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JURI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 18 mars 1999

• 0911

[Traduction]

Le président (M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.)): J'aimerais ouvrir la séance.

Nous accueillons Christine Leonard qui représente la Société John Howard de l'Alberta. Christine, avez-vous un exposé à faire? Je crois que votre mémoire n'est que dans l'une des deux langues officielles. Il est en anglais uniquement.

Mme Christine Leonard (directrice générale, Société John Howard de l'Alberta): Oui.

Le président: Le groupe accepte-t-il que l'on distribue le mémoire et que la version anglaise soit traduite en français ultérieurement?

M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Réf.): Monsieur le président, j'aimerais avoir la parole pendant quelques instants.

Le président: Certainement. Allez-y.

M. Jim Abbott: Monsieur le président, comme vous le savez, vous et moi avons discuté hier ou avant-hier du fait que le projet de loi C-284 d'initiative parlementaire dont nous nous occupons aujourd'hui, est très lié au projet de loi C-69 que le solliciteur général a déposé à la Chambre lundi, je crois. Mon collègue et moi avons discuté officieusement avec le ministre et mon collègue M. Lowther a présenté une lettre au ministre datée d'hier. Ce que nous aimerions faire, parce que nous estimons qu'il y a énormément de bonne volonté entre tous les partis à la Chambre, et nous aimerions continuer dans cet esprit, c'est d'indiquer que nous souhaitons que le ministre ou le gouvernement trouve le moyen de regrouper ces deux textes pour accélérer le processus. Nous avons déjà passé l'étape de la deuxième lecture pour le projet de loi C-284.

J'ai parlé à mes collègues du NPD et du Parti progressiste- conservateur. Malheureusement, je n'ai pas encore pu m'adresser au Bloc. Mais les trois partis que je vous ai cités seraient prêts à procéder à la deuxième lecture du projet de loi du ministre avec un seul intervenant pour accélérer le processus. Nous ne jugeons pas nécessaire de répéter les témoignages que nous aurons reçus pour le projet de loi C-284 lorsque le projet de loi C-69 sera renvoyé à la Chambre pour étude.

Nous proposons cela pour faire preuve de bonne volonté et de collaboration car nous croyons que tous les députés de la Chambre aimeraient que ce genre de législation soit adopté, et étant donné que les projets de loi C-284 et C-69 sont très proches l'un de l'autre, nous aimerions les regrouper.

Le président: Merci de vos remarques. L'ordre du jour de la chambre ne relève pas de notre compétence évidemment, mais ce que vous dites me semble logique.

Monsieur Saada.

M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Toujours sur le même sujet, je veux simplement dire que je juge tout à fait indiqué qu'on essaie d'accélérer le processus. Depuis que ce projet de loi a été présenté, les divergences n'ont pas porté sur l'intention du projet de loi mais sur la façon dont on allait l'appliquer. Ceci étant, je crois qu'il semble éminemment logique pour nous de collaborer afin d'essayer de voir si nous ne pouvons pas accélérer les choses. Je ne suis donc pas nécessairement d'accord avec les détails, car ils sont indépendants de ma volonté, mais avec l'esprit de ce que vient de dire M. Abbott.

• 0915

Le président: Très bien. Allez-vous distribuer cette lettre à titre d'information?

M. Jim Abbott: Oui.

Le président: Madame Leonard, si vous voulez bien faire votre exposé.

Mme Christine Leonard: Bonjour. La Société John Howard de l'Alberta est un organisme sans but lucratif d'envergure nationale qui est représenté dans 65 collectivités. Nous nous inquiétons de la criminalité dans nos collectivités et notre réaction est donc d'offrir des services qui comprennent l'éducation dans les écoles, la surveillance des libérés conditionnels, les établissements de garde en milieu ouvert pour jeunes contrevenants, les visites en prison, les réconciliations entre les victimes et les contrevenants, les maisons de transition, les programmes de préparation à l'emploi, les programmes d'alphabétisation et le counselling. Parce que nous nous occupons depuis longtemps des questions de criminalité et de prévention dans nos collectivités, nous participons aussi activement à la recherche et à la réforme du système de justice.

Je suis heureuse de comparaître devant vous aujourd'hui pour discuter du projet de loi C-284. J'ai remis mon mémoire à la greffière aujourd'hui; il est en anglais seulement et je m'en excuse, mais je n'ai pas eu le temps de le faire traduire. Je suis la directrice générale de la Société John Howard de l'Alberta, mais je suis ici aujourd'hui à titre de représentante de la Société John Howard du Canada.

La réhabilitation a été créée pour rendre service aux Canadiens. C'est une preuve de réadaptation, d'acquisition de maturité et de correction du comportement. Trois millions de personnes ont des casiers judiciaires au Canada, soit 10 p. 100 de la population environ. Nous ne devons pas les craindre toutes ni les punir toutes indéfiniment pour leurs actes passés. La réhabilitation est le fait de reconnaître que les gens peuvent changer et se réadapter. Elle signifie quelque chose pour des milliers de Canadiens qui cherchent à l'obtenir chaque année.

Les Canadiens paient aussi très cher pour obtenir la réhabilitation. Présenter une demande de réhabilitation est long et exigeant parce qu'il faut fournir de nombreux documents. Le délai de traitement d'une demande, une fois qu'elle a été reçue par la Commission nationale des libérations conditionnelles, est également très long.

La police a le pouvoir de faire enquête sur la conduite et le comportement de quiconque a présenté une demande de réhabilitation. Cela devrait contribuer à nous rassurer et nous faire croire que quiconque a obtenu cette réhabilitation a effectivement changé de comportement et est digne de cette réhabilitation. Les sept bureaux de la Société John Howard de l'Alberta à eux seuls reçoivent en moyenne 100 demandes de renseignements et d'aide concernant la réhabilitation par semaine. Nous connaissons bien le fardeau que représente le poids que constitue pour une personne le fait que son passé puisse compromettre son avenir.

En vous disant tout cela, j'essaie de vous montrer qu'il est peu vraisemblable qu'un contrevenant qui continue à commettre des infractions entreprenne de telles démarches. Lorsque la réhabilitation a été accordée, on peut être à peu près sûr que la personne n'a pas commis de crime pendant un certain nombre d'années, mais également qu'elle n'en commettra sans doute pas dans l'avenir. Bien évidemment, rien ne garantit une telle chose, comme le prouve le fait qu'un petit pourcentage de réhabilitations sont révoquées chaque année. Ce taux reste très faible puisqu'il était en 1997-1998 de 2,6 p. 100, ce qui prouve que la plupart de ces personnes ne commettent pas d'actes criminels après avoir été réhabilitées.

Selon les statistiques gouvernementales, on a accordé en moyenne 444 réhabilitations par an à des personnes qui ont commis des infractions sexuelles, de 1994 à 1997. Au cours de cette période de quatre ans, 46 contrevenants ont été déclarés coupables d'une nouvelle infraction sexuelle, soit 12 en moyenne par an. Il est important de préciser que ces révocations ne sont pas nécessairement dues à des infractions sexuelles contre des enfants, lesquelles font l'objet du projet de loi C-284. Il n'est pas non plus prouvé que ces 12 contrevenants aient été dans une situation de confiance à l'égard des enfants, situation que l'on aurait pu interdire si le projet de loi avait été en vigueur. Nous devons nous demander si les dispositions du projet de loi C-284 auraient eu des répercussions sur l'un quelconque de ces 12 cas de révocation annuels.

Le nombre des organismes et des clubs qui demandent des extraits de casiers judiciaires pour leurs nouveaux employés et bénévoles a connu une croissance phénoménale. Je crois que la chose est assez bien connue. Nous avons au Canada des exemples de personnes qui étaient dans des positions de confiance et qui ont maltraité des enfants, mais la plupart d'entre elles n'avaient pas d'antécédents connus qui auraient pu être révélés par des mesures telles que celles préconisées par le projet de loi. Les groupes et les organismes qui s'occupent d'enfants ont la responsabilité de procéder à des vérifications complètes et approfondies qui exigent au moins dix démarches, notamment des entrevues personnelles, la vérification des références et la surveillance et l'évaluation continues. Même le dirigeant de Bénévoles Canada, qui a contribué à l'instauration du programme de vérification sécuritaire pour le personnel et les bénévoles qui travaillent avec des enfants, estime qu'il est dangereux de tomber dans le piège qui consiste à ne se fonder que sur la vérification d'un dossier.

La protection de nos enfants est garantie par l'acceptation, la surveillance et l'évaluation complètes des employés et des bénévoles. C'est particulièrement important étant donné ce qu'a pu constater la Société John Howard sur le sujet du contrôle sécuritaire. Il est important que le comité sache qu'il y a des incohérences dans ce système de vérification. On n'obtient pas le même résultat si c'est l'organisme ou le demandeur qui vient trouver la police pour demander le papier; et l'information fournie peut de ce fait être différente. Il y a des différences dans les dossiers que la police vérifie pour le contrôle sécuritaire, l'information que la police donne à l'organisme et la façon dont l'organisme interprète l'information ainsi reçue.

• 0920

De plus, nous avons travaillé avec de nombreux clients qui avaient eu de très nombreuses condamnations et pour qui les dossiers de la police locale n'en indiquaient que quelques-unes, les dossiers de la GRC n'en indiquaient que quelques autres et certaines n'apparaissaient ni d'un côté ni de l'autre. Il faut savoir que les dossiers peuvent ne pas être complets et que ces vérifications à elles seules ne sont pas suffisantes pour choisir les employés ou les bénévoles.

Lors de discussions récentes que nous avons eues avec la Commission nationale des libérations conditionnelles, on nous a indiqué qu'il n'était pas rare que la commission rejette une demande de réhabilitation à un délinquant sexuel pendant les 10 à 12 années qui suivent la fin de la peine. En fait, le document d'information qui accompagne le projet de loi du gouvernement sur cette question indique qu'en moyenne les candidats à la réhabilitation n'ont pas commis d'infraction criminelle pendant 11 ans.

Le projet de loi essaie de régler un problème qui, s'il existe, peut même ne pas être touché par les mesures prévues dans ce texte législatif, si nous les comprenons bien. Après avoir lu à plusieurs reprises le projet de loi C-284, je ne suis pas encore sûre du mécanisme qu'il envisage pour atteindre son objectif. Il semble vouloir rendre automatique la divulgation des dossiers de réhabilitation plutôt qu'à la suite d'une décision du solliciteur général comme c'est le cas actuellement et il ne semble pas y avoir de mécanisme prévu pour que la personne réhabilitée consente à cette divulgation.

Les gouvernements, les universités et les centres de réadaptation ont effectué de nombreuses recherches sur la récidive et les risques chez les délinquants sexuels. Les projets de loi d'origine parlementaire comme le projet de loi C-284 reconnaissent rarement les résultats des nombreuses recherches qui ont été effectuées sur les risques que présentent les personnes ayant commis des infractions sexuelles impliquant des enfants et sur ce que l'on peut faire pour gérer ce risque. En 1997, le groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur les délinquants à risque élevé a publié un document intitulé Rapport sur les systèmes d'information sur les délinquants sexuels qui s'en prennent à des enfants et à d'autres personnes vulnérables. Le document contient un ensemble complet de solutions et de recommandations sur la façon de gérer les risques posés par les personnes déclarées coupables d'infractions sexuelles impliquant des enfants. Ces propositions ont été mises au point par des fonctionnaires avec la participation de toutes les provinces et territoires. On ne devrait ni rejeter ni ignorer un travail de recherche long et approfondi réalisé en collaboration comme celui-ci parce qu'un projet de loi d'initiative parlementaire prend un raccourci.

Il serait judicieux que le comité permanent rejette le projet de loi C-284 au profit de l'étude du projet de loi C-69 qui a été déposé par le solliciteur général lundi. Autant que je sache, le projet de loi émanant du gouvernement intègre les recommandations faites par le groupe de travail fédéral-provincial-territorial et, qui plus est, permettrait au réhabilité de décider s'il souhaite que son dossier soit communiqué à l'organisme. Si l'intéressé ne consent pas à la vérification des antécédents marqués d'un drapeau ou à la divulgation des dossiers, cela pourrait indiquer à l'organisme qu'il devrait réfléchir avant d'accepter ce postulant.

L'autre avantage du projet de loi émanant du gouvernement est qu'il permettrait au ministre de décider s'il faut divulguer le dossier. Cela permet de reconnaître que les antécédents ne sont pas nécessairement ni toujours pertinents pour savoir dans quelle mesure la collectivité a actuellement confiance dans une personne et se sent rassurée à son endroit.

Nous avons de graves inquiétudes à l'égard du projet de loi C-284 car nous pensons qu'il pourrait signifier le début de l'érosion de la réhabilitation. Étant donné le nombre croissant de projets de loi d'initiative parlementaire portant sur des questions de justice, on peut à juste titre se demander quand nous allons devoir revenir pour discuter du prochain projet de loi qui essaiera peut-être d'obtenir que l'information confidentielle soit automatiquement communiquée lorsqu'il s'agit des autres délinquants sexuels, puis des personnes qui ont commis des actes de violence, des infractions criminelles liées aux drogues, etc. Nous avons vu à plusieurs reprises des textes législatifs qui augmentent constamment la liste des infractions assujetties à des mesures particulières, notamment les listes sans cesse augmentées des infractions de l'annexe 1 à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et la liste grandissante des infractions réputées transférables pour les jeunes.

Les projets de loi d'initiative parlementaire semblent devoir se suivre et élargir à chaque fois la portée du précédent. Les modifications concernant la Loi sur le casier judiciaire, qui ont commencé avec le projet de loi C-284, vont sans doute donner lieu à d'autres changements qui vont contribuer à réduire l'efficacité de la réhabilitation. Le projet de loi est particulièrement gênant parce qu'il ne permet pas au réhabilité de décider de renoncer à sa demande d'emploi et ne donne pas non plus au ministre le pouvoir discrétionnaire nécessaire pour juger de la pertinence de l'information confidentielle dans la situation actuelle.

Le projet de loi ne nous permet pas d'étudier le dossier de chacun individuel pour voir s'il est indiqué de le divulguer. Le projet de loi C-284 propose la mise en oeuvre d'un système très arbitraire et automatique qui aura des répercussions sur un grand nombre de personnes réhabilitées pour divulguer les dossiers des quelques personnes qui ont de mauvaises intentions. Il propose une mesure très lourde pour un très petit nombre de cas.

• 0925

Le groupe de travail fédéral-provincial-territorial a admis dans son rapport que la protection du public était garantie par un système de signalement par un drapeau et de communication laissée à la discrétion du solliciteur général. Il a également admis que toutes les autres mesures mises en place ces dernières années pour protéger la société des délinquants sexuels, y compris non seulement le système national de vérification, mais également les dispositions à long terme concernant les contrevenants, les habitudes de notification à la collectivité et l'article 810.

Nous ne pourrons jamais éliminer tous les risques, mais nous devons rechercher des solutions qui nous aident à réduire les risques sans avoir des répercussions plus grandes que nécessaire ou que prévu. Les répercussions du projet de loi C-284 sur la signification de la réhabilitation l'emportent sur ses avantages, surtout lorsqu'il y a d'autres solutions qui n'entraîneraient pas une érosion de la signification de la réhabilitation.

La Société John Howard encourage donc le comité à rejeter le projet de loi C-284.

Le président: Merci, madame Leonard.

Nous allons maintenant passer à une série de questions de sept minutes en commençant par M. Abbott.

M. Jim Abbott: Merci.

Merci de votre témoignage. Il est clair que nous ne sommes pas du même avis et c'est bien. À la page 2 de votre mémoire, par exemple, vous dites: «En vous disant tout cela, j'essaie de vous montrer qu'il est peu vraisemblable qu'un contrevenant qui continue à commettre des infractions entreprenne de telles démarches.» Nous pensons bien sûr que c'est plutôt le contraire. Nous estimons que les délinquants dont nous parlons ici sont très sournois et feront tout ce qu'ils peuvent—et ce serait là un moyen idéal—pour brouiller les pistes.

À la page 6, près de la conclusion de votre exposé, vous mentionnez le groupe de travail fédéral-provincial-territorial. Je vous renvoie au même groupe. En 1998, il a publié un document qui indique qu'il y a eu plus de 700 nouvelles victimes d'infractions sexuelles de la part des individus qui avaient été réhabilités et dont la réhabilitation a par la suite été révoquée. Voilà donc la source de mes renseignements. Il s'agit du même groupe que celui que vous avez cité.

Mme Christine Leonard: Pouvez-vous me dire à quelle page cela se trouve?

M. Jim Abbott: La page de votre...

Mme Christine Leonard: Non, de l'accord fédéral-provincial...

M. Jim Abbott: Je parlais de la page 6 de votre document.

Mme Christine Leonard: Dans l'autre document?

M. Jim Abbott: Non, je parlais de vos notes pour votre allocution, page 6...

Mme Christine Leonard: Nous comparons cependant des chiffres. Pouvez-vous me dire d'où vous tirez ce chiffre de 700, s'il vous plaît?

M. Jim Abbott: Du rapport des ministres fédéral, provinciaux et territoriaux intitulé Rapport sur les systèmes d'information sur les délinquants sexuels qui s'en prennent à des enfants et à d'autres personnes vulnérables.

Mme Christine Leonard: Et de quelle page s'agit-il?

M. Jim Abbott: De la page 19.

Mme Christine Leonard: Merci.

M. Jim Abbott: Permettez-moi de vous répéter que le document de 1998 a indiqué qu'il y avait eu plus de 700 nouvelles victimes d'infraction sexuelle de la part d'individus réhabilités et dont la réhabilitation a par la suite été révoquée. On dit dans le document:

    - des 5 380 révocations survenues au cours de cette période, il y en aurait 845 (15,7 %) pour lesquelles le dossier fait été d'une infraction sexuelle antérieure;

    - des 845 révocations pour lesquelles le dossier fait état d'une infraction sexuelle antérieure, 704 (83,3 %) seraient attribuables à la perpétration d'une nouvelle infraction sexuelle;

Et je crois que sur ce chiffre de 704, 456 au moins concernaient des infractions sexuelles impliquant des enfants.

Ainsi, en me référant à la même source que vous, bien qu'il s'agisse d'une partie différente du rapport, il me semble que nous ayons une claire indication que, pour ceux qui ont été réhabilités et qui tombent dans la catégorie à laquelle nous essayons de nous en prendre avec ce texte de loi, les preuves semblent vraiment battre en brèche ce que vous avez dit dans votre exposé, ne pensez- vous pas?

Mme Christine Leonard: Si vous me le permettez, je dirais que je ne suis pas d'accord. Si vous lisez avec soin les chiffres—et j'ai lu ce rapport et j'ai regardé avec le plus grand soin ces chiffres—les 500, 700 et 845 que vous venez de nous citer ne représentent pas vraiment des cas. Ce sont des extrapolations faites à partir d'un échantillon. Pour ce travail de recherche, on a pris un échantillon de 170 réhabilitations, 104 refus et 115 révocations sur une certaine période, de 1988 à 1991, et par extrapolation à partir de ces chiffres, on a obtenu ce que cela devrait donner pour les infractions sexuelles et les révocations.

Nous avons décidé de ne pas tenir compte de cette information pour deux raisons. Premièrement, l'échantillon a été pris de 1988 à 1991, c'est-à-dire avant que l'on ne mette en place le système national de filtrage, avant la législation concernant les délinquants de longue date avant la notification communautaire et avant l'article 810. Nous avons donc estimé que ces chiffres ne s'appliquaient guère à la situation actuelle.

• 0930

Deuxièmement, nous avons décidé de ne pas utiliser ces chiffres parce que lorsque nous avons pris en considération l'échantillon des 170 réhabilitations accordées, 104 refus et 115 révocations, nous avons constaté que les révocations représentaient les deux tiers des réhabilitations accordées. Ces chiffres ne reflètent pas le nombre réel de réhabilitations accordées et de révocations. Le pourcentage de cas étudiés n'était pas proportionnel à la réalité. Nous avons donc estimé que cet échantillon extrapolé n'était pas réaliste.

Les cas que j'ai cités correspondent à des révocations réelles.

M. Jim Abbott: Si j'ai bien compris votre exposé, la position de la Société John Howard est donc que ceux qui sont chargés d'organisations auxquelles des parents confient leurs enfants tels que les Grands frères, les scouts et les clubs de soccer, n'ont absolument pas le droit de savoir... est-ce ce que...

Mme Christine Leonard: Ce n'est pas du tout ce que j'ai dit, monsieur. J'ai déclaré estimer que le projet de loi proposé par le gouvernement représentait une approche plus mesurée et plus raisonnable pour permettre aux organismes de disposer de l'information dont ils ont besoin, et non pas de l'information dont ils pourraient avoir besoin. Il n'est pas nécessaire de divulguer les antécédents criminels de tous les délinquants sexuels. Certains d'entre eux ont pu changer. L'infraction peut avoir eu lieu il y a 30 ou 40 ans, et ils peuvent aller bien maintenant.

Je suis favorable au projet de loi d'initiative gouvernementale parce qu'il permet à l'intéressé de savoir que son dossier va être vérifié et communiqué, et de ne pas donner suite à la demande d'emploi. Cela donne également au ministre le pouvoir discrétionnaire de dire que le dossier n'est pas pertinent dans ce cas.

M. Jim Abbott: Pour être précis donc, parce que nous espérions, en faisant preuve de bonne volonté, regrouper les deux choses, la Société John Howard serait donc favorable au projet de loi du ministre. Est-ce bien là ce que vous dites?

Mme Christine Leonard: Nous serions favorables au projet de loi du ministre plutôt qu'au projet de loi d'initiative parlementaire si le Parlement jugeait nécessaire de s'occuper de ce problème. À notre avis, ni l'un ni l'autre projet de loi ne va avoir de répercussions sur un grand nombre de cas. Ils ne sont pas...

M. Jim Abbott: Sauf votre respect, peu m'importe le nombre. Un c'est déjà trop.

Mme Christine Leonard: Comme vous voudrez. Si l'on va adopter un projet de loi qui révèle des antécédents d'infractions sexuelles qui ont fait l'objet d'une réhabilitation, je crois que celui du gouvernement représente une approche plus raisonnable à cet égard. Il est plus juste pour ceux qui ont été réhabilités parce qu'ils ont la possibilité de retirer leur demande d'emploi ou de bénévolat et de protéger leur vie privée en l'occurrence.

M. Jim Abbott: Je veux éviter de vous harceler. Je veux simplement que les choses soient bien claires dans mon esprit. La Société John Howard dit-elle que le projet de loi C-69 dans son libellé actuel serait acceptable? Est-ce là ce que vous dites? Vous dites que vous rejetez le projet de loi d'initiative parlementaire mais que vous seriez plus favorable à l'autre projet de loi. Cela veut-il dire que vous l'accepteriez?

Mme Christine Leonard: Oui.

M. Jim Abbott: Merci.

Le président: Madame Bakopanos.

Mme Eleni Bakopanos (Ahuntsic, Lib.): Merci beaucoup pour votre exposé.

Je sais que vous avez signalé vos inquiétudes à l'égard du projet de loi d'initiative parlementaire, mais le projet de loi présenté par le ministre vous pose-t-il aussi de gros problèmes?

Mme Christine Leonard: Je dois faire attention à la façon dont je vais répondre à cela. J'ai reçu l'information avant de venir ici aujourd'hui. Malheureusement, parce que je ne l'ai reçu qu'hier, je n'ai pas eu le temps d'en discuter avec mes collègues de la Société John Howard. Les premières impressions sont qu'il est plus juste. Nous ne pensons pas nécessairement que le premier comme le second soient indispensables. Toutefois, étant donné qu'il y a des chances qu'un projet de loi soit adopté, nous préférerions celui du gouvernement. Il ne nous pose pas de gros problèmes. Mais je le répète, je n'ai guère eu le temps de discuter de ses répercussions.

Mme Eleni Bakopanos: Votre expérience vous indique-t-elle que la plupart des délinquants sexuels réhabilités—et peut-être que c'est une question à laquelle il vous sera difficile de répondre—avouent tout de même qu'ils ont des antécédents criminels?

Mme Christine Leonard: Je suis désolée, je ne puis répondre à cela.

Mme Eleni Bakopanos: Lorsque vous faites des entrevues, est-ce un autre service qui se charge de cela pour votre société?

Mme Christine Leonard: Je sais que lorsque la Société John Howard d'Edmonton procède à des vérifications pour son personnel, lorsqu'elle recherche les antécédents criminels, c'est aux responsables de décider. Ils obtiendront un papier indiquant qu'il y a des antécédents ou non. Ils demandent alors à l'intéressé quels sont ces antécédents et peuvent, dans certaines circonstances, exiger de l'intéressé qu'il fournisse le relevé pertinent.

Mme Eleni Bakopanos: S'ils procèdent à des vérifications pour une personne qui va travailler avec des enfants et dont on ne connaît pas les antécédents qui ont fait l'objet d'une réhabilitation, va-t-on normalement aller vérifier ces antécédents et le casier judiciaire?

• 0935

Mme Christine Leonard: En fait, nous ne savons pas s'il y a eu réhabilitation.

La Société John Howard de l'Alberta, notamment, s'occupe de la question des antécédents et des réhabilitations depuis six mois et nous venons de demander un financement pour faire des travaux de recherche sur cette question précise. Le travail n'a donc pas encore été effectué.

Nous nous inquiétons des renseignements fournis selon la personne qui fait la vérification. Par exemple, si la Société John Howard vérifie les antécédents criminels d'un nouvel employé ou d'un bénévole éventuel, l'information qu'elle obtiendra de la police locale avec laquelle nous avons un contrat pour ces vérifications de dossiers, dira «peut avoir un casier judiciaire ou non.» On ne nous donne pas un autre papier. C'est alors à nous qu'il revient de parler à cette personne sur ses antécédents ou de faire analyser les empreintes digitales pour être sûrs des antécédents.

Mes enfants vont à la garderie et j'ai donc parlé longuement aux responsables de ces vérifications et de la façon dont ils interprètent ces vérifications d'antécédents. Parce qu'il s'agit d'un organisme qui s'occupe d'enfants, lorsqu'on vérifie les dossiers, on dit «peut avoir un casier judiciaire ou non», et on lui remet une deuxième feuille précisant les antécédents.

Mme Eleni Bakopanos: Mais il n'y a pas uniformité. C'est ce que vous dites.

Mme Christine Leonard: Il n'y a pas uniformité.

Mme Eleni Bakopanos: Cela dépend de l'organisme.

Mme Christine Leonard: Dans ce cas, parce qu'il s'agit d'un organisme qui offre un service à des enfants, il me semble logique qu'on obtienne davantage de renseignements. C'est la raison même de ce genre de mesures.

Le problème est que ce que votre organisme obtient et ce que cette garderie obtient de la police locale est différent de ce que nous ou cette garderie obtenons de la GRC, en dehors de la ville.

Mme Eleni Bakopanos: Si je comprends bien ce que vous dites et ce que vous avez dit dans votre exposé, vous ne pensez pas qu'il faille fournir automatiquement ces renseignements à un organisme quelconque, qu'il s'occupe d'enfants ou non?

Mme Christine Leonard: Non, nous ne le pensons pas.

Dans certains cas, la réhabilitation a été accordée pour des infractions qui remontent à de nombreuses années; la personne a vécu une vie exemplaire depuis, elle est connue dans la collectivité pour ses bons services, et la divulgation automatique des renseignements qui ne nous sont pas nécessaires aura des répercussions sur cette personne.

Mme Eleni Bakopanos: Mais si c'est une personne qui est devenue respectueuse de la loi ne va-t-elle pas vouloir donner cette information?

Mme Christine Leonard: Elle pourrait le vouloir.

Mme Eleni Bakopanos: Merci.

Mme Christine Leonard: Je vous en prie.

Le président: Nous allons permettre des questions de trois minutes.

Monsieur Abbott.

M. Jim Abbott: Merci.

Toutes ces choses deviennent malheureusement très personnelles. Vous avez parlé de vos propres enfants. J'ai moi-même des petits-enfants.

Estimeriez-vous, au nom de votre organisation, qu'il y a des situations où l'on devrait pouvoir révéler les infractions sexuelles passées, les infractions criminelles d'ordre sexuel?

Mme Christine Leonard: Oui.

M. Jim Abbott: Compte tenu du fait que, à ma connaissance, très peu de choses vont changer avec le projet de loi C-69, à savoir que lorsque la police va voir le drapeau, elle ne va pas pouvoir révéler cette information à votre garderie ou à la garderie qui s'occupe de mes petits-enfants. Cela ne vous préoccupe-t-il pas?

Mme Christine Leonard: Je vous demande réhabilitation. Je n'ai pas compris la question et c'est sans doute en grande partie parce que je ne comprends pas le mécanisme proposé dans le projet de loi.

M. Jim Abbott: Très bien. À ce qu'il me semble, et on peut me corriger si je me trompe, même si un petit drapeau rouge figure en face du nom de la personne et du relevé de sa réhabilitation—je crois que c'est la terminologie—la police n'a pas le loisir de révéler la présence du drapeau rouge, mais elle doit s'en référer directement au ministère du Solliciteur général. C'est cela en gros.

Mme Christine Leonard: Dans le projet de loi d'initiative parlementaire?

M. Jim Abbott: Non, cela figure dans le projet de loi du ministre.

Mme Christine Leonard: Dans le projet de loi émanant du gouvernement, ah bon!

M. Jim Abbott: Je crois que l'autre solution que nous proposons, sous la forme prescrite par le ministre, c'est que la personne qui présente une demande d'emploi à la garderie ou autre devrait donner son accord pour que cette information soit rendue disponible.

Mme Christine Leonard: C'est exact. Si j'ai bien compris le projet de loi émanant du gouvernement, il y a...

M. Jim Abbott: Non, ça c'est le projet de loi d'initiative parlementaire.

Mme Christine Leonard: Bon, d'accord. Je n'avais pas vu cela dans ce projet de loi.

M. Jim Abbott: D'accord. Cela figure dans le projet de loi d'initiative parlementaire et c'est là que réside la différence. Autrement dit, dans le projet de loi C-69, il y a encore une forte probabilité que l'information ne parvienne en effet pas à l'organisme.

• 0940

Cela vous préoccupe-t-il? C'est vraiment injuste, mais comme je l'ai dit, vous avez cité le cas de vos enfants et j'ai cité celui de mes petits-enfants.

Mme Christine Leonard: Oui, et c'est bien.

Il y aurait deux possibilités que l'information n'arrive pas à l'organisme. La première serait que la personne refuse la vérification du dossier signalé par un drapeau ou la communication de l'information à l'organisme. L'autre que le ministre décide que cette information n'est pas pertinente en l'occurrence. C'est ainsi que je conçois le projet de loi.

Nous acceptons ces deux possibilités. Si le ministre tient compte du fait que l'infraction sexuelle a eu lieu il y a 30 ans, que la personne a fait toutes sortes de choses dans la collectivité, qu'elle travaille et que tout semble aller bien pourquoi l'organisme devrait-il obtenir cette information? Le risque semble faible. Si la personne décide de ne pas révéler ses antécédents, c'est le signal pour l'organisme d'envisager de revoir sa candidature.

M. Jim Abbott: Très bien. Merci.

Le président: Monsieur Saada.

[Français]

M. Jacques Saada: Je pense que le projet de loi gouvernemental a un avantage sur le projet de loi privé, en ce sens qu'il laisse une plus grande part de responsabilité au demandeur d'emploi. D'abord, ce dernier a la latitude de retirer sa demande d'emploi s'il préfère ne pas divulguer ses antécédents judiciaires. Il a donc une décision à prendre à ce moment-là.

S'il décide de maintenir sa demande d'emploi—et cela va peut-être répondre à mon collègue Abbott—, les antécédents pertinents seront révélés.

De plus, et je crois que c'est extrêmement important, non pas d'un point de vue lié à la sanction mais du point de vue de la responsabilisation, une fois que tout cela est terminé, il revient au demandeur d'emploi de convaincre son employeur éventuel que, malgré ses antécédents, sa candidature est acceptable.

Ce sont là des mécanismes qui se complètent très bien les uns les autres pour en arriver à assurer un maximum de sécurité.

Comme je le disais au début, avant votre intervention, sur le plan de l'objectif poursuivi par les deux projets de loi, il est nécessaire d'avoir un projet de loi à cet égard, si je peux exprimer une légère divergence de vue avec vous. C'est nécessaire pour deux raisons. Premièrement, comme le disait mon collègue, si un cas peut être évité grâce à une mesure législative, celle-ci s'avère positive. Deuxièmement, je ne vois pas cela comme nocif pour le demandeur d'emploi. Au contraire, c'est plutôt positif puisque cela le pousse à prendre ses responsabilités au point d'affronter son employeur éventuel et de lui prouver qu'il peut, malgré ses antécédents, accomplir le travail du poste qu'il sollicite. Dans le cadre du processus global de réhabilitation, c'est souhaitable qu'il en soit ainsi.

Je vais vous poser une question très difficile. Pensez-vous qu'il y a des raisons d'entretenir des doutes quant à l'intégrité d'un processus où la révélation d'un dossier est laissée à la discrétion du solliciteur général?

[Traduction]

Mme Christine Leonard: La Société John Howard, de façon générale, préfère le pouvoir discrétionnaire aux décisions exécutoires. Cela peut susciter quelques inquiétudes selon la confiance que l'on a dans la personne qui possède ce pouvoir, mais de toute façon, nous préférerions que cette personne ait la capacité d'annuler cette décision, d'étudier le cas, de prendre une décision pour chaque cas individuellement plutôt que d'office du fait d'un texte de loi qui l'oblige à décider d'une certaine façon.

M. Jacques Saada: C'est quelque chose que j'aurais aimé dire moi-même, mais je voulais vous l'entendre dire.

Mme Christine Leonard: Je suis heureuse de l'avoir fait.

Le président: Merci, monsieur Saada.

Monsieur Lowther.

• 0945

M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Merci, monsieur le président.

Je comprends le point de vue de cette personne. Mais si j'ai bien compris vos remarques, madame Leonard, vous préférez que ce soit le solliciteur général ou quelqu'un du ministre qui prenne la décision lorsqu'il s'agit de confier peut-être même la garde de vos enfants à quelqu'un qui a préalablement commis une infraction sexuelle à l'égard d'enfants. Je trouve cela un peu surprenant. Plutôt que de pouvoir dire si cela vous va ou non, vous vous en remettez à quelqu'un du ministère du Solliciteur général qui va accepter ou non que vous preniez connaissance des antécédents de cette personne. Pouvez-vous m'expliquer vos raisons? Ça ne me semble tout simplement pas très logique.

Mme Christine Leonard: Sauf votre respect, c'est ce que nous faisons tous les jours de notre vie. Nous ne choisissons pas les enseignants de nos enfants. Nous estimons que le conseil ou la commission scolaire a évalué ces personnes et estime qu'elles sont aptes à assumer cet emploi. Ce n'est pas moi qui choisis l'entraîneur sportif de mon enfant. Ce n'est pas moi qui fait toutes ces entrevues, cette sélection, cette vérification des antécédents et cette surveillance. Je ne fais qu'envoyer ma fille au cours de gymnastique.

Pour ce qui est de permettre au solliciteur général, dans ce cas, d'examiner les dossiers, étant donné les nombreuses années pendant lesquelles j'ai travaillé pour la Société John Howard, je respecte infiniment les employés du ministère du Solliciteur général pour ce qui est de savoir évaluer et gérer les risques et pour leur capacité d'étudier les cas en fonction des risques et des possibilités de récidive.

Même si le solliciteur général n'avait pas ce pouvoir discrétionnaire et si le dossier était communiqué d'office, ce n'est pas moi qui le recevrais en tant que parent d'un enfant de la garderie; ce serait la garderie qui devrait l'interpréter. Ça ne me rassurerait guère car on ne sait en général pas interpréter ces dossiers et on ne sait pas qu'en faire. On ne sait pas quel est le risque.

M. Eric Lowther: Ainsi, lorsque vous placez vos enfants dans cette garderie, que vous demandez si on a procédé à toutes les vérifications voulues et qu'on vous dit que oui, sachant bien sûr qu'on ne peut pas avoir accès aux dossiers d'une personne qui a été déclarée coupable d'infractions sexuelles à l'égard d'enfants et qui a été réhabilitée parce que le solliciteur général a décidé de ne pas donner suite à cette demande car il voit là quelque chose qu'il ne veut pas que l'on sache, cela vous paraît acceptable. Vous acceptez de ne pas avoir accès à cette information et de placer vos enfants dans une telle situation.

Mme Christine Leonard: Si la garderie apprenait que le dossier était accompagné d'un drapeau rouge—je ne sais même pas si on le lui ferait savoir—et qu'elle ne peut pas y avoir accès, ce serait un élément de décision.

M. Eric Lowther: Mais elle ne pourrait pas le savoir en vertu de ce projet de loi. Avec ce que nous proposons, elle pourrait savoir s'il y a un drapeau rouge et il n'y aurait pas de pouvoir discrétionnaire. Mais dans la solution que vous appuyez, c'est le ministère qui décide et non pas la garderie ou le parent qui place ses enfants dans cette situation. Je suis surpris que vous préfériez que ce soit le ministère qui décide de la sécurité de vos enfants plutôt que de permettre à la garderie et à vous-même d'avoir accès à cette information.

Mme Christine Leonard: Je ne suis pas d'accord avec ce que vous venez de dire. Je ne crois pas que le simple fait de connaître les antécédents criminels permette à mes enfants ou à n'importe quels autres enfants d'être en sécurité ou non. Il y a beaucoup d'autres choses à faire lorsqu'on sélectionne un bénévole ou un employé qui va travailler avec des enfants et c'est ce que je disais dans mon exposé.

Bénévoles Canada recommande un système national de filtrage en dix étapes pour la surveillance et l'évaluation continues et les parents ont la responsabilité de connaître les personnes à qui ont affaire leurs enfants. Il y a toutes sortes d'autres étapes et mécanismes pour connaître les gens qui travaillent avec vos enfants, en plus du simple fait de se fonder sur les antécédents criminels des cinq, dix ou quinze dernières années.

M. Eric Lowther: Il y a peut-être quelque chose qui m'échappe. Vous avez de toute évidence eu l'occasion, par la Société John Howard, de travailler avec ces personnes réhabilitées, et ce n'est pas mon cas. Pouvez-vous trouver un exemple où ce pourrait être une bonne idée pour le solliciteur général de ne pas révéler l'information concernant une personne qui a commis des infractions sexuelles contre des enfants et qui a été réhabilitée à une organisation pour laquelle elle essaie de travailler?

Mme Christine Leonard: Je n'ai pas de cas précis qui me vienne à l'esprit; je ne peux donc pas vous donner de nom ni d'endroit, si c'est ce que vous demandez.

• 0950

M. Eric Lowther: Non, je voulais simplement dire...

Mme Christine Leonard: Les risques de récidive des délinquants sexuels sont de divers types. Nous savons qu'ils sont très faibles chez les délinquants qui commettent des incestes. Si vous avez donc affaire à un délinquant qui a commis un inceste il y a 10, 20 ou 30 ans, le risque général qu'il récidive est très faible et diminue avec le temps. C'était un jeune parent à l'époque et il a maintenant 60 ans et souhaite devenir entraîneur de soccer, et dans ce cas il n'est peut-être pas nécessaire de révéler ces antécédents.

M. Eric Lowther: Mais vous ne pensez pas que l'organisme qui l'engage devrait avoir la possibilité de faire cette évaluation; cela doit être laissé au solliciteur général. Pourquoi ne voulez- vous pas que cet organisme qui l'engage... quel mal y a-t-il à ce qu'il soit au courant...

Mme Christine Leonard: Je ne pense pas que les organisations qui engagent ont autant d'information que le solliciteur général sur les risques de récidive, sur l'évaluation des risques et la gestion des risques d'infractions criminelles; je ne pense pas qu'elles ont ce genre d'expérience. Elles disposent de tous les autres outils pour ce qui est d'interroger, de surveiller, de vérifier les références, en plus de simplement compter sur les antécédents.

Le président: Merci, monsieur Lowther.

Monsieur John McKay.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je suis désolé d'avoir manqué votre exposé, et je suis en train d'essayer de lire et d'écouter en même temps.

L'hypothèse de travail, dans l'initiative de M. Lowther, est qu'en matière d'infractions sexuelles impliquant des enfants, il n'y a pas vraiment de guérison. Il n'y a vraiment jamais de processus de guérison qui se fait; ainsi une personne jugée coupable d'une infraction de ce genre va sans doute récidiver, même si cela ne va pas nécessairement entraîner des sanctions criminelles.

Si je me fie à mon intuition, cela semble juste, mais parfois les choses vont à l'inverse. Vous serait-il possible de me dire si c'est une hypothèse de travail valable que de dire que les gens déclarés coupables d'infractions sexuelles impliquant des enfants risquent en fait de récidiver.

Mme Christine Leonard: Permettez-moi de vous lire des extraits d'un document d'information préparé par la Société John Howard sur la récidive chez les délinquants sexuels.

    Le public a tendance à croire que les délinquants sexuels, surtout les pédophiles, présentent un risque très élevé de récidive [...] Toutefois, la possibilité qu'un violeur ou un pédophile commette une nouvelle infraction sexuelle est en fait assez basse (18 % et 13 % respectivement) [...]

—Ces données datent de 1996—

    De plus, le suivi à long terme (10 à 15 ans) des pédophiles montre que le taux moyen de récidive pour ce groupe de délinquants est en fait inférieur à celui des délinquants non sexuels [...]

Comme je l'ai dit plus tôt, nous savons que pour ceux qui commettent des incestes, ce taux est inférieur.

M. John McKay: Pouvez-vous attribuer ces 18 p. 100 et 13 p. 100? Je ne sais trop si mon verre est à moitié plein ou à moitié vide. Si je prends un groupe de 100 personnes qui ont été condamnées pour ce genre d'infractions, dois-je comprendre d'après votre information, qu'entre 13 et 18 p. 100 des personnes de ce groupe vont sans doute récidiver? Est-ce ainsi que je dois interpréter ce que vous venez de dire?

Mme Christine Leonard: Je suis désolée. Je n'ai pas d'information concernant la façon dont l'étude a été réalisée et je ne peux répondre. Il est parfois dangereux de donner des statistiques qu'on ne peut pas expliquer complètement. Je regrette, cette note est trop brève pour permettre d'expliquer cela.

Nous savons que dans l'ensemble les délinquants sexuels à l'égard d'enfants risquent davantage de récidiver que les autres délinquants. Mais il nous faut cependant...

M. John McKay: Ne venez-vous pas de vous contredire? N'avez- vous pas dit que le taux était inférieur à celui des autres types d'infractions?

Mme Christine Leonard: Je suis désolée. Vous avez raison. Le taux est inférieur sur une période de 10 à 15 ans. C'est ce que j'ai sous les yeux.

Ce que je veux dire, c'est qu'il est assez intéressant de constater que dans la société on pense en général que lorsqu'on est pédophile on le reste à vie; on ne peut jamais guérir et on présente toujours un risque. Or, nous disons que les délinquants sexuels peuvent purger leur peine sans connaître de problèmes. Ils peuvent passer toute la période d'attente obligatoire pour obtenir la réhabilitation qui est de cinq ans. Ils peuvent passer toute la période d'attente prolongée que la Commission des libérations conditionnelles nous dit appliquer et qui est de 10 à 12 ans après la fin de la sentence. Ils peuvent passer au travers des enquêtes de police. Ils peuvent être réhabilités. Ils peuvent bien se conduire pendant toute cette période, simplement parce qu'ils prévoient d'obtenir un poste de confiance auprès d'enfants pour pouvoir récidiver?

• 0955

C'est quelque peu contradictoire. Ou ils peuvent bien se conduire ou ils ne le peuvent pas.

Par ailleurs, il y a de nombreuses choses que nous pouvons faire pour réduire les risques des délinquants sexuels et nous les avons faites. Il y a les dispositions concernant les délinquants de longue durée, la notification de la collectivité et l'article 810. Nous ne pouvons jamais éliminer tous les risques. Même si nous faisons en sorte que les personnes qui ont des antécédents d'infractions sexuelles ne se trouvent jamais officiellement dans une position de confiance à l'égard d'enfants, il y a des enfants partout.

M. John McKay: Oui. Je ne contredis pas ce que vous dites, mais pour nous qui légiférons, la question est vraiment de savoir si l'initiative de M. Lowther va aider la société à réduire cet élément de risque. Qu'il s'agisse d'augmenter la sécurité du public ou de réduire le risque, peu importe la façon dont vous le dites, sommes-nous en fait en train d'augmenter le sentiment de sécurité des Canadiens dans la société en adoptant l'initiative de M. Lowther?

Mme Christine Leonard: Je crois que les mesures que nous avons prises dans la société pour nous protéger des délinquants sexuels ont fait beaucoup. Je ne suis pas d'accord avec le projet de loi de M. Lowther parce qu'il rend la chose automatique et constitue un début d'érosion de la signification de la réhabilitation. Je crois que le projet de loi proposé par le gouvernement représente une approche plus utile pour gérer ce genre de risque, car il est vraiment très faible.

M. John McKay: Mais nous ne savons pas exactement quel est ce risque.

Mme Christine Leonard: Eh bien, les chiffres...

M. John McKay: Très bien. Je suis désolé. Oui, mon temps de parole est terminé.

Le président: Cela va-t-il de ce côté?

Monsieur Saada, vous avez dit, je crois, avoir une dernière question à poser.

M. Jacques Saada: C'est en fait un peu plus qu'une question. Il s'agit de détails que je ne voudrais pas qu'on perde de vue.

Tout d'abord, pour répondre à la question de M. Lowther, monsieur Lowther, il y a un instant vous avez parlé d'un cas où le ministre ne jugerait pas pertinent de divulguer les dossiers. N'oublions pas que le projet de loi du gouvernement a une portée beaucoup plus générale que les simples infractions sexuelles concernant les enfants. Je crois qu'il porte sur 26 infractions alors que 14 concernent les enfants.

Disons par exemple qu'une personne qui a commis une infraction contre un adulte il y a 30 ans postule un emploi où elle a affaire à des enfants. Le solliciteur général peut juger que ce n'est pas du tout indiqué parce qu'il y a un lien entre le crime commis à l'époque et les possibilités de récidive. Ce n'est peut-être pas le meilleur exemple, mais j'essaie simplement de réfléchir à haute voix pour répondre à la question que vous avez posée.

Il y a une autre chose que j'aimerais dire, qui me semble tout à fait importante, c'est que je ne pense pas que l'on puisse asseoir le système de justice sur la mauvaise foi. Nous devons supposer que le solliciteur général, quel que soit le parti auquel il appartient, cherche à préserver la sécurité du public. Il me semble qu'il est peu vraisemblable que le solliciteur général, qui qu'il soit, d'où qu'il vienne et de quelque parti qu'il soit, ne se soucie pas avant tout de la sécurité publique.

Mettre en doute la décision qu'il peut prendre me met mal à l'aise. On me dit que jusqu'ici, en vertu des dispositions actuelles du code, les deux tiers des demandes de divulgation ont été honorées. Autrement dit, il a accédé aux deux tiers des demandes en respectant les critères qui ont été fixés à son intention pour bien saisir ce qu'il faut prendre en compte avant d'arriver à une telle décision. Et je crois que ces critères feront partie du règlement qui va régir l'application du projet de loi.

• 1000

Avant de trop me disperser, je tiens à répéter très brièvement ce qu'a dit Mme Leonard, à savoir que je me méfie toujours de ce qui se fait d'office. Automatisme veut dire refus de voir. Refus de voir, équité, justice et efficacité ne vont pas nécessairement ensemble. Je préfère vraiment avoir un système très solide qui nous garantisse autant que possible que les décisions prises seront bonnes.

Le président: Merci, monsieur Saada.

Merci, madame Leonard d'être venue aujourd'hui. Nous vous remercions de vos remarques.

Nous allons prendre une pause de cinq minutes avant de demander au groupe suivant de témoins de venir.

• 1001




• 1007

Le président: Pouvons-nous reprendre la réunion?

Nous avons avec nous ce matin le chef Julian Fantino qui représente l'Association des chefs de police de l'Ontario et MM. David Griffin et Jon Netelenbos qui représentent l'Association canadienne des Chefs de police. Bonjour, messieurs.

Je crois que le chef Fantino a un mémoire à nous présenter en anglais seulement. Notre comité a pour politique de n'accepter les mémoires que lorsqu'ils sont dans les deux langues officielles. Il devrait être traduit en français à moins que les membres soient d'accord pour l'accepter en anglais seulement.

M. Jacques Saada: Nous sommes d'accord aujourd'hui, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Saada. Nous sommes d'accord. Dans ce cas, pourrait-on distribuer le mémoire du chef Fantino.

Monsieur Fantino, voulez-vous commencer?

M. Julian Fantino (chef, Police régionale d'York, Association des chefs de police de l'Ontario): Certainement. Je dois dire pour commencer, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, que je suis désolé de ne pas vous avoir fourni une version française de mon texte. Je n'avais ni le temps ni les ressources pour le faire. Je vous remercie donc de permettre qu'on distribue le document en anglais seulement.

Il est presque banal de dire à notre époque que la protection des enfants, nos atouts les plus vulnérables et les plus précieux, devrait être la priorité pour nous tous. Nous avons en effet tous beaucoup entendu parler au cours de la dernière décennie du caractère d'exploiteur et de prédateur des pédophiles. Nous savons que grâce aux réseaux officiels et officieux, ceux qui s'attaquent à nos enfants peuvent échanger l'information et trouver des victimes. Malheureusement, le souci de la société pour le droit de l'individu à la vie privée a parfois créé des barrières systémiques pour la police et les autres fournisseurs de services qui espèrent maximiser la protection de nos enfants et des autres membres vulnérables de nos sociétés.

L'une de ces barrières serait du moins en partie supprimée et l'intérêt de la sécurité publique grandement favorisée si le Parlement adoptait le projet de loi C-284. Ce texte a en effet pour objet de prévoir un cas spécial où l'intérêt public de révéler en partie des antécédents de condamnations qui ont fait l'objet d'une réhabilitation l'emporte sur le droit à la vie privée de la personne réhabilitée. Ce cas est celui d'une condamnation pour une infraction sexuelle contre un enfant lorsque la personne condamnée propose sa candidature à un poste de confiance à l'égard d'un ou de plusieurs enfants. C'est certainement un objectif louable. De plus, il y a des garanties qui sont incluses dans ce projet de loi pour éviter la divulgation indue de cette information très critique.

Pour revenir plusieurs étapes en arrière, permettez-moi de vous dire pourquoi l'Association des chefs de police de l'Ontario croit que l'on a un besoin urgent de textes législatifs de ce genre. En 1997, à l'assemblée annuelle de l'Association canadienne des chefs de police, l'une des résolutions adoptées et transmises au gouvernement fédéral, qui était la première, concernait le registre des délinquants sexuels. Copie de cette résolution est annexée à mon mémoire. Je mentionne aussi deux autres résolutions qui accompagnent mon mémoire; l'une porte sur l'exploitation sexuelle des enfants, et elle a encore une fois été adoptée par l'Association canadienne des chefs de police en 1997, l'autre concerne le registre des délinquants sexuels et elle a été adoptée elle aussi par l'Association canadienne des chefs de police et par l'Association des chefs de police de l'Ontario.

• 1010

Parallèlement à ces résolutions, l'ACCP exprime son inquiétude devant le fait que les prédateurs sexuels ont montré à de très nombreuses reprises leur capacité d'aller de collectivité en collectivité pour perpétrer leurs crimes et qu'il y a un problème systémique qui facilite ces activités criminelles, il s'agit de la Loi sur le casier judiciaire, qui interdit l'échange d'information entre corps de police lorsqu'il y a eu réhabilitation ou après qu'un certain délai se soit écoulé après la libération conditionnelle ou inconditionnelle. En conséquence, la résolution demandait au ministre de la Justice de modifier la Loi sur le casier judiciaire pour permettre à la police de conserver le relevé d'une infraction lorsque l'accusation concerne un écart de conduite sexuelle et de transmettre librement cette information aux autres corps de police, que la personne en question ait été réhabilitée ou libérée.

L'Association des chefs de police de l'Ontario est tout à fait d'accord avec la position adoptée par l'ACCP à cet égard. Le ministre de la Justice de l'époque a répondu de la façon suivante à cette proposition: «C'est le solliciteur général qui est responsable de la Loi sur le casier judiciaire.»

Ce qui inquiète la communauté policière, ce n'est pas tant de savoir quel ministère rédige les textes législatifs et y apporte des changements. Il s'agit simplement d'apporter des changements. Le projet de loi d'initiative parlementaire dont nous nous occupons actuellement permettrait d'obtenir du moins en partie ce que demandait cette résolution.

En 1995, une conférence sur la sécurité a été organisée à Hamilton par CAVEAT (Canadians Against Violence Everywhere Advocating its Termination). La conférence était intitulée «Conférence nationale pour la prévention du crime, la sécurité du public et la réforme de la justice». À cette conférence participaient des membres du corps judiciaire, des législateurs très concernés, des agents de police, des politiciens et de nombreux autres groupes. La conférence a notamment porté sur la question de la responsabilité des organisations et des individus qui engagent des délinquants sexuels condamnés ou qui n'effectuent pas les vérifications d'antécédents voulues, y compris celles concernant les condamnations pour actes criminels.

Il a été recommandé au cours de la conférence que les antécédents criminels des délinquants sexuels condamnés ne soient pas retirés du CIPC, le réseau d'information de la police canadienne, lorsqu'on accorde la réhabilitation. C'est tout à fait conforme à la position prise par la communauté policière. En effet, la brochure concernant l'application de la réhabilitation qui a été publiée par le gouvernement fédéral signale les avantages de la réhabilitation, y compris la protection des bénéficiaires conformément à la Loi canadienne sur les droits de la personne en vertu de laquelle l'information ne peut être divulguée sans la permission du solliciteur général du Canada, ni utilisée lorsqu'on procède à des vérifications concernant un emploi.

Il est essentiel, lorsqu'on analyse ce projet de loi, de comprendre qu'il y a des garanties pour éviter que l'information ne soit utilisée à mauvais escient. Comme proposé, un dossier ne peut être révélé à un demandeur lorsqu'il y a eu réhabilitation que si le demandeur en question est responsable d'un individu, d'un organisme ou d'un groupe chargé du bien-être des enfants ou le représente. On demande ce dossier dans le cadre de l'examen d'une demande d'emploi pour lequel le demandeur serait placé dans une position de confiance à l'égard d'enfants et le ministre a reçu l'engagement écrit du demandeur que le dossier ne servira à nulle autre fin que celles visées et ne sera communiqué à nulle autre personne. Le ministre doit aviser l'intéressé de la divulgation. Quiconque divulgue ou utilise un dossier en contravention de cette disposition est coupable d'une infraction et passible d'une amende et d'un emprisonnement. Cela devrait calmer les inquiétudes des défenseurs des libertés civiles à ce sujet.

Quant à l'amendement proposé à la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui fait partie de ce projet de loi, l'Association des chefs de police de l'Ontario estime que ce serait un affront pour tous les Canadiens raisonnables qu'un délinquant sexuel qui a été réhabilité puisse invoquer la protection de cette loi pour obtenir un emploi où il serait dans une position de confiance à l'égard d'enfants. L'amendement proposé à cette loi, qui prévoit que la discrimination à l'égard d'un tel individu n'est pas un acte discriminatoire au sens de la loi, est une simple question de bon sens.

Ce projet de loi est tout à fait indiqué, mais l'Association des chefs de police de l'Ontario demanderait en outre qu'il soit modifié pour permettre l'échange d'information entre corps de police également, qu'il y ait eu réhabilitation ou non et que l'individu essaie ou non d'obtenir un poste pour lequel il serait dans une position de confiance à l'égard d'enfants.

• 1015

Le système en place actuellement ne permet pas à la police de vérifier si un délinquant sexuel réhabilité a été reconnu coupable et condamné à une peine pour son acte criminel ou non. Il paraît plutôt ironique qu'à cette période où tout est informatisé, où le réseau mondial des pédophiles permet d'échanger librement de l'information par Internet et par les autres moyens contemporains sur lesquels ne s'exerce aucun contrôle, que nous les policiers soyons limités dans notre capacité de nous fournir mutuellement des renseignements pour la protection de la société. Il nous semble que les dispositions de la Loi sur la police, le serment professionnel et le serment de secret professionnel que tous les agents de police doivent prêter lorsqu'ils entrent en fonctions, devraient répondre aux besoins de protection de la vie privée tout en nous permettant de faire notre travail de protection des membres les plus vulnérables de la société.

Cette étape supplémentaire exigerait une révision de la politique actuelle qui exige que l'on supprime les dossiers et que l'on cache leur existence lorsqu'il y a eu réhabilitation. Nous ne voulons pas dire par là qu'ils devraient devenir des documents publics, mais nous voulons simplement qu'ils soient mis à la disposition des corps de police officiels pour les vérifications du CIPC. Les antécédents d'un délinquant sexuel condamné devraient rester disponibles pour les services de police de bonne foi, même s'il y a eu réhabilitation.

En résumé, l'Association des chefs de police de l'Ontario estime que ce texte de loi est logique et fondé. Nous demandons simplement d'envisager d'élargir sa portée au-delà des paramètres proposés. Nous ne nous attachons pas tellement à la protection de la vie privée des pédophiles accusés, mais occupons-nous plutôt de leurs futures victimes et demandons-nous ce que nous pouvons faire pour les protéger.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Fantino.

Monsieur Griffin.

M. David Griffin (agent exécutif, Association canadienne des policiers): Merci. Je m'appelle David Griffin. Je suis agent exécutif de l'Association canadienne des policiers. J'ai à mes côtés Jon Netelenbos. Jon est vice-président de l'association. Il est également président de l'Alberta Federation of Police Officers, vice-président de la Calgary Police Association et sergent du Calgary Police Service.

Voici comment nous allons procéder. Je vais faire des remarques générales au comité après quoi Jon abordera certains principes législatifs. Nous tenons à remercier le comité de nous avoir donné la possibilité de comparaître devant lui ce matin pour lui faire part de l'opinion de l'Association canadienne des policiers qui représente plus de 35 000 agents de première ligne de l'ensemble du pays.

Nous voulons tout d'abord féliciter MM. Strahl et Lowther des efforts qu'ils ont déployés pour porter cette question sur l'avant- scène. On sait que notre association est favorable au projet de loi C-284.

Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de répéter qu'il s'agit là d'un problème légitime de sécurité publique pour ceux qui ne peuvent pas se protéger des prédateurs, notamment nos enfants, nos aînés et nos infirmes. Le fait est que dans notre société la réhabilitation est automatique; seulement un pour cent des personnes qui la demandent se voient opposer un refus. Les statistiques sur la récidive se fondent sur les condamnations et non pas sur le fait que quelqu'un a été accusé de récidiver.

J'aimerais vous citer quelques statistiques qui ont été recueillies par le bureau de M. Lowther concernant ce projet de loi. La première—et c'est une statistique surprenante—est qu'il y a 77 p. 100 de taux de récidive chez les délinquants sexuels qui visent les jeunes garçons.

Deuxièmement, il y a un taux de 42 p. 100 de nouvelles condamnations pour les infractions sexuelles et les actes de violence. Plus nous prolongeons le délai, plus loin nous regardons—lorsqu'on envisage 15, 20 ou 30 ans—plus grandes sont les chances d'avoir une nouvelle condamnation. Cela donne donc lieu à une statistique sur la récidive. Le problème dans une telle situation, et je crois que les experts qui comparaîtront plus tard dans la matinée vous le diront, c'est que les poursuites et les condamnations sont souvent difficiles dans ces cas. Nous avons parfois affaire aux preuves non confirmées d'enfants et nous ne pouvons condamner des délinquants sur les simples allégations d'un enfant.

Un rapport préparé en 1990 intitulé Le traitement des délinquants sexuels: L'approche canadienne, par Service correctionnel Canada et le ministère du Solliciteur général, indiquait qu'il y avait une nette augmentation des risques chez les délinquants sexuels antérieurement condamnés. Les délinquants sexuels qui ont des antécédents risquent deux fois plus de commettre d'autres infractions sexuelles et risquent davantage de ne pas respecter les conditions de la libération.

• 1020

On dit encore dans le même rapport que les délinquants qui présentent le plus haut risque, en l'occurrence les pédophiles, sont ceux qui risquent le plus de commettre d'autres infractions sexuelles. Les pédophiles ont tendance à afficher des attitudes qui sont favorables à leur déviance; p. ex., ils croient que les actes sexuels avec des enfants ne sont pas préjudiciables aux enfants mais pourraient au contraire leur être bénéfiques.

Dans un rapport semblable de 1996 intitulé Évaluation, traitement et risque de récidive des délinquants sexuels: analyse de la documentation par Service correctionnel Canada, on dit en réponse à la question «Le traitement des délinquants sexuels est-il efficace?»: Nous ne sommes pas encore sûrs. Le désaccord règne même parmi les chercheurs les plus réputés et les mieux renseignés dans ce domaine.

À notre avis, on a jugé de façon très générale, y compris au sein de tous les partis à la Chambre des communes et dans l'autre chambre, lorsque le projet de loi a été présenté en seconde lecture, parallèlement aux recommandations unanimes faites à l'ensemble des ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de la justice, qu'un système de conservation de l'information sur les prédateurs sexuels était nécessaire et qu'il fallait que, si ces personnes demandaient à occuper des postes de confiance à l'égard d'enfants, cette information soit accessible aux organismes concernés.

En fait, le solliciteur général, Lawrence MacAulay, a indiqué en présentant le projet de loi C-69, qu'il était favorable à ce principe même. Nous tenons à féliciter M. MacAulay pour avoir réagi face à un problème légitime de sécurité publique de façon proactive. Mais nous craignons que, si le comité ou la Chambre des communes elle-même se perd dans un débat pour savoir quels sont les avantages d'un projet de loi par rapport à l'autre, l'esprit de parti ne se fasse jour dans ce genre de discussion et que les projets de loi ne dépassent pas le stade du Feuilleton.

Nous encourageons donc le comité à faire preuve de sagesse collective et à user de son influence pour encourager tous les partis à étudier les avantages communs des projets de loi C-69 et C-284 en vue d'accélérer le processus pour qu'un texte législatif final soit présenté à la Chambre en troisième lecture avant le prochain congé. Nous pensons que votre récent rapport, Les droits des victimes—Participer sans entraver portant sur les victimes d'actes criminels a montré que le comité avait la capacité de faire preuve d'un tel leadership. Nous déduisons également, après avoir parlé avec M. Lowther et après l'avoir entendu prendre la parole à la Chambre mardi, qu'il serait prêt à inclure des amendements au projet de loi C-284 pour regrouper les propositions des deux textes de loi.

Il y a cependant une inquiétude que nous tenons à exprimer au comité, à savoir que les deux textes de loi s'appuient sur le système dépassé et insuffisant du Centre d'information de la police canadienne, qui a grand besoin d'être rectifié. Au cours de notre journée annuelle de lobbyisme de la semaine dernière, nous avons signalé cela aux députés et nous encourageons le comité à proposer une recommandation selon laquelle le gouvernement devrait adopter, à titre prioritaire, une stratégie et un crédit budgétaire correspondant pour faire en sorte que le système du CIPC réponde aux besoins de services policiers et d'application de la loi du XXIe siècle. À l'heure actuelle, nous ne sommes pas sûrs que ce système puisse répondre à ces besoins.

Il y a plusieurs points sur lesquels nous aimerions dire quelques mots. Nous voulons signaler que le projet de loi C-284 ne comporte pas de pouvoir discrétionnaire pour permettre aux responsables de décider si oui ou non l'information sera divulguée. Nous pensons que ce principe a ses raisons d'être. Nous craignons que le projet de loi C-69 accorde un trop grand pouvoir discrétionnaire à tous les niveaux du processus d'application et que le public lui-même ne croit pas que ces institutions puissent exercer ce pouvoir discrétionnaire de façon indiquée. Nous sommes favorables au principe qui figure dans le projet de loi C-284 selon lequel la divulgation de l'information devrait être obligatoire.

Nous sommes aussi favorables à l'amendement prévu dans le projet de loi C-284 à la Loi canadienne sur les droits de la personne. Ce qui nous inquiète, c'est que le projet de loi C-69 ne comporte pas un tel amendement et si nous nous sommes tous entendus pour dire que les principes des deux textes de loi doivent être intégrés à la législation existante, nous craignons que l'absence de ce genre d'amendement dans le projet de loi C-69 puisse donner lieu à des poursuites judiciaires ultérieurement pour ce qui est de savoir si oui ou non la divulgation de cette information a en fait constitué une atteinte aux droits du délinquant. Nous recommandons donc au comité d'étudier cette question de façon plus approfondie avec ses conseillers juridiques pour s'assurer que le texte législatif définitif ne puisse pas être contesté.

• 1025

Nous avons une dernière inquiétude à l'égard du projet de loi C-69, à savoir qu'il ne désigne pas les infractions qui seront visées. On nous a indiqué—et les documents de communication qui ont été publiés par le bureau du ministre semblent également l'indiquer—que la portée du projet de loi C-69 devait être beaucoup plus grande que celle du projet de loi C-284 et nous nous félicitons de cette tentative. Nous jugeons cependant important que ces infractions soient précisées dans le texte de loi plutôt que dans le règlement.

Avant de donner la parole à mon collègue, M. Netelenbos, je signalerais que, sur le plan personnel, je suis le père d'un garçon de 10 ans et d'un autre d'un an. En raison de mon expérience d'agent de police, et parce que je sais que les données sur les condamnations ne rendent pas parfaitement compte du tableau en ce qui concerne ce fléau de notre société, en tant que parent, je n'ai aucune confiance dans notre capacité de protéger nos enfants et je ne laisse pas mes fils courir des risques. Je ne laisse pas mon fils aller dormir chez un ami sans qu'il soit accompagné par moi ou sa mère. Je ne permets pas à mon fils d'aller à un camp de jour si l'un ou l'autre ne l'accompagne pas. C'est le manque de confiance dans nos organismes et dans notre capacité d'empêcher ces délinquants de nuire avec le système actuel qui me fait vivre ce genre de paranoïa.

Je crois qu'il est important que l'on prouve avec ce texte de loi que nous ne devons pas seulement nous inquiéter des droits des délinquants, mais également des droits des personnes vulnérables parmi lesquelles figurent nos enfants.

Merci.

Jon.

Le sergent Jon Netelenbos (vice-président, Association canadienne des policiers): Merci, monsieur le président.

Voilà 29 ans que je suis policier—j'ai encore des efforts à faire pour arriver au niveau du chef Fantino—et je suis employé par le Calgary Police Service (le service de police de Calgary) en tant que sergent chef d'équipe. L'essentiel de ma carrière de policier a été consacré à la police de quartier, ce qui m'a permis de voir directement des comportements criminels parmi lesquels j'inclus ceux des délinquants sexuels et plus particulièrement des pédophiles.

J'ai interrogé plusieurs pédophiles et celui qui m'a le plus frappé, c'est un homme de 40 ans que je soupçonne d'avoir caressé un jeune garçon sur le terrain de jeux d'un parc de maisons mobiles. Bien qu'il ait nié avec véhémence avoir touché la victime, il a fait peu d'effort pour cacher sa prédilection: les jeunes garçons, pas trop jeunes ni trop vieux. Et paradoxalement, tout en me disant cela, il ne cessait de répéter qu'il ne les toucherait jamais, qu'il ne leur ferait jamais de mal. Au milieu de ces vérités et de ces mensonges, je lui ai demandé: «Où trouvez-vous ces jeunes garçons?» Ses lèvres étroites se sont alors entrouvertes, il a évité de me regarder et a répondu: «Je vais là où je dois aller.»

Je ne me souviens plus trop des détails de la conversation qui a suivi, mais j'ai su ce qu'il voulait dire et le comité le sait aussi. Il trouvait ses victimes à tous les endroits où les enfants aiment aller, ces endroits où ils ne devraient rien avoir à craindre, les parcs publics, les parcs pour enfants, les cours des écoles, les terrains de jeux, les piscines. «Je vais là où je dois aller.»

Le projet de loi C-284 ne va pas décourager les pédophiles de fréquenter les endroits que je viens de vous citer, mais grâce aux efforts des organisations de victimes et aux programmes d'éducation sur l'application de la loi, nos surveillants de terrain de jeux, nos enseignants, nos entraîneurs sportifs, nos moniteurs de camp et nos sauveteurs sont mieux formés pour faire preuve de vigilance à l'égard des prédateurs sexuels qui se tiennent à l'extérieur et regardent leurs victimes éventuelles qui se trouvent à l'intérieur. Que dire si le prédateur n'est pas à l'extérieur en train de regarder, mais se trouve à l'intérieur? Que dire si cette personne est le surveillant du terrain de jeux, l'enseignant, le moniteur de camp, l'entraîneur de soccer ou le sauveteur? Rappelez-vous qu'il a dit qu'il allait là où il devait aller.

• 1030

Le projet de loi C-284 de M. Lowther me semble très logique à moi qui suis agent de police de longue date. Je l'appuie également en tant que membre l'Association canadienne des policiers.

Merci.

Le président: Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther: Eh bien, merci, messieurs. Je vous suis reconnaissant de votre témoignage. Puis-je répéter les remarques de M. Griffin sur le fait que nous avons distribué au comité—même si la version française était un peu en retard et je m'en excuse—une lettre demandant au ministre s'il était possible de travailler sur ces deux projets de loi réunis pour proposer un texte hybride qui tienne compte des meilleurs éléments des deux projets de loi. Nous tenons vraiment à le faire et nous profiterions de la situation du projet de loi C-284 dans le processus parlementaire plutôt que de recommencer à zéro. Quoi qu'il faille faire pour cela, nous aimerions que cela se fasse. Tous les membres du comité ont donc un exemplaire de cette lettre.

Je crois que l'une des questions qui avaient été posées ou l'un des sujets qui avaient été abordés au cours du témoignage précédent—et certains de ces messieurs l'ont mentionné—c'est que l'on entend dire que parce que le taux de nouvelles condamnations est si faible, il se pourrait que le système de réhabilitation soit en fait efficace. Je vous demande, à vous messieurs qui êtes en première ligne, dans quelle mesure le taux de nouvelles condamnations reflète ce qui se passe vraiment. J'ai entendu des remarques épisodiques—et je n'ai rien de précis à vous citer—selon lesquelles il faut souvent qu'un certain nombre d'actes aient été commis avant qu'il y ait véritablement condamnation.

Pouvez-vous nous dire ce qu'il en est? Je ne sais à qui poser la question.

M. Julian Fantino: Par votre intermédiaire, monsieur le président, l'un des problèmes que nous avons est que si nous nous attachons uniquement aux nouvelles condamnations, il est vrai que tout le monde ne se fait pas prendre et que tout le monde ne subit pas une nouvelle condamnation. Je crois que l'on nous force tous à un faux sentiment de sécurité publique si on se contente de données statistiques qui ne sont pas nécessairement le résultat voulu de toute procédure, fut-elle judiciaire. Je vous rappellerai simplement très vite que l'on conclut souvent des affaires, si on veut, que l'on prend des résolutions à la sortie du tribunal et que ce résultat ne reflète en rien l'importance de l'infraction présumée; et je ne connais pas la raison de cet état de choses. Je crois qu'on a mentionné plus tôt que la mémoire nous fait défaut—il s'agit de très jeunes enfants qui sont évidemment souvent les victimes. Il y a aussi le secret qui entoure ce genre d'actes criminels.

Le nombre de victimes qu'un pédophile peut rabattre est incroyable. Nous avons parlé à des pédophiles qui sont maintenant incarcérés et qui ont révélé avoir maltraité des centaines et des centaines d'enfants, mais qui n'ont été pris que pour un ou deux. Je tiens donc à dire clairement que nous sommes tous poussés à avoir un sentiment tout à fait faux de sécurité publique si l'on s'en tient strictement aux données statistiques que l'on peut recueillir sur n'importe quel système d'information.

J'aimerais faire une autre remarque qui va dans le même sens. On parle beaucoup du pouvoir discrétionnaire qui est accordé au solliciteur général pour ce qui est de savoir si l'on peut rouvrir un dossier ou non et dans quelles circonstances, mais en tant qu'agent de police qui travaille en première ligne, je dois tout d'abord savoir qu'il existe des données et que je dois agir pour essayer de les obtenir. À l'heure actuelle—et j'ai vérifié cela personnellement—nous avons une pile effroyable de condamnations, de condamnations pour des actes criminels très graves qui ont été inscrites sur des périodes prolongées dans de nombreuses régions et qui concernent des personnes réhabilitées. Je dois vous dire que lorsque je procède à mes vérifications, l'ordinateur m'indique: «aucun antécédent au fichier». Pourquoi irais-je demander quoi que ce soit au solliciteur général? Je n'ai aucun moyen de savoir ce qu'il en est.

• 1035

Que dire de la mobilité de ces criminels, surtout les pédophiles, du fait que ces problèmes concernent de très nombreux services dans des régions différentes? Vous constaterez que l'une des résolutions que j'ai annexées à mon mémoire concerne une plus grande mise en commun de l'information policière et est datée de 1994. Elle a été adoptée par l'Association canadienne des chefs de police.

On ne peut prendre des décisions judicieuses, raisonnables et indiquées que si on dispose de l'information. Conformément à mon mandat, à mes principales fonctions d'agent chargé de faire respecter la loi dont le premier mandat est la sécurité publique, je suis vraiment confronté à un vide. Je n'ai pas ces données et pour moi les statistiques ne veulent pas dire grand-chose indépendamment de ce que je peux recueillir et analyser pour ensuite agir.

Le président: Monsieur John McKay.

M. John McKay: Ma question s'adresse à M. Griffin, mais je veux bien que les autres y répondent aussi.

Il s'agit en fait, si on veut, d'un conflit idéologique entre les projets de loi C-69 et C-284.

Le projet de loi C-284 propose que le ministre divulgue le dossier relatif à une infraction sexuelle contre un enfant pour laquelle la réhabilitation a été accordée et il prévoit ensuite d'amender la Loi canadienne sur les droits de la personne pour supprimer l'idée d'acte discriminatoire. Je simplifie à l'extrême.

Le ministre voit les choses différemment. Si la commission refuse la réhabilitation, elle doit aviser le demandeur par écrit et fixer ensuite une audience.

M. Lowther nous a indiqué qu'il préférerait, si c'était possible de regrouper les deux textes.

À cela je dois dire rapidement que ce sont des projets de loi incompatibles. Ils procèdent d'une vision différente, si vous voulez, mais le ministre craint de toute évidence que s'il ne prévoit pas une sorte de processus d'examen, un processus quasi judiciaire où l'on indiquera les raisons qui font que l'on estime que l'individu a droit à la réhabilitation ou non, cela va ensuite susciter tout un ensemble de demandes en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne. À première vue, l'inquiétude du ministre est légitime.

J'aimerais savoir ce que vous pensez des deux façons de voir. Notre hypothèse de travail est qu'elles visent le même objectif, éliminer ce genre de choses. Pensez-vous qu'il soit possible de concilier ces deux visions?

M. David Griffin: Le problème est que nous ne savons pas pourquoi ce pouvoir discrétionnaire a été introduit dans le projet de loi C-69. Le service de police a un pouvoir discrétionnaire lorsqu'il s'agit de décider si oui ou non il va faire une demande et ensuite il y a le pouvoir discrétionnaire du ministère du Solliciteur général qui permet de décider si oui ou non cette information sera divulguée.

Il m'est donc difficile de répondre à votre question puisque je ne sais pas avec certitude pourquoi ce pouvoir discrétionnaire a été introduit. Nous pouvons faire des spéculations sur les raisons qui font que le ministre a inséré cette disposition dans le texte de loi.

Ce que je sais, après avoir parlé avec M. Lowther, c'est que lorsqu'il a présenté son projet de loi à... Je ne sais quel est le terme indiqué, mais je veux parler des spécialistes de la législation qui aident les députés à rédiger leurs projets de loi. Ce sont eux qui ont indiqué que cet amendement à la Loi canadienne sur les droits de la personne était en fait nécessaire. C'est donc à cause de ce conseil juridique que cette disposition a été prévue dans le projet de loi C-284.

M. John McKay: Dans son projet de loi, le pouvoir discrétionnaire découle automatiquement de l'expression: «Le ministre est tenu de...»

M. David Griffin: C'est exact. Je vais alors vous poser une question de pure forme: pourquoi avons-nous besoin de pouvoir discrétionnaire? Ces organismes qui s'occupent de nos enfants, de nos aînés, de nos infirmes, ne devraient-ils pas avoir la capacité de prendre une décision éclairée en s'appuyant sur toute l'information et non en se fiant à quelqu'un qui ne connaît pas tous les faits lorsqu'il décide si cette information est vraiment indiquée ou non?

Nous aurions certainement tendance à favoriser une divulgation complète, mais je me plais aussi à croire que si les premiers intéressés par cette discussion se réunissaient dans une salle pour discuter de ces... Vous êtes tous des personnes raisonnables. M. MacAulay est une personne raisonnable. M. Lowther est une personne raisonnable. Arrangez-vous.

• 1040

Je crois qu'il est possible de s'entendre là-dessus et, comme nous l'avons demandé, d'accélérer les choses avant la prorogation du Parlement et avant que le projet de loi ne meure au Feuilleton et perde sa priorité au programme législatif.

M. John McKay: Le témoin précédent a indiqué que c'était là le signal d'un début d'érosion du système de réhabilitation. J'imagine que vous n'êtes pas de cet avis. Or, d'un autre côté, le système de réhabilitation est l'étape finale de réinsertion sociale symbolique, totale d'un délinquant, si vous voulez. Que répondez- vous à ce qu'a dit le témoin précédent?

M. David Griffin: Personnellement, et j'encouragerais mes collègues à donner leur avis sur le sujet, je pense que nous traitons d'un type d'infraction—et je crois que nous entendrons d'autres témoignages au cours de la matinée—qui fait l'objet d'un débat ouvert, comme je l'ai dit plus tôt, lorsqu'il s'agit de savoir si ce genre de comportement peut ou non être guéri.

Qu'il s'agisse du fait que la personne a réussi à ne pas se faire prendre, ou que les victimes sont des parents proches, que l'on ait ou non envisagé d'intenter des poursuites mais que cela n'a pas pu se faire... C'est une infraction pour laquelle il est très difficile de parvenir à intenter des poursuites et à obtenir une condamnation. À notre avis, décider d'accorder la réhabilitation en ne se fondant que sur les condamnations n'est pas suffisant pour permettre de penser que la personne est tout à fait réadaptée et ne risque absolument pas de récidiver.

Le sergent Jon Netelenbos: Monsieur McKay, si vous me permettez d'ajouter une remarque à cela, je crois qu'il y a le facteur de risque. Si j'étais propriétaire d'un commerce et que je m'inquiète des gens qui ont été condamnés pour vol, je serais peut- être prêt à prendre ce risque si je savais qu'il y avait eu réhabilitation. Si je dirigeais un centre de jeunes, je pense que je serais moins enclin à prendre ce risque avec quelqu'un qui aurait été réhabilité pour après avoir commis une infraction sexuelle ayant impliqué un enfant.

M. John McKay: Encore une fois, je réfléchis à haute voix. Si le ministre modifiait son texte de loi pour y ajouter la notion de présomption pour dire qu'une personne condamnée pour une telle chose est présumée, disons, selon la prépondérance des probabilités ou hors de tout doute raisonnable ne pas devoir être réhabilitée, mais que cette présomption peut être réfutée à la suite de preuves fournies au cours d'une audience, est-ce que cela vous rapproche de votre objectif?

M. David Griffin: Je dirais tout le contraire. Pourquoi une telle personne a-t-elle postulé pour être dans une situation où elle se verra confier des enfants ou des aînés? C'est elle qui a entrepris de présenter la demande; c'est elle qui devrait être prête à mettre son dossier personnel sur la table pour permettre à l'organisme de prendre une décision éclairée.

Je sais que le chef Fantino a des observations à faire là- dessus aussi.

M. Julian Fantino: Merci.

Je crois qu'il nous faut nous attacher aussi à un autre aspect de la question. Voyez le dilemme que vivent maintenant ceux qui engagent des bénévoles et des employés dans ces secteurs à risque élevé. Il y a eu énormément de travail de fait dans ce domaine. Par exemple, le rapport définitif de la campagne d'éducation nationale sur le filtrage des bénévoles et des employés qui sollicitent des emplois où ils sont en position de confiance à l'égard d'enfants et d'autres personnes vulnérables. On y parle du nombre d'organismes de charité du secteur bénévole, d'organisations sans but lucratif, etc. Les possibilités de s'infiltrer dans ces organismes sont vraiment très grandes pour ces personnes; en fait, c'est ce qu'elles font. C'est ce qu'elles recherchent pour se rapprocher ou se donner des occasions.

Je tiens aussi à dire que l'on doit accorder un plus grand pouvoir discrétionnaire à la police, aux responsables de l'application de la loi qui sont en première ligne. Mes collègues vous ont parlé d'un système d'information national qui soit à jour et offre l'information suffisante pour leur permettre de prendre de bonnes décisions.

Cela nous intéresse tous également. Nous avons tous pour objectif d'essayer de protéger le public. Ce qui m'inquiète, c'est que même si on nous demande de fournir de l'information concernant ce que l'on sait sur un postulant, bien souvent on ne peut pas révéler cette information pour toutes sortes de raisons différentes, y compris les limites que l'on nous impose, la Loi canadienne sur les droits de la personne proprement dite, la législation sur la libre circulation de l'information et également le caractère délicat de certains renseignements que nous avons dans nos dossiers. Nous pouvons même nous trouver dans une situation où nous ne pouvons pas divulguer l'information qui devrait être transmise avant que l'on envisage d'accorder la réhabilitation. Je crois qu'il faut que nous nous débarrassions de la crainte que nous avons, à savoir que tout le monde va abuser de son pouvoir discrétionnaire. Il y aura certainement des exceptions. Mais le plus gros risque, c'est ce qui arrive actuellement à nos enfants et aux personnes vulnérables de notre société.

• 1045

Je dois vous lire ce qui suit:

    Depuis trois ans, le secteur bénévole canadien chancelle sous le nombre des histoires de mauvais traitements perpétrés par les employés et les bénévoles d'organismes sociaux, de groupements sportifs, de garderies, d'écoles, de très nombreux programmes qui impliquent le travail avec des enfants, des handicapés et des aînés.

J'aimerais aussi que le comité pense à la vulnérabilité des personnes âgées qui sont souvent les cibles et les victimes des personnes qui ne font rien d'autre que chercher des occasions. Pourquoi avoir réhabilité toutes ces personnes qui font des réparations à domicile frauduleuses, etc.? Elles ont de nombreux antécédents criminels; elles cessent ensuite de commettre des infractions pendant un certain temps. Elles demandent la réhabilitation, l'obtiennent et les voilà reparties. C'est ça la réalité.

Le président: Merci, monsieur McKay.

Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther: Merci, monsieur le président.

J'aimerais revenir sur quelques points. Je ne sais quel témoin en a parlé mais toute la question du traitement des pédophiles a été soulevée. Je veux vous citer un document que j'ai sous les yeux et qui s'intitule Évaluation, traitement et risque de récidive des délinquants sexuels: analyse de la documentation. C'est un document publié par Service correctionnel Canada dans lequel on dit:

    «Le traitement des délinquants sexuels est-il efficace?» Nous ne sommes pas encore sûrs. Le désaccord règne, même parmi les chercheurs les plus réputés et les mieux renseignés dans ce domaine.

À ce sujet, je n'ai pas de question particulière à poser, mais je tiens à dire qu'à certains égards, rien ne semble nous inciter à croire que la réadaptation est vraiment efficace, notamment pour ce genre d'infractions. Je crois qu'il est d'autant plus nécessaire, lorsqu'il y a eu réhabilitation, d'avoir accès à ces dossiers lorsqu'on sait qu'on n'a pas confiance dans le système de réadaptation qui existe. On aimerait avoir vos impressions sur la question, messieurs. Vous qui avez l'expérience de la rue, que pensez-vous des programmes de réadaptation pour ce genre d'infractions?

Le sergent Jon Netelenbos: Pourquoi un délinquant sexuel, un pédophile condamné, même s'il s'est occupé lui-même de sa réadaptation, demanderait-il un emploi où il devra s'occuper d'enfants, où on lui confiera des enfants? Même si quelqu'un semble vouloir à tout prix faire quelque chose pour essayer de se réadapter, il me semble que cette personne devrait aller dans la direction opposée.

M. David Griffin: S'il demandait à devenir plombier, ses antécédents n'auraient aucune espèce d'importance. Nous avons entendu ce matin tout un débat sur le risque. Le risque devient encore plus grand à partir du moment où cette personne postule ce genre d'emploi. C'est là que cette étape supplémentaire est nécessaire.

M. Julian Fantino: Si vous me le permettez, monsieur le président, je crois que ce que nous ne pouvons pas oublier dans ce débat, c'est la vulnérabilité des enfants. Ce sont des êtres humains tout simples qui deviennent les proies d'adultes calmes, composés, prédateurs qui n'ont d'autre idée en tête que d'agresser sexuellement des enfants. Je pense donc qu'il est temps pour les citoyens responsables de partout de faire preuve de ce leadership qui tient compte de la vulnérabilité des enfants d'une part et du caractère rusé, tenace, prédateur de ces adultes qui les recherchent pour se jeter sur eux comme sur des proies par ailleurs.

Je crois qu'il faut élever et équilibrer le débat. J'ai participé à de nombreuses enquêtes de ce genre, j'en ai même dirigé certaines, et je peux vous dire tout de suite qu'en règle générale les enfants ne se plaignent pas. Cela fait partie du processus de victimisation des enfants. Pour préparer le terrain, on commence par se rapprocher d'eux, par être gentil avec eux et tout le reste. Car il s'agit d'un type d'infraction très grave, de type prédateur, commise calmement, de façon calculée, sur les éléments les plus vulnérables de notre société. Pourquoi ne pouvons-nous pas faire la juste part des choses?

Il nous faut faire la part de ces droits par rapport à ces droits inconditionnels extraordinaires qu'ont les délinquants, qu'ils aient changé et trouvé une nouvelle façon d'agir ou non. Je regrette, mais je ne peux pas prendre ce risque. J'ai approfondi le sujet et j'ai parlé à des experts, M. Lowther, et il n'existe pas de données médicales, que je sache, qui indiquent d'une part que ce sont des gens malades et d'autre part qu'ils sont autre chose que des criminels qui s'en prennent aux enfants. Je ne suis pas médecin, mais je vais vous faire une déclaration que j'ai entendue très souvent de la part de professionnels: ils ne se réforment pas; ils changent simplement de méthode.

• 1050

M. Eric Lowther: Merci.

Sur une note plus personnelle, je dois dire que de traiter de cette question sur le plan législatif, c'est-à-dire bien loin de la réalité, est déjà suffisamment douloureux à certains égards, mais sachant combien vous vivez cela de près, messieurs, je ne peux qu'imaginer ce à quoi vous devez faire face. Je vous suis reconnaissant de le faire.

Sur un autre sujet, si...

Le président: Votre temps de parole est écoulé. Nous vous redonnerons la parole.

M. Eric Lowther: Très bien.

Le président: Monsieur Saada.

M. Jacques Saada: Merci, monsieur le président.

Il y a beaucoup de choses que j'aimerais dire. Permettez-moi de commencer par quelque chose que j'ai commencé à dire il y a quelques instants avec le témoignage précédent. Il est clair et incontestable que toute personne qui est assise autour de cette table—et d'ailleurs toute personne qui se lance dans ce métier—est décidée à agir de bonne foi pour le mieux-être du public et pour la sécurité publique. Pour répondre simplement aux réserves que vous aviez à l'égard de l'avenir de ce projet de loi ou de ces projets de loi, je dois dire que j'ai confiance dans notre système. Nous sommes décidés à agir. Je ne partagerai donc pas votre inquiétude quant aux mesures que nous allons prendre.

Il y a encore plusieurs autres choses que je veux dire rapidement. Tout d'abord, si vous me le permettez, M. Griffin, vous avez dit que le ministre avait un pouvoir discrétionnaire à cet égard et aussi que le ministère avait un pouvoir discrétionnaire à cet égard. J'aimerais vous corriger, si vous me le permettez. C'est le ministre qui a le pouvoir discrétionnaire et non le ministère.

Par ailleurs, M. Fantino, vous avez déclaré—et je ne vous citerai pas nécessairement mot à mot, mais vous pourrez me corriger si j'ai mal interprété ce que vous avez dit—que l'on accordait un trop grand pouvoir discrétionnaire au solliciteur général. Un peu plus loin dans votre exposé, vous demandez un plus grand pouvoir discrétionnaire pour la police. Dans les deux cas, il faut partir de l'hypothèse que tous deux sont tout autant décidés à servir le bien public.

Soit dit en passant, l'organisation Bénévoles Canada, que vous avez mentionnée, a été consultée avant les rencontres fédérales- provinciales qui ont donné lieu à ces conclusions, lesquelles ont à leur tour donné naissance au projet de loi C-69. M. Fantino, vous avez mentionné toutes les personnes qui sont également des victimes. Permettez-moi de vous dire que le projet de loi C-69 couvre toutes ces personnes de façon beaucoup plus générale que le projet de loi C-284 parce qu'il vise un éventail beaucoup plus large d'infractions sexuelles que celles commises par les pédophiles.

Juste avant, nous avons mentionné les critères en vertu desquels le solliciteur général pourrait étudier une demande de divulgation. Je parlais de ceux qui existent actuellement dans le système. Il y a des critères qui ont été fixés, et ils l'ont été en collaboration avec la GRC. Ne pensez-vous pas que ce soit une assez bonne garantie?

M. Julian Fantino: Pas en Ontario. La GRC a compétence comme premier corps de police dans certaines régions. Au Québec et en Ontario, ce n'est certainement pas elle qui s'occupe des services de police municipale et autres.

Quoi qu'il en soit, revenons à un sujet plus pertinent. La plupart des choses qui sont proposées au nom de la communauté policière représentent des compromis—et je ne parle pas ici pour la GRC. Dans notre milieu, personne n'obtient jamais ce qu'il veut. Je dois vous dire honnêtement que, même après avoir proposé certaines choses, nous constatons que nous aurions pu mieux faire, que les risques sont beaucoup plus importants, que nous pouvons faire davantage. Nous constatons aussi que les systèmes en place, quels qu'ils soient, sont battus en brèche.

• 1055

Premièrement, ce dont nous parlons, c'est d'un système national d'information criminelle qui est moribond. Il a absolument fait son temps, si j'ose dire. Il est insuffisamment financé et manque de ressources; les agents de la GRC vous le diront eux- mêmes. Nous ne sommes pas sûrs que les corps de police eux-mêmes aient la capacité de se transmettre l'information voulue concernant ces questions ou d'évaluer comme il se doit les risques.

Monsieur le président, je renvoie le député à la résolution de l'Association canadienne des chefs de police de 1994 qui concerne l'amélioration de la mise en commun de l'information au sein des divers corps de police canadiens—et soit dit en passant, la GRC fait également partie de l'Association des chefs de police, tout comme il y a des membres de la GRC dans l'association que je représente. C'est ici précisément qu'il y a cinq ans, la communauté policière, la communauté chargée d'appliquer la loi dans notre pays, a signalé ses inquiétudes sur sa capacité de transmettre l'information efficacement et dûment entre les divers corps de police. Cinq ans plus tard, la situation a empiré.

Le président: Monsieur Saada, je vous redonnerai la parole.

M. Jacques Saada: Très bien.

Le président: Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther: Merci, monsieur le président.

Il y a des idées fausses qui ont cours et cela m'inquiète. Premièrement, je crois que M. Saada dit que les autres types d'infractions sont inclus dans le projet de loi C-69. Autant que j'ai pu le comprendre à la lecture, on y dit simplement que les infractions vont être précisées par la suite dans un règlement ou ailleurs en dehors du projet de loi. Il ne comporte pas de liste complète des divers types d'infractions auxquelles on pourrait avoir accès dans les dossiers des personnes réhabilitées.

Par ailleurs, le projet de loi C-284 permet effectivement au ministre de fixer les critères, ou de prescrire les formulaires à remplir et les conditions à respecter pour qu'on puisse redonner l'information qui figure dans les dossiers ayant fait l'objet d'une réhabilitation ou pour qu'on puisse la donner à l'organisme qui embauche. Bien que cela ne figure pas précisément dans le texte de loi, c'est certainement compris. Nous suggérons simplement que le formulaire exigé puisse être prévu dans un règlement.

L'inquiétude que j'ai pour les agents de police est d'ordre pratique. Lorsqu'un groupe qui engage une personne, qu'il s'agisse des scouts ou autres, vient trouver la police pour lui dire qu'il aimerait vérifier le casier judiciaire d'un individu, la police consulte le CIPC. Avec ce nouveau texte de loi dont nous nous occupons ici, s'il y a là un drapeau, cela veut dire que la personne a été réhabilitée à la suite d'une infraction sexuelle commise contre des enfants dans le passé. Lorsque vous faites la vérification, vous avez bien sûr obtenu confirmation que c'est bien pour les scouts, vous avez l'autorisation de la personne qui fait l'objet de la vérification, et le drapeau apparaît.

Je ne pense pas qu'il soit juste de vous demander, en tant que témoins, de discuter des nuances des deux projets de loi. Ce que vous nous avez vraiment indiqué, c'est qu'il est important de faire quelque chose. Mais en vertu du projet de loi C-69, vous ne pourriez pas dire aux scouts qu'il y a là un drapeau. Vous leur diriez que vous n'avez pas terminé ou autre chose, et vous remettriez cela dans le dédale bureaucratique en espérant que quelque chose allait apparaître un jour pour que vous puissiez le leur dire. Si vous avez avoué aux scouts qu'il y a là un drapeau, vous encourez des poursuites en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne pour l'avoir révélé.

Ce qui m'inquiète, c'est l'agent de police qui voit ce drapeau mais qui est lié car il ne peut pas le dire sans se voir lui-même accusé. Cela montre bien qu'il est nécessaire d'avoir une sorte de garantie pour les agents de police lorsqu'ils voient ce drapeau. Vous devez avoir le loisir d'informer l'organisme qui embauche qu'il y a un drapeau, pour ne pas vous sentir pris dans un étau, si vous suivez mon raisonnement. Vous avez un élément d'information, mais vous ne pouvez pas le communiquer sans crainte de poursuites.

J'ai dit beaucoup de choses, mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez, sachant que vous n'avez peut-être pas eu l'occasion de peser toutes les nuances du projet de loi. Est-ce là une inquiétude?

M. Julian Fantino: Avez votre permission, monsieur le président, je dois dire que cette inquiétude existe vraiment. Nous devons avoir le plus de renseignements possible pour faire une évaluation suffisante. Ce que l'on exige de nous est très lourd lorsqu'on nous demande des vérifications. Ne pas pouvoir faire une évaluation suffisante avec toutes les données, toute l'information dont on dispose, constitue encore une fois, à mon avis, une idée fausse de ce qu'est une vérification policière.

• 1100

Je dirais même plus. Je trouve en fait quelque peu ironique qu'en tant qu'agent de police, j'aie accès aux dossiers des personnes qui n'ont pas été déclarées coupables d'infractions criminelles après un procès ou autrement, et que je ne puisse pourtant pas avoir accès à un dossier de réhabilitation. Comment voulez-vous que nous nous acquittions de notre travail de la façon la plus indiquée, comme on nous le demande, tout en préservant les droits de l'individu?

Prenez par exemple les personnes non coupables qui ont été jugées innocentes d'une infraction présumée quelconque et celles qui ont peut-être des antécédents criminels très graves perpétrés sur une période prolongée et dans diverses régions, mais qui ont vu la lumière à la 11e heure et qui n'ont plus commis d'infraction depuis cinq ans; elles sont allées chez le marchand de bonbons et sont littéralement sorties avec des bonbons. C'est exactement de cette façon que l'on accorde la réhabilitation, sauf votre respect. Il suffit de demander pour obtenir.

Où est l'équité concernant le respect des droits de l'individu? En quoi est-ce juste pour la personne innocente ou celle qui a été jugée non coupable et qui est donc virtuellement innocente? Je puis avoir accès à son dossier en tant qu'agent de police, mais je ne peux pas avoir accès à celui du criminel professionnel qui est censé être maintenant réformé.

M. David Griffin: Me permettez-vous d'intervenir aussi, monsieur le président?

Étant donné que je représente 35 000 personnes qui vont devoir appliquer cette loi, le problème est que du moment qu'on exerce ou qu'on accorde ce pouvoir discrétionnaire, on s'attache souvent non pas à de l'information mais au fait de savoir si l'agent en question a exercé le pouvoir discrétionnaire voulu étant donné les circonstances. On s'inquiétera de ce que l'agent a fait ou n'a pas fait avec l'information qu'il a reçue plutôt que d'essayer de mettre cette information à la disposition de l'organisme qui la demande, c'est-à-dire ce que nous essayons de faire ici.

Nous pensons que les deux projets de loi ont des points forts. Dans la mesure où le projet de loi C-69 possède des éléments tels que la possibilité de couvrir un plus grand nombre d'infractions, nous pensons qu'il est supérieur au projet de loi C-284. Nous aimerions que vous preniez tous ces éléments qui sont sur la table pour proposer un produit final qui contienne le meilleur des deux textes.

Pour les craintes que nous avons concernant le délai, nous savons que tandis que ce débat a lieu dans cette salle, il y en a beaucoup d'autres qui se passent ailleurs dans cet ensemble de bâtiments sur d'autres textes législatifs qui sont tout aussi importants pour d'autres questions d'intérêt public. Je crains que celui-ci recule dans l'ordre prioritaire du Feuilleton ou si une élection est convoquée ou si la Chambre ajourne pour l'été et que cela n'est pas fait...

M. Jacques Saada: Ne parlez pas d'élection, s'il vous plaît.

M. David Griffin: Nous savons que le changement se fait lentement. Qu'il faut toutes sortes d'examens et j'en passe. Nous nous inquiétons du fait que pendant que nous en discutons, il y a d'autres personnes qui deviennent des victimes.

En ce qui concerne le pouvoir discrétionnaire du ministre, si le ministre est désigné dans la loi, il va se fier à ses conseillers et à ses collaborateurs ainsi qu'aux autres fonctionnaires des échelons inférieurs pour prendre sa décision. Il ne pourra pas tirer profit des nombreuses heures d'examen de chaque cas. Il s'agit donc bien du pouvoir discrétionnaire du ministre, mais en réalité, il s'agira d'un pouvoir exercé à la suite de conseils. Ce qui nous inquiète, c'est que nous n'ayons pas indiqué pourquoi ce pouvoir discrétionnaire était nécessaire.

Le président: Merci, monsieur Griffin. Merci, monsieur Lowther.

Monsieur Saada, vous avez le dernier mot pour ce groupe.

M. Jacques Saada: Merci. J'aimerais tout d'abord admettre avec vous, sans aucune réserve, que l'on devrait régler le problème du CIPC. Je pense que ce n'est un secret pour personne que nous étudions la question de très près.

Lorsqu'on a discuté de la création d'une banque de données pour les empreintes génétiques, on m'a dit que si une personne était jugée non coupable après avoir été accusée d'un acte criminel, son dossier devait être détruit sur demande. Mais M. Fantino a mis des doutes dans mon esprit. Pourrait-il préciser?

M. Julian Fantino: Monsieur le président, j'en serais heureux. Vous avez tout à fait raison, c'est sur demande. Tout le monde ne le demande pas et je ne parle pas ici de banques de données pour les empreintes génétiques.

M. Jacques Saada: Non, mais je...

M. Julian Fantino: Je parle de données criminelles... Des empreintes digitales et de tout le reste. En règle générale, il y a diverses politiques. Je ne m'estime pas contraint de détruire des empreintes digitales ou des dossiers, sauf si la personne concernée le demande. Il y a tout un débat juridique qui a lieu sur la question de savoir si nous devons même le faire ou non.

M. Jacques Saada: Un dernier point peut-être parce que nous n'aurons pas le temps pour davantage. Il y a une chose que j'aimerais comprendre. Je vais reprendre le raisonnement logique que vous avez mentionné il y a quelques minutes.

Je vous demande réhabilitation, c'est M. Griffin qui en a parlé et non pas vous, M. Fantino. Il a dit qu'il était difficile de condamner en se fondant sur des témoignages d'enfants, ce que vous avez d'une certaine façon confirmé au cours de votre intervention. Suggérez-vous que l'on crée un registre où figureraient les personnes qui ont été accusées mais n'ont pas été déclarées coupables?

• 1105

M. Julian Fantino: Permettez-moi de répondre.

C'est ce que de nombreux pays font. Nous pensons qu'il devrait y avoir des critères très précis pour les personnes soupçonnées de pédophilie. Nous pensons que c'est une information très importante pour la sécurité publique qui devrait être recueillie, analysée, et donner lieu à des interventions, selon les circonstances, si cela est justifié. Je crois que vous pourrez voir cela, M. Saada, dans la résolution de l'Association canadienne des chefs de police, la résolution no 1 de 1997 que j'ai annexée à mon mémoire. Il y est vraiment question d'un registre des délinquants sexuels. On y parle des pédophiles présumés et condamnés.

M. Jacques Saada: Allons plus loin que la protection des enfants. Sur le plan philosophique, ne craignez-vous pas que cela puisse être le début d'une attaque contre la présomption d'innocence? Bien au-delà de ce que nous essayons d'obtenir ici concernant la protection des enfants, ne craignez-vous pas que nous remettions vraiment en question le fondement même de notre système de justice dans son ensemble qui, soit dit en passant, ne nous paraît pas suffisant mais que d'autres pays prennent en exemple?

M. Julian Fantino: Je respecte vos opinions et c'est certainement une crainte que nous avons, mais il faut aussi comprendre que nous avons affaire à des renseignements d'ordre criminel pour faire des évaluations, proposer des programmes et lancer certaines initiatives. Nous ne faisons pas la différence. Nous ne parlons pas d'un registre des délinquants sexuels qui serait mis à la disposition du grand public. Cela ferait partie du protocole qui permet aux organismes chargés de l'application des lois de bonne foi de disposer en gros de cette information afin de pouvoir l'utiliser pour faire les évaluations voulues lorsqu'elles sont nécessaires pour peser les risques.

À l'heure actuelle, les gens se déplacent beaucoup. Nous avons un problème grave lorsque nous ne disposons pas de l'information nécessaire pour prendre de bonnes décisions.

Je m'inquiète également des droits de la personne; toutefois, le fait est que tout notre monde se base sur des renseignements criminels pouvant donner lieu à des poursuites et je ne fais pas la différence entre les activités des pédophiles et celles de ceux qui font d'autres victimes, qui volent des banques, ou autre. Il y a énormément de renseignements dont dispose la police actuellement qu'elle ne peut plus avoir une fois qu'il y a eu déclaration de culpabilité ou dossier officiel.

Le président: Merci, monsieur Saada.

M. Jacques Saada: J'imagine qu'il ne me reste pas de temps?

Le président: Non, vous avez dépassé votre temps de parole, monsieur.

Je tiens à remercier les témoins de ce matin pour leurs exposés et leurs réponses franches à nos questions. Merci infiniment.

Nous allons ajourner très brièvement pour permettre au groupe suivant de s'installer. Nous avons pris un peu de retard.

• 1108




• 1113

Le président: J'aimerais qu'on reprenne la séance.

Nous saluons ce matin M. Bruce Headridge du ministère du Procureur général de la Colombie-Britannique et M. Gerry Peters du Service provincial sur la prostitution de la GRC. Messieurs, bonjour.

Monsieur Headridge, voulez-vous commencer et ce sera ensuite le tour de M. Peters de nous faire son exposé.

M. Bruce Headridge (policier-détective, Unité de coordination des mesures d'application de la loi, ministère du Procureur général de la Colombie-Britannique): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité de la justice, je tiens à vous remercier de m'avoir permis de prendre la parole devant vous.

Comme on vous l'a annoncé, je suis le policier-détective Bruce Headridge. Voilà 26 ans que je fais partie du Service de police de Vancouver et je suis actuellement affecté à l'Unité de coordination des mesures d'application de la loi. Il s'agit d'un organisme regroupant divers services de police et autres, à savoir la Gendarmerie royale du Canada, les services de police municipaux, Douanes Canada et un personnel entièrement civil. Mon travail consiste à procéder aux enquêtes concernant Internet au sein de la section des renseignements.

De nombreuses questions doivent être prises en compte pour la réhabilitation. Elles préoccupent les enquêteurs responsables des affaires d'exploitation sexuelle d'enfants et, dans mon cas plus particulièrement, des affaires de pornographie infantile et de subornation d'enfants.

J'ai étudié le document de consultation sur le projet de loi visant à modifier la Loi sur le casier judiciaire, et plusieurs déclarations de la Commission nationale des libérations conditionnelles me préoccupent au plus haut point, en particulier celles qui concernent les statistiques sur les réhabilitations révoquées. La Commission nationale des libérations conditionnelles semble avoir entière discrétion pour révoquer une réhabilitation lorsque la personne réhabilitée est déclarée coupable d'une nouvelle infraction. S'il s'agit d'une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité, il est très peu probable qu'il y ait révocation; et si la personne est déclarée coupable d'une infraction sujette à option ou d'un acte criminel, la Commission a tout de même entière discrétion pour révoquer la réhabilitation.

• 1115

La Commission nationale des libérations conditionnelles a publié des statistiques sur le nombre de réhabilitations accordées et sur le nombre de révocations. La Commission tient-elle aussi des dossiers sur le nombre d'individus déclarés coupables de nouvelles infractions mais dont elle n'a pas révoqué la réhabilitation? Si la Commission ne conserve pas de dossier sur ces cas, les statistiques sur le taux de récidive sont faussées. Si la Commission ne tient pas de dossier sur ces cas, on pourrait penser qu'elle manipule les chiffres pour faire croire que le nombre de récidivistes est beaucoup plus bas qu'il ne l'est en réalité.

Dans le cas d'une déclaration de culpabilité pour outrage à la pudeur, plus souvent appelé exhibitionnisme, il s'agit d'une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité que l'on n'a pas à inscrire, la réhabilitation est accordée d'office, sur demande et sans examen, si l'individu déclaré coupable n'a pas fait l'objet d'autres condamnations à l'expiration d'une période de trois ans. Nous considérons l'outrage à la pudeur comme une infraction sexuelle, et il vise souvent des enfants. Lorsque la Commission nationale des libérations conditionnelles révoque une réhabilitation, elle n'en avise pas l'organisme sur le territoire duquel s'est produite la nouvelle infraction donnant lieu à la déclaration de culpabilité. Lorsque la réhabilitation a été accordée, on ne peut pas accéder au casier judiciaire avant le prononcé de la sentence.

La Commission a déclaré que dans les cas de révocation, il est possible d'interjeter appel de la sentence. Mais si la Commission n'informe pas l'organisme de la révocation, j'ai bien peur de ne pas comprendre comment on pourrait y arriver. C'est un cercle vicieux.

Il est en outre évident que la Commission ne s'est préoccupée ni du temps ni des frais qu'exige un tel appel. Actuellement, si la réhabilitation est accordée à une personne et que des renseignements obtenus ultérieurement montrent qu'elle n'aurait pas dû l'être, on ne peut pas la révoquer.

À la page 2 du document de consultation, on parle des vérifications pour les personnes qui demandent la réhabilitation, et on déclare que les vérifications sur place ne permettent pas de découvrir beaucoup de renseignements qui auraient un impact sur la décision d'accorder la réhabilitation. Je connais plusieurs cas où ces vérifications ont permis d'obtenir des renseignements précieux et où le candidat à la réhabilitation n'avait pas été déclaré coupable d'une nouvelle infraction, mais son schéma de comportement n'avait pas changé, et ce fait aurait dû être pris en compte dans la décision de lui accorder la réhabilitation.

Voici maintenant quelques exemples. Un candidat à la réhabilitation avait été déclaré coupable de nombreuses infractions, notamment de trois agressions sexuelles avec violence, bien des années auparavant où les victimes avaient cru leur dernière heure venue. L'individu avait aussi été déclaré coupable d'infractions contre les biens et relatives aux armes. Au cours des vérifications sur place, on a découvert que ses voisins s'inquiétaient de son comportement et qu'il avait loué, entre autres, des vidéos pornographiques d'une extrême violence. Il y a plusieurs autres choses qui ont aussi été révélées. La réhabilitation lui a été refusée cette fois-là, mais il a toujours la possibilité de présenter une nouvelle demande. Sans les vérifications sur place, ces renseignements n'auraient pas été révélés. Comme la réhabilitation n'est refusée qu'à un pour cent de tous les demandeurs, et comme cet individu n'a pas eu de nouvelles condamnations, il l'aurait vraisemblablement obtenue.

Dans un autre cas, un membre de l'Unité de coordination des mesures d'application de la loi a présenté à la Commission nationale des libérations conditionnelles, sur sa demande, un rapport sur un candidat à la réhabilitation. Cet homme avait déjà été condamné pour pédophilie mais n'avait fait l'objet d'aucune déclaration de culpabilité depuis cinq ans. Nous nous inquiétions toutefois du fait qu'il recevait le bulletin de NAMBLA, la North American Man-Boy Love Association. Cette organisation prône les relations sexuelles entre hommes et jeunes garçons et fait des pressions pour qu'on abaisse l'âge du consentement.

• 1120

Il reçut l'un de ces bulletins moins d'un mois avant l'entrée en vigueur de la nouvelle législation sur la pornographie infantile qui aurait rendu illégales l'importation et la possession de ce bulletin. La Commission laissa entendre qu'elle refuserait la réhabilitation, mais en réalité, elle l'accorda à l'insu de tous. Nous l'avons su uniquement parce que des enquêteurs se sont adressés à nous concernant les relations que cet homme entretenait avec un garçon de 13 ans qui a depuis été retiré de la maison de cet homme.

Si notre unité n'avait pas été au courant des activités antérieures de cet individu, les enquêteurs n'auraient pas su qu'il avait un casier judiciaire et des antécédents criminels. Il n'aurait vraisemblablement pas été possible d'appréhender le garçon de 13 ans si nous nous étions fiés aux vérifications des antécédents criminels de l'individu par les enquêteurs.

Un homme qui avait obtenu la réhabilitation pour agression sexuelle d'un jeune garçon dans les années 70 a récemment plaidé coupable pour de nombreuses infractions d'ordre sexuel concernant 14 victimes. Avant que son affaire ne soit portée devant les tribunaux, la réhabilitation avait été révoquée. Ce résultat est dû au fait que la condamnation antérieure de cet individu était bien connue dans la ville où les événements se sont produits, et qu'il a admis avoir été réhabilité. Dans une autre région du Canada, cette information n'aurait pas été connue.

Notre unité a également été impliquée dans une enquête sur un pédophile reconnu qui était en outre un candidat à la réhabilitation. Il n'avait fait l'objet d'aucune condamnation pendant plus de cinq ans. Il avait été signalé à l'attention de la police tandis qu'il flânait autour d'un terrain de jeux. Un citoyen avait appelé la police et lorsqu'on a procédé à une vérification, on a trouvé dans sa voiture divers objets dont des photographies d'enfants nus, des condoms, de la gelée KY, de nombreuses revues pornographiques, des cartes à jouer illustrées de nus, des friandises, des autocollants, des animaux en peluche, un appareil photo, des pellicules, des jumelles et un couteau. Il avait fréquenté une plage nudiste où il faisait des peintures sur les corps d'enfants prépubères.

Si les vérifications sur place n'avaient pas eu lieu, la Commission nationale des libérations conditionnelles n'aurait pas disposé de cette information. Ce genre de renseignements devrait avoir des répercussions sur sa demande de réhabilitation.

Notre unité a également été impliquée dans une enquête sur Internet concernant un homme qui croyait être en contact avec un garçon de 13 ans. Il correspondait en fait avec un adulte qui se faisait passer pour un enfant. Le suspect a envoyé de la pornographie infantile au garçon, lui a offert des drogues, lui a tenu des propos d'ordre sexuel et lui a fixé un rendez-vous dans un hôtel de Vancouver en lui conseillant de ne pas en parler à ses parents. Le suspect a également fait parvenir au garçon la photographie d'un autre garçon prépubère nu, un couteau sur son pénis, en lui disant que c'était ce qui arrivait à ceux qui parlaient.

Cet homme avait été reconnu coupable de pédophilie et avait avoué avoir demandé la réhabilitation. Il n'avait pas eu de nouvelles condamnations depuis plus de cinq ans avant cette nouvelle inculpation pour distribution de pornographie infantile.

Un homme, réfugié au demeurant, qui avait été déclaré coupable à Vancouver d'avoir eu des relations sexuelles avec une fillette d'un an et demi après avoir été pris en flagrant délit, a demandé et obtenu la réhabilitation après une période de 10 ans sans nouvelle condamnation. On a déclaré qu'il n'y avait pas eu de nouvelles plaintes. Quel enfant d'un an et demi peut déposer une plainte ou dévoiler ce genre d'agression sexuelle? Parce qu'il a été réhabilité, il peut maintenant demander la citoyenneté canadienne.

Les vérifications policières sont souvent faites à l'aide des ordinateurs des services policiers. Ces vérifications révèlent si l'individu fait l'objet d'un mandat pour actes criminels ou s'il a un casier judiciaire. Si le service policier est abonné au SRRJ de la GRC, on peut procéder à des vérifications plus poussées. Si la réhabilitation a été accordée, aucun renseignement concernant les infractions ne sera révélé par ces ordinateurs. Nombreuses sont les polices municipales qui ne sont pas abonnées au SRRJ et c'est le cas pour celle de Vancouver. Les vérifications faites par la police de Vancouver ne révéleront aucun renseignement provenant d'autres villes.

Les vérifications d'empreintes digitales coûtent aussi très cher. Un agent de mon unité m'a indiqué récemment qu'un membre de sa famille avait dû payer 50 $ pour une vérification d'empreintes digitales. Il s'agissait d'une enseignante qui devait obtenir, à ses frais, une vérification d'empreintes digitales pour chacune des commissions scolaires auxquelles elle adressait une demande d'emploi. Un bénévole, une personne à faible revenu ou un organisme sans but lucratif n'a sans doute pas les moyens de payer une telle vérification.

• 1125

Avant de venir—et je regrette, je n'ai pas de copie à vous remettre de cela—j'ai pu obtenir du Service de police de Vancouver une liste des vérifications d'empreintes digitales qui sont faites gratuitement; sinon cela coûte 50 $. Il y avait eu 33 exemptions, dont sept pour des organismes liés au Service de police de Vancouver comme le Centre des services de préparation aux procès de Vancouver, le tribunal et les services de probation de Vancouver, les services aux victimes témoins de Vancouver, Crime Watch c'est- à-dire le service de surveillance de la criminalité, les shérifs adjoints et le Service correctionnel. Les autres organismes, qui sont au nombre de 25 dans la ville, sont les seuls autres qui n'ont pas à payer. Il y a de nombreuses organisations sans but lucratif qui ne peuvent pas assumer ces frais.

Avant de venir ici, j'ai pu passer très brièvement en revue le projet de loi C-69 qui a été déposé lundi. Il répond à la plupart de mes préoccupations.

Malheureusement, c'est la Commission nationale des libérations conditionnelles qui est toujours chargée de prendre la décision. Le document de consultation parle de réduction du volume des cas exigeant une décision de la part de la Commission. Par exemple, à la page 4, on parle de 76 p. 100, c'est-à-dire de 8 369 décisions par année en moins. Le projet de loi C-69 laisse le soin de décider à la Commission. Par exemple, au paragraphe 6.3(1) proposé, on dit «le commissaire peut inclure». Au paragraphe 7.1(1) proposé, on dit «si elle se propose... la Commission». L'article 7.2 proposé dont je ne me souviens plus très bien... J'en ai discuté avec les autres agents de mon unité et je suis sûr de ce qu'il veut dire car lorsqu'on regarde l'article 7.1 proposé, il accorde à la Commission le droit de révoquer; il stipule: «Si elle se propose... la Commission...». Et pourtant l'article 7.2 proposé édicte:

    7.2 Les faits suivants entraînent la nullité de la réhabilitation

      a) le réhabilité est condamné [...]

Je ne sais pas si cela veut dire que c'est automatique ou que cela renvoie à l'article précédent qui est proposé: «Si elle se propose... la Commission...».

L'alinéa 6.3(2)b) proposé du projet de loi C-69 est la partie qui traite du consentement écrit. Et si la personne refuse de le donner? Est-ce un motif suffisant pour que l'organisme rejette la demande? Je ne suis pas juriste et je ne sais donc pas.

L'article 9.1 proposé édicte:

    9.1 Le gouverneur en conseil peut, par règlement:

      a) dresser la liste des infractions [...]

Je ne vois aucune liste. Mais il y a des questions que je me pose: la pornographie infantile, par exemple, va-t-elle figurer dans cette liste? La pornographie infantile va-t-elle être considérée comme une infraction sexuelle? La pornographie infantile, après tout, est une photographie qui vous permet d'assister à une infraction sexuelle en train d'être perpétrée. Va-t-elle considérer l'exhibitionnisme comme un outrage à la pudeur, par exemple un exhibitionniste qui se montre à de petits enfants dans un parc? Va- t-on inclure dans cette liste cette infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité? Je n'ai pas pu voir la liste et je ne sais donc pas.

Le président: Je vous demande réhabilitation, monsieur Headridge, mais vous serait-il possible de terminer en quelques minutes votre exposé? Vous avez dépassé le temps qui vous était imparti.

M. Bruce Headridge: Un individu ayant une attirance sexuelle marquée pour les enfants courra toujours le risque de devenir un délinquant. Le temps ni ne le guérira ni ne modifiera son attirance. Ce serait comme ordonner à un hétérosexuel de 35 ans de ne fréquenter qu'un homme obèse, chauve et poilu de 62 ans et de ne faire porter ses fantasmes ou ses pensées que sur cet homme-là. Aucune loi en vigueur ne pourra jamais l'empêcher de penser à ses véritables préférences sexuelles.

• 1130

Accorder la réhabilitation à un pédophile qui sera toujours à risque de commettre d'autres infractions ne fait que créer un danger pour ses victimes potentielles. Dans ces cas, nous augmentons le risque d'exploitation sexuelle de ceux que le gouvernement et la société affirment vouloir protéger. Accorder la réhabilitation à une personne qui représente une telle menace doit faire l'objet d'une étude beaucoup plus approfondie et de précautions beaucoup plus grandes.

La réhabilitation n'est pas un droit absolu, elle doit aussi être méritée par une personne véritablement réformée. Pour toutes ces raisons, j'appuie sans réserves le projet de loi C-284. Toute mesure qui limite le comportement d'exploitation d'un prédateur sexuel à l'égard de notre plus grande ressource, nos enfants, est à mon avis digne de soutien.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Headridge.

Monsieur Peters.

M. Gerry Peters (présentation individuelle): Monsieur le président, mesdames et messieurs, bonjour. Je m'appelle Gerry Peters. Je suis membre de la GRC et je suis ici aujourd'hui en tant que simple citoyen.

Je tiens à remercier le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de m'avoir invité à prendre la parole devant lui aujourd'hui. J'espère sincèrement que l'information que je vais lui fournir l'aidera dans ses délibérations sur ce sujet très important.

Je vous ai donné mes notes d'allocution, mais elles sont seulement en anglais. Je ne les ai pas fait traduire.

Je vais commencer par vous expliquer mon rôle et mes antécédents personnels au sein de la GRC. Je travaille à la section des actes criminels graves du bureau du quartier général de Colombie-Britannique. Je suis actuellement le seul agent de la GRC d'un service provincial s'occupant de prostitution qui travaille en partenariat avec les services de police de Vancouver, l'avocat de la Couronne provincial, le ministère de l'Enfance et de la Famille et le Bureau du procureur général de la Colombie-Britannique.

Entre 1991 et 1994, j'ai travaillé au service des enquêtes criminelles qui fait partie de la section des actes criminels graves. J'ai participé à de nombreuses enquêtes criminelles et aidé de nombreux organismes, y compris la Commission nationale des libérations conditionnelles. L'aide que j'ai apportée à cette dernière consistait à effectuer des enquêtes sur place pour des candidats à la réhabilitation. Les infractions pour lesquelles ces candidats avaient été déclarés coupables étaient variables mais comprenaient les infractions sexuelles contre des adultes et des enfants.

Les enquêtes sur place que j'ai effectuées consistaient notamment à interroger le candidat, à faire des enquêtes communautaires et des vérifications de casier judiciaire. Après avoir effectué de telles enquêtes, il m'est apparu clairement que la plupart des candidats à la réhabilitation pouvaient espérer à peu près sûrement l'obtenir.

Entre 1994 et 1998, j'ai assumé le rôle de coordonnateur des dossiers et de principal enquêteur pour l'enquête sur les écoles résidentielles des Indiens de Colombie-Britannique. Cette enquête sur les mauvais traitements présumés des enfants dans ces écoles continue encore aujourd'hui. Au cours de ces quatre années et pendant les quatre années qui ont précédé, j'ai fait des enquêtes pour des centaines de présomptions d'agression sexuelle d'enfants. J'ai personnellement interrogé un grand nombre de victimes qui avaient été agressées sexuellement lorsqu'elles étaient enfants et j'ai également remporté quelques succès en obtenant des confessions de la part des délinquants pendant ces entrevues.

Il y a une entrevue que je garde présente à l'esprit encore aujourd'hui et c'est celle d'un homme qui avait déjà été déclaré coupable d'agression sexuelle contre plusieurs jeunes garçons. Tandis que je lui parlais des infractions qu'il avait commises, il a admis être pédophile. Malgré les années passées en prison, il continuait à avoir des envies sexuelles très fortes à l'égard d'enfants. Cet homme m'a expliqué qu'on lui avait dit au cours de sa thérapie que pour venir à bout de son affliction, il devait éviter toute situation ou milieu qui pourrait donner lieu à des tentations. Il m'a expliqué qu'il devait essayer d'éviter les enfants mais qu'il trouverait sans doute cela impossible puisque selon lui, «ils sont partout». Pendant que je l'interrogeais, il a avoué qu'il avait sans doute eu des relations sexuelles avec davantage d'enfants, mais qu'il ne l'avait jamais admis auparavant. Il craignait de ne pas se souvenir de tous les enfants.

En Colombie-Britannique, lorsqu'un employeur ou un organisme bénévole engage une nouvelle personne, et c'est chose connue, cette personne qui va être dans une situation de confiance à l'égard d'enfants doit faire faire une vérification de son casier judiciaire au service de police local. Elle doit ensuite présenter les résultats de cette vérification à l'employeur avant d'assumer son nouvel emploi.

Même si cette exigence relativement nouvelle est un pas dans la bonne direction, il est très important de comprendre que le public tout comme les employeurs éventuels ont une certaine idée de ces vérifications du casier judiciaire. L'employeur, à qui l'on remet un document d'un bureau de police déclarant que l'individu n'a pas d'antécédents criminels, croit effectivement que cet individu n'en a pas. Un casier judiciaire vierge crée donc un faux sentiment de sécurité et peut donner lieu à une certaine complaisance.

Je crois sincèrement que la plupart des Canadiens savent très peu de choses sur la réhabilitation après des antécédents criminels et ont l'impression que l'on ne peut pas accorder la réhabilitation, ni même la demander, lorsqu'on a commis des infractions graves comme les agressions sexuelles d'enfants. De plus, je crois que la plupart des Canadiens ont l'impression qu'une fois que la réhabilitation a été accordée, la police peut encore avoir immédiatement accès à l'information du casier judiciaire. Comme nous le savons, ce n'est pas le cas.

Dans les années 20 et 30, il est peu vraisemblable qu'on ait eu les moyens de vérification que nous avons actuellement pour les personnes qui travaillent dans le secteur de la garde d'enfants. À l'heure actuelle, certaines organisations et institutions qui s'occupent de garde d'enfants appliquent avec le plus grand sérieux leur processus de sélection pour être sûres de ne pas être infiltrées par les pédophiles. Cela m'amène à faire une distinction très importante.

• 1135

Il m'est apparu clairement pendant mes enquêtes sur ce que j'appellerais les agressions sexuelles d'enfants dans des institutions, que les prêtres, les travailleurs des garderies et les membres du personnel de ces institutions, qui faisaient l'objet de nos enquêtes et de nos condamnations, ne sont pas devenus des pédophiles; ce sont au contraire des pédophiles qui sont devenus prêtres, travailleurs de garderie et membres du personnel. C'est une distinction qu'il est très important de comprendre. Elle montre bien que les pédophiles sont rusés et parfois retors. Ils cherchent un milieu où ils peuvent satisfaire leur comportement déviant. Si le dossier judiciaire est la seule chose qui les en empêche, la réhabilitation est une solution possible et souvent simple.

Sur les nombreuses enquêtes sur place que j'ai effectuées, la seule chose qui empêchait en général qu'on accorde la réhabilitation était la preuve que le comportement criminel perdurait. À ce que j'ai pu voir, ce n'est que très rarement que cette information apparaissait.

Bien que le projet de loi n'ait pas pour objectif de modifier la façon dont on accorde effectivement la réhabilitation, je dois dire que je suis inquiet qu'on l'ait accordée à certains des demandeurs que j'ai interrogés. Au cours des huit dernières années, j'ai eu une occasion unique pour découvrir et comprendre la dynamique de l'agression sexuelle des enfants. Après avoir effectué de nombreuses enquêtes dans ce domaine, il me semble évident que la pédophilie est une orientation sexuelle, en plus d'être une forme de comportement déviant. Je crois qu'un pédophile aura sans doute toujours une préférence sexuelle pour les enfants tout comme un hétérosexuel aura toujours une préférence pour la personne du sexe opposé. Je me fonde pour le dire non pas sur des hypothèses ou des ouï-dire, mais sur mon expérience en tant qu'enquêteur qui a comporté d'innombrables entrevues de victimes et de délinquants.

Une condamnation pour infraction sexuelle à l'égard d'un enfant est une claire indication que l'individu a des tendances pédophiles déviantes et qu'il est passé à l'acte. Nous devons admettre qu'il y a un risque que cet individu commette de nouvelles infractions. J'estime quant à moi que cette possibilité est grande. Mais même si vous n'êtes pas d'accord avec l'importance du risque, on ne peut pas dire que la possibilité de nouvelles infractions n'existe pas.

Aux États-Unis, on reconnaît cette possibilité et on la prend très au sérieux. Certains États américains ont mis en oeuvre une législation pour le suivi des délinquants sexuels et les organismes chargés d'appliquer la loi savent toujours où ils se trouvent dans leur collectivité. Je ne suis pas venu aujourd'hui pour vous suggérer d'adopter ce modèle au Canada. Je vous donne simplement cet exemple pour vous montrer le sérieux que d'autres pays accordent à la protection des enfants. Nous ne connaissons tous que trop les écoles résidentielles telles que l'Orphelinat de Mount Cashel qui représentent des chapitres sombres de l'histoire canadienne. Il est essentiel qu'on tire les leçons de ces événements.

Nous devons nous assurer que le maximum est fait pour protéger les enfants canadiens des pédophiles. Les amendements proposés dans le projet de loi C-284 nous permettront de mieux le faire.

Pour terminer, j'aimerais vous parler de la récidive. Statistiquement, la plupart des demandeurs n'ont pas été condamnés pour de nouvelles infractions après avoir purgé leur peine et obtenu la réhabilitation. Certains prétendront que ces individus ne commettent plus d'actes criminels et sont respectueux de la loi. Lorsqu'on essaie de calculer les taux de récidive, on ne se fonde souvent que sur les condamnations ultérieures. C'est une hypothèse peu fiable. Il suffit de voir le nombre incroyable d'infractions criminelles qui restent impunies et qui ne sont pas signalées chaque année pour le comprendre.

Les criminels à qui j'ai eu affaire n'étaient pas moins intelligents que le citoyen moyen. Certains sont sans doute plus intelligents. Ils apprennent, pendant le procès et en prison, là où ils ont commis des erreurs et exactement pourquoi ils se sont faits prendre. La plupart tirent les leçons de leurs expériences; les déviants sociaux ne sont pas différents. C'est une hypothèse énorme, et en plus dangereuse, que de dire qu'un criminel est réformé en se fondant uniquement sur le fait qu'il a été pris ou condamné à nouveau ou non.

Je tiens encore une fois à remercier le comité permanent de m'avoir donné audience aujourd'hui. Je serais heureux de répondre aux questions.

Le président: Merci, monsieur Peters.

Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther: Merci, monsieur le président.

Je dois dire que c'est un excellent témoignage que nous avons entendu et je suis heureux qu'il ait été enregistré. Je suis un peu déçu par le fait qu'il n'y ait pas davantage de membres du comité présents aujourd'hui pour entendre les témoignages que vous avez faits. Mais heureusement, ils ont été enregistrés et ils figureront dans les procès-verbaux.

Je pense notamment à quelques remarques qui ont été faites sur le projet de loi C-69 et qui concernent certains amendements supplémentaires proposés par ce dispositif. On parle entre autres de préciser dans le règlement les facteurs que le solliciteur général doit prendre en compte pour décider s'il doit divulguer des antécédents qui ont fait l'objet d'une réhabilitation. Or, je n'ai jamais vu ces facteurs et je ne crois pas qu'ils figurent dans les documents annexés au projet de loi pour ce qui est de savoir ce que le solliciteur général va utiliser pour décider si oui ou non son ministère va divulguer le dossier d'une personne réhabilitée. Il n'y a rien qui précise ces paramètres.

• 1140

Étant donné votre expérience et le contexte du projet de loi C-284, ou même le contexte de la discussion générale sur le fait de permettre aux organisations d'enfants d'accéder aux dossiers des personnes réhabilitées, voyez-vous un cas ou un moment, étant donné toute l'expérience que vous avez, où il aurait été justifié de ne pas transmettre ce dossier à l'organisation qui embauche, ou du moins de ne pas dire aux intéressés que le candidat a des antécédents de pédophilie pour lesquels il a été réhabilité, une fois qu'on a obtenu le consentement du postulant et qu'il est clair que l'organisation s'occupe d'enfants? Pouvez-vous penser à un cas de figure où il pourrait être raisonnable de ne pas divulguer les antécédents après la réhabilitation?

M. Gerry Peters: Si vous me le permettez, je répondrai le premier. Je ne parlerai pas précisément des projets de loi C-69 ou C-284 en répondant à cette question. Je n'ai eu l'occasion de ne parcourir que très rapidement le projet de loi C-69 aujourd'hui.

En gros, la réponse est non. Je ne comprends pas comment on peut refuser ce genre d'information. J'aimerais savoir ce qui va se passer par la suite, pour le cas où il y avait un risque et où l'information n'a pas été communiquée, si l'individu obtient l'emploi et commet à nouveau des actes criminels? Devons-nous rendre des comptes par la suite parce que nous n'avons pas communiqué l'information sachant qu'il y avait un risque? Je pense tout simplement que nous ne pouvons pas nous mettre dans une situation où nous refusons de transmettre l'information concernant des condamnations antérieures pour pédophilie.

M. Eric Lowther: Voulez-vous dire quelque chose sur le sujet, monsieur Headridge?

M. Bruce Headridge: J'ai parlé à deux spécialistes du domaine, le Dr Peter Collins et le Dr Mary Anne Layden. Peter Collins travaillait à ce qui était autrefois l'Institut Clarke et est maintenant au service de la Police provinciale de l'Ontario. Mary Anne Layden est également psychiatre et enseigne à l'Université de Pennsylvanie. Le Dr Layden vient de témoigner devant le Congrès pour des questions très semblables. Le Dr Peter Collins a témoigné devant des tribunaux de différentes instances, dans tout le pays. Tous deux m'ont dit ou ont dit, car je l'ai également entendu dans leurs conférences, qu'une fois qu'une préférence sexuelle est établie, cela ne changera pas.

Le Dr Layden dit qu'elle n'essaie pas de guérir l'individu mais de le contrôler. C'est pour cela que je ne vois aucune raison pour ne pas transmettre l'information.

M. Eric Lowther: C'est donc une question plutôt discutable dans le contexte de notre discussion d'aujourd'hui. Je tiens à ce que ce soit indiqué dans le procès-verbal, et cela concerne la question de la récidive, les actes criminels des pédophiles sont différents, il me semble, et j'aimerais que vous le confirmiez, d'une introduction par effraction. Ils diffèrent même peut-être des actes criminels violents proprement dits dans la mesure où on pourrait défendre la non-communication des antécédents judiciaires après réhabilitation dans d'autres circonstances. Mais à cause de la récidive, à cause de ce que vous venez de dire, ce genre d'acte criminel ne diffère-t-il pas des autres? Si nous prenions les choses de façon plus générale et que nous disions que nous allons prendre en compte tous les types d'actes criminels pour appliquer les mêmes règles, compliquons-nous un peu les choses? Ne doit-on pas faire une petite distinction entre ce type d'actes criminels et les autres?

M. Gerry Peters: Oui, je pense qu'il y a une différence qui tient au risque, à mon avis, à l'importance du risque et je pense que le risque de nouvelles infractions pour un pédophile est beaucoup plus grand, même si cela dépend en général des circonstances. Bien souvent, dans les actes criminels qu'il commet, ce qui entraîne le comportement fait partie d'une orientation qui existe à l'intérieur de la personnalité de l'individu. Cela a à voir avec sa psyché la plus profonde si vous me permettez d'utiliser ce terme, contrairement à une situation d'introduction par effraction ou de vol peut-être pour reprendre votre exemple, qui pourrait dépendre des circonstances puisqu'il s'agirait alors de répondre à un besoin à un moment donné.

• 1145

Le président: Monsieur Saada.

[Français]

M. Jacques Saada: J'aimerais soulever deux points.

D'abord, M. Lowther a parlé de deux aspects auxquels il est important d'apporter une réponse. En premier lieu, il a fait allusion aux critères qui vont régir tout l'accès aux fichiers. Je n'ai pas de réponse toute faite, mais je présume que si ce qui a présidé à la détermination de ces critères dans le passé a été la consultation de ceux qui travaillent sur le terrain, y compris ceux de la GRC, il n'y a aucune raison de croire que la façon de procéder sera différente. Autrement dit, on va probablement écouter les gens qui sont actifs sur le terrain pour savoir comment établir les meilleurs critères possibles.

En deuxième lieu, je ne veux pas entreprendre un grand débat là-dessus, mais

[Traduction]

Je ne sais trop comment le dire sans dévier et je ne veux pas dévier. Je veux aller droit au but. Les infractions sexuelles sont très graves. Je pense que personne ne va le contester ni même envisager de le contester. Mais il y a des infractions liées aux drogues dont les répercussions se font sentir toute la vie comme pour les infractions sexuelles. Il me semble que si nous comparons les actes criminels, on va tomber dans un domaine très flou. Je préférerais qu'on évite cela. Je préférerais qu'on s'en tienne à l'intention originale de votre projet de loi et de notre projet de loi qui concerne les infractions sexuelles.

Monsieur Headridge, j'ai bien aimé votre exposé et je vous remercie d'ailleurs tous les deux pour votre exposé. Mais il me semble que vous donniez plutôt des arguments contre le processus de réhabilitation que contre le signalement par un drapeau qui est proposé dans les deux projets de loi. Ai-je bien interprété?

M. Bruce Headridge: Le processus suscite chez nous des inquiétudes. Le signalement par des drapeaux est un outil très précieux pour l'application de la loi. L'un des intervenants précédents a parlé de l'article 810 du Code criminel. Sans pouvoir faire une vérification suffisante du casier judiciaire, sans pouvoir vérifier les antécédents criminels... Pour moi qui suis enquêteur, pour effectuer mon travail comme il se doit, pour demander un engagement de ne pas troubler l'ordre public conformément à l'article 810... J'ai les mains tellement liées que je ne peux pas faire mon travail à fond.

Ce qui m'inquiète aussi, c'est la possibilité d'une condamnation pour une nouvelle infraction. Comment peut-on condamner quelqu'un qui a été réhabilité à la suite peut-être de très nombreux antécédents de comportement criminel impliquant des enfants lorsqu'on ne sait même pas que la réhabilitation a été accordée? Cette autre inquiétude ne vient pas de mon métier de policier mais de mon rôle de père qui a trois filles dont l'une est handicapée mentale. Si ma fille fréquente des organisations sans but lucratif pour apprendre à se débrouiller, ma plus grosse inquiétude est de savoir qui s'occupe d'elle. Sans la communication d'office et à la façon dont les choses semblent être établies actuellement, il ne s'agit pas seulement de l'information communiquée par le ministre; il faut d'abord s'adresser à la commission des libérations conditionnelles qui va présenter l'information au ministre. Je ne suis pas sûr d'avoir raison à 100 p. 100 étant donné que je ne suis pas juriste, mais lorsque je regarde la Loi sur le casier judiciaire, elle édicte à l'article 2.1 que:

    La Commission a compétence exclusive en matière d'octroi, de délivrance, de refus et de révocation des réhabilitations.

M. Jacques Saada: Si vous me le permettez, j'aimerais répondre à cela car ce serait alors une inquiétude tout à fait légitime, mais ce n'est pas cela.

M. Bruce Headridge: Très bien.

• 1150

M. Jacques Saada: Permettez-moi de vous expliquer très brièvement le processus. Cela se passerait ainsi. Un demandeur postule un emploi. L'employeur lui demande ses antécédents criminels ou son dossier criminel éventuel. Le demandeur va donc trouver la police pour obtenir le document et celle-ci va consulter le CIPC où il y aura ou non un drapeau. S'il y a un drapeau, la police va demander que le dossier soit communiqué. Le solliciteur général acceptera ou non. Si le solliciteur général accepte, le demandeur revient trouver son employeur avec le document. Il n'est pas garanti qu'il aura automatiquement l'emploi s'il fournit le document. Il doit aussi convaincre l'employeur du fait que, malgré ses antécédents, il peut faire ce travail et qu'il n'y a aucun danger à ce qu'il le fasse.

Si lorsqu'on lui demande de fournir son dossier criminel, le demandeur refuse, l'employeur a alors la responsabilité de décider si oui ou non il veut continuer à étudier sa candidature.

Je crois, et on pourra me corriger si les statistiques ou les faits prouvent le contraire, que les employeurs qui ont affaire à un demandeur qui refuse de fournir ses antécédents criminels ne vont probablement pas engager cette personne. Ils ne vont pas prendre des risques.

Voilà en gros comment cela se passe.

Vous avez mentionné plusieurs «peut» et «devrait» du projet de loi, mais il y a une chose qu'il faut comprendre, et je regrette de devoir le dire, c'est que nous ne sommes pas parfaits non plus. Nous proposons un texte de loi qui doit être amélioré par règlement, par exemple. Nous pouvons alors édicter d'autres choses qui vont améliorer le projet de loi et qui figureront dans les règlements.

Par exemple, j'en parlais avec M. Lowther, et je crois que nous allons devoir continuer à en parler ensemble car c'est une chose très importante. Je parlais des 26 infractions qui vont être énumérées dans le règlement qui accompagnera le projet de loi C-69. S'il est nécessaire d'en ajouter ou d'en retrancher—et je ne vous dis cela que pour illustrer mon propos—nous pouvons le faire en l'occurrence. C'est la procédure normale. Nous ne traitons pas des éléments fondamentaux du projet de loi; nous nous occupons de détails et d'application du projet de loi. Il est donc normal que l'on ait des «peut». Cela ne m'inquiète pas; c'est ainsi habituellement.

Il y a autre chose que j'aimerais dire et, pour être honnête, je ne sais si j'ai raison ou tort parce qu'il va falloir que je demande des détails supplémentaires sur le sujet à la Commission nationale des libérations conditionnelles. Je ne sais pas si le travail qu'elle fait avant d'accorder la libération conditionnelle fait ou non partie du dossier qu'il est question de ne pas révéler après la réhabilitation. Mais la commission des libérations conditionnelles, qui a la responsabilité d'accorder la réhabilitation, ne le fait pas simplement parce que le temps s'est écoulé. Il y a tout un processus qui est lié à l'octroi de la réhabilitation; on procède notamment à des entrevues non seulement du candidat à la réhabilitation, mais également d'autres groupes et organisations qui ont leur mot à dire et qui peuvent avoir des renseignements précieux en l'occurrence, notamment la police.

Comme je l'ai dit donc, je ne sais pas si les résultats de ces entrevues et enquêtes font ou non partie du dossier et je vais le vérifier. Je crois que la Commission nationale des libérations conditionnelles va venir témoigner devant ce même comité. Je le vérifierai donc.

Mais j'estime que c'était important car M. Peters et vous, M. Headridge, et plusieurs autres personnes qui sont ici à titre de témoins ou qui sont assises autour de la table... Comment puis-je, comment pouvez-vous, comment pouvons-nous ensemble discuter autour de cette table sans penser que nous avons des enfants à la maison et des enfants qui pourraient se trouver dans des situations où ils courraient des risques?

• 1155

Le président: Monsieur Saada, puis-je vous demander de conclure?

M. Jacques Saada: Je suis désolé. Vous m'avez dit que j'avais tout le temps, alors...

M. John McKay: Ce n'est pas une chose à dire à un politicien.

Le président: As-tu fini?

M. Jacques Saada: Oui.

Le président: Voulez-vous commenter les observations de M. Saada?

M. Bruce Headridge: Ce n'est que dans le cas que j'ai pu vous citer, qui est celui d'une enquête en cours, je ne peux donc pas vous donner beaucoup de détails. C'est le cas du garçon de 13 ans qui a été retiré du domicile par le ministère. Tout ce que je sais, c'est qu'il n'y a pas encore eu communication.

Le président: Merci, monsieur Headridge.

Monsieur Cadman.

M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Réf.): Merci, monsieur le président. J'aurais une brève question à poser.

Monsieur Headridge, dans vos remarques liminaires, vous avez fait des observations que je trouve très dérangeantes sur la façon dont on a découvert certaines choses, sur le fait que certaines personnes demandent la réhabilitation et qu'il semble presque que l'on soit tombé par hasard sur l'information parce que quelqu'un a vu ce monsieur traîner autour d'une cour d'école. Cela s'est-il produit dans le cadre d'un processus normal ou est-ce essentiellement un coup de chance et que quelqu'un a remarqué quelque chose de particulier et l'a signalé? Autrement, ces personnes avaient-elles de bonnes chances d'obtenir leur réhabilitation?

M. Bruce Headridge: Autant que je sache, il s'agit d'un coup de chance. Le travail de la police est souvent un coup de chance. C'est simplement qu'on a de la veine et qu'on les attrape, qu'il s'agisse d'un délinquant sexuel ou d'un voleur qui attaque une banque. On se trouve au bon endroit au bon moment, ou un citoyen suffisamment alerte téléphone à la police au bon moment pour lui permettre de se rendre sur les lieux alors que l'individu y est toujours.

L'individu dont vous voulez sans doute parler est celui qui peignait les corps des adolescents à Wreck Beach, notre plage de nudistes locale, qui fait actuellement l'objet d'une enquête. Mais en ce qui concerne son schéma de comportement, sans qu'il ait été condamné, il est évident qu'il s'intéresse toujours aux petits enfants.

M. Chuck Cadman: Merci, monsieur le président.

M. John McKay: Le projet de loi de M. Lowther a un certain intérêt du fait de sa simplicité puisqu'il dit que le ministre est tenu de divulguer, mais il est un peu limité pour ce qui est de l'annexe concernant les infractions que l'on pourra modifier pour l'augmenter.

Puis on passe à un certain pouvoir discrétionnaire. Il s'agit vraiment de savoir à qui devrait revenir ce pouvoir. Ayant étudié les deux projets de loi, pensez-vous que l'on doive accorder ce pouvoir discrétionnaire au ministre, à la Commission nationale des libérations conditionnelles ou à la police, ou que l'on devrait l'éliminer complètement du système?

M. Bruce Headridge: À mon avis, s'il doit y avoir pouvoir discrétionnaire pour divulguer l'information concernant la réhabilitation lorsqu'il s'agit de délinquants sexuels et d'enfants, j'opterais pour le ministre.

M. John McKay: Merci.

Le président: Y a-t-il d'autres questions? Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther: J'aimerais faire une remarque sur ce qu'a dit M. Saada concernant les dossiers accompagnés d'un drapeau. À ce moment-là, vous vous adressez au solliciteur général pour obtenir ce dossier. Admettons que le candidat ait un casier judiciaire, qu'il ait obtenu la réhabilitation et qu'il amène ce dossier à l'institution qui veut l'engager. Il dit qu'il n'a pas commis d'autres infractions mais qu'il a des antécédents de pédophilie qui ont fait l'objet d'une réhabilitation. À ce moment-là, l'institution va dire qu'elle ne veut pas l'engager dans ces circonstances. Je signalerais au comité qu'il me semble qu'à ce stade, elle pourrait contrevenir à la Loi canadienne sur les droits de la personne. C'est notamment pour cela que nous avons annexé cet amendement.

M. Jacques Saada: Il y a énormément de précédents qui ont même été établis par la Cour suprême, selon lesquels la notion de discrimination a des limites, et cela pourrait rentrer dans ce cadre.

M. Eric Lowther: On parle de signaler par un drapeau. Les deux projets de loi en parlent. Je veux qu'on s'occupe des deux ensemble. Je ne veux pas qu'il y ait concurrence entre les projets de loi, mais j'ai l'impression que c'est sur cette voie que nous nous sommes engagés. Peu importe ce que nous ferons, nous devons comparer les avantages et les inconvénients de chacun. Les deux projets de loi parlent de signaler le dossier par un drapeau.

• 1200

Mais il y a eu ensuite cette remarque sur le pouvoir discrétionnaire à la suite de ce qu'a dit M. McKay. M. Headridge, vous avez dit que s'il devait y avoir pouvoir discrétionnaire, il fallait le laisser au solliciteur général. Il me semble que si les conditions sont remplies au départ—il s'agit d'une organisation qui embauche, la personne a consenti par écrit à ce qu'on procède à une vérification de son dossier, il y a eu réhabilitation—est-ce qu'on a besoin du pouvoir discrétionnaire? Les conditions sont remplies. À qui va-t-on accorder ce pouvoir discrétionnaire? Ne pouvons-nous pas le donner à l'organisme qui embauche? Préféreriez- vous ce cas de figure plutôt que d'avoir un pouvoir discrétionnaire quelque part dans la chaîne?

M. Bruce Headridge: Premièrement, pour l'enquêteur sur place, le signalement par un drapeau est un outil extraordinaire. Cela ne nous donne pas beaucoup de renseignements. Cela nous dit simplement que l'histoire n'est pas complète, que le tableau général n'est pas complet.

Deuxièmement, vais-je pouvoir obtenir cette information? Ce semble être la question essentielle. On admet aisément dans les deux projets de loi que le signalement par un drapeau des infractions sexuelles contre des enfants ne constitue pas vraiment un problème. Le problème semble être de savoir si oui ou non le ministre devrait communiquer cette information et s'il peut ou non le faire. À mon avis, il n'y a pas de raison de ne pas communiquer cette information à cause du facteur de risque qui existe avec un prédateur sexuel. Il peut se trouver que la préférence sexuelle de l'intéressé n'ait rien à voir avec l'emploi qu'il postule, mais l'organisme qui va l'engager et qui va être responsable sur le plan civil de sa conduite devrait avoir le droit du moins de savoir qu'il y a quelque chose et devrait pouvoir prendre une décision en connaissance de cause plutôt qu'en méconnaissance de cause.

Je crois que le ministre devrait communiquer le dossier s'il contient des situations d'exploitation sexuelle d'enfants et si la personne postule un emploi où elle sera dans une situation de confiance à l'égard d'enfants, et seulement dans ces circonstances. Comme l'indique également le projet de loi C-69, cela vaudrait également pour les handicapés mentaux et physiques ainsi que les aînés, mais on m'a demandé de venir ici aujourd'hui pour vous parler des enfants.

Le président: Le parti qui est à ma droite a droit à la parole s'il souhaite se prévaloir de ce droit.

M. John McKay: Sur ce même sujet, pour certains groupes, comme les scouts, il est assez facile de constater qu'ils recherchent le bien-être des enfants. Mais pour d'autres, cela pourrait être moins évident à première vue. Simplement parce qu'une personne postule un emploi où elle n'aura pas affaire à des enfants ne veut pas dire que par la suite, la même organisation ne va pas la placer dans une situation où elle aura affaire à des enfants. Je me demande donc si la prémisse voulant que l'organisation figure sur une liste ou s'occupe d'enfants est une fausse prémisse. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Bruce Headridge: Je ne sais pas si je dirais que c'est une fausse prémisse. Je dirais qu'il faudrait que cette situation implique des enfants et qu'elle coïncide avec la législation qui est déjà en vigueur. Le Code criminel fixe très clairement des limites d'âge. Si l'individu a des antécédents d'infractions contre des enfants en général, je pense que cela devrait être révélé d'office.

• 1205

M. John McKay: Cela devrait-il être révélé à n'importe qui?

M. Bruce Headridge: Non, simplement à la police et à l'organisation qui présente la demande.

Je crois que les deux projets de loi indiquent clairement que les seuls qui pourront obtenir cette information sont la police, au nom de l'organisation, et l'organisation afin de lui permettre de juger si l'intéressé convient pour cet emploi ou pour être engagé à titre de bénévole. Il y a des pénalités très sévères qui sont prévues dans les deux projets de loi si l'on contrevient à cela.

M. Gerry Peters: Si vous me permettez une remarque, le dilemme que vous avez dans l'exemple que vous avez donné ne relève-t-il pas en fait de la politique provinciale? Vous parliez de demander une vérification du casier judiciaire et, si l'individu commençait dans une organisation en assumant des fonctions où il n'avait pas affaire à des enfants, mais que par la suite on l'envoie dans un secteur où c'est le cas, il aurait en quelque sorte contourné l'exigence de vérification obligatoire du casier judiciaire.

M. John McKay: Exactement.

M. Gerry Peters: Mais cette organisation ayant quand même en partie à s'occuper d'enfants n'exigerait sans doute pas de tous ses employés qu'ils obtiennent des extraits de casier judiciaire, mais le demanderait certainement à ceux qui travaillent dans le service où il y a des enfants. Ces personnes auraient donc dû faire cela au moins une fois du fait de lignes directrices provinciales. On pourrait ensuite peut-être prévoir des exigences supplémentaires pour quiconque arrive dans ce service de l'extérieur ou d'un autre secteur de l'organisme, notamment la vérification en question à l'intention de l'employeur.

Ai-je bien compris et répondu?

M. John McKay: Oui, vous avez bien montré le dilemme. Je ne sais tout simplement pas comment résoudre ce problème et je demande qu'on me fasse des suggestions.

M. Gerry Peters: Il faudrait peut-être que cela se fasse de façon rétroactive.

Le président: Monsieur McKay, merci beaucoup.

Je tiens à remercier encore une fois les témoins pour leur exposé et pour leur franchise. Merci infiniment.

Je demanderais aux membres du comité de rester pour une brève discussion à huis clos sur une question qui concerne notre sous- comité chargé de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Merci beaucoup.

[Note de la rédaction: Les délibérations continuent à huis clos]