé sur la pelouse du voisin avec sa voiture, il n'a pas fait d'excès de vitesse et n'a pas conduit de façon imprudente, mais il avait manifestement l'intention de fuir.

• 1055

Je crois que cela est dû en partie au libellé, sans vouloir manquer de respect à M. McTeague, et je crois qu'il faudrait être plus rigoureux dans la formulation, surtout lorsqu'il est question de la fuite. Je crois que si on supprimait dans la version anglaise les termes «peace officer» et qu'on ajoutait simplement «in order to evade lawful apprehension», il serait implicite qu'un agent de la paix doit avoir des motifs raisonnables et probables de procéder à une arrestation.

Je crois qu'il est possible de renforcer le libellé. En général, je crois que ce concept, auquel M. Prud'homme a également fait allusion, témoigne d'une évolution des perceptions au sujet des poursuites policières attribuable probablement au cinéma et à la télévision—vous savez, les séries comme Smoky and the Bandit et The Dukes of Hazzard, où on laisse entendre qu'il n'y a rien de mal à essayer de fuir la police. Eh bien, un peu comme dans le cas de la Loi sur la conduite avec facultés affaiblies et le droit criminel, on constate un changement dans l'opinion publique et notre perception au sujet des tentatives de fuite.

En général, je suis très favorable à ce projet de loi, mais j'aimerais connaître votre réaction à la suggestion qu'on en fasse une infraction mixte, et que la notion de motifs raisonnables soit inscrite dans le projet de loi, surtout en référence à l'arrestation légale.

M. David Griffin: Je crois que nous avons essayé de donner suite à ces deux recommandations. Très brièvement, si nous examinons les statistiques sous l'onglet 7, à la page 8, ce sont des statistiques compilées par la province de l'Ontario au sujet des poursuites policières en Ontario. Vous constaterez que la vaste majorité d'entre elles ont été effectuées à la suite de graves infractions au Code criminel. Il y en a très peu après le genre d'incident mineur dont nous parlons. Les gens ne prennent pas la fuite parce qu'ils ont grillé un feu rouge ou parce qu'ils sont en retard pour cueillir leurs enfants à l'école. Ce n'est pas le genre de situations qui donnent lieu à des poursuites en voiture.

Nous croyons que la majorité des poursuites impliquent des criminels dangereux ou des activités criminelles graves, et c'est ce sur quoi il faut essayer de se pencher. Par conséquent, nous appuyons l'idée, afin de tenir compte de cette préoccupation, que la police devrait prouver que la personne pourchassée n'a pas fait que commettre une simple infraction au code de la route, mais qu'elle essayait délibérément d'échapper à un agent de la paix. Nous ne croyons pas qu'il devrait s'agir d'une infraction mixte. D'après notre expérience des infractions sujettes à option, la déclaration sommaire de culpabilité devient la norme. La vaste majorité des infractions sujettes à option seront traitées comme des infractions punissables par procédure sommaire.

Nous croyons qu'il faut envoyer un message clair. Si c'est le coût ou le processus qui nous préoccupe... nous avons essayé de répondre à vos deux questions, monsieur, aux pages 9 et 10 de notre mémoire. Nous croyons que cela devrait constituer un acte criminel. Cependant, il est possible d'envisager un jugement absolu devant les tribunaux provinciaux pour une première infraction de défaut d'arrêter, et cela répondrait au moins à l'inquiétude que le dossier doit être entendu devant une cour supérieure.

Pour ce qui est des motifs de la police, nous estimons que le libellé, comme M. Shard l'a mentionné, répond à ces préoccupations.

Le président: Est-ce que quelqu'un d'autre a un commentaire à faire?

M. David Griffin: Mais nous ne nous opposons certainement pas à ce qu'on cherche à donner satisfaction au comité.

Le président: Monsieur Brown.

M. Bruce Brown: Merci. Si le comité veut en faire une infraction mixte, il suffit de se limiter aux cas où il n'y a ni blessure ni mort. De toute évidence, s'il y a blessures ou mort, il doit s'agir d'un acte criminel. Pour ce qui est de faire de l'acte criminel une infraction absolue, cela pourrait répondre à vos préoccupations au sujet du processus et des coûts connexes.

Je pense donc que l'ACCP appuiera aussi ce qu'a dit M. Griffin.

Le président: Merci.

Monsieur McTeague, vous avez signalé... Si vous avez quelque chose de très pertinent à dire, allez-y; sinon, je préférerais...

M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.): Monsieur le président, je ne veux pas poser une question, mais je voudrais savoir s'il est possible de demander à certains des témoins d'organiser une documentation à l'échelle nationale. Les renseignements que nous pouvons obtenir du ministère provincial de l'Ontario sont sans doute bien convaincants, mais nous devons nous occuper de la situation à l'échelle nationale. Je voudrais donc savoir, monsieur le président, si les témoins peuvent fournir au comité un aperçu des chiffres qu'ils ont obtenus à l'échelle du pays et s'ils peuvent nous les fournir assez rapidement.

Le président: Possèdent-ils ces renseignements?

• 1100

M. David Griffin: Je pense que ce serait très difficile. Si nous avons des chiffres pour le comportement et les poursuites des policiers en Ontario, c'est parce qu'on exige une telle chose dans la province chaque fois que les policiers participent à une poursuite et qu'ils doivent présenter un rapport écrit. Les chiffres viennent de ces rapports. Je ne pense pas que les mêmes normes existent dans d'autres provinces ou qu'on exige le même genre de rapports.

Nous pouvons certainement poser la question, mais vous trouverez sans doute que les renseignements sont strictement anecdotiques. On ne fait rien sur le plan statistique dans d'autres secteurs de compétence.

[Français]

Le président: Monsieur Prud'homme.

M. Yves Prud'homme: Au niveau du Québec, j'ai tenté d'obtenir cette information à la Sûreté du Québec. Ce n'est pas compilé. On n'a pas d'information à ce sujet parce que ce n'est pas une infraction. On ne compile donc aucune donnée statistique là-dessus. À la CUM, on a quand même une partie de cela et on rend compte à la commission de sécurité publique. C'est pour cela qu'on a réussi à obtenir ces données, sauf les dernières. On a fait une brève vérification, mais encore là, on n'a pas toute l'information. Il me serait très difficile de répondre, monsieur le président, à moins que vous me donniez deux ou trois semaines pour le faire.

[Traduction]

Le président: Très bien, nous vous saurions gré de tout ce que vous pourriez faire pour nous fournir d'autres analyses statistiques. Notre comité...

Je voudrais mettre fin à cette discussion-ci. Je vous remercie beaucoup des échanges que nous avons eus ce matin, de même que des questions et des réponses. Cela nous a été très utile. Merci beaucoup.

Je vais suspendre la séance pendant que nous accueillons le groupe suivant.

[Note de la rédaction: À cause de considérations de nature juridique, la publication du témoignage du groupe de témoins suivant a été interdite]

• 1101




• 1159

Le président: Nous allons maintenant reprendre la séance, et je prie les membres du comité de se rasseoir à la table.

Je souhaite la bienvenue à M. Hunt, président de l'Association canadienne des automobilistes, et à Mme Ciufo, gestionnaire des Affaires publiques et gouvernementales.

Je vous remercie de vous joindre à nous. Je m'excuse du retard pour ce qui est de votre exposé.

• 1200

Nous avons votre mémoire. Avez-vous des commentaires à nous faire à ce sujet?

M. Brian Hunt (président, Association canadienne des automobilistes): Je voudrais faire quelques observations. Mon exposé me semble bien mince après celui que nous venons d'entendre. Je pense qu'on a déjà dit à peu près tout ce que nous voudrions dire nous-mêmes, et encore davantage.

À titre de parent, après avoir entendu M. Bowman, et comme—la plupart d'entre vous le savent déjà, je pense—l'enfant tué lors de l'accident de l'autobus scolaire hier ou avant-hier était dans la classe de ma propre fille, je me rends compte plus que jamais à quel point nos enfants sont précieux. J'ai probablement embrassé mes enfants plus fort hier soir que la veille. J'éprouve beaucoup de compassion pour M. Bowman et je ne peux même pas imaginer la douleur et les souffrances qu'il connaît. Je vous remercie cependant de nous avoir permis de venir exprimer notre appui pour le projet de loi C-440.

Nous avons remis au comité un mémoire qui explique de façon détaillée les raisons de notre position. Je vais aujourd'hui mettre en lumière les principales raisons pour lesquelles nous appuyons ce projet de loi et formuler ensuite certaines recommandations que nous tenons à vous présenter.

Les membres de la CAA ont exprimé leur consternation face aux collisions tragiques attribuables aux poursuites automobiles à grande vitesse. Ces poursuites ont un prix énorme, en l'occurrence la santé et la vie de témoins innocents et de policiers. En Ontario seulement, de 1991 à 1997, plus de 10 000 poursuites à grande vitesse ont eu lieu et causé des blessures à 2 415 personnes et la mort de 33 autres. Ce n'est qu'une seule province. Environ le tiers de ces poursuites ont lieu dans des zones résidentielles et à proximité de terrains de jeux à des vitesses moyennes de plus de 110 km/h. La situation est intenable. Nous devons sensibiliser les gens à la situation. Il faut prendre des mesures pour dissuader les suspects de fuir la police à des vitesses excessives. Il faut aussi prendre des mesures pour réduire le risque pour les policiers et la sécurité du public lorsqu'il y a des poursuites à grande vitesse.

La CAA appuie de tout coeur le projet de loi C-440. Nous incitons les gouvernements à faire en sorte que nos lois prévoient des sanctions sévères pour les automobilistes qui fuient à grande vitesse pour échapper à des agents de la paix. Nous croyons que le projet de loi aura des effets utiles s'il est adopté. Il réduira le nombre de poursuites à haute vitesse et ainsi le risque de décès, de blessures et de dommages à la propriété.

L'association recommande donc au comité d'appuyer le projet de loi C-440. Selon nous, il est temps de tenir criminellement responsables de leurs actes les automobilistes qui décident d'échapper aux policiers et qui refusent de s'arrêter.

Nous rappelons cependant au comité que le projet de loi C-440 ne peut réduire à lui seul le problème des poursuites à grande vitesse. Malgré tout ce que nous pouvons faire, certains criminels continueront de se servir de véhicules à moteur pour fuir la police. La CAA croit donc que le projet de loi constitue une première étape importante, mais qu'il est également nécessaire de mettre en oeuvre des mesures additionnelles pour réduire le danger que représentent les poursuites à haute vitesse et faire en sorte que les policiers soient mieux en mesure de décider où et quand ils doivent entamer une poursuite en automobile.

La CAA propose donc deux recommandations au comité. La première demande au comité d'appuyer l'adoption du projet de loi C- 440 pour ajouter au Code criminel des dispositions qui font de la fuite délibérée dans un véhicule automobile dans le but d'échapper à la police un acte criminel et pour prévoir des sanctions automatiques pour les automobilistes qui refusent de s'arrêter. Ceux qui décident d'entraîner la police dans une poursuite à grande vitesse commettent une violation de propos délibéré. Ils décident de risquer la vie des policiers et des membres du public. Ces actions doivent être punies par des sanctions criminelles spéciales qui reflètent la nature particulière de leur infraction.

Deuxièmement, la CAA recommande que tous les gouvernements et leurs organismes d'application de la loi élaborent et appliquent des procédures et des lignes directrices en matière de formation concernant le moment et l'endroit où les forces de l'ordre doivent amorcer des poursuites policières à grande vitesse ou y mettre un terme. Et il faudrait aussi que les cours de conduite en situation d'urgence deviennent partie intégrante de la formation de tous les agents de la paix dans le but d'assurer un niveau élevé de connaissance et de sécurité.

• 1205

De façon plus précise, l'énoncé de la politique de la CAA sur les poursuites à grande vitesse recommande ceci:

D'abord, la police ne devrait se livrer à la poursuite d'un véhicule en fuite que si elle est convaincue qu'une infraction au Code criminel a été commise.

Deuxièmement, la police ne doit pas utiliser des véhicules sans identification ou des policiers en civil dans les poursuites à haute vitesse, à moins que cela ne soit absolument nécessaire.

Troisièmement, la police ne doit pas bloquer les routes, percuter ou tamponner dans les poursuites à grande vitesse à moins que l'infraction commise ou la façon d'agir de la personne qui fait l'objet de la poursuite ne représente un si grand danger pour le public qu'une arrestation immédiate est nécessaire.

Quatrièmement, la police ne doit pas tirer de coups de feu à partir d'un véhicule en marche à moins qu'il ne s'agisse de défendre la vie du policier ou d'une autre personne.

Cinquièmement, les forces de l'ordre devraient exiger un cours de recyclage périodique dans la manoeuvre des véhicules pour tous les agents susceptibles de poursuivre des fuyards et pour ceux qui appliquent les lois.

Pour terminer, nous considérons que l'adoption du projet de loi C-440 serait une première étape importante pour empêcher plus de décès et de blessures. Cela montrerait la gravité des poursuites à haute vitesse. Ces poursuites découlent de choix criminels et mettent en danger des vies innocentes.

Encore une fois, je remercie le comité de son attention et je suis prêt à répondre aux questions sur notre position.

Le président: Merci, monsieur Hunt.

M. John McKay: Monsieur le président, avant de commencer à poser des questions, je voudrais invoquer le Règlement ou demander une précision, vu que nos propos seront transcrits. Je sais, monsieur Hunt, que vous vouliez dire dans votre exposé que conduire un véhicule à grande vitesse est un acte volontaire, alors que vous avez parlé plutôt de violation. Je voulais simplement faire une mise au point pour qu'on indique dans le compte rendu que vous vouliez parler d'acte volontaire.

M. Brian Hunt: C'est en effet ce que je voulais dire. Je m'excuse.

Le président: Merci.

Monsieur Cadman.

M. Chuck Cadman: Je n'ai pas vraiment de questions à poser, monsieur le président. Je voudrais simplement remercier les témoins d'être venus ici et leur dire que tout ce que je voudrais savoir se trouve certainement dans leur mémoire.

Merci beaucoup.

Le président: Merci.

Monsieur MacKay.

M. Peter MacKay: Merci, monsieur le président.

Je tiens moi aussi à vous remercier de votre exposé. Il importe de savoir ce que vous pensez de questions comme celle-ci. Je sais que l'Association canadienne des automobilistes s'est longuement penchée sur cette question et qu'elle a déjà témoigné devant notre comité dans le passé.

J'ai seulement une très courte question à poser au sujet d'une assertion semblable formulée par les représentants de l'Association canadienne des policiers et par vous-même, quand vous avez insisté pour que le fait même soit réputé être un acte criminel plutôt qu'une infraction mixte. Je ne veux pas un instant suggérer qu'il s'agit seulement d'une question d'accusation sommaire, mais cela augmente certainement le nombre de façons dont un tribunal, et en particulier la police et le procureur de la Couronne, procéderait dans un cas de fuite.

Je peux entrevoir une variété de cas où il y aurait des circonstances aggravantes et d'autres cas où il y aurait des circonstances atténuantes, et il peut arriver, par exemple, qu'une personne... M. Lee a mentionné un scénario où une personne panique, fuit la police, mais seulement sur une très brève distance. Il ne s'agit pas là d'un élément aggravant, parce qu'il n'y a pas nécessairement de poursuite à haute vitesse, ou encore dans une zone d'école ou un secteur résidentiel. Je crois personnellement qu'on améliorerait l'élément de dissuasion en donnant la possibilité de porter des accusations moins graves dans certains cas, mais aussi de porter une accusation d'acte criminel quand des circonstances aggravantes existent—par exemple lorsque la personne a déjà un casier judiciaire, ou qu'il y a certains de ces autres éléments que j'ai mentionnés.

Je voulais seulement connaître votre réaction à cette suggestion qu'on en fasse une infraction mixte.

M. Brian Hunt: Je suppose que nous avons préféré qu'on en fasse un acte criminel parce que nous voulions souligner la gravité d'un tel acte. Si l'on en fait une infraction mixte... je vous le dis très franchement, je pense que nous devons signifier très fermement qu'aucune fuite, peu importe que ce soit sur une distance d'une centaine de mètres ou de 20 milles ou encore de 20 kilomètres, n'est acceptable. Quand les policiers vous font un signal avec les feux de leur voiture, vous devez respecter la loi et vous arrêter sur l'accotement. Le policier sera ainsi dans une position sûre. On ne risquera pas de mettre en danger la vie de personnes innocentes. Nous pensons donc que la question est assez grave pour qu'on en fasse un acte criminel.

M. Peter MacKay: Bien. Je vous remercie de votre réponse.

J'ai terminé, monsieur le président.

Le président: Merci. Monsieur McKay.

M. John McKay: J'ai une très courte question à vous poser, monsieur Hunt, au sujet des divers moyens dont la police dispose pour éviter tout ce processus. L'Association canadienne des automobilistes a-t-elle pensé à d'autres moyens d'amener les criminels à s'arrêter pendant une poursuite? Nous pouvons modifier le Code criminel, mais votre association a-t-elle des suggestions à faire qui pourraient nous aider, en termes de recommandations que le comité pourrait faire?

• 1210

Mme Jody Ciufo (chef, Affaires publiques et gouvernementales, Association canadienne des automobilistes): L'association vient de faire un sondage auprès de ses membres en Ontario, et les résultats viennent juste de nous parvenir, sous une forme rudimentaire, et c'est pourquoi nous n'avons malheureusement pas pu les inclure dans notre mémoire.

Nous avons demandé à nos membres quelles peines convenaient le plus pour ceux qui fuient la police. Plus de 80 p. 100—le chiffre exact est de 82 p. 100 d'après les données initiales—de nos membres appuient l'idée d'en faire un acte criminel. Le pourcentage de personnes en faveur d'amendes obligatoires était même plus élevé, et en troisième place on retrouvait la suspension du permis de conduire. Nous envisageons de préconiser d'autres peines, mais elles ne sont pas de compétence fédérale, et nous pensons donc que la plupart des techniques directes qui pourraient servir relèveraient davantage, à notre avis, des gouvernements provinciaux.

M. John McKay: Il y a une ordonnance d'interdiction qu'on pourrait insérer ici, et il en est question dans l'un des articles. Si je comprends bien, vous n'avez pas interrogé vos membres quant à l'essence même du problème, c'est-à-dire le fait de commencer une poursuite?

M. Brian Hunt: Non, nous n'avons pas vraiment demandé à nos membres comment on pouvait empêcher une poursuite de commencer, sauf peut-être en réduisant le nombre de véhicules volés, par exemple. Cela pourrait, il y a lieu de l'espérer, réduire le nombre de poursuites en voiture par les policiers.

M. John McKay: Cela va pour une partie du problème, soit environ le tiers des voitures.

M. Brian Hunt: C'est exact, mais nous n'avons pas examiné de moyens permettant d'empêcher qu'une poursuite commence même.

M. John McKay: Il est plutôt bouleversant de voir que d'après les statistiques environ 40 p. 100 de ces poursuites se terminent par un décès, des blessures, ou des dommages à la propriété.

M. Brian Hunt: C'est exact. C'est un pourcentage très élevé.

M. John McKay: Merci.

Le président: Monsieur Lee.

M. Derek Lee: Je voulais seulement rassurer l'un de nos témoins en disant qu'en dépit... Elle a dit que les suspensions de permis et les amendes ne relevaient peut-être pas du gouvernement fédéral, mais en vertu du Code criminel le Parlement a le pouvoir d'imposer une amende si nous le jugeons bon. Deuxièmement, comme M. McKay le signale, l'ordonnance d'interdiction de conduire est une solution efficace pour remplacer la suspension de permis et entraîne finalement des suspensions de permis.

Merci. Je voulais seulement faire cette observation, à moins que ce témoin ne veuille répondre.

Mme Jody Ciufo: Je vous remercie.

Le président: Merci. Avez-vous d'autres questions? Dans ce cas, nous remercions tous nos témoins d'être venus ici. Nous nous excusons de notre retard.

M. Brian Hunt: Ne vous en faites pas, c'est très compréhensible. Merci de nous avoir donné l'occasion de vous parler.

Le président: Mesdames et messieurs les membres du comité, je propose que nous passions à l'étude du projet de loi article par article la semaine prochaine, peut-être, après avoir entendu les fonctionnaires du ministère de la Justice. Je ne crois pas que M. McTeague ou d'autres aient proposé d'entendre d'autres témoins. Nous pourrons donc probablement étudier cette mesure article par article mardi, en plus de disposer des modifications diverses, ou de la loi corrective, quel que soit son nom.

M. Derek Lee: Pouvons-nous passer à la loi corrective maintenant, monsieur le président? Je pense que nous avons le quorum. Préférez-vous plutôt attendre?

Le président: Je ne pense pas que nous ayons le quorum nécessaire pour une mise aux voix. Nous avons le quorum nécessaire pour entendre des témoins, mais nous ne sommes pas assez nombreux pour une mise aux voix.

M. John McKay: Pouvons-nous voter par correspondance?

Le président: Par procuration? Certainement.

C'est le programme que je prévois pour mardi. Nous entendrons les fonctionnaires du ministère de la Justice, et je pense que nous pourrons probablement ensuite étudier le projet de loi article par article, en commençant d'abord par la loi corrective.

M. John McKay: Que nous reste-t-il au programme après cela?

Le président: À moins qu'on ne nous renvoie d'autres mesures législatives, je pense que nous pourrons nous occuper de l'affaire Chaulk, concernant l'incapacité mentale et d'autres questions connexes. En ce moment même, la Cour suprême examine une affaire portant sur les condamnations avec sursis. Nous pourrons peut-être étudier cette question. Nous n'obtiendrons probablement pas de jugement avant l'automne; alors nous arrivons seulement...

M. John McKay: Notre sous-comité est-il près de...?

Le président: Il termine ses audiences cette semaine.

M. Derek Lee: J'invoque le Règlement. Avons-nous levé la séance?

Le président: Non, nous n'avons pas encore levé la séance.

Une voix: Nous pourrions lever la séance et ensuite...

Le président: La séance est levée.